Je commençais à désespérer de trouver le bout du tunnel quand j'entrevis une lueur. J'accélérais le pas, profitant de la lumière, pour suivre les sinuosités du tunnel. Bientôt je rencontrais une autre étrange créature au corps serpentiforme. J'avais beau ne rien savoir selon le soldat, je savais quand même que le serpent est une bête maléfique sur les églises. Quand il me vit, son visage prit un air triste et contrarié.
- Ah, noble étranger ! Quel plaisir de vous rencontrer !
Je répondais par un sec bonjour.
- Je vous comprends, reprit l'être en face de moi. Mais si vous saviez quel est mon triste sort, alors que je n'ai que des bonnes intentions. Le Monde est injuste. Je suis sûr que vous-même vous avez déjà été victime de telles vilenies.
Je ne pus qu'approuver. Rien qu'au bureau, je vivais injustice sur injustice.
- J'ai tenté de corriger ce qui pouvait l'être. Mais les gens se sont mépris, surtout certains. Vous savez bien tous ces gens qui croient tout savoir mieux que les autres.
Ça aussi je voyais bien. Je commençais à me poser des questions sur tout ce que j'avais entendu. Qui était vraiment cet être serpentiforme ?
Nous discutions au milieu du tunnel juste éclairés par la lumière qu'il irradiait. Sa voix était assez douce, légèrement traînante. J'aurais pu continuer à l'écouter un bon moment. Il s'excusa de son manque de temps et s'éloigna de moi.
Je me retrouvais dans le noir. Mon moral était en baisse. Je ne savais pas quoi faire. C'est vrai que le chasseur était le grand fautif de l'histoire. Pourquoi m'avait-il entraîné dans cette histoire ?
Brusquement je fus ébloui. Me protégeant les yeux, je devinais une silhouette de géant.
- QUI ES-TU, PÈLERIN ? tonitrua une voix.
Je me collais contre la paroi, me demandant comment échapper à un tel être.
-Je,..., je cherche la sortie.
- LA SORTIE ? D'OÙ SORS-TU ?
-J'étais avec le soldat et puis ya un panotii qui a dit que les gouilles du nord arrivaient, alors le grand gaillard, celui qui a une tête penchée, m'a fait partir.
- LES GOUILLES DU NORD ARRIVENT ! JE VAIS ALLER LES RAMENER À LEUR PLACE !
La silhouette immense se mit en mouvement. Je poussais un soupir de soulagement quand la lumière cessa de m'éblouir. Comme je me tenais appuyé sur le mur, je décidais de m'éloigner du lieu de la rencontre. Une main bien posée sur le mur, je fis quelques pas. Le sol inégal m'inquiétait. Je tâtais du pied la solidité du prochain appui quand surgit une nouvelle fois, le géant à l'épée flamboyante.
- TU NE M'AS PAS DIT, PÈLERIN, SI TU AVAIS RENCONTRÉ QUELQU'UN AVANT MOI ? Pour me parler, il s'était rapproché. Je m'aperçus que c'était un chevalier sur son destrier. Son épée à double tranchant, émettait une forte lumière. J'en avais mal aux yeux, à nouveau.
Je n'avais pas très envie de dénoncer cet être avec qui j'avais échangé quelques mots et qui m'avait si bien compris. Le chevalier dut sentir mon hésitation car il reprit :
- TOI, TU AS RENCONTRÉ LE MAÎTRE DU MENSONGE ET IL A PRESQUE RÉUSSI À TE SÉDUIRE... VERS OÙ EST-IL PARTI ?
Instinctivement, je fis un mouvement de tête comme pour jeter un coup d'œil dans la direction du départ de l'être serpentiforme.
La lumière devint plus forte. C'était son épée qui semblait jeter des flammes. Elle était pointée derrière moi dans la direction qu'avait prise l'être serpentiforme. Mon cheval se cabra. Le chevalier le maîtrisa :
- IL CROYAIT M'ÉCHAPPER GRÂCE AU BROUILLARD DU DIABLE... SUS !
Et il éperonna sa monture.
- Quel votre nom ? lui demandais-je.
Il était déjà au triple galop quand il me cria :
- GEORGES !
Sa lumière mit du temps à s'éteindre. J'en profitais pour avancer rapidement. Quand le noir fut de nouveau complet, je fis une petite pause.
Quand se promènent les mots, des histoires prennent corps. Que ce lieu leur serve de repos.
dimanche 28 juin 2015
dimanche 21 juin 2015
Césure 2
- Qu'est-ce que tu nous ramènes, le soldat ?
Celui qui avait parlé était un haut gaillard à la tête de travers. Il avait une couleur de peau plus claire que les autres. Tous regardèrent dans notre direction. Nous venions de déboucher dans une salle voûtée quand mon compagnon se fit interpellé ainsi.
- J'ai trouvé ce pèlerin sur les marches du parvis...
- Toi ne sais pas encore que tu n'as pas le droit d'y aller !
Un moine tonsuré s'était approché pour faire des reproches au soldat.
- Écoute, Cénobite, c'est quand même pas de ma faute si c'est le seul endroit où je peux aiguiser mes armes. Tu sais pourtant que les autres pierres ne valent rien pour ça !
- Suffit, tous les deux, on va pas faire venir le vieillard pour vous faire tenir tranquille !
Il se tourna vers moi :
- Raconte, nous t'écoutons.
- Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous raconte ??? m'écriais-je.
- Mais ton histoire….
Je m’exécutais de mauvaise grâce. Quand j'en arrivais à la rencontre avec la gargouille, tous les présents poussèrent des cris.
- Vous avez rencontré une gouille du nord et vous êtes encore vivants ! s'exclama une voix.
Leur surprise m'étonna. Nous nous étions seulement débarrassés d'un agresseur.
- Et il l'a tuée avec quoi, le pèlerin ? demanda un autre.
- Il avait comme une besace et il l'a estourbi avec ! répondit mon guide. Alors je l'ai décapitée et j'ai envoyé bouler son crâne dans l'escalier.
- Tu n'aurais pas dû, lui dit le grand gaillard à la tête de travers.
- Depuis le temps qu'elles nous cherchent et bien aujourd'hui, elles m'ont trouvé ! répondit le soldat.
- Ce n'est pas pour cela que je te dis ça. Je suis d'accord avec toi. Je sais bien qu'on la reverra un jour. Même décapitées, les gouilles, ça meurt jamais complètement. Mais maintenant, elles bloquent la route.
- Et alors ?
- Et alors ? ET ALORS ? Tu vas le faire sortir comment ton pèlerin ?
Mon guide resta sans voix.
- Comment ça ? demandais-je d'une voix mal assurée.
- Qu'est-ce que tu crois, pèlerin ? Tu es entré mais il faut pouvoir ressortir.
J'avoue que cet aspect des choses ne m'avait pas encore effleuré. Pourtant, je commençais à comprendre ce qui m'arrivait. Si "le soldat" m'était inconnu, j'avais déjà remarqué "grand gaillard". Il faut dire qu'une tête penchée est un détail troublant. J'avais eu l'explication un jour, par hasard. J'étais passé sur le parvis comme je le fais tous les jours. Un groupe de retraités écoutait un guide devant le grand portail. Ce dernier était un homme moderne équipé d'un haut-parleur. Sa voix portait au moins jusqu'au milieu de la place. Pendant que je me dépêchais de rejoindre le bureau, j'avais entendu ses explications sur le pilier central de la porte. Le personnage sculpté avait la tête penchée pour signifier l'effort de porter la pierre du linteau mais il avait le sourire car il accomplissait une tâche de service : il était le peuple qui soutient l'Église. D'autres détails suivaient. J'en perdis le fil dans un concert de klaxons en arrivant à l'autre bout de la place.
En regardant ceux qui étaient présents je reconnus d'autres personnages du portail. Ce satané brouillard devait être magique puisqu'il m'avait fait entrer dans le monde où les gargouilles font la guerre aux personnages du portail et où les choses ne se passaient pas comme on le pensait.
J'en étais là de mes pensées quand un petit personnage avec d'immenses oreilles arriva.
- Les gouilles... Les gouilles... Elles arrivent!
Je regardais le soldat l'air interrogatif.
- On peut lui faire confiance... C'est un panotii...
- Un quoi ?
- Un panotii !
Devant mon incompréhension, le soldat soupira :
- T'as un bon coup de massue, mais tu ne connais rien à rien...
Prenant un ton patient, il entreprit de m'expliquer ce qu'était un panotii. Aux confins de son monde, vivaient toutes sortes de gens étranges. Les panotii en faisaient partie. Il s'agissait comme j'avais pu le voir, de petits êtres aux oreilles tellement grandes qu'elles leur servaient de manteau. Cette difformité avait un avantage. Ils entendaient tout, les bonnes et les mauvaises nouvelles, de très très loin, et même du bout de la terre. Donc si un panotii te disait que les gouilles du nord arrivaient, c'est que les gouilles du nord arrivaient. Il me disait cela sur un ton exalté. On allait en découdre une bonne fois pour toute.
Les autres semblaient beaucoup plus circonspects. On se mit à discuter beaucoup pour savoir quoi faire. À part le soldat qui voulait se battre, les autres préféraient en appeler aux armées du ciel. Le grand gaillard s'approcha de moi :
- Tout ceci ne te regarde pas, me dit-il. Tu vas suivre ce couloir. Au bout tu raconteras ton histoire. Peut-être que quelqu'un saura comment tu peux sortir.
Je le remerciai, dis "au revoir" au soldat qui m'écouta d'une oreille distraite et je m'engageai dans ce passage qui me sembla bien sombre.
Je posais un pas après l'autre. Le sol était très inégal et j'étais déjà tombé plusieurs fois. De nouveau, je me demandais comment un couloir aussi long pouvait tenir dans un bâtiment. Il y faisait tellement sombre que je ne voyais pas les difficultés du chemin. J'oscillais entre un excès de confiance et peur de poser le pied. Le temps me parut long. J'entendais de plus en plus loin le bruit des discussions des personnages du portail. Devant le silence régnait.
Celui qui avait parlé était un haut gaillard à la tête de travers. Il avait une couleur de peau plus claire que les autres. Tous regardèrent dans notre direction. Nous venions de déboucher dans une salle voûtée quand mon compagnon se fit interpellé ainsi.
- J'ai trouvé ce pèlerin sur les marches du parvis...
- Toi ne sais pas encore que tu n'as pas le droit d'y aller !
Un moine tonsuré s'était approché pour faire des reproches au soldat.
- Écoute, Cénobite, c'est quand même pas de ma faute si c'est le seul endroit où je peux aiguiser mes armes. Tu sais pourtant que les autres pierres ne valent rien pour ça !
- Suffit, tous les deux, on va pas faire venir le vieillard pour vous faire tenir tranquille !
Il se tourna vers moi :
- Raconte, nous t'écoutons.
- Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous raconte ??? m'écriais-je.
- Mais ton histoire….
Je m’exécutais de mauvaise grâce. Quand j'en arrivais à la rencontre avec la gargouille, tous les présents poussèrent des cris.
- Vous avez rencontré une gouille du nord et vous êtes encore vivants ! s'exclama une voix.
Leur surprise m'étonna. Nous nous étions seulement débarrassés d'un agresseur.
- Et il l'a tuée avec quoi, le pèlerin ? demanda un autre.
- Il avait comme une besace et il l'a estourbi avec ! répondit mon guide. Alors je l'ai décapitée et j'ai envoyé bouler son crâne dans l'escalier.
- Tu n'aurais pas dû, lui dit le grand gaillard à la tête de travers.
- Depuis le temps qu'elles nous cherchent et bien aujourd'hui, elles m'ont trouvé ! répondit le soldat.
- Ce n'est pas pour cela que je te dis ça. Je suis d'accord avec toi. Je sais bien qu'on la reverra un jour. Même décapitées, les gouilles, ça meurt jamais complètement. Mais maintenant, elles bloquent la route.
- Et alors ?
- Et alors ? ET ALORS ? Tu vas le faire sortir comment ton pèlerin ?
Mon guide resta sans voix.
- Comment ça ? demandais-je d'une voix mal assurée.
- Qu'est-ce que tu crois, pèlerin ? Tu es entré mais il faut pouvoir ressortir.
J'avoue que cet aspect des choses ne m'avait pas encore effleuré. Pourtant, je commençais à comprendre ce qui m'arrivait. Si "le soldat" m'était inconnu, j'avais déjà remarqué "grand gaillard". Il faut dire qu'une tête penchée est un détail troublant. J'avais eu l'explication un jour, par hasard. J'étais passé sur le parvis comme je le fais tous les jours. Un groupe de retraités écoutait un guide devant le grand portail. Ce dernier était un homme moderne équipé d'un haut-parleur. Sa voix portait au moins jusqu'au milieu de la place. Pendant que je me dépêchais de rejoindre le bureau, j'avais entendu ses explications sur le pilier central de la porte. Le personnage sculpté avait la tête penchée pour signifier l'effort de porter la pierre du linteau mais il avait le sourire car il accomplissait une tâche de service : il était le peuple qui soutient l'Église. D'autres détails suivaient. J'en perdis le fil dans un concert de klaxons en arrivant à l'autre bout de la place.
En regardant ceux qui étaient présents je reconnus d'autres personnages du portail. Ce satané brouillard devait être magique puisqu'il m'avait fait entrer dans le monde où les gargouilles font la guerre aux personnages du portail et où les choses ne se passaient pas comme on le pensait.
J'en étais là de mes pensées quand un petit personnage avec d'immenses oreilles arriva.
- Les gouilles... Les gouilles... Elles arrivent!
Je regardais le soldat l'air interrogatif.
- On peut lui faire confiance... C'est un panotii...
- Un quoi ?
- Un panotii !
Devant mon incompréhension, le soldat soupira :
- T'as un bon coup de massue, mais tu ne connais rien à rien...
Prenant un ton patient, il entreprit de m'expliquer ce qu'était un panotii. Aux confins de son monde, vivaient toutes sortes de gens étranges. Les panotii en faisaient partie. Il s'agissait comme j'avais pu le voir, de petits êtres aux oreilles tellement grandes qu'elles leur servaient de manteau. Cette difformité avait un avantage. Ils entendaient tout, les bonnes et les mauvaises nouvelles, de très très loin, et même du bout de la terre. Donc si un panotii te disait que les gouilles du nord arrivaient, c'est que les gouilles du nord arrivaient. Il me disait cela sur un ton exalté. On allait en découdre une bonne fois pour toute.
Les autres semblaient beaucoup plus circonspects. On se mit à discuter beaucoup pour savoir quoi faire. À part le soldat qui voulait se battre, les autres préféraient en appeler aux armées du ciel. Le grand gaillard s'approcha de moi :
- Tout ceci ne te regarde pas, me dit-il. Tu vas suivre ce couloir. Au bout tu raconteras ton histoire. Peut-être que quelqu'un saura comment tu peux sortir.
Je le remerciai, dis "au revoir" au soldat qui m'écouta d'une oreille distraite et je m'engageai dans ce passage qui me sembla bien sombre.
Je posais un pas après l'autre. Le sol était très inégal et j'étais déjà tombé plusieurs fois. De nouveau, je me demandais comment un couloir aussi long pouvait tenir dans un bâtiment. Il y faisait tellement sombre que je ne voyais pas les difficultés du chemin. J'oscillais entre un excès de confiance et peur de poser le pied. Le temps me parut long. J'entendais de plus en plus loin le bruit des discussions des personnages du portail. Devant le silence régnait.
lundi 15 juin 2015
Césure
Sans le petit bruit régulier de métal frottant sur de la pierre, je ne l'aurais même pas remarqué. Le brouillard était dense ce matin-là. On ne voyait pas à deux mètres. Seules les tours de la cathédrale émergeaient de la grisaille, là-haut. Au ras du sol, ma connaissance des lieux me permettait de me déplacer sans risque. Je savais où étaient les lampadaires et autres obstacles. Comme chaque matin, je me dépêchais. Je savais que je me levais trop juste pour aller au travail. La pensée de revoir mon chef me démotivait. Tout occupé à chercher le prochain poteau, j'évitais de penser aux remarques perfides qui m'attendaient pour ne pas avoir terminé le travail sur le dossier d'accréditation hier. C'est alors que j'avais remarqué le son. Je pris conscience de sa présence avançant sur la place du parvis. Ce raclement de métal sur la pierre était incongru. La seule image qui me vint à l'esprit, fut celle de cet indien dans un western, frottant son couteau sur une pierre avant de torturer son prisonnier. Comme je tâtonnais pour trouver la première marche du grand escalier de la cathédrale, je remarquais que le bruit devenait plus net. Quand mon pied heurta la pierre, je faillis tomber trop occupé à scruter le brouillard pour chercher l'origine de ce raclement. Je jurais tout en essayant de retrouver mon équilibre.
Le raclement cessa sur le champ.
- Ici!
Je fus surpris par ce chuchotement grave venu du haut des marches. Même si seulement cinq à six mètres me séparaient du haut du parvis, je ne distinguais rien. J'hésitais quelques instants.
- Ici !, reprit la voix, les gouilles peuvent venir...
Il y avait une telle impériosité dans cette voix que je gravis les degrés. Arrivé à mi-pente, je vis une silhouette. Une marche de plus me permit de distinguer la main tendue dans ma direction. Je fis les deux enjambées qui m'en séparaient, ma main se tendant vers cette autre main que je devinais. Je fus saisi, tiré et je me retrouvais collé contre un des piliers du porche.
J'allais protester quand une main sur ma bouche m'intima le silence. J'allais râler de plus belle quand je sentis l'autre présence. C'était énorme et ça puait. Ça fit trembler le sol en passant. Je pris pour une bénédiction de ne voir que des remous dans le brouillard. La main qui me bâillonnait, quitta la bouche. Je pus détailler celui qui m'avait entraîné là. Petit mais avec des épaules plus larges que les miennes, il était habillé de vêtements couleur pierre. Je n'avais jamais vu personne avec de tels vêtements. Est-ce que je devenais fou ?
- Inconscient, tu te promènes sans arme ici !
Le ton était chargé de reproches que je ne comprenais pas. Je n'avais jamais eu d'arme et je n'en avais jamais eu besoin. La police était là pour ça. En le regardant mieux, je vis qu'il portait une épée au côté et divers poignards accrochés à différents endroits de son corps. Sa main droite serrait une dague comme j'en avais vue dans les musées sur la chasse.
Je me défendis :
- Que voulez-vous que je fasse d'une arme pour aller au bureau ? C'est vous qui êtes inconscient de vous promener en ville avec un tel attirail...
- Tu es encore plus bête que je ne pensais ! Tu sors quand il y a un brouillard du diable sans même un canif. Tu cherches la mort ?
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Il allait commencer une phrase quand les cloches sonnèrent la demi. J'allais être en retard !
Je lui en fis la remarque, cherchant déjà l'excuse à présenter à Monsieur Lormeur, mon chef. Je ne me voyais pas raconter que j'avais rencontré un drôle de type dans le brouillard en train d'aiguiser une dague sur le parvis de la cathédrale...
Il ne me laissa pas le temps de continuer ma diatribe.
- Tais-toi ! On n'a plus le temps !
- Le temps de qu.....
Ma phrase testa en suspens. Ouvrant une vieille porte que je n'avais jamais remarquée, il me poussa à l'intérieur.
Il la referma tout aussi brusquement. De nouveau j'allais ouvrir la bouche pour protester quand j'entendis des grognements derrière le montant de bois. Il se mit à trembler comme si une patte géante le secouait.
- Tu préfèrerais être de l'autre côté ? me demanda celui qui m'avait entraîné.
- Où sommes-nous ? demandais-je.
- L'escalier est en général sûr, mais ne traînons pas. Des fois il y rôde de petites gouilles !
Je lui pris le bras avant qu'il n'ait le temps de monter :
- Qu'est-ce que des gouilles ?
- C'est le nom que vous leur donnez.
- Pour moi, des gouilles, ce sont des poches d'eau sale !
- Ah ! Vous les connaissez pourtant. Mais avançons... L'immobilité peut être mortelle.
Il se mit à grimper l'escalier en colimaçon sa dague à la main. Bon gré mal gré, je le suivis. Les marches étaient inégales et usées. Le manque de lumière m'obligeait à faire très attention à mes pieds. De temps à autre, nous nous arrêtions sans que je comprenne pourquoi. Puis il reprenait son ascension. Plusieurs fois j'essayais de dire quelque chose. À chacune de mes tentatives, il me faisait signe de me taire, semblant guetter quelque chose. Brutalement, il repartait. Ne me laissant que le choix de le suivre.
De temps à autre nous arrivions à un palier. Un ou plusieurs couloirs s'enfonçaient dans une pénombre inquiétante. À chaque fois il négociait le passage avec force précautions. Comme rien ne se passait, je trouvais tout cela très exagéré. Je suivais en maugréant de plus en plus. Si la surprise fut totale, pour moi, mon compagnon réagit avec la rapidité d'une longue habitude. Sa dague crissa en glissant sur le revêtement de son agresseur. Sous le coup, l'ombre sembla rebondir sur le mur et vola vers moi. Sans réfléchir, je fis un grand geste frappant la sombre silhouette avec ma sacoche. Le bruit de verre cassé m'apprit que mon ordinateur venait d'exploser dans le choc. J'en ressentis une violente douleur dans l'épaule gauche. Malgré cela je regardais la silhouette étalée en travers des marches. C'était un être difforme avec des ailes tronquées et des griffes impressionnantes. Elle bougeait encore. Me tournant vers mon compagnon de route, je l'interrogeais du regard. Il fit un geste éloquent de la main sur le cou. Cela me fit horreur et je lui en fis part...
- Tu préfères qu'elle te saigne, cette gouille ? me répondit-il en attrapant son agresseur avec la ferme intention de l'égorger.
C'est alors que je détaillais l'étrange créature qui était devant nous. Cet aspect, ces formes...
- Mais c'est une gargouille ! m'écriais-je.
- C'est ce que je t'ai dit : C'est une gouille! Et une des pires. C'est une gouille du nord. On la reconnaît à sa carapace verte !
Il disait cela tout en la découpant, séparant la tête du corps.
- T'as un joli coup... Je ne te croyais pas capable... Après tout, tu n'es qu'un humain !
Ayant dit cela, il lança la tête dans l'escalier. On l'entendit rebondir avec fracas.
- Ne restons pas là, ses copines vont rappliquer. Viens, ya un refuge pas loin !
Il s'élança dans un des couloirs. Je lui emboîtais le pas, lâchant ma sacoche de bureau, persuadé que mon ordinateur était hors service. Derrière nous, s'éleva une sombre lamentation.
Le raclement cessa sur le champ.
- Ici!
Je fus surpris par ce chuchotement grave venu du haut des marches. Même si seulement cinq à six mètres me séparaient du haut du parvis, je ne distinguais rien. J'hésitais quelques instants.
- Ici !, reprit la voix, les gouilles peuvent venir...
Il y avait une telle impériosité dans cette voix que je gravis les degrés. Arrivé à mi-pente, je vis une silhouette. Une marche de plus me permit de distinguer la main tendue dans ma direction. Je fis les deux enjambées qui m'en séparaient, ma main se tendant vers cette autre main que je devinais. Je fus saisi, tiré et je me retrouvais collé contre un des piliers du porche.
J'allais protester quand une main sur ma bouche m'intima le silence. J'allais râler de plus belle quand je sentis l'autre présence. C'était énorme et ça puait. Ça fit trembler le sol en passant. Je pris pour une bénédiction de ne voir que des remous dans le brouillard. La main qui me bâillonnait, quitta la bouche. Je pus détailler celui qui m'avait entraîné là. Petit mais avec des épaules plus larges que les miennes, il était habillé de vêtements couleur pierre. Je n'avais jamais vu personne avec de tels vêtements. Est-ce que je devenais fou ?
- Inconscient, tu te promènes sans arme ici !
Le ton était chargé de reproches que je ne comprenais pas. Je n'avais jamais eu d'arme et je n'en avais jamais eu besoin. La police était là pour ça. En le regardant mieux, je vis qu'il portait une épée au côté et divers poignards accrochés à différents endroits de son corps. Sa main droite serrait une dague comme j'en avais vue dans les musées sur la chasse.
Je me défendis :
- Que voulez-vous que je fasse d'une arme pour aller au bureau ? C'est vous qui êtes inconscient de vous promener en ville avec un tel attirail...
- Tu es encore plus bête que je ne pensais ! Tu sors quand il y a un brouillard du diable sans même un canif. Tu cherches la mort ?
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Il allait commencer une phrase quand les cloches sonnèrent la demi. J'allais être en retard !
Je lui en fis la remarque, cherchant déjà l'excuse à présenter à Monsieur Lormeur, mon chef. Je ne me voyais pas raconter que j'avais rencontré un drôle de type dans le brouillard en train d'aiguiser une dague sur le parvis de la cathédrale...
Il ne me laissa pas le temps de continuer ma diatribe.
- Tais-toi ! On n'a plus le temps !
- Le temps de qu.....
Ma phrase testa en suspens. Ouvrant une vieille porte que je n'avais jamais remarquée, il me poussa à l'intérieur.
Il la referma tout aussi brusquement. De nouveau j'allais ouvrir la bouche pour protester quand j'entendis des grognements derrière le montant de bois. Il se mit à trembler comme si une patte géante le secouait.
- Tu préfèrerais être de l'autre côté ? me demanda celui qui m'avait entraîné.
- Où sommes-nous ? demandais-je.
- L'escalier est en général sûr, mais ne traînons pas. Des fois il y rôde de petites gouilles !
Je lui pris le bras avant qu'il n'ait le temps de monter :
- Qu'est-ce que des gouilles ?
- C'est le nom que vous leur donnez.
- Pour moi, des gouilles, ce sont des poches d'eau sale !
- Ah ! Vous les connaissez pourtant. Mais avançons... L'immobilité peut être mortelle.
Il se mit à grimper l'escalier en colimaçon sa dague à la main. Bon gré mal gré, je le suivis. Les marches étaient inégales et usées. Le manque de lumière m'obligeait à faire très attention à mes pieds. De temps à autre, nous nous arrêtions sans que je comprenne pourquoi. Puis il reprenait son ascension. Plusieurs fois j'essayais de dire quelque chose. À chacune de mes tentatives, il me faisait signe de me taire, semblant guetter quelque chose. Brutalement, il repartait. Ne me laissant que le choix de le suivre.
De temps à autre nous arrivions à un palier. Un ou plusieurs couloirs s'enfonçaient dans une pénombre inquiétante. À chaque fois il négociait le passage avec force précautions. Comme rien ne se passait, je trouvais tout cela très exagéré. Je suivais en maugréant de plus en plus. Si la surprise fut totale, pour moi, mon compagnon réagit avec la rapidité d'une longue habitude. Sa dague crissa en glissant sur le revêtement de son agresseur. Sous le coup, l'ombre sembla rebondir sur le mur et vola vers moi. Sans réfléchir, je fis un grand geste frappant la sombre silhouette avec ma sacoche. Le bruit de verre cassé m'apprit que mon ordinateur venait d'exploser dans le choc. J'en ressentis une violente douleur dans l'épaule gauche. Malgré cela je regardais la silhouette étalée en travers des marches. C'était un être difforme avec des ailes tronquées et des griffes impressionnantes. Elle bougeait encore. Me tournant vers mon compagnon de route, je l'interrogeais du regard. Il fit un geste éloquent de la main sur le cou. Cela me fit horreur et je lui en fis part...
- Tu préfères qu'elle te saigne, cette gouille ? me répondit-il en attrapant son agresseur avec la ferme intention de l'égorger.
C'est alors que je détaillais l'étrange créature qui était devant nous. Cet aspect, ces formes...
- Mais c'est une gargouille ! m'écriais-je.
- C'est ce que je t'ai dit : C'est une gouille! Et une des pires. C'est une gouille du nord. On la reconnaît à sa carapace verte !
Il disait cela tout en la découpant, séparant la tête du corps.
- T'as un joli coup... Je ne te croyais pas capable... Après tout, tu n'es qu'un humain !
Ayant dit cela, il lança la tête dans l'escalier. On l'entendit rebondir avec fracas.
- Ne restons pas là, ses copines vont rappliquer. Viens, ya un refuge pas loin !
Il s'élança dans un des couloirs. Je lui emboîtais le pas, lâchant ma sacoche de bureau, persuadé que mon ordinateur était hors service. Derrière nous, s'éleva une sombre lamentation.
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