LE SALON DE 1748
CATALOGUE
Loreline Pelletier, volume II
SOMMAIRE
Introduction au catalogue................................................................................................... p . 4
Catalogue :
Catalogue de Peintures............................................................................................ p. 5
Catalogue de Pastels............................................................................................ p. 159
Catalogue de Sculptures...................................................................................... p. 189
Catalogue de Gravures......................................................................................... p. 220
Catalogue de Dessins........................................................................................... p. 256
Table des artistes et œuvres............................................................................................. p. 259
Table des illustrations...................................................................................................... p. 277
2
INTRODUCTION AU CATALOGUE
3
Ce catalogue des œuvres du Salon de 1748 est basé sur leur réception critique lors de
l'exposition. Nous avons choisi, pour sa réalisation, de ne pas suivre l'ordre de présentation
des morceaux qui figurent dans le livret de l'exposition1. Les numéros de notre catalogue
suivent un classement alphabétique des artistes, en commençant par les peintres, puis les
pastellistes, en continuant avec les sculpteurs, pour enfin proposer les graveurs et les
dessinateurs en dernier lieu.
Les informations rassemblées sur ces œuvres sont inégales : elles sont parfois très
minces, notamment lorsqu'il s'agit d'artistes de nos jours oubliés, et certains morceaux ont
disparu. Certains artistes ayant exposé à la fois pastels, peintures et parfois même gravures
sont répertoriés dans différentes parties de ce catalogue. Dans ce cas, leur biographie
n'apparaît qu'une fois.
Nous avons tenté dans la mesure du possible de trouver des reproductions des
morceaux du catalogue. S'il ne s'agit pas de l’œuvre originale, nous avons parfois pu
remplacer celle-ci par des gravures, copies, esquisses, ou à l'inverse, lorsqu'il s'agit
d'ébauches, des réalisations définitives. Dans le cas d'une œuvre en rapport, la légende de
l'image est composée du numéro de notre catalogue, suivi d'une astérisque et elle est
mentionnée dans la partie « œuvres en rapport » de notre notice.
Les dimensions des œuvres sont données en mètres.
Conventions:
BNF : Bibliothèque Nationale de France
IFF : Inventaire du Fond Français
repr. : Signifie que l’œuvre est reproduite dans l'ouvrage
s. n. : sans numéro
1 Le livret est reproduit dans le premier volume sur Le Salon de 1748, Annexe 1.
4
CATALOGUE DE PEINTURES
5
Louis Autereau (1692-1760)
Ce peintre encore très méconnu, qui fut l'élève de son père, est né en 1692 à Paris.
Nous n'avons pu trouver de documentation biographique sur cet artiste, excepté un bref
article paru dans la Gazette des Beaux-Arts en 1919, mais dont les informations fournies
restent toutefois très sommaires2. Nous apprenons, ainsi que grâce aux dictionnaires sur les
artistes du
XVIII
e
siècle, qu'il est reçu à l'Académie le 24 février 1741 en tant que peintre de
portraits.
Au Salon de 1748, il envoie deux œuvres qui ne vont guère intéresser la critique.
P1 - Portrait d'un R. P. Jacobin :
[n° 69 : « Le Portrait d'un R. P. Jacobin »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 69
P2 - Portrait d'un gentilhomme :
[n° 70 : « Celui de M.*** ayant une Veste bleuë brodée d'or »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
.
Exposition : 1748, Paris, n° 70
2 Oulmont, « Louis Autereau, 1693-1760 », in Gazette des Beaux-Arts, janvier-juin 1919, p. 266-267.
L'auteur qui fait la liste des Salons auxquels a exposé l'artiste fait l'impasse sur celui de 1748.
6
Jacques-André-Joseph Aved (1702-1766)
Ce peintre, aujourd'hui presque tombé dans l'oubli, est né à Douai en 1702 3. La
méconnaissance actuelle d'une partie de son œuvre est à imputer à de mauvaises attributions.
En effet, Aved n'ayant que rarement signé ses œuvres, ses portraits sont bien souvent
attribués à Chardin, ainsi qu'à divers artistes du
XVIII
e
siècle. Il reste donc relativement
malaisé de savoir ce qui est bien de lui ou ne l'est pas.
On sait peu de choses sur le milieu duquel il est issu, si ce n'est que ses parents sont
suffisamment aisés pour lui permettre d'étudier l'art en toute tranquillité. Et lorsqu'il arrive à
Paris, en 1721, il a pour ambition d'égaler les plus grands portraitistes de son siècle. C'est un
métier qui a alors beaucoup d'avenir : les commandes ne sont pas rares car nombreux sont
ceux à désirer être portraiturés. Malheureusement pour le peintre, sa trop grande recherche
de réalisme et de simplicité, ainsi que son choix de modèles parmi les plus communs des
gens de la cour, ne lui permettront pas de passer dans la postérité.
Il se présente à l'Académie et y est reçu en 1734 en tant que portraitiste, après avoir
été agréé en 1731. Il expose alors aux Salons de façon constante entre 1737 et 1759.
En 1748, il présente cinq portraits qui sont tout à fait représentatifs de son œuvre et
que la critique reçoit avec plaisir. Gougenot les trouve d'une « ressemblance parfaite »4 et
Saint-Yves estime qu'ils ont « reçu les éloges qu'ils méritoient »5.
P3 - Portrait aux genoux d'un échevin :
[n° 57 : « Le Portrait, jusqu'aux genoüils, d'un Echevin »]
Huile sur toile
H. 1,48 ; L. 1,14
Signé et daté : « J. Aved, 1748 »
3 G. Wildenstein, Le peintre Aved, sa vie et son œuvre 1702-1766, 1922. Ce grand ouvrage monographique
permet d'avoir accès à une biographie du peintre, il est divisé en deux volumes et contient un catalogue
raisonné l'œuvre du peintre.
4 L.-G. Baillet de Saint-Julien, Réflexions sur quelques circonstances présentes contenant deux lettres sur
l'exposition des tableaux au Louvre cette année 1748, 1748, p. 118.
5 C. L. de Saint-Yves, Observations sur les arts et sur quelques morceaux de peinture et de sculpture exposés
au Louvre en 1748 où il est parlé de l'utilité des embellissemens dans les villes, 1748, p. 93.
7
Localisation inconnue
Bibliographie : Wildenstein, 1922, p. 140, cat. 111 ; Doria, 1930, p. 11, cat. 6, repr.
pl. III
Expositions : 1748, Paris, n° 57 ; 1930, Paris, n° 6
Dans son catalogue, Wildenstein s'interroge sur l'identité de cet échevin. Les deux en
charge à l'époque étaient André de Santeuil et Claude-Denis Cochin. Nous n'avons
cependant pas la possibilité de savoir duquel il s'agit, ne disposant pas d'informations
supplémentaires, ni de portraits des deux hommes afin de pouvoir établir des comparaisons.
De plus, la critique ne s'étant pas intéressée à ce portrait, les éléments le concernant
restent très flous.
P4 - Dame appuyée sur un balcon :
[n° 58 : « Autre, représentant une Dame appuyée sur un Balcon »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », Baillet de Saint-Julien,
1748 (rééd. 1972) p. 118 ; Dorbec, 1904, p. 216 ; Wildenstein, 1922, p. 72 et p. 132, cat.
102 ;
Œuvre en rapport : Gravure par Fessard, Catherine de Seine, identifiée par
P. Dorbec comme étant la Dame appuyée sur un balcon de 1748 (fig. P4*).
Exposition : 1748, Paris, n° 58
8
Prosper
Dorbec,
dans
un
article publié par la Gazette des
Beaux-Arts en 1904, identifie le
portrait de 1748 comme étant celui de
la gravure de Fessard, ayant pour
modèle Catherine de Seine6. Le
manque de précisions dans le livret du
Salon laisse toutefois en suspens la
question de l'identité de la femme
représentée par Aved cette année-là,
et ne permet pas de confirmer avec
certitude cette identification.
Toutefois, Wildenstein, dans
son
catalogue
de
1922,
semble
corroborer cette thèse, et nous avons
donc fait le choix de suivre ces deux
amateurs
du
peintre
dans
cette
attribution. La jeune femme, déjà
Fig. P4* - Dame appuyée sur un balcon
peinte dix ans auparavant par Aved,
conserve un visage très jeune. Elle est représentée appuyée nonchalamment sur un coussin
et tenant dans ses bras un petit chien.
Le commentaire de Gougenot, fort peu développé, suffit à savoir que l’œuvre est
fortement admirée. C'est tout ce dont fait mention le critique7.
P5 - Portrait de Madame Laval de Montmorency :
[n° 59 : « Le Portrait de Madame Laval-Montmorency, à présent Duchesse de Loos
de Cosse Warem »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
6 P. Dorbec, « Le portraitiste Aved et Chardin Portraitiste.», in Gazette des Beaux-Arts, 1904, p. 216
7 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 118. Le critique écrit cette simple phrase : « On en admire un
entr'autres représentant une Dame appuyée sur son balcon ».
9
Bibliographie : Wildenstein, p. 71, cat. 50
Exposition : 1748, Paris, n° 59
La critique n'ayant pas commenté cette œuvre, et Wildenstein n'offrant pas
d'informations supplémentaires dans son catalogue, nous ne pouvons savoir comment a été
reçu ce portrait, ni même dans quelles circonstances il fut réalisé. Cependant, Gougenot
semblant avoir trouvé tous les portraits de l'artiste fort réussis, nous pouvons supposer que
celui-ci est également apprécié lors de l'exposition8.
P6 - Portrait d'une dame ayant les mains dans son manchon :
[n° 60 : « Le Portrait d'une Dame ayant les mains dans son Manchon »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Wildenstein, 1922, p. 157, cat. 144
Exposition : 1748, Paris, n° 60
L'absence de critique concernant ce portrait ne nous laisse pas le loisir d'en connaître
sa réception lors de l'exposition de 1748, mais tout comme le précédent (cat. P5) nous
pouvons imaginer que l’œuvre fut appréciée de Gougenot.
P7 - M. le Duc de Chevreuse :
[n° 61 : « Autre, représentant M. le Duc de Chevreuse en Cuirasse »]
8 Ibid., p. 118.
10
Huile sur toile
H. 1,00 ; L. 0,80
Localisation inconnue
Historique : Après avoir
été
réalisé,
longtemps
le
tableau
conservé
par
est
les
descendants du duc au château
de Dampierre dans les Yvelines.
Wildenstein
ne
précise
cependant pas la localisation
actuelle de l’œuvre, et nos
recherches ne nous ont pas
permis de déterminer celle-ci.
Bibliographie :
Wildenstein, 1922, p. 71-72,
repr. cat. 25
Œuvres en rapport : Ce
Fig. P7 - M. le Duc de Chevreuse
portrait est le pendant de celui de
la Duchesse de Chevreuse, peint
par Jean-Marc Nattier en 1745.
Aved a déjà exposé un portrait du duc au Salon de 1737.
Exposition : 1748, Paris, n° 61
C'est probablement pour commémorer la nomination du duc de Chevreuse comme
lieutenant-général cette année 1748 qu'a été réalisé ce portrait.
Bien que le peintre ait apporté un grand soin à la réalisation de ce tableau,
notamment dans son traitement des dentelles et de la cuirasse, mais aussi de l'attitude de son
modèle, fier et imposant, la critique ne montre pas d'intérêt particulier pour l’œuvre.
11
François-Marie-Antoine Boizot (1702-1782)
Ce peintre et dessinateur est né à Paris en 1702. Il est d'abord élève de Lemoyne,
pour devenir par la suite, lui-même, le professeur de nombreux artistes. Sa manière tient
tellement de son maître que beaucoup de ses tableaux seront attribués à ce dernier.
En 1729, il arrive deuxième au concours pour le Prix de Rome, et parvient au
premier prix l'année suivante. Il se présente ensuite à l'Académie où il est reçu en 1737 en
tant que peintre d'histoire.
En 1748, il expose deux peintures. La première d'entre elles, Les muses, après avoir
enchaîné l'Amour, le remettent à la Beauté, intéresse Gougenot mais la seconde n'est
mentionnée par aucun des critiques.
P8 - Les muses, après avoir enchaîné l'amour, le remettent à la Beauté :
[n° 66 : « Un Tableau représentant les Muses, qui, après avoir enchaîné l'Amour, le
remettent entre les mains de la Beauté. Tiré d'une Ode d'Anacréon »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 107108 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859,
p. 451 ; Bardon, 1963, p. 236
Exposition : 1748, Paris, n° 66
Ce sujet, dont l'auteur tient l'inspiration du poète Anacréon 9, intéresse la critique par
la métaphore qui en découle. C'est une œuvre à la poésie indéniable, et le thème de l'Amour
9 Cette ode est la suivante : « Un jour les Muses ayant enchaîné l'Amour avec des liens de fleurs le livrèrent
à la Beauté. Cythérée le cherche, apportant une rançon pour délivrer l'aimable captif : il aurait sa liberté
qu'il ne s'en irait pas ; il reste, car il a appris à aimer sa servitude ».
12
a longtemps été exploité par les peintres, qui ne peut que susciter la réflexion. Gougenot
cite la pensée de Mlle Le Fèvre 10 – auteur d'un ouvrage sur le poète paru à la fin du siècle
précédent – concernant cette ode, nous permettant alors de l'interpréter de la sorte : la
Beauté seule est insuffisante à l'Amour pour le conserver, il lui faut allier également l'esprit,
symbolisé ici par les Muses.
C'est un thème tout à fait lyrique, que Gougenot juge fort bien adapté en peinture. Le
critique en profite également, pour comparer cette réussite à l’œuvre exposée par Boizot au
Salon de 1747, L'Apothéose d'Enée, par laquelle le peintre n'était pas parvenu à plaire 11. Par
ce jugement, Gougenot est bien loin de l'opinion de l'auteur anonyme de Lettres écrites de
Paris à Bruxelles qui, pour sa part, trouve cette toile « faible dans toutes ses parties »12.
P9 - Portrait d'un enfant de l'auteur :
[n°67 : « Autre petit, représentant le Portrait d'un Enfant de l'Auteur »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 67
Hormis sa petite taille et son sujet, la description du livret, trop imprécise, ainsi que
son absence dans les textes critiques, rend difficile l'identification de ce portrait.
10 L. Gougenot, Lettre sur la peinture la sculpture et l'architecture, 1748. Le critique mentionne « M. Le
Fèvre » et non une femme.
11 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 108.
12 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 451. Nous savons
cependant que l'auteur de ces lettres tâche de s'inscrire, tout au long de ses commentaires, en faux des
propos de Gougenot.
13
François Boucher (1703-1770)
Comme Chardin ou De Troy, qui exposent aussi au Salon, François Boucher est l'un
des peintres les plus emblématiques de la peinture française du
e
XVIII
siècle, et peut-être
même le plus caractéristique du siècle de Louis XV 13. À la fois par sa sensibilité, son
excellence dans le dessin, ainsi que par ses sujets charmants et sensuels, on l'imagine
toujours être un excellent témoin de cette première moitié du siècle. Nommé premier peintre
du roi en 1765, il est par ailleurs favori de Louis XV, et par extension, très prisé de la
marquise de Pompadour et celui qui va lui donner le goût pour l'étude des arts en
s'improvisant son professeur de peinture et dessin.
Il excelle dans tout ce que peut espérer un peintre de l'époque. En effet, dès 1723, à
peine âgé de vingt ans, et après être passé par l'atelier de François Lemoyne, il reçoit un
premier Grand Prix de peinture. Puis il se rend à Rome et est agréé de l'Académie en 1731,
pour être reçu académicien seulement deux ans plus tard, en tant que peintre d'histoire.
Tout au long de sa carrière, il garde un goût tout particulier pour les sujets
mythologiques et les scènes pastorales dont regorge son œuvre. Toute cette grâce qui ressort
de ses tableaux a le mérite de plaire au
XVIII
e
siècle, et en fait l'un des peintres les plus à la
mode de son temps.
En 1748, il expose deux tableaux, dont un, La Nativité, a malheureusement disparu.
Le second est un tableau pastoral ayant pour sujets un berger et une bergère comme il en
représente si souvent. Ces deux peintures sont fort bien reçues au Salon et les commentaires
sont tout à l'honneur du pinceau de cet artiste.
P10 - La Belle leçon :
[n° 19 : « Un Tableau ovale, représentant un Berger qui montre à joüer de la Flûte à
sa Bergere. »]
13 De ce fait, les monographies et catalogues à son sujet ne sont pas rares. Nous nous sommes basés ici, pour
établir cette courte biographie, sur l'ouvrage majeur publié par Alexandre Ananoff. Cette monographie est
divisée en deux volumes un contient un catalogue raisonné de l’œuvre du peintre.
Voir A. Ananoff, François Boucher, 1976.
14
Huile sur toile, de format ovale
H. 0,92 ; L. 0,76
Melbourne, National Gallery of Victoria ((Inv. E1-1982)
Historique : Ce tableau, dont les circonstances de réalisation sont inconnues, est
actuellement conservé à Melbourne, à la National Gallery of Victoria. Avant d'être acheté
par le musée, le tableau est passé par diverses collections privées et il se retrouve mentionné
à plusieurs ventes, anonymes, comme en 1839, et 1868, mais aussi avant cela, en 1857 à la
vente de la collection du Dr. Benoit14, qui en propose une description, tout à fait charmante,
dans le ton des ouvrages de Boucher :
« Aux pieds de beaux arbres et près d'une fontaine pittoresque, un berger fait jouer du
chalumeau à une jeune bergère
assise
et
nonchalamment
appuyée contre lui ; elle tient à
la main un ruban rose auquel est
attaché son mouton favori. Un
autre mouton caché sur le
premier plan, un panier rempli
de
fleurs
complètent
cette
agréable composition. ».
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 26 ; « Réflexions
sur quelques circonstances... »,
p. 13 ; « Lettre sur la peinture,
la sculpture... », 1748 (rééd.
1972), p. 98-99 ; p.107-108 ;
« Lettres écrites de Paris à
Fig. P10 - La belle leçon
Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p.
450 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 156 ; Ananoff, 1976, t. II, p. 7, cat. 311, repr. p. 6
14 Nous n'avons pas été en mesure de trouver des informations sur ce collectionneur qui semble être
relativement anonyme.
15
Œuvres en rapport : Dessin, probablement préparatoire, de tête masculine intitulé
Le jeune flûteur, se trouvant dans une collection particulière.
Une gravure en contrepartie par Gaillard.
Porcelaine de Sèvres, groupe réalisé en 1752 reprenant le même schéma des deux
personnages et de la leçon de flûte.
Expositions : 1748, Paris, n° 19 ; 1750, Paris, n° 24
Tout à fait dans le ton de Boucher et de sa palette, cette toile de format ovale est une
charmante scène pastorale si typique de l’œuvre du peintre. Le compte-rendu du Mercure de
France de septembre 1748 en fait l'éloge en écrivant que « toutes les graces de l'imagination
de ce Peintre charmant se sont fait remarquer » dans ce tableau15.
Le peintre a représenté deux personnages, un berger et une bergère, adossés contre
un arbre, le premier apprenant à jouer de la flûte à la seconde. Quelques moutons, brebis, et
une chèvre ont été placés par l'artiste sur le devant de la scène, probablement en vue de
rappeler le caractère de la jeune fille, tout en y apportant un aspect touchant. Le fond est fait
d'une forêt et d'une architecture qui se laisse envahir par la nature.
La critique reçoit ce tableau avec plaisir, touchée par le pinceau de l'artiste et ses
délicates figures. Saint-Yves n'hésite pas à qualifier Boucher d'« Anacréon de la peinture ».
C'est un grand compliment qui reflète bien l'esprit du siècle face à ce peintre, et le critique
ne cache pas son goût pour ce « caractère champêtre qui enchante ». Dans ce même texte il
exprime le fait que ce tableau est, selon lui, l'un des plus aimables réalisé par Boucher.
Toutefois, le critique se permet un reproche, en constatant la platitude des chairs, qui en fait
pâtir la fraîcheur. Il porte également un regard négatif sur une palette trop bleue utilisée dans
la représentation de la nature16. Quant à Gougenot, qui ne tarit pas d'éloges sur la douce
émotion qui ressort de la délicatesse du sujet, il y voit tout de même quelque défaut, tout
différent de celui noté par Saint-Yves. Pour le critique, le berger n'a pas une figure assez
masculine, il ne « parait pas tenir assez de son sexe »17. Il est vrai que le caractère très
enfantin du visage du berger en fait presque une représentation féminine, et on peut se
demander si une telle ambiguïté n'est pas recherchée par l'artiste.
15 « Septembre 1748 », in Mercure de France, p. 156 (éd. 1970).
16 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 26.
17 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 99.
16
P11 - La Nativité :
[n° 20 : « Autre petit carré, représentant une Nativité. »]
Petite toile de format carré
Environ H.0,12 ; L. 0,15
Tableau disparu
Historique : Ce tableau disparu a été conçu comme une ébauche d'un plus vaste
projet, qui est achevé deux ans plus tard et exposé au Salon de la même année (voir Œuvres
en rapport).
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748, p. 27 ; « Réflexions sur
quelques circonstances... », 1748
(rééd. 1972), p. 13 ; « Lettre sur la
peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 99-100 ; « Lettres
écrites de Paris à Bruxelles... »
(1748), in Revue Universelle des
Arts, 1859, p. 450 ; Mercure de
France, 1970, t. LV, p. 156 ;
Ananoff, 1983, t. II, p. 40
Œuvre en rapport : Grande
toile réalisée en 1750, intitulée La
Lumière du monde (fig. P11*), à
la suite de l'esquisse du Salon de
1748,
Fig. P11* - La Lumière du monde
ayant
marquise
de
appartenu
à
la
Pompadour,
et
actuellement au musée des Beaux-
17
Arts de Lyon18. La toile a été acquise par le musée en 1955 et se trouve depuis en dépôt
(Inv. MNR 823).
Exposition : 1748, Paris, n° 20
L'esquisse exposée au Salon de 1748 ayant disparu, c'est en nous basant sur l’œuvre
définitive que nous pouvons imaginer le petit tableau de 1748. Mais avec quelques réserves
toutefois, le format de La Nativité des Beaux-Arts de Lyon étant près de dix fois plus grand
que celui de l'esquisse de 174819, et d'un format plus allongé, chantourné dans sa partie
supérieure. Ainsi, nous supposons que la composition n'est pas parfaitement identique. Peutêtre alors le peintre n'avait-il représenté que la Sainte-Famille, qui s'inscrit bien dans un
format carré sur l’œuvre définitive, et aurait ajouté par la suite le groupe d'anges de la partie
supérieure qui ne se seraient donc pas trouvés sur la toile du Salon de 1748. C'est
l'hypothèse que nous avons choisi de suivre. Et les commentaires des critiques ne
contredisent pas cette idée.
Le commentaire élogieux de Gougenot s'intéresse avant tout à la source de lumière
qui émerge du centre du tableau, à travers la figure de Jésus, et le critique y voit un
« nouveau soleil qui semble se lever pour éclairer le monde »20. Néanmoins, l'auteur des
Lettres écrites de Paris à Bruxelles relève que le peintre « conviendra lui même qu'il n'est
pas l'inventeur de cette manière d'éclairer le tableau ». En cela, l'auteur souligne que bien
que l'on ne puisse nier le talent de l'artiste, il ne faut pas lui attribuer des qualités qui
n'auraient pas exister chez d'autres peintres. Il relève également quelques défauts dans la
composition, à savoir un ton verdâtre, mais aussi que « la tête de l'enfant Jésus est beaucoup
trop forte pour le corps »21.
Saint-Yves, qui semble être un grand amateur de ce peintre, est très admiratif de
l’œuvre à laquelle il ne peut faire les reproches sur la couleur qu'il fit à La belle leçon (cat.
P10). C'est même pour lui un bon exemple de ce que « feroit l'Auteur, s'il vouloit s'appliquer
à cette partie importante de son Art » qu'est la couleur22.
18 A Ananoff, op. cit., 1976, p. 40. Dans la notice concernant l’œuvre de 1750, il note en observation que la
Nativité qui est exposée au Salon de 1748 a été réalisée en vue de cette plus grande composition.
19 H. 1,75 ; L. 1,3
20 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 99.
21 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 450.
22 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 27-31. Cette critique est ensuite prétexte à Saint-Yves pour louer le
talent du peintre de manière générale.
18
Ainsi, cette toile est bien reçue, et il semble que la présence de Boucher au Salon soit
toujours très appréciée des critiques. Le Mercure de France abonde en ce sens en écrivant
qu'on a « donné avec justice les plus grands éloges à une Nativité, composée par M.
Boucher »23.
23 Mercure de France, op. cit., p. 156 (éd. 1970).
19
Pierre-Jacques Cazes (1676-1754)
Le peintre Pierre-Jacques Cazes est né en 1676 à Paris. Peu connu de nos jours, la
documentation biographique à son sujet est rare24. Il fait son apprentissage dans l'atelier de
Houasse, puis dans celui de Bon Boullongne. Ce dernier est le professeur de nombreux
artistes qui font la renommée du siècle des Lumières. La suite de la carrière de Cazes fera
également de lui un professeur, notamment pour les peintres Chardin – élève pour lequel il
est le plus reconnu de nos jours – et Lemoyne.
En 1698, il est reçu second au grand Prix de Rome, dont il obtient la première place
l'année suivante. Il lui faut peu de temps pour se présenter à l'Académie et y être reçu le 28
juillet 1703. De cette Académie, il occupera tout au long de sa carrière de nombreuses
places. Nommé en 1715 adjoint à professeur, puis professeur trois ans plus tard, il occupera
la place d'adjoint à recteur à partir de 1737 et celle de recteur en 1743. Il sera enfin nommé
directeur en 1744 et se trouvera même au poste de chancelier en 1746. Il a bâti toute sa
carrière en tant que peintre d'histoire et sa renommée se fait surtout au travers de grandes
compositions religieuses destinées à prendre place dans des églises.
Au Salon de 1748, il expose un unique tableau, qui entre dans cette thématique
religieuse.
P12 - La Multiplication des pains :
[n° 1 : « Un grand Tableau ceintré, en hauteur de onze pieds sur 6 de large,
représentant la Multiplication des Pains. »]
Huile sur toile
H. 3,20 ; L. 1,90
Signé en bas à droite : « CAZES 1748 »
Pierrelatte, Église Saint Jean-Baptiste
24 Pour trouver des informations, il faut se référer aux dictionnaires d'artistes selon les périodes, tels celui de
Pahin Champlain de la Blancherie, Essai d'un tableau historique des peintres de l’École Française depuis
Jean Cousin en 1500, jusqu'en 1783 inclusivement, ou encore Bellier de la Chavignerie, Dictionnaire
général des artistes de l'école française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours.
20
Historique : Le tableau est réalisé en 1748, toutefois nous ne savons pas dans
quelles conditions. Nous pouvons émettre l'hypothèse qu'il s'agit d'une commande passée
par une église. En 1896, selon les archives que nous avons pu retrouver, l’œuvre se trouve
déjà dans l'église Saint Jean-Baptiste de Pierrelatte. Classé au titre des Monuments
Historiques par un arrêté du 21 avril 1998, le tableau a probablement fait l'objet la même
année d'une restauration sous un autre titre, L’Ascension du Christ25.
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelle... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449
Exposition : 1748, Paris, n° 1
Ce tableau, qui n'est mentionné
dans aucune des critiques officielles qui
furent publiées en 1748, lors du Salon,
l'est en revanche dans
des
lettres
anonymes écrites par un amateur. La
seconde lettre, faisant état de cette
peinture, est rédigée sous forme d'un
dialogue entre une marquise et un
chevalier. C'est à ce chevalier que l'auteur
fait tenir les propos concernant le
Fig. P12 - La Multiplication des pains
tableau. Et celui-ci y admire « le feu et la
belle
composition
qui
ont
toujours
distingué l'auteur »26.
C'est donc une œuvre qui, bien que négligée par la critique, semble être
appréciée par ce monde de connaisseurs qui constitue une partie du public du Salon.
25 Nous remercions M. Olivier Mondon, archiviste de la ville de Pierrelatte, pour nous avoir transmis ces
informations.
26 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 449.
21
Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
Il semble impossible à notre époque d'ignorer qui est Chardin, et la bibliographie à
son sujet foisonne. Nous nous contenterons de mentionner ici l'ouvrage monographique de
Pierre Rosenberg publié en 1983, qui nous a offert la possibilité d'établir cette courte
biographie. Ce peintre né à Paris en 1699, est l'un des symboles de la peinture du
XVIII
e
siècle
français. Ce qui rend d'autant plus originale sa présence au Salon est sa formation qui,
contrairement à celle de ses contemporains artistes, membres de l'Académie, ne s'est pas
faite au sein de cette institution. Il ne s'est pas non plus rendu à Rome comme il était de
coutume pour parfaire son éducation artistique. C'est un artiste qui n'a jamais cherché à
asseoir sa réputation par de grandes peintures d'histoire, mais qui est toujours resté maître
dans les scènes de genre et les natures mortes qui ont fait sa renommée. Il puise son
inspiration à la fois dans la peinture française et les scènes de genre si chères aux peintres
flamands.
En 1728, il est à la fois agréé de l'Académie et reçu académicien. Ce statut est pour
lui une chose extrêmement sérieuse et il ne négligera jamais les séances de l'Académie ni les
Salons, exposant sans faute à chacun d'entre eux. Il aime également le côté pédagogique de
l'institution. Il est reçu conseiller de l'Académie en 1743 et par la suite, en 1755, en
deviendra trésorier.
En 1748, il expose uniquement un tableau, qui nous est connu par la gravure. Cet
artiste n'a pas besoin de plus de morceaux pour recevoir tous les éloges de la critique 27 qui
est encore une fois ravie de pouvoir contempler l'une de ses œuvres28.
P13 - L'Élève studieux :
[n° 53 : « Un Tableau représentant l’Élève Studieux, pour servir de Pendant à ceux
qui sont partis l'année dernière pour la cour de Suede. »]
27 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 89. L'auteur écrit ces quelques mots concernant l'exposition du
tableau de Chardin qui « Soutient bien lui seul le nom que s'est fait son maître ». Il n'est donc pas
nécessaire à l'artiste de présenter plus.
28 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 6. Le critique regrette que le peintre ne présente qu'un seul
tableau.
22
Huile sur toile
Localisation inconnue
Historique : En 1747, Chardin peint deux tableaux, L’Élève studieux et La bonne
éducation destinés à la cour de Suède, pour la reine Louise-Ulrique. Ces deux tableaux se
trouvaient encore récemment en Suède, selon l'ouvrage de Rosenberg, mais ont à ce jour
disparu29. Il a effectué une copie des toiles pour La Live de Jully, qui sont probablement
celles qui furent exposées au Salon de 1753, et dont la localisation est également inconnue.
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 89 ; « Réflexions
sur quelques circonstances... »,
1748
(rééd.
1972),
p. 6
;
« Lettre sur la peinture, la
sculpture... »,
1748
1972), p. 108-109
(rééd.
; « Lettres
écrites de Paris à Bruxelles... »
(1748), in Revue Universelle
des
Arts,
1859,
p. 451
;
Mercure de France, 1970, t. LV,
Fig. P13* - La Bonne éducation
p. 162 ; Rosenberg, 1983,
p. 102, cat. 126 et cat. 126a
Œuvres en rapport : Gravure par Le Bas (fig. P13*).
Pendant de l’œuvre, connu également par une gravure de Le Bas, intitulé La bonne
éducation, peint lui aussi pour la cour de Suède.
Exposition : 1748, Paris, n° 53
Typique de Chardin, cette peinture présente une petite scène de vie quotidienne où se
tiennent deux personnages. Un élève en train de dessiner, et probablement l'un de ses
29 P. Rosenberg, Tout l’œuvre peint de Chardin, 1983, p. 102.
23
camarades qui se tient derrière lui. Le jeune homme s'applique à l'étude d'une réplique de
petite dimension du très célèbre Mercure attachant ses talonnières de Pigalle, qui est lui
aussi exposé au Salon cette année-là30. Selon Rosenberg, le message que transmet le peintre,
est qu'il n'est plus nécessaire d'étudier uniquement sur l'Antique puisque la statuaire
contemporaine offre des modèles qui apportent tout ce qui est essentiel à l’œil du
dessinateur31. Ce que ne manque pas de remarquer Gougenot : « L'auteur par ce choix, écritil, fait connaître que notre Ecole peut fournir les modèles les plus purs de la correction du
dessin »32. Rappelons aussi que Chardin ne s'est pas rendu à Rome durant son apprentissage
ni fait son éducation sur l'observation des Antiques, et pourtant, force est de constater son
talent et combien il est déjà apprécié de son temps. Avec cette œuvre, le peintre fait un bel
hommage à l'application dans l'étude académique et à son École.
Les critiques ne tarissent pas d'éloge sur cette peinture mais Gougenot reproche tout
de même au peintre de ne pas donner de volume suffisant à la chair de ses personnages 33. Le
Mercure de France qui évoque cette œuvre dans son commentaire est désolé de ne
rencontrer qu'un seul tableau de l'artiste mais le qualifie « d'enchanteur »34. Seul l'amateur,
auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles, ne semble pas entièrement satisfait
de cette toile. Bien qu'il en apprécie le clair-obscur et ses effets, il déplore un trop grand vide
laissé par l'artiste sur la toile, mais aussi aussi la petite taille des figures 35. Saint-Yves
reproche à certains critiques d'avoir accusé le peintre de ne plus être lui-même, ne les
satisfaisant pas comme à son habitude, car pour lui « de tems à autres il annoblit son
genre »36.
Sans disposer de la version peinte, avec la couleur, il reste relativement difficile
malheureusement de se faire une véritable idée de ce tableau. En comparant avec le reste de
son œuvre et sa façon d'utiliser la couleur, on peut supposer que la tonalité générale du
tableau se rapproche de la peinture des nordiques, utilisant des nuances de brun.
30
31
32
33
Voir cat. S8
P. Rosenberg, op. cit., 1983, p. 102.
L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 109.
Ibid. Il semble que ce soit une critique que l'artiste ait déjà reçue de nombreuses fois auparavant, sans pour
autant que cela ait un quelconque impact sur son art.
34 Mercure de France, op. cit., p. 162 (éd. 1970).
35 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 451. Pour l'auteur, le tableau n'est « pas de la
force de ceux qu'on a vus de lui ».
36 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 89.
24
Jacques-François Courtin (1672-1752)
Jacques Courtin est un peintre qui reste de nos jours encore très méconnu et sans
l'article de Michel Faré37, il serait extrêmement difficile de tenter d'en établir une
biographie38. Pourtant, de son temps, le peintre avait acquis une excellente réputation. Né en
1672, probablement à Sens, il commence par exercer son art à l'Académie de Saint-Luc,
après être passé par l'atelier de Louis de Boullongne. Mais dès 1708, il se tourne vers
l'Académie dont il souhaite devenir membre agréé. Il a déjà concouru au Prix de Rome dix
ans plus tôt, et s'y est heurté à la sévérité des membres du jury. Il parvient tout de même à
être reçu académicien en 1710, en tant que peintre d'histoire. Bien qu'exposant à tous les
Salons à partir de 1737, il se sent toute sa vie assez détaché de cette institution et ne sera
jamais membre assidu des séances de l'Académie.
Bien que son art ait beaucoup touché ses contemporains, comme Crozat ou d'autres
grands collectionneurs, il est aujourd'hui très difficile de retrouver ses œuvres qui furent
largement dispersées ou soumises à de mauvaises attributions. Fort heureusement, il est
toujours possible, grâce aux estampes, de se faire une idée de certains de ses tableaux,
puisqu'il fut grandement diffusé par ce biais.
Au Salon de 1748, il expose un seul tableau, sur lequel nous disposons de peu
d'informations, et dont nous n'avons pu retrouver de gravure. Il s'agit d'une représentation
religieuse, comme il a su en traiter avec aisance tout au long de sa carrière.
P14 - Agar et son fils Ismaël :
[n° 62 : « Un petit Tableau, représentant Agar et son fils Ismaël. »]
Huile sur toile
Localisation inconnue
37 M. Faré, « Un peintre indépendant : Jacques Courtin de l'Académie royale (1672-1752) », in Gazette des
Beaux-Arts, mai 1966.
38 Ibid., p. 293-320.
25
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 442-443 ; Faré, 1966, p. 311-312
Exposition : 1748, Paris, n° 62
L’œuvre ayant disparu, et la critique n'ayant émis aucun commentaire sur ce tableau,
il est très difficile de s'en faire une idée. De plus, Reydellet, en rédigeant le livret du Salon,
ne fait que décrire le sujet, sans aucun détail supplémentaire. Tout ce qu'il est possible de
savoir, car précisé dans le livret, est qu'il s'agit d'un tableau de format relativement petit.
Nous pouvons émettre la supposition que c'est une œuvre intime, destinée à un intérieur de
particulier, et non un tableau devant s'insérer dans le cadre religieux d'un édifice.
Michel Faré justifie ce silence autour du tableau de Jacques Courtin, dans son article
de 1966. Ce serait, en premier lieu, pour des raisons stylistiques. Courtin est un peintre dont
l'art s'inscrit dans le cadre de la Régence, période désormais révolue, et les critiques
attendent des exposants qu'ils avancent dans leur époque, laissant place à une nouvelle
génération de peintres39. Mais une seconde justification est à chercher dans une lettre écrite
par un amateur, dans laquelle il accuse l'auteur d'un livre anonyme de passer volontairement
sous silence le nom de Jacques Courtin ce à quoi il ajoute que le tableau est de bonne
exécution40.
Les critiques de l'époque sur l’œuvre global de Jacques Courtin, le goût des
collectionneurs, et le large choix des graveurs de reprendre ses tableaux, laissent tout à fait
penser qu'en effet, si Agar et Ismaël n'a pas été commenté, ce n'est pas par des défauts de
réalisation, ni une absence de talent de la part de l'artiste, mais bien par un choix volontaire
de ne pas en faire d'éloges.
39 Ibid., p. 311.
40 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 442-443. Nous pensons que c'est à Gougenot que
s'en prend le rédacteur. L'auteur écrit les mots suivants : « On le comparait hier à Ismaël, et on lui
appliquait ce que l'ange dit à Agar au sujet de son fils. Manus ejus contra omnes, et manus omnium contra
eum : aussi remarque-t-on que dans sa censure il [Gougenot] a passé sous silence le tableau qu'en a exposé
M. Courtin, quoique bien exécuté ».
26
Henri-Antoine de Favanne (1668-1752)
Henri-Antoine de Favanne est né en 1668, à Londres, d'un père français exilé pour le
service du roi Charles II d'Angleterre. Destiné au métier de la chasse, le jeune homme est
envoyé en France en tant que premier veneur du roi Charles II afin d'y apprendre le cor.
Mais sa vocation est tout autre. Plus attiré par les arts qu'il pratique régulièrement en copiant
les maîtres italiens et français, il prend alors la décision d'entrer dans l'atelier de Houasse 41.
En 1689 et 1692 il reçoit de petits prix de peinture de l'Académie, avant d'être reçu grand
Prix en 1693. Les problèmes économiques de l'époque l'empêchent de partir à Rome aux
frais de l'Académie, mais il fait tout de même le choix d'y aller par ses propres moyens et
part l'année 1695. Il en revient cinq ans plus tard et est agréé de l'Académie en janvier 1701
42
. Il est reçu académicien en 1704, en tant que peintre d'histoire. Le 29 mai 1717, il est
nommé professeur et adjoint à recteur en 1746. Le 6 juillet 1748, il est élu recteur de
l'Académie et peintre ordinaire du roi.
Son œuvre reste relativement méconnu43. Fort estimé de ses confrères, ceux-ci lui
reprochaient cependant son coloris et ce, tout au long de sa carrière, malgré les efforts du
peintre afin de modifier celui-ci. Son second défaut, si c'en est un, est de ne pas chercher à
produire à but uniquement lucratif. Il peint par plaisir, non pour la gloire, et par conséquent
relativement peu comparativement à ses confrères qui vont de commanditaire en
commanditaire, toujours à la recherche de plus de succès. Il conserve tout au long de sa
carrière un goût pour des œuvres simples et ses tableaux sont empreints d'une grande
modestie.
L'artiste a pour habitude d'exposer régulièrement au Salon des sujets de toutes sortes,
historiques ou mythologiques, mais également des portraits ou des paysages, en moins
abondante quantité. Au Salon de 1748, le peintre présente six tableaux dont trois sont tirés
du cycle de Télémaque, deux autres ont des sujets religieux et enfin deux paysages qui sont
des vues de Rome. Ce sont des œuvres qui n'intéressent guère la critique.
41 Selon Huls, dans l'éloge qu'il rédige sur le peintre dans les Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages...,
paru en 1854, Houasse est « celui des maîtres de ce temps qui étoit peut-être le moins propre à tirer parti
d'un génie tel que le sien ».
42 Fait notable, il est dispensé de justifier de son état français en tant que personne venant d'un sol étranger.
43 Seuls deux ouvrages permettent l'étude de ce peintre. Le premier, écrit dès 1753, soit un an seulement après
sa mort, est un hommage de quelques pages retraçant l'existence du peintre et ses grandes œuvres, par
Cousin de la Contamine. Le second est un mémoire de master réalisé en 1984 par G. Allain-Bernard.
27
P15 - Télémaque et Calypso :
[n° 2 : « Un Tableau, représentant Telemaque qui raconte ses Avantures à Calypso.
Son Pendant. Telemaque au milieu des Nymphes qui chantent & lui cüeillent des
Fleurs pour l’amuser. Calypso prend à l’écart Mentor pour le faire parler, &
découvrir qui il est.
Autre, représentant Telemaque arrivé dans l’Isle de Chypre, & conduit au Temple de
Vénus pour faire ses Offrandes. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Les
trois tableaux (cat. P15 à
P17) sont tirés du cycle de
Télémaque,
réalisé
par
l'artiste entre 1737 et 1748,
qui comprend un total de
neuf
œuvres,
dont
les
premières toiles ont été
exposées en 1737 et 1746.
Tous
ces
tableaux
se
trouvent dans l'inventaire
après-décès du peintre qui
Fig. P15 - Télémaque et Calypso
les avait donc conservés44.
Nous n'avons toutefois pu trouver de documentation concernant ce qu'il est advenu de
l’œuvre par la suite.
Bibliographie : Cousin de la Contamine, 1753, p. 29 ; Bardon, 1963, p. 222 ; AllainBernard, 1984, p. 51 et p. 111-112 cat. 76 ; Revue du Louvre, avril 1992, p. 96
44 Cousin de la Contamine, Mémoire pour servir à la vie de M. Defavanne, peintre ordinaire du Roy et
recteur de l'Académie royale de Peinture et Sculpture, 1753, p. 29. L'auteur cite rapidement les œuvres de
l'artiste qui se trouvaient dans l'inventaire de sa succession, parmi lesquelles se trouvent celles « du
Télemaque ».
28
Œuvres en rapport : Œuvre tirée du cycle de Télémaque, qui compte neuf tableaux,
dont deux autres sont exposés au même Salon (cat. P16 et P17). Trois autres de la série
furent exposés à des Salons précédents, en 1737 et 1746. Une des œuvres de la série, la
Séparation de Télémaque et d'Eucharis, se trouve actuellement au musée Pouchkine, tandis
qu'une seconde, Les Nymphes mettant le feu au vaisseau e Télémaque, se trouve au musée
du Louvre.
Exposition : 1748, Paris, n° 2
Les aventures de Télémaque est un récit composé en 1699 par Fénélon, qui s'inspire
directement de L'Odyssée. Cet ouvrage avait pour but de parfaire l'éducation du jeune duc
de Bourgogne, mais jugé trop libéral et novateur pour la cour de Louis XIV, l'auteur fut
disgracié. En 1717, l'ouvrage connaît un tout nouveau succès, et le thème est repris par de
nombreux artistes durant tout le début du siècle, et en particulier par Henri de Favanne avec
la réalisation de son cycle. Cependant, seuls deux des toiles exposées – Télémaque raconte
ses aventures à Calypso et Télémaque au milieu des Nymphes (cat. P16) – sont mentionnés
dans le livret comme étant des pendants. Nous avons choisi de supposer que le troisième
(cat. P17) s'inscrit dans le même cycle narratif.
Le livret est assez précis quant à l'action qui se déroule sur les tableaux. Nous ne
disposons dans notre catalogue que de l'une de ces œuvres, mais grâce à l'éloge rédigé par
Cousin de la Contamine, nous savons que les airs de tête des déesses, et en particulier ceux
de Calypso, étaient différents sur chacun des tableaux. L'auteur justifie cette différence,
auprès de ceux qui en seraient gênés, par le fait que « les déesses de la fable étaient autant
curieuses de plaire que les mortelles et cet art est fondé sur la variété: elles variaient donc
leur beauté »45. Justification très poétique et dont on ne sait si elle est apparue de façon si
évidente aux salonniers de 1748. En effet, ceux-ci n'ayant laissé aucun commentaire quant à
ces œuvres, nous supposons qu'elles ne furent pas grandement admirées sans pour autant en
être fortement décriées.
P16 - Télémaque au milieu des Nymphes :
45 Ibid.
29
[n° 3 : voir cat. P15]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P15
Bibliographie : Cousin de la Contamine, 1753, p. 29 ; Allain-Bernard, 1984, p. 51 et
p. 111, cat. 80 ; Revue du Louvre, avril 1992, p. 96
Œuvres en rapport : Œuvre tirée du cycle de Télémaque, qui compte neuf tableaux,
dont deux autres sont exposés au même Salon (cat. P15 et P17).
Exposition : 1748, Paris, n° 3
Voir notice cat. P15.
P17 - Télémaque au temple de Vénus :
[n° 4 : voir cat. P15]
Huile sur toile
H. 0,72 ; L. 0,91
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P15
Bibliographie : Cousin de la Contamine, 1753, p. 29 ; Allain-Bernard, 1984, p. 51 et
p. 112 cat. 78 ; Revue du Louvre, avril 1992, p. 96
Œuvres en rapport : Œuvre tirée du cycle de Télémaque, qui compte neuf tableaux,
30
dont deux autres sont exposés au même Salon (cat. P15 et P16).
Exposition : 1748, Paris, n° 4
Voir notice cat. P15.
P18 - La Coupe de Joseph trouvée dans le sac de Benjamin :
[n° 5 : « Autre, représentant la Coupe de Joseph trouvée dans le sac de Benjamin. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Dans son ouvrage monographique, Geneviève Allain-Bernard évoque
l'inventaire après décès de l'artiste dans lequel il est fait mention de « la Couppe de Joseph
trouvée dans le Sacq de Benjamin ». Toutefois, les dimensions du tableau étant inconnues, il
n'est pas possible de savoir s'il s'agit bien du même46.
Bibliographie : Allain-Bernard, 1985, p. 51 et p. 100-101 cat. 33
Exposition : 1748, Paris, n° 5
P19 et P20- Vues de Rome :
[n°6 bis : « Deux Paysages, représentans des Vûës dans l'intérieur de Rome ; sous le
même N°. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
46 G. Allain-Bernard, Henry Defavanne (1688-1752), peintre, 1984, p. 101.
31
Bibliographie : Allain-Bernard, 1984, p. 113 cat. 86
Exposition : 1748, Paris, n° 6 bis
32
Jean-François de Troy (1679-1752)
Le peintre toulousain Jean-François de Troy, né en 1679, est l'une des figures
principales de ce Salon, tant par la qualité de ses œuvres que par le fait même qu'il expose,
lui qui était resté complètement absent des expositions précédentes. Déjà très reconnu en
France, possédant le statut de peintre du roi en plus d'un talent certain, l'artiste a été, fait
assez rare pour être signalé, agréé et reçu académicien le même jour, le 28 juillet 1708.
Après avoir franchi de nombreux échelons au sein de l'Académie, il est nommé en 1738, soit
très peu de temps après l'annonce du décès du précédent directeur, à la tête de l'Académie de
France à Rome. Il est chargé par la suite, en 1744, de la direction de l'Académie de SaintLuc.
Les œuvres qu'il expose au Salon en 1748 sont parmi les plus fameuses de cette
période romaine durant laquelle le peintre connaît un véritable regain de sa production. De
Troy cherche à être reconnu au sein de cette grande patrie des arts et ce, malgré ses
fonctions de directeur qui occupent une large partie de son temps. Il va trouver dans la
commande de cartons un moyen de réaliser de grandes œuvres et de mettre en avant un
talent nouveau : celui de décorateur.
Le peintre a d'ores et déjà exécuté plusieurs cartons. Nous citerons comme exemple
L'Histoire d'Esther, cycle réalisé à la fin des années 1730, lorsqu'il reçoit en 1742, une
commande, de la part des Bâtiments du roi 47, destinée à la manufacture des Gobelins 48. Il
s'agit de L'Histoire de Jason, tirée du livre VII des Métamorphoses d'Ovide. Ce sujet fort à
la mode à l'époque a été remis au goût du jour par le baron de Longepierre qui publie Médée
quelques années auparavant. Pour cette commande, le peintre va réaliser, entre 1742 et
1746, sept esquisses en suivant l'ordre chronologique du récit, puis des tableaux de plus
grand format. Ce sont ces derniers qui sont exposés à notre Salon. Le voilà alors bien loin de
ces peintures d'histoire dont il a su devenir maître.
L'étude de ces œuvres est intéressante par leur aspect formel, mais également par
leur histoire et en particulier les vicissitudes auxquelles fut confrontée leur expédition. En
effet, les six premières esquisses furent envoyées à Paris en 1743 afin d'obtenir le
47 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 13.
48 Ce sont ces tapisseries qui seront fortement décriées par Goethe des années plus tard, lorsque, encore jeune
homme, il se rend dans la salle où s'apprête à être célébré le mariage de Marie Antoinette et Louis XVI, et
constate avec effroi que le sujet de ces tapisseries n'est pas approprié à un présage de mariage heureux.
33
consentement des Bâtiments du roi. Malgré les critiques qui lui parviennent de la capitale,
l'artiste fait le choix d'entreprendre les grands formats tout en modifiant certains aspects
présents sur les esquisses, sans attendre quelques nouvelles recommandations de ses
commanditaires. Il est néanmoins dans l'obligation, en raison d'un accord officiel lié à la
commande, d'envoyer des esquisses avant la mise en œuvre des grandes toiles. Mais le 11
octobre de cette même année 1743, les conditions lui sont favorables. À la suite d'une
épidémie de peste la Poste refuse de transférer tout colis : l'artiste n'est donc pas en mesure
de faire parvenir d'esquisses à Paris, et il obtient ainsi la possibilité de réaliser, selon ses
goûts et appréciations, les grands formats des œuvres. Il achève finalement cet ensemble en
1746, en des temps politiques troubles qui retardent l'envoi des tableaux. De Troy parvient
finalement à expédier les toiles, le 14 mars 1748, comme il en fait mention à Orry, alors
directeur des Bâtiments du roi, dans une lettre du 17 avril de cette même année : « j'ai fait
encaisser mes tableaux de l'histoire de Jason [...] »49, écrit le peintre, afin que ceux-ci
puissent figurer au Salon. Mais c'était sans compter sur la perte des caisses contenant les
toiles, et ces dernières n'arriveront finalement à Paris que le 13 septembre 1748, soit peu de
temps après la fermeture officielle du Salon. Néanmoins, l'artiste obtient la possibilité d'être
exposé en raison d'une prérogative du directeur des Bâtiments du roi ordonnant une
prolongation exceptionnelle du Salon : « pour que le public pût jouir d'un tems pour les voir,
jai fait durer le Salon huit jours de plus qu'à l'ordinaire »50, écrit Tournehem. Dès lors, les
œuvres sont placées dans la Galerie d'Apollon afin d'être admirées du public et des
nombreux critiques qui ne se lasseront pas d'en faire état. Par ailleurs, le compte-rendu du
Mercure de France de septembre 1748 paraît avant l'exposition des tableaux, ainsi il y est
écrit : « […] plusieurs tableaux, envoyés de Rome par M. de Troy, n'étant arrivés que tard, la
privation des ouvrages de ces grands Maîtres [de Troy et Vanloo] a fait paroître le Salon
moins orné qu'il ne l'est quelquefois »51. Toutefois le journal fait alors une addition tardive à
ce compte-rendu, toujours en septembre, dans lequel il y est dit que les tableaux sont arrivés
et ont tous été admirés pour « le feu, la fécondité & la facilité du pinceau de l'Auteur »
même si quelques reproches sont émis quant à la figure de Jason dont le public aurait voulu
« un air plus noble et une taille plus avantageuse ».52
Cette série fait l'objet de nombreux écrits et la documentation concernant les sept
cartons est vaste. Ils sont reçus pour certains avec admiration mais seront tout aussi bien
49 A. de Montaiglon, Correspondance des directeurs de l'Académie de France à Rome avec les surintendants
des bâtiments 1742-1753, t. X, 1900, p.147.
50 Ibid., p.153.
51 Mercure de France, op. cit., p. 159 (éd. 1970).
52 Ibid., p. 175.
34
décriés par d'autres. Les commentaires ne portent pas exclusivement sur la série comme
étant un tout mais sur les œuvres de façon individuelle, mettant en avant les caractéristiques,
les qualités et les défauts de chacune d'elle.
L'amateur qui rédige les Lettres écrites de Paris à Bruxelles fait mention de ces œuvres en y
voyant à la fois « le génie noble et le feu qui l'ont [l'artiste] si glorieusement caractérisé »
mais déplore pourtant la couleur qu'il juge « égale partout » et la figure de Jason qui est
représenté avec les « jambes grosses et courtes »53.
Les œuvres sont ajoutées au livret du Salon et ne feront pas l'objet d'une
numérotation étant exposées dans une galerie à part54.
P21 - Jason reçoit de Médée l'herbe enchantée :
[Sans numéro : « Num. I. Médée, fille du Roy Ætés, inspirée par l'Amour fait
promettre à Jason, dans le Temple de Diane, qu'il n'auroit jamais d'autre Epouse
qu'elle, & luy remet l'herbe enchantée qui doit le rendre vainqueur du Monstre
gardien de la Toison d'Or. »]
Huile sur toile
H. 3,29 ; L. 3,14
Signé et daté en bas à droite:
« DETROY/ À ROME/ 1744 »
Tableau disparu
Historique
:
Réalisé
au
printemps 1744, il s'agit du premier
carton
de
la
série
constituant
l'Histoire de Jason. L’œuvre a été
détruite dans le bombardement de
Brest qui eut lieu en 1941, sans que
Fig. P21* - Jason reçoit de Médée l'herbe
enchantée
nous sachions pour autant les divers
53 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 454.
54 Toutefois, si les œuvres ne possèdent pas de numéro à la suite des autres œuvres exposées au Salon,
Reydellet, en rédigeant les explications du livret, précise quelle toile il évoque par des numéros qui
concernent la place des toiles dans la série.
35
mouvement qu'elle connu auparavant.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 19 ; « Observations sur les tableaux... », 1748 (rééd.
1972), p. 178-179 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle
des Arts, 1859, p. 454-455 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 33-34 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 124, cat. P. 299
Œuvres en rapport : Esquisse réalisée entre décembre 1742 et février 1743,
conservée à la National Gallery de Londres (fig. P21*).
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Tapisseries des Gobelins, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure:
« JASON/ ENGAGE SA FOI A MEDÉE/ QUI LUI PROMETS LES/ SECOURS DE SON/
ART ».
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Dès le 15 avril 1744, le peintre entreprend la réalisation de cette œuvre et en informe
Orry : « Je m'occupe à travailler au premier sujet de Jason et Médée au temple d'Hécate ;
[...] »55. La simplicité du décor et le nombre réduit de personnages représentés conduisent à
penser que le tableau fut achevé de façon rapide. D'autant que dès le 13 juin de la même
année, l'artiste amorce la réalisation du deuxième carton.
De Troy prend le parti de représenter sur cette toile la scène durant laquelle Jason,
jurant fidélité à Médée, se voit offrir par celle-ci des herbes magiques. Dès ce premier carton
les différents critiques vont émettre des avis très tranchés. Baillet de Saint-Julien loue la
« noblesse » de cette première scène ainsi que le décor qui, selon lui, est tout à fait adapté au
sujet56. Néanmoins tous les critiques ne sont pas aussi unanimes au sujet de l’œuvre et SaintYves exprime un avis tout différent. Il reproche à l'artiste dans ses Observations sur les arts,
et ce de manière assez générale sur la série, que tout soit « trop rouge »57. Le critique
55 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op.cit., 1859, p. 69.
56 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 19. Le critique écrit : « Le fond en est de verdure, ce qui y
convient parfaitement ».
57 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 54 .Sa critique est la même concernant les cinq premiers cartons de la
série pour lesquels il juge que « tout est un peu trop égal, rouge et violent » et qui donnent l'impression que
36
considère que l’œil n'est pas en mesure de se reposer. Il s'avère difficile de mesurer la valeur
de ces propos quant à cette première toile car celle-ci ayant disparu, nous ne pouvons nous
en faire d'idée que par l'esquisse.
Pour réaliser cette série, l'artiste fit de nombreuses études concernant les figures 58. Selon
l'esquisse, la scène de cette toile est divisée en trois groupes distincts, le terrestre avec les
personnages de Jason et Médée, le céleste avec les figures de l'Amour et de l'Hymen, en
haut à gauche du tableau, et enfin le divin avec la statue de la déesse Hécate. Ce tableau
découle d'une réflexion indéniable quant à sa construction formelle, et ce malgré sa rapidité
d'exécution. La présence des allégories est justifiée ainsi par l'auteur dans une lettre de
1743 : « Comme l'amour de Médée étoit fondé sur la foi conjugale que Jason venoit de luy
jurer, on a mis l'allégorie de l'Amour qui tire une flèche que l'himen conduit dans le cœur de
Jason »59.
Ainsi, il est très difficile de nous appesantir plus longuement sur cette œuvre, car mis
à part les descriptions des critiques, l'esquisse et la tapisserie, nous ne pouvons savoir de
façon certaine comment était cette toile. Bien que la place des personnages et des divers
éléments sur la tapisserie soient très certainement proches du tableau, le rendu général de
l’œuvre présente un problème plus concret, notamment la pose des couleurs et les jeux de
lumière que ni l'esquisse ni la tapisserie ne nous permettent de connaître de façon certaine.
P22 - Jason domptant les taureaux :
[Sans numéro : « 2. Jason dans le Champ de Mars, en présence du Roy & de tous les
habitans de Colchos, assujetit au joug les Taureaux consacrez à ce Dieu. »]
Huile sur toile
H. 3,30 ; L. 7,15
Le Puy, musée Crozatier (Inv D. 873.10)
Historique : Il s'agit du carton de la deuxième scène de l'Histoire de Jason, réalisé
entre 1743 et 1744. La toile est conservée depuis 1872 au musée Crozatier du Puy.
« l'action se passe dans les campagnes éclairées des flammes du Phlegeton. »
58 C. Leribault, Jean-François de Troy: 1679-1752, 2002, p. 124, L'artiste a souvent été critiqué pour son
« absence de souci de correction ». Ici, il ne néglige pas les études préparatoires.
59 A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 34.
37
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), , p. 19 ; « Observations sur les tableaux... », 1748
(rééd. 1972), p. 179-182 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 454 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 34 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 383-384, cat. P. 298, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse peinte entre novembre et décembre 1742,
actuellement conservée au Barber Institute of Fine Art de l'Université de Birmingham.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Une copie ancienne, réalisée anonymement, qui aurait pu servir de petit modèle aux
tapissiers, conservée dans une collection particulière française60.
Tapisseries, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure : « LES
TAUREAUX/ DE MARS SONT DOMPTEZ/ PAR LA VERTU DES/ HERBES/
ENCHANTÉES »
Exposition : 1748, Paris, s. n.
C'est le premier carton a avoir été exécuté par l'artiste qui souhaitait commencer par
le plus grand format. Il informe le directeur des Bâtiments que « […] la toile est toute prête
pour commencer le plus grand. »61. Le peintre a choisi de représenter ici Jason arrivant au
Champ de Mars faisant face aux taureaux, confiant en les pouvoirs de l'herbe enchantée.
Cette toile est de réalisation nettement plus complexe que la précédente de notre catalogue.
On y trouve, en second plan, assistant au prodige, un public nombreux d'hommes, de
femmes, d'enfants et de vieillards, ainsi que Médée et son père. Au centre du tableau, Jason
dompte deux taureaux dans un nuage de fumée qui leur sort des naseaux. L'arrière-plan est,
quant à lui, composé de diverses architectures antiques.
Gougenot fait l'éloge de cette toile et trouve que « l'ordonnance de ce tableau est très
belle » car selon lui l'auteur n'a suivi que « le feu de son imagination »62. Et pour cause,
60 C. Leribault, op. cit., 2002, p. 383. Dans une lettre de Tournehem à Coypel, que cite l'auteur, il est fait
mention d'un petit tableau qui resterait devant le tapissier en chef afin de le guider dans la réalisation de la
tapisserie.
61 A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 33.
62 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 179.
38
rappelons que c'est cette première toile qui a été réalisée sans l'approbation, concernant les
esquisses, de la part des Bâtiments du roi. L'artiste a donc pris l'initiative selon son propre
génie, ainsi qu'il le dit lui même dans sa Correspondance63, de la réaliser ainsi, en modifiant
tout de même certains aspects des esquisses. Néanmoins, le critique tient à souligner le fait
que certains n'aient pas reçu la toile avec autant d'enthousiasme que lui. On a reproché à
l'artiste la « forme peu naturelle » des taureaux ainsi que la réalisation de la figure de
Jason64. Parmi les détracteurs, nous retrouvons Saint-Yves qui fait aux cinq premiers
tableaux de la série les mêmes reproches65.
En comparant l’œuvre finie et l'esquisse réalisée par l'artiste en 1742, nous pouvons
retrouver les changements que le peintre a effectués, en tenant compte des premiers
commentaires qui avaient été émis par les Bâtiments du roi. Ce qui apparaît surtout, c'est
l'inversion totale de la toile achevée par rapport à l'esquisse, à l'exception du groupe de
soldats66. De Troy ne justifie pas ce choix dans sa correspondance mais on peut aisément
supposer que ce parti pris est dû aux retours qu'il avait eus concernant l'esquisse et qu'il lui a
semblé judicieux de procéder de la sorte afin de se rapprocher le plus de ce que souhaitaient
les Bâtiments du roi.
P23 - Le combat de soldats nés des dents du serpent :
[Sans numéro : « 3. Jason, après avoir fermé les dents du Serpent, & se voyant
attaqué par les Soldats qu'elles avoient fait naître tous armez, lance au milieu d'eux
une pierre, dont l'effet enchanteur leur fait tourner contr'eux leurs propres armes. »]
Huile sur toile
H. 3,13 ; L. 4 [Dimensions anciennes : 3,32 sur 4,56]
Signé et daté en bas à droite sur une pierre : « DE TROY À ROME – 1744 »
Toulouse, musée des Augustins (Inv. RO 290)
Historique : Cette toile est la troisième de la série de L'Histoire de Jason, réalisée
63
64
65
66
A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 33.
L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 182.
Voir cat. P15
C. Leribault, op. cit., 2002, p. 383, Il critique également le fait que le peintre ait redessiné les taureaux, qui
pour l'auteur n'ont pas gagné à l'être.
39
par de Troy commencée en juin 1744. Elle est, de nos jours, conservée à Toulouse, au musée
des Augustins67.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 19-20 ; « Observations sur les tableaux... », 1748
(rééd. 1972), p. 182-183 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 454 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 34 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 386, cat. P. 300, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse réalisée entre décembre 1742 et février 1743,
actuellement conservée dans une collection particulière à New York.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Une petite toile représentant une Tête d'homme s'appuyant sur une main, qui
présente des faiblesses, laissant penser qu'il s'agit d'un exercice d'atelier plutôt que d'une
esquisse préparatoire de l'artiste68.
Il y eut pour cette toile de nombreuses copies : Trois Têtes d'hommes, conservées à
Greenville, Bob Jones University and Gallery et à Londres à la Gallerie Julius Weitzner.
Mais aussi des copies dessinées, ainsi que diverses études de têtes.
Tapisseries des Gobelins, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure :
« LES/ SOLDATS NEZ DES/ DENTS DU SERPENT/ TOURNENT LEURS/ ARMES
CONTR'EUX/ MEMES »
Exposition : 1748, Paris, s. n.
67 Le musée n'a cependant pas été en mesure de nous fournir d'informations quant à l'acquisition de cette
toile.
68 C. Leribault, op. cit., 2002, p. 386.
40
Fig. P23 - Le combat de soldats nés des dents du serpent
À l'instar des deux précédentes toiles, Jason est la figure centrale de ce
carton, conservant sa place de héros du récit. « Le moment que j'avois pris dans l'esquisse
n'est point employé dans l'exécution du tableau. »69, écrit de Troy qui, ne voulant pas
représenter les soldats morts, choisit de peindre le combat. C'est une scène extrêmement
animée qui, une fois de plus, va être louée par Baillet de Saint-Julien dans ses Réflexions. Il
qualifie ce tableau comme étant « de la plus belle composition »70. Le critique remarque tout
particulièrement la grande virtuosité avec laquelle le peintre met en scène le combat, et les
lignes qui sont consacrées à cet effet en témoignent : « Le désordre et l'horreur des combats
sont ici représentés de leur vraie couleur les deux taureaux l'augmentent en vomissant en
abondance des feux et une épaisse fumée dont ces combattants sont enveloppés. »71. L'effet
que nous pouvons supposer avoir été escompté par l'artiste est donc ici parfaitement maîtrisé
et le public n'a pas besoin de se référer au livret afin de comprendre la teneur du récit, du
moins si l'on s'accorde à penser comme Baillet de Saint-Julien, que le combat est
parfaitement représenté.
69 A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 73.
70 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 20.
71 Ibid.
41
P24 - Le départ de Jason et de Médée après la conquête de la Toison
d'or :
[sans numéro : « 4. Jason ayant, par la vertu des herbes, endormi le Dragon, gardien
de la Toison d'Or, se saisit sans obstacle de la riche depoüille du Mouton de Phryxus,
& fut en Thessalie, accompagné de sa Maîtresse. »]
Huile sur toile
H. 3,25 ; L. 4,55
Signé et daté sur une pierre à gauche devant le chien : « De Troy à Rome/ 1745 »
Clermont-Ferrand, musée Roger Quilliot (Inv. 2394)
Historique : Cette scène a été choisie pour le quatrième carton de l'Histoire de
Jason. Il a été achevé avant la fin du mois de mars 1745.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 21-24 ; « Observations sur les tableaux... », 1748
(rééd. 1972), p. 182-183 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 454 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 34 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 389, cat. P. 303, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse réalisée entre décembre 1742 et février 1743,
actuellement conservée à la National Gallery de Londres.
Étude pour un soldat tenant un carquois, réalisée par de Troy. Ancien fond de dessin
du musée de Stuttgart, la Staatsgalerie appartenant désormais au département graphique de
ce même musée72.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Tapisseries, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure : « JASON/
ASSOUPIT LE DRAGON/ ENLÈVE LA TOISON D'OR/ ET PART AVEC/ MÉDÉE »
72 Longtemps attribuée à Dandré-Bardon, cette étude fut récemment identifiée par P. Rosenberg.
42
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Fig. P24 - Le départ de Jason et de Médée après la conquête de
la Toison d'Or
Ce carton est la scène centrale de l’œuvre, à la fois par sa place dans la série, mais
également par son thème. En effet, la quête première de Jason – celle de la Toison d'Or –
s'achève ici et va commencer la seconde partie du récit. Et pourtant l'artiste ne mentionne
pas particulièrement cette œuvre dans sa correspondance, se contentant de signaler à Orry
que « le quatrième tableau de l'Histoire de Jason est fini »73.
C'est encore une œuvre qui, si l'on excepte la critique de Saint-Yves, est l'objet de
propos élogieux de la part des commentateurs. Les commentaires de Gougenot portent sur la
figure de Jason qui, malgré quelques défauts74, semble être plus aboutie que les autres et
plus conforme à la vision ovidienne. Cependant, hormis sa position centrale, on distingue
peu la figure du héros des autres protagonistes de la scène, en particulier parce que sa tenue
est très semblable à celle des soldats. Baillet de Saint-Julien précise volontiers que son goût
le porte à avoir une préférence pour cette toile parmi toutes celles de la série, « pour la belle
couleur, son dessin, son entente et l'union qui règne en toutes ses parties. »75.
P25 - Les noces de Jason et de Créuse, dit à l'époque Jason et Médée au
73 A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 81.
74 L. Gougenot,, op. cit., 1748, p. 183. Il juge Jason comme « ayant plus l'air d'un soldat que d'un Héros ».
75 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 21.
43
temple de Jupiter :
[sans numéro : « 5. Jason infidéle à Médée, épouse Créuse, fille de Créon, Roy de
Corinthe. »]
Huile sur toile
H. 3,28 ; L. 4,50
Signé et daté sur la première contremarche entre la femme et l'enfant : « DE TROY F À
ROME 1745 »
Clermont-Ferrand, musée Roger Quilliot (Inv. 2393)
Historique : C'est ici la cinquième toile de la série portant sur l'Histoire de Jason.
Elle a été réalisée de mai à juillet 1745. L’œuvre est conservée de nos jours et ce, depuis
1872, au musée d'art Roger Quilliot à Clermont-Ferrand.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 22 ; « Observations sur les tableaux... », 1748 (rééd.
1972), p. 184-186 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle
des Arts, 1859, p. 454 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 34 ; Engerand, 1901, p. 466 ; Bardon,
1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 119 et p. 391, cat. P. 305, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse qui fut réalisée après les autres pour la série, en
remplacement du Rajeunissement d'Éson, probablement vers 1744-1745. Actuellement
conservée au Museo Thyssen-Bornemisza à Madrid.
Étude pour Médée et une suivante, conservée au Ashmolean Museum à Oxford.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Tapisseries, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure : « JASON/
INFIDELE A MÉDÉE/ EPOUSE CREUSE/ FILLE DU ROI DE/ CORINTHE »
Exposition : 1748, Paris, s. n.
44
Fig. P25 - Les noces de Jason et de Créuse
Tout d'abord il est important de signaler que, de la même manière que le peintre
prend le parti de représenter le combat dans la troisième toile de la série (cat. P23), il choisit
ici cette scène plutôt que celle du Rajeunissement d'Eson qui paraissait alors très
inappropriée à la réalisation d'une tapisserie76.
Si les commentateurs de l'époque avaient pu se pencher sur cette lettre, dans laquelle
de Troy stipule bien qu'il choisit « le moment où Jason lui-même entre dans le temple avec
Médée », le différend concernant le sujet même du tableau n'aurait pas eu lieu. En effet, on
retrouve dans les commentaires de Gougenot sur l’œuvre une mention de cette petite
querelle : « il s'éleva une dispute dans la Gallerie entre plusieurs Maîtres de l'Art, dont la
plus considérable partie soutint que c'étoit le Mariage de Médée & de Jason ». C'est aux
lumières du livret du Salon qu'il tentèrent de s'éclairer, et malgré tout celui-ci ne les défit pas
de leur opinion. Et pour cause, Saint-Yves note dans les Observations sur les arts que
l'artiste « a eu tort de donner à cette Princesse un air de tête avec une coëffure si semblable à
celle de Médée »77. Ce serait donc la raison de cette erreur concernant l'iconographie de la
scène. Il est vrai que la figure de Créuse rappelle en tous points Médée, à la fois par son
maintien, par sa tenue et surtout par son visage et sa coiffure qui sont tout à fait similaires à
ceux de la femme trahie.
Ajoutons à cela des critiques fort négatives de Gougenot et de Baillet de Saint76 A. de Montaiglon, op. cit., 1900, p. 81. Lettre de de Troy à Orry, 31 mars 1745, dans laquelle l'artiste
raconte la scène au directeur des Bâtiments afin d'obtenir son approbation.
77 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p.55.
45
Julien. Ce dernier, à l'inverse des œuvres précédentes dont il se faisait le défenseur, va
jusqu'à qualifier celle-ci de « médiocre »78. Il considérait déjà que la figure de Jason dans le
quatrième carton n'avait rien de celle d'un héros et il accuse cette cinquième toile de
présenter des personnages secondaires avec plus de « Majesté » et se faisant « mieux
apercevoir » que les deux figures principales79.
C'est donc ici l’œuvre qui fait le plus de tort à la série. Ce n'est pas tant les qualités
techniques de l'artiste qui sont remises en cause, ni même son choix concernant l'utilisation
de la couleur, mais la façon toute personnelle dont il a choisi de représenter les personnages.
On peut se demander pourquoi, soudainement, il ne présente plus Jason en héros. Peut-être
est-ce un parti pris basé sur son appréciation du récit. Nous pouvons penser, sans certitude
aucune, qu'à cet instant de la narration, Jason n'est plus le héros qui conquit la Toison d'Or,
mais l'homme qui va à l'encontre de la promesse faite à sa première épouse, Médée. Cela
pourrait justifier le choix de l'artiste de l'avoir représenté de cette manière.
P26 - Créuse consumée par la robe empoisonnée :
[sans numéro : « 6. Médée, pour se vanger avec éclat de fa Rivale, luy fait présent
d'une Robe empoisonnée, qui luy cause la mort ainsi qu'à Créon son père. »]
Huile sur toile
H. 3,13 ; L. 4
Signé et daté sur la nappe en bas à droite : « DE TROY/ ROM[E]/ 174[6] »
Toulouse, musée des Augustins (Inv. RO 291)
Historique : Il s'agit de la sixième scène de l'Histoire de Jason. Cette toile est
conservée depuis 1872 à Toulouse au musée des Augustins, sous le numéro.
Le tableau est exposé au Salon de 1748. Il est mentionné dans le livret de
l'exposition sans numéro et est accompagné de la description suivante :
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
78 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 22.
79 Ibid.
46
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 22-23 ; « Observations sur les tableaux... », 1748
(rééd. 1972), p. 186-190 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 34 -35 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 109 et p. 398, cat. P. 316, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse réalisée entre décembre 1742 et février 1743,
conservée dans une collection particulière aux États-Unis.
Étude pour la figure de Jason, conservée à Boston dans la collection
Jeffrey E. Horvitz.
Étude pour une figure féminine, figurant dans une collection particulière
parisienne80.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Copie d'huile sur papier marouflé sur toile, représentant la figure de Créuse.
Attribuée par Leribault à un pensionnaire de l'Académie81.
Gravure inversée réalisée par Jacques Danzel, vers 1780 dont une épreuve est
conservée dans le fonds Corsini de l'Instituto Nazionale per la Grafica à Rome (Inv. F.C.
4106) et une autre au musée des Beaux-Arts de Dijon82.
Tapisseries, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure : « CREUSE/
EST CONSUMÉE PAR LE/ FEU DE LA ROBE FATALE/ DONT MÉDÉE LUI A/ FAIT
PRÉSENT »
Exposition : 1748, Paris, s. n.
80 Récemment identifiée par P. Rosenberg.
81 C. Leribault, op. cit., 2002, p. 398. La facture de l'esquisse lui paraît trop aboutie pour pouvoir être une
étude que l'on attribuerait à de Troy.
82 C'est le seul des cartons de la série a avoir été gravé.
47
Fig. P26 - Créuse consumée par la robe empoisonnée
C'est sous la toute nouvelle direction de Lenormant de Tournehem que de Troy
réalise cette œuvre. L'artiste livre aux Bâtiments du roi une toile très vivante tant par ses
lignes que par les attitudes des personnages représentés. Il n'aurait pu en être autrement en
raison du passage du récit illustré ici : Créuse a revêtu la robe dont Médée lui avait fait
présent, robe que sa rivale a au préalable empoisonnée. Tous les personnages de la scène
expriment les passions et les tourments de la douleur. C'est sur la mariée mourante que
l'artiste a placé la lumière, faisant d'elle, et non plus de Jason, le personnage central de la
scène.
C'est la première des sept œuvres présentées en 1748 pour laquelle Saint-Yves émet
un jugement positif. Elle est, selon lui, la plus belle des œuvres de la série 83. Dans cette
même critique, l'auteur loue la couleur mais également l'expression.
L'artiste, grâce aux recherches préalables faites quant à la façon de représenter ses
personnages et leurs attitudes, parvient à donner un grand mouvement à cette scène. Cette
toile ne peut alors être l'objet de la critique négative faite au carton précédent. Pour sa part,
Baillet de Saint-Julien, bien qu'élogieux, ne suit pas ce mouvement quasi général de
83 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 55.
48
préférence donnée à cette sixième œuvre84.
P27 - Médée enlevée sur son char après avoir tué ses enfants :
[Sans numéro : « 7. Médée met le comble à sa vengeance, en poignardant deux Fils
qu'elle avoit eu de Jason. Elle se dérobe à ses coups, par le secours d'un char attelé de
deux Dragons volans, après avoir réduit en cendres le Palais de Créon. »]
Huile sur toile
H. 3,30 ; L. 4,25
Signé et daté en bas à gauche : « De Troy à Rome/ 1746 »
Paris, musée du Louvre (Inv. 8225)
Historique : C'est la septième toile qui vient clore cette série de cartons concernant
l'Histoire de Jason. Cette dernière toile est conservée au Louvre , à Paris, où elle fut déposée
en 1975.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 53-57 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 23-25 ; « Observations sur les tableaux... », 1748
(rééd. 1972), p. 190-192 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 454 ; Montaiglon, 1900, t. X, p. 35 ; Engerand, 1901, p. 466 ;
Bardon, 1963, p. 228 ; Leribault, 2002, p. 401, cat. P. 317, repr.
Œuvres en rapport : Esquisse réalisée entre décembre 1742 et février 1743,
conservée au Chrysler Museum de Norfolk.
Étude pour la figure de Jason, conservée à Béziers dans la collection de l'abbé Joseph
Giry, décédé en 1761.
Étude pour la figure de Médée qui appartient à une collection particulière parisienne.
Un dessin servant à la gravure, qui passa à la vente de Troy le 9 avril 1764,
désormais dans une collection particulière.
Gravure en manière de sanguine représentant la Tête de Jason, exécutée par Simon84 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 23. Le critique précise qu'il conserve son entière préférence à
la quatrième œuvre de la série (cat. P18).
49
Charles Miger dont certaines épreuves sont conservées dans le fonds Corsini de l'Instituto
Nazionale per la Grafica à Rome et au musée des Beaux-Arts de Dijon.
Une copie dessinée qui a été exposée au Salon de Toulouse en 1785, par Mlle
Lacroix cadette, probablement d'après la gravure citée précédemment.
Tapisseries, portant comme inscription sur le cartouche de la bordure : « MÉDÉE/ :
POIGNARDE
LES
DEUX
FILS/
QUELLE AVAIT EUS
DE
JASON/
EMBRASE
CORINTHE/ ET SE
RETIRE
A/
ATHENES ».
Exposition
:
1748, Paris, s. n.
Fig. P27 - Médée enlevée sur son char après avoir tué ses
enfants
L'artiste fait ici le
choix de représenter la
scène lors de laquelle
Médée s'envole sur son char, tandis que la regarde Jason, impuissant. Il s'agit de la scène
finale du récit. Choisir cet instant de la narration permet à l'artiste un grand travail quant aux
expressions de ses personnages. Il doit montrer les cadavres des enfants de Jason et de
Médée, la colère du héros et les sentiments tourmentés de Médée. C'est aussi une scène qui
offre à l'artiste la possibilité de représenter des créatures fantastiques, telles que sont les
dragons, mais aussi de petits Amours.
La toile a été bien reçue au Salon à en juger par la lecture des critiques de l'époque.
Baillet de Saint-Julien s'attache tout particulièrement à la figure de Médée, qu'il appelle
« l'impitoyable Médée »85, résumant fort bien sa pensée vis à vis de l’œuvre et ce qu'il attend
de l'expression de cette femme vengeresse.
Pour la seconde fois, Saint-Yves fait un commentaire positif sur l’œuvre. Il y loue à
la fois la manière dont l'artiste a placé la lumière en jouant avec les ombres, mais il éprouve
85 Ibid. : « Irritée, furieuse de son infidélité, elle poignarde les deux enfants qu'elle a eu de lui ».
50
également une grande satisfaction concernant le dessin, en particulier celui des deux
cadavres. Cependant il émet tout de même un reproche au peintre qui, selon lui, aurait dû
représenter sur le visage de Jason « la douleur, la fureur, l'horreur qu'inspire le crime […], &
on n'y trouve que le sentiment d'une douleur physique »86.
D'aucuns ont pensé que Jason était ici représenté paralysé par Médée. Christophe
Leribault précise avec justesse que Médée paralysant Jason à cet instant du récit est une
invention de Longepierre dans la version moderne de l’œuvre, datant de la fin du
e
XVII
siècle87, et n'apparaissant pas dans le texte antique. Il est difficile ici de juger le choix fait
par l'artiste, rien dans la physionomie du héros ne permettant de dire s'il est paralysé ou non.
Cela change cependant l'interprétation de son expression et la réussite ou non de l'artiste
dans la représentation du héros. De Troy est-il passé à côté de la juste douleur de Jason ou
bien l'artiste a-t-il volontairement représenté ainsi le personnage, qui paralysé, ne pouvait
exprimer librement sa colère ?
86 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 56.
87 C. Leribault, op. cit., 2002, p. 402.
51
Nicolas Delobel (1693-1763)
Né à Paris en 1693, Nicolas Delobel ou encore de Lobel pour ses contemporains,
commence son apprentissage dans l'atelier de Louis de Boullongne. En 1717, il termine
deuxième au concours du Prix de Rome et, sans essayer d'en obtenir la première place, se
présente à l'Académie où il est reçu le 27 novembre 1734 en tant que peintre d'histoire. Son
nom est aujourd'hui presque oublié.
En 1748, il expose un unique tableau, au sujet religieux, qui est destiné à orner une
église.
P28 - Annonciation :
[n° 65 : « Un Tableau ceintré, en hauteur de 9 pieds sur 8 de large, représentant une
Annonciation, pour l'Eglise Royale & Paroissiale de Passy. »]
Huile sur toile, cintrée dans sa hauteur
Environs : H. 2,7 ; L. 2,1
Paris, église Notre-Dame de Grâce de Passy
Historique : Selon les informations que possède l'église, il s'agirait d'une commande
passée par Louis XV et la marquise de Pompadour qui assistaient régulièrement à la messe
qui se tenait à Notre-Dame de Grâce de Passy lors de leurs séjours à La Muette. La toile se
trouve toujours dans l'église pour laquelle elle a été réalisée en 1748. Elle est accrochée dans
un premier temps dans le maître-autel, puis en 1847, elle est déplacée dans la Chapelle de la
Vierge. Longtemps resté anonyme, ce tableau retrouve son auteur en 1957 à la suite d'un
article publié par Hélène Adhémar dans la Gazette des Beaux-Arts88.
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447 ; Adhémar, 1957, p. 177-178, repr. p. 179
88 H. Adhémar, « Autour de quelques œuvres inédites de Delobel », in Gazette des Beaux-Arts, 1957, p. 177178.
52
Exposition : 1748, Paris, n° 65
L'auteur des Lettres écrites de
Paris à Bruxelles, qui s'exprime au
sujet du tableau, construit son
commentaire en réponse à celui de
Gougenot
qui
a
refusé
de
s'intéresser pas à l'œuvre. Selon
l'auteur
anonyme,
il
est
volontairement fait abstraction de
ce tableau qui bien que « placé pour
ne point l'être [vu], n'a pas dû
cependant
échapper
aux
yeux
perçans de ce critique sévère. […]
Le silence en ce cas est donc d'une
affectation très condamnable, et en
même tems suspecte de connivence
avec la main qui refusant à ce
Fig. P28 - Annonciation
morceau une place commode et
vacante, lui en a donné une que l'on
avait résolu d'abandonner depuis le premier Salon »89. Par ailleurs, à l'instar du critique qui
ignore le tableau, c'est au tapissier même que s'en prend ici cet amateur, lequel aurait
volontairement mis l’œuvre à un emplacement qui laisse peu loisir au public de l'admirer.
Le rédacteur de la lettre s'interroge sur le fait de priver l'artiste d'un « éloge
légitime »90. Il se demande alors si toutes les qualités que regroupe l'artiste sont ignorées car
détenues uniquement par un seul homme. Enfin, il lui semble injuste qu'un tableau destiné à
être exposé et vu par la suite, ne soit pas commenté durant le Salon, à l'inverse de petits
tableaux de cabinet qui attirent beaucoup plus l'attention, et semblent moins légitimes.
89 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 447. Si l'on en croit cet auteur anonyme il
s'agirait presque d'une cabale entre les organisateurs du Salon et la critique.
90 Ibid.
53
Jacques Dumont dit Le Romain (1701-1781)
Né à Paris en 1701, ce peintre et graveur est d'abord élève d'Antoine le Bel. Apprécié
de ses contemporains, on ne saurait comprendre pourquoi il est de nos jours oublié. Dès sa
jeunesse, il entreprend seul, par ses propres moyens, le voyage à Rome, soucieux d'acquérir
ce qui pourrait faire de lui un grand artiste. Son acharnement au travail et à l'étude lui
permet, en 1728, d'être reçu académicien. Il franchit rapidement tous les échelons de
l'Académie en étant nommé adjoint à professeur dès 1733, puis professeur en 1736. L'année
1748, un mois avant l'ouverture du Salon, il obtient le poste d'adjoint à recteur 91. Mais cette
année-là, il participe également activement à la création de l’École des Élèves Protégés, qui
ouvrira ses portes en 174992, et dont il devient gouverneur. Sa présence à l'Académie semble
toute naturelle car c'est un artiste qui aime les aspects de la peinture académique, et c'est un
goût qui se ressent dans tout son œuvre.
Loué par ses contemporains, il est peintre d'histoire, mais aussi amateur de petites
scènes de genre et en particulier de « bambochades ».
Au Salon de 1748, il n'expose pas moins de sept tableaux, dont deux fois deux
pendants. Il y mêle sujets religieux et scènes de genre, offrant ainsi au public la variété de
son talent. Tous ses tableaux ne reçoivent pas le même succès auprès des critiques dont
l'attention est surtout accaparée par les scènes religieuses. Néanmoins les tableaux exposés
semblent avoir tous été reçus avec une certaine attention.
P29 - Décollation de saint Jean-Baptiste :
[n°11 : « Un Tableau de 5 pieds 2 pouces de haut sur 3 pieds et demi de large,
représentant la Décolation de Saint Jean. En S. Matthieu, Ch. 14. »]
H. 1,7 ; L. 1,15
Localisation inconnue
91 Au Salon de 1748, La Tour expose un pastel représentant le peintre afin de célébrer sa nomination (cat.
D15).
92 Cette école, à la suite d'un projet de Coypel, a pour ambition de former de la meilleure façon qui soit les
élèves lauréats du Prix de Rome avant leur départ. Pour ce faire, les créateurs disposent d'un budget de
15 000 livres, plus 1 000 livres qui sont attribués par les Bâtiments du roi : « au S. Jacques Dumont le
Romain, peintre de l'Académie nommé pour être gouverneur de l’École des Élèves pensionnaires ».
54
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 52-53 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 6 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 97-98 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449-450 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 156 ; Adam,
1990, p. 85, cat. 36
Exposition : 1748, Paris, n° 11
Bien que le tableau ait disparu, ses dimensions approximatives nous sont connues
grâce à la description qui en est faite dans le livret. La critique du Mercure de France du
mois de septembre 1748 cite ce tableau comme étant de ceux « qui ont le plus attiré
l'attention des Connoisseurs »93. Ainsi, il n'est pas étonnant que les critiques se soient tous
attardés sur cette œuvre.
Il est curieux de voir les contradictions dans les commentaires des ceux-ci. Baillet de
Saint-Julien, qui semble conquis par cette peinture, voit le tableau comme étant « de toute
beauté » et ayant reçu de la part du public « les éloges qu'il mérite »94. Pourtant cela ne
semble pas être le ressenti de Saint-Yves qui, au nom du public, y perçoit un coloris
verdâtre, mais également une mauvaise représentation de la figure de l'Ange et un « manque
de correction » dans celle du bourreau95. Gougenot partage en partie l'avis de chacun de ces
deux critiques : il aime le dessin, qu'il juge meilleur que sur la grande majorité des œuvres
du peintre, mais déplore la couleur, et ne parvient pas plus à comprendre que le public
comment le peintre a placé sa lumière qui vient éclairer les figures de toutes parts 96. À cela,
l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles, ajoute que la seule modification
de la place du bourreau, « descendu trois doigts plus bas », permettrait de changer la
perception de la lumière qui se trouverait alors « bien entendue »97.
Ce tableau est un exemple frappant du regard différent que peuvent porter les
93 Mercure de France, op. cit., p. 156 (éd. 1970).
94 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 6.
95 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 52. L'auteur ajoute à cela que ce défaut du coloris est partagé par les
autres tableaux du même auteur exposés au Salon.
96 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 97-98.
97 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 449-450. Toutefois cette constatation est émise
pour aller à l'encontre de la remarque de Gougenot qui voudrait que le bourreau soit éclairé de façon
différente, ce qui pour l'auteur anonyme, ne serait pas correct quant à la lumière.
55
critiques sur une même œuvre et ainsi tomber en parfait désaccord. Chacun des trois grands
critiques du Salon estime parler au nom du public, et pourtant leurs conclusions sont bien
différentes. Et bien que tous s'accordent pour trouver des défauts au niveau de la couleur,
chacun y voit une raison différente.
P30 - Saint Matthieu écrivant son évangile :
[n°12 : « Un Tableau de 2 pieds 10 pouces de haut sur 2 pieds 4 pouces de large,
représentant S. Matthieu écrivant son Evangile. »]
H. 0,7 ; L. 0,68
Localisation inconnue
Bibliographie : Mercure de France, 1970, t. LV, p. 156 ; Adam, 1990, p. 86, cat. 37
Exposition : 1748, Paris, n° 12
Le tableau a disparu et les critiques ne le mentionnent pas dans leurs commentaires
du Salon. Toutefois le Mercure de France du mois de septembre 1748 le cite aux côtés de
La décollation de saint Jean (cat. P23) parmi ceux qui ont le plus attiré l'attention des
amateurs98, ce qui rend d'autant plus étonnant le fait que les critiques ne l'évoquent pas dans
leurs comptes rendus du Salon.
P31 - La Savoyarde :
[n°13 bis : « Deux Tableaux de 2 pieds de haut sur 1 pied 7 pouces de large,
représentant une Savoyarde & un Montagnard ; sous le même N°. »]
H. 0,66 ; L. 0,52
Signée le long du berceau de façon peu lisible : « du Mont 1737 »
98 Mercure de France, op. cit., p. 156 (éd. 1970).
56
Moscou, musée Pouchkine
Historique : L'attribution de ces tableaux reste très incertaine. Boris Lossky,
spécialiste de Dumont le Romain, se contredit lui-même à plusieurs reprises. Deux paires
d’œuvres sont susceptibles d'être Le Montagnard (cat. P32) et La Savoyarde de 1748. La
première d'entre elles se trouve au musée de Tours et la seconde en Russie, à L'Ermitage et
au musée Pouchkine. Pour leur part les œuvres de Tours ne sont pas signées par l'auteur,
mais les spécialistes s'accordent à les lui attribuer. Seuls des visages y sont apparents. Tandis
que la seconde paire est attribuée de façon certaine à Dumont le Romain. Ce qui laisse
toutefois un doute est la datation des tableaux de l'Ermitage et du musée Pouchkine. La
Savoyarde est datée, et bien que les chiffres soient en partie illisibles, on y discerne encore
assez bien « 1737 », nous pouvons donc largement supposer qu'ils ont tous deux été réalisés
cette année-là. Nous avons choisi de suivre cette attribution, qui est celle d'Alexandre
Benois, en 1920, lorsqu'il était
directeur de l'Ermitage, et qui
figure toujours comme telle
dans le catalogue du musée.
Boris Lossky accepte cette idée,
avec
certaines
réserves
cependant.
Le Montagnard (cat. P32)
est acquis par le musée de
l'Ermitage, en 1720, don de la
All-Russia
Society
for
the
Promotion of Arts à Petrograd.
Avant de rejoindre ce musée, le
tableau est passé tout d'abord
par la collection du marquis
Livois, à la fin du
puis
par
la
e
XVIII
siècle,
collection
Autichamp, au début du
Fig. P31 - La Savoyarde
XIX
e
siècle.
La Savoyarde se trouve,
57
quant à elle, au musée Pouchkine à Moscou.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 98 ;
Lossky, 1964, p. 230 ; Lossky, 1978, p. 213-219 ; Adam, 1990, p. 87, cat. 38
Œuvres en rapport : Pendant de l’œuvre, Le Montagnard (cat. P32), exposé au
même Salon.
La peinture et son pendant sont gravés à l'eau-forte par le peintre lui-même, puis les
gravures sont achevées par Daullé en 1739.
Expositions : 1748, Paris, n° 13 bis ; 1922-1925, Pétrograd
Les critiques du Salon de cette année 1748 n'ont malheureusement pas fourni
d'éléments de description des deux œuvres. Néanmoins Gougenot mentionne dans son
commentaire que ces deux toiles ont été fort bien reçues fixant « l'attention de plus d'un
Amateur »99. Mais pour l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles ces deux
tableaux ne sont pas ceux qui font le plus honneur au peintre et ce n'est « pas par là qu'il
louerait un grand peintre »100.
P32 - Le Montagnard :
[n°13 bis : voir cat. P31]
Huile sur toile
H. 0,66 ; L. 0,52
Signé en haut à droite (illisible)
Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage (Inv. Г϶ 3546)
Historique : Voir cat. P31
99 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 98.
100« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 450. En comparaison, il préfère admirer les deux
tableaux suivants, Repos d’Égypte (cat. P33) et Saint Jean prêchant au désert (cat. P34).
58
Bibliographie : « Lettre sur la
peinture,
la
sculpture... »,
1748
(rééd.1972), p. 98 ; Lossky, 1964,
p. 230, repr. p. 234 ; Lossky, 1978,
p. 213-219
; Adam,
1990,
p. 89,
cat. 39 ; Nemilova, 1986, p. 86, cat. 83,
repr.
Œuvres en rapport : La
Savoyarde (cat. P31) exposée au même
Salon, pendant de l’œuvre.
La peinture et son pendant sont
gravés à l'eau-forte par le peintre luimême, puis les gravures sont achevées
par Daullé en 1739.
Fig. P32 - Le Montagnard
Exposition : 1748, Paris, n° 13 bis
Voir notice cat. P31.
P33 - Repos d’Égypte :
[n°14 bis : « Deux Tableaux de huit pouces, ronds, représentans un Repos d'Egypte,
& un Saint Jean qui prêche au Désert ; sous le même N°. »]
Toile ronde d'un diamètre de 0,216
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 450 ; Adam, 1990, p. 90, cat. 40
59
Exposition : Paris, 1748, n° 14 bis
L'amateur auteur des Lettres écrites de Paris à Bruxelles reproche aux critiques du
Salon de ne pas avoir commenté ces deux œuvres. Selon lui, pour faire honneur au peintre,
il faudrait admirer « sans restriction son Saint Jean prêchant dans le désert ainsi que son
pendant » qui présentent un beau rendu dans le dessin et illustrent la touche de l'artiste.
P34 - Saint Jean qui prêche au désert :
[n°14 bis : voir cat. P33]
Toile ronde d'un diamètre de 0,216
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P33
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 450 ; Adam, 1990, p. 91, cat. 41
Exposition : 1748, Paris, n° 14 bis
Voir notice cat. P33.
P35 - Fileuse et son enfant :
[n°15 : « Un Tableau de 17 pouces de haut sur 15 pouces de large, représentant une
Fileuse & son Enfant. »]
H. 0,46 ; L. 0,4
60
Localisation inconnue
Bibliographie : Adam, 1990, p. 92, cat. 42
Exposition : 1748, Paris, n° 15
C'est la seule des œuvres exposées par le peintre cette année-là qui ne suscite aucun
commentaire de la part de la critique, tant négatif que positif, et qui semble être passée
inaperçue.
61
Noël Hallé (1711-1781)
Issu d'une grande dynastie d'artistes, Noël Hallé est le fils de Claude-Guy Hallé et le
petit-fils de Daniel Hallé101, mais il est aussi le beau-frère de Jean Restout à partir de 1729,
puisque l'une de ses sœurs épouse le peintre. Il est né à Paris le 2 décembre 1711. Son goût
pour les arts est chose naturelle dans le milieu au sein duquel il évolue. Il commence par
étudier l'architecture avec son père, vers laquelle il a été poussé, avant de se tourner par la
suite vers la peinture. Son voyage à Rome se fait en 1737, juste après avoir eu la possibilité
de se rendre en tant que visiteur au premier Salon annuel, précurseur d'une longue série. En
Italie, il suit l'enseignement de Jean-François De Troy, complétant ainsi sa formation entre
les mains de l'un des plus grands maîtres de son temps. Il rentre à Paris en 1744, après avoir
fait preuve de très nombreuses qualités, notamment en culture classique, et ayant intégré peu
de temps avant son retour, l'Académie littéraire des Arcades à Rome.
En France, il se présente à l'Académie de Peinture et de Sculpture dont il est agréé le
25 juin 1746 et reçu académicien le 31 mai 1748, peu de temps avant l'ouverture du Salon.
Seulement quelques semaines plus tard, au mois de juillet, il sera nommé adjoint à
professeur, et dès octobre professeur en remplacement de Charles Parrocel. Il progresse au
sein de l'Académie tout le long de sa carrière, et en 1775, en devient directeur.
Il présente au Salon de 1748 cinq peintures qui vont toutes recevoir, à l'exception de
La Dispute de Minerve et de Neptune, un grand nombre d'éloges de la part des salonniers,
bien que l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles ne partage pas ces
opinions102. C'est à ce Salon, auquel il expose pour la première fois, que commence pour lui
une belle carrière couronnée de succès.
P36 - La Dispute entre Minerve et Neptune :
[n°48 : « Un grand Tableau, représentant la Dispute de Neptune & de Pallas. »]
101 N. Willk-Brocard, Une dynastie: Les Hallé, 1995. Cet ouvrage est celui nous ayant permis de trouver des
renseignements afin d'établir cette biographie non exhaustive.
102 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 451. L'auteur conseille au peintre de « reprendre
son dessin et sa couleur qu'il avait apporté de Rome ». Et ajoute à cela que Hallé « fils et petit fils de grand
peintre, plein de talent et de savoir […] fera mieux quand il voudra ».
62
Huile sur toile
H. 1,565 ; L. 1,975
Paris, musée du Louvre (Inv. B 643)
Historique : En 1747, le peintre Noël Hallé présente à l'Académie une esquisse de
La Dispute de Minerve et de Neptune, afin de proposer la toile en tant que morceau de
réception. Les membres du jury le lui accordent et lui laissent six mois pour réaliser la toile
en grand format. Il achève et présente cette dernière en 1748 et est reçu sur ce morceau le 31
mai103. Le tableau entre ensuite dans la collection de l'Académie des Beaux-Arts, avant de
faire l'objet d'une saisie révolutionnaire en 1'an 1794 104. La peinture est ensuite envoyée à
Versailles, au musée spécial de l’École Française, puis au musée Napoléon, et à Compiègne.
Elle fait un premier passage au Louvre entre 1832 et 1837, avant de rejoindre la collection
du château de Fontainebleau où elle reste jusqu'en 1889, avant de réintégrer le Louvre, où
elle se trouve encore, sous le numéro.
Bibliographie
Saint-Yves,
:
1748,
p. 35 ; Chennevières,
1853,
p. 372
Montaiglon,
p. 112
;
;
1885,
Fontaine,
1910,
t. II,
p. 146,
n° 81
;
Willk-
Brocard,
1995,
p. 372-373,
N 31, repr. p. 171
cat.
et
p. 372
Fig. P36 - La Dispute entre Minerve et Neptune
Œuvres
en
103 A. de Montaiglon, Procès-Verbaux de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, 1648-1793. 17451755, t. VI, 1885, p. 112. La réception est mentionnée dans les procès-verbaux de l'Académie : « Le sieur
Noël Hallé […] a présenté à l'assemblée le taleau qui lui avoit été ordonné pour sa réception, dont le sujet
représente la Dispute de Neptune et de Minerve ».
104 La toile est citée dans l'inventaire des collections de l'Académie établi par Fontaine.
Voir A. Fontaine, Les collections de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, 1910.
63
rapport : Trois esquisses préparatoires, réalisées sur toiles, reprenant la composition de
l’œuvre, ne laissant paraître que peu de changements, ont été effectués avant la version
définitive de la toile. L'une dont la localisation est à ce jour inconnue, la seconde se trouvant
dans une collection privée et la dernière à Gray, au musée Baron Martin.
Exposition : 1748, Paris, n° 48
C'est un tableau au rendu très moderne qu'expose Noël Hallé et ce, malgré son sujet
antiquisant105. En effet, les lignes sont courbes, les mouvements amples et les drapés
généreux, rien n'est figé dans cette représentation. Le ton de la querelle est vite donné par les
attitudes des deux figures principales qui se répondent, ayant chacune un mouvement allant
dans une direction opposée tout en se faisant face. La composition pyramidale ajoute une
hiérarchie, plaçant Minerve au sommet, mais rappelle aussi la fonction des divinités car
Neptune, dieu des eaux, n'aurait pas sa place dans les airs. Leurs attributs sont clairs, le
trident pour l'un, Neptune, et le casque pour la seconde, Minerve, déesse de la guerre.
La critique ne s'attarde guère sur cette toile, seul Saint-Yves se montre relativement
sévère envers le jeune peintre. Il juge cette œuvre trop violente, et elle est effectivement très
mouvementée, mais également trop proche d'une étude académique 106. Il semble oublier
qu'il s'agit d'un morceau de réception qui, tenu de présenter les aspects particuliers qui sont
attendus de l'Académie, ne peut être de composition trop libre.
Pourtant, malgré une critique négative et le peu d'intérêt qui lui fut accordé en 1748,
ce tableau reste, de nos jours, connu comme l'une des œuvres les plus fameuses de Noël
Hallé.
P37 - Joseph accusé par Putiphar :
[n°49 : « Autre de même grandeur, représentant Joseph accusé par Putiphar. »]
105 Le sujet est tiré de récits de la mythologie. On le retrouve notamment chez Ovide (Métamorphoses, t. VI,
70-82) ou bien dans l’œuvre d'Apollodore et encore chez Hérodote. Afin de nommer la capitale de
l'Attique, les dieux procèdent à un combat entre deux d'entre eux, Minerve et Neptune, dont le vainqueur
offrira son nom à la ville. Minerve l'emporte, et son nom grec étant Athéna, la cité porte désormais le nom
d'Athènes.
106 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 35.
64
Huile sur toile
H. 1,40 ; L. 1,655
Chicago, university of Chicago, David and Alfred Smart Gallery (1974.116)
Historique : Le tableau est exposé en 1748, mais a été exécuté des années
auparavant, à Rome, donc avant 1744107. On le retrouve à la vente après décès de l'artiste le
2 juillet 1781 (n° 21) qui précise le lieu de réalisation du tableau : « tableau composé de 4
figures; il a été fait à Rome ». Il ne trouve probablement pas acquéreur puisque madame
Hallé en fait cadeau à son fils Jean-Noël en 1785. Puis après être passée par la vente Petin à
Paris en 1972, la toile est acquise en 1974 par l'Université de Chicago à la David and Alfred
Smart Gallery à laquelle il a été donné par le Mark Morton Memorial Fund.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 106107 ; Rosenberg, 1976, p. 51, cat. 45, repr. p. 151 pl. 67 ; Willk-Brocard, 1995, p. 362,
cat. N 13, repr. p. 363
Œuvres
en
rapport
:
Deux
esquisses,
sur
toile,
dont l'une a disparue et
l'autre n'est à ce jour
pas localisée.
Copie du
siècle
XVIII
e
peut-être
réplique d'atelier, dont
la
localisation
inconnue,
est
ayant
figurée dans une vente
en 1985.
Autre copie du
XVIII
e
siècle, également
Fig. P37 - Joseph accusé par Putiphar
107 N. Willk-Brocard, op. cit., 1995, p. 362. L'auteur émet l'hypothèse que Noël Hallé se soit souvenu d'un
tableau sur le même thème réalisé par Charles Coypel et exposé au Salon de 1737.
65
non localisée, dont la dernière apparition date de 1989 lors d'une vente Sotheby's (n° 180).
Expositions : 1748, Paris, n° 49 ; 1974, Londres, n° 19 ; 1975-1976, ToledoChicago-Ottawa, n° 45 ; 1987-1988, Rochester-New Brunswick-Atlanta, n° 26 ; 2011,
Chicago
Cette toile met en scène l'histoire de Joseph et de Putiphar. L'artiste y place quatre
protagonistes, chacun d'une grande expressivité, qui animent la toile par leurs mouvements
et positions. Tout se dirige vers la figure de Joseph, qu'il s'agisse des mouvements des bras
de Putiphar et de sa femme, accusateurs, du regard vil de la suivante agenouillée,
manipulatrice, ou de la lumière, émanant du coin en haut à gauche, qui vient éclairer
directement ce visage contrit. C'est donc tout naturellement sur lui que se posent les yeux
des spectateurs, après que leur regard soit passé sur toute une gamme de sentiments divers
allant de la cruauté, et de la traîtrise à la culpabilité. Comme le remarque Nicole WillkBrocard dans sa notice de l’œuvre, la scène est extrêmement théâtrale, et fait ressortir toute
l'influence qu'a pu avoir Jean-François de Troy sur le peintre, maître dans ce type de
compositions108.
La critique se montre très éloquente vis à vis de cette toile et en fait l'éloge. Chaque
détail mis en œuvre par l'artiste est reconnu et apprécié. Gougenot expose même un résumé
de l'action qui se déroule, montrant à quel point Noël Hallé a su rendre la justesse des
expressions de chacun des personnages dans le rôle qu'il occupe. Il ne manque pas de
rappeler que les salonniers ont jugé médiocre le morceau de réception de l'artiste, présenté à
ce même Salon (cat. P36). Le critique achève son heureux commentaire sur le souhait que
le peintre ne se relâche pas dans son art : « on ne peut trop inviter M. Hallé à ne point laisser
ralentir un si beau feu », et lui rappelle tout de même de porter plus d'attention au coloris, ce
qui semble lui être si souvent reproché109.
108 Ibid., p. 363. Elle rappelle que, de même que de Troy est extrêmement apprécié à cette époque, le premier
peintre du roi, Charles Coypel, est dramaturge et par conséquent lui-même très axé sur le théâtre. C'est
donc un tableau qui rassemble d'importants aspects susceptibles de plaire à la cour. Est-ce là une volonté
affichée de l'artiste, ou bien a-t-il été influencé par ce qui se faisait de mieux de son temps ?
109 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 106-107. Plusieurs lignes sont consacrées à ce tableau, montrant toute
l'attention qui lui est porté, et contrastant vivement avec d'autres œuvres du même artiste qui sont passées
sous silence.
66
P38 - Hercule et Omphale :
[n° 50 : « Autre plus grand, représentant Hercule et Omphale. »]
Huile sur toile
H. 2,403 ; L. 1, 620
Localisation inconnue
Historique : De même que le tableau représentant Joseph accusé par Putiphar (cat.
P37), la toile a été exécutée quatre années auparavant lors du séjour à Rome du peintre. Elle
est annoncée à la vente après décès de Noël Hallé en 1781, sous le numéro 25, avec des
détails concernant sa réalisation et ses dimensions : « Ce tableau d'une riche composition a
été peint à Rome en 1744 […]. H. 7
pieds 5 p. ; L. 5 pieds. T. ». En 1782
a lieu le Salon de la Correspondance
où est exposée la toile mentionnée
comme
appartenant
à
Madame
Hallé. Puis, le tableau est donné au
fils de Noël Hallé, en 1783. C'est à
partir de ce moment là que se perd
la trace de l’œuvre.
Bibliographie : Saint-Yves,
1748, p. 35 ; « Réflexions sur
quelques
circonstances... », 1748
(rééd. 1972), p. 11-12, « Lettre sur
la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd.
1972),
Brocard,
p. 105
1995,
;
Willk-
p. 361-362,
cat. N 12
Fig. P38* - Hercule et Omphale
67
Œuvres en rapport : Tableau sur le même sujet, peut-être une esquisse, datant de
1743-1744, conservé dans une collection privée. Le tableau est coupé dans la hauteur.
Gravure de Patour, qui fut élève de Noël Hallé, probablement exécutée peu avant
1770. Considérée comme la base la plus fidèle de ce qu'était la peinture du Salon de 1748
(fig. P38*).
Expositions : 1748, Paris, n° 50 ; 1782, Paris, n° 92
La description que nous proposerons ici, pour tenter de nous représenter ce qu'ont pu
admirer les visiteurs de l'exposition de 1748, ne peut se baser que sur la gravure réalisée par
Patour, vingt ans après l'exposition, ainsi que sur les commentaires des critiques 110. La
structure pyramidale présente trois personnages, Hercule, Omphale et un petit Amour qui
vient s'insérer au groupe. Ils occupent la quasi totalité de l'espace de la toile. En arrière plan,
se distingue un fond de ciel ainsi que le haut d'une architecture qui pourrait être une arène
antique. Les personnages sont nus, recouverts de draperies qui préservent leur pudeur.
Malheureusement, la gravure ne permet pas de se représenter les couleurs employées par le
peintre, toutefois les contrastes d'ombre et de lumière semblent très marqués.
Les critiques sont mitigés quant à cette toile, jugeant positivement certains aspects
tandis que d'autres leur déplaisent fortement. Baillet de Saint-Julien, qui bien que trouvant la
toile d'une belle composition, reproche au peintre la figure d'Hercule, dont il aurait attendu
une attitude toute différente. Les couleurs lui déplaisent autant que l'expression
« maussade » du héros, qui, de plus, semble en position d'infériorité face à Omphale. Malgré
ces reproches, le critique, dans ce même texte, fait cas, en s'exprimant au nom du public, du
grand succès que l'artiste s'apprête à recevoir dans sa carrière, car dans ses œuvres se
trouvent de « grandes beautés »111.
Le personnage d'Omphale subit également quelques commentaires négatifs, tant de
la part de Gougenot, que de Saint-Yves. Le premier la trouve trop allongée et le visage
manquant de volume112, tandis que le second y voit un « manque d'éclat dans les chairs »113.
Ces deux critiques se rejoignent car si l'artiste s'était plus attaché au rendu de la peau de sa
figure féminine, la rondeur et la volupté qu'est en mesure d'attendre le public, auraient été
110 Nous pouvons supposer, sans certitude cependant, que la gravure est en sens inverse de la toile, comme il
est de coutume.
111 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit.,1748, p. 12.
112 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 105.
113 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 35.
68
mieux rendus. Seule la figure de l'Amour est exempte de toute critique et est même
complimentée car étant, selon Saint-Yves, toujours dans sa critique du tableau, « de la plus
grande vérité ».
Ainsi, c'est une œuvre qui est relativement appréciée – notons que Saint-Yves
commence par l'évoquer comme étant « d'un dessein fier, & d'une couleur mâle »114 –
présage de la future carrière de l'artiste. Les critiques y notent les défauts, mais ne peuvent
toutefois manquer les grandes aptitudes d'artiste de Noël Hallé.
P39 - Sainte Famille :
[n°51 : « Autre plus petit, représentant une Sainte Famille. »]
Huile sur toile
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 35
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 11 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 162 ; WillkBrocard, 1995, p. 374, cat. N 32
Exposition : 1748, Paris, n° 51
Il est aisé d'imaginer le type de représentation qui figure sur cette toile, le thème de
la Sainte Famille étant très exploité dans le domaine des arts, et notamment de la peinture.
Mais pourtant, il est impossible de se rendre compte de la manière dont Noël Hallé s'est
approprié ce sujet. C'est une œuvre qui est, au même titre que Joseph accusant Putiphar
(cat. P37), toutes deux à caractère religieux, fort appréciée. C'est surtout Baillet de SaintJulien qui en fait tous les éloges, considérant que le tableau fait à l'auteur un « honneur
infini », et y trouvant toutes les qualités les plus appréciables, il y voit un « bon tableau,
goût, dessin, coloris », et l'artiste peut se féliciter de susciter de tels compliments 115. Saint114 Ibid.
115 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 11.
69
Yves présente un propos bien plus modéré, trouvant ce tableau d'une « grande manière »
mais la couleur trop absente, créant du tort au rendu général du tableau 116. Le compte rendu
du Mercure de France fait une critique très élogieuse de l’œuvre pour laquelle il semble que
le « Peintre ait emprunté le pinceau du Guide », qualifiant ainsi presque de divine la main du
peintre pour ce tableau117.
Encore une fois, Noël Hallé prouve son talent au public qui pourrait presque en
oublier le faux-pas de son morceau de réception (cat. P36).
P40 - Tête de vieillard :
[n°52 : « Une Tête de Vieillard, peinte d'après nature. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 35 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 106 ; Willk-Brocard, 1972, p. 374, cat. N 33
Exposition : 1748, Paris, n° 52
Malheureusement pour l'artiste, dont la première œuvre exposée au Salon a reçu si
peu de gloire, la dernière de ses œuvres, dans l'ordre d'apparition du livret, vient entacher les
excellentes critiques qui ont été faites sur ses autres tableaux. Il s'agit d'une simple tête de
vieillard qui a été réalisée d'après-nature, et dont le modèle n'est pas précisé, nous laissant
proposer l'hypothèse d'une étude plus que d'un portrait fini. Nicole Willk-Brocard y voit à
nouveau l'influence de De Troy118.
Ce petit tableau n'est pas apprécié par les salonniers. Gougenot ne trouve cette figure
« ni intéressante, ni assez faite » et juge sévèrement l'artiste qui, en tant que peintre
116 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 35.
117 Mercure de France, op. cit., p. 162 (éd. 1970).
118 N. Willk-Brocard, op. cit., 1995, p. 374. De Troy a été professeur de Noël Hallé durant son séjour romain,
et cette influence se fait sentir sur une autre de ses œuvres exposée au Salon en 1748, Joseph accusé par
Putiphar (cat. P37).
70
d'histoire, se doit de donner plus de caractère à ses visages lorsqu'il souhaite prouver sa
facilité à peindre119. Saint-Yves, quant à lui, reproche au peintre le manque de mollesse du
visage du vieil homme120.
119 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 106.
120 C. L. de Saint-Yves, op. cit., p. 35.
71
Pierre-Nicolas Huilliot (1674-1751)
Cet artiste, sur lequel nous disposons de très peu de sources, est né à Paris en 1674. Il
est reçu à l'Académie en 1722 en tant que peintre de natures mortes. Le dictionnaire sur les
peintres du
XVIII
e
siècle rédigé par Bellier de la Chavignerie et Auvray, publié en 1822, ne
fait pas mention du fait qu'Huilliot ait exposé en 1748.
Pourtant, l'artiste présente deux peintures à ce Salon, toutes deux sous le même
numéro, dont il a été impossible de retrouver la trace pour l'instant, et dont la critique ne fait
pas de description. Les deux tableaux sont fort mal reçus et Gougenot ne pèse pas ses mots
en donnant son avis sur leur exposition.
P41 - Fontaine ornée de guirlandes et de fleurs :
[n° 117 : « Deux Tableaux de 3 pieds sur 2, représentant des Fontaines ornées de
Guirlandes de Fleurs, & de quelques Animaux à plumes & à poil. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Les deux tableaux (cat. P41 et P42) sont exposés sous le même
numéro, et il n'est mentionné nulle part qu'il s'agit de pendants. Nous pensons qu'ils n'en
sont pas car la particule « bis » ne fait pas suite au numéro.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 115 ;
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 452
Exposition : 1748, Paris, n° 117
Gougenot, qui déprécie de façon très affirmée ces deux œuvres, se demande
comment on peut « admettre dans un Salon aussi bien composé ces sortes de peintures au
72
vernis »121. Il semble alors que, pour le critique et sa verve acérée, le peintre ne soit pas
digne de telles expositions tant ses œuvres sont médiocres aux yeux du critique.
Toutefois, un grand détracteur de Gougenot, auteur anonyme de Lettres écrites de
Paris à Bruxelles, prend ici le parti de défendre l'artiste qui, s'il a été choisi pour exposer
cette année-là, et ce malgré le nouveau jury instauré, mérite sa place comme tout membre de
l'Académie. Néanmoins, l'auteur ne veut pas se faire uniquement défenseur et modère son
propos en ajoutant que bien que ces tableaux aient « sans doute des beautés [ils] ne sont pas
sans défauts »122.
P42 - Animaux à plumes et à poils :
[n°117 : voir cat. P41]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P41
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 115 ;
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 452
Exposition : 1748, Paris, n° 117
Voir notice cat. P41.
121 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 115.
122 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452. C'est un commentaire qui est fait de façon
commune aux œuvres de Huilliot et à celles d'Antoine le Bel (voir cat. Peinture).
73
Jacques Lajoue (1687-1721)
Ce peintre, né à Paris en 1687123, est connu pour son œuvre considérable de peintures
représentant des architectures et des paysages. Son père, issu du milieu de l'architecture et se
définissant lui-même comme architecte, est en réalité plus probablement maître-maçon.
Le peintre est reçu à l'Académie en 1721, mais ne participe jamais aux séances qui y
sont tenues. Son nom est très peu mentionné dans les registres et documents de l'Académie.
Il reste relativement méconnu, victime de son statut de « peintre d'architecture de paysage »
qui est celui de son morceau de réception et qui le cantonne à un genre que son époque
peine à définir au sein de la hiérarchie des genres.
L'ouvrage monographique de Marianne Roland-Michel, publié en 1784, le classe
comme un artiste de style « Rocaille », justifiant le choix de ce style par une acceptation du
terme en tant que « forme rocheuse, déchiquetée et irrégulière »124, qui est un aspect
poignant de l’œuvre du peintre, excellant dans l'invention d'architectures, mais aussi de
paysages et de dispositifs de cascades. Ses peintures présentent un grand exotisme et un réel
effort d'invention et prouvent aussi à la fois son talent de peintre et celui d'architecte.
En 1748, il présente un unique tableau. Il a pour habitude d'exposer au Salon, sans
qu'à l'époque, son nom ne soit jamais mentionné ailleurs que dans les Livrets. Cette année
1748, le critique Baillet de Saint-Julien écrit quelques lignes très heureuses sur l’œuvre qui
lui est présentée, et qui sont tout à l'honneur de l'artiste. C'est la première fois que son nom
apparaît réellement dans une critique de Salon.
P43 - Palais orné de sculptures :
[n°63 : « Un Tableau en hauteur de 5 pieds sur 4, représentant un Palais orné de
Sculpture. Dans le fond du Tableau, on voit un Escalier qui conduit sur une Terrasse
près d'un Canal environné de Cascades, & sur le devant des Figures. »]
123 M. Roland Michel, Lajoüe et l'art Rocaille, 1984, p. 14. L'auteur suppose l'année de naissance de l'artiste
comme étant 1786, en raison de son acte de décès, en avril 1761, sur lequel il apparaît âgé de 74 ans et 5
mois. Cependant, les deux dates sont très proches et nous avons fait ici le choix de conserver celle de
Bellier de la Chavignerie, dans son Dictionnaire des artistes de l’École Française..., de 1979.
124 Ibid., p. 20.
74
H. 1,62 ; L. 1,30
Localisation inconnue
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 7
; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p.
448 ; Roland Michel, 1984, p. 52-54 et p. 222, cat. 188
Exposition : 1748, Paris, n° 63
La description de ce tableau, comme le constate Marianne Roland Michel, peut
s'adapter à la quasi totalité de l’œuvre de Jacques Lajoue125. Il est donc très difficile, les
œuvres n'étant pas toutes datées, de savoir de laquelle il s'agit. La seule particularité, qui
permet d'éliminer une part de l’œuvre du peintre, est que le tableau de 1748 n'est pas en
longueur, comme une grande majorité des toiles de l'artiste, mais en hauteur.
Pour la première fois depuis 1725, un critique prend le parti de commenter le tableau
de Lajoue. Il s'agit de Baillet de Saint-Julien qui apprécie beaucoup les peintures de cet
artiste. Il reproche au tapissier de ne pas avoir mis en valeur l’œuvre de ce peintre qui, s'il
avait été placé dans un endroit plus visible, « assurément n'y eut rien perdu »126. Marianne
Roland Michel part de ce constat pour émettre l'hypothèse qu'à cette période artistique ce
type de tableau peut ne plus être très en vogue127.
Un amateur anonyme auteur de trois lettres ne tarit pas d'éloges sur cette œuvre, ni
même sur l'artiste qui selon lui « excelle dans son genre » et dont la « fécondité de son
génie » sert d'inspiration aux bijoutiers de l'époque qui y puisent leur inspiration pour
« donner à leurs ouvrages la perfection, le goût et la variété qui animent le commerce ». Cet
avis général sur l’œuvre de l'artiste conduit l'amateur anonyme à reprocher à Gougenot de
ne pas avoir commenté le « seul tableau que l'on a permis à ce peintre d'exposer ». De plus,
il considère qu'ignorer ce tableau revient à priver le public de l'opinion qu'il pourrait se
forger par lui-même128.
125 Ibid., p. 52. Elle cite même la description du livret de 1748 comme un « modèle d'imprécision ».
126 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 7.
127 M. Roland Michel, op. cit., 1984, p. 54.
128 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 448.
75
Antoine Le Bel (1705-1793)
Ce peintre très méconnu est né en 1705 à Montrot. Il est peintre de paysages, statut
qu'il obtient en 1746 lorsqu'il est reçu académicien.
Au Salon de 1748, il envoie sept tableaux. Malgré ce grand nombre d’œuvres la
critique reste peu éloquente. Et seul Saint-Yves montre sa satisfaction quant aux tableaux
que présente l'artiste. Baillet de Saint-Julien ne trouve pas la disposition de ses tableaux
« suffisamment variée », et n'est pas plus conquis par la couleur trop faite d'empâtements129.
Le fait que Gougenot ignore totalement le peintre n'est pas pour plaire à l'auteur des
Lettres écrites de Paris à Bruxelles, pour qui, si l'artiste a été reçu au Salon, c'est pour son
mérite, au même titre que tout autre académicien130 et il ne doit pas être délaissé.
P44 - Mer calme :
[n° 73 bis : « Deux petites Marines, l'une représente un Calme, l'autre une Mer
agitée ; sous le même N°. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 105
Exposition : 1748, Paris, n° 73 bis
Saint-Yves émet un avis très positif concernant ces deux tableaux. Ils sont pour lui la
preuve d'un « très habile homme ». Et il semblerait, selon son commentaire, que ces deux
marines aient également beaucoup plu au public131.
129 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 29.
130 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452. Le commentaire s'applique également aux
œuvres exposées par le peintre Huilliot (voir cat. Peintures). L'amateur y précise néanmoins que les
tableaux, qui ne sont pas sans beauté, possèdent tout de même des défauts.
131 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 105.
76
P45 - Mer agitée :
[n° 73 bis : voir cat. P44]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P44
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 105 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... »
(1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 452
Exposition : 1748, Paris, n° 73 bis
Voir notice cat. P44.
P46 - Paysage avec un moulin :
[n° 74 bis : « Deux Tableaux de même grandeur, l'un représente un Paysage où paroît
un Moulin, l'autre un Cabaret des environs de Surenne ; sous le même N°. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 106
Exposition : 1748, Paris, n° 74 bis
Grâce à Saint-Yves, nous pouvons avoir une idée de la façon dont était agencé ce
tableau. Au centre de la composition se trouve un moulin, entouré d'eau de laquelle émane
77
une vapeur très légère. Le critique compare le peintre à Le Lorrain, duquel il s'approcherait
s' « il y rejoignait un peu plus la mollesse dans le pinceau »132.
P47 - Cabaret des environs de Suresne :
[n° 74 bis : voir cat. P46]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 74 bis
Saint-Yves s'est attaché à commenter le pendant de l’œuvre, Paysage avec un moulin
(cat. P46), mais ne mentionne pas ce tableau-ci dans sa critique.
P48 - Ruine :
[n° 75 : « Autre plus petit représentant une Ruine. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 106
Exposition : 1748, Paris, n° 75
Les autres œuvres exposées par le peintre cette année-là sont très appréciées de la
critique et du public, mais selon Saint-Yves, cette Ruine a été encore mieux reçue133.
132 Ibid.., p. 106.
133 Ibid.
78
Toutefois le critique ne nous renseigne pas plus par son commentaire sur le tableau.
P49 - Chaumières :
[n° 76 : « Autre, représentant trois Chaumieres, d'après nature. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 76
79
Pierre Le Sueur (1715-1786)
Petit neveu du très célèbre peintre Eustache Le Sueur, Pierre Le Sueur est né en 1715
à Paris et mort en 1786 dans la ville de Bordeaux. Il est peintre d'histoire et de portraits,
mais semble plus connu pour ces derniers, même si son nom n'est jamais réellement passé à
la postérité. C'est un artiste qui reste encore beaucoup trop méconnu de nos jours.
Il est agréé de l'Académie en août 1740 et reçu académicien en 1747.
Au Salon de 1748, il expose deux portraits dont la critique ne parle que très
brièvement. L'absence des noms des modèles rend très difficile l'identification de ces deux
portraits, et les tableaux ne sont, à ce jour, pas retrouvés. Le critique Baillet de Saint-Julien
le compare à un autre portraitiste du Salon, Jacques-André-Joseph Aved (voir cat.
Peintures), et trouve aux œuvres de Le Sueur « un plus grand air de vérité » ainsi qu'une
chair « mieux exprimée »134. Saint-Yves ne commente pas en détail les portraits exposés par
le peintre mais lui conseille de « bannir une teinte légère de jaune, comme aussi de répandre
plus de molesse dans leurs ajustemens »135.
P50 - Portrait d'une femme :
[n° 90 : « Le Portrait de Madame *** appuyée sur un Carreau, tenant un Livre. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 93
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 4 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 120
Exposition : 1748, Paris, n° 90
134 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 4.
135 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 93.
80
Malheureusement la description du livret préserve l'anonymat du modèle et l’œuvre
n'a, de nos jours, pas été retrouvée.
Le critique Gougenot loue la façon dont le peintre a différencié les étoffes dans ce
portrait136. On peut aisément imaginer un portrait intime, montrant une femme dans son
quotidien, adonnée à une activité de lecture.
P51 - Portrait d'une femme :
[n° 91 : « Autre Portrait de Madame ***, les mains dans son Manchon. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie :
Saint-Yves, 1748, p. 93 ; « Réflexions
sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 4
Exposition : 1748, Paris, n° 91
La description du livret soulève une question. S'agit-il d'un portrait représentant le
même modèle ? Ou bien le terme « autre » est-il imputable uniquement au fait qu'il s'agit à
nouveau d'un portrait ? Nous ne pouvons apporter de réponse à cette question mais il est
intéressant de se demander si un artiste aurait exposé deux portraits du même modèle,
effectués au même moment. Rien dans la critique, toutefois, ne va dans le sens de cette idée.
136 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 120.
81
Joseph-François ou Francisque Millet (1697-1777)
Ce peintre est né à La Fère en 1697 et mort en 1777 à Versailles. Il est peintre de
paysages mais aussi maître à dessiner des pages de la reine. Il se présente à l'Académie et en
est agréé le 24 juillet 1733. Puis, il est reçu académicien le 27 novembre de l'année suivante.
Au Salon de 1748, il expose un paysage. Son tableau n'intéresse pas la critique, ce
que déplore fortement l'auteur anonyme de Lettres écrites de Paris à Bruxelles, qui reproche
particulièrement à Gougenot d'avoir oublié – volontairement – certains peintres qui pourtant
n'étaient pas « indignes de son attention »137.
P52 - Paysage orné de figures et animaux :
[n° 64 : « Un Paysage, orné de Figures & d'Animaux. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 64
137 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 447.
82
Charles-Joseph Natoire (1700-1777)
Ce peintre nîmois, né en 1700, redécouvert au milieu du
e
XX
siècle grâce aux
publications de Ferdinand Boyer, est de son temps l'un des peintres les plus renommés de
l'Académie. Natoire est considéré au
e
XVIII
siècle comme le rival de Boucher, bien que les
deux hommes soient, par ailleurs, amis. Il nous est difficile de percevoir pleinement ce talent
en raison de la disparition d'un grand nombre de ses œuvres majeures, en particulier le grand
décor de la Chapelle des Enfants Trouvés, réalisé en 1750.
En 1721 il est reçu premier Prix de Rome, et durant ce séjour romain, obtient celui
de l'Académie de Saint-Luc. Il séjourne sur le sol italien entre 1723 et 1729. Son retour en
France est couronné de succès et de commandes. Il est reçu académicien le 31 décembre
1734 et est nommé professeur en 1737. Sa plus haute distinction sera le directorat de
l'Académie de France à Rome entre 1751 et 1774. Outre ses grands programmes décoratifs,
il expose régulièrement aux Salons dès leur réhabilitation en 1737. Il présente en moyenne
deux à trois œuvres par an.
Au Salon de 1748, il n'expose qu'un tableau, dont le sujet est religieux. Cette œuvre
intéresse fortement les salonniers et les critiques qui laissent un très grand nombre de
commentaires. Le peintre est reçu avec beaucoup d'éloges, et ne faillit pas à la réputation
qu'il a acquise à l'époque138.
P53 - Le martyre de saint Ferréol :
[n° 21 : Un grand Tableau de 21 pieds de long sur 20 de hauteur, représentant le
martyre de Saint Ferreol. Il étoit Tribun Militaire dans les Troupes que les Empereurs
Diocletien & Maximien entretenoient à Vienne en Dauphiné, dont Chrispin étoit
Gouverneur. Saint Ferreol fut envelopé dans l'horrible persecution qu'on fit des
Chrétiens dans toute l'étenduë de l'Empire Romain, par l'ordre de ces cruels
Empereurs. Chrispin fit mettre en Prison notre Saint; après avoir employé, pour le
séduire, les caresses les plus flatteuses, & les tourmens les plus vifs, il le condamne
au supliche. La veille du jour qu'il devoit y être conduit, les chaînes tombent d'elles 138 « Lettre écrite de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 450. L'auteur, pour sa part, tend à considérer que
ce tableau « n'arrêtera personne ».
83
mêmes, la Prison s'ouvre miraculeusement, le Saint en sort. Les Soldats qui le
gardoient, se partagent pour le poursuivre; il est arrêté aux environs du Rhône. On le
lie, et dans ce moment de trouble, le Saint uniquement occupé de la récompense
glorieuse qui l'attend, rempli de foy & d'espérance, reçoit la Couronne du Martyre
par les mains d'un de ces Soldats, qui, plein d'un faux zele pour ses dieux, lui coupe
la tête sans ordre, dans l'instant qu'il arrive de différens endroits des Officiers & des
Soldats qui le chechoient aussi. On voit dans le même Tableau des Femmes
Chrétiennes, qui, méprisant le danger qui les menace, rendent gloire à Dieu, & lui
demandent avec ferveur de participer aux mêmes graces que le Saint. Ce Tableau est
destiné pour Marseille, & doit être placé dans l'Eglise Paroissiale de Saint Ferreol.]
Huile sur toile
H. 6,50 ; L. 6,82
Marseille, église des Augustins Saint-Ferréol
Historique : Le tableau a été réalisé pour l'église Saint-Ferréol de Marseille, au sein
de laquelle il est inventorié en 1791. L'église ayant été détruite par la suite, le tableau est
transféré dans une autre église de la ville, celle des Augustins, qui ajoutera à son nom
« Saint-Ferréol ». Cependant, le tableau n'y a jamais été exposé.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 33-34 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 10 et p. 28 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 101-102 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 450 ; Boyer, 1945, p. 414, cat. 9 ; Boyer, 1949, p. 35, cat. 9 ;
Mercure de France, 1970, t. LV, p. 160
Œuvre en rapport : Esquisse au lavis, se trouvant dans une collection particulière à
Marseille.
Exposition : 1748, Paris, n° 21
84
À l'instar du rédacteur du livret, cette toile suscite de nombreux commentaires. La
grande composition, nous le savons grâce aux critiques, tient une place considérable lors de
l'exposition. Sa grande taille ne lui permet pas d'être ignorée. La scène est divisée en
différents groupes, le principal étant celui du saint martyr et de ses bourreaux, les soldats,
prêts à l'achever. Le peintre agrémente la toile de groupes de personnages secondaires,
comme celui des femmes pieuses, ou encore celui des anges. De ce dernier groupe constitué
de petits anges, se détache un ange plus grand, descendant du ciel pour apporter la palme139.
Baillet de Saint-Julien passe, à l'inverse de Saint-Yves et Gougenot, très rapidement
sur ce qu'il appelle cette « grande machine ». Pour lui, bien que l’œuvre n'ait pas de grand
défaut notable, elle n'est pas du registre de Natoire qui « est le tendre et le gracieux, & non
pas les boucheries de Saints »140. Toutefois, le critique ajoute dans une note, que s'il se voit si
prompt à émettre des reproches à ce grand artiste, c'est qu'il sait pouvoir être en mesure d'en
attendre beaucoup car les « fautes des grands hommes sont plus pernicieuses »141.
Ce qui ressort des autres critiques est avant tout une distinction entre le dessin du
peintre et son coloris. Le premier est unanimement apprécié tandis que le second est quelque
peu déploré. Ce qui plaît aux critiques, tant à Saint-Yves qu'à Gougenot, c'est la grande force
que met le peintre dans cette scène dont les caractères semblent être si bien exprimés. Les
représentations du martyr et de sa foi sont louées par les critiques qui y voient un véritable
talent autant dans le dessin que dans la façon de saisir la narration. Gougenot y perçoit
« l'intrépidité et la confiance avec laquelle un martyr doit recevoir la mort »142 tandis que
pour Saint-Yves il s'agit d'une « foi vive, fermeté inébranlable d'un soldat qui combat pour
Jesus-Christ »143. Cependant, ce commentateur acerbe qu'est Gougenot, n'ayant pas pour
habitude de se censurer, note quelques défauts au niveau de la composition. Selon lui, le
soldat qui se trouve prêt à achever le saint « n'a pas le mouvement qu'exige une telle
action ». Le critique est également insatisfait de la grande figure d'ange qu'il juge « trop
longue »144. Le compte rendu publié par le Mercure de France en septembre 1748 prend le
139 C'est une description que nous avons pu établir grâce aux commentaires de Saint-Yves et de Baillet de
Saint-Julien.
140 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 10. Pour autant, le critique ne juge pas le tableau mal
réalisé. Il cite Rousseau pour justifier son opinion : « Finalement il ne lui manque rien;/ Hors un seul point,
& quoi? Le don de plaire ».
141 Ibid., p. 28.
142 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 101.
143 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 33.
144 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 101-102. Le critique achève ce commentaire par le fait que « malgré les
défauts que l'on y découvre, M. Natoire conserve toujours sa supériorité du côté du dessin, et n'y laisse pas
douter que cet ouvrage ne soit parti de la main d'un de nos meilleurs maîtres ». Ainsi, par cette phrase,
Gougenot rappelle tout de même que Natoire est un grand peintre, et que les défauts qui habitent cette
grande composition ne font pas de lui un moindre maître.
85
parti d'admirer le dessin sans mentionner le coloris145.
Les critiques s'attachent à commenter tous les éléments de l’œuvre ; de ce fait, ils
n'omettent pas le coloris. Longtemps blâmé à ce sujet, le peintre semble, pour Saint-Yves,
s'être nettement amélioré de ce point de vue, sans pour autant avoir atteint le niveau
escompté par ses admirateurs. Pour le critique, cette toile « annonce en lui un coloriste qui le
disputera bientôt aux meilleurs que notre nation ait eus »146. Gougenot n'en apprécie pas la
lumière qui y est partout « trop égale », et pèche sur le coloris. Ce dernier en est alors
« plombé », car un grand tableau comme celui-ci « aurait exigé, pour l'effet, des masses plus
décidées »147.
Il est également intéressant de se poser la question du livret et de cette longue
description qui y est offerte. C'est un cas unique en 1748, et nul autre tableau, quand bien
même religieux, ne se voit honorer d'un si grand nombre de lignes. Pourquoi Reydellet,
rédacteur du livret, s'est-il laissé aller à publier un si long commentaire sur cette œuvre ?148 Il
ne donne pas d'avis critique sur le tableau, car ce n'est pas son rôle, mais se contente d'un
rappel quant à l'histoire de ce saint. Nous ne pouvons qu'émettre des suppositions et il
pourrait aussi bien s'agir d'une crainte, peut-être émise par l'artiste, que le sujet ne soit pas
assez bien compris du public, car peut-être trop peu connu, que d'un goût plus personnel de
Reydellet pour cet épisode, hypothèse qui semble toutefois moins probable149.
145 Mercure de France, op. cit., p. 160 (éd. 1970) : « tous les bons juges ont applaudi particulierement à la
partie du desseing ».
146 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 34.
147 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 101.
148 Le livret est rédigé en fonction des remarques des artistes et des rectifications qu'ils souhaitent y apporter.
Ce n'est pas le rédacteur seul qui choisit les descriptions et explications.
149 Les critiques ont beaucoup reproché aux artistes d'avoir besoin du livret pour combler un manque de
talent. Manque qui empêcherait le public de reconnaître le sujet sans avoir la nécessité de recourir aux
explications.
86
Jean-Marc Nattier (1685-1766)
Le catalogue de l'exposition qui tint place à Versailles au musée national en 1999,
consacrée à l’œuvre de Nattier, est un excellent moyen de se familiariser avec la biographie
et l’œuvre de l'artiste150.
C'est à Paris qu'est né, le 16 mars 1685, le peintre Jean-Marc Nattier. Il montre, dès
son plus jeune âge, un intérêt affirmé pour l'art de la peinture. Son père, lui-même agréé de
l'Académie depuis 1685, l'envoie très rapidement chez Jean Jouvenet, son parrain, afin que
celui-ci lui enseigne l'art de peindre. Et c'est ainsi que, dès 1715, ses aptitudes grandissantes
pour cet art lui valent, de la part du roi lui-même, cette petite phrase « Monsieur, continuez à
travailler ici et vous deviendrez un grand homme ». Ces quelques mots en disent long sur la
façon dont Nattier était perçu en son temps. Il est reçu académicien en 1718, alors qu'il est à
peine âgé de trente ans, puis en 1746, il est nommé adjoint à professeur pour exercer cette
charge en 1747 à la place de Bouchardon, place qu'il occupera finalement le 31 décembre
1748. Le 3 août 1748, l'artiste est nommé pour faire partie du nouveau jury, instauré par la
direction de Lenormant de Tournehem, afin de décider quelles œuvres pourront figurer ou
non au Salon annuel, auquel il participera lui-même. Il obtient le statut de professeur
quelques années plus tard, en 1752. Sa réception à l'Académie se fait en tant que peintre
d'histoire, et pourtant, ce sont les portraits qui contribueront à sa postérité.
Le Salon de 1748 ne contredit pas cette image de portraitiste, puisque les quatre
œuvres présentées par le peintre sont des portraits de la famille royale et de la cour. Depuis
1720, l'artiste a perdu toutes ses économies dans les actions de Law et est donc contraint par
le besoin de répondre à la commande, abondante, en peignant alors les plus éminentes
figures de la cour de Louis XV. L'œuvre de ce peintre constitue l'une des sources les plus
fécondes sur l'histoire de Versailles. Les quatre tableaux seront reçus par la critique avec
beaucoup d'éloges151. Saint-Yves fait mention d'un cinquième portrait, représentant Mlle
Coraline152, actrice de la comédie italienne, qui aurait été présenté au Salon mais ne figure
pourtant pas au livret, et dont les divers ouvrages que nous avons pu consulter sur l'artiste
stipulent qu'il ne fut pas exposé.
P54 - Madame Louise à Fontevrault :
150 X. Salmon, Jean Marc Nattier 1685-1766, 1999.
151 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 117. Gougenot écrit quelques lignes sur Nattier qui « mérite à juste titre
d'être le peintre du beau sexe. Il continue toujours d'être également goûté de la cour et du public. »
152 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 92.
87
[n° 45 : « Le portrait des deux Dames de France, qui sont à l'Abbaye de Fontevrault ;
Madame Louise tenant des Fleurs. Madame Sophie tenant son Voile. »]
Huile sur toile
H. 82,2 ; L. 66
Signé et daté à mi-hauteur à gauche : « Nattier Pinxit/ 1748 »
Versailles, musée national des Châteaux et de Trianon (Inv. MV 4428)
Historique : Au mois
de septembre 1747, le peintre
est requis pour réaliser les
portraits de trois filles de
Louis XV,
à
l'abbaye
Fontevrault,
de
Mesdames
Victoire, Louise et Sophie. Ils
sont tous trois cités dans
l'inventaire
des
tableaux
commandés par la direction des
Bâtiments du roi, publié par
Engerand
en
1901153.
Le
paiement des trois portraits est
effectué en date du 27 juin
1750, et comprend, comme
stipulé dans le récapitulatif des
sommes dues, tant l'exécution
Fig. P54 - Madame Louise à Fontevrault
des œuvres que les frais de
voyage, puisque l'artiste a dû quitter Paris pendant un certain temps afin de réaliser ces
œuvres.
En effet, depuis 1738, les princesses avaient dû quitter la cour de Versailles et leur
mère154. Le roi, soucieux de contenter son épouse, demande donc au peintre de se rendre à
153 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 14.
154 C'est une décision qui a été prise par le cardinal Fleury. Les jeunes filles ont, à l'époque, chacune leur
propre maison, serviteurs et femmes de chambre, ce qui risque alors, selon lui, de causer du tort au roi et à
la reine, en embarrassant la cour et en étant la cause de dépenses inutiles. Elles quittent donc la cour le 16
88
l'abbaye de Fontevrault, afin de faire une surprise à la reine155.
Suite au Salon de 1748 où ils figurent, les portraits sont probablement exposés dans
les appartements de Versailles mais ne s'y trouvent plus en 1755, puisque le 28 janvier de
cette même année, le Dauphin demande à ce que les œuvres soient transférées à la
surintendance du château où elles resteront peu de temps, renvoyées dès le 10 février dans
les magasins. Tout comme le portrait de Marie Leczinska (cat. P56), on peut supposer que
les œuvres sont de celles qui furent emportées, en juillet 1794, au Muséum National de
Versailles. Puis en 1855, elles sont citées par Eudore Soulié comme se trouvant dans les
Galeries historiques de Versailles. Mais les modèles de ces portraits ne sont alors plus
identifiés ; il faut attendre 1895 pour que Pierre de Nolhac leur restitue leurs identités156.
Concernant les restaurations et modifications apportées aux toiles, les trois portraits
ont été revernis et dépoussiérés en 1966, après avoir été rentoilés en 1894, et la couche
picturale a été restaurée en 1995. De plus, il faut noter que le portrait de Madame Louise fut
agrandi sur ses quatre côtés au cours du
e
XIX
siècle et reste de forme ovale au moins jusqu'en
1932.
Ils figurent désormais tous au musée national de Château et de Trianon à Versailles.
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 92
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 14 ; Nolhac, 1895, t. I, p. 457-468, repr. p. 465 ;
Engerand, 1901, p. 334-336 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 163 ;
Salmon, 1999,
cat. 51, repr., p. 195
Œuvres en rapport : Les portraits de Mesdames Cadettes furent utilisés par les
peintres du cabinet du roi pour des réalisations de compositions différentes :
Le visage de Madame Sophie fut repris pour une toile la montrant en vestale,
conservée au Château de Versailles. Cette représentation fut par la suite objet d'une petite
copie de format ovale encore non attribuée157.
Celui de Madame Louise est dans une œuvre la représentant en costume de cour,
juin 1738. Néanmoins, la reine parvient à garder auprès d'elle Madame Adélaïde grâce à l'entremise d'une
gouvernante. L'une des princesses, Madame Félicité, meurt au cours du mois de septembre 1744, sans
jamais avoir revu ses parents.
155 X. Salmon, op. cit., 1999, p. 191. L'auteur fait bien la distinction d'une commande qui est passée « non pas
en souverain mais en père et en époux attentionné ».
156 P. de Nolhac, « Nattier, peintre de Mesdames, filles de Louis XV », in Gazette des Beaux-Arts, 1895, p.
458. Il réattribue les portraits, puisque les princesses ont été longtemps « confondues non seulement entre
elles, mais encore avec les vraies princesses du sang ».
157 Dans une vente le 30 novembre 1971, à Paris, au palais Galiéra, le tableau est attribué à Marianne Loir.
89
conservée au Château de Versailles. Mais également dans un portrait en buste de Delaroche
en 1752.
Mais furent également effectuées de nombreuses copies :
Madame Sophie fut l'inspiration d'un pastel, qui se trouve en Amérique Centrale et qui est
cité aux archives du Château de Versailles, mais également d'une toile qui passa en vente le
14 décembre 1986 à Roubaix, ainsi que d'une copie vendue à New York par Christie's le
25 octobre 1988, et une vendue par Sotheby's les 19 et 20 juillet 1990.
Le portrait de Madame Louise donna lieu a une copie de format ovale figurant dans
une collection particulière anglaise.
Expositions : 1748, Paris, n° 45 ; 1932, Londres, n° 221
Si la critique ne s'attarde pas sur la ressemblance de ces portraits, c'est probablement
parce que les visages des princesses, ayant quitté Versailles depuis longtemps, n'étaient pas
connus des gens de la cour. La critique, se contentant de louer les aptitudes de peintre de
Nattier, est la même pour les portraits de Mesdames et pour celui de la reine 158. Dans son
commentaire, Baillet de Saint-Julien s'en tient à mentionner la couleur, qui n'est pas ce qu'il
a apprécié dans les portraits159.
Les jeunes princesses sont représentées à la manière habituelle de l'artiste, le visage
empli de grâce et d'une délicatesse enfantine 160. La touche est légère et le rendu du portrait
présente un savant mélange de texture lisse en ce qui concerne la peau et d'une touche plus
vaporeuse pour la dentelle des tissus. La comparaison des portraits laisse apparaître deux
visages différents : l'artiste n'a donc pas choisi un type de représentation mais s'est attaché à
donner aux modèles le plus de vérité possible161. Le talent avec lequel il embellit ses figures
de parures et beaux vêtements sans pour autant ne jamais tomber dans l'excès est tout à fait
admirable et témoigne de la manière de l'artiste. Par exemple, Madame Louise porte dans
ses cheveux des fleurs, dont les couleurs s'accordent à celles de sa robe. L'artiste n'a pas
158 Voir cat. P69
159 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 14 : « […] ne me plaisent point pour la couleur [...] ».
160 P. de Nolhac, op. cit., 1895, p. 465. Il reproche à Nattier une tendance continuelle à vieillir ses jeunes
modèles et à rajeunir ceux plus âgés. Il serait néanmoins hasardeux de se prononcer de la sorte ici, aucun
commentaire n'ayant été fait en ce sens.
161 X. Salmon, op. cit., 1999, p. 191. L'artiste, lors de son séjour à l 'abbaye, s'est certainement contenté de
représenter les visages des princesses, puisque, le 12 octobre 1747, se sont ses « préparations » et non les
œuvres achevées qui sont présentées à la reine. Ainsi, il aurait ajouté les attitudes et les vêtements par
la suite.
90
besoin de bijoux pour mettre son modèle en valeur ; en ce sens, il se rapproche de ce que
l'on peut imaginer être les aspirations d'une jeune fille non soucieuse de richesse mais plutôt
de la nature. Des fleurs se retrouvent également dans le portrait de Madame Sophie, qui ne
les porte plus dans sa coiffe, mais en guirlande le long de sa robe. En s'adaptant ainsi aux
modèles, l'artiste offre une identité à chacune d'entre elles.
Elles sont toutes deux représentées sur un fond bleu, avec quelques notes de jaune
pour le portrait de Madame Louise et de gris pour celui de Madame Sophie. En arrière plan,
l'artiste place quelques feuillages, donnant l'impression que les portraits ont été exécutés
dans la nature.
Le Mercure de France n'évoque que ces deux portraits de l'artiste et ce, en des
termes extrêmement flatteurs : « Ceux des deux Dames de France qui sont à l'Abbaye de
Fontevrault, peints par M. Nattier, ont captivé tous les suffrages par leur finesse et par leur
agrément », rendant ainsi hommage à l'application du peintre162.
La reine fut extrêmement touchée et admirative de ces portraits, et on lui doit ce
commentaire, que cite Salmon163 : « Les deux aînées sont belles réellement, mais je n'ai
jamais rien vu de si agréable que la petite ; elle a la physionomie attendrissante et très
éloignée de la tristesse; je n'en ai pas vu une si singulière ; elle est touchante douce et
spirituelle »164.
P55 - Madame Sophie à Fontevrault :
[n° 46 : voir cat. P54]
Huile sur toile
H. 81,1 ; L. 64
Signé et daté en bas à droite : « Nattier Pinxit/ 1748 »
Versailles, musée des Châteaux et de Trianon (Inv. MV 4429)
Historique : Voir cat. P54
162 Mercure de France, op. cit., p. 163 (éd. 1970).
163 Ibid., p. 194.
164 La reine, en parlant de la cadette, fait allusion au portrait de Madame Sophie (cat. P55).
91
Bibliographie
Saint-Yves,
:
1748, p. 92 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972),
p. 14 ; Soulié, 1880, cat. 4458 ;
Nolhac,
1895,
t. I
p. 457-468
;
Engerand, 1901, p. 334-336 ; Salmon,
1999, p. 193, cat. 50, repr.
Œuvres en rapport : Voir cat.
P54
Expositions : 1748, Paris, n° 46 ;
1932, Londres, n° 221
Fig. P55 - Madame Sophie à Fontevrault
Voir notice cat. P54.
P56 - Marie Leczinska, reine de France :
[n° 44 : « Le portrait de la reine. »]
Huile sur toile
H. 1,38 ; L. 1,07
Signé et daté en bas à droite sur le marbre de la console : « Nattier pinxit 1748 »
Versailles, musée National des Châteaux et de Trianon
Historique : Le tableau est réalisé par Nattier en avril 1748, à Versailles, à la suite
d'une commande passée par la reine elle-même, impressionnée par les portraits qu'il a
réalisés de ses filles peu de temps auparavant (cat. P54 et P55). Les archives nous
permettent de savoir que Nattier, en plus de ce portrait exposé au Salon, en a réalisé deux
autres identiques. Ils sont tous trois cités dans l'inventaire des tableaux commandés par les
92
Bâtiments du Roi, publié par Fernand Engerand165.
En 1760, l’œuvre se trouvait à la surintendance de Versailles, puis elle a été
probablement transférée en juillet 1794166, après avoir servi un an de modèle à la
manufacture des Gobelins167, au Muséum national de Versailles. Au début du
XIX
e
siècle
l’œuvre se trouvait au Louvre mais elle va très vite réintégrer Versailles, puisqu'elle y est
mentionnée dès 1827. C'est le lycée Hoche, à Versailles, qui aura l'honneur de sa possession
entre 1836 et 1908, date à laquelle l’œuvre est redécouverte puis transférée au Musée
National des Châteaux et de Trianon (Inv. MV 5672).
Le tableau fait l'objet de plusieurs restaurations, en 1966 et 1969, et d'une
restauration plus complète ainsi qu'un rentoilage en 1984. Il convient également de signaler,
tout comme le fait Salmon168 dans son ouvrage, que la notoriété de ce portrait en fait l'une
des œuvres les plus copiées de l'artiste.
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 92
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 14 ; Mantz, 1894, p. 106 ; Engerand, 1901, p. 323 et
p. 336 ; Salmon, 1999, p. 199, cat. 52, repr. ; Cat. expo. Madame de Pompadour et les arts,
2002, p. 174, cat. 46, repr. p. 175
Œuvres en rapport : Dès 1748, l'artiste lui-même est enjoint d'en exécuter deux
copies : « […] deux copies de même grandeur expressément recommandées par la Reine
audit sieur Nattier pour être faites par lui même, dont une a été donnée à M. le comte de
Maurepas et l'autre à M. Paris du Verney. »169
Le 27 juin 1763, lors de la dispersion de la collection réunie par l'artiste, apparaît un
dessin du tableau. Selon Salmon, il s'agirait probablement de celui qui figura à Paris entre le
5 et le 8 avril 1784, lors d'une vente organisée par le marquis de Montmorency-Laval.
Il serait vain de tenter de faire une liste, trop exhaustive, de toutes les copies qui
furent exécutées d'après cette œuvre. En effet, durant un siècle, plus d'une dizaine de copies
furent réalisées170.
165 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 15.
166 X. Salmon, op. cit., 1999, p.198, en 1794, quatre-vingt-huit œuvres y sont envoyées et parmi celles-ci
« des originaux de Van Loo, Nattier et autres... ». Il est possible que notre tableau ait fait partie de ces
peintures.
167 Ibid. En 1768, le marquis de Marigny ordonne que certains tableaux soient prêtés et ce, durant un an, à la
manufacture sous la direction de Pierre-François Cozette, pour pouvoir servir de modèles.
168 Ibid.
169 F. Engerand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la direction des Bâtiments du Roi ( 17091792 ), 1901, p. 336.
170 X. Salmon, op. cit., 1999, p. 200. L'auteur propose une liste également incomplète mais plus fournie que la
93
Il paraît néanmoins important de citer deux œuvres gravées, puisque la gravure est le
moyen de diffusion ayant, en partie, permis la notoriété de ce portrait. Tout d'abord une
gravure effectuée en 1755 par Jacques-Nicolas Tardieu171, puis une deuxième de PierreAdrien Le Beau en 1774172. Toutefois, signalons que de nombreuses autres gravures furent
effectuées entre les deux sus-citées.
Expositions : 1748, Paris, n° 44 ;
1937, Versailles, n° 160 ; 19541955, Londres, n° 464 ; 19621963,
Chicago-Toledo-Los
Angeles-San Francisco, n° 72 ;
1980-1982, Paris, s. n. ; 19931994, Barcelone, s. n. ; 19992000, Versailles, n° 52 ; 20022003,
Versailles-Munich-
Londres, n° 46
Ce tableau, que Mantz
qualifie comme l'un « des chefsd’œuvre de Nattier »173, est le
souhait d'une reine de France,
lassée
Fig. P56 - Marie Leczinska, reine de France
présent,
d'un
protocole
aspirant
à
trop
être
représentée non plus comme
reine mais comme une femme, en
habits quotidiens. Ainsi, Marie Leczinska est montrée vêtue d'une robe de velours rouge,
garnie de fourrure, et ornée de dentelle aux emmanchures et au col. La touche de l'artiste
rend un parfait hommage à la délicatesse des tissus, ce qui peut expliquer aisément pourquoi
tant de femmes tenaient à être portraiturées par lui. De plus, la façon dont est peint le visage
de la reine donne le sentiment d'une femme épanouie et heureuse, vaquant à ses pensées ;
nôtre, avec également des informations sur l'historique de certaines copies et gravures.
171 Estampe conservée au château de Versailles, albums Louis-Philippe 64/18. C'est celle-ci qui, la première,
popularisa le tableau.
172 Cette deuxième estampe figure dans une collection particulière.
173 P. Mantz, « J.-M. Nattier », in Gazette des Beaux Arts, 1894, p. 106
94
celle-ci interrompt une lecture, qui est celle des Évangiles174, pour détourner le regard, et
ainsi ne se trouve pas face au public qui admire la toile. Son teint clair, presque translucide,
et ses joues rosies sont la marque du savoir-faire de Nattier. Peu d'éléments, à première vue,
permettent de supposer qu'il s'agit là d'une personne royale, si le sujet n'est pas connu par
avance. Mais, en regardant plus attentivement la toile, divers attributs de la royauté
apparaissent tels que les fleurs de lys et le fond bleu du siège de la reine, ainsi que le sceptre
royal posé sur la console sur laquelle celle-ci s'appuie. De plus, elle porte une parure de
bijoux, témoin d'une grande richesse, et sur laquelle se reconnaît l'effigie de saint Jean
Népomucène175, c'est-à-dire le saint pour lequel la reine de France eut, au cours de sa vie,
une dévotion très marquée. En faisant ce choix de représentation, l'artiste et le modèle
permettent au peuple de pénétrer dans la vie plus intime de leur reine, et de découvrir une
tout autre image que celle des portraits officiels : l'image d'une femme comme les autres, et
non plus seulement une épouse royale.
La critique reçut avec grand plaisir ce portrait inhabituel, en exceptant le reproche de
Baillet de Saint-Julien, selon qui le portrait aurait pu être plus ressemblant 176. Retenons ici le
commentaire de Saint-Yves177 qui, sans s'attacher au portrait pour lequel le peintre « n'avait
besoin que d'être vrai »178, en profite pour faire un éloge des aptitudes de Nattier à
représenter les femmes :
[…] on est point étonnés qu'elles aiment se faire peindre par lui: personne n'a le don de les faire
plus ressemblantes, et n'est plus heureux dans le choix de leurs attitudes et de leurs airs de têtes
toujours gracieux : il semble que l'amour conduise son pinceau. Les grâces […] embellies par lui,
deviennent même si touchantes, que souvent la vue du portrait achève en nous ce que la vue de la
personne n'avait commencé. 179
Il serait difficile d'ajouter quoi que ce soit à ce commentaire qui nous semble une juste
vision des portraits de l'artiste, aisément applicable à ce tableau.
Le peintre ne différencie pas sa façon de représenter la reine de celle dont il use pour
les dames de la cour ; il n'essaie pas de l'idéaliser, ni de lui conférer une quelconque image
politique de propagande royale. C'est sans aucun doute l'une des raisons pour lesquelles
l'épouse royale fit appel à lui, ne voulant plus mettre en avant son image publique,
remplacée ici par celle de son quotidien.
174 X. Salmon, op. cit., 1999, p. 199. C'est du moins l'ouvrage mentionné dans le catalogue de Xavier
Salmon.
175 Ibid., p. 197
176 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 14
177 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 92
178 Ibid.
179 Ibid.
95
Il semblerait que le choix de la reine pour ce peintre fut alors très heureux, tant pour
l'image qu'elle souhaitait véhiculer de sa personne, que pour la notoriété même du peintre,
qui immortalise la figure dans un portrait qui est désormais connu de tous, et est resté l'une
des images les plus populaires de Marie Leczinska.
96
Donatien Nonotte (1708-1785)
Donatien Nonotte, plus connu sous le nom de Donat Nonotte, est né en 1708 à
Besançon. Il commence son apprentissage artistique auprès de son oncle avant de se rendre
à Paris. Il entre dans l'atelier de Lemoyne qui le fait travailler, en compagnie du peintre Noël
Hallé, à des œuvres décoratives. Il devient également, à la même époque, protégé du duc
d'Antin, jusqu'à la mort de celui-ci en 1754. Il décide alors de s'établir à Lyon où il fonde et
devient directeur d'une école de peinture gratuite dont le modèle fort apprécié se verra imité
dans toute la Province.
Il intègre l'Académie le 26 août 1741 en tant que peintre de portraits. Son art encore
très empreint de la peinture du siècle précédent en fait un artiste peu connu au sein de la
capitale mais très apprécié des provinciaux.
Au Salon de 1748, il envoie deux portraits, dont l'un n'est autre que celui de son
frère, l'abbé Nonotte. C'est la seule des deux peintures présentées par l'artiste qui intéresse
les commentateurs du Salon.
P57 - Portrait d'un gentilhomme :
[n° 71 : « Un grand Portrait, jusqu'aux genoüils, de M.*** dans son Cabinet. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 71
P58 - Portrait d'un religieux :
[n° 72 : « Celui d'un Religieux, Frere de l'Auteur, représentant l'Etude. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
97
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 93
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 6-7 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 118-119
Exposition : 1748, Paris, n° 72
Le portrait a pour modèle le frère du peintre, religieux, assis à une table, la tête
appuyée sur sa main droite, et occupé à l'étude d'un manuscrit.
Les commentaires des critiques concernant ce portrait sont, sans être élogieux, assez
positifs. Gougenot déplore le fait que le peintre, malgré son activité et la création de son
école à Lyon, ne montre pas de plus grands progrès dans la pratique de son art. Le critique
admet cependant que ce Portrait d'un religieux est « une des plus belles choses qu'on ait
encore vûes de ce peintre »180. Saint-Yves, pour sa part, considère que l'utilisation faite par le
peintre de la lumière est celle qui est nécessaire à un tel tableau. Toutefois, il n'est pas
entièrement satisfait du dessin « auquel il manque un peu plus d'art » tout en concédant à
l'artiste la beauté de la représentation des mains du modèle181.
Mais celui qui est le plus apte à juger de ce portrait, ou du moins à en apprécier la
ressemblance est, sans aucun doute, Baillet de Saint-Julien. En effet, ce religieux a autrefois
été son préfet, et le critique, très certainement ému, compose un poème sur ses sentiments
devant ce portrait182. Et, s'il est aussi touché, c'est que le critique y voit une très forte
ressemblance, à tel point « qu'on y est trompé », faisant resurgir en lui les sentiments de son
passé183.
180 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 118-119.
181 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 93. Selon le critique, pour réussir ce type de peinture il faut « étendre
la lumière qui éclaire, et lui opposer de fortes ombres ».
182 Le poème est retranscrit en Annexe 10.
183 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 6-7.
98
Jacques-Charles Oudry (1720-1778)
Jacques-Charles Oudry est né à Paris entre 1722 et 1723. Il n'est autre que le fils de
Jean-Baptiste Oudry, l'un des plus illustres peintres du
e
XVIII
siècle. Cette filiation entraîne
malheureusement un certain désintérêt pour Jacques-Charles Oudry, qui reste dans les
esprits de tous, un fils avant d'être un artiste à part entière. Pourtant, il tient beaucoup de la
manière de son père et démontre un aussi grand talent dans ses peintures animalières. Il
s'approche cependant peut-être même trop de son père, et bien souvent, ses œuvres sont
indifféremment attribuées à « Oudry » sans qu'aucune distinction soit faite quant au prénom.
Nous ne savons pas s'il reçoit uniquement l'enseignement de ce père artiste ou s'il fait peutêtre un bref passage dans l'atelier de Largillière.
Il se présente à l'Académie et en est agréé le 25 février 1748, puis, reçu académicien
seulement quelques mois plus tard, à savoir le 31 décembre de la même année.
Le jeune artiste expose au Salon dès son agrément et envoie en 1748 pas moins de
cinq tableaux destinés à être exposés au Louvre. Son père est également présent cette annéelà au Salon, mais Jacques-Charles Oudry ne laisse pas pour autant la critique indifférente et
celle-ci lui reconnaît des qualités certaines. Si les commentateurs ne s'arrêtent pas sur ses
œuvres en particulier mais plutôt sur leur impression générale quant à la manière de l'artiste,
c'est pour lui faire des éloges des plus agréables. Pour un amateur anonyme auteur de lettres,
la vue des œuvres d'Oudry fils « console par les grandes espérances qu'il donne »184 et, selon
Saint-Yves, il est le seul à pouvoir égaler son père 185. Cette belle considération est également
partagée par le Mercure de France qui considère que le jeune peintre « marche sur les traces
de son pere »186. Mais le plus beau compliment lui vient sans conteste de Baillet de SaintJulien lorsqu'il écrit ceci : « Le meilleur ouvrage de M. Oudry [Jean-Baptiste Oudry] & dont
on n'a point parlé, est sans contredit M. son fils »187.
184 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452.
185 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 107.
186 Mercure de France, op. cit., p. 164 (éd. 1970).
187 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 28. Le critique ajoute à cela que le fils tient énormément des
leçons de son père, tout en gardant sa manière propre, et « il serait injuste de vouloir dans sa composition le
même feu, & on ne doit pas exiger à la fois tant de prodiges ».
99
P59 - Instruments de musique :
[n° 104 : « Un Tableau de 5 pieds sur 4, représentant des Instruments de Musique ;
appartenant à l'Auteur. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 104
P60 - Chien flairant le gibier :
[n° 105 : « Autre de même grandeur, représentant un Chien flairant du Gibier, &
auprès un Fusil ; appartenant à M. le Bel, Premier Valet de Chambre du Roy. »]
Dimensions inconnues
Collection particulière
Historique : Nous savons par la description du livret que, dès 1748, ce tableau
appartenait au premier valet de chambre de Louis XV. Désormais, il se trouve dans une
collection particulière.
Exposition : 1748, Paris, n° 105
P61 - Lièvre et perdrix attachés à un tronc d'arbre :
[n° 106 : « Autre plus petit, représentant un Lievre & une Perdrix attachez à un tronc
d'Arbre ; appartenant à l'Auteur. »]
H. 0,81 ; L. 0,64
Signé en bas à droite : « J. C. oudry filius/ 1748 anno/ vigentisimo quinto »
100
Collection particulière
Historique : Ce tableau, de nos jours
dans une collection particulière, appartenait
à l'auteur de son vivant. Il possède un
pendant,
se
trouvant
dans
la
même
collection, intitulé Chien barbet attaquant
un canard.
Bibliographie : Cailleux, 1981
Exposition : 1748, Paris, n° 106
Fig. P61 - Lièvre et perdrix attachés à
un tronc d'arbre
P62 - Fruits :
[n° 107 : « Autre représentant des Fruits ; au même. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 107
P63 - Vase auquel est attaché du gibier :
[n° 108 : « Autre de même grandeur, représentant un Vase auquel est attaché du
Gibier, à l'Auteur. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
101
Exposition : 1748, Paris, n° 108
102
Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)
Ce peintre est l'un des artistes les plus connus du
XVIII
e
siècle188. Il est né en 1686, à
Paris, d'un père lui-même peintre. Il démontre dès sa plus tendre enfance de véritables
aptitudes pour le dessin. Il est d'abord placé dans l'atelier de Largilliere puis, en 1708, est
envoyé à l'Académie de Saint-Luc par son père, qui en est le directeur, et où il est reçu sans
présenter de morceau de réception. Après en être devenu professeur en 1717, il se présente
la même année à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, dont il est agréé le 26 juin.
Il est reçu deux ans plus tard, en février 1719, en tant que peintre d'histoire. Il franchit
ensuite les échelons au sein de l'Académie et est nommé adjoint à professeur en 1739, puis
professeur, après que Jean-François de Troy ait démissionné en 1743.
Son œuvre est extrêmement abondante. Il est connu pour ses représentations de
chasses, de portraits animaliers, et ses natures mortes. Son succès n'est plus à démontrer et
s'étend, dès le
e
XVIII
siècle, jusqu'aux cours étrangères. Il est souvent appelé à la cour de
Louis XV pour peindre les chiens des meutes royales, mais également divers animaux qui
peuvent être saisis durant les chasses du roi. Ce qui fait en grande partie son succès est le
grand réalisme dont ses œuvres font preuve, allié à un talent certain. Il s'attache également à
exposer de façon régulière aux Salons de l'Académie.
En 1748, c'est l'artiste qui expose le plus de tableaux, juste après le pastelliste La
Tour. Ses œuvres sont au nombre de quatorze et remportent un franc succès auprès du public
et de la critique. Tout plaît dans ses tableaux, autant le paysage que les animaux. Les
critiques commentent les œuvres dans leur globalité, et très peu des tableaux exposés sont
mentionnés individuellement. Pour Gougenot, le peintre mérite d'être placé au rang de
peintre d'histoire malgré les sujets de ses tableaux qui n'entrent pas dans cette catégorie189.
P64 - Oiseau de proie et perdrix :
[n° 22 : « Quatre Tableaux d’environ 5 pieds de large sur 4 de hauteur, faits pour M.
de Trudaine, pour être posez dans son Château de Montigny ; représentans
188 La bibliographie à son sujet abonde. Nous nous sommes servis ici tout particulièrement de l'ouvrage
monographique publié en 1930 par J. Vergnet-Ruiz, ainsi que du catalogue raisonné par J. Locquin paru en
1912.
189 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 110
103
Un Chien en arrêt sur des Faisans, dont un pintelé.
Un Barbet qui surprend des Canards.
Un Oyseau de proye qui enleve une Perdrix, & d’autres épouvantées.
Un Renard qui tient un Coq, & une Poule qui veut défendre ses Poussins. »]
Huile sur toile
H. 1,30m ; L. 1,62m
Signée : « J B Oudry 1747 »
Londres, Wallace Collection (Inv. P627)
Historique : Ce tableau prend place dans une série de quatre œuvres (cat. P64 à
P67) commandées à l'artiste vers 1747 par le marquis de Trudaine, grand financier de la
cour, afin d'orner son château de Montigny. Il est le seul à être réalisé durant l'année 1747,
tandis que les trois autres le sont en 1748.
Ils sont tous les quatre acquis en 1852 par le quatrième marquis d'Hertford, venant
ainsi agrandir l'immense collection constituée depuis des générations, qui est maintenant la
fameuse Wallace Collection londonienne.
Bibliographie
Locquin,
1912,
:
p. 66,
cat. 331 ; Vergnet-Ruiz,
1930,
p. 159,
cat. 59 ; Duffy,
p. 311-312,
2004,
cat. P627,
repr. p. 310
Œuvres
en
rapport : Ce tableau
appartient à une série de
quatre
œuvres : Barbet
qui surprend des canards
Fig. P64 - Oiseau de proie et perdrix
(cat. P66) ; Chien en
104
arrêt (cat. P65) ; Le renard dans la basse-cour (cat. P67), qui sont tous conservés à la
Wallace Collection de Londres.
Exposition : 1748, Paris, n° 24
Ces quatre tableaux font partie de la deuxième partie de l’œuvre d'Oudry, durant
laquelle il atteint un perfectionnement extrême dans le réalisme. Chaque scène paraît prise
sur le vif et il parvient à faire vivre les animaux représentés par des expressions qui peuvent
presque être qualifiées d'humaines. Mais cette série de tableaux ne prouve pas uniquement
ses aptitudes de peintre animalier et dessinateur ; il démontre tout autant son talent pour la
couleur qui concourt au naturalisme de ces scènes, notamment par le rendu des pelages et
des plumes.
P65 - Chien en arrêt :
[n° 23 : voir cat. P64]
Huile sur toile
H. 1,30m ; L. 1,62m
Signée : « J B Oudry 1748 »
Londres, Wallace Collection
(Inv. P625)
Historique : Voir cat.
P64
Bibliographie
:
Locquin, 1912, p. 34, cat. 170
; Duffy, 2004, p. 311-312,
cat. P625, repr. p. 310
Fig. P65 - Chien en arrêt
105
Œuvres en rapport : Voir cat. P64
Exposition : 1748, Paris, n° 22
Voir notice cat. P64
P66 - Barbet qui surprend des canards :
[n°24 : voir cat. P64]
Huile sur toile
H. 1,30m ; L. 1,62m
Signée : « J B Oudry 1748 »
Londres, Wallace Collection (Inv. P631)
Historique : Voir cat.
P64
Bibliographie : Locquin,
1912, p. 47, cat. 240 ; Duffy,
2004, p. 311-312, cat. P631,
repr.
Œuvres en rapport :
Voir cat. P64
Fig. P66 - Barbet qui surprend des canards
Exposition : 1748, Paris,
n° 23
Voir notice cat. P64
106
P67 - Renard dans la basse-cour :
[n°25 : voir cat. P64]
Huile sur toile
H. 1,30m ; L. 1,62m
Signée : « J B. Oudry / 1748 »
Londres, Wallace Collection (Inv. P629)
Historique : Voir
cat. P64
Bibliographie
Locquin,
1912,
:
p. 66,
cat. 332 et p. 71, cat. 358 ;
Vergnet-Ruiz, 1930, p. 158,
cat. 50
;
Duffy,
2004,
p. 311-312, cat. P629, repr.
Œuvres
en
rapport : Voir cat. P64
Fig. P67 - Renard dans la basse-cour
Exposition : 1748,
Paris, n° 25
Voir notice cat. P64
P68 - La petite chienne :
[n°26 : « Autre, représentant une petite Chienne, peinte d'après nature, sortant de sa
Loge, appartenante à M. de Savalette, Fermier Général. »]
107
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Il paraît naturel de supposer qu'il s'agit d'une commande, passée par le
garde du Trésor Royal, M. de Savalette, puisque le tableau est un portrait de sa chienne. Le
tableau est probablement réalisé en 1748.
Bibliographie : Locquin, 1912, p. 34, cat. 171
Exposition : 1748, Paris, n° 26
C'est encore l'un des nombreux talents du peintre qui est démontré par cette œuvre. Il
n'excelle pas uniquement dans les scènes vivantes, de chasses, humaines ou animales, mais
aussi dans les portraits animaliers, que le public reçoit avec grand plaisir mais dont ne
pouvons malheureusement pas nous faire une idée. Par ailleurs, le fait qu'une telle peinture
mérite d'être exposée au Salon, témoigne bien de la grande estime que porte l'Académie à
son peintre.
P69 - La Laie et ses marcassins :
[n° 27 : « Autre de 11 pieds de large sur 8 de haut, représentant une Lais avec ses
Marcassins, attaquez par des Dogues de la forte race ; appartenant à l'Auteur. »]
Huile sur toile
H. 2,76 ; L. 4,05 (agrandi par l'artiste)
Signé : « J.-B. Oudry, 1748 »
Caen, musée des Beaux-Arts (Inv. 166)
Historique : Lors du Salon de 1748, Lenormant de Tournehem, en voyant ce
108
tableau, ne peut s'empêcher de remarquer sa brillante composition. Il le réserve alors pour le
roi, ce qui constitue l'une des distinctions les plus honorables que puisse recevoir un artiste
lors de ces expositions190. Le peintre est alors tenu d'agrandir le tableau et d'y placer un
châssis neuf, ce qui est effectué le 21 novembre 1748. Le tableau est ensuite emporté à La
Muette. La laie et ses marcassins reste au château de La Muette jusqu'à la Révolution. À
partir de ce moment, il est conservé dans les collections nationales. Puis il est ensuite mis en
dépôt au musée de Caen, en 1811, où on l'y trouve encore de nos jours.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 106 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 111 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 451 ; Mancel, 19XX, cat. 194, p. 88 ; Engerand, 1901, p. 370 ;
Locquin, 1912, p. 55, cat. 277 ; Vergnet-Ruiz, 1930, p. 158, cat. 44 ; Mercure de France,
1970, t. LV, p. 161
Œuvre en rapport : Dessin disparu sur le même thème, probablement une étude
préparatoire, qui figure à la vente Nijman en 1776 (n° 613).
Exposition : 1748, Paris, n° 27
Fig. P69 - La laie et ses marcassins
190 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 16.
109
Parmi les tableaux exposés par Oudry au Salon cette année-là, La laie et ses
marcassins est celui qui est le plus remarqué par les critiques, dont il fait l'admiration. La
scène représente une laie, essayant de protéger ses marcassins d'une attaque de six dogues
enragés. Le peintre place la femelle et ses petits au centre du tableau. Le spectateur se trouve
plongé au cœur de ce combat animal et on peut alors aisément comprendre pourquoi cette
œuvre a tant plu lors de son exposition en 1748.
Le critique Gougenot fait de ce tableau des éloges admirables. Il y voit le feu de
l'action, mais aussi la vraisemblance avec laquelle le peintre rend les émotions animales :
« on croit entendre crier le marcassin qu'un des chiens serre dans sa gueule ». Nous ne
pouvons qu'imaginer le plaisir avec lequel les salonniers de 1748 ont pu admirer cette
œuvre. Gougenot se demande s'il est déjà un artiste qui ait « peint avec plus de vérité la
nature vivante ». Il loue également la grande qualité de l'artiste à représenter chaque
espèce191. Cette vraisemblance que semble trouver Gougenot au tableau est remise en cause
par l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles. Selon ce dernier, les
chasseurs, qui sont donc les plus à mêmes à juger de la véracité de la scène, se demandent
pourquoi le peintre à fait le choix de représenter des dogues, et non des chiens de chasse192.
Saint-Yves est également très admiratif de cette œuvre mais présente une moins vive
éloquence dans ses commentaires. Il y voit avant tout de « nouvelles illusions »193. Nous
pouvons alors penser que le critique paraît voir, tout comme Gougenot, la scène se dérouler
sous ses yeux.
Le Mercure de France194 émet également une critique très positive concernant ce
tableau, dans laquelle il est dit que les connaisseurs aussi bien que les ignorants ont été
frappés par cette peinture. Le talent d'Oudry est donc tel qu'il ne peut échapper à personne,
quand bien même le public ne serait pas connaisseur en matière d'art, tant il y a de vérité qui
se dégage de cette œuvre.
P70 - Chien gardant un butor :
[n° 28 : « Autre d'environ 5 pieds & demi de long sur 4 de haut, représentant un
Butor attaché par la patte, une Perdrix & un Chien à l'ombre ; à l'auteur. »]
191 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 111
192 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 451
193 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 106
194 Mercure de France, op. cit., p. 161 (éd. 1970) : « Un morceau si admirable a frappé également les
connoisseurs et les ignorans par la fierté de la touche & par la vérité de l'imitation ».
110
Huile sur toile
H. 1,20 ; L. 1,62
Signé et daté, en bas à gauche : « J B. Oudry / 1747 »
Paris, musée du Louvre (Inv. 7028)
Historique : Ce tableau a été réalisé en 1747. Il appartient d'abord à la collection du
prince de Mecklembourg-Schwerin qui l'acquiert en 1750 auprès de l'artiste, avant d'être
saisi par la France durant les campagnes napoléoniennes de 1806 195. Il est mis en dépôt au
musée de Dijon en 1811, puis transféré au Louvre, où il apparaît pour la première fois dans
un catalogue en 1923. Il s'y trouve encore de nos jours.
Bibliographie : Locquin, 1912, p. 33, cat. 166 ; Vergnet-Ruiz, 1930, p. 160,
cat. 91 ; Opperman, 1982, p. 214-215, cat. 116, repr. p. 26 et p. 115
Œuvre
rapport
:
en
Copie
effectuée
à
l'aquarelle
Newton
par
Fielding,
passée en vente à
Paris,
à
l'hôtel
Drouot en 1930 (n°
32).
Exposition :
1748, Paris, n° 28
Fig. P70 - Chien gardant un butor
Ce tableau réunit le talent du peintre à représenter les animaux morts et celui qu'il
195 H. Opperman, J.-B. Oudry, 1686-1755, 1983, p. 214. C'est d'ailleurs le seul des tableaux saisis à Schwerin
par Napoléon qui ne fut pas restitué par la suite, en 1815. Peut-être était-il passé inaperçu se trouvant alors
dans un dépôt de Province.
111
déploie à peindre les peindre vivants. On y voit un butor mort, attaché à un tronc d'arbre par
la patte, et un chien assis à ses côtés. La façon dont le peintre a représenté l'oiseau gisant est
pleine de grâce et démontre son aisance, tant pour le rendu des plumes que pour sa palette
de couleurs, mais aussi la connaissance qu'il possède en matière de physionomie animale.
La critique ne s'attarde pas sur cette peinture. Nous pouvons supposer que si ce
tableau attire moins l'attention et les commentaires c'est parce qu'il s'agit d'une œuvre
beaucoup plus calme, qui contraste avec les vifs mouvements qui animent les autres toiles
de l'artiste au Salon.
Et notons que si Louis XV est si friand de ce peintre, c'est en raison de son amour
pour la chasse, qui est si bien rendu dans de telles œuvres.
P71 - Chasse au loup :
[n° 29 : « Deux Paysages peints d'après nature, de 4 pieds & demi de large sur 3
pieds & demi de haut. L'un représente une Vûë de la Forêt de Saint Germain; dans
une vieille Futaye paroît une Chasse du Loup. »]
Huile sur toile
H. 1,15 ; L. 1,46
Signé en bas à gauche sur un rocher : « J. B. Oudry, 1748 »
Nantes, musée des Beaux-Arts (Inv. 674)
Historique : La toile réalisée en 1748, entre, après avoir été exposée au Salon, dans
la collection Fournier196. Elle est acquise, dès le début du
XIX
e
siècle, en 1814, par la ville de
Nantes, où elle se trouve encore actuellement au musée des Beaux-Arts.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 106-107 ; « Lettres écrites de Paris à
Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 451-452 ; Locquin, 1912,
p. 56, cat. 279 ; Opperman, 1982, p. 245-246, cat. 139, repr. ; Gerin-Pierre, 2005, p. 153,
cat. 164, repr.
196 Un très grand nombre de collectionneurs de cette période portant ce nom de famille, il ne nous a pas été
possible de retrouver duquel il s'agit précisément.
112
Œuvres en rapport : Pendant de l’œuvre, Chasse au cerf, exposé au même Salon
(voir cat. P72).
La scène centrale de chasse au loup a déjà été utilisée par le peintre dans un tableau
réalisé en 1724.
Expositions : 1748, Paris, n° 29 ; 1925, Paris, n° 229 ; 1937, Berlin, n° 187 ; 19821983, Paris, n° 139 ; 1993, Tokyo, n° 28 ; 2002, Lyon, n° 85
Ce n'est pas tant une
représentation
de
chasse
qu'un paysage qui est montré
au travers de ce tableau197.
Grâce
au
livret
de
l'exposition, le lieu précis
choisi par le peintre nous est
connu, il s'agit de la forêt de
Saint-Germain,
dans
une
vieille futaie. Oudry nous est
relativement méconnu en tant
Fig. P71 - Chasse au loup
que paysagiste, mais c'est un
talent que ses contemporains
lui connaissaient bien.
Gougenot félicite l'artiste de choisir les lieux qui méritent d'être représentés en
peinture198. La chasse donnant au tableau un aspect vivant, il ne s'agit pas d'un simple
paysage endormi. Toute la vérité de la forêt se retrouve dans ce tableau. Cependant , la
critique de Gougenot est modérée par le salonnier lui-même. Une fois n'est pas coutume,
c'est le coloris qui déplaît. Le critique juge la couleur verte trop présente et vive, ce qui est,
selon lui, « un défaut facile à éviter »199.
Saint-Yves, dans son commentaire de l’œuvre, remarque les reflets de l'eau visibles
en arrière-plan, qu'il trouve fatigants pour l’œil car « les eaux en ont paru si l'impides, que
197 C. Gerin-Pierre, Catalogue des peintures françaises, XVIe- XVIIIe siècle, 2005, p. 153. L'auteur signale que ce
tableau, en tant que paysage, a longtemps été considéré comme précurseur de l'école de Barbizon.
198 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 112.
199 Ibid.
113
les effets qu'elles rendent se confondent avec l'objet même »200. Il n'est pas aisé de
comprendre ce qu'entend par là le critique ; il lui semble que l'eau attire trop le regard du
spectateur, tout en se fondant sans distinction dans le paysage.
Un second à trouver à la toile des aspects négatifs est l'auteur anonyme des Lettres
écrites de Paris à Bruxelles, selon qui, le fait d'avoir placé ce paysage, mais également le
suivant (cat. P72) sous le tableau La laie et ses marcassins (cat. P69) les dessert fortement
en accentuant leurs défauts de composition201.
P72 - Chasse au cerf :
[n° 30 : « L’autre [tableau], une vieille Carrière proche Vitry, où arrive un Cerf
poursuivi par des Chiens ; à l’Auteur. »]
Huile sur toile
H. 1,15 ; L. 1,46
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 451-452 ; Locquin, 1912, p. 56, cat. 280
Œuvre en rapport : Pendant de l’œuvre, Chasse au loup, exposé au même Salon
(cat. P71).
Exposition : 1748, Paris, n° 30
Les critiques s'intéressent au tableau Chasse au loup (cat. P71) plutôt qu'à celui-ci.
Toutefois, l'amateur anonyme, auteur des Lettres écrites de Paris à Bruxelles, évoque les
deux tableaux, et selon lui, on ne peut manquer ici le fait que la vue du peintre s'affaiblit.
Ainsi, sa critique, bien que peu développée, est très négative et attaque implicitement le
200 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 106-107.
201 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 859, p. 452
114
peintre sur son âge202.
P73 - Vue de l'abbaye de Poissy :
[n°31 : « Deux petits Paysages de même grandeur. L'un représente une Vûë de
l'Abaye de Poissy ; de l'autre côté de la Riviere paroît un Berger qui dort, & des
Moutons. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Locquin, 1912, p. 84-85, cat. 446
Œuvre en rapport : Une gravure d'une Vue de l'Abbaye de Poissy est exposée à ce
même Salon de 1748 (cat. G27). Elle est réalisée par Nicolas-Henri Tardieu d'après un
pastel d'Oudry. Toutefois, rien ne nous prouve qu'il s'agit du tableau exposé ici, car les
critiques n'en font pas mention, et le livret ne précise pas si l'œuvre est un pastel.
Exposition : 1748, Paris, n° 31
P74 - Vue du pont de Saint-Jean à Beauvais :
[n° 32 : « L'autre [le second paysage], une Vûe du Pont de S. Jean à Beauvais, avec
un Barbet & des Canards ; à l'Auteur. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Locquin, 1912, p. 85, cat. 447
202 Ibid.
115
Exposition : 1748, Paris, n° 32
P75 - Un barbet dans les roseaux :
[n° 33 : « Autre de 5 pieds sur 4 de haut, représentant un Barbet qui surprend un
Heron. Auprès, un Butor dans des Roseaux ; à l'Auteur. »]
H. 1,16 ; L. 1,62
Signé et daté : « 1748 »
Schwerin, Staatliche Museum
Bibliographie : Locquin, 1912, p. 47, cat. 241 ; Vergnet-Ruiz, 1930, p. 159, cat. 67
Exposition : 1748, Paris, n° 33
La critique n'émet pas de commentaire quant à ce tableau. Nous pouvons supposer
qu'il n'a pas déplu, tant les autres tableaux du peintre ont été loués. Et si quoique ce soit
avait été à redire quant à l'une des œuvres nous pouvons imaginer que les critiques l'auraient
évoqué.
P76 - Chien gardant du gibier :
[n° 34 : « Deux petits Tableaux peints sur cuivre, de 8 pouces de large sur 6 de haut.
L'un représente un Lièvre & une Perdrix attachez à un Arbre ; deux Chiens dont l'un
dort. L'autre, un chien en arrêt sur des Faisans qui sont dans des Bleds, appartenant à
M.***. »]
Peinture sur cuivre
H. 0,17 ; L. 0,21
116
Inscription gravée à l'arrière : « PEINT POUR LE ROY PAR J. B. OUDRY/ PEINTRE
ORDINAIRE DE SA MAJESTE ET/ PROFESSEUR EN SON ACADEMIE ROJALLE/
DE PEINTURE ET SCULPTURE 1747 »
Paris, collection privée
Historique : Ces deux peintures sur cuivre (cat. P76 et cat. P77) sont réalisées pour
le roi en 1747. Lorsqu'elles paraissent au Salon de 1748 c'est sous la propriété de « M*** ».
La commande n'étant probablement pas publique. Elles ne sont d'ailleurs pas mentionnées
dans l'inventaire des commandes royales établi par Engerand en 1901. Nous avons donc tout
lieu de croire qu'il s'agissait bien d'une commande anonyme.
Toutes les peintures sur cuivre de cet artiste furent exposées au Salon de 1750, et ces
deux-là y sont alors mentionnées comme appartenant au peintre (n° 47 et 48). On les
retrouve à la vente du duc de Maillé en 1837, à Paris (n° 229), puis une vente anonyme
parisienne en 1845 (n° 21) et enfin à la vente de madame Oger de Bréard 203, à Paris en 1886
(n° 47). Depuis cette vente, les tableaux avaient disparu ; ils se trouvent désormais dans une
collection privée dans laquelle ils sont entrés en 1978204.
Bibliographie
:
« Réflexions sur quelques
circonstances... »,
(rééd.
1972),
Locquin,
cat. 168
1930,
1748
p. 12
1912,
;
;
p. 34,
Vergnet-Ruiz,
p. 161,
cat. 93
;
Mercure de France, 1970, t.
LV, p. 161 ; Opperman,
1982, p. 216-217, cat. 117,
repr.
Œuvre en rapport :
Fig. P76 - Chien gardant du gibier
Son pendant, Chien arrêtant
203 Cette femme, amie de Sir Wallace a collectionné de nombreux objets d'art – notamment des tableaux –
durant cette première moitié du XIXe siècle. Sa collection est dispersée à sa mort.
204 L'ouvrage sur lequel nous nous basons datant de 1982, il est possible que les deux tableaux aient changé
de localisation depuis.
117
deux faisans, exposé au même Salon (cat. P77)
Expositions : 1748, Paris, n° 34 ; 1750, Paris, n° 48
Ces deux œuvres intéressent tout particulièrement les critiques, non seulement en
raison du support sur lequel elles sont réalisées, mais aussi par leurs dimensions. Le peintre
Oudry n'a pas l'habitude des peintures de petite taille, et s'il ne s'était agi d'une commande,
nous pourrions nous demander s'il se serait attelé à de telles réalisations. Cette nouvelle
manière de démontrer son talent attire beaucoup l'attention au Salon. Le fait que le support
soit si petit permet au public de bien apprécier l'ampleur de la palette du peintre ; le cuivre
ajoute à cela une brillance qui pourrait faire vite défaut à l'artiste si ce dernier ne savait s'en
servir de façon judicieuse.
Baillet de Saint-Julien est très positif concernant les aptitudes de l'artiste à peindre
sur de si petites dimensions. Il paraît impressionné de voir que « son feu ne s'est point ralenti
dans des bornes aussi étroites »205.
Curieusement, dans sa critique du Salon, Gougenot ne mentionne que la seconde œuvre,
Chien arrêtant deux faisans (cat. P77), sans même préciser que le tableau est exposé avec
son pendant. Le critique y « admire un beau fini, une grande correction, et une touche ferme
et spirituelle »206. Ce sont les qualités qui semblent être attribuées de manière générale au
peintre de la part des critiques Et le compte rendu du Mercure de France évoque également
ces deux petits tableaux qu'on ne peut « trop louer »207.
P77 - Chien arrêtant deux faisans :
[n° 35 : voir cat. P76]
Peinture sur cuivre
H. 0,17 ; L. 0,21
Inscription gravée à l'arrière : « PEINT POUR LE ROY PAR J. B. OUDRY/ PEINTRE
ORDINAIRE DE SA MAJESTE ET/ PROFESSEUR EN SON ACADEMIE ROJALLE/
DE PEINTURE ET SCULPTURE 1747 »
205 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 13.
206 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 111.
207 Mercure de France, op. cit., p. 161 (éd. 1970).
118
Paris, collection privée
Historique : Voir
cat. P76
Bibliographie
« Réflexions
:
sur
quelques
circonstances… », 1748
(rééd.
1972),
p. 13
;
« Lettre sur la peinture, la
sculpture... », 1748 (rééd.
1972), p. 111 ; Locquin,
Fig. P77 - Chien arrêtant deux faisans
1912, p. 34, cat. 169 ;
Vergnet-Ruiz, 1930, p. 161, cat. 94 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 161 ; Opperman,
1982, p. 217-218, cat. 118, repr.
Œuvre en rapport : Son pendant, Chien en arrêt, exposé au même Salon (cat. P76)
Exposition : 1748, Paris, n° 35 ; 1750, Paris, n° 47
Voir notice cat. P76
119
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783)
Pour la biographie de l'artiste, se référer au catalogue de Pastels.
P78 - Portrait d'un abbé :
[n° 95 : « Celui du Révérendissime ***, Abbé Régulier de Paris, peint à l'Huile. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Tourneux, 1903, p. 15 ; Vaillat, 1909, p. 12-13 et p. 89, cat. 24
Œuvre en rapport : Gravure par
Daullé datant de 1749, exposée au Salon
de 1750 (P78*).
Exposition : 1748, Paris, n° 95
C'est la seule peinture à l'huile
qu'expose l'artiste cette année-là. Elle
nous est connue grâce à la gravure qu'en
a réalisé Daullé en 1749.
Léandre
Vaillat
présente
ce
portrait comme étant celui de Lazare
Chambroy, abbé général de SainteFig. P78* - Portrait d'un abbé
Geneviève en 1745, sans pour autant en
justifier
l'identification.
L'homme,
atteint de la petite vérole, est vu à mi-
120
corps, et se trouve dans un encadrement de pierres. Il est vêtu d'une tenue simple, un surplis,
ainsi que d'une calotte sur la tête ; il porte une croix à son cou.
La critique ne s'intéresse pas à cette œuvre en particulier, seul Gougenot porte attention
à l'artiste en s'intéressant aux pastels qu'il expose208.
208 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 120-121. Nous avons supposé que le critique s'est plus intéressé aux pastels
en raison de cette phrase qui lui sert de conclusion sur les talents de l'artiste en tant que portraitiste :
« Quand de jeunes sujets se présenteront avec de tels talents, l'Académie ne sévira plus sans doute contre le
pastel ».
121
Jean-Baptiste-Marie Pierre (1714-1789)
Le peintre Jean-Baptiste-Marie Pierre est né à Paris en 1714 au sein d'une famille
aisée, ce qui lui permet de bénéficier de l'enseignement d'un précepteur. Il suit probablement
celui de Nicolas Bertin puis parfait cette formation par l'étude des collections du duc
d'Orléans au Palais-Royal. Peu après avoir fréquenté également l'atelier de Charles Natoire,
Pierre obtient la première place du Grand Prix de peinture en 1734. Il attend le mois de mai
1735 pour se rendre à Rome, où il va suivre l'enseignement de nombreux éminents artistes
de son temps, dont Jean-François de Troy, mais aussi tisser des liens qu'il conservera toute
sa vie avec un grand nombre de ses confrères. Il rentre en France en 1739 ; toute son œuvre
sera empreinte de la forte influence qu'a eue sur lui ce séjour romain. Elle se caractérise par
des genres très variés, et le peintre semble être aussi à l'aise en scènes religieuses que
mythologiques, tout autant que dans ces petites scènes de genre que sont les bambochades.
Le 8 avril 1741, il se présente à l'Académie et en reçoit l'agrément. Dès lors, il
participe au Salon. Le 31 mars de l'année suivante, il est reçu académicien en tant que
peintre d'histoire et continuera d'exposer chaque année aux Salons, séduisant toujours un
public de plus en plus large209.
Lorsqu'il envoie ses œuvres au Salon de 1748, le peintre jouit déjà d'une très sérieuse
réputation auprès de ses contemporains et est placé au même rang que des artistes plus âgés.
Il envoie au Salon huit tableaux dans des genres très différents, typiques de la façon dont est
caractérisé son œuvre, l'un d'eux étant non pas réalisé à l'huile mais au pastel (cat. D26).
Bien que ses œuvres soient relativement bien reçues, certaines d'entre elles suscitent des
propos négatifs et, lorsqu'en 1749, le Salon n'aura pas lieu en raison d'une réaction à la
critique trop présente, paraîtra une lettre pour s'offusquer particulièrement du traitement qui
a été accordé à Pierre par les critiques de 1748 210. Le Mercure de France de septembre 1748
a, pour sa part, des propos relativement positifs à l'égard de ce peintre, dont il faut admirer
« la merveilleuse facilité », mais rappelle toutefois que « quelques personnes difficiles
désireroient un peu plus d'intention dans certaines figures »211.
209 Aaron O., Lesur N., Jean-Baptiste Marie Pierre. 1714-1789. Premier peintre du roi, 2009. La biographie
du peintre y est extrêmement complète et l'ouvrage monographique contient un catalogue raisonné de
l’œuvre de l'artiste.
210 Lettre sur la cessation du Sallon de peinture, 1749, p. 7-8
211 Mercure de France, op. cit., p. 162 (éd. 1970)
122
P79 - Le meurtre de saint Thomas Beckett :
[n°38 : « Un Tableau en hauteur de 9 pieds sur 5 de large, représentant le Martyre de
S. Thomas, Archevêque de Cantorbery. »]
Huile sur toile
H. 2, 780 ; L. 1,520
Cintré dans sa partie haute
Paris, église Notre-Dame-De-Bercy, transept nord
Historique : Le tableau est commandé au peintre afin d'être accroché dans l'église
Saint-Louis-du-Louvre, reconstruite en 1743, anciennement nommée Saint-Thomas. Afin de
toujours célébrer cet ancien patron de
l'église, lui est demandé un sujet sur le
martyre
de
Thomas
Beckett,
archevêque de Cantorbéry. Le tableau
s’insère
dans
un
programme
iconographique plus vaste dont la
totalité est effectuée entre 1745 et 1748
212
. La toile réalisée par Pierre fait face
à celle de Louis Galloche, placée dans
une chapelle du bas-côté sud où elle
reste jusqu'à la Révolution. En 1795,
l’œuvre se trouve au dépôt des PetitsAugustins, répertoriée par Lenoir. Un
procès-verbal datant du 25 septembre
1797,
ordonné
par
le
conseil
d'administration du Musée central des
Arts,
destine le tableau au musée
spécial de l’École Française qui se
trouve à Versailles. Il y est transféré en
Fig. P79 - Le meurtre de saint Thomas
Beckett
212 Les œuvres sont demandées à des artistes tels que Restout, Galloche, ou encore Vanloo. Tout le
programme est organisé autour de la Mise au Tombeau de Coypel, datant de 1734, réalisé pour l'église
Saint-Nicolas-du-Louvre.
123
1798, puis passe ensuite par diverses églises, comme celles de l'Abbaye aux Bois, et NotreDame-des-Champs, avant de trouver sa place à l'église Notre-Dame-De-Bercy vers 1960, où
il est encore de nos jours, au fond du bas-côté du chœur, placé au-dessus d'une porte. Entre
1986 et 1988, le tableau est restauré et reteinté.
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748,
p. 36
;
« Réflexions
sur
quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 14 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 102 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle
des Arts, 1859, p. 450 ; Aaron, 2009, p. 252, cat. P102, repr. p. 84 et p. 252
Œuvres en rapport : Dessins préparatoires dont l'un a été perdu et le second se
trouve au Metropolitan Museum de New York (Inv. 1989.5).
Copie peinte qui se trouve dans la chapelle du château de Broglie, dans l'Eure.
Expositions : 1748, Paris, n° 38 ; 1946, Paris, n° 55
Le tableau est réalisé à des fins religieuses, et donc fait pour s'inscrire dans le
contexte très spécifique d'une église. La scène est vive et violente, ce qui n'échappe pas au
critique Gougenot qui y voit « la fureur et la rage », et chaque expression des personnages
qui prennent part à cette terrible scène semble parfaitement adaptée et maîtrisée 213. Mais
l'exposition de ce tableau n'est pas sans provoquer également des critiques négatives. Cette
peinture pèche par sa couleur, jugée généralement trop sombre. C'est un fait qui est reproché
à l'artiste dans bon nombre de ses compositions. Pour Gougenot, encore une fois, le tableau
est trop noir214, tandis que pour Saint-Yves, la couleur est « terreuse et livide »215.
Néanmoins, ce dernier accorde à l’œuvre des qualités qui viennent contraster ce défaut du
coloris. Baillet de Saint-Julien, pour sa part, souvent modéré dans ses critiques, y voit
« toute l'énergie et l'expression possible », sans évoquer de défauts216.
L'amateur anonyme, auteur des Lettres écrites de Paris à Bruxelles..., est quant à lui
plus sévère quant au choix de la représentation historique : « s'il ne croiroït pas pouvoir
traiter heureusement les seigneurs qui assassinèrent l'archevêque il valait mieux abandonner
213 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 103.
214 Ibid.
215 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 36
216 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 14
124
le sujet que le dégrader par des satellites qui n'y entrent jamais ». Et l'auteur va même
jusqu'à parler d'altération des faits217.
C'est donc un succès tout relatif que reçoit le peintre en exposant ce premier tableau.
Il est admiré des critiques sur certains points, sans pour autant que ces aspects positifs ne
soient suffisants pour faire oublier les défauts qui sont reprochés au peintre.
P80 et P81 - Bacchanales :
[n° 39 bis : « Deux petits Tableaux, représentans deux Bacchanales ; sous le même
N°. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 36-37 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 15 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 103 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle
des Arts, 1859, p. 451 ; Aaron, 2009, p. 253, cat. P103 et cat. P104
Expositions : 1748, Paris, n° 39 bis
Aaron et Lesur, dans leur ouvrage monographique, hésitent voir en l'une de ces
Bacchanales le tableau représentant Jupiter et Antiope, conservé au Prado, mais choisissent
la prudence en n'émettant aucune affirmation218. Ceci est dû en grande partie aux dimensions
du tableau du Prado, qui est de trop grandes hauteur et largeur pour correspondre de façon
certaine à l’œuvre de 1748.
Ce sont des tableaux qui sont bien perçus par les salonniers, malgré quelques défauts
qui ne sauraient échapper au regard critique des commentateurs. C'est en particulier SaintYves qui s'attache à ces œuvres. Nous savons, grâce à lui, que sur le premier de ces deux
tableaux se trouvent une Nymphe et un Faune. La première est nue, à demi couchée sur le
217 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 450
218 O. Aaron, N. Lesur, op. cit., 2009, p. 253
125
dos, tandis que le second est placé à l'arrière du tableau. C'est cette seconde figure qui est la
moins réussie au regard du critique, bien que le corps de la Nymphe soit « d'une posture
gênante » et « ne repose sur rien », le Faune n'est bien représenté, ni par son dessin, ni par sa
couleur, et le critique va même jusqu'à dire que celle-ci, qualifiée de « rouge jeaunâtre »,
« blesse la vue »219.
Le second tableau comporte plusieurs figures, ce que nous apprend, une fois encore,
Saint-Yves. Ce sont des corps de femmes, peut-être des Nymphes, qui sont trop « sveltes »
et dont la chair est sans vie, car trop blanche220.
Les autres critiques, Gougenot et Baillet de Saint-Julien, y perçoivent les mêmes
défauts, bien que tous deux s'accordent sur l'excellence du choix de la composition. Baillet
de Saint-Julien se contente d'en mentionner l'excellent goût221, tandis que Gougenot en loue
« la douce yvresse & l'aimable désordre qu'inspire le Dieu de la treille » tout en ne pouvant
retenir un reproche vis à vis du coloris des figures 222. C'est un avis positif qui est partagé par
l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles qui les qualifie de « fort bien
traitées » et n'y trouve rien à redire223.
P82 - Des paysannes se baignant :
[n° 40 bis : « Deux Bambochades, l'une de Paysans qui se baignent, l'autre une Fête
dans un Camp ; sous le même N°. »]
Huile sur toile
H. 0,650 ; L. 0,800
Signé à droite au centre : « Pierre »
Localisation inconnue
Historique : Peints en 1747, le tableau et son pendant, Une fête dans un campement
(cat. P83), se trouvent en 1982 à New York, à la galerie Maurice Ségoura et en 1986 à une
vente Sotheby's à Monte-Carlo (n° 360) où ils ne sont pas vendus. Ils réintégreront alors la
219
220
221
222
223
C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 36.
Ibid.
L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 15.
L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 103
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 451
126
galerie new-yorkaise. Ils sont à nouveau mis en vente en 1997, par Christie's (n° 84), et se
retrouvent ainsi dans une collection particulière. Leur dernière apparition a lieu en 2002,
lors d'une vente Sotheby's, toujours dans la ville de New York (n° 48). Leur localisation
actuelle est inconnue.
Bibliographie
:
Saint-Yves, 1748, p. 3942 ; « Réflexions sur
quelques
circonstances... »,
1748
(rééd. 1972), p. 15-16 ;
« Lettre sur la peinture, la
sculpture... », 1748 (rééd.
1972), p. 104 ; « Lettres
écrites
de
Paris
à
Bruxelles... » (1748), in
Revue Universelle des
Fig. P82 - Des paysannes se baignant
Arts,
1859,
p. 451
;
Aaron, 2009, p. 250, cat.
P. 99, repr.
Œuvre en rapport : Pendant de l’œuvre, Une fête dans un campement (cat. P83),
exposé au même Salon.
Expositions : 1748, Paris, n° 40 bis ; 1982, New York
Sur ces deux tableaux, la critique entre en profond désaccord. L'abbé Le Blanc, en
1747, cité par Gougenot qui s'est intéressé à sa brochure, ne comprend pas comment les
critiques peuvent autant reprocher au peintre sa couleur, lors de ses sujets d'histoire, et
trouver les tableaux plus médiocres que réussis, et au contraire louer des sujets qui restent de
simples bambochades. À cela, Gougenot répond que « sans déshonorer son génie [le peintre
d'histoire] peut s'amuser quelques fois à ces sortes d'ouvrages »224. C'est pour le critique, un
224 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 104.
127
moyen tout à fait légitime de reposer son esprit et ne pas s'occuper toujours à de grands
ouvrages. Mais c'est également une façon de montrer l'étendue de son talent. Cette opinion
n'est pas partagée par l'auteur des Lettres écrites de Paris à Bruxelles. L'amateur anonyme
qui, bien que les trouvant de fort bonne composition, ne conçoit pas que ce type de
« délassements de l'esprit » soit exposé dans un Salon. Il s'agit pour lui d'une peinture de
cabinets, tandis que le Salon a pour but de montrer les capacités des maîtres dans le grand 225.
Seul Baillet de Saint-Julien semble goûter au plaisir d'admirer des œuvres d'une telle
simplicité sans débattre sur la légitimité de leur présence au Salon ; il les trouve agréables et
méritantes par leur naturel226.
Saint-Yves, sans évoquer les tableaux dont il s'agit, rédige un long paragraphe sur les
bambochades au sein duquel il explique que le peintre est « né pour le grand » et qu'ainsi
« son talent pour le gracieux est assez médiocre »227.
P83 - Une fête dans un campement :
[n° 40 bis : voir cat. P82]
Huile sur toile
H. 0,650 ; L. 0,800
Signé à droite au centre :
« Pierre 1747 »
Localisation inconnue
Historique : voir
cat. P82
Bibliographie
:
Fig. P83 - Une fête dans un campement
Saint-Yves, 1748, p. 3942
;
« Réflexions
sur
quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 15 ; « Lettre sur la peinture, la
225 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 451. L'auteur évoque la République de Platon
et déclare qu'il « les [les peintures] mettrait à la porte en les comblant de louanges ».
226 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 15-16.
227 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 42.
128
sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 104 ; Aaron, 2009, p. 250, cat. P. 99, repr.
Œuvre en rapport : Pendant de l’œuvre, Des paysannes se baignant (cat. P82),
exposé au même Salon.
Expositions : 1748, Paris, n° 40 bis ; 1982, New York
Voir notice cat. P82.
P84 - Junon demandant à Vénus sa ceinture :
[n° 41 bis : « Deux dessus de Porte pour l'Appartement de M. le Dauphin ; l'un
représentant Junon qui demande à Vénus sa Ceinture ; l'autre, Junon qui trompe
Jupiter avec cette Ceinture ; sous le même N°. »]
Huile sur toile
H. 1,130 ; L. 1,460
Signé dans sa partie inférieure gauche : « Pierre »
Versailles, musée national des Châteaux et de Trianon
Historique : Les deux pendants (cat. P84 et P85) ont été commandés en 1748 par
les Bâtiments du roi pour orner les appartements du Dauphin dans l'aile midi du château de
Versailles228. L'occasion dont naît cette commande est le remariage du Dauphin, en raison du
décès prématuré de Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle, première Dauphine, avec MarieJosèphe de Saxe, ce qui conduit au réaménagement des appartements.
En 1794, les tableaux sont inventoriés comme dessus-de-portes des appartements du
Dauphin à Versailles, et en 1810, ils sont en dépôt dans la même ville, classés en inconnus
dans l'inventaire du musée Napoléon. Lors de son règne, Louis-Philippe les confie à son fils,
résidant au château de Vincennes. Réclamés par le Louvre en 1858, ils restent en dépôt
jusqu'en 1860 au palais de l’Élysée. De retour au Louvre à partir de 1888, ils sont finalement
228 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 17.
129
déposés à Versailles, à leur place initiale, en 1946 (Inv. MV 7138 et Inv. 7139).
Bibliographie
:
Engerand, 1901, p. 394 ;
Mercure de France, 1970, t.
LV, p. 162 ; Aaron, 2009, p.
251, cat. P100, repr. p. 66 et
p. 251
Œuvres en rapport :
Pendant de l’œuvre, Junon
trompant
Jupiter
avec
la
ceinture de Vénus, (cat. P85).
Dessin
préparatoire
d'ensemble
Fig. P84 - Junon demandant à Vénus sa ceinture
Boston,
conservé
à
la
à
Horvitz
collection.
Exposition : 1748, Paris, n° 41 bis
Bien que Aaron et Lesur dans leur catalogue des œuvres de Pierre, publié en 2002,
émettent l'idée que cette peinture n'ait pas figuré au Salon cette année 1748, nous avons fait
le choix de la placer dans notre catalogue229. En effet, il ne s'agit que d'une hypothèse, bien
qu'effectivement, comme le mentionnent les auteurs, les critiques ne font absolument pas
état de ce tableau, à l'inverse de son pendant. De plus, le Mercure de France qui fait la liste
des œuvres exposées par le peintre, y mentionne « un dessus de porte pour l'Appartement de
Monseigneur le Dauphin »230, confirmant cette hypothèse. Toutefois, l’œuvre étant citée
dans le livret, il nous paraît indispensable de ne pas l'évincer de ce catalogue. Ainsi, bien
qu'il soit tout à fait possible qu'elle n'ait pas été exposée au Salon, elle fait partie des œuvres
qui auraient dû s'y trouver. Nous pouvons nous demander si l'artiste ne l'aurait pas retirée
peu après le début de l'exposition comme le firent d'autres artistes pour des œuvres trop
critiquées231.
229 O. Aaron, N. Lesur, op. cit., 2009, p. 253.
230 Mercure de France, op. cit., p. 162 (éd. 1970).
231 C'est par exemple le cas de Restout qui retire trois jours après le début de l'exposition son tableau
130
P85 - Junon trompant Jupiter avec la ceinture de Vénus :
[n°41 bis : voir cat. P84]
Huile sur toile
H. 1,130 ; L. 1,460
Signé en bas à gauche : « Pierre »
Versailles, musée national des Châteaux et de Trianon
Historique : Voir cat. P84
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 36 ; « Lettre
sur
la
peinture,
la
sculpture... », 1748 (rééd.
1972), p. 103 ; Engerand,
1901, p. 394 ; Mercure de
France, 1970, t. LV, p. 162
; Aaron, 2009, p. 253
Œuvre en rapport :
Pendant de l’œuvre, Junon
demandant à Vénus sa
ceinture (cat. P84).
Fig. P85 - Junon trompant Jupiter avec la ceinture de
Vénus
Dessin
préparatoire
d'ensemble
conservé
Boston,
la
à
à
Horvitz
collection.
Exposition : 1748, Paris, n° 41 bis
représentant Psyché fuyant la colère de Vénus (cat. P91).
131
Le tableau n'est pas bien reçu par la critique. Ici, les reproches ne concernent pas le
coloris qui, au contraire, semble plutôt satisfaisant aux yeux de Saint-Yves. À l'inverse, il
trouve que cette œuvre manque « d'expression et d'élégance »232. Baillet de Saint-Julien,
pour sa part, n'en apprécie ni les figures, ni le coloris, qu'une fois encore chez ce peintre, il
trouve trop sombre233.
Ce sujet est adapté au lieu dans lequel il va se trouver, mais aussi à la personne à qui
il est destiné. Il traite de l'histoire d'amour entre le roi et la reine des dieux. L'auteur ne veut
pas prendre le risque que ce tableau puisse choquer la très grande vertu du Dauphin. Le
résultat final est donc très sobre, pour un thème qui pourrait facilement perdre toute pudeur.
Seul le sein de Vénus est légèrement découvert mais de larges draperies couvrent les deux
personnages.
P86 - La Lanterne magique :
[n° 52 : « Un Bacchanale de
Marmotte. »]
Huile sur toile
H. 0,815 ; L. 0,640
Signé en bas au centre : « Pier »
Localisation inconnue
Historique : Réalisé vers
1748, ce tableau a appartenu à la
collection du comte de Vence, durant
la seconde moitié du
e
XVIII
siècle. Il
n'apparaît pas à sa vente après-décès,
en 1760, peut-être le tableau a-t- été
Fig. P86* - La Lanterne magique
récupéré par le peintre pour non232 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 36.
233 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 103.
132
paiement, puisqu'il figure à la vente après-décès de Pierre en 1789. Il sera ensuite vendu par
Drouot, en 1989, et se trouvera l'année suivante à Londres, à la galerie Heim. Puis il passera
dans une collection particulière, et sa localisation actuelle est désormais inconnue.
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
14 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 103-104 ; Aaron, 2009, p.
253, cat. P105
Œuvres en rapport : Le tableau a été gravé par Daullé en 1757, puis par Blyth en
1770.
Copie d'atelier conservée à Leipzig, au Museum der Bildenden Kunst.
Copie d'un peintre Danois, Lorentze. (fig. P86*).
Exposition : 1748, Paris, n° 42
Nous avons choisi de suivre l'attribution proposée par Aaron et Lesur dans leur
catalogue de 2002, qui nous paraît être assez vraisemblable.
La description du livret, qui annonce le titre de l’œuvre peut paraître extrêmement
curieuse en mentionnant « un bacchanale de Marmotte ». Le véritable sujet du tableau, la
lanterne magique, est réhabilité par la critique de Baillet de Saint-Julien 234. Aaron et Lesur,
toujours dans leur ouvrage sur l'artiste, justifient la raison de ce choix étrange de la part du
peintre lorsqu'il est tenu de donner le sujet de son tableau. Il semblerait que l'année
précédente, La Font de Saint-Yenne ait critiqué de façon virulente son Portrait de Mad***
en Marmotte. En choisissant de désigner le sujet comme un « bacchanale de Marmotte » le
peintre fait une référence pleine d'humour à cette critique235.
234 Ibid., p. 14
235 O. Aaron, N. Lesur, op. cit., 2009, p. 253.
133
Étienne Poitreau (1693-1767)
Ce peintre aujourd'hui oublié est né en 1693 à Corbigny. Il se présente à l'Académie
et en reçoit l'agrément le 30 août 1738. Puis, c'est en tant que peintre de paysages qu'il est
admis académicien le 29 septembre 1739.
Au Salon de 1748, il présente un seul tableau qui n'intéresse pas la critique.
P87 - Paysage :
[n° 68 : « Un Paysage, en largeur de 4 pieds sur 3, où paroît une Ferme, un Pont, &
des Figures sur le devant. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », in Revue Universelle des
Arts, 1859, p. 447
Exposition : 1748, Paris, n° 68
La critique du Salon est inexistante sur cette œuvre. Il nous est donc impossible de
savoir ce que pense le public de celle-ci. Toutefois l'amateur auteur des Lettres écrites de
Paris à Bruxelles semble déplorer le fait que Gougenot en particulier, mais les critiques en
général, aient volontairement oublié certains peintres parmi lesquels Poitreau236.
236 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 447.
134
Jean Restout (1692-1768)
Jean Restout est né à Rouen en 1692. Il semble presque inévitable que sa vocation ait
été celle des arts, son oncle n'étant autre que Jean Jouvenet, l'un des plus célèbres peintres de
son temps. Il entrera, par ailleurs, dans une autre grande dynastie d'artistes en épousant, en
1729, Marie-Anne, l'une des filles de Claude-Guy Hallé, devenant ainsi le beau frère du
peintre Noël Hallé. Son père décédé alors qu'il est encore très jeune, il est bien vite placé
chez deux de ses oncles qui sont chargés de son éducation. Ceux-ci l'envoient alors très
rapidement à Paris, chez Jouvenet, qui devient son véritable professeur. Par la suite, il se
présente à l'Académie dont il reçoit l'agrément le 27 mars 1717, avant d'être reçu
académicien en 1720 en tant que peintre d'histoire. Il gravit peu à peu les différents échelons
de l'Académie pour être élu, en 1760, directeur et en deviendra même chancelier par la suite.
Bien que nous connaissions encore le nom de Jean Restout, le peintre n'a
certainement pas le même prestige que celui qu'il connaît de son vivant 237. L'une des causes
de cette baisse de notoriété est la rareté des textes traitant de cet artiste. Si son nom paraît si
peu connu, c'est que tout au long de sa vie, il s'est fait une spécialité de la peinture
religieuse, qui reste pour le
XVIII
e
siècle encore assez méconnue. Il ne faut pourtant pas
oublier qu'il est également l'auteur de nombreux tableaux mythologiques.
Les difficultés face à l'étude de Restout sont encore accentuées par la très mauvaise
conservation de ses œuvres. Si bon professeur et artiste qu'il soit, il néglige cependant une
partie importante de l'art du peintre : la bonne qualité des préparations. Les siennes sont bien
trop grasses et assombrissent ses toiles au fil des années.
Au Salon de 1748, il envoie cinq tableaux qui sont représentatifs de la dualité de son
œuvre : à la fois des sujets religieux et des sujets mythologiques. Le peintre est alors soumis
à de nombreux reproches, tant sur son coloris que sur son dessin, ainsi que sur les choix de
ses compositions. Cependant, l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles,
prend en quelques lignes la défense de l'artiste face à ses détracteurs : « […] que la
composition de son grand tableau est admirable, que ses deux prophètes sont dessinés et
caractérisés parfaitement, […] et que ce qu'il y a de foible dans ses tableaux de Psiché ne
déshonoreroit pas un moins grand homme que lui. »238
237 Il est considéré à l'époque comme l'un des trois meilleurs peintres de son temps, aux côtés de Van Loo et
de Pierre.
238 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 449. Cette critique est rédigée sous forme d'un
dialogue entre une marquise et un chevalier. Il veut aller à l'encontre des propos de Gougenot, qui sont ici
135
P88 - Exaltation de la Croix :
[n° 7 : Un grand Tableau en hauteur de 10 pieds sur 7 de large, représentant
l'Exaltation de la Sainte Croix. La vraye Croix, & un grand nombre de Chrétiens
ayant été pris l'an 614 par Chosroës Roy des Perses, fut renduë quatorze ans après
par Siroës son fils, par un traité de Paix qu'il fit avec Héraclius ; il lui rendit aussi
tous les Captifs Chrétiens, & entr'autres Zacharie Patriarche de Jerusalem. C'est ce
qui a donné lieu à la Fête de l'Exaltation de Sainte Croix. Ce Tableau est pour Lyon.]
Huile sur toile
H. 3,10 ; L. 2,14
Signé et daté en bas à droite :
« Restout 1748 »
Lyon, musée des Beaux-Arts
Historique
:
C'est
un
tableau qui a été conçu à des fins
purement
religieuses,
puisqu'il
s'agit d'une commande passée par
l'architecte Ferdinand Delamonce
239
à de nombreux artistes parmi
lesquels on trouve non seulement
Restout mais également Krause,
Frontier, Duflos et Pierre. Chacun
d'eux est tenu de réaliser un ou
plusieurs tableaux sur des thèmes
religieux, mélangeant Ancien et
Nouveau
Testament
et
textes
Fig. P88 - Exaltation de la Croix
apocryphes. Beaucoup ont pour
thème l'histoire de la Croix240. Ce
tenus par la marquise, et dont les reproches sont alors les mêmes que ceux émis par le critique lors de son
commentaire de l'exposition. Le chevalier est le défenseur de l'artiste.
239 Architecte originaire de Munich, il a beaucoup oeuvré pour la ville de Lyon durant la seconde partie de sa
vie, jusqu'à sa mort en 1753.
240 Les autres œuvres qui font partie de ce programme sont L’Érection de la Croix, et Le Portement de Croix,
136
choix n'est pas le fait du hasard car les œuvres sont destinées à l'église de la Sainte-Croix,
dans la ville de Lyon, dont le commanditaire, Delamonce, organise le programme décoratif
entre 1738 et 1778.
Durant la Révolution, toutes les œuvres sont transférées dans une autre église
lyonnaise, celle de Saint-Pierre-des-Terreaux, restant dans le milieu qui leur était destiné.
Puis, au mois d'avril 1927, L'Exaltation de la Croix est acquise par le musée des Beaux-Arts
de la ville de Lyon où elle se trouve toujours (Inv. B 1431)241.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 64 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 96 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 160 : Rosenberg,
1970, cat. 71, repr. p. 201 ; Gouzi, 2000, p. 288, Cat. P. 144, repr. p. 115
Œuvre en rapport : Une copie ancienne de l’œuvre se trouve à la cathédrale
d'Arras. Christine Gouzi l'attribue à Restout242.
Exposition : 1748, Paris, n° 7
Tout le talent de Restout en tant que peintre religieux se retrouve dans cette œuvre.
Le choix de ce sujet permet de rappeler le nom de l'édifice destiné à recevoir le tableau,
église de la Sainte-Croix de Lyon. C'est un sujet, extrait de la Légende Dorée par Jacques de
Voragine, qui est peu représenté à l'époque. Il est donc original de présenter cette toile au
Salon. La composition est très animée, et la croix dépassant du cadre rend toute cette
agitation encore plus vive.
Pourtant, ce tableau attire peu les critiques, plus concentrés sur les sujets
mythologiques exposés par l'artiste (cat. P91 et P92). Saint-Yves, dans le commentaire qu'il
fait sur le tableau y voit tout « à la Restout, hardi et vigoureux » et il loue la figure
d'Héraclius, tout en émettant un reproche quant à la fragilité des autres personnages, qui
sont, selon lui, trop sveltes243. Gougenot, pour sa part, se contente de mentionner sa
par Krause ; Moïse et le serpent d'Airain, par Frontier ; Isaac portant le bois de son sacrifice, par Duflos et
L'Invention de la Croix par Pierre.
241 Les autres tableaux qui ont été réalisés pour ce programme iconographique sont, pour beaucoup, perdus et
ceux qui subsistent encore se trouvent dans d'autres églises lyonnaises.
242 C. Gouzi, Jean Restout: 1692-1768. Peintre d'histoire à Paris, 2000, p. 289
243 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 64
137
satisfaction vis à vis de cette œuvre dont « la beauté des effets » ne font pas défaut à
l'artiste244. Le compte rendu du Mercure de France fait un commentaire très positif du
tableau par lequel le peintre a « dignement soûtenu sa réputation [de peintre d'histoire] », et
rappelle le sujet qui y est représenté245.
P89 - Le Prophète Ézéchiel :
[n° 10 bis : « Deux Tableaux en hauteur de 10 pieds sur 3 & demi de large,
représentant les Prophètes Isaïe & Ezechiel ; pour le Seminaire de S. Sulpice ; sous le
même N°. »]
Huile sur toile
H. 3,40 ; L. 1,14
Signé et daté en bas à droite : « Restout 1748 »
Bordeaux, musée des Beaux-Arts (Inv. Bx E 39)
Historique : Jean Restout réalise, en 1748, ces deux pendants (cat. P89 et P90)
destinés à la chapelle du séminaire de Saint-Sulpice. Le tableau représentant Isaïe n'est pas
conservé longtemps puisqu'il se trouve jusqu'à la Révolution dans la chapelle du séminaire
de Saint-Sulpice, mais qu'il n'en reste plus de trace dès son passage au musée des
Monuments Français, vers 1800. Le Prophète Ezéchiel est cité en 1795, par Lenoir, au dépôt
des petits Augustins puis, en 1798, il est remis aux collections de l’État. Enfin, il est déposé
au musée de Bordeaux dès 1803, où il se trouve encore. Malheureusement son état actuel
n'est plus celui d'origine puisqu'en 1870 le tableau est ravagé par un incendie 246, et, malgré
une restauration en 1955, des séquelles subsistent. Par ailleurs, les nombreux repeints ont
complètement déformé le visage d'origine.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 64 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 96 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449 ; Rosenberg, 1970, cat. 72, repr. ; Gouzi, 2000, p. 287,
244 L. Gougenot, op. cit., 748, p. 96.
245 Mercure de France, op. cit., p. 160 (éd. 1970).
246 C. Gouzi, op. cit., 2000, p. 287. La peinture est craquelée sur toute la surface de la toile et un trou fait
disparaître la bouche du prophète.
138
cat. P. 142, repr. p. 102
Œuvre en rapport : Étude d'ensemble,
conservée
au
musée
des
Beaux-Arts
de
Rouen 247.
Exposition : 1748, Paris, n° 10 bis
La critique s'est peu attardée sur cette
toile, il est difficile d'en donner une description.
Le Prophète Ezéchiel est dans un état bien trop
éloigné de son origine pour dévoiler de ce qu'ont
pu admirer les salonniers de l'époque. Ce qui
reste visible de l’œuvre est sa composition
générale. Sur une toile toute en hauteur, Restout
place Ézéchiel de façon à ce que celui-ci domine
le spectateur, rappelant son caractère divin. Il
tient de ses deux mains la tablette sur laquelle est
inscrite sa prophétie. Le drapé de son vêtement
est traité en larges plis et confère au personnage
une très certaine solennité. Au fond du tableau,
en dernier plan, se trouve un temple, que l'on
peut apparenter à l'une des visions du prophète.
Saint-Yves loue la grande noblesse de ces
deux œuvres248. Gougenot, pour sa part, ne se
montre pas aussi enthousiaste. Il reproche à
Restout l'utilisation de son coloris qu'il juge trop
verdâtre, et semble penser que c'est un défaut qui
habite l'artiste depuis déjà fort longtemps, sans
Fig. P89 - Le Prophète Ezéchiel
249
que ce dernier cherche à le corriger . C'est une
247 L'ironie veut que ce dessin préparatoire n'ait pas été plus épargné que la toile de 1748, il présente de
nombreuses déchirures et son état ne fait pas honneur à sa qualité originelle.
248 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 64
249 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 96
139
critique qui est valable également pour le pendant de l’œuvre, Le Prophète Isaïe (cat. P103),
et pas seulement pour ce tableau.
P90 - Le Prophète Isaïe :
[n° 10 bis : voir cat. P89]
Huile sur toile
H. 3,40 ; L. 1,15
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P89
Bibliographie : Saint-Yves 1748,
p. 64 ; « Lettre sur la peinture, la
sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 96 ;
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... »
(1748), in Revue Universelle des Arts,
1859, p. 449 ; Rosenberg, 1970, cat. n° 109
; Gouzi, 2000, p. 288, cat. P. 143
Œuvres en rapport : Un tableau
de Restout conservé au musée d'Amiens,
exécuté dix ans auparavant, représentant
Le Prophète Isaïe250.
Dessin préparatoire représentant La
vision d'Isaïe, actuellement conservé à la
bibliothèque sulpicienne de Paris, se
Fig. P90* - Le Prophète Isaïe
rapprochant du tableau définitif de 1748
(fig. P90*).
250 C. Gouzi, op. cit., 2000, p. 243. L'auteur émet un doute quant au sujet de l’œuvre. Il pourrait s'agir, selon
elle, d'une représentation de Simon Zélote, dont l'iconographie reste très proche de celle d'Isaïe.
140
Exposition : 1748, Paris, n° 10 bis
Grâce au dessin préparatoire (P90*), il est possible de se faire une idée de ce qu'était
l’œuvre achevée, exposée au Salon. Le prophète figure au premier plan, dans une position
assise, tenant de son bras gauche une tablette qui porte l'inscription de sa prophétie, et de sa
main droite de quoi rédiger. À l'arrière plan figure la jeune fille enceinte qui apparaît au
prophète, nimbée de lumière. La prophétie attribuée à Isaïe est la suivante « Le seigneur
vous donnera un signe/ voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils. » (Es 7, 14).
L'iconographie du prophète est très claire grâce à la tablette qu'il porte, que l'on
retrouve également dans la vision d'Ezéchiel (cat. P89), mais également le mode de
représentation privilégié par l'artiste qui est bien celui du type des prophètes : un homme âgé
à la longue barbe.
La composition est très vivante, les mouvements sont amples, et rien n'est fixe dans cette
représentation.
La critique de Gougenot, identique à celle du Prophète Ezéchiel (cat. P89), reproche
le ton verdâtre d'Isaïe251. Le commentaire de Saint-Yves est aussi le même pour les deux
tableaux, dont il apprécie la grande noblesse252.
P91 - Psyché fuyant la colère de Vénus :
[n° 8 : Deux Sujets de Psyché, destinez pour les Appartements de Madame la
Dauphine. Le premier, tiré du Liv. 2. représente le moment qu'elle fuit la colère de
Vénus, & qu'elle monte à la Roche du Vieillard, lequel avoit deux filles qui gardoient
cinq ou six Chèvres, & s'occupoient à faire des petits paniers de jonc, & autres
Ouvrages de cette espéce. Autre de même grandeur, représentant Psyché qui se jette
aux pieds de Vénus, lorsqu'elle est à fa Toilette, pour lui demander grace d'avoir été
aimée de son Fils. Vénus ordonne à l'Envie, à la Colere & à la Jalousie de s'emparer
de Psyché & de la maltraiter.]
Huile sur toile
251 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 96
252 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 64
141
H. 1,65 ; L. 1,42
Versailles, musée national du Château (Inv. MV8404)
Historique : Ce tableau ainsi que le suivant, Psyché implorant le pardon de Vénus
(cat. P92), sont des dessus de porte, datés de 1748, destinés à orner le Grand cabinet de la
Dauphine au château de Versailles253.
La commande a été passée en 1747, par les Bâtiments du roi, pour la nouvelle
Dauphine Marie-Josèphe de Saxe mariée en février 1747. Les deux toiles sont mentionnées
dans l'inventaire des tableaux commandés par la direction des Bâtiments du roi, établi par
Engerand en 1901. Il fournit une description très complète des sujets des œuvres, ainsi que
des informations sur la commande254.
Il serait facile de croire que les œuvres n'ont pas quitté leur emplacement initial,
étant donné qu'il est toujours possible de les y admirer. Et pourtant, dès 1751, les deux toiles
sont déplacées et accrochées dans la chambre à coucher de la Dauphine, au château de
Versailles, au moins jusqu'en 1794. En 1822, elles figurent dans un inventaire du château,
sous un mauvais titre255, qui nous apprend qu'elles se trouvent alors dans le foyer de l'Opéra.
Quatre ans plus tard, les pendants à nouveau réunis sont envoyés à Fontainebleau, où ils
restent jusqu'en 1889, pour enfin être renvoyés dans un dépôt du Louvre à Versailles. Les
œuvres sont restaurées en 1971 avant d'être replacées dans les appartement de la Dauphine,
au rez-de-chaussée du corps central.
Les sujets de ces deux œuvres ont longtemps été confondues avec l'histoire
d'Herminie256. Le second tableau a également été répertorié en 1832 sous un titre inexact,
Une tante de Louis XVI en Psyché à sa toilette.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 64 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 96-97 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449 ; Engerand, 1901, p. 422 ; Rosenberg, 1970, p. 61,
cat. 33, repr. p. 132, pl. XXXVIII ; Gouzi, 2000, p. 285, Cat. P. 140, repr. p. 189
253 C. Gouzi, op. cit., 2000, p. 286. Ces toiles sont datées de 1748 en raison de leur présence au Salon cette
année-là, mais ont probablement été réalisées avant. Une commande similaire avait été passée à Vanloo par
les Bâtiments du roi peu de temps avant celle passée à Restout, et fut achevée en 1744.
254 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 18.
255 Longtemps l'iconographie de ce sujet a été mal perçue, elle est donc intitulée, Herminie chez les bergers.
256 F. Engerand, op. cit., 1901, p. 423. Les tableaux se trouvent alors à Fontainebleau « identifiés à tort à des
sujets de l'histoire d'Herminie ». L'auteur rétablit les titres exacts dès 1896.
142
Expositions : 1748, Paris, n° 8 ; 1970, Rouen, n° 33
Avec
ce
sujet,
Restout s'essaie à un genre
tout différent de ses toiles
religieuses. Il s'inspire ici
des Amours de Psyché et
de
Cupidon,
ouvrage
publié par La Fontaine en
1669.
C'est
un
mythologique
thème
qui
a
rarement été le choix des
artistes257.
Dans
première
Fig. P91- Psyché fuyant la colère de Vénus
toile,
cette
Psyché,
coupable aux yeux de
Vénus de ses amours avec
Cupidon, s'enfuit dans la montagne, aidée par un vieillard, et retrouve avec lui deux de ses
filles, occupées à tresser des joncs. Ce qui apparaît dès le premier regard, c'est la forte
ressemblance entre le vieillard et un personnage qui pourrait être issu d'une iconographie
religieuse. Restout ne parvient pas à sortir de ce qui est son plus grand talent, et il ne
convainc pas la critique dans ce nouveau choix de sujets profanes. Saint-Yves lui reproche
de ne pas être « toujours heureux dans le choix de sa figure principale »258. Et curieusement,
bien qu'il ait souvent été reproché au peintre de copier son maître, Jouvenet, Gougenot
déplore que l'artiste ne se soit pas plus inspiré de ce qu'il a pu observer lors de ses leçons
avec son maître. Il aurait dû, selon le critique, plus s'attacher à l'observation de la nature,
ainsi on ne verrait pas un tel « manque d'ensemble » entre les deux tableaux, ni « des airs de
tête aussi détestables »259.
Ce tableau semble être tant déprécié par la critique et le public que le peintre aurait,
257 P. Rosenberg, A. Schnapper, Jean Restout (1692-1768), 1970, p. 61. L'auteur mentionne tout de même
Challe au Salon de 1753.
258 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 64
259 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 97
143
quatre jours après le début de l'exposition, fait le choix de retirer cette œuvre du Salon. C'est
du moins ce qu'évoque Gougenot : « Ce peintre quatre jours après l'exposition, se rendant
jusqu'à un certain point justice à lui-même, a supprimé celui de ses Tableaux qui représente
le moment ou Psichée fuit la colère de Venus, & où elle monte à la Roche du Vieillard. »260.
P92 - Psyché implorant le pardon de Vénus :
[n° 9 : voir cat. P91]
Huile sur toile
H. 1,05 ; L. 1,40
Versailles, musée national du Château (Inv. MV8405)
Historique : Voir cat. P91
Bibliographie :
Saint-Yves, 1748, p. 64 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 10 et p. 28 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 96-97 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 449 ; Engerand, 1901, p. 422 ; Rosenberg, 1970, cat. 34, repr.
p. 133, Pl. XXXIX ; Gouzi, 2000, p. 286, cat. P. 141, repr. p. 89 et p. 286
Expositions : 1748, Paris, n° 9 ; 1935, Copenhague, n° 177 ; 1970, Rouen, n° 34
Cette toile, qui est le pendant de Psyché fuyant la colère de Vénus (cat. P91), est la
suite de la narration. À ce moment de l'histoire, Psyché décide de ne plus fuir la colère de la
déesse Vénus, et se rend à Cythère afin de lui demander son pardon. Le peintre représente la
jeune femme devant la déesse en pleine toilette. Il s'agit d'un moment de vie intime, durant
lequel les Grâces s'occupent de la coiffure de la déesse, qui n'influe pourtant pas sur la
colère de Vénus et la sentence qui va suivre. Cette dernière ordonne aux Furies, présentes
derrière Psyché, de frapper la jeune femme jusqu'à ce que son corps blanc se trouve
totalement maculé de sang.
260 Ibid.
144
Il est compréhensible que
le sujet ait été mal interprété
tant, encore une fois, le
caractère mythologique des
personnages n'est pas rendu
comme il serait souhaitable.
Toutes les figures féminines
représentées sur cette toile
sont
plus
ou
moins
similaires. Le trop grand
nombre de personnages que
l'artiste a choisi de placer
Fig. P92 - Psyché implorant le pardon de Vénus
dans la scène assombrissent
le
rendu
général.
Ils
empêchent la bonne compréhension de l'histoire, et le regard de se poser immédiatement sur
les figures principales. Bien que Saint-Yves reconnaisse au peintre la brillance de son coloris
et la justesse de sa composition, il lui reproche des anachronismes dans les toilettes que
portent les personnages qui sont « tout à la moderne »261. Ce type de représentation un peu
démodé peut être imputé à la date de réalisation des œuvres, trois ans auparavant, à un
moment auquel les attentes iconographiques n'étaient pas les mêmes262.
Ainsi, ce tableau et son pendant (cat. P91) ne sont pas bien reçus de la critique, et
Baillet de Saint-Julien va jusqu'à écrire que c'est « sans passion qu'on invite […] M. Restout
à ne plus peindre de graces »263.
261 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 64
262 Cet argument est tout aussi valable pour la première toile, Psyché fuyant la colère de Vénus (cat. P91).
263 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 28
145
Louis Tocqué (1696-1772)
Louis Tocqué264 est un peintre parisien, né le 19 novembre 1696. Sa famille est peu
aisée ; son père exerce le métier de peintre de portraits avec une certaine médiocrité. Le
jeune Louis entre dans l'atelier de Nicolas Bertin où il passe peu de temps, se dirigeant
rapidement vers celui de Nattier, déjà très reconnu à l'époque et qui, par la copie des maîtres,
lui fournit un enseignement de portraitiste. En l'année 1747, ayant déjà joui de son succès, il
épouse la fille de Nattier, entrant alors dans le cercle intime de celui qui est son maître. Bien
qu'il tienne beaucoup de ce peintre, Louis Tocqué développe sa propre manière qui le
distingue des autres portraitistes de son époque. Il n'est pas friand de mises en scènes
pompeuses et préfère toujours la simplicité de ses modèles dans leur quotidien. Il est
considéré à l'époque comme l'un des portraitistes les plus doués et sa fortune critique
regorge de compliments sur ses aptitudes à saisir les ressemblances, sa capacité à dessiner et
à user avec justesse des couleurs, ainsi que son goût dans le choix de ses représentations.
En 1731, il est agréé de l'Académie pour être reçu seulement trois ans plus tard
académicien. En 1744, il deviendra associé libre de l'Académie de Copenhague.
En 1748, il expose trois portraits, dont un de la Dauphine qui ne remporte pas le
succès qu'aurait pu espérer l'artiste, d'autant plus qu'il s'agit d'une œuvre réalisée en tant que
véritable hommage à la disparue. Le Mercure de France du mois de septembre 1748
mentionne les œuvres exposées par le peintre, sans toutefois en faire de critique265.
P93 - Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle d'Espagne, Dauphine de
France :
[n° 54 : « Le Portrait en pied de feuë Madame la Dauphine, Princesse d'Espagne. »]
Huile sur toile
H. 2,71 ; L. 1,95
Signé en bas à droite : « L. Tocqué pinxit 1748 »
264 A. Doria, Louis Tocqué, 1929. Cette monographie de l'artiste nous a permis d'établir cette courte
biographie.
265 Mercure de France, op. cit., p. 163 (éd. 1970).
146
Versailles, musée national des Châteaux et de Trianon (Inv. 3795)
Historique : La commande de ce tableau est passée à l'artiste en 1747 par le roi. Elle
implique le prêt du manteau royal, afin que l'artiste l'utilise pour sa représentation du
vêtement. La commande est mentionnée avec ses détails par Engerand, dans l'Inventaire des
tableaux commandés..., publié en 1901266. Ce qui rend la réalisation de ce portrait d'autant
plus difficile est que le modèle est décédé presque deux années auparavant ; Tocqué est
donc contraint de s'inspirer d'autres portraits, notamment d'un pastel de La Tour.
Après son exposition au Salon, le tableau intégrera les collections du roi Louis XV,
et restera à Versailles où il se trouve toujours, au musée national des Châteaux et de Trianon.
Bibliographie : Saint-Yves,
1748, p. 92 ; « Réflexions sur
quelques
circonstances... »,
1748
(rééd. 1972), p. 8 ; « Lettre sur la
peinture,
la
sculpture... »,
1748
(rééd. 1972), p. 118 ; Engerand,
1901, p. 456-457 ; Doria, 1929, p.
103, cat. 73, repr. p. 180, fig. 14
Œuvres en rapport : MarieThérèse
infante
d'Espagne,
probablement esquisse préparatoire,
conservée au Cabinet des dessins du
musée du Louvre.
Pastel de La Tour qui permet
à l'artiste une vraisemblance dans les
traits
du
modèle.
Il
s'agit
probablement du portrait conservé au
Louvre.
Fig. P93 - Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle
d'Espagne, Dauphine de France
Exposition : 1748, Paris, n° 54
266 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 19.
147
C'est une tâche ardue à laquelle est confrontée le peintre par cette commande. Il lui
faut réaliser un portrait officiel mais dont le modèle est décédé près de deux ans auparavant,
ce qui ne lui permet aucun faux pas. La commande que passe Louis XV témoigne de la vive
affection que pouvait avoir la famille royale pour la Dauphine, et le peintre doit lui faire
l'honneur escompté par les commanditaires.
Tout en peignant un portrait officiel, où paraît la Dauphine, en pied, vêtue du
manteau royal, l'artiste rappelle que c'est aussi un portrait posthume en plaçant une
pleureuse sur les soubassements des colonnes qui forment le décor. Il pose également, de
son pinceau, un bouquet de fleurs aux pieds de la Dauphine, en hommage à celle-ci. Le
tableau est très sombre, et se décline dans un camaïeu de teintes bleutées et brunes, qui
marquent bien le deuil qui habite le sujet. Cependant, une représentation trop présente de la
mort dessert fortement l'artiste, et tous les critiques ne sont pas satisfaits du portrait qui leur
est offert267. On reproche au peintre d'être trop sombre dans le choix de son coloris. Baillet
de Saint-Julien va même jusqu'à dire que son seul plaisir dans la contemplation de ce
tableau est de repenser à un portrait de la Reine exposé au Salon de l'année précédente au
même emplacement268. Saint-Yves, pour sa part, reproche les plis du manteau qui sont trop
lourds269, tandis qu'à l'inverse Gougenot est admiratif de ce pinceau « né pour peindre les
Rois et les Princes »270.
P94 - M. l'abbé de Lowendal :
[n° 55 : « Le Portrait de M. l'Abbé de Lowendal. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 92 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
267 A. Doria, op. cit., 1929, p. 103. Ce portrait est l'application d'une théorie funeste, que Tocqué commence à
mettre en place, et dont il développera le discours peu de temps après à l'Académie. Cependant l'auteur de
l'ouvrage monographique ne fournit pas plus de précisions sur le contenu de cette théorie.
268 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 8
269 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 92
270 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 118
148
1748 (rééd. 1972), p. 118 ; Doria, 1929, p. 121, cat. 201
Exposition : 1748, Paris, n° 55
C'est l'une des personnalités les plus célèbres de l'époque, connue de la cour et du
milieu de l'Académie, que représente le peintre Louis Tocqué. Ainsi, les critiques sont à
même de juger de la ressemblance du sujet. Ils sont ravis de ce portrait qui est, pour SaintYves, « d'une force supérieure »271, tandis que pour Gougenot, il n'est « rien de plus beau et
de plus ressemblant »272.
P95 - M. Selon de Londres :
[n° 56 : « Celui de M. Selon de Londres, tenant son Chapeau. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Doria, 1929, p. 136, cat. 300 ; « Lettre sur la peinture, la
sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 118
Exposition : 1748, Paris, n° 56
C'est encore une fois une personne qui est connue des critiques qui est ici
représentée, et ce tableau reçoit les mêmes commentaires que le Portrait de l'abbé de
Lowendal (cat. P94) de la part de Gougenot qui loue la ressemblance du modèle 273. C'est
une qualité qui semble être récurrente dans les portraits de Louis Tocqué.
271 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 92
272 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 118
273 Ibid.
149
Robert Levrac dit Tournières (1668-1752)
Né en 1668274 à Caen, ce peintre commence à exercer à la fin du
e
XVII
siècle à une
époque où la peinture flamande tend à influencer de plus en plus l'art français. Sa jeunesse,
passée à copier les peintres du nord, oriente de façon déterminante tout le reste de sa
carrière. Par ailleurs, tenant sa formation d'artiste d'un moine, il conservera toute sa vie une
grande rigueur, une austérité et une grande intensité, qui feront de lui un portraitiste très
différent de ses contemporains. Établi à Paris dès les années 1685, il se présente à
l'Académie en juin 1701 et en est agréé en mars 1752 en tant que peintre de portraits,
consécration qu'il recherchait. Il devient académicien en 1716, cette fois-ci en tant que
peintre d'histoire et est nommé en 1725, adjoint à professeur.
Il expose pour la première fois au Salon en 1704, et y reste présent jusqu'en 1748. Il
met fin à sa carrière en 1749, puis repart à Caen où il meurt en 1752. Son œuvre est
malheureusement encore bien trop méconnu car la plupart de ses portraits ont été attribués
au peintre Largillière.
Au Salon de 1748, il expose trois portraits, dont deux sont ceux de personnages
mythologiques. Les critiques ne s'intéressent pas à ces trois tableaux. Cependant, Gougenot
note que Tournières, qu'il cite comme l'un des plus anciens peintres de cette exposition,
permet grâce à ses portraits, d'offrir aux générations futures « l'histoire vivante des modes de
chaque siècle ». Néanmoins, le critique semble peu conquis par Tournières en tant qu'artiste,
chez lequel il perçoit une « manière léchée »275. Pourtant, l'opinion de l'amateur anonyme
auteur des Lettres écrites de Paris à Bruxelles est que personne ne devrait refuser à l'artiste
« les louanges qu'il a toujours méritées »276.
P96 - Portrait du marquis de Beauharnais :
[n° 16 : « Le portrait de M. le Marquis de Beauharnois, Lieutenant Général des
274 Désaccords concernant sa date de naissance entre ses différents biographes, né en 1676 selon certains.
Nous avons fait ici le choix de nous baser sous la monographie publiée en 1928 par M.-L. Bataille, sous la
direction de Louis Dimier.
275 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 117. Le critique cite des vers d'Horace: « Aemilium circa ludum faber imus
& ungues/ Exprimet & molles imitabitur aere capillos :/ Infoelix operis summa ; quia ponere totum/
Nesciet », qu'il juge adaptables à Tournières. Selon ces mots, le fait de savoir représenter correctement les
divers éléments d'une œuvre n'en font pas nécessairement un tout réussi.
276 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452
150
Armées Navales du Roy, ci-devant Gouverneur de la Nouvelle France, Commandant
de l'Ordre Royal & Militaire de Saint-Loüis. »]
Huile sur toile
H. 1,17 ; L. 0,98
Signé à l'arrière de la toile : « R. de Tournières, 1748 » (disparu depuis un rentoilage)
Grenoble, musée des Beaux-Arts (Inv. MG 215)
Historique : Sûrement lié à une commande pour célébrer le retour en France, en
1747, du marquis de Beauharnais, le tableau est acquis par la ville de Grenoble dès 1799,
par Jay qui, en 1809, l'attribue au peintre Largillière. En 1840, la mauvaise attribution est
retirée et le portrait catalogué comme œuvre anonyme jusqu'en 1870, date à laquelle il est
restitué à Tournières. Le tableau est désormais exposé dans le musée des Beaux-Arts de la
ville de Grenoble.
Bibliographie
:
Cat.
musée Grenoble, 1911, p. 44,
cat. 106
;
Chomer,
2000,
p. 124-127,
cat. 102,
repr.
p. 125
Expositions
:
1748,
Paris, n° 16 ; 1900, Paris,
n° 106 ; 1933, Paris, n° 113 ;
1958, Bordeaux, n° 125 ; 19781979, Moscou-Léningrad, n° 14
; 1981, Montréal, n° 76
Ce portrait à mi-corps
met
en
avant
la
carrière
militaire du modèle. Il est
Fig. P96 - Portrait du marquis de Beauharnais
151
représenté portant son armure barrée du cordon rouge de l'ordre de Saint-Louis 277. Le
marquis est rentré en France en 1747 après avoir été gouverneur du Canada depuis 1726 et
son portrait est réalisé seulement un an avant sa mort en 1749. Il est à ce moment-là nommé
lieutenant général des armées navales du roi, ce que le peintre symbolise ici par le bâton de
commandement que le modèle tient de sa main droite. La double fonction du peintre, à la
fois portraitiste et peintre d'histoire se retrouve dans cette œuvre qui, selon la hiérarchie des
genres, peut être placée au rang des plus grands tableaux malgré son statut de portrait et ce,
en raison de son modèle, personnage politique, dont le portrait commémore un fait
historique.
Cependant, ce tableau n'est pas commenté par la critique, qui n'y voit probablement
rien à redire, sans peut-être le juger pour autant suffisamment bon pour en faire l'éloge.
P97 - Déesse Flore sous un berceau de chèvrefeuille :
[n° 17 : « Un Tableau de même grandeur, représentant la Déesse Flore sous un
Berceau de Chevrefeüille. »]
Environs, H. 1,17 ; L. 0,98
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 17
Nous pouvons supposer les dimensions du tableau, de façon plus ou moins
approximative, en raison de la description du livret qui le mentionne comme étant « de
même grandeur » que le précédent exposé, Le Portrait du marquis de Beauharnais (cat.
P96).
P98 - Hébé, déesse de la jeunesse :
[n° 18 : « Autre plus petit, représentant Hébé, Déesse de la Jeunesse. »]
277 Ordre militaire, fondé en 1698 par Louis XIV, et dont le modèle a reçu toutes les nominations existantes.
152
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 18
153
Claude-Joseph Vernet (1714-1789)
Joseph Vernet est le peintre de marines par excellence du
XVIII
e
siècle. De ce fait, un
grand nombre d'ouvrages ont été édités à son sujet ; nous avons choisi de nous attarder ici
sur ceux de Léon Lagrange et Florence Ingersoll-Smouse, respectivement publiés en 1864 et
1926.
Le peintre est né en Avignon en 1714. Il est issu, comme beaucoup de ses
contemporains artistes, d'une dynastie de peintres, il commence sa formation en étant élève
de son père avant d'être envoyé à Aix par un grand cardinal d'Avignon conscient de ses
aptitudes à devenir un grand peintre. Il y reçoit l'enseignement de Jean-Baptiste De la Rose
et de Philippe Sauvan, jusqu'en 1734, année pendant laquelle il est envoyé à Rome, grâce à
un financement de ses maîtres et du cardinal avignonnais. Avant cette formation à Rome,
Vernet s'intéresse déjà à la peinture de marines et souhaite devenir peintre d'histoire. Il ne
rentre pas à Paris avant 1751, ce qui amuse beaucoup ses contemporains qui le surnomment
« Vernet de Rome ». Cette délocalisation volontaire ne l'empêche pas de franchir les
échelons de l'Académie : après avoir été reçu membre de l'Académie de Saint-Luc en 1743,
il est agréé de l'Académie royale de Peinture et Sculpture en 1746, et admis académicien
sept ans plus tard.
Il ne participe pas à tous les Salons, mais les œuvres qu'il y envoie reçoivent toujours
un grand nombre d'applaudissements de la part des critiques et du public, et les commandes,
notamment royales, foisonnent.
En 1748, il expose deux tableaux qui font partie d'une plus large série de pendants. Il
ne faillit pas à sa réputation de peintre de marines, et la critique reçoit ses œuvres avec grand
plaisir278.
Cependant, dans sa critique du Salon, Baillet de Saint-Julien fait état de quatre
tableaux envoyés de Rome alors que seuls deux figurent dans le livret279. De plus, le critique
ne fait de commentaires que sur ces deux mêmes toiles. Nous pouvons donc nous demander
si les deux autres tableaux qui sont également mentionnés, toujours de façon très évasive,
par l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles, sont restés exposés durant
278 Mercure de France, op. cit., p. 164 (éd. 1970). Il y est écrit que Vernet « promet d'atteindre un jour le
Claude Lorrain ».
279 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 5. Selon le critique, le peintre « a envoyé de Rome quatre
Tableaux, entr'autres deux marines. »
154
toute la durée du Salon280. Peut-être ne reçoivent-ils pas suffisamment l'approbation de la
critique et du public, et qu'on a jugé plus sage de les retirer ? Quoi qu'il en soit, nous avons
choisi de suivre le livret et de ne pas les présenter dans notre catalogue.
P99 - Incendie :
[n° 102 : « Deux Tableaux. L'un représente un Incendie. L'autre un clair de lune. »]
Huile sur toile
H. 0, 56 ; L. 1,36
Münich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakotech (Inv. 544)
Historique : Ces deux tableaux, Incendie et Clair de lune (cat. P100), qui sont des
pendants, font partie d'une commande plus large, passée en 1746 par le marquis de Villette,
premier mécène du peintre. Le Livre de Vérité de Vernet, publié en 1864 par Léon Lagrange,
permet de connaître les détails de cette commande :
Pour M. de Villette huits tableaux en toile de quatres palmes ordonnez au mois de juin 1746
representent deux des parties de plaisir sur le bord de la mer dans des lieux agréables avec des
figures qu'on voit en certains ports d'Italie, deux autres en jardins avec des figurines habillée a
la mode; deux autres dans le goust de Salvator Rosa avec des rochers, cascades, troncs
d'arbres et quelques soldats avec des cuiraces, et deux autres, l'un representent une incendie
avec un clair de lune en marine, et l'autre une tempeste, et promis deux par année, à cinq cents
livres les deux.281
La commande est quelque peu modifiée pour sa réalisation finale, et Vernet peint en 1747 un
Incendie d'une ville et un Clair de lune avec baigneurs, qui sont, l'année suivante, exposés
au Salon. D'autres tableaux appartenant à la série sont exposés au Salon en 1753 sous le
numéro 128.
Les deux œuvres de 1748 restent dans la collection du marquis jusqu'en 1765, année
de l'une de ses ventes, où elles sont acquises pour la somme de 1680 livres (n° 41).
Quelques années plus tard, en 1777, elles se retrouvent à la vente Conti (n° 740). Le 17 avril
1843, L'Incendie est décrit à la vente Cardinal Fesch : « Incendie d'une ville située sur le
bord de la mer : les habitants fuient en emportant avec eux tout ce qu'ils peuvent dérober
280 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452. L'amateur écrit que l'on « ne désire dans
l'une de ses quatre marines qu'un coup de lumière ».
281 L. Lagrange, Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle, avec le texte des Livres de Raison et un bon
nombre de documents inédits, 1864, p. 354.
155
aux flammes », et se trouve désormais à la Alte Pinakotech de Münich.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 108 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 5-6 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture.... », 1748
(rééd. 1972), p. 114 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle
des Arts, 1859, p. 452 ; Gault de Saint-Germain, 1808, p. 246 ; Lagrangre, 1864, p. 52-53 et
p. 327 ; Ingersoll-Smouse, 1927, p.49, cat. 17
Œuvre en rapport : Clair de lune (cat. P100), exposé au Salon la même année.
Tous deux faisant partie d'une série plus large commandée par le marquis de Villette.
Exposition : 1748, Paris, n° 102
Fig. P99 - Incendie
Tout le talent de Vernet est présent dans cette peinture toute en longueur. Sur le bord
de la mer, la nuit, une ville ; au loin, des navires, amarrés ou naviguant, et en arrière-plan,
l'embrasement d'une partie de cette ville dans des flammes monumentales desquelles se
dégage un nuage de fumée sombre. En premier-plan se distinguent, comme des ombres, de
petites figures humaines fuyant la catastrophe. Il n'en faut pas plus aux critiques pour être
conquis. Saint-Yves est admiratif de la façon dont l'artiste parvient à rendre la lumière. Cette
lumière créée par le feu dans toute sa violence et qui se dégage au loin pour « y mourir et se
156
mêler avec la faible clarté du croissant qui luit sur l'horizon »282. Gougenot est, pour sa part,
plus touché par la représentation du sentiment d'effroi, et de la ville au loin qui « ne pouvait
mieux se détacher du fond du tableau, et être dans un meilleur ton de couleur »283. Seul
l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles y trouve quelques défauts. Il n'est
pas entièrement séduit par les effets de lumière mais admet un grand réalisme dans la
représentation des figures284.
Le peintre peut se féliciter d'une telle réussite, exempte de toute réaction négative. La
grande admiration provoquée par cette œuvre conduit même Baillet de Saint-Julien à
composer un poème que lui inspire la vue de l’œuvre, excellent témoignage de ce que
pouvait évoquer au public de tels tableaux285.
P100 - Clair de lune :
[n° 103 : voir cat. P99]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. P99
Bibliographie :
Saint-Yves, 1748, p. 108 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 5 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 114 ; « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », in Revue Universelle des
Arts, 1859, p. 452 ; Lagrangre, 1864, p. 52-53 et p. 327 ; Ingersoll-Smouse, 1927, p. 49, cat.
172
Œuvre en rapport : L'Incendie (cat. P99), exposé au Salon la même année. Tous
deux faisant partie d'une série plus large commandée par le marquis de Villette.
Exposition : 1748, Paris, n° 103
282 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 108.
283 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 114
284 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452
285 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 5-6. Le poème est retranscrit en Annexe 11.
157
Une fois encore, le sujet ne semble que prétexte à la représentation de bateaux. Le
clair de lune permet au peintre de jouer sur une lumière douce qui contraste fortement avec
celle du pendant de l’œuvre, L'incendie (voir cat. P99). L'auteur rend ce tableau vivant par
la présence de l'activité humaine, ici celle de la pêche, mais également en y plaçant un
matelot et des femmes endormies.
Bien qu'appréciée des salonniers, l’œuvre est moins bien reçue que la précédente.
Elle ne déclenche pas les mêmes passions, probablement en raison de son sujet plus calme,
moins enclin à provoquer de fortes émotions. C'est d'ailleurs la raison évoquée par SaintYves lors du Salon de 1748286.
Un certain lyrisme tout de même n'échappe pas à Gougenot qui y voit la sensibilité
avec laquelle le peintre représente « comment des vaisseaux avec le même vent peuvent
faire différentes routes ». Il reproche toutefois à Vernet des défauts de l'ordre du réalisme de
la représentation : la charge de l'une des barques en premier-plan devrait entraîner celle-ci à
pencher plus, et à être plus enfoncée dans l'eau. Il concède cependant à l'artiste une grande
recherche de vraisemblance, en le comparant à d'autres peintres de mêmes sujets qui eux,
recherchent les effets avant la vérité287. Nous pouvons alors penser que les reproches faits
quant à la représentation de la barque, sont ceux d'un critique qui sait pouvoir attendre
beaucoup de l’œuvre du peintre qu'il regarde et qui, par le fait, s'autorise à vouloir le tirer
vers l'excellence.
L'artiste peut à nouveau se féliciter d'une telle réussite, d'autant plus qu'un amateur
anonyme auteur de lettres juge les clairs de lune extrêmement difficiles à réaliser288.
286 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 108
287 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 114
288 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452
158
CATALOGUE DE PASTELS
159
Jean Chauffourier (1678-1757)
Jean Chauffourier, né en 1678 à Paris, exerce de son temps plusieurs formes d'art. Il
est à la fois peintre, à l'huile et au pastel, ainsi que dessinateur et graveur à l'eau-forte. Bien
que peu connu de nos jours, il a été, de son temps, le professeur de dessin de l'éminent
Pierre-Jean Mariette, collectionneur, artiste et mécène.
De sa vie nous savons peu de choses, si ce n'est qu'il se présente à l'Académie où il
est reçu en juin 1735 en tant que peintre de perspectives.
Au Salon de 1748, il présente deux pastels, parmi six morceaux. Toutefois les
explications du livret ne fournissent pas de précisions sur ces œuvres se contentant de
mentionner qu'il s'agit de six morceaux. Nous n'avons eu la possibilité, en ne pouvant nous
baser uniquement que sur des critiques trop imprécises, retrouver ces différentes œuvres.
D1 - Paysage (?) :
[n° 91 bis : « Six Morceaux de ses [Chauffourier] Ouvrages, tant à l'huile, au Pastel,
gravûre que desseins, sous le même numero ».]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 452
Exposition : 1748, Paris, n° 91 bis
La critique et le livret ne fournissent malheureusement pas les informations
nécessaires à l'identification de ce pastel ainsi que celle du suivant (cat. D2). L'auteur
anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles, se contente de faire part du fait que
160
Chauffourier expose cette année-là « deux paysages au pastel qui sont d'un très bon
effet »289. Nous pouvons donc supposer qu'ils sont relativement bien reçus, sans toutefois
que les critiques aient été suffisamment conquis pour en faire les éloges.
D2 - Paysage (?) :
[n° 91 bis : voir cat. D1]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Voir cat. D1.
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 452
Exposition : 1748, Paris, n° 91 bis
Voir notice cat. D1.
289 Ibid.
161
Maurice-Quentin de La Tour (1704-1788)
Maurice-Quentin de La Tour, né à Saint-Quentin en 1704, est le grand pastelliste du
XVIII
e
siècle290. Très tôt, il présente des dispositions concernant le dessin, ce qui n'est pas du
goût de son père. Le jeune homme pourtant n'hésite pas, dès les années 1720, à écrire au
graveur Henri-Nicolas Tardieu, qui l'encourage à venir travailler dans son atelier parisien.
Bien que la formation reçue du graveur le marque à jamais, La Tour, plus attiré par la
peinture, quitte définitivement l'atelier de Tardieu. Ce n'est qu'après être entré dans l'atelier
d'un peintre plutôt médiocre, Spoëde, qu'il quitte Paris pour Reims, et se tourne vers le
pastel. S'il fait ce choix, ce n'est pas tant par goût que par sa nature fragile qui l'empêche de
travailler pleinement la peinture à l'huile. Il trouve très vite ce qui va faire sa renommée en
devenant portraitiste. Il excelle dans cet art en saisissant la véritable nature de chacun avec
une extrême fidélité. Son œuvre est prolifique et offre un panorama très large de la société
du
XVIII
e
siècle. De plus, le pastel, technique peu utilisée avant cette période, fait de lui un
artiste à part dans le cercle artistique de l'époque.
Le pastelliste est agréé de l'Académie en 1737, et reçu en tant que portraitiste le 24
septembre 1746, soit près de dix ans plus tard. En 1750, il reçoit une haute distinction en
étant nommé peintre du roi, prouvant encore une fois que son œuvre est très apprécié de ses
contemporains.
Au Salon de 1748, il est l'artiste exposant le plus d’œuvres, en présentant pas moins
de quinze portraits au pastel291. Le succès de ces portraits n'est pas égal. Le Mercure de
France n'évoque que ceux qui sont jugés comme les plus réussis 292. Gougenot qui sait
apprécier la beauté de certains de ces pastels, reproche toutefois à La Tour de ne pas avoir
suffisamment varié les attitudes de ses modèles. Dans la seconde des Lettres écrites de Paris
à Bruxelles, critique de l'ouvrage de Gougenot, l'auteur anonyme tente de défendre l'artiste
en faisant très judicieusement allusion à l'idée que ces portraits ne sont pas faits pour être
vus les uns avec les autres comme une suite de figures, et le portraitiste n'avait alors pas à
chercher différentes attitudes dans ces représentations293.
290 De ce fait, un grand nombre d'expositions qui eurent lieu à la fin du XIXe siècle et au XX présentent ses
œuvres.
291 Chacun des modèles français des portraits masculins, excepté celui de Dumont le Romain (cat. D17), sont
parés du cordon de l'ordre du Saint-Esprit, ordre le plus prestigieux de la chevalerie française.
292 Mercure de France, op. cit., p. 163 (éd. 1970). Seuls trois portraits sont cités : « Nous nous contenterons
de dire que son Portrait de la Reine, celui de M. le Maréchal Duc de Belle-Isle, & celui de M. Dumont le
Romain, sont comparables à tout ce qu'il a fait de plus beau ».
293 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 452.
E
162
D3 - Louis XV :
[n° 77 : « LE ROY. »]
Pastel sur papier bleu-gris, en deux feuilles, collé en plein sur une toile tendue sur châssis
H. 0,64 ; L. 0,54 (agrandi par un tasseau sur les quatre côtés)
Paris, musée du Louvre (Inv. 27615)
Historique : Il s'agit
ici
d'un
portrait
officiel,
commandé par les Bâtiments
du roi294. Pour la seconde
fois, le peintre est requis
pour effectuer un portrait du
souverain. En effet, en 1745
déjà,
en
commande
raison
d'une
par
voie
officielle, La Tour a dû
exécuter un portrait de Louis
XV, qui a été exposé au
Salon de cette année-là. Le
seul
des
deux
portraits
conservé est celui exposé au
Salon de 1748295, il est
actuellement au musée du
Louvre.
Fig. D3 - Louis XV
Bibliographie
:
« Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 119 ; Engerand, 1901, p 270 ;
Besnard, 1928, p. 152, cat. 276 ; Cat. expo. Pastels français des collections nationales...,
294 Ce portrait est mentionné dans l'Inventaire des tableaux commandés par les Bâtiments du roi, publié par
Engerand, en 1901, p. 270. Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 20.
295 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 119. Selon une note du critique, il semblerait que La Tour ait fait le choix,
peu de temps après l'ouverture du Salon, de retirer ce portrait. Cependant, il n'est fourni aucune explication
quant à la raison qui pousse l'artiste à prendre cette décision.
163
1949, p. 16, cat. 29 ; Cat. expo. Louis XV, un moment de perfection..., 1974, p. 181, cat. 146,
repr. p. 157
Œuvres en rapport : Le musée de Saint-Quentin possède une esquisse, dite
préparatoire, de ce portrait mais dont l'authenticité est contestée. Sa réalisation jugée
mauvaise n'est sûrement pas de la main de l'artiste296.
Portrait du roi réalisé par Vanloo, conservé au musée de Versailles, dans lequel la
figure du monarque est directement inspirée du portrait de La Tour.
Le portrait est également beaucoup repris en miniature, pour des boîtes ou des
bijoux.
Expositions : 1748, Paris, n° 77 ; 1930, Paris, n° 7
Ce portrait au pastel, exposé au Salon de 1748, est devenu un type officiel de portrait
royal qui se retrouve dans un grand nombre d’œuvres des années suivantes. Le roi y est
représenté de trois quarts, tourné vers sa droite, et porte, sur sa cuirasse, le cordon bleu de
l'ordre du Saint-Esprit. L'analyse du pastel apprend que seule la tête a été dessinée d'après le
modèle et ajoutée sur un second papier sur lequel avaient été dessinés les vêtements297.
Ce portrait intéresse peu la critique qui, bien que conquise par toutes les œuvres
exposées par l'artiste, s'attache beaucoup plus à commenter celui de la reine (cat. D4).
Cependant, Gougenot met en avant la façon dont l'artiste « a sçu rendre la cuirasse &
l'habillement du Roi ». De plus, l'écriture en majuscules dans le livret, dénote l'importance
de ce tableau en raison de son modèle. Seules les explications des trois portraits de la
famille royale (cat. D4 et D5) sont rédigées de telle sorte.
D4 - Marie Leczinska :
[n° 78 : « LA REINE. »]
Pastel sur papier gris-beige, collé en plein sur une toile tendue sur châssis
296 E. Dacier, Pastels français des XVIIe et XVIIIe siècles, 1927, p. 16. Le rédacteur de ce catalogue émet un doute
concernant le statut d'esquisse préparatoire du dessin de Saint-Quentin.
297 A. Besnard, La Tour: la vie et l’œuvre de l'artiste, 1928, p. 152.
164
H. 0,64 ; L. 0,54
Paris, musée du Louvre (Inv. 27618)
Historique : Ce portrait est le second réalisé par La Tour ayant la reine pour modèle,
il lui a été commandé par les Bâtiments du roi 298. Le premier date de 1744. Celui-ci est le
seul conservé et se trouve
actuellement au musée du
Louvre.
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 94 ; « Lettre
sur
la
sculpture... »,
peinture,
1748
la
(rééd.
1972), p. 119 ; « Réflexions
sur
quelques
circonstances... »,
(rééd.
1972), p. 16
1748
;
Engerand, 1901, p. 270 ;
Besnard, 1928, p. 154, cat.
311, repr. pl. IX, fig. 14 ; Cat.
expo. Pastels français des
collections
Fig. D4 - Marie Leczinska
nationales...,
1949, p. 17, cat. 30 ; Cat.
expo. Louis XV, un moment
de perfection..., 1974, p. 182,
cat. 147
Œuvres en rapport : Supposée préparation au musée de Saint-Quentin, bien que
cette hypothèse soit fortement controversée.
Gravure par Petit.
Copie au pastel conservée au musée de Versailles, et nombreuses autres, dues au
franc succès que remporta ce portrait.
298 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 20.
165
Exposition : 1748, Paris, n° 78
La reine était extrêmement satisfaite de ce portrait qui, tout comme celui exécuté par
Nattier exposé au même Salon (cat. P69), la représente dans toute sa simplicité, sans
parures inutiles. Encore une fois, tout comme pour le roi et le Dauphin (cat. D3 et D5)
l'écriture du livret est en majuscules et se différencie ainsi du reste des œuvres exposées.
C'est l'une des œuvres du Salon à récolter le plus d'éloges. Baillet de Saint-Julien
écrit d'ailleurs que bien que « chacun de ces portraits mérite en particulier de grands éloges
[…] celui de la Reine est au dessus de tout ce qu'on peut lui donner ». Ce qui rend le critique
si enthousiaste est la ressemblance si bien saisie mais aussi la façon dont le pastelliste a
traité chaque détail.
C'est une opinion partagée par Saint-Yves qui juge tous les portraits exposés par
l'artiste « estimables » mais pour qui celui de la reine diffère, et le critique ne le qualifie pas
moins que de « chef d’œuvre ». Ce qu'il trouve par dessus tout admirable, à l'instar de
Baillet de Saint-Julien, c'est la façon dont le portraitiste a su saisir tous les airs de la reine, et
se rapprocher ainsi le plus de la vérité. Et le critique ne pèse pas ses mots en écrivant : « la
douceur et la bonté de cette princesse sont exprimées sur son front, dans son air et son
maintien ». Si La Tour est considéré comme un si bon portraitiste c'est par son aptitude à
saisir tout le caractère de ses modèles par la façon dont il les représente299.
Gougenot est tout aussi admiratif que Saint-Yves, et il loue également la
ressemblance du portrait tout autant que la façon dont l'artiste traite les ajustements 300. En
effet, la toilette de la reine est rendue avec une touche remarquable et une grande vérité dans
le traitement des tissus.
Ainsi, en exposant ce portrait, La Tour est couronné de succès, recevant tous les plus
beaux compliments qui puissent lui être faits, et aucun critique ne trouve de défaut à cette
œuvre.
D5 - Le Dauphin :
[n° 79 : « LE DAUPHIN. »]
299 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 94
300 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 119
166
H. 0,664 ; L. 0,54
Paris, musée du Louvre (Inv. 27621)
Historique : La Tour a
réalisé, au cours de sa carrière,
quatre
portraits
du
jeune
dauphin, dont trois ont été
présentés à des Salons, en 1745,
1748 et 1763. Tous lui ont été
commandés par les Bâtiments du
roi301. Celui exposé au Salon de
1748 est désormais conservé au
Louvre.
Bibliographie : Besnard,
1928, p. 153, cat. 286 ;
Cat.
expo.
des
Pastels
français
collections nationales..., 1949,
p. 17, cat. 31
Fig. D5 - Le Dauphin
Œuvres en rapport :
Esquisse préparatoire conservée
au musée de Saint-Quentin.
Le pastel a été gravé par Petit.
Exposition : 1748, Paris, n° 79
Comme le roi dans le portrait exposé au même Salon (cat. D3), le Dauphin porte
l'insigne du Saint-Esprit. Il est vêtu d'un habit bleu à broderies d'or dans lequel il passe sa
main droite, et il tient un tricorne sous son bras gauche.
La critique ne s'intéresse pas à ce portait, bien plus accaparée par celui de la reine
301 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 20.
167
(cat. D4).
D6 - Le prince Charles Édouard Stuart :
[n° 80 : « Le Prince Edoüard. »]
Pastel
H. 0,61 ; L. 0,51
Edimbourgh, Scottish National Portrait Gallery
Historique : Le pastel est acquis en 1994 par la Scottish National Portrait Gallery
d'Edimbourgh après avoir longtemps été cru perdu.
.
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 95 ; Besnard,
1928, p. 141, cat. 135
Œuvres en rapport : Il
existe plusieurs copies de ce
portrait mais qui présentent des
variations dans la façon dont
sont représentés les insignes.
Cet élément permet ainsi de les
différencier de l'original.
Exposition : 1748, Paris,
n° 80
Le haut rang du prince
Fig. D6 - Le Prince Charles Édouard Stuart
est représenté par les insignes
qu'il porte. Celui de l'ordre de la Jarretière – le plus noble des ordres de la chevalerie
168
anglaise – et celui de l'ordre du Chardon – la plus noble des distinctions de chevalerie
écossaise – placés respectivement sur sa cuirasse et autour de son cou.
Saint-Yves admire grandement ce portrait, non moins pour sa réalisation, semble-t-il,
que pour son modèle : « On se sent frappé de respect à la vue du portrait d'un Prince, dont
toute l'Europe admire la hauteur dans l'ame, l'audace, le courage, les talens et les
vertus... »302.
D7 - M. le maréchal de Belle-Isle :
[n° 81 : « M. le Maréchal de Belleisle ».]
H. 0,60 ; L. 0,49
Localisation inconnue
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
16 ; Dacier, 1927, p. 67, cat. 49, repr. pl. XXXIV ; Besnard, 1928, p. 133, cat. 20, repr. pl.
XVII, fig. 28
Œuvres en rapport : Plusieurs graveurs ont repris ou bien se sont inspirés de ce
portrait, notamment Moitte, Sergent, ou encore Vangellisty, au XVIIIe siècle.
Exposition : 1748, Paris, n° 81 ; 1908, Paris, n° 40 ; 1927, Paris, n° 42
Un an avant son élection à l'Académie française, le comte de Belle-Isle, petit fils du
surintendant Fouquet, a déjà fait sa renommée en tant que chef de guerre. Dans ce portrait,
l'artiste le représente de trois quarts et portant sous sa cuirasse, un habit de velours bleu à
broderies d'or agrémenté du ruban bleu du Saint-Esprit ainsi que de la Toison d'Or
suspendue à un ruban rouge tombant de ses épaules, marquant ainsi son appartenance aux
ordres les plus prestigieux de la chevalerie française. C'est donc un portrait digne des plus
grands personnages que réalise La Tour.
302 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 94
169
Les critiques ne peuvent s'attarder sur chacun des portraits exposés cette année-là par
l'artiste, mais Baillet de Saint-Julien le cite tout de même afin de signaler qu'il est
« parfaitement ressemblant »303.
D8 - M. le maréchal de Saxe :
[n° 82 : « M. le Maréchal de Saxe. »]
H. 0,58 ; L. 0,48
Paris, musée du Louvre (Inv.
27611)
Historique : Nous ne
savons pas si ce portrait a été
réalisé en 1747, ou bien en
1748.
Il
est
actuellement
conservé au musée du Louvre.
Bibliographie :
Dacier, 1927, p. 68, cat. 50,
repr. pl. XXXV ; Besnard,
1928, p. 167, cat. 470 ; Cat.
expo. Pastels français des
collections nationales..., 1949,
Fig. D8 - Le maréchal de Saxe
p. 16, cat. 28
Œuvres en rapport : La préparation pour la figure du maréchal est
conservée au musée de Saint-Quentin.
Le peintre a exécuté un autre portrait du maréchal de Saxe, qui est conservé au
musée de Dresde.
Il existe également deux autres pastels semblables à celui exposé en 1748, dont un
appartenait à George Sand et le second à Georges Pannier.
303 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit, 1748, p. 16.
170
Exposition : 1748, Paris, n° 82
Le corps est de trois quarts mais la tête est de face ; le regard du maréchal vient
soutenir celui du spectateur. Une fois encore, l'artiste représente le cordon bleu du SaintEsprit qui vient barrer l'armure du maréchal. Hermann-Maurice, comte de Saxe, est un
personnage important de son siècle, puisqu'il n'est autre que le fils naturel de l'électeur de
Saxe, Auguste II. C'est une personnalité qui est beaucoup portraiturée à son époque. Ainsi,
son visage est bien connu de tous. Toutefois, la critique ne fait pas mention de ce portrait en
particulier, mais commente de manière générale les œuvres de l'artiste présentées au Salon.
D9 - M. le maréchal de Lowendal :
[n° 83 : « M. le Maréchal de Lowendal. »]
Pastel sur toile
H. 0,65 ; L. 0,55
Paris, collection particulière
.
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
15 ; Lapauze, 1905, t. IV, cat. 81 ; Dacier, 1927, p. 69, cat. 51, repr. pl. XXXV ; Besnard,
1928, p. 153, cat. 296, repr. pl. XXX, fig. 43
Exposition : 1748, Paris, n° 83
L'identification que fait le musée de Saint-Quentin en 1905 d'un portrait comme
étant celui du maréchal de Lowendal, et signalé par son l'historique comme ayant été exposé
en 1748, est réfutée par Dacier dès 1927304.
Le modèle est représenté de face, portant un habit de velours bleu brodé à gauche de
304 E. Dacier, op. cit., 1927, p. 69. La comparaison avec une gravure de Wille paraît insuffisante à l'auteur, et
le portrait est désormais classé comme inconnu.
171
l'insigne du Saint-Esprit. C'est encore une fois une haute personnalité qui est représentée,
puisque Waldemar II, comte de Lowendal, appartient à la famille royale du Danemark.
Depuis trois ans, il a été fait maréchal de France, après avoir joué un grand rôle dans la
guerre de Succession d'Autriche.
Le grand succès que remporte ce portrait se ressent dans la critique de Baillet de
Saint-Julien auquel il inspire un poème 305 qui met à la fois en avant les qualités guerrières
du modèle, mais aussi les aptitudes du peintre à avoir représenté cet homme illustre306.
D10 - M. le comte de Sassenage :
[n° 84 : « M. le Comte de Sassenage. »]
H. 0,64 ; L. 0,54
Localisation inconnue
:
Ce
dans
un
Historique
tableau
est
cité
mémoire de l'artiste traitant
des portraits de trois grands
hommes de la cour qu'il a
exécutés entre 1744 et 1747307.
Par
la
suite,
le
portrait
appartiendra à la collection du
marquis de Béranger et sera
conservé dans son château de
Sassenage, près de Grenoble.
Bibliographie
:
Engerand, 1901, p. 269 ;
Besnard, 1928, p. 166, cat.
Fig. D10 - M. le comte de Sassenage
305 Le poème est retranscrit en Annexe 12.
306 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 15.
307 Cité par F. Engerand, op. cit., 1901, p. 269. Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 21.
172
465, repr. pl. XV, fig. 21
Exposition : 1748, Paris, n° 84
Le modèle est représenté de trois quarts et porte en écharpe le cordon bleu du SaintEsprit. Il glisse sa main gauche dans sa veste de velours gris brodé d'or.
La critique ne s'intéresse pas à ce tableau.
D11 - M. de Savalette de Buchelay père :
[n° 85 : « M*** »]
H. 0,56 ; L. 0,48
Localisation inconnue
.
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
16 ; Besnard, 1928, p. 166, cat. 466
Exposition : 1748, Paris, n° 85 ; Paris, 1780
Pour ce portrait et le suivant (cat. D12), le livret préserve l'anonymat des modèles
dans la description qui en est faite. C'est grâce à la critique de Baillet de Saint-Julien que
nous connaissons leurs identités308. Cependant, nul autre commentaire n'est émis au sujet de
ce portrait.
D12 - M. de Savalette de Buchelay fils :
[n° 86 : « M*** »]
Dimensions inconnues
308 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 16 : « MM. Savalette pere & fils ».
173
Localisation inconnue
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
16 ; Besnard, 1928, p. 167, cat. 467
Exposition : 1748, Paris, n° 86
Voir notice cat. D11.
D13 - M. de Moncrif :
[n° 87 : « M. de Moncrif, de l'Académie Françoise. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
16 ; Lapauze, 1905, t. IV, cat. 83 ; Besnard, 1928, p. 157, cat. 343
Œuvres en rapport : Esquisse préparatoire conservée au musée de Saint-Quentin.
Portrait gravé par Cathelin.
Exposition : 1748, Paris, n° 87
Le modèle, M. de Moncrif, est un homme de lettres, connu de son temps, auteur de
contes. Il est représenté portant un col de velours noir, une perruque bien ajustée, et un jabot
de dentelle.
Une fois encore, c'est un portrait qui, quoique fort réussi, intéresse peu la critique.
Baillet de Saint-Julien se contentant de le mentionner parmi la liste des portraits exposés par
174
La Tour309.
D14 - Inconnue :
[n ° 88 : « Madame *** »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Besnard, 1928, p. 167, cat. 468
Exposition : 1748, Paris, n° 88
Les indications insuffisantes du livret, ainsi que celles inexistantes de la critique, ne
permettent pas d'identifier ce portrait, ni une autre Inconnue exposée au même Salon (cat.
D16). Cependant, Wildenstein, dans le catalogue raisonné qu'il fait de l’œuvre de La Tour,
émet une hypothèse concernant un portrait représentant Madame Savalette de Lange. Il
suggère que ce portrait ait été exposé au Salon de 1748 sous le numéro 88, avec ceux de son
époux et de son fils (cat. D11 et D12)310.
D15 - M. du Clos :
[n° 89 : « M. du Clos, de l'Académie Françoise & Belles Lettres. »]
H. 0, 44 ; L. 0, 35
Saint-Quentin, musée La Tour
309 Ibid.
310 A. Besnard, op. cit., 1928, p. 167, cat. 468. C'est une hypothèse qui n'a, pour l'instant été ni confirmée ni
réfutée. Nous avons fait le choix de citer cette hypothèse car celle-ci nous paraît être intéressante et
plausible.
175
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p.
16 ; Besnard, 1928, p. 140, cat. 111, repr. pl. LIX, fig. 103
Œuvre en rapport : Gravure par Duflos.
Expositions : 1748, Paris, n° 89 ; 1753, Paris, n° 86
Seul Baillet de Saint-Julien mentionne le portrait, sans pour autant en offrir de
description ni de critique : « M. la Tour a donné encore les Portraits suivants. M. Duclos de
l'Accadémie Françoise […] ».311
D16 - Inconnue :
[n° 89 bis : « Madame *** »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Exposition : 1748, Paris, n° 89 bis
Tout comme l'autre Inconnue de ce Salon (cat. D14) il est très difficile, sans des
indications plus précises du livret ou bien de la critique, de proposer une identification du
modèle. À l'heure actuelle, aucune hypothèse n'a été proposée.
D17 - M. Dumont le Romain :
[n° 89 bis : « M. Du Mont le Romain, Adjoint à Recteur. »]
Pastel sur papier gris en plusieurs feuilles de papier se chevauchant tendues sur un châssis
entoilé
311 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 16
176
H. 0,985 ; L. 0,755
Paris, musée du Louvre (Inv. 27.619)
Historique : La Tour a déjà exécuté auparavant un portrait du peintre, exposé au
Salon de 1742. Celui de 1748 est conservé au Louvre.
Ce portrait sert en 1750, à l'artiste, de second morceau de réception à l'Académie, en
confirmation de la première séance du 24 septembre 1746. Puis il est altéré et retouché par
le pastelliste lui-même. Il fait partie des ajouts plus tardifs du Salon de 1748.
Bibliographie : SaintYves, 1748, p. 95 ; « Réflexions
sur quelques circonstances... »,
1748 (rééd. 1972), p. 17 ;
Besnard, 1928, p. 140, cat. 118,
repr. pl. LXX, fig. 125 ; Cat.
expo.
Pastels
français
des
collections nationales..., 1949, p.
18, cat. 32 ; Cat. expo. Les
peintres du roi (1648-1793), p.
266, cat. R 292, repr.
Exposition : 1748, Paris,
n° 89 bis312
Fig. D17 - M. Dumont le Romain
Le portrait a pour modèle
Jacques Dumont le Romain, qui
est membre de l'Académie, peintre d'histoire, et qui expose également à ce Salon (voir cat.
Peintures). Le pastelliste rend ici un bel hommage à la nomination cette année-là du
peintre en tant qu'adjoint à Recteur de l'Académie.
Ce tableau connaît un vif succès lors de l'exposition de 1748. Le peintre y est
312 A. Besnard, op. cit., 1928, p. 140. Dans ce catalogue critique, rédigé par G. Wildenstein, le tableau est cité
comme ayant été exposé sous le numéro « 89 ter ». Cependant, nous avons choisi de conserver le « 89 bis »
trouvé dans le livret.
177
représenté vêtu d'une robe de chambre à rayures, appuyé sur une table, tenant une palette et
des brosses d'une main, et semble être en train de préparer ses peintures de l'autre. C'est
donc un tableau qui met en avant sa fonction d'artiste, mais également sa gloire en tant que
tel.
Baillet de Saint-Julien est conquis par l’œuvre, et selon lui, seul le temps qu'il s'est
imparti l'empêche d'en faire plus d'éloges de ce portrait. En effet, le critique écrit : « si je
n'était pas pressé comme je le suis, je ne vous quitterai pas de cet article à moins d'une page
d'éloges », à cela il ajoute que le portrait n'est pas moins qu'un « des plus parfait de ce
brillant Auteur »313. Saint-Yves n'est pas moins satisfait de l’œuvre et considère ce portrait
comme une « chose admirable », et il conclut son commentaire, après de nombreux éloges
quant à toutes les qualités du peintre, par le fait qu'il « doute qu'il y ait jamais eu rien de plus
vigoureux »314.
313 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 17.
314 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 95.
178
Alexis Loir (1712-1785)
Alexis Loir, né à Paris en 1712, est à la fois un peintre et un sculpteur. Cet artiste au
double talent est aujourd'hui très méconnu315. Il évolue, dès son plus jeune âge, dans un
milieu artistique et se tourne rapidement vers le pastel, technique par laquelle il parvient à se
faire reconnaître, notamment pour sa capacité à saisir les attitudes féminines.
Il se présente à l'Académie et en est agréé en 1746, en tant que peintre de pastels. Il
n'est reçu académicien que des années plus tard, en 1779. C'est un artiste peu habitué aux
Salons. Il expose en 1747 et l'année suivante mais ne s'y représente plus avant 1759, et en
est de nouveau absent jusqu'en 1779.
Au Salon de 1748, c'est en tant que pastelliste, et non sculpteur qu'il expose. Il
présente deux portraits, qui ne rencontrent pas un grand succès, et sont totalement ignorés de
la critique. Saint-Yves, sans toutefois non plus s'intéresser aux œuvres, évoque l'artiste dont
il connaissait le talent en tant que sculpteur et qui lui semble prometteur dans l'exercice de la
peinture316.
D18 - Madame de Julienne :
[n° 93 : « Un Portrait en Pastel de Madame de Julienne. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Lafond, 1892, p. 6
Exposition : 1748, Paris, n° 93
315 P. Lafond, Alexis Loir, peintre du roi, membre de l'Académie royale, 1892. Seul cet ouvrage permet
d'établir une biographie de l'artiste.
316 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 96
179
D19 - Mademoiselle de Billy :
[n° 94 : « Celui de Mademoiselle de Billy. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Lafond, 1892, p. 6
Exposition : 1748, Paris, n° 94
180
Jean-Marc Nattier (1685-1766)
Pour la biographie de l'artiste, se référer au catalogue de Peintures.
D20 - Le Président Maupéou :
[n° 47 : « Le Portrait au
Pastel de M. de Meaupou,
Premier Président. »]
Pastel
Collection particulière
Bibliographie :
Saint-
Yves, 1748, p. 92 ; « Réflexions
sur quelques circonstances... »,
1748 (rééd. 1972), p. 18 ;
« Lettre sur la peinture, la
sculpture... »,
1748
(rééd.
1972), p. 117 ; Salmon, 1999, p.
173, repr.
Exposition: 1748, Paris,
Fig. D20 - Le Président Maupéou
n° 47
Les informations concernant ce portrait au pastel restent relativement rares. Il n'est
en effet pas de ceux qui ont fait la renommée de l'artiste et a donc moins bien été étudié.
Il représente René-Charles de Maupéou, homme d'état français. L'artiste a choisi de
réaliser un portrait en buste, et le modèle porte ses habits de magistrat.
Il semblerait, selon la critique de Gougenot, que ce portrait ait, lors de l'exposition de
181
1748, « plus de partisan que ses peintures à l'huile »317. Saint-Yves émet également une
critique positive concernant l’œuvre, qui a, selon lui, plus de vigueur et un meilleur ton, que
les autres portraits exposés318. Et pour Baillet de Saint-Julien il s'agit d'un « morceau de
remarque »319.
Force est de constater que les portraits de la famille royale qui sont, de nos jours,
bien plus fameux que ce dernier, ne furent pas, à l'époque, ceux qui ont eu le plus de succès
au Salon320. C'est probablement en raison de l'utilisation de la couleur, qui est ici plus
franche et vive que sur les portraits des princesses. Cependant il faut noter la différence
nette de réalisation de ce portrait et des trois précédents, ici la composition est simple, sans
fioritures, et ne présente rien de plus que le buste de monsieur de Maupéou. Ils sont donc
difficilement comparables ; un portrait de cour n'a pas la même prétention ni les mêmes
intentions qu'un portrait royal. De plus, la technique du pastel permet plus de rapidité, et ne
peut donner un rendu de la couleur semblable à celui de la peinture à l'huile321.
317 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 117.
318 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 92.
319 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 18.
320 Voir cat. P66-P68
321 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 117. Pourtant Gougenot tend à considérer que la technique du pastel doit
être plus difficile puisqu'on y « réussit moins communément ». C'est peut-être de là que vient son
admiration pour ce portrait.
182
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783)
Jean-Baptiste Perronneau est, avec La Tour, l'un des plus grands pastellistes du
e
XVIII
.
Né en 1715, à Paris, d'un père bourgeois, il commence, après un bref passage dans l'atelier
de Charles Natoire, à apprendre l'art de la gravure auprès de Cars. Mais dès 1744, il
abandonne les planches pour se consacrer au pastel, technique qu'il conservera tout au long
de sa carrière dans un siècle de plus en plus conquis par cet art. Il continue néanmoins à
réaliser de temps à autres des tableaux à l'huile. Malgré son talent, et le fait qu'il soit
régulièrement mis en compétition avec La Tour par les commentateurs de son temps, il ne
parvient pas à atteindre les hautes sphères de la société. Il est alors dans l'obligation de
parcourir le monde en quête de commanditaires322. C'est en Hollande qu'il trouve les plus
importantes commandes. Toutefois, cette distance avec la capitale ne l'empêche pas de
chercher à intégrer l'Académie dont il obtient l'agrément le 27 août 1746. Il est ensuite reçu
académicien en 1753, en tant que portraitiste.
Au Salon de 1748, il expose cinq portraits au pastel, et un à l'huile (cat. P85), qui ne
vont malheureusement que peu intéresser la critique, plus accaparée par les œuvres exposées
par l'autre grand pastelliste, Maurice-Quentin de La Tour. Cependant, un sentiment nouveau
se fait tout de même sentir et les critiques semblent prendre en considération Perronneau
comme digne rival de La Tour. Gougenot écrit, dans sa critique du Salon, quelques lignes
sur les œuvres présentées par l'artiste ; il y met en avant les qualités de Perronneau qui se
fait remarquer par « une variété de belles attitudes » mais également d'excellentes
dispositions pour le dessin. Toutefois, le critique préconise à l'artiste de s'attacher plus à la
représentation de ses figures « afin que les corps […] appartinssent mieux à leurs têtes »323.
D21 - Monsieur Olivier :
[n° 96 : « Autre au Pastel, de M. Olivier en Habit de velours, appuyé sur une
Table. »]
H. 0,71 ; L. 0,58
322 Cette errance tout au long de sa carrière, ainsi que sa double vocation de graveur et pastelliste, nuisent à sa
renommée, et au XIXe siècle on pense à tort qu'il existait deux Perronneau.
323 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 120-121.
183
Signé et daté au centre à gauche : « Peroneau pin. 1748 »
Londres, collection Colnaghi
Historique : Le tableau et son pendant, après avoir appartenu à la collection Camille
Groult, se trouvent dans la collection londonienne Colnaghi.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 96 ; Cat. expo. Société des Pastellistes..., 1885,
p. 31-32, cat. 74 ; Tourneux, 1903, p. 13-14 ; Vaillat, 1909, p. 12-13 et p. 88, cat. 19, repr. pl.
65
Œuvre en rapport : Pendant du tableau, portrait de son épouse, Madame Olivier
(cat. D22).
Exposition : 1748, Paris, n° 96 ; 1885, Paris, n° 74 ; 1908, Paris, n° 98
Ces
deux
pendants
permettent
d'apprécier
pleinement les aptitudes du
portraitiste à saisir ce qu'il y a
de plus intime chez chacun.
L'époux
et
sa
femme
se
regardent l'un l'autre – si tant est
qu'ils ne se tournent en réalité le
dos ! – grâce à la position dans
laquelle les place l'artiste, le
regard tourné vers l'extérieur de
la toile. Et on peut aisément
imaginer
la
scène
de
vie
quotidienne à laquelle le public
du Salon de 1748 put avoir
l'impression d'assister.
Fig. D21 - Monsieur Olivier
La critique est ravie des
184
portraits qui lui sont présentés. Saint-Yves y voit « l'heureux présage de la gloire qui l'attend
[l'artiste] », et compare le talent de Perronneau à celui de La Tour324.
Ce sont deux tableaux sont bien reçus, et contrastent avec le reste des œuvres
présentées cette année-là par l'artiste, qui elles, n'intéressent guère la critique.
D22 - Madame Olivier :
[n° 97 : Celui de Madame son Epouse, habillée d'une Robbe de Pequin. »]
H. 0,71 ; L. 0,57
Signé et daté au centre à droite : « Perronneau pinx. 1748 »
Londres, collection Colnaghi
Historique : Voir cat.
D21
Bibliographie :
Saint-
Yves, 1748, p. 96 ; Cat. expo.
Société des Pastellistes..., 1885,
p. 31-32, cat. 74 ; Tourneux,
1903, p. 13-14 ; Vaillat, 1909,
p. 12-13 et p. 88-89, cat. 20,
repr. pl. 66
Œuvre en rapport :
Pendant du tableau, portrait de
son époux, Monsieur Olivier
(cat. D21)
Exposition : 1748, Paris,
Fig. D22 - Madame Olivier
n° 96 ; 1885, Paris, n° 74 ;
324 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 96
185
1908, Paris, n° 99
Voir notice cat. D21.
D23 - Portrait d'un membre de l'Académie de Musique :
[n° 98 : « Celui de M. *** de l'Académie Royale de Musique. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 120 ;
Tourneux, 1903, p. 13 ; Vaillat, 1909, p. 12-14 et p. 90, cat. 28
Exposition : 1748, Paris, n° 97
C'est grâce à la critique de Gougenot que l'identification du modèle a pu être faite. Il
s'agit d'un artiste de l'Opéra, Le Page325. Toutefois, il existe à cette époque-là deux artistes de
ce nom à l'Opéra, ainsi nous ne pouvons savoir, sans plus de précisions, duquel il s'agit.
Gougenot, dans sa critique, reproche à l'artiste que le corps du modèle soit « trop
large ; ce qui fait d'autant plus de peine que la tête en est touchée à ravir »326. C'est le seul
portrait exposé par Perronneau qui est commenté par Gougenot en étant cité. Le critique
s'étant plus attaché à la manière de l'artiste dans la globalité des œuvres exposées.
D24 - Mademoiselle Amédée :
[n° 99 : « Mademoiselle Amedée de l'Opera, en Domino noir. »]
Dimensions inconnues
325 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 120 : « on ne peut lui faire ce reproche que dans le portrait du sieur Le
Page »
326 Ibid.
186
Localisation inconnue
Bibliographie : Tourneux, 1903, p. 13-14 ; Vaillat, 1909, p. 12-14 et p. 89, cat. 25
Exposition : 1748, Paris, n° 99
Cette jeune femme, âgée d'une vingtaine d'années à l'époque, est danseuse
surnuméraire de l'Opéra. La description qu'en fait Léandre Vaillat, dans son ouvrage paru en
1909, est celle d'une jeune femme brune aux yeux noirs, grande et « bien faite »327. Nous ne
savons toutefois pas quelle est l'opinion de la critique quant à la ressemblance de ce portrait.
D25 - Mademoiselle Delépée la jeune :
[n° 100 : « Madame de *** [1ère et 2ème éditions du livret : Mademoiselle Delépée
la jeune] en Habit couleur de rose. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Tourneux, 1903, p. 13 ; Vaillat, 1909, p. 12-14 et p. 90, cat. 29
Exposition : 1748, Paris, n° 100
La troisième édition du livret de l'exposition ne fournit pas l'identification du
modèle, à l'inverse des deux premières qui signalent qu'il s'agit de « Mademoiselle Delépée
la jeune ». Le terme « jeune » signifiant ici « cadette », il peut tout autant s'agir d'une femme
d'un certain âge que d'une jeune fille, ce qui rend difficile l'identification du portrait parmi
tous ceux réalisés par l'artiste au cours de sa carrière.
327 L. Vaillat, J.-B. Perronneau (1715-1783), sa vie et son œuvre, 1909, p. 89
187
Jean-Baptiste-Marie Pierre (1714-1789)
Pour la biographie de l'artiste, se référer au catalogue de Peintures.
D26 - La poésie :
[n° 43 : « Une Tête au Pastel, représentant la Poësie. »]
Dimensions inconnues
Tableau disparu
.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 38 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 104 ; Aaron, 2002, p. 385, cat. *D. 214
Exposition : 1748, Paris, n° 43
Cette œuvre, jugée « tout à fait gracieuse » par Gougenot328, représente le buste d'une
Muse, celle de la poésie329. La couleur plaît au public, et le tableau, quoique fort simple, est
bien reçu au Salon. Pour Saint-Yves, si les autres tableaux de Pierre étaient semblables à
celui-ci « il [le peintre] seroit à côté des plus grands coloristes »330. Mais ce sont les
peintures de l'artiste qui intéressent le plus les commentateurs du Salon (cat. P92 à P99).
328 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 104
329 Ainsi il est très probable qu'il s'agisse de la muse Calliope.
330 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 38. L'auteur cite également une Vénus, exposée deux ans auparavant
au Salon, qu'il place au même rang de réussite que cette Tête au pastel.
188
CATALOGUE DE SCULPTURES
189
Lambert-Sigisbert Adam (1700-1759)
Selon François Souchal331, si ce sculpteur, pourtant l'un des plus importants de la
période Louis XV, reste si mal connu, c'est en raison de son obstination à conserver un style
baroque qui lui valut de nombreux détracteurs en son temps 332. Pourtant, les nombreux
envois de ses œuvres qui sont faits aux cours étrangères, et notamment à la cour
d'Allemagne, laissent supposer l'intérêt artistique qu'il pouvait susciter à l'époque.
Lambert-Sigisbert Adam est né en 1700 à Nancy. Nous savons, de sa vie si mal
connue, qu'il est reçu Prix de Rome en 1723, et il est donc plus que probable qu'il ait
entrepris le voyage à Rome dans les années qui suivirent. Il se présente ensuite à l'Académie
où il est reçu en mai 1737. Deux mois plus tard seulement, il est nommé adjoint à professeur
pour accéder au titre de professeur en 1744.
Sa présence au Salon est presque systématique, exceptées durant les expositions des
années 1744, 1749 et 1752.
En 1748, il présente deux modèles en terre cuite qui n'inspireront à Gougenot que
des pensées fort négatives, justifiant son silence par le fait que c'est ce qu'il juge « pouvoir
faire de mieux pour l'honneur de l'auteur »333. Ces quelques mots expriment de façon très
claire tout le mépris qu'inspirent ces modèles au critique. L'auteur anonyme des Lettres
écrites de Paris à Bruxelles trouve cette réaction particulièrement sévère et ne la comprend
pas. Il répond à Gougenot en avançant une opinion bien plus modérée, se demandant si le
grand succès des œuvres de ce sculpteur a soudain disparu dans les morceaux qui sont
présentés et qui « doivent faire connoître dans la plus sçavante cour de l'Allemagne […] la
protection que Sa Majesté accorde aux Beaux Arts »334. Bien que le livret de l'exposition et
la critique ne mentionnent que deux sculptures d'Adam (cat. S1 et S2) le Mercure de
France confirme ce qui est écrit par l'amateur anonyme en mentionnant deux autres
morceaux qui doivent être, avec le Mercure et la Vénus de Pigalle (cat. S8 et S9), offertes à
l'empereur Frédéric II de Prusse335.
331 F. Souchal, « L'inventaire après décès du sculpteur Lambert-Sigisbert Adam », in Bulletin de la Société de
l'Histoire de l'Art Français, 1973
332 Ibid., p. 181
333 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 126
334 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles », op. cit., 1859, p. 446
335 Mercure de France, op. cit., p. 175 (éd. 1970). Dans « Addition à l'exposition des Tableaux » du mois de
septembre 1748 sont mentionnées « deux Groupes de la Chasse et de la Pêche », exposés dans l'atelier de
l'artiste au Louvre, destinés par Louis XV à la cour de Prusse.
190
S1 - Trois enfants qui jouent avec un bouc et un cep de vigne :
[n° 36 : « Modèle d'un Groupe en terre cuite, représentant trois Enfans qui joüent
avec un Bouc & un sep de Vigne ; l'un desdits Enfants représente Bacchus. Ce
Groupe appartient à l'Auteur, qui peut l'exécuter en marbre. »]
Terre cuite
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 216 ;
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p. 446
Exposition : 1748, Paris, n° 36
Cette ébauche n'est pas répertoriée dans l'inventaire après-décès du sculpteur, et la
critique n'en fait pas de description précise. Tout comme le modèle en terre cuite suivant
(cat. S2), Gougenot, afin dit-il, de préserver l'honneur de l'artiste, fait le choix de ne pas en
parler.
S2 - La bataille de Fontenay :
[n° 37 : « Une Esquisse de terre cuite, composée de plusieurs Figures, représentans
une Action militaire avec des Attributs sur le Piedestal. »]
Terre cuite
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Dans son analyse de l'inventaire après-décès du sculpteur, F. Souchal,
répertorie cette œuvre sous le titre La bataille de Fontenoy en précisant qu'elle a été exposée
191
au Salon de 1748336. Il en fait mention comme s'agissant d'une commande royale 337, mais
nous n'en avons trouvé aucune trace dans l'ouvrage de Marc Furcy-Raynaud sur les
commandes de sculptures du XVIIIe siècle, paru en 1910. Nous n'en avons désormais plus de
traces.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 216 ;
« Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue Universelle des Arts, 1859, p.
446 ; Souchal, 1973, p. 183, n° 21 et 189, n° 21
Exposition : 1748, Paris, n° 37
Gougenot se refusant à parler de cette œuvre, et les autres critiques ne s'étant pas
penchés dessus, nous ne pouvons que nous attarder sur l'étude de François Souchal
concernant la description et le sujet de l’œuvre 338. Il paraît toutefois très étrange qu'une
action militaire à la gloire du roi, exposée à un Salon, ne suscite pas plus d'engouement de la
part des commentateurs.
Il semble, toujours selon Souchal, qu'il s'agit d'une grande fresque en relief dont
l'exécution définitive, en marbre339, aurait été voulue par l'artiste ; Adam espérant ainsi
s'attirer à nouveau les faveurs royales. La France est au summum de sa gloire militaire, et
une œuvre commémorant une victoire devrait attirer l'attention du roi.
336 F. Souchal, op. cit., 1973, p. 183
337 Ibid., p. 189. Numéro 21 de l'inventaire après décès du sculpteur : « Un modelle en terre cuitte
représentant la la bataille de Fontenoy commandé par le Roy, composé de vingt deux figures et huit
chevaux, sur un pied d'estalle orné de figure gothique, prisé trois livres ».
338 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 216
339 F. Souchal, op. cit.,1973, p. 183. L'auteur précise également que l'artiste n'attendait pas moins de 500 000
livres pour l'exécution définitive de cette fresque, sans toutefois stipuler si l'artiste parvint à l'obtenir.
192
Étienne-Maurice Falconet (1716-1791)
Ce sculpteur au nom encore extrêmement connu, est né à Paris en 1716. Élève de
Jean-Baptiste Lemoyne, qu'il rencontre en 1734, et auquel il va rester tout au long de sa vie
fort attaché, Falconet est agréé de l'Académie le 29 août 1744, et devra attendre dix ans
avant d'être proclamé membre de cette même Académie. Les deux artistes dont il tire le plus
son inspiration sont, en plus de Lemoyne, Le Bernin, dont il admire beaucoup les talents,
mais surtout Puget, duquel il tient sa façon de procéder. Il deviendra par la suite le sculpteur
officiel de la marquise de Pompadour, faveur qui lui ouvre les portes des cours étrangères.
Louis Réau ne cherche pas à ménager la personnalité de l'artiste dans son ouvrage,
bien au contraire. Il ne manque pas de qualifier celui-ci de « misanthrope atrabilaire et
insociable »340, et fait état d'une liste non-exhaustive de défauts qui ne rendent pas le
sculpteur sympathique. Mais c'est avant tout envers lui-même, plus que contre les autres,
que l'artiste est le plus intransigeant. Le modèle en marbre réalisé à la suite de l'ébauche en
plâtre du Salon de 1748 lui donne un grand sentiment d'insatisfaction qui va jusqu'à le
conduire à proposer aux Bâtiments du Roi de rembourser les sommes qui lui ont été versées
pour sa réalisation.
Ce modèle est la seule œuvre qu'il expose au Salon cette année 1748, mais suffit à
animer les critiques, puisque cette esquisse sera amplement commentée par Baillet de SaintJulien et Saint-Yves.
S3 - La France qui embrasse le buste du roi :
[Sans numéro : « Un modéle en plâtre de 4 pieds de hauteur, représentant la France
qui embrasse le Buste du Roy, avec cette Devise,
LUDOVICO XV
VICTORI
PACIFICATORI
PATRI PATRIÆ
Ce modéle doit être exécuté en marbre de même grandeur, pour le Roy. »]
340 L. Réau, Étienne-Maurice Falconet, 1716-1791, 1922, p. 48
193
Plâtre
H. 1,22
Localisation inconnue
Historique : Cette commande a été passée à l'artiste en 1745, par les Bâtiments du
Roi341, afin de commémorer le rétablissement du souverain 342. C'est d'ailleurs la première
commande officielle qu'il reçoit dans sa carrière. S'ensuivront quelques autres, mais elles ne
constitueront jamais la majeure partie de sa production.
Orry, encore directeur cette année-là, veut plaire à son souverain en passant cette
commande, et faire honneur à ses victoires ainsi qu'à sa bonne santé recouvrée. Le directeur
des Bâtiments du Roi requiert Coypel, alors Premier peintre du roi, pour le dessin qui doit
servir de modèle au plâtre. Falconet peut considérer comme un honneur d'avoir été choisi
pour cette tâche, et comme le rappelle Louis Réau, la subordination du sculpteur au peintre
n'est absolument pas interprétée comme dégradante à l'époque. C'est même une pratique
extrêmement courante343.
Le modèle que Falconet présente au Salon est en plâtre. Il n'en est nullement fait
mention dans les catalogues ou monographies sur l'artiste. La sculpture en marbre ayant été
réalisée comme convenu, par la suite, c'est cette dernière qui occupera tous les
commentateurs344.
.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 117 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 10 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748
(rééd. 1972), p. 123-124 ; Furcy-Raynaud, 1910, p. 59 ; Réau, 1922, p. 150 ; Mercure de
France, 1970, t.LV, p. 164
Œuvre en rapport : Modèle en marbre réalisé entre 1748 et 1779, conservé au
musée de Libourne (fig. S3*).
341 Les détails de la commande sont retranscrits en Annexe 22.
342 Louis XV contracte une maladie en août 1744, lors d'un siège, dans la ville de Metz. Ses médecins le
considèrent comme presque mort. Commence alors un deuil national. Toutefois le roi se rétablit mais en
ayant perdu de sa superbe puisque s'étant cru à l'article de la mort. Il doit se confesser publiquement et
apparaît alors comme un roi immoral.
343 L. Réau, op. cit., 1922, p. 152
344 Cependant, il semble intéressant de préciser que Falconet, fort insatisfait de son travail, abandonne la
réalisation du modèle en marbre dès 1762. Celui-ci fut repris peu après par Dumont, pour être finalement
achevé par Pajou en 1779. Ce groupe ne peut donc être considéré comme uniquement l'œuvre de Falconet,
puisqu'il s'agit d'un travail collectif de trois sculpteurs, mais aussi de Coypel en tant que dessinateur.
194
Exposition : 1748, Paris,
s. n.
Pour décrire cette œuvre
nous nous sommes basé sur la
réalisation définitive en marbre,
bien que rien ne confirme son
entière fidélité. Cette ébauche en
plâtre
représente
la
France
personnifiée serrant de ses bras
un buste de Louis XV posé sur
une colonne tronquée. Au pied
de
la
colonne
se
trouvent
quelques fruits, comme du raisin,
ainsi
que
des
fleurs,
qui
apportent à la composition un
caractère
Fig. S3* - La France qui embrasse le buste du roi
antiquisant.
Contre
cette même colonne est appuyé
un bouclier, orné de fleurs de lys
en léger relief, symbole d'une France guerrière. Le regard du roi est tourné vers l'extérieur,
tandis que celui de la France se dirige vers lui, presque amoureux. La France est placée plus
bas que le monarque. Le message est fort : le roi gouverne sa nation, nation qui éprouve
pour lui une vive affection, nation qu'il fait prospérer et défend avec bravoure. En ce sens, il
faut aussi noter l'inscription qui accompagne la sculpture : « LUDOVICO XV/ VICTORI/
PACIFICATORI/ PATRI PATRIÆ », et dont la traduction met en avant les qualités
guerrières du roi en tant que vainqueur mais aussi acteur de la paix, faisant ainsi prospérer
sa patrie.
Avec cette sculpture, le Salon prend un caractère politique, et plus uniquement
artistique. En commandant cette œuvre de commémoration à la gloire du roi, les Bâtiments
veulent montrer l'amour que le peuple porte à son souverain, tout en mettant aussi en avant
l'importance de la patrie. Ces caractères royaliste et nationaliste ne brident cependant pas les
critiques qui vont émettre certains reproches au sculpteur, non en raison du sujet, mais de la
195
réalisation du modèle.
Les critiques du Salon s'accordent relativement bien dans leurs commentaires. Le
plus fort reproche émis à l'encontre de Falconet et de cette réalisation est qu'il ne s'est pas
assez inspiré des sculptures antiques pour mettre en œuvre ses figures. Selon Gougenot, « un
mouvement de hanche lui eut donné un tour plus gracieux, et l'antique aurait pu le guider là
dessus »345. Pour Saint-Yves « un air antique en eut augmenté la majesté »346. Force est de
constater que lorsqu'il s'agit d'images fortes et politiques, les contemporains de l'artiste
attendent des inspirations antiques qui permettraient de donner à la fois grandeur et douceur
à l’œuvre. Si proches du néo-classicisme qui habite la seconde moitié du siècle, les images
antiques sont déjà celles des héros et des grandes nations. Il faut cependant rappeler que
l'artiste n'a pas eu la possibilité de partir à Rome durant son apprentissage, victime d'une
attaque de paralysie à la veille de son départ. Il ne connaît les marbres antiques que par des
copies, parfois médiocres, et des moulages.
Mais Saint-Yves reproche également à l'artiste la composition lourde, notamment à
cause de la colonne, ainsi que l'armure et la coiffure du roi qui font un « médiocre effet »347.
Néanmoins, l'ébauche de cette œuvre commémorative récolte de nombreux
compliments, en particulier pour l'image et la symbolique qui sont véhiculées dans cette
réalisation. Baillet de Saint-Julien déclare que « ce buste est mieux de beaucoup », et qu'il
n'y voit « pas grand chose à désirer »348. Il ajoute même à quel point cette œuvre marque le
génie de Falconet, et met en avant le goût avec lequel le sculpteur sait rendre « la tendresse
dont la nation est pénétrée pour le roi ». Il évoque également, dans ce même commentaire,
le talent par lequel l'artiste parvient à représenter la noblesse du roi, et l'expressivité de la
figure de la France349.
Ainsi, cette œuvre en plâtre fait forte impression au Salon ; elle est par ailleurs citée
dans le compte rendu du Mercure de France avec une description similaire à celle du
livret350. L'artiste doit être reconnaissant envers son monarque qui, en lui accordant cette
commande, lui fournit du travail, et la possibilité d'être ensuite reconnu en tant que grand
maître.
345 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 124.
346 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 117.
347 Ibid.
348 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 10.
349 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 124.
350 Mercure de France, op. cit., p. 164 (éd. 1970).
196
Jean-Baptiste II Lemoyne (1704-1778)
Cet artiste, issu d'une longue lignée de sculpteurs d'origine normande, est né à Paris
en 1704, où sa famille est fixée depuis près d'un siècle. Il est donc tout naturel pour le jeune
homme de se tourner vers un apprentissage de sculpteur. Malheureusement pour lui, il n'a
pas le temps, avant de se lancer dans son apprentissage, de se forger une culture classique et
littéraire comme il l'aurait souhaité. En effet, venant d'un milieu aisé, son père étant l'un des
sculpteurs les plus commandités par les Bâtiments du roi, il connaît des débuts faciles lui
permettant d'envisager des études. Tout s'écroule lorsque, comme bien d'autres gens
fortunés, son père fait faillite lors de la banqueroute de Law, en février 1720. Le jeune JeanBaptiste est alors dans l'obligation de commencer rapidement une formation. Celle-ci débute
avec les enseignements de son père, mais c'est surtout Robert le Lorrain qui lui apprend le
métier de sculpteur. Le sort semble s'abattre sur lui quand, en 1725, à peine âgé de vingt et
un ans, il est contraint d'annuler un voyage à Rome, prévu en récompense d'un prix de
sculpture récemment remporté, en raison du décès de sa mère, survenu brusquement avant la
date prévue du voyage.
Il est agréé de l'Académie dès 1728, et reçu académicien dix ans plus tard. Son
manque d'érudition n'entache en rien son ascension au sein de l'Académie, et les commandes
foisonnent. Malgré tout son talent, ainsi que la faveur royale, il restera pauvre tout au long
de sa carrière. Le 22 mars 1748, peu de temps avant l'ouverture du Salon, il est reçu membre
de l'Académie de Rouen, à laquelle il adressera quelques années plus tard, un modèle en
marbre du buste de Fontenelle, dont la terre cuite est exposée au Salon de 1748.
Les quatre bustes qu'il expose au Salon de 1748 sont typiques de la seconde partie de
sa carrière, presque exclusivement consacrée aux portraits. La critique ne montre pas grande
éloquence vis à vis de ces bustes, consciente du talent de l'artiste, mais troublée par son
manque d'études préparatoires, qui porte préjudice au rendu définitif. Par ailleurs, ce sont
des visages extrêmement connus à l'époque, et la moindre erreur quant à leur ressemblance
ne peut qu'être fatale à l'artiste.
197
S4 - Madame de Bonnac :
[n° 113 : « Mademoiselle de Bonnac. »]
Terre cuite
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : Réau, 1927, p. 148, cat. 88
Exposition : 1748, Paris, n° 113
L’œuvre n'étant à ce jour pas retrouvée, et la critique ne s'étant pas intéressée à celleci, nous ne disposons d'aucune information permettant de proposer une description ni d'en
connaître sa réception lors de l'exposition.
S5 - M. de Fontenelle :
[n° 114 : « M. de Fontenelle. »]
Terre cuite
H. 0,52
Paris, Palais de l'Institut
Historique : Le marbre datant de l'année 1745, nous supposons que la terre cuite
exposée en 1748 est réalisée avant cette année 1745. La terre cuite, après être restée dans
l'atelier de l'artiste est offerte, en 1771, à l'Académie des Sciences de Paris, dont Fontenelle
avait été le secrétaire perpétuel. Elle se trouve désormais au Palais de l'Institut.
198
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 118 ; Réau, 1927, p. 99 et p. 149, cat. 107 ;
Mercure de France, 1970, t. LV, p. 163
Œuvres en rapport : Modèle en marbre, réalisé en 1745 (fig. S5*).
Autre exemplaire en terre cuite passé en vente anonyme à Paris, le 3 décembre 1782,
n° 104.
Gravure de profil par Saint-Aubin et gravure de face par Pierre Savart, d'après le
marbre de Lemoyne.
Exposition : 1748, Paris, n° 114
Ce buste en terre cuite est
un portrait de M. Bernard le Bovier
de Fontenelle, littérateur et savant,
neveu de Corneille par sa mère.
C'est
donc
une
éminente
personnalité de son temps dans le
monde des lettres. Il est l'un des
deux bustes de l'artiste, avec celui
de Voltaire (cat. S6), qui sont
mentionnés dans le compte rendu
du Mercure de France, comme
étant « le buste de l'Illustre M. de
Fontenelle »351.
Saint-Yves ne se sent pas
pleinement satisfait de ce qui lui
est présenté. Il semble reprocher au
Fig. S5* - M. de Fontenelle
sculpteur d'être doué mais de ne
pas faire correctement ses choix.
En effet, le critique écrit : « habile
homme dont le ciseau a tant de graces, n'a pour tout défaut que d'être attaché à ce mauvais
351 Ibid., p. 163
199
goût ». Peut-être s'agit-il d'un goût dépassé car, quelques lignes plus loin, le critique note
que M. de Fontenelle devrait être une personnalité intemporelle, qui ne serait attachée à
aucune époque, mais qui, probablement en raison du style du sculpteur, est ici trop ancré
dans le XVIIIe siècle, chose qui lui déplaît352.
S6 - M. de Voltaire :
[n ° 115 : « M. de Voltaire. »]
Marbre
H. 0,50
Chaalis, musée de l'Abbaye royale
Historique
Le
:
marbre
appartient, après l'exposition, à Mlle de
Clairon et se trouve actuellement au
musée de Chaalis.
.
Bibliographie
:
Saint-Yves,
1748, p. 118 ; Réau, 1927, p. 101 et
p. 150, cat. 114, repr. pl. LIV, fig. 91 ;
Mercure de France, 1970, t. LV, p. 163
Œuvres en rapport353 : Plâtre
original,
offert
par
Caffieri
à
la
Comédie-Française, ce qui conduit
Guiffrey, par erreur, à le lui attribuer.
Autre exemplaire, acquis par
Caffieri à l'inventaire de Lemoyne,
Fig. S6 - M. de Voltaire
352 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 115. Selon le critique, le buste de M. de Voltaire (cat. S6) ainsi que
celui de M. de Fontenelle, sont trop « emprisonnés dans leur siècle ».
353 Il existe de très nombreux exemplaires de ce buste et il ne faut pas tomber dans l'écueil de tous les
attribuer à Lemoyne.
200
exposé en 1791.
Gravure par Saint-Aubin, de profil.
Exposition : 1748, Paris, n° 115
Louis Réau, dans le catalogue de 1927 qu'il fait des œuvres de l'artiste, propose ce
marbre comme celui ayant été exposé en 1748. Toutefois, dans sa critique du Salon, Baillet
de Saint-Julien fait mention de plusieurs bustes en terre cuite. Cependant, ce dernier n'étant
pas explicite dans son commentaire, nous ne nous permettrons d'aller à l'encontre de M.
Réau354.
L'image que renvoie Lemoyne du très célèbre écrivain est celle d'un homme jeune et
vigoureux, l’œil pétillant, et d'une grande vivacité dans l'attitude. Pourtant, Saint-Yves, tout
comme il l'avait fait pour le buste de M. de Fontenelle (cat. S5), déplore l'époque trop
marquée dont témoigne ce portrait. Il aurait aimé que Voltaire ne soit pas tant de son temps,
qu'il n'appartienne même à aucun temps. Peut-être le critique avait-il saisi, avec quelle
intemporalité, des siècles plus tard, Voltaire parviendrait à rester l'un des plus grands noms
de la littérature française. Le Mercure de France en évoquant également ce buste comme
étant celui du « fameux M. de Voltaire », confirme le grand prestige du modèle pour ses
contemporains355.
S7 - M. de La Tour :
[n° 116 : « M. De la Tour. »]
Terre cuite
Dimensions inconnues
Saint-Quentin, musée Antoine Lécuyer
Historique : C'est parce qu'il se sent redevable du portrait que Quentin de La Tour a
354 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 9. Le critique écrit ceci : « […] parmis différents modèles en
Terre cuitte […], on remarque quatre Bustes de la main du Docte le Moine, représentant Mademoiselle de
Blenac, M. de Voltaire […] ». Ainsi, nous pouvons nous demander si des bustes en marbre sont exposés en
plus de divers modèles en terre cuite de Lemoyne et autres sculpteurs.
355 Mercure de France, op. cit., p. 163 (éd. 1970).
201
réalisé de lui et exposé au Salon de 1747, que Lemoyne fait au peintre l'honneur de ce buste.
En 1910, dans son inventaire des collections de l'Académie, Fontaine répertorie ce buste,
mais fait une erreur en inversant sujet et modèle356. Il nous apprend que Caffieri, qui s'est
porté acquéreur d'un grand nombre d'ouvrages de Lemoyne après son décès, en a fait don à
l'Académie en 1788, mais que la trace du buste se perd, tout juste cinq ans plus tard, dès
1793.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 118-119 ; « Réflexions sur quelques
circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 9 ; Fontaine, 1919, p. 188, n° 455 ; Réau, 1927, p.
107 et p. 151, cat. 128
Œuvre en rapport : Lemoyne réalise un autre buste de La Tour en 1763, en terre
cuite, conservé au musée de Saint-Quentin.
Exposition : 1748, Paris, n° 116
Nous pouvons supposer quel plaisir cela est pour le peintre de figurer, en tant que
modèle d'une œuvre, dans un Salon auquel il expose en tant qu'artiste. Plaisir qu'avait
ressenti Lemoyne, l'année précédente, ayant été modèle du peintre. C'est un vif succès que
connaît le sculpteur.
Baillet de Saint-Julien, qui rappelle quelle est la raison de la création de ce buste,
clôt son commentaire par la constatation qu'il est « peu dans le monde d'aussi bons
payeurs »357. Toutefois, c'est une opinion qui ne fait pas l'unanimité, et Saint-Yves ne peut
s'empêcher de noter la chevelure telle que l'a représentée Lemoyne, qui est « surmontée d'un
bout de draperie » qu'il juge « ridicule » et « boursouflée ». Il est, selon lui, chose fâcheuse
que bien des modèles sculptés en marbre soient contraints d'arborer de tels cheveux358.
356 A. Fontaine, op. cit., 1919, p. 188.
357 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 9.
358 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 119.
202
Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785)
Jean-Baptiste Pigalle est un sculpteur parisien né en 1714 dont la vie nous est fort
bien connue. Les monographies à son sujet ne sont pas rares et ses œuvres restent pour la
plupart célèbres. Issu d'une famille modeste de menuisiers, il est tout de suite attiré vers un
métier manuel et sa vocation de sculpteur se fait sentir très tôt. C'est probablement grâce à
des relations qu'il parvient à entrer dans l'atelier de Robert le Lorrain, non loin de chez lui. Il
intègre ensuite, en 1735, l'atelier de Jean-Baptiste II Lemoyne qui conservera toujours une
très forte influence sur l’œuvre du jeune sculpteur. C'est cette même année que Pigalle tente
pour la première fois d'entrer à l'Académie sans en obtenir l'agrément. Il prend alors la
décision de partir à Rome par ses propres moyens. De retour à Paris en 1741, il est agréé de
l'Académie le 4 novembre, et il devient enfin académicien trois ans plus tard.
Trois de ses œuvres figurent dans le livret du Salon de 1748. Toutefois, durant la
durée de l'exposition c'est dans l'atelier de l'artiste que le public avait loisir de les admirer. Il
était, en effet, fréquent à l'époque, que certains trop imposants morceaux de sculptures soit
laissés dans les ateliers des artistes, plutôt que déplacés jusqu'au salon carré, où se tenait le
Salon.
S8 - Mercure attachant ses talonnières :
[Sans numéro : « L'on verra dans son Attelier, cour du vieux Louvre, les deux Figures
en marbre de 7 pieds de proportion ; l'une représente Mercure ; & l'autre Venus.
Destinées pour le Roy de Prusse. »]
Statue en marbre
H. 1,85
Signée sur le socle : « J.-B. Pigalle Fecit, 1748. Parisiis. »
Berlin, Kaiser Friedrich Museum
Historique : À son retour de Rome en 1741, Jean-Baptiste Pigalle apporte avec lui
un modèle en terre cuite représentant le dieu Mercure qui lui permet, le 4 novembre de la
203
même année, d'être agréé de l'Académie. Il expose ensuite le plâtre au Salon de 1742.
L'usage veut que les sculpteurs présentent un modèle en marbre du morceau d'agrément
pour devenir académiciens. Il exécute alors celui-ci en 1744. Il s'agit de celui conservé au
musée du Louvre.
Au Salon de 1747, l'artiste expose deux ébauches en plâtre de Mercure et Vénus, qui
correspondent à une commande, datant probablement de 1743359, qui lui a été passée par
Orry, dont le décès conduit Lenormant de Tournehem à en prendre la suite 360. Cette
commande est celle d'un modèle en marbre de cette même ébauche de Mercure361. En 1746,
les Bâtiments du roi ajoutent à cette statue une figure de Vénus362, à l'origine isolée, pour
faire pendant au Mercure et constituer un groupe, de même matériau et dimensions. On
retrouve ces deux commandes dans l'ouvrage de Marc Furcy-Raynaud qui nous apprend
qu'elles furent payées chacune douze milles livres363.
La description du livret évoque le fait que c'est au roi de Prusse, Frédéric II, que sont
destinées ces statues. L'artiste a, sans le savoir, travaillé pour la cour de Prusse, et non celle
de France comme il le pensait. Louis XV, à des fins politiques, a écouté ses ministres
envoyés en Prusse, qui lui ont conseillé ce cadeau diplomatique 364. Ce n'est pas du goût des
Français, scandalisés de perdre des statues qu'ils jugent faire partie de leurs plus grands
chefs-d’œuvre et il semble difficile de ne pas citer Saint-Yves qui, dans sa critique du Salon,
atteste parfaitement du désarroi du pays face au départ de ces deux statues : « parler plus
longtemps de ces morceaux, ce serait augmenter les regrets du public qui ne les voit partir
qu'en soupirant. Bientôt ils disparaîtront à ses yeux pour aller porter dans le Nord la gloire
de M. Pigalle avec son art et y jeter les fondements d'une École. Tel est le sort de la France :
elle ne produit de grands artistes que pour l'utilité de l'étranger. »365.
Les œuvres quittent tout de même la France en 1750, après avoir été transportées l'année
précédente à La Muette, afin de pouvoir être admirées du roi avant leur départ. Elles sont
359 Cette date de 1743 semble plausible puisque, le 29 septembre de cette même année, le sculpteur reçoit du
marbre, sur ordre du roi, destiné à la réalisation de la commande.
360 Les détails de la commande sont reproduits en Annexe 23.
361 M. Furcy-Raynaud, Inventaire des sculptures exécutées au XVIIIe siècle pour la direction générale des
Bâtiments du roi (1720-1790), 1910, p. 118. L'auteur situe la commande en 1744 en raison d'un document
datant de 1748, dans lequel Pigalle explique avoir employé trois ans et demi à réaliser la figure du Mercure,
ainsi que celle d'un grand Vase qui lui a été commandé en même temps.
362 Voir cat. S9
363 M. Furcy-Raynaud, op. cit., 1910, p. 117-119. Tous les détails des commandes, les dates et conditions,
apparaissent dans cet ouvrage, ainsi que la date du parfait paiement, le 28 septembre 1749.
364 En 1748 a lieu la paix dite d'Aix-la-Chapelle, et Frédéric II offre au monarque français quelques chevaux.
C'est en remerciement de ce présent que Louis XV choisit de lui offrir ces statues, ainsi que deux autres
morceaux réalisés par Adam, qui ne sont mentionnés ni dans le livret, ni dans les critiques, mais dans le
Mercure de France de septembre 1748, publié en 1970, t. LV, p. 175.
365 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 121-122.
204
transportées sous la surveillance de Garnier d'Isle – architecte de la marquise de Pompadour
et ami proche de Pigalle – et arrivent à l'étranger en 1752, où elles sont placées par Frédéric
II dans son jardin de Sans-Souci. Elles y resteront des années durant, fortement exposées
aux intempéries. Les statues sont retirées, malheureusement trop tard pour que leur soit
épargnée une certaine dégradation, et se trouvent désormais à Berlin, dans une niche du haut
de l'escalier du Kaiser Friedrich Museum366.
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 121 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p. 127-131 ; Seidel, 1900, p. 174, cat. 198 ; Furcy-Raynaud, 1910, p.
117-119 ; Rocheblave, 1919, p. 161-173 ; Réau, 1950, p. 35-38 ; Mercure de France, 1970,
t. LV, p. 175 ; Cat. expo. Louis XV, un moment de perfection de l'art Français, 1974, p. 88,
cat. 81 ; Gaborit, 1985, repr. p. 44
Œuvres en rapport : Statuette en
marbre réalisée en 1744 pour sa réception à
l'Académie,
conservée
actuellement
au
Louvre.
Modèle en plomb datant de 1753,
également conservé au Louvre.
Réplique en marbre que possédait en
1762 le fermier général Bouret.
Copie de Berger qui se trouve aux
jardins de Sans-Souci à la place du modèle
original.
Modèle en pierre, copie de l’œuvre en
marbre, figurant dans le jardin du château
de Millemont.
L’œuvre étant extrêmement fameuse, de
Fig. S8 - Mercure attachant ses
talonnières
nombreux biscuits et modèles en terre cuite
furent effectués par la manufacture de
Sèvres,
qui
les
conserve
toujours
actuellement. Mais la position et la figure du Mercure ont également été beaucoup
réutilisées et adaptées dans des tableaux et gravures. Il est d'ailleurs amusant de constater
366 Le roi Frédéric-Guillaume IV fait mettre, à la place de l'original, une copie effectuée par Berger.
205
que l'on retrouve ce Mercure attachant ses talonnières dans une des peintures exposée
également au Salon en 1748. Il s'agit de L’Étude du dessin, par Chardin (cat. P13). L'auteur
possédant lui-même un modèle réduit de la statue.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
C'est cette statuaire dite « de jardin » qui permet à Jean-Baptiste Pigalle d'acquérir la
réputation qu'on lui connaît aujourd'hui.
Cette statue est plus communément appelée Mercure se chaussant les ailes au
XVIII
e
siècle, image poétique qui met en avant le caractère mythologique de cette représentation.
Le nombre de modèles de ce même sujet qu'eut à exécuter le sculpteur, influence
certainement Louis Réau qui trouve cette ultime représentation trop lisse, et ayant perdu
« un peu de sa fraîcheur » en comparaison aux deux réalisations précédentes 367. Il est
impossible de nier le fait qu'il s'agit d'une représentation à l'Antique, dans laquelle
l'influence du passage à Rome est très probablement en lien direct, Pigalle s'éloignant des
formes plus baroques qu'on peut retrouver chez des artistes tels que Falconet 368. Ici, la figure
de Mercure est d'une extrême perfection, mais peut-être trop lisse.
Cependant, il s'agit bel et bien d'un chef-d’œuvre de la sculpture du
e
XVIII
siècle, dont
la réception à l'époque du Salon témoigne amplement du grand succès. Baillet de SaintJulien fait honneur à l'artiste en écrivant dans sa critique que Mercure « est regardé comme
la figure la plus heureusement composée qui soit sortie de l'école française »369. Saint-Yves,
quant à lui, y voit une statue « d'une élégance si parfaite & si égale au plus excellent
antique » qu'il se sent saisi d'admiration pour le sculpteur 370. La statue est également
mentionnée dans le Mercure de France, en addition au compte rendu sur l'exposition, et un
bel éloge en est fait puisqu'il est dit qu'elle « auroit pû donner de la jalousie aux Sculpteurs
les plus renommés de l'ancienne Gréce »371. Il faut souligner un fait rare : cette sculpture est
la seule des œuvres de l'artiste n'ayant provoqué aucun jugement négatif du vivant de son
auteur372.
367 L. Réau, J.-B. Pigalle, 1950, p. 36.
368 J.-R. Gaborit, Jean-Baptiste Pigalle: Sculptures du Musée du Louvre, 1985, p. 42. L'auteur considère les
exemplaires du Louvre comme typiques du style rocaille. Il est vrai que le rendu est très différent du grand
format réalisé en marbre, de 1748, qui présente un tour nettement plus académique.
369 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 130.
370 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 121.
371 Mercure de France, op. cit., p. 175 (éd. 1970).
372 J.-R. Gaborit, op. cit., 1985, p. 27.
206
S9 - Vénus :
[Sans numéro : voir cat. S8]
Marbre
H. 1,75
Signé sur le socle : « J.-B. Pigalle F. 1748. Parisiis. »
Berlin, Kaiser Friedrich Museum
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p.
121 ; « Lettre sur la peinture, la sculpture... »,
1748 (rééd. 1972), p.127-131 ; Seidel, 1900, p.
175, cat. 199 ; Rocheblave, 1919, p. 161-173 ;
Réau, 1950, p. 35-38, cat. n°2, repr.
Œuvres en rapport : Modèle en terrecuite conservé au Louvre, datant de 1742.
À l'instar du Mercure (cat. S8), bien que
plus rarement, on retrouve cette statue dans
quelques peintures. Nous citerons ici Le bain,
réalisé par Hubert Robert en 1777, conservé
Metropolitan Museum de Ney York, dans
lequel apparaissent les deux statues373.
Expositions : 1748, Paris, s. n.
Fig. S9 - Vénus
À la différence de la statue précédente,
dont toutes les reprises sont relativement
identiques, Jean-Baptiste Pigalle modifie la Vénus qu'il doit effectuer pour la commande
royale. La statue exposée en 1748 n'est donc pas similaire aux premières esquisses de
l’œuvre. Selon Gaborit, ces modifications n'ont pas été apportées par l'artiste de son plein
373 Toutefois il s'agit d'un premier modèle de Vénus, avant les quelques modifications que l'artiste effectue
dessus pour la réalisation du grand modèle en marbre.
207
gré ; il s'agirait plutôt de recommandations pour rendre la figure de la déesse plus
correcte374. Il ne faudrait pas risquer de choquer la pudeur de la cour de Prusse, car la
position initiale que le sculpteur avait attribuée à la déesse la présentait jambes croisées,
maintien jugé indigne pour une si importante figure mythologique.
La statue exposée en 1748 montre la déesse nue, jambes étendues croisées au niveau
des chevilles, délicatement assise sur un rocher tenant un linge qu'elle replie sur son sexe
afin de le dissimuler. Elle tourne légèrement le visage vers la gauche, dans une position
pleine de grâce, afin de faire pendant au Mercure (cat. S8) auquel, par son attitude, il
semblerait qu'elle soit en train de donner un message. Le sculpteur n'a pas omis l'attribut
caractéristique de la déesse que sont les deux colombes.
Saint-Yves, qui semble conquis par l’œuvre, évoque une « Vénus si belle […] qu'on
se sent pénétré de la vénération la plus profonde pour l'artiste créateur de pareils chefsd'œuvres »375.
S10 - Sainte Vierge :
[Sans numéro : « Une Statuë de marbre de même grandeur, représentant la Sainte
Vierge ; Pour une Chapelle des Invalides. »]
Marbre
H. 2, 00 environs
Paris, église Saint-Eustache
Historique : En 1745, d'Argenson, alors ministre de la Guerre et également premier
mécène de l'artiste, commande au sculpteur cette statue de Vierge à l'Enfant, destinée à
l'église des Invalides à Paris, en remplacement d'une statue sur le même sujet, en plâtre, de
Corneille Van Cleve376. Fort heureusement pour la postérité de l'artiste, cette statue parvint à
374 J.-R. Gaborit, op. cit., 1985, p. 46. L'auteur ne se permet pas d'affirmer quoi que ce soit sur l'instigateur de
ces modifications. La chronologie des œuvres étant trop étendue, il est réellement difficile de se prononcer
quant à savoir s'il s'agit d'Orry ou de Lenormant de Tournehem, bien qu'une note figurant dans l’État des
ouvrages qui ont été distribués aux artistes, citée par l'auteur, stipule qu'on « a présenté deux esquisses
pour en être fait choix par M. de Tournehem ».
375 C. L. de Saint-Yves, op. cit., p. 121.
376 L. Réau, op. cit., 1950, p. 77. Tous les autels de la chapelle des Invalides, au nombre de quatorze, avaient
été décorés, durant le règne de Louis XIV, de sculptures en plâtre. Sous celui de Louis XV, une décision est
208
échapper aux massacres de la Révolution, tandis que toutes les autres qui ornaient l'Hôtel
des Invalides furent détruites. Après la Révolution, la statue passe par le Musée des
Monuments français sous la protection de Lenoir, avant d'être rachetée en 1804 par le curé
de l'église de Saint-Eustache à Paris, pour la somme de trois mille francs. Une inscription est
ajoutée à ce moment-là, qui ne figure donc pas lorsque l’œuvre est exposée au Salon :
« cette statue a été bénite par le pape Pie VII, le 28 décembre 1804, en présence du cardinal
de Belloy, archevêque de Paris ».
.
Bibliographie : « Lettre sur la
peinture, la sculpture... », 1748 (rééd.
1972), p. 126-127 ; Koenig, 1878,
p. 112 ; Réau, 1950, p. 77-78, cat.
n° 26, repr. ; Gaborit, 1985, p. 9, repr.
Œuvre en rapport : Vierge de
Saint-Sulpice, réalisée par Pigalle, en
pierre,
entre
1754
et
1755,
actuellement toujours en place377.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Cette sculpture permet, aux
amateurs de l'artiste, de découvrir un
Pigalle différent, axé sur l'art religieux.
Il ne s'agit pas pour le sculpteur de
copier purement et simplement la
statue de Corneille van Cleve, mais au
contraire, la possibilité lui est laissée
Fig. S10 - Sainte Vierge
de prendre des libertés. Et l’œuvre qui
en découle est très typique de cette
prise de les remplacer toutes par des statues en marbre, dont on confie alors la réalisation aux meilleurs
sculpteurs de l'époque. C'est un honneur pour Jean-Baptiste Pigalle que d'être requis pour celle de la
Vierge.
377 Ce sont les deux seuls derniers exemples de statuaire religieuse de Pigalle qui nous sont parvenus, les
autres ayant été détruites par vandalisme.
209
période, bien différente des représentations du
e
XVII
siècle. Les formes sont mouvementées,
les lignes courbes et le drapé volumineux. Ce n'est pas une représentation immobile que le
public de l'époque a le loisir d'admirer. Le regard de la Vierge se pose sur celui de l'Enfant
qui, faisant face au spectateur, lève sa main droite dans un geste de bénédiction.
La critique évoque peu cette Vierge à l'Enfant, mais les quelques commentaires sont
élogieux. Gougenot admire la composition qu'a choisi de mettre en place le sculpteur, et tout
particulièrement le rendu du drapé ; il déplore cependant le visage de l'Enfant qu'il juge sans
assez de noblesse378.
378 L. Gougenot, op. cit., 748, p. 126-127
210
Paul-Ambroise Slodtz ( 1702-1758 )
C'est encore une fois à François Souchal, grand spécialiste de la sculpture du siècle
des Lumières, que nous devons une monographie de la famille Slodtz parue en 1967.
Le sculpteur est issu d'une grande dynastie d'artistes sculpteurs et décorateurs. Il est
né en 1702 à Paris, et bien que nous ne sachions que peu de choses de ses années de
jeunesse, il est aisé de supposer que son apprentissage se fait au contact de son père.
Il se présente très tard, en 1741, à l'Académie et en est agréé, pour être reçu
académicien en novembre 1743. Il est par ailleurs le seul membre de sa famille à s'être
jamais présenté à l'Académie royale379. En août 1748, il est choisi pour être l'un des
membres constituant le nouveau jury instauré par Lenormant de Tournehem, chargé de
sélectionner les œuvres qui pourront figurer ou non au Salon de la même année.
Au Salon de 1748, où il compte lui-même parmi les exposants, l'artiste présente
plusieurs esquisses, au nombre de six, qui, fait unique, figurent dans le livret non pas sous
forme d'une numérotation mais de lettres, allant de « A » à « F », et qui sont situées entre le
numéro 47 et le numéro 48 des œuvres exposées. Ces petites esquisses sont présentées par
l'artiste dans le but d'acquérir une certaine notoriété et ce, notamment auprès de la marquise
de Pompadour, et donc plus largement, de s'attirer les faveurs royales. Toutes ces esquisses
ont actuellement disparu et, selon Souchal, ne se trouvaient pas dans l'atelier de l'artiste lors
de son inventaire après-décès380.
Gougenot dans sa critique du Salon évoque sa déception quant au fait que l'artiste
n'expose pas ce pour quoi il est le plus doué, à savoir des « Pompes funebres & fêtes
galantes » ; le critique aurait préféré « voir quelques pensées de lui en ce genre, que les
petites esquisses qu'il […] a données »381. C'est le seul commentaire qui est fait concernant
ces morceaux, les autres critiques restant muets à ce sujet.
379 F. Souchal, Les Slodtz: sculpteurs et décorateurs du Roi (1685-1764), 1967, p. 56. L'auteur cite Cochin
selon qui, ce n'est pas tant par son talent que par ses connaissances parmi les membres de l'Académie que le
sculpteur y est reçu.
380 Ibid., p. 647
381 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 123. Toutefois, lorsque l'année suivante le critique réécrit son commentaire,
il y ajoute que ces petites esquisses sont tout de même traitées avec goût.
211
S11 - La Tragédie :
[Sans numéro : « Plusieurs Esquisses en terre cuite ; représentants diverses Figures
avec leurs Attributs.
A. La Tragédie, tenant de la main droite un Poignard, & de la gauche une Couronne
avec un Sceptre.
B. La Comédie, couronnée de feüilles de Lierre, tenant un Masque.
C. Le Prix ou la Récompense, tenant de la main gauche une couronne de Lauriers,
avec des Palmes; & de l'autre, des branches de Chêne, & des Médailles.
D. L'Origine de l'Amour, représentée par ce Dieu tenant un Flambeau, avec un Miroir
ardent.
E. Pomone, das le moment que Vertumne ôte son Masque.
F. Un Amour qui enchaîne de Fleurs un Griffon.
Plusieurs de ces Esquisses doivent être exécutez de grandeur naturelle. »]382
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Exposition : 1748, Paris, s. n.
François Souchal se demande si cette esquisse, ainsi que celle représentant La
Comédie (cat. S12), ne seraient pas des ébauches destinées à servir de décor pour une salle
de théâtre. Le sculpteur et son frère ont déjà décoré, en 1745, la salle de Comédie du
Manège à Versailles. Il semble qu'à cette époque un théâtre soit toujours en projet et donc
susceptible de donner du travail aux artistes.
382 Bien que le livret stipule une volonté d'en réaliser des modèles plus grands, aucun d'entre eux ne nous est
parvenu, ni n'est mentionné dans des inventaires du XVIIIe siècle.
212
S12 - La Comédie :
[Sans numéro : voir cat. S11]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Exposition : 1748, Paris, s. n.
S13 - La Récompense :
[Sans numéro : voir cat. S11]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Selon Souchal, il s'agit très certainement d'une esquisse en l'honneur de Louis XV et
de ses gloires militaires383.
S14 - L'Origine de l'Amour :
[Sans numéro : voir cat. S11]
383 F. Souchal, op. cit., 1967, p. 647.
213
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Exposition : 1748, Paris, s. n.
L'Origine de l'Amour est matérialisée ici par un petit dieu ayant pour attributs un
flambeau et un miroir ardent. C'est une façon pour l'artiste de flatter la marquise de
Pompadour en louant ses charmes.
S15 - Vertumne ôte son masque :
[Sans numéro : voir cat. S11]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Œuvres en rapport : En 1753, Dupont, s'inspire de cette œuvre de Slodtz pour
réaliser Pomone avec le génie de Vertumne qui se découvre en levant son masque.
Boizot s'en inspire également pour réaliser à la fin du siècle une statue de L'Amour
qui se trouve actuellement au Louvre.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
214
Ce sujet est très à la mode dans le courant du
e
XVIII
siècle. L'allusion au roi et à la
favorite, la marquise de Pompadour, est assez explicite, mais tout en restant suffisamment
détournée pour ne pas choquer le public et les critiques. En effet, le thème de Vertumne et
Pomone regorge d'allusions galantes.
S16 - Un Amour qui enchaîne de fleurs un griffon :
[Sans numéro : voir cat. S11]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 123 ;
Souchal, 1967, p. 647-648, cat. 126
Exposition : 1748, Paris, s. n.
C'est encore une fois, tout comme L'Origine de l'Amour (cat. S14), et Vertumne et
Pomone (cat. S15), un moyen pour le sculpteur de tenter de gagner les faveurs de la
marquise de Pompadour, en mettant en place ces petits sujets, qui flattent la favorite du roi.
215
Louis-Claude-Antoine Vassé (1716-1772)
Artiste issu d'une longue lignée de sculpteurs, Louis-Claude-Antoine Vassé, né en
1716 à Paris, trouve tout naturellement sa vocation d'artiste. Il est élève de Bouchardon et
reçoit en 1739 le Prix de Rome. Il passe alors quatre années en Italie avant de revenir en
France et d'être agréé de l'Académie en mai 1748. Il est reçu académicien quelques années
plus tard, en 1751.
Personne au caractère peu apprécié, souvent considéré comme sournois et vil, il est
vite oublié384. Malgré cela, il est, de son temps, protégé du comte de Caylus, et obtient de
nombreuses commandes. Sa personnalité semble certes discutable, son talent, lui, ne l'est
pas. Sa production est vaste, et ses œuvres de toutes sortes, tant mythologiques
qu'allégoriques mais aussi religieuses et funéraires. Il est aussi doué dans les portraits, et en
particulier les bustes d'enfants, qui composent une belle série au sein de son œuvre.
Seulement deux mois après son agrément, il envoie des œuvres afin qu'elles soient
exposées au Salon de 1748. Il en présente quatre, dont trois sont des ébauches.
S17 - Berger qui dort :
[n° 109 : « Un Modéle en plâtre, représentant un Berger qui dort. »]
Plâtre
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Historique : Cette esquisse est celle de ce qui sera le morceau de réception de
l'artiste à l'Académie, qu'il présente en marbre en 1751, exposé au Salon de la même année,
et sur lequel il est reçu académicien.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 125 ;
Fontaine, 1910, t. II, p. 186, n° 36
384 C'est du moins l'explication qu'en donne Michèle Beaulieu dans le catalogue d'exposition Louis XV un
moment de perfection de l'art français, en 1974, p. 92
216
Œuvre en rapport : Modèle définitif en marbre, conservé au Louvre (fig. S17*).
Exposition : 1748, Paris,
n° 109
Nous pouvons supposer que le
modèle en plâtre exposé cette annéelà est très proche de la réalisation
définitive de l’œuvre, étant donné
que les artistes étaient tenus de
présenter un modèle qui devait
recevoir l'accord de l'Académie pour
être
exécuté
par
la
suite.
Les
sculpteurs n'effectuent pas alors des
modifications majeures.
L'influence de son passage
dans l'atelier de Bouchardon se
retrouve dans cette œuvre. C'est en
tout cas ce que note Gougenot dans
son commentaire. Le critique juge
que « l’œuvre n'est pas sans beauté »
mais que Vassé « tient beaucoup de la
manière
de
son
maître,
Fig S17* - Berger endormi
M.
Bouchardon »385. Il nous paraît presque naturel cependant, qu'à ce stade-là de sa carrière, à
peine agréé de l'Académie, le sculpteur n'a pas encore développé de manière qui lui soit
totalement propre.
S18 - Buste de femme :
[n° 110 : « Un Buste de Mademoiselle ***, en terre cuite. »]
385 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 125. Le critique précise tout de même dans une petite note qu'il s'agit du
morceau de réception de l'artiste.
217
Terre cuite
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », in Baillet de Saint-Julien,
1748 (rééd. 1972), p. 124 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 163
Exposition : 1748, Paris, n° 110
Gougenot ne cache pas son insatisfaction vis à vis de l’œuvre en déclarant qu'il
préfère, pour le bien de la sculpture, la passer sous silence. Il juge que, bien que le buste soit
réussi par sa ressemblance, il ne présente pas les critères suffisants pour être exposé au
Salon386. Nous pouvons alors penser, en ayant connaissance de ce commentaire, que le
critique n'attend pas des œuvres qu'elles soient uniquement correctes et sans défaut, mais
plutôt ce qui fait d'un artiste un grand maître. Par ailleurs, il s'agit de l'unique œuvre de
l'artiste, exposée cette année-là, qui soit mentionnée dans le compte rendu du Mercure de
France, mais aucun commentaire critique n'y est fait387.
S19 - Chasseresse :
[n° 111 : « Esquisse en terre, d'une Chasseresse. »]
Terre cuite
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 124
386 Ibid., p. 124. Selon Gougenot, la ressemblance seule est insuffisante, il faut que ces morceaux « soient
traités de façon à pouvoir mériter son [le public] attention ».
387 Mercure de France, op. cit., p. 163 (éd. 1970).
218
Exposition : 1748, Paris, n° 111
Cette ébauche en terre cuite est mentionnée par Gougenot comme étant « d'une assez
bonne intention »388. Dans cette critique, nous pensons que Gougenot évoque l'intention de
l’œuvre finale qu'il trouve alors assez prometteuse.
S20 - Femme qui pleure sur une urne :
[n° 112 : « Modéle en plâtre d'un Tombeau, représenté par une Femme qui pleure sur
une Urne, qu'elle couvre de sa Draperie. »]
Plâtre
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 124
Exposition : 1748, Paris, N° 112
Nous savons par la critique de Gougenot que cette œuvre est exposée au croisement
de l'une des travées. Cependant, rien ne nous informe des dimensions de cette sculpture, et
nous pouvons nous demander s'il s'agissait de dimensions définitives, pour un modèle qui se
voudrait alors relativement grand, ou bien de dimensions réduites. Quoi qu'il en soit, le
critique n'est pas séduit par ce que lui propose Vassé. Il trouve que la sculpture n'est « pas
aussi bien rendue qu'heureusement imaginée »389. Ce commentaire met tout de même en
avant les qualités de l'artiste à imaginer des modèles, mais moins à les mettre en œuvre.
388 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 124.
389 Ibid.
219
CATALOGUE DE GRAVURES
220
Jean Chauffourier (1678-1757)
Pour la biographie de l'artiste se référer au catalogue de Pastels.
Sans plus de précisions que les descriptions des critiques, très limitées, nous n'avons
pu retrouver ces gravures. Le cabinet des Estampes de la BNF ne possède que huit gravures
par l'artiste parmi lesquelles nous n'avons pas été en mesure d'identifiées la gravure du Salon
de 1748.
G1 - Vue d'un pont de Paris (?) :
[n° 91 bis : « Six Morceaux de ses [Chauffourier] Ouvrages, tant à l'huile, au Pastel,
gravûre que desseins, sous le même numero. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 319
Œuvre en rapport : Gravure d'après l'un des deux dessins exposés au même Salon
de 1748, bien que ignorons duquel il s'agit (cat. E1 et E2).
Exposition : 1748, Paris, n° 91 bis
Nous ne disposons que d'un seul élément sur cette gravure dans les critiques. Il s'agit
du fait que Gougenot la trouve inférieure au dessin exposé également au Salon de cette
année (cat. E1 ou E2)390.
390 Ibid., p. 139.
221
Jean Daullé (1707-1763)
Ce graveur est né vers 1707, bien que cette date reste incertaine, à Abbeville 391. Son
premier professeur, alors qu'il est âgé de quatorze ans, est un religieux de l'ordre de Cluny.
Après avoir fait preuve de dispositions déjà bien affirmées pour le dessin, il fait le choix de
venir à Paris et entre dans l'atelier du graveur Hecquet. Il devient lui-même, par la suite,
professeur du très célèbre graveur Georges Wille. Mais trop friand de son succès, il ne cesse
de produire au détriment de la qualité de ses œuvres. Sa production comporte plus de trois
cents pièces, mais un manque d'unité globale est à déplorer. En effet, l'artiste, plutôt que de
s'en tenir au genre du portrait qui constitue la part principale de ses gravures, a voulu
s'essayer à des thèmes mythologiques et allégoriques, ainsi qu'aux sujets de genre, pour
lesquels il ne présente malheureusement pas les dispositions suffisantes. Ainsi, son œuvre se
divise en deux grandes tendances, d'une part une galerie de portraits extrêmement vaste,
d'autre part un très grand nombre de gravures d'après François Boucher.
Il entre à l'Académie en juin 1742.
Au Salon de 1748, il présente plusieurs morceaux gravés, portraits et gravures
d'après Boucher, mais le livret de l'exposition n'en fournit pas le détail.
G2 - (?) :
[Sans numéro : « Douze Morceaux gravez. »]
Bibliographie : « Réflexions sur quelques circonstances... », 1748 (rééd. 1972), p. 8
; « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138-139 ; IFF, t. VI, 1949, p.
94
Exposition : 1748, Paris, s. n.
L'imprécision du livret ne permet pas de retrouver les œuvres exposées par le
graveur cette année 1748. La critique, pour sa part, ne fournit pas plus d'informations.
391 Le catalogue raisonné de E. Delignières sur l'artiste constitue l'unique base d'étude concernant Jean Daullé
; mais publié en 1872, il n'inclut pas de nouvelles recherches qui auraient pu être faites durant le XXe siècle.
222
Baillet de Saint-Julien se contente de signaler qu'il préfère ne pas évoquer les morceaux
présentés par cet artiste392. Et Gougenot mentionne le fait que le public a « préféré à ses
portraits les gravures qu'il a faites d'après M. Boucher »393. Ainsi, ce qui plaît au public cette
année-là ne semble pas être la part de l’œuvre du graveur qui contribua pourtant à sa
postérité.
Il est d'autant plus difficile de proposer des identifications de ces gravures du fait que
les portraits et gravures d'après Boucher constituent la majeure partie de son œuvre. De plus,
rien ne nous permet d'affirmer que ces gravures furent réalisées l'année même du Salon, et le
champ chronologique devient alors relativement vaste.
392 L. G. Baillet de Saint-Julien, op. cit., 1748, p. 8.
393 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 138-139.
223
Gaspard Duchange (1662-1757)
Nous savons peu de choses du graveur Gaspard Duchange, si ce n'est qu'il naquit à
Paris en 1662 et y est mort en 1757. Il tient sa formation d'Audran et accède à l'Académie le
30 juillet 1707.
Au Salon de 1748, il expose une unique gravure, d'après Antoine Coypel, qui n'est
autre que le premier peintre du roi. Toutefois, les critiques ne s'intéressent que peu aux
graveurs et ne feront pas de commentaire sur Duchange dans leurs comptes rendus du Salon.
G3 - Jésus au berceau, d'après Coypel :
[Sans numéro : « Un Morceau gravé, représentant JESUS au Berceau, d'après un
Pastel de M. Coypel, Ecuyer, Premier Peintre du Roy, Directeur de l'Académie. »]
H. 0,223 ; L. 0,294
Signée dans sa partie inférieure : « Peint par A. Coypel, premier peintre du Roy. - Gravé par
G. Duchange, Graveur du Roy, dans sa 87ème année. Gloire à Dieu »
Paris, BNF, Cabinet des Estampes (Db. 7 in-fol)
Historique : Il s'agit de la dernière estampe réalisée par Duchange. Le graveur
demande au premier peintre, Charles Coypel, la faveur de lui laisser exécuter ce morceau
car sa carrière de graveur a débuté par une estampe d'après Antoine Coypel, père de Charles.
L'artiste déclare ceci : « mon burin a débuté par un ouvrage de m. votre pere et […] je veux
finir par vous »394.
Ce n'est qu'après l'avoir exposée au Salon que Duchange présente cette gravure à
l'une des conférences de l'Académie. Elle est mentionnée en date du 28 septembre dans les
procès-verbaux, comme ayant été présentée et approuvée395.
Une épreuve de l'estampe est conservée au Cabinet des Estampes de la BNF, à Paris.
394 Cité par T. Lefrançois, op. cit., 1994, p. 313, tirée du Catalogue manuscrit de l’œuvre gravé de et d'après
Ch. Coypel, d'après un anonyme, conservé au Cabinet des estampes de la BNF.
395 A. de Montaiglon, op. cit., 1885, p. 137. « M. Duchange […] présente à l'assemblée deux épreuves d'une
planche qu'il a gravée d'après M. Coypel, ayant pour titre « L'enfant Jésus au berceau ». L'examen fait, la
Compagnie a approuvé ladite planche, pour faire jouir l'exposant des privilèges accordés à l'Académie ».
224
.
Bibliographie : IFF, t. VII, 1951, p. 394, cat. 53 ; « l’œuvre gravé des Coypel II », in
Gazette des Beaux-Arts, 1964, t. II, p. 144, n° 14, repr. ; Montaiglon, 1885, t. VI, p. 137 ;
Lefrançois, 1994, p. 313, cat. P. 199A, repr.
Œuvre en rapport : Pastel original de Coypel, dont la localisation est actuellement
inconnue.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
La planche sur laquelle se trouve la gravure est rectangulaire et la gravure de forme
oblongue. À la représentation de l'enfant Jésus, le graveur ajoute un texte. Il s'agit d'un
verset du Psaume 39, qui est inscrit en latin sur la partie gauche, et en français sur la partie
droite. Sous le titre se trouve l'adresse du graveur : « A Paris chés G. Duchange rüe S.
Honoré aux deux Anges || Couronnés vis à vis celle des Bourdonnois ».
La critique ne s'intéresse pas à cette gravure.
Fig. G3 - Jésus au berceau
225
Jacques Guay (1715-1787)
Ce graveur, né en 1715 à Marseille, est un personnage assez unique au sein de
l'Académie. Jean-François Leturcq, grand amateur de l'artiste, a publié en 1873 un catalogue
raisonné de son œuvre ainsi qu'une biographie.
Destiné par ses parents à la joaillerie, Jacques Guay s'exile à Paris où il va faire la
connaissance de Crozat et de sa fabuleuse collection. C'est de là que naît sa vocation de
graveur, dès lors qu'il peut admirer les trésors de glyptiques du collectionneur et marchand.
C'est aussi peu de temps après son arrivée à Paris qu'il rencontre celui qui est considéré
comme son maître : François Boucher, dans l'atelier duquel il travaille durant les premières
années de sa carrière. De lui, il apprend beaucoup, mais le dépasse rapidement en terme de
dessin mais également de correction dans le choix de ses sujets, qui choquent moins la
pudeur. Tous deux ont en commun d'avoir suscité l'engouement tout particulier de la
marquise de Pompadour. La maîtresse royale aimant à s'essayer aux arts, Jacques Guay n'est
pas seulement l'un des favoris de cette dernière, mais également son professeur de touret.
Dès 1745, il obtient le statut de graveur du roi, ainsi qu'un logement dans les galeries
du Louvre. Il est, en 1747, le premier graveur sur pierres fines admis à l'Académie, faisant
de lui par conséquent, le seul présent au Salon jusqu'en 1793. Il expose pour la première fois
en 1748, ayant obtenu la confirmation de son admission définitive le 30 mars de cette même
année, soit peu de temps avant le début de l'exposition annuelle. Sa présence si particulière
aux Salons, par son statut unique, lui attire les faveurs des amateurs en tous genres et les
applaudissements de la critique.
En 1748, il expose plusieurs pierres gravées, dont nous connaissons les sujets pour
deux d'entre elles, seuls précisés dans le livret, ainsi que deux autres qui sont mentionnés par
Gougenot. Dans le commentaire que fait ce critique, il cite également « plusieurs têtes
touchées avec un goût & un esprit infini », nous laissant ainsi supposer que les autres
empreintes de pierres gravées étaient des portraits, dont nous n'avons cependant pu trouver
plus d'informations quant à leur nombre et leurs modèles396.
396 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 140.
226
G4 - Le Génie de la Peinture et de la Sculpture couronné par Apollon :
[n° 101 : « Un Cadre, qui renferme sous glace l'Empreinte de plusieurs Pierres
gravées, entr'autres, celle représentant Apollon qui couronne le Génie de la Peinture
& de la Sculpture, avec ses Attributs ; pour sa Réception à l'Académie. Autre,
représentant une Leda dans l'eau. »]
Gravure sur cornaline
H. 0,019 ; L. 0,012
Localisation inconnue
Historique : Cette petite pierre est le morceau de réception qui permet à Guay, le 30
mars 1748, de devenir académicien. Il le réalise pour accéder à l'Académie conformément à
la règle qui veut que la réception d'un graveur se fasse sur présentation d'une œuvre
originale397. Ce morceau se trouve reproduit dans un recueil de la collection de la marquise
et est accompagné de la note suivante, rédigée par l'artiste lui-même :
« Cette pierre est gravée en creux. Guay la faite pour sont morsaux de reseption de la
Cademiee. La Cademiee en fit Presant à Mr de Tourneant, elle et actuellement à Mr le
marquis de Marigny. L'oracteur faira le reste, voilà la vérité »398.
La cornaline est montée en bague et est offerte au directeur des Bâtiments du roi, Lenormant
de Tournehem, en guise de reconnaissance399. Comme le stipule le petit texte de Jacques
Guay, cette cornaline entre ensuite dans la collection du marquis de Marigny. Elle passe à sa
vente où elle est alors acquise par le comte d'Orsay400.
397 A. de Montaiglon, op. cit., 1885, p. 94. La réception de Guay est mentionnée dans les procès-verbaux de
l'Académie : « Le sieur Jacques Guay […] a présenté à l'assemblée l'ouvrage qui lui avoit été ordonné pour
sa réception, dont le sujet représente Apollon couronnant le Génie de la Peinture et de la Sculpture, et qu'il
a exécuté sur une cornaline montée en bague ».
398 J.-F. Leturcq, Notice sur Jacques Guay, graveur sur pierres fines du roi Louis XV, Documents inédits
émanant de Guay et notes sur les œuvres de gravure en taille-douce et en pierre fines de la Marquise de
Pompadour, 1873, p. 9. L'artiste est réputé pour sa mauvaise orthographe, qu'il reconnaît lui-même, mais
qui n'entache pas la grande considération que lui apportent ses talents d'artiste.
399 A. de Montaiglon, op. cit., 1885, p. 94. C'est immédiatement après la réception du graveur qu'est prise
cette décision : « Cette réception faite, l'Académie a décidé unanimement que ledit ouvrage du Sieur Guay
seroit offert à M. de Tournehem comme un léger hommage de la reconnoissance que la Compagnie a de ses
bontés […] ».
400 J.-F. Leturcq, op. cit.., 1873, p. 39. L'auteur ne sait pas au moment de rédiger sa notice où se trouve
l’œuvre. Leturcq en possède cependant lui-même une empreinte en souffre, qui est celle reproduite dans ce
catalogue.
227
Bibliographie : Saint-Yves, 1748, p. 114-115 ; « Lettre sur la peinture, la
sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139-140 ; Mariette, 1750, P. 152 ; Leturcq, 1873, repr.
pl. H n° 47 ; Montaiglon, 1885, p. 94-95 et 98 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 164
Œuvres en rapport : Une estampe a été réalisée par la marquise de Pompadour ellemême en reprenant le dessin du morceau de réception, elle figure dans le recueil d'estampes
de la marquise d'après les pierres gravées de Jacques Guay.
Empreinte en souffre que possède J.-F. Leturcq, grand amateur du graveur
(fig. G4*).
Exposition : 1748, Salon, n° 101
Le choix de la composition est du seul fait de l'artiste. Sur la cornaline se détachent,
en léger relief, deux personnages à l'antique, entièrement nus. Il s'agit de la figure d'Apollon
qui couronne celle du Génie des Arts, peinture et sculpture. Ce dernier se tient appuyé
contre un tronc de statue antique401. Les attributs de la peinture, au travers de la palette de
couleurs et des pinceaux, ainsi que ceux de
la sculpture, avec les différents instruments
nécessaires à cet art, sont présents, et
permettent d'identifier aisément le Génie.
La figure d'Apollon, en plus d'être celle
du dieu des Arts, est une allégorie de la
personne de Louis XV. Et, de ce fait, bien
que l’œuvre remporte un vif succès au
Salon, la cour est scandalisée de cette
représentation du roi nu. Guay choque la
morale et la pudeur qui sont de rigueur dans
les représentations de hauts personnages,
plus encore lorsqu'il s'agit de la famille
Fig. G4* - Le génie de la Peinture et de
la Sculpture couronné par Apollon
royale. Cependant, le message transmis est
fort : le Génie du dessin et de la sculpture
401 Ibid., p. 87. Dans la notice de l’œuvre, il est précisé qu'il s'agit du Torse, de nos jours connu comme le
Torse du Belvédère.
228
est ici associé à l'Académie, à laquelle le graveur rend hommage avec cette œuvre. Et c'est
ce qui est mentionné lors d'une conférence de l'Académie du 30 mars 1748 qui évoque le
fait que cet ouvrage « paroit avoir été fait pour consacrer à la Postérité la grâce que Sa
Majesté vient d'accorder à son Académie de Peinture, en la prenant sous sa protection
immédiate. […] Ne seroit-ce pas faire un digne usage de cette pierre gravée que de la lui
présenter comme un monument de notre éternelle reconnoissance ? »402. Mais c'est aussi un
morceau qui sert la propagande royale, puisqu'en couronnant l'Académie, le roi s'en déclare
le protecteur, devenant ainsi proche des arts de son pays403. C'est presque une représentation
historique qui est exposée au Salon. Comme l'écrit Mariette, il s'agit d'un « événement qui
sera inscrit dans les Fastes de notre illustre Monarque, au même rang que ses plus brillants
exploits »404.
Malgré la nudité de l'Apollon, la critique reçoit cette pierre gravée avec beaucoup
d'enthousiasme. Saint-Yves la compare à « ce qui reste de mieux de l'Antique »405. Et cette
inspiration, clairement antique, confère au sujet de la pierre encore plus de grandeur, Louis
XV étant placé au rang des plus grands dieux de la mythologie. Le compte rendu du
Mercure de France va également en ce sens en qualifiant ce morceau gravé de « vraiment
digne de l'antiquité »406.
G5 - Leda dans l'eau :
[n° 101 : voir cat. G4]
Empreinte d'une intaille sur sardoine
H. 0,016 ; L. 0,014
Au bas de la pierre : « GUAY F. »
Localisation inconnue
Historique : C'est pour M. le duc
d'Aumont que Guay a gravé cette pierre en
Fig. G5 - Leda dans l'eau
402 A. de Montaiglon, op. cit., 885, p. 95.
403 C'est le 2 décembre de l'année 1747 que Louis XV s'est déclaré protecteur officiel de l'Académie.
404 P. J. Mariette, Traité des pierres gravées, t. I, 1750, p. 152.
405 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 115.
406 Mercure de France, op. cit., p. 164 (éd. 1970).
229
creux. Leturcq en fait l'acquisition, comme il le raconte dans son ouvrage, à la vente de l'un
des descendants du duc dans les années 1860, l'intaille est alors montée en bague d'or
ciselé407.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139140 ; Saint-Yves, 1748, p. 115 ; Leturcq, 1873, repr. pl. F, n° 36 ; Mercure de France, 1970,
t. LV, p. 164
Exposition : 1748, Paris, n° 101
Le dessin est issu d'une sardoine, réduite par Boucher. Y est représenté le moment où
Zeus, après s'être transformé en cygne pour séduire Leda, se trouve avec cette dernière dans
l'eau. Leda est représentée debout en train de s'enfoncer, les jambes immergées. Le cygne
tente de se rapprocher d'elle mais elle l'écarte délicatement tout en maintenant le linge qu'il
essaie de lui enlever. À l'inverse de la pierre gravée précédente, c'est une composition
extrêmement décente qui ne peut choquer la morale.
La critique est la même que pour les autres empreintes gravées exposées cette annéelà, et selon Saint-Yves, Jacques Guay ne peut que prospérer avec cet art qui séduit tout le
monde408. Opinion partagée par Gougenot qui se demande comment l'auteur est parvenu à
« tirer parti d'un talent aussi ingrat »409. Le Mercure de France cite cette gravure dans son
compte rendu, aux côtés d'Apollon couronnant le Génie de la Peinture et de la Sculpture
(cat. G4), car toutes deux sont « vraiment dignes de l'antiquité »410.
G6 - Enfant mangeant du raisin :
[n° 101 : voir cat. G4]
Dimensions inconnues
407 J.-F. Leturcq, op. cit., 1873, p. 128.
408 C. L. de Saint-Yves, op. cit., 1748, p. 115. Le critique place ce type d'art, unique à l'Académie, entre « les
curiosités les plus recherchées, les plus précieuses, & les bijoux ». Les œuvres de Guay ne peuvent alors
que plaire au public.
409 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 139.
410 Mercure de France, op. cit., p. 164 (éd. 1970).
230
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139140
Exposition : 1748, Paris, n° 101
Dans le livret il n'est pas fait mention des sujets de cette gravure et de la suivante
(cat. G7). Ceux-ci nous sont connus grâce à Gougenot, qui, dans son commentaire sur les
œuvres exposées par Guay, écrit ceci : « On voit aussi un petit Enfant qui mange des
raisins ; & dans une autre un petit Amour qui court après un Papillon […] »411. Toutefois,
l'ouvrage de Jean-François Leturcq ne permet pas d'identifier ces œuvres.
G7 - Amour courant après un papillon :
[n° 101 : voir cat. G4]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139140
Exposition : 1748, Paris, n° 101
Voir notice cat. G6.
411 L.Gougenot, op. cit., 1748, p. 140
231
Nicolas de Larmessin (1684-1755)
À cheval entre deux siècles, l'artiste Nicolas de Larmessin est issu d'une lignée de
graveurs et marchands d'estampes. Quatrième du nom, il reçoit sa formation de son père,
mais il est probable que son oncle y ait participé également. Il devient l'heureux successeur
de cet héritage familial, mais développe une passion toute particulière pour les portraits dont
regorge son œuvre. Il est reçu académicien en 1750, cinq années seulement avant sa mort
qui survient en 1755.
En 1748, il expose un portrait gravé d'après Boucher. Les graveurs sont très friands
de ce peintre et aiment à interpréter son œuvre.
G8 - Portrait de M. de Waldemar de Lowendal, d'après Boucher :
[Sans numéro : « Le Portrait graé de M. de Woldemar de Lowendal, Comte du S.
Empire, Maréchal de France, Chevalier des Ordres du Roy ; d'après M. Boucher,
Professeur. »]
H. 0,441 ; L. 0,320
Signée dans la partie inférieure : « Boucher pinxit. - De Larmessin Sculpsit »
Paris, BNF, Cabinet des Estampes (Db. 28, in-fol)
.
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447 ; IFF, t. XIII, 1974, p. 422, cat. 98 ; Ananoff, 1976, t. II,
p. 24, cat. 326, repr.
Œuvre en rapport : Peinture par Boucher, désormais disparue, qui nous est connue
par cette gravure de Larmessin.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
232
La gravure est signée, mais
contient également l'adresse du graveur
qui l'a réalisée, comme souvent sur ce
type de travaux : « A Paris chez De
Larmessin graveur du Roy rüe des
Noyers à la 2e porte Cocher à gauche en
entrant par la rüe St Jacques A. P. D.
R. »412.
La critique ne s'est pas intéressée à cette
réalisation, ce qui déplaît à l'auteur
anonyme des Lettres écrites de Paris à
Bruxelles, selon lequel, Gougenot aurait
alors répondu que les œuvres n'étaient
pas
encore
exposées
lors
de
la
publication de son ouvrage413.
Fig. G8 - Portrait de M. Waldemar de
Lowendal
412 « A. P. D. R. » signifiant « Avec Privilège du Roi ».
413 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 447.
233
Jacques-Philippe Le Bas (1707-1783)
Jacques-Philippe Le Bas est un graveur parisien, issu d'une famille de petits artisans,
dont l'apprentissage commence dès l'âge de quatorze ans. Il est placé dans l'atelier de
Hérisset, graveur d'architecture. Rapidement, il prend la décision de se tourner vers le
graveur Nicolas-Henri Tardieu qu'il juge plus à même de lui apporter l'enseignement désiré.
Le Bas est un personnage généralement décrit comme étant d'une grande sympathie. Il fait
rapidement la connaissance, comme beaucoup de graveurs de son temps, du collectionneur
Crozat qui lui permet de se perfectionner en lui confiant plusieurs planches de son recueil de
gravures.
Les prétentions de ce graveur ne sont pas de créer ses propres images. Il comprend
très vite que ce qui rendra son art de meilleure qualité sera l'interprétation des grands
maîtres. Son activité artistique ne s'essouffle pas, et toute sa vie est partagée entre ses élèves,
grands graveurs en devenir, pour lesquels il se dévoue considérablement, et ses gravures
d'après les grands peintres, français tels que Watteau dont il se lasse cependant rapidement,
ou encore Lancret, mais aussi les plus éminents maîtres flamands, comme Téniers dont il
sait tout particulièrement apprécier l’œuvre. Ce travail d'après les artistes les plus reconnus
de son temps lui permet de se faire rapidement un nom parmi les amateurs et de côtoyer la
haute société.
Sa réception à l'Académie se fait difficilement. Il est agréé en 1735, mais insatisfait
de devoir présenter des portraits pour être reçu académicien, il se bat durant plusieurs
années pour obtenir la possibilité de présenter une gravure selon ses goûts. Il obtient
finalement ce droit et est reçu en 1743 avec une gravure d'après Lancret.
Au Salon de 1748, il expose quatre œuvres qui sont représentatives de ce qu'il aime.
Une planche d'après Lancret, et trois autres d'après l’École du Nord, deux d'entre elles sont
d'après Wanderver et une d'après Téniers.
G9 - Troisième fête flamande, d'après Téniers :
[Sans numéro : « Trois Fêtes flamandes ; d'après David Teniers. »]
Eau-forte pure
234
H. 0, 510 ; L. 0,730
Signée dans sa partie inférieure : « Gravé de même grandeur de l'Original [...] par [...]
Jac. Ph. Le Bas Graveur – du Cabinet du Roy rue de la Harpe. »
Paris, BNF, Cabinet des estampes (Ee. 11b in-fol)
Historique : Cette
gravure, dont l'année de
réalisation
reste
inconnue car non datée,
est
faite
tableau
d'après
de
un
David
Téniers qui se trouve à
ce moment-là, comme
le précise la signature,
dans
le
cabinet
du
comte de Choiseul. Il
s'agit très certainement
Fig. G9 - Troisième fête flamande
d'une commande passée
par ce dernier dans
l'optique de faire graver
les œuvres qu'il possède, chose très commune à cette époque. On retrouve cette planche lors
de la vente de Choiseul-Praslin en 1793 et le Mercure de France d'octobre 1748 mentionne
bien le fait que cette estampe est destinée au comte de Choiseul414.
Une épreuve est actuellement conservée au Cabinet des estampes de la BNF.
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 137138 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 222-223 ; IFF, t. XIII, 1974, p. 228, cat. 398
Œuvre en rapport : Œuvre originale de Téniers que nous n'avons pu localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
414 Mercure de France, op. cit., p. 222 (éd. 1970).
235
Bien que l'Inventaire du fond français des graveurs du
XVIII
e
siècle415 ne mentionne
pas cette gravure comme ayant été exposée en 1748, nous pouvons supposer qu'il s'agit bien
de celle du Salon. Le thème correspond et, de plus, elle est mentionnée dans le Mercure de
France d'octobre 1748, aux côtés des deux gravures du même Salon, Vue de Santuliet (cat.
G10) et Vue de Schevelinge (cat. G11)416.
La signature que porte cette gravure est très complète et précise : « Gravé de même
grandeur de l'Original qui – est au Cabinet de M r le Comte de Choiseul Lieutenant Général
de – la Province du Dauphiné, Maréchal des Camps et armées du Roy || par son très humble
Serviteur Jac. Ph. Le Bas Graveur – du Cabinet du Roy rue de la Harpe ».
D'autres inscriptions figurent sur les côtés de la gravure, il s'agit de quatrains signés
Moraine :
Le plus sage des Rois conseille l'allégresse./ Ces gens auraient-ils lû ses précieux Ecrits ?/ Je
vois que par la table, & la danse & les ris,/ Ils bannissent bien loin l'importune tristesse./ Ah !
Nous n'avons besoin dans l'amour des plaisirs,/ Ni d'antiques conseils, ni le docte lecture ;/
Ces Villageois grossiers, pour remplir leurs desirs,/ Ne suivent que l'avis de la simple
Nature . 417
Le graveur remporte du succès au Salon, mais la critique, peu disposée à s’appesantir
sur les gravures reste relativement silencieuse. C'est Gougenot qui est le plus réceptif à l'art
de Le Bas, et tout particulièrement concernant cette représentation d'après Téniers, qui est
celle, selon lui, par laquelle le graveur se distingue de ses confrères lors de ce Salon. Ce qui
frappe le critique, c'est la prouesse avec laquelle le graveur parvient à rendre le tableau
original dans ses moindres détails418.
G10 - Vue de Santuliet, d'après Wanderver :
[Sans numéro : « Vûë de Santulier, Village d'Hollande ; d'après Wanderver. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
415 IFF, op. cit., p. 228
416 Mercure de France, op. cit., p. 223 (éd. 1970).
417 Ces vers sont retranscris dans le Mercure de France.
418 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 138. Le critique est réellement comblé et écrit à propos de la gravure les
mots suivants : « Il a fait passer l'esprit qui regne dans les Tableaux de cet excellent Peintre, avec tant
d'habileté dans sa gravure, que ceux qui ne peuvent avoir l'original, s'en trouvent bien dédommagés par le
secours de l'Estampe ».
236
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Mercure de France, 1970, t. LV, p. 222 ;
Œuvre
en
rapport : Tableau original
de Wanderver, que nous
n'avons pu localiser.
Pendant
l’œuvre
de
originale,
également gravé par Le
Bas, exposé à ce même
Salon de 1748, Vue de
Schevelinge (cat. G10).
Fig. G10 - Vue de Santuliet
Exposition
:
1748, Paris, s. n.
Cette estampe est dédiée à M. Norregs Bertie.
Cette gravure, ainsi que son pendant (cat. G11) et la Troisième Fête Flamande (cat.
G9), est accompagnée de quatrains signés Moraine, qui sont placés de part et d'autre dans sa
partie inférieure. On peut y lire ceci :
Beau pays, où fleurit une utile industrie, / Et dont les habitans peuvent toute leur vie/ Suivre
avec liberté leurs innocens desirs,/ On croiroit que chés toi l'eau se transforme en glace,/ Pour
offrir un plus ample & plus commode espace/ A tous les voyageurs, à tes divers plaisirs.
G11 - Vue de Schevelinge, d'après Wanderver :
[Sans numéro : « Vûë de Schevelinge, aussi Village de Hollande ; d'après le
même. »]
237
Localisation inconnue
Dimensions inconnues
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Mercure de France, 1970, t. LV, p. 222
Œuvres en rapport : Tableau original d'après Wanderver, que nous n'avons pu
localiser.
Pendant de l’œuvre originale, également gravé par Le Bas, exposé à ce même Salon
de 1748, Vue de Santuliet (cat. G10).
Exposition : 1748, Paris, s. n.
L'estampe est dédiée à Jacques Jean Comte de Wassenaer, Seigneur d'Obdam,
Chevalier du Saint Empire Romain. Près du village situé sur les bords de la mer, s'affairent
de nombreux pêcheurs, au bord de l'eau ou sur des barques.
Des quatrains signés sont présents de part et d'autre de la partie inférieure de
l'estampe, à l'instar des deux précédentes de notre catalogue (cat. G9 et G10) :
Ces Barques, ces Pêcheurs, cette mer poissonneuse,/ Ce Village placé su favorablement,/
Offrent aux yeaux charmés une contrée heureuse.? Là règnent l'embonpoint, le bon
tempéramment,/ Et l'on ne voit jamais en ce lieu d'abondance/ Le maigre & triste jeûne, & la
dure abstinence.
La critique de Gougenot est la même concernant la seconde vue d'un village de
Hollande, Vue de Schevelinge (cat. G11) ; il les compare aux autres gravures exposées par
l'artiste et ne les trouve pas « traitées avec moins d'art »419. Le graveur parvient alors une fois
de plus à séduire la critique souvent peu encline à s'attarder sur ce type d'ouvrages.
G12 - Le maître galant, d'après Lancret :
[Sans numéro : « Le Maître Galant ; d'après Lancret. »]
419 Ibid.
238
Eau-forte et burin
H. 0,340 ; L. 0,445
Signée dans sa partie inférieure : « Lancret pinxit – J.P. Le Bas sculp. »
Paris, BNF, Cabinet des estampes (Db. 16, in-fol, t. 1)
Historique
s'agirait
d'une
:
Il
commande,
selon la dédicace qui figure
sous l'image, qui aurait été
passée par monsieur Darcy,
afin d'être offerte au comte de
Tessin.
Les
dates
de
commande et de réalisation ne
sont,
quant
à
elles,
pas
mentionnées.
Bibliographie
:
« Lettre sur la peinture, la
sculpture... »,
1748
(rééd.
1972), p. 138 ; IFF, t. XIII,
Fig. G12 - Le maître galant
1974, p. 166, cat. 176
Œuvre en rapport : Tableau original de Lancret, La leçon de flûte ou Le maître
galant, appartenant au Ministère des Affaires Étrangères de Paris.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
De part et d'autre des armes qui sont représentées dans la partie centrale inférieure,
se trouve ce texte, « dédié à son Excellence Monseigneur le – Comte de Tessin Grand
Chancelier et Premier Ministre de sa Majesté le Roy de Suède – Par son très humble très
obéissant et très dévoué serviteur Darcy. ». Il s'agit donc d'une commande qui aurait été
passée au graveur, montrant la reconnaissance dont il jouissait au sein du monde des arts à
239
cette époque.
La critique ne s'intéresse pas à cette gravure, concentrant la majeure partie de ses
commentaires à la Troisième fête flamande, exposée au Salon (cat. G9). Gougenot se
contente de mentionner la bonne réalisation de l’œuvre420.
420 Ibid.
240
François-Bernard Lépicié (1698-1755)
Graveur en taille-douce parisien, né en 1698, François-Bernard Lépicié commence
son apprentissage auprès de Gaspard Duchange, dans l'atelier duquel il entre à l'âge de
quinze ans. Dès les années 1720, il fait partie de l'éminent cercle du collectionneur Crozat
qui fait appel à lui pour son recueil de planches gravées, ayant ainsi la possibilité de
rencontrer Mariette dont il va également suivre l'enseignement.
Il est agréé de l'Académie en 1734, et deux ans plus tard, en est nommé secrétaire
historiographe421. C'est à la veille de l'année 1741, le 31 décembre 1740, qu'il est reçu
académicien.
L'année 1748 est peu prolifique pour lui, car il est nommé pour être, à partir du mois
de décembre, professeur dans une nouvelle école, celle des Élèves Protégés 422. Sa double
fonction, à l'Académie et celle qui vient s'ajouter cette année-là, l'empêche d'être pleinement
actif dans la pratique de la gravure.
Au Salon de 1748, il expose une seule gravure, d'après Van Loo, qui n'intéresse que
Gougenot parmi les commentateurs de cette année 1748.
G13 - Bacha faisant peindre sa maîtresse, d'après Van Loo :
[Sans numéro : « Un Baccha faisant peindre sa Maîtresse; d'après M. Carlo Van-Loo,
Professeur. »]
H. 0,440 ; L. 0,520
Signé dans sa partie inférieure : « Peint par Carle Vanloo – Gravé par Lépicié 1748 »
Paris, BNF, Cabinet des estampes (AA 4 Vanloo)
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 137 ;
421 C'est en cette qualité qu'il est l'auteur de L'Abrégé de la vie des plus fameux peintres, ouvrage qui reste
malheureusement inachevé en raison de sa mort prématurée, en 1755.
422 Cette école, suite à un projet de Coypel, a pour ambition de former de la meilleure façon qui soit les élèves
lauréats du Prix de Rome avant leur départ. Nous avons développer ce sujet dans la première partie de notre
volume 1, chapitre 1.
241
IFF, t. XIV, 1979, p. 414, cat. 74 ; Rosenberg, 1977, p. 44, cat. 53
Œuvre en rapport : Tableau de Van Loo qui a servi de modèle à la gravure, intitulé
Un Pacha faisant peindre sa maîtresse, exposé au Salon de 1737, désormais conservé à
Richmond au Virginia Museum of Fine Arts423.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Lépicié a gravé le tableau
en contre-partie, inversant
ainsi
l'intégralité de la
composition. Le peintre,
Van Loo, qui s'est luimême représenté, est face à
son chevalet et est en train
de
peindre
une
jeune
femme, qui se tourne vers
son maître, commanditaire
du portrait. Plusieurs autres
personnages, visiteurs et
curieux, sont intégrés à
Fig. G13 - Bacha faisant peindre sa maîtresse
cette image. En marge de
la
gravure
l'inscription
se
trouve
suivante,
« Tiré du Cabinet de M. de Julienne, Ecuyer, chevalier de l'Ordre de St Michel. || Aaris chez
Lépicié graveur du Roi au Louvre. Et chez L. Surugue aussi graveur du Roi, rüe des Noyers
vis à vis le mur de S. Yves. A.P.D.R. ».
Gougenot émet une très simple critique : il qualifie Lépicié de « savant burin », ce
qui laisse penser que cette gravure est relativement appréciée au Salon, sans pour autant
susciter un grand nombre de commentaires, les critiques s'y attardant peu424.
423 L. Réau, « Carle Vanloo (1705-1765) », in Archives de la Société de l'Histoire de l'Art français, t. XIX,
1938, p. 86.
424 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 137.
242
Jean Moyreau (1690-1762)
Jean Moyreau est un graveur, né à Orléans en 1690 au sein d'une famille de
marchands. Il n'est pas intéressé par cette culture du commerce mais préfère se tourner vers
le maniement du crayon. Il entre dans l'atelier de Boullogne qui décide de l'emmener avec
lui à Paris. Ce maître le forme à la copie et au dessin mais sans l'encourager à développer
une manière propre. Jean Moyreau, après la mort de son professeur, en 1717, choisit de se
consacrer entièrement à la gravure. Son art est attrayant car nouveau : rares sont les graveurs
sur cuivre, à l'eau-forte ou au burin. Ainsi, il parvient à entrer dans les cercles d'amateurs et
collectionneurs, copiant les grands maîtres anciens, mais aussi ses contemporains, ce qui lui
permet de se constituer un répertoire relativement large. Finalement, lui qui n'était pas attiré
par le commerce familial, devient un personnage à la mode, et un commerçant, plutôt que
véritablement un artiste. De plus, il élargit son activité de graveur à celle d'éditeur. Il est plus
attiré par la commande que par son art propre, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui il reste assez
méconnu. Sa diversité ne lui permet pas de se perfectionner dans un type d'activité et ses
lignes n'atteindront jamais la souplesse de celles des autres graveurs de son temps.
Il se présente à l'Académie et y est reçu le 29 décembre 1736. Malgré ce titre, il
n'hésite jamais à faire suivre sa signature de son adresse, n'oubliant jamais son sens premier
du commerce. Son œuvre est extrêmement fécond.
En 1748, il expose trois gravures, toutes d'après Wouwermans – écrit
« Wouvremens » dans le livret de l'exposition – tirée de la plus longue série qu'il réalise
d'après un même artiste, contenant quatre-vingt-neuf estampes. Excepté Gougenot, les
critiques ne s'intéressent pas aux gravures de Moyreau425.
G14 - L'accident du chasseur, d'après Wouwermans :
[Sans numéro : « L'Accident du Chasseur. »]
Burin sur cuivre
Datée : « 1747 »
Dimensions inconnues
425 Ibid., p. 138
243
Localisation inconnue
Historique : La gravure est mentionnée dans les procès-verbaux de l'Académie,
publiés par Montaiglon en 1885, comme ayant été présentée et approuvée en 1747426.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Montaiglon, 1885, t. VI, p. 70 ; Davoust, 1887, p. 26
Œuvre en rapport : Tableau original d'après Wouwermans, que nous n'avons pu
localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Cette gravure porte le numéro 56 de la série des Wouwermans, et elle est
accompagnée de la mention « avec privilège du Roy ». E. Davoust, qui porte un regard très
critique sur l’œuvre général de Moyreau, notamment en ce qui concerne cette série,
considère L'Accident du chasseur comme étant l'une des gravures les plus abouties, évitant
une monotonie qui se retrouve trop souvent dans l’œuvre du graveur427.
Gougenot est plus modéré concernant son opinion sur les gravures présentées au
Salon ; il voit une « grande fidélité » dans la représentation par rapport aux tableaux du
maître des Pays-Bas428.
G15 - La Fontaine de Neptune, d'après Wouwermans :
[Sans numéro : « La Fontaine de Neptune. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
426 A. de Montaiglon, op. cit., 1885, p. 70 : « M. Moireau, Graveur et Académicien, a présenté deux épreuves
d'une planche qu'il a gravées d'après Vovremens, ayant pour titre « L'accident du chasseur ». L'examen fait,
la Compagnie a aprouvé ladite planche, pour faire jouir l'exposant des privilèges accordés à l'Académie par
l'Arrest du Conseil d'État du 28 juin 1714. »
427 E. Davoust, J. Moyreau et son œuvre, 1887, p. 26.
428 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 138.
244
Historique : La gravure est mentionnée dans les procès-verbaux de l'Académie
publiés par Montaiglon en 1885 comme ayant été présentée et approuvée en 1747429.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Montaiglon, 1885, t. VI, p. 92 ; Davoust, 1887, p. 27
Œuvre en rapport : Tableau original d'après Wouwermans, que nous n'avons pu
localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Cette gravure, réalisée en 1748, est accompagnée de la mention « avec privilège du
Roy ». Comme pour L'Accident du chasseur (cat. G14), Gougenot y perçoit une grande
fidélité vis à vis de l’œuvre originale, ce que, du moins nous l'imaginons, les amateurs sont
en mesure d'attendre en particulier d'un bon graveur430.
G16 - La grotte du maréchal, d'après Wouwermans :
[Sans numéro : « La Grotte du Maréchal ; d'après Philippe Wouvremens. »]431
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Davoust, 1887, p. 27
Œuvre en rapport : Tableau original d'après Wouwermans, que nous n'avons pu
localiser.
429 A. de Montaiglon, op. cit., 1885, p. 92 : « M. Moireau, Graveur et Académicien, a présenté deux épreuves
d'une planche qu'il a gravées d'après Vovremens, ayant pour titre « La Fontaine de Neptune ». L'examen
fait, la Compagnie a aprouvé ladite planche, pour faire jouir l'exposant des privilèges accordés à
l'Académie par l'Arrest du Conseil d'État du 28 juin 1714. »
430 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 138.
431 La précision concernant le peintre d'après lequel sont réalisées les gravures est valable pour les trois
exposées par l'artiste cette année-là (cat. G14 à G16).
245
Exposition : 1748, Paris, s. n.
C'est cette gravure qui remporte le plus de succès auprès de Gougenot. Sa critique est
la même pour les trois exposées cette année-là (cat. G14 et G15). Il les juge toutes très
fidèles à Wouwermans, mais précise que cela se retrouve « particulièrement dans la Grotte
du Maréchal »432.
C'est donc l'estampe qui semble faire le meilleur effet au Salon de 1748 parmi celles
exposées par Jean Moyreau. Mais nous ne savons pas si cet avis est partagé par les autres
critiques du Salon, ceux-ci n'ayant que peu évoqué les gravures dans leurs écrits.
432 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 138
246
Louis Surugue (1686-1762)
Louis Surugue est né en 1686 à Paris. Artiste de profession, il tient sa formation du
graveur Picart. Après avoir achevé son apprentissage, il se rend en Hollande et, de retour à
Paris, il prend lui-même un apprenti dès 1724. Il se présente ensuite à l'Académie où il est
reçu le 30 juillet 1735. Il expose assez régulièrement au Salon parmi les graveurs. Sa
carrière est relativement courte puisqu'il se retire du monde de la gravure dès 1755.
Au Salon de 1748, il envoie une gravure d'après David Téniers, qui, bien que laissant
la critique peu éloquente, semble provoquer l'admiration.
G17 - Divertissement Hollandais, d'après Téniers :
[Sans numéro : « Divertissement Hollandois. De Teniers. »]
Eau forte et burin
H. 0,361 ; L. 0,46
Signée dans sa partie inférieure : « David Teniers pinxit; Lud.us Surugue sculp 1748 »
Paris, BNF, Cabinet des Estampes (Ed 96, Mf E 29670)
.
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 138 ;
Monnerie, 1995, t. II, p. 127, cat. 111, repr.
Œuvre en rapport : Œuvre originale de Téniers que nous n'avons pu localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
La gravure est très fidèle au tableau. L'artiste n'a pas manqué de représenter les
expressions de chacun des personnages. Dans la partie inférieure se trouve ce petit texte :
« Divertissement de paysans hollandois // Gravé d'après le tableau de D. Teniers // du
cabinet de M.r l'abbé de Majainville Conseiller au Parlement », ainsi que l'adresse du
247
graveur.
La critique s'intéresse toujours peu à la gravure, et le seul commentaire fait sur cette
œuvre lors de l'exposition de 1748, émis par Gougenot, concerne l'admiration que les
connaisseurs peuvent porter à ce graveur, ainsi qu'à son fils qui expose au même Salon (cat.
G18)433.
Fig. G18 - Divertissement Hollandais
433 Ibid., p. 138
248
Pierre-Louis Surugue de Surgis (1716-1772)
Fils du graveur Louis Surugue, Pierre-Louis Surugue est né en 1716 à Paris. Il tient
sa formation de son père auprès duquel il travaillera toute sa vie. Son œuvre est étroitement
lié à celui de ce dernier.
Il se présente à l'Académie et en est agréé le 30 septembre 1741. Puis il est nommé
académicien en tant que graveur le 29 juillet 1747.
Au Salon de 1748, il expose une gravure d'après David Téniers. Son père, Louis
Surugue, également présent à ce Salon expose lui aussi une gravure d'après Téniers (cat.
G17), montrant ainsi une probable influence qu'il exerce sur son fils. Toutefois, la critique
ne s'intéresse pas à ce morceau.
G18 - L’entretien, d'après Téniers :
[Sans numéro : « L'Entretien. De Teniers. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
.
Œuvre en rapport : Œuvre
originale de Téniers, que nous n'avons pu
localiser.
Bibliographie : Monnerie, 1995,
p. 142, cat. 90, repr.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
Fig. G18 - L'Entretien
249
Jacques-Nicolas Tardieu (1716-1791)
Fils de Nicolas-Henri Tardieu, Jacques-Nicolas Tardieu, né en 1716 à Paris, se tourne
tout naturellement vers une formation de graveur. C'est très probablement dans l'atelier de
son père que lui est dispensé cet enseignement.
Le graveur se présente à l'Académie, et y est reçu académicien le 24 octobre 1749.
Nous n'avons pas la date exacte de son agrément, toutefois celui-ci eut lieu avant août 1748
puisque Jacques-Nicolas Tardieu expose au Salon en août de cette même année.
Au Salon de 1748, le graveur expose un grand nombre de morceaux. Sept sont
mentionnés dans la première édition du livret, et dans la troisième un seul, différent des sept
premiers. Toutefois la critique ne s'intéresse pas à ces œuvres et cette absence de
commentaire est mentionnée par l'auteur anonyme des Lettres écrites de Paris à Bruxelles,
qui s'en offusque434.
G19 - Portrait de l'archevêque, électeur de Cologne :
[Sans numéro : « Le Portrait gravé de l'Archevêque, Electeur de Cologne. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Exposition : 1748, Paris, s. n.
434 « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... », op. cit., 1859, p. 447. L'auteur s'en prend à Gougenot pour son
silence, et il semblerait que ce dernier ait fourni comme excuse l'absence de ces estampes lors de la
parution de son ouvrage critique. Le fait que sept de ces gravures ne soient mentionnées que dans la
première édition du livret nous laisse penser que, peut-être, le graveur les a retirées peu de temps après
l'ouverture de l'exposition.
250
G20 - Portrait de M. le duc de Sully :
[Sans numéro : « Celui de M. le Duc de Sully, auteur des Mémoires sur l'Histoire
d'Henry IV. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
.
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Exposition : 1748, Paris, s. n.
G21 - Portrait de Mme du Bocage, d'après Mlle Loir :
[Sans numéro : « Celui de Madame du Boccage ; d'après le Tableau peint par
Mademoiselle Loir. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Œuvre en rapport : Tableau original d'après Marianne Loir, que nous n'avons pu
localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
En 1748, le modèle de ce portrait, madame du Bocage, peint par Mlle Loir, fait
paraître des poèmes qui lui valent une grande reconnaissance de la part des hommes de
251
lettres – tels que Rousseau et Fontenelle – et nous pouvons imaginer qu'il s'agirait de l'une
des raisons probables du choix de cette gravure par un des auteurs.
G22 - Docteur alchimiste, d'après Téniers :
[Sans numéro : « Un Morceau en largeur, représentant un Docteur Alchimiste ;
d'après D. Teniers. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Œuvre en rapport : Œuvre originale de David Téniers, que nous n'avons pu
localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
G23 et G24 - Habits des peuples orientaux (?), d'après Cochin fils :
[Sans numéro : « Quatre Sujets en hauteur, dont deux représentent differens
Habillemens des Peuples Orientaux. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Œuvres en rapport : Dessins originaux de Cochin fils, que nous n'avons pu
localiser.
252
Exposition : 1748, Paris, s. n.
G25 et G26 – Animaux (?), d'après Cochin fils :
[Sans numéro : « Les deux autres [sujets en gauteur], des Animaux; d'après les
Desseins de M. Cochin fils. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447
Œuvres en rapport : Dessins originaux de Cochin fils, que nous n'avons pu
localiser.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
253
Nicolas-Henri Tardieu (1674-1749)
Le graveur Nicolas-Henri Tardieu est né en 1674 à Paris. Il fait son apprentissage
dans les ateliers de trois graveurs qui sont, successivement, Lepautre, Gérard et enfin
l'illustre Audran. Il se présente à l'Académie dont il reçoit l'agrément en novembre 1712 et il
est reçu académicien le même mois de l'année 1720 recevant ainsi le titre de graveur du roi
qui va alors figurer sur ses gravures. Il est parmi les graveurs qui exposent régulièrement
aux Salons.
En 1748, seulement un an avant sa mort, il envoie au Salon une gravure d'après
Oudry, à laquelle la critique ne s'intéresse pas.
G27 - Vue de l'Abbaye de Poissy, d'après Oudry :
[Sans numéro : « Une Vûë de l'Abbaye de Poissy, du côté de la Forêt de S. Germain,
d'après le Tableau au Pastel de M. Oudry, Professeur. »]
Eau forte et burin
H. 0,335 ; L. 0,505
Signée dans sa partie inférieure, à gauche : « J.B. Oudry Pinxit » et à droite : « N. Tardieu
Sculpsit. »
Paris, BNF, Cabinet des estampes (Db 23, fol. t. 2)
Bibliographie : « Lettres écrites de Paris à Bruxelles... » (1748), in Revue
Universelle des Arts, 1859, p. 447 ; Mercure de France, 1970, t. LV, p. 177 ; Clouard, 1996,
p. 304, cat. 284, repr.
Œuvre en rapport : Pastel original de Jean-Baptiste Oudry. Il s'agit de celui qui fut
exposé au Salon de 1745 sous le numéro 42, dont la localisation actuelle est inconnue.
Exposition : 1748, Paris, s. n.
254
Le graveur étant académicien, cette gravure est accompagnée de la mention
suivante : « A Paris : chés N. Tardieu Graveur du Roy, rue St Jacques près celle des Noyers.
Avec Privilege du Roy., [ca. 1748] », qui donne des informations biographiques sur le
dernier lieu où il vécut.
L'abbaye de Poissy ne figure pas en premier plan mais au troisième, tandis que sur le
premier plan figurent un berger endormi et ses moutons.
Bien que l’œuvre d'Oudry soit généralement très appréciée des critiques, ceux-ci ne
semblent pas s'intéresser à une gravure d'après le peintre, et n'émettent aucun commentaire
435
. L'estampe est tout de même mentionnée dans le Mercure de France de décembre 1748,
sans toutefois stipuler qu'elle a été exposée au Salon de 1748 et, si l'on en croit les mots qui
y sont écrits, le graveur fait un bel hommage à la manière du peintre en y exprimant
« parfaitement la légereté du Paysage & la touche admirable du Pastel de M. Oudry »436.
Fig. G27 - Vue de l'Abbaye de Poissy
435 Ibid., p. 447
436 Mercure de France, op. cit., p. 177 (éd. 1970).
255
CATALOGUE DE DESSINS
256
Jean Chauffourier (1678-1757)
Pour la biographie de l'artiste, se référer au catalogue de Pastels.
E1 - Pont de la Tournelle (?) :
[n° 91 bis : « Six Morceaux de ses Ouvrages, tant à l'huile, au Pastel, gravûre que
desseins, sous le même numero. »]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139
Exposition : 1748, Paris, n° 91 bis
C'est par la critique de Gougenot que nous savons que ces dessins ont été exposés,
ainsi qu'une gravure de l'un des deux : « Les desseins que M. Chaufourier a donnés du Pont
de la Tournelle & du Pont Neuf l'emportent sur la gravure qu'il a faite de l'une de ces deux
vûes ». Toutefois, nous ne savons lequel a été gravé. Le critique semble satisfait des deux
dessins qui lui sont présentés et invite l'artiste à « donner au Public une suite complette des
vûes de Paris », en comparant avec des vues de ruines romaines qui n'ont rien à envier à
celles de Paris tant les lieux représentés sont beaux437.
E2 - Pont Neuf (?) :
[n° 91 bis : voir cat. E1]
Dimensions inconnues
Localisation inconnue
437 L. Gougenot, op. cit., 1748, p. 139.
257
Bibliographie : « Lettre sur la peinture, la sculpture... », 1748 (rééd. 1972), p. 139
Exposition : 1748, Paris, n° 91 bis
Voir notice cat. E1.
258
Table des artistes et œuvres
Peintures :
AUTEREAU, Louis........................................................................................................... p. 6
P1 - Portrait d'un R. P. Jacobin
P2 - Portrait d'un gentilhomme
AVED, Jacques-André-Joseph......................................................................................... p. 7
P3 - Portrait aux genoux d'un échevin
P4 - Dame appuyée sur un balcon
P5 - Portrait de Madame de Laval-Montmorency
P6 - Portrait d'une dame ayant les mains dans son manchon
P7 - M. le Duc de Chevreuse
BOIZOT, François-Marie-Antoine.................................................................................p. 12
P8 - Les muses, après avoir enchaîné l'Amour, le remettent à la Beauté
259
P9 - Portrait d'un enfant de l'auteur
BOUCHER, François.......................................................................................................p. 14
P10 - La Belle leçon
P11 - La Nativité
CAZES, Pierre-Jacques...................................................................................................p. 20
P12 - La Multiplication des pains
CHARDIN, Jean-Baptiste-Siméon..................................................................................p. 22
P13 - L'Élève studieux
COURTIN, Jacques..........................................................................................................p. 25
P14 - Agar et son fils Ismaël
DE FAVANNE, Henri-Antoine........................................................................................p. 27
260
P15 - Télémaque et Calypso
P16 - Télémaque au milieu des Nymphes
P17 - Télémaque au temple de Vénus
P18 - La Coupe de Joseph trouvée dans le sac de Benjamin
P19 - Vue de Rome
P20 - Vue de Rome
DE TROY, Jean-François................................................................................................p. 33
P21 - Jason reçoit de l'herbe enchantée
P22 - Jason domptant les taureaux
P23 - Le combat de soldats nés des dents du serpent
P24 - Le départ de Jason et de Médée après la conquête de la Toison d'Or
P25 - Les noces de Jason et de Créuse
P26 - Créuse consumée par la robe empoisonnée
P27 - Médée enlevée sur son char après avoir tué ses enfants
DELOBEL, Nicolas..........................................................................................................p. 52
P28 – Annonciation
261
DUMONT, Jean, dit LE ROMAIN.................................................................................p. 54
P29 - Décollation de saint Jean-Baptiste
P30 - Saint Matthieu écrivant son évangile
P31 - La Savoyarde
P32 - Le Montagnard
P33 - Repos d’Égypte
P34 - Saint-Jean qui prêche au désert
P35 - Fileuse et son enfant
HALLÉ, Noël....................................................................................................................p. 62
P36 - La Dispute entre Minerve et Neptune
P37 - Joseph accusé par Putiphar
P38 - Hercule et Omphale
P39 - Sainte Famille
P40 - Tête de vieillard
262
HUILLIOT, Pierre-Nicolas..............................................................................................p. 72
P41 - Fontaines ornées de guirlandes et de fleurs
P42 - Animaux à plumes et à poils
LAJOUE, Jacques............................................................................................................p. 74
P43 - Palais orné de sculptures
LE BEL, Antoine..............................................................................................................p. 76
P44 - Mer calme
P45 - mer agitée
P46 - Paysage avec un moulin
P47 - Cabaret des environs de Suresne
P48 - Ruine
P49 - Chaumières
LE SUEUR, Pierre............................................................................................................p. 80
P50 - Portrait de femme
263
P51 - Portrait de femme
MILLET, Joseph-François ou Francisque.....................................................................p. 82
P52 - Paysage orné de figures et animaux
NATOIRE, Charles-Joseph.............................................................................................p. 83
P53 - Le martyre de saint Ferréol
NATTIER, Jean-Marc.....................................................................................................p. 87
P54 - Madame Louise à Fontevrault
P55 - Madame Sophie à Fontevrault
P56 - Marie Leczinska, reine de France
NONOTTE, Donatien.....................................................................................................p. 97
P57 - Portrait d'un gentilhomme
P58 - Portrait d'un religieux
OUDRY, Jacques-Charles..............................................................................................p. 99
264
P59 - Instruments de musique
P60 – Chien flairant le gibier
P61 - Lièvre et perdrix attachés à un tronc d'arbre
P62 - Fruits
P63 - Vase auquel est attaché du gibier
OUDRY, Jean-Baptiste..................................................................................................p. 103
P64 - Oiseau de proie et perdrix
P65 - Chien en arrêt
P66 - Barbet qui surprend des canards
P67 - Renard dans la basse-cour
P68 - La petite chienne
P69 – La Laie et ses marcassins
P70 - Chien gardant un butor
P71 - Chasse au loup
P72 - Chasse au cerf
P73 - Vue de l'abbaye de Poissy
265
P74 - Vue du pont de Saint-Jean à Beauvais
P75 - Un barbet dans les roseaux
P76 - Chien gardant du gibier
P77 - Chien arrêtant deux faisans
PERRONNEAU, Jean-Baptiste.....................................................................................p.120
P78 - Portrait d'un abbé
PIERRE, Jean-Baptiste-Marie......................................................................................p. 122
P79 - Le Meurtre de saint Thomas Beckett
P80 - Bacchanale
P81 - Bacchanale
P82 – Des paysannes se baignant
P83 – Une fête dans un campement
P84 - Junon demandant à Vénus sa ceinture
P85 - Junon trompant Jupiter avec la ceinture de Vénus
P86 - La Lanterne magique
266
POITREAU, Étienne......................................................................................................p. 134
P87 - Paysage
RESTOUT, Jean.............................................................................................................p. 135
P88 - Exaltation de la Croix
P89 - Le Prophète Ézéchiel
P90 - Le Prophète Isaïe
P91 - Psyché fuyant la colère de Vénus
P92 - Psyché implorant le pardon de Vénus
TOCQUÉ, Louis.............................................................................................................p. 146
P93 - Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle d'Espagne, Dauphine de France
P94 - M. l'abbé de Lowendal
P95 - M. Selon de Londres
TOURNIÈRES, Robert LEVRAC (dit).......................................................................p. 150
267
P96 - Portrait du marquis de Beauharnais
P97 - Déesse Flore sous un berceau de chèvrefeuille
P98 - Hébé, déesse de la jeunesse
VERNET, Claude-Joseph..............................................................................................p. 154
P99 - Incendie
P100 - Clair de lune
Pastels :
CHAUFFOURIER, Jean...............................................................................................p. 160
D1 - Paysage
D2 - Paysage
LA TOUR, Maurice-Quentin (de).................................................................................p. 162
D3 - Louis XV
D4 – Marie Leczinska
D5 - Le Dauphin
268
D6 - Le Prince Charles Édouard Stuart
D7 - M. le maréchal de Belle-Isle
D8 - M. le maréchal de Saxe
D9 - M. le maréchal de Lowendal
D10 - M. le comte de Sassenage
D11 - M. de Savalette de Buchelay père
D12 - M. de Savalette de Buchelay fils
D13 - M. de Moncrif
D14 - Inconnue
D15 - M. du Clos
D16 - Inconnue
D17 - M. Dumont le Romain
LOIR, Alexis....................................................................................................................p. 179
D18 - Madame de Julienne
D19 - Mademoiselle de Billy
269
NATTIER, Jean-Marc...................................................................................................p. 181
D20 - Le Président Maupéou
PERRONNEAU, Jean-Baptiste....................................................................................p. 183
D21 - Monsieur Olivier
D22 - Madame Olivier
D23 - Portrait d'un membre de l'Académie de Musique
D24 - Mademoiselle Amédée
D25 - Mademoiselle Delépée la jeune
PIERRE, Jean-Baptiste-Marie......................................................................................p. 188
D26 - La Poésie
Sculptures :
ADAM, Lambert-Sigisbert............................................................................................p. 190
S1 - Trois enfants qui jouent avec un bouc et un cep de vigne
S2 - Action militaire
270
FALCONET, Étienne-Maurice.....................................................................................p. 193
S3 - La France qui embrasse le buste du roi
LEMOYNE, Jean-Baptiste II........................................................................................p. 197
S4 - Madame de Bonnac
S5 - M. de Fontenelle
S6 - M. de Voltaire
S7 - M. de La Tour
PIGALLE, Jean-Baptiste...............................................................................................p. 203
S8 - Mercure attachant ses talonnières
S9 - Vénus
S10 - Sainte Vierge
SLODTZ, Paul-Ambroise..............................................................................................p. 211
S11 - La Tragédie
271
S12 - La Comédie
S13 - La Récompense
S14 - L'Origine de l'Amour
S15 - Vertumne ôte son masque
S16 - Un Amour qui enchaîne de fleurs un griffon
VASSÉ, Louis-Claude-Antoine......................................................................................p. 216
S17 - Berger qui dort
S18 - Buste de femme
S19 - Chasseresse
S20 - Femme qui pleure sur une urne
Gravures :
CHAUFFOURIER, Jean...............................................................................................p. 221
G1 - Vue d'un pont de Paris
272
DAULLÉ, Jean...............................................................................................................p. 222
G2 - Douze morceaux gravés
DUCHANGE, Gaspard..................................................................................................p. 224
G3 - Jésus au berceau, d'après Coypel
GUAY, Jacques...............................................................................................................p. 226
G4 - Le Génie de la Peinture et de la Sculpture couronné par Apollon
G5 - Leda dans l'eau
G6 - Enfant mangeant du raisin
G7 - Amour courant après un papillon
LARMESSIN, Nicolas (de)............................................................................................p. 232
G8 - Portrait de M. Waldemar de Lowendal, d'après Boucher
LE BAS, Jacques-Philippe.............................................................................................p. 234
G9 - Troisième fête flamande, d'après Téniers
273
G10 - Vue de Santuliet, d'après Wanderver
G11 - Vue de Schevelinge, d'après Wanderver
G12 - Le maître galant, d'après Lancret
LÉPICIÉ, François-Bernard.........................................................................................p. 241
G13 - Bacha faisant peindre sa maîtresse, d'après Van Loo
MOYREAU, Jean...........................................................................................................p. 243
G14 - L'accident du chasseur, d'après Wouwermans
G15 - La fontaine de Neptune, d'après Wouwermans
G16 - La grotte du maréchal, d'après Wouwermans
SURUGUE DE SURGIS, Louis....................................................................................p. 247
G17 - Divertissement Hollandais, d'après Téniers
SURUGUE DE SURGIS, Pierre-Louis.........................................................................p. 249
G18 - L'entretien, d'après Téniers
274
TARDIEU, Jacques-Nicolas...........................................................................................p. 250
G19 - Portrait de l'archevêque, électeur de Cologne
G20 - Portrait de M. le duc de Sully
G21 - Portrait de Mme du Bocage, d'après Mlle Loir
G22 - Docteur alchimiste, d'après Téniers
G23- Habits des peuples orientaux, d'après Cochin fils
G24 - Habits des peuples orientaux, d'après Cochin fils
G25 - Animaux, d'après Cochin fils
G26 - Animaux, d'après Cochin fils
TARDIEU, Nicolas-Henri..............................................................................................p. 254
G27 - Vue de l'abbaye de Poissy, d'après Oudry
Dessins :
CHAUFFOURIER, Jean...............................................................................................p. 257
275
E1 - Pont de la Tournelle
E2 - Pont Neuf
276
Table des illustrations
Peintures :
AVED, Dame appuyée sur un balcon (fig. P4*)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
- M. le duc de Chevreuse (fig. P7)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
BOUCHER, La Belle leçon (fig. P10)
© Melbourne, National Gallery of Victoria
- La Lumière du monde (fig P11*)
© Base RMN
CAZES, La Multiplication des pains (fig. P12)
© http://www.culture.fr (23/07/11)
CHARDIN, L’Élève studieux (fig. P13*)
© Rosenberg, Flammarion, 1983
DE FAVANNE, Télémaque et Calypso (fig. P15)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
DE TROY, Jason reçoit de Médée l'herbe enchantée (fig. P21*)
© Leribault, Arthena, 2002
- Le combat des soldats nés des dents du serpent (fig. P23)
© Toulouse, Musée des Augustins
- Le départ de Jason et de Médée après la conquête de la Toison d'Or (fig. P24)
© Clermont-Ferrand, Musée Roger-Quilliot
- Les noces de Jason et de Créuse (fig. P25)
277
© Clermont-Ferrand, Musée Roger-Quilliot
- Créuse consummée par la robe empoisonnée (fig. P26)
© Toulouse, Musée des Augustins
- Médée enlevée sur son char après avoir tué ses enfants (fig. P27)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
DELOBEL, Annonciation (fig. P28)
© Photo personnelle
DUMONT LE ROMAIN, La Savoyarde (fig. P29)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
- Le Montagnard (fig. P30)
© Saint-Pétersbourg, Musée de l'Ermitage
HALLÉ, Dispute de Minerve et Neptune (fig. P36)
© Base RMN
- Joseph accusé par Putiphar (fig. P37)
© Willk-Brocard, Arthena, 1995
- Hercule et Omphale (fig. P38)
© Base RMN
NATTIER, Madame Louise à Fontevrault (fig. P54)
© Base RMN
- Madame Sophie à Fontevrault (fig. P55)
© Base RMN
- Marie Leczinska (fig. P56)
© Base RMN
OUDRY J.-C., Lièvre et perdrix attachés à un tronc d'arbre (fig. P61)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
OUDRY J.-B., Oiseau de proie et perdrix (fig. P64)
© Londres, Wallace Collection
278
- Chien en arrêt (fig. P65)
© Londres, Wallace Collection
- Barbet qui surprend des canards (fig. P66)
© Londres, Wallace Collection
- Renard dans la basse-cour (fig. P67)
© Londres, Wallace Collection
- La laie et ses marcassins (fig. P69)
© Caen, Musée des Beaux-Arts
- Chien gardant un butor (fig. P70)
© Paris, Musée du Louvre
- Chasse au loup (fig. P71)
© Base RMN
- Chien gardant du gibier (fig. P76)
© Opperman, Washington Press, 1983
- Chien arrêtant deux faisans (fig. P77)
© Opperman, Washington Press, 1983
PERRONNEAU, Portrait d'un abbé (fig. P78*)
© Vaillat, Frédéric Gittler, 1909
PIERRE, Le meurtre de saint Thomas Beckett (fig. P79)
© Photo personnelle
- Des paysannes se baignant (fig. P82)
© Aaron, Arthena, 2009
- Une fête dans un campement (fig. P83)
© Aaron, Arthena, 2009
- Junon demandant à Vénus sa ceinture (fig. P84)
© Base RMN
- Junon trompant Jupiter avec la ceinture de Vénus (fig. P85)
© Base RMN
- La lanterne magique (fig. P86)
© Aaron, Arthena, 2009
RESTOUT, Exaltation de la Croix (fig. P88)
279
© Lyon, Musée des Beaux-Arts
- Le Prophète Ezéchiel (fig. P89)
© Bordeaux, Musée des Beaux-Arts
- Le Prophète Isaïe (fig. P90*)
© Gouzi, Arthena, 2000
- Psyché fuyant la colère de Vénus (fig. P91)
© Base RMN
- Psyché implorant le pardon de Vénus (fig. P92)
© Base RMN
TOCQUÉ, Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle d'Espagne, Dauphine de France (fig. P93)
© Base RMN
TOURNIÈRES, Portrait du marquis de Beauharnais (fig. P96)
© Grenoble, Musée des Beaux-Arts
VERNET, Incendie (fig. P99)
© Münich, Alte Pinakotech
Pastels :
LA TOUR, Louis XV (fig. D3)
© Paris, Musée du Louvre
- Marie Leczinska (fig. D4)
© Paris, Musée du Louvre
- Le Dauphin (fig. D5)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
- Le Prince Édouard (fig. D6)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
- M. le maréchal de Saxe (fig. D8)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
- M. le comte de Sassenage (fig. D10)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
280
- M. Dumont le Romain (fig. D17)
© Documentation du Louvre, Département des peintures
NATTIER, Le Président Maupéou (fig. D20)
© Salmon, RMN, 1999
PERRONNEAU, M. Olivier (fig. D21)
© http://www.pastellists.com (23/0711)
- Mme Olivier (fig. D22)
© http://www.pastellists.com (23/07/11)
Sculptures :
FALCONET, La France qui embrasse le buste du roi (fig. S3)
© Réau, Demotte, 1922
LEMOYNE, M. de Fontenelle (fig. S5*)
© Base RMN
- M. de Voltaire (fig. S6)
© Base RMN
PIGALLE, Mercure attachant ses talonnières (fig. S8)
© Gaborit, RMN, 1985
- Vénus (fig. S9)
© Gaborit, RMN, 1985
- Sainte Vierge (fig. S10)
© Photo personnelle
VASSÉ, Berger qui dort (fig. S15*)
© Paris, Musée du Louvre
Gravures :
281
DUCHANGE, Jésus au berceau (fig. G3)
© Lefrançois, Arthena, 1994
GUAY, Le Génie de la Peinture et de la Sculpture couronné par Apollon (fig. G4)
© Leturcq, J. Baur, 1873
- Leda dans l'eau (fig. G5)
© Leturcq, J. Baur, 1873
LARMESSIN, Portrait de M. Waldemar de Lowendal (fig. G8)
© Ananoff, Bibliothèque des Arts, 1976
LE BAS, Troisième fête flamande (fig. G9)
© BNF, Cabinet des estampes
- Vue de Santuliet (fig. G10)
© BNF, Cabinet des estampes
- Le maître galant (fig. G12)
© BNF, Cabinet des estampes
LÉPICIÉ, Bacha faisant peindre sa maîtresse (fig. G13)
© BNF, Cabinet des estampes
SURUGUE DE SURGIS L., Divertissement hollandais (fig. G17)
© BNF, Cabinet des estampes
SURUGUE DE SURGIS P.-L., L’Entretien (fig. G18)
© BNF, Cabinet des estampes
TARDIEU, Vue de l'Abbaye de Poissy (fig. G27)
© BNF, Cabinet des estampes
282