FLORETTE M-La Sorciere - (Atramenta - Net)

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La Sorcière

Florette M

Œuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

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La Sorcière

Personne n’ignore l’histoire de la sorcière.


Toutes les petites filles connaissent cette vieille
Dame, toute moche, flétrie jusqu’à la pulpe de ses
lèvres à n’en devenir qu’un trait fin et glacial au
sourire édenté.
Toutes les Mamans ont un jour fait appel à ses
services.
Juste pour dire qu’elles aussi ne l’ont pas oubliée.
Lors de grands coups d’éclairs et d’orages,
certaines la voient encore passer ; là-haut au milieu
des nuages gris, sur son balai tordu.
Suivant les régions, elle peut être à pied ou à
califourchon sur un âne fourchu.
Dans certaines contrées, elle est l’épouse du père
Fouettard, ce méchant Monsieur qui offre des carottes
à Noël en guise de jouets.
Notre Sorcière, ici, au milieu des collines, entre
garrigue et forêt de pins est affreusement célibataire
et surtout sans enfants, bah, elle n’aime pas ça !
Elle est moche, vilaine, méchante et se cache sous
une cape noire de laine de chèvre, qui ne sent pas bon
du tout, et elle porte sur son dos un grand sac.
Un sac ensorcelé.
Ah, ce sac, il a son importance !
Il est en toile de jute épaisse et sale, avec une corde
de chanvre solide pour le fermer.

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Un sac qui peut se faire petit ou très grand, tout
dépend de la taille de l’enfant !
Car cette sorcière est en quête d’enfants pas
sages !
Ce qu’elle en fait après, personne ne veut le savoir.
Rien que la seule idée d’être prisonnier de ce sac
monstrueux fait fuir toutes les questions.
Nous voilà donc, dans une maison de Provence, à
Dardenne au-dessus de Toulon, pour le moment, il n’y
a ni cigale, ni lavande, ni soleil et ciel d’azur : il pleut.
Il pleut des torrents d’eau depuis quelques jours.
Et c’est très ennuyeux, pour les petites filles, cette
pluie !
Pour s’amuser, dans cette maison, il n’y a pas la
boîte magique devant laquelle tout enfant se scotche,
pour la simple raison qu’elle n’existe pas !
Pour s’amuser, nos deux petites filles ont des
poupées en celluloïd avec des yeux toujours grands
ouverts.
Pour s’amuser, dans cette maison, les petites filles
cousent.
Avec leurs petits doigts elles récupèrent aux pieds
de leur mère couturière, des fils de couleurs, des
épingles et aiguilles et des chutes de tissus, pour
habiller leurs bébés.
Malheureusement pour ces petites filles, il n’y a
jamais assez d’étoffe, de rubans ou de cotonnades !
Alors les petites filles se chamaillent, avé l’assant !
– Té ! té vilaineu ! Maman meu l’a donné !
– Bé prends-la bécassineu, moa je préfèreu la
rougeu !
– Non la rougeu, ell’ai à moa !
– Toa, tu as la jauneu déjà !
Elles se chamaillent avé l’assant et en criant, si fort
que cela couvre le bruit de la machine à coudre, « la
rutilanteu singèreu ! »

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Maman se met en colère, avec la
tonalité particulière de la Corse : Intranscriptible !
– Si vous continuez la Sorcière va venir vous
chercher !
La sorcière, les petites filles s’en moquent. Elles ce
qu’elles veulent c’est s’arracher les cheveux, se
mordre et hurler !
Maman les regarde par-dessus ses lunettes, et
gravement leur annonce :
– La sorcière vous entend, elle va venir vous
chercher !
Au-dehors la lumière du jour perce à peine entre les
énormes gouttes de pluie.
Les petites filles continuent à se disputer avec les
mains et les mots.
Et de la sorcière, elles n’en ont pas peur :
– Elle éxisteu mêmeu pas la sorrcièreu !
– Non, malheureuseu ! faut pas direu ça !
la petitoune des voisins, elleu la vue, elleu !
– Bè, tu parleu(s), elleu “man” comm’elleu
respireu !
– T’é méchanteu ! elle ne “man” pas, elleu, c’est
toa, la menteuseu !
Les cris des petites filles supplantent le bruit de la
machine à coudre.
Maman cette fois-ci, n’en peut plus et se fâche :
– Vous arrêtez, maintenant. Tiens, La sorcière, la
voici qui arrive !
Les petites filles cherchent d’où elle pourrait
arriver, et là juste dehors devant la fenêtre se tient
une ombre sombre encapuchonnée. les deux filles,
tout à coup se taisent, retiennent les mots avec leur
respiration et…
Elles se jettent sous la table, en tremblant de peur
et se murmurent :
– Vé c’est la saurcièreu, avé sa grosseu sacocheu !

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– Té toa, peuchère ! avé ses énormeux esgourdes,
elle entend tout !
– Té, bonneu mèreu, maman lui ouvreu la porteu !
Les petites filles s’enlacent, se serrent si fort et
pleurent en retenant les sanglots, devant l’horrible
tableau de leur mère souriant à la sorcière recouverte
de sa cape noire.
Les deux petites filles ouvrent de grands yeux
paniqués, en même temps que la sorcière dénoue son
sac.
– Sainteu Mèreu de Dieu, elle va nous croquer !
Et la Maman rit en regardant ses filles, elle rit à se
plier en deux, elle rit si fort que la sorcière en fait
tomber sa capuche.
Elle rit du mauvais tour que, par un heureux
hasard, le facteur vient de faire à ses filles.
Car c’est bien d’un fonctionnaire de la poste qu’il
s’agit, un brave homme pas méchant qui lui aussi a
des enfants, alors de ce rôle que, par fortune, il a tenu
devant ces petites filles, lui aussi en rit.
Mais les deux petites filles dont ces adultes se
moquent, ne pleurent plus et ne se chamaillent plus,
elles sont toutes deux d’accord pour se dire :
– Té, c’est un mauvé coup pendableu !
Il me semble que maintenant nos agents des postes
ne portent plus de cape noire : Dommage ?

6
FIN

Merci pour votre lecture.

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