Les éclaireurs revinrent
vers le groupe.
- Starcat ienotcme stobrca
(Il y a des loups noirs).
Quiloma hocha la tête.
- Teixs! (restez-là).
Sstanch n'avait rien
compris au dialogue. Muoucht lui traduisit.
- Y a des problèmes. Y a
des loups !
- Ils vont se battre ?
- L'prince a l'air de
vouloir y aller seul.
Quiloma s'était mis en
marche. Il remit l'épée au fourreau et sortit un court bâton
rouge. Il avança doucement vers la clairière. Quand il dépassa la
lisière de la forêt, il découvrit les loups couchés entre ou sur
les pierres. Il s'arrêta, parcourant du regard les différents
membres de la meute. Les loups l'avaient vu. Les plus jeunes
s'étaient mis debout. Ils regardaient alternativement vers la louve
sur la pierre et vers Quiloma. La louve était restée couchée mais
avait levé la tête. Quiloma braqua son regard sur elle. Prenant le
bâton à deux mains, il l'éleva à l'horizontale devant lui, tout
en mettant un genou à terre :
- Qschamia stobrca ... (
Que mon salut aille vers toi, louve noire, maîtresse de la meute. Je
viens en paix chercher les dépouilles des traîtres à la nation des
Êtres
Debouts. ).
Le bâton rougeoyait entre
les mains du prince. La louve posa son regard dessus. Il y eut comme
un éclair dans ses yeux. Elle se leva doucement, leva le nez au ciel
et poussa un long hululement. Les autres loups se mirent sur leurs
pattes. Sans se presser la louve noire sauta en bas de la pierre où
reposaient les restes des étrangers. Elle prit le chemin de la forêt
suivie par les siens en file indienne comme il sied à des loups en
paix.
Quiloma n'avait pas bougé.
Derrière un arbre, le dislocateur regardait cela sans comprendre. Un
grondement près de lui, le fit se retourner. L'alpha de la meute
était là. L'ordre était clair. Le dislocateur comme les loups, se
retira.
La clairière était
silencieuse sous la neige qui tombait. Il n'y avait plus de mouvement
perceptible. Quiloma se releva, rangea le bâton dans son étui à la
ceinture. Sans se retourner, il cria :
- Sxiet! (Venez!)
Les guerriers de
l'extérieur prirent position autour des pierres. Ils restaient sur
leurs gardes. Muoucht glissa à l'oreille de Sstanch :
- C'est pas des loups
qu'ils ont peur. Ils craignent une embuscade.
Sstanch et son escorte
s'arrêtèrent au milieu de la clairière près de la pierre de Hut.
Quiloma s'avança vers les restes sur la pierre cassée. Il examina
avec soin ce qui restait là. Il ramassa les affaires de la femme, de
l'enfant. Il passa un long moment à plier ce qui restait des
affaires et à en faire un paquet. Il se retourna et tendit le tout
qui fut immédiatement récupéré par un guerrier. Il se dirigea
alors vers les restes de l’étranger. Les vêtements comme pour les
deux autres avaient été peu abîmés. Il vit la main droite posée
sur la roche avec les armes. Il prit l’épée et la mit dans son
fourreau à la place de celle qu’il portait. De nouveau il plia les
affaires avec précaution et tendit le tout à un soldat. Ne restait
sur la roche que la main avec l’anneau. Quiloma la contempla
longuement.
- Qu’est-ce qu’il
fait ? demanda Kalgar.
- Je ne sais pas, lui
répondit Sstanch. Tu le sais toi ? Veut-il l’anneau ?
- J’sais pas, je connais
pas leurs rites. L’anneau est signe de pouvoir, c’est sûr.
L’prince en a un au doigt. Y en a d’autres qu’en ont un aussi
mais moins beau et moins gros.
Sstanch commença à
scruter les mains des hommes qui l’entouraient. Il en repéra cinq,
porteur d’anneau ou de gant avec un anneau de couleur sur le
majeur.
Quiloma avança la main
vers la pierre puis se ravisa. Il recommença son ébauche de geste
et de nouveau se ravisa. Il regarda autour de lui. La neige tombait.
La visibilité était faible. Un ciel bas et gris avait déjà des
airs de crépuscule.
- Il ne veut pas prendre
l’anneau ? demanda Sstanch.
- I’peut peut-être pas,
répondit Muoucht. A un col à trois jours de marche d’ici, ils ont
fait toute une cérémonie parce qu’ils avaient vu une trace dans
le rocher. Quand j’ai d’mandé c’qui s’passait, i’m’ont
dit qu’un grand être s’était posé là. En écoutant c’qui
disaient, j’ai compris que cela voulait dire qu’on était sur la
bonne piste.
- Stracbnh…( Rentrons,
nous ferons une offrande ce soir. Qu’un groupe garde ce lieu !).
Quiloma reprit le chemin
vers la ville sans un regard pour Sstanch et les siens. Un guerrier à
l’anneau rouge, leur fit signe d’avancer. Bientôt, il ne resta
plus qu’une dizaine d’hommes dans la clairière.