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mardi 24 décembre 2024

Poésie et Veillée


 Pour fêter la nuit de Noël, voici deux extraits de l'un des plus admirables livres de poèmes que je connaisse : Le fil de givre d' Isabelle Lévesque, avec les peintures de Marie Alloy, aux éditions Al Manar.

Heureuses fêtes à chacune et à chacun de vous !

Sabine

"Ce ne serait pas l'ombre si tu savais retenir le nécessaire, le vagabond, ce qui loin demeure, en avant de nos pas dans un terrible cri.
[...]
Signe vif, le serment silencieux ne craint
ni l'oubli, ni la nuit."
"Promettre suffit.
Promettre lie au poème gardien de la route silencieuse. Nous nommons, nous devenons l'ombre, elle avance - nous hésitons.
Lumière, éclat de nos mots rares : aimer invente le pronom cousu au point de lune."

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vendredi 20 décembre 2024

Silence avant tout

" Écouter le silence "....

bien sûr on entend rien....


ou on entend toujours les sons résiduels....

le silence est le fond sur lequel apparaissent ces sons...

mais en écoutant le silence, ces sons passent au second plan,

et cet espace de fond silencieux, passe au premier plan....

et cette mise en évidence de ce fond, ramène à l'écoutant...

________ à l'être ici et sa conscience.....

Rien de plus, rien de moins.

_______________ Silence.... 😇 

*

_______________ Douce écoute.... ❤ 😘

-*-

Charles Coutarel

dimanche 15 décembre 2024

Etre habité


 Se taire.

Faire silence pendant des heures. Non pour se taire mais pour qu’il y ait à nouveau une rencontre de mots, un apaisement du langage, la présence d’au moins quelqu’un en l’absence de tous. 

Il n’y a souvent que peu à dire. Car même si l’on connaît la maison, on ne sait pas où est allé l’habitant.



Nous sommes en attente de ce qu’on croyait voir venir. Mais non, il arrive autre chose et il faut tout refaire. 
De soi à soi. Jusqu’au moment où, là, il y aura quelqu’un.

Extraits de "L'homme qui penche" de Thierry Metz (éditions Unes)

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mercredi 11 décembre 2024

Méditation en silence

 


Mais la forme la plus juste de la méditation serait – j’utilise le conditionnel parce qu’elle ne vous est peut-être pas accessible tout de suite – de rechercher simplement l’immobilité et le silence intérieurs. Une approche qui se retrouve à peu près dans toutes les traditions consiste non pas à décider de ne plus avoir, au moins pendant une heure, de distractions et d’associations d’idées mais au contraire à les accepter et à voir ce jeu des pensées, puisque vous ne pouvez, en fait, les éviter. Il va donc falloir composer avec elles. Par exemple, ne vous y trompez pas, l’immobilité du zazen recouvre pendant longtemps des tempêtes intérieures. Des paroles du genre : « Ne pensez à rien, faites le vide en vous! » sont absurdes parce qu’elles demandent l’impossible.

Arnaud Desjardins - Approches de la méditation

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dimanche 8 décembre 2024

Etre là, en lien...



Je voudrais être là,
simplement,
sans jeter d'images.
Sans avoir à frapper
aux portes du langage.
Simplement m'éprendre.
Ne froisser,
à aucun prix,
la robe des choses tues.
Jean-Christophe Ribeyre - La relève
Accompagné d'œuvres de Marie Alloy
Éditions L'Ail des ours

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Écrire sans nier, en laissant se remplir.

S'absorbe le surplus
comme lie dont s'enivrent
les vers de vase.
Un flot d'herbes s'égraine :
d'arbre en arbre,
la promesse du lien.

Sabine Dewulf - Où se cache la soif
Peintures : Caroline François-Rubino
Éditions L'Ail des ours

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dimanche 20 octobre 2024

Un grand et un petit retournement

 Les anciens chamans ou thérapeutes allaient à la recherche de l’âme perdue ou exilée de ceux qui étaient considérés comme des corps malades ou malheureux.


Leur âme perdue, c’est leur énergie perdue, leur santé, leur souffle, la vibration subtile de leurs corps vivants.

Leur âme perdue, c’est leur conscience perdue, cette lumière, ce discernement, cette claire vision de tout ce qui est, sans jugement.

Leur âme perdue, c’est leur bonté perdue, cette bienveillance qui reconnaît et respecte tout ce qui existe, qui ne fait qu’« un avec ».

Leur âme perdue, c’est leur silence perdu, l’infini, la liberté qui contient tous les bruits du monde et ne s’arrête en aucun.

Cette âme perdue, pourtant, elle n’est jamais loin…

La vie, la conscience, l’amour, le silence, ne sont jamais loin…

C’est le revers de l’unique médaille, l’implicite de l’explicite, l’intérieur de l’extérieur, l’invisible du visible, l’onde de la particule, le Réel en toute réalité.

Chaque instant d’attention, c’est le retour de la conscience perdue, ce retournement de la médaille.

Chaque instant de bonté et de générosité gratuite, c’est le retour de l’amour perdu, le retournement de la médaille.

Chaque instant de plaisir, c’est le retour de l’énergie perdue.

Chaque instant est une occasion favorable d’accueillir la vie, la conscience, l’amour, le silence souvent oubliés, jamais perdus, c’est un grand et un petit retournement.

 Jean-Yves Leloup, octobre 2024

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mercredi 11 septembre 2024

Espace de quiétude

 


  • La quiétude est votre nature essentielle. Quelle est-elle, en fait ? C’est l’espace intérieur, ou la conscience dans laquelle les mots de cette page sont perçus et deviennent des pensées. Sans cette conscience, il n’y aurait ni perception, ni pensées, ni monde. Vous êtes cette conscience dissimulée sous l’apparence d’une personne.
  • L’équivalent du bruit extérieur, c’est le bruit intérieur de la pensée. L’équivalent du silence extérieur, c’est le calme intérieur. Chaque fois qu’un silence vous entoure, écoutez-le. Remarquez-le, tout simplement. Accordez-y votre attention. L’écoute du silence éveille en vous la dimension du calme, car ce n’est qu’en toute tranquillité que l’on prend conscience du silence.
  • Voyez: dès que vous remarquez le silence alentour, vous ne pensez pas. Vous êtes conscient, sans penser.
  • Lorsque vous prenez conscience du silence, cette vigilance intérieure est immédiate. Vous voilà présent. Vous voilà sorti de millénaires de conditionnement humain collectif.
(Quiétude)
Eckhart Tolle : La quiétude.
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vendredi 30 août 2024

Silence du dedans


 "Un jour, on découvre ce silence du dedans, qui existe en dehors de tous les mouvements de l'âme. Comme un espace profond, mystérieux, inexprimable.

Ce silence du dedans n'est pas absence de bruit, mais une vie, une présence qui absorbe le temps, efface toute chose. A ce moment, le monde entier baigne dans le silence, il est enveloppé par lui, et ce silence est plénitude".

Erik Sablé, Brèves de Sagesse, Editions Dervy.



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dimanche 4 août 2024

La caravane passe, les chiens aboient…

 


La caravane passe, les chiens aboient ou applaudissent. Chacun y trouve son plaisir ou son devoir, le plaisir, le devoir d’aboyer ou celui d’applaudir.

Les grognons, jamais de leurs groins ne produiront une chanson. Les béats, jamais de leur bouche béate ne produiront une critique.

Où sommes-nous ? Qui sommes-nous ?

Dans la caravane ? Tout occupé à notre « performance », nous n’entendons ni les aboiements, ni les sifflets, ni les applaudissements, ou si nous les entendons, ils sont secondaires. L’or de la médaille (heureusement ! où hélas !) brille plus fort que les ordures qui l’environnent.

Parmi les chiens ? Les aboyeurs professionnels, les jamais contents, les hypocrites qui imposent sans jamais les vivre leurs grandes valeurs : ceux pour qui aboyer c’est vivre. Tant qu’on râle on est encore vivant, n’est-ce pas ? 

Parmi les chiens ? Ceux qui glapissent, qui applaudissent, qui se tiennent debout sur leurs « papattes » pour sucer le « susucre » que leur tend le maître ?

Peut-être aussi que ces chiens là trouvent plus de bonheur à rire, à jouir et à chanter qu’à « bien penser ? »

La caravane passe… Elle est passée… Que deviennent les chiens ?

Plus de prétextes aux aboiements, ni aux applaudissements. Que faire ? Attendre ou chercher une nouvelle caravane ?

Ou écouter enfin cette « voix de fin silence » dont nous avons le pressentiment au cœur même de nos exploits et de nos mascarades. Ce silence qui est partout et toujours là, juste avant, juste après, le pathétique de nos aboiements et de nos applaudissements. Le Réel qui est partout et toujours là : dans la caravane qui passe, dans le chien qui grogne, le chameau qui (dé)blatère et dans l’ange qui sourit…

- Jean-Yves Leloup, juillet 2024

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dimanche 21 juillet 2024

Sous l'aile du silence

 


"Il faut tant de silences pour rejoindre le silence. Tant d'abandon pour recueillir une poignée de présence - pas plus grosse qu'un cœur d'oiseau - incommensurable sous le front enfin lisse et tranquille."

Philippe Mac Leod - Variations sur le silence

aquarelle: Ping



"Nous sommes au commencement du monde, toujours au commencement de la création. Chaque battement de notre cœur peut susciter une nouvelle étoile; chaque battement de cœur peut susciter une liberté encore endormie; chaque battement de notre cœur peut rayonner sur toute l’histoire et sur toutes les galaxies. Pourvu justement que nous entrions dans ce silence infini où l’on n’est plus qu’à l’écoute du silence éternel…

….Cette présence cachée, présence diaphane, est une présence réelle qui ne s’impose jamais mais qui est offerte à tous comme une invitation à découvrir cet immense secret d’amour caché au fond de toute conscience humaine…

La vie à tous les degrés ne peut conquérir sa valeur que dans le silence et le recueillement. Si cela est vrai de la vie physique, combien plus l’est-ce de la vie spirituelle…

Maurice Zundel

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lundi 24 juin 2024

Du roseau pensant au réseau conscient


L’homme n’est pas un « roseau pensant » comme le dit Pascal, mais plutôt un « réseau pensant », ou plus exactement un réseau de consciences plus profond que les réseaux d’affects et de concepts qui s’agitent plus qu’ils n’agissent à la surface de la planète.

Sortir de l’agitation, apaiser nos pensées, découvrir le « sigélium » (de sigè - silence) qui relie silencieusement les consciences profondes des êtres humains sur tous les continents, est-ce une issue au chaos que nous vivons ou subissons ?

Un ami me disait il y a quelques jours : « Ce n’est pas en restant assis sur un coussin qu’on sauve le monde. Vous devriez avoir honte de rester ainsi, silencieux, immobile, pendant que des hommes, des femmes, des enfants sont « rayés de la carte »… »

Je réponds : « Et vous, que faites-vous ? Assis devant votre TV, ordinateur ou smartphone, en train de regarder des images plus ou moins fabriquées, à vous exciter, vous lamenter, vous mettre en colère ou vous culpabiliser… » Est-ce que cela change quelque chose ? 

Si vous ne pouvez rien faire concrètement pour changer les évènements et le cours de l’histoire, vous pouvez encore vous changer vous-même, et puisque vous faites partie, intriquée, interdépendante de cette histoire, vous pouvez ainsi très concrètement modifier son cours, sans rajouter de la violence à la violence, de la souffrance à la souffrance, de la culpabilité ou de la condamnation, à l’horreur…

Être assis sur notre coussin, tourné vers l’intérieur et la profondeur silencieuse et bienheureuse de notre être, c’est être tourné vers la profondeur silencieuse et bienheureuse de tous les êtres, c’est communiquer et agir de façon sans doute plus subtile mais tout aussi réelle.

Nos corps séparés ne sont pas seulement matières, mais aussi énergies et ils influent les uns sur les autres. Ces corps-énergies sont aussi des corps « informés » par une information commune à tous les corps. Cette information est manifestation d’une conscience intelligente, insaisissable, infinie et cette conscience est reliée à une source silencieuse, origine de tout ce qui vit, désire, pense, aime et respire…

Dans ces instants d’assise profonde, c’est à partir de la Source silencieuse, de ce fond et de ce don abyssal que nous agissons, nous nous approchons de l’acte pur qui fait être tout ce qui est. 

Notre action n’est vraiment efficace que par participation à cet acte pur…

L’amour n’est pas un vain mot, mais une force subatomique, dont les informations structurantes défient toutes énergies et particules destructrices. 

Faut-il parler de néguentropie ? Si on veut éviter tout ce jargon pseudo-scientifique, il suffit de rappeler que l’être humain est un réseau conscient, il est traversé de mille et une informations. Si ce réseau, si cette conscience « a un cœur » et que ce cœur est apaisé, il prendra les bonnes décisions, il agira… comme la brise, comme un « trou blanc » où se résorbent les tempêtes…

 Jean-Yves Leloup, juin 2024


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samedi 20 avril 2024

Embarquement

 Il y a des jours où les expressions les plus populaires et les découvertes scientifiques les plus récentes semblent se faire écho.

« Mondialisation oblige, nous sommes tous dans la même galère » et il semblerait que dans la soute de notre navire planétaire, il y ait quelques bombes atomiques ou à retardement.

« Nous sommes embarqués » disait Pascal, mieux « nous sommes intriqués » dirait la physique quantique. Ce n’est pas une question de vouloir, même pas de pulsions, mais d’ondes et de particules.

Savoir cela devrait rendre dérisoires nos avis contraires, nos luttes assidues pour prendre ou garder le pouvoir, pour être le premier ou le dernier à avoir raison. Nos déterminismes se moquent bien de ces « je », de ces « jeux » puérils.

Nous sommes dans la même galère, embarqués, intriqués… et alors ?

Savoir cela suffirait-il pour que nous descendions ensemble dans la cale du navire planétaire, pour désamorcer ce qui est prêt et programmé pour l’explosion ?

Descendre ensemble dans la cale, c’est-à-dire dans notre intériorité, là où nous sommes un, interreliés, intriqués. Là où il n’y a plus d’Iraniens, d’Israéliens, de Palestiniens, de Russes, d’Ukrainiens, de Français, d’Américains… mais seulement l’humanité une, silencieuse et blessée… Là où il n’y a plus de veaux, de vaches et de cochons mais des animaux malades de la peste, avides de guérison plutôt que d’extinction….

Est-ce possible ?

Vœu désuet, vaste utopie ou expérience simple et triviale :

Le chat et la souris, dans leur faim de survivre, ne savourent-ils pas le même fromage ?

Mais où est la faim, où est le fromage ?

Ne demandez pas à la vie : « Où es-tu ? ».

Elle est là, je suis là, tu es là, nous sommes là…

Allons-y !     

  Jean-Yves Leloup, Avril 2024

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mercredi 10 avril 2024

faux abri...


Devant le ciel de ma vie je me tiens
ignorant, m'étonnant. La grandeur des étoiles.
Ce qui monte, descend. Dans quel silence.
Suis-je vraiment ? Ai-je une part ? Ou échappé-je
au pur influx ? Les marées dans mon sang
suivent-elles cet ordre ? Oh, j'ai désir
de rejeter tous les désirs, et toute attache,
d'habituer mon cœur au plus lointain. Mieux vaut
pour lui vivre en l'effroi de ses étoiles
que sous un faux abri, et par le proche rassuré.
Rainer Maria Rilke
Traduction : Philippe Jaccottet
Poèmes épars
Éditions du Seuil

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dimanche 24 mars 2024

Anne Le Maître : « Le silence conduit au cœur profond » (2)


Le silence peut être perçu comme une perte de temps… Vous, vous croyez au contraire à sa fécondité ?

Oui, et j’aime l’image de la jachère : parfois, ne rien faire est plus fécond que faire. Si cela est avéré en agriculture, pourquoi cela ne serait-il pas vrai pour nous aussi ? En passant pendant deux ans dans mon petit jardin à écouter les oiseaux, j’ai réalisé qu’il y en avait 41 sortes différentes. La fécondité de cette écoute ne fut pas seulement l’identification de 41 espèces, elle engendra aussi une prise de conscience le jour où il en manqua un : je mesurai alors l’effondrement biologique, et, face à cette réalité insupportable, je me mis dans l’action en m’engageant dans l’écologie. L’idée de jachère prend ici tout son sens : dans mon silence du matin, j’ai longtemps ignoré que 41 sortes d’oiseaux se cachaient dans le jardin. Le silence permet une autre perception du réel. Il nous rend plus poreux à ce qui nous entoure, et offre ainsi la possibilité de se laisser toucher et rejoindre.

Si le silence est fécond, il peut aussi être mortifère…

On parle de « silence de mort ». Il y a le silence des victimes et celui des bourreaux. Le silence de celui qui n’a pas la place de s’exprimer, et du témoin qui ne veut pas voir, pas dire. Le silence comme négation de l’être, de ce que vit l’autre : ceci n’existe pas, je ne veux pas entendre ta parole. On le voit notamment avec les abus sexuels. C’est là le contraire du silence d’écoute. Il y a aussi le silence enfermant, de la personne qui ne peut plus parler en elle-même, parce qu’elle est, par exemple, en dépression. Il faudra beaucoup d’écoute pour parvenir à la faire sortir de ce silence…

Alors que nous aspirons, dans une société très bruyante, à de plus en plus au silence, ce dernier nous fait peur…

Il y a peut-être, dans ce paradoxe, une réaction de survie : nous vivons dans une société de la sursollicitation permanente, en bruit, en sons, en monde. En images aussi – qui génèrent du bruit intérieur. Nous avons du mal à échapper aux écrans dans l’espace public, cela envahit nos cerveaux. Sans parler de nos téléphones qui nous envoient des notifications. Notre organisme en pleine overdose voudrait être plus tranquille et dans le même temps, s’il est enfin moins sollicité, on se sent esseulé, comme mort. Si la relation n’est que sur le mode de la sursollicitation, alors l’absence de sollicitations reviendrait à absence de relation. Là se niche peut-être l’angoisse, en partie. Et pourtant : si le langage est relation avec l’autre, le silence peut aussi être relation. Merveille du silence partagé dans l’amitié ou l’amour… Pouvoir se taire à deux, c’est vivre ensemble la présence.


Notre société est aussi celle de la performance, de la frénésie, du rendement…

Et le silence, lui, est gratuit et prend du temps… Le risque de nos sociétés hypermatérialistes est de nous vider de l’intériorité. Et ce qu’il reste de l’intériorité, on nous le vend sous forme marchande : multiplication de stages de développement personnel, de yoga, de jeûne, etc. Loin de moi l’idée de condamner tous les stages, mais il s’agit de faire preuve de discernement et il y a des miroirs aux alouettes. La gratuité est d’ailleurs suspecte et c’est comme les stages de jeûne où vous payez très cher le fait d’être encadré pour ne pas manger : j’imagine que si l’on avait réussi à mettre un prix au silence, il y aurait des marchands de silence.

Vous faites le lien dans votre livre entre le silence et le jeûne…

Dans les deux, on creuse pour faire place à l’inattendu. Car, si on attend quelque chose, on ne fait pas réellement place. L’inattendu est comme la Résurrection. Quelle surprise pour les apôtres face au Christ ressuscité ! On retrouve cet inattendu dans la Nativité, faisant suite à l’Avent, temps d’attente et de silence : un roi enfant né dans une mangeoire… Jeûner de bruit, pratiquer « l’abstinence des lèvres », comme l’écrit Nathalie Nabert, dans le Maître intérieur, n’a ainsi pas pour but d’attendre quelque chose de précis, au contraire. La fécondité est la possibilité d’un surgissement quel qu’il soit. D’un projet, d’une parole, d’une rencontre.

Dans le silence comme dans le jeûne, la question du manque est cruciale…

Le silence nous fait éprouver le manque, car il nous oblige à nous asseoir et à nous poser les vraies questions. À revenir à l’essentiel. Or, face à une société du plein, du gavage, avec trop de bruit, de calories, de choses à acheter ; une société qui répond toujours à la satisfaction immédiate du besoin et du désir, se découvrir habité par le manque – et je pense qu’il est consubstantiel à ce qu’on est – me paraît un remède sain. Car c’est en se vivant dans l’incomplétude qu’on ira chercher ailleurs, qu’on s’ouvrira à la relation à l’autre et à Dieu.

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samedi 23 mars 2024

Anne Le Maître : « Le silence conduit au cœur profond » (1)


Gratuit, subversif et fécond, le silence n’a jamais été autant désiré et recherché dans une société bruyante, invasive et consommatrice. Entretien avec Anne Le Maître, autrice d’« Un si grand désir de silence » (Cerf), qui a reçu en 2023 le prix de la liberté intérieure.

Interview Anne-Laure Filhol


Quelle définition donneriez-vous au silence ?

Il n’est pas forcément l’absence de bruit. C’est un état intérieur d’apaisement du tumulte en soi. Le silence permet à la fois d’être davantage dans la justesse vis-à-vis de son être intérieur et beaucoup plus disponible à ce qui arrive. Les deux s’enrichissent simultanément et si l’un va sans l’autre, il y a déséquilibre. Le silence est ainsi ce lieu intérieur dans lequel le dialogue entre ce qu’on est profondément et ce qui advient dans la relation avec les autres peut s’épanouir.

Le silence intérieur est-il l’absence totale de pensées ?

Non, c’est même l’inverse. Le silence intérieur est ce moment – ou ce lieu – où les pensées incessantes, où les mouches que l’on a dans la tête (« Il faut que je sorte la lessive de la machine à laver, que je prenne rendez-vous avec telle personne… ») se calment. Nous avons plusieurs niveaux de conscience de soi. Le silence intérieur est peut-être moins la pensée et davantage ce qu’il se passe à un niveau plus spirituel. Lorsque je fais une retraite ou que je pars marcher, plusieurs jours sont nécessaires pour que je descende dans le lieu du cœur, qui n’est pas un endroit où je ne pense pas, mais où je pense juste. Un lieu où je suis reliée à quelque chose qui est une source profonde, à une énergie vitale. Aussi, comment fait-on pour prendre une décision de vie ? Ne faut-il pas se taire et se rendre compte à un moment que la décision est prise ? Quelque chose s’est joué dans le non verbal.

Le silence conduirait donc au cœur profond…

Sans aucun doute. Et quand on est croyant, on peut y voir la présence de Dieu…

À force de faire le vide en soi, n’y a-t-il pas dissolution de l’être ?

Telle est la question angoissante : qui suis-je quand je ne parle pas ? Pourtant, si je me tais, ce n’est, la plupart du temps, pas le vide que je vais rencontrer, mais du plein. Du plein d’être. Prenons un exemple : vous êtes en forêt avec des amis, il fait beau, les oiseaux chantent. Au bout d’un moment, vous décidez de vous asseoir et de vous taire. Et plus vous allez vous taire, plus vous allez percevoir tout ce qu’il se passe : prendre conscience de la diversité des oiseaux – qui vont peut-être chanter plus fort parce que vous les dérangez moins –, des arbres, des plantes… De faire diminuer quelque chose de sa propre présence envahissante va ainsi faire surabonder le reste. Dans le silence, il y a de la surabondance en soi (de sensations, de réflexions de souvenirs) et à l’extérieur de soi.

Avant d’accéder à cette surabondance dont vous parlez, n’aurait-on pas peur de l’ennui ?

Je crois que l’ennui n’est que le début de l’angoisse du vide. Et en général, on s’arrête à l’ennui et on le comble d’une manière ou d’une autre. Là réside le divertissement pascalien, nous détournant de l’essentiel : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » Le silence nous renvoie ainsi à notre finitude, à la mort, et nous sommes souvent réfractaires à regarder en face cette idée inconfortable. Le silence requiert un certain travail, certaines conditions…

Quelles sont-elles ?

Dans mon cas, c’est d’abord de considérer la possibilité du silence comme un état de fécondité et non pas de perte. Puis d’identifier ce qui constitue un écosystème favorable pour qu’à certains moments il y ait ces silences dans ma vie. Cet écosystème démarrait dès le matin, quand je ne vivais pas seule : je me levais souvent une heure avant le reste de la maison. Un temps où je passais une heure à boire mon thé et à réfléchir, où surgissait parfois une envie d’écrire ; de prier à d’autres moments. C’était un temps d’ouverture. Ensuite, je m’impose une certaine discipline, en restant vigilante pour discerner les moments où je me laisse trop aller, lorsque par exemple je me connecte quatre fois en quelques heures à un réseau social. Aussi, mon besoin de silence est nécessaire, pour mon équilibre intérieur et l’écriture. Si je suis donc trop longtemps dans le bruit et que je suis mal, je rentre chez moi, renonce à voir telle ou telle personne, je me passe d’écrans. La troisième condition est à mes yeux le travail, au sens de la persévérance dans ce modèle-là.

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mardi 12 mars 2024

Hommage à Chandra Swami


Q : Affirmeriez-vous connaître votre Être véritable ?
Chandra Swami : Se proclamer soi-même comme tel, c'est le nier. Quand vous vous êtes réalisé, il n'y a rien à proclamer.
Q : Alors vous ne proclamez rien, mais vous dites que vous êtes réalisé...
Swamiji : Je ne dis rien. Quand vous dites que vous vous êtes réalisé, cela semble être une chose du passé.
Q : Non, j'ai demandé si vous vous diriez "réalisé", car je pense que c'est un événement et également un "état d'être".
Swamiji : La réalisation n'est pas une expérience, c'est le fait d'expérimenter. Dans la terminologie hindoue, ce genre de question est appelé "anadhikar cheshta", ce qui signifie inconvenance.
Si vous dites "oui", c'est faux.
Si vous dites "non", c'est faux.
La Vérité/Dieu est quelque chose qui n'est ni connaissable, ni inconnaissable.
Extrait de : Le Chant du Silence
(Arnaud Desjardins signe la préface)
✨ ✨️ ✨
️️Sri Chandra Swami Udasin nous a quittés le 9 mars dernier, quelques jours après son 94e anniversaire.
"Om Hari Sharanam"
(Ô Seigneur, je prends refuge en Toi)
🙏
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(une pensée pour un ami qui est sur place !)

vendredi 26 janvier 2024

dimanche 21 janvier 2024

Ouverture intérieure


Je ne vois rien de moi-même
Je découvre que je ne vois rien
Je prends du temps pour apprendre à voir
Je quitte progressivement le sommeil
Je refuse de moins en moins ce qui arrive
Je suis de plus en plus ouvert
Je ne cherche plus l'excitation du monde extérieur
Je suis dans la compagnie de ce qui n'est plus moi
Dans le silence du cœur apaisé

Yannick David

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mercredi 17 janvier 2024

Silence vibratoire

 


Mes longues nuits dans la montagne m'ont rendu familier des différentes vibrations du silence, façonné par l'atmosphère du temps. Il est feutré lorsque la neige est légère, étouffé lorsqu'elle est épaisse. Les gelées qui durcissent le sol le rendent plus aérien mais, lorsque le givre gagne les rameaux, il se fait limpide ; dans l'humidité des brouillards denses, je le perçois comme enveloppant. 

Aux aurores des matins frais, quand la rosée perle les végétaux, il est léger, innocent, dansant, mais quelles que soient les conditions, il m'apaise toujours. J'entends le silence, le respire, le ressens. Ma vie a un sens.

Michel Munier - L'oiseau forêt


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