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Bonheur du jour

  • L’incertain du temps

    Avant le départ en promenade, le baromètre l’avait bien indiqué : le temps serait incertain. Et c’est ainsi que, de part et d’autre du chemin sur les hauteurs de l’Ermitage, à Saint-Mandrier, la mer et le ciel, si vastes qu’un seul regard ne pourrait les saisir, étaient bleu-gris foncé et même, là-bas, gris métallique et à côté, gris comme les cheveux avant qu’ils ne deviennent blancs de neige et d’ailleurs, il y en avait aussi de ces gris qui avaient blanchi au point d’être clairs comme la glace d’un névé. En fait, il y en avait une multitude de ces gris, posés comme certains peintres le font sur leurs toiles d’aplats de couleurs. Un ciel à la Nicolas de Staël ?

    Partout où il était possible de regarder, c’était à celui qui serait le plus beau parce que le plus sombre ou le plus clair ou le plus large ou le plus proche de l’horizon qui arrivait encore à soutenir, tel le ciel de lit d’un baldaquin son voile, les nuages déjà gorgés de pluie. Ils clapotaient en calmes ondulations ou en frisures plus tremblantes, à peine écumantes, jusqu’au moment du ressac qui est celui où chaque clapotis peut fièrement penser avoir été le plus parfait de tous les clapotis de la mer.

    Le soleil, blanc flamboyant, faisait parfois signe à travers les nuages qui avançaient comme le fait la neige des avalanches, en roulant, comme ça. Alors, une ligne encore plus flamboyante illuminait la mer (au milieu de tout ce gris, c’est ce mot de flamboyante - flamboyant, flamboyance, flamboiement - qui semble le mieux à même de dire ce qu’il en était à ce moment-là du surgissement du soleil). Mais cela ne durait pas : on voyait bien qu’au loin, du côté de Hyères, la pluie battait les flots au point qu’il devait y faire déjà nuit tandis qu’en face l’horizon ployait encore sous le poids de nuages d’un noir qui portait encore en eux le bleu dont ils étaient nés.

    Sans l’entendre encore – il faudrait pour cela descendre un peu plus près du rivage -, je savais que le ressac sur la plage de la Coudoulière serait de plus en plus roulant comme les nuages, tout au fond, là-bas, et que je resterai à écouter son chant car, de tout temps à jamais, le ressac chante en se brisant et en allant et venant sur les galets. Aujourd’hui, il chanterait cet incertain du temps. Les nuages sont-ils tristes de ne savoir chanter ?

  • Ivanov/Tchekhov, Emile Coué/Kern

    Lectures en cours :

    Une pièce de théâtre de Tchekhov : « Ivanov ». Un très beau texte qui met en scène un homme qui ne croit plus à rien, qui est las de la vie. Il semble avoir essayé d’agir sur le monde, pensant peut-être pouvoir arriver à arranger les choses… Il voyait grand. Mais est-ce possible, cela ? Ou bien ne peut-on que tenter de faire du mieux qu’on peut là où on est, espérant que le plus proche voisin fasse de même…

    Un roman tout récent d’Etienne Kern : « La Vie meilleure » qui raconte l’histoire d’Emile Coué qui croyait au lendemain.

    C’est beau, n’est-ce pas, comment les livres peuvent venir ainsi dans une vie, au même moment, ensemble, pour être lus, l’un le matin de très bonne heure quand il fait encore nuit, l’autre le soir quand la nuit est tombée : chacun, une lumière en soi.