Au milieu des buissons, il s'aperçut que dans sa joie il oublié le révolver chez lui, et donc se pendit, non sans peine, avec sa cravate.
(Alfred Döblin)
La raison pour laquelle j'ai tellement insisté dans mon œuvre sur l'immoral, le méchant, le laid, le cruel est que je voulais que les autres sachent à quel point ils comptent, plus peut-être que ce qui est considéré comme bon (...)
(Henry Miller)
Avec Nicolás Gómez Dávila : l’éloge du travail n’est en effet que le déguisement de celui de la cupidité.
Contre NGD : qui emploie le mot « pédé » est un crétin.
Avec NGD : « La vie est un combat contre notre propre stupidité. »
Contre NGD : le marxisme est tout de même moins idiot que la prière d’une classe élevée tenant un fouet en main.
Avec NGD : « Rien de plus irritant que l’aplomb avec lequel opine sur tout celui qui a eu du succès dans quelque chose. »
Contre NGD : l’automne de l’amour devrait être chaste ? Pauvre racorni !
Etc, etc… Aucun autre écrivain n’a suscité en moi autant d’admiration et de détestation. Je le relis en tenant un crayon à la main, barrant avec entrain les citations qui m’insupportent.
Le réactionnaire croit en l’existence de la Belle époque, le progressiste aime les causes perdues et le sans-solutionniste se contente de rire et de trembler face au néant.
(3129)
Stig Dagerman avait écrit :
« C’est ainsi, on n’y peut rien : on prend un verre et on le vide, ou on prend une mauvaise action dans le tas des actions encore à faire et on l’accomplit (…) »
Septante ans plus tard, le neurologiste Robert Sapolsky déclare avec la même lucidité tranchante :
« Le monde est vraiment détraqué et rendu bien plus injuste par le fait que nous récompensons les gens et les punissons pour des choses sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle. Nous n’avons pas de libre arbitre. Arrêtez de nous attribuer des choses qui n’existent pas. »
Selon lui, si nous ne condamnons généralement pas celui qui fait un accident de voiture alors qu’il est atteint d’une crise d’épilepsie, nous devrions nous poser les mêmes questions face à n’importe quelle action humaine.
Il est rejoint par le philosophe Gregg Caruso :
« Qui nous sommes et ce que nous faisons est en fin de compte le résultat de facteurs indépendants de notre volonté et, de ce fait, nous ne sommes jamais moralement responsables de nos actes dans le sens où nous mériterions vraiment des éloges et des reproches, des punitions et des récompenses. Je suis d’accord avec Sapolsky sur le fait que vivre sans croire au libre arbitre est non seulement possible mais préférable. »
Expliquer aux hommes qu’ils ne sont en réalité que des automates, que leurs actions dépendent d’une infinité d’enchaînements de causes et d’effets, de la génétique, de l’éducation, etc rendrait peut-être le monde moins stupide.
Qui peut tenter de réfléchir à cette affaire ?
(3123)
Politiquement, éthiquement et philosophiquement, je suis du côté des animaux. Je pense que l’humanité est collectivement une espèce tarée, sans espoir aucun. Elle est en train de s’autodétruire, ce qui finalement n’a aucune importance, mais elle détruit aussi la totalité du vivant, c’est-à-dire la possibilité d’autre chose. Et ça, c’est impardonnable. J’ai de la tendresse et de la compassion pour tel ou tel mais je considère l’espèce comme une catastrophe. Pour moi, l’humanité est une injure au vivant et livre après livre, j’essaie d’en explorer les limites.
(Patrick Declerck)
À l’époque où je parcourais les soirées dansantes et les bals de village à la recherche d’un animal de compagnie, je croisais de temps à autre un géant moqueur et décalé, qui était dénommé VDL. « Il est impossible d’avoir une conversation avec lui, me disaient mes amies, il ne prend rien au sérieux. »
Prononçant des paroles incompréhensibles et sans rapport avec aucune situation, il semblait avoir décelé le ridicule en toute chose et en chacun d’entre nous.
Je me souviens de cette fois où il s’était interposé dans une bagarre. Placide et souriant, il s’était avancé avec l’un de ses immenses bras tendu vers la source de rage, finissant par faire abandonner son adversaire sans jamais se départir de sa bonne humeur.
Plus de trente ans plus tard, je l’avais retrouvé alors qu’il marchait seul dans une petite ville de province. Il m‘avait souri comme si j’étais l’un de ses amis auquel il pensait de temps à autre - c’est du moins ce qu’il m’a plu de croire.
J’avais envie de m’asseoir quelques instants à ses côtés sur un banc, pour une relecture de Mercier et Camier. Mais à peine avais-je commencé de parler que s’inscrivit dans son regard l’inutilité de toute chose alliée à une absence totale de sérieux. Et il me quitta avec ce fameux sourire, en m’offrant ce point d’interrogation que vous procure la perfection lorsqu’elle s’efface.
Que d’admirables rencontres nous aurons faites durant notre vie sans jamais échanger une parole… VDL, mon ami, sois remercié à jamais pour ton nihilisme bienveillant !
(3110)
L'honnête homme, détrompé de toutes les illusions, est l'homme par excellence. Pour peu qu'il ait de l'esprit, sa société est aimable. Il ne saurait être pédant, ne mettant d'importance à rien. Il est indulgent, parce qu'il se souvient qu'il a eu des illusions, comme ceux qui en sont encore occupés. (...) Il doit être plus gai qu'un autre, parce qu'il est constamment en état d'épigramme contre son prochain. (...) Il brise en riant les faux poids et les fausses mesures qu'on applique aux hommes et aux choses.
(Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort)
Ses yeux se voilèrent ; un long bruit, tranquille comme le silence, envahit ses oreilles, il sentit tout son être baigner dans un néant délicieux. Durant une incomparable seconde, tout lui fut harmonie, clarté sereine, parfum, douceur. Puis il cessa d'être.
(Anatole France)