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TR 53

allergologie professionnelle Allergologie-pneumologie professionnelle

Allergie respiratoire professionnelle


dans l'industrie agroalimentaire
AUTEUR :
J.M. Renaudin, hôpital E. Durkheim, épinal

Dans l’industrie agroalimentaire, de nombreuses sources d’allergènes inhalés peuvent entraîner


l’apparition d’allergies respiratoires professionnelles : produits laitiers, œuf, viandes, poissons
et crustacés, farines de céréales, légumineuses, graines, fruits et légumes… La prévalence de la
rhinite et de l’asthme chez les salariés y semble cependant peu élevée. Sont principalement
concernés les professionnels du secteur de la transformation des produits de la mer, de la
boulangerie et de la pâtisserie industrielles, de la confiserie, des abattoirs, de la boucherie, de la
charcuterie et de la poissonnerie industrielle. Les allergènes potentiels sont le plus souvent de
nature protéique, susceptibles d’entraîner une sensibilisation IgE-dépendante, essentiellement
par inhalation. On observe l’émergence du rôle d’agents chimiques de faible poids moléculaire,
tels les désinfectants, largement utilisés dans cette industrie.
Le diagnostic repose sur l’existence de symptômes avec un rythme professionnel, la réalisation
d’un bilan fonctionnel respiratoire et la mise en évidence d’une sensibilisation à des allergènes
présents sur le lieu de travail au moyen de tests cutanés ou biologiques. La confirmation de la
causalité allergique peut requérir la réalisation en milieu spécialisé d’un test de provocation nasale
ou bronchique spécifique. La prévention technique vise en priorité la réduction de l’exposition aux
allergènes, en limitant l’empoussièrement et la dispersion aérienne de produits volatils.

Mot clés
Affection respiratoire / industrie agroalimentaire / allergie / rhinite / asthme / pneumopathie d'hypersensibilité.

L
’industrie agroalimentaire

© G. Kerbaol pour l'INRS


transforme des matières
premières issues de l’agri-
culture, de l’élevage ou de
la pêche en produits des-
tinés essentiellement à la consom-
mation alimentaire humaine ou
animale. Ce secteur économique
rassemble des activités profession-
nelles variées et emploie un nombre
important de salariés. Ceux-ci sont
exposés par voie cutanée ou respira-
toire à de nombreuses sources d’al-
lergènes, notamment ingrédients et
additifs alimentaires.
Aucun produit naturel ou chimique
n’est potentiellement dénué de
risque allergique [1]. La fréquence Entreprise de salaison : fabrication de boudins noirs avec poussoir.
des manifestations respiratoires
d’origine professionnelle est variable thèse actualisée des connaissances observées dans le secteur de la bou-
selon le type d’aliments utilisés [2]. concernant l’asthme et la rhinite langerie artisanale, notamment par
Les cas professionnels rapportés allergiques déclenchés par les prin- sensibilisation à la farine de céréales
restent cependant rares. L’objectif cipaux allergènes de ce secteur pro- (blé, seigle), sont traitées dans une
de cette fiche est d’établir une syn- fessionnel. Les allergies respiratoires fiche spécifique [3].

juin 2012 — Références en santé au travail — n° 130 137


ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

PHYSIOPATHOLOGIE pour la plupart. On note cependant Toute source alimentaire protéique


le rôle croissant de certains aller- peut induire une sensibilisation
MÉCANISME PHYSIOPATHOLOGIQUE gènes chimiques de petit poids mo- IgE-dépendante. Les substances
Dans l’industrie agroalimentaire, léculaire, comme les ammoniums en cause sont donc très variées [1].
les produits potentiellement en quaternaires contenus dans les Grâce aux techniques modernes
cause dans la survenue d’une aller- désinfectants. d’immunochimie, certains aller-
gie respiratoire professionnelle sont Les allergènes peuvent être présents gènes ont pu être caractérisés sur
nombreux. Les allergènes présents sur les lieux de travail sous 3 formes : le plan moléculaire.
dans ces sources sont très variés. Il pulvérulente (poudres et poussières Les allergènes des produits alimen-
s’agit le plus souvent de protéines. alimentaires), liquide (susceptible taires seront présentés selon leur
De ce fait, le mécanisme en cause d’entraîner la formation d’aérosols origine : animale, végétale, biolo-
est presque toujours d’ordre immu- de protéines) et gazeuse (vapeurs de gique (moisissures, levures), pour
nologique, médié par des immu- cuisson). l’essentiel des agents impliqués
noglobulines E (IgE) spécifiques de Les allergènes protéiques peuvent dans les réactions allergiques, mais
ces allergènes (type I de la classifi- être regroupés en trois catégories : également chimique (colorants,
cation de Gell et Coombs). La phase protéines natives (présentes dans la conservateurs, désinfectants).
de sensibilisation précède toujours source alimentaire), protéines mo-
la phase de réaction clinique. Elle difiées par les processus industriels OAllergènes alimentaires
découle de l’inhalation des ingré- (néoformation de protéines alimen- d’origine animale
dients alimentaires utilisés, mais taires) et auxiliaires technologiques Allergènes des produits laitiers, de
aussi du contact manuporté avec (enzymes, colorants, additifs et au- l’œuf de poule et des viandes
les divers produits présents dans xiliaires de fabrication, utilisés pour Alors que le lait de vache et l’œuf de
cette industrie [2]. leur propriétés physico-chimiques poule ou leurs dérivés, ainsi que les
Au cours de la réaction allergique ou organoleptiques). viandes, sont très présents dans l’in-
proprement dite, le pontage d’IgE dustrie agroalimentaire, ces sources
spécifiques de l’allergène provoque allergéniques sont peu citées dans
une activation mastocytaire tissu- les étiologies de la rhinite ou de
laire, responsable de la libération de l’asthme professionnels en milieu
médiateurs préformés (histamine industriel.
et tryptase) et néoformés (cytokines Seuls quatre cas d’allergie respi-
pro-inflammatoires, prostaglan- ratoire professionnelle (rhinite
dines, leucotriènes). Ce phénomène et asthme) au lait de vache sont
entraîne des manifestations immé- rapportés dans la littérature, dont
diates au niveau nasal ou bron- deux explorés par la même équipe
chique, ainsi que des symptômes finlandaise par test de provocation
respiratoires plus tardifs. respiratoire [4]. Les allergènes en
La présence d’IgE est détectée, au cause sont la caséine et l’alpha-lac-
niveau cutané, par des prick-tests à talbumine, présents dans la poudre
lecture immédiate et, au niveau sé- extraite du lait, produite en indus-
rique, au moyen de dosages in vitro. trie de transformation laitière ou
utilisée secondairement, notam-
ALLERGÈNES RESPONSABLES ment en boulangerie industrielle.
D’ALLERGIES RESPIRATOIRES Des IgE spécifiques vis-à-vis de ces
PROFESSIONNELLES protéines sont détectées dans le
© S. LEGOUPI POUR L'INRS

Les produits de l’industrie agroa- sérum des patients allergiques. Ces


limentaire sont destinés à la nu- allergènes sont parfaitement ca-
trition humaine ou animale. Les ractérisés sur le plan immunochi-
agents étiologiques responsables mique du fait de leur implication
d’allergies respiratoires, chez des fréquente en allergie alimentaire.
salariés quotidiennement exposés, En ce qui concerne l’œuf de poule,
sont le plus souvent de nature pro- Transformation de produits laitiers : alimentation les allergènes identifiés en cas
téique et de haut poids moléculaire d'une ligne de fromage râpé. d’asthme professionnel sont l’oval-

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bumine, l’ovomucoïde et le lyso- lieu de travail semblent rares [16]. l’implication semble au contraire
zyme [5]. L’œuf est généralement Les allergènes des crustacés et des mineure au niveau de l’asthme.
manipulé sous forme liquide (avec mollusques en cause sont la tro-
formation secondaire d’aérosol lors pomyosine et l’arginine kinase. La Autres allergènes végétaux
des opérations de transvasement), sensibilisation est induite par voie Les LTP paraissent également être
mais aussi sous forme de poudre, aéroportée. des allergènes majeurs dans de
en particulier dans la boulangerie, Une nouvelle source allergénique a nombreux asthmes professionnels
la pâtisserie ou la confiserie indus- été décrite dans certaines allergies au contact de fruits et de légumes.
trielles [6]. professionnelles IgE-dépendantes Dans les observations d’asthme
Les viandes de bœuf [7] et de porc liées aux produits de la mer : il professionnel lors de manipulation
[8] ont été impliquées dans l’aller- s’agit d’Anisakis simplex, parasite d’asperge, l’allergène appartient à
gie respiratoire professionnelle, infestant le tube digestif des pois- cette famille moléculaire [21], tout
respectivement chez un cuisinier sons [17]. comme celui identifié dans le duvet
et chez des ouvriers en charcuterie et la feuille de pêche [22].
industrielle (photo 1). Les allergènes O Allergènes alimentaires Des familles moléculaires fréquem-
en cause sont la sérumalbumine d’origine végétale ment impliquées dans les réactions
bovine et porcine. Le rôle de l’hémo- Allergènes des céréales allergiques respiratoires polliniques
globine dans la survenue d’allergie Les farines de céréales, essentielle- ont été identifiées dans certains vé-
professionnelle a aussi été évoqué ment de blé ou de seigle, sont les gétaux à l’origine d’allergies profes-
[9]. Elle peut expliquer des réactions principales sources d’allergènes sionnelles. Il s’agit par exemple d’un
croisées entre viandes de volaille et auxquelles sont exposés les opéra- homologue de l’allergène majeur
de mammifères. teurs des secteurs de la boulange- du bouleau (Bet v 1) dans l’endive
rie et de la pâtisserie industrielles. [23], de la profiline des graminées
Allergènes des produits de la mer De nombreuses protéines sont sus- dans le safran [24], ou de la thauma-
L’allergie respiratoire profession- ceptibles d’entraîner une sensibili- tine du pollen de frêne ou d’olivier
nelle aux produits de la mer fait sation IgE-dépendante par inhala- dans l’huile d’olive [25]. Ces aliments
l’objet d’une fiche déjà parue dans tion, comme cela a été bien décrit ne sont qu’exceptionnellement en
cette collection [10]. dans l’asthme du boulanger. cause dans l’allergie alimentaire.
Plusieurs sources allergéniques Les aéroallergènes professionnels Certains aliments en cause comme
ont été rapportées chez des pro- identifiés dans les farines appar- le thé [26], la chicorée [27], le chou-
fessionnels présentant rhinite ou tiennent aux familles des albu- fleur [27], la courgette [28], la salse-
asthme professionnels au contact mines et des globulines. Il s’agit le pareille [29] ou le safran [24], certains
des produits de la mer [11]. plus souvent de protéines ayant fruits [30, 31] et certains allergènes,
En ce qui concerne les poissons, une activité enzymatique (inhibi- tels l’inhibiteur de trypsine du soja
la parvalbumine a été identifiée teur d’alpha-amylase et de tryp- [32] ou la phycocyanine de spiru-
comme un des allergènes majeurs sine, peroxydase, thioredoxine). line [33], ne semblent décrits qu’en
en milieu de travail, dans l’indus- La protéine de transfert lipidique milieu professionnel.
trie de conditionnement et de (lipid transfert protein ou LTP) du De plus, les employés de l’industrie
transformation du poisson [12, 13]. blé (Tri a 14) semble être également agroalimentaire utilisent réguliè-
C’est une protéine très résistante un allergène majeur, assez spéci- rement des gants en latex pour
à la chaleur et à la dénaturation. Il fique de l’allergie respiratoire [18]. respecter les normes d’hygiène très
existe une forte homologie entre Un nouvel allergène du blé de la fa- strictes de ce secteur industriel. Le
parvalbumine présente dans les mille des thaumatines serait éga- latex étant une source complexe
espèces de poissons d’eau de mer et lement impliqué dans l’asthme d’allergènes, il est responsable de
celle de poissons d’eau douce [14]. professionnel [19]. sensibilisation par contact manu-
L’utilisation de gélatine issue du À la différence de l’allergie pro- porté ou aéroporté [34].
collagène de poisson a supplanté fessionnelle, l’allergie alimentaire
la gélatine bovine dans l’industrie induite par la farine de céréales à OAllergènes des micro-
agroalimentaire : elle expose donc gluten serait la conséquence d’une organismes
potentiellement les salariés de ce sensibilisation plutôt aux protéines Le rôle des moisissures alimentaires
secteur à un nouvel allergène [15], non hydrosolubles, comme les glia- non pathogènes, ainsi que celui des
même si les cas rapportés en mi- dines [20] ou les gluténines, dont enzymes dans le déclenchement

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ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

d’une réaction allergique ont déjà ÉPIDÉMIOLOGIE national de l’asthme professionnel


été abordés de façon spécifique (ONAP II, 2008 - 2009) [44]. Les don-
dans d'autres fiches de la collection PRÉVALENCE DES ALLERGIES nées épidémiologiques publiées en
[35, 36]. PROFESSIONNELLES RESPIRATOIRES 2011 par le Réseau national de vigi-
Des cas d’allergies respiratoires aux DANS L’INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE lance et de prévention des patho-
champignons comestibles ont été Bien qu’impliquant de très nom- logies professionnelles (RNV3P)
rapportés impliquant des bolets breux secteurs d’activités concer- semblent montrer une diminu-
chez une ouvrière réalisant le tri nés par l’exposition aux produits tion de fréquence de la rhinite et
et la mise en sachet de ce champi- alimentaires, la prévalence de de l’asthme professionnels dans le
gnon déshydraté [37] et chez une l’asthme, quand elle est connue, secteur de l’agroalimentaire [45].
employée de production de pâtes n’y semble pas différente de celle Le rôle des allergènes liés aux sources
italiennes [38], ainsi que des pleu- d’autres secteurs industriels [2]. On alimentaires stockées, transformées
rotes chez un revendeur de fruits et dénombre cependant peu de séries ou produites dans ces entreprises,
légumes [39]. publiées étudiant la prévalence des semble donc sous-estimé. En effet,
Les moisissures de l’espèce Penicil- allergies respiratoires dans l’indus- alors que l’allergie à la farine de blé
lium employées lors de la fabrica- trie agroalimentaire. représente une des étiologies les plus
tion de saucisson [40, 41] peuvent Dans une étude espagnole, déjà fréquentes d’asthme professionnel
entraîner des asthmes chez les ancienne, portant sur l’étiologie des en boulangerie artisanale, ce même
salariés de ces industries, exposés asthmes professionnels, les aller- allergène est peu décrit en boulange-
à l’inhalation de spores ou de par- gènes alimentaires en milieu indus- rie industrielle.
ticules fungiques. triel ne représentaient que 2 % des Diversesétudesallergologiques(avec
cas d’asthme professionnel [43]. tests cutanés et dosages d’IgE spé-
O Allergènes d’origine En France, ce secteur économique cifiques) ont été réalisées dans ce
chimique n’apparaît pas dans les dix premiers domaine industriel. La prévalence
Les cas d’asthme professionnel en cause, selon les statistiques pré- de l’asthme professionnel en indus-
dus à des substances de petit poids liminaires issues de la deuxième trie agroalimentaire varie entre 1 %
moléculaire sont très rares dans période d’étude de l’Observatoire et 30 % des professionnels exposés
l’industrie agroalimentaire. [46]. Elle dépend du type de produits
Il peut s’agir de conservateurs alimentaires (tous n’ayant pas la
chimiques comme les sulfites uti- même allergénicité). La prévalence
lisés pour faciliter la conservation est de fait plus élevée dans certains
des produits alimentaires (notam- secteurs comportant des protéines
ment pommes de terre, crustacés, réputées être allergisantes (tableau
fruits secs) et prévenir toute modi- I). La variation de fréquence d’aller-
fication de coloration sous l’effet gies respiratoires observée entre
de l’oxydation. Des cas d’asthme ces diverses publications peut aussi
professionnel à ces additifs ont été s’expliquer par la disparité d’expo-
rapportés [42]. sition professionnelle chez ces
L’utilisation importante de désin- salariés.
fectants comportant des ammo-
niums quaternaires au cours des PRINCIPAUX MÉTIERS À RISQUE
procédés de nettoyage fait craindre Dans l’industrie agroalimentaire,
l’émergence de cette étiologie, à l’exposition aux aliments se pro-
© G. KERBAOL pour l'INRS

l’image de ce qui est décrit dans le duit lors des multiples activités de
domaine de la santé ou des activi- conditionnement en silo, lavage,
tés de nettoyage de locaux. épluchage, découpe, pesage, des-
siccation, conditionnements divers
des matières premières, ainsi que
lors des opérations de mélange,
Nettoyage d'une zone de fabrication d'andouillettes ébouillantage ou cuisson des den-
avec poussoir. rées entrant dans la recette de plats
élaborés.

140 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


Les différents métiers à risque d’al-
lergie respiratoire se répartissent en
diverses activités industrielles :
O stockage des matières premières
alimentaires et des divers auxi-
liaires de fabrication,
O boulangerie et pâtisserie indus-
trielles, fabrication de divers pro-
duits à base de céréales,
O confiserie,
O abattoirs, boucherie et charcuterie
industrielles,
Opoissonnerie industrielle et trans-
formation des produits de la mer,
O fabrication et transformation de
produits laitiers,
O fabrication de conserves, de sur-
gelés, de plats cuisinés.

L’asthme professionnel semble plus


fréquent dans certains secteurs © G. KERBAOL POUR L'INRS

d’activités (tableau 1), exposant les Incorporation des matières premières cuites dans un mélangeur pour une saucisse de porc.
professionnels aux allergènes ali-
mentaires susceptibles d’entraîner
le plus de sensibilisations IgE-dé-
pendantes. Ainsi, les personnels de Les salariés des entreprises de res- et de stockage de matières pre-
l’industrie agroalimentaire prépa- tauration industrielle (plats cuisinés mières alimentaires. Pourtant, les
rant ou transformant les farines de prêts à la consommation) peuvent cas d’asthme ne semblent pas être
céréales et autres poudres utilisées inhaler sur leur lieu de travail de plus fréquents.
en boulangerie, ceux manipulant nombreux allergènes à l’occasion de
poissons, coquillages et crusta- la préparation ou de la cuisson des FACTEURS DE RISQUE
cés et ceux inhalant poudres de plats. La diversité des sources aller- Les facteurs de risque ont été étu-
légumineuses, poussières de café géniques semble plus importante diés à travers les études réalisées
ou aérosols d’enzymes sont plus ,Tableau I : que dans les lieux de production dans un secteur d’activité donné.
souvent atteints d’affections res-
piratoires. Il semble que cela soit la
conséquence d’une exposition à de
> FRÉQUENCE DE L’ASTHME PROFESSIONNEL SELON LES ALLERGÈNES
grandes quantités d’allergènes sous
ALIMENTAIRES
forme pulvérulente ou dispersés en Nombre de salariés Asthme
Référence Agent sensibilisant
aérosol. En particulier, la manipula- exposés étudiés professionnel en %
tion de poudres alimentaires, quelle Feo, 1997 [24 ] Safran 50 2
que soit la source, semble provoquer
plus fréquemment l’apparition d’al- Café vert 31 20
Larese, 1998 [47]
Café torréfié 37 2,7
lergie respiratoire professionnelle.
Pour les fruits de la mer, l’inhalation Crespo, 2001 [48] Farine de lupin 7 14 (1 cas)
est observée notamment en conser- Tabar-Purroy, 2003 [49] Carmine E120 24 8,3
verie, lors de la préparation et de la
cuisson de crustacés ou de coquil- Jensen, 2006 [50] Présure 35 17
lages [54]. Pour les poissons, ce sont Campbell, 2007 [51] Farine de lupin 53 3,7
les opérations d’écaillage, d’éviscé- Jeebhay, 2008 [52] Poissons 594 1,8
ration ou d’épluchage qui sont asso-
Gautrin, 2010 [53] Crustacés 215 15.8
ciés à ces allergies [11].

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 141


ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

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environ, caractérisée par une in-
flammation bronchique à éosino-
philes, objectivée par l’analyse de
l’expectoration induite. La notion
d’asthme professionnel reste donc
difficile à définir objectivement,
et ne doit pas être confondue avec
toute forme d’asthme constatée au
travail, incluant l’asthme de novo et
l’asthme aggravé au travail. L’exis-
tence d’un rythme professionnel,
avec guérison ou amélioration lors
des périodes de congés ou lors du
changement des conditions de tra-
vail permet le plus souvent de dis-
tinguer l’allergie professionnelle
des formes de rhinite ou d’asthme
Fabrication industrielle de biscuits : une ligne de feuilletés. aggravés par un environnement
professionnel comportant un fort
Parmi les facteurs individuels, serres, à une insuffisance de ven- empoussièrement.
le terrain atopique augmente le tilation avec empoussièrement ex- La rhinite professionnelle est carac-
risque d’allergie professionnelle cessif, à l’absence d’évacuation des térisée par l’association de symp-
aux protéines alimentaires [43]. aérosols issus de certaines étapes tômes d’inflammation nasale
Cette relation est nette pour de production. intermittente ou persistante. Le dia-
l’asthme professionnel aux pro- gnostic clinique repose sur l’associa-
duits de la mer [52]. Le suivi de co- tion d’un prurit nasopharyngé, plus
hortes de salariés exposés montre DIAGNOSTIC EN MILIEU ou moins intense, des crises d’éter-
qu’une sensibilisation asympto- DE TRAVAIL nuements en salves, suivies d’une
matique aux allergènes profes- rhinorrhée claire et d’une conges-
sionnels semble également être DIAGNOSTIC POSITIF tion nasale. Les symptômes sont
un facteur de risque [55]. La surve- Chez les professionnels du sec- généralement présents au cours
nue d’une rhinite professionnelle teur agroalimentaire, comme chez de l’activité professionnelle : ils
est considérée comme prédispo- d’autres salariés en contact avec débutent quelques minutes après
sant à la survenue ultérieure d’un des protéines, une période de sen- l’exposition allergénique et ne sont
asthme. Le tabac n’est considéré sibilisation IgE-dépendante, clini- pas liés à des facteurs environne-
comme facteur de risque que par quement asymptomatique, est re- mentaux rencontrés en dehors du
certains auteurs [53]. trouvée. Celle-ci précède toujours lieu de travail. Cette rhinite aller-
La nature de l’allergène module la rhinite ou l’asthme allergique. gique doit être différenciée d’une
la fréquence de sensibilisation : Elle explique l’existence d’une rhinite préexistante et aggravée au
les poudres protéiques paraissent phase de latence, pouvant durer travail, provoquée par l’inhalation
plus à risque que les protéines de quelques semaines à plusieurs de substances irritantes sur le lieu
hydrosolubles sous forme d’aéro- années. de travail. Du point de vue chrono-
sols. L’importance quantitative de Après cette phase, un contact secon- logique, cette rhinite allergique pro-
l’exposition est nette : les profes- daire professionnel avec l’allergène fessionnelle précède l’asthme.
sions administratives sont moins est susceptible de déclencher des Des recommandations de la So-
touchées que les métiers affectés symptômes. L’allergie respiratoire ciété française de médecine du
à la production et à l’ensachage. professionnelle aux allergènes ali- travail (SFMT) et d’autres sociétés
Les conditions environnementales mentaires se traduit le plus souvent savantes pour la prévention et la
jouent donc un rôle essentiel. La par une réaction immédiate sur le prise en charge de cette pathologie
fréquence de la sensibilisation lieu de travail. Il peut cependant sont parues en 2011 [56]. En cas de
peut être due à une hygiène mé- exister une phase semi-tardive, suspicion clinique forte de rhinite
diocre de certains entrepôts ou symptomatique dans 15 % des cas allergique professionnelle, lorsque

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le diagnostic causal ne peut être après modification des conditions de mesurées. La concentration en
étayé par des tests immunologiques travail. Un danger létal existe dans poudres d’origine alimentaire est
et qu’un test de provocation nasale un environnement défavorable et si mesurée en milligrammes par m3,
avec l’allergène suspecté ne peut la sensibilisation est intense [57]. celles des enzymes est de l’ordre
être réalisé, il est préconisé de discu- L’association avec une urticaire du microgramme par m3 [31, 50, 52,
ter l’évaluation de la réponse nasale de contact ou une dermatite de 53], quant aux vapeurs, la présence
sur les lieux de travail par la mesure contact des mains est rare, obser- d’allergènes est quantifiée en na-
de scores de symptômes et l’étude vée en particulier lorsque l’acti- nogrammes par m3 [12].
de la perméabilité nasale par des vité comporte la manipulation de À l’occasion des opérations de pro-
mesures répétées du débit inspira- fruits ou légumes [21]. duction de matières alimentaires
toire de pointe nasal. Cette dernière Une allergie alimentaire peut sur- pulvérulentes, celles-ci, du fait de
peut cependant être d’interpréta- venir secondairement. Elle pour- leur taille très fine, peuvent péné-
tion délicate. rait atteindre 20 % des cas selon trer très profondément dans l’arbre
L’asthme professionnel observé dans les publications de cas isolés mais bronchique.
l’industrie agroalimentaire survient une seule étude épidémiologique
fréquemment dans le contexte d’une mentionne une incidence de 4,3 %
rhinite ou d’une rhinoconjonctivite pour les produits de la mer [52]. Le CONFIRMATION
préexistante. L’asthme professionnel délai d’apparition est très variable, DIAGNOSTIQUE
allergique est évoqué à l’interroga- de quelques mois à dix ans et plus. EN MILIEU SPÉCIALISÉ
toire devant l’association de divers Dans de rares cas, une pneumo-
symptômes présents sur le lieu de tra- pathie d’hypersensibilité doit être DIAGNOSTIC POSITIF
vail, plutôt en fin de poste, ou en soirée recherchée, devant une dyspnée Le diagnostic de rhinite ou d’asthme
après l’activité professionnelle : crises de rythme professionnel. professionnels est établi à la suite
d’asthme, dyspnée ou toux. Cette d’examens complémentaires au-
chronologie des symptômes variable ENQUÊTE ENVIRONNEMENTALE près de spécialistes en otorhino-
selon l’exposition professionnelle est PROFESSIONNELLE laryngologie (ORL), pneumologie
évocatrice du rythme professionnel. Il L’enquête environnementale pro- et allergologie. Ces examens com-
existe avec une amélioration pendant fessionnelle permet d’identifier les plètent les investigations déjà réa-
les congés. principales sources allergisantes, lisées.
Le suivi du débit expiratoire de alimentaires ou non, présentes
pointe (DEP) au cours du travail (en dans l’environnement de travail. ORhinite
début, milieu et fin de poste) et en Elle permet de préciser les condi- L’examen ORL est indispensable en
dehors de l’environnement profes- tions réelles d’activité du salarié. cas de symptômes d’hyperréactivité
sionnel (en période de congés, aux L’étude du poste de travail va no- nasale. Il comporte une évaluation
mêmes heures que durant le travail), tamment permettre de lister les de l’aspect de la muqueuse nasale
oriente vers le diagnostic d’asthme différentes opérations réalisées. par rhinoscopie antérieure (examen
professionnel, en cas de diminu- Une attention particulière sera por- direct des fosses nasales au moyen
tion d’au moins 20 % du DEP lors tée sur les conditions d’exposition, d’un spéculum nasal) et postérieure
des expositions professionnelles. Le en particulier manipulation de (examen par miroir de Clark). Cet
caractère différé des manifestations produits alimentaires sous forme examen clinique est complété par
cliniques rend cependant plus diffi- de poudres ou d’aérosol, inhalation une endoscopie nasale, à la re-
cile la recherche d’une étiologie pro- de vapeurs issus des opérations de cherche d’anomalies du septum des
fessionnelle de l’asthme. La sympto- chauffage, mais aussi opérations fosses nasales, d’une polypose naso-
matologie du travailleur s’améliore de nettoyage du poste de travail. sinusienne. Le scanner des sinus
également lors d’un changement La richesse en allergènes varie n’est prescrit que sur un avis spécia-
de poste de travail : en cas de reprise avec le poste de travail : pour les lisé, pour éliminer un diagnostic dif-
d’une activité avec exposition com- crustacés, la présence est maxi- férentiel. La mesure de perméabilité
parable à celle ayant initialement dé- male à proximité du lieu d’ébouil- nasale n’est pas disponible auprès
clenché les symptômes, on observe lantage [11, 58, 59]. de tout spécialiste ORL : elle peut
une récidive clinique analogue. L’évo- Dans plusieurs études, les quan- être évaluée au moyen de la rhi-
lution se fait dans le sens d’une gué- tités de particules présentes dans nomanométrie (par diverses tech-
rison ou d’une nette amélioration l’atmosphère de travail ont pu être niques telles que rhinomanométrie

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 143


ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

antérieure ou postérieure ou acous- line est constante. Ce test permet DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
tique), nécessitant un appareillage de définir la dose de métacholine La mise en évidence d’un méca-
particulier. Cette évaluation n’est déclenchant la baisse d’au moins nisme physiopathologique aller-
pas toujours reproductible chez 20 % du VEMS (PD20 VEMS). Il peut gique à l’origine des symptômes
un même patient, ce qui rend son être réalisé en période de travail et observés nécessite une expertise al-
interprétation délicate. De même, comparé à celui effectué après un lergologique. Cette démarche spécia-
la cytologie des secrétions nasales arrêt de l’exposition profession- lisée recherche d’une part l’existence
ou la mesure de l’oxyde nitrique nelle durant une période minimale d’un terrain atopique et, d’autre part,
(monoxyde d’azote ou NO) nasal, de 10 jours (congés ou arrêt de tra- aboutit à l’établissement du lien
reflétant une inflammation nasale vail). Une variation significative de existant entre exposition à des aller-
à éosinophiles, ne sont pas réalisées la PD20 VEMS représente un indice gènes professionnels et symptômes
en pratique clinique courante. objectif du rythme professionnel de rhinite ou d’asthme.
de l’asthme.
O Asthme O Tests immuno-
Les examens pneumologiques d’ex- Autres explorations allergologiques
ploration de l’asthme profession- L’existence d’une inflammation La sensibilisation IgE-dépendante
nel allergique comprennent des bronchique à éosinophiles peut est mise en évidence par des prick-
moyens identiques à l’investigation être suspectée par la mise en évi- tests (standardisés ou réalistes)
clinique d’un asthme allergique. dence d’une augmentation du aux sources alimentaires suspec-
taux d’oxyde nitrique exhalé (NOe) tées, par détermination d’IgE spé-
Explorations fonctionnelles respi- mesuré dans l’air expiré. Des exa- cifiques in vitro à la source totale
ratoires (EFR) mens radiologiques (radiographie ou par immunoblots identifiant les
L’exploration fonctionnelle respira- pulmonaire, scanner thoracique) différents allergènes (du domaine
toire comporte notamment la me- peuvent, dans certains cas, être de la recherche). Ces tests détectent
sure du volume expiratoire maxi- prescrits par le spécialiste en cas une sensibilisation IgE-médiée,
mal à la première seconde (VEMS), de dyspnée atypique, de toux parfois sans pertinence clinique.
du débit expiratoire de pointe chronique sans hyperréactivité
(DEP), des débits expiratoires dis- bronchique non spécifique, à la re- Tests cutanés à lecture immédiate
taux et de la capacité vitale (CV) : cherche d’un syndrome interstitiel. Les tests cutanés à lecture immé-
ces explorations peuvent être réa- diate ou prick-tests sont des pi-
lisées par spirométrie ou pléthys- O Pneumopathie qûres épidermiques superficielles,
mographie. L’existence d’un syn- d’hypersensibilité indolores, réalisables à tout âge, in-
drome obstructif réversible après Certaines sources alimentaires, en terprétables 20 minutes après leur
inhalation d’un bronchodilatateur général des moisissures, peuvent réalisation. Un test témoin négatif
documente le diagnostic d’asthme. entraîner l’apparition d’une pneu- est réalisé avec du sérum physio-
Une variabilité lors de mesures ité- mopathie d’hypersensibilité. Cette logique glycérolé, et un test positif
ratives, en périodes de congés et pathologie est la conséquence d’un avec de l’histamine. Ces tests sont
d’activité professionnelle, oriente mécanisme immunologique non interprétés à 20 minutes : lorsque
vers une origine professionnelle IgE-dépendant. le diamètre de la papule mesurée
de l’asthme. Cependant, dans cer- Le diagnostic de pneumopathie est supérieur ou égal à celui du
tains cas, les EFR de base peuvent d’hypersensibilité est réalisé témoin positif, le test à l’extrait
être normales, ce qui ne permet grâce à l’imagerie thoracique (to- allergénique est considéré comme
pas d’éliminer le diagnostic. La modensitométrie) objectivant un positif.
recherche d’une hyperréactivité syndrome interstitiel diffus. Les Des prick-tests cutanés à lecture
bronchique non spécifique est examens complémentaires com- immédiate aux pneumallergènes
alors indiquée pour confirmer le portent une mesure du transfert du usuels de l’environnement sont
diagnostic d’asthme. CO (mise en évidence d’un trouble réalisés à la recherche d’un terrain
de la capacité de diffusion du CO ou atopique. L’atopie est alors définie
Hyperréactivité bronchique non DLCO) et un examen cytologique comme la positivité d’au moins un
spécifique (HRBNS) de l’expectoration induite ou du la- de ces tests.
L’hyperréactivité bronchique (HRB) vage broncho-alvéolaire (alvéolite Actuellement, les extraits allergé-
objectivée par test à la méthacho- lymphocytaire). niques commerciaux devant dis-

144 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


poser d’une autorisation de mise cifiques commercialisés permet le le cas à certains postes de travail
sur le marché comparable à celle plus souvent de confirmer l’allergie dans l’industrie agroalimentaire,
requise en thérapeutique, il reste respiratoire suspectée. où le salarié est exposé à un grand
peu d’extraits à la disposition du Des dosages d’IgE sériques utili- nombre d’allergènes potentiels.
clinicien. L’allergologue a donc sou- sant des protéines recombinantes
vent recours à des tests cutanés vis-à-vis des sources allergéniques Test de provocation nasale (TPN)
vis-à-vis des sources allergéniques animales (lait, œuf, viandes) et spécifique
naturelles identifiées dans l’indus- végétales (fruits, légumes, graines) Ce test est considéré comme l’exa-
trie agroalimentaires. La technique ont été également commercialisés men de référence pour le diagnostic
dite « prick in prick » (poncture épi- depuis plusieurs années. Ces tests de la rhinite allergique profession-
dermique au travers de l’aliment sont utiles pour caractériser le pro- nelle [61]. Il vise à reproduire dans
naturel) est comparable à celle pra- fil de sensibilisation individuel. Ces des conditions de laboratoire, par la
tiquée dans le diagnostic de l’aller- protéines allergéniques sont sou- mise en contact de l’allergène avec
gie alimentaire [60]. Dans certains vent communes à plusieurs sources la muqueuse nasale, la symptoma-
cas, il peut être nécessaire de prati- et expliquent la fréquence de réac- tologie clinique (calcul de scores
quer des tests avec la forme crue et tivité multiple constatée. Ces tests de symptômes) et à mesurer l’obs-
cuite d’une même source allergé- reposent sur la réactivité croisée truction nasale par rhinomanomé-
nique, ou avec les produits issus de biologique des IgE entre les diffé- trie. Les principaux inconvénients
la transformation par les procédés rentes espèces animales ou végé- restent son accessibilité réduite
technologiques (néo-allergènes). tales. La technologie des biopuces puisque peu de centres spécialisés
Ces investigations nécessitent une à allergènes permet de disposer de réalisent cet examen et l’absence
bonne collaboration avec l’em- résultats semi-quantitatifs vis-à-vis de standardisation des modalités
ployeur pour la mise à disposition de 139 protéines allergéniques en d’administration nasale des aller-
de toutes les substances identi- un seul test : l’évaluation de l’intérêt gènes et des critères de positivité.
fiées dans l’environnement profes- de cette technique reste à préciser Les recommandations pour la pré-
sionnel au moment de l’enquête en allergologie professionnelle, no- vention et la prise en charge de la
environnementale effectuée par tamment dans l’industrie agroali- rhinite allergique professionnelle
l’équipe de santé au travail. mentaire. précisent la place du TPN dans la
Dans certains cas de sensibilité in- stratégie diagnostique de confir-
Tests de détection d’IgE spécifiques dividuelle particulière à une source, mation de cette pathologie [56].
in vitro pour laquelle on ne dispose d’aucun Cet examen est indiqué en cas
Les tests de dosages in vitro des dosage commercialisé, certaines d’impossibilité d’étayer le diagnos-
IgE sériques sont utilisés par l’aller- équipes développent un couplage tic par des tests immunologiques
gologue pour confirmer la sensibili- spécial de l’allergène au support de et lorsque l’allergène suspecté s’y
sation immunologique. Ils sont très dosage habituel ou ont recours à prête.
sensibles. Pour certains allergènes des techniques de recherche, telles
végétaux, ils sont cependant moins que ELISA* ou Immunoblot. * ELISA : Enzyme- Test de provocation bronchique
linked immuno-
spécifiques que les tests cutanés. sorbent assay.
spécifique
Il existe des dosages biologiques O Tests de provocation Le test de provocation bronchique
unitaires disponibles pour de nom- spécifique spécifique comporte le plus sou-
breux aliments (ImmunoCap®, Dans certains cas, lorsque plu- vent, sous surveillance médicale
Thermo Scientific Inc., Suède). Sur sieurs sources allergéniques sont constante, la reproduction du geste
chaque test est fixé un extrait de suspectées d’être en cause, le dia- professionnel permettant l’inhala-
la source allergénique naturelle, gnostic n’est parfois démontré tion d’un seul agent causal à la fois,
contenant des molécules allergé- qu’après test de provocation (na- dans une cabine d’exposition. Ce
niques et non allergéniques. Le taux sale ou bronchique) à l’allergène. test est pratiqué au sein de structure
mesuré dépend de la qualité de En effet, il peut persister des in- hospitalière rompue au traitement
l’extrait ; il est déterminé en unités certitudes ou des difficultés pour en urgence d’une crise d’asthme. Il
arbitraires, par comparaison à une établir le lien de causalité entre est pris en charge par un clinicien
gamme de sérums étalons. Dans le la pathologie observée (rhinite ou expérimenté. L’ensemble de ces
domaine alimentaire, cette impor- asthme) et l’exposition aux pro- conditions n'est réuni que dans cer-
tante diversité de dosages d’IgE spé- téines alimentaires. Cela peut être tains centres spécialisés.

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 145


ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

La concentration en allergènes au- premières ou de nettoyage, utili- PRÉVENTION MÉDICALE


quel le salarié est exposé dans cette sation de systèmes de transfert de À l’embauchage, on évitera d’affec-
cabine fermée et ventilée, peut être matières pulvérulentes en vase clos ; ter aux postes présentant un risque
différente de celle observée sur le O la ventilation générale des locaux de concentrations élevées de pro-
lieu de travail, du fait de la difficulté de travail ; téines en aérosol les sujets por-
de reproduire expérimentalement O la mise en place d’aspirations teurs d’un asthme symptomatique
les conditions réelles d’activité. Le efficaces aux postes de travail expo- ou d’une autre affection respira-
test de provocation bronchique est sant à des protéines en aérosol, par toire chronique. L’examen clinique
effectué selon différentes procé- exemple à proximité des appareils peut être complété par des EFR qui
dures : inhalation d’un extrait de de cuisson ; serviront d’examen de référence.
protéines solubles, d’un aliment O le choix des procédés les moins L’atopie semble être un facteur de
préparé par broyage, d’un aliment exposants : l’utilisation de solutions risque de sensibilisation aux pro-
cuit, de vapeurs de cuisson, d’aller- d’enzymes prêtes à l’emploi est pré- téines alimentaires mais elle ne
gène purifié. férable à la reconstitution de pro- peut contre-indiquer l’embauche
Pour les farines de céréales, cer- duits en poudre ; du salarié dans un secteur d’activi-
taines équipes disposent d’un aé- O le nettoyage régulier et soigneux tés l’exposant à ces allergènes.
rosoliseur, standardisant la quan- des locaux par lavage des postes de La pathologie respiratoire allergique
tité de poudre d’allergènes inhalée travail ; professionnelle est fréquemment
lors du test de provocation. Dans le O l’information des salariés sur les sous-diagnostiquée. Cela implique
cas d’un test de provocation spé- risques de sensibilisation aux pro- une surveillance médicale régulière
cifique à ces agents, la méthodo- duits de la mer et la formation aux des professions exposées aux pro-
logie permet une exposition pro- règles d’hygiène. téines alimentaires et plus particu-
gressive et mesurée. On peut noter que, dans l’industrie lièrement des salariés présentant
Le résultat du test de provocation agroalimentaire, les mesures prises des antécédents d’atopie. L’interro-
nasale ou bronchique est positif pour éviter la contamination des gatoire par le médecin du travail, à
lorsqu’il reproduit la symptoma- aliments lors de leur préparation l’occasion des visites périodiques,
tologie, ou lorsqu’il entraîne une ont également pour conséquence est au centre de la démarche de dia-
modification de la fonction nasale de diminuer l’exposition du salarié gnostic précoce. Celui-ci recherche-
ou bronchique (diminution de par voie respiratoire ou cutanée. ra plus particulièrement des signes
la perméabilité nasale, chute du évocateurs de rhinite, de conjoncti-
VEMS ou variation significative de O Prévention individuelle vite ou d’asthme. Les EFR peuvent
l’hyperréactivité bronchique non Elle n’est préconisée qu’en cas être répétées à intervalles réguliers.
spécifique [différence de 2 paliers d’échec ou d’impossibilité de mettre L’existence de spiromètres portatifs
de la dose de métacholine]). en œuvre des mesures collectives permet la réalisation de ces explo-
limitant l’exposition aux allergènes. rations fonctionnelles respiratoires
Les salariés doivent pouvoir disposer par le médecin du travail.
PRÉVENTION de vêtements de travail spécifiques, L’apparition de manifestations res-
régulièrement (voire quotidienne- piratoires suspectes d’allergie pro-
PRÉVENTION TECHNIQUE ment, si possible) nettoyés ou chan- fessionnelle doit conduire à des avis
O Prévention collective gés. Des équipements de protection et examens complémentaires spé-
La production ou la manipulation de individuelle (EPI) adaptés doivent cialisés précoces.
produits alimentaires, notamment être mis à disposition, en particulier Après la confirmation diagnostique
d’origine végétale, sous forme de des gants et des appareils de protec- d’une affection respiratoire profes-
poudre ou d’aérosol étant à l’origine tion respiratoire. Le choix de ces der- sionnelle, la prévention secondaire
d’asthme professionnel, la préven- niers sera fonction des conditions de repose sur l’éviction de l’allergène
tion porte sur la maîtrise des niveaux travail : demi-masques, masques…, responsable. La disparition complète
d’exposition atmosphérique. Les équipés de filtres P3. Cependant, le de la symptomatologie allergique
mesures techniques comprennent recours aux équipements de protec- est d’autant plus observée que le
notamment : tion respiratoire ne peut se faire que diagnostic est précoce. Elle nécessite
O l’automatisation de certains pro- pour certaines tâches limitées dans souvent un changement de poste de
cédés de transformation de matières le temps. travail. Un reclassement profession-

146 N° 130 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — JUIN 2012


nel au sein de l’entreprise peut être confirmés par l’exploration fonc-
POINTS À RETENIR
difficile du fait de la présence en gé- tionnelle respiratoire et la présence
néral ubiquitaire dans l’atmosphère d’anticorps précipitants dans le · Le risque d’allergie respiratoire
professionnelle aux protéines
de travail des allergènes provenant sérum contre l’agent pathogène
alimentaires concerne toutes
des produits alimentaires. responsable ou à défaut résultats de
les sources utilisées pour la
lavage broncho-alvéolaire (lympho- production d’aliments destinés
cytose). Les travaux limitativement à la consommation humaine ou
RÉPARATION désignés comprennent notamment animale.
la manipulation ou la fabrication
Pour les salariés de l’industrie agroa- exposant à des spores de moisis-
· Les cas rapportés en milieu
industriel semblent moins
limentaire, la déclaration d’une rhi- sures ou à des actinomycètes conta- nombreux que ceux constatés vis-à-
nite ou d’un asthme professionnels minant les particules végétales ou vis des mêmes substances en milieu
peut être proposée au titre du ta- animales suivantes : bagasse de la artisanal.
bleau n° 66 : « rhinite et asthme pro- canne à sucre, malt, paprika, char-
fessionnels » du régime général de la cuterie, fromages (affinage)… ; le
· Les allergies respiratoires dans
l’industrie agroalimentaire résultent
Sécurité sociale, mentionnant tout broyage des graines de céréales, le plus souvent d’une sensibilisation
travail en présence de protéines en l’ensachage et l’utilisation des fa- IgE-dépendante.
aérosol. Ces pathologies peuvent rines ; la préparation et la manipu-
être reconnues en maladies profes- lation du café vert, du thé, du soja, du
· L’enquête allergologique repose
essentiellement sur la réalisation de
sionnelles si elles sont objectivées houblon, de l’orge ; la préparation et tests cutanés réalistes et le dosage
en cours d’activité professionnelle la manipulation de champignons d’IgE spécifiques.
(jusqu’à une période de 7 jours après comestibles.
la fin de l'exposition), récidivent en Pour les salariés relevant du régime
· La plupart des salariés allergiques
peuvent continuer à consommer
cas de réexposition aux protéines agricole, la rhinite et l’asthme pro- l’ingrédient responsable de rhinite
alimentaires ou sont confirmées fessionnels aux protéines alimen- ou d’asthme professionnels, le profil
par test. En cas d’asthme, le syn- taires peuvent être pris en charge de sensibilisation professionnelle
drome obstructif réversible doit être au titre du tableau n° 45 « Affections aux allergènes des sources
prouvé par des explorations fonc- respiratoires professionnelles de alimentaires se distinguant de celui
tionnelles respiratoires variables mécanisme allergique ». Une liste de l’allergie alimentaire, en ce qui
en fonction de l’exposition. Il n’y a indicative de travaux susceptibles concerne les farines de céréales et
pas d’obligation de réaliser un bilan de provoquer ces maladies est men- les végétaux.
allergologique prouvant la sensibi- tionnée incluant la manipulation · Outre l’existence d’un terrain
lisation, ou démontrant, par un test ou l’emploi habituel, dans l’exercice atopique individuel, la teneur
de provocation bronchique spéci- de la profession, de tous produits. atmosphérique en allergènes
fique en milieu spécialisé, le lien de Dans ce même tableau est désignée alimentaires de haut poids
causalité. la pneumopathie interstitielle aiguë
moléculaire au poste de travail
est un facteur de risque d’allergie
D’autres agents étiologiques sont ou subaiguë. Une liste indicative des
respiratoire identifié dans ce secteur.
listés dans le tableau n° 66 comme principaux travaux susceptibles de
les ammoniums quaternaires et provoquer cette pathologie men- · La prévention technique,
leurs dérivés et les détergents. tionne les activités exposant à l’in-
facilitée par les règles d’hygiène
environnementale stricte qui
La rhinite et l’asthme profession- halation de poussières provenant
caractérisent ce domaine industriel,
nels aux protéines du latex peuvent notamment de l’affinage des fro- réduit l’exposition aux allergènes.
être déclarés au titre du tableau mages, du broyage ou du stockage
n° 95 du régime général de la Sécu- des graines de céréales alimentaires
rité sociale. (blé, orge, seigle), de l’ensachage de
Le tableau n° 66 bis permet égale- la farine et de son utilisation indus-
ment la prise en charge de la bron- trielle.
choalvéolite aiguë ou subaiguë avec
syndrome respiratoire (dyspnée, L'auteur remercie le Pr D.A. Moneret-
toux, expectoration) et/ou signes Vautrin pour son aide à la rédaction
généraux (fièvre, amaigrissement) de cette fiche.

JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 147


ALLERGOLOGIE PROFESSIONNELLE

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JUIN 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 130 149

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