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mardi 10 décembre 2024

La construction d’un amour adulte de Christiane Singer


Qui prend aujourd’hui la peine de prévenir les jeunes couples que la traversée d’une relation d’amour est une affaire périlleuse ? L’illusion que la relation doit rester gratifiante distille un poison. Or, prendre conscience que bâtir un amour est une œuvre difficile ne constitue pas une raison de ne pas l’oser ! Tout au contraire ! Que serait une vie où l’on ne tenterait pas le plus haut, le plus ardu, sinon une esquive et un rendez-vous manqué ?Oui, « l’autre » est une aventure périlleuse. Il est là pour m’accoucher de mes démons et de mes ombres. 

Aussi court-il le risque de devenir l’écran de projection de tout mon mal-être. Il est par excellence cet « empêcheur de tourner en rond » qui m’arrache à ma ronronnante identité, à l’enfermement qui sans lui me guettait ; il va faire brèche en moi, c’est à dire me mettre en vie et en métamorphose. Le drame contemporain, c’est la fuite des couples devant toute irritation et toute crise. Dès que cesse l’agrément d’être ensemble, beaucoup prennent leurs jambes à leur cou, ignorant que le plus beau de l’aventure va tout juste commencer : la construction d’un amour adulte.

Christiane Singer

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jeudi 14 décembre 2023

De la crise, ou de quoi méditer en ces temps de crise ...

 

Issu du grec krisis (décision), ce mot a d’abord été un terme du jargon médical, désignant un tournant décisif dans l’évolution d’une maladie ou d’une blessure. C’est de là que lui vient sa connotation angoissante actuelle. 

En chinois l’idée de « crise » s’écrit avec deux idéogrammes. 

Le premier, 危 wēi représentait à l’origine une personne se tenant au bord d’une falaise. Au cours des siècles à cause de cette image d’une situation dangereuse, il s’est amalgamé avec un mot homophone plus ancien ayant lui le sens de : malheur, difficultés ; ce qui a conduit au sens actuel de ce mot : péril, passe difficile. 

Le second, 机jī, dans sa forme ancienne (機) représentait le ressort des arbalètes. Ces armes avaient constitué un des éléments déterminants de la supériorité militaires de Qin Shi Huangdi dans sa conquête des différents Royaumes Combattants aboutissant en 220 avant à la première unification impériale de la Chine et dont les milliers de guerriers en terre cuite qui gardent son tombeau donnent un idée de la puissance. Particulièrement l’arbalétrier au « présentez-armes ». 

Aujourd’hui, cet idéogramme a toujours un sens en rapport avec son ressort d’origine puisqu’il signifie : mécanisme efficient, ressort, moyen ingénieux, stratagème, occasion imprévue, opportunité.

L’écriture chinoise de la notion de « crise », le binôme危机  wēi jī, combinant ensemble l’idée de « passe difficile » avec celle de « ressort, d’occasion », offre une perspective plus vivifiante de ce qui est pour nous une crise. Il ne s’agit plus d’une aggravation dangereuse d’une situation critique, d’une fatalité mortifère mais bien plutôt d’un moment décisif, certes difficile, mais surtout porteur d’opportunités à saisir pour orienter la situation vers une vitalité nouvelle.

Winston Churchill, qui disait « Le pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, l’optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », connaissait-il ce distique de son compatriote le poète William Blake : 

Bénédiction lénifie

Malédiction tonifie


Cyril Javary
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lundi 6 novembre 2023

Crise du vieux

 


Je pense qu’il n’y a qu’une crise : quand vous vous rendez compte que tout ce que vous faites, que tout ce que vous pensez, vient de votre mémoire, que tout ce que vous rencontrez, c’est le passé, et que vous ne pouvez pas avoir la moindre idée créatrice. Vous avez alors le pressentiment profond que ce que vous cherchez n’est pas dans la situation, n’est pas dans la perception. Vous constatez que vous pouvez uniquement aller devant. Tout ce que vous pensez, c’est devant vous, et pourtant, vous vous rendez compte que vous pouvez uniquement projeter le connu, la mémoire. Le neuf, la liberté, ne peuvent être dans la projection. 

La crise émerge de l’évidence que vous ne pouvez penser que le vieux, alors que c’est le neuf que vous cherchez. Vous vous rendez compte que toute votre vie, que toutes vos actions sont faites constamment pour trouver ce neuf, pour trouver le non-désir, et vous ne pouvez que répéter les schémas qui reproduisent les erreurs passées. Votre questionnement ne peut plus être devant. La pensée n’a pas les éléments pour arriver à la non-pensée. 

Lorsque l’on rencontre ce moment dans la vie, c’est vraiment une crise, un choc. Vous savez très bien où vous ne voulez pas aller. Vous ne savez pas où vous voulez aller, mais vous voyez très bien où ne se trouve pas ce que vous cherchez. C’est un choc très profond.

Les jeunes aussi éprouvent cela. À l’âge de quatorze ou quinze ans, on se rend compte qu’on ne veut pas être comme son père ou sa mère, qu’on ne veut pas mener une vie bourgeoise. On s’aperçoit que la société est factice. À cet âge, on sait très bien ce que l’on ne veut pas, mais on n’a pas le pressentiment de ce que l’on veut. Ce sont vraiment des crises très profondes.

~ Éric Baret

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mardi 16 février 2021

Crise...



"Dans notre société, toute l'ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. 
Un système de fils barbelés, d'interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C'est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d'une civilisation contre l'âme, contre l'esprit. 
Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n'y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. 
La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l'arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être."

Christiane Singer, Du bon usage des crises

jeudi 4 février 2021

Oasis à vivre

 


EDGAR MORIN 99 ans.
′′J'ai été surpris par la pandémie mais dans ma vie, j'ai l'habitude de voir arriver l'inattendu. L'arrivée de Hitler a été inattendue pour tout le monde. Le pacte germano-soviétique était inattendu et incroyable. Le début de la guerre d'Algérie a été inattendu. Je n'ai vécu que pour l'inattendu et l'habitude des crises. En ce sens, je vis une nouvelle crise énorme mais qui a toutes les caractéristiques de la crise. C'est-à-dire que d'un côté suscite l'imagination créative et suscite des peurs et des régressions mentales. Nous recherchons tous le salut providentiel, mais nous ne savons pas comment.
Il faut apprendre que dans l'histoire, l'inattendu se produit et se reproduira. Nous pensions vivre des certitudes, des statistiques, des prévisions, et à l'idée que tout était stable, alors que tout commençait déjà à entrer en crise. On ne s'en est pas rendu compte. Nous devons apprendre à vivre avec l'incertitude, c'est-à-dire avoir le courage d'affronter, d'être prêt à résister aux forces négatives.
La crise nous rend plus fous et plus sages. Une chose et une autre. La plupart des gens perdent la tête et d'autres deviennent plus lucides. La crise favorise les forces les plus contraires. Je souhaite que ce soient les forces créatives, les forces lucides et celles qui recherchent un nouveau chemin, celles qui s'imposent, même si elles sont encore très dispersées et faibles. Nous pouvons nous indigner à juste titre mais ne devons pas nous enfermer dans l'indignation.
Il y a quelque chose que nous oublions : il y a vingt ans, un processus de dégradation a commencé dans le monde. La crise de la démocratie n'est pas seulement en Amérique latine, mais aussi dans les pays européens. La maîtrise du profit illimité qui contrôle tout est dans tous les pays. Idem la crise écologique. L'esprit doit faire face aux crises pour les maîtriser et les dépasser. Sinon nous sommes ses victimes.
Nous voyons aujourd'hui s'installer les éléments d'un totalitarisme. Celui-ci n'a plus rien à voir avec celui du siècle dernier. Mais nous avons tous les moyens de surveillance de drones, de téléphones portables, de reconnaissance faciale. Il y a tous les moyens pour surgir un totalitarisme de surveillance. Le problème est d'empêcher ces éléments de se réunir pour créer une société totalitaire et invivable pour nous.
À la veille de mes 100 ans, que puis-je souhaiter ? Je souhaite force, courage et lucidité. Nous avons besoin de vivre dans des petites oasis de vie et de fraternité."

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mercredi 28 octobre 2020

Aspirateur réversible ?

 Du bon usage des crises de Christiane Singer :


"(...) un fait divers qui m'avait ébranlée. Un employé des chemins de fer était entré dans un wagon frigorifique pour le nettoyer, et la porte s'était refermée derrière lui. Et le voilà enfermé dans ce wagon frigorifique. Comme c'était un vendredi soir, il est resté tout le week-end dans ce wagon frigorifique et évidement il est mort de froid. Seulement voilà, la réfrigération n'était pas branchée et il y avait 18° dans le wagon ! A l'autopsie, son corps a montré tous les symptômes d'une mort par refroidissement. Cet homme est donc mort de la représentation qu'il avait du froid. Il est mort de son imaginaire ! C'est quelque chose d'extraordinaire ! 
Nous vivons et nous mourons de nos images, pas de la réalité. La réalité ne peut rien contre nous. La réalité n'a pas de pouvoir contre nous. C'est la représentation que nous en avons qui nous tue ou qui nous fait vivre. Imaginez le contraire, imaginez un employé des chemins de fer enfermé dans un wagon frigorifique branché mais qui survivrait en visualisant le soleil tout un week-end. C'est aussi possible. Bien sûr que c'est possible et c'est ce que nous avons à faire dans cette société, où nous mourons de froid, où nos cœurs meurent de froid. 
Le pouvoir d'aspiration du négatif est quelque chose d'extraordinaire. Un puissant aspirateur."

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lundi 17 août 2020

“L'opportunité est inscrite dans la crise“

 


Pour Liliane Papin, docteure en philosophie et en médecine chinoise, c'est dans une vision plus globale de la transformation et du rythme naturel de la vie que puise la culture asiatique, notamment en Chine et au Japon. Une capacité à rebondir après la crise lorsqu'elle est accueillie comme une opportunité. 

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Comment définiriez-vous la force de la résilience orientale face aux événements difficiles ?

Je commencerai par une anecdote. Dans les années 1990, je participais à une compétition de qi gong à l'université de Pékin. Nous étions confiants dans notre groupe français, qui comptait d'excellents pratiquants. Or, malgré une belle performance, nous avons été classés derniers. La raison invoquée par le jury : un manque de coordination et de « rythme collectif » dans le groupe. Une amie japonaise nous comparait, nous les Français, aux grappes de raisin : les grains sont ensemble mais isolés. Alors que nous sommes, dit-elle, « comme les grains de riz ou les bancs de poisson, on marche ensemble ». La force collective n'a pas besoin d'être construite face à l'événement, elle est déjà là, ancrée dans la culture, offrant la faculté immédiate de mettre ses ressources en commun pour rebondir. Une forêt résiste mieux au vent que l'arbre seul.

Où s'enracine et comment s'apprend cette faculté de résistance ?

L'idée de résilience est présente dès l'apprentissage de l'écriture. Par exemple, le mot « crise » en chinois, wei ji, se construit avec deux caractères : le caractère « danger » et le caractère « opportunité ». Alors qu'un enfant français ne connaît pas l'étymologie des mots, l'enfant chinois ou japonais intègre visuellement cette idée que l'opportunité est inscrite dans la crise. Si notre orthographe se prête à l'esprit d'analyse - une lettre après l'autre, on construit le sens -, les écritures chinoise et japonaise procèdent par globalité. Par le geste du dessin, on fait appel au cerveau droit, dit plus créatif. Cela ne passe pas par l'intellect mais par la calligraphie. Dans le mot « jour », par exemple, on retrouve le caractère « soleil ». La symbolique est immédiate, comme dans le dessin.

L'enfant chinois ou japonais intègre visuellement cette idée que l'opportunité est inscrite dans la crise.

En quoi cette globalité nous aide-t-elle à faire face à l'adversité ?

Le caractère « crise » résume à lui seul une philosophie de base. Dans l'épreuve se profile l'opportunité d'en sortir. Lorsqu'on est au fond, on peut déjà se préparer à la remontée et, de même, quand on atteint son zénith, il faut envisager la descente. Cette sagesse met en valeur une capacité à aller avec le flot, à offrir moins de résistance là où les Occidentaux ont le réflexe de se battre. Il ne s'agit pas de passivité, plutôt d'une aptitude à suivre le rythme naturel de la vie, comme celui des saisons. Dans l'art du tai-chi, on utilise la résistance de l'adversaire : il faut savoir reculer quand l'autre avance pour qu'il perde lui-même son équilibre.

Il s'agit en fait de s'ajuster à la situation ?

C'est plutôt la conscience d'un rythme naturel à épouser. De nombreux dictons chinois ou japonais vont dans ce sens. « Rien ne sert de tirer sur une plante pour la faire pousser plus vite. » Ou cette anecdote paysanne, très utilisée par les maîtres en spiritualité, sur les fluctuations de la chance (lire encadré). Ou comment d'un problème peut naître une solution. On a vu d'ailleurs, à propos du coronavirus, comment la Chine a su transformer un problème démarré sur son territoire en une opportunité de vendre des masques au monde entier, d'offrir son « expertise » et de se poser en leader de la gestion de la maladie

Plus généralement, peut-on parler d'une capacité à éviter l'impasse, à se laisser une voie ouverte ?

Plutôt celle de bien évaluer sa propre force et celle de l'adversaire, savoir quand on est en position de faiblesse, quand il faut avancer ou reculer. C'est une capacité à utiliser les circonstances, en bien comme en mal, car c'est aussi au nom de ce principe que peuvent se justifier les pires répressions. Tout cet art de l'adaptation se retrouve dans le livre du Yi Jing, dit aussi Livre des transformations, un texte taoïste fondamental de la pensée chinoise. Même Confucius, qui a articulé un ordre social très hiérarchisé face à la pensée plus libre et rebelle des premiers taoïstes, s'est imprégné du Yi Jing, qu'il a abondamment commenté.

Responsable ne veut pas dire coupable dans l'esprit des japonais. Être responsable, c'est être "capable de réponses"

Comment définir le Yi Jing ? Comme un manuel de vie ?

Le Livre des transformations est fondé sur les concepts de yin et de yang qui enseignent les lois du changement perpétuel, que la nuit devient jour et le jour devient nuit : l'extrême yin rejoint le yang, et vice versa. C'est un livre mythique vieux de 3 000 ans, dont, au fil des générations, on a à la fois extrait philosophie, sagesse, psychologie, art divinatoire, art de gouverner et même stratégie militaire dans l'Art de la guerre, de Sun Zi. Le mathématicien Leibniz a trouvé dans les hexagrammes l'inspiration du calcul binaire à la base de nos ordinateurs. Carl Jung en a retiré son concept de synchronicité, autrement dit ces causalités non linéaires que nous appelons « coïncidences » et avec lesquelles l'esprit oriental est très à l'aise pour y lire un ordre « horizontal » tout aussi important que l'ordre « vertical » de la causalité. C'est pourquoi le Yi Jing est aussi utilisé comme instrument divinatoire. C'est là aussi que l'on trouve les notions clés, dans le bouddhisme, d'impermanence et d'interdépendance. C'est un livre dont chacun connaît par coeur de nombreux aphorismes et dont les hexagrammes sont utilisés pour aider à révéler l'ordre potentiel sous-jacent au chaos des changements.

Au fond, qu'avez-vous appris de la résilience au contact de ces civilisations ?

Je remarque que, dans notre tradition judéo-chrétienne, nous nous considérons comme coupables, ou du moins nous nous cherchons un coupable. Or, au Japon, j'ai assisté à des accrochages de voitures où chacun s'excusait, endossant la responsabilité de l'accident avec force courbettes ! Cela m'a fait réfléchir. Responsable ne veut pas dire coupable dans leur esprit. Et l'étymologie nous le confirme : responsable, c'est être « capable de réponses ». Si vous êtes pris dans un événement, vous en êtes « responsable » : vous n'êtes pas coupable mais « impliqué ». La sagesse consiste à l'accepter pour mieux répondre. Cela pourrait ressembler à du fatalisme, mais c'est une forme de responsabilisation et de force. « Shikata ga nai », disent souvent les Japonais : « On n'y peut rien, c'est le destin. » Tout le contraire de notre « impossible n'est pas français ».'

Liliane Papin
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source : la Vie

jeudi 30 juillet 2020

Méditer avec Matthieu Ricard (4)

Lors des catastrophes naturelles, la solidarité est toujours immense. Il y a plus de comportements altruistes, des études l’ont prouvé.

Va-t-on vers un changement de culture, moins d’individualisme ?
J’espère. C’est la grande question. Va-t-on accorder la prééminence à l’environnement, puisqu’on sait que les catastrophes environnementales risquent d’être beaucoup plus graves que cette crise sanitaire ? Les gouvernements ont montré qu’ils pouvaient prendre des mesures draconiennes. Feront-ils preuve d’un dixième de cette détermination pour endiguer des problèmes à plus long terme, mais plus menaçants ? Hélas, ils parlent déjà de faire repartir la consommation. Les gens changent. Ils louent la solidarité, la sobriété heureuse, la proximité avec la nature. Il y a une forme de redécouverte de la tranquillité et du ralentissement. Ont-ils assez apprécié pour modifier leurs comportements ? Un vrai changement n’est pas impossible. On notait déjà une évolution : chercher davantage de coopération, s’efforcer de faire mieux avec moins, viser à l’harmonie durable au lieu d’un développement quantitatif éternel. On ne peut pas utiliser toujours plus de ressources naturelles ! Mais on n’arrivait pas à arrêter cette course effrénée. Malheureusement, l’évolution nous a équipés pour nous émouvoir des dangers immédiats, pas lointains. Moi, à 74 ans, je pourrais dire : « Après moi le déluge. » Non, ça me préoccupe. Un ministre a dit un jour : « Mes enfants, mes petits-enfants, je vois, mais après, c’est abstrait. » C’est ridicule et irresponsable ! Quand Greta Thunberg, aux Nations unies, lance que nous trahis­sons les générations futures, elle a raison. ­Voulons-nous être des traîtres égoïstes ? À chacun de voir.

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Source  : La Vie

Docteur en biologie moléculaire, Matthieu Ricard est devenu moine bouddhiste à 33 ans et a vécu en Inde et au Népal. Fils de l’académicien Jean-François Revel, il a publié avec lui le Moine et le Philosophe (NiL Éditions, 1997). En 2000, il a fondé l’association Karuna-Shechen (karuna-shechen.org) pour les populations de l’Himalaya. Photographe passionné, il a notamment publié Émerveillement (La Martinière, 2019). « Je pratique la photo depuis l’âge de 13 ans. C’est sans doute le seul métier que je connaisse vraiment », dit-il.


mercredi 29 juillet 2020

Méditer avec Matthieu Ricard (3)

L’esprit est comme un gamin capricieux, comme un singe qui saute de branche en branche.

On peut méditer en se concentrant sur son souffle. Sur une image, est-ce une alternative ?
Méditer, c’est cultiver son esprit – bhâvana en sanskrit. Une méditation spécifique est l’entraînement à l’attention. Empêcher l’esprit de papillonner ou de vagabonder. Donc on essaie de trouver des objets de concentration. Le souffle, c’est bien car c’est invisible. Si vous cessez de faire attention, rien ne vous rappelle à l’ordre, ce n’est pas comme lorsqu’une lumière rouge clignote. Les images sont aussi des supports. Par exemple, on peut regarder un dessin ou une statue du Bouddha, visualiser tous les détails. Puis, les yeux fermés, se représenter cette image. C’est un moyen de focaliser l’esprit. Méditer sur le visage du Bouddha, emblème de sagesse et de compassion, c’est mieux que sur celui d’un dictateur ! Un beau paysage, c’est différent, c’est plutôt une évocation. Notre petit ego étriqué se dissout dans son immensité. Il ouvre l’esprit et peut apaiser. Il renforce le sentiment d’interdépendance, d’appartenance. L’émerveillement suscite un respect, incite à prendre soin de la nature, des êtres humains. Moi, si je suis dans une situation compliquée, je m’imagine sur le balcon de mon ermitage face à l’Himalaya et je me dis : « Ce n’est pas grave, ça va se tasser. » La méthode psychologique consistant à se représenter une image positive est assez efficace pour soulager les migraineux, par exemple. C’est le pouvoir de visualisation. Mais l’image n’est pas un support classique de méditation.
L’amour altruiste fait encore plus de bien en temps de crise. Expliquez-nous pourquoi.
C’est simple. Il s’agit de nourrir une pensée dont le but est de soulager la souffrance d’une personne. Pas de recueillir des louanges. Ce n’est pas pour se faire du bien. Mais quand on commet un acte de générosité, de bonté désintéressée, on se sent en harmonie avec soi-même. Donc, c’est aussi une bonne façon d’être satisfait. Comme quand on cultive un champ de blé pour nourrir sa famille : vous n’avez pas fait tout ça pour la paille, mais elle est là, en bonus. L’amour est l’émotion par excellence. Il ouvre l’esprit, s’accompagne d’une cohorte d’autres affects positifs. L’amour altruiste – ou, dit plus simplement, la bienveillance – est la meilleure expression de la nature humaine. Pendant cette crise, il semble qu’il se soit développé. En Angleterre, plus de un million de personnes se sont proposées pour conduire des gens dans les hôpitaux, apporter de la nourriture à des personnes âgées, etc. C’est magnifique. Lors des catastrophes naturelles, la solidarité est toujours immense. Il y a plus de comportements altruistes, des études l’ont prouvé. Cette fois, en Europe, il s’est produit un curieux mélange : il a fallu cultiver la distanciation physique, pour éviter de contaminer sa famille, et rester ouvert aux autres. En Orient, on n’a pas connu cette méfiance personnelle.

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lundi 27 juillet 2020

Méditer avec Matthieu Ricard (1)


Matthieu Ricard, 74 ans, a quitté son monastère de l’Himalaya fin mai pour rejoindre la France, encore bouleversée par la crise sanitaire. Depuis la Dordogne, où il a retrouvé sa mère – la peintre et nonne bouddhiste Yahne Le Toumelin, 97 ans –, le moine nous a accordé une interview.

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Que pensez-vous du boom que connaît la méditation depuis la crise ?
En confinement, les gens se sont trouvés démunis car seuls face à leur propre esprit. C’est curieux, car pour moi cette solitude est fondamentale ! En temps normal, on a affaire du matin au soir à son esprit – qui est son meilleur ou son pire ennemi. Sans le flot courant des activités, on voit plus clairement que le mode de fonctionnement de son mental n’est pas optimal. Les gens qui se sont confinés à la campagne ont redécouvert la nature, cette affinité essentielle que l’on appelle la « biophilie ». Certains, en ville, ont hélas sombré dans la totale distraction, avec Internet ou avec les jeux vidéo, dont on sait qu’ils augmentent l’agressivité et l’insatisfaction, surtout s’ils sont violents…
La méditation, qu’est-ce que c’est ? Un entraînement de l’esprit. Ce n’est pas juste essayer de se calmer. Ou s’asseoir entre deux bâtons d’encens pour se relaxer – une idée qui fait rire les Orientaux ! La méditation permet de comprendre les causes de la souffrance, de trouver des antidotes à ces toxines mentales que sont l’animosité, la jalousie, l’orgueil, le désir compulsif, etc. C’est un processus de compréhension et de libération. Si on se libère du carcan de ses pensées errantes, c’est formidable ! On peut demeurer alors dans la simplicité naturelle de l’esprit et reposer dans cet état ouvert, clair, lumineux, calme, stable. Cet état ressemble un tout petit peu à ce que les gens cherchent dans la relaxation, la clarté en plus et la somnolence en moins.


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vendredi 15 mai 2020

Hommage aux livres


Une petit vidéo que je vous livre.


Et pour les personnes qui n'ont jamais vu la vidéo suivante :



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mercredi 1 avril 2020

La vie est une crise par Gilles Farcet


« Vous savez que depuis longtemps je nous considère tous sans exception comme des gens qui ayant vécu un naufrage ont échoué sur une île déserte mais ne le savent pas encore. Les personnes qui sont ici le savent. Les autres, ceux qui vivent encore une vie ordinaire, croient toujours qu’un paquebot va arriver pour les sauver demain et que tout va recommencer comme avant. Ceux qui sont ici savent que rien ne sera plus comme avant. Je suis si contente d’être ici. »
Katherine Mansfield (1888-1923 ) , lettre écrite depuis le Prieuré d’Avon où elle vécut ses derniers mois et mourut dans la proximité de Monsieur Gurdjieff




Oui, nous vivons en ce moment une situation « de crise ». Et les situations « de crise », crise individuelle , collective ou une combinaison des deux comme à l’heure actuelle, ne font elles pas que mettre en pleine lumière ce qui de toutes façons est toujours là, à savoir que la vie elle même est par nature une crise ? De la naissance à la mort, cette existence humaine est une crise. Une crise avec des accalmies, des moments plus tranquilles où il ne se passe en apparence pas grand chose, des « vagues », des « pics »,des retombées , des actions et réactions …
Qualifier notre existence de « crise » n’équivaut pas à en dresser un tableau exclusivement noir. Il y a des moments heureux, des joies , du moins pour beaucoup d’entre nous. Que cette existence soit intrinsèquement une crise n’exclue pas la dimension d’émerveillement, la beauté, la création, l’amour, bien au contraire ..
Et la naissance est une crise, l’enfance est une crise, la puberté est une crise, l’entrée dans l’âge adulte et le « monde du travail » est une crise, se mettre en couple est une crise, se séparer une crise, devenir parent une crise … la quarantaine est une crise, la cinquantaine, etc etc, la vieillesse est une crise, la mort une ultime crise … L’histoire, individuelle et collective est une crise. Avec à chaque étape la nécessité impérieuse et vitale de l’adaptation, oui l’adaptation qui est bien le mot clé.

Les grands mystiques, les artistes essentiels , les personnes qui travaillent vraiment sur elles mêmes comme on dit (à ne pas confondre avec les adeptes de la « feel good méditation » et autres béquilles gentillettes même s’il n’y aucun « mal »à tout ça) … toutes ces personnes ne sont elles pas celles et ceux qui, par un mystérieux processus interne, ont pris la mesure de la situation, compris que de toutes façons et quoi qu’il arrive l’existence est une crise ? Ces personnes ne sont elles pas celles qui assument le réel et sa nature de crise permanente - avec encore une fois des vagues, pics, retombées, plages de calme apparent …

Ce que d’aucuns appellent traditionnellement « la pratique de la voie » ne serait elle pas ni plus ni moins de la gestion consciente de crise ?

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mardi 17 mars 2020

De nouvelles portes....


« J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on en a pas à la portée de la main, pour entrer dans l’autre dimension. Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur {...}

C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être {...}

Nous sommes tous spécialisés dans l’esquive, dans le détournement, dans le «divertissement» tel que le voyait Pascal. Il n’y a au fond que cette possibilité, subitement, de se dire : «Oui, mais tout cela, tout ce qui m’enserre, tout ce qui m’étrangle, mais c’est moi ! »

Christiane Singer, «Du bon usage des crises»

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samedi 12 janvier 2019

Christiane Singer et la crise...(3)

De nouveau, un morceau d'anthologie à écouter, la joie dans l'âme !

"La mort, cette fidèle et excellente amie" c'est de Mozart, une citation que reprend volontiers à son compte Christiane Singer. Pour elle, les crises sont une nécessité sans quoi la vie serait fade et sans intérêt.
Troisième partie avec Christiane singer (14 min.)
source audio


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jeudi 6 décembre 2018

Conscience d'être relié...


Que penser de la crise actuelle ? 


Nous avons à prendre conscience d'une loi très profonde, ontologique, qui veut que l'humanité soit une. Ce que découvre aujourd'hui la physique quantique et qu'énonce David Bohm disant "Si l'humanité ne prend pas conscience qu'elle est une, elle va vers les plus graves périls". C'est la dure loi du Talion : Ce que nous faisons à l'autre nous est renvoyé en boomerang car l'autre est nous-même. Le globule blanc, défenseur du territoire de notre organisme le sait, qui ne tue pas le microbe appelé "non soi", mais l'intègre après avoir vérifié que l'organisme, appelé "soi", le porte en lui. Comme lui, il faut intégrer l'adversaire et non le tuer comme ennemi. C'est là une grande différence de conception de la guerre et de ses stratégies. Malheureusement l'humanité n'a vécu jusqu'ici que dans le concept infantile du meurtre de l'ennemi, sans réaliser qu'ainsi on se tue soi-même. A mon avis, lorsque dans les évangiles, le Christ demande à celui qui a reçu un soufflet sur une joue de tendre l'autre, il nous incite en fait à retrouver la mémoire de la zone que nous avons gifflée autrefois, dans un geste oublié.


Annick de Souzenelle
Pour une mutation intérieure


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mercredi 24 février 2016

Sortir de l'impasse avec Nicolas Hulot


Phytospiritualité vous propose des extraits choisis de l'émission "Pardonnez-moi" avec Nicolas Hulot.

Une réflexion plus profonde sur notre monde : humilité, sobriété et solidarité 





____________"Dieu est visible dans la beauté de la nature."___________






mardi 16 février 2016

Des villages sous pesticides... notamment le glyphosate.


Un voyage en Argentine pour voir les dégâts de l'agriculture moderne (ogm et herbicides)



"Qu'est ce qu'ils veulent ? Tuer tous le monde  ?"
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