Les commentaires allaient bon train tandis qu’ils marchaient. Les gardiens échangeaient sur l’exploit de Lyanne. Tuer une telle bête d’un seul coup de dague et survivre à une rencontre avec la meute, leur semblait impossible pour le commun des mortels. La question de qui était Lyanne, commença à se poser. Pour Zounka et Ziepkaar, les choses étaient différentes. Un homme oiseau ne pouvait avoir que de tels pouvoirs et bien d’autres. Lyanne ressentait la différence, les armes étaient rangées, les gardiens déférents. Il avait noté qu’il en manquait un autre. Katvia devait avoir envoyé encore un messager.
La marche était agréable. On sentait des bouffées d’air du large qui commençaient à annoncer la mer. Les deux Cousmains retrouvaient une certaine joie de vivre. Ils s’étaient vus prisonniers bons à enchaîner et maintenant, ils marchaient en hommes libres entourés de gardiens pleins de bonhommie.
Quand le soir arriva, le soleil éclaira la masse lointaine de la forteresse. Katvia la contempla aussi. Si Lyanne pensait à Hapsye, à quoi pensait Katvia ? Il y avait dans cette forteresse quelque chose à la fois d’attirant et de dangereux. L’instinct de Lyanne ne savait pas choisir.
Ils furent accueillis dans un fortin. D’autres gardiens y logeaient. Lyanne nota l’organisation. Ce pays ne semblait pas avoir d’armée organisée. Les gardiens lui rappelèrent la police dans certaines villes qu’il avait traversées. L’armement restait léger. Après quelques mots de Katvia, ils furent acceptés et invités à partager le repas.
- Alors Katvia, dit le chef de la tablée, tu as ramené un drôle d’invité aujourd’hui.
Ce dernier fronça les sourcils. Manifestement, il aurait préféré que le repas se passe sans évoquer ces événements.
- Tu sais qu’on a vu passer une meute de loups, ce matin. Ils couraient comme s’ils avaient eu la queue en feu.
- Ska, tu n’as jamais su tenir ta langue, répondit Katvia. Nous sommes fatigués ce soir. Demain, une longue marche nous attend.
- Allons Katvia, une bonne histoire, on refuse pas de la raconter. J’ai entendu dire qu’un loup était mort…
- C’était une louve…
La voix de Lyanne fit venir le silence.
- C’était une louve qui ignorait ce que doivent savoir les loups. Elle en est morte. Faut-il se réjouir de la mort ?
Le dénommé Ska vida une nouvelle fois sa coupe et la remplit à nouveau :
- Quand c’est la mort de mes ennemis alors je me réjouis. Qui peut aimer les loups ? On ferait mieux d’extirper cette engeance de la terre, voilà c’que j’dis.
Et il vida sa coupe d’un trait sans quitter Lyanne des yeux.
- Que sais-tu de la vie et de la mort ? As-tu l’oreille des dieux ?
- D’abord t’es qui pour m’parler comme ça ? répondit Ska en se levant. T’es qu’un sale voleur d’étranger qui te crois plus malin parce que t’as tué un loup, mais tu fais pas peur…
Autour de lui certains s’étaient levés pour essayer de le calmer. Il les avait repoussés violemment, vidé une nouvelle fois sa coupe et s’était mis debout. Il était grand et massif. Il dégaina une dague :
- T’vois moi aussi j’ai une dague et j’fais faire un trou, comme ça on pourra faire un manteau d’ta peau. Il s’était rué sur Lyanne qui était encore assis.
Comme à chacun de ses combats, son temps intérieur s’accéléra. Pour Lyanne, Ska bougeait comme un escargot. Il eut le temps de se lever, de sortir son marteau, d’exploser la lame en la frappant et d'assommer son propriétaire d’un autre coup. Ska s’étala par terre renversant tables et tabourets. Lyanne eut même le temps de ranger son marteau avant que son temps propre ne rejoigne le temps commun.
- Je crois qu’il a trop bu pour combattre, ajouta Lyanne en relevant son tabouret.
Les autres présents regardèrent Lyanne, puis Ska, puis Lyanne, pour finir par regarder Katvia.
- Dégagez-le, dit ce dernier. Que trois hommes le couchent… et surveillez-le. Il est aux arrêts. Je ferai un rapport en arrivant là-bas.
Puis se tournant vers Lyanne, il déclara :
- Ça n’aurait jamais dû arriver !
Quand se promènent les mots, des histoires prennent corps. Que ce lieu leur serve de repos.
dimanche 26 octobre 2014
mercredi 22 octobre 2014
Ils avaient repris leur progression dans une atmosphère étrange. Sounka ne comprenait pas ce qui s’était passé. Lyanne se posait la question sur ce que l’homme avait murmuré. Il n’avait pas réussi à l’interroger. Son chef l’avait envoyé en avant, soi-disant comme éclaireur. Lyanne pensait plutôt qu’il était parti donner l’alerte. Ziepkaar était le seul heureux de la situation. Ils avaient quitté les roches noires pour une région agricole faite de petits lopins de terre isolés au milieu d’une nature assez pauvre. Les volcans avaient régulièrement dévasté la région par leurs cendres par le passé. Rares étaient ceux qui osaient venir tenter leur chance sur ces terres fertiles mais inquiétantes. Leurs gardiens marchaient autour d’eux dans une attitude qui se voulait amicale quand elle n’était que tension. Si les armes étaient au repos, elles n’étaient pas rangées. Seul Lyanne profitait du soleil présent, de la nature qui se battait avec les laves pour reprendre pied sur ce territoire. Il se sentait loin de sa terre d’origine. Un brin de nostalgie le traversait quand il n’avait pas été à la Blanche depuis longtemps. Il se promit d’y aller le soir même. Les volcans, derrière lui, lui rappelaient les Montagnes Changeantes. Il y trouverait bien un passage vers les terres blanches du Pays Blanc. Le contraste des terres était saisissant dans son esprit. Il pensa au grand dragon blanc et noir. Ici, on était dans un pays chaud à la terre noire, là-bas, dans une terre froide et blanche. Contraste encore, les dragons étaient des êtres de glace et de feu. Tout en marchant, alors que son corps se laissait aller à la régularité des pas qu’on alignait l’un après l’autre, ses pensées vagabondaient sur sa double nature.
Quand arriva le soir, il sentait qu’ici se passerait quelque chose d’important. Verrait-il enfin la fin de sa quête ?
- Des Gardiens !!! M’man, des gardiens !
Les cris provenaient de quelques enfants qui coururent jusqu’à une bâtisse faite de la pierre noire extraite du sol.
- Nous allons nous reposer ici, dit Katvia.
Pour Lyanne, c’est ainsi que sonnait le nom du chef des gardiens. Il était sûr qu’il le comprenait mal. Les sonorités étaient plus riches que ce qu’il entendait. Son autre nature lui soufflait des harmoniques que son gosier humain ne savait pas produire.
Ils venaient d’arriver dans une ferme bien tenue. L’homme qui apparut était râblé et avait la peau très sombre de ceux qui vivent dehors. Une troupe d’enfants se tenait derrière lui.
- Bienvenue, Gardiens des terres noires ! dit-il en avançant les mains hautes, paumes tournées vers l’avant. Soyez en paix sur ma terre.
Katvia répondit de même et leurs mains se touchèrent rituellement.
Le fermier regarda vers Sounka.
- Vous avez des prisonniers ?
- Non, Litchu. On parlera d’invités. Ils nous accompagnent.
- Ah ! Je vois. Alors, ils dormiront dedans. Ici traînent des loups.
Ce fut au tour de Katvia d’être étonné.
- Des loups ? Mais cela fait des générations qu’on n’avait pas signalé de loups sur les terres noires.
- Un de mes fils les a vus. Ils sont aussi noirs que la terre. Peut-être même sont-ils fils du volcan ?
- Des loups ? reprit Lyanne qui s’était approché des deux hommes. Et des loups noirs ?
- Oui, étranger. Des loups noirs aussi hauts que des hommes a dit mon fils. Mais peut-être sont-ils déjà loin ? Ce serait préférable pour nous.
- Ont-ils attaqué tes bêtes ?
- Non, heureusement pour nous. Les mises-bas ont été rares cette année. Nous avons besoin de toutes nos bêtes pour survivre.
- Ta famille est nombreuse, Lichu. Je comprends, reprit Katvia. Je vais envoyer des hommes voir les traces avant que la nuit ne soit trop noire.
- Puis-je les accompagner ? demanda Lyanne. Je connais les loups noirs. Mon pays en abrite.
Pour toute réponse Katia haussa les épaules. Il donna des ordres et trois hommes accompagnés de Lyanne suivirent le fils du fermier.
Dans la lumière déclinante, ils arrivèrent près d’une mare. Ils en firent le tour inspectant les traces laissées par les larges pattes des canidés.
- J’ai jamais vu ça, dit un des gardiens. Il y a toute une meute. Elle est venue boire et est repartie. J’espère qu’elle est loin.
Lyanne pendant ce temps, contemplait le paysage autour. C’était une lande faite de buissons et de bosquets d’arbres aux branches tordues, entrecoupée de place en place de prairies plutôt maigres.
Il les sentit sans les voir. La meute était tout autour d’eux, attentive. Il sentit le désir de chasse qui en émanait.
- La lumière est mauvaise ce soir. Nous ne verrons rien. Rentrons !
Lyanne se tourna vers celui qui avait parlé. Katvia l’avait nommé chef du détachement. Il transpirait la peur par toute son attitude. Les autres ne valaient guère mieux et furent unanimes à accepter de retourner à la ferme.
- Allez devant, dit Lyanne. Je vais vérifier ces buissons et j’arrive.
Personne n’argumenta ses paroles. Ils partirent à grands pas, l’arme à la main, précédés du jeune qui se retenait pour ne pas courir. Ils disparurent bientôt derrière un repli de terrain. Les loups qui avaient senti la présence humaine attendirent que le nuit fut bien noire pour se lever. Lyanne en compta trois mains, dix adultes et cinq jeunes. Il les entendit se répartir tout autour de lui. Il était la proie et eux les chasseurs. Il s’assit sur un rocher et attendit l’approche. Le premier à apparaître fut un grand mâle sur sa droite. Puis ce fut au tour de la femelle alpha de se montrer.
- La nuit est belle, Chasseresse !
Les yeux jaunes de la louve brillèrent avec plus d’éclat.
- Tu parles notre langue, proie-homme. C’est la première fois que je vais manger une proie qui parle notre langue.
- Es-tu sûre que tu veux me manger ? Une proie muette serait plus dans tes habitudes.
- La meute a faim, proie-homme. Les autres ont fui. Toi, tu es resté. Tu es la proie.
- Une meute comme la tienne évite de chasser les hommes. Pourquoi le ferais-tu aujourd’hui ?
- Notre territoire est plus loin, proie-homme. Ici les proies sont dans des maisons en pierre la nuit. Toi, tu es là.
Lyanne sentait la présence des autres loups se rapprocher. La louve s’était assise sur son arrière-train.
- Que viens-tu faire ici, si ton territoire est ailleurs ?
- Il y a eu un Appel. Il y a longtemps que nous n’avions pas entendu l’Appel.
- Où est l’appelant ?
- Nous avons été jusqu’aux terres qui brûlent sans le trouver. Maintenant la faim est là, et toi aussi.
- Je pourrais être l’appelant.
- Non, tu es la proie…
Elle n’avait pas fini qu’elle avait bondi sur Lyanne. Le bruit des mâchoires claqua dans la nuit. Tous les loups bondirent en arrière quand le grand dragon rouge ferma sa gueule sur la louve. Lyanne laissa retomber le corps sans vie et regarda autour de lui. Tous les loups étaient aplatis par terre, la queue entre les jambes et les oreilles basses.
- Qui est la nouvelle alphe ? demanda-t-il.
Une jeune louve au regard lumineux s’approcha :
- Tu es l’appelant ! Nous sommes tes serviteurs !
- Quel est ton nom, meute de loups noirs ?
- Hapsye fille de Praznik, fille de Nanzo, fille de RRling.
- Quand as-tu entendu l’Appel ?
Les loups noirs ne vivant pas le temps comme les humains, Lyanne vit une image se former dans l’esprit de Hapsye, une image de tempête et de volcan, de vent et de mort. Il eut la certitude de la concordance entre sa chute et l’Appel.
Une autre image se forma, celle de loups chassant les gardiens.
- Ma volonté est autre, Hapsye. Connais-tu la forteresse qui surplombe la mer ?
La meute réagit en évoquant le château qu’il avait aperçu lors de son dernier vol, une forteresse de pierres blanches surplombant la mer.
- La pierre est trop dure pour nos crocs. Nous ne pouvons y pénétrer.
- Hapsye, tu seras mes yeux. Va, et explore le pays.
- Pourrons-nous chasser ?
- Oui, évite les humains.
Lyanne reprit une forme humaine et la jeune louve vint poser sa tête sur ses genoux. Ses yeux avaient presque la même couleur que les siens.
- Nous attendions depuis longtemps que tu appelles, maître.
Derrière elle, tous les loups vinrent faire soumission. Quand l’oméga eut rendu son hommage, Lyanne les vit s’élancer dans la nuit. Coureurs infatigables, ils verraient leur but avant que la nuit ne soit achevée.
Il se leva et, dans un grand mouvement d’ailes, partit pour la Blanche.
Il ne revint qu’au matin dans le pays aux roches noires. Il avait été jusqu’à son château dans la plaine glacée. Là-bas, le jour se ferait attendre encore un moment. La nuit y était étoilée et la neige immaculée. Il avait fait le bonheur de ses vassaux en arrivant à l’improviste. Les Gowaï avaient fait la fête en son honneur. Lyanne avait joué avec le temps dans les dédales des Montagnes Changeantes pour revenir près de la ferme avant le jour. Il se posa près de la mare. Le cadavre de la louve noire était encore à terre. Un seul de ses crocs l’avait transpercé. Il eut un sourire, sortit sa dague et regarda. La lame avait la bonne largeur. Il souleva le corps sans vie et le chargea sur ses épaules :
- Toi qui as été dans la désobéissance, tu vas quand même te mettre à mon service.
Les premiers rayons du soleil perçaient à travers les nuages quand il arriva devant la ferme. Il vit les gardiens sursauter et prendre leurs lances quand il déboucha entre deux bosquets.
- Les loups ne seront plus une gêne pour Litchu et sa famille, dit-il en déposant le corps de la louve sur un muret.
Katvia sortit en trombe pour venir voir. Il regarda Lyanne, la louve et encore Lyanne.
- Comment l’as-tu tuée ?
Lyanne sortit sa dague et dit :
- Je l’ai transpercée. Les autres sont partis. Elle les dirigeait et les dirigeait mal.
Un regard de crainte passa dans les yeux des spectateurs. La louve était grande, plus grande que ce qu’ils se représentaient. Un des moins craintifs s’était approché de l’animal :
- Ya qu’une plaie, Chef !
Litchu était aussi arrivé. Il regarda la louve :
- Es-tu sûr qu’ils sont partis ? Une telle meute dans les parages et c’est tout mon troupeau qui y passe.
- On peut suivre leurs traces, la meute est partie par là, dit-il en montrant la direction approximative de la forteresse. Profite de sa peau. Elle fera une riche parure.
Litchu salua pour remercier et rentra en courant en appelant sa femme. Ce fut au tour de Katvia de s’approcher :
- On t’a cru mort, quand on a vu que tu n’étais pas rentré. Mais tu es plus dur que je ne le pensais
- Je t’ai dit, Katvia. Je connais les loups, mon pays en abrite.
- Va manger, nous allons partir bientôt.
Quand arriva le soir, il sentait qu’ici se passerait quelque chose d’important. Verrait-il enfin la fin de sa quête ?
- Des Gardiens !!! M’man, des gardiens !
Les cris provenaient de quelques enfants qui coururent jusqu’à une bâtisse faite de la pierre noire extraite du sol.
- Nous allons nous reposer ici, dit Katvia.
Pour Lyanne, c’est ainsi que sonnait le nom du chef des gardiens. Il était sûr qu’il le comprenait mal. Les sonorités étaient plus riches que ce qu’il entendait. Son autre nature lui soufflait des harmoniques que son gosier humain ne savait pas produire.
Ils venaient d’arriver dans une ferme bien tenue. L’homme qui apparut était râblé et avait la peau très sombre de ceux qui vivent dehors. Une troupe d’enfants se tenait derrière lui.
- Bienvenue, Gardiens des terres noires ! dit-il en avançant les mains hautes, paumes tournées vers l’avant. Soyez en paix sur ma terre.
Katvia répondit de même et leurs mains se touchèrent rituellement.
Le fermier regarda vers Sounka.
- Vous avez des prisonniers ?
- Non, Litchu. On parlera d’invités. Ils nous accompagnent.
- Ah ! Je vois. Alors, ils dormiront dedans. Ici traînent des loups.
Ce fut au tour de Katvia d’être étonné.
- Des loups ? Mais cela fait des générations qu’on n’avait pas signalé de loups sur les terres noires.
- Un de mes fils les a vus. Ils sont aussi noirs que la terre. Peut-être même sont-ils fils du volcan ?
- Des loups ? reprit Lyanne qui s’était approché des deux hommes. Et des loups noirs ?
- Oui, étranger. Des loups noirs aussi hauts que des hommes a dit mon fils. Mais peut-être sont-ils déjà loin ? Ce serait préférable pour nous.
- Ont-ils attaqué tes bêtes ?
- Non, heureusement pour nous. Les mises-bas ont été rares cette année. Nous avons besoin de toutes nos bêtes pour survivre.
- Ta famille est nombreuse, Lichu. Je comprends, reprit Katvia. Je vais envoyer des hommes voir les traces avant que la nuit ne soit trop noire.
- Puis-je les accompagner ? demanda Lyanne. Je connais les loups noirs. Mon pays en abrite.
Pour toute réponse Katia haussa les épaules. Il donna des ordres et trois hommes accompagnés de Lyanne suivirent le fils du fermier.
Dans la lumière déclinante, ils arrivèrent près d’une mare. Ils en firent le tour inspectant les traces laissées par les larges pattes des canidés.
- J’ai jamais vu ça, dit un des gardiens. Il y a toute une meute. Elle est venue boire et est repartie. J’espère qu’elle est loin.
Lyanne pendant ce temps, contemplait le paysage autour. C’était une lande faite de buissons et de bosquets d’arbres aux branches tordues, entrecoupée de place en place de prairies plutôt maigres.
Il les sentit sans les voir. La meute était tout autour d’eux, attentive. Il sentit le désir de chasse qui en émanait.
- La lumière est mauvaise ce soir. Nous ne verrons rien. Rentrons !
Lyanne se tourna vers celui qui avait parlé. Katvia l’avait nommé chef du détachement. Il transpirait la peur par toute son attitude. Les autres ne valaient guère mieux et furent unanimes à accepter de retourner à la ferme.
- Allez devant, dit Lyanne. Je vais vérifier ces buissons et j’arrive.
Personne n’argumenta ses paroles. Ils partirent à grands pas, l’arme à la main, précédés du jeune qui se retenait pour ne pas courir. Ils disparurent bientôt derrière un repli de terrain. Les loups qui avaient senti la présence humaine attendirent que le nuit fut bien noire pour se lever. Lyanne en compta trois mains, dix adultes et cinq jeunes. Il les entendit se répartir tout autour de lui. Il était la proie et eux les chasseurs. Il s’assit sur un rocher et attendit l’approche. Le premier à apparaître fut un grand mâle sur sa droite. Puis ce fut au tour de la femelle alpha de se montrer.
- La nuit est belle, Chasseresse !
Les yeux jaunes de la louve brillèrent avec plus d’éclat.
- Tu parles notre langue, proie-homme. C’est la première fois que je vais manger une proie qui parle notre langue.
- Es-tu sûre que tu veux me manger ? Une proie muette serait plus dans tes habitudes.
- La meute a faim, proie-homme. Les autres ont fui. Toi, tu es resté. Tu es la proie.
- Une meute comme la tienne évite de chasser les hommes. Pourquoi le ferais-tu aujourd’hui ?
- Notre territoire est plus loin, proie-homme. Ici les proies sont dans des maisons en pierre la nuit. Toi, tu es là.
Lyanne sentait la présence des autres loups se rapprocher. La louve s’était assise sur son arrière-train.
- Que viens-tu faire ici, si ton territoire est ailleurs ?
- Il y a eu un Appel. Il y a longtemps que nous n’avions pas entendu l’Appel.
- Où est l’appelant ?
- Nous avons été jusqu’aux terres qui brûlent sans le trouver. Maintenant la faim est là, et toi aussi.
- Je pourrais être l’appelant.
- Non, tu es la proie…
Elle n’avait pas fini qu’elle avait bondi sur Lyanne. Le bruit des mâchoires claqua dans la nuit. Tous les loups bondirent en arrière quand le grand dragon rouge ferma sa gueule sur la louve. Lyanne laissa retomber le corps sans vie et regarda autour de lui. Tous les loups étaient aplatis par terre, la queue entre les jambes et les oreilles basses.
- Qui est la nouvelle alphe ? demanda-t-il.
Une jeune louve au regard lumineux s’approcha :
- Tu es l’appelant ! Nous sommes tes serviteurs !
- Quel est ton nom, meute de loups noirs ?
- Hapsye fille de Praznik, fille de Nanzo, fille de RRling.
- Quand as-tu entendu l’Appel ?
Les loups noirs ne vivant pas le temps comme les humains, Lyanne vit une image se former dans l’esprit de Hapsye, une image de tempête et de volcan, de vent et de mort. Il eut la certitude de la concordance entre sa chute et l’Appel.
Une autre image se forma, celle de loups chassant les gardiens.
- Ma volonté est autre, Hapsye. Connais-tu la forteresse qui surplombe la mer ?
La meute réagit en évoquant le château qu’il avait aperçu lors de son dernier vol, une forteresse de pierres blanches surplombant la mer.
- La pierre est trop dure pour nos crocs. Nous ne pouvons y pénétrer.
- Hapsye, tu seras mes yeux. Va, et explore le pays.
- Pourrons-nous chasser ?
- Oui, évite les humains.
Lyanne reprit une forme humaine et la jeune louve vint poser sa tête sur ses genoux. Ses yeux avaient presque la même couleur que les siens.
- Nous attendions depuis longtemps que tu appelles, maître.
Derrière elle, tous les loups vinrent faire soumission. Quand l’oméga eut rendu son hommage, Lyanne les vit s’élancer dans la nuit. Coureurs infatigables, ils verraient leur but avant que la nuit ne soit achevée.
Il se leva et, dans un grand mouvement d’ailes, partit pour la Blanche.
Il ne revint qu’au matin dans le pays aux roches noires. Il avait été jusqu’à son château dans la plaine glacée. Là-bas, le jour se ferait attendre encore un moment. La nuit y était étoilée et la neige immaculée. Il avait fait le bonheur de ses vassaux en arrivant à l’improviste. Les Gowaï avaient fait la fête en son honneur. Lyanne avait joué avec le temps dans les dédales des Montagnes Changeantes pour revenir près de la ferme avant le jour. Il se posa près de la mare. Le cadavre de la louve noire était encore à terre. Un seul de ses crocs l’avait transpercé. Il eut un sourire, sortit sa dague et regarda. La lame avait la bonne largeur. Il souleva le corps sans vie et le chargea sur ses épaules :
- Toi qui as été dans la désobéissance, tu vas quand même te mettre à mon service.
Les premiers rayons du soleil perçaient à travers les nuages quand il arriva devant la ferme. Il vit les gardiens sursauter et prendre leurs lances quand il déboucha entre deux bosquets.
- Les loups ne seront plus une gêne pour Litchu et sa famille, dit-il en déposant le corps de la louve sur un muret.
Katvia sortit en trombe pour venir voir. Il regarda Lyanne, la louve et encore Lyanne.
- Comment l’as-tu tuée ?
Lyanne sortit sa dague et dit :
- Je l’ai transpercée. Les autres sont partis. Elle les dirigeait et les dirigeait mal.
Un regard de crainte passa dans les yeux des spectateurs. La louve était grande, plus grande que ce qu’ils se représentaient. Un des moins craintifs s’était approché de l’animal :
- Ya qu’une plaie, Chef !
Litchu était aussi arrivé. Il regarda la louve :
- Es-tu sûr qu’ils sont partis ? Une telle meute dans les parages et c’est tout mon troupeau qui y passe.
- On peut suivre leurs traces, la meute est partie par là, dit-il en montrant la direction approximative de la forteresse. Profite de sa peau. Elle fera une riche parure.
Litchu salua pour remercier et rentra en courant en appelant sa femme. Ce fut au tour de Katvia de s’approcher :
- On t’a cru mort, quand on a vu que tu n’étais pas rentré. Mais tu es plus dur que je ne le pensais
- Je t’ai dit, Katvia. Je connais les loups, mon pays en abrite.
- Va manger, nous allons partir bientôt.
dimanche 19 octobre 2014
CORRECTION
La piqûre le réveilla. Il avait mal à la tête. Une nouvelle piqûre lui fit ouvrir les yeux.
- L’dernier s’réveille, dit une voix éraillée.
Lyanne était sur le dos sous sa forme humaine. Il avait l’impression d’avoir été roué de coups. Tout son corps rechignait à bouger. Il se redressa en regardant autour de lui. Une troupe d’une dizaine d’hommes l’entourait. Plus loin, il vit Haafefe. Le bateau était en cours d’inspection. Un homme l’examinait avec attention. Il l’entendait grommeler sans comprendre ce qu’il disait. Dans sa position, il ne voyait aucune trace de Sounka ou de Ziepkaar. Plus loin d’autres hommes formaient un groupe compact. Ils étaient tous armés de lances faites d’un tronc dont l’extrémité avait été effilée et durcie au feu. C’est une des armes qu’on avait appuyée sur sa poitrine. Alors qu’il se relevait quelqu’un passa rapidement derrière lui, lui entravant les bras en les attachant sur une solide branche avec des liens faits de fibres tressées. On le mit debout sans ménagement.
- Alors voleur, on va voir comment tu danseras tout à l’heure.
Lyanne ne répondit rien. Dans sa tête un gong sonnait au rythme de son cœur. Il avait la nausée et serait bien resté simplement allongé sur le sable à attendre d’aller mieux.
On le poussa en avant. Ils le firent se rapprocher de Haafefe.
- Tous cas, l’ont soigné.
Lyanne tourna la tête pour voir qui parlait ainsi. L’homme qui inspectait le bateau, faisait un rapport à un individu aux cheveux blancs et coiffé d’un casque brillant. C’était le seul à avoir une arme en métal.
- C’est du bon travail, répondit l’homme aux cheveux blancs.
- Quand les tempêtes soufflent et qu’le volcan crache, ya toujours quequechose à récupérer ici, répondit un autre. J’vous ai appelé dès qu’j’ai vu qu’il y avait un de vos bateaux échoués.
- Ces voleurs n’auront que ce qu’ils méritent, Cerjas. En attendant voici pour toi.
Lyanne fut témoin d’un échange de bourses. L’homme aux cheveux blancs versait de petits coquillages aux reflets pourpres dans un sac que lui avait tendu le dénommé Cerjas. Le regard qu’il jetait sur ce qui tombait dans son escarcelle en disait long sur la valeur de ces coquillages.
Il n’en vit pas plus car on le poussa en avant. Il marcha jusqu’à la limite de la plage de sable noir. Au loin la montagne fumait toujours. Son flanc rougeoyait encore malgré la lumière déjà forte de ce début de journée. Buttant sur une roche qui dépassait, Lyanne tomba. Il se laissa aller sur le côté pour ne pas se retrouver la tête dans la sable. Il entendit rire ses gardiens qui le remirent debout sans ménagement et le dirigèrent vers un renfoncement où il découvrit assis, les mains attachées derrière le dos, Sounka et Ziepkaar.
On le fit asseoir à côté.
- Ils t’ont eu aussi, homme-oiseau. J’espérais que tu viendrais nous sauver.
- Pour le moment, Sounka, il est préférable de supporter cela, répondit Lyanne.
Dans sa tête, le bruit était trop violent pour qu’il puisse réfléchir. Il se laissa aller,détendant ses muscles autant qu’il pouvait.
Le soleil se montra quand l’homme aux cheveux blancs se rapprocha d’eux. Derrière lui, il vit une escouade pousser Haafefe à l’eau.
- Tlaloc va ramener le bateau à Souacpas. Nous allons rentrer par la terre.
- Et ceux-là ? dit un de leurs gardiens en les montrant.
- Ils marcheront.
- L’homme au drôle de manteau a pas l’air en forme.
- On verra, Raznac, on verra.
Il regarda autour de lui. Cerjas s’en allait à l’autre bout de la plage. Haafefe avançait à la pagaie, propulsé par une dizaine de gaillards qu’on entendait chanter. Les hommes étaient tous, la lance à la main, prêts à partir.
Faisant un geste, celui qui était manifestement le chef, donna l’ordre du départ.
Ils marchèrent toute la journée. Il n’y eut que très peu de temps de repos. Heureusement, les cousmains étaient résistants. Malgré tout, Sounka et Ziepkaar connurent plusieurs chutes dont ils se protégèrent mal. Lyanne était plus lourdement chargé qu’eux avec ce joug qu’il devait porter et auquel il était attaché. Il tomba aussi dans certains passages chaotiques. À chaque fois, il réussit à planter le bout de bois en avant. Il se trouva ainsi protégé des blessures qu'arboraient ses compagnons. Contrairement à eux, la chaleur, qui régnait tout autour d’eux, dans ce paysage de laves noires à peine refroidies, lui redonnait de l’énergie. Il avait l’impression qu’elle le nourrissait. Quand arrivèrent le soir et le bivouac, il était en grande forme. Il sentait la fatigue des autres. Les gestes étaient las et lents. On ne le délia pas. Sounka connut le même sort. Ce fut Ziepkaar qui fut chargé de s’occuper d’eux et de les faire manger sous le contrôle d’un gardien. La nourriture était pauvre et mal cuite sans parler de la quantité insuffisante pour leur redonner des forces pour le lendemain. Ziepkaar avait tout juste fini de s’occuper d’eux que le dernier rayon de lumière s’éteignit. Il ne resta qu’une lueur jaunâtre venant du volcan. C’est tout juste si l’on distinguait de vagues formes. Lyanne qui n’était pas gêné par le manque de lumière, regarda les hommes tenter de trouver un coin à peu près confortable dans ce monde minéral. Si Sounka et Ziepkaar avaient été attachés à une longe reliée à un garde, Lyanne avait été suspendu par sa poutre entre deux roches assez hautes pour qu’il ait à peine les pieds qui touchaient terre. La position était rapidement devenue douloureuse. Quand Lyanne entendit les respirations se calmer, il décida de se libérer de tout cela. Son bâton de pouvoir avait servi de bâton de marche à l’un des gardes. Heureusement, il n’avait pas touché au tissu qui en couvrait l’extrémité. Son marteau, lui, avait rejoint le paquetage d’un autre. Lyanne se transforma en dragon. La position attachée lui était encore plus douloureuse. Il changea de taille, devenant suffisamment petit pour que les liens se relâchent. Il s’envola.
Vu d’en haut, il découvrit un monde façonné par les volcans. Plusieurs cratères dont certains inactifs formaient une chaîne de montagne. Derrière, il aperçut les éclairs des tempêtes qu’ils avaient traversées. Leur chemin les avait fait contourner un cône actif mais pas très haut. C’est lui qui donnait cette luminosité. De l’autre côté, il distingua une ligne de séparation. Il s’en approcha. La végétation reprenait ses droits. Il survola une partie du pays. Quelques champs çà et là montraient qu’il y avait des habitants, mais Lyanne ne vit pas de villages. Le vent avait des senteurs marines. Il le remonta pour se retrouver au-dessus d’une côte faite d’une succession de petites falaises entrecoupées de plage de galets. Au loin, il vit un forme anguleuse qui lui évoqua une forteresse. Virant sur l’aile, il repartit vers les terres noires où étaient restés Sounka et Ziepkaar.
Il se posa non loin du groupe. Il l’avait survolé. Tous les hommes dormaient plus ou moins profondément. Comme toujours quand il reprenait sa forme d’homme, son bâton de pouvoir et son marteau avaient réintégré son côté. Il avait fini par maîtriser cette magie liée à sa double nature. Sans bruit, il se rapprocha de ses deux compagnons, les libérant de leurs liens sans même les réveiller. Simplement après, il s’assit sur un rocher surplombant les lieux et attendit que le soleil se lève.
Il vit Sounka et Ziepkaar bouger tranquillement dans leur sommeil pour trouver une meilleure position. Il entendit se lever l’un ou l’autre de leurs gardiens, les vit aller se soulager un peu plus loin et revenir à tâtons à leur place. Celui qui passa au pied de Lyanne ne le vit même pas, ce qui le fit sourire.
Le soleil se leva dans une débauche de pourpre, d’or et de blancs. Les hommes se levèrent doucement. Ziepkaar se leva naturellement, oubliant qu’il devait être attaché. Il commença à déambuler cherchant un coin pour s’isoler. Pendant quelques instants, rien ne se passa et puis un des gardiens prit conscience de l’anomalie et hurla un avertissement. Cela réveilla Sounka qui n’eut pas le temps de bouger avant qu’une lance ne le bloque au sol. Ziepkaar se trouva pris en chasse par deux hommes pendant qu’un troisième hurlait que le prisonnier avait disparu. Ombre chinoise immobile dans le soleil levant, personne ne remarqua Lyanne. Ce fut le point de départ d’une grande agitation. Le chef se mit à hurler des ordres, pendant que ses guerriers s’agitaient, cherchant s’il ne leur manquait rien. Il y eut un cri quand on découvrit la disparition du bâton de pouvoir et presque immédiatement un deuxième quand on constata la disparition du marteau. Ziepkaar, qui avait déjà par deux fois échappé à ses poursuivants, commençait à fatiguer. D’autres hommes se joignant aux premiers, il semblait paniquer. Le hasard lui fit diriger ses pas vers le rocher où se tenait Lyanne. Dès que Ziepkaar fut passé derrière lui, il se mit debout et poussa un grand cri. Il vit se figer les guerriers en dessous de lui. Se reprenant rapidement, un des guerriers lui jeta sa lance que Lyanne esquiva sans difficulté. D’autres armaient leurs bras, quand un cri les bloqua. Leur chef avait crié un ordre.
Lyanne le vit s’approcher tranquillement pendant que les autres entouraient le rocher où il se trouvait.
- Rends-toi ! Tu n’as aucune chance !
- C’est toi qu’à aucune chance, c’est un Homme-oiseau, hurla Ziapkaar de derrière le rocher.
Lyanne n’avait pas répondu. Il avait juste lentement pris son marteau de combat qui envoya des éclairs en reflétant les rayons du soleil levant.
Entre le cri de Ziepkaar et le calme de Lyanne, les hommes marquèrent un temps d’arrêt, jetant des coups d’œil vers leur chef. Ce dernier hésita.
- Qu’est-ce qu’un homme-oiseau ? demanda-t-il tout en regardant autour de lui. Préfère-t-il se rendre ou bien que son ami meure ?
Il avait fait un geste et le gardien avait appuyé un peu plus fort sa lance sur le ventre de Sounka.
Lyanne avait bougé comme il savait le faire, prenant même la forme d’un rouge dragon. Quand il se remit debout sur le rocher, un battement de paupière plus tard, la lance était en miettes et le gardien à terre.
- Devons-nous nous battre, homme d’ici ? demanda Lyanne.
- Vous avez volé un de nos bateaux.
- Je suis étranger à ce fait. Ce bateau m’a amené ici puisque tel est mon chemin.
- Alors les autres sont des voleurs et tu es complice.
- Que voulais-tu faire de nous ?
- Vous conduire en prison pour y être jugés !
- Où est-ce ?
L’homme était déstabilisé par ces questions posées calmement par un homme dont il sentait la puissance.
- Je n’ai pas l’autorité pour faire autre chose. Mes ordres sont clairs.
- Tes ordres te demandent-ils de te faire tuer ?
- Je dois remplir ma mission.
- Oui, Homme d’ici. Ta mission est de nous amener à cette prison. Bien. Est-ce cette forteresse à quelques jours de marche d’ici ?
- Ou..Oui, balbutia l’homme. Tu es déjà venu ?
- Si je t’accompagne, ainsi que mes compagnons, tu auras accompli ta mission. Mon chemin va vers ce lieu. Allons-y en paix.
- Si je refuse ?
- La mort sera votre lot.
Un des gardiens s’approcha de son chef et lui glissa quelques mots à l’oreille. Lyanne vit l’air étonné de son interlocuteur qui regarda son subordonné, puis vers lui, puis de nouveau vers son subordonné, pour lui dire :
- Es-tu sûr ?
L’homme répondit à voix basse mais ses mouvement de tête semblaient dire non.
Le chef se tourna vers Lyanne, rangea son épée et dit :
- Vous allez nous accompagner.
Puis se tournant vers ses hommes il ajouta :
- Rangez vos armes !
- L’dernier s’réveille, dit une voix éraillée.
Lyanne était sur le dos sous sa forme humaine. Il avait l’impression d’avoir été roué de coups. Tout son corps rechignait à bouger. Il se redressa en regardant autour de lui. Une troupe d’une dizaine d’hommes l’entourait. Plus loin, il vit Haafefe. Le bateau était en cours d’inspection. Un homme l’examinait avec attention. Il l’entendait grommeler sans comprendre ce qu’il disait. Dans sa position, il ne voyait aucune trace de Sounka ou de Ziepkaar. Plus loin d’autres hommes formaient un groupe compact. Ils étaient tous armés de lances faites d’un tronc dont l’extrémité avait été effilée et durcie au feu. C’est une des armes qu’on avait appuyée sur sa poitrine. Alors qu’il se relevait quelqu’un passa rapidement derrière lui, lui entravant les bras en les attachant sur une solide branche avec des liens faits de fibres tressées. On le mit debout sans ménagement.
- Alors voleur, on va voir comment tu danseras tout à l’heure.
Lyanne ne répondit rien. Dans sa tête un gong sonnait au rythme de son cœur. Il avait la nausée et serait bien resté simplement allongé sur le sable à attendre d’aller mieux.
On le poussa en avant. Ils le firent se rapprocher de Haafefe.
- Tous cas, l’ont soigné.
Lyanne tourna la tête pour voir qui parlait ainsi. L’homme qui inspectait le bateau, faisait un rapport à un individu aux cheveux blancs et coiffé d’un casque brillant. C’était le seul à avoir une arme en métal.
- C’est du bon travail, répondit l’homme aux cheveux blancs.
- Quand les tempêtes soufflent et qu’le volcan crache, ya toujours quequechose à récupérer ici, répondit un autre. J’vous ai appelé dès qu’j’ai vu qu’il y avait un de vos bateaux échoués.
- Ces voleurs n’auront que ce qu’ils méritent, Cerjas. En attendant voici pour toi.
Lyanne fut témoin d’un échange de bourses. L’homme aux cheveux blancs versait de petits coquillages aux reflets pourpres dans un sac que lui avait tendu le dénommé Cerjas. Le regard qu’il jetait sur ce qui tombait dans son escarcelle en disait long sur la valeur de ces coquillages.
Il n’en vit pas plus car on le poussa en avant. Il marcha jusqu’à la limite de la plage de sable noir. Au loin la montagne fumait toujours. Son flanc rougeoyait encore malgré la lumière déjà forte de ce début de journée. Buttant sur une roche qui dépassait, Lyanne tomba. Il se laissa aller sur le côté pour ne pas se retrouver la tête dans la sable. Il entendit rire ses gardiens qui le remirent debout sans ménagement et le dirigèrent vers un renfoncement où il découvrit assis, les mains attachées derrière le dos, Sounka et Ziepkaar.
On le fit asseoir à côté.
- Ils t’ont eu aussi, homme-oiseau. J’espérais que tu viendrais nous sauver.
- Pour le moment, Sounka, il est préférable de supporter cela, répondit Lyanne.
Dans sa tête, le bruit était trop violent pour qu’il puisse réfléchir. Il se laissa aller,détendant ses muscles autant qu’il pouvait.
Le soleil se montra quand l’homme aux cheveux blancs se rapprocha d’eux. Derrière lui, il vit une escouade pousser Haafefe à l’eau.
- Tlaloc va ramener le bateau à Souacpas. Nous allons rentrer par la terre.
- Et ceux-là ? dit un de leurs gardiens en les montrant.
- Ils marcheront.
- L’homme au drôle de manteau a pas l’air en forme.
- On verra, Raznac, on verra.
Il regarda autour de lui. Cerjas s’en allait à l’autre bout de la plage. Haafefe avançait à la pagaie, propulsé par une dizaine de gaillards qu’on entendait chanter. Les hommes étaient tous, la lance à la main, prêts à partir.
Faisant un geste, celui qui était manifestement le chef, donna l’ordre du départ.
Ils marchèrent toute la journée. Il n’y eut que très peu de temps de repos. Heureusement, les cousmains étaient résistants. Malgré tout, Sounka et Ziepkaar connurent plusieurs chutes dont ils se protégèrent mal. Lyanne était plus lourdement chargé qu’eux avec ce joug qu’il devait porter et auquel il était attaché. Il tomba aussi dans certains passages chaotiques. À chaque fois, il réussit à planter le bout de bois en avant. Il se trouva ainsi protégé des blessures qu'arboraient ses compagnons. Contrairement à eux, la chaleur, qui régnait tout autour d’eux, dans ce paysage de laves noires à peine refroidies, lui redonnait de l’énergie. Il avait l’impression qu’elle le nourrissait. Quand arrivèrent le soir et le bivouac, il était en grande forme. Il sentait la fatigue des autres. Les gestes étaient las et lents. On ne le délia pas. Sounka connut le même sort. Ce fut Ziepkaar qui fut chargé de s’occuper d’eux et de les faire manger sous le contrôle d’un gardien. La nourriture était pauvre et mal cuite sans parler de la quantité insuffisante pour leur redonner des forces pour le lendemain. Ziepkaar avait tout juste fini de s’occuper d’eux que le dernier rayon de lumière s’éteignit. Il ne resta qu’une lueur jaunâtre venant du volcan. C’est tout juste si l’on distinguait de vagues formes. Lyanne qui n’était pas gêné par le manque de lumière, regarda les hommes tenter de trouver un coin à peu près confortable dans ce monde minéral. Si Sounka et Ziepkaar avaient été attachés à une longe reliée à un garde, Lyanne avait été suspendu par sa poutre entre deux roches assez hautes pour qu’il ait à peine les pieds qui touchaient terre. La position était rapidement devenue douloureuse. Quand Lyanne entendit les respirations se calmer, il décida de se libérer de tout cela. Son bâton de pouvoir avait servi de bâton de marche à l’un des gardes. Heureusement, il n’avait pas touché au tissu qui en couvrait l’extrémité. Son marteau, lui, avait rejoint le paquetage d’un autre. Lyanne se transforma en dragon. La position attachée lui était encore plus douloureuse. Il changea de taille, devenant suffisamment petit pour que les liens se relâchent. Il s’envola.
Vu d’en haut, il découvrit un monde façonné par les volcans. Plusieurs cratères dont certains inactifs formaient une chaîne de montagne. Derrière, il aperçut les éclairs des tempêtes qu’ils avaient traversées. Leur chemin les avait fait contourner un cône actif mais pas très haut. C’est lui qui donnait cette luminosité. De l’autre côté, il distingua une ligne de séparation. Il s’en approcha. La végétation reprenait ses droits. Il survola une partie du pays. Quelques champs çà et là montraient qu’il y avait des habitants, mais Lyanne ne vit pas de villages. Le vent avait des senteurs marines. Il le remonta pour se retrouver au-dessus d’une côte faite d’une succession de petites falaises entrecoupées de plage de galets. Au loin, il vit un forme anguleuse qui lui évoqua une forteresse. Virant sur l’aile, il repartit vers les terres noires où étaient restés Sounka et Ziepkaar.
Il se posa non loin du groupe. Il l’avait survolé. Tous les hommes dormaient plus ou moins profondément. Comme toujours quand il reprenait sa forme d’homme, son bâton de pouvoir et son marteau avaient réintégré son côté. Il avait fini par maîtriser cette magie liée à sa double nature. Sans bruit, il se rapprocha de ses deux compagnons, les libérant de leurs liens sans même les réveiller. Simplement après, il s’assit sur un rocher surplombant les lieux et attendit que le soleil se lève.
Il vit Sounka et Ziepkaar bouger tranquillement dans leur sommeil pour trouver une meilleure position. Il entendit se lever l’un ou l’autre de leurs gardiens, les vit aller se soulager un peu plus loin et revenir à tâtons à leur place. Celui qui passa au pied de Lyanne ne le vit même pas, ce qui le fit sourire.
Le soleil se leva dans une débauche de pourpre, d’or et de blancs. Les hommes se levèrent doucement. Ziepkaar se leva naturellement, oubliant qu’il devait être attaché. Il commença à déambuler cherchant un coin pour s’isoler. Pendant quelques instants, rien ne se passa et puis un des gardiens prit conscience de l’anomalie et hurla un avertissement. Cela réveilla Sounka qui n’eut pas le temps de bouger avant qu’une lance ne le bloque au sol. Ziepkaar se trouva pris en chasse par deux hommes pendant qu’un troisième hurlait que le prisonnier avait disparu. Ombre chinoise immobile dans le soleil levant, personne ne remarqua Lyanne. Ce fut le point de départ d’une grande agitation. Le chef se mit à hurler des ordres, pendant que ses guerriers s’agitaient, cherchant s’il ne leur manquait rien. Il y eut un cri quand on découvrit la disparition du bâton de pouvoir et presque immédiatement un deuxième quand on constata la disparition du marteau. Ziepkaar, qui avait déjà par deux fois échappé à ses poursuivants, commençait à fatiguer. D’autres hommes se joignant aux premiers, il semblait paniquer. Le hasard lui fit diriger ses pas vers le rocher où se tenait Lyanne. Dès que Ziepkaar fut passé derrière lui, il se mit debout et poussa un grand cri. Il vit se figer les guerriers en dessous de lui. Se reprenant rapidement, un des guerriers lui jeta sa lance que Lyanne esquiva sans difficulté. D’autres armaient leurs bras, quand un cri les bloqua. Leur chef avait crié un ordre.
Lyanne le vit s’approcher tranquillement pendant que les autres entouraient le rocher où il se trouvait.
- Rends-toi ! Tu n’as aucune chance !
- C’est toi qu’à aucune chance, c’est un Homme-oiseau, hurla Ziapkaar de derrière le rocher.
Lyanne n’avait pas répondu. Il avait juste lentement pris son marteau de combat qui envoya des éclairs en reflétant les rayons du soleil levant.
Entre le cri de Ziepkaar et le calme de Lyanne, les hommes marquèrent un temps d’arrêt, jetant des coups d’œil vers leur chef. Ce dernier hésita.
- Qu’est-ce qu’un homme-oiseau ? demanda-t-il tout en regardant autour de lui. Préfère-t-il se rendre ou bien que son ami meure ?
Il avait fait un geste et le gardien avait appuyé un peu plus fort sa lance sur le ventre de Sounka.
Lyanne avait bougé comme il savait le faire, prenant même la forme d’un rouge dragon. Quand il se remit debout sur le rocher, un battement de paupière plus tard, la lance était en miettes et le gardien à terre.
- Devons-nous nous battre, homme d’ici ? demanda Lyanne.
- Vous avez volé un de nos bateaux.
- Je suis étranger à ce fait. Ce bateau m’a amené ici puisque tel est mon chemin.
- Alors les autres sont des voleurs et tu es complice.
- Que voulais-tu faire de nous ?
- Vous conduire en prison pour y être jugés !
- Où est-ce ?
L’homme était déstabilisé par ces questions posées calmement par un homme dont il sentait la puissance.
- Je n’ai pas l’autorité pour faire autre chose. Mes ordres sont clairs.
- Tes ordres te demandent-ils de te faire tuer ?
- Je dois remplir ma mission.
- Oui, Homme d’ici. Ta mission est de nous amener à cette prison. Bien. Est-ce cette forteresse à quelques jours de marche d’ici ?
- Ou..Oui, balbutia l’homme. Tu es déjà venu ?
- Si je t’accompagne, ainsi que mes compagnons, tu auras accompli ta mission. Mon chemin va vers ce lieu. Allons-y en paix.
- Si je refuse ?
- La mort sera votre lot.
Un des gardiens s’approcha de son chef et lui glissa quelques mots à l’oreille. Lyanne vit l’air étonné de son interlocuteur qui regarda son subordonné, puis vers lui, puis de nouveau vers son subordonné, pour lui dire :
- Es-tu sûr ?
L’homme répondit à voix basse mais ses mouvement de tête semblaient dire non.
Le chef se tourna vers Lyanne, rangea son épée et dit :
- Vous allez nous accompagner.
Puis se tournant vers ses hommes il ajouta :
- Rangez vos armes !
dimanche 12 octobre 2014
Ils longèrent le mur pendant deux jours. Malgré les voiles réduites au minimum, leur embarcation volait littéralement de vague en vague. Si Sounka tenait le choc, Ziepkaar essayait encore de vider un estomac qui ne contenait plus rien. Lyanne était tellement tendu qu’il était insensible au mal de mer. Il scrutait sans relâche le mur d’eau et de vent qui les frappait par tribord. Régulièrement Haafefe se couchait et se relevait sous les rafales. Lyanne était pleinement d’accord avec Ziepkaar. Ils étaient sur le meilleur bateau possible.
- LÀ ! hurla-t-il pour couvrir le bruit du vent et des vagues. ALLONS PAR LÀ !
Du doigt, il désigna entre deux rideaux d’eau, une espace, comme une fente dans le mur. Il se rapprocha de Sounka.
- Ça doit être comme entrer dans un de vos fjords. C’est un travail pour un Cousmain, ça !
Sounka eut un sourire forcé, mais mit le cap sur l’endroit que lui désignait Lyanne. Haafefe craqua de toutes ses membrures quand il le força à faire route face au vent. Il fut obligé de tirer des bords pour s’en approcher. Sounka aurait préféré un fjord cousmain à ce passage improbable, s’ouvrant et se fermant au gré des coups de vent. Il lutta contre le vent et la mer pour se rapprocher. Le soir arriva avant qu’ils ne soient à proximité. Sounka prit peur.
- Il faut mettre à la cape et réessayer demain !
- C’est maintenant le moment favorable, Sounka.
- Peut-être, mais la nuit arrive et je ne vais plus rien maîtriser.
- Fais-moi confiance, le passage est là.
Sounka vira de bord encore une fois dans le crépuscule sombre. Le bateau sembla renâcler avant de prendre le bon cap. Ils prirent le vent au près. Haafefe accéléra, surfant sur les vagues qui venaient maintenant par le travers arrière.
Brutalement tout se calma. Autour de la zone où il naviguait maintenant, le vent hurlait, la pluie cinglait la mer dont les vagues déferlaient en tous sens. Alors que la nuit s’installait, Lyanne prit la direction des opérations donnant à Sounka les ordres pour avancer sans quitter le couloir de calme entre les tempêtes. Ils luttèrent ainsi toute la nuit pour garder le cap entre les deux tempêtes. Parfois un brusque coup de vent ou une déferlante les mettaient en danger de sortir de l’étroit chemin qu’ils suivaient. Lyanne sentit la fatigue de Sounka quand celui-ci commença à répondre avec retard à ses indications. Ziepkaar avait fini par s’endormir. Lyanne se rapprocha du barreur :
- L’arrêt nous est interdit pour le moment. Veux-tu que je te remplace ?
- Pas encore… Je vais tenir, répondit Sounka dans un bâillement. On va réduire la voile au minimum. Mais il faut qu’on reste manœuvrant.
Tout en s’occupant de la barre, il donna à Lyanne les ordres pour accrocher la toile. Haafefe se retrouva au ralenti. Lyanne était à hauteur du mât. La première embardée faillit le faire passer par dessus bord. Un cordage lui avait permis de se tenir. Sounka s’était endormi en appuyant sur la barre. Le brusque mouvement l’avait réveillé. Lyanne lui proposa une nouvelle fois de prendre la barre jusqu’au matin, ce que Sounka refusa encore :
- Il faut que tu guides. Je ne vois rien dans le noir. On va réveiller Ziepkaar pour qu’il me remplace. Il devrait pouvoir le faire.
Lyanne alla vers l’avant. Il secoua Ziepkaar qui bougea un peu mais sans pour autant se réveiller. Il le secoua plus violemment sans plus de résultats. Une nouvelle embardée de Haafefe le fit repartir vers la poupe. Il trouva Sounka affalé sur la barre. Lyanne le secoua sans parvenir à le ramener à la conscience. Que se passait-il ?
Il regarda autour de lui, cherchant une explication. Une vague lueur sur bâbord lui fit espérer un instant l’arrivée de l’aurore, quand une brusque rafale lui apporta une odeur piquante. Il pensa : « Un volcan ! Nous sommes sous le vent d’un volcan ». Il avait déjà vu des gens mourir en voulant respirer les émanations de la terre. Il agit en même temps qu’il pensait. Il abattit le mât, le fixant sur le bordage. Sans plus attendre, il se jeta dans le vent, déployant ses ailes. En trois battements, il était devenu très grand et passait au-dessus de Haafefe qu’il saisit entre ses griffes. Il monta avec sa charge rencontrant des vents violents. Malgré tout son instinct, il ne pouvait prévoir tous les mouvements. Il passait de vents contraires à des vents portants en un battement. Parfois une zone de calme absolu séparait deux courants. Lyanne souffrait malgré sa taille. La violence de ces tempêtes était inimaginable. Il tentait de se diriger vers le volcan dont il avait aperçu la lueur, tout en évitant l’endroit des émanations toxiques. Rencontrant une zone plus calme il se laissa planer. Il sentait ses muscles à la limite de la fatigue. Haafefe et son contenu pesaient lourd entre ses griffes. Sortir de ces tourbillons de vent lui avait demandé une énergie considérable. Son corps aspirait au repos. Il vit la terre à travers une trouée. Il se dirigea par là. Entre deux promontoires de lave, il avait repéré une plage. Ils y seraient très bien pour se reposer. Il se remit à battre des ailes malgré la douleur que cela lui provoquait. Encore un effort, un petit effort et il pourrait se poser, se reposer.
Le coup de vent fut violent et le prit par surprise. Il tenta du mieux qu’il put d'atterrir en douceur mais le tourbillon l’emporta. Sa dernière pensée fut de protéger le bateau et ses passagers et sa tête heurta violemment le sol.
- LÀ ! hurla-t-il pour couvrir le bruit du vent et des vagues. ALLONS PAR LÀ !
Du doigt, il désigna entre deux rideaux d’eau, une espace, comme une fente dans le mur. Il se rapprocha de Sounka.
- Ça doit être comme entrer dans un de vos fjords. C’est un travail pour un Cousmain, ça !
Sounka eut un sourire forcé, mais mit le cap sur l’endroit que lui désignait Lyanne. Haafefe craqua de toutes ses membrures quand il le força à faire route face au vent. Il fut obligé de tirer des bords pour s’en approcher. Sounka aurait préféré un fjord cousmain à ce passage improbable, s’ouvrant et se fermant au gré des coups de vent. Il lutta contre le vent et la mer pour se rapprocher. Le soir arriva avant qu’ils ne soient à proximité. Sounka prit peur.
- Il faut mettre à la cape et réessayer demain !
- C’est maintenant le moment favorable, Sounka.
- Peut-être, mais la nuit arrive et je ne vais plus rien maîtriser.
- Fais-moi confiance, le passage est là.
Sounka vira de bord encore une fois dans le crépuscule sombre. Le bateau sembla renâcler avant de prendre le bon cap. Ils prirent le vent au près. Haafefe accéléra, surfant sur les vagues qui venaient maintenant par le travers arrière.
Brutalement tout se calma. Autour de la zone où il naviguait maintenant, le vent hurlait, la pluie cinglait la mer dont les vagues déferlaient en tous sens. Alors que la nuit s’installait, Lyanne prit la direction des opérations donnant à Sounka les ordres pour avancer sans quitter le couloir de calme entre les tempêtes. Ils luttèrent ainsi toute la nuit pour garder le cap entre les deux tempêtes. Parfois un brusque coup de vent ou une déferlante les mettaient en danger de sortir de l’étroit chemin qu’ils suivaient. Lyanne sentit la fatigue de Sounka quand celui-ci commença à répondre avec retard à ses indications. Ziepkaar avait fini par s’endormir. Lyanne se rapprocha du barreur :
- L’arrêt nous est interdit pour le moment. Veux-tu que je te remplace ?
- Pas encore… Je vais tenir, répondit Sounka dans un bâillement. On va réduire la voile au minimum. Mais il faut qu’on reste manœuvrant.
Tout en s’occupant de la barre, il donna à Lyanne les ordres pour accrocher la toile. Haafefe se retrouva au ralenti. Lyanne était à hauteur du mât. La première embardée faillit le faire passer par dessus bord. Un cordage lui avait permis de se tenir. Sounka s’était endormi en appuyant sur la barre. Le brusque mouvement l’avait réveillé. Lyanne lui proposa une nouvelle fois de prendre la barre jusqu’au matin, ce que Sounka refusa encore :
- Il faut que tu guides. Je ne vois rien dans le noir. On va réveiller Ziepkaar pour qu’il me remplace. Il devrait pouvoir le faire.
Lyanne alla vers l’avant. Il secoua Ziepkaar qui bougea un peu mais sans pour autant se réveiller. Il le secoua plus violemment sans plus de résultats. Une nouvelle embardée de Haafefe le fit repartir vers la poupe. Il trouva Sounka affalé sur la barre. Lyanne le secoua sans parvenir à le ramener à la conscience. Que se passait-il ?
Il regarda autour de lui, cherchant une explication. Une vague lueur sur bâbord lui fit espérer un instant l’arrivée de l’aurore, quand une brusque rafale lui apporta une odeur piquante. Il pensa : « Un volcan ! Nous sommes sous le vent d’un volcan ». Il avait déjà vu des gens mourir en voulant respirer les émanations de la terre. Il agit en même temps qu’il pensait. Il abattit le mât, le fixant sur le bordage. Sans plus attendre, il se jeta dans le vent, déployant ses ailes. En trois battements, il était devenu très grand et passait au-dessus de Haafefe qu’il saisit entre ses griffes. Il monta avec sa charge rencontrant des vents violents. Malgré tout son instinct, il ne pouvait prévoir tous les mouvements. Il passait de vents contraires à des vents portants en un battement. Parfois une zone de calme absolu séparait deux courants. Lyanne souffrait malgré sa taille. La violence de ces tempêtes était inimaginable. Il tentait de se diriger vers le volcan dont il avait aperçu la lueur, tout en évitant l’endroit des émanations toxiques. Rencontrant une zone plus calme il se laissa planer. Il sentait ses muscles à la limite de la fatigue. Haafefe et son contenu pesaient lourd entre ses griffes. Sortir de ces tourbillons de vent lui avait demandé une énergie considérable. Son corps aspirait au repos. Il vit la terre à travers une trouée. Il se dirigea par là. Entre deux promontoires de lave, il avait repéré une plage. Ils y seraient très bien pour se reposer. Il se remit à battre des ailes malgré la douleur que cela lui provoquait. Encore un effort, un petit effort et il pourrait se poser, se reposer.
Le coup de vent fut violent et le prit par surprise. Il tenta du mieux qu’il put d'atterrir en douceur mais le tourbillon l’emporta. Sa dernière pensée fut de protéger le bateau et ses passagers et sa tête heurta violemment le sol.
dimanche 5 octobre 2014
Le soleil se levait sur les falaises du pays Cousmain et le vent venait de la terre en ce petit matin. Ils montèrent la voile. Lyanne et Sounka étaient partis dans la nuit avec l’espoir que personne ne les verrait prendre Haafefe. L’Assemblée avait duré presque toute la nuit. Tous avaient bu force timbales pour tenir. Quand le sommeil s’était emparé d’eux tous, Lyanne avait réveillé Sounka. Ils avaient poussé le bateau dans l’eau et à l’aviron s’étaient éloignés dans le goulet. Maintenant que le jour se levait, ils allaient pouvoir prendre vraiment le départ de ce voyage. Ils soulevaient la lourde toile qui servait de voile quand retentirent les trompes.
- Ils ne sont pas contents ! dit Sounka.
- Que signifient ces sonneries ?
- Ils signalent qu’un bateau a pris la mer sans l’accord du chef du village.
- Nous avons outrepassé leur volonté, répondit Lyanne. Mais qui sont-ils pour vouloir décider pour moi ?
- Je sais, répondit Sounka, mais cela nous désigne comme des hors-la-loi.
- Hors leurs lois, Sounka, seulement hors leurs lois.
Sounka poussa un cri et tira sur un bras, mettant debout un garçon :
- Qu’est-ce que tu fais là, toi ?
Lyanne reconnut celui qui lui avait fait la description des bateaux.
- J’me suis endormi !
- Comment ça ?
- Je savais que vous alliez partir. Je voulais pas manquer cela.
Lyanne interrompit Sounka chez qui il sentait monter la colère :
- On verra cela plus tard, il faut mettre la voile.
Sounka poussa l’enfant dans un coin. Celui-ci trébucha sur un banc et s’étala en arrière pendant que les deux hommes hissaient la voile. Sounka la régla pour qu’elle prenne bien le vent de la terre et l’embarcation prit de la vitesse. Pendant que Sounka barrait, Lyanne s’assit en face du jeune :
- Quel est ton nom ?
- Ziepkaar
- Et bien Ziepkaar, pourquoi es-tu là ?
- Hier soir, je t’ai entendu parler à Sounka. Je voulais partir mais on me dit toujours que je suis trop jeune, pas assez fort.
Lyanne le regarda mieux. S’il était assez grand, il n’avait que la peau sur les os.
- Là où nous allons, les autres refusaient d’aller.
- J’suis comme Sounka. Là où tu vas, tout ira bien.
Sounka intervint :
- Je ne sais pas si nous aurons assez d’eau.
Lyanne se tourna vers Sounka.
- Combien de jours avons-nous ?
- J’ai pris pour dix jours de vivres et d’eau pour deux. Nous sommes trois. Notre loi nous autorise à jeter à l’eau les passagers clandestins.
Ziepkaar se mit à pâlir. Lyanne se mit à rire.
- Il m’est impossible de le jeter à l’eau. Nous allons nous rationner. Le mur des tempêtes est assez près pour que nous l’atteignons.
- Oui, homme-oiseau, si le vent se maintient.
- J’ai confiance, Sounka.
Il se tourna vers Ziepkaar.
- Tu as à rester tranquille, garde cela en tête.
C’est ainsi qu’avait commencé le voyage. Une fois passée la colère de s’être fait avoir par un gamin, Sounka s’était calmé et avait débuté la formation de Ziepkaar. Les côtes avaient disparu derrière l’horizon au soir du premier jour. Depuis, ils naviguaient au milieu de rien. Sounka montrait la nuit, les étoiles et les constellations sur lesquelles on pouvait s’appuyer pour naviguer. Les dieux les avaient mises là pour que les hommes puissent se repérer. Dans la journée, la position du soleil lui servait à régler le bateau selon les vents. Il y avait peu de vivres à bord. Les Cousmains pêchaient pendant leurs voyages. À trois sur un bateau qui aurait pu porter vingt hommes, ils avaient de la place.
Au troisième jour, Sounka avait déclaré :
- Le dieu des vents est avec toi, Homme-Oiseau. Je n’ai jamais vu ce vent durer aussi longtemps.
C’est à partir du quatrième que les vents étaient devenus plus capricieux et la mer plus formée. Haafefe montait et descendait les vagues avec beaucoup d’aisance. La voile était encore complètement déployée. Ils avançaient bien. Sounka estimait, selon les légendes, qu’ils verraient le mur des tempêtes dans trois jours s’ils continuaient comme cela.
C’est au cours de cette dernière nuit tranquille que Ziepkaar posa la question :
- Homme-Oiseau, pourquoi tu n’as pas volé pour aller au mur des tempêtes ?
Lyanne le regarda droit dans les yeux, ce qui le mit mal à l’aise.
- C’est une question que je me pose, Ziepkaar. Je crois que j’ai besoin de suivre le chemin que me montre un autre que moi. Cet autre aujourd’hui est Sounka. Comment lui volerait-il ?
Le vent avait forci. Les vagues maintenant étaient plus hautes que les hommes. Sounka avait réduit la voile. Malgré cela, Haafefe semblait voler. Son étrave étroite fendait les vagues
- Est-ce le mur des tempêtes ? demanda Lyanne.
- Non, c’est juste la mer qui nous secoue un peu. Les vraies tempêtes sont plus loin.
Le vent se mit à leur arriver par le travers de leur route, obligeant Sounka à tirer des bords. Plus la nuit avançait et plus le vent devenait violent. Ils durent s’attacher pour ne pas être emportés. Ils hurlaient pour s’entendre. Sounka ne savait pas où ils allaient. Les étoiles étaient invisibles. Cela dura deux jours et cessa presque aussi brutalement que cela avait commencé. Haafefe était encore en état. Sounka avait affalé la voile et le mât avant que la tempête ne puisse le casser.
Ziepkaar hurla sa joie :
- J’T’AVAIS DIT ! J’T’AVAIS DIT ! Haafefe c’est l’meilleur.
Il dansait sur place, faisant sourire les deux adultes qui vérifiaient l’état de l'embarcation.
- As-tu une idée de notre position, demanda Lyanne.
- Cette nuit, si les nuages se dégagent, je pourrais estimer où nous sommes par rapport au pays Cousmains.
Ils remontèrent le mât et mirent un peu de voile pour stabiliser le bateau. Lyanne en profita pour scruter l’horizon. Sur bâbord, la tempête s’éloignait. On voyait encore les éclairs. Sur tribord, il aperçut ce qu’il prit au départ pour des montagnes. Il en fit la remarque à Sounka qui se tourna de ce côté.
- Non, Homme-Oiseau, ce n’est pas une terre et des montagnes. C’est le mur des tempêtes. Pour trouver ce que tu cherches, il faut passer de l’autre côté. Je suis déjà venu pêcher par ici… C’est toujours impressionnant de le voir. On n’aura pas besoin des étoiles. Il suffit d’aller à la rencontre de l’orage.
Comme une réponse aux paroles de Sounka, un sourd grondement se fit entendre. Ziepkaar se mit à pâlir.
- Le Dieu du tonnerre parle ! dit-il. Ma mère m’a dit que la dernière fois qu’il avait parlé au-dessus du village, les falaises s’étaient effondrées...
- Il n’y a pas de falaises ici, Ziepkaar, et nous sommes trop loin pour risquer quelque chose, lui répondit Sounka.
- Mais tu veux y aller !
- Oui, ziepkaar, je vais y aller, nous allons y aller car l’homme-oiseau est avec nous.
Lyanne écouta sans rien dire. Là-bas était-ce le territoire où s’affrontaient les dieux ?
- Approchons-nous, Sounka, mais prenons notre temps. Je comprends pourquoi il me fallait être homme pour venir. En volant, j’aurais affronté la puissance d’un dieu. La faiblesse est parfois meilleure que la force pour passer certaines barrières.
Sounka envoya un peu plus de toile et Haafefe qui semblait n’attendre que cela, bondit en avant.
- Ils ne sont pas contents ! dit Sounka.
- Que signifient ces sonneries ?
- Ils signalent qu’un bateau a pris la mer sans l’accord du chef du village.
- Nous avons outrepassé leur volonté, répondit Lyanne. Mais qui sont-ils pour vouloir décider pour moi ?
- Je sais, répondit Sounka, mais cela nous désigne comme des hors-la-loi.
- Hors leurs lois, Sounka, seulement hors leurs lois.
Sounka poussa un cri et tira sur un bras, mettant debout un garçon :
- Qu’est-ce que tu fais là, toi ?
Lyanne reconnut celui qui lui avait fait la description des bateaux.
- J’me suis endormi !
- Comment ça ?
- Je savais que vous alliez partir. Je voulais pas manquer cela.
Lyanne interrompit Sounka chez qui il sentait monter la colère :
- On verra cela plus tard, il faut mettre la voile.
Sounka poussa l’enfant dans un coin. Celui-ci trébucha sur un banc et s’étala en arrière pendant que les deux hommes hissaient la voile. Sounka la régla pour qu’elle prenne bien le vent de la terre et l’embarcation prit de la vitesse. Pendant que Sounka barrait, Lyanne s’assit en face du jeune :
- Quel est ton nom ?
- Ziepkaar
- Et bien Ziepkaar, pourquoi es-tu là ?
- Hier soir, je t’ai entendu parler à Sounka. Je voulais partir mais on me dit toujours que je suis trop jeune, pas assez fort.
Lyanne le regarda mieux. S’il était assez grand, il n’avait que la peau sur les os.
- Là où nous allons, les autres refusaient d’aller.
- J’suis comme Sounka. Là où tu vas, tout ira bien.
Sounka intervint :
- Je ne sais pas si nous aurons assez d’eau.
Lyanne se tourna vers Sounka.
- Combien de jours avons-nous ?
- J’ai pris pour dix jours de vivres et d’eau pour deux. Nous sommes trois. Notre loi nous autorise à jeter à l’eau les passagers clandestins.
Ziepkaar se mit à pâlir. Lyanne se mit à rire.
- Il m’est impossible de le jeter à l’eau. Nous allons nous rationner. Le mur des tempêtes est assez près pour que nous l’atteignons.
- Oui, homme-oiseau, si le vent se maintient.
- J’ai confiance, Sounka.
Il se tourna vers Ziepkaar.
- Tu as à rester tranquille, garde cela en tête.
C’est ainsi qu’avait commencé le voyage. Une fois passée la colère de s’être fait avoir par un gamin, Sounka s’était calmé et avait débuté la formation de Ziepkaar. Les côtes avaient disparu derrière l’horizon au soir du premier jour. Depuis, ils naviguaient au milieu de rien. Sounka montrait la nuit, les étoiles et les constellations sur lesquelles on pouvait s’appuyer pour naviguer. Les dieux les avaient mises là pour que les hommes puissent se repérer. Dans la journée, la position du soleil lui servait à régler le bateau selon les vents. Il y avait peu de vivres à bord. Les Cousmains pêchaient pendant leurs voyages. À trois sur un bateau qui aurait pu porter vingt hommes, ils avaient de la place.
Au troisième jour, Sounka avait déclaré :
- Le dieu des vents est avec toi, Homme-Oiseau. Je n’ai jamais vu ce vent durer aussi longtemps.
C’est à partir du quatrième que les vents étaient devenus plus capricieux et la mer plus formée. Haafefe montait et descendait les vagues avec beaucoup d’aisance. La voile était encore complètement déployée. Ils avançaient bien. Sounka estimait, selon les légendes, qu’ils verraient le mur des tempêtes dans trois jours s’ils continuaient comme cela.
C’est au cours de cette dernière nuit tranquille que Ziepkaar posa la question :
- Homme-Oiseau, pourquoi tu n’as pas volé pour aller au mur des tempêtes ?
Lyanne le regarda droit dans les yeux, ce qui le mit mal à l’aise.
- C’est une question que je me pose, Ziepkaar. Je crois que j’ai besoin de suivre le chemin que me montre un autre que moi. Cet autre aujourd’hui est Sounka. Comment lui volerait-il ?
Le vent avait forci. Les vagues maintenant étaient plus hautes que les hommes. Sounka avait réduit la voile. Malgré cela, Haafefe semblait voler. Son étrave étroite fendait les vagues
- Est-ce le mur des tempêtes ? demanda Lyanne.
- Non, c’est juste la mer qui nous secoue un peu. Les vraies tempêtes sont plus loin.
Le vent se mit à leur arriver par le travers de leur route, obligeant Sounka à tirer des bords. Plus la nuit avançait et plus le vent devenait violent. Ils durent s’attacher pour ne pas être emportés. Ils hurlaient pour s’entendre. Sounka ne savait pas où ils allaient. Les étoiles étaient invisibles. Cela dura deux jours et cessa presque aussi brutalement que cela avait commencé. Haafefe était encore en état. Sounka avait affalé la voile et le mât avant que la tempête ne puisse le casser.
Ziepkaar hurla sa joie :
- J’T’AVAIS DIT ! J’T’AVAIS DIT ! Haafefe c’est l’meilleur.
Il dansait sur place, faisant sourire les deux adultes qui vérifiaient l’état de l'embarcation.
- As-tu une idée de notre position, demanda Lyanne.
- Cette nuit, si les nuages se dégagent, je pourrais estimer où nous sommes par rapport au pays Cousmains.
Ils remontèrent le mât et mirent un peu de voile pour stabiliser le bateau. Lyanne en profita pour scruter l’horizon. Sur bâbord, la tempête s’éloignait. On voyait encore les éclairs. Sur tribord, il aperçut ce qu’il prit au départ pour des montagnes. Il en fit la remarque à Sounka qui se tourna de ce côté.
- Non, Homme-Oiseau, ce n’est pas une terre et des montagnes. C’est le mur des tempêtes. Pour trouver ce que tu cherches, il faut passer de l’autre côté. Je suis déjà venu pêcher par ici… C’est toujours impressionnant de le voir. On n’aura pas besoin des étoiles. Il suffit d’aller à la rencontre de l’orage.
Comme une réponse aux paroles de Sounka, un sourd grondement se fit entendre. Ziepkaar se mit à pâlir.
- Le Dieu du tonnerre parle ! dit-il. Ma mère m’a dit que la dernière fois qu’il avait parlé au-dessus du village, les falaises s’étaient effondrées...
- Il n’y a pas de falaises ici, Ziepkaar, et nous sommes trop loin pour risquer quelque chose, lui répondit Sounka.
- Mais tu veux y aller !
- Oui, ziepkaar, je vais y aller, nous allons y aller car l’homme-oiseau est avec nous.
Lyanne écouta sans rien dire. Là-bas était-ce le territoire où s’affrontaient les dieux ?
- Approchons-nous, Sounka, mais prenons notre temps. Je comprends pourquoi il me fallait être homme pour venir. En volant, j’aurais affronté la puissance d’un dieu. La faiblesse est parfois meilleure que la force pour passer certaines barrières.
Sounka envoya un peu plus de toile et Haafefe qui semblait n’attendre que cela, bondit en avant.
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