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dimanche 24 novembre 2024

Manger et sourire



S’asseoir à table et manger en compagnie d’autres personnes est une occasion d’offrir un authentique sourire d’amitié et de compréhension. C’est très facile, mais peu de gens le font. Pour moi, l’aspect le plus important de la pratique est de regarder chaque personne et de lui sourire. Quand des membres d’une même famille ou d’une communauté sont assis ensemble sans pouvoir se sourire, la situation est vraiment critique. À la fin du repas, prenez quelques instants pour constater que vous avez terminé, que votre bol est vide maintenant et que vous êtes rassasié.

C’est une autre occasion de sourire, d’être reconnaissant pour le repas que vous avez pris, qui vous a nourri et qui vous soutient sur le chemin de l’amour et de la compréhension.

Thich Nhat Hanh - extrait de Vivre en pleine conscience - Manger

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mardi 16 avril 2024

L'autre peut me nourrir...

 


Il est extrêmement rare de rencontrer quelqu’un, qu’on voie beaucoup de monde ou qu’on soit ce qu’on appelle un solitaire. La plupart des gens rendent très difficile de les rencontrer parce qu’ils ne sont pas vraiment dans leur parole ou parce qu’ils sont sans âme. Je fais toujours à l’autre le crédit de la nouveauté incroyable de son existence, mais ce crédit va s’user si l’autre a gâché cette merveille-là pour devenir comme tout le monde. Comment parler avec personne ? C’est impossible.

Parfois le désir de partager est si fort que je vais quand même tenter ma chance mais souvent en vain. Les opinions ne m’intéressent pas. Ce qui me touche, c’est quand l’autre met tout le poids de sa vie dans la balance des mots et que sa pensée s’appuie sur ça. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’être totalement incapable d’aimer, et en même temps d’aimer plus que personne. Je vois très peu de monde, mais je peux être indéfiniment avec l’autre quand il est là. Quand je suis né, on m’a proposé le menu du monde, et il n’y avait rien de comestible. Mais quand l’autre est vraiment avec moi, je peux manger : je bois une gorgée d’air, je mange une cuillerée de lumière.

~ Christian Bobin

La lumière du monde 

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vendredi 16 juin 2023

Mastiquer c'est la santé

Mastiquer rend intelligent


Tout aliment de qualité est porteur de vie, de plaisir. Notre estomac n’est pas une poubelle, mais un sanctuaire : entre l’œsophage et l’anus, nous avons cent millions de neurones aussi intelligents que ceux de la tête et producteurs de vingt neuromessagers, les mêmes que ceux du cerveau.*

Chez les Chinois, le ventre est notre premier cerveau, le second est dans la tête. Il y a beaucoup de vrai dans leur perception du corps. Comparez l’image d’un cerveau et celle d’un intestin : il y a de fortes ressemblances. Toutes les parois de notre tube digestif, de haut en bas, sont pourvues de neurones. Les chercheurs le savaient bien depuis deux cents ans ou plus, mais il était irrecevable d’accepter que nous puissions avoir des trucs intelligents au-dessous de la ceinture !

Les aliments qui régalent nos papilles régalent aussi notre cerveau. Les laboratoires s’en sont aperçus depuis longtemps puisque certains médicaments censés faire du bien au cerveau soignent l’estomac et vice versa. Notre estomac et notre intestin ont droit à autant d’égards et de respect que notre cerveau. Soyez conscient que tout ce qui entre par votre bouche va entrer en contact direct avec vos neurones, les toucher tout de suite ; ces mêmes neurones que ceux qui commandent votre tête. Voilà pourquoi les plaisirs liés aux aliments, mais aussi les troubles, sont si rapides. Lorsque vous consommez du chocolat, la théobromine agit comme calmant sur vos neurones. Une coupe de champagne à jeun perturbe immédiatement vos neurones, qui vous envoient alors des commandes erronées et vous font marcher de travers. En effet, il est physiologiquement impossible que l’alcool passe à une telle vitesse à travers le sang jusqu’au cerveau. Ce sont bien les neurones de l’estomac qui agissent sur notre comportement. Ce qui nous explique pourquoi boire de l’huile ou manger des cacahuètes, avant de boire un verre d’alcool à jeun, en retarde les effets.

C’est aussi grâce aux plaisirs de la bouche que nous pouvons fabriquer non seulement des endorphines (excellentes pour supporter les moments difficiles de la vie), mais aussi des images visuelles, sonores, olfactives, gustatives et même tactiles, capables de réapparaître pour notre plus grand bonheur. Tout le monde connaît l’histoire de la fameuse madeleine de Marcel Proust !

Une mastication lente renforce l’empreinte des mets dans notre imaginaire, organisant ainsi une réserve de souvenirs prêts à ressurgir à tout moment — d’où l’intérêt de préparer des mets appétissants, sur une jolie table, de les partager avec des personnes aimées. Voilà pourquoi il vaut mieux manger parfois mal avec volupté que bien tristement ! ...


... Écraser grossièrement, laisser la salive imprégner, masser les glandes salivaires, écraser encore, insaliver...

La petite quantité d’aliments est dans votre bouche. Vous l’écrasez trois ou quatre fois, puis vous laissez la salive descendre et humecter complètement les aliments. Si la salive ne vient pas en abondance, vous pouvez vous faire un auto-massage des glandes salivaires dans le creux des os, à la hauteur du bas du lobe de l’oreille, sous la jonction des deux maxillaires. Faites un essai en dehors des repas : la salive doit s’écouler très rapidement. Lorsque les aliments sont bien humectés, vous les broyez encore quelques fois. Si vous êtes en train de manger du pain, des céréales, des pâtes, vous devez sentir que ces aliments se liquéfient complètement et deviennent plus sucrés. Vous pouvez alors les avaler.

Tout cela peut vous paraître fastidieux, mais vous prendrez vite l’habitude. Ne faites surtout pas descendre ce qui est dans votre bouche à l’aide d’eau ou d’une quelconque boisson. Cette méthode qui consiste à laisser la salive faire son travail de dégradation des amidons, est beaucoup plus agréable que de devoir écraser les aliments cinquante fois. Il vous faudra peut-être beaucoup de temps avant d'être capable de mastiquer correctement tous votre repas. Ne vous découragez pas. Depuis votre naissance peut-être, vous avez toujours avalé. Accordez-vous une bonne année avant d'y arriver.

* “Notre ventre est un cerveau”, dossier de la revue Ça m'intéresse, août 2001.
Extrait de "Mastiquer, c'est la santé" de France Guillain (Ed. Jouvence)