Eric Chevillard

Ever since its early modern inception as a literary genre unto its own, the fairy tale has frequently provided authors with a textual space in which to reflect on the nature, status and function of their own writing and that of literature in general. At the same time, it has served as an ideal laboratory for exploring and experimenting with the boundaries of literary convention and propriety. While scholarship pertaining to these phenomena has focused primarily on the fairy-tale adaptations and deconstructions of postmodern(ist) writers, this essay collection adopts a more diachronic approach. It offers fairy-tale scholars and students a series of theoretical and literary-historical expositions, as well as case studies on English, French, German, Swedish, Danish, and Romanian texts from the seventeenth to the twenty-first century, by authors as diverse as Marie-Catherine dAulnoy, Rikki Ducornet, Hans Christian Andersen and Robert Coover.

Auteur de romans loufoques à la frontière de l’absurde et de la logique, Éric Chevillard est généralement considéré comme un écrivain ludique voire, pour citer Pierre Jourde, un « jongleur du bizarre ». Dans l’éventail de stratégies narratives extravagantes adoptées par l’écrivain, l’écriture digressive tient une place de choix : déployée dans toutes ses formes possibles et imaginables, perfectionnée dans ses diverses fonctions, elle alimente avec constance l’œuvre chevillardienne, assurant à ses romans successifs des factures différentes. La critique n’a, bien évidemment, pas manqué d’étudier cette technique scripturale trop saillante pour passer inaperçue, avec cependant une nette prédilection pour les textes « discursifs » où l’intrigue principale se dilue au profit de l’acte même de raconter. On doit à René Audet une herméneutique du phénomène dans laquelle il met en évidence une sorte de ressort narratif à rebours, censé contrer la sacro-sainte composante du roman qu’est l’événement et « dépla[cer] l’attention du lecteur de l’action centrale [...] vers un non-événement ». Or, dans la production du début de la carrière littéraire de Chevillard, l’écriture digressive semble œuvrer de manière différente et déployer d’autres effets textuels, ce que nous chercherons à démontrer dans le présent article, en prenant pour objet d’étude Palafox, troisième roman de l’écrivain. En présentant d’autres fonctionnalités narratives de la digression qui vient corroborer de biais tout autant le sens du roman que l’expérience de lecture, nous espérons prouver que, plus qu’une marque caractéristique du style de l’écrivain, elle constitue un élément essentiel de son esthétique romanesque.

The novels of Eric Chevillard oscillate between logic and absurdity, due to not only the subject matter but also the rejection of novelistic conventions, which are replaced with a variety of unusual narrative strategies, digressive narration being the most important of them. Frequently used as a narrative mechanism distorting the eventfulness of the text, in his early writing it functions rather as a technique whose aim is to structure the plot in an unusual manner and to highlight its thematic concerns as well as transforming the reader’s traditional reception of a literary text. The present paper discusses these textual functions of digression on the example of Palafax, the novel in which atypical narration tallies with the story being told.

The early 2009 publication of a volume of texts produced with admittedly innocent intentions by the novelist Éric Chevillard, an established author of over twenty books, generated much discussion in the French literary world — more precisely, in the literary blogosphere. The book, L’Autofictif, reproduces on paper the uncut and unmodified content of a year’s production of Chevillard’s eponymous blog (http://l-autofictif.over-blog.com), characterised by the critic and writer Pierre Assouline as ‘un journal extime fait d’éclats de littérature’ [‘a public diary* made of fragments of literature’].

Even though this was far from being the first printed book based on online content and namely on a blog, the common practice is to use the latter as raw material, rather than printing it as such. On the other hand, Chevillard’s blog is admittedly very peculiar in its style and in that it does not allow comments, thereby resisting precisely that which makes one of the major differences between blogs and books, namely, the opportunity for readers to communicate their reactions directly to the writer and potentially influence his writing. Nevertheless, litbloggers — cyber-active readers, writers and literary critics — questioned or defended on other sites Chevillard’s decision to sell in the form of a book what he had previously made freely available and to delete it from the blog. Beyond the ethical issue of commercializing the text, however, a number of questions arose which urge to think about what we understand by literary value and how to (re)define it in the light of the new horizons opened by the internet, whose use and significance have become impossible to disregard.

The purpose of this paper is to draw attention to the interest of the online literary reality for scholarly study. It will provide a brief introduction to L’Autofictif in the light of Chevillard’s œuvre and in the context of the French literary reality, with an overview of the debate it generated, and proposes to consider the broader perspective of the theoretical issues concerned. It will also invite to reflect upon the somewhat paradox situation that although literature published online is available worldwide in a click, this content remains much less likely to pass beyond the national and linguistic borders than printed books, which have a good chance to be translated and promoted elsewhere as soon as they reach a certain popularity in their country of origin.

Seize chercheurs du Québec, des États-Unis, de la Belgique, de France, du Royaume-Uni, de la Suisse et de l’Australie s’interrogent ici sur la poétique de la liste – et par extension sur l’énumération, la série, la litanie, l’inventaire, la collection, etc. – dans la littérature contemporaine française et francophone.

Au programme (en vrac) : la liste et les sciences ; la liste et le doute ; la liste et l’animal ; la liste et le nom ; la liste et l’encyclopédisme ; la liste et l’écriture de soi ; la liste et le récit ; la liste et la contrainte ; la liste et la voix ; la liste et le musée ; la liste et les ruines ; la liste et l’idiotie ; la liste et le Tour de France ; la liste et le politique ; la liste et la syntaxe ; la liste et le temps ; la liste et le quotidien ; la liste et la bande dessinée ; la liste et la scène ; la liste et dada ; la liste et le réel…

Des textes consacrés, en tout ou en partie, à Anne-James Chaton, Éric Chevillard, Thomas Clerc, Hergé, Édouard Levé, Gérard Macé, Michèle Métail, Henri Michaux, Fiston Mwanza Mujila, Valère Novarina, Georges Perec, Marc-Antoine K. Phaneuf, Christian Prigent, Nathalie Quintane, Pierre Senges, Daniel Spoerri, Christophe Tarkos, Jules Verne et – comme l’écrivait Charles Baudelaire – à bien d’autres encore.

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Avec les contributions de : Benjamin Andréo, Jan Baetens, Anne-Renée Caillé, Marion Chénetier-Alev, Laurent Demanze, Nathalie Dupont, Luc Herman, Alison James, Julien Lefort-Favreau, Thangam Ravindranathan, Christophe Reig, Roger Rothman, Éric Trudel, Gaspard Turin, Bart Vervaeck, Nathalie Wourm.

in: Sara Buekens et Julien Defraye (dir.), Animal et animalité. Stratégies de représentation dans les littératures d’expression française, Paris, Classiques Garnier, 2022, p. 31-52.

À la fin d’un siècle encore hanté par ses stigmates post-génocidaires, la présence de l’animal sur la scène littéraire contemporaine se singularise par une réflexion critique sur les devenirs de l’être humain et du discours humaniste. Cet article revient sur la zoopoétique à l’oeuvre dans les univers fictionnels de Sylvie Germain, Marie Darrieussecq, Antoine Volodine et Éric Chevillard, en examinant tour à tour les enjeux poétiques et politiques auxquels ils répondent.

According to Todorov and a number of other critics, all literary fiction is in some way about itself. Some certainly are more so than others, however, especially in the twentieth century, which saw what Werner Wolf terms “metareferential turn”. Three recent French novels, Brice Matthieussent’s Vengeance du traducteur, Éric Chevillard’s L’Auteur et moi, and Tanguy Viel’s La Disparition de Jim Sullivan nevertheless manage to push the exploitation of the possibilities offered by the birth of fiction as constitutive of a story and as a structuring principle farther than anyone before, offering a new perspective on fiction’s self-defining potential.
All three novels feature a narrator whom we see in the process of writing and/or commenting on his fiction. This article explores the narratorial comments on the embedded fiction through the perspective of the Deleuzian concept of the virtual. It argues that beyond the apparent laying bare of the process of production and reading through the comments, the novels employ a complex set of strategies which dramatize the virtuality of the narratives and the process of virtualization.

Cet article analyse l’écriture d’Éric Chevillard, considérée comme problématique par la critique contemporaine, sous un angle économique. Il montre que son œuvre entière, conçue comme dépense somptuaire de signifiants, refusant toute logique référentielle et s’inscrivant de fait dans une certaine tradition (Georges Bataille notamment), connaît un bouleversement significatif lorsque l’auteur se trouve confronté au réel (voyage au Mali) et veut en rendre compte avec Oreille rouge (2005). Contraint de faire du référentiel, Chevillard opte pour une stratégie qui lui permet de surmonter l’obstacle (mise en abyme par l’interpolation du personnage d’Oreille rouge, figure d’auteur partant en Afrique pour en tirer un poème), mais qui dévoile aussi les rouages de son œuvre: écrire pour publier, c’est projeter le vécu dans l’économique. Cette effraction du réel dans le système clos de son écriture affecte la production subséquente de l’auteur: Démolir Nisard (2006) s’attaque à un personnage double, écrivain-voyageur et critique littéraire, et cette lutte se prolonge dans L’Auteur et moi (2012): la problématique de la littérature référentielle rejoint celle du travail critique. Dans les deux cas, il s’agit toujours d’accumuler un capital référentiel à faire fructifier, et c’est précisément le propre de l’écriture de Chevillard que d’échapper à ce mode de production.

Eric Chevillard est connu pour son travail formel sur les conventions littéraires et sur le langage. Or, dans ses travaux les plus récents, il met son art – apparemment incompatible avec des interventions politiques – au service de la dénonce de questions écologiques.
En effet, dans son blog, L’Autofictif, il critique souvent l’usage désolant que l’humanité fait de la planète. Aussi, dans son roman Oreille rouge (2005), il dénonce les problèmes écologiques en Afrique, notamment celui des savanes désertifiées. Quant à Sans l’orang-outan (2007), son dernier roman, il est une véritable fiction écologiste: l’’auteur y imagine les conséquences catastrophiques qu’aurait l’extinction de l’orang-outan sur l’écosystème planétaire et sur notre société.
Dans ces travaux de l’auteur nous retrouvons les traits caractéristiques de son écriture. Ceux-ci y ont cependant la fonction de rendre le lecteur plus conscient de la crise environnementale.

Jean Echenoz et Éric Chevillard partent du présupposé qu’il est impossible de dire l’île et d’en dire du nouveau. La solution trouvé pour surpasser cet obstacle consiste à incorporer les stéréotypes et les lieux communs dans leur projet d’écriture, c’est-à-dire, à représenter l’île en palimpseste, construisant une version de l’île en deuxième couche de ce qui en a été dit auparavant. Encore faut-il bâtir en adaptant ce qui existait au préalable à sa vision du monde, à son imaginaire fictionnel.

Mediapart, 1 mai 2015
Est-ce le signe d’une époque qui interroge sa finitude ? Trois livres juste parus ont la mort pour centre, moins le passage de vie à trépas que l’après : Le Monde de la fin, roman d’Ofir Touché Gafla ; les Chroniques de mon crématorium de Caitlin Doughty ; et Juste Ciel d’Éric Chevillard.

Les dernières décennies sont dominées par de nouvelles normes sociales de réussite individuelle enjoignant chacun à « devenir soi-même » (Ehrenberg) et à mettre en scène cette conquête de soi : exister, c’est se rendre visible. Ces assignations identitaires et ce régime d’hypervisibilité favorisent la surveillance généralisée. Des expériences existentielles, qu’elles se nomment « discrétion » (Zaoui) ou « blancheur » (Le Breton), se présentent comme des oppositions à ce double impératif d’être soi et d’être visible. Prolongeant l’hypothèse de Dominique Rabaté, pour qui le roman constituerait un lieu de résistance à des dispositifs de contrôle et d’assignation, cet article étudie des modalités paradoxales d’existence du personnage chez Alféri, Chevillard, Modiano et Vasset. Tous ces personnages ont en commun d’être moins, de se dessaisir d’une partie de leur identité personnelle, de rechercher l’anonymat ou l’invisibilité ; ils proposent des formes de vie et les régimes de visibilité qui pourraient bien constituer une possibilité de résistance à toute injonction à la mise en scène de soi.

On assiste actuellement en France au renouvellement du questionnement utopique, tant dans l’actualité littéraire que dans la réflexion théorique. Ce renouvellement passe notamment par la redécouverte du texte fondateur de Thomas More, dont la facture complexe engage le lecteur dans une expérience formatrice et déstabilisante, ignorée des détracteurs de l’œuvre et qui pourrait bien constituer le cœur de L’Utopie.
L’article se propose de montrer que c’est à une semblable expérience qu’Éric Chevillard convie le lecteur de Choir (Minuit, 2010). Alors que le roman peut d’abord apparaître comme la représentation mythique de l’échec des utopies, ce premier niveau de lecture se trouve en effet contrarié de diverses manières. Non content de conférer à la pratique de la digression conjecturale chère à l’auteur une extension jamais atteinte jusqu’alors, Choir escamote tout d’abord la métalepse dont cette pratique s’accompagne habituellement. Ce faisant, il prive le lecteur du dehors qui lui garantissait une position de complice pour le livrer à l’inconfort d’une chute sans cesse réitérée au sein d’un intertexte mouvant, en proie à un vertige du sens auquel seule la catastrophe ultime viendra mettre fin. De l’utopie au mythe en passant par le monde renversé, l’analyse de l’ingénieux dispositif par lequel Éric Chevillard – lecteur de Lautréamont – piège ainsi son propre lecteur invite à considérer Choir comme une expérience de lecture singulière visant à recharger le texte d’une efficace nouvelle.

Au plafond, d’Éric Chevillard (1997) s’articule autour d’un personnage qui se singularise par un agir désorienté et une absence de quête, en plus d’entretenir des rapports problématisés avec le monde, principalement en raison de sa nature ontologique qui s’écarte de la normativité sociale. À cet égard, le personnage-narrateur d’Au plafond – lequel est dépourvu de prénom et nom – « porte en permanence une chaise – “fondement même de [s]on être” (AP : 96) – retournée sur la tête » (AP : 9). Pourtant, celui-ci cherche non pas à affirmer avec force sa singularité et, par le fait même, à bousculer les normes et les conventions sociales, mais s’attache plutôt à s’effacer dans la société. Toutefois, quoiqu’il « ne demande qu’à [s]e fondre, [il] en [est] empêché » (AP : 16) : les gens, à la vue d’un homme coiffé d’une chaise renversée, ne peuvent se retenir de le montrer du doigt. Se sentant désabrité, il élira domicile au plafond d’une maison.

Devant ce phénomène de marginalisation du personnage, notre intérêt ici est d’observer quel sens peut revêtir la tentative de dissolution de cet être de fiction et de quelle vision du monde participe l’œuvre qui l’accueille. Notre hypothèse est que l’attitude du personnage résulterait de sa volonté d’amoindrir le fossé le maintenant à l’écart de la société. Toutefois, il doit essuyer l’échec de son entreprise et cela aurait, à notre avis, pour incidence d’accroître son sentiment d’inadéquation avec le monde qui l’accueille. Aussi, nous proposons que le désir d’effacement du personnage-narrateur ferait montre de son statut d’être décentré, en plus de participer d’une vision du monde selon laquelle le retrait serait présenté comme une forme de refuge pour le personnage divorcé de la société. Dans cette optique, nous postulons qu’Au plafond proposerait de cesser d’adhérer à la vie en société, afin de renverser ces fondements.

Notre communication s’appuiera notamment sur les notions de personnage (Molino et Lafhail-Molino, 2003), les poétiques du personnage contemporain (Erman, 2003; Panaïté, 2006) et sur des approches relevant de la narrativité contemporaine (Baroni, 2007; Revaz, 2009) et de la poétique.

Associé à une littérature ludique qui exploite les potentialités du langage et déconstruit les mécanismes du roman classique, Éric Chevillard s’inscrit à sa propre façon dans le cadre de la littérature militante. Par une narration atypique et une écriture singulière, il engage une lutte non contre des injustices sociales, politiques ou économiques, mais contre la littérature stéréotypée, plate et triviale dans ses formes. S’appuyant sur les théories relatives aux stratégies narratives des textes romanesques et militants, le présent article s’attachera à analyser Démolir Nisard, un de ses textes les plus violents, pour montrer les modalités et les enjeux du récit inspiré par le genre à visée typiquement politique : le pamphlet.

Éric Chevillard, associated mainly with ludic literature, which plays with the word and deconstructs novelistic conventions, in his own way inscribes himself in the tradition of engaged literature. By means of atypical narration and singular style he fights against not so much social, political or economic injustice as stereotypical literature in all its triviality and formulaicity. Relying on selected theories of narrative strategies characteristic of novels and militant texts, the present paper analyses Démolir Nisard, one of Chevillard’s most confrontational texts, and thus discusses modalities and assumptions of the work inspired by the overtly political genre – the pamphlet.

L’omniprésence de l’île dans l’imaginaire fictionnel de Chevillard est indéniable, un des chapitres de son avant-dernier roman, le Désordre Azerty, lui étant même entièrement consacré. En revanche, l’idée d’archipel en est absente. Pour saisir les raisons de ce choix thématique, on s’arrêtera brièvement, dans une première partie de cette communication, sur les différentes représentations de l’île dans le travail de cet auteur, pour en dégager les connotations. La seconde partie de ce travail portera plutôt sur la pratique d’écriture de Chevillard, que l’on peut décrire comme une écriture en archipel. Ses textes, même ses romans, sont composés de fragments, souvent  autosuffisants, ayant toutefois suffisamment de traits en commun pour être envisagés comme une unité. On en dégagera les mécanismes et les dispositifs d’écriture les plus fréquents, ainsi que leurs conséquences sur le processus de lecture. Bien qu’apparemment il s’agisse là de deux caractéristiques très différentes de l’œuvre de cet auteur, on montrera comment ils servent le propos de bousculer les certitudes, de questionner le statu quo : tant la thématique de l’île que l’écriture en archipel y deviennent les instruments de la révolte contre les conventions (sociales autant que littéraires).

Éric Chevillard, écrivain zoolâtre fatigué de l’anthropocentrisme de la littérature, travaille depuis le début des années 90 à "faire advenir autre chose que l'homme" dans la littérature et dans la langue. En étudiant les modalités multiples de la présence du non-humain dans ses œuvres, cet article montre comment la poétique de l'écrivain, si antiréaliste et autoréférentielle qu'elle puisse paraître de prime abord, porte en réalité une vision du monde résolument écologique dont elle tire en partie son caractère subversif. En représentant jusqu'à l'hyperbole l'interdépendance des règnes et des créatures, en dépliant dans ses récits les implications ontologiques et métaphysiques de la pensée environnementale, Éric Chevillard rejoint alors  un mouvement parmi les plus radicaux de la réflexion écologique actuelle: celui de la deep ecology.

C’est en tortionnaire de papier qu’Éric Chevillard se constitue lorsqu’il prend pour cible, sous le couvert de différents avatars, des auteurs préexistants – réels ou de son invention – et produit des lectures caustiques contre leurs textes ratés qu’il se donne pour objet de viser et d’abattre. Pièce par pièce, jusqu’à ce que l’édifice s’écroule et que ces exécrables littérateurs, ruinés corps et œuvre, soient mis hors d’état de nuire. Cet article examine le pari que fait Chevillard de s’affranchir de la tutelle d’un certain héritage littéraire en soumettant à la question une ribambelle d’écrivains fictifs et leurs ambitieux projets. De L’Œuvre posthume de Thomas Pilaster à L’Auteur et moi, notre auteur de Minuit file sur le terrain du risque une trame narrative défamiliarisante et entreprend la traversée de tous les récits – de l’Histoire et des Origines tout autant – en évitant le piège d’une retombée dans les valeurs incriminées. Outillée du soupçon de toute prescription, l’écriture chevillardienne n’épargne rien ni personne, sauf le plaisir de la découverte et celui de l’invention.