Initiation À La Taille Pommier & Poirier
Initiation À La Taille Pommier & Poirier
Initiation À La Taille Pommier & Poirier
INITIATION A LA TAILLE.
Cette méthode est destinée à l’amateur qui possède des arbres jeunes ou vieux et qui s’interroge sur
la nécessité et la logique de la taille.
Avant de saisir un sécateur, une scie ou une serpette, je vous invite à lire avec attention ces quelques
lignes et de prévoir ensuite une promenade à la campagne afin de vérifier et de vous imprégner des
notions simples, mais indispensable, qui seront exposées dans ces pages.
Ce travail n’a aucune prétention scientifique : il n’est finalement que le résultat de longues
observations et de la pratique du verger.
UN PEU D’HISTOIRE...
L’arbre fruitier d’aujourd’hui est le produit d’une domestication végétale très ancienne. On a retrouvé,
tout près de chez nous, dans les stations lacustres helvétiques, des restes de pommes assez grosses
(alors que la pomme sauvage est petite). Mais c’est en Asie, aux Indes et en Chine que l’on a tout
d’abord cultivé des arbres fruitiers en pratiquant le semis, la sélection et l’on trouve encore
aujourd’hui des forêts d’arbres fruitiers plantées certainement par la main de l’homme.
Ces obtentions gagnent ensuite le bassin méditerranéen où elles sont stabilisées et multipliées par
l’invention de la greffe que les Romains pratiquent déjà (Pline cite 26 variétés de pommes à gros
fruits et 41 variétés de poires).
L’introduction de ces arbres en France fait suite à l’invasion romaine, mais aussi, au temps de la
christianisation, au retour des missionnaires espagnols qui ramènent d’Orient des greffons, voire des
arbres entiers, créant un courant d’échange de hameaux à villages où l’on assiste à une sélection
orientée en partie vers lea production de cidre et d’alcool. Ce mouvement atteint l’Alsace au temps de
Louis XIV avec la création d’une pépinière royale à Kintzheim par le Baron de Monclar et à
Harthausen, près de Haguenau, sur un domaine du Maréchal d’Huxelles.
Soulignons également que dans le Haut-Rhin, à partir de 174O, la famille Baumann, pépiniéristes de
père en fils, a créé des variétés encore célèbres de nos jours (pommier Reinette Baumann , noisetier
Merveille de Bollwiller).
Il est permis de supposer que l’intervention de l’homme, depuis des millénaires, par le semis, la
sélection empirique, la fixation des mutations, la multiplication par la bouture, la marcotte, la greffe, a
eu une influence défavorable sur l’harmonie de la charpente, équilibre qu’il faut rétablir et qui exige la
taille (seuls certains cerisiers, les poiriers à cidre, les noyers forment une charpente acceptable). De
plus, l'homme a toujours établi sa sélection d'après la qualité des fruits, en ignorant la charpente.
Remarque : Seul l’homme taille ses arbres sur notre planète. La Nature, qui pourtant ne possède pas
de sécateur ni autre instrument de coupe, produit d'excellents sujets.
La sève brute....
Le mécanisme qui gère la circulation de la sève est encore très mystérieux et fort complexe.
La sève brute (eau + azote +acide phosphorique + potasse + calcaire + magnésie + oligo-éléments)
est pompée dans le sol par les racines et qu’elle s’élève dans le tronc jusqu’à l’extrême pointe du
sommet.
Au printemps, au départ de la végétation, elle irrigue les bourgeons, ce qui provoque l’éclosion et le
déploiement des feuilles, mais elle n’est pas encore nutritive (les bourgeons se sont développés grâce
aux éléments mis en réserve à l’automne précédent.).
La sève élaborée...
La sève brute, qui circule à présent dans les feuilles, va subir une transformation complète : elle
devient nutritive grâce à l’action du soleil, de la photosynthèse et de l’assimilation chlorophyllienne.
Les feuilles sont de véritables capteurs solaires. L’énergie lumineuse interceptée par la chlorophylle
modifie la sève brute en lui injectant des matières carbonées (amidon, glucose) qu’elle véhiculera
dans l’arbre en suivant une circulation descendante jusqu’aux racines dont elle doit également
assurer le développement afin d’explorer le sol à la recherche de nouvelles sources de nourriture et
d’assurer un parfait encrage de l’arbre.
C’est la sève élaborée qui alimente les bourgeons et les transforme en feuilles, en branches, en
fruits.
Nous savons que la sève élaborée provient des parties les plus hautes de l’arbre pour atteindre
ensuite les branches les plus basses. Pour vérifier celà, observez en été un vieil arbre fruitier
abandonné. Comme il est très haut, il ne produit plus suffisamment de sève pour nourrir toute sa
charpente : le sommet est encore bien vert tandis que les branches du bas sont mortes de faim et
desséchées... les racines ne peuvent plus se développer pour rechercher de nouvelles sources
d’alimentation. Cet arbre dépérira doucement.
Première réflexion : Pour alimenter les branches inférieures, il aurait fallu réduire la consommation
du sommet grâce à la taille.
La forme idéale.
Une observation logique nous permet d’affirmer que la forme idéale de la charpente est le cône,
lequel tient compte à la fois de l’alimentation et de la présentation du feuillage au soleil.
En effet, les branches du haut sont courtes, leur consommation de sève élaborée est réduite au profit
des branches des étages suivants qui deviennent de plus en plus longues et de plus en plus
exigeantes, notamment celles du bas.
L’ensoleillement nécessaire à la photosynthèse est idéal, le feuillage du haut ne faisant pas d’ombre à
celui se trouvant plus bas.
La nature peut encore nous proposer des sujets « type » qui serviront d’exemples vivants pour nos
travaux de taille : ce sont les conifères, en particulier, l’épicéa (sapin de Noël).
Ne négligez pas pour autant l’observation d’autres essences sauvages , profitez de vos balades à la
campagne pour observer la forme des arbres et constater alors que les branches du haut sont courtes
pour ne pas désavantager celles du bas.
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LES METAMORPHOSES DU BOURGEON (pommiers, poiriers).
Si notre arbre construit sa charpente et développe ses branches, nous lui demandons également et
surtout de fructifier.
Le BOURGEON ou oeil est à l’origine de la naissance de tout organe : feuille, branche, fleur, fruit.
EVOLUTION DU BOURGEON :
L’évolution du bourgeon en branche, en fruit est conditionné par la quantité de sève dont il va
disposer:
(Ce dernier principe peut sembler paradoxal, mais il en est des végétaux comme pour les autres
formes de vie :lorsque l’arbre est formé et que le flux fougueux de la jeune sève est stablisé, l’arbre
reproduira par le fruit, porteur de graines. La fructification est donc une forme de la maturité.)
Moins de sève : le bourgeon se transforme en dard, l’année suivante en bourgeon à fruit qui
donnera un fruit au cours de la 3° année.
Une fois établi, le bourgeon à fruit est irréversible. Même s’il subit les effets d’une taille courte, il
produira un fruit.
Cette propriété est utilisée pour la conduite des espaliers (1).
En résumé : nous observerons sur un arbre adulte les trois formes du bourgeon : l’oeil à bois, le dard,
le bourgeon à fruit.
Nous avons déterminé que les parties les plus élevée de l’arbre sont les mieux alimentées.
NB : Ce phénomène se retrouve également dans chaque branche ou chaque rameau : les bourgeons
d’extrémité sont les mieux alimentés et ceci est également vrai pour les yeux placés sur le dessus des
branches (suite à une erreur de génétique qui se transmet sans arrêt , ces yeux vont produire des
branches parasites : les gourmands).
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La sève élaborée se comporte en effet comme un gaz léger que la pression pousse vers le bas, mais
qui profite de chaque occasion pour se transporter vers les points hauts des branches qu’elle irrigue.
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LES GOURMANDS .
1 : le bourgeon terminal (il est le plus haut, le mieux placé) sera favorisé par la sève et se met à
développer un rameau à bois pour prolonger la branche.
Nous venons d’assister à la naissance du gourmand, le bien nommé car il dévore tout ce qu’il peut et
acquiert ainsi une forte vigueur au détriment de la branche qui le porte dont l’extrémité dépérira au
bout de quelques années par manque de sève.
3 : moins bien alimentée, l’extrémité de la branche sera freinée dans sa croissance et se mettra « à
fruits » (moins de sève = fruits), tandis que son poids la courbera vers le bas.
4 : le gourmand s’incline aussi dans l’aventure, fructifiera, pliera sous la charge des fruits, s’inclinera
et donnera naissance à un nouveau gourmand, etc, etc..., d’où la forme caractéristique des vieux
arbres abandonnés dans les vergers et dans les champs.
Si la sélection millénaire nous offre des arbres chargés de fruits excellents, nous avons déterminé qu’il
ne sont pas capables d’établir une charpente bien équilibrée et assez solide pour supporter le poids de
la récolte, d’où les branches cassées au moindre coup de vent, ou mortes par sous alimentation et
livrées aux parasites.
2 : L’oeil qui se trouve sous le point de taille développera un rameau vigoureux qui remplacera le bois
que vous avez coupé. Vous l’aurez choisi placé sous la branche afin qu’il ne se transforme pas en
gourmand.
4 : Supprimerez, tout au long de l’année, toute tentative de formation de gourmand sur le dessus de
la branche qui viendrait détruire votre spéculation.
Traitez de la même façon chaque branche charpentière, chaque année pour obtenir et maintenir une
charpente toujours plus robuste et bien orientée en respectant la règle fondamentale :
Réduire la longueur et l’importance des branches du haut pour nourrir et maintenir celles
du bas.
Ils sont également précieux et porterons des fruits : taillez court vers le haut pour favoriser la base.
Vous traiterez ainsi chaque branches jusqu’au sommet en supprimant au passage celles qui feraient
double emploi (qui se chevauchent, se touchent ou se gênent) et vous aurez ainsi taillé correctement
votre arbre en gardant toujours dans l’optique la forme du conifère qui doit vous servir de modèle.
Vous savez maintenant choisir et faire démarrer l’oeil le plus favorable.Vous réduirez le rameau de
pointe du tiers en choisissant un oeil qui permettra de conserver un axe parfaitement perpendiculaire
au sol. Il est en principe diamétralement opposé à celui utilisé l’an dernier, mais cette règle n’est pas
fixe : si l’arbre manifeste une volonté de partir de travers, vous taillerez dans le sens utile, et ceci,
tant qu’il le faudra pour revenir dans l’axe.
Choisir le rameau le mieux placé qui doit prolonger le tronc (il y en a parfois plusieurs), supprimer
les concurrents, réduire des 2/3 sur l’oeil le mieux placé pour rester bien dans l’axe.
Jugez d’un coup d’oeil l’aplomb, la bonne symétrie des branches par rapport au tronc et rectifier si
nécessaire.
Ce travail sera répété chaque année jusqu’à l’âge adulte de votre sujet, âge qui se traduira par une
pousse moins vigoureuse des prolongements des bois de l’année mais une bonne fructification.
Vous vous attaquerez tout d’abord à cette tâche qui fera le plus grand bien en revitalisant les
branches fruitières.
Tachez de déterminer un axe central et supprimez les branches concurrentes. Recherchez à rétablir la
forme conique en élaguant soigneusement la « forêt » couronnant le sommet du vieil arbre.
Eliminez soigneusement tout bois mort ainsi que les branches trop proches les unes des autres et
faisant double emploi.
Supprimez les moignons, rafraîchissez les cassures d’un coup de scie, soignez les chancres, plaies de
taille et toutes cavités en mastiquant :
- les grosses plaie au goudron de Norvège,
- les autres au mastic à cicatriser,
- les chancres avec des préparations à base de fongicide.
Terminez le travail par un traitement aux huiles + antimousse + sulfate de cuivre qui débarrassera le
tronc et les branches des lichens et des mousses tout en détruisant les oeufs des parasites et les
spores des champignons qui transmettent les maladies aux branches, feuilles et fruits.
Vous l’inclinerez doucement pour ne pas le casser à l’aide d’une ligature en utilisant la vieille branche
comme tuteur.
Le bois du gourmand incliné durcira en août, (il s’aoûte) et conservera sa nouvelle forme, et vous
porrez scier le vieux moignon dès l’automne.
Taillez la nouvelle branche assez court sur un oeil bien placé pour parachever sa nouvelle direction.
Au cours des ans, vous pourrez régénérer ainsi les vieux arbres fruitiers de votre jardin tout en vous
ménageant une petite production fruitière.
Conclusion.
Regardez maintenant vos arbres d’un oeil nouveaux, consultez des ouvrages spécialisés pour
comprendre le pourquoi de tous les tours de main, les finesses, les méthodes de taille mises au point
par des générations d’arboriculteurs passionnés.
Jean Lauter
(1) Un exellent manuel qui traite de la taille des espaliers: La tailles des arbres fruitiers - Poirier par
P.GRISVARD .(La Maison Rustique éditeur.)