Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Apartheid et Israël-Palestine : enseignements et
contresens d’une analogie1
Frédéric GIRAUT
Université Joseph Fourier, UMR Pacte/Territoires et IRD 2
Résumé : L’analogie entre l’apartheid et la situation en Israël-Palestine envahit les commentaires et
les analyses. Elle prend cependant différentes formes. L’usage radical et systématique de l’analogie
vise à condamner l’Etat d’Israël et le sionisme dans leur nature même. Cette approche infondée est
aisément réfutable par l’analyse comparée des deux systèmes politiques et sociaux, y compris la
discrimination des Arabes israéliens par rapport à celle des non Blancs en Afrique du Sud de
l’apartheid.
L’usage conjoncturel à visée critique ou constructive de l’analogie s’applique quant à elle
exclusivement au traitement des Territoires occupés par Israël et fait référence à la politique du
« grand apartheid » et ses bantoustans. Bien que s’appuyant sur quelques éléments communs, cet
usage de l’analogie ne résiste pas à une analyse technique et contextualisée des ingénieries territoriales
et politiques. Là où le « grand apartheid » relevait d’un système politico-territorial profondément
raciste mais de nature postcoloniale, la politique israélienne vis-à-vis des Territoires occupés et plus
généralement le sionisme contemporain, apparaissent comme un nationalisme de pratique coloniale,
au sens étroit du terme (primat de l’appropriation foncière et de l’annexion sur les autres formes de
domination).
Les perspectives de résolution du conflit font également l’objet d’approches comparatives qui
s’intéressent à l’expérience sud-africaine. Là aussi l’analogie entre les deux situations offre peu de
points communs sur lesquels s’appuyer pour concevoir les modalités d’un compromis géopolitique et
d’une réconciliation. En revanche, le rapport renouvelé au territoire et à la souveraineté, esquissé à
Genève, relève d’un post-sionisme territorial qui semble porteur de solutions.
Mots clés : ségrégation, sionisme, nationalisme, apartheid, colonialisme, racisme, frontières,
bantoustan, post-sionisme, post-colonialisme, colonisation, annexion.
Le quotidien The Guardian3 rapporte que la revue Political Geography aurait imposé
en 2002 au géographe israélien Oren Yiftachel d’introduire une comparaison avec l’apartheid
sud-africain pour accepter d’envisager la parution d’un article critique sur la question
territoriale en Israël, article cosigné avec un universitaire palestinien. Qu’il s’agisse de
l’oukase d’une revue tentée par le boycott académique d’Israël ou de la seule suggestion d’un
relecteur qui aurait eu connaissance de la pratique antérieure de ce rapprochement par
l’auteur, l’incident est révélateur de l’enjeu que constitue l’usage de l’analogie, y compris
dans les milieux scientifiques et notamment ceux de la géographie politique.
L’analogie entre la situation en Israël-Palestine et l’apartheid sud-africain n’est en fait
pas récente. Elle a connu un spectaculaire développement avec la construction du mur dit « de
sécurité » par les autorités israéliennes, communément appelé « mur de l’apartheid » par les
pro-palestiniens.
1
Cet article précise, complète, actualise et approfondit le contenu d’une tribune parue dans la revue Outre-Terre n 9.
UMR Pacte/Territoires, Cités des territoires, 14 bis avenue Marie Reynoard, 38 100 Grenoble.
[email protected]
3
Article de Andy Beckett intitulé « Its water on stone – in the end the stone wears out » et paru dans The Guardian, édition
du Jeudi 12 décembre 2002.
2
1
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Analogie radicale et analogie conjoncturelle
L’analogie fut d’abord le fait du seul antisionisme radical qui l’appliqua à la nature
même de l’Etat d’Israël pour tenter d’obtenir sa condamnation morale et réclamer sa mise au
ban international avec pour objectif sa disparition. L’ouvrage d’Uri Davis intitulé « Israël : an
apartheid State » paru en 1987 constitue la référence pour ce mouvement qui fait de l’analogie
un argument systématique du combat contre le sionisme.
Cette assimilation s’est largement exprimée lors de la conférence des Nations Unies
sur le racisme tenue à Durban en 2001 et a entraîné son fiasco. Rappelons rapidement les
arguments qui fonderaient cette utilisation radicale et récurrente de l’analogie (qui en fait joue
sur des images et des slogans mais jamais sur une véritable démonstration) : les liens
entretenus entre Israël et l’Afrique du Sud de l’époque de l’apartheid, et surtout la situation
des Arabes israéliens.
L’application de l’analogie à la politique israélienne envers les Territoires occupés est
plus répandue et ne poursuit pas forcément les mêmes buts radicaux. Il y a d’abord les auteurs
qui effectuent la mise en parallèle des situations dans la perspective de la résolution du conflit
israélo-palestinien. Ils envisagent alors les enseignements de la « révolution négociée » sudafricaine, modèle du genre, mais soulignent la plupart du temps la difficulté de la
transposition par les grandes différences de contextes et d’origines (Adam, 2002 ; Knox &
Quirk, 2000 ; Will, 2000).
Il y a ensuite les fervents utilisateurs de la référence sud-africaine du temps de
l’apartheid pour stigmatiser les dérives israéliennes : Marwan Bishara (2001 & 2002), Edward
W. Said (2003), Noam Chomsky (2004), Roan Carey (2001), Oren Yiftachel (2001) ou encore
François Maspéro (2001) sont des analystes ou des témoins qui pratiquent l’analogie vis-à-vis
de la politique israélienne depuis la seconde Intifada, voire depuis les accords d’Oslo, mais
dont la démarche revendique un appui à la recherche de la paix. On parlera dans tous ces cas,
d’une utilisation conjoncturelle à visée constructive ou critique de l’analogie. L’usage que fait
Bishara de l’analogie est même prospectif et désigne un « scénario catastrophe » ou une
perspective à éviter mais probable sans abandon de la politique d’occupation. Cette
probabilité est souvent évoquée en Israël compte tenu des tendances démographiques et de la
possibilité de voir une majorité d’Arabes en Israël/Palestine dominée ou occupée par une
minorité juive. Du point de vue israélien, la conclusion est alors le plus souvent l’urgence de
l’instauration d’un Etat palestinien et d’une séparation effective entre Arabes et Juifs (Soffer,
2004). Du côté des usagers pro-Palestiniens de l’analogie, les conclusions sont différentes et
même si Bishara dénonce le spectre d’un Etat unique et inégalitaire, ses positions vont dans le
même sens que celles d’Edward Said et Noam Chomsky pour critiquer la formule de deux
Etats. En fait, l’argument majeur de ces partisans d’un Etat binational est la perspective
inverse d’un pseudo Etat palestinien dominé, de type bantoustan, perspective qui serait
apparue dès les propositions d’Oslo selon également Alain Joxe (1995), Tanya Reinhart
(2002) ou Alain Ménargues (2004).
Du côté des universitaires qui prennent réellement pour objet l’analogie et qui discute
de sa pertinence, les positionnements divergent également sur le fait de savoir s’il faut
l’appliquer à Israël avec ou sans les territoires occupés. Noam Chomsky fait un usage virulent
de l’analogie et l’a utilisée a priori comme image choc pour défendre ses vues avant d’en
analyser la pertinence (Chomsky & Lee, 2004). Il estime d’ailleurs que la construction du mur
va au-delà de ce qu’était la politique sud-africaine des bantoustans, mais il se refuse à utiliser
le terme d’apartheid pour la situation à l’intérieur des frontières d’Israël, tout en remarquant
que les techniques d’expropriation des terres arabes s’en sont approchées.
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La distinction entre le Greater et le Lesser Israël est clairement faite également par
Glazer (2003) qui estime que l’analogie n’est applicable qu’à l’entité qui incorpore les
Territoires occupés. Il montre par ailleurs les grandes différences entre les situations
géopolitiques, quel que soit le cadre spatial retenu, mais se situant sur un plan moral, il
conclut à la pertinence du parallèle compte tenu des valeurs que ces politiques bafoueraient.
Derrière un apparent questionnement scientifique, Leila Farsakh (2003) pratique ouvertement
l’amalgame et se réfère indifféremment à la situation en Israël et dans les Territoires occupés
pour condamner in fine le sionisme.
Dans tous les cas, la référence principale sur laquelle se fonde l’analogie ou à partir de
laquelle sa pertinence est discutée est celle des bantoustans (pseudo Etats) de leur mise en
place et de leur effacement, même si ces bantoustans sont parfois confondus avec les
townships (ghettos urbains dans le contexte sud-africain).
Evoquée régulièrement depuis les conquêtes de 1967, la référence aux bantoustans a
pu fonctionner comme un contre-modèle lors des négociations de paix qui ont conduit aux
accords d’Oslo puis aux propositions israéliennes de Taba. La voie empruntée par l’actuel
premier ministre pour la conception et la constitution unilatérale d’un Etat palestinien, avec
notamment l’établissement du mur, ou encore les positions qui s’expriment au Likoud sur la
perspective d’un « établissement palestinien temporaire » étriqué plutôt qu’un Etat palestinien
souverain sont donc maintenant clairement assimilées par nombre de commentateurs à
différentes facettes d’une politique d’apartheid… A tort, même si elles sont condamnables et
certainement négatives.
Retour sur une notion décidément bien pratique pour stigmatiser tour à tour un Etat,
une idéologie, une politique et des stratégies dans un conflit.
Apartheid : séparation en Afrikaans, ou plus exactement « être ou vivre séparés ».
Nom donné au régime raciste sud-africain en vigueur des années 1950 au début des années
1990. Le terme fut créé et revendiqué par le gouvernement issu de la victoire du Parti national
aux élections de 1948, il désigne une doctrine qui se voulait à fondement religieux, celle du «
développement séparé des races » et une pratique, celle de la systématisation des principes
ségrégatifs. Ceux-ci, hérités de la période coloniale, régissaient de manière plus ou moins
stricte l’organisation foncière et résidentielle de l’espace sud-africain. Sous l’apartheid, ces
principes ont été étendus à tous les domaines de la vie sociale et à tous les niveaux de
l’organisation de l’espace : du bâtiment public ou privé à la province. La politique d’apartheid
s’est notamment traduite par une classification stricte des individus en catégories étanches et
hiérarchisées correspondant à des espaces résidentiels spécifiques : blancs, indiens, métis et
noirs (eux-mêmes subdivisés en groupes ethno-linguistiques) et par une ingénierie juridique et
territoriale raciste et proliférante. Celle-ci allait de « l’apartheid mesquin », le plus fameux
avec ses lieux séparés et sa phobie de la mixité, qui restreignait au maximum les contacts et la
cohabitation entre groupes raciaux, au « grand apartheid », qui visait à mettre en place des
bantoustans indépendants, privant par là même leurs ressortissants noirs, dont plusieurs
millions transférés de force, de la nationalité sud-africaine. La suprématie blanche s’exprimait
par la restriction des droits politiques et économiques des non-blancs et leur cantonnement
dans les emplois les moins qualifiés, ainsi que par un contrôle étroit des déplacements,
organisés pour l’exploitation de la main d’œuvre à partir des aires ségréguées : bantoustans ou
townships.
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Confusions et raccourcis dans l’usage radical de l’analogie
Theodor Herzl en 1896, dans son essai fondateur du sionisme intitulé l’Etat des Juifs,
prenait le Transvaal minier comme exemple d’une colonie de peuplement modèle face à
l’anarchie californienne. Le Transvaal etait alors une république indépendante où urbanisation
et développement industriel accompagnaient une mise en valeur agricole difficile menée par
une communauté d’origine européenne qui avait rompu avec ses origines ; loin des grandes
concentrations africaines, les colons n’en étaient qu’à organiser les premiers flux de main
d’œuvre et n’avaient pas encore déployé une ingénierie sophistiquée de la ségrégation.
L’assimilation de l’Etat d’Israel et du sionisme au régime de l’apartheid, c’est-à-dire
l’usage radical de l’analogie, ne retient en général pas cette référence et joue plutôt sur
certains rapprochements historiques contemporains : une date fondatrice commune tout
d’abord, 1948 ; une colonisation de peuplement d’origine européenne qui trouve des
arguments de légitimité dans un débat sur l’antériorité du peuplement ensuite. Rappelons que
le régime afrikaner prétendait être issu d’une colonisation européenne simultanée voire
légèrement antérieure à l’aboutissement des migrations bantoues en Afrique australe et se
désignait dans sa propre mythologie comme un peuple élu. On est certes très loin de
l’argument autrement plus fort du retour à une patrie originelle et biblique, mais le registre
argumentaire se prête à certains rapprochements.
L’usage de cartes historiques pour justifier la légitimité du « développement séparé »
dans un cas et du sionisme appliqué à la totalité de la Palestine dans l’autre fut et est fréquent.
La profusion des sites proposant des cartes à la fois contemporaines et historiques du ProcheOrient est d’ailleurs extraordinaire, de même que les représentations notamment
cartographiques de l’antériorité de l’arrivée des Européens sur les mouvements bantous vers
le Sud et du Grand Trek des Afrikaners vers le Nord furent légion. Le rapprochement est ici
intéressant, et si nous n’assimilons certes pas la propagande de l’extrême droite Israélienne
partisane d’un « grand Israël » et les positions officielles de l’Etat israélien, force est de
constater que plusieurs cartes présentées sur les sites gouvernementaux de relations
extérieures relèvent du genre annexioniste et de sa justification historique.
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Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Encadré 1 : De l’usage de cartes historiques pour fonder les légitimités territoriales
Outre les fréquentes cartes des royaumes de David, Salomon et Hérode qui peuvent constituer la
référence pour un « grand Israël », deux cartes issues de sites officiels retiennent l’attention :
- la première réalisée par IsraelInsider4, accessible sur son site « Israel Story in Maps » est reprise sur le
site du Ministère des affaires étrangères israélien. Elle présente les communautés juives en terre d’Israël entre le
VIIe et le XIe siècle. Or les frontières représentées sont sensées être celles de l’“Israël moderne” qui englobent
les Territoires occupés et le Golan en précisant comme toujours dans ces cas là qu’il s’agit des frontières
internationales et de la ligne de cessez-le-feu de 1967. C’est dans ce cadre géographique qu’apparaît un semis de
points représentant notamment la plupart des villes de Galilée de Cisjordanie et de la bande de Gaza ainsi
judaïsées et partie intégrante d’un « grand Israël ». Un commentaire plus neutre accompagne cette carte5
- la seconde est une carte de l’Agence juive pour Israel intitulée « Le Mandat britannique 1920-1946 »6
et qui barre la totalité du territoire sous mandat britannique des appellations empilées « ‘Palestine - Eretz Israël The Jewish National Home - (British Mandate) ». Le commentaire qui accompagne cette carte reprend le
passage de la Déclaration Balfour sur l’appui anglais à la constitution d’un « Jewish National Home in
Palestine » et stipule qu’elle ne comprenait aucune restriction géographique dans le cadre territorial du Mandat.
Raccourci saisissant que de transformer du coup dans un document pédagogique la totalité de l’espace en Eretz
Israël alors que la déclaration comporte également le passage suivant : « Il est clairement compris que rien ne
devra être fait qui pourra porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives présentes en
Palestine ».
Sce : IsraelInsider (Koret Com.) Min. of Foreign Affairs
Fig. 1 : « Jews in the Land of Israël (7th-11th centuries) »
Sce : Pedagogic Center, Jewish Agency
Fig 2 : « British Mandate for Palestine 1920-1948 »
Dans une publication officielle de 1975 présentant la politique des black homelands, l’Africa Institute of
South Africa de Pretoria7 présente deux cartes qui retracent l’histoire officielle de l’occupation de l’espace sudafricain. Les deux cartes (fig. 3 et 4) sont disposées sur une même page, on trouve au dessus celle qui retrace la
progression du peuplement blanc. Y figure à gauche, au commencement, la date originelle de leur arrivée :1652.
Les étapes de la conquête jusqu’en 1910 sont rappelées. Une aire grisée matérialise la première zone de contact
et d’affrontement autour de 1800 au delà de laquelle se trouve le pays des noirs. C’est de cette aire orientale de
contact que partent les flèches du Grand Trek en 1836, ainsi sur cette carte, l’histoire des Afrikaners semble
occuper tout le terrain côté Blancs, si ce n’est les deux flèches symbolisant les arrivées par l’Océan Indien des
Anglais en 1820 vers Port Elizabeth et 1840 sur la côte du Natal, c’est à dire en pays disputé et pays noir si l’on
en juge par les informations portées sur les deux cartes. En effet, dessous, la carte de la progression du
peuplement noir ne mentionne que les bantous et met en exergue l’aire de l’empire de Chaka (bien qu’éphémère
4
http://www.israelinsider.com/flash/maps/israel_story/free_trial.htm
« Après la mort de l’empereur Julien II en 363, la plupart des implantations juives furent détruites dans le Sud. Les Juifs
restèrent principalement en Galilée et dans les grandes villes. »
5
6
7
Institut de recherche créé en 1960 pour accompagner la réflexion et suivre scientifiquement le processus de décolonisation
sur le continent et notamment sa déclinaison sud-africaine que devait être la politique des bantoustans
5
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nous dit le texte) qui occupe approximativement celle de la colonie du Natal. Cette carte ne fait apparaître une
seule date, celle de 1770, bien postérieure donc à la date fondatrice de la colonisation européenne, il s’agit de la
date d’avancée extrême des bantous Nguni qui arrivent au contact des Blancs dans l’Eastern Cape, tandis que le
texte précise que les bantous de parler Sotho s’étaient déjà installés sur les hautes terres du Basutoland lorsque
les blancs arrivèrent au Cap.
Le tableau géohistorique base d’un partage de l’espace est donc dressé. Pas d’antériorité réelle d’un
groupe racial sur le territoire sud-africain, une vaste partie sud-ouest et centrale exclusivement blanche en termes
de légitimité historique et un Est noir (exit les Anglais du Natal et de l’Eastern Cape), seul le Nord est partagé.
Sce : African Intitute of South Africa (1975) in « Black Homelands »
Fig 3 et 4 : Représentation historique officielle du
processus d’occupation de l’espace sud-africain par les Blancs et les Noirs.
Si donc une analogie peut être faite sur l’usage des arguments géohistoriques pour légitimer une vision
hégémonique d’une domination nationale dans un cas, et raciale dans l’autre, c’est entre la propagande de
l’apartheid et celle d’une droite sioniste extrémiste partisane d’un « grand Israël » qui cependant s’introduit
parfois dans l’histoire officielle Israélienne.
Un fait introduit également la confusion, il s’agit de la malheureuse coopération,
notamment militaire, qu’Israël entretint avec le régime de l’apartheid (Nouhou, 2003). Enfin,
à La Haye, devant la Cour de justice internationale puis à l’ONU, Israël mis en accusation
6
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pour sa « clôture de sécurité » semble une fois de plus rattrapé par l’Afrique du Sud, presque
35 ans après la condamnation de cette dernière pour son occupation de la Namibie.
Ces rapprochements factuels et partiels oublient l’essentiel, Israël est une démocratie
dans laquelle le droit de vote est universel et la justice indépendante, où l’opposition et la
presse peuvent critiquer le gouvernement dans ses choix y compris en temps de guerre et où
des commissions d’enquête indépendantes n’épargnent pas le pouvoir. Autant de différences
absolument fondamentales qui rendent caduques toutes les tentatives d’assimilation de l’Etat
d’Israël au régime de l’apartheid, totalitaire par bien des aspects.
La dénonciation des discriminations qui affectent les Arabes israéliens, pour réelles
qu’elles soient, n’offre pas non plus de prises réelles à l’analogie. Sauf à considérer que seul
le « grand Israël » constitue un cadre d’analyse pertinent. C’est ce que font les « néosionistes » partisans du « grand Israël », (dont Navon (2004) reprend la plupart des
arguments), qui voient les Territoires occupés comme partie intégrante et légitime de l’Etat
israélien et leurs ressortissants comme devant continuer à subir le joug de l’occupation
pérennisée dans un système de « contrôle » (Lustick, 1980). C’est aussi ce que font des
analystes comme Kimmerling (1989) ou Glazer (2003) qui estiment que le développement
continu de la colonisation, la dépendance des territoires et la durée de leur occupation
(presque 40 ans sur moins de 60 ans d’existence de l’Etat d’Israël), ont rendu inexistante la
perspective de l’indépendance réelle des Territoires et évidente leur intégration dans un
ensemble politique hétérogène et profondément inégalitaire. Si l’on refuse la première vision
impérialiste et la seconde, anticipatrice du pire, on doit tout en dénonçant la situation terrible
des Palestiniens des Territoires en ces temps de conflit et d’occupation, s’en tenir à l’analyse
du statut et de la situation des seuls Arabes israéliens pour évaluer la nature juridique et sociopolitique de l’Etat Israélien et son éventuel rapprochement avec le régime de l’apartheid. Ceci
n’empêche pas de considérer l’ensemble des Palestiniens (Israéliens ; des Territoires
occupés ; réfugiés) comme relevant d’une communauté transnationale hétéroclite dans les
statuts et les situations, mais pouvant partager certaines aspirations nationales communes
(Rabinovitz, 2001 ; Seren, 2003 : Guermond & Mathieu, 2004).
En ce qui concerne les Arabes israéliens donc, les discriminations qu’ils subissent ne
relèvent pas d’un statut inférieur qui limiterait leurs droits politiques essentiels, mais
renvoient plutôt à la position socio-économique marginale de la communauté arabe dans la
société israélienne. Une des origines foncières de cette position marginale et dominée remonte
à la Nakbah de 1948 et à l’expulsion de nombreux Palestiniens de leurs terres qui se
poursuivit dans les années 1950 et 1960 (Pape, 2004). Elle pose un réel problème moral à
Israël et est au cœur du débat sur le post-sionisme avec la réécriture de cette page d’histoire
par des historiens israéliens comme Ilan Pape et Benny Morris qui parlent de « purification
ethnique ». Ces expulsions foncières au profit de l’armée et des kibboutzim via l’Office de
développement, ont produit des Palestiniens sans terre, invités à s’expatrier ou à gonfler les
rangs des réfugiés intérieurs. En Afrique du Sud, dans le cadre du « grand apartheid » et
même depuis le Native Trust and Land Act de 1936, les expulsions rurales qualifiées
d’« éliminations de black spots » se traduisaient au contraire par une affectation autoritaire sur
des terres collectives, éventuellement transférées du domaine colonial pour accroître les
superficies des réserves puis des homelands.
La position socio-économique marginale des Arabes israéliens réfugiés intérieurs ou
villageois des isolats municipaux palestiniens se traduit aujourd’hui par leur sousreprésentation dans la fonction publique et parmi les diplômés et par des ressources limitées
pour les collectivités locales majoritairement arabes (Katz, 2001 ; Klein, 2002 ; Razin &
Hazan, 2004). Cette situation s’apparente à celle de nombreuses communautés minoritaires et
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dominées dans les pays occidentaux que les politiques publiques de discrimination positive
tentent parfois de contrecarrer, ce qui n’est pas le cas en Israël. Plus spécifiquement, la sousreprésentation des Arabes parmi les conscrits traduit les méfiances réciproques qui d’un côté
expliquent les réticences à servir Tsahal et de l’autre encourage la non-participation à l’armée
d’une communauté dont on se méfie, les conséquences de cette désaffection sont aussi
économiques puisque nombre d’avantages sont accordés aux militaires. Enfin, l’existence de
catégories de nationalité qui stipulent la communauté d’origine et la religion des Israéliens,
s’inspire de la tradition du « millet » héritée des techniques juridiques de la gestion de la
diversité religieuse dans l’Empire ottoman. Elle reconnaît une juridiction traditionnelle
spécifique pour chaque communauté, les juifs peuvent cependant avoir recours à une justice
civile alternative non sexiste pour les affaires matrimoniales. Ces juridictions différenciées
régissent le statut de la personne, mais pas celui du citoyen qui repose sur un principe
égalitaire qui garantit aux individus des droits politiques équivalents. En fait, d’un point de
vue juridique l’Etat d’Israël constitue un cas unique, il s’agit d’un système sans constitution
écrite, qui privilégie les droits coutumiers dans le domaine du droit privé, et offre une double
définition de l’Etat à la fois juif dans son principe national, et laïc et multiconfessionnel dans
son droit public. Avec un système aussi complexe qui multiplie les références selon les
catégories du droit pour assurer le respect des libertés tantôt collectives, tantôt individuelles,
on est très éloigné de l’apartheid, constitué par un arsenal homogène de lois racistes reposant
sur une constitution non démocratique.
Smooha (1990 & 2001) range Israël dans la catégorie des « démocraties ethniques » au
côté de la Slovaquie et de l’Estonie, qu’il distingue des « démocraties civiques »,
« multiculturelles » et « bi ou multinationales », ces deux dernières reconnaissant également
des droits communautaires, mais égalitaires, ainsi qu’une égalité dans les modalités
d’acquisition de la nationalité. L’auteur envisage aussi les « quasi » et « non démocraties »
dans lesquelles se rangent l’Afrique du Sud de l’apartheid, archétype de la « Herrenvolk
démocratie » où les droits civiques sont réservés à une minorité raciale. C’est dans les quasidémocraties que se développent les modalités de « contrôle » politique d’une minorité.
Smooha nous rappelle que Lustick avait identifié de telles pratiques de contrôle juridicopolitique pour Israël (1980) avant d’estimer que la voie vers le binationalisme y était en fait
tracée (1987). Différents auteurs reprennent depuis cette notion notamment Oren Yiftachel
(1995).
Du point de vue non plus du seul droit et des techniques juridiques d’encadrement,
mais de la philosophie politique qui s’intéresse aux rapports de l’individu à la société et à la
nation, le système israélien se rapprocherait d’une conception communautaire des rapports à
la société de type américaine, tandis que les modes d’acquisition de la nationalité (résidence
effective dans les frontières d’Israël de 1949 et « loi du retour ») renvoient à une conception
germanique de la nation qui repose sur le « droit du sang ».
“Consolidation” versus annexion
Au delà des raccourcis d’une analogie infondée quand elle s’applique à l’Etat d’Israël
dans sa nature et au sionisme en général, l’analogie du « grand apartheid », autrement dit de la
politique des bantoustans ou homelands, avec la politique israélienne à l’égard des Territoires
occupés apparaît plus intéressante. Elle mérite discussion dans la mesure où un tel problème
géopolitique doit être mis en perspective par rapport à quelques références historiques.
Les données géopolitiques apparaissent très différentes. C’est ce que souligne Héribert
Adam (2002) qui pointe notamment8 les différences de rapport démographique, la différence
8
L’auteur évoque également les différences fondamentales de positionnement des parties au moment des négociations de
paix :
8
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d’interdépendance économique des communautés, bien plus importante dans le cas des Blancs
et des Noirs d’Afrique du Sud que dans le cas des Juifs et des Palestiniens ; la moindre
importance du clivage religieux dans le cas sud-africain, qui s’est illustré par la suite dans le
caractère chrétien de la Truth and Reconciliation Commission ; et enfin la plus grande
autarcie du système sud-africain qui était nettement moins dépendant de l’extérieur que le
système israélien.
En revanche les techniques territoriales qui accompagnent les politiques israéliennes
depuis l’occupation semblent souffrir davantage la comparaison. Plutôt que d’explorer de
manière comparative et analytique les différents aspects de ces politiques, et notamment celui
du contrôle des déplacements qui offre quelques similitudes (Zureik, 2001), notons d’emblée
une différence essentielle : la tentative de rogner le périmètre d’un futur Etat palestinien est
une démarche territoriale strictement opposée à celle de la constitution des bantoustans en
Afrique du Sud dans les années 1950 à 1980 à partir d’un archipel discontinu de réserves.
Le projet de mur et l’amputation du territoire palestinien cisjordanien de plusieurs
« blocs » de colonies ou implantations israéliennes, y compris parmi les plus récentes, ainsi
que la constitution de zones tampons de sécurité le long des frontières internationales (avec la
Jordanie) et à proximité des villes israéliennes obéissent à deux principes. Le premier principe
est celui de la colonisation foncière qui renvoie à une conception expansionniste et
hégémonique du sionisme, il est ici à la fois entériné et bridé dans ses objectifs maximalistes
d’annexion de la « Judée-Samarie » ; le second principe s’applique aux zones stratégiques
d’un point de vue militaire, il est sécuritaire et de précaution et peut théoriquement être
temporaire. Au nom de ce dernier principe, le projet controversé de retrait des colonies
israéliennes de la bande de Gaza semble devoir s’accompagner également d’une amputation à
la périphérie pour créer une zone tampon militaire (la « ligne Philadelphi ») sur les frontières
internationales et le littoral qui priverait donc cet espace de contact direct avec tout autre
voisin qu’Israël, ici l’Égypte. Le plan Sharon se présente en fait comme un coup d’arrêt à
l’expansionnisme foncier israélien et l’acceptation d’un Etat palestinien au prix d’une
validation partielle de la colonisation de la Cisjordanie. Mais en venant relayer la colonisation
foncière par l’établissement de zones tampons prises sur les Territoires occupés, ce plan peut
être vu comme le dernier avatar d’un processus continu de grignotage des territoires
palestiniens.
Ce processus est en fait bien différent du projet de « grand apartheid » qui tentait de
fabriquer des territoires mono ethniques dotés au contraire de l’apparence d’espaces nationaux
relativement compacts et de frontières internationales, donc à la souveraineté « crédible ». Il
s’agissait d’obtenir une reconnaissance internationale de ces nouveaux Etats pseudoindépendants. Le modèle était celui du Lesotho, du Swaziland et du Botswana ex-protectorats
britanniques, devenus indépendants et constituant des réservoirs de main-d’œuvre captifs pour
l’Afrique du Sud.
leaderships politiques largement unifiés en Afrique du Sud, contre divisions politiques profondes aussi bien du côté
palestinien qu’israélien (très contestable au regard notamment de la quasi guerre civile du début des années 1990,
entre partisans de l'ANC et de l’Inkhata, attisée par le régime l’Apartheid) ;
recours à une médiation extérieure de la part des Israéliens et des Palestiniens, là où le Parti national et l’ANC
avaient évité l’intervention de tiers dans les négociations,
Notons que de ce point de vue, l’actuel unilatéralisme de la politique israélienne se rapprocherait plutôt, dans la forme, des
quelques tentatives d’amender le système sud africain à la fin des années 1980.
-
9
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Encadré 2 : D’un archipel de réserves à une couronne de pseudo Etats dominés
Fig. 5 Reproduction de la planche intitulée : Land for Blacks, from the 1913 Land Act to the
Independant States extraite d’un atlas autorisé et validé par les autorités sud-africaines de l’apartheid :
Atlas of Southern Africa, 1984, The Reader's Digest Association South Africa (produced in cunjunction
with the Department of Community Development, Directorate of Surveys and Mapping).
10
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Cette planche (correcte quant aux surfaces et aux localisations représentées à une telle échelle) illustre le passage
progressif des « réserves », résidus dispersés d’une stricte logique de conquête foncière, aux « homelands » qui
assurent la domination du centre sur des périphéries constituées dans le cadre du « développement séparé ». Ce
processus voit d’abord passer la part du territoire sud-africain sous administration noire déléguée de moins de 10
% en 1913 à environ 13 % en 1936 (mais seuls les 2/5 septentrionaux et orientaux du pays, soit ses secteurs
« bantous » sont concernés), puis par un vaste remembrement, un regroupement est opéré qui réduit
considérablement la dispersion des blocs pour constituer des entités nettement moins discontinues sur toujours
un peu moins de 15 % du territoire sud-africain.
Pour constituer les nouveaux homelands destinés à devenir indépendants, les autorités
sud-africaines opérèrent de vastes regroupements, elles éliminèrent nombre de « black spots »
ou isolats de propriété noire et procédèrent à des transferts massifs de population vers les
marges internes des bantoustans. Ainsi les marges des bantoustans situées au plus prêt des
villes industrielles sud-africaines (quelques dizaines de kilomètres) devinrent elles des zones
très densément peuplées, véritables fragments urbains projetés reliés aux villes sud
africaines9. Les périphéries septentrionales de Pretoria ou la zone du Bushbuckridge
témoignent encore de ce dispositif. Autre technique utilisée : plutôt que déplacer les
populations citadines noires, aller à leur rencontre en incluant de grands townships dans le
périmètre de bantoustans. Ainsi les limites du KwaZulu passèrent dans l’agglomération de
Durban pour incorporer les grands townships de KwaMashu et Umlazi, et celles du Ciskei
incorporèrent les vastes townships situés entre East-London et KingWilliam’sTown.
En contrepartie des expulsions citadines (et parfois rurales) massives qui frappèrent les
Noirs sud-africains, des domaines de propriété blanche furent abandonnés pour réaliser une
continuité territoriale entre les ex-« réserves ». Quelques rares cités coloniales furent même
totalement incluses dans des bantoustans, ce fut le cas d’Umtata et de Mafikeng,
respectivement capitales de l’ex-Transkei et de l’ex-Bophuthatswana. Ce dernier hérita par
ailleurs d'un gisement de platine en tant que vitrine de la politique volontariste des
bantoustans10.
Au total, la politique de « consolidation » qui accompagna la mise en place des
bantoustans fut un vaste remembrement à l’échelle du pays avec un système de
dédommagement extrêmement inégalitaire selon la couleur des propriétaires expropriées. Elle
se traduisit par un faible accroissement de la superficie initiale des « réserves », mais elle
réduisit sensiblement le nombre de blocs qui les constituaient. Ainsi à partir d’un grand
nombre de parcelles, le Ciskei fut constitué d’un seul bloc, aux contours certes très découpés ;
dans le même temps les enclaves blanches situées au cœur du Transkei y furent incorporées.
Par ailleurs, loin de les priver systématiquement de frontières internationales, plusieurs
bantoustans se trouvaient sur les marges externes de l’Afrique du Sud (Fig. 2). Le plan initial
de la Commission Tomlinson11 (Fig 3), prévoyait même la cession à terme de plusieurs
homelands frontaliers aux Etats voisins (ex-protectorats britanniques) et satellites en fonction
9
Par la suite des zones industrielles regroupant des usines, textiles notamment, vinrent exploiter sur place une partie de ces
réserves de main d’œuvre. Ces usines (à capitaux sud-africains ou en provenance des Nouveaux pays industriels asiatiques :
Taiwan et Hong Kong notamment) s’installèrent plutôt aux limites des bantoustans et parfois en leur sein, elles bénéficièrent
pour cela des politiques publiques volontaristes de constitution de « growth points ».
10
Notons également que les activités de jeu, illégales dans une Afrique du Sud puritaine, furent en quelque sorte offertes aux
bantoustans péri métropolitains où se développèrent quelques complexes de loisirs à capitaux sud-africains centrés sur un
casino. Le plus connu d’entre eux est Sun City dans l’ex-Bophuthatswana, à une centaine de kilomètres de Johannesburg et
Pretoria.
11
The Commission for the Socio-Economic Development of the Bantu Areas within the Union of South Africa siéga et rendit
son rapport en 1954-55. Ses analyses et ses recommandations fournirent la base de l’ingénierie territoriale du « grand
apartheid » amorcé en 1951 avec le Bantu Authorities Act et lancé sur le plan constitutionnel en 1959 avec The Promotion of
Bantu Self-Government Act.
11
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
des affinités ethniques et linguistiques, ainsi l’Etat des Tswana (le Bophuthatswana) aurait pu
être annexé au Botswana, l’Etat des Swazi (le KaNgwane) aurait pu être annexé au Swaziland
et l’Etat des Sotho du Sud (le QwaQwa) annexé au Lesotho. Au-delà de cette logique
ethnique, la cession d’une zone frontalière12 conflictuelle avec le Mozambique, fut même
proposée au Swaziland lui offrant ainsi un débouché maritime. L’isolement de l’Afrique du
Sud sur la scène internationale, ainsi que la coopération non systématique d’une partie des
élites des bantoustans ne permirent pas d’aller au bout de ces projets.
Encadré 3 : les Plans de partage prospectifs qui ont fait référence
Sce :Tomlinson, d’après Christopher, 1994
Sce : African Intitute of South Africa (1975) in « Black Homelands »
Fig 6 & 7 Perspectives de « consolidation » des bantoustans en 1955 et 1975
Les rapports qui faisaient référence dans la conception de la politique de « grand apartheid », notamment le
rapport fondateur de la Commission Tomlinson en 1954-55 et de manière plus indirecte celui de l’Africa
Institute of South Africa en 1975, préconisaient d’aller bien au delà des quotas du Native Trust and Land Act de
1936. Les plans de « consolidation » des bantoustans inclus dans le rapport Tomlinson proposaient ainsi
d’accroître sensiblement à terme la superficie des homelands par transfert d’espaces intermédiaires et bordiers
(fig 6). Dans le cas du rapport de l’Africa Institute of South Africa, la présentation bienveillante et argumentée
des revendications foncières des leaders des homelands aboutissait à envisager la perspective de l’extension des
homelands comme inéluctable. La carte intitulée « Homelands noirs : revendications foncières » (fig 7) fait
d’ailleurs apparaître deux vastes zones continues, l’une à l’Est allant du Ciskei au Mozambique pour intégrer
tout le Natal, et au Nord une zone qui occupe l’extrême nord du Cap et la grande majorité du Transvaal. Comme
dans le rapport Tomlinson l’extension des homelands noirs est préconisée, ici particulièrement dans le domaine
anglophone et pas uniquement sur les zones frontalières, pour en faire des entités plus cohérentes.
12
L’ex-Tongaland ou Maputaland qui faisait partie en principe du bantoustan du Zululand sous le nom de district de
Ingwavuma.
12
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Sce : Time Magazine 1969
Fig 8 : le Plan Allon de 1967
Le plan Allon, du nom d’un ministre travailliste, héros de la guerre de 1948, qui fit adopter en 1967 par son
gouvernement un plan pour les Territoires occupés. Celui-ci prévoyait l’annexion du Golan, du Sinai, du Sud de la bande de
Gaza (injustement intégralement destinée à l’annexion sur la carte de Time Magazine) et des rives du Jourdain. Une
colonisation intense de cette vallée était également prévue pour des raisons sécuritaires. Un couloir passant par Jéricho aurait
permis à ce qui restait de la Cisjordanie d’être rattachée à la Jordanie. En 1997, c’est un plan « Allon Plus » très restrictif
pour l’autonomie territoriale palestinienne en Cisjordanie qui est avancé par le Premier ministre Netanyahu. Shlomo BenAmi (2004) nous apprend que Ehoud Barak avait également en tête le plan Allon, lorsqu’il aborda les négociations.
13
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Sur la longue durée, depuis 1936, le processus de “consolidation” d’abord des terres
(locations et reserves) puis des pays (homelands) bantous les fait passer de 9 à 15 % de la
superficie de l’Afrique du Sud, avec un projet de doublement jamais réalisé. Ce processus
apparaît finalement inverse à celui du rognage et de l’éclatement progressif des territoires
palestiniens. Ceux-ci passent de 43,5 % de la Palestine occidentale en 1947 à 22 % en 1967,
et sont encore amputés par les accords d’Oslo qui entérinent une partie du processus de
colonisation et érigent des zones tampons sécuritaires. Autant de prélèvements effectifs que le
mur vient matérialiser en ne retenant que 53 % de la Cisjordanie dans le périmètre palestinien
qu’il doit « séparer » d’Israël. De plus, si le rapport Tomlinson constituait la perspective
officieuse d’expansion et de cession des bantoustans, il semble bien que pour Israël ce soit le
plan Allon, et ses nouvelles annexions sécuritaires, qui ait pu jouer ce rôle.
Domination n’est plus conquête, ou la dimension post-coloniale de l’apartheid
Dans le cas de la politique sud-africaine des bantoustans, il s’agissait donc d’une
tentative de création d’îlots nationaux les plus crédibles possibles destinés avant tout à
disperser le sentiment national sud-africain des Noirs et à exclure ces derniers de la nationalité
sud-africaine. Cet objectif primait sur celui de conquête territoriale et foncière, l’enjeu étant la
perpétuation d’une exploitation coloniale de la main-d’œuvre par une économie industrielle et
minière, ceci au prix d’une perte de territoires marginaux au-delà des réserves héritées de la
période coloniale. Dès lors, l’aspect moralement le plus condamnable dans le « grand
apartheid », était moins son caractère territorial, aussi terrible fut-il à cause des déplacements
de population, que son déni d’identité nationale objective.
Dans le cas des rapports entre Israël et les Territoires occupés, ce sont au contraire
deux nationalismes concurrents qui s’opposent sur un territoire réduit. Le rapport de force
autorise une stratégie archaïque de conquête qui s’appuie sur la colonisation foncière et
militaire dont le mur serait le dernier avatar.
En fait, là où la fabrication des bantoustans relevait d’une ingénierie post-coloniale au
service d’un projet économique et politique profondément raciste, la politique territoriale visà-vis des Territoires occupés apparaît comme relevant d’une ingénierie de type coloniale au
service d’un projet nationaliste.
Pourtant dans le débat, si l’apartheid constitue un repoussoir absolu c’est toujours à
cause de son caractère prétendument hyper-colonial. Certains observateurs, reconnaissent ce
caractère colonialiste dans le sionisme conquérant et dans la politique d’occupation et d’autres
le différencient de l’idéal sioniste. Les positions d’Edward Said et d’Amos Oz illustrent ces
interprétations, à mon avis erronées quant à la nature du système de l’apartheid.
14
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Encadré 4 : Quand, vu d’Israël et de Palestine, l’apartheid est considéré comme l’archétype du
colonialisme
Amos Oz (2003) estime que si la condamnation du colonialisme était évidente pour l’Afrique du Sud de l’apartheid de même
que celle de l’impérialisme américain au Viêtnam, il n’en va pas de même dans le cas du conflit israélo-palestinien.
« Pendant la guerre du Viêtnam, c’était facile. Le peuple vietnamien était la victime, les Américains du mauvais côté. Avec
l’apartheid pareil : l’apartheid était un crime, combattre pour la libération nationale, pour l’égalité et la dignité était juste. La
lutte entre, d’un côté, le colonialisme et l’impérialisme et, de l’autre, ses victimes est une question relativement simple-on y
distingue aisément les bons des méchants. Mais lorsqu’il s’agit des origines du conflit israélo-arabe, et en particulier des
conflits israélo-palestiniens, les choses se compliquent ».
Edward Saïd dans ses entretiens avec David Barsamian (2003) exprime un avis opposé :
« DB : Noam Chomsky, Alexander Cockburn, Robert Fisk ainsi que d’autres critiques de la politique israélienne de
colonisation ont employé le terme de « bantoustan » pour la décrire.
ES : Tout ceci entre particulièrement en résonance avec l’histoire coloniale du XIXe siècle. C’est exactement ce que les
Français ont fait en Algérie. Ils localisaient des zones où l’on pouvait enfermer ensemble les indigènes dociles et leurs chefs
dans leurs propres villages. En Afrique de l’Ouest, les Anglais ont pratiqué cette méthode en l’appelant « indirect rule »
(traduit régulation indirecte). Celle-ci leur permettait d’élire certains autochtones pour diriger les natifs indisciplinés- tandis
qu’eux-mêmes, en tant que pouvoir d’occupation, gardaient l’autorité réelle. En Afrique du Sud, l’idée était de parquer les
Noirs dans des réserves ou homelands, à l’intérieur desquelles ils pouvaient disposer de certains des attributs de la
souveraineté, mais d’aucun qui soit essentiel. Ils ne contrôlaient ni la terre, ni l’eau, ni les entrées et les sorties, qui restaient
toutes sous le pouvoir des Blancs. C’est exactement le schéma devant lequel nous nous trouvons ici. Les modestes parcelles
palestiniennes, petites et divisées, constituent des foyers de population, mais elles sont l’équivalent des réserves, dans
lesquelles quelqu’un comme Arafat pourrait avoir ou se donner l’impression qu’il est le chef, alors qu’en fait c’est l’occupant
colonial qui tire les ficelles derrière la scène »
Tout occupé à dénoncer les appétits de pouvoir et de territoire hégémonique au rabais d’un Arafat prêt à brader la
revendication d’un Etat de Palestine binational,Edward Said commet plusieurs contresens : la pratique de l’Indirect rule n’a
jamais été conçue pour les Colonies de peuplement mais pour la gestion des masses humaines considérables du Nigeria et de
l’Empire des Indes ; et les reserves ou locations des colons anglais expérimentées d’abord au Natal, différent
considérablement des bantoustans du « grand apartheid », idéologie et technique afrikaners.
Du côté du pacifiste israélien partisan du divorce et de la formule deux Etats pour deux peuples, confusion également car
même focalisation sur le fait colonial qui caractériserait l’apartheid cette fois pour le différencier le sionisme. On adhérera
cependant aisément à sa conclusion qui différencie et hiérarchise les situations, mais quant à la qualification des différentes
situations, on préférera les expressions de « postcolonialisme raciste » dans le cas de l’apartheid, pour réserver celle de
« nationalisme colonialiste et sécuritaire » aux avatars contemporains du sionisme dans le traitement des Territoires occupés.
Les références pour qualifier la situation en Israël-Palestine se doivent donc dans les
deux cas d’être coloniales, et le « grand apartheid » et ses bantoustans en serait le fleuron. Or
nous avons vu que les bantoustans constituaient certes des zones de relégation politiques et
économiques au service d’une idéologie raciste qui pratiquait par ailleurs l’épuration ethnique
dans les zones blanches, mais que la recherche d’un élargissement de ces blocs de
cantonnement pour les rendre les plus compacts possibles constituaient une rupture avec la
démarche coloniale de conquête spatiale et foncière systématique. Le colonialisme au sens
étroit est une doctrine qui vise à la prise de possession de terre à des fins de mise en valeur et
d’exploitation. Avec le « grand apartheid », on sortait donc de la pratique coloniale exclusive
de conquête et d’accaparement pour entrer dans l’ère de la domination postcoloniale et de
l’homogénéité ethno-régionale. Négation d’une identité nationale (réservée à l’Etat blanc) par
imposition ou substitution d’identités tribales pour Etats noirs et organisation de la
domination économique sans la souveraineté ni la propriété. C’est en ce sens là que l’on était
en plein postcolonialisme raciste en Afrique du Sud. Les avatars contemporains du sionisme
dans le traitement des Territoires occupés relève quant à eux d’un nationalisme, colonial dans
ses pratiques, focalisé sur les questions foncières et sécuritaires qui se traduisent par un
impératif d’annexion. Le sociologue israélien Avishai Ehrlich rappelle d’ailleurs cette double
dimension originale du sionisme : « Zionism is an oddity among modern nationalisms – it did
not just call for self-determination in the place where its ‘nationals’ resided, but shifted its
imagined community to a different place. Zionism is thus a colonizatory ideology and
15
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
project. » (entretien rapporté par Adam, 2002). On peut également renvoyer à l’échange13
entre Ilan Greilsammer et Michel Warschawski (2004) qui tous deux à leur manière précisent
la nature des deux situations : nationaliste et coloniale pour Israël, raciste et originale pour
l’apartheid.
L’analogie peut donc être intéressante et stimulante pour cerner les enjeux de chaque
situation et leur singularité (Detienne, 2000), mais elle s’avère stérile lorsqu’elle affirme sur le
ton de la dénonciation la réplique d’un processus singulier et connoté.
Vers un post-sionisme territorial ?
Dès lors, l’enjeu pour la situation en Israël-Palestine semble bien être le passage à un
post-sionisme territorial (Newman, 2001 & 2004). C’est à dire, d’une part, la possibilité
d’envisager des partages de souveraineté sur certains sites, lieux ou couloirs, perspective
inéluctable dans l’enchevêtrement des présences et des occupations de l’espace en IsraëlPalestine, et d’autre part, le découplage entre défense des intérêts nationaux et principe de
conquête. Ce qui aussi suppose de l’autre côté, l’abandon d’un horizon de reconquête
territoriale au delà d’accords négociés de désengagement.
Le préalable de renoncement à la conquête d’un côté et à la reconquête de l’autre
semble acquis dans les discours, il l’est beaucoup moins dans les faits depuis plusieurs
années, en témoignent d’un côté, la poursuite des implantations israéliennes et l’établissement
de zones tampons, et de l’autre le refus des propositions de Taba.
13
I.G. : Il est une chose que je réfute en tant qu’historien : c’est l’amalgame. Ramener le conflit israélo-palestinien, un conflit
de deux nationalismes, au conflit algérien ou au colonialisme en Algérie prouve une méconnaissance de ce qu’à été la guerre
d’Algérie et ce type de colonialisme. L’apartheid, c’est la discrimination des Noirs à fondement raciste, en fonction de la
couleur de la peau, qui a été pratiquée en Afrique du Sud. L’épuration ethnique, c’est le terme qui a été employé pour
désigner ce que les Serbes ont fait dans les pays de l’ex-Yougoslavie. Appliquer la guerre d’Algérie, l’apartheid, l’épuration
ethnique au conflit israélo-palestinien me paraît être une absurdité.
M.W. : Il y a un phénomène qui s’appelle le colonialisme, qui est certes différent en Algérie, au Kenya et en Afrique du Sud,
mais qui existe et répond à certaines définitions. [...] Si l’on n’accepte pas l’existence de concepts on perd toute capacité
d’analyse. Le sionisme s’est, pendant des générations, défini lui-même par des concepts du monde colonial : un mouvement
originaire de l’Occident qui vient « civiliser » un espace perçu comme « vide ». On a pu observer, au cours des années 19801990, un certain affaissement éminemment positif, de l’utilisation des concepts traditionnels du colonialisme. Mais
aujourd’hui on reprend le langage colonial classique, l’Autre n’existe pas ! Il est un problème environnemental ! Les
« Arabes de Palestine » ‘tel qu’on les appelait à l’époque) font partie du paysage à l’instar des marais, des rochers, etc. Ils
sont un phénomène écologique qui pose problème. » (2004, p 64-65).
16
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
Colonial
Israël contemporain
Postcolonial
Israël-Palestine à venir ?
. Etat binational, ou Confédération avec
. « Contrôle »14 de la minorité ou du partages de souveraineté, ou Etats
Nationaliste groupe dominé dans une démocratie « séparés »
ethnique
. Désengagement + Séparation et/ou
. Annexion au profit d’une agence coopération
nationale et occupation de territoires
. Souveraineté partagée sur certains
sites
Afrique du Sud coloniale,
« grand apartheid »
Algérie française
Raciste
unilatérale,
. pseudo démocratie raciale et . « Décolonisation »
séparé »
et
exploitation
économique
des « développement
exploitation économique
« minorités » majoritaires
« consolidés »
. Extension du domaine colonial et . Homelands
« épuration ethnique »
« réserves »
et
Ingénieries territoriale et institutionnelle selon la nature nationaliste ou raciste du projet
politique et son caractère colonial ou post-colonial
Quant aux espoirs de dépassement du conflit par la constitution d’un Etat binational ou
d’une coopération active dans le cadre d’une union ou d’une confédération, ils apparaissent
utopiques à court terme compte tenu du contentieux. De plus, ils nécessitent de sortir d’une
logique d’isolat et d’avant-poste occidental qu’Israël a acquis durant la Guerre froide et que
réactualise la croyance entretenue et alimentée en une guerre des civilisations15.
Dans ce contexte, le dépassement des crispations territoriales esquissé à Genève
repose sur un rapport au territoire et à la souveraineté totalement renouvelé. L’accord
envisageait d’une part des possibilités d’échanges d’espaces sans déplacements systématiques
de populations et d’autre part des formules de partage de souveraineté sur certains lieux et
couloirs. On dépasse enfin les conceptions exclusives du territoire et de la souveraineté.
D’un conflit singulier à forte dimension territoriale mais certainement pas assimilable
à l’apartheid, va t-il naître une contribution décisive à la post-modernité territoriale et
géopolitique ?
14
Au sens des techniques juridiques et politiques analysées par Lustick (1980) et Yiftachel (1995 et 1997a).
Avec l’argument démographique, c’est cette perspective considérée comme acquise, qui fonde l’engagement d’un
géographe israélien comme Arnon Sofer dans le tracé du mur. Il conclut sa profession de foi intitulée « Nous avons tracé la
clôture » par ces mots qui renvoient explicitement au précédent de la Guerre froide et à l’effondrement du bloc soviétique :
« Il y a derrière nous à l’Est, un monde dont l’intégration au village global ne s’annonce en aucune manière et dont nous
devons nous isoler durant les dix-vingt années à venir. Dès lors que les nations de la région voudront s’intégrer au monde
nouveau, leur cadre de représentations changera et leur taux de fécondité chutera. C’est seulement alors qu’elles seront à
même d’adopter le modèle ouest-européen. Du coup, la clôture qui nous sépare pourra d’elle-même s’effondrer »
15
17
Cybergeo : Revue européenne de géographie, 15 novembre 2004, Points Chauds
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