Docsi 494 0016
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Claire Fénéron, Laurent Klein, Julien Le Clainche, Michèle Battisti, Matthieu Berguig
Dans Documentaliste-Sciences de l'Information 2012/4 (Vol. 49), pages 16 à 21
Éditions A.D.B.S.
ISSN 0012-4508
DOI 10.3917/docsi.494.0016
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S
i, dans un premier temps, les entre- être engagée lorsque ces derniers réseaux sociaux utilisés, évolutifs,
prises ont subi de façon passive utilisent les réseaux sociaux ainsi que les chartes de bonne
l’arrivée des réseaux sociaux, dans le cadre de leur mission conduite sur les réseaux sociaux
nombreuses sont celles qui y culti- professionnelle. propres à l’entreprise.
vent aujourd’hui leur présence,
quel que soit le secteur écono- Les interventions actives Quelle responsabilité
mique concerné. sur un réseau social pour l’entreprise ?
L'enjeu n’est donc plus de savoir L’entreprise doit se conformer Les réseaux sociaux comme sites
si l’entreprise utilisera les réseaux aux dispositions légales applicables de partage de contenus ne sont visés
sociaux, mais comment elle les à toute publication lato sensu. En par aucun texte particulier. Malgré
utilisera : quels sont les meilleurs l’absence de dispositions spéci- une certaine fluctuation dans
supports de communication (par fiques, le médium de communica- l’approche du statut de ces sites par
exemple, les pages « marque » tion ne modifie pas l’application des les tribunaux français, la tendance
de Facebook) ? Quelle sera l’uti- textes légaux que la jurisprudence actuelle leur attribue la qualifica-
lisation optimale (gestion de la est chargée d’adapter à l’internet. tion d’« hébergeur »4, soumis à une
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[ état de l’art ] Voler l’information, cette expression couramment entendue a-t-elle un sens
juridique ? On sera sans doute surpris de constater qu’on peine à le faire reconnaître, et
même que cette qualification pourrait être dépourvue d’intérêt au regard de « l’arsenal
juridique » actuel.
Vol d’information :
une qualification juridique incertaine
A
u gré de l’accentuation de la déma- L’article L. 311-1 du Code pénal criminalité informatique. Quand
térialisation des échanges, la notion dispose que le « vol est la soustrac- un hacker pénètre un système et
de vol est, dans le langage courant, tion frauduleuse de la chose qu’il reproduit les informations, il
de plus en plus souvent associée à d'autrui ». L’objet du vol doit donc, n’empêche nullement l’accès par
celle d’information. Pourtant, d’un d’une part, être une « chose » d’autres personnes. Dès lors, consi-
point de vue juridique, s’il est hardi susceptible d’appropriation et, dérer qu’il y a une soustraction de
de dénier toute existence à une d’autre part, pouvoir être soustrait l’information dépossédant son
éventuelle qualification de « vol de à son propriétaire. Dans le contexte titulaire légitime relève de la fiction
contenu informationnel », une telle d’un bien matériel, le voleur déplace juridique.
notion est, pour le moment, une l’objet pour le soustraire à la pos-
création jurisprudentielle timide, session de son propriétaire légitime Une dématérialisation
incomplète et limitée. Si la théorie et pour se comporter en proprié- grandissante du vol
classique du vol est largement taire de fait. En dépit de ces difficultés, la
inadaptée à l’information, il est • Une qualification de vol adaptée jurisprudence a dans un premier
incontestable que la jurisprudence à l’information ? temps considéré que le vol du
tend vers une dématérialisation Dans le contexte des contenus support était nécessaire pour quali-
grandissante des éléments consti- informationnels, le vol soulève des fier un « vol de contenu informa-
tutifs du délit. difficultés pour chaque élément de tionnel » avant d’éventuellement
la définition. S’il est acquis qu’une reconnaître un tel vol, en l’absence
Le vol d’information, chose est matérielle1, l’information de soustraction du support.
une qualification juridique ? peut-elle être soustraite ? Est-elle • Le vol d’information lié au vol
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[ enjeu ] Le lien hypertexte ne serait plus libre pour tous. On sentait bien poindre des
tentatives en ce sens ; voilà qui est porté à présent clairement dans le champ politique.
À
la fin de l’été 2012, on apprenait que public par la vente, l’échange ou la recherche obtenus par abonnement
le gouvernement allemand avait location, ou la communication au à un moteur de recherche, qui
adopté un projet de loi1 obligeant public » de leurs supports. répondra à quatre questions :
Google à payer pour le référence- Mais pourquoi un droit voisin - Faire un lien, est-ce une commu-
ment des articles de presse et que supplémentaire, à l’heure où il serait nication au public (soit un des deux
d’autres pays suivraient. opportun de simplifier les règles ? droits patrimoniaux de l’auteur) ?
En France, un projet de propo- D’ailleurs, les journalistes ne reven- - La faculté de faire un lien peut-
sition de loi2, remis au ministre de diquent8-ils pas déjà un reversement elle être limitée (par une interdic-
la Culture par l’association de la d’une partie de la redevance au titre tion pour des fins commerciales,
presse IPG3, ferait bénéficier les de leurs droits d’auteur ? par exemple) ?
organismes de presse d’un droit - Doit-on faire une distinction entre
1 Un projet présenté
prochainement au voisin4. À ce titre, ils percevraient Qui va payer ? l’ouverture dans une autre fenêtre
Parlement allemand. une redevance5 en échange de La presse allemande songeait et l’apparition sur le même site
2 Olivier Tesquet. l’abandon de la faculté d’interdire à faire payer les entreprises pour (framing) ?
« Taxe Google : un lien vers leurs articles. Les les articles lus sur Internet dans - Un pays membre de l’Union peut-
télérama dévoile le
sommes à verser, selon des barèmes un cadre professionnel. Au Royau- il décider d’élargir le droit de
projet des éditeurs de
presse », Télérama, définis par une commission mixte, me-Uni9, des tribunaux s’étaient communication au public au-delà
21/09./12 http://www. calculées en fonction du « compor- appuyés sur les interdictions de de ce qui est autorisé par la directive
telerama.fr tement des internautes à l’égard des proposer des liens à titre payant européenne de 2001 sur le droit
3 Association de liens » vers la presse, seraient collec- figurant dans les conditions géné- d’auteur ?
presse IPG (d'infor-
mation politique et tées par une société de gestion rales d’utilisation (CGU) des sites
générale) soutenue collective. pour sanctionner l’agrégateur de L’enjeu : financer la presse
par 3 syndicats de Le système, calqué sur celui de presse Meltwater dans un procès Google n’héberge pas les
presse la copie privée et de la diffusion de porté aujourd’hui devant la Cour contenus, mais tirerait profit de la
http://www.fnps.fr
la musique du commerce par les Suprême. Au Canada10, des univer- presse sans y investir. Si, pour
4 Droits voisins du
droit d’auteur en radios, deux exemples de licences sités avaient accepté de payer par Google, la contrepartie se trouve
France http://fr. légales6, évite de demander une contrat pour des envois par messa- dans le trafic qu’il crée et le pourcen-
wikipedia.org autorisation pour chaque utilisa- gerie de liens « équivalent à des tage reversé sur la publicité, la
5 Redevance : tion. Le calcul sera établi pour les photocopies ». presse considère que cela est insuf-
prélèvement non
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