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samedi 4 janvier 2025

Ouvrir et créer


Nous avons développé au maximum nos capacités d’analyser, de classer, de répertorier, d’échafauder des théories, d’émettre des hypothèses, d’accumuler, d’évaluer, de comparer, créant couche après couche un monde linéaire que nous avons voulu logique et déductible et voilà que nous avons engendré un monstre qui tel un boomerang fatal, lancé dans l’enthousiasme d’une croissance supposée infinie, revient vers nous dans un décor de nuages noirs.

Nous avions oublié l’impermanence de toute chose, et cette particularité si spécifique à la vie sur Terre : la dualité. Cette dualité qui fait se succéder le jour à la nuit, l’ombre à la lumière, qui oppose le bien au mal et ce qui en haut à ce qui est en bas. Nous nous sommes tant complus dans cette dualité, qu’elle est devenue nôtre et que nous pensons à tort qu’elle nous constitue.

Mais nous sommes UN, riche d’une histoire éternelle, de capacités infinies et de dons insoupçonnés.

Alors plutôt que de rester passif, sidéré et néanmoins critique en attendant que l’horrible boomerang fatal que nous avons nous-mêmes lancé, vienne nous anéantir, pourquoi ne pas aller chercher au fond de nous, tous les talents insoupçonnés des créateurs que nous sommes.

Élargissons notre conscience, ouvrons tout grand les portes de notre cœur, inventons des fenêtres, des portails, des passerelles que certes, les yeux de la raison ne voient pas, mais que nos rêves créateurs peuvent en tout temps manifester.

Réinventons la vie, l’amour, le futur, l’humanité, en plus lumineux, en plus généreux, en plus gai...

Elisabeth Kuhn

collage artistique: Jiro Ban - the door

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samedi 21 décembre 2024

Etre dans le bain

 exercice de style: drôle, comique, satirique, ironique, sarcastique, léger. 


La Non-Dualité : Parce qu’On Est Tous Dans le Même Bain

Alors, la non-dualité, c’est quoi ? C’est un peu comme si l’univers te disait : « Surprise, mon pote ! Tout ce que tu pensais séparé, c’est en fait une seule et même chose. » Toi, moi, la chaise, le chat, le wifi qui lag – tout ça, c’est qu’un gros mélange. Pas de frontières, pas de limites, juste une immense soupe cosmique où tout flotte ensemble. Appétissant, non ?

En Inde, ils appellent ça Brahman. Le concept, c’est que tout est une grande conscience universelle. Mais toi, tu crois que t’es spécial avec ton petit « moi » bien distinct. Eh bien non ! Tout ça, c’est un effet spécial de māyā, une sorte de Netflix spirituel où tu regardes un film tellement immersif que t’oublies que c’est pas la vraie vie.

Les bouddhistes, eux, disent que tout est vide. Non, pas vide comme ton frigo à la fin du mois, mais vide d’existence propre. En gros, rien n’a de substance toute seule, tout est interconnecté. C’est un peu comme quand tu fais tomber ton téléphone : ce n’est pas juste la gravité, c’est une conspiration universelle pour te rappeler d’acheter une coque.

Et Plotin, le philosophe néoplatonicien, te dira que tout vient de l’Un. Pas « un » genre « toi tout seul », hein. « Un » genre le Grand Tout. Tu vois une forêt ? Eh bien, c’est pas une forêt, c’est un arbre multiplié à l’infini par un logiciel divin. Magique, non ?

Le truc avec la non-dualité, c’est qu’elle te met face à une vérité simple mais difficile à avaler : la séparation, c’est dans ta tête. Pas de « moi contre le monde », parce que t’es le monde. Et le monde, c’est toi. Alors la prochaine fois que tu râles contre la météo, rappelle-toi que techniquement, t’es aussi les nuages. Voilà, ça calme, hein ?

Bref, la non-dualité, c’est pas juste un délire de yogis perchés ou de philosophes en sandales. C’est une invitation à arrêter de te prendre trop au sérieux. T’es une vague dans l’océan, mon ami. Alors, surf ou plonge, mais surtout, profite du bain.

Pierre Vaillancourt

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vendredi 20 décembre 2024

Silence avant tout

" Écouter le silence "....

bien sûr on entend rien....


ou on entend toujours les sons résiduels....

le silence est le fond sur lequel apparaissent ces sons...

mais en écoutant le silence, ces sons passent au second plan,

et cet espace de fond silencieux, passe au premier plan....

et cette mise en évidence de ce fond, ramène à l'écoutant...

________ à l'être ici et sa conscience.....

Rien de plus, rien de moins.

_______________ Silence.... 😇 

*

_______________ Douce écoute.... ❤ 😘

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Charles Coutarel

mercredi 4 décembre 2024

Révolution pacifique

 


Qui a dit : « tu » ne tueras pas ?

Quelle femme ? Quel homme ? Quel Dieu ?

Seul un « je » peut dire « tu » et « tu » ne tueras pas.

Quel est ce « je » origine d’une telle conscience et d’une telle loi ?

Le « je » d’Abraham, de Moïse, de Yeshoua ? Le « je » de chacun de nous, quand nous sommes en bonne santé et de bonne humeur ?

Aujourd’hui, il paraît qu’il n’y a plus de « je », seulement des « on » qui se déclarent la guerre et se terrifient les uns les autres, avec leurs machines efficaces, leurs engrenages et agrégats de violence, de peur, de colère, de plainte qui emportent le « je » loin de lui-même, loin du beau « Je suis » calme et silencieux dont on a fini de rêver.

Pourquoi parlons-nous de « révolutions » et de « gardiens de la révolution », qu’elle soit islamique, française, sioniste, américaine et autres, toutes ces « révolutions » se font dans le sang ?

La véritable révolution qui littéralement veut dire « revenir à soi », « être de retour », revenir à « je », à « Je suis » ne semble pas encore née.

N’est-ce pas faire « un pas de plus », (ultreïa disaient les pèlerins) ? N’est-ce pas aller au-delà de tous ces « on » belliqueux et de toutes ces mémoires orgueilleuses et vengeresses pour découvrir un « je » libre, capable de dire : « je » ne tuerai pas et si « tu » le veux toi aussi, « tu » ne tueras pas ; toi aussi, tu seras libre, libre d’exister sans crainte ni convoitise.

Tant que « je » n’est pas en paix, « on » ne sera jamais en paix.

Encore une évidence que tout le monde sait et que personne ne fait.

Il faut un « je » pour le faire, « on » ne le fera pas à notre place.

 Jean-Yves Leloup, Décembre 2024

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dimanche 24 novembre 2024

Manger et sourire



S’asseoir à table et manger en compagnie d’autres personnes est une occasion d’offrir un authentique sourire d’amitié et de compréhension. C’est très facile, mais peu de gens le font. Pour moi, l’aspect le plus important de la pratique est de regarder chaque personne et de lui sourire. Quand des membres d’une même famille ou d’une communauté sont assis ensemble sans pouvoir se sourire, la situation est vraiment critique. À la fin du repas, prenez quelques instants pour constater que vous avez terminé, que votre bol est vide maintenant et que vous êtes rassasié.

C’est une autre occasion de sourire, d’être reconnaissant pour le repas que vous avez pris, qui vous a nourri et qui vous soutient sur le chemin de l’amour et de la compréhension.

Thich Nhat Hanh - extrait de Vivre en pleine conscience - Manger

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mardi 19 novembre 2024

Câlins en conscience

Vous souvenez-vous de votre dernier vrai câlin ? Peut-être venait-il de votre maman, d’un ami, de votre conjoint, de votre enfant… Avez-vous vraiment pris le temps de l’apprécier à sa juste valeur ? Le moine bouddhiste Thich Nhat Hanh propose sa façon à lui de profiter pleinement de tout le réconfort que peut offrir une belle et longue accolade.


« En 1966, une amie m’a déposé à l’aéroport d’Atlanta. Au moment de se dire au revoir, elle m’a demandé « Est-ce vraiment correct d’offrir une accolade à un moine bouddhiste? ». Dans mon pays, on n’est pas habitué à exprimer ses sentiments de cette façon, mais j’ai pensé : « Je suis professeur de zen. Ça ne devrait pas me poser de difficulté. ». Alors j’ai dit « Pourquoi pas ? », alors on s’est serrés dans les bras mais je suis resté très raide. Une fois dans l’avion, j’ai décidé que si je voulais continuer à travailler avec des occidentaux, il me faudrait apprendre leur culture. »


« Il faut réellement serrer la personne que l’on tient dans ses bras. Il faut la rendre bien réelle, bien présente, ne pas faire semblant de lui caresser le dos, mais respirer profondément et la serrer avec tout votre corps, votre conscience et votre cœur. Cette forme de méditation est un véritable exercice de pleine conscience. […] Si vous respirez bien à fond, en entourant de vos bras cette personne qui vous est chère, elle recevra l’énergie de votre amour, s’en nourrira et éclora comme une fleur. […]

Avant de serrer la personne dans vos bras, tenez-vous face à elle et revenez au moment présent. Ensuite, ouvrez vos bras et commencez à la câliner. Comptez trois respirations complètes. Pendant la première, prenez conscience de votre corps et de l’énergie qui l’anime. Pendant la deuxième, imprégnez-vous de cette présence et du bonheur qu’elle vous procure. Pendant la troisième, imaginez vos deux corps comme un tout et mesurez toute la gratitude qui vous traverse alors. […]

Prendre le temps de serrer l’autre dans ses bras, c’est un peu comme lui réinsuffler de la vie. Pour ça, pas besoin d’être sur le point de se quitter, vous pouvez la prendre dès maintenant dans vos bras et vous nourrir de la chaleur de sa présence. »

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dimanche 3 novembre 2024

Corps et Vedanta


 Première évidence, le corps sera réduit en poussière, en cendres, décomposé. On ne peut donc pas le considérer comme une réalité ultime. Mais, deuxième évidence, ce «précieux corps humain» - ainsi que l'appellent les Tibétains - est indispensable pour progresser sur la Voie de l'Éveil. En fait, le corps est comparable au véhicule qu’on utilise pour faire la route, et qu'on abandonne quand le but a été atteint.

Le paradoxe, c'est que les Chrétiens, pour qui le thème de l'incarnation est fondamental, ont beaucoup plus négligé le corps que les Hindous ou les Bouddhistes qui, eux, insistent sur son impermanence. Pour les Indiens, la conscience doit se libérer par rapport au corps, mais ceci ne les empêche pas de prendre très nettement appui sur ce corps, notamment dans la posture de méditation qui, en elle-même, constitue une relation consciente avec le monde des sensations. Dans l'anthropologie védantique des koshas, le premier des différents revêtements du Soi est le corps physique, fait de toutes les nourritures que nous avons absorbées. Or, tous les niveaux - somatique, psychique et spirituel - étant interdépendants, il suffit de demander au corps physique d'entrer dans la posture de méditation pour intervenir, à tous les autres niveaux. C'est d'ailleurs pourquoi beaucoup de maîtres se réclamant de l'Advaïta Vedanta pratiquent les asanas du Yoga. Cela dit, le débutant, pour sa part, court le risque, presque inévitable, que l'égocentrisme, avec ses peurs et ses désirs, ne récupère à son profit la démarche sur la Voie et développe une véritable idolâtrie de son propre corps, se faisant par exemple photographier dans toutes les postures de Yoga ou de Zazen... comme il peut d'ailleurs également se gratifier avec des idées métaphysiques non-dualistes ou se bercer avec une sentimentalité encore infantile concernant l'amour de Dieu ou de la Vierge Marie...

Le risque existe, mais l'important c'est d'être assez convaincu pour ne pas s'arrêter là, et aller plus loin. Ce risque, en tout cas, ne justifie pas de maltraiter le corps, ni de le négliger. Puisque, de toute façon, le corps existe, ne pas en tenir compte et ne pas l'inviter à la démarche spirituelle revient à en faire un obstacle !

Mais se désidentifier du corps

Si toute démarche spirituelle exclut de négliger le corps, l'Advaïta Vedanta considère aussi comme fondamental de s'en désidentifier, c'est-à-dire d'être de plus en plus lucide quant au fait que le corps n'est que changements, vieillissement, et qu'en fin de compte il se résume à une succession de sensations qui se présentent dans la conscience. Si je regarde un film qui me passionne, j'oublie complètement le corps physique. La perception du corps n'est donc qu'un enchaînement de formes changeantes se succédant à la surface de la conscience. Nous pouvons être tour à tour conscient d'un corps lourd et fatigué, d'un corps léger et plein de dynamisme, d'une douleur ici, d'une raideur là... le corps n'a aucune réalité fixe !

On doit donc cesser de s'identifier à ces perceptions changeantes. A cette condition, peu à peu, se révélera une «conscience témoin» qui ne sera pas affectée par les messages du corps, se contentant d'un simple constat : il y a une douleur ici, une impression générale de fatigue, une impression de dynamisme, une impression de raideur... Du point de vue de la pratique, ces perceptions et conceptions telles que : «je suis trop gros, je suis trop mince, je suis petit et j'aurais préféré être plus grand», sont systématiquement reconnues comme des sensations et des pensées qui se succèdent dans la conscience mais dans une conscience libre, non affectée, qui ne s'identifie plus, ici et maintenant, à ces «formes» limitées et impermanentes.

Cette désidentification suffit, en elle-même, à désengager la vraie nature de l'esprit, laquelle n'a pas de forme particulière et en laquelle se succèdent des sensations pouvant donner naissance à des émotions «oh non, pas encore cette fatigue», et à des pensées «pourquoi suis-je comme ceci et pas comme cela».

Voir et reconnaître tout cela permet de s'établir de plus en plus stablement dans cette conscience sereine qui ne réagit pas en constatant que des réactions se produisent en nous.

Revue Samsara n°18 janv-fév 2000

A lire : Les chemins de la sagesse - Trois tomes. A la recherche du Soi - Quatre tomes. 
Le message des Tibétains. Yoga et spiritualité. Approches de la méditation.

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jeudi 31 octobre 2024

Sa propre voie

 Le Tao est un cheminement solitaire, équilibriste entre les obligations de notre société et la quête d’un non-agir qui semble parfois inaccessible.

L’histoire du jour résonne fortement avec cette quête d’un chemin qui se dérobe sous nos pas, aussitôt que nous choisissons consciemment de l’emprunter.

Han Xiangzi, le musicien et poète Immortel


Han Xiangzi était un enfant intelligent, mais différent. Difficile à apprivoiser, qui se tenait hors des sentiers que l’on tentait vainement de tracer pour lui. On disait que son âme était celle d’une grue blanche, intégrée dans son enveloppe humaine par l’Immortel Zhong. Une grue blanche, symbole de chance, de sagesse et de paix.

L’enfant fut élevé par Han Yu, un illustre fonctionnaire, qui tenta de l’éduquer pour le faire entrer, plus tard, dans les services gouvernementaux. Han Yu proposait à Han Xiangzi une voie toute tracée. Bien rangée. L’enfant se désintéressa de cette voie, naturellement, sans rébellion. Il s’en écartait sans effort ni volonté apparente.

Han Xiangzi possédait un don, lui permettant de faire pousser et fleurir une multitude de plantes en quelques secondes. Une nature intérieure trop puissante pour être canalisée par une vie toute tracée. Une fois adolescent, Han Xiangzi devient le disciple de l’Immortel Lü Dongbin. Il emmena le jeune homme les branches du Pêcher Surnaturel, pour lui permettre d’apercevoir l’entrée du paradis.

Han Xiangzi chuta des branches, mais devint lui-même Immortel avant de toucher le sol. Lü Dongbin lui proposa alors de le rejoindre dans les cieux. L’adolescent refusa poliment. Il préférait rester sur terre, pour parcourir les montagnes et vivre en communion avec la nature. On l’aperçut alors par les vallées, les forêts et les villages, jouant de sa flûte magique. Un instrument qui avait le don de restaurer l’harmonie autour de lui. Les animaux le suivaient, hypnotisés.

Au cours des années qui suivirent, Han Xiangzi refusa d’accorder la moindre importance à l’argent et à la reconnaissance des humains. Il jetait à terre tout ce qu’on pouvait lui offrir. Il fut connu pour ses prophéties et ses sublimes poèmes, qu’il aimait inscrire sur les pétales des pivoines. Il parcourut ainsi son propre chemin, armé de sa flûte magique, capable de guérir et élever les esprits.

Han Xiangzi : la sagesse de suivre sa propre voie


L’histoire douce et poétique de Han Xiangzi regorge d’enseignements et nous indique de nombreuses pistes de réflexion. Han Xiangzi, en se détournant du sentier droit et tout tracé qui lui était proposé par Han Yu, n’a pas exprimé d’acte de rejet. Il n’a pas fui, ne s’est en rien opposé à ce qui lui était offert.

Il s’en est simplement détourné. Naturellement, doucement, calmement. Il a suivi un chemin de traverse, qui s’écoulait doucement à côté du sentier bétonné que Han Yu lui offrait. Son propre chemin, qui s’écartait naturellement des attentes du monde.

Par deux fois, des hommes très différents lui ont proposé d’emprunter un sentier qui semblait idéal pour lui. Han Yu et Lü Dongbin, tous deux, ont offert au jeune homme de suivre leur voie. Une vie de fonctionnaire et une vie aux cieux. Par deux fois, Han Xiangzi s’en est doucement écarté. Par deux fois, Han Xiangzi quitta la route qui s’ouvrait devant lui, pour traverser les prairies des possibles, et tracer son propre cheminement. Naturellement, comme une feuille qui tombe de son arbre et se laisse emporter par le vent.

Le Tao nous enseigne que chaque individu doit trouver sa propre voie. Quitter l’autoroute de ce qui semble normatif et bien structuré, pour découvrir son propre itinéraire. Le Tao ne s’impose pas à nous, il nous est impossible d’apprendre ses enseignements de manière dogmatique.

Le Tao n’est pas une autoroute toute propre, toute tracée, toute lisse. Le Tao est le chemin que nous traçons par notre propre intuition, dans un pré fleuri. Nous devons le trouver par nous-mêmes. Que se passe-t-il lorsque nous restons sur l’autoroute de ce que la société attend de nous ? Nous perdons de vue le pré fleuri. Nous perdons notre propre nature. Perdus dans un quotidien stressant, nos obligations, le bruit des villes, des personnes qui nous entourent, des responsabilités…

Nous n’écoutons plus ce qui murmure tout bas. Ce qui nous dit doucement que l’harmonie n’est pas ici. Dans notre vie moderne, de nombreuses choses nous maintiennent, de gré ou de force, dans un chemin qui nous est attribué sans que nous ne l’ayons choisi. La productivité. Le sérieux. L’ambition. 

Prenons un instant pour y réfléchir. Dans quels domaines de votre vie avez-vous l’impression de suivre une voie qui n’est pas la vôtre ? Avez-vous déjà eu l’impression que votre chemin était ailleurs ? Je ne parle pas ici de rébellion, de quitter la société moderne et de vivre en ermite. Je me questionne simplement sur les voies que nous suivons parce qu’elles semblent logiques. Sans qu’elles ne résonnent pleinement en nous.


Au contraire, quelles sont les décisions, les petits sentiers isolés que nous avons empruntés, et qui nous ont apporté un véritable sentiment d’harmonie ? Se détourner des conversions médisantes et des commérages. Ne pas s’intéresser aux « qu’en dira-t-on ». Prendre du temps pour se promener, seul, en forêt. Cuisiner en pleine conscience, en appréciant chaque geste, chaque odeur et chaque sensation. Commencer à peindre, ou à jouer de la guitare, car cela résonnait avec un appel profond qui existait en nous.

Il ne s’agit pas alors de rejeter en bloc ce que la société contemporaine nous offre. Mais plutôt de prêter une oreille plus attentive à ce que souffle notre nature profonde. Suivre davantage notre instinct, notre quête naturelle d’harmonie, pour tracer notre propre cheminement. Dans l’acceptation de ce qui s’offre à notre intuition, sans effort ni ambition.

Le Tao se révèle à nous, simplement, quand nous suivons nos instincts. L’art comme un reflet de l’harmonie. 

L’art de Han Xiangzi découle de son harmonie intérieure. En jouant de la flûte, en inscrivant ses poèmes et prophéties sur les pétales des pivoines, Han Xiangzi retourne simplement au monde ce qui existe en lui. Dans un cycle vertueux, sans objectif. Il résonne alors pleinement avec le Tao.

La légende de Han Xiangzi nous enseigne que l’art n’est pas un moyen intentionnel de transcender. Il s’agit d’une conséquence, et non pas d’une cause. La conséquence de l’harmonie fluide et naturelle avec le Tao. Il ne s’agit alors pas d’un chemin direct vers la transcendance. Plutôt d’une expression spontanée de cette union entre le flux naturel et universel, et ce qui fait de nous des humains.

Notre intuition. Notre créativité. Notre capacité à voir et apprécier la beauté de ce monde.

L’expression artistique, dans une perspective taoïsme, n’est pas un exutoire, un moyen de nous défouler et de nous apaiser. Mais davantage une manifestation de notre tranquillité intérieure. L’art taoïste est alors une manière en soi d’incarner le non-agir (wu-wei). Par l’art, nous devenons alors le canal de l’énergie créatrice qui circule autour de nous. Nous lui permettons de s’exprimer, elle. Pas de nous exprimer, nous.

L’absence d’effort conscient dans cette expression artistique est alors un moyen privilégié de se connecter avec ce qui fait l’essence du Tao. Avec sa manière d’exister en nous. Les exercices d’écriture intuitive sont d’excellents points de départ pour qui souhaite découvrir cette essence. Écrire sans réfléchir, sans y penser. Laisser le flot couler en nous, de notre cœur à notre stylo. Comme une brise légère qui viendrait guider doucement nos gestes. Nous nous connectons alors pleinement à notre véritable essence.

Mais la magie se brise lorsque nous commençons à y réfléchir. À la faire exister de manière consciente. Avez-vous déjà ressenti ces instants d’harmonie ? Si forts, mais pourtant si fugaces. Qui nous échappent aussitôt que nous les remarquons ? Cuisiner pour sa famille, et, sans y prendre garde, se détacher de ce qui nous entoure. Plus rien n’existe alors que l’instant présent. La douceur de la lumière du soir, qui illumine la pièce. L’inspiration qui vous vient, et qui vous pousse à adapter une recette que vous connaissiez déjà par cœur. Mais qui vous invite à y ajouter votre touche personnelle. Jouer d’un instrument de musique, et se laisser porter par les notes qui se dévoilent sous les doigts. Instinctivement.

C’est dans ces moments que le Tao s’exprime. Lorsque nous ne cherchons pas à le trouver. Lorsque nous le laissons venir à nous, sans y penser.

Cher(e) ami(e) du Tao, je vous souhaite aujourd’hui de trouver là où se cachent vos possibilités d’harmonie. Et de vous y plonger. Jusqu’à ce que le Tao s’invite à vous.


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dimanche 20 octobre 2024

Un grand et un petit retournement

 Les anciens chamans ou thérapeutes allaient à la recherche de l’âme perdue ou exilée de ceux qui étaient considérés comme des corps malades ou malheureux.


Leur âme perdue, c’est leur énergie perdue, leur santé, leur souffle, la vibration subtile de leurs corps vivants.

Leur âme perdue, c’est leur conscience perdue, cette lumière, ce discernement, cette claire vision de tout ce qui est, sans jugement.

Leur âme perdue, c’est leur bonté perdue, cette bienveillance qui reconnaît et respecte tout ce qui existe, qui ne fait qu’« un avec ».

Leur âme perdue, c’est leur silence perdu, l’infini, la liberté qui contient tous les bruits du monde et ne s’arrête en aucun.

Cette âme perdue, pourtant, elle n’est jamais loin…

La vie, la conscience, l’amour, le silence, ne sont jamais loin…

C’est le revers de l’unique médaille, l’implicite de l’explicite, l’intérieur de l’extérieur, l’invisible du visible, l’onde de la particule, le Réel en toute réalité.

Chaque instant d’attention, c’est le retour de la conscience perdue, ce retournement de la médaille.

Chaque instant de bonté et de générosité gratuite, c’est le retour de l’amour perdu, le retournement de la médaille.

Chaque instant de plaisir, c’est le retour de l’énergie perdue.

Chaque instant est une occasion favorable d’accueillir la vie, la conscience, l’amour, le silence souvent oubliés, jamais perdus, c’est un grand et un petit retournement.

 Jean-Yves Leloup, octobre 2024

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samedi 12 octobre 2024

Comme une goutte d'eau qui se dissout dans l'océan

Mes chers amis,


Une goutte d'eau a une individualité, une forme, des limites, mais quand elle tombe dans l'océan, elle est indifférenciée de l'océan. Son individualité, sa forme, ses limites ont disparu.

L'apparence de la goutte était transitoire, entre le nuage et l'océan. La nature de la goutte est restée identique, c'est de l'eau.

A la naissance notre corps prend forme et après la mort il redevient poussière. C'est juste un jeu temporel d'apparence. Un jeu extrêmement précieux car c'est le jeu de notre vie. C'est pendant notre vie que la prise de conscience de ce que nous sommes vraiment, de quelle est notre véritable nature peut avoir lieu.

Notre apparence est bien plus complexe que celle de la goutte. Et quelle est notre nature ?

Les enseignements bouddhistes nous disent que notre nature de Bouddha est vacuité, qu'elle n'a pas d'existence en soi (c'est à dire qu'elle n'a aucune existence permanente indépendante d'autres phénomènes). Nous viendrions de la vacuité, pour retourner à la vacuité. Notre vue duelle nous donne toujours ces impressions de mouvement.

La méditation nous permet, en diminuant les mouvements, de revenir à l'instantanéité, à tenter de percevoir ce qui est perçu, ce dont nous sommes conscients, juste dans l'instant.

C'est un des chemins qui peut nous permettre de dévoiler notre véritable nature.

Nous pouvons alors commencer à prendre conscience des qualités inhérentes à notre véritable nature. Je vous les résume de façon très courte et incomplète car découvrir les qualités de notre nature de Bouddha, nos qualités divines est le chemin de toute une vie.

Mais nous pouvons déjà dire que ce que nous sommes est clair, c'est à dire insubstantiel et non obstructif, créateur (c'est en son sein que tout se produit) et connaissant, c'est à dire que nous sommes conscients de ce que nous percevons et que nous sommes conscients d'être, conscients d'être conscient.

Voila les points abordés dans cette méditation.

Avec ma profonde amitié pour vous tous.

Philippe Fabri

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mercredi 18 septembre 2024

Quel respect ai-je de moi ?


...Pour un enfant, la relation affective avec ses parents représente un enjeu vital qui justifie tous les sacrifices, quitte à y laisser son intégrité. Pour obtenir, un peu d’attention, pour conquérir le cœur d’un parent distant ou rejetant, de quoi serait-il capable ! Cela prime sur tout le reste. Ce mécanisme gouverne les désordres de l’immunité psychique, l’enjeu infantile supplantant la nécessité présente de savoir se défendre. On comprendra que les effets de cette carence affective ancienne ne sauraient se résoudre en quelques jours...

Nous nous traitons nous-mêmes comme nous avons été traités : « Je n’accorderai pas plus de crédit à mes ressentis que mes parents ne l’ont fait. Je me nie si on m’a nié, m’abandonne si on m’a abandonné, me rejette si on m’a rejeté. » En prendre conscience sur le vif, dans la mouvance d’un moment relationnel ouvre l’accès à un ressenti plus profond de soi-même. « Quelle considération, quel respect ai-je pour moi ? Suis-je à mes côtés, solidaire, ou déjà prêt à vaciller, à renoncer, à plier ? »

Christophe Massin- Savoir se défendre L'immunité psychique

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lundi 16 septembre 2024

Grandir Constant

 GRANDIR CONSTANT

humain en conversion.
sans plus d’autre horizon
que celui du grandir
du grandir constant
lequel
à l’instar de tout horizon
à la fois
recule
à l’ approche
et épure
le paysage
ce que j’ai à partager
n’est en rien un état
des victoires
des médailles
des certitudes
et autres trophées
arborés en boutonnière
ce qu’il m’est dévolu
de partager
comme le cuisinier
à ceux qui sont conviés
sert
en portions plus ou moins généreuses
selon la faim de chacun
un plat élaboré
avec soin science et tendresse
c’est le processus même
la marche elle même
le chemin lui même
ayant enfin entrevu
que le but
est lui même une étape
un prétexte
à la randonnée
qui est à elle même sa joie
à elle même sa loi
à elle même sa foi
je ne témoigne pas pour être arrivé
mais parce que je marche
et n’ai cessé de marcher
je marche toujours
et je témoigne
de ce que la marche m’a enseigné
des bienfaits dont elle m’a comblé
du superflu qu’elle m’a ôté
j’en témoigne
pour mes semblables en route
plus ou moins timorés
d’aucuns craintifs ou incertains
au moment de se lancer
celles et ceux qui n’osent
ou se sont arrêtés
celles et ceux qui voudraient
avancer sans marcher
aller sans cheminer
œuvrer sans fatiguer
recevoir sans donner
découvrir
sans s’aventurer
je partage mon chemin
ce que j’en ai compris du moins
afin que chacun trouve le sien
d’aucuns m’accordent crédit
parce que ma face est burinée
à force de cheminer
mon regard quelque peu lavé
par la variété des êtres accompagnés
des sentiers empruntés
des rivières traversées
mon énergie concentrée
à force de bêtes domptées
d’obstacles surmontés
de barrières enjambées
d’abimes contemplés
de fait
il se peut que j’aie
pas mal à évoquer
à raconter
serais je je à même
qui sait
de montrer
d’indiquer
en tout cas
oui
d’accompagner
et je ne détiens rien
ne sais rien
ne suis rien
sinon un témoin
de ce chemin
qui cherche chacun
Gilles Farcet
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mardi 10 septembre 2024

Du bon usage de la conscience

  


« L’importance donnée au hara représente la relation originelle de l’homme avec les puissances de la grande vie. Cette conscience est le lien non encore rompu avec la nature. Hara est un don originel fait à l’homme. Sur ce chemin qu’est le zen, nous avons le devoir de nous relier, consciemment cette fois, aux forces de la grande vie ; nous avons le devoir de reconquérir notre vrai centre. »  K.G.Dürckheim

Ces quelques mots - consciemment cette fois - ont toute leur importance ; l’être humain connaît déjà cette manière d’être. C’est ainsi que nous avons commencé notre existence, baignant dans l’inconscience de notre sort, sans volonté ni mental, portés par une conscience vitale, primaire, corporelle et sensorielle. Alors, conscience ou inconscience ?

D’un certain point de vue, nous pourrions dire que depuis la fécondation, nous sommes sur la Voie. Le corps est un incessant processus vivant, comme nous le montrent les imageries médicales de la vie intra-utérine. Nous sommes soumis aux lois de la nature : pas de mental pour la multiplication des cellules, du ‘haricot’ à l’embryon, de l’embryon au fœtus …

Passage d’une forme à une autre : tout est action, geste vivant transformateur.

Déjà, fœtus, je sens, je ressens, j’entends, je goûte ... Puis, le passage de la matrice à l’extérieur engendre d’autres transformations, d’autres actions : une autre respiration, puis tous les gestes innés du bébé se mettent en place mois après mois : sur le dos, sur le ventre, sur le côté …

Ramper, s’asseoir, se mettre debout, puis quelques pas … Je suis corps vivant, mis en forme, en geste par la Vie.

Cette gestuelle parlera à tous les participants aux retraites du Centre Dürckheim !

Que ce soit dans la vie intra-utérine, dès les premiers instants, « Cela » se transforme sans arrêt, puis ensuite, bébé, « Cela » agit, prend forme ; forme voulue par la vie, forme portée par des actions vitales. Dans la tradition zen, le maitre de tir à l’arc dira : « Ne tirez pas, laissez cela tirer ! »

« Hara – centrés » (bassin et ventre), c’est comme cela que nous avons débuté notre existence, emportés par l’énergie vitale, le Tao - l’ordre des choses - tel le petit animal (étymologiquement, un être doué de vie) que nous sommes, sensoriellement ouverts à tout.

Cette inconscience vitale, faite de force et de vulnérabilité, de dépendance en même temps que d’innocence, de simplicité et d’abandon, est « ce don originel fait à l’homme », source de notre existence terrestre.

« Inconscience vitale » qui fascine et fait trembler les adultes que nous sommes devenus. Mais peut-on parler d’inconscience chez l’enfant ?

« L’enfant ne sait pas qu’il vit, il vit ! ».

Adultes, nous redoutons cette inconscience car nous sommes tombés dans une autre forme de conscience, propre à l’être humain : la conscience objectivante, rationnelle et explicative, avec ce besoin effréné de comprendre et de maitriser notre existence à tout prix.

Nous devenons des êtres pensants, « égo-centrés », c'est-à-dire centrés dans notre tête, et non plus dans le centre vital du bassin, du ventre.

Peu à peu, « je pense donc je suis » remplace et occulte « je respire donc je suis ».

Cette forme de conscience ne peut plus accepter, ou alors très difficilement, cet état d’abandon face à l’incompréhensible, l’inattendu ou le renouveau de la vie.

Mais, adultes, (et c’est notre chance !) nous restons aussi fascinés par cet état d’innocence et d’abandon propre à l’enfance, nostalgiques de cet état que nous avons déjà vécu.

Etant adultes, devenus des êtres de raison, nous avons à redécouvrir, « consciemment cette fois » ce que finalement nous connaissons depuis toujours : l’appartenance à cette conscience vitale, pré-mentale, source de toute vie. Il ne s’agit pas de renier l’intelligence propre à l’humain et ses capacités extraordinaires, mais de retourner vers une forme de conscience plus ouverte, plus large, plus inclusive : une conscience corporelle, sensitive qui nous relie à l’intelligence vitale.

« Remplaçant les forces naturelles inconscientes constituant sa base par les forces de son esprit rationnalisant et sa volonté, l’être humain devient un moi conscient de lui-même et autonome ; mais, ce faisant, il oublie d’où il vient ». K.G. Dürckheim.


Toutes ces actions qui nous portent et nous transforment depuis nos premiers instants sont encore là aujourd’hui, pour chacun d’entre nous, quel que soit notre âge, notre activité et notre intelligence rationnelle. Le soulagement évoqué après une retraite dans le témoignage ci-dessous nous rappelle que cette première conscience océanique n’est jamais perdue mais seulement oubliée, mise de côté.

« Après ce séjour, le soulagement est certainement ce qui m’a le plus saisie.

En sortie d’études, avec des années passées à fonctionner avec la tête et le raisonnement, assujettie aux injonctions personnelles de toujours faire plus et mieux, l’anxiété a commencé à faire son nid, mettant en sourdine les moments de sensibilité et de connexion avec moi-même et le monde qui m’entoure. “Pas le temps de prendre le temps”, “Pas le temps de s’arrêter un instant”, “Pas le temps d’observer, de ne rien faire”… Toujours faire plus, aller plus loin, plus vite et refaire mieux.

Alors je suis émue et soulagée par ce rappel que l’essentiel n’est pas là, tout au contraire. Émue et soulagée d’avoir perçu que cette connexion à l’essentiel est belle et bien réelle, qu’elle est toujours là. Émue et soulagée car il y a en effet une manière d’être, ou de se laisser être, révélatrice de sens et qui donne à vivre des moments vrais, sensibles et apaisants. »

Une manière d’être, hors de cette habitude de tout aborder par la pensée, que l’exercice, sur la voie du Zen, nous révèle. Nous sommes déjà, encore, toujours, ce que nous cherchons.

Joël Paul

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vendredi 6 septembre 2024

Energie de Vie

"Voilà ce qu’il avait compris, pour peu qu’il ait compris quoi que ce fût : cette effrayante énergie appelée vie se damnait et se rachetait à chaque instant.

Elle se damnait par l’oubli, par l’indifférence, par l’inhumanité ordinaire, par la sécheresse instituée en condition courante, par l’absence de perspective de l’esprit et du cœur lovés sur leur plus petit dénominateur commun, le moi rabougri, la personne atrophiée parce que réduite à la personnalité, l’identité embryonnaire...


Et elle se rachetait par l’attention, par le moi non plus étanche mais transparent au point de voir au travers de ses propres parois.

Elle se rachetait par le plus insignifiant des actes de bonté, le plus anodin des gestes généreux, le plus inaperçu des sourires.

Il y avait ce sens-là et il n’y en avait pas d’autre : cette existence était un raz-de-marée de souffrances qui toutes se brisaient contre le mur invisible et à chaque instant remonté de la compassion active.

Voilà ce qu’il avait compris : perte et rédemption, damnation et rachat, étaient la diastole et systole de la circulation de cette vie, elles en régissaient le cœur dans sa marche immémoriale.

Le monde s’abîmait à chaque instant dans l’abomination et, à chaque instant, il appartenait à tout être conscient de le sauver, et de le sauver d’un rien, sans se prendre pour un sauveur et surtout pas se revendiquer comme tel.

L’être conscient avait vocation de fonctionnaire du salut : en poste pour opérer de moment en moment des sauvetages de rien du tout.

Car tous les sauvetages n’étaient de rien du tout, y compris ceux que d’aucuns voyaient, louaient, célébraient, autant que tous ceux qui n’étaient vus de personne. Tous les sauvetages étaient goutte d’eau dans l’océan de la souffrance ininterrompue, et pourtant ... Chacun de ces sauvetages rachetait l’ensemble, dans l’instant comme pour toujours.

C’était à n’y rien comprendre et il n’y comprenait rien. Mais il le vivait, il respirait de cela."

Gilles Farcet, 𝐿𝑎 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑡𝑒́ 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑒𝑝𝑡 𝑎̀ 𝑔𝑒́𝑜𝑚𝑒́𝑡𝑟𝑖𝑒 𝑣𝑎𝑟𝑖𝑎𝑏𝑙𝑒. Ed. L'Originel 2022.

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dimanche 25 août 2024

« J’ai le vague à l’âme de l’été, la nostalgie de l’enfance où le temps du repos était long »

 Paule Amblard arpente les rues désertées du Paris estival… et cette saison lui évoque l'insouciance de ses jeunes années, les déambulations des poètes, l'abandon au présent des spiritualités orientales.



À l’heure où j’écris, la ville dans laquelle j’habite est dépeuplée. À Paris, les rues sont en deuil avec leurs commerces fermés par les lourdes ferrailles des rideaux gris, les trottoirs sont désertés des humains, des poussettes, des chiens. Je pourrais me réjouir de ce calme retrouvé, où la cité semble reprendre souffle.

Débarrassée de son trop-plein d’habitants, elle apparaît nue dans la beauté de ses musées, de ses monuments, de ses immeubles de vieilles pierres, de ses éléments qui n’appartiennent qu’à elles : une entrée de métro signée Guimard, une fontaine Wallace avec ses cariatides, un bouquiniste le long de la Seine. La pierre reprend ses droits sur la foule qui s’est enfuie, elle redevient un objet de contemplation. Je pourrais me réjouir de ce spectacle qui brille pour une poignée d’égarés qui ne sont pas partis. Mais le temps radieux m’invite ailleurs.


Ce bonheur d’enfant

J’ai le vague à l’âme de l’été, la nostalgie de l’enfance où le temps du repos était long, heureux, loin de mon quotidien d’écolière. L’été avait le goût de pêche, l’odeur de fleur et de vent, la surprise de l’instant non prévu, le sourire des adultes détendus. C’était si simple, le temps d’enfance, à rêvasser, à bouger sans fatigue ou lassitude, à regarder l’infiniment petit dans une fourmi ou l’infiniment grand dans les constellations célestes.


À l’heure où je devrais travailler, j’aimerais voyager dans ce passé des étés de l’enfance, revoir mon grand-père dans le jardin confectionner pour ma sœur et moi des pagnes de Tahitiennes avec des fanes de carotte. J’aimerais revenir dans l’église où nous allions chaque dimanche célébrer la messe avec ma grand-mère, l’entendre chanter fort à me faire rougir d’être à ses côtés, mettre ma main dans la sienne à l’heure de communier, aller dans le cimetière sur la tombe familiale pour dire un bonjour hebdomadaire à ceux qui sont partis et nettoyer la pierre, l’orner de nouvelles fleurs et enfin revenir dans la maison, rejoindre mon grand-père qui ne croit pas mais respecte la ferveur de son épouse.

J’aimerais retrouver ce bonheur d’enfant fait de grandeurs et de manques, d’engouements et d’ennuis. Pourquoi à l’âge adulte est-ce devenu si complexe de vivre pleinement, sans crainte, en faisant confiance à notre destinée ? Il faudrait faire comme les bouddhistes, laisser passer les nuages des pensées, des obligations, des projections pour fixer sa conscience sur l’instant présent, qui laissera sa place à un autre instant.


Une question de conscience

Il faudrait être comme les poètes qui n’ont pas besoin de sortir de chez eux pour déambuler dans la nature et être en communion avec le monde : « J’irai dans les sentiers, / Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : / Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. / Je laisserai le vent baigner ma tête nue. / Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : / Mais l’amour infini me montera dans


l’âme », écrit Rimbaud dans son poème Sensation.

Il faudrait être comme les voyants, sentir le ravissement spirituel, quitter nos pesanteurs, se retourner et voir le ciel ouvert comme Jean à Patmos. Que l’on reste, que l’on parte, on voit bien que tout ceci est une question de conscience. Vacances ou non, il s’agit de trouver la bonne orientation, celle qui mène à l’Orient de nous-mêmes, vers la lumière qui est la nôtre.

Alors les nuages, les nostalgies seront laissées à ce qu’ils sont, des souvenirs. Si vous partez en vacances ou si vous ne partez pas, - puissiez-vous goûter les pêches et sentir l’odeur du vent. « Ici une buée, et là une buée / Et après la Clarté ! » (Emily Dickinson). 


Paule Amblard

Historienne de l’art, spécialisée dans l’art du Moyen Âge et la symbolique chrétienne, elle est l’autrice de l’Apocalypse de saint Jean, illustrée par la tapisserie d’Angers (Diane de Selliers, 2010), des Enfants de Notre-Dame et de la Chambre de l’âme (Salvator, 2021 et 2023).

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mercredi 21 août 2024

Douleur chronique


 À toutes celles et ceux qui endurent la douleur chronique sans trouver les mots pour la dire, pris au piège d’une prison d’autant plus redoutable qu’elle est invisible. Tenter de lui jeter un sort par le pouvoir cathartique de la poésie. Continuer, persévérer, ne pas rester figer, garder le fil du mouvement vital. Sortir de l’isolement en osant parler. Se fier à ce que le corps raconte de notre histoire et avancer main dans la main avec les thérapeutes qui jalonnent ce parcours du combattant pas toujours pacifique. Mon maître de chant Jean-Pierre Blivet m’a transmis une clef essentielle, fondamentale pour libérer la voix autant que le corps qui m’a beaucoup aidée :

 « P a s d e p r e s s i o n , p l u s d ’ e s p a c e  ». 

Plus je lutte, plus je me contracte. Plus je me contracte, plus j’exacerbe la douleur à mesure que les tissus se resserrent mis sous pression manquant d’oxygénation. En d’autres termes R E S P I R E R en conscience pour apporter de l’espace en soi là où la douleur tend à nous assécher. Je sais combien cela est difficile à mettre en œuvre mais je sais aussi que cela en vaut la peine. Laisser la vie chanter à travers soi aussi ténue et fragilisée soit-elle. Le souffle est - si ce n’est la voie - une des voies à suivre pour apaiser, transcender la douleur. Céline Dion nous en a montré un édifiant et bouleversant aperçu lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024. 

Juliette Touret
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lundi 24 juin 2024

Du roseau pensant au réseau conscient


L’homme n’est pas un « roseau pensant » comme le dit Pascal, mais plutôt un « réseau pensant », ou plus exactement un réseau de consciences plus profond que les réseaux d’affects et de concepts qui s’agitent plus qu’ils n’agissent à la surface de la planète.

Sortir de l’agitation, apaiser nos pensées, découvrir le « sigélium » (de sigè - silence) qui relie silencieusement les consciences profondes des êtres humains sur tous les continents, est-ce une issue au chaos que nous vivons ou subissons ?

Un ami me disait il y a quelques jours : « Ce n’est pas en restant assis sur un coussin qu’on sauve le monde. Vous devriez avoir honte de rester ainsi, silencieux, immobile, pendant que des hommes, des femmes, des enfants sont « rayés de la carte »… »

Je réponds : « Et vous, que faites-vous ? Assis devant votre TV, ordinateur ou smartphone, en train de regarder des images plus ou moins fabriquées, à vous exciter, vous lamenter, vous mettre en colère ou vous culpabiliser… » Est-ce que cela change quelque chose ? 

Si vous ne pouvez rien faire concrètement pour changer les évènements et le cours de l’histoire, vous pouvez encore vous changer vous-même, et puisque vous faites partie, intriquée, interdépendante de cette histoire, vous pouvez ainsi très concrètement modifier son cours, sans rajouter de la violence à la violence, de la souffrance à la souffrance, de la culpabilité ou de la condamnation, à l’horreur…

Être assis sur notre coussin, tourné vers l’intérieur et la profondeur silencieuse et bienheureuse de notre être, c’est être tourné vers la profondeur silencieuse et bienheureuse de tous les êtres, c’est communiquer et agir de façon sans doute plus subtile mais tout aussi réelle.

Nos corps séparés ne sont pas seulement matières, mais aussi énergies et ils influent les uns sur les autres. Ces corps-énergies sont aussi des corps « informés » par une information commune à tous les corps. Cette information est manifestation d’une conscience intelligente, insaisissable, infinie et cette conscience est reliée à une source silencieuse, origine de tout ce qui vit, désire, pense, aime et respire…

Dans ces instants d’assise profonde, c’est à partir de la Source silencieuse, de ce fond et de ce don abyssal que nous agissons, nous nous approchons de l’acte pur qui fait être tout ce qui est. 

Notre action n’est vraiment efficace que par participation à cet acte pur…

L’amour n’est pas un vain mot, mais une force subatomique, dont les informations structurantes défient toutes énergies et particules destructrices. 

Faut-il parler de néguentropie ? Si on veut éviter tout ce jargon pseudo-scientifique, il suffit de rappeler que l’être humain est un réseau conscient, il est traversé de mille et une informations. Si ce réseau, si cette conscience « a un cœur » et que ce cœur est apaisé, il prendra les bonnes décisions, il agira… comme la brise, comme un « trou blanc » où se résorbent les tempêtes…

 Jean-Yves Leloup, juin 2024


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samedi 15 juin 2024

Claire conscience

 


"Pour savoir si on est sur le bon chemin, l’esprit doit être extrêmement détendu, spacieux mais absolument posé, éveillé et vif. 

La conscience doit être très claire, comme si vous vous éveilliez pour la première fois. 

Mais si vous vous sentez simplement très paisible, dans un état de béatitude où tout est flou, alors ce n’est pas juste et il faut vous en sortir en vous éveillant le plus vite possible. 

L’autre extrême, c’est de s’efforcer d’être parfait, en essayant de voir chaque pensée, en essayant de réussir : la on devient extrêmement tendu. 

Détendez-vous mais soyez très clair."

 

Tenzin Palmo "Trois enseignements" ---------------- 


vendredi 31 mai 2024

Un bruit méditatif

 Mes chers amis,


Je reprends des propos de Jean Marc Falcombello dans sa méditation de lundi : "un bruit nous dérange tant qu'il nous dérange".

En effet quand nous ne sommes plus dérangé par ce bruit, il ne nous dérange plus !

Oui, c'est évident, et alors ?

Alors cela signifie simplement que le bruit n'est qu'une cause à laquelle nous pouvons réagir ou pas. Le dérangement n'est pas inhérent au bruit, mais est inhérent à nous, puisque le même bruit peut nous déranger ou pas.

Quelle est la réaction la plus utile, lutter contre le bruit ou prendre conscience de notre réaction, de notre dérangement. Si la cause est facilement modifiable, faisons le nécessaire. Si la cause n'est pas modifiable, voyons si nous pouvons modifier notre réaction.

Ceci ne vaut évidemment pas que pour les bruit, mais vaut pour toutes nos perceptions.

La méditation est un moment où nous pouvons essayer de prendre conscience de nos réactions, de ce qui nous dérange...

Avec ma profonde amitié pour vous tous, je vous souhaite à tous une très belle journée, conscient de ce qui vous dérange.

Philippe Fabri

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