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Nada ZIDI
Maître-assistante en droit privé, Directrice du Département de droit privé et des
sciences criminelles à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
de Tunis
Université de Carthage, Tunisie
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N. ZIDI - L'ÉTUDE D'IMPACT EN TUNISIE
Éviter les sources de pollution plutôt que d’en réparer les dommages est l’essence
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La procédure d’étude d’impact sur l’environnement est régie par une pluralité de
textes juridiques. Un régime général et d’autres spéciaux sont prévus à cet effet.
1. Le régime général
C’est l’article 5 de la loi du 2 août 1988, portant création de l’ANPE6, qui impose
l’EIE pour tout projet d’unité industrielle, commerciale, agricole ou autre, qui consti-
tue, de par sa nature d’activité ou à cause des procédés de production ou de
transformation utilisés, un risque de pollution ou de dégradation de l’environnement.
Le décret d’application du 13 mars 1991 relatif aux études d’impact sur l’environ-
nement7 a détaillé les étapes et les procédures pour l’obtention de l’approbation de
l’ANPE. Une modification importante de la loi en 20018 a introduit un changement
de taille sur ce régime. Désormais la réalisation des unités industrielles, agricoles
et commerciales est soumise, soit à l’approbation préalable par l’ANPE de l’étude
d’impact négatif éventuel sur l’environnement, soit à l’engagement du promoteur de
l’unité d’appliquer les prescriptions d’un cahier des charges qui sera approuvé par
arrêté du ministre chargé de l’environnement, selon le type de l’unité, la nature de
son activité et des risques qu’elle présente pour l’environnement.
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Afin que l’EIE soit un véritable instrument de prévention, le législateur tunisien a im-
posé un contenu minimum obligatoire15. Par ailleurs, il a fixé un contenu particulier
pour certaines EIE.
L’aspect le plus simple de l’étude est l’aspect statique « (…) puisqu’il s’agit d’un
constat concret de données existantes »16. Une partie descriptive relative à l’état ini-
tial du site et de son environnement est requise avant la réalisation du projet. « C’est
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Enfin, l’EIE comporte une partie prospective relative aux mesures éventuelles que le
promoteur envisage de prendre pour éviter sinon atténuer les effets néfastes de son
projet sur l’environnement ou en compenser les conséquences dommageables.
Tout l’intérêt de la procédure d’EIE réside dans cette partie étant donné que ces
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Ce contenu sera évalué par l’ANPE, à la lumière duquel elle décidera ou non de
s’opposer au projet, et in fine d’accorder ou non l’autorisation administrative.
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La loi de 1988 a institué un principe selon lequel toutes les unités polluantes sont
soumises à une étude d’impact préalable26. Néanmoins, la lourdeur de cette procé-
dure, estimée trop contraignante pour les investisseurs, notamment dans la manière
dont elle avait été organisée par le décret du 13 mars 1991, a justifié l’intervention
du législateur pour lui apporter quelques assouplissements par la loi du 30 janvier
2001 portant simplification des procédures administratives relatives aux autorisa-
tions délivrées par le ministère chargé de l’environnement dans les domaines de sa
compétence. Un décret d’application, paru le 11 juillet 2005, a classé les projets
selon qu’ils sont soumis à une EIE ou à un cahier des charges.
26 Article 5.
27 W. Ferchichi, La protection de l’environnement en droit tunisien. Études et recherches,
Centre d’Études Juridiques et Judiciaires, 2013, p. 42.
28 Op. cit., p. 42.
29 Rapport de la commission qui a préparé le projet de modification de la loi de 1988, travaux
préparatoires : discussions et adoption par la chambre des députés dans sa séance du 23
janvier 2001.
30 Discours du ministre de l’Environnement devant les députés dans la séance du 23
janvier 2001.
31 Ibid.
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obligatoire l’élaboration des EIE par des bureaux d’études ou des consultants spé-
cialisés dans le domaine, en se basant sur les termes de références sectorielles32
élaborées et fournies par I’ANPE. Certes, le fait de confier la réalisation des EIE à
des techniciens en la matière est une garantie du sérieux de l’étude, toutefois rien
ne prouve que ces bureaux soient agréés par l’État33, ce qui pourrait affecter leur
crédibilité34.
C’est une technique absente en droit tunisien. Le législateur prévoit des termes de
références (fixés de manière unilatérale par l’administration et nécessitant une mise
à jour) qui doivent être pris en considération par les bureaux d’études qui prépa-
reront l’EIE. En confiant la réalisation des études d’impact au maître d’ouvrage du
projet, la législation ne favorise guère une prise en compte impartiale du diagnostic
et des mesures compensatoires et pose le problème récurrent de l’indépendance
de l’EIE36.
La mise en œuvre efficace de l’EIE est essentielle pour faire en sorte que les nou-
veaux projets de développement soient acceptables et durables du point de vue de
l’environnement. Cependant le régime actuel des EIE présente un certain nombre
de failles qui imposent une mise à jour voire une totale refonte.
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D’un autre côté, il existe en droit tunisien une multitude de textes qui protègent l’en-
vironnement des différentes activités humaines. Ils réglementent à cet effet l’impact
de ces activités38 sur l’environnement sans pour autant exiger une EIE. D’autres
textes se contentent de mentionner le décret du 11 juillet 2005 uniquement dans
leurs visas sans que cela se traduise dans leur contenu39. Quant aux textes qui
relèvent des régimes spéciaux de l’EIE, ils apportent des précisions qui pourraient
enrichir le régime général et combler ses lacunes40.
Au final, c’est le régime de contrôle qui souffre le plus des défaillances. Le contrôle
administratif a posteriori s’opère dans la phase de réalisation du projet et de son
fonctionnement et est réalisé soit par l’administration sectorielle qui délivre les au-
torisations soit par l’administration chargée de la protection de l’environnement soit
par des organismes spécialisés en la matière créés exclusivement pour accomplir
la tâche du contrôle a posteriori. Ce contrôle souffre de plusieurs problèmes d’ordre
financier, logistique et organisationnel et c’est d’ailleurs une des raisons qui justifie
le remplacement de l’EIE par des cahiers des charges.
Pour ce qui est du contrôle exercé par les citoyens qui doivent, normalement,
être informés et associés à la procédure d’EIE pour qu’ils puissent y participer
activement, aucun texte ne fait allusion au droit d’accès libre à l’étude d’impact,
à l’exception du décret du 9 octobre 2006 relatif aux procédures d’ouverture et
d’exploitation des établissements dangereux, insalubres ou incommodes (article 6)
qui prévoit une enquête publique.
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En plus des problèmes d’ordre juridique, l’EIE est souvent entravée par le manque
de ressources humaines et financières. Surmonter ces obstacles nécessitera des
engagements politiques à long terme et un développement institutionnel.
37 Contrairement au droit français qui applique la méthode négative en ne citant que les unités
dispensées de la procédure d’EIE, M. Prieur, Droit de l’environnement, op. cit., p. 76.
38 À titre d’exemple : la loi n° 2007-34 du 4 juin 2007 sur la qualité de l’air, JORT n° 45, 5 juin
2007, p. 1853 ainsi que plusieurs autres textes cités par W. Ferchichi, op. cit., p. 44.
39 Ibid.
40 Idem.
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