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dimanche 9 juillet 2023

Comment la nature soigne notre tête

 Par quel miracle une simple balade en forêt, la contemplation d’un champ ou une belle vue sur la mer suffisent-elles parfois à faire baisser notre stress et nous recharger en ondes positives ? Explications avec une invitée du Festival inernational de journalisme (FIJ) dont La Vie est partenaire.

Le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans le vent, l’odeur de l’humus ou le parfum iodé de la mer qui vous transporte… Et soudain, le chaos urbain s’évanouit comme un mauvais songe. La fin d’un cauchemar… On se retrouve. On renaît à soi. Ce n’est pas un mythe : la nature nous apaise et nous fait du bien. « Quand on y est plongé, on constate une réduction de la production de cortisol, de la tension artérielle (systolique et diastolique), de la variabilité du rythme cardiaque, et la tension subjective (selon les questionnaires psychologiques) », explique ainsi Amy Loughman, invitée au Festival international de journalisme (FIJ), qui se tient du 14 au 16 juillet à Couthures-sur-Garonne.

Désactiver les circuits du stress


Cette psychologue australienne, spécialiste des liens entre l’alimentation et la santé mentale, vient de lancer son activité de conseil pour aider les entreprises à aménager leurs bureaux afin d’y intégrer davantage de nature. « Tout a commencé au moment du confinement, j’étais en télétravail et j’allais nager chaque matin dans l’océan proche de chez moi, se souvient-elle. Je me suis ainsi rendu compte du bien que cela me procurait : si je ne nageais pas, j’étais beaucoup moins détendue, davantage de mauvaise humeur. » Une étude récente menée par les chercheurs de l’Institut Max-Planck pour le développement humain à Berlin a ainsi montré qu’il suffisait d’une heure de marche en pleine nature pour réduire considérablement l’activité de l’amygdale, une zone du cerveau liée aux émotions négatives, alors que celle-ci restait stable après une promenade similaire dans un environnement urbain.

Tout passe d’abord par nos yeux. Ils sont les vigies qui déclenchent notre système de réponse au stress quand survient un danger. Lorsque nous nous déplaçons dans l’espace, que ce soit en marchant ou en courant, nous entrons dans ce que les scientifiques nomment un flux optique. Les choses passent devant notre rétine à des vitesses variables, selon l’allure à laquelle nous circulons. En forêt, les arbres et la végétation apparaissent à un rythme relativement régulier. Nos yeux bougent alors naturellement latéralement, de gauche à droite et inversement. Cela enclenche un ensemble de processus dans le cerveau et le corps qui calment les circuits d’activation du stress.

Restaurer les capacités cognitives

Même chose lorsque l’on contemple la mer : pourquoi ce spectacle nous apaise-t-il tant ? se demande ainsi le neuroscientifique Michel Le Van Quyen dans son livre Cerveau et nature, pourquoi nous avons besoin de la beauté du monde (Flammarion). D’abord parce que nos yeux peuvent embrasser l’horizon. « Quand vous regardez un panorama, vous ne pouvez pas fixer votre regard sur un élément précis pendant très longtemps : votre champ visuel va alors s’élargir afin de pouvoir voir loin et de tous les côtés – au-dessus, en bas et sur les côtés. Ce mode de vision diminue votre stress, car il relâche, dans le tronc cérébral, le mécanisme qui intervient dans la vigilance et l’éveil. » Apaisé, notre cerveau profite de ce temps pour restaurer ses capacités cognitives.

C’est l’autre bienfait incroyable de la nature : elle rend notre cerveau plus performant. Des chercheurs de l’université Tongji, à Shanghai, ont ainsi montré en 2015 que les différentes zones cérébrales interagissent entre elles davantage quand nous sommes entourés de verdure. Surtout, la nature nous plonge dans un état de fascination douce qui nous apaise. Car il y regorge de ce que les scientifiques nomment des « fractales naturelles » : le dessin des arbres, de leurs ramifications, etc. Les fractales sont des objets géométriques qui présentent une structure similaire à toutes les échelles. Or dans la nature, ces formes sont souvent approximatives. Imparfaites, les fractales naturelles stimulent notre perception visuelle et notre curiosité sans nous fatiguer.

Stimuler le système parasympathique


Mais ce n’est pas tout. Nous avons pris l’habitude de nous considérer comme des êtres séparés de notre environnement. Or, il n’y a rien de plus faux : nous sommes physiquement en contact permanent et intime avec ce qui nous entoure. La lumière naturelle ne nous offre pas qu’un éclairage, elle pénètre en nous et rythme nos cycles quotidiens. « Il y a un type de récepteur dans les yeux qui capte la lumière naturelle, et indique au cerveau et aux autres parties du corps l’heure qu’il est. Le système du rythme circadien est très important pour le sommeil, la santé mentale et le bien-être en général », explique ainsi Amy Loughman. L’air que nous inspirons est chargé de molécules qui interagissent avec notre corps.

Lorsque nous nous promenons dans la forêt, nous inhalons ainsi des composés organiques très particuliers, les phytoncides, un mélange de substances émises dans l’air par les arbres qui les protègent en cas d’attaque par des bactéries ou des champignons nuisibles. Plusieurs études ont ainsi montré que les phytoncides étaient aussi très bénéfiques pour les humains : ils stimulent notre système parasympathique, qui, responsable des fonctions automatiques de notre organisme comme la respiration, ralentit notre organisme. Les phytoncides activeraient même notre système immunitaire.

Inviter la nature chez soi !


En fait, les bienfaits de la nature sont si nombreux qu’il faudrait sans doute concevoir la question autrement : et si nous étions faits pour vivre parmi les arbres, les pieds dans l’humus plutôt qu’entourés de béton et de goudron ? Et si c’était bel et bien la ville qui nous abîmait ? Finalement, l’urbanisation de nos modes de vie est très récente. Près de 70 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, contre seulement 15 % en 1900. « Deux siècles, c’est bien trop peu pour que, habitué à la nature, notre cerveau s’adapte aujourd’hui à un nouvel espace de vie, totalement artificiel, empli d’informations, de bruit, de sollicitations… écrit ainsi Michel Le Van Quyen. Notre environnement a brutalement changé, passant du vert au gris, mais pas notre cerveau. Il reste encore largement celui d’un chasseur-cueilleur des steppes verdoyantes de nos origines paléolithiques. » C’est la théorie de la « biophilie », du biologiste américain Edward O. Wilson qui, dans les années 1980, a avancé l’idée que les humains ont une affinité génétique avec la nature, qui résulte de millions d’années d’évolution dans des environnements naturels. Il resterait même en nous une préférence instinctive pour un paysage particulier, la savane, ces étendues d’herbes hautes et d’arbres espacées, propices à la survie et où l’humanité s’est jadis épanouie.

Problème : nous n’avons pas tous la chance de pouvoir pratiquer des bains de forêt ou de mer. Comment faire pour profiter de ces bienfaits même si on n’habite pas à la campagne ? « Chaque jour, on peut essayer d’observer les détails de la nature dans notre vie quotidienne, par exemple, les formes des nuages, les feuilles des arbres, conseille Amy Loughman. On peut aussi inviter la nature chez soi ! Les plantes d’intérieur, les fleurs et même les images de nature nous font du bien… » Même à petite dose, la nature nous guérit de bien des choses…

source : La Vie

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samedi 31 décembre 2022

Nature et lumière.

 



La nature est un recueil

où la lumière transforme

tout ce qu’elle touche

en poème


Renaud Rindlisbacher

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Toute vie

est un départ

qui se réitère

d’heure en heure,

jour après jour,

saison après saison,

et rien ne peut

endiguer cette marche 

où nous allons

à la recherche

d’un horizon

ébloui de lumière

dont l’origine

se tient discret

tout au fond

de nos cœurs …


Bernard Perroy

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dimanche 15 mai 2022

Nature en contact



Il pousse au fond de moi mille rameaux secrets,

Mon âme de plein vent frissonne de feuillages,

J'ai le cœur foisonnant de fleurs, de fruits sauvages,

Et mon sang a le bruissement de la forêt.

Marc Alyn

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Le secret

Écoute mon enfant

les verts secrets des branches

et ceux de la sève

qui irrigue l’arbre

Regarde danser l’abeille

perce le secret de cet alchimiste

qui transforme en miel

la poudre d’or des fleurs

Mets ton oreille

contre la mousse du rocher

pour capter le grand secret

des pierres

Cours vite à la mer

et laisse-toi bercer

par le secret du chant

des vagues

Joseph Paul Schneider

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mercredi 6 avril 2022

Lumière de forêt noire

 "Commande et utilise tous les esprits, et tu ouvriras les portes de la vie

Ordonne le Yin et le Yang, et tu verras apparaître la lumière comme un tapis et une forêt d'étoiles" 

Classique de la Cour Jaune

Quelques remarques personnelles:


1) On voit très bien ici à l'œuvre les deux aspects de la spiritualité : son aspect Yin, qui laisse advenir et contemple, et son aspect Yang qui agit, commande et ordonne (met en ordre).

Viser une spiritualité Yin uniquement est l'équivalent d'une castration spirituelle personnelle. Nous portons tous en nous, hommes ou femmes, ces deux polarités. L'alchimie provient de la fécondation de ces deux principes et non de leur séparation. 

En d'autres termes : pas de pasteurisation spirituelle.

2) L'univers est conçu pour produire de la lumière, et ceci de plus en plus efficacement, grâce à la création de la complexité. Voir à ce sujet le dernier livre de David Elbaz, "La plus belle ruse de la lumière".

La troisième étape de la profondeur méditative nous fait "voir" cette lumière. Mais celle-ci se manifeste sous des formes étonnantes, parfois même "noire". La forêt d'étoiles en parle de manière poétique.

Fabrice Jordan

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samedi 5 mars 2022

Comment la nature régénère-t-elle notre cerveau et participe à notre bien-être ?


Il n’est pas vain d’aller se balader en forêt, de s’émerveiller devant les premières lumières du jour et de laisser son esprit vagabonder face à la mer. Les effets de régénération de la nature sur notre cerveau sont aujourd’hui indéniables et démontrés par de nombreuses études neuroscientifiques.

Michel Le Van Quyen a été frappé par ce manque de nature qu’il a subi pendant le premier confinement, en partant de cette expérience personnelle il s’est intéressé aux recherches scientifiques menées sur l’importance des effets bénéfiques de la nature sur notre cerveau et de la nécessité pour tout Homme de se plonger régulièrement dans une expérience de nature. Dans son essai Michel Le Van Quyen rappelle que cette expérience de nature est tout autant essentielle pour le cerveau qu’elle ne l’est pour notre éveil à la cause environnementale et à l’enjeu de protéger la nature.

« Pourquoi les espaces naturels sont-ils si vitaux en cette période troublée ? La réponse est simple : la nature nous « ressource », elle « infuse en nous son énergie » et « suspend momentanément nos préoccupations et nos conflits intérieurs ». Elle nous procure des émotions profondes, qui évacuent le stress et augmentent le bien-être. »

Voici l'émission de la Tête au carré de France Inter (dont j'ai extrait la substantifique moelle) en cliquant ce lien

«Notre environnement a brutalement changé, passant du vert au gris, mais pas notre cerveau. Il reste encore largement celui d’un chasseur-cueilleur des steppes verdoyantes de nos origines paléolithiques. »

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dimanche 3 octobre 2021

« Le seul ennemi de l'arbre, c'est l'homme »

Le célèbre botaniste Francis Hallé appelle à la création d’un vaste espace européen de forêt en libre évolution, pour des raisons écologiques et philosophiques.

 


« C’est une bonne année pour les glands. » « Écrasez ces feuilles, vous verrez, elles sentent le pastis. » Se promener avec Francis Hallé dans le jardin luxuriant qu’il partage avec ses voisins sur les hauteurs de Montpellier, c’est bénéficier d’une extraordinaire leçon sur les végétaux. Un moment qui active tous les sens, mais réveille aussi nos consciences.

À 83 ans, ce scientifique de renommée internationale, connu pour ses missions sur la canopée amazonienne, publie un livre en forme de manifeste, Pour une forêt primaire en Europe de l’Ouest (Actes Sud). Un projet aussi fou qu’à l’époque celui des cathédrales, mais nécessaire pour des motifs écologiques et philosophiques.

Vous appelez à la création d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Comment définir une forêt primaire ?

C’est une forêt, qualifiée parfois d’« ancienne » ou de « vierge », dont les arbres sont hauts et gros par leur diamètre basal, leurs racines très étendues. Les sols sont très fertiles, la biodiversité est très importante. On peut observer aussi bien des champignons que beaucoup de traces d’animaux. Une forêt, c’est l’association de la flore et de la faune ! Il y fait également très sombre, car la canopée est totalement fermée.

L’homme ne doit pas intervenir. Il ne prélève rien, même pas un bouquet de fleurs. Il ne plante pas. Quand un arbre tombe, on le laisse au sol. Or, l’arbre met plusieurs dizaines d’années pour disparaître. Résultat, il n’est pas facile de s’y déplacer. Par ailleurs, on sent mieux les interactions entre les arbres et les animaux que dans une petite forêt. Enfin, c’est un endroit très beau. Les Européens trouvent leurs forêts extraordinaires, mais ils n’ont jamais vu la majesté de la forêt primaire ! La beauté montre à quel point l’évolution a réussi son travail.

Où en trouve-t-on encore ?

Aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande. En Europe, elles ont quasiment toutes disparu au milieu du XIXe siècle. Je rappelle que le seul ennemi de la forêt, c’est l’homme. La seule qui subsiste est celle de Bialowieza. Située en Pologne, elle est magnifique. S’y côtoient loups, cerfs, bisons, sangliers… Mais elle est menacée : le président Duda n’a aucune sensibilité écologique.

Le lieu représente une zone de chasse et d’exploitation du bois. Il existe un lien entre populisme, vision prédatrice de la nature et croyance en une croissance indéfinie. On retrouve la même logique au Brésil avec le président Bolsonaro, qui malmène la forêt amazonienne.

Quelle est précisément la nature de votre projet ?

Il couvrirait 70 000 hectares. La commission européenne est notre principal soutien. Actuellement, nous cherchons le lieu. Nous sommes allés voir dans les Vosges, mais les sols sont trop chahutés. Et nous souhaitons constituer une forêt primaire de plaine. C’est ce qui a disparu en premier.

Nous nous rendrons bientôt dans les Ardennes. Pas question en tout cas d’acheter un terrain. Nous ne voulons pas priver les gens d’une partie de leur territoire et d’un futur bien commun. En rachetant un terrain dans le Vercors, les gens de l’Association pour la protection des animaux sauvages sont mal perçus par la population. Les visiteurs seront les bienvenus, mais devront faire preuve de respect. Si on piétine trop le sol très tendre de la forêt primaire, on tue les arbres.


Quel serait l’intérêt d’une telle aventure ?

La forêt primaire possède bien des vertus. C’est une écologie optimale. Grâce à la grande taille des arbres, le stockage de carbone dans le bois est maximal. Avec la décomposition des arbres morts, la capacité de captation de carbone dans l’humus est aussi très bonne. Sa pluralité d’essences assure aussi une bonne résilience face aux effets du réchauffement climatique.

Ce projet comporte une dimension philosophique. Il va à l’encontre de la fébrilité actuelle qui domine la société. Il ne faut pas être pressé. À partir d’un sol nu, 10 siècles sont nécessaires pour qu’apparaisse une forêt primaire. Un tel projet suppose l’arrêt de tout anthropocentrisme. Or la crise écologique ne sera résolue que si l’homme abandonne son statut d’être supérieur à la nature.

La crise sanitaire ne change-t-elle pas la donne ? On voit des citoyens se mobiliser pour défendre les forêts…

La filière bois continue de les surexploiter. Les lobbys sont présents jusqu’à l’Élysée. Et le ministre actuel a protesté contre des mesures européennes réduisant la pression sur les forêts. En l’espace d’une vie humaine, on a vu à quelle allure les écosystèmes se détruisent. Si vous vous projetez sur quatre ou cinq générations, nous allons vivre dans un égout.

Pourtant, d’un point de vue quantitatif, la France voit son nombre de forêts progresser…

Ceux qui avancent ces chiffres ne font pas la différence entre les plantations et les forêts. Les sapins Douglas plantés dans le Morvan ou le Limousin relèvent de l’agriculture. Mon rêve est d’ailleurs de sortir la forêt des compétences du ministère de l’Agriculture. La laisser sous la tutelle de ce ministère facilite les coupes, en cas de besoin supplémentaire de terres agricoles.

Vous avez 83 ans, votre amour pour les arbres reste intact. Sans doute vient-il de loin ?

Dès que, enfant, je me suis mis à grimper dans les arbres, j’ai su que je voulais devenir botaniste. Mes frères se sont cachés dans la forêt de Fontainebleau pour éviter de faire le service de travail obligatoire qu’avait imposé l’Allemagne au gouvernement de Vichy. La forêt a pris la valeur de refuge, de lieu de résistance au pouvoir. Depuis mes séjours tropicaux, je me qualifie de militant, prêt à me battre contre ceux qui veulent détruire les arbres.

Source : la Vie

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mercredi 20 janvier 2021

Petits miracles de l'hiver

 


Un paysage en noir et blanc : les champs, terre sombre avec ça et là des coulées de neige ; les sapins, de leur vert si foncé qu'ils semblent de noires silhouettes bordées de blanc sur le ciel gris : traits de fusain et hachures à l'encre. Comme un de ces dessins dans lequel le vide remplit davantage l'image que le plein, un vide dans lequel rien n'a disparu mais où tout se tient en-dessous, un peu caché, protégé des regards pour mieux se déployer plus tard. Ce vide n'est pas perte, mais au contraire un vide plein de promesses, un vide qui nous appelle à la patience et à l'espoir.

Un paysage épuré, réduit à l'essentiel : comme si la nature nous proposait l'espace lui-même comme sujet, nous rappelant que même nos lourdes maisons de pierre, nos toits de lauzes, ne sont pas grand-chose face à elle ; que nous sommes acceptés, certes, tant de générations se sont succédé ici, transformant la terre, traçant les limites et les sillons, construisant des abris, mais seulement aussi longtemps que nous lui laisserons la première place.

Corps détendus, cœurs paisibles

Les bruits aussi se sont effacés : les oiseaux sont partis vers le chaud, les arbres sans feuillage ne bruissent plus, même le petit ruisseau chantonne d'une voix toute frêle, comme s'il n'était plus qu'un souvenir de l'été... Dans la maison également le silence s'installe et les pièces en semblent moins encombrées ; au centre de ce calme, nous nous déplaçons plus doucement, comme si une grâce nouvelle nous emplissait.

Le bruit des pas diminue et pourtant nous avons l'impression de marcher sans effort particulier ; c'est un allègement, corps détendus et cœurs paisibles. Nous avançons dans nos journées avec une nouvelle aisance. L'espace du dehors s'invite au dedans : à l'aube et au crépuscule, la salle de méditation se déploie sans limites d'une respiration ample et profonde, la grande respiration de l'univers, que nous accompagnons sans même y penser. Nous sommes participants du monde, parties prenantes de cette nature qui nous entoure ; ici même, tout effort est aboli, nous sommes à notre juste place.


Sans heurts et sans bruits

Moi qui d'ordinaire remplis les murs de couleurs et de soleil, en ce creux de l'hiver, je me laisse flotter dans ce blanc, je me laisse porter par le silence. Nous n'avons pas besoin de parler, sans pourtant retenir nos paroles ; nous vivons en harmonie dans un espace familier et pourtant changé par l'hiver, par la brume, par cette grâce fragile et forte à la fois qui nous enveloppe et nous guide dans des journées pleines mais tranquilles.

« Soyez sans affaires », a dit un moine chinois, il y a longtemps : peut-être avait-il lui aussi contemplé cet espace sans trace où tout se fait sans heurts et sans bruits ; où aucune chose n'est plus séparée de nous, car nous ne sommes plus séparés du monde. Alors rentrer le bois, méditer, cuisiner ou marcher dans la forêt deviennent de petits miracles, tout en joie et en douceur.

Ces jours si larges, si spacieux

C'est vrai, cela ne durera pas : demain le monde nous bousculera, l'orage grondera, le poêle refusera de prendre et l'une de nous commencera à grommeler : c'est toujours moi qui... Le bruit, l'agitation, mais aussi les rires, l'odeur du plat qui cuit dans le four, les chants du matin empliront à nouveau le lieu. Ce sera différent, ce sera bien. Mais aujourd'hui, et tous ces jours passés si larges, si spacieux, nous auront apporté tous ces petits miracles que nous garderons dans nos cœurs aussi tranquilles que les grandes forêts, là-bas, dormant sous la neige.

Joshin Luce Bachoux

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mardi 12 janvier 2021

Sur les pas de Edouard Cortés pour "ensylvaner" le monde

« Rien que l'arbre ! » C'est d'une citation trouvée chez Rostand qu'a jailli l'étincelle - Cyrano de Bergerac, à l'agonie, n'accepte pour tout appui qu'un tronc. Édouard Cortès décide de lui emboîter le pas. Pour sauver sa peau, un matin de février 2019, il file vers une forêt du Périgord noir qu'il connaît comme sa poche depuis l'âge des culottes courtes. Quelques mois plus tôt, il y a repéré un chêne dans lequel il construit une cabane, un perchoir qui offre refuge et apaisement. Il s'en persuade : c'est en concrétisant un rêve d'enfant qu'il pourra soigner une blessure d'adulte. Et nous voici donc, en ce jour d'hiver humide et glacial, à suivre Édouard Cortès sur le sentier qui mène à sa thébaïde cachée dans une chênaie du Lot. Vers le sud, on aperçoit à l'horizon les contreforts de la vallée de la Dordogne. Plus à l'est, le causse Corrézien, cousin de celui que nous arpentons, l'un de « ces petits pays pauvres » et sauvages qui ont gardé leur authenticité. Casquette sur la tête, silhouette trapue et volontaire, l'homme qui marche devant nous dans le froissement des feuilles mortes a parcouru le monde avant de courir les bois.

 Prendre de la hauteur

En fidèle complice de Sylvain Tesson qui est de ses amis, il a sillonné le Caucase, roulé en 2 CV jusqu'au Viêt Nam, marché vers Jérusalem, traversé caméra à l'épaule les crêtes et les vallées d'Afghanistan. Un matin, sur les bords de la Loire, il se voit offrir un boulot saisonnier de berger. Le pâtre y trouve du bonheur et décide alors, avec son épouse Mathilde, de faire le grand saut du retour à la nature : le nomade s'enracine dans le Périgord, où il élève bientôt une centaine de brebis caussenardes. Mais l'affaire tourne mal, soucis administratifs, dettes et découragement. La « tentation de la corde », comme il le dit abruptement, lui obscurcit l'esprit. En un dernier sursaut, il tente le retrait : prendre de la hauteur dans sa cabane. Et la voici qui apparaît, cette arche immobile, dans le fouillis des ramures dénudées par l'hiver, aussi modeste, évidente, accueillante et poétique que celui qui l'a construite. Une échelle de corde rafistolée, un solide plancher à 6 m du sol, et des vitres qui ouvrent à 360° sur l'océan des bois. Délicieux vertige. Au gré des bourrasques, le radeau tangue, mais on s'y sent en toute sécurité... La bouilloire chante sur le vieux réchaud à gaz, Édouard Cortès s'affaire tout en parlant comme un livre, hisse des baluchons aux cordes, prépare le thé, craque des noix. Les bois d'un cerf font office de patères. Un minuscule oratoire à David le Dendrite, un saint des forêts chez les orthodoxes, a été déposé sous le toit par l'écrivain. Sur les coffres fabriqués de ses mains et réchauffés des peaux de ses moutons, on s'assoit et devise joyeusement tandis que la buée des vitres ne laisse plus entrevoir que les mousses phosphorescentes des branches alentour. L'hiver rend les animaux discrets - nous apercevrons tout de même cinq chevreuils et un vol de palombes...

Comment vit-on trois mois seul dans une cabane perchée ?

É.C. J'ai ici un balcon sur les arbres, un avant-poste sur la beauté du monde. Le recours aux forêts rend possible le réveil de la vie intérieure. Car ce ne sont pas les merveilles qui manquent, mais notre regard qui manque à la merveille. Le lichen pousse là, il attendait mes yeux. La beauté est bien présente : il suffit que les humains décrochent de leur écran. Je me suis retrouvé avec une interrogation : si je ne peux plus tenir sur mes semblables, sur moi-même, sur une foi, que reste-t-il ? Le retour en forêt permet d'échapper à la vanité des hommes. J'ai vécu dans ma cabane l'une des plus grandes formes de la liberté, loin du regard des autres, à vaquer et à me doucher nu sur ma branche à 6 m du sol - les arbres ne jugent pas notre côté animal. J'ai tenu un journal de cabane, mon écriture y a aussi gagné une forme de nudité. Auparavant, j'avais quelques espoirs humains et quelques espérances divines, et j'ai perdu les deux. Même si je pense souvent que Dieu a continué de croire en moi quand je ne croyais plus en lui. Je citerai mon compagnon de route Bernanos : « La foi, c'est 24 heures de doute, moins une minute d'espérance » À un moment, il y a une cassure, une traversée des forêts sombres comme on en trouve chez Dante. Autrefois, on parlait d'acédie, cet épuisement du sens de la vie - notre burn-out contemporain - qu'ont connu aussi les Pères du désert ou les stylites sur leur colonne, saisis d'une grande nuit. J'ai essayé d'apprivoiser cette obscurité-là et d'y trouver l'étincelle d'un devenir. Les arbres m'ont permis la trouvaille.

Vous évoquez votre « enforestation » : en quoi consiste-t-elle ?

C'est un terme ancien issu des Eaux et Forêts - une administration dont La Fontaine fut d'ailleurs un maître - qui désignait le reboisement d'une parcelle en jachère. Chateaubriand a utilisé le mot comme une allégorie pour l'homme - j'ai eu ce désir de ré-enforester mon esprit et mon intelligence. Le recours aux forêts est vieux comme l'humanité. Il y a le Wanderer dans la culture germanique, le wild à l'américaine magnifié par Thoreau. Nous avons assez de racines latines et grecques pour avoir notre propre vocabulaire de sauvages ! Je suis lié au petit peuple traditionnel des forêts, bûcherons, colporteurs, charbonniers, mérandiers (qui façonnaient les tonneaux), feuillardiers (qui les cerclaient avec du châtaignier). Je ne me sens pas dans la forêt mais de la forêt. J'aime la sylve, du latin sylva (le bois), qui a aussi donné « sylvestre ». Je souhaite apporter le néologisme « ensylvaner » : ce qui pourrait nous offrir des perspectives dans ce moment un peu tragique de notre histoire, où la pandémie s'étend. Ou comment retrouver en forêt une respiration, éviter d'abîmer son regard dans le puits des réseaux sociaux : se noyer dans le vert plutôt que dans le sombre. Les coffres de ma cabane garantissaient des pâtes et des rillettes. Mais, dans mon adversité, j'ai eu recours à ce qui a été scandaleusement étiqueté « non essentiel » : j'ai posé mon regard sur l'écorce du chêne, tendu l'oreille vers le chant du loriot. J'ai accepté un peu d'inconfort et de froid, comme une manière de vivifier la vie, d'en retrouver la sève. Il m'a fallu arriver à 40 ans pour faire de mon enforestation un rite initiatique. J'avais toujours vécu dans le mouvement. Le défi de la stabilité au creux d'un chêne a été d'autant plus grand. J'ai été augmenté par l'immobilité : elle m'a permis, en étant un peu aux arbres, de retourner aux hommes.

Mais vous avez apporté la preuve que le retour vers la nature peut aussi comporter des risques...

Ayant vécu une enfance au rythme des déménagements continuels de ma famille - mon père était banquier -, j'ai trouvé un port d'attache entre le Périgord et les causses du Quercy, d'où sont originaires mes grands-parents des deux lignages. Dans cette forêt, je me sens de quelque part, j'ai le sentiment d'être chez moi, d'où la sensation du retour. Mais l'expérience d'y devenir berger a été le grand naufrage : mon idéalisme d'aller à la vie rurale - pour retrouver harmonie et unité - s'est heurté aux exigences administratives, au système indigne des prix bas compensés par les subventions, sans oublier l'énorme charge de travail qui pèse nuit et jour. Il m'est arrivé de dormir au milieu du troupeau à l'heure du premier agnelage, ça faisait partie de l'aventure. Seulement, quand il a fallu emprunter à nouveau pour construire la bergerie, le ressort a cédé, tout s'est effondré. Le sort actuel des paysans est dramatique. Leur dur labeur n'est pas récompensé, j'ai expérimenté le mépris social sournois qu'ils subissent. Et je partage l'analyse de Houellebecq sur cet énorme plan social invisible qui est à l'œuvre dans la paysannerie française. Le même sort guette désormais les forestiers : même processus d'industrialisation et de rendement à tout-va, au pays de Philippe le Bel, Colbert et Napoléon III, qui a longtemps eu une belle politique de préservation des forêts. Il faut relire l'Argent de Péguy ou la France contre les robots de Bernanos : le système a sa logique, celle du veau d'or qui pousse à la prédation et à la destruction. Or, l'homme n'est pas dans la nature mais de la nature. Des générations de paysans ont su ne pas scier la branche sur laquelle ils étaient assis. Ici, dans le Périgord noir, la forêt a repris du terrain : c'est un pays qui a peu souffert de l'agrochimie, sa relative pauvreté agraire l'a sauvé et permettra désormais de valoriser son or vert.

Comment la fréquentation des livres et la littérature complètent-elles la fréquentation des arbres ?


J'ai le chic pour choisir des métiers engagés qui ne rapportent guère : produire des nourritures, qu'elles soient terrestres ou spirituelles ! L'idéaliste Don Quichotte fait partie de mes amis. Mais j'aime aussi énormément Jack London, car il tire de ses divers et rudes métiers la sève de sa plume. C'est comme si mon épisode paysan m'avait donné plus de légitimité pour écrire, plus d'épaisseur aussi, l'impression que c'est la terre qui parle. J'y ai trouvé un peu d'or. Les arbres m'ont enseigné, mais je n'ai pas négligé pour autant la bibliothèque du milieu où j'ai grandi. J'aime la dimension du rêve chez Saint-Ex, ses récits d'aviation qui font toujours référence à l'enfance. La cabane perchée est aussi une démarche artistique et poétique. Pourquoi tant d'écrivains ont-ils cherché à nous rapprocher de l'arbre ? Victor Hugo se console auprès d'eux : « Toute idée humaine ou divine qui prend le passé pour racine a pour feuillage l'avenir. » Durant mes trois mois, j'ai lu et relu les très consolantes Pensées pour moi-même de Marc Aurèle, parce qu'il y a quelque chose de blessé dans la nature humaine. Et j'ai voulu trouver des mots pour m'apaiser sur le plan humain. J'ai arrêté de chercher une réponse purement spirituelle. Ma cabane n'est pas religieuse, même si elle a quelque chose qui touche à l'absolu, même si la lumière y tutoie le sacré. Je suis un être traversé par le doute et je suis heureux que mes certitudes soient sans cesse bousculées. J'ai été empoigné par cet arbre à la vie. Il m'a réconcilié avec l'idée qu'il puisse y avoir une clarté supérieure. J'ai souvent considéré que la grâce n'était pas pour moi. Mais dans le bruissement des feuilles, j'ai entendu ce qui peut être un souffle sous forme d'interrogation : n'est-ce pas pour toi aussi ? La question n'est pas résolue.

Diriez-vous que vous avez vécu dans votre cabane une forme de renaissance, une rédemption ?

J'ai vécu un hiver d'où tout à coup la sève a rejailli, un printemps sur mon âme et sur mon cœur. Pourtant, même si j'ai choisi la lumière, mon fil de funambule reste précaire. J'affectionne le mot rédemption, mais il est trop fort pour moi, je ne suis pas prêt à me l'accorder. J'ai souhaité au contraire apprivoiser ma fragilité, apprendre à être plus souple avec la vie. La Fontaine ou Hugo partent du minuscule pour aller vers l'universel. Grâce aux hannetons qui entrent la nuit dans la cabane, on peut sentir que l'arbre est enraciné. 
 
Dans la cabane a commencé à poindre une forme de quiétude 

 Ça m'a beaucoup appris. J'ai l'impression d'être désormais comme un arbre, davantage debout. Peut-être un peu tordu. Mais debout. Jusque-là, j'avais une vision écologique uniquement transcendante. J'ai découvert la richesse de l'écosystème forestier, la protection des systèmes vivants qui sont notre matrice. Ils nous donnent l'air pur, l'eau, la protection des sols. L'arbre, reflet de la beauté, est aussi le creuset de l'esprit. Il réunit la nécessité vitale, écologique, spirituelle et poétique.

Vous écrivez : « J'ai été profondément consolé par mon arbre. Mais le bonheur, n'est-ce pas accepter de n'être jamais absolument consolé ? »...

Je m'étais sans doute trompé sur la manière d'atteindre le bonheur. La beauté, pour le chatoiement qu'elle amène à l'âme, on en crève : on en veut toujours davantage ! La corde que je voulais me passer autour du cou il y a quelques années, j'en ai finalement fait une balançoire pour mes enfants... Il faut revenir à cette balançoire de temps en temps, à l'arbre pour s'y ressourcer. Je ne suis plus à la poursuite du bonheur. Dans la cabane a commencé à poindre une forme de quiétude. Je suis un rescapé du désespoir, qui a lutté pour trouver la terre ferme. Je crois à la « viridité » dont parlait sainte Hildegarde de Bingen, cette force et cette verdeur qui sont des cadeaux de la vie. Au digital, je préfère le végétal. Quand on a du chagrin avec soi-même, on peut s'en remettre à ce compagnon merveilleux qu'est l'arbre qui s'enracine, se tient droit et jaillit dans la lumière. Il est loin des algorithmes qui nous asservissent aux écrans et à l'immédiateté, qui détournent et volent notre attention : lui nous la rend ! Il est le plus fabuleux des antidotes. Une manière somme toute de reprendre le pouvoir.


À lire Par la force des arbres, d'Édouard Cortès, Équateurs, 18 euros. (source : La Vie)

A écouter : Vivre dans une cabane: le rêve d'enfant d'Edouard Cortès

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lundi 26 octobre 2020

Au gré du courant des mots...

 


Voici quelques extraits d'un livre que je viens de lire :

"On embrasse, on acclimate, on déraisonne, on raccommode, on s'accommode, on marchande, on saisit, on repousse, on ment, on fait ce que l'on peut, et on finit par croire que l'on peut. On veut faire croire aux hommes que le temps s'écoule d'un point à un autre, de la naissance à la mort. Ce n'est pas vrai. Le temps est un tourbillon dans lequel on entre, sans jamais vraiment s'éloigner du cœur qu'est l'enfance, et quand les illusions disparaissent, que les muscles viennent à faiblir, que les os se fragilisent, il n'y a plus de raison de ne pas se laisser emporter en ce lieu où les souvenirs apparaissent comme les ombres portées d’une réalité évanouie, car seules ces ombres nous guident sur cette terre."

"L'œil hésite devant l’harmonie, parcourt, s’en va, revient, ne s'attache pas durablement, voyage à l’infini. L’œil n’hésite jamais face à la rupture, l’évidence d’un contraste, aussitôt attiré qu’il se détache de ce qui l’a précisément attiré, comme repu. L’attraction primaire n’est que vulgarité. Trop de rouge sur les lèvres, sur les joues, trop de fard autour des yeux ; ces vêtements qui parlent à la place des corps, ces démarches qui s’appuient sur d’éphémères désirs. la beauté est une humaine conception. Seule la grâce peut traduire le divin. La beauté peut s’expliquer, pas la grâce. La beauté parade sur la terre ferme, la grâce flotte dans l'air, invisible. La grâce est un sacrement, la beauté, le simple couronnement d’un règne passager."

"Le vent se leva, donnant un volume supplémentaire à la forêt, comme un oiseau gonfle son plumage pour impressionner l’ennemi, signifiant que quoi que les hommes entreprennent contre elle, que quelque infime bataille gagnée n'en feraient jamais un vainqueur. La vallée contenait à elle seule le passé, le présent et l’avenir, s’était fabriqué un temps unique, pas une éternité à hauteur d’homme."

Frank Bouysse

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lundi 27 avril 2020

Musiques du ciel...


J'aime bien ces petites vidéos. Et actuellement ces chants se font bien entendre. Ouvrez l'oreille...



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samedi 22 février 2020

mercredi 12 février 2020

La saveur d'être




«Désormais tout est changé. J'ai goûté - comme par mégarde - à la saveur d'être, et tout est changé.
Quelque chose, en moi, n'est pas né avec moi et ne mourra pas avec moi. Par cette certitude, tout est changé.
Il n'y a plus personne à qui reprocher quoi que ce soit - plus personne, non plus, à convaincre de quoi que ce soit...
A l'instant où cesse en moi toute représentation - toute idée "sur" les choses, les voilà qui apparaissent dans leur évidence impérieuse, leur vide lumineux.»

Christiane Singer, Histoire d'âme



Oui. Il faut aller marcher dans les forêts, courir, reprendre contact avec la vie dans toutes ses dimensions ; sentir que ces arbres sont des forces, que ce ruisseau qui passe là est comme le sang qui coule dans nos veines, et par cette expérience se sentir relié à l’univers. Relié.

Christiane Singer
 (Psychologies)

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dimanche 26 janvier 2020

De commencement en commencement...


Après quelques essais timides en fin d'année, l'hiver s'est bien installé cette fois : branches nues tendues de leur habituelle façon mélodramatique vers le ciel gris et lourd ; terre noire, avec ici et là quelques touffes d'herbe jaunies par la neige ; manque d'entrain et soirées trop longues : même le silence de la salle de méditation semble parfois pesant, comme sous le poids de l'obscurité qui nous entoure. Comme une envie d'hiberner, de se laisser porter par l'immobilité. Et pourtant... il suffit d'un peu de résolution, d'une bonne épaisseur de vêtements, écharpe et grosse veste, gants et bonnet, de quelques pas dans la forêt et surtout d'un œil attentif. Alors vous apercevrez quelques signes, oh très légers, qui disent que cette immobilité du monde et du temps n'est qu'apparente. Ici un minuscule bourgeon, osant à peine se détacher de sa branche, là, effleurant la terre, une jeune pousse, brin d'herbe ou perce-neige, on ne sait encore, montre le bout de son nez et, au bout de leurs aiguilles, quelques pins ont une petite poussée verte, de ce vert tendre et doux, prometteur de parfums et de brumes. « De commencement en commencement... », dit un Père de l'Église.


Aujourd'hui, toute la forêt me le rappelle : il n'y a rien de figé, rien de terminé ; le monde renaît à chaque instant, il n'y a que des commencements. Malheureusement je ne les vois pas souvent, car je ne regarde plus vraiment. Dans notre maison de pierre blottie au creux de la montagne, j'ai vécu de nombreux hivers avec leur mois de janvier qui doucement nous emmène vers la lumière, alors... je ne regarde plus. Je regarde le calendrier qui m'indique la continuité, mais je ne vois plus rien de ce qui apparaît sous mon nez et illumine le monde. Ces petits bouts de vert, ces merveilleuses promesses pourtant me le disent : le monde vient de naître ! Réveille-toi ! Ouvre les yeux, ouvre le cœur... ! Je promène avec moi une grosse valise pleine de souvenirs, de projets, de moments joyeux ou tristes et certains jours tout cela tourne dans ma tête, me rendant aveugle au monde et à son éclat, insensible à sa beauté...
Ah ! Lâcher un peu ma vie pour m'ouvrir à ce qui est là, apparu juste à l'instant, ce que je n'ai encore jamais vu, car aucun hiver ne se ressemble lorsque le regard est tout neuf. Aucun arbre ne frémit dans le vent sans changer imperceptiblement la forêt, aucun rocher ne se pare de soleil et d'ombre sans changer la mousse qui le pare ; aucune goutte d'eau ne reflète une paillette de lumière sans changer la lumière de toutes les rivières. Ce que cet instant contient, il m'appartient de le regarder et le découvrir, parce que tout ce que j'ai vu, tous ces hivers passés, tout ce que je sais du jeu des saisons, pâlit devant lui. Cet instant-ci n'a jamais été vécu, il m'est occasion de contempler la splendeur du monde, de pénétrer sa danse. Ce regard m'ouvre au changement parce qu'il ouvre mon cœur. Infini de cet instant, infini du cœur qui lui répond. Ou bien est-ce le cœur sans limites qui permet cette aspiration ? Plutôt une rencontre de deux infinis. Cœur et monde se retrouvent, se relient ; ma fragilité devient sienne, et sa force devient mienne. Je respire avec l'arbre, je joue avec la rivière, je me creuse avec la pierre... Le monde est aussi vaste que ce bourgeon fragile qui contient tant de promesses et aussi fragile que ces rochers qui naissent de la terre. De commencement en commencement, le monde révèle la merveille et mon cœur est gratitude.
Joshin Luce Bachoux est nonne bouddhiste, elle anime la Demeure sans limites, temple zen et lieu de retraite à Saint-Agrève, en Ardèche. Auteure de Tout ce qui compte en cet instant, chez Points Vivre.
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vendredi 13 septembre 2019

La nature, voir que nous ne sommes pas séparés





Lorsque le corps devient plus conscient, par cette rencontre quotidienne avec nos perceptions intimes, il peut alors se mettre de lui-même au diapason de la nature et s’y harmoniser.
La forêt qui borde mon village me le rappelle tous les jours. On ne peut pas dire que je m’y promène, j’y plonge littéralement.
Ce n’est pas moi qui y pénètre, c’est la forêt qui entre en moi, vibre et vit en moi.
Mon corps jubile d’y aller, de sentir les odeurs de moisi, de pourriture, de végétal naissant, de sève et de résine.
L’immobilité et l’immensité des arbres me redressent.
Chaque pas sur la terre meuble restructure mon dos, replace mes épaules.
La densité végétale, la force du sol si fertile, la verticalité, les mouvements si lents des troncs, tout cela m’attrape et me transforme dans l’instant.
La forêt me dépose en moi-même.
Elle m’invite à m’habiter et à habiter l’instant totalement, inconditionnellement.
Je n’ai jamais eu ce sentiment qu’il fallait me relier à la nature ou à quoi que ce soit d'autre.
J'ai simplement longtemps pleuré de sentir que c'est moi qui me coupais.
Après que mes croyances à propos d’une possible coupure aient été démasquées, ce que je découvre plutôt c’est que je ne suis pas séparée.
Pas de reliance donc, mais voir que qu'il n'y a pas de séparation.
Amitié à tous

Séverine
Auteure de "Vivante ! Un éveil à la vie, à la joie et à l'amour" - éd. Accarias l'Originel.
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mercredi 29 mai 2019

Ame forestière...


Aux arbres

Victor Hugo
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le cœur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’œil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, – je vous atteste, ô bois aimés du ciel! –
J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l’on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai.
Victor Hugo

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vendredi 1 février 2019

Etre au balcon


Je tente d'être au balcon de mon regard plusieurs fois par jour.
J'y découvre un accueil possible de ce qui est présent.
Sans jugement.
Cela apparait et c'est neuf.
Cela est en mouvement et m'inonde.
Cela coule de source...

Le son de l'eau. 
L'éclatement d'une bulle qui libère le silence.
Rien n'est en demande.
Et pourtant une seule question surgit.
J'existe ? 
Et se ferme l’œil.  


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mardi 15 janvier 2019

Mémoire du Tout


Sans doute avons-nous tous fait l’expérience, un jour, de nous retrouver en pleine nature et d’être envahi par un profond sentiment de bonheur. Une immense paix s’est installée et pendant un moment, tous nos soucis et peurs ont disparu. Et nous avons réalisé combien ces peurs qui entravent nos vies sont finalement peu de choses. Pourquoi ? Parce que nous sommes nous-même peu de chose ! Mais ressenti au milieu de la nature, ce sentiment n’avait plus rien de disqualifiant. Au contraire, par un magnifique paradoxe, nous sentir tout petit au milieu de l’univers nous a fait grand bien. On pourrait même dire que cela nous a grandi. Ce n’était pas notre ego qui se gonflait, c’était autre chose en nous. Comme si nous étions traversé par une force beaucoup plus grande que nous, mais en laquelle nous nous reconnaissions. 

Telle la goutte de pluie retournant à l’océan, nous retrouver en pleine nature nous a fait reconnaître notre propre nature. Certains vous diront qu’ils ont vécu la même chose en ville, devant une œuvre d’art, à la terrasse d’un café ou en lisant un livre. Dans tous les cas, le bonheur est venu de nous sentir partie prenante d’un tout plus grand que nous. Souvent, nous n’avons pas su trouver les mots pour le dire. Mais le sentiment est resté gravé dans notre mémoire. 

source : Nouvelles Clés

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lundi 17 septembre 2018

Ecole de la forêt...



Une école pour avoir confiance en soi...
On ne doit pas avoir de forêts en France, ou elles sont plus dangereuses, ou il y fait plus froid...ou il y a des tiques de protection...




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