Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


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16 oct. 2023

Delphes et la Pythie

Vue de Delphes - Le théâtre (photo par Axel)

A Delphes, le paysage en cascade accroché à flanc de colline, abrite de vestiges hallucinés. Là, dans les parages du mont Parnasse se trouverait le nombril du monde, l’Omphalos. Voici ce qu’en dit Pausanias :  

« Ce que les habitants de Delphes appellent omphalos est en fait une pierre blanche et considérée comme se trouvant au centre de la terre, et Pindare, dans une de ses Odes, confirme cette opinion. »

 

Dans le musée archéologique de Delphes -Sphinx des Naxiens(photo par Axel)

Parmi les ruines du sanctuaire rôdent les fumerolles de sentences célèbres ; ainsi Gnothi seauton (en grec ancien Γνῶθι), signifiant « connais-toi toi-même ». Maxime qui était gravée à l'entrée du temple d'Apollon et qui à l’époque était une mise en garde contre l’hubris humaine … De ce temple ne restent aujourd’hui que quelques colonnes – tout passe …

 

Temple d'Apollon (photo par Axel)

La Tholos, rotonde du IVe s. av. J. (photo par Axel)


Delphes abritait aussi la célèbre Pythie.

J’emprunte le texte qui suit à Mélanie, dont je ne saurai trop conseiller d’aller s’abonner à sa page :

« La divinisation est une pratique qui existe depuis l’antiquité. Pour les grecs il y a une grande médium qu’il faut consulter c’est la Pythie, une prêtresse qui était présente dans le sanctuaire de Delphes et qui pouvait être occasionnellement consultée par les grands dirigeants grecs, contre des offrandes. Selon les textes la Pythie entrerait en contact direct avec Appolon, et pour se faire a besoin d’un peu d’aide. Selon les sources elle était l’influence de vapeur de laurier – pour information le laurier c’est une plante toxique quand on la fume. Tu m’étonnes qu’elle avait des visions. Malgré cela la pythie était assez nébuleuse. Tant est si bien que des prêtres étaient chargés d’interpréter la vision et devaient rédiger sous forme de vers la prophétie avant de la donner aux commanditaires. »



Dans le musée archéologique (photo par Axel)

Vue de Delphes (photo par Axel)


9 sept. 2023

Visiter l'au-delà en compagnie de Paul Veynes

 


En 2015, j'écrivais, en première page de l'ouvrage, selon une manie qui m'est propre, « Lire Paul Veynes, c'est comme boire une liqueur sous le soleil ».. Je venais d'ouvrir « L'empire gréco-romain ».

Mais il est des monuments qui ne peuvent se lire qu'avec parcimonie – du moins chez moi. Aussi ai-je ajouté en 2021 : « J'en reprends une gorgée, dans le jardin (reprise page 209) ». Il faut savoir que cet essai ne comporte pas moins de 1044 pages.

J'en reviens donc, en ce samedi de canicule de septembre de reprendre le fil de cette lecture à la page 640.

Et de me dire, sans que ce cela soit ici d'aucune utilité, que finalement je n'aurai pas réussi à finir ce livre avant la mort de son auteur (29 septembre 2022). Car je suis précisément arrivé à un passage où il est question de trépas. Une problématique qui dépasse le strict cadre de l'empire gréco-romain. J'en relève sur le fil quelques fragments, et les abandonne à l'attention des quelques improbables arpenteurs de chimères qui se perdront sur cette page :

___________

Figure féminine, probablement Vénus, provenant d'une tombe romaine de Fondo Fraia, Pozzuoli, vers 40-100 ap. J-C


« Les mythes orphiques ou les initiations dionysiaques auxquels accédaient une minorité de riches lettrés promettaient d'obtenir les faveurs des dieux dans l'au-delà (…) Mais ce paradis souterrain ne comportait pas d'enfer éternel (…) Le grand dilemme chrétien du salut ou de la damnation éternels ne se posait pas » (p 641)

« Quant à l'imagination populaire (…) Elle se représentait le séjour des morts comme un lieu triste et ombreux où la vie était ralentie et morne » (p 642)

«  … le scepticisme des classes lettrées ; César, grand pontife, pouvait sans impiété ni scandale affirmer en plein Sénat qu'il n'y avait rien après la mort » (p 644)

« … lorsque nous-mêmes mettons des fleurs sur une tombe ou quand les anciens y plaçaient de la nourriture, eux et nous ne pensons pas pour autant que les morts viendront en humer le parfum... » (p 645)

« Les rites funéraires (…), ne sont que des gestes consolateurs, des façon d'honorer le défunt ou les métaphores du dévouement qu'inspire son souvenir ». (p 646)

« … certaines personnes vont 'visiter' (comme on dit) leurs défunts au cimetière parce que, sans croire à la survie du mort, elles ne veulent pas abandonner leur défunt, le laisser seul, le négliger ; elles éprouvent de l'émotion devant la tombe ... » ( p 646/647)

«  La sensibilité est première lorsqu'un de nos contemporains dépose dans le cercueil d'un de ses proches le livre ou le disque préféré du défunt ; il ne croit pas pour autant que le disparu le lira ou l'écoutera : il répond à sa sensibilité et non à une croyance qu'il n'a pas » (p 649

31 août 2023

Du côté de la porte des lions de Mycènes

 

Vue du mur de l'enceinte de la forteresse de Mycènes (Photo par Axel)

Les vestiges des civilisations disparues s'étalent par grappes sur la frise du temps. Ainsi l'âge d'or de la grecque antique s’arrime grosso-modo de 500 à 300 avant l’ère du crucifié. A ces époques les cités rivalisent de splendeur et de puissance : Athènes et son Acropole, Sparte sa rivale, située au cœur du Péloponnèse, ou encore Corinthe, sur son isthme, à cheval entre deux mondes.

Sur la côté occidentale de l'Asie mineure (Turquie actuelle) les agglomérations ne sont pas en reste. Que l'on songe donc à Éphèse ou à Milet...

Pour l'amateur dilatante, ces ruines vénérables sont des perles égrainées sur la poussière des époques révolues. Et de se prendre de vertige lorsqu’on songe aux années écoulées pour arriver à nos jours (deux millénaires et demi) – et mesurer toute la fugacité d'une existence humaine.

Porte des lions (photo par Axel)

Sur les flancs de la forteresse de Mycènes (photo par Axel)

Tombes circulaires (photo par Axel)


Mais dans les rides du temps d'autres civilisations les précèdent. En va-t-il ainsi de Mycènes dont l'apogée se situe entre 1400 et 1200 av JC. C'est d'ailleurs des Mycéniens qui prendront le contrôle d'une autre civilisation plus ancienne que la leur : la civilisation minoenne qui régna sur la Crète (2700 – 1200 av JC). Mycènes s’effondrera et laissera la place à des « âges obscurs », avant le renouveau grec.


Aujourd’hui visiter Mycènes c'est passer sous la porte des lions, l’entrée principale de la forteresse antique, accrochée à un mur cyclopéen. C'est se projeter à l'âge du bronze, et dépasser les tombes circulaire pour grimper jusqu'aux vestiges du palais royal situé sur le point le plus élevé de la citadelle. C'est songer aussi à la fondation mythique de la cité par Persée... C’est enfin une fois redescendu de l'escarpement aller prendre le frais sous l'ombre gigantesque des tombes à coupole – et peut-être évoquer la figure d'Agamemnon, roi de Mycènes, héro homérique qui provoquera la colère d'Achille. Mais c'est une autre histoire.

Entrée d'une tombe à coupole (Photo par Axel)



26 août 2023

Déambulation à l’Acrocorinthe, parmi les sittelles

Acrocorinthe (photo par Axel)

L’acrocorinthe est le nom donné à la forteresse plantée sur une falaise située à une altitude de 575 mètres, dominant à la fois le site archéologique de l’ancien Korinthos, la ville nouvelle et l’isthme de Corinthe.

 

Sittelle de Neumayer (photo par Axel)

Pour les détails pratiques il faut savoir que si le site est entièrement gratuit, il ouvre tôt le matin mais ferme ses portes à 15h30. Aussi aura-t-il fallu à quelques arpenteurs de ruines, plutôt imprévoyants, de récidiver pour pouvoir passer les grilles de la forteresse, et essuyer entretemps un revers mécanique, sur les pentes du nid d’aigle – ou plutôt territoire des sittelles de Neumayer, dont les cris et les chants accompagnent le marcheur.   


La vue y est faramineuse…

Acrocorinthe (photo par Axel)

La plaine étendue jusqu’à la mer… Les lacs d’oliviers.

Pour plus amples informations, renvoyons ici :

Acrocorinthe

 

Et pour le reste les images parlent d’elles-mêmes !
















23 juil. 2017

Le rocher de LINDOS, à Rhodes sur les traces de Cléobule

Vue de Lindos, depuis la route nord (photo par Axel)
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Des sept sages de la Grèce antique (οἱ ἑπτά σοφοί) ;

L’un déambulait dans les rues pentues de Priène, sous l’ombre du mont Mycale. Il pensait que « La plupart des hommes sont mauvais». Comment lui donner tout à fait tort, alors qu’il vivait dans une ville qui bientôt verrait le passage d’Alexandre qui, à défaut de faire de l’ombre au Cynique, déposera, pour prix de ses forfaits, une offrande au temple d’Athena, dont  il ne reste aujourd’hui debout que 5 colonnes ? 

Mais Bias de Priène s’inclinera devant la postérité de son voisin de Milet, Thalès, philosophe et mathématicien, ayant eu le bonheur de trépasser alors qu’il assistait à une joute athlétique – mort par déshydratation, une manière d’illustrer la vertu thérapeutique du sport….

Des quatre autres justes grecs de la tradition je ne dirai rien ici, pour ne m’intéresser qu’au dernier, Cléobule de Lindos, dont la devise était « La modération est le plus grand bien. » (Μέτρον ἄριστον), ce qui vaut bien autre chose… Il n’était d’ailleurs pas l’homme d’une unique formule, et on lui doit aussi l’idée qu’il « faut marier les filles quand elles sont encore des jeunes filles pour l’âge, et déjà des femmes pour la raison ».
Né vers 630 av. JC, il deviendra par héritage tyran de la cité. A l’origine de la reconstruction du temple d’Athéna (détruit depuis le VIIIe s), son règne coïncidera avec l’apogée de Lindos et, à son trépas vers 560, il recevra cette épitaphe : « Le sage Cléobule est mort, et sur lui pleure. Lindos, sa patrie que la mer de toutes parts entoure. »[1]

Vue du village de Lindos, grimpant vers la forteresse (photo par Axel)
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La légende veut que Lindos fût fondé par le petit-fils du dieu Hélios, figure tutélaire de l’île de Rhodes.
Il faut dire qu’avec son acropole posée sur un énorme rocher planté au-dessus de la mer Egée et dont le sommet, à la forme d’un plateau triangulaire, porte à sa proue un temple d’Athéna, les lieux en imposent.
Dans les faits, les premiers vestiges archéologiques sur le site remontent à l’époque néolithique et des tombes mycéniennes (14ième siècle av. JC), démontrent la présence des Achéens dans la région.[2] Une histoire vieille de plus de trois mille ans. Nous y reviendrons.


Sur les pentes de Lindos (photo par Axel)
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Corneille mantelée (photo par Axel
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Depuis la route en provenance du nord, d’un coup la forteresse médiévale, comme une apparition, se découpe au loin sur le ciel. Après quelques lacets, on commence à en deviner ses créneaux. Il est alors bon de s’arrêter pour savourer le paysage. Un paysage grandiose, avec ce caillou invraisemblable, posé là par la volonté de quelques dieux de l’Olympe. A ses pieds, parure étirée en demi-cercle, repose le village et ses 3600 âmes. Au-devant, une anse d’un bleu profond bordée par le filet d’une plage, sommeille encore. Il est tôt[3] et le site n’est pas encore envahi par ces groupes de touristes déversés en masse par d’énormes bus et qui, affublés d’écouteurs, se déplacent en essaim d’un endroit l’autre au gré des explications stéréotypées de guides qui n’en peuvent plus de répéter leur litanie.
Au premier plan, un groupe d’arbres isolé dans la rocaille se serre dans le silence… Une corneille mantelée rigole. Et les derniers kilomètres…
Venelles de Lindos (photo par Axel)
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Pour caresser les vestiges archéologiques il faut encore sinuer à pied au travers les venelles pentues de Lindos – quel bonheur que les véhicules motorisés ne puissent y atteindre !  Longer les cours au charme indéniable des maisons des capitaines, ces ‘archontika’, dont certaines remontent au XVIe siècle. Puis grimper sur un sentier aménagé, à flanc de rocher, déclinant évidemment les offres des muletiers.
A mi-parcours, si on jette un coup d’œil en contrebas sur les ondulations du paysage, on pourra aviser, lovée à flanc de paroi entre deux plateaux de caillasse, une étrange cavité située au-delà du croissant du village. Flanquée de fragments de colonnades, ce gouffre d’ombre constitue les restes du mausolée de la famille d’un certain Archocratès, prêtre de la déesse. L’ensemble est daté de deux siècles avant JC.
Tout passe…

Entrée de la forteresse médiévale (Photo par Axel)
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De Rhodes Pindare raconte : « Des eaux profondes émergea Rhodes, enfant de la déesse de l’amour Aphrodite, pour devenir la muse d’Hélios. Zeus aima tant les habitants de Rhodes qu’il leur envoya une pluie d’or ». Ile maîtresse de Dodécanèse, les premiers habitants connus en foulèrent le sol il y a de cela 7000 ans. La mythologie, volontiers contradictoire, leur donnera le nom d’Héliades et d’Hélectriones. Car les Héliades sont aussi les filles d’Hélios, celles dont le chagrin se mua en ambre, avant d’être elles-mêmes métamorphosées en arbres.
Trirème gravée (Photo par Axel)
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De ces lignées incertaines naquirent trois fils, qui donneront les noms des trois premières villes-états : Kamiros (dont je parlerai peut-être dans un prochain billet), située à flanc de colline face à la côte ouest, et dont on peut aujourd’hui admirer les vestiges, Ialyssos, érigée juste à côté de la ville de Rhodes actuelle, et donc Lindos, fondée selon la tradition par les Doriens entre les douzièmes et dixièmes siècles avant JC.
Un destin illustre était promis à cette île bénie des dieux. Aussi n’est-il pas surprenant de voir Homère, dans son catalogue des vaisseaux (passage du chant II de l’Iliade),  indiquer que les rhodiens envoyèrent, sous le commandement de Tlépolème, neufs nefs à la guerre de Troie : « Tlépolème, le noble et grand Héraclide,avait amené de Rhodes neuf vaisseaux de Rhodiens à la fière attitude ; ils habitaient Rhodes, répartis en trois groupes : Lindos, Iélysos et la blanche Camire ».


Colonne gravée (photo par Axel)
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Eschine, l’un des grands orateurs de l’antiquité grecque et adversaire de Démosthène, y fondera en 324 av JC une école de rhétorique. Viendra plus tard Charès, l’architecte du célèbre colosse, érigé en 292 av JC et qui sera renversé 65 ans plus tard par un tremblement de terre. Puis Apollonios, poète épique du IIIe av JC, fauteur des Argonautiques, une épopée en quatre chants, restée dans les mémoires…
Les secousses telluriques fréquentes, associés à la conquête de Rhodes par le romain Cassius en 42 avant l’ère chrétienne, sonneront le déclin de l’île. De nombreux conquérants s’y succéderont ensuite. Parmi eux, les Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean qui, de 1309 à 1522, gouverneront Rhodes, avant de céder la place pour quatre siècles aux Ottomans. Rhodes ne sera finalement rattachée à la Grèce qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, après être passée en 1912 sous férule italienne.
Heurs et malheurs d’une île au cours des âges…







Chaos de pierre (photo par Axel)
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Mais il en temps de payer son écot à la modernité, et pénétrer dans l’enceinte médiévale. Car c’est ce qui fait aussi la richesse de Lindos : la superposition visible des époques.
Aux pieds de la muraille, un imposant escalier mène au palais du chevalier gouverneur. Avant cela il nous faut admirer, sculptée à même la pierre, la proue d’une trirème daté de 170 av. JC, destinée à servir de support à une statue en bronze à la gloire d’une figure honorée par les habitants de Lindos.

Intérieur de la forteresse de Lindos (photo par Axel)
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Ensuite, sans oublier de saluer au passage les anciennes inscriptions et les socles de figures effondrées, déambulant sans suivre une quelconque logique de visite, fuyant plutôt le contact avec les pèlerins grégarisés sous le franc soleil égéen, encore peu nombreux à cette heure matinale, on passera le long des créneaux de la forteresse médiévale, dans un chaos de pierre pour rejoindre les Propylées et l’allée romaine conduisant au temple d’Athéna.




Faucon crécerelette (Photo par Axel)
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De là, entre ciel et mer, à flanc de falaise une fulgurance ; le tournoiement en cercles rapides de faucons crécerellettes. Arrimé au parapet, face à l’Acropole, on peut y suivre leur course vertigineuse, tandis qu’en contrebas éclatent les vagues sur les récifs. Ils glissent dans le bleu du ciel avec l’élégance indifférente de qui ne vit pas au travers du regard d’autrui. Au loin se dessine l’œil du port de Saint-Paul[4] – d’ailleurs, sauf l’ami des oiseaux, qui a conscience de leur présence ? Certainement pas ces gens pressés, juste avides d’un selfie avant de se ruer vers leur bus.

Vue du port de Saint-Paul, depuis le temple d'Athéna (photo par Axel)
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Temple d'Athéna (photo par Axel)
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Situé au point le plus élevé du caillou de Lindos, le temple d’Athéna domine la proue de ce navire de pierre formé par l’Acropole. Long de 22 mètre et large de 8, les ruines visibles aujourd’hui sont celles du temple datant du Ive siècle av JC, restaurée au début du XXe siècle, pendant la période d’occupation italienne. L’histoire de ce temple nous est rapportée par les Chroniques de Lindos, attribuées à Timachidas[5] de Rhodes en 99 av. JC. Ce document se présente sous la forme d’une plaque gravée sur un bloc de marbre, qui se dressait dans le sanctuaire d’Athéna.


Vue du village depuis la proue du rocher de Lindos (photo par Axel)
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A flanc de falaise (photo par Axel)
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Colonnes de l'allée hellénistique (photo par Axel)
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En contre bas, le village, d’un blanc immaculé tranche sur le paysage ocre piqué de végétations… Et l’on se prend à imaginer les perses, en 491 av. JC, commandés par Datis, un navarque de la flotte de Darius premier, assiéger Lindos où s’étaient réfugiés une bonne part de la population de Rhodes. Et tandis que l’assaillant attendait que les assiégés[6] viennent à manquer d’eau, Athéna apparut en rêve  à un prêtre du temple, demandant de conserver courage, qu’elle allait demander de l’eau à son père, Zeus. Il répéta le rêve aux habitants, et lorsqu’ils vérifièrent leurs réserves ils virent qu’ils avaient de l’eau pour tenir cinq jours. Ils demandèrent aux Perses une trêve de cette durée, se disant que si Athéna ne les avaient pas aidés d’ici là ils se rendraient. Datis fut amusé. Mais le lendemain le ciel s’assombrit et des trombes d’eau se déversèrent sur les assiégés - et pas sur les troupes perses  également assoiffées. Abasourdit Datis envoya ses plus beaux habits - sa cape, son collier, son brassard - en offrande à la déesse, ainsi qu’une tiare perse, une épée courte et un char de guerre.

Colonnades et escaliers de Lindos (photo par Axel)
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Pierres gravées (photo par Axel)
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En contrebas, vue de l'allée hellénistique (photo par Axel)
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Redescendus par le grand escalier, l’humeur vagabonde on parcourt l’allée hellénistique, datant de 200 av. JC, longue de 87 mètres et qui, aux temps de sa splendeur, se trouvait semée de 42 colonnes doriennes. De là, il est loisible d’aller méditer, assis sur les pierres disposées en demi-cercle, contre le mur de la chapelle byzantine de Saint-Jean, au destin mortel des civilisations.
Chapelle byzantine de Lindos (photo par Axel)
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Au pied du mur de la chapelle de Lindos (photo par Axel)
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Vue de la chapelle (photo par Axel)
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Enfin, avec le soleil du zénith perché  à la verticale au-dessus de nos têtes, nos pas iront se perdre au-delà de l’escalier post-hellénistique, dans le désordre des allées encombrées de vestiges et d’arbustes. Et laisser les accidents du paysage nous conter l’histoire d’un monde qui n’est plus ; entre un passé bel et bien révolu, ravivé par nos songeries, et ce présent immédiat, illustré par le ronflement d’un bateau venus déposer sa cargaison humaine aux pieds du rocher…


Arrivée du bateau à Lindos (photo par Axel)
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Une fois hors de  l’enceinte, puisque nous ne sommes pas pressés, l’envie se fera sentir de goûter la saveur d’une balade pédestre. Et nous voilà à tourner autour de la muraille et de son rocher comme autour d’une statue colossale, saisissant ici les stries régulières, à même la colline, du théâtre antique (Ive av. JC), et là la béance monstrueuse située sous le socle même du rocher. Bouche d’ombre sur laquelle papillonnent, réduits à de minuscules taches colorées, les badauds de Lindos. Alors, saisis de vertige on ira se perdre du côté des criques et de la mer, parmi les oiseaux, les plantes et les herbes folles.


Forteresse de Lindos (photo par Axel)
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Vue de Lindos (photo par Axel)
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Vue de Lindos (photo par Axel)
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Proue du rocher de Lindos (photo par Axel)
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Théâtre antique de Lindos (photo par Axel)
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Enfin…
S’adonner face à la mer au ravissement de l’instant.
Pourquoi non ?

Méditation... (photo par Kristof)
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[1] Cité par Diogène Laërce.
[2] Nombre d’informations historiques sur Lindos reprises dans ce billet proviennent d’un petit guide de voyage intitulé Lindos, 30 siècles de beauté, (editions Marmatakis).
[3] Sommes venus en mai, hors période de vacances scolaire. Je n’ose imaginer la fréquentation du site en plein été.
[4] Paul de Tarse aurait sejourné à Lindos en 57, lors de son périple vers Ephèse.
« Le décret précise les noms des deux auteurs de la Chronique, Tharsagoras, fils de Stratos, de Ladarma et Timachidas, fils d’Hage­sitimos, de Lindos, qui est le fils du proposant du décret » et la note de bas de page correspondante : « Timachidas est cité ailleurs, comme grammairien notamment, ce qui a poussé des auteurs modernes à le considérer comme seul véritable auteur de la « Chronique ». On peut se demander pourquoi le décret, proposé par le père de Timachidas, mentionnerait un autre auteur que son fils, s’il n’avait pas une part reconnue de responsabilité dans le texte. »

[6] Tiré de Omens and Oracles: Divination in Ancient Greece, p 296.