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mardi 9 avril 2024

Gilles Farcet, Qu'est-ce que la transmission spirituelle? (1)

 

Pour écouter l'interview sur RCF, cliquer ici (19 min.)



Gilles Farcet est un écrivain français et enseignant spirituel promoteur d'une spiritualité à la fois inspirée de l'enseignement d'Arnaud Desjardins et de l'énergie de la contre-culture américaine, du Rock et de la Beat Generation. Il a soutenu sa thèse de doctorat sur la Littérature américaine et Thoreau en 1984. De 1984 à 1986, il vit à Montréal où il travaille pour une organisation universitaire internationale et écrit régulièrement des articles de critique littéraire pour la revue Spirale.

De retour en France, il enseigne brièvement à l'université catholique de l'Ouest avant de s’installer à Paris. Producteur à France Culture, il y réalise des émissions sur des thèmes littéraires ou spirituels, notamment dans le cadre des «Chemins de la Connaissance » sous l’égide de Claude Mettra, ou « Une Vie, une Œuvre » sous la direction de Michel Cazenave. Journaliste, il collabore à diverses revues.

Avec Marc de Smedt, il dirige les dossiers Question de littérature, chez Albin Michel, pour lesquels il interviewe longuement des écrivains tels que Lawrence Durrell, Jacques Lacarrière, Allen Ginsberg, Philippe Sollers ou Kenneth White. Il participe à la fondation du magazine Nouvelles Clés auquel il collaborera régulièrement pendant des années.

Il tient aujourd'hui la chronique Ecologie intérieure pour le magazine Kaizen, dans la mouvance de Cyril Dion et Pierre Rabbhi. Éditeur, il fonde à La Table Ronde la collection « Les Chemins de la Sagesse » où il publie notamment Christian Charrière, Eric Edelmann et les premiers livres de Daniel Roumanoff sur Swami Prajnanpad. Il est également pour une période de transition directeur littéraire des Éditions Dervy où il publie notamment Bernard Montaud (La vie et la mort de Gitta Mallasz), Jodorowsky, Denise Desjardins…

Son premier livre, une biographie de l’écrivain et philosophe américain Thoreau paraît en 1986, avec une préface d’Arnaud Desjardins et une postface de Kenneth White. Ce livre sera suivi d’une quinzaine d’ouvrages, publiés chez Albin Michel, Dervy Livres, la Table Ronde, L’originel, le Relié. Il a cosigné deux ouvrages avec Arnaud Desjardins et deux avec Alexandro Jodorowsky. L’homme se lève à l’Ouest, paru en 1992 chez Albin Michel, fera notamment découvrir au public français l’existence de Lee Lozowick dont il traduira par ailleurs plusieurs ouvrages. L’Irrévérence de l’Éveil, publié la même année, révélera Stephen Jourdain.

Au début des années 1990, parallèlement à ses activités d'écrivain, journaliste et traducteur, il commence à s’investir dans l’animation de stages (notamment dans le cadre de Terre du Ciel, ainsi qu’en coanimation avec Marie de Hennezel) et fonde des groupes parisiens inspirés de l’enseignement d’Arnaud Desjardins, groupes qui fonctionnent encore aujourd’hui. En 1996, Arnaud Desjardins lui propose de rejoindre l’équipe de Hauteville, le lieu qu’il a fondé en Ardèche où séjournent chaque semaine pour une retraite une cinquantaine de personnes. Il y consacre l’essentiel de son temps pendant près de onze ans, tout en poursuivant l’animation de groupes parisiens, ainsi que son travail d’écrivain et de traducteur. En 2002 parait Le Manuel de l’Anti-Sagesse, puis en 2004, Allen Ginsberg, poète et Bodhisattva Beat, où l'auteur relate ses rencontres et entretiens avec le grand écrivain américain puis La joie qui avance chancelante le long de la rue en 2017, récit d'entretiens avec un Diogène sauvage passé de l'autre côté du désespoir, Hank alias Henry Warshowsky.

Ces deux livres serviront de base au superbe roman graphique spirituel d'Etienne Appert, Au crépuscule de la Beat Generation, paru en 2023. Deux En septembre 2007, il s'installe à nouveau à Paris où il donne un enseignement sous une forme originale dans la lignée d’Arnaud Desjardins et Swami Prajanpad tout en continuant à écrire. Il continue à intervenir à Hauteville. En 2011, parallèlement aux activités régulières organisées à Paris et à la suite d'une impulsion donnée par Arnaud Desjardins, il anime régulièrement avec son épouse Valérie des séminaires dans le beau village d'Angles sur l'Anglin dans la Vienne, où sa famille possède une maison depuis cinq générations. En 2015, il cesse de résider principalement à Paris pour s'établir en Poitou et y développer son école de transmission spirituelle tout en composant du Rock à vocation spirituelle dans des groupes comme Gestion des restes ou Survie, groupe qui interprète des chansons de Lee Lozowick, enseignant spirituel transgressif et subversif qui a marqué son parcours.

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jeudi 28 mars 2024

21 messages

 21 messages à transmettre à chaque membre de la génération suivante :


1. – Tu es un être désiré. Tu es ici parce que l’Univers l’a décidé.

2. – Ressens que tu es libre d’être ce que tu es, ne laisse personne te mettre d’étiquette, ni t’imposer de scénario qui ne correspond pas à ton authenticité.

3 . – Chaque ancêtre de ton arbre est un cadeau à l’intérieur de toi qui doit être utilisé en ta faveur et en faveur de tout l’Univers.

4.  –  Apprend à ne pas demander d’amour, aime simplement.

5. – Crois aux petits miracles quotidiens et sois attentif aux coïncidences, car il y a en elles des messages cachés qui peuvent te guider sur le bon chemin.

6. –  Chaque jour, fais un acte généreux envers un proche.

7. – S’il y a eu des traumatismes dans ton arbre généalogique, guéris-les en agissant.

8. – Laisse-toi guider par ton corps, il est sage. Il t’alertera dans les situations que tu dois éviter, en te faisant ressentir de la tension ou du malaise. Il te dira aussi quand tu seras aligné avec ce que tu es, en te faisant ressentir une relaxation et du bien-être.

9. – Ne contamine pas ton corps avec des toxines ou une mauvaise alimentation.

10. – Quand tu le pourras, sois indépendant. Travaille en utilisant ta créativité et deviens adulte.

11. – Écris un poème chaque jour.

12.- Cherche et provoque des situations qui te font rire.

13. – Aie tendance à partager, à collaborer et à être solidaire.

14. – Quand tu as des problèmes, tu peux les analyser, tu peux en parler, mais sois certain que tant que tu n’agis pas, la transformation ne se produit pas.

15. – Ressens de la GRATITUDE pour tous les cadeaux que l’Univers te fais.

16. – Rappelles-toi qu’en ce plan d’existence, rien ne périt, mais se transforme.

17. – Lis, étudie, connais… expérimente par toi-même.

18. – Ne t’attache pas au matériel. Ne consomme que ce dont tu as besoin.

19. – Ne t’attache pas non plus à quelque croyance que ce soit. Ton corps se renouvelle chaque jour, fais en sorte que tes idées aussi.

20. – Sème chaque jour les  graines qui te viennent du dedans ou de l’extérieur. Ces graines peuvent être des mots, des caresses, de la beauté, des actions. De ces graines germent plus de sagesse, d’amour, d’art et de santé.

21. – Que le territoire qui est au-delà de ton corps, de ta maison, de ton quartier, de ta ville… de la planète et de l’Univers, fasse l’objet de tous tes soins.

Alejandro Jodorowsky

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samedi 2 septembre 2023

Du côté de l'instructeur par Gilles Farcet


Je partage ici quelques réflexions , qui éventuellement trouveront leur place dans un prochain ouvrage, autour de la fonction de « transmetteur » vue de l’intérieur, du point de vue, précisément, du transmetteur. Il y aura plusieurs épisodes. 

Episode 1
TDD ET TDI (deux types de contrat en matière de transmission spirituelle) 

Je dis parfois qu’en matière de transmission spirituelle , il existe deux types de contrats entre élèves et enseignants : la TDD et la TDI. 
La TDD, c’est la transmission à durée déterminée et c’est , de très loin,  aujourd’hui, la plus répandue, celle qui se fait au travers de stages, séminaires et conférences n’impliquant pas de suivi à long terme. 
On le sait, sur le marché du travail, un contrat à durée déterminée engage peu de part et d’autre. 
Une fois le temps prévu pour la mission écoulé, à moins d’un éventuel renouvellement du contrat pour de nouveau une durée déterminée, employé et employeur vont chacun leur chemin. Pas de départ à négocier, de rupture conventionnelle… C’est d’ailleurs la souplesse de cette formule , l’impression de liberté qu’elle peut donner à l’employé comme à l’employeur, qui lui confère son côté attractif. 
« Le marché du spirituel » - cette expression n’étant pas péjorative si on considère qu’elle fait simplement référence à un contexte d’offre et de demande-  fonctionne majoritairement par TDD  : conférences, ateliers, séminaires, éventuellement cycle de séminaires… 
Et puis il y a la TDI, la transmission à durée indéterminée, dans laquelle enseignant et élève,  à l’issue d’une nécessaire et saine période d’essai , s’engagent l’un vis à vis de l’autre sans limite de temps - ce qui , fort heureusement n’exclut pas la possibilité d’une séparation mais confère un autre contexte à la collaboration , avec davantage de responsabilité et d’obligation de part et d’autre. 
Le fait est que les instructeurs  exerçant dans le cadre d’une « TDI »ne sont aujourd’hui  pas légion. 
Chaque fois ou presque que j’entends parler d’un enseignant ou d’une enseignante spirituelle, je comprends assez vite que la personne en question se garde bien de prendre des « élèves »  ; tout au plus rencontre-t-elle dans un cadre très circonscrit des participants  ponctuels ou habitués de ses stages et séminaires. 
Beaucoup revendiquent ce fonctionnement comme une marque et une garantie  de liberté; c’est le cas des  « éveillés » qui se plaisent à répéter qu’ils n’ont pas d’élèves, pas d’enseignement, ne s’inscrivent eux mêmes dans aucune tradition. Nombre d’entre eux tiennent même la relation de type « TDI » comme intrinsèquement infantile et aliénante. 
D’autres, rares il faut le dire, ne nient pas l’importance de la fonction d’instructeur accompagnant mais assument avec honnêteté de ne pas vouloir l’exercer, sans doute parce qu’ils ne s’y sentent pas appelés et aussi parce qu’ils en mesurent l’exigence. 
Le fait que, en ce qui me concerne, j’exerce ma fonction dans une perspective de type TDI ne me confère à mes propres yeux aucun mérite particulier. C’est ma place dans l’ensemble, mon rôle, voilà tout. Un rôle qui m’est échu échu selon des courants bien au delà des limites de mon entendement et de ma volonté ; et un rôle que je m’estime privilégié de tenir. 
Il n’en reste pas moins que ce rôle de transmetteur à durée indéterminée a ses exigences bien spécifiques sur lesquelles il me paraît intéressant de s’arrêter. 


UN « BON BOULOT » ?
Cette exigence, de prime abord, ne saute pas aux yeux si l’on s’attache à la figure du « maître » adulé dont la parole est loi.  
Sans parler des figures régnant sur des mouvements de type plus ou moins sectaire avec tout ce que cela peut comporter, nombre d’enseignants respectés et respectables présentent pas mal d’attributs ordinaires de la « réussite ». 
Dans Imagine, film documentaire qui lui a été consacré après sa mort, on voit John Lennon raconter avec humour s’être dit en voyant à la télévision Elvis Presley face à une meute de filles hurlantes en adoration : « Ça c’est un bon boulot » ! Pour ensuite, une fois devenu lui même une star, en partie déchanter face aux pressions inhérentes à un tel statut. 
Un instructeur spirituel ne se trouve pas dans une situation proportionnellement comparable à celle d’un Lennon ou d’un Presley- si l’on excepte les « gourous » rock star avec Rolls Royces et foules subjuguées dans des salles immenses. 
Reste que ce qui pourrait à partir d’une vision de surface faire envie dans cette fonction mérite un examen plus attentif. 
Prenons à titre d’illustration la position d’un enseignant spirituel dont je peux affirmer avoir été très proche, Arnaud Desjardins. Sa situation avait, de l’extérieur, de quoi faire envie, notamment les quinze dernières années de son existence, où il présidait à la destinée d’un imposant et magnifique ashram dont il était le dirigeant incontesté, à la tête d’une équipe toute disposée à servir son œuvre et à lui faciliter la tâche au quotidien. 
Sa situation, celle d’une personne en position objective de pouvoir, de fait admirée et respectée, régnant sur un cadre splendide,  avait une dimension majestueuse. D’aucuns, avec un regard critique, compréhensible mais disons le assez hâtif et superficiel, ont pu parler de « cour » et de « monarque » en visitant ce bel ashram. 
C’était pourtant à bien des égards, je fais partie de ceux bien placés pour en témoigner, une position sinon de servitude du moins de service, d’une exigence que l’on a peine à se représenter. 
Fort de sa notoriété et de son rayonnement, Arnaud aurait facilement pu opter pour le mode TDD, se dispenser d’Hauteville et de toute la charge que ce lieu entraînait. Donnant chaque mois un séminaire de week end aux quatre coins du monde, il aurait profité, sans avoir à en assumer le poids, de beaux endroits où il aurait été reçu avec les honneurs. Il aurait bien gagné sa vie en dispensant la bonne parole , avec tout le loisir de mener le reste du temps une existence tranquille et reposante. 

Au lieu de quoi, il s’est d’abord littéralement épuisé les neuf premières années de son activité d’enseignant  au Bost. Après la période intermédiaire de Font d’Isère, ashram plus grand mais de dimension encore restreinte, il prit sur lui à soixante dix ans de fonder un grand lieu pour y accueillir beaucoup plus de personnes, tout en pouvant, notamment par le recours à des collaborateurs élèves de longue date,  dont j’ai fait partie, continuer à proposer une forme de « travail » suivi à celles et ceux qui le demandaient. 
Quoique ne pouvant encore mesurer, à l’époque, toute la terrible exigence de sa consécration à cet ashram, j’ai été aux premières loges pour en avoir un aperçu. 
A quatre vingt ans, Arnaud menait à maints égards la vie d’un chef d’entreprise de quarante ans, lequel, qui plus est, se serait montré exceptionnellement attentif au bien être et au déploiement aussi bien de ses clients que de chacun de ses employés. J’ai parfois vu Arnaud très fatigué, j’oserais même dire « stressé ».  Pas au sens émotionnel mais objectif du terme. Un organisme psycho physique à qui une grosse pression est durablement imposée ne pourra qu’en être affecté, même si cela ne donne lieu à aucun refus  et à aucune appropriation, autrement dit même si l’on n’en rajoute pas. 
Bien sûr, Arnaud avait fait les choses à sa dimension, en grand. 
Sa vocation propre, au final, même s’il avait tenté de se faire oublier au Bost, n’était pas, après avoir témoigné de la sagesse pour des millions de personnes à la télévision, de transmettre sur une petite échelle - tout étant relatif : il n’a jamais cherché à atteindre en tant qu’enseignant spirituel la notoriété de certains gourous planétaires drainant des adeptes - à ce stade peut on encore parler d’élèves ? - par dizaines , voire centaines de milliers. Arnaud se situait dans cette zone intermédiaire très délicate où il demeurait possible à ceux qui le souhaitaient de l’approcher, de lui poser des questions, de bénéficier de son attention sans qu’il lui soit encore possible de suivre de près toutes les personnes venant à l’ashram, cette fonction étant déléguée à ses collaborateurs. 
Avec l’ashram d’Hauteville, Arnaud a fait oeuvre de bodhisattva, voué à être instrument du bien pour un maximum de personnes. Il l’a fait au détriment d’une existence plus tranquille et conforme à son âge, de sa santé souvent, même s’il avait une solide constitution. 
Je ne suis pas un bodhisattva. Tout au plus un homme de bonne volonté -  ou alors un bodhisattva de quartier ! 
Ma propre situation aujourd’hui en tant qu’enseignant est modeste et de dimension familiale, avec vocation de le demeurer. 
J’ai beaucoup apprécié de me voir un jour qualifié de « petit joueur » par une connaissance qui s’enquérait avec insistance de la nature de mes activités et du nombre de nos élèves. 
Petit joueur je suis et entends bien rester, ce qui ne me dispense pas des règles et exigences du jeu. 
Il ne se passe pas une journée dans l’exercice de ma fonction sans que je me souvienne de la consécration d’Arnaud, avec une perspective affutée par mon expérience. Car, indépendamment de l’échelle à laquelle elles s’appliquent, les lois à l’œuvre sont les mêmes. 
Le fait d’être désormais responsable à plein titre d’une sangha m’amène à considérer d’un œil nouveau et beaucoup plus averti bien des choses dont j’ai été témoin lors de mes années de collaboration auprès de mon « ami spirituel ». 
Je le revois me disant parfois, sur le ton d’un constat : « la plupart des gens qui viennent ici ne se représentent pas du tout ce qu’implique la direction d’un ashram, tout ce dont il faut s’occuper, tout ce qu’il y a à prendre en compte… »

A suivre ….

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vendredi 15 octobre 2021

Partage d'un chemin

 

“Well the image is one thing, and human being is another”
Elvis Presley
REQUIEM POUR UN FOU : LA CAGE DES ENSEIGNANTS SPIRITUELS

En tant qu’enseignants spirituels, nous nous trouvons bien souvent confrontés à nombre de projections. Il n’est pas simple de s’en extraire, mais il est indispensable d’essayer, et si possible, de réussir. Bien entendu, dans un monde idéal, ce devrait être un des critères principaux d’évaluation d’un enseignant spirituel. Oui mais voilà, nous ne sommes pas dans un rêve, ni dans un monde idéal. Nous devons donc nous confronter à l’épreuve du réel.
Je ne veux pas parler ici pour d’autres, mais juste de mon expérience.
J’ai commencé à enseigner très tôt, à l’âge de 22 ans. J’avais été un enfant et un ado très vite parentifié, et j’ai toujours été, aussi loin que je m’en souvienne, l’élément stable de ma famille, et plus tard, des différents lieux où je me suis trouvé. En Ba Zi, dans mon pilier professionnel, j’ai un bois Yang dans les troncs célestes. Comme il s’agit d’un élément facile à découvrir quand il est en surface, j’ai très vite incarné ce chêne stable sous lequel tout le monde vient se protéger en cas de besoin.
J’ai donc commencé à enseigner tôt, beaucoup trop tôt. Et déjà, tant de projections sur moi. Aurais-je dû être parfait ? Peut-être, mais je ne l’étais pas. Je suis un instinctif profond, j’ai besoin d’expérimenter pour comprendre. Il m’est impossible d’élaborer ou de sentir les choses à distance. J’ai donc fait passablement d’expériences pour me trouver et pour trouver une voie qui me permette de m’épanouir tout en étant au service des autres et du plus grand que moi.
Que d’erreurs en chemin, que d’essais approximatifs, que de baffes, de réussites parfois, que de choses dont je ne suis pas fier mais que je sens en même temps aujourd’hui comme inéluctables dans une trajectoire humaine, si humaine. Mais j’emmagasinais de l’expérience, j’ai toujours voulu approfondir les choses et comprendre, bouger, sentir, essayer encore. J’ai besoin d’être au cœur des choses.
Plus tard, j’ai visé l’éveil, des stages de 12h par jour, des week-ends entiers à méditer, des retraites, des lectures. Et j’ai vécu plusieurs fois des choses que d’autres décrivent comme des états d’éveil. Je me suis toujours refusé à essayer de nommer cet état, ni à essayer de le figer. Il ne change rien, de toute façon. Les montagnes restent des montagnes.
Mais l’avoir vécu m’a guéri pour toujours de vouloir en faire un concept, qqch de figé. Et j’ai surtout compris qu’il ne nous rendait pas meilleurs, pas plus humains, pas plus matures dans certaines de nos blessures. L’éveil ? Une chimère de plus, un gros piège pour l’ego, un mirage et un miroir dans lequel tant se perdent à se contempler.
Cela n’a jamais changé depuis. Je sais où je vais, mais je veux y aller par le véhicule d’une humanité entière, totalement imparfaite, et pourtant parfaite dans sa majestueuse imperfection.
Je veux pouvoir être en colère, et en rire ensuite. Et pouvoir m’excuser. Je veux pouvoir aimer, mal ou maladroitement, ou pour un temps, mais aimer en toute imperfection. Je veux pouvoir raisonner de biais parfois, et droitement souvent. Je veux pouvoir me tromper, tomber, recommencer.
Être une merde et un diamant. En blessant le moins possible, mais en sachant que c’est inévitable parfois, et en aimant le plus possible, en sachant que ce ne sera jamais suffisant. Je veux pouvoir être sous l’eau, me noyer, remonter, et appeler à la résurrection. Je veux même bien être crucifié, mais gentiment, avec des clous de pacotille, juste pour croire que je suis courageux.
Surtout, je veux pouvoir créer, me planter, recommencer, encore et encore. Et je veux inspirer, non pas pour que quiconque me ressemble, mais pour que l’autre s’approche de lui-même ou d’elle-même et se permette la même folie d’être parfaitement imparfait.
Ceci est ma voie spirituelle, mon chemin vers le divin. Je veux l’or dans la boue, Elvis quand il faudrait aimer Dylan, le sacré dans le bordel, le divin dans Bill Gates, la 5G dans le Buddha et les nanoparticules dans le bœuf de Lao Zi.
Tout ceci est une farce, de tout façon, un grand jeu cosmique, que nos minables égos essaient de rendre lisse, beau, ataraxique, sûr, et chiant au possible. Ce n’est pas ma voie. J’emmerde le concept de la non-dualité tout autant que n’importe quel système qui semble parfait de loin. Je crois à l’interstice, au vide médian, au mouvement, à la faille d’où tout peut sortir.

Alors, amis qui me suivez, qui détestez, adorez, feignez l’indifférence ou pire, vous positionnez sur votre montagne de parangon, je le sais : je ne suis pas parfait, et j’offre volontiers mon corps non pas à la science (pas encore), mais à toutes les étiquettes.
« Personne ne connaît personne » disait Prajnanpad. Je le rejoins. Ce que vous projetez sur moi, en positif comme en négatif vous appartient. Et je prends volontiers les deux pour ce qu’ils sont : les projections tellement humaines d’êtres en chemin prétendant qu’ils ne projettent rien. Exactement comme moi. En cela, nous sommes frères et sœurs humains, chacun jouant son propre jeu savant ou pas, et essayant avec plus ou moins de réussite de donner du sens aux mouvements du temps et de nos merveilleuses et improbables interactions.
Amie, ami, si c’est moi que tu veux rencontrer, rencontre-moi là où je suis : entièrement imparfait, paradoxal, mais au cœur de la spirale. C’est là que je veux apprendre avec toi, et là que je peux t’aider aussi. Mais seul.e toi peut enlever tes lunettes et me voir où je suis. Il paraît qu’aucune n’origine n’est belle. Que la beauté véritable est au terme des choses. Rejoins-moi au terme, pas à l’origine.
Malgré tout ça, je suis enseignant spirituel, et je n’usurpe rien. Je continuerai jusqu’à mon dernier souffle, qui très probablement, ne sera pas émis en 432Hz. Et meeeerde !
Fabrice

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vendredi 19 février 2021

Transmission directe

 


L'opinion de mon professeur était que les textes taoïstes n'ont jamais été destinés à être la seule source d'apprentissage. Il disait plutôt qu'il s'agissait de livres de notions clés, d'aides à la mémoire pour aider un maître à exposer le Tao. Dans une culture où le professeur et la tradition orale sont primordiaux, cela semble juste. Cela renforce également le penchant traditionnel pour le secret - seul l'initié pouvait déchiffrer les paroles des sages.
Trois points méritent d'être soulignés ici. Premièrement, l'ambiguïté, la brièveté et le caractère parfois illogique des écrits sont tout à fait acceptables. Tant que quelqu'un peut expliquer la signification des textes, ils sont utiles.
Deuxièmement, il n'est pas possible de chercher des arguments soigneusement construits et indépendants que nous pouvons analyser comme nous le faisons avec les écrits philosophiques occidentaux. Ils n'étaient pas destinés à persuader qui que ce soit de leur propre chef.
Troisièmement, cela rend la traduction problématique. Il est impossible de saisir les nuances et les jeux de mots, et cela rend toutes les traductions lourdes de points de vue et d'interprétations personnelles.
Aujourd'hui, les gens sont de plus en plus nombreux à apprendre à partir de vidéos. Leurs mouvements sont étonnamment bidimensionnels. Après tout, ils n'ont vu qu'un seul angle et ne peuvent obtenir aucune réponse à leurs questions.
Je continue à croire qu'il faut apprendre les arts martiaux, le taoïsme, et en fait presque toutes les matières avec un professeur vivant. L'essence de tout art existe au-delà de sa technique. Seule une transmission directe au-delà des écritures, comme le disent les maîtres zen, éveille le Tao en vous.

Fabrice Jordan
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vendredi 2 octobre 2020

Feu à transmettre...

 

"Un être se rend libre en se consumant pour se renouveler,
en se donnant ainsi le destin d'une flamme."
Gaston Bachelard, la Flamme d'une chandelle

En métaphysique chinoise, ce feu là correspond au Feu Yin, le feu alchimique qui provoque la transformation et qui permet aussi la transmission. D'une chandelle à une autre, à l'infini.
Fabrice Jordan

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vendredi 5 avril 2019

Le présent offert par Taisen Deshimaru...

Pratiquer la grande assise

De toute façon, quoi qu’il en soit, vous devez pratiquer la grande assise, ici et maintenant Si vous n’entretenez pas une pensée, celle-ci ne reviendra pas d’elle-même. Si vous vous abandonnez à l’expiration et laissez votre inspiration vous remplir en un harmonieux va-et-vient, il ne reste plus qu’un zafu20 sous le ciel vide ; le poids d’une flamme.

Complètement précipiter son corps et son esprit dans zazen, la grande assise, shikantaza, seulement s’asseoir, sans laisser dévier son esprit dans ses pensées personnelles.

Shikantaza, être assis, concentré ici et maintenant, sur sa posture et sa respiration, sans attente, dans le calme. La respiration va et vient harmonieusement et nos pensées perdent leur importance. Comme les nuages dans le ciel, elles passent si on ne les entretient pas.


La Lumière du Satori
De Evelyn de Smedt 



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mercredi 27 février 2019

Richesse


"Ce ne sont pas des contenus qu’il faut transmettre. Les Dieux se rient de nos théories. C’est une manière intense d’être. Ce qui manque le plus à notre vie d’aujourd’hui, c’est cette intensité surgie de l’intérieur. C’est dans la rencontre de personnes vivantes qu’on en donne le goût. Chacun est dans une telle richesse! Mais il faut que cette richesse soit réveillée. La transmission, c’est cette attention portée à un autre qui fait qu’en lui surgit le meilleur de lui-même". 

 Christiane Singer

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mercredi 21 novembre 2018

« Lâcher prise pour créer »



« J'adore prendre le train, regarder le paysage défiler par la fenêtre, rêvasser... Souvent, les idées surgissent durant ces moments-là, quand on ne cherche pas à contrôler ses pensées. Ces idées naissent de l'imprévu, comme lorsque l'on dessine en téléphonant, sans trop réfléchir, et que c'est la main qui crée... Je suis toujours étonnée de constater que les voyageurs des transports en commun se plongent dans leurs écrans d'ordinateurs, de téléphones, comme s'ils refusaient coûte que coûte de se laisser aller ou de s'ennuyer. Je pense qu'il n'est pas indispensable de vouloir remplir les vides... Il faut oser s'accorder cette possibilité de lâcher prise. J'ai une fille de 10 ans, et j'ai envie de lui transmettre cette capacité à rêver et à créer, à regarder le monde qui l'entoure avec émerveillement. » 

Marie Leonetti, créatrice de bijoux

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lundi 31 juillet 2017

Intensité d'être



Ce ne sont pas des contenus qu’il faut transmettre. 
Les Dieux se rient de nos théories. 
C’est une manière intense d’être. 
Ce qui manque le plus à notre vie d’aujourd’hui, 
c’est cette intensité surgie de l’intérieur. 
C’est dans la rencontre de personnes vivantes qu’on en donne le goût. 
Chacun est dans une telle richesse ! 
Mais il faut que cette richesse soit réveillée. 
La transmission, c’est cette attention portée à un autre 
qui fait qu’en lui surgit le meilleur de lui-même. 

Christiane Singer

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mercredi 21 décembre 2016

Quand la science démontre la psychogénéalogie


Comment des traumas modifient l'épigénétique qui peut se transmettre sur au moins trois générations. Heureusement, le gène est vivant et ces séquences traumatiques peuvent être reprogrammées grâce à plusieurs instruments. 

D'où le travail sur soi et la nécessité de transformation !






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lundi 28 septembre 2015

Survivre pour témoigner avec Pierre Rolinet

Déporté en 1943, ce résistant franc-comtois protestant en est sorti marqué par l'expérience de la mort mais aussi de la solidarité et de la foi vécues dans le camp. Il sera aux Etats généraux du christianisme, à Strasbourg, le 3 octobre.

En arrivant devant la grande porte du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, en Alsace, l'odeur du four crématoire qui crachait sa fumée de cadavres m'a pris à la gorge. Dans cette atmosphère lourde, j'ai vu des hommes qui marchaient. J'en ai reconnu certains, résistants comme moi, croisés à la prison de Besançon. Leur visage avait changé, leur corps semblait brisé, ils ne ressemblaient déjà plus à des hommes. Une question m'a assailli : comment transforme-t-on des êtres humains ainsi en si peu de temps ? À 93 ans, ce souvenir de ma déportation est toujours inscrit en moi.

J'étais jeune quand je me suis engagé dans la résistance. À 20 ans, en 1942, après avoir grandi dans une famille protestante d'Allenjoie, en Franche-Comté, j'ai découvert la résistance lors d'un camp d'été de l'Union chrétienne des jeunes gens (UCJG). C'est le pasteur qui nous en a parlé et cela a fait écho à ma vision de la foi : une espérance active. Je ne suis pas du genre à me mettre à genou dans le recueillement et à demander à Dieu de résoudre mes problèmes. La prière, à mes yeux, doit s'accompagner d'une mise en pratique, sinon elle est vide.

Dessinateur industriel à l'usine de Peugeot, j'étais bon pour le service du travail obligatoire (STO). Grâce au responsable de la résistance de Montbéliard, un pasteur lui aussi, j'ai changé de nom et suis devenu surveillant dans un établissement scolaire protestant à Glay, à 18 km de chez moi. Avec un professeur et quelques jeunes de l'internat, nous avons organisé un groupe. Mais la Wehrmacht nous a contrôlés alors que nous transportions des armes.

« La loi allemande est claire : vous serez fusillés. » Le verdict est tombé le 24 décembre 1943. Cette condamnation ne m'a pas surpris ni même attristé : j'ai accepté la possibilité de cette mort-là quand j'ai choisi de résister. En attendant le jour fatidique dans notre cellule, je sortais parfois ma petite Bible tolérée par la sentinelle, et nous fredonnions des cantiques avec mes camarades, persuadés de la fin de notre combat.

Je n'ai jamais pensé que c'était une autre sorte de « mort » qui m'attendait. Et pourtant... nous n'avons finalement pas fait face au fusil, ensemble, en chantant la Marseillaise, comme nous le pensions. Nous avons été envoyés en camp de concentration. « Vous rentrez par la porte, vous sortirez par la cheminée », ont dit les SS à notre arrivée. Deux N ont été peints en rouge sur les vêtements qu'on nous a donnés à l'entrée du camp de Natzweiler-Struthof : nous sommes devenus « Nacht und Nebel », destinés à mourir dans la « nuit et le brouillard ». Tout nous a été enlevé. Jusqu'à notre nom. Nous étions engloutis dans les 12 heures de travail par jour, sous les morsures de la faim : celle-ci brise les hommes. L'objectif des SS était de se débarrasser de nous.

C'est un effort énorme que de résister à cela : chaque geste doit être pensé pour éviter la réprimande. Le danger est partout, garder une santé psychologique est un combat constant. J'ai prié... jusqu'à ce que j'en oublie les mots. On vivait avec les morts : un matin, je me suis réveillé, et mon voisin était décédé. On mourait de faiblesse, d'avoir été battu... Puis, je suis tombé malade, atteint de la diphtérie à peine deux mois après être arrivé. Nous avons été 15 à entrer dans le Revier, une baraque où la plupart des malades agonisaient. Je suis un des rares à en être sorti vivant.

Je n'ai jamais cessé de croire en Dieu, je n'ai jamais perdu espoir. Et quand je me suis cru mort, c'est l'acte de solidarité de mes camarades qui m'a sauvé et m'a transformé à jamais. Car en sortant de ma maladie, avec 25 kg en moins, je ne tenais pas debout seul. Face à la déshumanisation du camp, nous avions quand même réussi à mettre en place un système d'entraide. Chaque prisonnier prélevait sur sa ration de pain une petite partie, de la taille d'un ongle, pour aider ceux qui traversaient une « mauvaise période ». Avant d'être malade, j'en avais récolté pour les autres. Mais recevoir cette solidarité, tenir dans mes mains trois fois ma ration normale de pain... peu de mots peuvent traduire ce sentiment. Si je suis encore sur terre, c'est parce que les copains se sont privés pour moi.

La force que cette période m'a donnée ne m'a plus quitté. Dans les camps, il n'y avait plus de classes sociales : nous avons vécu une fraternité qui dépasse toutes les frontières que l'on retrouve dans la société. Parfois, avec quelques protestants, nous nous cachions pour une petite prière, ultime défiance à l'interdiction de se regrouper.

Au Revier, j'ai été auprès d'un général mourant pendant une semaine. Il était catholique et ne connaissait pas le protestantisme ! Nous avons discuté des différences entre nos religions et de leurs points communs jusqu'à son dernier souffle. C'est à Dachau, en 1944, que j'ai ressenti ce lien indestructible entre des hommes qui vivaient l'expérience de la résistance jusque dans leur chair. Avec 18 autres personnes de mon baraquement, le jour de notre libération, en mai 1945, nous nous sommes promis de nous revoir. Chaque année, nous nous retrouvons chez l'un ou chez l'autre. J'ai fait le tour de la France comme ça !

Cette amitié a été d'autant plus importante que rentrer n'a pas été facile. Pendant 20 ans, je n'ai pas parlé de ma déportation. J'ai pu l'exprimer à Jacqueline - qui est devenue mon épouse en 1946 -, car elle savait que j'en avais besoin pour me « désintoxiquer » des camps, pour me libérer. Mais l'émotion m'assaillait quand les collègues de chez Peugeot, où j'ai fait toute ma carrière jusqu'à devenir cadre, me posaient des questions. Depuis que je suis à la retraite, je rencontre régulièrement des élèves dans les écoles. Dans les camps, on disait souvent qu'il fallait survivre pour raconter. J'essaie de transmettre aux enfants la foi que la déportation n'a pas brisée en moi.

Les étapes de sa vie
1922 Naissance à Allenjoie (Doubs).
Été 1942 S'engage dans la résistance avec l'Organisation civile et militaire (OCM).
Mars 1943 Devient Pierre Georges.
Novembre 1943 Arrêté et emprisonné à Montbéliard puis à Besançon.
24 décembre 1943 Condamné à mort.
13 avril 1944 Déporté à Natzweiler-Struthof, en Alsace.
Septembre 1944 Transféré à Dachau, en Allemagne.
27 mai 1945 Rentre à Allenjoie, chez ses parents.
3 août 1946 Épouse Jacqueline, avec qui il aura trois enfants.
Depuis 2007 Président de l'Amicale nationale de Natzweiler-Struthof.
2015 Élevé au grade de commandeur dans l'Ordre de la Légion d'honneur.


jeudi 26 juin 2014

Intensité d'être...

Ce ne sont pas des contenus qu’il faut transmettre. 
Les Dieux se rient de nos théories. 
C’est une manière intense d’être. 
Ce qui manque le plus à notre vie d'aujourd’hui, 
c’est cette intensité surgie de l’intérieur. 
C’est dans la rencontre de personnes vivantes qu’on en donne le goût. 
Chacun est dans une telle richesse ! 
Mais il faut que cette richesse soit réveillée. 
La transmission, c’est cette attention portée à un autre 
qui fait qu’en lui surgit le meilleur de lui-même.


 Christiane Singer


mercredi 5 février 2014

A la frontière du monde intérieur de Gilles Farcet (2)




Toute la sagesse pratique du lâcher-prise se trouve sans doute synthétisée dans la magnifique prière des Alcooliques anonymes : "Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer celles que je peux changer et la sagesse d’en voir la différence."

mardi 18 juin 2013

Swami Prajnanpad et Arnaud Desjardins

Hommage à un jour de naissance...

Certaines voies ne sont pas concevables en dehors du cadre religieux qui est le leur. D’autres ont immédiatement une valeur universelle. Parmi les sages auprès de qui j’ai vécu plus ou moins longtemps, Swâmi Prajnanpad n’a pas été pour moi un maître mais mon maître, ou plutôt il a bien voulu que je sois son élève.
C’était un Indien — j’ose à peine dire un Hindou tant son enseignement (adhyatmayoga ou en anglais adhytmic tradition), même fondé sur les Upanishads, le Yoga Vashishta et d’autres écritures moins connues, transcendait les formes religieuses.
Par tradition familiale, il fut un grand sanscritiste, puis un professeur de sciences avant d’abandonner le monde pour devenir sannyasin et atteindre la perfection du guru. C’est lui qui m’a guidé année après année, sur le chemin de l’expérience vécue.

Arnaud Desjardins - Les Chemins de la Sagesse

Swâmi Prajnânpad, je l’ai dit souvent, avait fait des études correspondant au niveau universitaire de physique et de chimie et il employait cette comparaison : si, dans une solution, on augmente la quantité d’un sel jusqu’à ce qu’on atteigne la saturation, à ce moment-là se produit brusquement un phénomène qui a été lentement préparé et qui s’appelle la cristallisation, c’est-à dire la formation des cristaux. Cette loi naturelle se retrouve à tous les niveaux. 
Les lois du monde physique sont aussi les lois du monde subtil : les matières subtiles peuvent s’accumuler à l’intérieur d’un être humain par la pratique de la vigilance et du non-conflit émotionnel (le oui à ce qui est) et, quand une certaine saturation est atteinte, elles cristallisent. 

Nous sommes encore sur le plan du monde phénoménal, mais phénoménal subtil, et cet homme a donc un corps subtil autonome à l’intérieur du corps physique qui imprègne (to permeate) le corps physique mais qui est d’un niveau de réalité plus subtil. Il peut exister par lui-même au lieu d’être amorphe, informe, formé – déformé – reformé comme un kaléidoscope, suivant ce qui entre ou ce qui sort des énergies qu’on n’est pas capable de conserver faute de vigilance.


Arnaud Desjardins - A la Recherche du Soi - IV. Tu es Cela