Apport de La Patate Douce

MBANMEYH M. M.
, Contribution de la filière patate douce …
Article original
Contribution de la filière patate douce dans la

sécurité alimentaire des populations de Maroua:
flux d’approvisionnement, commercialisation,
difficultés et perspectives
Marie Madeleine MBANMEYH

Département de Géographie, Ecole Normale Supérieure, Université de Maroua
Auteur correspondant : [email protected]
Article soumis le 20/02/2020 et accepté le 24/05/2020
Résumé : La montée des besoins alimentaires couplée à la diversité socioculturelle

de la population urbaine de Maroua, a boosté la commercialisation des
tubercules dont la patate douce, qui occupe désormais une place non négligeable
dans les habitudes alimentaires des citadins. La présente étude vise à examiner
l’organisation de cette filière à partir du marché abattoir, point focal des
échanges, tout en s’attardant sur les difficultés ainsi que les perspectives à la
bonne structuration de ladite filière. Les données ont été mobilisées sur le terrain
auprès de 200 acteurs composés de 60 producteurs, 100 commerçants, 10
transporteurs et 30 consommateurs. Les rapports des institutions telles que
l’IRAD1et la DAADER2, impliquées dans la filière ont été exploités. Les entretiens
semis-direct et directs ont été conduits auprès des responsables administratifs et
les observations de terrain menés. Les données ainsi collectées ont subi des
traitements statistiques et cartographiques. Il en ressort que le ravitaillement de
la ville de Maroua en patates douces bénéficie des circuits d’approvisionnement
tant externes qu’internes à la région. La vente de ce tubercule s’organise autour
des grossistes et des détaillants ; les difficultés inhérentes à la conservation et la
fluctuation des prix des patates sur le marché requièrent une bonne organisation
structurelle des acteurs privés et publics de la filière, pour une efficacité à la
sécurité alimentaire dans la ville de Maroua et de toute la région de l’Extrême-
nord.
1 Institut de Recherche Agricole pour le Développement

2 Délégation d’Arrondissement d’Agriculture et du Développement Durable
Annales de l’Université de Moundou, Série A-FLASH Vol.7(2), Juin. 2020, aflash-revue-mdou.org, p- ISSN 2304-1056/e-ISSN 2707-6830 51
MBANMEYH M. M., Contribution de la filière patate douce …
Mots clés : sécurité alimentaire, patate douce, marché abattoir, Maroua,

Abstract : The rise in food needs coupled with the socio-cultural diversity of the urban
population of Maroua, has boosted the marketing of tubers including sweet potatoes,
which now occupies a significant place in the eating habits of city dwellers. This study
aims to examine the organization of this sector from abattoir market, focal point of
trade, while focusing on the difficulties as well as the prospects for the proper
structuring of the said sector. The data were mobilized in the field from 200 actors
made up of 0productcers, 100 traders, 10 transporters and 20 consumers. Reports
from institutions such as IRAD and DAADER involved in the sector were used. Semi-
direct and direct interviews conducted with administrative officials and field
observations carried out. The data thus collected underwent statistical and
cartographic processing. It turns out that the supply of sweet potatoes to the city of
Maroua benefits from supply circuits both external and internal to the region. The
sale of this tuber is organized around wholesalers and retailers; the difficulties
inherent in the conservation and the fluctuation of the price of potatoes on the market
require a good structural organization of the private and public actors of the sector
for an efficiency in food security of the city of Maroua and even of all the far north
region.
Key words : food security, sweet potatoes, abattoir marked, Maroua
Introduction
Selon Mvogo (2004), la filière est un découpage du réel délimitant
un champ qui englobe l'ensemble des opérations techniques et
économiques ayant trait à la production, la transformation, la
distribution et à la commercialisation d'un produit. Quant à Gassu
(2002), il s’agit d’un ensemble d'acteurs et d'activités en relation
avec un produit ou groupe de produits liés à un espace précis. Les
investigations sur la filière patate douce ont notamment porté sur
plusieurs volets, à savoir la question d’approvisionnement abordée
par Aube (1994), qui définit la filière d’approvisionnement comme
l'ensemble comprenant les acteurs intervenant dans la production, la
distribution, la transformation et la consommation d'un produit ou
groupe de produits donnés et les interrelations multiples et
complexes entre ces acteurs. Allant dans le même sens, Duteurtre et
al (2000) l'assimilent à un système d'agents qui concourent à
produire, transformer, distribuer et consommer un produit ou un type
de produit. C’est ainsi que Moustier et Al, (1998 p, 8) démontre que
de la production à la consommation d’un produit nécessite un certain

nombre d’enchainement de fonction entre la production et le
consommateur. Elle se fait à travers le transfert du produit dans le
temps et dans l’espace. Ces fonctions sont indispensables et chacune
d’entre elle nécessite un savoir-faire souvent spécialisé. En étudiant
l’évolution des flux commerciaux à Maroua entre 1980 et 1994,
Iyebi-Mandjeck (2002 p, 3) souligne que les flux régionaux
concernent les produits originaires des localités situées à plus de 60
km de la ville. Il s’agit des patates provenant de Mokolo, de Buli
Ibbi, de Bibemi, et de Ngaoundéré. Elle reçoit également les
patates provenant des centres secondaires situés en périphérie et
écoulés en bicyclettes et à dos d’âne.
Du point de vue de la rentabilité économique, Fabre (1994 p, 5),
appelle agent tout acteur économique, c'est à dire une cellule
élémentaire intervenant dans l'économie, un centre autonome
d'action et de décision. Il peut s'agir d'une personne physique
(producteur, commerçant, consommateur) ou d'une personne morale
(entreprise, administration, organisme de développement). Pour
Folefack (2002), le nord Cameroun constitue un appoint non
négligeable dans l’alimentation, et est une source de revenus
substantiels qui permet à certaines populations locales de compléter
les recettes issues de la vente de coton. A travers une analyse des
stratégies de commercialisation des produits maraîchers cette étude
détermine la structure du marché, identifie les principaux acteurs
impliqués et établi les relations entre tout en dégageant les
principales contraintes. De cette étude, il en ressort que la
commercialisation des produits maraichers est très développée et
rentable. Pour ce faire, il est important d’adopter une technique de
stockage qui peut se faire sur les plates-formes et en paniers, afin
de permettre une meilleure aération contribuant à limiter les
attaques de pourritures. Néanmoins, les pertes causées par le
bourgeonnement et la décomposition physiologique sont
importantes de sorte qu’un stockage au - delà de deux mois n’est
pas recommandé Gura, (1991). Les tubercules peuvent être
transformés sous plusieurs formes, ils peuvent être utilisés comme
matière première pour la préparation des follicules, les sirops, les
alcools et la confiture. Ce qui est toutefois très peu fréquent en

Afrique, cela devrait inciter les populations à essayer une
préparation tout à fait originale FAO, (1991). Ainsi dans ces
précédentes publications, des auteurs (Gura, 1991 ; Folefack,
2002) ; Moustier et Al, 1998), ont porté leur intérêt sur la question
d’approvisionnement et des mécanismes liés à la consommation des
tubercules en général et de la patate douce en particulier en
Afrique. Mais questionner l’apport de la patate douce comme
soupape dans la sécurité alimentaire dans une ville en proie à la
croissance démographique comme Maroua reste à démontrer, alors
même que le climat ne se prête pas à la production locale de ce
tubercule.
1. Méthodologie
Les phases de collecte des données relatives à cette étude se sont
déroulées en deux temps. Les données de seconde main portant sur
la production, la distribution et les vertus de la patate douce, ont
été obtenues dans certains documents généraux consultés dans la
bibliothèque Garga Alioum et au centre de documentation de
l’Université de Maroua. Ces informations ont permis de donner une
orientation à cette étude. Tandis qu’au siège de l’ONG PLANOPAC
entendue Plateforme Nationale pour le Développement Agricole au
Cameroun et les services déconcentrés du MINADER pour l’extrême-
nord, les données recueillies ont porté sur les adaptations
climatiques des bassins de production et les techniques utilisées dans
la culture de la patate douce.
Les données de premières mains ont été recueillies sur le terrain
auprès de 160 acteurs situés à plusieurs échelles de la chaine
d’approvisionnement et de distribution de la patate douce à
Maroua. La méthode de détermination de l’échantillonnage est
l’échantillonnage aléatoire direct qui a consisté à effectuer parmi
les acteurs de l’approvisionnement de la patate, un tirage aléatoire
sur un nombre précis de distributeurs, commerçants et de
consommateurs sans distinction de sexe, ni d’âge, ni de nationalité.
A ce niveau différents outils tels que les questionnaires et les fiches
d’entretien ont servi comme outils de collecte de données. Les
entretiens menés auprès des responsables des services de la

délégation régionale du MINADER ont permis d’avoir les
informations sur les différents bassins de production de la patate
douce dans la région de l’Extrême-Nord. La Commune de Maroua
2e qui abrite le marché abattoir et y régule l’activité économique a
fourni des informations sur les formes de taxes qui sont prélevés sur
la vente de la patate douce, ce qui a permis d’apprécier la portée
économique de ce tubercule dans les recettes communales. L’IRAD
(Institut de Recherche Agricole pour le Développement), a fourni les
informations sur les variétés de patates qui sont consommées dans
la ville de Maroua. Au marché abattoir qui représente la plaque
tournante de stockage et de distribution de gros et de détails, le
questionnaire administré aux commerçants détaillants et aux
grossistes a permis de traiter des questions concernant les circuits et
les flux d’approvisionnement, le rapport qualité/prix, les moyens de
transport utilisés, les moyens de conservation et les techniques de
commercialisations, ainsi que la gestion accordée aux périodes de
pénurie et d’abondance du produit. Une descente sur les sites de
ravitaillement périurbains a été faite afin de s’enquérir sur le
processus lié au conditionnement et au transport des produits vers le
centre urbain. Le questionnaire soumis aux producteurs avait pour
objectif de mieux connaitre les quantités et les qualités de patates
qu’ils produisent, les périodes de productions et les modes
d’acheminement des produits vers le marché abattoir afin d’être
commercialisée. Celui administré aux consommateurs a porté sur la
fréquence et les choix de la consommation des patates dans les
ménages, ainsi que l’importance portée sur cette denrée. Enfin, il
faut préciser que le choix du marché abattoir comme principal site
d’enquête sur la commercialisation se justifie par le fait qu’il
constitue par excellence un site central d’approvisionnement et de
distribution à grandes comme à petites échelles de la patate douce
dans la ville de Maroua (Figure1). Les informations ainsi recueillies
ont subi des traitements statistiques par le logiciel SPSS, alors que
les cartes ont été réalisées par l’usage du QGIS.14. Cela donne lieu
d’aborder de façon successive les flux d’approvisionnement de
Maroua en patate douce, l’organisation de la vente au marché
abattoir, les difficultés et les perspectives de solutions inhérentes à

cette denrée qui est désormais indispensable à l’alimentation de la
population de Maroua.
Figure 1 : Localisation du marché abattoir, site de l’étude

2. Résultats
2.1. L’approvisionnement de la ville de Maroua en patate douce
Quatre zones participent à l’approvisionnement du Marché abattoir
de Maroua en patate douce et développent des flux périurbains,
des flux régionaux et des flux hors de la région (figure2).
Mayo
Tsanaga
Figure 2. Les flux de ravitaillement du marché abattoir en patate douce
La figure 2 présente deux grands bassins de ravitaillement du

marché abattoir en patate douce. Il s’agit principalement du Mayo
Tsanaga qui constitue le plus gros du bassin, suivi des zones situées
à l’extérieur de la région de l’extrême-nord. En effet, le
département du Mayo-Tsanaga se distingue par son climat
d’altitude frais et pluvieux qui distingue du reste de la région qui
beigne plutôt dans un climat de plaine plus chaud et moins pluvieux,
tandis que les flux extérieurs proviennent de Ngaoundéré, une zone
par excellence propice à la production de la patate douce et qui
ravitaille au-delà des frontières nationales.
2.1.1. Les flux périurbains de faibles productions

Les caractéristiques climatiques de l’extrême-nord ne prédisposent
pas cette région à la culture de la patate douce. Cependant, les
progrès observés au niveau des techniques culturales les dix
dernières années ont poussé certains producteurs à expérimenter
cette culture dans les zones marécageuses situées principalement à
la périphérie de la ville dans la commune de Maroua Ier. Il s’agit
notamment de Meskine, et Zokok Laddéo, Zillling et Salak qui
regorgent des petits producteurs dont le but premier de la
production est celui de satisfaire la consommation familiale. C’est le
surplus qui est alors acheminé par petite quantité, à bicyclette et à
moto pendant la période des récoltes vers le marché abattoir de
Maroua. Dans la plupart des cas, ces paysans se chargent eux-
mêmes de la vente, soit directement aux clients, soit aux détaillants
qui les achètent en gros et revendent en petits tas aux
consommateurs par la suite.
2.1.2. Les flux régionaux
Les flux concernent les patates douces provenant des localités
situées hors de la ville. Il s’agit essentiellement de Mokolo et des
autres arrondissements du département du Mayo-Tsanaga. La zone
de Mokolo constitue un grand bassin d’approvisionnement du
marché abattoir de Maroua. D’énormes quantités de patate douce
sorte de cette zone et également des autres arrondissements du
Mayo-Tsanaga pendant les périodes d’abondance et également
pendant la période de pénurie en direction de ce marché. Ces
patates qui viennent du Mayo-Tsanaga représentent plus de 60%
des quantités qui entrent au marché abattoir de Maroua surtout en
période d’abondance.
2.1.3. Les flux d’approvisionnement externes à la région de
l’Extrême-nord
Les patates douces qui arrivent au marché abattoir de Maroua
proviennent aussi des autres régions. Mais cet approvisionnement
externe, ne se fait pas tout au long de l’année puisqu’il y a des
périodes pendant laquelle la région produit assez de patate douce
qu’on a plus besoins d’en importer ailleurs. A partir du mois de mars

en l’occurrence, les patates douces commencent à se faire rares.
Cette rareté est prolongée jusqu’au mois de Septembre. Pendant
cette période de pénurie, les commerçants se tournent vers les autres
régions pour s’approvisionner afin de satisfaire la demande. Ils font
venir les patates douces de Bihemi dans la région du Nord,
précisément dans la zone de Bouli - Ibbi et dans l’arrondissement de
Pitoa où elles sont cultivées dans les zones de décru du fleuve
Bénoué. D’autres flux de ravitaillements proviennent aussi de
Ngaoundéré pour approvisionner le marché abattoir de Maroua.
Pendant la période de pénurie, ces deux régions approvisionnent le
Marché abattoir à plus de 95%. Les patates sont transportées de
ces lieux lointains pour la ville de Maroua par les moyens de
transport de type Pick- up, et les camionnettes. Une fois réceptionné
sur le marché, les commerçants mettent sur pied un système de vente
pour permettre aux populations urbaines de se ravitailler.
2.2. L’organisation de la vente de la patate douce au marché
abattoir
La vente de la patate douce est soumise à des circuits commerciaux
bien cadrés et à deux catégories d’acteurs commerciaux.
2.2.1. Les circuits de commercialisation de la patate douce
On en distingue deux, le circuit court et e circuit long (figure 3).
Figure 3. Circuits de commercialisation de la patate douce au marché

abattoir
La figure 3, présente les différents intervenants dans les
deux circuits de vente de la patate douce de la production jusqu'à
la consommation. Dans le circuit long trois catégories d’acteurs
interviennent dans le processus de la vente de la patate aux
consommateurs. Il s’agit des producteurs, les grossistes et les
détaillants. Tandis que dans le circuit court, les détaillants se
ravitaillent directement chez les producteurs pour satisfaire les
consommateurs qui occupent à leur tour, le dernier maillon de la
chaine.
C’est aussi une vente qui obéit à une certaine disposition spatiale
des vendeurs (Figure 4).
Figure 4. Les différents points de vente de la patate douce au marché

abattoir de Maroua
La figure 4, présente les différents points de vente de la patate
douce au marché abattoir. On constate que la vente de la patate
douce se concentre dans un secteur précis : « Lumo nangué ». Ici, la
vente se fait en gros et en détail ; ce qui permet aux consommateurs
de se ravitailler surplace. En dehors de ces points de vente on
rencontre aussi quelques détaillants dispersés un peu partout dans
le marché.
2.1. La classification des commerçants
Deux classes de commerçants se distinguent dans la vente de la
patate douce au marché abattoir, les grossistes et les détaillants.
2.2.1. Les grossistes
Ce sont les commerçants qui vendent en gros. Ils achètent des
patates douces en quantité très importantes, variant entre à 40 et
50 tonnes par semaine et approvisionnement les détaillants. Ils
jouent un rôle de collecte de patate douce auprès des producteurs.
Ils servent d’intermédiaire à une vaste gamme de clients puisqu’ils
sont en même temps vendeurs et acheteurs. Les résultats d’enquêtes

menées auprès des grossistes de patate douce au marché abattoir
révèlent que 95% s’approvisionnent auprès des agriculteurs et
assurent eux-mêmes les services de transport. Mais dans d’autres
circonstances, ce sont les agriculteurs qui se chargent eux-mêmes
d’acheminer leurs produits au marché. Ceci concerne en particulier
les producteurs des zones périurbaines. Les quantités de patate qui
sont stockées par semaine, varient également en fonction des
capacités financières de chaque grossiste.
Ces vendeurs grossistes sont installés sous des hangars situés juste
derrière les détaillants. Chaque hangar est divisé en plusieurs
compartiments ce qui permet à chaque grossiste de disposer d’un
espace à lui. C’est dans ces espaces que sont stockées les patates
douces qui arrivent au marché abattoir en provenance des
différents bassins de production. Une fois la marchandise
réceptionnée, chaque grossiste dispose ses produits de manière à
attirer l’attention d’un éventuel acheteur (Photo 1).
Cliché : Mbanmeyh, 2019

Photo 1. Disposition des sacs de patate douce dans un entrepôt de vente en
gros au marché abattoir.
La photo 1 présente les sacs de patates douces en attente d’une

vente en gros. Ces sacs sont stockés dans les hangars dans l’attente
des éventuels clients (détaillants, semi-détaillants, ménages).
2.2.2. Les détaillants
Au marché abattoir de Maroua, les détaillants de patate douce sont
composés essentiellement d’hommes. Hormis le stade de production
où quelques femmes sont présentes, la commercialisation de la
patate douce est un domaine où les hommes sont quasi dominants
par leur nombre. Les détaillants se situent au niveau le plus bas du
système de distribution de la patate douce. Ils pourvoient
directement aux besoins des consommateurs et sont issus de plusieurs
groupes ethniques (figures5).
10% 5%
20%
65%
Mofou Guiziga Toupouri Autres
Source : enquêtes de terrain, 2019

Figure5. Différentes ethnies d’appartenance des détaillants de la patate
douce au marché abattoir de Maroua
La figure 5 montre que des trois principales ethnies auxquelles
appartiennent les détaillants des patates douces au marché abattoir
de Maroua, les Mofou sont largement représentatifs avec 65%. Ceci
se justifiant par le fait que ce sont des peuples réputés pour le
commerce à l’extrême-nord. Ils sont suivis des Guiziga (20%) et de
tribus minoritaires (5%) composées des Mafa, Kapsiki et Mada.
Ces détaillants se ravitaillent en majorité chez les grossistes et chez

quelques producteurs qui viennent eux-mêmes vendre les produits
sur le marché. Les détaillants sont en contact direct avec les
consommateurs qu’ils ravitaillent selon les besoins exprimés. La vente
se fait alors en tas constitués de quelques patates (photo2) et le prix
des tas varient entre 200 et 500 FCFA.
Cliché : Onyié, 2019

Photo 2. Un détaillant de patate douce au marché abattoir
La photo ci-dessus montre un détaillant du marché abattoir entrain de
vendre les patates douces. On aperçoit au premier plan, les tas de
patates douces classées et près à la vente. Au deuxième plan le
détaillant en attente des éventuels clients.
2.2.3. Les variations des prix en fonction de la qualité et des
périodes
La variation des prix des patates en fonction de la qualité tient

compte de l’état et de la grosseur des patates douces. Les grosses
patates douces sont généralement utilisées pour faire les tas les plus
chères (400FCFA à 500FCFA). Par contre les petites sont utilisées
pour faire les tas de 100FCFA et 200FCFA. Ces prix préalablement
fixés par les détaillants font souvent l’objet de marchandage de la
part des acheteurs. C’est une pratique qui est très courante sur le
marché surtout en ce qui concerne les produits périssables comme
les patates douces. Généralement les vendeurs cèdent difficilement
aux marchandages des prix que leurs imposent les acheteurs dans
la matinée. Mais dans l’après-midi, ils se plient assez facilement aux
prix que leurs imposent les acheteurs. Par exemple, les tas qui
coutaient 500FCFA peuvent revenir à 400FCFA ou 450FCFA. En fin
de journée, les prix sont baissés dans l’espoir d’écouler la totalité
de la marchandise afin de récupérer le capital d’achat et d’éviter
les pertes. Car les patates exposées qui n’ont pas pu être vendues,
perdent de leurs éclats le jour d’après et n’attirent plus beaucoup
de clients tant dis que d’autres pourrissent lors de la conservation.
Passé la nuit, les tas qui étaient vendus à la veille à 200FCFA par
exemple ne seront plutôt vendus le lendemain qu’à 100FCFA.
Les prix des patates douces varient aussi en fonction des périodes
de l’année. Les patates douces cultivées en saison de pluies
commencent à abonder sur le marché à partir du mois de Novembre
jusqu’en fin Janvier. Pendant cette période les patates douces sont
disponibles partout, que ce soit dans les zones périurbains, hors de
la ville ou dans d’autres régions. Par conséquent, les patates douces
qui arrivent au marché abattoir proviennent des bassins les plus
proches, ce qui a un très grand impact sur leurs prix sur le marché.
Les patates coûtent ainsi très moins chères pendant cette période.
Les prix des tas varient de 100FCFA à 500FCFA. Par contre
pendant la période de pénurie (mi-mars jusqu’en fin Septembre), les
prix de patate grimpent progressivement sur le marché. Les rares
patates douces que l’on retrouve sur le marché pendant cette
période proviennent des champs irrigués ou bien des autres régions
ce qui a un très grand impact sur les prix dans le marché (Tableau1).
En cette période de l’année, les prix des tas de patate douce varient
entre 500 et 1000FCFA. Les détaillants quant à eux cèdent très peu
au marchandage des tas de patate douce parce qu’ils achètent très
chère auprès des grossistes et des agriculteurs.
Tableau 1. Variation du prix du sac de patate sur le marché abattoir en
fonction des périodes de disponibilité ou de pénurie.
Prix du sac de
Périodes Mois
100kg en (FCFA)
Abondance Novembre 10.000
Décembre 7.000
Janvier-Février 10 .000
Pénurie Mars 12.000
Avril 14.000
Mai 15.000
Juin-Juillet 15.500
Aout-Septembre 14.000
Octobre 12.000
Source : DAADR de Maroua IIe et enquêtes de terrain, 2019
Le tableau 1 présente les prix de patate douce par sac en fonction
de la période. Il en ressort qu’en période d’abondance, les patates
douces commencent à entrer sur le marché à partir de Novembre,
le sac coûte 10000FCFA et baisse progressivement pour atteindre
son niveau le plus bas au mois de Décembre à 7000FCFA. Par
contre, en période de pénurie, les prix commencent à grimper au
mois de Mars et passent de 12000FCFA à 14000FCFA au mois
d’Avril pour atteindre 15500FCFA entre Juin et Juillet.
2.3. Les contraintes inhérentes à la consommation de la patate
douce à Maroua et perspectives
La patate douce occupe désormais une place importante dans la
ration alimentaire des populations de Maroua. Cependant, la
disponibilité de ce tubercule ne répond pas suffisamment à la
demande de plus en plus grandissante à cause de nombreuses
difficultés qui perturbent le bon fonctionnement de la filière.
Plusieurs raisons sont évoquées entre autres la pénurie liée à la
mauvaise conservation du produit par les paysans, car face à non

maîtrise des techniques de conservation adaptées, les producteurs
se trouvent obligés d’enfuir les patates dans le sol pour les conserver
pendant un mois. Malheureusement cette méthode se solde par des
pertes considérables dues à l’absence d’aération. La hausse des
prix de la patate douce en période de pénurie qui ne permettent
pas à certaines couches sociales d’en consommer car le prix du tas
de patate ou le sac de patate douce est souvent le double voire
même le triple qu’en période d’abondance. Enfin la rareté de la
variété locale qu’on retrouve plus en période d’abondance est
tellement appréciée et plus consommés par les populations par
rapport à la patate douce améliorée qui retient beaucoup d’eau.
Face à toutes ces difficultés qui causent de dommage aux
consommateurs de patate dans la ville de Maroua et pour remédier
à la situation, il est d’ores et déjà, important d’évoquer quelques
mesures en vue de renforcer la place de la patate douce dans le
défi de la sécurité alimentaire dans cette ville et qui s’étend au-delà
des frontières du pays. Ces mesures concernent à l’implication de
toutes les parties prenantes en tant qu’acteurs directs ou indirects à
la sécurité alimentaire dans la ville de Maroua. Au niveau des
producteurs, un encouragement à l’organisation des foires qui
regroupent les producteurs du département du Diamaré et même
ceux de la région de l’extrême- nord s’avère nécessaire. Ces foires
sont une occasion d’échanges et de partage des différentes
techniques de production, mais aussi permettront de faire la
promotion de leurs racines tubercules. De plus pour motiver
davantage, les producteurs qui auront présenté les meilleurs
résultats, des récompenses peuvent être envisagées en lots matériels
et intrants agricoles. L’organisation en GIC de commercialisation de
la patate douce ; ceci permettrait de réduire leurs charges de
commercialisation, de fidéliser la clientèle et de rendre le produit
disponible à tout moment. Enfin, il doit également avoir une réelle
communication entre les différents acteurs de la chaine
d’approvisionnement afin d’assurer la permanence du produit sur le
marché.
L’implication de l’Etat n’est pas de reste pour soutenir la

consommation de la patate douce dans la ville de Maroua. L’Etat
doit pouvoir intervenir au niveau des producteurs à travers les
différents ministères de tutelles afin de moderniser la production de
la patate douce en leurs apprenant les nouvelles techniques
culturales, en introduisant les semences améliorées qui sont de plus
en plus adaptés aux perturbations actuelles du climat. Il doit
également favoriser leur regroupement au sein des organisations
paysannes et des coopératives ce qui favorise la production en
masse. Il faudra aussi penser à l’agriculture de seconde génération
qui reposera essentiellement sur des moyennes et des grandes
exploitations agricoles. Cette modernisation visant la mobilisation
des réserves de productivité grâce à une utilisation plus accrues des
facteurs modernes de production comme les machines
agricoles. L’autorité municipale doit aménager des infrastructures
telles que les hangars d’exposition des patates et des magasins de
stockage des denrées alimentaires. Il s’agirait de mieux préserver
la santé publique, de mieux assurer la conservation des denrées
ainsi que la régularité de l’approvisionnement.
3. Discussion
L’objectif global de cette étude était d’analyser la contribution de
la filière patate douce dans la sécurité alimentaire de la ville de
Maroua. L’étude conduite à partir du marché abattoir a permis de
relever les différentes zones d’approvisionnement de la ville de
Maroua en patate douce ; il s’agit des sites périurbains et ceux situés
hors de la région de l’’Extrême-nord. Ce résultat corrobore avec
celui de Iyebi-Mandjeck (2002 : 3) qui a souligné que l’’évolution
des flux commerciaux à Maroua entre 1980 et 1994 concerne les
produits originaires des localités situées à plus de 60 km de la ville.
Concernant la commercialisation des patates douces dans la ville de
Maroua, l’étude a révélé un système d’organisation bien structuré
de la vente de ce produit tant dans l’espace commercial qu’au
niveau des vendeurs, évitant par là un chevauchement des rôles.
Ceci rejoint l’idée de Moustier et Al, (1998 : 8) qui signale que de
la production à la consommation d’un produit il nécessite un certain
nombre d’enchainement de fonction entre la production et le

consommateur. Et celle de Fabre (1994 : 5) qui appelle agent tout
acteur économique, c'est à dire une cellule élémentaire intervenant
dans l'économie, un centre autonome d'action et de décision. Il peut
s'agir d'une personne physique (producteur, commerçant,
consommateur) ou d'une personne morale (entreprise,
administration, organisme de développement). Cependant, il faut
relever que l’étude ne s’est pas attardée sur le volet rentabilité du
produit auprès des différents acteurs, et pourtant c’est une activité
économique qui nourrit bien son homme. Mais cette omission ne
saurait réfuter, les mérites de cette étude qui a révélé pour une
première, l’adoption d’un produit qui peut être qualifié de nouveau
dans un milieu à priori réfractaire à sa culture et qui contribue
efficacement à la sécurité alimentaire de sa population.
Conclusion
Cette étude a permis de connaitre l’organisation de la filière
d’approvisionnement de la ville de Maroua en patates douces à
partir du marché abattoir. Il en ressort que : les patates douces
commercialisées au marché abattoir de Maroua proviennent de trois
grands bassins de production notamment des bassins périurbains,
des bassins régionaux et des bassins externes à la région de
l’extrême-nord. La production de cette patate douce se fait à des
périodes précises, raison pour laquelle le calendrier cultural de ces
différents bassins de production n’est pas le même, et nécessite la
pratique d’un certain nombre de techniques culturales. La
commercialisation s’organise autour des producteurs, des grossistes,
et les détaillants qui œuvrent tous à la satisfaction des
consommateurs qui sont de plus en nombreux à consommer de façon
régulière ce tubercule, qui était pourtant inconnu il y a de cela
quelques années des habitudes alimentaires des populations de la
région et de la ville de Maroua. Ainsi, la patate douce entre non
seulement de plus en plus dans les habitudes culinaires des
populations, mais également la demande intérieure est de plus en
plus croissante. Compte tenu, de l’importance de la patate douce et
de son rôle économique et social, de nombreuses initiatives doivent

encore être prises, que ce soit au niveau des acteurs et des
institutions, afin d’assurer une meilleure organisation de la filière
approvisionnement en patate douce au marché abattoir de Maroua
pour mieux satisfaire la sécurité alimentaire des populations. Par
ailleurs, le volet transformation de ce produit pourrait faire l’objet
d’autres préoccupations scientifiques.
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