samedi 20 décembre 2008

Je pars avec Théodore

Tout le monde connait ce tableau de Georges de La Tour mais rares sont ceux qui savent qu'il est la masterpiece du Musée des Beaux Arts de Rennes, le MBAR comme on dit ici. Curieusement, j'ai découvert le musée de ma ville en allant voir une exposition un été sur les Impressionnistes au Musée Fabre de Montpellier. J'ouvre une parenthèse, au début du XIXè, les peintres qui ne se réclamaient pas encore de ce courant avaient mauvaise presse et leurs tableaux ont été pour beaucoup achetés par des collectionneurs américains et des musées de province. Ce n'est que bien plus tard que les musées parisiens s'y sont intéressés. Le Musée de Rennes possède ainsi des Sérusier (sa Solitude est une petite merveille), Vuillard, Caillebotte et même un Gauguin. Je referme la parenthèse impressionniste. En ce moment, l'étage des collections permanentes du MBAR est fermé pour cause de lifting et ne rouvrira qu'en mars après un an de travaux. Je me suis promis de m'y précipiter dès la première semaine pour aller admirer ce "Nouveau-né" dont je ne me lasse pas et qui, pour moi, évoque vraiment l'esprit de Noël. J'avais envie de le partager avec vous, lecteurs fidèles ou de passage de mes petits billets. Ce Noël, pas de Messe de Minuit, pas de foie gras ni d'huîtres, pas de cadeaux à ouvrir au pied du sapin, puisque nous partons demain, BrB et moi, marcher dans le désert. Cette fin d'année a été bizarre, marquée par le "bannissement" persistant de mon fils, la découverte de la maladie d'une amie, la mort subite de notre chien, les scandales financiers à répétition, la perspective d'une crise, un avenir bouché pour beaucoup... Alors, envie de se vider la tête, de faire le point, de trouver des réponses. Peut-être. En tout cas, promis, en suivant l'étoile du berger le 24 décembre, j'aurais une pensée pour vous tous...

Messages personnels pour finir sur une note gaie : Bon anniversaire à mes filleuls, Grégoire, 5 ans aujourd'hui, Marie, 15 ans mardi, et à une petite Claire de 3 ans dont mon petit doigt me dit qu'elle aussi s'apprête à souffler ses bougies ...

jeudi 18 décembre 2008

Création de poste

Quand je suis arrivée à l'agence en février, on m'a présenté T., un collègue chef de projet, en me précisant qu'il créait son poste (sic). A 42 ans, il amorçait une reconversion professionnelle en préparant en alternance un master en marketing-communication. L'agence ne le payait pas puisqu'il bénéficiait du Fongecif. Fin juin, au pire moment pour chercher du travail, on lui signifiait qu'on ne pouvait pas le garder mais qu'on allait l'aider à refaire son CV, le faire bénéficier du "réseau" avec pour viatique une lettre de recommandation élogieuse. Aux dernières nouvelles, il n'a toujours rien retrouvé. T. avait à peine tourné les talons qu'est arrivée M., 22 ans, titulaire d'une maîtrise en communication et d'un DU de com' culturelle. Elle a lâché un job d'été pour venir du jour au lendemain bosser chez nous en tant que stagiaire-qui-allait-créer-son poste. On l'a parachutée chargée de production, munie de belles cartes de visite, rajoutée à l'organigramme de l'agence et elle a commencé. Peut-être parce qu'elle avait le même prénom que le mien, l'âge d'être ma fille et que je la ramenais presque tous les soirs - forcément, ça crée des liens - je me suis attachée à elle. Une de mes collègues et moi-même avons bien essayé de l'encourager à chercher un autre job dès la rentrée mais je voyais bien qu'elle s'investissait à fond dans celui-là et même moi, il m'est arrivé de croire qu'elle resterait. Elle a donc bossé à plein temps et au-delà, occupant pleinement son poste rémunéré 399 euros par mois puisque c'est ce que la loi impose pour les stages de longue durée. Entre temps est arrivé F., 26 ans (!), un autre stagiaire, pour une mission de 4 mois, sympa, serviable mais légèrement fumiste ou, à la réflexion, plus lucide. Lundi, le couperet est tombé, ni M. ni F. ne seront gardés au-delà de la fin de l'année, c'est-à-dire d'ici une semaine puisque l'agence ferme pour les fêtes. Hier soir, nous avons eu droit au champagne et aux petits fours. F. a réalisé une présentation sur les dernières réalisations de l'agence auxquelles M. a largement contribué. On les a remerciés pour leur investissement, on leur a promis qu'on les aiderait à refaire leur CV, qu'ils profiteraient du réseau, etc. En attendant, début janvier, le job de M. sera dispatché entre deux collègues et moi-même à moins que d'ici là, un autre stagiaire vienne "créer son poste". D'ailleurs, la semaine dernière, j'en ai vu un qui patientait dans la salle d'attente...

lundi 15 décembre 2008

C'est un trou de verdure...

Ce dimanche de décembre, le temps n'était pas trop froid, la lumière était belle et il ne pleuvait pas. Cette conjonction nous a paru idéale pour faire cette dernière balade avec notre Toutou. Cela peut en surprendre d'aucuns mais quand nous avons emmené notre chien chez le vétérinaire voilà deux semaines, juste après sa fin brutale, son maître a opté pour une incinération individuelle. Comme nous n'avons plus de jardin, un endroit s'est tout de suite imposé à nous, le "Paradis du chien". C'est ainsi que l'avait baptisé Arthur quand nous allions nous promener le long des étangs d'Apigné avec les enfants petits et Oratio, d'abord jeune chiot puis dans la force de l'âge. Je ne suis pas très douée pour les descriptions mais je vais m'y essayer néanmoins. Pour y parvenir, il faut emprunter un petit chemin creux envahi de ronces et d'orties car, comme chacun sait, le paradis se mérite. On débouche alors sur un petit promontoire au-dessus de l'étang, au centre duquel trône un magnifique saule pleureur. Là, quelle que soit la saison, la vue qui s'offre à vous est de toute beauté. Un paysage de nos campagnes, paisible, protégé, sans manières. Notre chien, en bon labrador, adorait l'eau et c'était un régal de le voir se lancer dans l'étang, nager jusqu'au bâton que nous lui lancions et revenir fièrement avec son trophée dans la gueule. Enfin, n'embellissons pas la réalité, une fois sur deux, il l'oubliait en route... Voilà, nous avons refait le chemin une dernière fois et, tandis que Zuzu et moi nous cramponnions l'une à l'autre, BrB dispersait les cendres de notre compagnon, à l'endroit même d'où il émergeait après l'un de ses innombrables plongeons. Je me plais à croire qu'il y est pour toujours heureux, dans son élément, en compagnie des canards qu'il essayait en vain d'attraper...

samedi 13 décembre 2008

Blonde en d'dans

La lecture du dernier billet de Karmara, m'a fait penser à une anecdote qui m'est arrivée voici deux étés. J'étais en vacances dans le Sud chez ma sœur et elle venait de s'acheter une Mini. Il me faut préciser ici que je suis une inconditionnelle de ma petite sœur. A 40 ans, elle est notaire, mariée, mère de trois garçons adorables, vit dans une maison de rêve et a, je trouve, une classe folle. Bref, si connotation il doit y avoir, je dirais que sa Mini va bien avec le décor. Cet été-là, donc, j'étais venue en avion avec ma fille et, ma sœur et sa petite famille partant pour quelques jours, elle m'avait laissé et la maison et la voiture. Ma filleule étant avec nous, je décidais d'emmener mes deux ados au cinéma. Je pris donc le volant de la Mini non sans une certaine appréhension car elle est de prime abord, intimidante. Pour la démarrer, on n'utilise pas une vulgaire clé de contact mais une espèce de sucette plate qui se glisse horizontalement dans le tableau de bord. Comprendre ça m'a pris quelques minutes. Ensuite, moi qui roule habituellement comme une petite folle, là, je pris mon temps pour arriver au complexe Méga-Truc situé à l'autre bout de la ville. C'est après la séance que les choses se compliquèrent. Il devait être 13h30 et il n'y avait plus personne sur le parking. Et là, impossible de démarrer cette fichue voiture. Je commençais à paniquer complètement, pensant que quelque chose s'était déréglé dans tout l'électronique transporté à bord de ce petit bijou. Après un temps qui me parut interminable, je m'apprêtais piteusement à appeler mon père à la rescousse quand j'avisais un couple sur le parking qui venait de garer un petit coupé sport. Lui, la petite soixantaine, sourire et cheveux teints à la Jean-Pierre Foucault, chemise ouverte sur une chaîne en or, elle, blonde et disons, assez proche du descriptif de la "pétasse"que brosse K. dans son post...
J'explique donc mon problème au Monsieur et celui-ci, légèrement intrigué, passe la tête par la portière et regarde comment je m'y prends pour démarrer la bête. Il recule un peu et, petit rictus aux lèvres, me dit : "Mais là, c'est pas sur l'embrayage que vous appuyez, c'est sur la pédale de frein". La honte ! Et j'ai le permis depuis 25 ans. Alors, pour sauver la face devant "mes" filles et aussi, parce que dans ce cas, mieux vaut répondre par l'humour, je lui adresse mon plus beau sourire et lui dis sans me démonter :
- "Eh bien, je pense que vous aurez quelque chose à raconter dans les soirées désormais". Et lui, du tac au tac : "- Comptez sur moi, Chère Madame, je n'y manquerai pas".
Message à toutes les blogueuses blondes, le choix du titre de ce billet est, bien sûr, une boutade...

mercredi 10 décembre 2008

Déconficulture

Au boulot en ce moment, tout le monde est plus ou moins malade. Ça tousse dans tous les coins. "Ce n'est plus une agence, c'est un sanatorium !" m'exclamé-je. Mon collègue E. qui a des lettres et moi-même dissertons alors sur tout ce vocabulaire éradiqué en même temps que la maladie : tuberculose, phtisie, sana. Au fait, qui a écrit "La Dame aux camélias" demande-t-il ? -"Théophile Gautier". Nan, c'est pas ça. Le téléphone sonne à ce moment, je réponds. Lui google pendant ce temps et annonce : "c'est Alexandre Dumas fils !" Bon Dieu mais c'est bien sûr ! m'écrié-je alors comme aurait fait Raymond Souplex, le petit homme au chapeau plat du Commissaire Bourrel (quand on a ce genre de références, on prend un sacré coup de vieux, non ?). Pourquoi ai-je dit Théophile Gautier ? A la réflexion, ce doit être une association d'idées avec Marguerite Gautier. Décidément, ma mémoire a des ratés.
La semaine dernière, quand Maman était à la maison, je rentrais à l'heure de Questions pour un c... (censuré). Ce n'est pas pour me vanter mais le temps d'accrocher mon manteau sur la patère, j'avais répondu à trois questions. L'autre premier de la classe derrière son écran me lançait des défis avec sa tronche d'Agnan vieux, ses agaçantes petites fiches jaunes et son débit mitraillette.
- Compositeur et guitariste espagnol, je crée en 1947 le Concerto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo ... J'enregistre ensuite des pièces pour piano d'Albeniz, Granados et Manuel de Falla transcrites pour la guitare... je connais la célébrité grâce à l'interprétation de la musique du film "Jeux interdits"... je suis ... je suis ...
- Narciso Yepes
- Wouaouh ! dit ma fille.
- Pourquoi tu ne t'inscris pas à Questions pour un c... ? demande ma mère pour la énième fois.
- Peut-être parce qu'on a beau être à l'heure de la télé-réalité, je ne voudrais pas atteindre la gloire pour avoir été la première à étrangler un animateur en direct sur un plateau.
Ma culture, je ne sais pas si je l'étale mais une chose est sûre, plus ça va plus je trouve qu'elle a salement tendance à dégouliner par les trous de la tartine.

samedi 6 décembre 2008

Tout sur ma mère

Plus d'une semaine que j'ai déserté ce lieu d'expression. La raison en est simple, ma mère passe huit jours avec nous. Comme 900 km nous séparent habituellement, j'essaie de lui consacrer tous mes moments libres. Raison pratique aussi, elle occupe le bureau où trône l'ordinateur. Ma mère, donc. Maman est une dame de soixante-treize ans qui pète le feu. Elle fait des tournois de bridge, de tarot, va au cinéma, garde les plus jeunes de ses petits-enfants qui, dit-elle, ne lui pèsent jamais. De toute façon, si elle était fatiguée elle ne l'avouerait pour rien au monde. Elle est abonnée à Femme Actuelle et à Julien Lepers (je lui pique le premier et ferais volontiers piquer le deuxième ...). Elle est toujours coquette, parfois avec un rien d'extravagance. Il ne lui viendrait jamais à l'idée de sortir sans rouge à lèvres. Si elle était une chanson, ce serait "La valse à mille temps" de Brel. Passer une journée avec elle me fait l'effet d'avoir avalé une cafetière entière de 100 % Arabica. Hier, c'était mon jour de repos, le mal nommé en l'occurrence. Nous nous sommes fait le plan mère-fille intégral : shopping, marché de Noël, déjeuner dans un salon de thé, re-shopping. En fin d'après-midi, nous avons récupéré Zuzu à la sortie du lycée et direction l'Aquatonic. Un parcours détente dans de l'eau à 34°, quelques longueurs de bassin, un hammam plus un sauna, ce n'était pas de trop pour me remettre de cette journée trépidante. Nous avons donc passé deux heures à barboter et à papoter, la grand-mère, la mère et la fille ou la mère, la fille et la petite-fille, au choix, bref trois générations dans l'eau. Je me suis dit que ce ne devait pas être si courant et que j'avais drôlement de la chance de vivre un moment pareil. Une femme reste toujours la fille de sa mère. La plupart du temps, on s'efforce de ne pas trop lui ressembler. Et puis on se dit que faire aussi bien qu'elle, ce ne serait déjà pas si mal...

samedi 29 novembre 2008

Mal de chien

Oratio, notre toutou, notre chien fidèle depuis 10 ans, nous a quittés brusquement hier soir, victime apparemment d'une malveillance. Je revenais de promenade avec lui, Zuzu tout juste rentrée du lycée nous attendait sur le perron de l'immeuble. Soudain, il a été pris de convulsions, a recraché quelque chose et s'est écroulé. Pendant quelques secondes, il a eu des spasmes, s'est mis à baver et puis, très vite, n'a plus pu bouger. Il me regardait de ses grands yeux et moi, j'étais là, complètement impuissante. Ma fille, avec beaucoup de sang froid, est rentrée appeler le véto qui habite à deux pas de chez nous mais il était déjà trop tard, il venait de mourir. C'est bizarre mais je l'ai tout de suite compris bien qu'il ait encore les yeux ouverts... Un voisin nous a aidés à le transporter dans notre cuisine, il pèse 35 kg notre Toutou et quand on dit un poids mort, je sais maintenant ce que ça veut dire. J'ai appelé BrB, et le temps qu'il arrive, nous l'avons veillé, Zuzu et moi, complètement sonnées. Mon mari a eu du mal à réaliser, il lui parlait, lui demandait de se réveiller comme si, lui qui avait toujours été obéissant, allait répondre à ce dernier ordre de son maître. Nous l'avons amené chez le véto et fait les démarches pour qu'il soit incinéré. Je sais, cela peut paraître dérisoire alors que Bombay était ces dernières 48 heures à feu et à sang, qu'un avion s'est abîmé en mer, que des SDF sont morts de froid cette semaine. Mais c'est un membre de la famille qui est parti brusquement et nous laisse dans la peine. Comme il était fugueur et s'était déjà fait renverser par une voiture, j'avais imaginé qu'il mourrait d'un accident ou de vieillesse mais jamais de cette manière. Ce qu'il a recraché, c'était un bout de saucisse sûrement empoisonnée. Le véto penche pour de la strychnine qui provoque un raidissement des membres et nous envisageons de porter plainte. Voilà, une page qui se tourne. J'avais offert Oratio à BrB pour ses 40 ans, c'était son rêve de gosse. Nous en avons fait des promenades avec lui. A la mer, à la campagne, le long de la Vilaine. Le week-end, BrB allait avec avec lui acheter le pain frais, les croissants et son journal. Le dimanche soir, c'était un moment privilégié entre nous. Et les soirs de semaine, Zuzu venait souvent avec moi et me racontait sa journée. Il va falloir s'habituer à son absence. Ne plus entendre ses clic-clic sur le parquet. Ne plus l'entendre soupirer. Ne plus sentir sa chaude présence sous le bureau. Ne plus le voir suivre nos conversations comme s'il comprenait tout. Ne plus râler contre ses poils partout ... So long Toutou ! S'il y a un paradis pour les chiens, tu y es déjà sans doute...

mardi 25 novembre 2008

Gorgée fatale

1500 kilomètres, c'est la distance qui sépare les côtes du Sénégal de celles des Canaries, cette porte d'entrée de l'Europe au-delà de l'Atlantique. 1500 serait le nombre de morts chaque année au cours de ces folles traversées que tenteraient 300 000 Sénégalais par an. 4 c'est le nombre de pirogues qui prendraient la mer chaque jour avec parfois 85 personnes à bord. Au-delà de ces chiffres, une réalité, celle de l'immigration clandestine sud-nord et aussi une prise de conscience, celle d'artistes et intellectuels africains qui veulent comprendre ce qui pousse leurs compatriotes à fuir leur pays en masse. Trois d'entre eux s'exprimaient dans Metropolis, cette émission intelligente d'Arte, servie en plus par la voix mélodieuse de Rebecca Manzoni. D'abord le vieux sage de Rufisque, Abass Ndionne, qui s'est inspiré de plusieurs histoires vraies pour en faire la trame son dernier roman, "Mbëkë mi", présenté aujourd'hui même à l'Institut français de Dakar. Bien que le wolof soit sa langue maternelle, il a choisi d'écrire en français pour alerter le plus grand nombre, dit-il. Il y a ensuite le rappeur Didier Awadi, dont le dernier album "Sunugaal" ne parle que de ça, des promesses non tenues des dirigeants de son pays et du désespoir qui pousse de plus de plus de ses frères à monter à bord des ces pirogues infernales. Et puis, toute douce, aussi belle mais moins médiatique que Rama Yade, l'écrivain Fatou Diome, à qui j'ai emprunté le titre de ce billet : "Pour les pauvres, vivre c'est nager en apnée, en espérant atteindre une rive ensoleillée avant la gorgée fatale". Il y a deux ans déjà, aux Rencontres d'Arles, j'avais été frappée par le reportage d'Olivier Jobard qui avait suivi pendant six mois un de ces immigrés clandestins de Mauritanie jusqu'en France. Lui aussi voulait mettre un nom et un visage sur ces hommes dont on ignore tout. Kingsley, puisque c'est son nom, a eu de la chance. Son histoire apparaît même en filigrane dans le dernier Klapisch, "Paris". Mais pour un Kingsley, combien d'anonymes engloutis par les flots ou repêchés par les garde-côtes Espagnols ? Pourtant, rien ne semble pouvoir les arrêter. Parce que, comme le dit poétiquement Fatou Diome : "On ne se retourne pas quand on marche sur la corde du rêve".

vendredi 21 novembre 2008

Ballade en Novembre

Aujourd'hui, j'ai décidé de faire l'apologie du mois de novembre. C'est vrai, je trouve qu'on est injuste avec lui. Il n'est que de lire les blogs en ce moment pour constater que c'est la déprime générale. Alors, bien que le temps dehors soit aussi gris que le pull que je porte, j'ai décidé de faire un billet résolument optimiste. Et voici 11 raisons de l'être :
  1. J'écoute "The time of innocence" de Simon et Gargunkel, ces vieux potes babas de mon adolescence. C'est ma Zuzu qui a fait la play-list sur mon nordi cet après-midi.
  2. Hier pendant ma pause-repas, j'ai acheté des pivoines, ma fleur préférée, et la fleuriste m'a donné un grand seau rempli d'eau pour que je puisse les garder fraîches jusqu'à mon retour à la maison.
  3. Pour leur tenir compagnie, j'ai cueilli l'unique rescapée de l'unique rosier de ma terrasse et elle sent bon, mais bon, ma petite rose de novembre...
  4. Pour nous remercier de notre enquête (voir ici), notre client à l'agence, nous a envoyé un énorme colis de produits et ce matin, je me suis enduit le corps d'huile d'Argan bio du Maroc.
  5. A propos du Maroc, j'ai convaincu BrB d'aller faire un trekking dans l'Atlas la semaine de Noël !
  6. Bien que je ne sois pas une militante, je suis contente que, quel que soit le résultat du vote, c'est une femme qui sera demain à la tête du PS.
  7. A propos d'élections, B. a enfin trouvé une date pour qu'on fasse un sort à la Veuve C. en l'honneur d'Obama.
  8. En cherchant un titre à ce billet, j'ai fait une recherche sur You Tube où jamais, ô grand jamais, je n'aurais pensé trouver la "Ballade en novembre" d'Anne Vanderlove que je dédie à Marie-Ange et à Lakevio.
  9. Maman vient passer huit jours avec nous dans une semaine et je suis tout excitée à l'idée de tout ce qu'on va faire ensemble.
  10. Bien qu'il ne fasse pas un temps à mettre un toutou dehors (et encore moins sa maîtresse) je vais me faire une douce violence et, d'ici une heure, aller promener Oratio le long de la Vilaine.
  11. Novembre c'est aussi le mois de plein de gens que j'aime. Alors bon anniversaire à mes nièces, Marie et Margot, à mon amie Sophie, et à mon peintre préféré qui aurait 110 ans aujourd'hui. Bon anniversaire, Monsieur Magritte !

mardi 18 novembre 2008

Mystère et touche de gloss

A l'agence, il nous arrive de réaliser des enquêtes pour le compte de nos clients. Je précise que je bosse dans une agence de com' (ou de pub) pas de détectives privés. Or donc, afin d'aider nos clients à mieux cerner les besoins de leurs propres clients, nous les sondons à leur place. En général, cela se passe par téléphone mais aujourd'hui, nous avons dû aller sur le terrain ce qui fait que pour la première fois de ma vie, j'ai joué à la "cliente mystère". Deux de mes collègues et moi-même devions aller "espionner" des magasins, envoyées par le service qualité d'une chaîne d'instituts de beauté. Croyez-moi ou pas, moi qui ai fait des choses beaucoup plus impressionnantes dans ma vie, je n'en menais pas large. D'abord, on vous remet un questionnaire long comme le bras qu'il faut mémoriser car il ne s'agit pas de sortir son bloc et son crayon ou pire, son nagra. C'est là que j'ai regretté de ne pas avoir l'étonnante mémoire visuelle de Fantômette quand j'ai été lâchée dans le centre commercial de Framboisy... Ensuite, il faut faire montre d'un talent certain de comédienne car vous avez un scénario à respecter. Votre demande porte sur une gamme de produits bien particuliers dont on doit vous faire l'article avec des arguments que vous connaissez déjà. Mais attention, il faut savoir faire parler la vendeuse sans faire soi-même les questions et les réponses (une de mes spécialités). Il ne s'agit pas non plus de jouer la cliente casse-pieds mais d'avoir l'air suffisamment convaincue pour acheter. De toute façon, la vente doit être conclue même si vous avez en face de vous la personne la moins commerçante de la terre, car le but c'est de vous retrouver en caisse (si je puis m'exprimer ainsi). Normalement, on doit vous demander votre carte de fidélité que vous avez oubliée mais que la caissière perspicace doit pouvoir retrouver grâce au nom "bidon" que vous lui communiquez. Et au cas où il y ait des homonymes, en plus du nom, vous devez vous souvenir d'une fausse adresse que vous avez pris soin d'apprendre par cœur. Schizophrènes s'abstenir. Enfin, quand vous sortez du magasin, l'air dégagé, vous devez tout de suite remplir le questionnaire à chaud pour ne rien oublier. Et si, pour ce faire, vous vous êtes réfugiée dans un café, et que comme moi, vous êtes parano, vous vous attendrez à tout instant à être démasquée. "C'est elle, la tricheuse, attrapez-la !". Last but not least, quand vous arrivez à votre bureau, vous devez encore saisir votre rapport en ligne et rapporter vos pièces à conviction (les échantillons, la carte de fidélité et le kit découverte qu'on vous a vendu). Mille pompons, Fantômette, c'est pas une vie, je vous le dis !

dimanche 16 novembre 2008

Moi mon remords ce fut...

Qui ne connaît ces moments où l'on a parfois le sentiment de passer à côté de quelque chose d'important ? Mauvais timing, mauvaise appréciation, lâcheté, maladresse, paresse, pour des tas de raisons, bonnes parfois, mauvaises le plus souvent, on n'est pas là quand il faudrait.
Lundi, coup de fil sur mon portable :
- Allô ... ? C'est Nicole (une amie dont je n'avais pas eu de nouvelles depuis plus d'un an).
- Nicole ! Ça me fait vraiment plaisir de t'entendre, mais là, je suis à mon boulot, je peux te rappeler ?
- Oui, si tu veux. Je suis encore à Toulouse mais je rentre ce soir à L-R (sa maison dans les Pyrénées), tu as toujours le numéro ?
- Oui, je l'ai, je te rappelle plutôt vendredi, je ne travaille pas. Ça va, toi ?
- Ecoute, désolée de ne pas t'avoir appelé plus tôt mais j'ai un cancer du sein, j'ai été opérée et là, je suis à l'hôpital pour mon traitement.
- Oh ! [...]
Nicole et moi, on se connaît depuis plus 25 ans. Elle m'a prise sous son aile quand je suis arrivée à Toulouse pour mon travail, j'étais alors une très jeune femme, je ne connaissais personne. Nous avions pile dix ans d'écart. Elle, elle avait un job à responsabilité dans un monde très macho, elle était divorcée et élevait seule sa fille de 6 ans. Elle était brillante, avait du charme, plaisait aux hommes, sortait beaucoup et m'entraînait dans son tourbillon. Nous allions parfois skier ensemble, elle m'a fait connaitre la région, des gens, bref, je lui dois beaucoup. Quand je suis partie à Paris, nous avons continué à nous voir régulièrement chaque fois qu'elle y venait pour affaires ou que moi je descendais la voir chez elle. Plus tard, elle s'est remariée, a eu un fils, une petite-fille et a continué à m'appeler une à deux fois par an. C'est tout ça qui m'est revenu à la figure alors que je raccrochais.
Vendredi, j'ai rendez-vous chez le coiffeur, je suis pressée. Dans la rue, un "couple homme-chien "couché sur le trottoir. Chez nous aussi, ça existe... C'est le chien qui attire le premier mon regard, peut-être parce qu'il est noir et de la taille du mien. Et puis, je regarde l'homme, recroquevillé, le dos agité par des soubresauts. Quand j'arrive à sa hauteur, je m'aperçois qu'il sanglote. Les gens passent, indifférents ou vaguement troublés. Je veux rebrousser chemin pour lui parler mais mon portable sonne à ce moment. J'hésite à répondre. C'est ma mère. J'oublie l'homme. Puis y repense pendant que je me fais coiffer. Une heure plus tard, je décide de repasser par le même chemin. L'homme et le chien ont disparu...
L'après-midi même, comme je le lui ai promis, je rappelle Nicole. Toute petite voix.
- Je te dérange, tu dormais ?
- Non, c'est pas ça mais j'ai fait une chimio mercredi et là, je suis vraiment pas bien. Tu peux me rappeler la semaine prochaine ?
Je la rassure, bien sûr que je vais le faire. Et je me retrouve comme une idiote, mon téléphone à la main, avec mes regrets et mes remords. Deux rendez-vous manqués ...

mardi 11 novembre 2008

L'info continue

En revoyant une vidéo qui fit en son temps un "buzz" sur la toile, je me suis dit que décidément, l'actu avait quelque chose de volatil. Un clou chasse l'autre en quelque sorte. Ainsi, dans cette parodie de JT, il est question du boycott de la Chine au moment des JO de Pékin. A peine trois mois après la fin des jeux, force est de constater que tout est rentré dans l'ordre. Oubliées les pétitions qui appelaient au boycott, enterrée la polémique autour de la présence du Président à la cérémonie d'ouverture et surtout, rejetés dans l'indifférence générale les Tibétains, prétextes à cette prise de conscience aussi tardive qu'éphémère. Dans la même vidéo, il était aussi question de notre incapacité à sortir de sa captivité Ingrid Bétancourt mais voilà, entre temps, elle a été libérée, ce dont on ne va pas se plaindre. J'ai eu la même impression ces derniers jours alors que l'élection de Barack Obama occultait tout le reste. Moi qui me passionnais l'année dernière pour la vie politique en Algérie, j'ai à peine remarqué le coup de force de Bouteflika. En résumé, le Président Algérien a fait voter une réforme constitutionnelle qui lui permet de briguer un troisième mandat de cinq ans. Quant on sait que le premier quinquennat a été calamiteux et que, pendant le second, sa maladie l'a conduit à se tenir souvent éloigné du pouvoir, on se demande ce qu'à 72 ans, il va faire de mieux maintenant. Sans compter que la Constitution ainsi modifiée, il peut prolonger ad libitum et devenir ainsi un président à vie. Voilà, avant que cette info ne soit chassée par d'autres, je voulais faire un petit quelque chose pour la tirer de l'oubli quelques instants. Pour en savoir plus, on peut se référer à la tribune du Général Rachid Benyellès dans le Monde daté du 11 novembre. Et comme on est le 11 novembre justement, et qu'aucun poilu de la Grande Guerre n'est encore là pour commémorer cet anniversaire, j'ai une pensée pour tous ces soldats morts. Que cette date ne devienne pas seulement synonyme d'un jour férié même si je dois admettre que ce week-end prolongé était bienvenu ...
Enfin, pour atténuer la gravité de ce billet, on peut toujours se repasser la vidéo évoquée plus haut qui, personnellement, me fait toujours autant rire...


mercredi 5 novembre 2008

Eh, what's up, Doc ?

C'est délibérément que je garde cette formule dans sa version originale même si j'ai encore dans l'oreille le "Euh, quoi de neuf docteur ?" nasillard de Guy Piérauld, la voix française de Bugs Bunny. J'ai toujours aimé ce lapin iconoclaste et insolent qui rendait chèvre Elmer le chasseur. Par association d'idées, je pense à ces milliers d'américains qui se sont rués ces dernières semaines dans les armureries en vue de l'éventuelle élection d'Obama, persuadés que celle-ci menacerait le 2ème amendement. Je comprends l'attachement des américains à leur auto-défense, principe inscrit dans leur Constitution et leur engouement pour la chasse car les deux sont intimement liés à leur histoire. Quelle image plus forte cependant que celle de Robert de Niro baissant son fusil devant le chevreuil dans "Voyage au bout de l'enfer" (The Deer Hunter en VO) ?
Eh, what's up, Doc ? Dans quelques heures, nous saurons si Barack Obama est bien le 44è Président des États-Unis d'Amérique et par là-même leur premier président Noir. Forcément, cette perspective me remplit de joie et pas seulement en pensant à la bouteille de champagne que nous allons boire avec B suite à la promesse qu'elle a faite ici même. Cette élection est tellement porteuse d'espoir pour les Américains et tous ceux qui aspirent à un monde nouveau, qu'elle en fait presque peur. Mais pour l'heure, ne boudons pas notre plaisir et continuons à écouter la litanie des états qui ont dit oui au changement...
Eh, what's up, Doc ? Sans transition, comme on dit dans les médias : mon chien est sur FesseBouc ! BrB, qui est au moins aussi facétieux que Bugs Bunny, a décidé qu'il n'y avait pas de raison que toute la famille soit inscrite sur le "Livre des Visages" et pas notre toutou. Il lui a donc créé un profil, mis des photos en ligne et fait du lobbying pour qu'il ait plein de copains. Le problème avec Internet, c'est que lorsqu'on a une bonne (?) idée, on n'est sûr que quelqu'un l'a eue avant. En effet, Kiba le Golden a déjà 124 amis de par le monde, de Lili d'Outremont qui vient de Montréal à Gregory Harrison Stewart de Nouvelle-Zélande en passant par de Erin Brockovitch Caniche. Non mais quel frimeur, ce Kiba ! Bon, pour notre toutou, c'est juste le début et déjà, il a plus d'amis que son maître (un peu vexé, celui-ci...). Jusque là, je lui ai préservé son anonymat mais maintenant qu'il est en passe de devenir une vedette sur la toile, je lève le voile : son vrai nom c'est Oratio. "O" comme vous savez qui ... Bon présage, non ?

vendredi 31 octobre 2008

Ardoise magique

Pendant deux jours, j'ai cherché fébrilement la clé de la boîte aux lettres de l'agence pour m'apercevoir à cette occasion qu'elle n'avait pas de sœur jumelle. Au début, j'ai pu le faire discrètement car, à la faveur d'un recommandé, le facteur nous avait monté le courrier. J'ai donc déclenché mon plan Orsec personnel : j'ai fouillé les poches de tout ce que j'avais porté depuis la veille, vidé mes tiroirs et mon sac (qui ressemble de plus en plus à celui de Mary Poppins, on s'attend presque à en voir sortir un lampadaire et un porte-manteau) ; j'ai même suspendu des ciseaux en invoquant ce bon Saint Antoine ("Vous qui voyez tout, rendez-nous ce qui n'est pas à vous"), rien n'y a fait. J'ai dû en informer mes boss (l'un n'y a prêté aucune attention alors que l'autre a fait des recherches dans ses propres affaires, attitude classique de part et d'autre). J'ai appelé le syndic de l'immeuble pour voir s'il n'en avait pas un double, prévenu mes collègues (là aussi, il y a ceux qui compatissent et cherchent avec vous et les autres...). Bon, fin de cet intolérable suspense, je l'ai retrouvée glissée sous le siège de ma voiture pourtant fouillée elle aussi. Si j'en parle, c'est que cette situation stressante pour moi et mon entourage n'est hélas pas une première. J'aimerais pouvoir dire que je suis atteinte du syndrome Dada (Défauts d'Attention Dus à l'Age) mais pas du tout : je suis comme ça depuis toute petite. A l'école déjà, "étourdie" le disputait avec "bavarde" sur mes bulletins scolaires. Je ne compte pas les clés, portefeuilles, gants, et parapluies - que ma belle-mère m'offre avec une belle constance chaque Noël ou presque - que j'ai pu perdre dans mon existence. Ma cousine Brigitte se souvient sans doute de la petite valise d'appoint contenant nos trousses de toilette et appareils-photos égarée dans le Roissy-Rail alors que nous allions prendre l'avion - et que nous avons retrouvée à notre retour (!) car je suis une distraite du genre vernie. Mon amie Françoise pourrait raconter comment nous avons passé un dimanche après-midi à faire toute une ligne de banlieue dans les deux sens pour aller récupérer au terminus mon sac à main (!). Il ne faut pas croire que cela m'amuse, je passe un temps incalculable dans ma vie à réparer les pots cassés. Vivre avec moi ce n'est pas tous les jours une sinécure ! J'ai réfléchi à ce manque chronique d'attention et voilà ce j'ai observé : je ne me souviens pas l'instant suivant de ce que je viens de faire l'instant d'avant. Ma mémoire serait-elle une ardoise magique ?

vendredi 24 octobre 2008

Com sabor de vida

Très délicat de parler d'un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur sans tomber dans les bons sentiments mâtinés d'un "regardez comme je suis bonne et généreuse". Pourtant, j'ai décidé de prendre ce risque. Aujourd'hui était un jour gris et solitaire et ce n'est pas la lecture des journaux ni des blogs qui avaient de quoi me rendre le sourire. Et puis voilà qu'au courrier, j'apprends que l'association dont je suis membre depuis presque 15 ans vient de mettre son site en ligne. Je m'y précipite et découvre une galerie de photos au milieu de laquelle je reconnais ma filleule, Helena, et son sourire éclatant que j'ai eu envie de vous faire partager. Helena est une petite fille Brésilienne de bientôt 11 ans, elle vit dans le Minas Gerais avec ses parents et sa soeur et sa scolarité est possible grâce à Esperanza. Elle m'écrit des lettres magnifiques et m'envoie de beaux dessins pleins de soleils, de fleurs et de papillons. Pourtant, sa vie n'est pas facile et, si jeune, les épreuves ne lui ont pas été épargnées. En mai, elle m'écrivait "Chère marraine, je t'écris une triste nouvelle. [...] mon petit frère vient de décéder suite à une maladie : l'hémophilie. Nous avions fait beaucoup de plans, surtout mes parents qui voulaient tellement un petit garçon..." Etonnant, cette maturité chez une enfant si petite, non ? Helena est ma troisième filleule. Avant elle, il y a eu Fabricio mais peu de temps car sa famille a quitté la région et encore avant, Marcio. Lui, je l'ai vu grandir au fil des années sur les photos que l'association m'envoyait tous les ans. D'un gamin timide et chétif de 9 ans, je l'ai vu se transformer en un beau jeune homme de 18 ans qui m'écrivait des messages d'amour. Nous nous sommes perdus de vue mais je sais qu'il a un métier et qu'il est devenu un homme bien, désireux d'aider les autres comme il avait été aidé. Je pense souvent à lui et je suis sûre qu'au-delà des continents et du temps qui passe, lui non plus n'a pas oublié sa marraine Française. Mais ce que je voulais dire avec ce billet, sans être sûre d'y être vraiment parvenue, c'est que plus que ce que nous apportons à ces enfants en soutenant leur scolarité, l'important c'est ce qu'eux ont à nous donner : une immense leçon de vie. Helena finit toutes ses lettres par "abraços et beijos com sabor de vida". Et c'est peut-être cela qui nous manque le plus dans nos vies privilégiées, se rappeler la saveur de la vie.

lundi 20 octobre 2008

φ

Passées les premières minutes de curiosité pipolesque (ainsi donc c'est lui, Monsieur quatre consonnes et trois voyelles ?), je dois avouer que j'ai suivi avec délices la leçon de philo de Raphaël E. sur Arte, dimanche. Entre parenthèses, vous en avez eu des profs comme ça, vous en terminale ? Le mien s'appelait Paoli, il me faisait l'effet d'un poussah immuable derrière son bureau et ne s'intéressait qu'au rang "potable" de ses élèves dont j'avais l'insigne honneur de faire partie. Mais revenons à nos moutons. Le thème du jour était le pouvoir. Ce cher Raphaël déambulait quelque part dans Paris (5è ou 6è, je présume, à Pigalle, c'aurait eu moins de classe), citant Pascal ("Tout pouvoir est basé sur une usurpation"), La Boétie ("C'est l'opinion qui fait le tyran") ou Tocqueville. Deuxième parenthèse : le monsieur sur le tableau que j'ai choisi pour illustrer ce billet, c'est lui, Alexis de Tocqueville (1805-1859), célèbre pour son "De la démocratie en Amérique". Explication plus pragmatique que philosophique : je lui trouve un petit air de ressemblance avec notre promeneur-philosophe et lui au moins ne viendra pas me faire un procès à propos de son droit à l'image. Selon le principe de cette demi-heure dominicale que nous octroie généreusement Arte, un ou une spécialiste du sujet rejoint notre mentor pour une discussion qui, si elle semble à bâtons rompus, est en fait très bien construite. Dimanche, c'était le tour de Céline Spector, normalienne et agrégée de philo. Je vous livre quelques moments forts : disserter des signes de la représentation du pouvoir en montrant Nicolas Sarkozy, fraîchement élu Président de la République, en short sur le perron de l'Elysée avant son jogging matinal (contraste saisissant avec l'huissier en queue de pie à côté sur la photo...), il fallait le faire ! Je décode : nous sommes en démocratie représentative et le Président joue la proximité avec ses concitoyens. A l'inverse, Fidel Castro malade et en survêtement n'a plus les attributs du pouvoir totalitaire qu'il incarnait (le treillis et la casquette du Lider Maximo). "Que reste-t-il du pouvoir quand il n'y a plus de sceptre ? - Un homme comme les autres, un homme nu." Autre exemple : le fameux tableau de Louis XIV illustre ce que le philosophe appelle le "double corps du roi", son corps charnel (rappelez-vous le très seyant collant moulant) et le corps en majesté représenté justement par le sceptre. Voilà, c'est le genre d'émission où vous vous sentez moins bête après qu'avant. Juste un détail : si vous vous demandez comment Carla B. a pu préférer ce cher Nicolas S. (quatre consonnes et trois voyelles aussi) au beau et intelligent Raphaël E., j'ai peut-être une idée... L'attrait du pouvoir ?

mardi 14 octobre 2008

Noir sur blanc

Dans le dernier livre de Kris Nelscott que je viens de finir, "Blanc sur noir", le héros récurrent, Smokey Dalton, un privé noir originaire de Memphis, s'est installé à Chicago après l'assassinat dans sa ville natale de Martin Luther King. Nous sommes fin 1968 et son enquête nous permet, nous lecteurs, de prendre conscience du degré de racisme ambiant de l'époque. Une scène est particulièrement révélatrice. Elle se passe dans un quartier dit "transitionnel", bel euphémisme trouvé là par les agents immobiliers pour qualifier un de ces coins de Chicago où des maisons des Blancs de classe moyenne sont vendues à des Noirs de la nouvelle "Upper Middle Class". Là, les manoeuvres d'intimidation pour dissuader les nouveaux-venus sont on ne peut plus comminatoires. Notre privé - que j'imagine avec le physique de Dennis Haysbert dans Loin du paradis, un très beau film lui aussi sur le thème du racisme et de l'intolérance dans l'Amérique puritaine des années 50 - notre privé donc, se rend pour les besoins de son enquête dans un de ces quartiers. Il en profite pour faire ses courses dans la supérette du coin où les prix sont beaucoup plus bas que dans le quartier noir où il habite. Au moment de payer, la caissière ferme ostensiblement sa caisse juste devant lui. Il proteste, le patron arrive et lui fait comprendre qu'aucune caisse n'est désormais libre pour lui. Notre homme ne se démonte pas, fait lui-même mentalement le calcul de ce qu'il doit et laisse 15 dollars sur le tapis, lançant à la cantonade "Gardez la monnaie !". Ce passage est loin d'être aussi violent que d'autres où les manifestations de racisme sont plus de l'ordre du passage à tabac voire du meurtre, mais il l'est par la tension palpable que décrit très bien l'auteure. En lisant ces lignes, je mesurais tout le chemin parcouru par les américains en 40 ans alors qu'ils s'apprêtent à élire - peut-être - un Président noir. BrB tempéra mon optimisme en me citant un article récent paru dans Libé qui mettait un bémol à mon propos. Il semblerait en effet que la grande inconnue de cette prochaine éléction soit le racisme toujours ancré chez de nombreux représentants de l'Amérique dite profonde. Comme le dit un observateur : "Cette Amérique là, à 80 % «caucasienne», marquée par son passé ségrégationniste, est-elle prête à envoyer un Afro-Américain à la Maison Blanche ?" That is the question.

vendredi 10 octobre 2008

Jean qui rit, Jean qui pleure

Mon dernier billet témoignait de mon humeur morose. Celui-ci se veut plus gai même si des scories demeurent de mon pessimisme latent. Résumons.
  • Je ris parce que je suis toujours en Bretagne mais qu'il fait très beau aujourd'hui.
  • Je pleure la cousine préférée de ma mère qui vient de mourir à 71 ans d'un cancer foudroyant du poumon alors qu'elle n'avait jamais fumé de sa vie.
  • Je ris parce qu'hier soir, j'ai chanté à tue-tête dans ma voiture avec Blondie un tube de l'année 78, celle de mes 20 ans.
  • Je pleure parce que la même année, Jacques Brel nous quittait et qu'en hommage, la radio passait Les Marquises et ça m'a rendue triste.
  • Je ris parce que ma fille m'a inscrite hier soir sur F***b**k et que j'avais déjà ce matin un message d'une "petite copine" (voilà que je parle comme ma mère maintenant...).
  • Je pleure parce que le CAC40 continue à se casser la figure et que je me demande comment tout ça va finir...
  • Je ris parce que j'ai mangé indien avec Zuzu tout à l'heure et que j'adore partager mon nan au fromage avec elle qui tire de son côté et moi du mien.
  • Je pleure parce que BrB me délaisse en ce moment et que ça m'attriste.
  • Je ris à l'avance du nouveau Woody Allen que j'ai envie d'aller voir avec lui ce week-end.
  • Je pleure parce que j'ai pris 2 kilos et que la fermeture de mon jean préféré a craqué.
  • Je ris parce que j'ai vu un lézard se dorer au soleil et que ça m'a fait penser à l'été dans le midi.
  • Je pleure parce que Marie-Ange a décidé de ne plus nous faire provisoirement Rêver au Sud.
  • Je ris parce que je n'avais pas envie d'écrire de post ce matin et que mon amie B. m'a laissé un commentaire pour m'aiguillonner ...

mardi 7 octobre 2008

Jusque là, tout va bien

Dur, dur de garder son optimisme en ces temps où les cassandres de tout poil nous inondent de nouvelles à qui plus inquiétantes les unes que les autres. Le matin, pendant que je me prépare pour aller bosser, puis au volant, je me fais un cocktail France Inter-France Info. Je quitte la première après la revue de presse du nouveau petit chouchou de ma copine B., pour attraper à 8h35 la météo, puis le débat sur la seconde. J'aime bien les passes d'armes à fleuret moucheté entre Laurent Joffrin de Libé et Sylvie Pierre-Brossolette du Point. La journaliste qui anime cette tranche horaire est plutôt posée ce qui nous change du ton péremptoire de son homologue et collègue d'Inter. Sans compter qu'outre Nicolas D., brillant mais agaçant (ce doit être le prénom...), je n'aime pas beaucoup non plus les tribunaux populaires, or c'est un peu ce que je ressens en écoutant les auditeurs cuisiner l'invité du jour. Cette longue digression radiophonique pour revenir à mon propos : en ce moment, quel que soit le média, c'est du gratiné. Trois français sur quatre se disent préoccupés par la crise financière et ses répercussions sur notre pouvoir d'achat et l'emploi selon un sondage tout juste paru dans l'Obs. "La France a peur" comme l'annonçait autrefois Roger Gicquel, celui dont Coluche disait que quand un avion s'écrasait quelque part, il avait l'air de l'avoir reçu sur ses pompes. Bon, c'est clair, moi non plus je ne fais pas la fière et je ne prends pas l'air dégagé. Je me dis même que nous avons eu de la chance l'an dernier de vendre notre maison alors que nous avions pris un prêt relais pour acheter notre appart. Et j'ai été encore plus vernie de décrocher un CDI au début de l'année dans une filière bouchée et à un âge où pour l'Apec on est déjà un senior à 45 ans... Entendu ce soir en rentrant, sur Radio Classique cette fois, que ce sentiment de "ça n'arrive pas qu'aux autres" est de plus en plus répandu. C'est peut-être le bon côté de cette crise, on ne se sent plus au-dessus de la mêlée. Même relativement privilégiés comme dans mon cas, on se dit que tout est décidément fragile...

vendredi 3 octobre 2008

Même pas cap !

Que ne faut-il faire pour avoir l'esprit corporate* ! Dans une précédente vie professionnelle, j'ai eu droit à théâtre et vélo dans le Lubéron et karaoké sur une péniche remontant la Seine. A l'agence, nos patrons ont eu l'idée d'organiser une soirée conviviale dans un esprit très teambuilding*. Parmi les propositions qui ont fusé (moi j'avais suggéré soirée à l'Opéra : un bide), c'est le karting qui a gagné. Et c'est comme ça que nous nous sommes retrouvés en combinaison rouge, charlotte et casque intégral, toute l'équipe moins un objecteur de conscience qui avait refusé tout net de participer à un sport qui troue la couche d'ozone (en l'occurrence, vu qu'on était à l'intérieur, c'est plutôt nos poumons qu'on perforait). Pour la grande sportive que je suis, l'expérience s'annonçait captivante. D'autant que l'animateur qui nous accueillait nous prodiguait tout un tas de recommandations et ça n'avait pas l'air de rigoler. Je suis donc montée dans ce baquet sur roues qu'il a démarré comme une tondeuse à gazon, en essayant de me remémorer les consignes : ne pas freiner et accélérer en même temps, et suivre le drapeau. Zut, c'est le jaune pour s'arrêter et le bleu pour se faire doubler ou l'inverse ? On a eu droit à dix minutes pour apprendre à dompter la bête et à reconnaître les chausse-trapes du circuit, puis retour à l'écurie. Là, notre jeune homme sérieux avait l'air de s'ennuyer ferme vu que notre petit groupe se l'était plutôt joué deudeuche sur une départementale que MacLaren aux 24 heures du Mans. Aux essais, c'était un peu mieux, la moitié avait fait moins d'une minute à son meilleur chrono, les initiés comprendront. Pour ma part, j'avais fait 1'02 et une seule tête à queue, ça m'allait côté sensations fortes. Si on s'était arrêté là, ç'eut été parfait, mais il y avait LA course. Erreur funeste, nous avons fait une pause conso (comprise dans le forfait), et j'ai fait la bêtise de tremper mes lèvres dans un kir pêche. Boire ou conduire, il faut choisir, j'aurais dû m'en souvenir. Bref, nous sommes remontés en selle dans l'ordre du classement, le premier en pole position, les autres à sa suite et moi avant-dernière. Les dix ou douze premiers tours, ça allait et puis d'un seul coup, j'ai eu froid, j'ai eu chaud et j'ai commencé à avoir franchement le tournis et à ne plus m'amuser du tout. Je n'avais qu'une idée en tête que le drapeau à damiers s'abaisse mais il fallait pour ça que le premier passe la ligne d'arrivée au bout de 25 tours. Je ne voulais pas abandonner avant, j'ai ma fierté quand même. Pour finir, j'ai fait la bêtise d'enlever mon casque ce qui m'a valu un rappel à l'ordre dans le micro, en le remettant j'ai fait tomber mes lunettes au fond du baquet, et j'ai loupé la sortie ! Heureusement, plus personne ne faisait attention à moi tant ils étaient tous occupés à vérifier leurs temps et se congratuler. Au classement, l'honneur de la Direction était sauve, les deux boss étaient sur le podium, seul un jeune développeur inconscient s'étant glissé entre eux. Perso, on ne m'y reprendra plus mais pour les curieux, j'ai tout filmé...

* Désolée pour le jargon anglais mais les DRH vous le diront, en français, il n'y a guère d'équivalent.

samedi 27 septembre 2008

Homme et femme, mode d'emploi

J'ai remarqué que depuis quelques temps, je n'avais plus que des visiteuses sur ce blog. Ou du moins, si les hommes viennent, ils ne commentent plus. Seul BrB vient encore de temps en temps mettre son grain de sel mais comme j'ai expurgé sa dernière remarque (eh oui, il m'arrive de pratiquer la censure...), je ne sais pas si je vais le revoir. J'en déduis que, inconsciemment, j'ai choisi mon lectorat et que j'écris plutôt pour un public féminin. En fait, ce doit être parce qu'on ne vit pas les mêmes choses. Prenons hier. J'ai déjeuné avec mes trois copines A., B. et C. (je n'invente rien, leurs prénoms commencent comme ça) dans un restau tenu par deux nanas de nos âges qui ont investi un endroit sympa pour en faire une cantine branchée. Il y a bien un homme mais comme il est en cuisine on ne le voit pas. Ensuite, j'ai retrouvé Zuzu qui n'avait pas classe l'après-midi et nous sommes allées magasiner. De retour à la maison, nous avons papoté en avalant toute une théière de Rooibos à la cannelle et en écoutant la compil Gold d'Abba (pour ceux, enfin celles, qui n'auraient pas suivi, je suis dans ma période Abba revival). Tout ça ne plaît pas vraiment à BrB qui trouve que je joue trop les mères-copines mais ma fille est comme l'oiseau sur la branche, je la sens prête à quitter le nid et j'ai envie d'en profiter à fond. Vers 20 heures, l'Homme n'était pas rentré mais je me suis dit qu'il serait peut-être temps que je réfléchisse au dîner. J'ai mis trois pavés de saumon au four, six patates dans la cocotte-minute, une sauce toute prête au micro-ondes et le tour était joué. BrB est arrivé fourbu, il m'a raconté sa journée de ouf de cadre sup, je lui ai narré mon vendredi oisif. Il s'est bu deux whiskies (rituel du TGIF*), nous nous sommes mis à table où il a eu le bon goût de ne pas commenter l'absence de pain (faut le faire, on avait dû passer devant au moins trois boulangeries) ni le saumon un peu desséché. Le dîner était gai, nous avons parlé de nos projets de vacances l'été prochain. Ensuite, BrB a appelé sa mère et zappé tout en fumant - un peu trop à mon goût. Devant le vide sidéral des programmes télé, je suis allée me coucher avec un bouquin. Malgré ce récit un peu décousu, je vous livre la morale de ce billet : tout ça, c'est qu'une histoire de roses et de choux.
* Thanks God it's Friday (pour ceux, enfin celles, qui ne le sauraient pas. Sorry pour les autres !)

mardi 23 septembre 2008

Mater Dolorosa

Début septembre, nous apprenions qu'après huit mois seulement d'existence, LibéRennes allait devoir fermer son bureau. Dommage, nous qui vivons sous l'ombre tutellaire du plus grand quotidien régional de France, Libé apportait un ton nouveau. Aujourd'hui, revirement de Laurent Joffrin et consorts, Rennes et Orléans (emporté aussi dans la tourmente) sauvent leur journal en ligne. Du coup, je vais lire les derniers articles et tombe sur un fait divers incroyable, résumé comme suit : "En prison pour infanticide, une femme de 35 ans vient d’accoucher d’une petite fille à la stupeur générale. Personne, ni les médecins, ni le personnel pénitentiaire, ni ses codétenues de la prison des femmes de Rennes n’avaient remarqué sa grossesse. Déjà mère de deux enfants de 3 et 5 ans, elle avait réussi à dissimuler une précédente grossesse à son mari jusqu’au moment de l’accouchement. Elle a avoué en mars avoir tué le nouveau-né dont le corps avait été retrouvé dans un congélateur de la ferme qu’ils habitaient à Saint-Nicolas-du-Pélem, village des Côtes-d’Armor. Cette fois, c’est l’ensemble de l’administration pénitentiaire qui n’a rien détecté. " J'avais entendu parler du déni de grossesse, notamment à l'époque de "l'affaire Courjault", mais à chaque fois, je reste incrédule comme Saint Thomas. Comment se peut-il que l'entourage ne s'aperçoive de rien ? Là, c'est encore plus sidérant. Cette jeune femme aurait subi des fouilles au corps, passé des visites médicales, vécu dans un milieu où la promiscuité est la règle, et personne n'a rien remarqué ? Je ne juge pas, là n'est pas mon propos. Je la plaindrais plutôt et me réjouis de la décision de justice qui lui permet de garder sa petite fille en prison avec elle, ce que la loi autorise jusqu'aux 18 mois du bébé. Non, je m'interroge sur cette cécité générale. J'aimerais juste comprendre...

samedi 20 septembre 2008

Les cheveux en quatre

Du linge à repasser et me voilà regardant distraitement d'abord, puis littéralement scotchée, un reportage sur Arte*. Tout est parti d'ateliers d'écritures dans l'enceinte du CIFAP, un grand centre d'apprentissage de la coiffure en région parisienne. Fasciné semble-t-il par ce qu'il a vu et entendu, l'écrivain François Bon y retourne avec un documentariste. Cela donne 50 minutes de pur bonheur qui change à jamais le regard que vous portez (ou plutôt oubliez de porter) sur ces jeunes gens et jeunes filles qui vous massent le cuir chevelu ou vous apportent votre café quand vous êtes chez le coiffeur. Il y a là Claire qui se destine à la coiffure après son grand-père et sa mère avant elle, laquelle ne rêvait pas de ça pour elle car c'est un métier jugé "dégradant" par beaucoup. Elle, elle ne le voit pas comme ça et elle le dit calmement en sirotant son café, elle est venue à la coiffure par goût, elle a même abandonné le dessin pour ça. Une autre est désespérée car une allergie aux produits lui a esquintée les mains, et depuis trois semaines elle reste chez elle, suspendue à la décision de la médecine du travail. Ce sont les trajets en bus avec les copines qui lui manquent le plus. Car il s'agit avant tout des jeunes de 17 ans, à peine sortis de l'enfance et se frottant déjà à la dure réalité du monde du travail, tôt levés, alternant l'école, l'apprentissage et le salon. Ils mettent des mots sur leur maux, eux qui sont souvent le réceptacle de bien des confidences, de brimades parfois, et l'on rit de se voir épinglées, nous les clientes, avec nos "c'est trop chaud, c'est trop froid, un sucre dans mon thé, merci mademoiselle". Ils racontent leurs doutes, leurs joies et leur complicité avec leurs têtes à coiffer, ces doubles d'eux-mêmes qu'ils font parler pendant les ateliers : " elle est à moitié barge avec sa brosse, elle me met des coups sans arrêt avec, ça fait mal, et en plus elle m’arrache les cheveux quand elle s’énerve". Enfin, il y a Johnny, sorte de Pierrot blanc avec son survêtement immaculé et sa crête blonde sur la tête, touchant quand il évoque ses années collège à Drancy où on lui avait fait une "réputation", et ses échecs scolaires à répétition avant de trouver sa voie. Il est là dans son Hollywood à lui, cette galerie commerciale de Parinor où, enfant, il adorait venir le week-end courir dans les allées. Il semble arrivé au firmament, apprenti-coiffeur pour dames chics avec qui il faut surveiller son langage. Décoiffant, je vous dis.
* Rediffusion le 21/09 à 13 h

vendredi 12 septembre 2008

Abba ça alors !

Parmi les nombreuses choses que BrB ne comprend pas chez moi, il en est une que j'assume parfaitement aux risques d'être taxée de ringardise : je suis fan d'Abba. Et ce, bien avant l'Abbamania ambiante et la comédie musicale Mama Mia qui fait le plein de spectateurs de Broadway à Londres en passant par Paris. D'ailleurs, je suis assez midinette pour courir la voir si l'occasion s'en présentait. En revanche, le film qui en est tiré et qui sort cette semaine au cinéma ne me tente pas, et pas parce que la critique de Télérama l'a éreinté (je sais bien qu'eux, ils sont plutôt suédois tendance Bergman) mais parce que l'histoire me semble bien loin de l'aventure originelle. Non, mon Abbamania à moi remonte à plus de vingt-cinq ans, à 1982, pour être précise. Je suis depuis peu employée dans une compagnie aérienne et je me retrouve dans une ambiance très cosmopolite en formation à Rotterdam. Je ne sais pas si vous connaissez ce joyeux port de pêche (en fait le plus grand port du Monde) mais la ville a été entièrement rasée pendant la guerre et donc reconstruite dans un style disons, vertical. En plein hiver, déjà qu'il ne fait pas chaud, se balader dans les rues n'a rien d'encourageant. Mais rien n'arrête ce soir-là quatre jeunes filles décidées à faire la fête. Il y a là Betty la Norvégienne, Suzanne l'Allemande, Donatella l'Italienne, et l'auteure de ces lignes. Nous nous apprêtons à sortir, quand soudain, du lobby de l'hôtel s'échappent des flonflons discos reconnaissables entre mille. C'est Fernando. J'adore cette bluette et, des années après quand je l'entends, j'ai les poils des avant-bras qui se dressent (comment expliquer ça à un mari cartésien ?). Avec mes trois copines, nous sommes finalement restées à l'hôtel à écouter des clones hollandais de Abba, et on s'est fait un mini-Eurovision en braillant à tue-tête Waterloo, Dancing Queen, Knowing me, knowing you (ha-ha), etc. Cet été, Arte a consacré une soirée entière à la saga d'Abba. Evidemment, je ne pouvais pas louper ça. De rousse, Frida est devenue blonde, Agnetha est restée blonde platine et, à 60 ans, je trouve qu'elle a une classe folle. Je sais, c'est difficile à croire quand on repense aux tenues inimaginables qu'elle portait à l'époque. Quant aux deux garçons, Benny et Bjorn, malgré les années et une pilosité légèrement différente, on n'arrive toujours pas à savoir lequel est lequel. Pour moi, Abba restera toujours associé à cette soirée d'hiver de 1982 à Rotterdam. Un an après, le groupe se séparait. La légende, elle, ne faisait que commencer.

samedi 6 septembre 2008

Joyeux non-anniversaire !

"Madame E. ? Bonjour, je me présente : je suis Aurélie de chez Onengrange. Auriez-vous quelques minutes à m'accorder ?"
- "Si vous voulez" (vas-y shoote ! C'est la 4ème qui m'appelle, à chaque fois, je demande qu'on me rappelle le soir mais visiblement, le message a du mal à passer.)
- "Tout d'abord, Madame E., Onengrange tient à vous féliciter pour votre fidélité. Cela fait 10 ans que vous êtes cliente chez nous"
... (ah bon ? tant que ça ? Je me souviens encore de mon premier téléphone mobile, un Montretoila grand comme un steak d'une demi-livre avec une sorte de petit tiroir qu'il fallait ouvrir pour appeler...)
- "Vous êtes toujours là ?"
- "Oui, oui."
"- Donc, Madame E. pour vous remercier de votre fidélité, Onengrange a un cadeau à vous offrir" (j'imagine déjà la réunion Marketing chez Onengrange avec un grand gourou à la voix de Marlon Brando dans le Parrain : " On va leur faire une offre qu'ils ne pourront pas refuser.")
...
- "Madame E. Utilisez-vous votre mobile Onengrange le dimanche ?"
- "Non. Je ne m'en sers que dans la semaine pour donner des rendez-vous, envoyer quelques textos et surtout pouvoir être jointe. Le dimanche, je suis chez moi et j'appelle depuis le fixe."
- "Donc Madame E., pour vous remercier de votre fidélité et à l'occasion de ce 10è anniversaire, Onengrange vous propose 1 heure de communication gratuite le dimanche pour 1 euro de plus par mois pendant 6 mois !"
- "Attendez, Mademoiselle Aurélie, reprenez votre questionnaire. Qu'est-ce que j'ai répondu à la question précédente ? Que je n'utilisais pas mon mobile le dimanche, en quoi votre offre mirobolante est censée m'impressionner ?"
- "Vous, non. Mais peut-être vos enfants ?"
- "Ma fille a son propre portable" (Et c'est moi qui paie son abonnement, manquerait plus qu'elle passe une heure pendue au bout du mien le dimanche.)
- "Vous n'êtes donc pas intéressée par notre offre ?"
- "Ecoutez, vous me présentez comme un avantage quelque chose dont je n'ai pas besoin et qui va me coûter plus cher. Vous m'auriez dit : pour vous remercier de vos 10 ans de fidélité, Onengrange vous offre un mois d'abonnement, j'aurais apprécié."
- "Madame E., vous arrive-t-il de regarder les matchs de foot à la télé ?"
- "Jamais." (Ca y est, j'y suis, elle va essayer de me fourguer sa nouvelle télé Onengrange qui a racheté une partie des droits de Carnaval.Plus sur le foot ! J'ai lu quelque part que c'est un bide monumental.)
- "Madame E., il ne me reste plus qu'à vous remercier de m'avoir écoutée et vous souhaiter une bonne journée."
- "Bonne journée à vous aussi, Mademoiselle Aurélie." (et dites de ma part à Don Corleone qu'il arrête de prendre tous les abonnés d'Onengrange pour des crétins congénitaux !)

lundi 1 septembre 2008

My Blueberry Afternoon

Juste avant les vacances, j'ai fait la connaissance de Leslie. Elle m'avait donné rendez-vous à la terrasse du Haricot Rouge, me recommandant de garder une petite place pour leur excellent fondant au chocolat. Pour qu'elle me reconnaisse, je lui avais envoyé par mail une photo récente et, de mon côté, j'avais en tête la représentation qu'elle fait d'elle-même dans ses petits dessins. Elle m'a avoué s'être un peu méfiée, se demandant si j'étais bien ce que je prétendais être, une maman "blogueuse" (quel vilain mot, il faudrait trouver autre chose, non ?) qui avait l'âge d'être la sienne. Je suis d'ailleurs venue avec ma fille et elles se sont tout de suite bien entendues. Deux heures après, nous bavardions toutes les trois comme de vieilles copines... Vendredi après-midi, j'ai poussé la porte de ce qui sera bientôt le Café Clochette. J'ai rencontré Pascale, Miniloup et ... Clochette. Autour d'un excellent thé et de délicieuses tartelettes aux myrtilles et au citron, nous avons papoté gentiment. Au départ, nous avons évoqué ce qui nous avait poussées à tenter l'aventure du blog puis, de fil en aiguille, nous nous sommes raconté nos vies. C'est fou comme on devient vite intimes avec des personnes qui vous étaient il y a peu parfaitement inconnues et que nous n'aurions probablement jamais rencontrées autrement. Cette communauté virtuelle fait tomber les barrières de l'éloignement, de l'âge, du sexe, du milieu social. Tout ce qui nous cantonne d'habitude à des amitiés somme toute sans surprises. Peut-être parce que Miniloup me rappelait beaucoup un petit garçon blond aux yeux noirs que j'ai très bien connu, j'ai fait ce que je fais rarement, je me suis mise à parler à Pascale de mon fils, de son éloignement de moi, et de la peine que j'en ressens. Je m'en étonne encore ...

jeudi 28 août 2008

Un jour, une photo (7)

Comme l'a si justement remarqué Karmara, mon choix de photos s'est plutôt porté sur des portraits de jeunes filles. C'est vrai que je suis sensible à la condition des femmes et des enfants dans le monde et que certaines situations me touchent plus que d'autres. Donc, pour faire plaisir à Karmara, et aussi à Bérangère de retour parmi nous après deux mois (!) de vacances (on se souvient de sa description émue d'un certain jeune éphèbe métissé), je conclue ma série par ce visage extraordinaire. Je suis sûre qu'à présent vous mourez d'envie d'en savoir plus. D'abord, un détail qui a son importance, ce portrait était gigantesque dans la salle des Ateliers des Forges d'Arles où nous l'avons vu. Déjà comme ça, c'est impressionnant, alors trois mètres sur deux, vous imaginez ! Ensuite, son auteur, Pierre Gonnord, est un français, - cocorico ! - même s'il a choisi de vivre à Madrid (c'est une manie chez les photographes de s'expatrier, on dirait). Certains critiques ont comparé ses portraits aux tableaux du Caravage ou de Murillo, excusez du peu. Moi, peut-être parce que j'ai visité le Prado pour la première fois cette année, j'ai pensé au Greco. Vous savez ces gentilshommes caballeros, au visage émacié, austères dans leur costume noir surmonté d'une fraise. Ou aux nains grimaçants des tableaux de Vélasquez. Pierre Gonnord cherche des "gueules". Il les trouve parmi les gitans d'Andalousie, les immigrés d'Europe de l'Est qui vivent d'expédients et, d'une manière générale, chez les marginaux de tout poil. Il raconte qu'un jour, en banlieue, il a interpellé un jeune beur au physique "à part" et que celui-ci a détalé comme un lapin. Avec ses cheveux ras et son blouson, il l'avait pris pour un flic ! Bon, assez parlé, je vous laisse plonger votre regard dans les yeux de braise de ce bel Adonis...

mercredi 27 août 2008

Un jour, une photo (6)

Nous avions découvert l'univers si particulier de Vanessa Winship, au printemps dernier, lors du festival Photo de Mer à Vannes. Cette photographe anglaise qui vit aujourd'hui en Turquie, y présentait son travail sur les mythes de la Mer Noire, cette mer sans marées contre laquelle butent souvent les populations déplacées des Balkans. Aussi, ce fut une bonne surprise de la retrouver en Arles, où elle donnait à voir une autre série de photos joliment intitulée "Sweet nothings". Elle y met en scène des écolières, dans le cadre d'un programme d'alphabétisation de l'état turc dans des régions reculées d’Anatolie orientale. Celles-ci sont donc venues poser pour elle, seules, ou accompagnées d'une sœur ou d'une amie, mais toujours vêtues de leur traditionnel uniforme d'écolière, une robe bleue marine au col de dentelle. Le décor est volontairement dépouillé, on y devine parfois en toile de fond une cour d'école en terre battue ou le coin d'un tableau noir. Tous ces portraits se fondent dans un joli dégradé de gris, avec quelques touches de blanc comme, sur cette photo, celui de la délicate collerette ou des losanges des chaussettes de laine. Expliquant son projet, Vanessa Winship nous dit : « Sur ces terrains inhospitaliers, la vie de ces petites filles est très dure. Consciente de leur situation, j’ai voulu leur accorder de l’importance en les invitant devant l’objectif». Et c'est bien de la fierté qui se lit dans les yeux de ces deux petites soeurs. Mêlée de crainte aussi, sans doute.

mardi 26 août 2008

Un jour, une photo (5)

Il est des regards qui vous happent. Au point d'enfreindre un règlement, celui de ne pas prendre de photos dans une expo. Il s'agit d'un cliché anthropométrique parmi d'autres, un de ceux qui évoquent les pages noires d'une histoire dont on préfèrerait qu'elle n'ait jamais existé. Les Arlésiens qui se pressent en ce moment au Palais de l'Archevêché où une rétrospective en images de leur ville les attend, découvrent pour beaucoup l'existence du camp de Saliers. Dans cette terre de Camargue qui, de tout temps, sut accueillir les gitans, on parqua pendant le gouvernement de Vichy des centaines de tziganes avant de les expédier par wagons entiers dans les camps d'extermination. Mathieu Pernot, un photographe qui a fait là œuvre d'historien, a exhumé ces fiches des archives départementales et recueilli les témoignages de quelques rescapés dans un livre. J'ai eu, il y a quelques années, l'occasion de me rendre à Auschwitz. Sur les murs, là-bas aussi, des tas de photos similaires, de face et de profil. Ce qui me parut terrible alors, c'est que sur certains clichés, plusieurs visages souriaient à l'objectif. Comme s'il fallait donner le meilleur de soi-même. Rien de tel dans cette photo qui m'a littéralement aimantée. C'est un regard franc, direct, presque serein, et qui dégage une incroyable force chez une toute jeune fille. Et une question qui me taraude : comprenait-elle ce qui lui arrivait ?

lundi 25 août 2008

Un jour, une photo (4)

Mais pourquoi les artistes sont-ils presque toujours inspirés par des situations dramatiques ? Prenez le photographe indien Achinto Bhadra qui expose lui aussi aux Rencontres d'Arles. Son travail s'intitule "Another me Transformation de la douleur en force". Il a choisi le diaporama comme medium pour présenter ses portraits de jeunes filles entre 8 et 25 ans abîmées par la vie. Elles se sont mises en scène elles-mêmes dans leur propre représentation de ce qu'elles voudraient être : déesse, policière, businesswoman ... Recueillies par une ONG de Calcutta, elles ont toutes connu des violences diverses : misère, drogue, mariage forcé, prostitution, viol. Pour chacune, une prise de parole : "Je voudrais être Dieu pour aider tous ceux qui ont besoin d'aide comme Dieu m'a aidée" ou, plus étonnant pour nous occidentaux, "je voudrais être cachée par la burqa, parce que j'ai peur de ce qu'il adviendrait si les gens savaient ce par quoi je suis passée, et aussi parce que je suis musulmane".
Ma Zuzu nous accompagnait cette année à Arles, et cette série de portraits l'a particulièrement touchée. C'est en pensant à elle que j'ai choisie cette photo. Pour les couleurs d'abord - des tons chauds comme elle les aime - et aussi pour la grâce de cette jeune fille qui, en dépit des épreuves, semble avoir gardé une part d'innocence que symbolise la poupée qu'elle tient à la main. Aujourd'hui, ma fille a 17 ans. Bon anniversaire, ma chérie. Puisse la vie t'être toujours douce.

dimanche 24 août 2008

Un jour, une photo (3)

Je sous-titrerais bien ce billet d'humeur "foutage de gueule". Cette année donc, les Rencontres d'Arles avaient pour commissaire Christian Lacroix, chose qui nous avait rendus BrB et moi un peu circonspects mais bon, les préjugés sont faits pour être dépassés. De fait, nous avons encore connu de beaux coups de coeur - que j'essaie de vous faire partager toute cette semaine - même si globalement, nous avons été déçus.

Beaucoup d'expos, surtout en centre-ville, tournaient autour de l'univers de la mode, des sources d'inspiration du couturier, de sa vie, de son oeuvre. Un rien hagiographique mais le personnage, s'il n'est pas Lagerfeld, ne brille pas par sa discrétion non plus. Le pompon a quand même été l'accrochage dans l'une des salles du magnifique Cloître St-Trophime, des polaroïds de son ami et Dircom, Jérôme Puch. Depuis quelques années, celui-ci s'auto-photographie en compagnie de mannequins lors des défilés Lacroix.

A part le côté people, quand on reconnaît à ses côtés Kate Moss ou Nadia Auerman (Nadia qui ?), l'intérêt est nul. On voit qu'en 2003, Coco (ou Joanna ou Ivanka) porte les cheveux mi-longs et auburn et qu'en 2006, elle est blonde, coupée à la garçonne, et a peut-être grossi de 300 grammes. Franchement, on s'en fout. Aux risques de paraître très snob, je me suis rappelée qu'il y a deux ans, au même endroit, nous avions eu droit à Koudelka. Ca avait quand même une autre gueule.

samedi 23 août 2008

Un jour, une photo (2)

Sabine Weiss est une très grande dame de la photographie dont on connaît surtout les portraits. Celle de la petite égyptienne, notamment qui fait la couverture de sa biographie, ou celle de la petite Judith qui illustra le "100 photos pour la liberté de la presse" de RSF l'an dernier. Ce que l'on sait moins et qu'on apprend aux Rencontres d'Arles cette année, c'est que dans les années 50, elle accepta une commande parce qu'"il fallait bien vivre". Il s'agissait de photographier à chaque changement de saisons les vitrines du Printemps à Paris. De cette expérience, elle rapporte non sans une bonne dose d'autodérision : "Je photographiais la nuit pour éviter les reflets dans les vitrines pendant que mon mari, qui m’accompagnait, faisait la causette avec les prostituées du boulevard." Cette photo n'est pas celle que j'ai préférée lors de ma visite à l'Espace Van Gogh d'Arles mais la seule que j'aie pu trouver pour illustrer ce billet. Malgré ce travail de commande, la sensibilité de l'artiste est très présente. Notamment, lorsqu'elle photographie un clochard endormi devant une des vitrines dans laquelle elle avait disposé une chaise du Jardin des Tuileries. Par une curieuse illusion d'optique, l'homme semble s'être assoupi sur la chaise au milieu des pimpants mannequins à la taille bien prise. Comme une touche de réalisme brut dans un monde de futilité.

vendredi 22 août 2008

Un jour, une photo (1)

Je l'avais annoncé avant de partir, l'été est propice à la découverte d'expos-photos pour BrB et moi. Donc, cette semaine, je vous propose une image par jour, du moins, je vais essayer. Pour commencer, Montpellier présentait cet été une étonnante rétrospective Weegee. De son vrai nom Arthur H. Fellig, né la dernière année avant le 20è siècle et mort il y a tout juste 40 ans, ce reporter vivait dans sa voiture-bureau. Il captait les fréquences de la police new-yorkaise et était souvent le premier sur les lieux pour shooter, comme on dit maintenant, des scènes macabres de règlements de comptes. La rue était son territoire et, au moment de la Grande Dépression, il s'intéressa aux pauvres hères qui dormaient sous les cages d'escaliers. Le milieu interlope des noctambules l'inspirait aussi, tout comme les cirques, enfin bref, tout ce qui n'était pas politiquement correct. La photo que j'ai choisie, "Coney Island", est époustouflante. A elle seule, elle illustre bien le culot du monsieur. Imaginez, un jour de canicule de juillet 1940, un million de new-yorkais se ruent à la plage. Weegee part en reportage, il veut sa photo mais pas n'importe laquelle, alors il grimpe sur l'escabeau d'un baywatcher (pousse-toi d'là que je m'y mette !), il se saisit d'un porte-voix et crie en direction de la foule qui se retourne comme un seul homme. Combien de visages fixent l'objectif ? Difficile de le dire. Etonnant, non ? comme aurait dit Desproges.