
Elles ont toutes des manches longues mais retroussées et trois d'entre elles ont la tête recouverte d'un foulard ou d'un chapeau. On peut donc en déduire que la photo a été prise au début des beaux jours. Elles semblent très proches les unes les autres à la manière dont chacune passe son bras autour des épaules de sa voisine. A part celle de droite, toutes posent pour le photographe. Qui est-il justement ? Une cinquième amie, le fiancé de l'une d'elles ? Vais-je lever le voile ou non ? J'ai certaines clés mais pas toutes. Allez, j'arrête ce suspense...
Parmi ces quatre filles en fleurs, il y a ma mère. C'est la troisième en partant de la gauche et la plus jeune. Elle doit avoir 15 ou 16 ans. A sa gauche, celle qui arbore crânement un petit chapeau à la Trénet, c'est sa soeur aînée, ma tante et marraine, Juliette. La brune au foulard c'est Constance, leur cousine germaine et de l'autre côté, sa belle-soeur Maria. Pour ce qui est du photographe, je n'ai pas éclairci le mystère mais je pencherais pour Camélia, la soeur de Constance, les quatre cousines étant inséparables.
A peu près du même âge et élevées comme des soeurs, comme aime à le rappeler Maman. Toutes nées dans les années 30 en Algérie, département d'Oran. Toutes sauf Maria. Curieux destin que celui de Maria. Elle était Russe. C'est le frère de Constance et de Camélia qui l'avait ramenée "dans ses bagages" à la fin de la guerre où il avait été fait prisonnier.
Elle avait à peine 16 ans quand elle est arrivée dans ce pays qu'elle ne devait probablement même pas situer sur une carte. Elle était magnifique et il en était fou. C'est la seule à ne plus être de ce monde, elle est morte l'an dernier. Je pourrais raconter leur histoire, à chacune, du moins ce que j'en sais. Mais je préfère les garder comme ça, pour l'éternité, à ce jour et à cette heure d'un printemps algérien où tout était encore possible...