Alarashi, H. 2023
Alarashi, H. 2023
Alarashi, H. 2023
Volume 1 : Texte
Hala ALARASHI
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Université Lumière – Lyon 2
Volume 1 : Texte
Hala ALARASHI
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ﻟﺬآﺮى أﻣﻲ رﻓﻴﻘﺔ ﻣﻨﺼﻮر وأﺑﻲ ﻋﺒﺪ اﻟﺮﺣﻤﻦ ﺁل رﺷﻲ
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Remerciements
Nous voilà face à l’épreuve la plus difficile à faire… écrire les remerciements. Si seulement
nous pouvions nous retrouver dans un autre moment de l’Histoire, plus joyeux et moins
grave… Un moment qui laisserait loin, très loin derrière lui les peines et les déchirures, les
guerres et les souffrances… Un moment où je pourrais vous remercier tout simplement
très chaleureusement… Mais je suis hantée par les événements, par les lieux et par les
personnes… Difficile de ne pas tomber dans la nostalgie !
Je commence par toi mon pays… toi si grand à mes yeux et si inexistant aux yeux du
monde, si oublié…Toi adorable peuple syrien, si spontané et si débrouillard… Meurtri et
traumatisé depuis des décennies par une dictature pseudo-laïque et aujourd’hui aussi par
des sectes fanatiques barbares que le monde entier a vu venir sans bouger… Quoi faire
face à ce « laisser-faire » ? A quoi sert l’Histoire, si ce n’est pas pour rappeler à l’homme
son Humanité ? Comment ne pas crier mon désespoir et mes peurs ici alors que le titre de
cette thèse parle des identités et alors que les miennes sont menacées ? Ce n’est pas des
remerciements dont tu as besoin, c’est du Courage et de l’Espoir.
Cette thèse n’aurait pu être réalisée sans les autorisations d’étude des collections de
parure dans les musées et sur les terrains. Je remercie pour cela la Direction Générale des
Antiquités et des Musées à Damas de m’avoir fourni ces permis. Je remercie également le
Musée d’Alep de m’avoir permis de réaliser plusieurs missions d’étude entre ses murs et
dans les meilleures conditions possibles.
Je remercie l’Institut Français du Proche-Orient pour son soutien financier au cours des
missions d’étude et pour le séjour effectué à l’IFPO d’Alep.
Je remercie toutes les personnes qui ont aidé de près ou de loin à la réalisation de cette
thèse. Je pense en premier lieu à Frank Hole avec qui j’ai eu des échanges très intéressants
sur la parure. Je le remercie particulièrement de m’avoir mis en contact avec Dr. David
Reese à qui j’adresse mes plus sincères remerciements pour son aide précieuse à cette
recherche.
Je remercie également tous les chercheurs que j’ai rencontrés et dont les discussions ont
été d’un apport très important pour cette thèse. Je remercie particulièrement Marie-Louise
Inizan, Valentine Roux, Jacques Pelegrin, Bérénice Bellina et Hara Procopiou. Je remercie
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aussi mon amie Athina Boleti pour ses explications sur l’émeri et pour son don des
échantillons.
A Laurence Astruc j’adresse mes remerciements les plus chaleureux pour tout le soutien
et l’amitié qu’elle m’apporte. Je n’oublie pas Rosalia Christidou pour les articles, les
nombreuses informations échangées et pour son aide et son amitié. Merci à Juan José
Ibáñez, Jesús González-Urquijo, Güner Coşkunsu et Tristan Carter pour les discussions et
les échanges d’informations et pour leurs amitiés.
Mes remerciements vont également à Gabrel Monge et à Suzanne Jacomet de l’Ecole des
Mines de Paris à Sophia Antipolis pour leurs aides techniques sur les analyses de
composition et au cours des séances de MEB.
Un grand merci à l’équipe du CEPAM à Nice pour la très bonne ambiance, pour l’accueil
chaleureux, pour les compétences scientifiques et les très bonnes conditions de travail
dont j’ai pu bénéficier. Je pense particulièrement à Didier Binder et Martine Regert ainsi
qu’à Sylvie Beyries à qui je suis reconnaissante pour les conseils, les discussions sur la
tracéologie et l’aide apportée ; à Liliane Meignen et à Sandrine Bonnardin pour les
discussions intéressantes (et les livres empruntés !). Je n’oublie pas Michel Dubar qui a
suivi de près mes recherches sur les minéraux et les roches. Je remercie également Isabelle
Rodet-Belarbi, Sabine Sorin, Claire Delhon, Erwan Messager, Alain Carré, Arnaud
Jouvenez, Myriam Benou, Anne-Marie Gomez, Monique Oger, Domique Trousson et
Jeannine François. Enfin, toutes mes tendres pensées vont à Frank Braemer dont la
présence au CEPAM m’a été d’un très grand soutien moral. Merci Frank pour tout ce que
tu as fait pour développer l’Archéologie au Proche-Orient et particulièrement en Syrie,
pour la continuité de ton engagement sincère pour la sauvegarde de l’héritage
archéologique et historique syrien. Merci aussi pour les bienfaits et la joie que tu
transmets là où tu passes.
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Toute ma gratitude va également à mon laboratoire de rattachement, Archéorient, pour
toute l’aide financière et logistique ainsi que pour l’accompagnement, le soutien
scientifique et moral. Toute mon affection à ses membres, particulièrement à Pierre
Lombard, Christine Chataigner, Françoise Le Mort, Olivier Barge, Emmanuelle Regagnon,
Lamya Khalidi, Corinne Castel, Anne Benoit, Catherine Marro, Olivier Aurenche, et
Bernard Geyer. Mes remerciements vont également à François Barbot, Agnès Piedimonte
et Gwanaëlle Pequay pour leurs aides indispensables au cours de ces années. Un grand
merci à Marie Le Mière pour son aide, son soutien permanent et pour toutes les
informations bibliographiques qu’elle m’a fournies. Je n’oublie pas enfin Emmanuelle Vila
que je remercie pour sa présence dans les moments difficiles, son amitié, sa chaleur et ses
grandes qualités humaines.
Ma gratitude et mon affection les plus grands vont aussi à Claudine Maréchal qui m’a
appris à questionner les objets et à ne pas me fier à leur apparence trompeuse. Tes travaux
sur la parure, Claudine, sont d’une qualité grandiose et d’une précision impeccable dont
j’aspire à atteindre le niveau un jour.
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maintenir le cap. Ton soutien a été si réconfortant que je ne saurais où trouver les mots.
J’espère simplement être à la hauteur de ta confiance et de ta poésie.
Mes amis du CEPAM, Julia, Lorraine, Carole, Cristina, Antonin, Antoine, Arnauld, Jean-
Victor, Janet, Auréade, Cédric, Maxime, Dorota, Hermine, Monder et Thomas, merci pour
les moments de partage, d’échanges et de joie dans le couloir du 4e. Merci beaucoup à mes
amies Emilie et Gaëlle pour ces dernières années passées dans le même bureau avec elles.
Merci Fadi pour toutes les informations concernant les représentations des figurines et
pour les discussions intéressantes que nous avons échangées sur ce sujet.
Mes pensées les plus tendres vont également à mes amis disparus très précocement :
Shadi Al-Moudaress et Ayham Sukar.
Mes amis dispersés dans le monde, si vous saviez combien vous me manquez tous. Merci
d’exister. A la bande du laboratoire du SAPPO de Barcelone : Oriol, Ferran, Anna, Maria,
Pepo, Anabel, Carlos, Bushra et Hadia, merci pour les riches discussions, les rires et les
fêtes à Barcelone ou à Tell Arrish en Syrie. Merci à mes amis de Lyon, de Paris, Toulouse,
Bordeaux, Damas, Valencia et du reste du monde pour m’avoir accompagné dans ce
travail doctoral : Georges, Jwana, Yasmine, Shadi, Aurélie, Nada, Wael, Iyas, Lina,
Emmanuel, Mohamad, Alan, Agueda, Bérénice, Alexia, Modwène, Nicolas, Virginie,
Francesca, Touatia, Sébastien, Alain, Maud, Sarah, Richard, Hala, Ramzi, Céline, Vincent,
Catherine, Salam, Salim, Cheikhmous, Ossama Ayiash, Patxi, Espe, Carles, Anuska,
Cristina, Pili... Merci Juan pour ton amitié infaillible et ton grand cœur. Merci Gaëlle pour
tes encouragements, pour ton aide et tes réponses précises à mes questions d’os. Adorable
Farraji, merci d’avoir apporté la joie et le bonheur toutes ces années passées en Syrie du
Nord… Abou ‘Arab, l’Archéologie sans toi est fade, merci de nous avoir nourri et pris
soin de nous au cours des missions. Merci à Thaer de m’avoir donné la chance de
travailler à Tell ‘Abr 3, à Rima pour toutes les informations concernant notre cher site
damascène Tell Aswad, à Rania pour les informations et les échanges autours des objets
en terre, à Diaa, Arwa, Khaled Abdo, Hatem et Lubna. Merci à mon grand ami Khaled
d’avoir partagé mes premiers rêves d’archéologue (aller vivre chez les bédouins !), pour
les voyages à la découverte de la Syrie et du monde. Bissan, merci d’être là et d’avoir
apporté avec toi un peu de notre Orient. Merci Souheir de tout cœur d’être là dans les
moments les plus difficiles. Merci pour le soulagement que tu m’as apporté
particulièrement ces derniers jours. Marie, ton aide pour que j’aboutisse enfin ce travail
est sans mesure. Chaque discussion avec toi a eu des répercussions immédiates et
positives sur mon enthousiasme. Tu ne m’as pas lâchée et tu étais là jusqu’au bout. Je
souhaite de tout cœur que tes compétences et tes connaissances seront récompensées à
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leur juste titre. Merci Joëlle, Bernard, Nadège et Mylène de votre tendre accompagnement
et votre soutien. Maryam, tu es un rayon de soleil. Merci pour ton amour et ta joie.
Mes trésors, mes papillons qui caressent tendrement l’âme et enjolivent l’existence, mes
nièces et mes neveux Sarah, Hazar, Joudi, Lana, Haytham, Fatima, Ward el-Sham et
Omar, merci d’avoir si joyeusement agrandi la famille.
Iman, Huda et Mohamad, mes anges gardiens dans le pays le plus dangereux du
monde… Je pense à tout l’amour que vous me donnez et mes mains se mettent à trembler
ne sachant quoi vous écrire. Merci et soyez en paix. Le jour de nos retrouvailles ne tardera
plus.
Je ne trouverai pas assez de mots dans les langues vivantes, ni dans les langues mortes,
pour te remercier à la hauteur de la merveilleuse personne que tu es. Sans toi je n’aurais
pu surmonter les dures épreuves survenues ces dernières années et particulièrement ces
derniers temps. Lionel, ton nom est entre les lignes, derrière chaque point et chaque
virgule de ce travail… et il est surtout gravé et à jamais dans mon cœur…
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Table des matières
Remerciements ............................................................................................................................................... 7
Introduction .................................................................................................................................................. 25
Chapitre 1. La Néolithisation................................................................................................................ 31
13
2.2.4.1. Industrie lithique ........................................................................................................... 54
2.2.4.2. Mobilier lithique lourd et contenants ......................................................................... 54
2.2.4.3. Industrie osseuse ........................................................................................................... 55
2.2.5. Domaine cultuel, artistique et symbolique........................................................................ 56
2.2.5.1. Pratiques funéraires et rituelles ................................................................................... 56
2.2.5.2. Représentations symboliques ...................................................................................... 56
14
2.5.5.1. Industrie lithique .......................................................................................................... 72
2.5.5.2. Mobilier lourd ............................................................................................................... 72
2.5.5.3. Industrie osseuse .......................................................................................................... 72
2.5.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique ....................................................................... 73
2.5.6.1. Représentations symboliques ..................................................................................... 73
2.5.6.2. Pratiques funéraires et rituelles .................................................................................. 73
Introduction ............................................................................................................................................. 83
15
3.5.2.1. Les oxydes .................................................................................................................... 114
3.5.2.2. Les carbonates.............................................................................................................. 116
3.5.2.3. Les sulfates ................................................................................................................... 118
3.5.2.4. Les phosphates ............................................................................................................ 118
3.5.2.5. Les silicates ................................................................................................................... 119
3.5.2.6. Matériaux indéterminés ............................................................................................. 122
3.5.3. Origines et acquisition........................................................................................................ 123
4.2. Choix des critères de classement, cadre théorique et conceptuel ........................................ 145
4.2.1. Premier critère : La forme du volume .............................................................................. 148
4.2.1.1. Les formes anatomiques ............................................................................................. 149
4.2.1.2. Les formes géométriques simples ............................................................................. 152
4.2.1.3. Les formes singulières ................................................................................................ 154
4.2.1.4. Les formes indéterminées .......................................................................................... 155
4.2.1.5. L’orientation des formes............................................................................................. 155
4.2.2. Second critère : Le dispositif d’attache (perforation ou percement) ............................ 156
4.2.2.1. Nombre ......................................................................................................................... 156
4.2.2.2. Longueur ...................................................................................................................... 157
4.2.2.3. Position ......................................................................................................................... 157
4.2.3. Conclusion ........................................................................................................................... 161
16
Chapitre 5. Transformation : Techniques de fabrication .............................................................. 175
17
Chapitre 6. Consommation: Usure et fonctions. .............................................................................. 237
18
7.2.6.4. Perle standard ............................................................................................................. 295
7.2.6.5. Techniques de fabrication.......................................................................................... 295
7.2.7. Synthèse formes géométriques ......................................................................................... 297
19
9.1.2. Les matières osseuses ......................................................................................................... 355
9.1.2.1. Incisive de bovin.......................................................................................................... 355
9.1.2.2. Vertèbre de poisson .................................................................................................... 356
9.1.3. Les pierres ............................................................................................................................ 357
9.1.4. Synthèse formes anatomiques ........................................................................................... 359
20
Chapitre 11. Abu Hureyra ................................................................................................................... 465
21
12.2.7. Objets recyclés ................................................................................................................... 529
12.2.7.1. La pendeloque/perle ................................................................................................. 529
22
15.2.1. Rondelles discoïdes .......................................................................................................... 603
15.2.2. Les perles plates................................................................................................................ 605
15.2.2.1. Roches siliceuses (Calcédoines) .............................................................................. 605
15.2.2.2. Roches tendres .......................................................................................................... 613
23
24
Introduction
25
(Maréchal 1991 ; 1995 ; Maréchal & Alarashi 2008). Toutefois, l’étude des objets de
toutes sortes (coquillages, parties osseuses, roches et minéraux divers) nécessite un
minimum de connaissances dans plusieurs domaines, à la fois en malacologie, en
archéozoologie, en technologie et en géologie. Le travail présent se propose de
traiter l’ensemble des objets de parure trouvés sur les sites en prenant en compte
tous les matériaux conservés et la nature des contextes de découverte.
26
Les éléments de parure, objets à usage individuel, attitré à une personne, au
moins pour un temps donné, ont la vertu de communiquer un sens commun,
compris et décrypté par toute la communauté. Notre étude n’a pas la prétention
de vouloir déchiffrer ces sens mais a pour objectif de comprendre les
comportements humains à travers ces objets en essayant de mettre en lumière les
différents aspects les concernant. Dans notre travail, ces aspects sont ceux
annoncés dans l’intitulé : « Techniques et usages, échanges et identités ».
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Le volet « identité » est traité principalement à travers la question de la
forme de l’élément et du type auquel il se rattache par rapport à d’autres éléments.
L’identité d’un élément, sa forme, sont généralement les héritières de toute une
histoire, propre à un individu, à une communauté ou à plusieurs générations.
Pour approcher ces aspects, nous tenterons de retracer l’évolution des formes
qu’ont prises ces éléments de parure au cours de la Néolithisation, sur un site en
particulier ou une région donnée.
28
Partie I
CADRE CHRONO-CULTUREL
29
30
Chapitre 1. La Néolithisation
31
Nous allons exposer ici, de manière concise, les étapes successives de la
Néolithisation telles qu’elles furent établies par les chercheurs de la Maison de
l’Orient et de la Méditerranée à Lyon (Aurenche et al. 1987). Cette périodisation est
la suivante :
32
point de vue (e.g. Dederiyeh Cave, cf. Nishiaki et al. 2011). Ainsi, les sites d’Abu
Hureyra 1 (Phase I : Natoufien récent) (Moore et al. 2000) et de Tell Mureybet
phase IA (Phase IA : Natoufien final) (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008) constituent les
seuls exemples d’occupation dans le Moyen Euphrate.
33
Dans le Levant nord, plusieurs sites khiamiens sont désormais connus : les
phases IB et II de Mureybet, les premières occupations du site de Tell Qaramel
(Mazurowski et al. 2009), et plusieurs sites prospectés ou fouillés récemment dans
la région de Jabal Bal’as (Abbès 2007). Dans la vallée du Jourdain on peut citer le
site éponyme, mais aussi Hatoula et Gilgal (e.g. Lechevalier & Ronen 1994).
Les fouilles menées à Jéricho à la fin des années 50 par K. M. Kenyon sont à
l’origine des termes « Pre-Pottery Neolithic A (PPNA) and B (PPNB) ». Depuis, le
PPNA est connu comme la première étape de l’ère néolithique, bien que certains
chercheurs le considère comme une période « protonéolithique » (Aurenche &
Kozlowski 1999, p. 37). Le PPNA connaît plusieurs faciès culturels que l’on
distingue selon les régions. Héritiers du Natoufien et du Khiamien, les plus
connus sont le Mureybétien et le Sultanien (Cauvin 1997, p. 57). Le Mureybétien
fut établi suite aux fouilles menées à Tell Mureybet (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008) et
à Cheikh Hassan (Cauvin 1980). Cette culture a été également identifiée dans des
sites voisins comme Jerf el-Ahmar (Stordeur 1999a ; 2000a), Tell ‘Abr 3 (Yartah
2004 ; 2013) dans la zone du Moyen Euphrate, ou encore à Tell Qaramel au nord
d’Alep (Mazurowski & Jammous 2001). Des parallèles avec le Mureybétien ont pu
être faits avec certains sites turcs, notamment avec Göbekli Tepe dans la région
d’Urfa dans le Haut Euphrate (Schmidt 2011). Pour certains aspects dans le
domaine architectural (bâtiments communautaire) ou au niveau de la culture
matérielle (objets de parure), des comparaisons peuvent être faites entre les sites
de la culture mureybétienne et les sites en partie contemporains du sud-est turc :
Çayönü (Erim-Özdoğan 2011), Gusir Höyük (Karul 2011), Hallan Çemi
(Rosenberg 2011), Körtik Tepe (Özkaya & Coşkun 2009).
34
plans de type rectangulaires et pluri-cellulaires construits de plain-pied (Cauvin
1997, p. 66 ; Stordeur 1999a ; Stordeur & Abbès 2002, p. 573). Les maisons vont
s’organiser autour de bâtiments enterrés particuliers, dit « communautaires »
(Stordeur 1999a ; Stordeur et al. 2000). Dans les premiers temps ces bâtiments sont
de plan circulaire, divisé en cellules rayonnantes, et leur usage aurait pu être
multiple (stockage, lieu de réunion et de célébrations). Ils perdent ensuite leur
subdivision interne, et l’espace central est plus vaste, parfois équipé de banquettes
décorées dans son pourtour. La fonction de ces lieux serait dès lors exclusivement
dédiée à des réunions collectives d’ordre social et/ou rituel (Stordeur et al. 2000).
D’après la chronologie établie à partir des architectures de Jerf el Ahmar, les
bâtiments collectifs de ce type correspondraient à la fin du PPNA et à la période
de transition PPNA/PPNB (Stordeur & Abbès 2002). Contemporain de cette phase,
le bâtiment communautaire mis au jour à Dja’de el Mughara est remarquable par
les peintures polychromes à motifs géométriques qui ornaient ses murs et
probablement son plafond (Coqueugniot 2008).
35
plaident en effet pour une « agriculture prédomestique » (Willcox 2000 ; Willcox et
al. 2008 ; Stordeur & Willcox 2009 ; Willcox et al. 2009 ; Willcox & Stordeur 2012).
Les ressources animales sont très diverses. La chasse aux gazelles, aux
équidés et aux aurochs est importante alors que la chasse au petit gibier est moins
pratiquée qu’aux périodes précédentes (Gourichon 2004).
36
(Khalaily et al. 2007). Ainsi, l’essentiel de l’information concernant cette période
provient du Levant Nord. Sur le Moyen Euphrate, le PPNB ancien est identifié
dans la phase IVA de Mureybet (Cauvin 1977 ; Ibáñez 2008), à Cheikh Hassan
(Stordeur 1999b) et à Dja’de el Mughara (Coqueugniot 1998) ; en Anatolie du sud-
est à Göbekli (Schmidt 2002 ; 2011), à Nevalı Çori (Hauptmann 1999 ; 2011), à
Cafer Höyük (Cauvin et al. 1999 ; 2011) et à Çayönü (Özdoğan 1999 ; Erim-
Özdoğan 2011) ; au Levant central à Tell Aswad (Stordeur et al. 2010) et à Qarassa
(Ibáñez et al. 2010 ; enfin, à Chypre sur le site de Shillourokambos (Guilaine et al.
2000).
La conception des habitats est différente selon les régions. Par exemple, au
Moyen Euphrate, les plans sont presque exclusivement rectangulaires, subdivisés
en plusieurs cellules, tandis qu’au Levant central les plans sont arrondis ou à murs
rectilignes et angles arrondis. Les enterrements ont lieu généralement au sein de
l’espace domestique (Stordeur et al. 2010) en ce qui concerne le Levant central,
mais au nord on assiste à des pratiques qui consistent à rassembler les morts dans
des constructions qui leur sont dédiées : e.g. la « maison des morts » à Dja’de
(Coqueugniot 1998) ou le « Skull building » de Çayönü (Yilmaz 2010).
37
1.5. Le PPNB moyen (8 200-7 500 av. J.-C.)
Les sites du PPNB récent sont très répandus dans tout le Levant. La taille
des villages atteint de très grandes superficies et le nombre d’habitants y est plus
élevé. Parallèlement, de nouvelles régions commencent à être occupées,
notamment les zones arides. L’un des traits caractéristiques de cette période est la
38
vaisselle blanche. Dans l’industrie lithique, les pointes de flèche de type Byblos
sont caractéristiques de cette période (Cauvin 1997). Enfin, c’est à partir de cette
période que l’on peut parler de maîtrise parfaite du système économique de
production fondé sur l’agriculture et l’élevage.
39
40
Chapitre 2. Présentation des sites
archéologiques étudiés
Aujourd’hui noyé sous les eaux du lac Assad, le tell de Mureybet (Cauvin
1972a ; 1974 ; 1977 ; Ibáñez 2008) était situé sur la rive gauche de l’Euphrate (36°
04’ 06’’ N, 38° 05’ 26’’ E), à l’endroit où ce fleuve change de direction et se courbe
dans la direction sud-est après avoir traversé le nord de la Syrie (Fig. 2.1). Haut de
6 m, ce tell a fait l’objet de quatre campagnes de fouilles entre 1971 et 1974 qui ont
permis de mettre en évidence la présence d’une occupation humaine durant cinq
périodes chrono-culturelles préhistoriques. Ces campagnes ont livré de nombreux
vestiges architecturaux et une culture matérielle très riche issus de la fouille de
neuf secteurs de 4x4 m² sur la pente ouest du tell et de deux sondages à l’est
(AD28 et AD34). Le substratum a été atteint dans 4 secteurs.
41
2.1.2. Stratigraphie et périodes d’occupation
2.1.3. Architecture
42
rondes et rectangulaires construites de plain-pied côtoient de grands bâtiments
circulaires enterrés et subdivisées, plus connus par les « bâtiments
communautaires ». Le bâtiment EA47 fut le premier découvert. Il comporte
plusieurs cellules rayonnantes entourant un espace central. Plusieurs parures ont
été trouvées à l’intérieur de ces cellules (Fig. 2.2a). Ce type de bâtiment, dont
l’origine pourrait remonte à la période khiamienne (ibid., p.61), représentent l’un
des traits caractéristiques de la période PPNA au Levant nord. On les retrouve à la
même période dans de nombreux sites comme à Jerf el Ahmar, à Tell ‘Abr ou à
Tell Qaramel au nord-ouest de la Syrie.
43
faveur des premières pratiques agricoles (Willcox 2008, p. 111). Pour la période
PPNB, les données archéobotaniques sont insuffisantes.
44
pédonculées, de pics, d’herminettes, de burins et de grattoirs (Cauvin & Abbès
2008, p. 284-86). Ces outils sont issus essentiellement d’un débitage laminaire
unipolaire de petites lames ou lamelles (Abbès 2008, p. 238-39). Au Khiamien, le
matériel lithique se différencie de la période précédente par l’apparition
d’armatures de flèche de type El-Khiam (Cauvin & Abbès 2008, p. 318). Cette
apparition s’accompagne d’une disparition progressive des microlithes au cours
de la séquence du Khiamien (ibid., p. 322). Le débitage est toujours laminaire
(Abbès 2008, p. 242-55) mais un changement se produit avec l’apparition d’un
nouveau plan de frappe sur les nucleus dans un but d’entretient ; il ne s’agit pas
encore de nucleus bipolaires. Par ailleurs, des burins et des grattoirs, ainsi que des
perçoirs et micro-perçoirs ayant servi à la perforation des perles d’après les traces
diagnostiques qu’ils portent (Ibáñez et al. 2008, p. 371), complètent l’inventaire de
l’outillage khiamien de Mureybet en complément des herminettes et des pointes
de flèches. Au PPNA, le mobilier retouché en silex est très homogène et se
caractérise par l’apparition d’un nouveau type de flèche, très dominant dans cette
phase, la pointe dite « de Mureybet » (Cauvin et Abbès 2008, p. 325).
Contrairement à la période précédente, les outils perçants se raréfient (ibid.,
p. 346). Le débitage laminaire est produit désormais à partir de nucléus bipolaires.
L’objectif du débitage est celui de la production de lames les plus rectilignes
possibles à extrémité pointue, des lames prédéterminées dévolues à l’archerie
(Abbès 2008, p. 270). Ces pointes ont probablement des répercussions importantes
sur la chasse qui, à cette période, cible de plus en plus les grands mammifères (cf.
supra). Aux périodes suivantes, le débitage continue à être destiné à la production
de lames prédéterminées et va devenir la norme et la signature de la période
PPNB dont le caractéristique fondamentale est l’apparition de la pointe de Byblos
(Cauvin & Abbès 2008, p. 353).
45
que ceux observés pour le silex. Les indices semblent plaider en faveur d’une taille
sur le site même. Les gîtes exploités au cours des périodes précédentes continuent
à être les principales sources d’approvisionnement mais, à partir de la phase IIIB,
l’obsidienne est également obtenue à partir des gîtes de Bingöl B en Anatolie
orientale (Delerue 2007, p. 212). L’obsidienne trouvée dans les sites contemporains
de Jerf el-Ahmar et Dja’de el Mughara proviennent également des mêmes gîtes
que ceux de Bingöl B (ibid., p. 237).
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pierre sont peu nombreux et concernent des objets circulaires mobiles. Au PPNA,
l’effectif est plus important et les catégories sont alors plus diverses : récipients
entiers ou fragmentaires, bassins en calcaire, récipients circulaires mobiles en
calcaire et coupelles (Lebreton 2008).
47
2.1.6.2. Représentations symboliques
Le site de Mureybet a livré un total de 10 figurines dont l’une est une
représentation animale tandis que les autres sont considérés comme
anthropomorphes. Parmi ces dernières, la plus ancienne remonte à la phase II, elle
est réalisée sur un support en calcaire et ne montre aucune indication de sexe
(Stordeur & Lebreton 2008, p. 621). La phase IIIA a livré huit figurines humaines
dont sept sont de sexe féminin. Parmi elles quatre sont en terre et quatre en pierre.
La figurine animale, nommée « rapace nocturne » (ibid., p. 620 ; Pichon 1985,
p. 261), appartient également à la phase IIIA (ibid., p. 620). Cependant, pour L.
Gourichon, cette figurine pourrait également représenter une tête humaine
(Gourichon 2004, p. 222). La représentation de cette figurine est par conséquent
considérée comme ambiguë (Stordeur & Lebreton 2008, p. 621). Les niveaux du
PPNB n’ont livré aucune figurine.
Une autre catégorie d’objets pouvant être considérés comme porteurs d’une
certaine valeur symbolique est celle des « pierres à rainures ». Ces pierres, souvent
décorées avec des chevrons et des zigzags, apparaissent à Tell Mureybet à partir
de la fin de la période khiamienne (phase IIB) et continuent d’être présentes
durant les phases IIIA et IIIB (Stordeur & Lebreton 2008, p. 625).
Les bâtons polis, réalisés souvent sur des roches d’origine allogène et dont
l’investissement technique est très important, évoque également un rôle
symbolique ou emblématique (Cauvin 1997, p. 68), d’autant plus que ces objets de
portent pas de traces d’usure particulières. Ils sont présents sur le site dès la
48
période khiamienne et vont augmenter en nombre au cours du PPNA. Des
exemples sont également connus dans les sites contemporains comme Tell ‘Abr 3,
Cheikh Hassan et Qaramel
Enfin, l’expression symbolique est indéniable sur des supports comme ceux
des objets de parure. Ceux-ci sont relativement nombreux et présents dès le
Natoufien final à Tell Mureybet. Les résultats de leur étude seront présentés dans
la partie III, chapitre 7, de cette thèse.
Le site est formé de deux buttes naturelles séparées par un petit wadi. Ces
buttes sont limitées au nord par le cours du fleuve et au sud par une série de
collines plus élevées menant au Jabal Cheikh Anan, qui culmine à environ 500 m
d’altitude. Ce mont est considéré comme sacré par la population actuelle. Son
sommet est marqué par un petit mausolée dédié au Cheikh Anan en question.
Depuis le sommet, la vue couvre une large portion du cours du fleuve et les
collines d’en face.
49
2002, p. 567) découvrant ainsi un très grande espace construit datant du 10e
millénaire avant J.-C. (Stordeur 1999a ; 2000a).
d’occupation
Eminence est :
50
• Niveau -II/E : dépôts de surface très perturbés.
Eminence Ouest :
Pour les niveaux récents (-I/E, - II/E, I/W et 0/W), bien que le contexte
général soit rattachable à l’horizon PPNA, certains traits, notamment dans les
51
deux domaines architectural et technologique, sont caractéristiques du PPNB. Cela
a conduit à considérer ces occupations comme les témoins d’une « phase de
transition PPNA-PPNB » (Stordeur & Abbès 2002).
Comme à Mureybet, ainsi que sur le site de Tell ‘Abr 3, les céréales ont une
morphologie sauvage. Cependant, les pratiques d’une culture pré-domestique des
céréales et des légumineuses est démontrée à travers des indices botaniques et
techniques (architecture et industrie lithique) (Willcox et al. 2008 ; Willcox 2008 ;
Stordeur & Willcox 2009 ; Willcox & Stordeur 2012).
Les résidus carbonisés d’une préparation alimentaire ont été trouvés in situ
dans la « cuisine » d’une maison (Stordeur & Willcox 2009). Il s’agit en grande
partie de graines de moutarde (Brassica/Sinapis) broyées et utilisées soit pour
l’huile qui pouvait en être extraite, soit comme condiments (Willcox 2002a).
52
2.2.3.2. Les ressources animales
Le village de Jerf el-Ahmar, comme les autres villages installés sur les rives
de l’Euphrate, bénéficiait de deux milieux naturels, celui de la vallée et la steppe.
Les ressources animales exploitées sont diverses, il s’agit d’une économie à large
spectre. De manière générale, la faune de Jerf el-Ahmar est similaire à celle des
phases contemporaines de Mureybet. Le chien est le seul animal domestique.
Parmi une vingtaine de mammifères identifiés dans les assemblages fauniques, la
gazelle est dominante, suivie des équidés (hémione et âne sauvage). L’aurochs a
une fréquence relativement élevée dans les niveaux inférieurs qui va diminuer
dans les niveaux supérieurs. Les ongulés tels que le daim de Mésopotamie, le
mouflon oriental et le sanglier sont présents avec des pourcentages inférieurs à 3%
des restes. C’est également le cas pour les autres mammifères de l’assemblage à
l’exception du renard qui a une fréquence légèrement plus élevé, de 4%
(Gourichon 2004, p. 288). Les taxons d’oiseaux identifiés à Jerf el-Ahmar sont
parmi les plus riches des sites néolithiques de la région (ibid., p. 259). Leur
présence est récurrente dans tous les niveaux du site est estimée entre 5 et 15% de
l’assemblage faunique, comme dans les niveaux khiamiens et PPNA de Mureybet.
Il s’agit de 45 espèces et trois taxons non spécifiés. Le francolin noir est l’oiseau le
plus couramment chassé à Jerf el-Ahmar suivie par les oies dont la fréquence est
de 16,7%. Les rapaces diurnes, pour lesquelles au moins 10 espèces ont été
identifiés, représentent 17% environ à cause du nombre élevé d’ossements de
vautour fauve. Cette espèce, rarement signalée ailleurs, était liée à des pratiques
autres qu’alimentaires. Le rôle psychopompe attribué à cet oiseau pourrait avoir
donné lieu à des pratiques rituelles et symboliques liées à la mort à Jerf el-Ahmar
(Gourichon 2002, p. 149 ; 2004, p. 300). Les grues sont également parmi les oiseaux
les plus fréquents sur site (Gourichon 2004, p. 296). Les restes de poisson sont
rares au sein des assemblages fauniques de Jerf el-Ahmar, comme c’est également
le cas à Mureybet à la même période.
53
2.2.4. Domaine technologique
L’obsidienne, comme pour le site de Mureybet, est taillée sur place à partir
de blocs bruts importés provenant du Göllü-Dağ dans les niveaux anciens et de
Bingöl B dans les niveaux récents (Stordeur & Abbès 2002, p. 582).
Une découverte exceptionnelle fut mise au jour dans l’une des cellules
d’une maison incendiée (St. 10) du niveau II/W. Il s’agit de trois meules en place
dont deux calées sur des socles maçonnés en argile et accompagnées d’un certain
54
nombre de contenants immobiliers servant au stockage. D. Stordeur distingue
trois zones d’activité dans cette pièce qualifié de « cuisine » : la première est
réservée à la mouture et à la préparation culinaire avant cuisson, dans la deuxième
un aménagement évoque une sorte de brasero dans lequel la nourriture était
maintenue au chaud et la troisième zone, qui comporte trois bassins en calcaire
massif dans un angle de la pièce, était peut-être dédiée à la conservation des
aliments (Stordeur & Willcox 2009 ; Stordeur 2012, p. 38). Précisons que c’est dans
cet espace que les graines de moutardes broyées et carbonisées ont été découvertes
(Willcox 2002a).
Parmi les contenants, nous distinguons les récipients taillés dans le calcaire
local et ceux fabriqués en chlorite. Les dimensions de ces derniers sont
généralement petites. Dans ce groupe d’objets, un vase en chlorite presque entier
et décoré d’une frise de chevrons a été découvert (Lebreton 2003). Les bassins sont
en calcaire local et de grandes dimensions.
55
2.2.5. Domaine cultuel, artistique et symbolique
56
rainure décorées sont parmi les plus caractéristiques et représentatives de la
période PPNA et de cette région. Les représentations comprennent des motifs
géométriques (surtout des chevrons) ou des silhouettes animales. Quant aux
animaux représentés, ce sont en premier lieu l’aurochs, les rapaces diurnes, les
carnivores (félins et renards), le serpent et le scorpion. « Ces figures portent une
charge symbolique forte et sont vraisemblablement liées à un système mythologique, voire
totémique, puisqu’on les retrouve sous des déclinaisons variées dans le PPNA et le PPNB
ancien du Nord du Croissant fertile » (Gourichon 2004, p. 285).
Les fouilles de Dja’de el Mughara ont débuté, comme pour les sites de Jerf
el-Ahmar et Tell Halula, dans le cadre de la campagne internationale de sauvetage
liée à la construction du deuxième barrage sur l’Euphrate. Entre 1991 et 2010, un
total de 17 campagnes de fouilles a eu lieu sous la direction d’E. Coqueugniot,
grâce au fait que le site n’a finalement pas été directement menacé par la mise en
eau du barrage en 1999, contrairement à Jerf el Ahmar. Les découvertes
exceptionnelles faites sur ce site ont favorisé la continuité des fouilles à partir de
l’année 2000.
Comme les sites précédents, Dja’de el-Mughara (Fig. 2.1) est situé sur la rive
gauche de l’Euphrate (36°37’ N, 38°13’ E). Il s’agit d’un tell de faible hauteur
implanté sur la moyenne terrasse quaternaire de l’Euphrate (Coqueugniot 1998,
p. 109 ; Besançon & Sanlaville 1984).
57
Si la base de ses occupations remonte au PPNA, Dja’de est parmi les rares
sites en Syrie (et au Proche-Orient de manière générale) ayant des dépôts
archéologiques assez conséquents attribués au PPNB ancien. Pour rappel,
l’horizon PPNB a été identifié dans d’autres sites du moyen cours de l’Euphrate,
comme dans la phase IVA de Mureybet et les niveaux supérieurs de Cheikh
Hassan. Les fouilles récentes au Levant central ont mis en évidence des
occupations appartenant également à cette période. C’est le cas notamment à Tell
Aswad (Stordeur et al. 2010) et à Qarassa (Ibáñez et al. 2010). Le PPNB ancien est
également attesté, bien que uniquement par l’étude de l’industrie lithique, pour
l’un des sites découverts de la région de Bal’as (Abbès 2006). En Anatolie, les sites
contemporains de Dja’de les plus connus sont Çayönü et Nevalı Çori.
Les datations situent les niveaux du PPNB ancien dans la deuxième moitié
du 9e millénaire avant notre ère en dates calibrées. Le site fut abandonné au PPNB
moyen et récent puis réoccupé au début du Néolithique à céramique (pré-Halaf),
au cours de la première moitié du 6e millénaire, puis au Bronze ancien III/IV,
durant la seconde moitié du 3e millénaire, pour l’installation d’une nécropole
(Coqueugniot et al. 1998). Actuellement, quatre grandes phases sont distinguées
pour la séquence néolithique du site (Coqueugniot 2009, p. 61) :
• DJI : la phase la plus ancienne, transition PPNA/PPNB (ca. 9 310-8 830 av.
J.-C.)
58
• DJII : début du PPNB ancien (ca. 8 800-8 500 av. J.-C.)
• DJIII : PPNB ancien (ca. 8 540-8 290 av. J.-C.)
• DJIV : Pré-Halaf, début VIIe millénaire av. J.-C.
2.3.3. Architecture
59
L’étude anthracologique (Roitel 1997) a révélé la présence d’essences
propres à la ripisylve comme les tamaris et les peupliers de l’Euphrate à côté
d’arbres caractéristiques de la steppe humide comme le pistachier, l’amandier et le
chêne à feuilles caduques.
60
L’industrie provenant de la phase DJIII se caractérise par un débitage
naviforme de grande qualité. Désormais, le débitage bipolaire est exclusif. Les
armatures consistent en des flèches à long pédoncule bien individualisé ainsi que
des flèches de court et moyen module et quelques rares flèches à pédoncule
denticulé. Les lames à ergot et les grandes lames lustrées denticulées deviennent
les éléments caractéristiques de l’outillage lithique.
61
2.3.5.3. Industrie osseuse
Les outils en os à Dja’de sont plus abondants et plus élaborés au début de
l’occupation qu’à la période du PPNB. Sur des côtes de grands herbivores sont
réalisés des lissoirs et des couteaux, tandis que les aiguilles et les poinçons sont
fabriqués à partir d’esquilles osseuses (Christidou in Coqueugniot 2005 ; 2009).
62
2.4. Tell Halula
Le site de Halula (36° 25’ 34N, 38° 10’ 93 E) se distingue quant à son
emplacement par rapport aux premiers sites présentés, par le fait qu’il est situé
dans une petite vallée affluente sur la rive droite du fleuve, et par le fait qu’il est
légèrement en retrait, à 800 mètres environs, des abords de l’Euphrate. Il se trouve
presque en face de Jerf el-Ahmar et au sud du site de Dja’de (Fig. 2.1). La stratégie
de fouilles a consisté à dégager les couches archéologiques en extension. Cela a
permis de mettre en évidence la présence de plusieurs périodes d’occupation dont
l’une, celle qui nous intéresse, correspond à un véritable village d’agriculteur-
éleveurs dont la fondation remonte à la première moitié du 8e millénaire (PPNB
moyen et récent) (Molist et al. 2013a, p. 88).
Le site de Tell Halula qui s’étend sur plus de 8 ha est constitué d’un dépôt
de couches archéologiques épaisses de plus de 11 mètres de puissance dans la
partie la plus haute du tell (Molist et al. 2007, p.19). La superficie du village
néolithique est estimée à 7.1 ha (Alcade & Molist 1996, p. 47 ; Molist & Vicente
2013, p. 80).
63
la plus ancienne remonte à 7700 cal BC tandis que la plus récente se situerait entre
5500-5300 cal BC. En termes chrono-culturels, le site est fondé au PPNB moyen,
occupé durant tout le PPNB récent, le PN (Amuq A-B, Pré-Halaf) et jusqu’à la
transition entre le PN et le Chalcolithique (cultures Halaf et Obeid) (Molist &
Vicente 2013, p. 64 ; Molist et al. 2004, p. 48).
Les objets de parure de Tell Halula que nous avons étudiés proviennent
tous des phases 7 à 13, les rares sépultures des phases récentes n’ayant livré, à
notre connaissance, aucun élément de parure. Pour leur étude et par commodité,
nous avons considéré les phases 7 à 10 comme appartenant à l’horizon PPNB
moyen et les phases 11 à 13 à celui du PPNB récent. Cette distinction ne repose pas
sur des changements majeurs et radicaux observés sur le matériel au cours du
temps mais sur deux constats : à partir de la phase 11 le nombre d’objets par unité
sépulcrale devient plus important, le cuivre devient plus fréquent, et les
coquillages présentent une plus forte diversité d’espèces. Ce découpage
nécessitera d’être affiné, notamment en fonction des effectifs des objets provenant
des phases les plus anciennes.
64
Les données principales sur les modes de subsistance, le domaine
technologique et les aspects cultuels et symboliques qui seront présentées par la
suite concernent uniquement la période néolithique précéramique.
2.4.3. Architecture
65
matériaux de construction sont identiques pour les deux horions PPNB. C’est à la
fin du PPNB récent qu’une construction monumentale a été découverte. Il s’agit
d’un très grand mur en pierres de plus de 4 m de haut et 28 m de longueur, dont
la fonction a été interprétée comme mur de terrassement (Molist & Faura 1999,
p. 29).
Comme dans les périodes précédentes sur les sites du moyen cours de
l’Euphrate, les principales espèces de la ripisylve sont documentées à Halula :
Tamarix, Salix, Populus euphratica et Fraxinus (Piqué 2013, p. 391). En revanche, les
espèces de la steppe arborée sont majoritairement représentées par Pistacia
atlantica au PPNB moyen et au PPNB récent.
66
Ainsi, la chèvre est domestique dès les phases les plus anciennes du site,
bien que la source principale de viande soit obtenue par la chasse, notamment de
l’aurochs, des gazelles, du sanglier, du daim de Mésopotamie, des équidés (âne et
hémione), de certains carnivores et des lièvres (Helmer & Saña 1996, p. 145). A
partir de la phase 8, le mouton domestique fait également son apparition.
Néanmoins, la consommation de viande reste toujours majoritairement basée sur
la faune sauvage. Un véritable changement se produit à partir de la phase 11
lorsque l’économie de subsistance se base alors en grande partie sur l’exploitation
des animaux domestiques au détriment de la faune sauvage. Au cours du PPNB
récent, l’élevage devient presque exclusif et spécialisé pour certaines espèces
(exploitation de la laine, du lait, de la force) (ibid.).
67
perçoirs. Sur l’un, ces traces sont caractéristiques de la perforation d’un minéral
humidifié (ibid., p. 361).
68
Les figurines en terre constituent des supports importants pour les
représentations symboliques à Halula. Certaines sont facilement attribuées à des
représentations d’animaux domestiques, des bovins, des caprinés, mais l’une
d’entre elles pourrait avoir figuré une gazelle (Molist et al. 1996, p. 130-33)
Les défunts ont été inhumés dans une position assise en hyper-flexion
(Fig. 2.4b) dans des fosses en forme de silos et scellées avec une motte de terre très
compacte servant de couvercle (Guerrero et al. 2009).
69
2.5. Abu Hureyra
Le site d’Abu Hureyra fut découvert en 1964 par M. Van Loon et fouillé
entre 1971 et 1973 par A. M. T. Moore (Moore et al. 2000, p. 19). Parmi tous les sites
du moyen cours de l’Euphrate, Abu Hureyra est le plus méridional (Fig. 2.1), à
seulement 16 km du barrage de Tabqa sur la rive droite du fleuve (35° 52’ N, 38°
24’ E) (ibid., p. 23). Comme Tell Mureybet, Abu Hureyra fut inondé par les eaux en
1974 suite à la mise en fonctionnement du barrage (ibid. p. 38).
• La phase 2A : d’environ 9 374 BP±72 (9 100 – 8 350 av. J.-C. cal.) à 8 330
BP±100 (7 570 – 7 080 av. J.-C.)
• La phase 2B : de 8 330 BP±100 à 7 310 BP±120 (6420 – 5 990 av. J.-C.).
• La phase 2C : à partir de 7 310 BP±120, seule date disponible pour cette
phase (Moore et al. 2000, p. 477 ; Chambrade 2012, p. 271).
70
2.5.3. Architecture
71
espèces chassées sont dominantes et sont généralement les mêmes qu’à Halula,
mais le schéma change à partir de la phase 2B avec la diminution de la part ces
espèces, laissant la place à l’élevage des moutons et des chèvres dont les
proportions vont atteindre entre 65 et 85%. Les bœufs et les porcs domestiques
sont également exploités à partir de la phase 2B (Legge & Rowley-Conwy 2000).
72
2.5.6. Domaine cultuel, artistique et symbolique
Une grande variété caractérise les pratiques funéraires ont été observées sur
le site. Les sépultures sont individuelles et collectives et contiennent des squelettes
entiers ou partiels. Les sépultures se situent généralement sous les sols des
maisons ou dans les « patios ». Dans les sépultures individuelles, les squelettes
sont disposés en position contractée. Quant aux sépultures collectives, elles
semblent avoir subi des perturbations dues à des réouvertures répétées ou au
creusement de nouvelles sépultures au même emplacement. Des squelettes sans
crânes sont documentés ainsi que des groupes des crânes isolés (Moore &
Molleson 2000).
73
2.6. Tell Aswad
74
2.6.2. Stratigraphie et périodisation
• une phase ancienne correspondant aux niveaux (B12 à B9) et qui serait à
rattacher à l’horizon PPNB ancien ;
• une phase moyenne correspondant aux niveaux (B8 à B1) et au PPNB
moyen ;
• une phase récente correspondant aux niveaux B0 à B-5 ; elle commencerait
au PPNB moyen et se terminerait peut-être dans le PPNB récent.
75
désormais aux niveaux allant de B8 à B3 et la phase récente regrouperait les
niveaux B2 à B-5.
Dans notre étude, nous avons tenu compte des récentes propositions. D’un
point de vue chrono-culturel, nous avons rattaché la phase ancienne à l’horizon du
PPNB4 ancien et les phases moyennes et récentes au PPNB moyen. Le PPNB récent
pourrait concerner les éléments de parure provenant du secteur C à l’ouest.
Des zones extérieures particulières, trouvées entre les maisons, sur les
ruines de celles-ci ou en périphérie du village, ont été documentées pour les
phases moyenne et récente. Ces zones sont connues sous le nom de « cuvette », en
raison de la forme de leur section. Elles sont remplies de couches finement
stratifiés de couleur et de nature différentes. On y trouve des restes fauniques et
botaniques très abondants ainsi que du riche mobilier (industrie lithique et
osseuse, figurines en terre, objets de parure) (ibid., p. 49). La présence du fumier
dans ces cuvettes suggère fortement la pratique d’activités liées à l’élevage des
animaux (lieux de parcage des troupeaux ?). Ces cuvettes semblent également
accueillir plusieurs activités artisanales comme la vannerie ou encore la fabrication
de divers objets en terre (ibid.). La très forte présence de figurines animales dans
les cuvettes est à l’origine d’une hypothèse émise par R. Ayobi, celle du comptage
4 Nous parlerons de l’horizon PPNB ancien pour le site de Tell Aswad car cette culture, mieux
identifiée au Levant nord notamment à Dja’de el-Mughara, ne partage que peu de points communs
avec celle récemment identifiée au Levant central.
76
réel des animaux, chaque figurine de chèvre ou de bovidés représentant un
individu réel (ibid. ; Ayobi 2013, p. 305). Enfin, les cuvettes peuvent être aussi à
certains moments de l’occupation des zones de rejet (Stordeur 2003, p. 10).
77
2.6.4.2. Les ressources animales
L’étude des assemblages fauniques de Tell Aswad a permis d’identifier
plus d’une vingtaine de mammifères et un total de 26 espèces d’oiseaux. Parmi les
mammifères, la gazelle, représentée par deux espèces, et les caprins prédominent
(Helmer & Gourichon 2008, p. 121). Parmi les carnivores, peu fréquents, les
espèces identifiées concernent le loup, le chien, le renard, probablement deux
espèces de chats de petite taille, et le blaireau. Les équidés sont rares ainsi que les
lièvres et les rongeurs, les tortues et les reptiles. Quant aux oiseaux, ils sont très
fréquents dans la phase ancienne mais diminuent fortement au cours des phases
suivantes. La plupart des taxons sont représentés par les canards (ibid., p. 141).
Enfin, les poissons sont relativement fréquents dans les phases ancienne et
moyenne mais leur proportion se réduit par la suite.
78
est également signalée. Enfin, les pointes dites « d’Aswad » sont typiques du site
éponyme.
79
2.6.6.2. Pratiques funéraires et rituelles
Les découvertes concernant les pratiques funéraires sont parmi les plus
spectaculaires à Tell Aswad. Elles permettent de nous éclairer sur la richesse et la
complexité des activités rituelles, cultuelles et symboliques dans le PPNB du
Levant sud. L’étude des restes humains et des pratiques funéraires est en cours
dans le cadre d’une thèse doctorale (R. Khawam), mais un certain nombre de
résultats ont déjà fait l’objet de publications (Stordeur 2003a ; Stordeur et al. 2006 ;
Stordeur & Khawam 2007 ; Stordeur et al. 2010).
Au total, trois aires funéraires ont été mises au jour au nord du secteur B et
en marge des habitats néolithiques du site. La première aire est du niveau B2 de la
fin de la phase moyenne, la seconde est du niveau B0 (phase récente) et la
troisième est du dernier niveau, B-5 de la phase récente. La première et la
troisième aires sont celles ayant livrés les neufs crânes surmodelés du site (ibid.).
De manière générale, les défunts sont peu ou rarement parés à Tell Aswad.
Les objets de parure que nous avons étudiés ne proviennent pas uniquement du
secteur funéraire mais aussi de tous les autres contextes archéologiques : habitats,
sols extérieurs, sols et espaces de l’aire funéraire, cuvettes, fosses, etc.
80
Partie II
RÉFLEXIONS, MÉTHODES
ET PROTOCOLES D’ETUDE
81
82
Introduction
83
naturels peuvent agir à des moments divers et transformer la matière jusqu’à un
certain degré d’intensité. Les actions de la nature peuvent provoquer des
stigmates très semblables à ceux produits par l’homme durant la fabrication ou
encore durant l’usage. Certains de ces stigmates sont aujourd’hui bien connus : e.g.
les perforations provoquées par des mollusques prédateurs tels que les Muricidae
et les Naticidae (D’Errico et al. 1993) ; les rainures profondes entourant les racines
des dents des bovinés provoquées par le frottement des herbes riches en
silice (Gourichon comm. pers) ; les patines luisantes sur certaines roches siliceuses
enfouies dans des sédiments riches en souffre (e.g. Meeks et al. 1982).
Nous avons fait le choix de ne pas nous attarder sur la présentation des
différentes stigmates et traces naturels et taphonomiques mais simplement de les
prendre en compte dans notre étude lorsqu’il est possible de les identifier. En effet,
notre cadre méthodologique sera principalement focalisé sur l’action de l’homme.
La partie II est le fruit d’un travail de réflexion qui a abouti dans certains
cas à la réalisation de protocoles d’observation et d’analyse adaptés au matériel
étudié. Bien que les méthodes d’étude que nous proposons soient imprégnées du
corpus étudié, notamment en ce qui concerne l’identification des matériaux,
l’identification et le classement de certaines traces techniques et d’usure, nous
avons voulu les concevoir de manière à ce qu’elles puissent être applicables, dans
une certaine mesure, à des objets d’autres corpus archéologiques fabriqués dans
des matériaux comparables.
84
Chapitre 3. Acquisition : Matières premières,
identification et origines
Les travaux sur les matières premières exploitées au cours des périodes
préhistoriques au Proche-Orient concernent essentiellement les roches siliceuses
dans le domaine de l’industrie lithique. Des avancées spectaculaires ont eu lieu
depuis maintenant plus de deux décennies concernant la provenance de
l’obsidienne et les chercheurs arrivent désormais à identifier avec une grande
précision les gîtes d’origine des objets trouvés sur les sites archéologique (Cauvin
M.-C. 1991 ; Gratuze et al. 1993 ; Cauvin & Chataigner 1998 ; Delerue 2007).
85
provenance du lapis-lazuli (Casanova 2013), la cornaline ou des coquillages et leur
circulation au Proche-Orient (Quenet 2008).
86
1985, p. 12, Fig. p. 28). Il est intéressant de noter qu’à Nahal Hemar, les objets de
parure en matières organiques sont plus nombreux que ceux en coquillages ou en
pierres.
La question des matières premières est abordée selon deux axes. Le premier
concerne les critères qui déterminent le choix d’une matière et qui sont tributaires
de facteurs esthétiques (formes, couleurs et aspects de la surface), mécaniques
(aptitude à la transformation), économiques (accès, rareté/abondance) et
socioculturels (valeur symbolique). Le second axe traite de la détermination de
l’origine de la matière (autochtone ou allochtone) et des modalités de son
acquisition (directe, dons, échanges, achats).
Ces deux axes sont complémentaires, dans le sens que le choix d’une
matière peut être motivé par son origine, et inversement l’origine d’une matière
peut influencer certains facteurs de choix.
87
Les matières premières seront présentées selon leur appartenance au
monde végétal, animal ou minéral.
Comme dit plus haut, aucun objet en matière végétale n’a été documenté
dans le matériel étudié. Il est toutefois important de prendre en compte cette
catégorie d’objets préservés, en vue du nombre grandissant des découvertes dans
le monde entier (e.g. sites palafittiques en Europe, sites désertiques en Orient et en
Afrique).
Dans certains cas, nous avons observé la présence de fibres libres ou sous
forme de fragments de cordelettes torsadées dans la perforation de certaines perles
ou sur les extrémités de certaines coquilles de cyprées du site de Tell Halula7.
Une grande gamme de matières utilisées pour les objets de parure étudiés
appartient au règne animal. Ces matières, de consistance solide, sont appelées
« matières dures d’origine animale »8. Elles correspondent aux ossements des
vertébrés : os, dents (y compris l’ivoire), bois de cervidés, chevilles osseuses.
S’ajoutent les coquilles d’œuf d’oiseau, les coquilles et autres tests d’invertébrés
(Poplin 2004, p. 11), les écailles et les carapaces de tortue (Le Dosseur 2006, p. 72).
Bien qu’un grand nombre de ces matières ait été employé dans la fabrication des
éléments de parure préhistoriques du Levant, celles qui concernent notre corpus
se limitent à l’os, aux dents et aux coquilles de mollusques.
7Cf. Fig.10.11.
8 Terme spécifique au domaine de la technologie par opposition aux parties molles de l’animal
(Poplin 1975, p. 15).
88
3.4.1. Les coquillages
9Les mollusques sont des animaux invertébrés composés de quatre parties anatomiques : la tête, le
pied, le sac viscéral et le manteau (Lindner 2005, p. 24).
89
3.4.1.2. Etat de conservation et moyens d’identification
Les conditions de conservation des coquillages dépendent de nombreux
facteurs taphonomiques avant et après leur collecte. Le degré de conservation peut
être mesuré par l’observation des couches successives qui composent leur
structure interne. Ainsi, avant d’étudier ces éléments, il est important d’évaluer
leur état. Pour cela, nous proposons quatre états de conservation basés sur
l’observation de la face externe :
90
Le travail d’identification que nous avons entrepris concerne
principalement la famille des Cypraeidae et celle des Neritidae. Pour la
comparaison avec d’autres corpus archéologiques, notre principale difficulté
concernant ces coquilles était l’absence d’une documentation descriptive et
illustrative des espèces identifiées. Dans le cas du Proche-Orient, les exemples
d’identification au niveau de l’espèce proviennent des sites du Levant Sud. Si les
listes des taxons identifiés sont couramment publiées, il n’en est pas de même
pour les descriptions, les illustrations et les photographies. En l’absence de ces
références, qui auraient facilité nos identifications, notre méthode a été la suivante.
En plus de nos observations directes sur le terrain, nous avons réalisé de
nombreux clichés photographiques macro- et microscopiques pour plus de 99%
des coquilles archéologiques examinées. Nous les avons ensuite comparés avec les
spécimens actuels de coquillages de la collection J. Cataliotti-Valdina11 et en nous
basant sur divers guides, e.g. « Cowries » de Jerry G. Walls & Taylor (1979), et sur la
littérature malacologique12, notamment les travaux de E. L. Heiman (2003 ; 2009 ;
2012), dont le livre « Cowries of East Sinai » (2002) nous a été d’une grande utilité.
Mollusques Marins d'Europe (CLEMAM) créée par le Muséum national d'Histoire naturelle de
Paris (laboratoire de Biologie des invertébrés marins et malacologie).
http://www.somali.asso.fr/clemam/index.clemam.html
91
A. Classe des Gastropoda
Il s’agit de la classe la plus importante parmi les mollusques. La coquille de
ces animaux est généralement enroulée en spirale sur son axe central (sauf pour
les patelliformes qui sont en forme de chapeau chinois).
92
dimensions moyennes sont de 25 sur 20 mm pour les spécimens provenant de la
Mer Rouge.
Les Theodoxus sont représentés en Syrie et dans le Levant sud par un petit
nombre d’espèces dont certaines vivent en colonies dans les ruisseaux, les marais
et les lacs (Germain 1921, p. 511). Theodoxus jordani est une espèce très répandue
dans quelques régions levantines mais plutôt au centre et au sud, c'est-à-dire près
du lac du Tibériade, du lac de Homs, du fleuve Jourdain (ibid., p. 515). En
Mésopotamie, Theodoxus jordani est remplacé par Theodoxus euphratica (ibid.,
93
p. 516). Theodoxus macrii est très répandue dans toute l’Asie Mineure. En Syrie, il
est commun dans presque tous les cours d’eau et les sources mais beaucoup moins
abondant dans les lacs et dans le fleuve Jourdain au sud. Il atteint ses plus grandes
dimensions dans les sources chaudes sur les bords de la mer Morte en Jordanie
(Germain 1921, p. 518).
Critères d’identification
L’identification des espèces de cauris du corpus s’est déroulée en deux
étapes. Lors de la première étape, une liste des espèces potentielles a été élaborée.
Cette liste comprend les 5 espèces de la mer Méditerranée, une vingtaine d’espèces
de la Mer Rouge et quelques espèces indopacifiques mentionnées dans la
littérature archéologique (Mienis 1988, p. 47 ; Reese 1991, p. 162 ; Bar-Yosef Mayer
1991, p. 630-632 ; 1997, p. 99 ; 2005, p. 179 ; Prieur 2005, p. 160 ; Quenet 2008). Nous
avons par la suite procédé par élimination des espèces dont la morphologie ou les
dimensions sont très distinctes de celles des formes et des dimensions des cyprées
archéologiques du corpus. Ainsi, une liste préliminaire a été établie. Elle
comprenait trois espèces certaines : Erosaria nebrites, Erosaria turdus et Luria lurida,
et deux probables : Erosaria spurca et Luria pulchra.
94
La seconde étape consistait à vérifier la liste préliminaire et à la valider ou
la modifier. Pour cela, les 5 espèces ont été décrites en détail et chaque cyprée du
corpus a été soumise à un examen de comparaison avec les espèces décrites.
Quand ces critères correspondaient à ceux d’une des espèces, celle-ci a été validée
comme telle. En fin de compte, les trois espèces certaines furent confirmées, une
espèce probable fut exclue (Luria pulchra) tandis que l’autre espèce probable
(Erosaria spurca) demeure incertaine car elle concerne des coquilles fragmentaires.
La taille et la forme
Le profil
3- Dorsum : vu depuis l’un des bords latéraux, le dorsum peut être convexe
ou bossu.
4- Base : elle peut être convexe ou plate selon si elle est vue depuis le bord
latéral, labial ou columellaire.
95
Les bords latéraux et la spire
7- Spire : la spire est généralement absente ou très peu développée sur les
coquilles des Cypraeidae. Très proche de l’extrémité postérieure, elle peut être
légèrement sortante et pointue, absente, plate ou en dépression.
La base
10- Lèvre labiale (ou labrale) : c’est la lèvre externe et elle peut être sub-
droite, arquée ou en double arc.
96
15- Nombre : il s’agit d’un comptage simple et non normalisé14.
16- Forme de l’arête terminale « terminal ridge » : elle est située avant la
première dent columellaire, près du canal antérieur, et elle peut être, selon les
distinctions de Heiman (2011, p. 29), creuse, alignée au canal antérieur et fondue,
oblique ou trifide.
Les Extrémités
20- Les extrémités peuvent être peu développées (vues depuis la face
dorsale, elles ne semblent pas se détacher beaucoup du reste de la coquille) ou très
développées (protubérantes).
14 Il existe une méthode de comptage de dents recommandée par les deux célèbres malacologues
ayant beaucoup travaillé sur les cyprées (les Shilders). Cette méthode « normalized teeth count »
consiste à recalculer les dents par rapport à la largeur universelle de la coquille qui est de 25 mm.
Celle-ci pourrait être utile afin de comparer des populations de cauris d’une espèce dans laquelle
les coquilles varient considérablement en taille. D’après E. L. Heiman, les auteurs n’ont pas
présenté l’avantage de l’efficacité de cette méthode en la comparant avec celle du comptage des
dents non normalisé (Heiman 2002, p. 24-25).
97
24- Motifs sur les bords latéraux (tâches marginales, traits, bandes, points),
leurs couleurs et leur disposition ;
25- Motifs sur la base (tâches, traits, points), leurs couleurs et leur
disposition.
L’ensemble de ces caractères ne peut, bien entendu, être observé sur les
coquilles archéologiques compte tenu des modifications qu’elles ont reçues (en
l’occurrence la suppression du dorsum sur presque la totalité du corpus), de leur
degré d’altération lié à l’usure, à l’érosion et à d’autres phénomènes
taphonomiques (provoquant dans presque la plupart des cas la disparition de la
couleur et du décor naturel). Les caractères qui ont pu être examinés sur les
spécimens archéologiques sont ceux portant les numéros allant de 1 à 20 à
l’exception du 3 (dorsum). Les caractères 21 et 22 n’ont pu être relevés sur aucun
élément et les caractères 23 à 25 ont été observés dans de très rares cas de cyprées
présentant un état de conservation excellent ou bon. Le grand nombre de
paramètres observés (Tabl. 3.1 et 3.2) permet par conséquence d’atteindre un haut
niveau de certitude quant à l’identification des spécimens archéologiques.
Espèces identifiées
Erosaria nebrites (Melville, 1888)
Cette espèce (Fig. 3.3g-i) vit dans la Mer Rouge, le golfe d’Aden et la Mer
d’Arabie (Oman). Il existe une quinzaine de formes (variétés) connues
actuellement (Heiman 2002 ; 2005, p. 1).
98
columellaire. Avec la forme de l’aperture, les dents d’E. nebrites sont très
caractéristiques et permettent dans le cas de spécimens archéologiques, une
identification de l’espèce sans équivoque. Les dents columellaires sont épaisses,
débordantes mais parfois étendues, et sont très marquées et disposées sur une
surface en pente. Les dents labiales sont généralement très épaisses, étendues sur
la moitié voire plus de la surface labiale. Enfin, le nombre des dents labiales (entre
13 et 16) est toujours plus élevé que celui des dents columellaires (entre 11 et 15).
99
nebrites comme une espèce propre et non pas comme une sous-espèce d’E. erosa
(Heiman 2002, p. 99).
100
Le décor naturel de cette espèce est simple et il concerne généralement le
dorsum et les bords latéraux. Sur un fond gris, beige à blanc, des points de couleur
marron claire ornementent la partie du dôme du dorsum et d’autres de couleur
marron foncé, plus grands que les précédents, sont observables sur les bords
latéraux. Des motifs en traits courts, perpendiculaires à l’axe de la cyprée, peuvent
être observables sur la zone du dôme du dorsum sans qu’ils ne soient facilement
distinguables.
La coquille de cette espèce est reconnaissable par sa grande taille qui atteint,
pour les spécimens actuels, plus de 50 mm de longueur pour une largeur peu
développée. Elle évoque à notre sens la papaye (Fig. 3.3e-f). Elle est l’une des rares
espèces originaire de la mer Méditerranée avant l’introduction, par migration, de
nouvelles espèces de la mer Rouge via le canal de Suez (pour ce sujet, voir Boyer &
Simbille 2005 ; Ben Souissi & Zaouali 2007, p. 435). Son test est fin et elle est
relativement légère (par rapport aux cyprées du genre Erosaria). Le dorsum est très
grand et cache les bords latéraux quand il est vu d’en haut. Les fossettes sont
inexistantes pour le genre Luria. La spire est présente mais dans une dépression
circulaire en partie coupée par l’extrémité postérieure. Les extrémités sont
développées, l’aperture est étroite près du canal antérieur et écartée près du canal
postérieur. La lèvre columellaire est courbe et la labiale est arquée. La fossula est
large et porte entre 3 à 6 dents sur le bord interne. La suture columellaire est lisse.
Sur la lèvre columellaire, l’arête terminale est creuse et l’arrière du sommet est
épaissi. Les dents columellaires et labiales sont fines, espacées et leur disposition
est restreinte au bord de chaque lèvre. Les dents labiales (entre 22 et 26) tendent à
être plus nombreuses que les dents columellaires (entre 20 et 24).
Le décor naturel de L. lurida est simple. Le dorsum et les bords latéraux sont
généralement d’une couleur unie qui varie entre le beige et le marron foncé en
passant par l’orange clair (caramel) et le gris. Deux bandes de couleur plus claire
que celle du dorsum sont disposées parallèlement l’une à l’autre et
perpendiculairement à l’axe de la coquille. Une distance d’un cm environ sépare
ces deux bandes épaisses chacune de 3 à 6 mm. Leur couleur ne contraste pas
toujours avec la couleur du dorsum. Par conséquent, leur distinction n’est pas
101
toujours aisée. En vue dorsale, les extrémités ont une couleur plus claire que celle
du dorsum. Elles sont ornées de deux taches terminales de couleur marron
foncé/noire, ornementation caractéristique qui permet souvent d’identifier cette
coquille au moins au niveau de son genre. Ces taches ont pu être observées sur le
matériel archéologique permettant plus de précision dans l’identification. La base
est de couleur beige/blanc sauf près des extrémités où elle est de la même tonalité
que le dorsum. Elle est de couleur toujours plus claire que celle du dorsum,
généralement de tonalité jaunâtre, claire près de l’aperture, et plus foncée près des
bords latéraux et des extrémités.
Une espèce du même genre habitant la Mer Rouge pourrait être confondue
avec L. Lurida. Il s’agit de Luria pulchra Gray, 1824 (Tabl. 3. 1) très semblable en
couleur, motifs, dimensions et morphologie excepté pour la forme des dents et
leur couleur. Celles-ci sont extrêmement fines et l’on peut à peine les sentir au
toucher. Elles sont visibles notamment par leur couleur, marron foncé à orange
claire, qui contraste fortement avec la couleur de la base. Leur nombre est
également nettement supérieur aux dents de L. lurida (entre 29 et 34 dents pour les
deux lèvres).
102
représentée dans notre corpus : Nassarius gibbosulus Linnaeus, 1758. Cette petite
coquille de forme ovalaire au profil semi-sphérique est solide et épaisse. Avec un
test lisse de couleur brun clair, elle mesure entre 12 et 18 mm de hauteur et a un
apex pointu. Sa callosité columellaire couvre tout le devant de la coquille. Sa
couleur est blanchâtre, marron avec des lignes rougeâtres sur les marges de la
coquille.
Il s’agit d’une petite coquille pointue dont le dernier tour est renflé et
occupe la moitié de la hauteur totale, comprise généralement entre 10 et 20 mm.
Son ouverture naturelle est en fente, bordée d’un labre ourlé et onduleux. Son test
est brillant, blanc et brun, et orné de flammules rousses sur fond blanc crémeux.
Cette coquille est assez commune en Méditerranée.
103
plupart des cas d’une valve convertie en objet de parure. Dans notre corpus,
l’utilisation des valves se limite à une douzaine d’éléments appartenant à trois
familles taxonomiques : la famille des Unionidae, la famille des Cardiidae et la
famille des Glycymerididae.
104
Au total, six familles sont attribuées à cette classe, la plus connue étant celle
des Dentaliidae. Au Proche-Orient, les espèces les plus exploitées appartiennent à
deux genres : Antalis et Dentalium. Le premier est propre à la mer Méditerranée
tandis que le second se trouve plus communément en mer Rouge (Steiner & Kabat
2001). Le corpus étudié contient très peu de coquilles de dentales. La
transformation très poussée de certaines d’entre elles (tronçonnage en petites
rondelles) ainsi que leur état d’usure, très développé dans certains cas, a
compliqué l’identification taxonomique. Nous nous référons aux espèces non
déterminées par Dentalium sp., nom dont l’utilisation est courante en archéologie
(Bar-Yosef Mayer 2008, p. 104) sans que cela ne désigne une origine de la mer
Rouge.
105
chaque lamelle et perpendiculaires aux fibres des lamelles adjacentes. Les cellules
osseuses (ostéocytes) sont disposées entre et à l’intérieur des lamelles osseuses.
Chaque cellule est disposée dans une cavité (ostéoblaste). Ces ostéoblastes
communiquent entre eux ainsi qu’avec l’espace médullaire par de fins canalicules
(ibid., p. 42).
106
Les os plats sont l’omoplate, le pelvis, les côtes et le crâne. L’omoplate et les
côtes sont formées d’une partie centrale et de deux extrémités dont seulement une
présente des surfaces articulaires.
La racine des dents se prête bien au travail d’abrasion alors que l’émail,
extrêmement minéralisée, jusqu’à 97%, est plus difficile à travailler, notamment à
entamer (Le Dosseur 2006, p. 97). La racine, moins minéralisée que l’émail, est par
conséquent plus facile à travailler.
Peu de dents ont été utilisées pour la confection d’objets de parure dans les
sites étudiés. Il s’agit majoritairement de défenses de sanglier mâle et, pour un cas,
d’une première incisive de bovidé. Les craches de cerfs et les canines de carnivores
(renard, loup, hyène, etc.) ont été utilisées pour les éléments de parure durant le
107
Paléolithique, le Natoufien et le Néolithique au Levant (Le Dosseur 2006, p. 80)
mais sont totalement absentes dans notre corpus.
Les canines de sanglier sont des dents à croissance continue. Ainsi, leur
racine n’est pas distincte. La dent se présente comme une très haute couronne avec
une base et un sommet ou pointe (Poplin 2004, p. 12). De section triangulaire, trois
faces peuvent être distinguées : la face linguale, la face latérale ou vestibulaire, et
la face postérieure. La première est généralement la plus large et est émaillée. La
couche d’émail recouvre également la seconde.
3.4.2.5. Identification
L’identification des matières osseuses consiste à déterminer la partie
anatomique du squelette ainsi que son identité taxonomique au niveau de l’espèce
dans le meilleur des cas. L’identification se fait à l’œil nu, ou à la loupe binoculaire
à faible grossissement si nécessaire.
108
corpus, nous avons rajouté trois autres classes : la classe E qui est propre aux
oiseaux ; la classe F concerne les poissons ; et enfin, la classe G concerne l’humain.
De même, nous avons créé des sous-classes à l’intérieur de certaines, le but étant
de regrouper de manière rationnelle des éléments qui ont été déterminés au
niveau spécifique ou générique et des éléments qui n’ont pu être déterminés aussi
précisément mais dont les caractéristiques donnent des informations sur le gabarit
de l’animal, voire sur la famille ou l’ordre auquel il appartient. Ainsi, trois sous-
classes sont distinguées pour la classe A : A1 regroupe les bovins (aurochs, bœuf) ;
A2 regroupe les équidés (hémione, âne, cheval) ; A3 concerne le cerf. La classe B
contient deux sous-classes : B1 est propre au daim ; B2 correspond au sanglier (ou
au porc). Deux classes également sont distinguées pour la classe C : C1 et C2 ; la
première regroupe les caprinés (mouton, chèvre, égagre, ibex) tandis que la
seconde réunit la gazelle et le chevreuil. La classe D est subdivisée en D1 et D2 : la
première regroupe les carnivores de taille renard (renard, blaireau) et la seconde
concerne les lagomorphes (lièvre). Trois sous-classes sont distinguées pour la
classe E : les oiseaux de grande taille (oie, grue, outarde, grand rapace) forment
E1 ; E2 regroupe les oiseaux de moyenne taille (canard colvert) et E3 correspond
aux oiseaux de petite taille (perdrix, sarcelles, corneille). Enfin, aucune sous-classe
n’a été créée pour les classes F et G.
3.4.2.6. Acquisition
L’acquisition des ressources animales dépend de plusieurs facteurs. Elle est
réalisée après un processus d’abattage et de préparation plus ou moins complexe
(Plisson 1993, p. 16) : « En ce qui concerne les ressources animales, les méthodes et les
techniques d’acquisition dépendent de l’animal considéré (invertébré ou vertébré ;
aquatique, terrestre ou aérien ; herbivore ou carnivore, etc.), des produits qui sont attendus
(ramure, lait, sang, fourrure, viande, etc.) et de ses rapports avec l’homme (à un premier
niveau de distinction : sauvage ou domestique). L’abattage précède généralement le
traitement du corps des vertébrés, le cas d’exception pour les mammifères étant la traite, la
saignée et la tonte. La mort résulte le plus souvent, pour les formes sauvages, de leur mode
de capture. L’acquisition s’achève alors par la production d’un cadavre ».
109
Les types d’os et les parties anatomiques utilisés pour la fabrication des
objets de parure du corpus ont pu être simplement prélevés sur des squelettes
sans recours à des actions requérant une grande force ou à des techniques
complexes d’extraction, sauf peut-être pour les canines de sangliers. En effet,
d’après Y. Maigrot (2003, p. 64), « Les canines, à section triangulaire et qui vont en
s’élargissant vers la racine, sont très difficiles à arracher. Nos propres expériences nous
avaient conduit à concasser l'os de la mâchoire à l'aide d'un percuteur pour pouvoir les
extraire (…). Cette opération, simple et rapide, laisse d'irréversibles dommages sur la
mandibule ». Ainsi, la présence ou l’absence de traces d’arrachement sur les
mandibules pourrait donner des indices sur les modes d’extraction de ces canines.
Les restes de suidés sur les sites étudiés sont présents mais rares et souvent très
fragmentés. Pour cette raison, il est difficile d’identifier si leur fractures seraient
intentionnelles ou non (Gourichon, comm. pers.).
110
sein d’un minéral ou d’une roche. Quand le cristal est bien formé et que ses
proportions le permettent, il peut constituer le support d’un objet de parure. C’est
le cas par exemple des cristaux de quartz hyalin, utilisés abondamment dans le
Midi de la France au Néolithique final et au Chalcolithique (Barge & Carry, 1986).
Les roches sont des matériaux constitutifs des parties solides de la Terre et
des corps célestes. Elles sont constituées de l’agrégat de minéraux appartenant à
une ou à plusieurs espèces, qu’ils soient cristallins ou vitreux, et parfois, de
matériaux d’origine organique ce qui rend difficile la détermination des propriétés
physiques et chimiques (Korbel & Novak 1999, p.285). Les roches peuvent être
sous forme solide et cohérente (pierre, caillou), plastique (argile gonflé d’eau) ou
meuble (sable). Leur classification est complexe car elle est basée sur un grand
nombre de critères mais elles sont généralement divisées en trois catégories : les
roches sédimentaires, les roches magmatiques et les roches métamorphiques (cf.
Foucault & Raoult 2010, p. 310-311).
La distinction entre ces trois formes (cristal, minéral et roche) est importante
car elle peut donner des indications sur la provenance du matériau. Dans notre
corpus, les roches sont majoritaires. Les cristaux sont extrêmement rares tandis
que les minéraux sont souvent agglomérés au sein des roches.
111
3.5.1. Méthodes et techniques d’analyse
Les objets de parure en matières minérales sont parmi les plus nombreux
du corpus. Pour leur identification, nous avons eu recours à plusieurs méthodes et
techniques d’analyse allant de la plus simple à la plus compliquée en essayant de
nous adapter, notamment aux conditions d’accès au matériel15.
Dans un premier temps, tous les éléments ont été examinés à l’œil nu et/ou
à la loupe binoculaire afin de décrire leurs aspects visuels les plus
caractéristiques : la couleur, les teintes, l’éclat, la transparence/translucidité ou
l’opacité et l’aspect de la surface. Les caractéristiques visuelles de certains
matériaux sont diagnostiques et ne peuvent être confondues avec celles d’autres
matériaux. Ainsi, nous avons pu distinguer l’obsidienne, le quartz, la cornaline,
l’agate, l’améthyste, certaines turquoises, certaines stéatites (talcs) et les objets en
calcaire tendre (craie). Faute de pouvoir identifier les matériaux par des méthodes
physiques ou optiques, le test de dureté selon l’échelle de Mohs a été pratiqué
dans des rares cas. Ce test, qui mesure approximativement la dureté de la matière
selon une gradation progressive allant de 1 à 10, est peu précis16, notamment sur
des roches composées de différents minéraux dont la dureté est très variable.
15 Les matériaux qui sont sur le territoire syrien n’ont pas pu bénéficier d’analyses permettant leur
identification précise. Nous nous sommes basée sur les données acquises à partir des
caractéristiques visuelles et du critère de la dureté, parfois sur celui de la densité, afin de pouvoir
faire une approximation de leur famille minérale d’appartenance.
16 Pour rappel, la mesure de la dureté selon l’échelle de Mohs se déroule en rayant la surface avec
un matériau dont la dureté est connue. Si la rayure est marquée, la matière rayée est plus tendre
que celle du matériau rayant. Au contraire, si la surface n’a pas été marquée, cela signifie que la
dureté de sa matière est supérieure à celle de l’élément rayant. Ce test est fortement déconseillé
pour les matériaux friables ou les objets d’un intérêt muséographique. Dans le cas de son emploi, il
doit être effectué sur une zone restreinte de la surface en utilisant une loupe binoculaire afin de
contrôler l’étendue de la rayure.
17 Cette méthode consiste à verser une quantité donnée d’acide chlorhydrique (2HCl) diluée avec
112
de calcium composent également certaines structures solides d’origine animale
comme l’os, le corail et les coquilles. Mais heureusement, l’identification de ces
derniers est relativement simple quand leur matière n’est pas très transformée ou
détériorée.
18 Pour la technique de diffraction par rayons X, cf. Santallier et al. 1997, p. 57.
19 Technicien à l’Ecole des Mines de Paris à Sophia Antipolis.
113
3.5.2. Minéraux et roches du corpus
Dana » qui la classe parmi les oxydes car le quartz est un dioxyde de silice, et le « classement de
Strunz », qui la classe parmi les silicates étant donné que la silice est l’archétype des silicates.
114
p. 357). Dans le corpus, seulement certaines variétés colorées sont représentées :
l’agate et la cornaline. L’améthyste est identifiée au sein des roches
macrocristallines. Enfin, dans la famille de la silice, on compte également
l’obsidienne. Nous les présentons par la suite selon un ordre alphabétique.
Agate
L’agate est une variété de calcédoine formée d’une alternation de couches
d’épaisseurs variables, différant par leurs couleurs, leur degré de translucidité et
leur porosité. Les couleurs naturelles de l’agate sont le blanc laiteux, gris bleuâtre,
vert grisâtre, brun jaunâtre, rougeâtre et beaucoup plus rarement le vert ou le noir.
À ces couleurs il faut ajouter toutes les nuances intermédiaires entre ces
différentes teintes (Dietrich 1988, p. 12).
Améthyste
L’améthyste est une variété de quartz macrocristallin, transparent à opaque,
et dont la couleur englobe les nuances de violet, attribuées à des traces de fer
(Johnsen & Poirot 2006, p. 356). La couleur est rarement uniformément répartie
dans les cristaux. La chauffe peut décolorer ou donner une teinte jaune-brunâtre
ou brun-rougeâtre à l’améthyste. La dureté est de 7 et l’éclat est vitreux à gras
(Dietrich 1988, p. 16).
Cornaline
La cornaline est une variété de calcédoine uniformément colorée dans les
teintes rouges. La coloration rouge orange peut être d’origine naturelle, due à la
présence d’hématite Fe2O3 colloïdale finement dispersée (Dietrich 1988, p.43). Mais
elle peut être également jaune et, grâce au traitement thermique, atteindre cette
coloration rougeâtre (Apter et al. 1988).
115
Cristal de roche : quartz
L’appellation cristal de roche est d’usage commun. Ce n’est pas une variété
de quartz mais simplement du quartz à l’état pur dont les cristaux sont bien
formés. Ces cristaux sont incolores et transparents. Le système cristallin est
rhomboédrique, la dureté est de 7 et l’éclat est vitreux à gras (Dietrich 1988, p. 43).
Obsidienne
L’obsidienne est une roche magmatique effusive entièrement vitreuse et
brillante. Son refroidissement ayant été trop rapide, elle n’a pas eu le temps de
cristalliser (Pough 1979, p. 21). Sa couleur varie entre le noir, le gris le vert foncé, le
marron, le jaune et sa dureté est comprise entre 5 à 5.5 sur l’échelle de Mohs.
116
La calcite, ou les carbonates de calcium, est un minéral fragile facilement
clivable qui a une dureté de 3 sur l’échelle de Mohs. À éclat vitreux, parfois
légèrement nacré ou irisé sur les faces de clivage, il est incolore ou transparent à
l’état pur mais peut également être de différentes couleurs (jaune, brun, rose, bleu,
gris, etc.) selon l’importance des substitutions chimiques et/ou la présence
d’inclusions solides telles que la malachite, l’hématite, le chlorite, etc. (Dietrich
1988, p.33). L’aragonite est très semblable à la calcite en dureté et en couleurs, et a
la même formule chimique. Elle se différencie d’elle par son système cristallin
(Dietrich 1988, p18). L’aragonite se trouve généralement dans les mêmes
gisements que la calcite, mais en cristaux isolés ou en petits amas. Elle est présente
dans de nombreuses coquilles d’invertébrés. Enfin la dolomite est à clivage parfait,
son éclat vitreux et sa couleur variable, souvent blanche ou jaunâtre à brunâtre
(ankérite avec présence de Fe se substituant plus ou moins à Mg) (Foucault &
Raoult 2010, p. 59).
Les roches carbonatées sont classées en deux types : les calcaires et les
dolomies. Dans le premier, la roche est constituée à plus de 50% de calcite ou
d’aragonite et elle réagit à l’acide chlorhydrique dilué (Foucault &t Raoult 2010,
p. 54). Dans le second, elle est constituée de plus de 50 % de dolomite et ne réagit
pas à l’acide chlorhydrique (ibid., p. 113).
Malachite Cu2(CO3)(OH)2
La malachite, ou carbonate de cuivre, est un minéral qui appartient aux
hydrocarbonates et qui se présente très rarement en cristaux individualisés bien
formés. On le trouve généralement en enduits plus ou moins épais ou en croûtes.
Sa couleur est vert foncé de différentes nuances, notamment dans les masses à
structure zonée, et il est translucide à opaque. Son éclat adamantin tendant au
vitreux pour les cristaux et les variétés fibreuses a un aspect plus ou moins soyeux
ou velouté. La dureté est entre 3.5 à 4 sur l’échelle de Mohs et il réagit à l’acide
chlorhydrique dilué (Dietrich 1988, p. 74).
117
3.5.2.3. Les sulfates
Les sulfates constituent un large groupe de minéraux, des sels et esters de
l’acide sulfurique (Johnsen & Poirot 2006, p. 94).
Gypse CaSo4·2H2O
Le gypse est un sulfate hydraté de calcium. C’est un minéral qui se forme
presque uniquement dans les bassins ou les lagunes, où l’évaporation aboutit à la
concentration puis à la précipitation des différents sels en solution dans l’eau. Il se
clive très facilement et il est d’une dureté de 2 sur l’échelle de Mohs. Il est incolore
quand il est pur mais parfois il prend des teintes variées (blanc, rose, jaune, vert,
gris, etc.) en fonction de la présence des impuretés.
Le gypse est souvent associé à d’autres minéraux tels que l’halite (un sel),
l’anhydrite, le soufre, la crandallite, etc. (Dietrich 1988, p. 62-63).
A. Turquoise CuAl6[(PO4)4(OH)8]·4H2O
La turquoise est un minéral d’altération des régions arides, souvent associé
à la limonite et à la calcédoine. Elle forme des veines, veinules ou mouchetures
dans des roches éruptives. Sa cassure est légèrement conchoïdale et elle est
fragile : d’une dureté de 5 à 6 sur l’échelle de Mohs (Johnsen & Poirot 2006, p.248)
pour les turquoises de qualité et de 4.5 lorsqu’elle est poreuse. La couleur est bleu
ciel, vert bleuté à vert pomme et parfois gris verdâtre, à éclat légèrement cireux,
translucide à opaque (Dietrich 1988, p. 112 ; Johnsen & Poirot 2006, p.248). Les
variations dans les couleurs des turquoises peuvent être liées à une provenance de
118
différents gisements mais elles peuvent aussi être expliquées par des degrés
d’altération visibles21.
B. Variscite Al(PO4)·2H2O
Ce minéral est un phosphate d’aluminium hydraté. Opaque ou légèrement
translucide, il est d’un vert relativement soutenu, parfois un peu bleuâtre avec un
éclat mat, ou de couleur vert pomme et d’éclat cireux. La dureté sur l’échelle de
Mohs est variable en fonction de la structure du minéral et de son degré
d’altération, allant de 3.5 à 5.5 (Dietrich 1988, p. 116).
119
p. 333). De dureté allant de 3 à 5, ils ont une couleur habituellement verdâtre,
souvent marbrée, parfois nuancée de jaune, brun, rouge ou gris. L’éclat est gras et
soyeux pour les amas fibreux. Elle est opaque à translucide. Il existe une
ambiguïté dans l’utilisation du terme serpentine, qui représente pour les
minéralogistes une famille de minéraux mais pour les pétrographes une roche
formée de ces mêmes minéraux. Afin de distinguer la roche de serpentine des
minéraux qui la composent, le terme « serpentinite » est employé (Dietrich 1988,
p. 105 ; Foucault & Raoult 2010, p. 232). Cette roche dérive des roches
magmatiques basiques et ultrabasiques soit par altération, soit par
métamorphisme. Outre les minéraux qui la composent, la serpentinite contient
également de l’oxyde de fer. La roche est compacte, assez tendre, verte avec des
tons variés, sombres et claires en plages irrégulières rappelant la peau de serpent
d’où elle tient son nom (Foucault & Raoult 2010, p. 232). Parmi les échantillons
analysés par diffraction, seulement un s’est avéré être de la serpentine, associée à
de la calcite. Mais d’après leurs couleurs, éclats, duretés et aspects de surface, un
certain nombre d’objets du corpus pourraient avoir été confectionnés en
serpentinite.
B. Minéraux argileux
Ces minéraux sont finement grenus, constitutifs de roches pouvant
absorber de considérables quantités d’eau en gonflant (Johnsen & Poirot 2006,
p. 334). La kaolinite [Al4(Oh)8][Si4O10] a pu être identifiée dans le corpus, à l’état
« cru », c'est-à-dire non chauffée ou chauffée à moins de 400 à 500°C, température
de déshydratation du minéral (Santallier et al. 1997, p. 60).
120
d’oxyde de fer (Santallier et al.1997, p. 60). O. Johnsen mentionne que le fer se
substitue parfois au magnésium (Johnsen & Poirot 2006, p. 337), la couleur n’est
donc plus rouge mais verdâtre ou bleuâtre. L’éclat du talc est gras au toucher et
nacré notamment sur la face de clivage. C’est le minéral type de dureté 1 sur
l’échelle de Mohs. Bien qu’il soit de faible dureté, sa variété cristalline est très
compacte et sa présence dans une roche lui donne une grande ténacité, se prêtant
donc bien à la taille d’objets divers (Dietrich 1988, p. 110). Le talc est identifié dans
les échantillons analysés du corpus soit seul, soit en association avec de l’hématite,
responsable de la couleur rouge.
121
E. Amazonite K(Al,Si3O8)
L’amazonite est une variété de feldspath, précisément de microline
(Dietrich 1988, p. 14), de couleur vert pomme à vert émeraude, fruit de la présence
de traces de cuivre. La surface est couverte d’un réseau de très fines lamelles de
couleur blanc, caractéristique de ce matériau (Hauptmann 2004, p. 174). La dureté
de cette roche est de 6.5 sur l’échelle de Mohs.
122
3.5.3. Origines et acquisition
Ce point est largement discuté dans la partie IV22 (cf. Chapitre 13). Certains
matériaux qui présentent des liens génétiques par leur lieu de naissance commun
peuvent être regroupés en plusieurs groupes pétrographiques (Santallier et al.
1997). Il est ainsi plus facile de localiser leur répartition géologique (bassins
sédimentaires, massifs montagneux, etc.). Plusieurs groupes sont distingués :
Les ophiolites : ils regroupent les chlorites, les talcs et les serpentines en
raison de leur composition en magnésium, nickel et chrome. Leur gîtes sont
nombreux et présents uniquement au nord de la Syrie : dans différentes régions de
l’Anatolie et dans la région d’Alexandrette, au Baër-Bassit au nord-ouest de la
Syrie. Des gisements sont également présents au sud-ouest de Chypre.
Les carbonates : ils regroupent les matériaux clairement issus des roches
sédimentaires. Il s’agit des carbonates, des gypses « avec éventuellement un
accompagnement de quartz, de halite et peut être d’argiles » (ibid, p. 61).
123
n’est pas signalée pour les gisements syriens et nous ignorons si elle peut être
originaire des gisements en phosphate turcs. Bien qu’appartenant au groupe des
carbonates, la malachite, du fait que son composant principal soit le cuivre, est
donc à chercher dans les zones de répartition du cuivre, souvent dans les mêmes
que celles des phosphates. C’est le cas pour l’Anatolie (Hauptmann 2004, p. 171)
mais aussi dans mines de Faynan près de la Mer Morte en Jordanie, au Sinaï et à
Chypre.
Les matériaux que l’on peut considérer comme « autochtones », sans pour
autant écarter la possibilité d’une provenance lointaine, sont les carbonates ainsi
que tous types de minéraux et roches, relativement durs, ayant été charriés par les
cours d’eau jusqu’aux microrégions des sites étudiés. Quant aux matériaux
« allochtones », ce sont les ophiolites, les phosphates, les amphiboles, la malachite,
l’obsidienne, l’améthyste et toutes les variétés colorées de calcédoines (cornaline,
agate et chrysoprase).
124
Chapitre 4. Conception : Formes et types
Il est question ici de la chaîne de transformation mais dans ses tous débuts,
soit la conception, c’est-à-dire le projet que l’artisan cherche à réaliser.
Pour ce faire, il était indispensable de créer une base théorique solide sur la
méthode de description de l’élément en tant que volume d’abord mais aussi en
tant qu’ornement.
125
La typologie des objets de parure ne peut pas être établie sans définir au
préalable un système de description. Selon nous, ce système doit reposer sur des
critères morphologiques appropriés tels que la forme du contour, le volume, la
couleur, le décor, la perforation et son intégration au sein du volume, etc. Les
aspects liés aux techniques de fabrication ou aux fonctions de l’objet ne font pas
partie des critères de classification primaires. Nous considérons qu’une
description correcte des objets doit prendre en compte l’objet à l’état « fini », état
qui reflète l’intention initiale de l’artisan, et non pas les moyens grâce auxquels
l’objet a été créé ou les fonctions pour lesquelles il a été créé.
23Cela reflète par ailleurs le dynamisme et l’importance de la recherche française dans le domaine
de la parure, notamment à partir des années 1970.
126
La première monographie sur les objets de parure en Europe date de 1920.
Son auteur, G. van Wetter, rassemble un certain nombre d’objets et les classe par
types (van Wetter 1920, cité par Alvarez-Fernandez 2006, p. 25).
24Il est également le premier à avoir utilisé le microscope optique pour l’étude de ces objets. C’est
d’ailleurs grâce à sa passion pour les microscopes et le perfectionnement des lentilles, que Beck
développa son intérêt pour l’histoire du verre, la parure en verre et, plus tard, pour tous les objets
de parure.
127
description de certains objets, il décide de traiter, séparément, la catégorie des
pendentifs à côté des perles. Selon lui, il suffit d’observer la perforation pour
différencier une perle d’un pendentif. Il rajoute à son corpus les sceaux, les
scarabées et les cylindres perforés alors qu’il est également difficile de les
différencier nettement des perles. En revanche, ces derniers objets ne seront pas
traités de manière détaillée, contrairement aux perles.
Une bonne description d’un objet de parure est celle qui prend en compte,
d’après Beck, à la fois sa forme, sa perforation, sa couleur, sa matière et sa
décoration. Mais Beck trouvait que l’implication de tous ces paramètres dans sa
classification rendait son usage difficile. Pour cela, il décide de privilégier le
paramètre de la forme. Il précise cependant que certaines perles classées dans les
deux premières catégories sont plus intéressantes pour leur décoration que pour
leur forme (Beck 1928, p. 1-2).
Les perles sont classées par la suite en fonction de leur profil en six familles
selon la présence de lignes droites, convexes et/ou concaves.
128
La division III concerne les types spéciaux de perles et de pendentifs. Beck
regroupe ici les objets ayant exactement les mêmes formes mais qui sont classés en
tant que perles ou pendentifs selon l’axe de perforation. Par exemple, une coquille
d’Olividae perforée selon son axe longitudinal est une « perle », alors que la même
coquille perforée sur une de ces extrémités devient un « pendentif ». Au total, 22
groupes appartiennent à cette division (XVII à XLVIII). Pour chacun, deux sous-
groupes sont représentés : A pour désigner les perles et B pour désigner les
pendentifs. Des familles et des classes sont distinguées par la suite (ibid., p. 11-50).
La perforation est traitée dans la partie III où il recense onze types (ibid.,
p. 51-52) : la perforation double conique ; la perforation réalisée depuis les deux
extrémités ; la perforation conique ; la perforation plane ; la perforation chanfrein ;
la perforation large ; la perforation tubulaire ; la perforation en V ; la perforation
sur coin (corner perforation) ; la perforation multiple sur le même plan et la
perforation multiple sur plusieurs plants (ibid.).
Dans la partie IV, il propose des méthodes pour décrire la couleur (ibid.,
p. 52). Et dans la partie V, il aborde les matériaux (ibid., p. 52-55) en les distinguant
en trois catégories : les matériaux naturels (pierres et cristaux, jais et autres
matériaux résineux, coquillage, bois, graines, moelle, paille, dents, ivoire, os,
corne, peau et cheveux) ; les métaux ; et les matériaux artificiels (verres, fritte,
faïence, porcelaine chinoise, poterie sans glaçure, terre, laque, cire, papier et autres
compositions).
Enfin, il consacre une grande partie, la partie VI, à la décoration qu’il décrit
en fonction des matériaux (ibid., p. 55-71).
129
Résumé et regard critique
25L’axe de perforation de Beck est une ligne imaginaire qui passe à travers le centre de la
perforation.
130
Dans les deux dernières divisions, des objets tels que les « sceaux
cylindriques », les « boutons » ou les « netsukes26 » sont inclus bien qu’ils soient de
natures et fonctionnalités différentes.
Enfin, l’auteur traite les perles de manière exhaustive tandis que les autres
catégories, notamment celle des « pendeloques », sont très peu développées et,
pour certaines, à peine mentionnées.
Mises à part les craches de cerf, les objets considérés par Leroi-Gourhan
sont de taille relativement grande. En effet, l’auteur laisse de côté, au moins dans
cet ouvrage, un certain nombre d’objets de parure, notamment ceux en coquillage
pourtant très nombreux dans le Paléolithique supérieur et le Mésolithique.
Estimant qu’il est difficile de faire une classification uniquement morphologique
ou chronologique, A. Leroi-Gourhan parle simplement de l’évolution chrono-
26 Le netsuke est un petit objet vestimentaire japonais fabriqué généralement en bois ou en ivoire
qu’on fixe à la ceinture par un système de contrepoids pour retenir des contenants de formes
diverses.
131
logique des types appartenant à chacune des trois catégories. Ainsi, pour la
catégorie des « pendeloques », il place les craches de cerf comme le point de départ
de cette évolution, au Châtelperronien, sans les considérer comme des véritables
pendeloques. Selon lui, les premières véritables pendeloques sont les « anneaux
découpés » en os ou en ivoire qui persistent jusqu’à la fin de l’Aurignacien sans
grande variation. À cette même période appartiennent les « pendeloques crantées »
en os ou en pierre qui ont des contours dentelés ou incisés. Il regroupe enfin un
certain nombre de plaquettes ovales dans la catégorie des pendeloques et il fait
une synthèse concernant le décor observé sur les différents types. Le décor est à
inspiration nettement sexuelle dans l’ensemble (ibid., p. 93-94).
Quant à la catégorie des « contours découpés », elle est particulière car elle
s’inscrit dans une période et une région précises : le Magdalénien moyen évolué
entre la Dordogne et les Pyrénées. La plupart de ces contours sont des
représentations de tête de cheval contenant une ou deux perforations.
132
presque optimale de toutes les parties du corps de l’animal. La tête par exemple,
riche en matière grasse et en protéines, sera fracturée en vue de sa consommation.
Les dents sont récupérées pour fabriquer des outils. De la même façon, certains
coquillages sont utilisés en guise de récipients ou de racloirs. Plus tard, au cours
du Paléolithique moyen, l’homme exploite ces déchets pour les convertir
également en objets porteurs de sens (ibid, p. 21-22). Y. Taborin, suivant l’idée
d’une confrontation de l’homme à son milieu, établit une classification qui débute
par une séparation nette entre les formes naturelles et les formes transformées de
ces objets.
Bien que l’auteur s’intéresse aux divers objets de parure, la typologie qu’elle
élabore concerne uniquement les coquillages. Elle distingue ainsi « les coquilles
entières simplement percées » et « les objets façonnés en test » (Taborin 1974, p. 128).
Dans le second groupe, celui des objets façonnés en test, deux catégories sont
distinguées par la spécialiste : « les objets plats » et « les objets épais ». La première
est composée des « pendeloques » et des « disques » tandis que la seconde contient :
1- « les perles cylindriques longues », 2- « les spondyles entaillés et biforés », 3- » les
pendeloques à épaississement », 4- « les bracelets » et une « bague » (ibid. 1974 17-1,
p. 130-154) ; un système de codage étant utilisé pour chaque type.
133
4.1.2.3. Les années 1980, la parure funéraire néolithique et
chalcolithique du Midi méditerranéen français : Hélène Barge
Une étude riche et un inventaire exhaustif ont été réalisés pour les parures
de la région du Sud de la France par Hélène Barge en 1982. Les objets de parure de
plusieurs centaines de sites appartenant à la période comprise entre le Néolithique
ancien et le Chalcolithique ont été examinés. La plupart de ces sites sont des
dolmens contenant du mobilier funéraire. Cet important corpus est composé
d’éléments fabriqués en matière dure animale ainsi qu’en roches et minéraux. H.
Barge applique une typologie simple en identifiant les types principaux et, lorsque
cela a été possible, les sous-types. H. Barge ne procède pas à un classement
définitif et rigide, justifiant cela par le fait qu’une partie seulement du Midi
méditerranéen a pu être traitée (Barge 1982, p. 15).
Les coquillages, l’os et les galets compris dans le corpus de H. Barge ont été
souvent utilisés bruts comme objets de parure. Ils sont représentés par deux
types : les objets à perforation unique ou double excentrée (les « pendeloques ») et
les objets à perforation centrale (les « perles »). Ces objets, de forme naturelle et non
façonnés par l’homme, sont exclus du protocole de classification que l’auteur
élabore et sont regroupés simplement dans une catégorie d’» objets bruts
simplement percés ». La classification de H. Barge concerne uniquement les « objets
façonnés ». Les critères de classement sont explicités et définis par l’auteur au fur et
à mesure de leur emploi (ibid., p. 33 à 36). Il s’agit de : la matière (brute ou
façonnée) ; le mode de suspension (perforation simple, perforation en T,
perforation en V ou gorge circulaire) ; la morphologie (forme, dimensions et
section longitudinale) ; le décor.
134
(Bonnardin 2009). Le système de classement qu’elle applique s’inspire des travaux
d’Y. Taborin et H. Barge, mais critique également certains points, notamment en ce
qui concerne le critère de distinction primaire basé sur le « degré de
transformation de la matière ». Pour elle, les deux auteurs font « un lien sous-jacent
entre le degré de transformation de la matière première, lié au façonnage, et la lisibilité ou
non de la matière une fois l’objet fini. Selon elles, un objet est brut si la matière est peu
transformée, donc reconnaissable ; il est façonné, si la matière, très transformée, n’est plus
identifiable » (ibid., p. 59). S. Bonnardin regrette par ailleurs le nombre important de
types et de sous-types distingués par les deux auteurs et considère que ces deux
systèmes aboutissent à un classement compartimenté. Face à ce problème, elle
propose une typologie qu’elle qualifie de synthétique, qui regroupe davantage
qu’elle ne sépare et qui repose sur un nombre minimal de catégories fonctionnelles
ou morphologiques. L’auteur fait ensuite toute une série de critiques pertinentes
des systèmes typologiques de Y. Taborin et H. Barge mais que nous ne
présenterons pas ici (ibid., p. 53-54).
135
A partir d’un corpus exclusivement funéraire, S. Bonnardin a basé
l’identification de ces objets à partir de leurs positionnements sur les squelettes
humains. Au nombre de huit, les types de parures ainsi définis sont : le collier de
perle, le plastron de perles, le bracelet composite de perles, le bracelet massif, la
bague, les broderies de vêtement, l’ornement de ceinture composite et l’ornement
de ceinture massif (Bonnardin 2009, p. 64-67).
27Seule H. Barge mentionne la présence des possibles imitations des canines de suidés ou de
canidés de forme naturelle mais elle les considère comme étant des objets « façonnés ».
136
termes tels que « perles » ou « pendeloques » pourraient devenir justifiables et
utilisables. Dans ce cas en particulier, il ne suffit pas de définir les termes utilisés
(qu’entend-on par le terme « perle » ou « pendeloque » ?) pour que la démarche
soit correcte. Nous pensons qu’il est primordial de donner d’abord une identité
neutre à l’élément, capable de décrire très précisément ces caractéristiques
morphologiques et celles de son dispositif d’attache et, dans un second temps, de
le reconsidérer dans son contexte archéologique et chronologique avec des termes
plus généraux comme « perle », « collier » ou « bague ».
Moyen-Orient
137
dépendent les unes des autres car « si la forme recherchée a parfois déterminé le choix
des matières, la variété de celle-ci a nécessairement contribué à celle des formes »
(Barthélémy de Saizieu 1994, p. 593). B. Barthélémy de Saizieu adopte les principes
de la géométrie des formes et partage avec les mathématiciens géomètres,
notamment René Huyghes (1971), l’idée selon laquelle il « ne suffit pas de lier
matière et forme mais que les formes sont inséparables des forces qui les ont conditionnées
et qui leur donnent tels ou tels signifiés physiques apparents, souvent instinctivement (ou
implicitement) intégrés, aux temps historiques, dans le symbolisme analogique des
figures » (Barthélémy de Saizieu 1994, p. 593). Ainsi, B. Barthélémy de Saizieu
distingue les objets de parure, qu’ils soient de forme naturelle ou de configuration
artificielle, en deux grandes classes principales suivies de deux classes
supplémentaires secondaires :
(1982), la signification du cercle, de l’anneau et de la sphère et explique que, dans les sociétés
archaïques, ces formes sont considérées comme « des signes de perfection, d’homogénéité et
d’immobilité, fondés consciemment sur leurs propriétés de symétrie et de fermeture. Le cercle symbolise
admirablement la relation d’une forme avec le non-changement. Sans commencement, ni fin, ni variations, il
peut figurer le ciel, son mouvement circulaire inaltérable, et donc aussi le temps comme succession invariable
d’instants identiques les uns aux autres » (Barthélémy de Saizieu 1994, p. 601).
138
La distinction entre les formes statiques et les formes dynamiques dans la
parure de Mehrgarh est renforcée par la différence entre le caractère artificiel des
premières et le caractère naturel des secondes. Pour l’auteur, à part les segments
de dentales, les formes statiques sont toutes des figures produites par des artisans
alors que, sans prendre en compte leur percement, les formes dynamiques sont
« au contraire l’œuvre de la nature vivante dont elles imagent certaines forces de
croissance » (ibid., p. 605). Dans cette classe, les formes dynamiques sont en réalité
des petits gastéropodes ou des gros lamellibranches (bivalves) pourvus d’un
percement qui n’a rien changé à leurs formes naturelles.
139
est donc un critère important à prendre en considération que l’auteur semble avoir
laissé un peu de côté.
Les objets étudiés par C. Maréchal sont classés selon une convention simple.
Tout d’abord, trois groupes d’objets sont distingués en fonction du degré de
140
transformation : les « objets de formes naturelles » que l’homme n’a pas retouchés
ou qu’il a simplement percés, les « objets de formes aménagées » que l’homme a
partiellement retouchés par le biais de plusieurs opérations mais dont la forme
d’origine reste reconnaissable, et les « objets de formes transformées » que
l’homme a entièrement façonnés. C. Maréchal utilise une convention de
description uniquement pour le groupe des objets de formes aménagées et
transformées en pierre présentant au moins une perforation. Les objets de formes
naturelles et aménagées en os et en coquillage sont décrits en se référant
uniquement à leur matériau (Maréchal 1995, p.131).
Les sections sont distinguées selon l’axe de perforation. Ainsi, pour les
perles, la section longitudinale « est la coupe pratiquée parallèlement à cet axe » tandis
que la section transversale « est la coupe pratiquée, au milieu de la pièce,
perpendiculairement à l’axe de perforation » (ibid.).
Selon la forme de leur section transversale, les perles sont divisées en deux
groupes : les éléments dont la section est circulaire ou presque circulaire (à ce
141
groupe l’auteur accepte le rattachement des objets dont la section a la forme d’un
polygone régulier) et les éléments dont la section est dérivée des précédentes,
c'est-à-dire elliptique, biconvexe ou rectangulaire, qui sont regroupés sous le
terme de section aplatie. Pour l’auteur, la différence entre les sections circulaires et
les sections aplaties joue un rôle très important dans la perception de l’élément
une fois enfilé. Nous adhérons totalement à ce point de vue.
142
4.1.3.3. À partir des années 2000, la parure en pierre du
Proche-Orient : Katherine Wright et Daniella Bar-Yosef Mayer
La typologie proposée par K. Wright est très simple mais ne peut être
directement applicable à notre corpus.
143
Daniella Bar-Yosef Mayer, chercheuse bien connue pour ses travaux sur les
coquillages du Proche-Orient, en particulier du Levant sud (Israël), s’intéresse
depuis le début des années 2000 aux objets de parure en pierre (Bar-Yosef Mayer et
al. 2004, p. 496 ; Bar-Yosef Mayer & Porat 2008, p. 8548). Dans l’un de ces récents
travaux (Bar-Yosef Mayer 2013) dédié à la typologie des objets de parure en pierre
du Levant néolithique, la malacologue adapte la convention proposée par H.C.
Beck (1928) pour classer les éléments d’un corpus couvrant une large période
chronologique (du Natoufien récent à la période chalcolithique). Les principaux
types sont : les perles discoïdes, les perles courtes/standards, les perles courtes à
section lenticulaire, les perles longues cylindriques, les perles longues à section
rhomboïdale, les pendeloques ovoïdes biforées, les perles courtes cylindriques à
deux perforations et les pendeloques à une simple perforation. A ces types, elle
rajoute certains non mentionnés dans la classification de Beck comme les formes
uniques, les perles non perforées et des éléments irréguliers perforés (Bar-Yosef
Mayer 2013, p. 132).
144
4.2. Choix des critères de classement, cadre théorique
et conceptuel
145
montrent l’importance de la forme au cours du temps, au service de laquelle des
matériaux nobles sont exploités.
29Cet ordre dans le décryptage est subjectif. Il est issu de notre observation personnelle et peut
changer selon les sensibilités des personnes, selon leurs âges, leurs expériences, leurs cultures, etc.
Par exemple, pour certains, la première caractéristique perceptible dans un objet est celle de la
couleur.
146
portés et vus30 ; 2) ces objets dépendent d’un dispositif et d’un système d’attache
qui vont être déterminants pour sa visibilité.
Les deux critères que nous développons ici sont la forme du volume et la
perforation. Pour décrire la forme des objets, nous faisons appel à la géométrie
dans ses formes simples ou à l’anatomie des êtres vivants (animaux ou végétaux).
Les objets en forme de « choses » matérielles (e.g. outils : hache, bicyclette, marteau)
sont considérés comme des objets en forme « singulière ». Le degré de
représentativité des formes géométriques, anatomiques ou singulières varie entre
explicite à très schématique. La forme est « indéterminée » quand elle n’est
rattachable à aucune des trois précédentes.
30 La « visibilité » à laquelle on se réfère ici concerne également les objets portés de manière
dissimulée (e.g. talismans, éléments protecteurs, etc.). En effet, bien qu’ils soient cachés, ces
éléments ont été conçus dans le but d’être reconnus, non pas forcement par tout le monde, mais au
moins par celui qui les fabrique, celui qui les porte, ceux qui se les échangent, ainsi que par les
entités imaginaires auxquelles s’adressent ces croyances.
147
ceux munis d’une perforation simple telle qu’elle est définie par H. Barge : « Elle
transperce l’objet de part en part » (H. Barge 1982, p. 34). D’autres types sont
également définis par l’auteur. La perforation en forme de V, en forme de T ou en
gorge circulaire de suspension (ibid., p. 35). Dans notre corpus, ces types n’existent
pas. Ainsi, nous avons décidé de ne pas les traiter dans notre convention.
Toutefois, nous tiendrons à préciser qu’en utilisant les mêmes principes utilisée
pour la perforation simple, les types d’H. Barge mais aussi le système d’encoches
peuvent parfaitement être intégrés et développés par cette convention.
Parmi les objets étudiés, un certain nombre est dépourvu d’un dispositif
d’attache mais ont été considérés comme éléments de parure. Il s’agit en fait
d’objets non finis : soit en cours de perforation, soit sous forme d’ébauche. Par
ailleurs, il existe un certain nombre d’objets cassés, recyclés ou très usés. Ils sont
pris en compte à partir du moment où leurs formes initiales et l’emplacement de
leur perforation sont identifiables.
Comme dit plus haut, nous classons les formes en trois catégories : les
formes géométriques simples, les formes anatomiques et les formes singulières.
Précisons toutefois que la division entre les formes géométriques et les formes
anatomiques est parfois artificielle puisque la géométrie intervient beaucoup dans
les formes anatomiques (e.g. dentales, vertèbres discoïdes).
148
mathématiquement « parfaites ». Les différences sont liées notamment aux
procédés techniques de fabrication et aux phénomènes d’usure dus au frottement
ou à l’entrechoquement. Les plus récurrentes sont celles affectant les intersections
et les angles qui sont arrondis et d’un aspect émoussé car ils ne sont presque
jamais laissés à « vifs ». Cela peut rendre difficile l’identification de la limite entre
les différentes surfaces de l’objet. Au contraire, quand le frottement est intense,
cela provoque parfois la naissance de nouvelles surfaces planes (facettes) avec des
bordures et des angles bien nets mais qui ne correspondent pas à la forme initiale
de l’objet. Ces différences, quand elles sont détectées sur les objets archéologiques,
n’ont pas une grande influence et la forme du volume peut être aisément reconnue
comme un volume géométrique simple.
149
formes anatomiques sont les objets issus de tout ou partie d’un être vivant,
qu’elles soient de formation naturelle (biologique) ou artificielle (création de
l’homme).
Bien entendu, ces formes sont extrêmement riches. Nous les divisons ici en
formes anatomiques animales et formes anatomiques végétales.
A. Les coquillages
Nombreuses sont les formes de coquillages que l’homme a exploitées pour
les objets de parure. Tout en étant d’origine naturelle anatomique, les formes des
coquillages peuvent s’inscrire dans des volumes géométriques dont quatre sont
distinguées pour le corpus :
150
Forme conchoïdale large de section plano convexe
Il s’agit des coquilles appartenant à la classe taxonomique des Bivalvia
(Fig. 4.1c). Au total, deux familles ont été distinguées dans notre corpus :
Glycymerididae, Unionidae. Comme leur nom indique, les coquilles de bivalves
ont deux valves, qui se joignent par leurs sommets grâce à un système de dents et
de ligament.
B. Les dents
Les formes des dents varient selon leur caractéristiques odontologiques et
leur emplacement anatomique sur les mandibules. Ces formes sont les incisives,
les canines résiduelles de cerf (appelées croches ou craches), les canines (ou
défense) de sanglier, les molaires (ou les prémolaires). Dans notre corpus, seules
les incisives et les canines ont été identifiés.
C. Phalange
A cette catégorie appartiennent des phalanges de gazelle ainsi qu’une
phalange humaine.
D. Vertèbre
Seule une vertèbre de poisson a été identifiée dans le corpus.
151
E. Imitations
Représentation de silhouette humaine
Il s’agit de la forme entière d’un corps humain vue de profil sous différentes
positions. Ces représentations sont réalistes ou schématiques.
Les notions de géométrie qui vont suivre ont pour objectif de rappeler les
caractéristiques fondamentales de ces volumes et leur transcription pour une
application descriptive aux objets de parure.
152
A. Les corps de révolution
Les cylindres (CY)
Ce sont des solides de révolution à deux bases parallèles et opposées,
perpendiculaires à l’axe de révolution (Fig. 4.3a). Un grand nombre d’objets du
corpus est de forme cylindrique ou issue de cette forme.
La section transversale de ces objets peut être circulaire (0), elliptique (1) ou
biconvexe (2). Un dérivé est identifié pour la section circulaire, celui de la section
semi-circulaire (0s), et un autre pour la section elliptique, la section semi-elliptique
(1s).
153
Les tores (TO)
Le tore est « la surface engendrée par la révolution d'un cercle autour d'une
droite de son plan ; c'est donc un tube de diamètre constant et d'âme un cercle31».
Les objets toriques entiers sont absents dans le corpus. Nous avons toutefois des
témoignages de leur présence par des fragments segmentaires dont certains ont
été réparés et recyclés.
La section transversale, par définition est circulaire (0) mais elle peut être
d’une très grande variété, de forme géométrique simple ou complexe. Le volume
de certains objets peut s’inscrire dans un tore. C’est le cas des lunules (LU). Leur
section est généralement elliptique (1) ou biconvexe (2) aplatie.
B. Les polyèdres
Les prismes droits
Dans le corpus, les prismes droits seront définis selon la forme polygonale
de leur section transversale qui est identique à la forme des deux bases du prisme
(Fig. 4.5a).
31 http://www.mathcurve.com/surfaces/tore/tore.shtml
32 Le parallélépipède à bases rectangulaires.
154
4.2.1.4. Les formes indéterminées
Les formes indéterminées sont celles qui n’appartiennent à aucune des trois
catégories précédentes, de nature « abstraite ». Elles combinent des éléments de
géométrie simples (lignes droites, courbes, points, portions des volumes
géométriques simples, zigzags, etc.) et composent des volumes qu’il est difficile de
rattacher à quoi que se soit33.
Pour les prismes droits, l’axe principal est celui qui passe par le centre et
par les deux bases. L’axe transversal quand à lui peut passer par le centre de
l’objet mais il ne passe jamais par les deux bases mais par deux des faces parallèles
(ou parallélogrammes) opposées. Dans le cas des parallélépipèdes, où toutes les
faces sont du même type (rectangles ou carrés), nous considérons que l’axe
principal est celui qui passe par le centre et qui est le plus long pour les
peuvent changer de catégorie de classement et rejoindre celle des formes singulières, anatomiques
ou géométriques.
155
parallélépipèdes à faces rectangulaires. L’axe transversal dans ce cas est celui qui
passe par le centre du volume. Pour les parallélépipèdes à faces carrées (« cubes »
ou « hexaèdres réguliers »), l’axe principal est celui défini par l’axe de la
perforation lui-même.
En ce qui concerne les formes anatomiques, elles sont orientées selon les
conventions courantes des biologistes. Les formes singulières sont orientées selon
la forme géométrique du support sur lequel la représentation est faite (cylindre,
ellipse, etc.) ou, quand la forme est indéterminée, l’axe principal est l’axe le plus
long.
percement)
4.2.2.1. Nombre
Dans le corpus étudié, la majorité des objets est à perforation unique et peu
d’éléments sont à double perforation, chacune disposée parallèlement à l’autre
(Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b). Dans deux cas exceptionnels, le nombre de perforation est
supérieur à deux. Il s’agit d’un tube en os portant trois paires de perforations
parallèles, et d’une cyprée portant deux paires de perforations sur le dorsum ainsi
qu’une perforation sur la face ventrale.
156
4.2.2.2. Longueur
Notre corpus est composé d’objets dont les perforations varient quant à
l’emplacement choisi : sur la partie la moins épaisse du volume, tout au long de
l’objet, dans le sens de la largeur, etc. Ces emplacements déterminent la longueur
(profondeur) de la perforation : longue ou courte. Pour distinguer une perforation
longue d’une courte, nous avons effectué systématiquement trois mesures sur les
volumes : la longueur, la largeur et l’épaisseur ou le diamètre (Fig. 4.8). D’après les
mesures, nous avons convenu que toute perforation réalisée sur la distance la plus
courte mesurée est une perforation courte (symbolisée par la lettre C). Les
perforations réalisées sur les distances longues ou moyennement longues sont des
perforations longues (L) (Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b). Pour les perforations réalisées sur
des objets dont les principales dimensions sont égales, i.e. les objets standards, la
perforation sera considérée comme longue. Par ailleurs, toutes les perforations sur
le test de coquillages identifiés sont courtes. Les tubes naturels des dentales ou des
os longs sont naturellement longs dans la mesure où ils ne sont pas tronçonnés en
disque fins. Ces derniers ont une perforation courte puisque leur longueur
(épaisseur) est inférieure à leur diamètre (ou largeur).
4.2.2.3. Position
A. Au sein des formes anatomiques
La position des perforations sur les objets de formes anatomiques respecte
la morphologie naturelle des objets. Il était donc difficile de déterminer cette
position selon les axes d’orientation. Pour chaque forme, nous avons défini un ou
plusieurs emplacements selon la morphologie anatomique.
157
notamment la zone de l’apex ou le somment et le dernier tour. Cette dernière est
subdivisée à son tour en trois zones : la columelle, le labre et le dos.
158
Famille des Nassariidae
Les coquilles de la famille des Nassariidae (Fig. 4.2b) ont une forme
générale se rapprochant de celle des cyprées et offrent comme ces dernières deux
emplacements idéaux pour les percements : le dorsum et le ventre. Comme pour
les cyprées, le dorsum des nasses peut être percé ou supprimé.
Par ailleurs, les os longs offrent des tubes naturellement vides permettant le
passage à condition de sectionner la diaphyse de part et d’autre.
159
B. Au sein des formes géométriques, singulière ou indéterminées
Pour décrire l’emplacement de la perforation, deux points sont à examiner :
la position de la perforation par rapport au centre de l’objet et la position de l’axe
de perforation par rapport aux axes du volume (l’axe principal et l’axe
transversal).
160
(Fig. 4.3b, 4.4b et 4.5b) : Unilatérales axiales (position 1) ; Unilatérales transversales
(position 2) ; Bilatérales axiales (position 3) ; Bilatérales transversales (position 4).
4.2.3. Conclusion
161
4.3. Classement typologique des objets de parure
Le classement que nous proposons ici distingue les objets de parure selon
leur dispositif d’attache et leurs dimensions. Le dispositif d’attache qui caractérise
la majorité des objets est celui de la perforation. La présence de ces dispositifs
nous amène à la réflexion sur la nature du lien destiné à passer par ces ouvertures,
plus précisément, sur la taille de celui-ci. Ainsi, il est évident que tous les objets
dont la perforation présente un diamètre inférieur à celui du doigt d’un enfant
sont forcément des objets qui ne peuvent être portés que grâce à l’emploi d’un lien
tels qu’une cordelette, un fil, une fine tige, etc. C’est le cas notamment des
« perles » et des « pendeloques ». D’autre part, quand la perforation est supérieure
au diamètre du doigt d’un enfant ou d’un adulte, l’usage d’un lien n’est pas le seul
mode de suspension ou du port de l’objet. En effet, l’objet peut être porté
directement sur une partie précise du corps sans l’emploi d’un lien servant de
support intermédiaire : la « bague » est portée autour du doigt, le « brassard »
autour du bras, la « couronne » autour de la tête et le « torque » autour du cou.
162
Nous présentons par la suite le classement typologique des objets ainsi que
la convention concernant les mesures, les termes et les orientations. Précisons
d’amblée que toutes les mesures sont prises sur les distances maximales des
éléments.
Chaque élément peut être décrit selon deux sections : la section axiale et la
section transversale. La section axiale est la coupe pratiquée parallèlement à l’axe
principal du volume tandis que la section transversale est celle représentée par
une coupe faite au milieu du volume perpendiculairement à l’axe principal. Nous
verrons que dans la plupart des cas la forme du volume traduit la forme de la
section axiale. C’est pour cette raison que nous avons surtout présenté la section
transversale. La section axiale sera prise en compte uniquement pour certains cas
où il est nécessaire de la distinguer.
163
Sur les objets en os longs et courts, les mesures prises sont la longueur et le
diamètre (ou la largeur et l’épaisseur). Sur les dents à racine percée, c’est la
hauteur, la largeur et l’épaisseur. Le diamètre de la racine est également mesuré.
Pour les éléments en matières osseuses (Fig. 4.7b), les classes typologiques
dépendent du type de l’os. Ainsi, trois classes sont distinguées : la classe des os
longs, la classe des os courts et la classe des dents. Les types identifiés sont ceux
des différentes parties anatomiques munies d’une perforation. Les formes
anatomiques imitées sont en pierre et sont classées par thématique générale pour
lesquelles deux sont distinguées : les silhouettes et les têtes (Fig. 4.7c). Ces objets
sont représentés sur supports à perforation courte décentrée (« pendeloques ») ou
en perforation longue centrée (« perle »).
164
Le rapport entre les différentes dimensions mesurées sur les objets
géométriques est primordial dans la distinction des familles, types et sous-types.
Les objets à perforation courte centrée ont des géométries et des gabarits
variables mais ils gardent toujours les mêmes proportions : la longueur est
inférieure au diamètre ou à la largeur.
Nous avons observé que les objets dont le diamètre est inférieur à 15 mm
sont généralement présents en série (e.g. grains de colliers ou de bracelets) alors
que ceux dont le diamètre est supérieur à 15 mm semblent être fabriqués à l’unité.
Sur cette observation, nous avons donc fixé arbitrairement le seuil de 15 mm pour
distinguer entre deux familles typologiques : les éléments de petit gabarit, que l’on
désigne par les « rondelles », et les éléments de plus grand gabarit que nous
appelons les « disques et autres formes ».
Ces objets peuvent avoir des formes variables. Généralement ce sont des
formes discoïdes issues d’un cylindre court de section circulaire ou elliptique.
Mais d’autres formes sont également reconnues comme les ellipsoïdes bitronqués,
les sphères bitronquées, les coniques tronqués, les biconiques tronqués, les
prismatiques de sections variables et les formes irrégulières.
165
Les rondelles
Enfilées en série autour d’un lien, les rondelles sont des objets généralement
vus de profil. Dans notre corpus, cinq types (Fig. 4.9) sont identifiés en se basant
sur leur forme de profil :
166
Des rondelles de section polygonales variables (pentagonale, hexagonale)
ont été également identifiées. De toute évidence, ces éléments ont été abandonnés
ou portés avant qu’ils soient finalisés, leur contour étant en cours façonnage car
facetté. Ils étaient probablement destinés à devenir des rondelles cylindriques.
Les mêmes mesures utilisées pour les rondelles ou les disques sont prises
pour les éléments biforés. Comme pour les éléments à perforation unique,
l’orientation de ces éléments, quand leur forme n’est pas circulaire ou carrée (e.g.
elliptique), est difficile à deviner sans la présence de traces d’usure permettant de
le faire. Ainsi, nous avons choisi de les orienter selon la convention géométrique,
i.e. selon l’axe principal de l’élément.
Parmi ces éléments, nous distinguons les objets en forme de lunule (Fig. 4.9)
munis d’une perforation courte sur chacune des extrémités. Les éléments
présentant ces caractéristiques sont connus sous le nom de « pectoral » (Moinat
2003).
167
C. Objets à perforation courte décentrée
Les mesures prises sur les éléments de cette classe ainsi que ceux de la
classe des objets à double perforation unilatérale sont (Fig. 4.8) la hauteur, la
largeur et l’épaisseur ou le diamètre.
168
Les pendeloques plates
Pendeloques dont la section est plate et dont les faces, contrairement aux
pendeloques de section arrondie, sont étendues. Selon l’emplacement de la
perforation, trois sous-familles de pendeloques peuvent être distingués. A
l’intérieur de chacune les types se distinguent par leur géométrie faciale :
169
• Pendeloques biforées elliptiques
• Pendeloques biforées circulaires
34 Selon le dictionnaire de l’Académie Française (9e édition) une perle est un « concrétion de nacre
qui se forme dans le manteau de certains mollusques en réaction à la présence d’un corps étranger
ou à une blessure ». Outre cette définition, dans le domaine de la joaillerie, une perle est une
« petite masse percée de part en part et destinée à être enfilée avec d'autres sur un fil, pour servir
en particulier d'ornement » http://www.larousse.fr/dictionnaires.
170
Les perles coniques
Perles de section transversale circulaire ou elliptique et de profil conique
tronqué. La troncature correspond à l’une des faces de perforation.
171
la forme d’un bombement ou d’épaississement de la surface correspondant à l’une
ou aux deux extrémités de la perforation.
35La première apparition du terme « perle papillon » remonte au premier rapport de fouille du site
d’Abu Hureyra (Moore 1975, p. 65). L’auteur emploie ce terme pour désigner les perles trouvées
dans les sépultures néolithiques et dotées d’une perforation longitudinale les séparant en deux
parties symétriques, ou en deux « ailes ». Une décennie plus tôt, R. Braidwood utilise le terme
« double-axe » pour dénommer les perles trouvées dans les sites de Judaidah et Dhahab dans la
plaine d’Antioche au sud de l’Anatolie centrale. Pour l’auteur, ces perles sont séparées en deux
ailes dont l’épaisseur s’amincie progressivement jusqu’aux bordures ou dont les extrémités sont
aiguës. Ces ailes sont séparées par une perforation longitudinale dont les extrémités portent des
aménagements de type « col » (Braidwood 1960, p. 62). Chronologiquement, ces perles
appartiennent au Néolithique céramique, elles sont donc plus récentes que celles de notre corpus.
Au début des années 70, J. Cauvin utilise le terme de « perles plates » pour deux pièces, l’une en
obsidienne et l’autre en cornaline, que son équipe a trouvées au cours des fouilles de Tell Assouad
dans la vallée du Balikh au nord de la Syrie (Cauvin 1972b, p. 88). Enfin, H. de Contenson utilise le
terme « Perles à ailettes » pour désigner les perles de Tell Ramad (Contenson 2000, p. 119) et celles
de Ras Shmara sur la côte syrienne. Nous avons adopté le terme utilisé par J. Cauvin car il est
simple et dépourvu de connotations et de rapprochements inadéquats.
172
Les perles standards
Il s’agit d’éléments dont les trois dimensions sont égales (Fig. 4.8) ou
presque égales. La distinction des types repose sur la géométrie des formes :
sphérique, cubique, etc.
173
objets sont désignés comme des « perles-pendentifs » . Un seul élément a été
identifié au sein de corpus (cf. Fig. 8.11p).
La seconde grande division est celle des objets dont l’espace circulaire
central est d’un diamètre qui occupe plus de 60% de la surface de l’objet et dont la
taille est généralement grande. Les éléments appartenant à cette division sont
rares dans notre corpus mais très fréquents dans des sites de la période PPNB tant
en Jordanie comme en Anatolie.
Ces objets sont souvent destinés à être portés autour d’une partie du corps
sans avoir besoin d’un lien intermédiaire. Pour notre corpus, nous avons distingué
les anneaux qui peuvent être portés en guise de « bague », de « bracelet » ou
« brassard ». Les anneaux sont distingués au niveau de leur section :
174
Chapitre 5. Transformation : Techniques de
fabrication
175
1975-1976 ; Tixier et al. 1980 ; Stocks 1989 ; Calley 1989-90). Les travaux des années
2000 sont peu nombreux. A titre d’exemple, nous mentionnerons le travail d’A.
Schoumacker (2003) sur l’atelier de roches dures à Larsa (Iraq) et ceux de M.
Casanova (2013) pour le lapis-lazuli en Mésopotamie.
176
5.2. Notions générales
177
• Le façonnage de l’ébauche afin d’obtenir la « préforme» ;
• La création d’un dispositif d’attache afin d’obtenir un « objet de
parure » fonctionnel ;
• La finition pour l’obtention de « l’objet de parure fini» avant le
commencement de son utilisation par le port.
L’ordre dans lequel les phases se suivent peut être différent de celui que
nous présenterons. Par exemple, la création du dispositif d’attache peut précéder
le façonnage ou être effectuée en dernier lieu. Il faut également imaginer que tout
au long de la fabrication, l’artisan peut employer des techniques propres aux
phases initiales ou tardives et à plusieurs reprises.
178
toujours susceptibles d’avoir fait l’objet d’échanges, parfois sur de très longues
distances. Leur acquisition peut donc se faire à l’état fini. Enfin, il ne faut pas
oublier que les objets de parure en matières minérales, notamment celles tendres
et moyennement tendres, sont généralement façonnés par abrasion, et finies par
polissage et, parfois, lustrage. Les déchets produits sont donc sous forme de
poudre dont la détection est extrêmement rare, sinon impossible, en archéologie.
36 Nous avons examiné un certain nombre d’objets abandonnés en cours de perforation, des
éléments pouvant correspondre aux blocs, ébauches, préformes et déchets. Cependant, ces
éléments ont souvent été trouvés isolés ou avec d’autres éléments mais sans que l’on puisse
comprendre leur relations. Une étude plus approfondie de leur contexte, notamment en examinant
les autres catégories d’artefacts, e.g. présence/absence des outils en silex, meules, polissoires, ainsi
que leur répartition dans l’espace, permettrait de mettre en évidence leur appartenance ou pas à
des zones de fabrication.
179
des perles archéologiques trouvées dans un contexte d’atelier sur le site de Lothal
(en Inde) et les phases de fabrication des perles actuelles à Cambay en Inde.
L’ordre d’exécution des phases est également le même (d’après Inizan 1999,
p. 129). Certains procédés de fabrication des perles en calcédoines, des techniques
et des stigmates documentés par ces enquêtes seront présentés tout au long de ce
chapitre.
Le procédé s’intègre dans les différentes phases de la chaîne et est défini par
une séquence courte de techniques visant un objectif précis, comme par exemple la
création d’un dispositif d’attache (perforation), la décoration de la surface, etc.
La méthode est une démarche raisonnée selon laquelle l’artisan organise les
moyens dont il dispose (les techniques et les procédés) pour arriver à un but
majeur, la fabrication d’un artefact selon un modèle ou un type précis. En résumé,
« la technique et le procédé sont les moyens et la méthode est l’esprit qui agence les
moyens » (Tixier 1967 p. 807, cité par Le Dosseur 2006, p. 70). L’étude
technologique que nous avons menée a permit d’identifier, parallèlement aux
techniques, certains procédés de débitage, de façonnage et de perforation des
objets en pierre ainsi que des procédés de percement des cyprées (cf. partie III).
180
Dans l’artisanat, travailler une matière de consistance solide consiste
généralement à réduire son volume initial selon une forme conçue préalablement.
Toute rencontre entre l’outil et la matière est guidée par une action. Celle-ci, pour
A. Leroi-Gourhan, se définit par la percussion qui peut être lancée, indirecte ou
posée (Leroi-Gourhan 1971, p.48). D’autres chercheurs distinguent les techniques
selon les résultats obtenus et le type d’action : « les techniques de fracturation » et
« les techniques d’usure ». L’éclatement et l’enlèvement se rangent dans la
catégorie des techniques de fracturation et l’usure de surface ou en profondeur
dans la catégorie des techniques d’usure (Averbouh & Provenzano 1998-1999,
pp. 9-17 ; Le Dosseur 2006, p101-08). Notre démarche consiste à classer les
techniques selon les gestes qui interviennent au cours des actions. Ainsi, nous
distinguons trois groupes de techniques : les techniques de percussion, les
techniques de pression et les techniques de frottement.
Outre les dents, les mains et les pieds, ces techniques requièrent l’utilisation
d’outils. Ils peuvent être maintenus directement dans la main ou « prolongés » par
des manches. L’emmanchement de l’outil permet d’une part de faciliter sa
préhension, et par conséquent améliorer l’exécution du geste, et d’une autre part
d’augmenter sa force. L’outil peut également être intégré dans un système
mécanique complexe dont la force musculaire humaine n’agit pas directement sur
lui mais sur des agents articulés en connexion directe ou indirecte avec lui. Les
avantages d’un système mécanique sont multiples, la plus remarquable étant
l’augmentation de l’efficacité de l’outil et la rapidité de l’exécution, sans oublier la
facilité de la manipulation grâce à une certaine « libération » des mains dans le
sens où elles deviennent moins gênées dans leurs mouvements.
181
A. La percussion directe
Elle consiste à effectuer un ou plusieurs coups par un geste lancé d’un outil
sur un bloc. Cette technique peut être utilisée pour la fracturation d’une masse de
matière en plusieurs fragments, pour la division d’une masse de matière en
portions volumiques plus ou moins calculés, pour creuser dans une masse de
matière ou pour trouer une surface relativement fine, etc. Ainsi, selon le but visé,
on parle de percussion directe diffuse, tranchante ou ponctuelle. L’emploi de l’une
de ces variantes dépend de la morphologie de l’outil percutant et de la nature de
la matière percutée. Le percuteur peut être une masse de forme arrondie à partie
active légèrement convexe, en pierre, en os, en bois animal ou végétal. Il est utilisé
pour la percussion tranchante sur les matériaux tendres et souples comme les
matières osseuses, le test de certains coquillages et sur certaines roches
carbonatées (type craie) ; un outil pointu en silex ou en os peut ainsi servir à
donner des coups ponctuels sur un matériau tendre ou dur. La percussion
ponctuelle est synonyme de la technique du piquetage.
B. La percussion indirecte
Elle est semblable à la percussion directe mais au lieu d’assener les coups
directement sur une matière, elle consiste à les effectuer sur l’extrémité proximale
d’un outil dont l’extrémité distale est posée sur un endroit précis du volume. Ainsi
la force du choc est transmise par l’outil intermédiaire directement à l’endroit
choisi. Cela fait d’elle une technique plus précise que la précédente. Le percuteur
est de forme arrondie à partie active légèrement convexe, tandis que l’outil
intermédiaire est de forme longitudinale à extrémité plus ou moins pointue ou
tranchante. Les deux outils peuvent être en pierre, en bois ou en matières osseuses.
182
Dans le cas de la percussion directe ou indirecte diffuse, le percuteur est
actionné selon un mouvement vertical sur la matière ou sur l’outil intermédiaire.
Selon l’angle, le résultat obtenu est différent. Si l’angle est droit entre le percuteur
et la matière, c’est la fracturation/division (extraction ou débitage) en plusieurs
fragments qui est recherchée. Si l’angle entre le percuteur et la matière est aigu, il
conduit à une ablation superficielle de la matière (plus l’angle est aigu, plus
l’enlèvement ou l’épaisseur de l’éclat est faible), c’est généralement le façonnage
qui est recherché dans ce cas.
A. La pression
La pression est une action qui consiste à appliquer la force musculaire
directement sur une matière. Un outil pointu (punch) est nécessaire pour les
roches siliceuses afin de détacher des supports (éclats, lames ou lamelles) tandis
que la main seule peut éclater des plaques ou des surfaces convexes et
relativement fines dans le but de les briser en plusieurs petits fragments
(supports).
B. La flexion
Contrairement aux techniques précédentes où la force est exécutée
subitement, la technique de flexion s’exerce dans la durée (Averbouh &
Provenzano 1998-1999, p. 9). Par l’application d’une force continue et violente, un
arrachement de la matière se produit. Elle est pratiquée par une appréhension
manuelle ou digitale (selon la taille du bloc) ou à l’aide d’un coin ou d’un calage
qui permet d’augmenter la force appliquée. La force est exercée selon une
traction/flexion convergente, une traction/flexion divergente ou une
183
traction/torsion divergente. La flexion peut être employée directement sur les
différents matériaux ou préalablement préparée par des sillons de sciage, de
rainurage ou par des incisions profondes qui guideront et permettront la fracture à
l’endroit choisi.
A. Frottement en surface
Les techniques de frottement en surface « entament la matière par sa surface, le
plus souvent sur une grande étendue » (ibid.) et la réduisent, sans la supprimer, dans
le sens de l’épaisseur. Les techniques concernées sont le raclage, l’abrasion, le
polissage et le lustrage. Les trois dernières se pratiquent par le frottement des
objets sur des matériaux très divers : roches abrasives, matériaux fibreux (os ou
bois) ou morceaux de cuir. Il n’y a pas de différence entre le polissage, l’abrasion
ou le lustrage quant au geste, aux directions des mouvements ou à la catégorie
d’outils utilisée. La différence se fait par la granulométrie des particules abrasives.
Plus le grain de l’outil abrasif (e.g. meule) est fin, plus régulière, lisse et brillante
est la surface.
Raclage
Le raclage, ou grattage, est une action qui consiste à éliminer des fines
couches de matière en raclant sa surface. L’outil doit être muni d’une partie active
tranchante ou d’une arête aiguë. La matière éliminée est composée de fines
184
particules quand il s’agit de racler des roches tendres (e.g. certains calcaires) et est
en forme de copeaux quant la matière est osseuse (os frais) ou en bois. Le raclage
est employé notamment afin de supprimer la membrane fibreuse, le périoste, qui
enveloppe l’os frais ou afin de diminuer l’épaisseur d’une matière osseuse ou
d’une roche tendre.
Abrasion
Il s’agit d’éliminer la matière par frottement d’une surface contre une autre.
C’est une technique appliquée pour le façonnage des matières osseuses, des
coquillages et des roches et minéraux. Les particules se désagrègent de la surface
du bloc mais également de celle de l’outil. Celui-ci, s’il s’agit d’une pierre abrasive,
peut prendre la forme d’un galet, d’un bâtonnet ou d’une meule. Des moyens
techniques auxiliaires (eau, sable, graisse, peau, etc.) accompagnent souvent cette
technique. L’outil en forme de galet ou bâtonnet maintenu dans une ou les deux
mains est activé selon un mouvement bidirectionnel (va-et-vient),
multidirectionnel ou circulaire sur la surface choisie. Si l’outil est une meule de
taille relativement grande, c’est le bloc qui est activé sur la surface de la meule.
Lorsque la meule est « dormante » (i.e. immobile), elle peut être posée à
l’horizontale ou calée obliquement sur un support (ou submergée à moitié ou plus
dans un bassin d’eau permettant ainsi une humidification régulière de sa surface
en plongeant le bloc de temps en temps dans l’eau). Intégrée dans un système
mécanisé activé par un archet, la meule est dite « rotative ». Le bloc, maintenu
dans une main, est approché de la meule en action et abrasé à l’endroit choisi.
Enfin, en ce qui concerne les objets de parure, l’abrasion peut être effectuée
en série. Par exemple, les rondelles enfilées dans un lien peuvent être frottées
contre une meule en tenant le lien par les extrémités (Bonnardin 2009, Fig. 27,
p. 73). Le percement par abrasion de la face dorsale de certains coquillages (e.g.
cyprées), peuvent être calés dans des encoches sur un morceau de bois ; ce dernier
est activé en va-et-vient sur une meule (d’après nos expérimentations, cf. annexes
II).
185
Polissage
Le polissage « désigne l’action de rendre la surface unie, lisse et luisante à
des fins de régularisation et de finition des surfaces, qu’elle soit techniquement ou
esthétiquement motivée » (Hamon 2006, p. 31). C’est une technique qui consiste à
éliminer la matière par le frottement de la surface d’un bloc contre une pierre
abrasive, à grain plus fin que celui utilisé pour l’abrasion, avec des supports
végétaux siliceux ou avec des morceaux de cuir. Elle succède généralement à
l’abrasion et précède le lustrage.
Lustrage
Le lustrage est une technique de frottement qui permet de donner un aspect
brillant à la surface. Il est primordial d’utiliser une pierre abrasive de
granulométrie très fine et le grain ne doit pas être « agressif », issu d’une roche
dure par exemple, car le but n’est pas d’éliminer la matière mais seulement les
irrégularités produites durant l’abrasion et le polissage. D’où l’utilisation
fréquente de matériaux tendres et souples comme par exemple un morceau de cuir
pour cette opération.
B. Frottement en profondeur
Les techniques d’abrasion en profondeur consistent à éliminer la matière
dans son épaisseur en la traversant complètement ou partiellement. Ces
techniques sont le sciage, le rainurage, l’incision et le forage.
Sciage
La technique du sciage consiste à creuser la matière avec un outil pourvu
d’une arrête tranchante selon un mouvement bidirectionnel (va-et-vient). La
matière est entamée par sa surface sous la forme d’un sillon qui s’approfondit au
fur et à mesure de l’action du sciage. Le sillon disparaît quand l’outil tranchant
atteint la surface opposée de la matière. Le sciage peut être interrompu et la
division de la matière peut être alors obtenue par flexion ou par percussion directe
ou indirecte.
186
Rainurage
Le rainurage est une technique qui consiste à creuser la matière avec un
outil à angle tranchant jusqu’à l’obtention d’une rainure profonde. Le mouvement
est unidirectionnel répété ou, plus rarement, bidirectionnel.
Forage
Le forage consiste à creuser la matière en profondeur en entamant un point
de sa surface. L’outil forant est généralement pointu à bords aigus tels que le
perçoir, le burin ou une mèche de forme cylindrique, et sa partie active peut être
de morphologie variable. Selon l’épaisseur de la matière, le forage permet
l’obtention d’une perforation courte ou longue dans la matière.
187
dimensions et le matériau dont sont faits ces outils déterminent en grande partie
les caractéristiques des stigmates produits.
Nous présentons ici des notions générales sur chacune des phases de
transformation.
188
multiple du contour. Selon les différentes caractéristiques morphologiques et
physiques, l’artisan décide si le bloc nécessite un traitement préalable à la
transformation ou pas.
Les stigmates propres à cette phase sont difficiles à mettre en évidence étant
donné que l’extraction est la première opération à être effectuée et que les
opérations techniques qui lui succèdent produisent des stigmates qui peuvent en
effacer les traces, ou dans le meilleur des cas, se confondre avec eux.
Enfin, le bloc extrait peut être directement transformé, stocké pour une
transformation ultérieure, donné ou échangé.
189
Durant cette phase, la matière est généralement encore au stade de bloc. Il
faut noter cependant que le traitement peut être répété tout au long de la chaîne
de transformation, selon les circonstances et les besoins, techniques ou préventifs,
de l’artisan mais aussi après la transformation, c'est-à-dire pendant la chaîne de
consommation, pour l’entretien de l’objet.
5.2.3.3. Débitage
Le débitage selon les technologues de l’industrie lithique est une opération
qui consiste à fracturer la matière première afin de produire plusieurs supports.
Les technologues de l’industrie osseuse utilisent le terme du débitage et ils
étendent son champ d’utilisation à plusieurs techniques qui ne relèvent pas
uniquement de la percussion ou de la pression mais également du sciage, du
rainurage voire de l’abrasion (Averbouh & Provenzano 1999, p. 8 ; 14 et 16). Pour
nous, le « débitage » répond à deux nécessités : 1) la fragmentation d’un bloc en
plusieurs supports, 2) le dégrossissement d’un bloc en le réduisant à l’état
d’ébauche. Les deux solutions peuvent être réunies par un procédé selon lequel le
bloc subit une fragmentation de sa masse en plusieurs supports, ceux-ci par
l’intervention de différentes techniques qui deviennent des ébauches à leur tour.
5.2.3.4. Façonnage
Le façonnage est une phase durant laquelle le fabricant sculpte le support
ou l’ébauche dans le but de lui donner une forme presque définitive. Il le
transforme ainsi en préforme. La forme souhaitée ainsi que les dimensions
générales sont acquises durant cette phase. Les techniques choisies pour
l’exécution de cette étape répondent aux propriétés physiques et mécaniques des
matériaux.
190
5.2.3.5. Création du dispositif d’attache
C’est durant cette phase que les dispositifs nécessaires à l’utilisation comme
la perforation, la rainure, l’encoche ou la gorge sont créés39. Nous avons désormais
l’objet de parure car il peut être porté en l’état et la chaîne de transformation peut
s’arrêter ici ou être poursuivie durant la phase de finition.
Pour certains objets dont la forme est issue de la nature (e.g. coquillages,
dents, galet, cette phase constitue à elle-seule la totalité de la « chaîne » de
transformation. Il s’agit d’une chaîne de transformation simple. Dans d’autres cas,
elle constitue l’une des multiples phases de fabrication dont l’exécution peut se
dérouler avant le façonnage ou après la phase de finition. Le dispositif d’attache le
plus commun est la perforation.
5.2.3.6. Finition
Durant cette phase, les dernières modifications sont apportées à l’objet soit
pour mettre en valeur ses propriétés esthétiques (traitement thermique visant à
augmenter l’intensité de la couleur, traitement de surface pour l’obtention de plus
de brillance), soit pour renforcer ses propriétés physiques en prévention
d’éventuels risques de fracture (résistance, élasticité, etc.) ou encore pour décorer
l’objet avec des motifs gravés ou peints. A la fin de cette phase, l’objet peut être
considéré comme fini et passer au stade d’objet neuf et intégrer la chaîne de
consommation.
39 Le dispositif d’attache peut être absent dans le cas des éléments sertis ou collés sur un support.
191
ou à la phase de finition (ravivage des incisions du décor). Les cassures peuvent
survenir au niveau du volume ou du dispositif d’attache. Dans le premier cas, ce
sont surtout les techniques d’abrasion qui sont employées afin de supprimer les
bords déchiquetés ou les ébréchures et redonner une certaine symétrie à l’objet.
Quand cela affecte le dispositif d’attache, la création d’un dispositif substituant
peut s’avérer nécessaire. Enfin, le recyclage implique une ou plusieurs techniques,
voire une ou plusieurs phases de transformation en un nouvel objet de forme, et
parfois de fonction, différente.
192
sont employées : la percussion directe ou indirecte, la pression sur les parties
convexes avec la main ou avec un outil40, ou la flexion entre les doigts ou en
coinçant l’extrémité de la coquille. Dans le deuxième cas, des techniques plus
« lentes » peuvent être employées : le sciage ou le rainurage. La combinaison de
techniques « lentes » et « rapides » existe également : des sillons sont creusés sur la
surface par sciage ou par rainurage, ce qui permet de guider la rupture, qui est
faite par flexion ou par percussion directe ou indirecte à l’endroit du sillon. Le
support obtenu par percussion directe ou indirecte, pression et flexion, a un
contour irrégulier. Et selon la face d’attaque, interne ou externe, des éclats
d’enlèvements peuvent être observés. Sur l’un ou plusieurs supports, des points
d’impact peuvent être observés. Les contours des supports ayant été obtenus par
sciage ou rainurage conservent l’un des pans du sillon de sciage ou rainurage. Les
supports ayant été obtenus par sciage/rainurage puis par flexion ou percussion
gardent un pan de sillon ainsi qu’une portion de la corniche.
Le façonnage des coquillages dans notre corpus concerne les bivalve et les
dentales. Les premiers sont façonnés par abrasion de leurs contours irréguliers.
Cette technique produit des stries qui peuvent être organisées dans des facettes.
Le façonnage des dentales dont la forme est tubulaire peut être effectuée par
sciage (tronçonnage), par flexion ou par les deux (sciage puis flexion) (Vanhaeren
2002, p. 45). Issu du sciage, le pan d’un sillon est normalement observable. Il est
accompagné d’une corniche dans le cas où le sciage est suivi d’une flexion. Si le
façonnage du dentale est produit par flexion uniquement, les contours de
l’extrémité sectionnée doivent porter des éclats d’arrachement et une languette de
flexion. Cette morphologie est nommée « fracture en bec de flûte » par certains
chercheurs (e.g. Vanhaeren 2002, p. 48, Fig. 10 e-f.). Notons que le sciage suivi par
flexion ou la flexion sont des techniques adéquates pour obtenir des tronçons
d’une certaine longueur (suffisamment longs pour que les doigts d’une main
puissent les appréhender). Or, quand il est question de tronçons dont la longueur
40La convexité fait que la matière, sauf le pourtour, est en déconnexion de la surface où elle est
posée, ce qui facilite la fragmentation par pression.
193
ne dépasse pas 1 à 2 mm, c’est uniquement le sciage qui peut être envisagé.
D’après une série d’expérimentation, le sciage délicat de petits tronçons fins sur
les dentales avec un tranchant lithique est une opération très délicate car les
tronçons sciés ont tendance à « sauter », s’éparpiller et se perdre (C. Maréchal,
comm. pers.).
Après le façonnage, les tronçons de dentales sont prêts à être portés, leur
chaîne de fabrication peut se terminer à cette étape.
Il existe une technique qui pourrait être considérée comme une variante de
la technique de percussion indirecte. Elle consiste à introduire un outil pointu à
l’intérieur de l’aperture d’un gastéropode ou dans le creux le plus profond de la
face interne d’une valve. Avec un petit galet, plusieurs coups légers sont assénés
sur la face externe de la coquille, dans le prolongement exact, de l’outil jusqu’à
l’obtention d’un trou (Rodríguez-Hidalgo comm. pers.). Cette technique est
dénommée en anglais : the « inside-out bipolar percussion technique » (Rodríguez-
Hidalgo et al. 2010, p. 41), ce qui pourrait se traduire en français par la « technique
de la percussion bipolaire interne-externe ».
194
dorsales des cyprées (cf. Fig. 10.3). Dans un test épais, des perforations sont faites
par abrasion rotative (forage) (Fig. 12.2e-h). Les stigmates associés sont les stries
de rotation qui, selon la technique, manuelle ou mécanisée, s’enregistrent de
manière différente sur les parois. La forme du contour de la perforation peut
également varier selon la technique. Généralement, la perforation manuelle
provoque une forme ovoïde et rarement circulaire. Les stries de rotation sont semi-
circulaires et présentent des points d’arrêts à cause du changement de direction
(alternative) (Semenov 1970, p. 78). Le forage mécanisé (archet, pompe) produit
des perforations dont la forme est circulaire ou subcirculaire. Les stries circulaires
sont alors complètes, continues et concentriques. Des points d’arrêts peuvent
indiquer le changement de direction (continue alternative).
Pour l’étude des percements sur les cyprées du corpus du type « dorsum
supprimé », il a été important de prendre en compte non seulement les stigmates
mais aussi la morphologie des ouvertures obtenues. La morphologie du contour
peut être distinguée en trois types (Fig. 5.1a) : régulier, semi-régulier et irrégulier.
Le contour régulier est celui dont les bords sont entièrement égalisés. Les contours
semi-réguliers sont égalisés sur une bonne partie du contour et les contours
irréguliers sont ceux dont l’égalisation n’a modifié qu’une petite proportion du
contour.
195
5.3.4. Phase de Finition
Des incisions radiales décoratives sur la face ventrale des cyprées sont
effectuées après la création du dispositif d’attache, leur réalisation se rattache à
cette phase (cf. Fig. 12.2a).
5.4. L’os
Dans le cas des matières osseuses, l’extraction peut être faite à partir de la
carcasse d’un animal, généralement après une série d’opérations préalables à la
consommation. Ces opérations, l’enlèvement de la peau, la décarnisation, la
désarticulation, le découpage des tendons, etc., laissent dans la plupart des cas des
traces claires sur l’os : e.g. près des extrémités des os longs, on peut observer des
(Fig. 5.2a) stries et des entailles transversales pouvant être issues de traces de
découpe des tendons ou de désarticulation. Elles sont généralement l’indication
que l’os fut extrait peu de temps après la mort de l’animal, à l’état frais.
Autrement, l’os peut être prélevé à partir d’ossements abandonnés depuis un
certain temps. Son extraction est plus facile dans la mesure où la peau, la viande et
les tendons ont disparu partiellement ou complètement. Dans ce cas, il n’y a donc
pas nécessairement de traces de décarnisation ou de découpe. Cependant,
précisons que la qualité mécanique de l’os est très différente selon qu’il est à l’état
frais ou à l’état sec (en cours de minéralisation). Les stigmates relatifs à sa
transformation sont naturellement différents, les techniques s’adaptant à l’état de
fraicheur et au degré de maniabilité de l’os.
196
5.4.2. Phase de débitage
197
5.4.3. Phase de façonnage
5.5. La pierre
198
grande diversité de roches et de minéraux dont les propriétés physiques sont très
différentes. De manière générale, deux grandes catégories de roches peuvent être
distinguées dans notre corpus : les roches siliceuses microcristallines et les roches
non siliceuses. Les premières sont dures (dureté généralement supérieure à 6.5 sur
l’échèle de Mohs) et se prêtent bien à la taille durant les phases de débitage et de
façonnage (calcédoines, silex, etc.) (Astruc 2002, p. 125) ; les secondes sont de
faible à moyenne dureté et se prêtent mieux aux techniques de frottement en
profondeur (e.g. sciage) ou de frottement en surface (e.g. Abrasion) pour les phases
de débitage et de façonnage.
Comme pour les coquillages et les matières osseuses, la pierre peut être
transformée en élément de parure grâce à une chaîne de transformation simple,
composée d’une seule phase (e.g. perforation d’un galet ramassé) ou par une
succession de phases au sein d’une chaîne complexe.
Nous avons fait le choix de nous attarder sur l’étude technologique des
objets de parure en roches dures, en l’occurrence la cornaline, dont un certain
nombre compose notre corpus. En se basant sur la littérature disponible,
notamment celles des enquêtes ethnographiques (Inizan et al. 1992 ; Roux 2000)
qui documentent très précisément toutes les étapes de la chaîne opératoire, les
différentes phases, techniques et stigmates qui leur sont rattachés sont présentés
ci-dessous.
199
5.5.1. Phase de traitement de la matière
Ici, il est question des différents aspects du traitement thermique des roches
siliceuses, notamment les calcédoines (cornaline et agate), étant donné que de
nombreuses perles du corpus fabriquées dans ces matériaux montrent des
stigmates caractéristiques de traitement par la chaleur. Dans les cas étudiés,
l’opération semble avoir été intentionnelle car ces perles proviennent uniquement
de contextes funéraires, où les pratiques ne traitent pas avec le feu (e.g.
crémations) et où les objets ne peuvent avoir été chauffés accidentellement.
En effet, bien que ces techniques puissent être pratiquées sans avoir recours
à la chauffe préalable, les expérimentations montrent une plus grande facilité de la
pression sur les roches siliceuses chauffées par rapport à celles non chauffées : «la
facilité accrue est patente. […] la pression à exercer, pour un même résultat de retouches
parallèles peut varier du simple au double : de 20 kg sur une pièce chauffée à 40 voire 50 kg
sur la même pièce non chauffée. […] plus la force requise, plus la précision dans la maîtrise
du geste est aléatoire dans la réussite d’un enlèvement, et en y ajoutant la fatigue, le
traitement thermique apparaît comme bénéfique » (Inizan & Tixier 2000, p. 26).
200
Dans le cas des calcédoines, il est de toute façon nécessaire de les chauffer
compte tenu de leur nature microfibreuse (Inizan & Lechevallier 1996, p. 150). En
ce qui concerne la cornaline, la chauffe donne au matériau brut, » sec » et fibreux
à l’origine, un grain plus fin propre à la taille (Roux 2000, p. 40) (vertus
physiques). Quant à la coloration, la chauffe de la cornaline permet d’obtenir une
coloration rouge très recherchée et qui est à l’origine de la répétition de l’opération
de chauffe (Roux 2000, p. 40, Vidale 1987, p. 124) afin de la contrôler et de l’unifier
(Inizan et al. 1992, p. 160).
201
mesure de contourner les défauts et d’improviser des solutions qui pourraient
aller jusqu’au changement radical de la forme souhaitée préalablement.
41Même si ce contrôle n’est pas indispensable pour mener à bien l’opération de la perforation car
des roches aussi dures que la cornaline mais opaques ont pu être perforées avec succès.
202
chauffe douce, consiste à mettre les fragments de cornaline dans des pots
métalliques (autrefois en céramique, cf. Al-Baydani 2008, p. 3142), dans le four
(« tannur »), lorsque les braises sont évacuées après la cuisson du pain. Ils y
demeurent jusqu’au lendemain et sont retirés avant de rallumer le four pour une
nouvelle panification (Inizan et al. 1992, p. 166). Cette opération est répétée tous les
jours pendant un mois selon M.-L. Inizan, M. Jazim et F. Mermier (1992, p. 166),
après quoi les cornalines perdent leur humidité (« Yatasafah min el-ma’»), ou entre 8
à 15 jours selon Saleh Al-Baydani qui précise que c’est l’artisan qui décide du
temps nécessaire au traitement (Al-Baydani 2008). En général, plus le volume de la
cornaline est grand, plus long est le temps de traitement (ibid., p. 31). Selon le
même auteur, cette opération est dénommée « Al-Taqssya »43, ce qui littéralement
signifie « endurcissement » en langue arabe mais qui désigne très probablement,
d’après nous, une transformation de la roche de l’état « humide » et fibreux à l’état
sec. C’est le séchage qui est désigné par « Al-Taqssya » et non pas une
augmentation de la dureté de la roche (cf. supra : avantages de la chauffe). Le
deuxième temps du traitement thermique, « ramla », améliore la taille et le
polissage des cornalines. Il consiste à déposer les cornalines sorties du tannur « sur
un lit de cendres dans une marmite ; on les recouvre de cendres puis on dépose par-dessus
un lit de charbon de bois suivi d’une couche de lisier auquel on met le feu en plain air en
laissant les braises se consumer. Si la mise à feu est effectuée le matin, l’artisan libère le
soir la cornaline refroidie ». Cette opération peut être répétée plusieurs fois jusqu’à
l’obtention de la couleur rouge souhaitée. Le « ‘aqiq » est appelé « marmul » après
la chauffe (Inizan et al. 1992, p. 166).
203
5.5.1.3. Méthode d’identification
Comment reconnaître si une roche siliceuse a subi un traitement thermique
et quels sont les stigmates diagnostiques de celui-ci ?
Afin de détecter, sans aucune ambiguïté, la chauffe sur les roches siliceuses,
deux méthodes principales de laboratoire, développées initialement pour les
datations, sont employées : la thermoluminescence et la résonance électronique de
Spin. La thermoluminescence est une méthode destructive et implique l’emploi
d’échantillons non traités comme référence, tandis que la résonance électronique
de Spin est une « technique spectroscopique qui permet d’étudier la variation des
propriétés d’un système physique quand on fait varier les différents paramètres comme la
température, la structure métallurgique ou les différents traitements auxquels l’échantillon
a été soumis lors de sa préparation » (Inizan & Tixier 2000, p. 28). Si ces techniques
permettent de détecter si une roche siliceuse archéologique a subi une chauffe ou
non, elles ne permettent pas cependant de déterminer l’origine de celle-ci. Pour le
cas de la cornaline archéologique, A. Schoumacker souligne le problème de
l’identification de la chauffe et la difficulté de distinguer si la chauffe est naturelle,
accidentelle ou intentionnelle : « la cornaline doit sa couleur rouge à des impuretés
ferrugineuses qui sont de l’hématite (rouge) ou de la limonite (jaune) dont la première peut
se former à partir de la déshydratation de la seconde. Il semble que la chauffe artificielle
révèle la couleur rouge de certaines calcédoines. Cependant, la calcédoine se forme dans des
contextes volcaniques de température élevée, l’expression des particules ferrugineuses peut
être due dans certains cas à une chauffe naturelle liée au milieu de formation »
(Schoumacker 2003, p 417). La découverte des calcédoines dans des contextes
archéologiques exceptionnels, i.e. permettant la comparaison entre les états de la
roche avant et après la chauffe, fournirait une preuve indéniable d’une chauffe
intentionnelle.
204
p. 40), autrement la matière sera sans doute altérée et de nombreux accidents
peuvent survenir.
44 Pour l’explication du phénomène de la luisance des surfaces chauffées, plusieurs hypothèses ont
été proposées (Cf. Inizan et al. 1975, p. 11-12).
45 Sans pouvoir préciser à quel moment le traitement thermique a eu lieu, lorsque l’objet était à
l’état de bloc, d’ébauche, de préforme ou à l’état fini, ou tout au long de la chaîne de fabrication.
Sachant toutefois que la chauffe d’une masse relativement réduite (e.g. un éclat) est plus
maîtrisable que la chauffe d’une matière première brute de grande masse (Bordes 1969, p. 197).
205
blanchâtres ou brunâtres, craquelures, fissures). Si la décoloration de la surface par
la présence de traînées/tâches blanchâtres ou brunâtres sont des stigmates assez
représentatifs d’une surchauffe et relativement faciles à repérer, les craquelures,
les fissures et les cupules ne traduisent pas univoquement un traitement par la
chaleur car ils peuvent être également issus d’actions naturelles ou
technologiques. Les différentes publications ayant mentionné les stigmates de
chauffe offrent un certain nombre de photos en couleur illustrant les traînées
blanchâtres ou brunâtres de la surchauffe (Barthélemy de Saizieu 2000, p. 462 ;
Roux 2000, photo 4) mais aucune ne montre les craquelures ou les fissures
considérées, elles aussi, comme stigmates caractéristiques (Inizan 2000, p. 483 ;
Inizan & Tixier 2000, p. 32 ; Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54). De même, les
descriptions de ce type de stigmate sont toujours sommaires et vagues : «la chauffe
est le plus souvent repérée par de petits « cracks » accidentels observables par transparence
sur les objets » (Inizan & Tixier 2000, p. 32) ; « une à plusieurs fissures internes dans la
roche » (Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54) ; « la reconnaissance de la chauffe à l’œil nu
est certainement insuffisante, elle repose sur deux critères : la forte brillance après
enlèvement d’éclats et les petits cracks qui altèrent souvent la roche » (Inizan 2000,
p. 483). La chauffe de la cornaline produit, quand la température « idéale » est
dépassée, des « craques thermiques » (Vidale 1978, p 124 ; Inizan et Tixier 2000,
p. 25 ; Schoumaker 2003, p. 417), « qui la rendent intaillable. On peut aussi déduire ce
dépassement (et par là même la présence de la chauffe) de la présence d'une altération
blanchâtre de la matière chauffée comme la cornaline qui est généralement facilement
reconnaissable » (Inizan & Tixier 2000, p. 25).
Dans son article « De l’action du feu sur les silex » (Jousset de Bellesme 1908),
l’auteur expose ses travaux d’expérimentation de chauffe sur trois variétés de
roches siliceuses : les calcédoines (y compris la cornaline), le silex (« union de la
206
silice et du calcaire ») et une roche qui contient des apports de matières constituées
d’un mélange d’oxydes de fer purs ou alliés au manganèse (une sorte de jaspe).
Dans cet article, les paramètres de la chauffe sont peu maîtrisés ; le lecteur
n’apprend rien sur le type de dispositif ou structure de chauffe, la durée ou la
température. Cependant, les observations de l’auteur qui compare les différentes
réactions des variétés de roches exposées au même traitement suscitent l’intérêt. Il
dénombre ainsi plusieurs phénomènes communs qu’il considère pour certains
comme des accidents de la chauffe. Ceux-ci sont l’éclatement et la projection de
fragments, la fissuration, l’opacité, la décortication, les craquelures, la
désagrégation, la production d’esquilles et les résidus. Nous nous intéressons
particulièrement aux fissurations et aux craquelures car l’auteur en fait clairement
la distinction. Les fissurations sont des fentes longues et très étroites. Leur aspect
rappelle celui d’un « cheveu qui serait posé » (ibid., p. 289) à la surface du silex. Les
fissurations n’entraînent pas toujours la séparation des fragments, car souvent
elles ne s’étendent pas profondément. Elles sont peu nombreuses et se manifestent
de manière différente que celle des craquelures. Les fissurations sont fréquentes
sur les calcédoines, rares sur le type jaspe et très fréquentes sur le silex (ibid.). Les
craquelures sont un réseau de petites lignes fines et noires qui se remarque à la
surface de certains corps, comme par exemple sur les assiettes de faïence que l’on
met longtemps au feu. La production de craquelures se fait sur tous les corps
exposés au feu et nécessite des conditions particulières. D’après l’auteur, il faut
que la partie superficielle ait un pouvoir de dilatation moins grand que les parties
sous-jacentes. Ainsi, quand la surface se dilate, l’intérieur de la matière ne peut ni
la suivre dans son mouvement ni la quitter, ce qui provoque des brisures en de
nombreux endroits. Comme le précise l’expérimentateur, toutes les roches
siliceuses exposées au feu ne se craquèlent pas. Pour que cet effet se produise il
faut que les diverses parties d’un silex ne soient pas homogènes. Par exemple, la
partie calcaire qui recouvre le silex n’a pas la même aptitude de dilatation que
l’intérieur. Lorsque cette partie est tendre et friable, il ne se produit aucun effet,
mais si la couche périphérique est mince et très dense, elle se craquèle avec la plus
grande facilité. D’après l’auteur, un silex très homogène, comme ceux formés de
silice quasiment pure, autrement dit les calcédoines, ne se craquèle pas (ibid.,
p. 290-91).
207
Suite à cet exposé, et en l’absence d’expérimentations personnelles,
plusieurs questions demeurent sans réponse. Par exemple, celle des fissures,
craquelures, ou cracks, comme stigmates identifiant la surchauffe, reste encore
selon nous incomplètement élucidée. Ainsi, B. Barthélemy de Saizieu utilise tantôt
le terme « crack », tantôt le terme « crack/fissure » dans son étude des perles de
Nausharo (Pakistan) (Barthélemy de Saizieu 2000, p. 458-459). Dans sa publication
sur la parure de Mehrgarh, elle utilise le terme de « fissures internes » pour
désigner les stigmates de la surchauffe (Barthélemy de Saizieu 2003, p. 54).
« Crack » et « fissure » sont-ils synonymes de la même chose ou faut-il les
différencier comme le fait G. Jousset de Bellesme (1908, p. 290-91) ? Si oui, quelles
sont les caractéristiques de chacun de ces stigmates ? Concernant leur
emplacement, se forment-ils uniquement à l’intérieur de la matière ou peuvent-ils
se développer également en surface ? Et enfin, concernant leur formation, sont-ils
liés à un phénomène de « dilatation » de la matière provoquant la fracture de
celle-ci ou est-ce plutôt un phénomène résultant du passage trop brutal d’une
température élevée à une basse ou très basse température (choc thermique) ?
208
Malheureusement, n’ayant pu effectuer des expérimentations contrôlées
pour explorer cette thématique, nous n’avons pour le moment aucune réponse
claire à apporter à ces questions46.
46 Une de nos perspectives à venir concerne la mise en place d’un protocole expérimental de la
chauffe de cornaline afin de tenter de répondre à une partie des questions posées.
209
• Les résidus en forme de tâches noires minuscules rappelant fortement le
charbon et semblent être emprisonnés sous la surface des perles (Fig. 5.3d) ;
• Dans certains cas, des micros-fibres carbonisées (?) selon plusieurs degrés
semblent s’être infiltrées à l’intérieur de la matière (Fig. 5.3e-f) par les
microfissures, celles-ci étant possiblement produites par la chauffe.
Carbonisés infiltrés par les fissures à l’intérieur de la matière (inclusions) ;
• La présence des zones plus foncées que d’autres (variation d’intensité de
couleur);
• Les zones de surfaces présentant des trous, du probablement à des micro-
éclatements (Fig. 5.3g).
210
percussion indirecte ou par pression à la pointe de cuivre ou de bronze (ibid.,
p. 60).
211
cône incipient qui s’est formée lors du contact avec la cornaline « fragile ». La
multiplication du geste a provoqué une pulvérisation de la roche qui s’est creusée
petit à petit. La surface a un aspect de « peau d’orange », aucune trace de stries
concentriques n’est observée et on note la présence de quelques arrachements
verticaux, très courts, de quelques dixièmes de mm. À partir de cette étape,
l’artisan a deux choix, soit poursuivre les mêmes opérations sur l’autre face de
l’ébauche afin de faire rejoindre les deux cupules ainsi formées – dans certains cas
assez rares, le négatif d’un cône postérieur au piquetage est observé –, soit de
procéder « par percussion, vraisemblablement à l’aide du même tamponnoir, qui sert alors
de punch, donner un coup au plus profond de la cupule, de façon à détacher un cône parfait
dont le négatif sera presque symétrique à la cupule » (Chevalier et al. 1982, p. 57). La
surface garde le négatif du cône détaché sans le bulbe avec des ondulations
concentriques légèrement irrégulières, ne pouvant se confondre avec des stries de
forage par rotation. Il existe presque toujours un esquillement de percussion. Le
cercle qui recoupe la face opposée à la percussion est très souvent légèrement
excentré (ibid.). Un groupe de cônes détachés ont été trouvés dans l’atelier et
certains portent encore un petit talon, parfois punctiforme. Le trou formé par le
départ du talon du cône est très petit et a été vraisemblablement agrandi avec le
tamponnoir qui a légèrement tourné (ibid., p. 58).
48La technique de Larsa a été identifiée sur le site de Akarçay (PPNB récent/néolithique céramique)
en Anatolie et sur le site de Kumartepe (Néolithique céramique) voisin (Arimura 2007).
212
duquel un système de goutte à goutte est placé sur un tripode en bois qui porte un
récipient en terre cuite. Celui-ci contient de l’eau mélangée à de la chaux et des
feuilles de tamarin. Dans la panse du récipient percé est insérée une tige en fer
longue de 40 cm. L’eau du récipient s’écoule le long de cette tige dont l’extrémité
arrive au niveau de la préforme et la refroidit au fur et à mesure qu’elle est
perforée. L’artisan tient de la main gauche une paumelle en noix de coco qui lui
sert à appuyer sur la hampe du foret tandis qu’avec la main droite, il active
l’archet en un mouvement d’avant en arrière qui le fait tourner selon une rotation
circulaire alternative. La perforation est faite, de part et d’autre, sur à peu près la
moitié de la longueur de la perle. La poussière de calcédoine qui s’accumule dans
la perforation est régulièrement vidée par un mouvement vertical ascensionnel
consistant à sortir le foret de la perforation. L’artisan utilise deux forets distincts :
l’un pour l’entame, composé d’une petite tige à un diamant, et l’autre pour la
perforation, avec une tige plus longue à deux diamants (ibid., p. 174).
La perforation des perles longues et minces est la plus difficile car elle est
« susceptible de présenter des zones de dureté différentes qui peuvent faire dévier
le foret si l’artisan ne module pas à temps les pressions en fonction de ces zones »
(ibid.). La rectitude et le diamètre de la perforation sont considérés comme des
signes d’habilité de l’artisan car « plus la perforation est large, plus la pression
donnée doit être forte et donc plus il est difficile dans ces conditions d’exercer des
pressions stables et homogènes » (ibid., p. 178).
213
Pour notre corpus, l’étude des perforations des perles plates en roches
siliceuses telles que la cornaline a pu bénéficier d’une série d’observations plus
approfondies grâce à la nature du matériau mais aussi à la morphologie des perles
plates qui se caractérisent par une faible épaisseur. Le matériau présente dans la
majorité des cas une surface translucide à transparente permettant de visualiser
l’intérieur de la masse et donc les perforations, leurs sections, leurs trajectoires,
leurs rencontres, etc., et ainsi de les caractériser. Les perforations des rondelles ou
autres perles tubulaires ou cylindriques n’ont pas été examinées de la même
manière que celles des perles plates car elles sont moins visibles. Nous nous
intéresserons ici particulièrement aux perforations longues des perles plates.
214
Il s’agit de la zone du pourtour de l’ouverture de la perforation sur les deux
extrémités). Deux parties sont observées : le pourtour immédiat de l’ouverture sur
la surface de la perle et le début de la pente (début de la paroi de la perforation).
Sur la première les traces de piquetage sont observées, sur la seconde ce sont les
négatifs des micro-enlèvements ainsi que les premières stries de rotation.
Tube de la perforation
Le tube représente la partie creusée de la matière en profondeur. Il est
composé de parois verticales et d’un fond, ou la base, généralement
perpendiculaire aux parois et dont la forme correspond à celle de la mèche du
foret.
Section
Deux sections sont identifiées pour les objets en cornaline :
215
foret pour l’empêcher de dévier (Sela & Roux 2000, p. 175-78), peut-on ainsi
déduire que plus la perforation est étroite, moins elle est déviée ? Nous
examinerons ce rapport sur les tubes des objets archéologiques50 mais auparavant
nous les classons selon leur trajectoire.
Trajectoire
Deux catégories : trajectoire rectiligne (Fig. 5.6a) est celle dont les parois
sont droites et régulières dès le début (l’ouverture) et jusqu’à la fin (base) et
trajectoire déviante (Fig. 5.6b-c), est celle selon laquelle le tube est rectiligne au
départ mais sur ces parois (à mi chemin ou près de la base) on observe une légère
déviation qui change l’axe initial du tube.
La zone de jonction
50 Cf. Chapitre 10. Tell Halula, Le cas des perles en cornaline, Perforation, p.453.
216
La zone de jonction comme son nom l’indique, correspond à celle de la
rencontre entre les deux tubes opposés.
B. Type de perforation
Le forage consiste à creuser un passage à l’intérieur de la matière entre
deux faces opposées. Quand la matière est creusée à partir d’une surface par un
forage qui atteint la surface opposée et qui provoque l’ouverture, la perforation est
obtenue en un seul temps et elle est de type unipolaire. Quand la matière est
creusée par forage depuis l’une des extrémités d’abord puis depuis l’autre, c'est-à-
dire en deux temps, elle est de type bipolaire. Généralement, celle-ci produit deux
tubes opposés. La zone de la rencontre des tubes, que nous appelons la « zone de
jonction », prend différentes formes selon le degré de rencontre (cf. infra). La
présence de deux tubes signifie clairement que la perforation fut bipolaire. En
revanche, la présence d’un seul tube ne signifie pas forcement que la perforation
est unipolaire. Dans certains cas, le forage peut être démarré depuis une extrémité
et approfondie jusqu’à l’extrémité opposée. Cependant, l’ouverture définitive est
réalisée depuis l’extrémité opposée sans la création d’un tube. Dans ce cas-là, nous
avons considéré la perforation comme étant de type bipolaire. La perforation
unipolaire est considérée comme telle uniquement quand le forage démarre
depuis une seule extrémité et se termine par un forage unilatéral directement
jusqu’à l’autre extrémité.
Les dimensions des perforations sur les perles en cornaline peuvent être
mesurées grâce à la nature transparente de la matière. La longueur totale de la
perforation est celui de la perle elle-même. Qu’elle soit à un ou deux tubes, la
longueur de ceux-ci est également mesurée. Le diamètre interne de l’ouverture de
chaque tube est mesuré directement au niveau de son extrémité mais le diamètre
217
du tube est estimé depuis les faces externes de la perle au niveau du milieu de sa
longueur. C’est également le cas pour la mesure du diamètre de la jonction des
deux tubes. Les mesures prises seront analysées dans la partie consacrée à l’étude.
En se basant sur les mesures des tubes, une gradation de 1 à 10 a été mise
en place pour illustrer le rapport de la longueur des tubes l’un par rapport à
l’autre. La longueur entière de la perforation étant de valeur 10, la longueur des
tubes peut alors varier selon cinq rapports différents, en considérant le tube le plus
court en premier lieu : 0/10, 1/9, 2/8, 3/7, 4/6, 5/5. Le premier rapport, 0/10, signifie
la présence d’un seul tube, bien que la perforation puisse être bipolaire. Le rapport
5/5 signifie que les tubes ont des longueurs approximativement semblables,
chacun mesurant la moitié de la longueur de la perforation. L’analyse des
longueurs des tubes pourrait donner des indications sur l’habilité technique de
l’artisan. Nous verrons quelles sont les perles dont les longueurs des tubes
correspondent à ces gradations et nous essaierons de comprendre quelles en
étaient les raisons techniques.
La perforation axée (Fig. 5.6d), quand elle est sur ou parallèle à l’un des
axes (principal ou transversal) de la pièce. Dans certains cas de perforations à deux
tubes, bien que les deux soient dans le même axe, un décalage (ou
chevauchement) est observé. On parlera alors d’une trajectoire axée décalée
(Fig. 5.6e-f);
La perforation déviante (Fig. 5.6g-h), quand l’un des tubes est dans l’axe
principal ou transversal mais l’autre ne se trouve pas dans le même axe mais
diverge par rapport à lui ou le recoupe ;
La perforation angulaire (Fig. 5.6i), quand les deux tubes, inscrits dans le
champ d’un des axes de la pièce, ne sont pas parallèles à lui mais le recoupent.
218
Le désaxement des tubes se produit également dans le sens de l’épaisseur
des perles. Le tube peut s’approcher d’avantage d’une face plate que de l’autre.
L’angle de la base du tube peut par conséquent creuser au niveau de la face de la
perle et provoquer ainsi le percement de la face depuis l’intérieur. Il est possible
que la longueur des tubes soit parfois liée à ce type de désaxement. Autrement dit,
le désaxement dans le sens de l’épaisseur peut être la raison pour laquelle l’artisan
arrête le forage du tube et entreprend le forage par l’autre extrémité en essayant
de viser et de rejoindre la base du premier tube tout en essayant de rester le plus
centré possible dans le sens de l’épaisseur.
• La forme droite est celle dont les parois rejoignent la base du tube de
manière abrupte. Le fond du tube est plat et forme avec les parois un angle
de 90. La forme de la base du tube est semblable à la lettre capitale Pi en
grec « Π » (Fig. 5.6e).
• La forme arrondie est celle dont les parois rejoignent la base du tube en
pente courbe. Sans l’ouverture du tube à son extrémité, le fond du tube
serait en forme de « U » (Fig. 5.6i).
219
Réussir une perforation bipolaire à deux tubes est réussir la rencontre entre
les deux tubes en faisant coïncider leurs bases (fonds) respectives. Le degré de
réussite peut se mesurer selon le degré de jonction. Ainsi, nous décrirons les types
de jonction entre les deux tubes : complète, partielle ou tangentielle.
Théoriquement, la jonction complète produit une ouverture de forme circulaire, la
partielle produit une forme ovale et la tangentielle produit une forme lenticulaire.
Sur les roches siliceuses nous avons remarqué que la jonction des tubes
peut se produire directement par une rencontre des bases des deux tubes ou
indirectement, par un passage que l’artisan crée entre les deux bases. Ainsi nous
parlerons de jonction directe (cf. Fig. 5.6d) ou indirecte. La création d’une jonction
indirecte nécessite l’utilisation d’une mèche de foret d’un diamètre plus petit que
celui des tubes. En effet, en utilisant plusieurs mèches de différents diamètres,
l’artisan arrive à réussir la jonction. Au sein d’une perforation, la présence de deux
tubes dont le diamètre est différent pourrait correspondre à une stratégie qui vise
la réussite de la rencontre des deux.
C. Stigmates de forage
Généralement, il est difficile de détecter les stries de rotation (Fig. 5.7a).
Nous décrivons ici uniquement celles observées au microscope binoculaire, soit
directement sur les parois des perforations, soit indirectement sur les empreintes
en silicone des perforations (Fig. 5.7c, d et e)51. Les stigmates du forage ont été
observés sur les parois des perforations et sur les fonds des tubes dans les cas de
décalage ou de jonction incomplète (suppression du fond).
Les stries sur les parois sont droites et leurs bords sont continus. Le fond n’a
pas pu être décrit pour les stries fines. Les stries d’une certaine largeur présentent
un fond peu rugueux. En ce qui concerne la largeur des stries, les valeurs varient
51La méthode de prise d’empreinte des parois de la perforation permet d’observer à la fois la
morphologie du tube et les stigmates de forage. Les conditions requises pour la réalisation de cette
opération n’ayant pu être rencontrées sur le terrain, seuls les objets ayant pu être sortis ont
bénéficié de cette méthode.
220
généralement de 5 à 20 µm. Cependant, sur une empreinte en silicone de la paroi
d’un tube entier, nous avons mesuré des stries de 55 µm de largeur.
Les stries sur les parois sont concentriques, parfaitement parallèles entre
elles et s’inscrivent dans des bandes larges mesurant entre 600 et 800 µm. Ces
bandes sont délimitées par des stries profondes et larges de 30 à 60 µm (Fig. 5.7b).
Nous avons observé ce phénomène sur le tube cassé d’une perle mais nous
ignorons si le comportement des stries dans les autres perforations est le même.
Toutefois, les stries larges et profondes sont parfois visibles depuis la face de la
perle, c'est-à-dire par le jeu de transparence depuis l’extérieur de la perforation.
Ces stries pourraient correspondent aux limites des bandes striées que nous avons
observées directement sur la paroi.
Sur le fond du tube cassé de la même perle cassée dont la base est droite, les
stries sont difficiles à détecter car d’une part elles sont interrompues et d’autre
part leurs bords sont discontinus. Ces stigmates sont plus semblables à des
traînées qu’à des stries franches. Leur fond, quand il est détecté, est plat et
présente une surface rugueuse par endroits et lisse à d’autres (Fig. 5.7h). Les
portions de stries encore visibles sont concentriques. La rugosité du fond est plus
forte vers le centre. La surface du fond tend à être plus lisse à l’approche des
parois verticales du tube (Fig. 5.7i). Les stries sur la base du tube mesurent en
moyenne 23 µm de largeur (sur cinq mesures effectuées). La plus étroite est de 19
µm et la plus large de 27 µm.
221
• Le refroidissement du foret en action par l’ajout régulier d’eau, par un
système de goutte à goutte assuré avec une poche à perfusion ;
• Le « mordant » par l’ajout régulier d’abrasif ;
L’abrasif utilisé dans nos expérimentations était du silex broyé que nous
avons ramassé sous les amas de taille du silex52. Le rajout régulé de l’eau
permettait, outre que le refroidissement du foret, l’adhésion des particules de
l’abrasif à la mèche ainsi qu’au trou. Au bout d’un certain temps, au changement
de bruit (arrêt du grincement produit par l’écrasement des particules de l’abrasif
contre les parois), et à la production d’une « pâte » gluante (contenant des bulles
d’air), nous savions qu’il était le temps de nettoyer, de remplacer l’abrasif ou d’en
rajouter car il n’était plus « mordant ». Quand la mèche parvenait à abraser la
matière, l’aspect des stries produites était rugueux ; au contraire, quand la mèche
ne « mordait » pas de manière efficace, le fond du tube et les parois devenaient
lisses. Dans le premier cas, il s’agissait d’abrasion, donc de l’élimination grossière
de la matière, et dans le second cas, il s’agissait plutôt d’une action semblable au
polissage durant laquelle les stries rugueuses produites auparavant ont été polies
et les irrégularités effacées. Les surfaces non lisses et marquées par des trainées
sont sans doute les « nouvelles » surfaces dégagées par l’abrasion. Les surfaces
222
brillantes sont celles qui, au lieu d’être « mordues », abrasées, ont été polies, voire
lustrée par effacement des irrégularités produites. Le « passage » de l’abrasion au
polissage, voire au lustrage, est considéré comme un phénomène d’usure
(Schoumacker 2003, p. 416).
223
après 5h de perforation, les parois du trou commençaient à devenir rectilignes et
seul le fond du trou présentait une dépression (Fig. annexes III.2c) correspondant
à la pointe usée de la mèche, celle-ci étant devenu presque cylindrique
(Fig. annexes III.2d).
224
avec une résine d’encens yéménite (« luban »). Les deux faces du chaton sont
traitées de la même façon. À chaque changement de meule, les chatons sont collés
et décollés de la même manière jusqu’à huit fois au total durant toutes les étapes
de finition. Le geste de l’artisan consiste à frotter les chatons sertis sur la surface de
la meule. Celle-ci étant disposée de manière inclinée et submergée à moitié dans
un bassin d’eau, le mouvement de va-et-vient du bâtonnet permet d’humidifier les
surfaces non submergées de la meule. Au cours des quatre étapes successives,
l’eau du bassin se charge en particules de silice qui facilitent les différentes
opérations (Inizan et al. 1992, p. 167).
53Les perles en cornaline issues de cette culture sont d’une qualité technique et esthétique
remarquable.
225
plane étendue dont l’aspect, la morphologie et les stigmates présents font d’elle
une unité cohérente.
Par leur forme et nature volumique, les perles plates ne peuvent être
observées uniformément comme cela peut être le cas des perles tubulaires ou
sphériques. En effet, les formes complexes des perles plates nous ont mené à faire
un découpage virtuel de ces surfaces afin de recueillir les informations. Ces
surfaces sont les deux faces larges du profil de la perle (Fig. 5.5d), la zone de
l’arête centrale (Fig. 5.5c) qui sépare une face en deux parts relativement égales et
le contour de la perle (Fig. 5.5a). Ce dernier est parfois très fin, notamment dans
les zones les plus éloignées des extrémités. L’étude de la surface du contour est
basée essentiellement sur les zones les plus larges. Celles-ci se trouvent en
continuité les faces de perforation et se confondent souvent avec elles. Les faces de
perforation (Fig. 5.5b) de la perle sont des surfaces dans lesquelles sont situées les
ouvertures de la perforation (cf. supra) et leur étude est rattachée à la phase de
perforation.
226
centrales. L’étude présente par conséquent une synthèse des stigmates les plus
représentatifs sur les deux faces du profil et les deux arêtes.
227
micro-trous ou des arrachements peuvent être observés (Fig. 5.8a). Ces surfaces,
très restreintes et généralement entourées des surfaces marquées, peuvent être
issues d’un lustrage non intentionnel soit pendant la phase de finition (e.g.
manipulation intense par les doigts), soit pendant l’utilisation (port).
La forme d’une strie est désignée par la disposition de ces bords l’un par
rapport à l’autre. Nous en avons distingué deux : « droite » quand les deux bords
sont droits et parallèles et « biconvexe » (ou « fusiforme ») quand ces bords sont
convexes.
228
D’après nos observations, la forme de la strie est conditionnée notamment
par le degré de la platitude ou la topographie de la surface. Les stries droites se
trouvent exclusivement sur les surfaces planes tandis que les stries biconvexes
sont localisées sur les surfaces convexes. Une troisième situation existe, celle des
surfaces creuses (notamment les surfaces des négatifs d’enlèvement résiduels des
opérations précédentes). La forme des stries couvrant une surface creuse devrait
être, théoriquement et si on suppose que le grain abrasif est de forme arrondie,
biconcave, c'est-à-dire que les bords de la strie sont concaves et les extrémités ne se
rejoignent pas. Cependant, ce n’est pas cette forme qui a été identifié sur les
surfaces creuses mais la forme biconvexe. Cela pourrait être expliqué par la
densité de stries couvrant les surfaces creuses. Leur chevauchement pourrait
fausser l’identification de leur forme. Sur une surface homogène mais selon
l’endroit traité (plane ou convexe), la même strie peut être droite ou biconvexe.
Cette observation nous a amené à écarter le critère de la forme.
Les bords
Les bords de la strie peuvent être décrits selon leur degré de netteté. Deux
situations ont été observées : bords continus, à démarcation nette et bords
discontinus, interrompus dont la démarcation est floue.
229
La trajectoire
La longueur
Les longueurs des stries peuvent être mesurées et des moyennes peuvent
être établies afin de déterminer des catégories de longueur (longues, moyennes et
courtes). Cette démarche peut être appliquée à des objets d’un type donné
partageant le même calibre, or ce n’est pas le cas des perles plates. Les stries
observées sur ces perles sont conditionnées par l’étendue des surfaces et les
traversent de part en part. Les stries courtes en surfaces étendues méritent
cependant d’être soulignées.
La profondeur
230
profondeurs des stries (profondes, moyennement profondes ou superficielles)
pour tout un ensemble d’objet est une démarche subjective. Ainsi, la seule variable
métrique que nous pouvons utiliser est celle de la largeur de la strie.
La largeur
Les mesures des largeurs des stries (entre 20 et 30 mesures) ont été prises
sur chacune des perles en calcédoines composant un échantillon de 30 spécimens
de différents types56. Ces mesures ont permis de déterminer la valeur maximale
que la largeur d’une strie peut atteindre. Dans le cas de l’échantillon mesuré, il
s’agit de la valeur de 90 à 100 µm, valeur exceptionnelle. La largeur minimale
mesurée avec précision est celle de 3.53 µm à grossissement 500x (par le logiciel de
mesure du microscope électronique à balayage, MEB). Trois échelles à deux degrés
ont été fixées et déterminent les types de stries.
Type 1
La largeur varie entre 40 et 80 µm (Fig. 5.9a). Cette fourchette est fixée sur la
base des mesures prises sur des stries superposées. C’est le calibre « large ». Deux
formes sont distinguées, droites et biconvexes. De manière générale, les stries
droites se différencient des biconvexes par leur habituelle grande longueur (de 500
µm à plusieurs millimètres) ; elles peuvent couvrir de part en part la face d’un
objet.
Type 2
56Cet échantillon représente 13.25% de la totalité des objets en roches siliceuses, tout type
confondu, du corpus étudié.
231
La largeur varie entre 10 et 40 µm (Fig. 5.9b). C’est le calibre « fin ». La
forme principale est la droite et rarement biconvexe. A cette largeur, les stries sont
de longueur moyenne ou courte. Généralement moins longues que les stries du
type 1.
Type 3
L’orientation
Cette variable désigne l’organisation des stries les unes par rapport aux
autres. Trois situations peuvent survenir : les stries sont « unidirectionnelles »
quand elles sont parallèles entre elles ; elles sont « bidirectionnelles » quand elles
sont convergentes et elles sont « multidirectionnelles » quand elles sont orientées
dans trois ou plus directions ou qu’elles sont anarchiques. L’orientation des stries
est une variable qui pourrait donner des indications sur le geste de l’artisan,
notamment sur le maintien de l’objet (entre les doigts d’une main ou dans un
dispositif de type pierre à rainure) et dans certains cas elle pourrait renseigner sur
le type de l’outillage employé (passif de type meule dormante ou actif de type
polissoir à l’archet) : « si la perle avait été frottée à la main sur une meule dormante,
alors les stries auraient présenté une plus forte variabilité dans leur orientation,
232
correspondant aux différents gestes de l’artisan pour suivre la courbure de la perle »
(D’Errico et al. 2000, p. 160).
La trame
La trame est celle qui mesure le degré de rapprochement des stries entre
elles. Deux situations sont distinguées : les stries « serrées » et les stries
« espacées ». Les premières sont celles dont les bords sont rapprochés et dans
certains cas ils se confondent car ils empiètent les uns sur les autres (se
chevauchent). Dans un groupe de stries serrées, la distance maximale séparant
deux stries est généralement inférieure à 80 µm. Les stries « espacées » sont
éloignées les unes des autres et la distance qui les sépare est généralement
supérieure à 100 µm. La trame des stries est un bon repère de la densité de celles-
ci. L’espacement des stries pourrait être expliqué soit par un effacement de celles-
ci grâce à l’emploi des techniques successives, soit par frottement d’usure, soit par
les deux.
• SS1 : se caractérise par des stries larges (type 1) dont l’orientation générale
est unidirectionnelle.
• SS2 : se caractérise par des stries larges orientées dans deux directions
différentes (bidirectionnelles).
• SS3 : se caractérise par des stries larges orientées dans plusieurs directions
(multidirectionnelles).
• SS4 : se caractérise par des stries fines (type 2) dont l’orientation générale
est unidirectionnelle.
• SS5 : se caractérise par des stries fines orientées dans deux directions
différentes (stries bidirectionnelles).
233
• SS6 : se caractérise par des stries fines orientées en plusieurs directions
(stries multidirectionnelles).
• SS7 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans la même direction.
• SS8 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans deux directions différentes.
• SS9 : La surface est composée de deux types de stries, larges et fines
orientées dans plusieurs directions.
La forme des stries peut être droite ou convexe et la trame serrée ou espacée
dans les types SS1, SS2, SS3, SS4 et SS5.
Certains types n’ont pas été retenus non pas parce qu’ils sont absents du
matériel étudié mais parce que notre méthode consiste à prendre en considération
et en premier lieu le type le plus dominant observé pour une surface. Les types
non identifiés n’ont pas été relevés pendant l’étude car ils sont « noyés » dans
d’autres plus dominants. C’est le cas des types SS4 et SS8.
234
aisément en ce qui concerne les stries unidirectionnelles. Celles-ci peuvent être
parallèles, perpendiculaires, obliques ou disposées de manières multiples par
rapport à l’axe de l’objet.
Les surfaces piquetées du corpus non pas de bosses ; s’il y en a, elles sont
aplaties ou aplanies.
• SP1 (Fig. 5.8b) : Il se caractérise par une présence forte de cupules arrondies
de dimensions généralement semblables couvrant la totalité de la surface.
Le piquetage est « fin » et l’aspect de surface à l’œil nu est rugueux. Ce type
de piquetage est présent notamment sur les arêtes et les zones bombées des
surfaces planes de la perle et sur les bords (contours) des perles. Ce type de
piquetage est produit par les différents phénomènes d’usure. Bien qu’il ne
soit pas lié à une action technique intentionnelle, nous avons choisi de le
présenter ici afin de le contraster, distinguer clairement, de l’autre type avec
lequel il se mêle dans certain nombre de cas (cf.SP3).
235
• SP2 (Fig. 5.8e): C’est une surface piquetée en profondeur à topographie
accidentée « en escalier » et d’un aspect feuilleté autour des enlèvements
(dentelle). Ce type de piquetage, grossier, est uniquement localisé sur les
contours des ouvertures de la perforation et jamais sur les faces, les arêtes
ou les contours des perles. En effet, il pourrait s’agir d’un piquetage
technique destiné à la création d’un creux permettant de caler les mèches
des forets utilisés dans le forage.
• SP3 (Fig. 5.8f) : C’est une surface qui combine les deux types précédents et
elle est notamment observée sur les contours des perforations sous forme
de deux auréoles circulaires l’une dans l’autre. La plus grande est celle de
type 1 qui correspond généralement à une surface bombée. La plus petite
auréole, située à l’intérieur de la première, est de type 2 et est celle qui
entoure les parois de la perforation. Ce type est uniquement observé sur les
extrémités de perforation.
236
Chapitre 6. Consommation: Usure et fonctions
237
6.2. L’usure (fonctionnement)
Les objets de parure n’étant pas d’outils, nous pouvons concevoir que
l’usure est plus lente et que ses stigmates se manifestent de manière différente.
Selon nous, trois facteurs associés génèrent les altérations d’usure : la force, le
mouvement et le temps. L’usure d’un élément de parure est liée principalement au
facteur temps (usure produite à long terme) tandis que l’usure d’un outil actif est
principalement produite par la force et le mouvement, parfois sur un court laps de
temps.
238
et la force. Il joue un rôle déterminant dans le développement et l’accélération de
l’usure.
Bien que l’usure de l’objet soit accélérée durant son port, elle débute dès
l’acquisition de la matière et se poursuit durant la transformation. En effet, la
manipulation tactile répétée engendre des stigmates d’usure de surface (D’Errico
1993). Toutefois, il est généralement établi que l’usure d’un objet de parure débute
à partir du moment où il est porté et se termine lorsqu’il est abandonné, perdu ou
déposé. Et c’est entre ces deux moments que les chercheurs distinguent des stades
progressifs de l’usure de l’objet grâce à l’examen des séries d’éléments composants
les parures (Taborin 1993a et b ; Sidéra 1993 ; 2000 ; 2002 ; Bonnardin 2009). De
nombreux stades d’usure reflètent une durée d’utilisation de la parure
relativement longue.
Généralement, les zones les plus usées sont celles qui sont les plus exposées
au contact avec d’autres supports. C’est le cas des zones saillantes, des contours et
des extrémités ; pour les objets plats, l’usure peut également toucher les surfaces.
Étant en contact permanent avec le lien, les perforations sont également des zones
sensibles à l’usure.
Plus concrètement, les chercheurs ont identifié les facteurs qui provoquent
l’usure d’un objet de parure. Pour Y. Taborin (1993b, p. 205), il s’agit de quatre
facteurs : 1) les mouvements brutaux ; 2) les glissements le long du lien ; 3) les
entrechocs des coquilles et 4) les heurts divers. Pour S. Bonnardin, les traces
d’usure sont le résultat de la combinaison de plusieurs paramètres : 1) les savoir-
faire mis en œuvre dans la fabrication ; 2) la durée du port ; 3) la fréquence du
port ; 4) l’assujettissement des objets ; 5) les systèmes d’attache (Bonnardin 2009,
p. 116-17).
Les dispositifs d’attache dans notre corpus sont restreints aux perforations.
La présence d’un tel dispositif indique clairement l’utilisation d’un lien. Au
contraire, l’absence de ce dispositif sur un objet, à moins d’avoir des stigmates
diagnostiques, n’est a priori indicatrice d’aucun mode d’attache en particulier. S.
Bonnardin a recensé cinq modes possibles (Bonnardin 2009, p. 117-19) : la
suspension (libre ou contrainte), l’entrelacement, la couture, le collage et le
239
sertissage. Ces modes déterminent l’exposition et la figuration de l’objet dans
l’espace.
L’objet attaché selon le mode de la suspension libre a une exposition qui est
tributaire conjointement de sa forme et de son contact avec le corps humain ou
avec un support quelconque. Par exemple, une pendeloque plate suspendue
librement expose l’une de ses faces de perforation une fois portée autour du cou.
Dans le cas de la couture, l’élément est fixé avec un lien sur un support.
Selon la tension du lien et la marge laissée, le frottement peut être plus moins
localisé et généralement lent car l’objet en principe est immobilisé. Il est de même
pour l’entrelacement.
240
Les traces d’usure produites par l’homme peuvent se distinguer de celles
issues des phénomènes naturels par leur localisation sur des zones délimitées. Les
différents degrés d’usure (polissage, émoussement, creusement et fracture)
dépendent de l’action : frottement et/ou entrechoquement sporadique ou
permanent. Ces actions agissent de manière différente selon la forme de l’objet, sa
matière et surtout son mode d’attache.
Les stigmates issus de l’usure des surfaces peuvent avoir été produits plus
ou moins en même temps, sauf peut-être dans le cas du poli et de l’effacement de
traces de fabrication. En d’autres termes, la progression de l’usure sur les surfaces
est difficile à détecter tandis qu’elle est évidente dans le cas de l’usure des
volumes (cf. infra).
241
Pour notre corpus, nous distinguons les stigmates suivants : 1) les rayures ;
2) le poli ; 3) l’effacement partiel des traces techniques ; 4) le piquetage, les
entailles et les cônes incipients ; et 5) la coloration.
A. Les rayures
Afin de les différencier des stries issues des interventions techniques, nous
leur attribuons, comme S. Bonnardin, le terme de « rayures ».
Les rayures sont des stries difficilement visibles à l’œil nu. Contrairement
aux stries de fabrication, elles sont réparties sur la surface de manière anarchique,
et selon des orientations multiples. Leurs formes et leurs dimensions sont
variables. Elles sont observées sur les surfaces de toutes les matières présentes
dans le corpus, mais elles sont particulièrement fréquentes sur les matières tendres
(os, coquillages, roches tendres). Elles sont parfois distribuées sur les mêmes zones
que le poli que nous allons maintenant présenter.
B. Le poli
Visible à l’œil nu, le poli, ou lustre, est une brillance de la surface dont le
toucher est également caractéristique (lisse). Le poli étant généralement produit
par frottement, sa présence traduit un contact de l’objet avec un support. Ainsi,
l’examen de son extension et de sa disposition constituent deux variables
importantes à examiner pour la compréhension de son mode d’attache.
242
du poli n’est pas une tâche aisée. Par ailleurs, les éléments en roches siliceuses
étant souvent soumises aux techniques de finition comme le polissage, et parfois
même le lustrage, il est difficile de déterminer si le poli observé est d’origine
technique ou dû simplement à l’usure, notamment en absence des stries régulières
de polissage.
57 Pour rappel, le cône incipient est une fissure de fracture qui se développent suivant un cône de
révolution à partir de la surface de la matière quand la percussion n’est pas suivie d’un enlèvement
(Tixier et al. 1980, p. 81).
243
E. Coloration
La coloration se manifeste par un « jaunissement » de la surface usée, celle-
ci est souvent localisée et délimitée. S. Bonnardin a observé ce phénomène sur des
rondelles en calcaire blanc où il y a également un effacement de traces (Bonnardin
2009, p. 109-12). Dans notre corpus, ce phénomène est observé également sur des
objets en calcaire mais aussi sur des petites coquilles d’eau douce (genre
Theodoxus).
244
les arêtes centrales sur une surface, etc. Bien que l’émoussement provoque une
perte de matière peu importante, il affecte néanmoins la forme initiale de l’objet.
245
durée d’utilisation d’une parure est exprimée par les possibles remplacements et
substitution des objets fracturés avec des objets « neufs » ou « réparés ».
Dans notre corpus, cinq stades d’usure des extrémités des cyprées sans
dorsum ont pu être documentés (Fig. 6.1).
D. La fracture
L’expression la plus forte de l’altération due à l’usure prolongée de l’objet
ou à un accident. Les entrechoquements répétés entre les éléments d’une parure
peuvent provoquer des fissures. Ces lignes de fractures, à force de répétition, se
propagent et finissent quelquefois par créer une fracture. Les encoches de plus en
plus profondes sur les contours des percements traduisent une épaisseur de la
matière de plus en plus fine et, parfois, le moindre choc sur cette partie fragilisée
peut provoquer la fracture du dispositif d’attache. L’objet fracturé est alors soumis
soit à la réparation ou au recyclage, soit rejeté.
Les fonctions des objets de parure sont innombrables si l’on se base sur les
études des objets de parure des périodes historiques riches en documentations
écrites ou sur les études des sociétés subactuelles. M. Vanhaeren recense dans la
littérature ethnographique 14 fonctions différentes (2002, p. 8-17) :
246
• Reflet d’appartenance à un groupe social
• Marqueur d’un statut social individuel
• Élément d’un rituel
• Offrandes
• Amulettes
• Objets prophylactiques
• Talismans
• Objets d’échange
• Possessions inaliénables
• Système de communication
• Système de comptage
247
situations archéologiques, voire pour comprendre certains contextes mal connus.
Les contraintes concernent certains contextes de découverte, ceux dans lesquels les
objets de parure ne sont pas trouvés in situ, c'est-à-dire quand l’objet est découvert
isolé, sans association claire avec des restes humains ou animaux, en dehors des
structures et dans des zones mal définies comme les aires extérieures.
Les objets peuvent être trouvés associés directement à des squelettes dans
des sépultures. C’est le cas des objets de parure de Tell Halula et d’une catégorie
d’objets à Abu Hureyra et à Tell Aswad. Les objets peuvent également ne pas être
directement rattachés aux squelettes mais se trouver dans une aire réservée aux
sépultures, dans l’espace sépulcral au sens large. Des objets de Tell Aswad sont
rattachés à ce cas de figure. Précisons que les sépultures peuvent être incluses
dans l’espace domestique (Tell Aswad, Tell Halula, Abu Hureyra) ou réunies dans
des aires funéraires (Tell Aswad).
248
sites les plus anciens du corpus : Tell Mureybet, Jerf el-Ahmar, et Dja’de el-
Mughara.
Il s’agit notamment des aires de rejet et des sols (?) ou couches extérieures.
L’exemple le plus parlant est celui des « cuvettes » de Tell Aswad, zones
particulièrement riches de culture matérielle fonctionnelle ou à caractère
symbolique. Dans ces zones, des restes humains isolés et de faune sont également
trouvés.
C’est notamment dans ces contextes que l’on trouve des objets en cours de
fabrication et des matières minérales brutes à Tell Aswad.
249
250
Partie III
ÉTUDE DU MATÉRIEL
ARCHÉOLOGIQUE
251
252
Introduction
Les objets de chaque site seront décrits et présentés selon le classement des
grandes catégories des formes (anatomiques, géométriques et singulières). Au sein
de chaque de catégorie, les objets sont présentés selon leurs familles typologiques
et leurs types. Ainsi, pour chaque type, les matériaux, les couleurs, les formes et
les dimensions sont décrits. Quand l’effectif est représentatif, des analyses
statistiques morpho-métriques sont effectuées. Les traces techniques et celles
d’usure sont également décrits et les chaînes de fabrication, ou/et d’usure, sont
développés quand il est possible. Chaque élément, ou groupe d’éléments, est
renseigné au niveau de sa période d’appartenance ainsi que au niveau du contexte
de découvert, quand l’information est disponible. Une synthèse est présentée à la
fin de chaque catégorie de forme et une conclusion générale à la fin de chaque site.
253
254
Chapitre 7. Tell Mureybet
Ils ont été découverts dans toutes les phases d’occupation du site.
Rappelons que ces phases correspondent à cinq périodes chrono-culturelles
successives : Natoufien final (phase IA), Khiamien (phases IB, IIA et IIB),
Mureybétien (phases IIIA et IIIB), PPNB ancien (phase IVA) et PPNB moyen
(phase IVB). Le nombre d’objet de parure varie selon les périodes. Ainsi, les
périodes khiamienne et mureybétienne sont les mieux dotées en termes d’effectif.
Cela pourrait être expliqué par l’étendue des fouilles, plus importante pour les
niveaux de ces périodes (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 90). Les contextes des
découvertes sont variés et correspondent généralement à des structures d’habitat
(sols intérieurs, sols extérieurs, cellules de maisons subdivisées, foyers). Le
contexte funéraire, très peu documenté sur le site, n’a livré aucun objet de parure.
255
Quasiment tous les éléments de parure présents en France ont bénéficié
d’une expertise pour leur identification taxonomique ou minéralogique. Durant
les années 1970 et 1980, des coquilles ont été transmises au laboratoire des
invertébrés marins du Musée national d’Histoire naturelle pour leur
détermination par J.-M. Gaillard. En ce qui concerne les matières osseuses, les
éléments ont été examinés et identifiés, lorsque cela était possible, par L.
Gourichon. Quant aux objets en pierre, des analyses par diffractométrie aux
rayons X ont été pratiquées sur 112 spécimens. Une première série d’analyse (sur
lames minces et diffractométrie aux rayons X) fut réalisée dans les laboratoires de
l’ORSTOM entre 1983 et 1984 par M. Delaume, à une époque où il était nécessaire
de passer par une étape impliquant la destruction des objets. Une vingtaine de
pièces ont été ainsi sacrifiées. Un programme d’analyse a ensuite été mis en place
en 1996 avec le Centre d’archéométrie du Département des Sciences de la Terre de
l’Université Claude Bernard Lyon 1. L’évolution des techniques a permis d’utiliser
alors une méthode non destructive pour l’analyse par diffractométrie X d’un
important lot d’éléments de parure (Santallier et al. 1997, p. 56-58). En 1997 et 1998,
une nouvelle série d’analyse, menée dans le même laboratoire par D. Santallier, a
permis d’examiner les pièces qui avaient donné des résultats imprécis et a
concerné un nouveau lot d’objets comprenant des éléments de parure et d’autres
artefacts (disques, galets rainurés, bâtons polis, pierres à rainure, etc.). Avec les
observations pétrographiques sur lames minces réalisées précédemment par un
étudiant de ce laboratoire (Caron 1995) et avec cinq nouveaux éléments analysés
en 2012 par diffractométrie X à l’Ecole des Mines de Paris à Sophia-Antipolis (G.
Monge), nous disposons aujourd’hui d’un bel échantillon d’analyses de
composition minéralogique des objets en pierre du site. Cet échantillon nous a
servi comme collection de référence et nous a permis d’identifier un grand nombre
d’objets provenant d’autres sites du corpus.
256
(jusqu’à x180) et nous avons documenté un certain nombre de traces de fabrication
et d’usure dont certaines furent décrites par C. Maréchal, ce qui a permis leur
confirmation en complément d’autres qui n’avaient pas encore été identifiées.
257
7.1.1.1. Nérites d’eau douce
Avec un total de 76 éléments, les objets de parure sur coquilles de Neritinae
sont les plus abondants (Tabl. 7.2, Fig. 7.1a). L’espèce Theodoxus macrii a pu être
déterminée pour 33 spécimens. Les autres coquilles ont été déterminées
uniquement au niveau de leur genre Theodoxus. À l’exception de la phase IVA,
toutes les phases d’occupation ont livré des nérites, les plus nombreuses (N=47)
proviennent de la phase khiamienne, suivies de celles de la phase mureybétienne
(N=19) et enfin celles de la phase natoufienne (N=10).
258
de ces plages sont remplies de stries fines (Fig. 7.3a). L’abrasion est relevée dans 68
cas provenant de toutes les séquences d’occupation (Tabl. 7.3), depuis le Natoufien
(neuf éléments) jusqu’au Mureybétien (19 éléments), en passant par le Khiamien
(41 éléments). Sur un cas de la phase IB (n° 946) deux percements sont observés,
l’un sur le sommet réalisé par abrasion et, l’autre, irrégulier, ébréché et vif, situé
sur le labre. Ce dernier est probablement accidentel. La technique de perçage n’a
pu être identifiée dans trois cas car le percement est cassé.
Les traces d’usure ont été observées sur 70 éléments (sur 76). Il s’agit dans
la plupart des cas d’une usure des volumes affectant les pourtours des percements
et les labres au niveau des ouvertures naturelles (Tabl. 7.4). Parmi ces éléments, 59
présentent un labre ébréché à encoche émoussée dans la majorité des cas. Vue
depuis la face dorsale, l’encoche du labre peut atteindre une telle profondeur
qu’elle rejoint presque le pourtour du percement (Fig. 7.3b). Les pourtours des
percements de 60 éléments sont émoussés. La plage d’abrasion est entière et polie
dans un cas seulement, elle est effacée partiellement dans 51 cas (n° 1442) et
complètement dans quatre cas (cette observation n’a pu être réalisée pour huit
éléments présentant un état du test particulièrement médiocre sur la zone de
pourtour des percements). Sur les 60 éléments présentant des percements
émoussés, des échancrures ont été également observées. Ces échancrures se
transforment en véritables encoches à un stade très avancé. Les encoches sur les
percements sont documentées dans deux cas (n° 511 et n° 1442). Les étirements ou
les échancrures sont dans tous les cas orientés dans le sens des échancrures
observées sur les labres (n° 216 ; n° 511 ; n° 1442 ; n° 31 ; 52 ; 68).
259
Enfin, des traces d’ocre rouge ont été observées sur dix pièces provenant
toutes de la période khiamienne. Ces traces ont été détectées sur les pourtours
internes des percements (notamment sur les zones d’étirements), sur les faces
internes des labres, dans le sinus des ouvertures naturelles (n° 62) et sur les
columelles (n° 5332, n° 46). Elles ont été également détectées sur la face dorsale,
sur la zone séparant le percement du labre, exactement au niveau d’un étirement
sur le percement et l’encoche sur le labre. Cette zone pourrait correspondre au
passage d’un lien d’attache qui serait ocré (Fig. 7.3c). La présence d’ocre peut être
également détectée à l’intérieur des sutures de la coquille dans la zone de la
spire59.
7.1.1.2. Nasses
Quatre coquilles de la famille des Nassaridae, de l’espèce Nassarius
gibbosulus, sont comptées parmi les objets de parure en gastéropodes. Toutes les
quatre sont de la période khiamienne, dont deux spécimens entiers proviennent
de la phase IIA (n° 14 et n° 15, Fig. 7.1b-c) et deux autres, fragmentaires (n° 16 et
n° 17), de la phase IB/IIB. Les spécimens non cassés mesurent respectivement 13.2
et 14.2 mm de hauteur et 11.3 et 13.5 mm de largeur. Le dorsum des quatre
éléments est absent et un percement a été opéré sur leur face ventrale, côté
columelle, au-dessus de l’ouverture naturelle. La suppression du dorsum a
probablement été effectuée par percussion, sans exclure la possibilité d’un
ramassage de la coquille en l’état. Quant aux percements, ils ont été réalisés par
pression ou par percussion indirecte depuis la face interne de la coquille, ce qui
n’aurait pu être possible sans l’enlèvement préalable du dorsum. Equipées de tels
dispositifs d’attache, les nasses percées sur le ventre pourraient avoir été cousues
sur un support. Enfin, les bords des dorsa et des percements qui ne sont pas
ébréchés sont émoussés.
59 L’ensemble des observations concernant les traces d’usure offre un ensemble d’indices
permettant de proposer un mode d’attache des nérites. Cf. discussion générale Mureybet.
260
7.1.1.3. Colombelles
Au total, quatre Columbella rustica, mesurant entre 8 et 10 mm de hauteur,
ont été trouvées à Mureybet. Leur spire a disparu et, dans deux cas, l’un de la
phase IB (n° 12, Fig. 7.1d) et l’autre de la phase IIIB (n° 11), un percement a été
réalisé depuis l’intérieur de la coquille. La partie inférieure de la coquille n° 12 a
été cassée et la base de la coquille n° 11 a été raccourcie. Cela a permis le passage
de l’outil afin de réaliser le percement depuis l’intérieur de la coquille en visant le
centre de la spire. Le mode d’attache envisageable pour ces éléments est celui d’un
enfilage dans le sens de la hauteur grâce au passage reliant l’ouverture de la spire
à l’ouverture naturelle de la coquille. Les percements à l’intérieur de la coquille, à
l’emplacement des spires supprimées, ont été réalisés par percussion indirecte ou
par pression.
Pour une colombelle de la phase IIIB (n° 10, Fig. 7.1f), aucun percement n’a
été réalisé à l’emplacement de la spire supprimée. Le passage d’un lien est donc
impossible. Sur la colombelle n° 9 (Fig. 7.1e) la spire a été également supprimée
sans qu’il y aille pour autant un percement dans cette zone. Le percement, a été
réalisé sur le dos et est de forme quadrangulaire aux bords réguliers. Cet
emplacement laisse supposer que la coquille a été portée plutôt comme une
pendeloque et non pas enfilée. Une plage d’abrasion étroite et aplanie entoure le
percement quadrangulaire.
Enfin, les bords des parties supprimées, le labre et la base de ces coquilles,
notamment celle de n° 11, sont émoussés.
7.1.1.4. Cône
Il s’agit de l’unique spécimen représentant la famille des Conidae. Cette
coquille est haute de 10 mm et son test est fragile et érodé. Son apex est absent et la
columelle à l’intérieur est percée, permettant ainsi un éventuel enfilage de
l’élément.
261
7.1.1.5. Valves d’Unio
Au total, quatre valves d’Unio ont été étudiées (Fig. 7.1i-j). Dans deux cas,
on reconnaît la forme naturelle, conchoïdale large à section convexo-concave. Les
deux valves sont munies de perforations courtes décentrées, il s’agit probablement
de pendeloques. Sur l’une d’elles (phase IB), qui est une petite valve gauche (l : 25
mm ; h : 17 mm) ébréchée sur le côté postérieur, la perforation est située sur le côté
intérieur (n° 20). Portée verticalement, sa forme est pseudo-elliptique. Sur l’autre
coquille, phase IIB, qui est le fragment d’une grande valve droite dont le sommet
et une partie du bord dorsal sont conservés (l : 16 mm ; h : 27 mm), la perforation
est située près du sommet (n° 21). Portée verticalement, sa forme est sub-
triangulaire. Le troisième élément, appartenant à la phase IIIB, est un fragment de
nacre épais et compact de forme irrégulière mais arrondie. Cet aspect semble être
le résultat d’une importante érosion naturelle (entrechoquement et roulage dans
l’eau ?) avant le ramassage par l’homme. Ce petit élément (L : 14 mm ; l : 12 mm ;
e : 8 mm) porte une perforation cylindrique très étroite (diamètre légèrement
supérieur à 1 mm) et longue de 8 mm permettant son enfilage horizontal comme
une perle (n° 22).
Les perforations ont été réalisées depuis la face interne de la coquille. Deux
techniques sont identifiées : l’abrasion rotative (n° 20 et 22) et la percussion
indirecte (n° 21).
Le débitage par rainurage est également documenté. En effet, l’un des bords
de la pendeloque (n° 21) est parfaitement rectiligne, forme résultant certainement
d’un découpage par rainurage ou sciage. De même le débitage par rainurage est
identifié sur la coquille n° 513 (Fig. 7.1j) qui correspond à un fragment de la valve
droite de la phase IIB et qui ne porte aucune perforation. Cette coquille à test épais
(5 mm), a été dans un premier temps sciée verticalement dans le sens de sa
hauteur puis une profonde rainure a été réalisée parallèlement au bord ventral
suivant une dépression naturelle du test qui se poursuit sur la tranche déjà sciée
pour continuer sur l’autre face. Pourrait-il s’agir d’une sorte de « matrice » à partir
de laquelle ont pu être extraits des supports pour la réalisation d’objets de plus
petit gabarit ? Est-on dans le domaine de la parure ? Il convient de signaler que les
deux éléments portant des traces de débitage par rainurage ou sciage
appartiennent à la même phase IIB.
262
7.1.1.6. Dentales et étuis de vers marins
Neuf éléments tubulaires en test appartiennent aux niveaux khiamiens et
mureybétiens. Leurs longueurs varient entre 1.05 et 3 mm et leurs diamètres entre
2 et 2.7 mm. Parmi eux, trois petites coquilles finement côtelées ont été identifiées
avec certitude comme des Dentalium sp. : n° 1134 ; n° 2034 (Fig. 7.1h) et n° 1439
(Fig. 7.1g). Pour un élément, (n° 1693), le test est très lisse mais on devine les côtes
très fines effacées, pour un autre élément (n° 1005), le test est légèrement érodé
mais porte à un endroit la trace d’une ou deux côtes fines. Pour les trois éléments
restants, n° 7455 et n° 1443 qui rassemble deux éléments emboîtés et n° 1693, il est
difficile de les différencier des étuis de vers marins (e.g. Ditrupa) et de les attribuer
clairement à des scaphopodes.
Ouverts aux deux extrémités, ces éléments peuvent être enfilés à l’instar de
perles tubulaires. Des stries de sciage ont été détectées sur l’élément dont le test est
le mieux conservé (Fig. 7.1h). Les traces d’usure concernent les bords des
extrémités des tubes qui pour certains présentent des échancrures.
Enfin, le dernier élément (n° 5524) est court et unique en son genre. Il
provient de la phase IIB. Ce tronçon est de forme légèrement tronconique et de
section circulaire (L : 4.3 mm ; d : 10.3 mm). Le test est très altéré mais porte encore
les vestiges d’une pellicule de surface beige et lisse. Un quart de la circonférence a
été cassé. La coquille dans laquelle cet élément a été découpé est trop modifiée et
altérée pour en permettre la détermination ; il pourrait toutefois s’agir d’une
dentale de grande taille.
Parmi le lot des éléments en os, seulement cinq sont de forme anatomique.
Il s’agit d’éléments présentant des perforations transversales permettant de les
considérer comme des pendeloques. Cependant, nous verrons plus loin que
seulement trois peuvent l’être. Deux de ces éléments ont été fabriqués sur des os
longs dont l’un, un métapode de blaireau, appartient à la classe D1, et l’autre, un
humérus de lièvre, à la classe D2. Les trois éléments restants ont été réalisés sur
263
des os courts, des phalanges de petits ruminants de type gazelle (C2)60 (Tabl. 7.5)
de tailles relativement proches (en moyenne, L : 37.5 mm ; l : 8.7 mm).
Parmi les objets en os que l’on peut considérer comme des pendeloques,
figure l’objet n° 5 (Fig. 7.1k), qui est un métapode entier de blaireau percée
intentionnellement à travers la poulie articulaire distale (h : 30 mm). Le cône de
perforation est plus important du côté dorsal, ses bords sont émoussés et lustrés,
particulièrement là où passerait le lien dans le cas d’une suspension de l’objet. On
60 Parmi ces éléments, deux n’auraient pas été travaillés par l’homme. Mais les traitons ici dans le
but de montrer des exemples d’éléments susceptibles d’être confondus avec de véritables objets de
parure.
264
notera d’après les exostoses présentes sur cet os que l’animal était relativement
âgé (L. Gourichon, comm. pers.).
Les objets de forme anatomique en pierre sont très rares dans le registre
néolithique proche-oriental. Dans cette catégorie, un seul élément (n° 2986) datant
de la période PPNB moyen (phase IVB) a été trouvé à Mureybet (Fig. 7.1m). Il
s’agit d’une tête humaine en ronde bosse (h : 24.6 mm, l : 12.2 mm ; e : 14 mm).
Une perforation longue centrée traverse la masse dans son axe principal (de haut
en bas). Le haut de la tête est cylindrique et plat sur le dessus comme si la figurine
portait une coiffe ; le nez est convexe et les narines représentées par deux trous
forés. Une bouche assez large a été sculptée en creux. Le menton, très marqué,
suggérait à Jacques Cauvin une volonté d’évoquer une barbe (Maréchal &
Alarashi 2008, p. 600). De chaque côté du nez, deux grands yeux sont représentés
par un cercle rainuré à l’intérieur duquel on a enlevé de la matière par raclage, ce
qui a laissé des traces bien visibles. Au centre, les pupilles ont été marquées par
forage. Enfin, deux petits ronds, identiques en diamètre, ont été forés de chaque
côté du visage comme pour symboliser les oreilles. On a pu observer des stries
obliques d’abrasion sur l’arrière de la tête. Le trou de suspension garde une forme
biconique ; l’intérieur est usé mais il subsiste quelques stries d’alésage. Cette
figure a été façonnée dans un matériau de couleur rouge foncé assez tendre, à
l’éclat gras luisant, qui pourrait bien être du talc contenant de l’hématite, comme
la petite pendeloque bâtonnet n° 636 de la phase IIIA qui sera décrite plus loin61.
265
7.1.4. Synthèse sur les formes anatomiques
266
L’étude des traces d’usure et de leur orientation sur les petites nérites d’eau
douce met en évidence deux points importants concernant le mode d’attache.
Premièrement, le lien était probablement assez tendu entre les éléments : le
resserrement des coquilles les unes contre les autres, grâce à une tension
importante, permet une économie de la longueur des liens d’attache.
Deuxièmement, le lien passait par la face dorsale de la coquille, entre le percement
et l’ouverture naturelle, juste sous la spire. Il ne s’agit donc pas d’une suspension
libre enfilant les nérites les unes après les autres mais d’un système attache ayant
pour but de placer les nérites selon une organisation et une position précise. Ainsi,
il est possible que les nérites aient été cousues sur un vêtement une à une,
composant probablement un motif, ou alors attachées les unes aux autres dans
une parure de type collier, bracelet ou diadème, selon une suspension contrainte
par nœud ou par entrelacs.
Ce schéma d’usure est documenté pour toutes les périodes, ce qui signifie
que le mode d’attache était probablement le même tout au long de l’occupation du
site. Des traces d’ocre sont observées sur neuf nérites datées du Khiamien. Deux
hypothèses peuvent être formulées : soit elles ont été attachées avec un lien ocré,
soit elles étaient en contact avec un support ocré. L’observation de ces traces sur
différentes zones qui correspondent généralement aux zones de passage du lien
(percement, face interne du labre, sinus, columelle et la face dorsale entre les
encoches des labres et les échancrures des percements) plaiderait pour la première
hypothèse. Enfin, notons que les nérites sont rarement découvertes isolées mais
généralement avec des éléments identiques ou avec d’autres objets en pierre ou en
os. Par exemple, parmi les 19 nérites provenant de la phase IIIA, 13 ont été
trouvées dans le niveau 14a (couches A1 et A2) précisément dans la partie sud-
ouest de la maison 47. Dans la même zone et les mêmes couches, deux
pendeloques en pierre, 34 rondelles dont 33 en pierre et une en test ainsi que trois
dentales ont été trouvés. S’agit-il d’une seule parure ou de plusieurs ? Il est très
difficile de répondre à cette question car nous ne disposons pas d’informations
détaillées sur les contextes de découverte des éléments à Mureybet. Cependant,
nous ne pouvons pas écarter la possibilité que ces parures soient composites,
associant plusieurs éléments identiques ou différents.
267
Les coquilles d’Unio, résistantes grâce à leur épaisseur et d’un fort bel
aspect grâce à la couche nacrée luisante sur leur face interne, ont été notamment
utilisées durant la période khiamienne. D’après l’emplacement de leur dispositif
d’attache, elles auraient pu être portées comme pendeloques et, dans certains cas,
d’après les traces de fabrication relevées, comme « matrices » d’extraction de
supports de plus petit gabarit, probablement pour fabriquer des objets de forme
géométriques.
Un os court et deux os longs ont été utilisés pour les objets de parure de
forme anatomique et que l’on considère comme des pendeloques. L’os court
concerne une phalange de gazelle, exemplaire unique est intéressant pour le
corpus car il a été abandonné en cours de fabrication. Le second support est celui
d’un métapode entier de blaireau percée à travers la poulie articulaire. Enfin, la
dernière pendeloque a été réalisée sur une chute de fabrication d’un humérus
gauche de lièvre par égalisation de l’extrémité et en exploitant l’orifice naturel de
la fosse olécranienne pour suspendre l’objet.
268
Des représentations de têtes humaines, étonnamment semblables à celle-ci
dans les dimensions, le style réaliste ainsi qu’au niveau de délicatesse de la
confection, sont connues au PPNA sous forme de petites figurines. Deux de celles-
ci ont été découvertes à Jerf el-Ahmar (Stordeur & Abbès 2002, Fig. 15) et une à
Tell ‘Abr 3 (Yarta 2013, Fig. 185). Les trois éléments portent des rainures verticales
sur la face opposée au visage. Ces rainures jouaient très vraisemblablement un
rôle de fixation comme le suggère D. Stordeur (2010, p.124) et pourraient donc
faire partie de figurines composites dont le corps était fabriqué en autre matériau,
probablement périssable. A la lumière de ces comparaisons, nous ne pouvons
affirmer que la miniature perforée de tête humaine était un élément de parure. En
effet, la présence d’une perforation n’exclue pas l’utilisation pour d’autre fonction
autre que la parure. La perforation sur l’exemplaire de Mureybet pourrait traduire
une évolution dans le type de dispositif de fixation des figurines composites
pratiqué au PPNA, en l’occurrence la rainure sur la face opposée au visage. Cette
hypothèse, en l’absence de données récurrentes, est évidemment loin d’être
avérée.
269
7.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)
Au total 322 rondelles ont été découvertes sur le site de Tell Mureybet. La
grande majorité de celles-ci a été fabriquée en pierre (N=306) et, seulement pour
un petit lot (N=16), en test.
L’identification précise des coquilles n’a pu être faite compte tenu du degré
de transformation de la forme originelle. Aucune espèce de la classe des
Gastéropodes présente sur le site ne permet une telle transformation. Les coquilles
de bivalves côtelées semblent plus appropriées. La couleur observée est d’un blanc
beige légèrement jauni. Les dimensions de ces éléments sont variables (d : 2.6–8.45
mm ; L : 0.6–2.8 mm ; dp : 1.05–2.9 mm).
270
Les contextes de découverte de ces éléments sont variés. Notons surtout la
présence de trois rondelles dans la maison 47 de la phase mureybétienne et qui
pourraient être associées aux ensembles de parure en pierre trouvés au même
endroit (cf. Rondelles en pierre).
A. Matières et couleurs
Sur l’ensemble des rondelles étudiées, 83 ont bénéficié d’analyses de
composition minéralogiques par diffractométrie aux rayons X63 (Santallier et al.
1997). Les résultats montrent une utilisation d’une grande gamme de matériaux
d’origine locale ainsi qu’allochtone. Les matériaux qui pourraient avoir été récoltés
localement sont les carbonates (N=17), qui regroupent la calcite, une association de
calcite et de micas, et l’ankérite ; les évaporites (N=2), qui incluent le gypse et une
association de calcite avec du gypse ; et les argiles représentées par la kaolinite
(N=2). Les matériaux de provenance allochtone sont les ophiolites et les
phosphates. Pour le premier groupe, 50 éléments ont été identifiés, dont 42
appartiennent à la famille des chlorites (38 en clinochlore et/ou nimite et
diabantite, et trois en chlorite), quatre à la famille des talcs, trois à la famille des
serpentines (un en serpentine et deux en lizardite) et un élément qui associe le talc
et la serpentine. Douze rondelles en phosphates ont été identifiées, dont sept en
62 Un ensemble de 75 éléments stockés au Musée d’Alep n’a pu être examiné. Il s’agit d’un collier
trouvé in situ au sud de la cellule h de la maison 47 (Stordeur & Ibáñez 2008, p. 62, Fig. 8). Par
ailleurs et d’après C. Maréchal, il est possible que 83 rondelles supplémentaires présentées sous
forme de collier (rassemblées a posteriori) et exposées au Musée d’Alep en 1982 fassent partie des
objets de parure du site provenant du matériel récolté par M. van Loon (Maréchal & Alarashi 2008,
p. 586).
63 Au lot de 78 rondelles analysées dans les années 1980 et 1990 se rajoutent 5 rondelles
271
crandallite, trois en variscite, une en quartz associé avec de l’argile et des
phosphates et une qui associe la fluorapatite et la calcite.
272
Les valeurs du diamètre et de la longueur de chaque rondelle ont été mises
en relation (Fig. 7.5). La distribution des éléments par rapport aux deux axes
montre une corrélation assez manifeste (r = 0.59) entre les deux variables exprimée
par un accroissement de la longueur au fur et à mesure que le diamètre augmente.
On constate la présence de trois concentrations qui se différencient essentiellement
en fonction du diamètre. L’une de ces concentrations est nettement séparée des
deux autres par un hiatus. Celui-ci illustre une distribution éparse des éléments
dont le diamètre est supérieure à 8 mm. Les deux autres concentrations se
chevauchent. L’une correspond à des rondelles de petit gabarit jusqu’à 4.8 mm de
diamètre environ et 2.3 mm de longueur, et l’autre à des éléments de moyen
gabarit dont le diamètre varie de 4.7 à 8 mm environ et la longueur de 0.8 à 4.5
mm. Le chevauchement fait qu’un certain nombre de rondelles restent difficiles à
rattacher à l’une ou de l’autre.
273
La longueur dans le premier groupe varie entre 0.7 et 2.1 mm et dans le second
entre 2.2 et 4.5 mm.
274
du groupe de moyen diamètre se rassemblent plutôt au niveau des valeurs les
plus basses.
275
phosphates, dont peu d’éléments sont comptabilisé, aucun résultat probant n’a été
obtenu car le nombre l’objet est très réduit. En revanche, (Fig. 7.11) on constate que
la valeur moyenne de dp/d est plus élevée dans le cas des rondelles en ophiolites
que dans le cas de celles en carbonates. Pour chaque ensemble, à longueur égale,
les perforations sont plus larges pour les ophiolites que pour les carbonates. À titre
indicatif, le groupe des ophiolites (chlorite, talc, serpentine) présente une dureté
relative maximale de 3 sur l’échelle de Mohs et les rondelles du groupe des
carbonates une dureté de 4. Or, de manière générale, le forage d’une matière
tendre va détruire plus de matière que dans un matériau plus dur.
276
faces). Elles sont biconiques pour 54 d’entre eux et coniques pour 27. Sur 40
rondelles, les stries concentriques sont continues et d’autres présentent des points
d’arrêt.
277
renforce la seconde hypothèse. La phase de finition dans ce cas consisterait à
régulariser les faces de perforation (effacement des languettes et des arrachements
provoqués par le sciage) par polissage. L’aspect luisant des surfaces sur certaines
rondelles pourrait être expliqué par une éventuelle utilisation d’un support gras
sur lequel le polissage a été effectué. En effet, d’après les expérimentations de C.
Maréchal, pour obtenir un tel aspect de la surface, la roche recevait des bains
chauds et gras et était par la suite poli sur un support enduit de matière grasse
(Maréchal & Alarashi 2008, p. 590).
D. Traces d’usure
Toutes les rondelles étudiées sont usées, mais selon des degrés variables.
Outre l’usure des surfaces représentée par le poli, les rayures et l’effacement de
traces de fabrication, l’émoussement des reliefs (les arêtes du contour) et du
dispositif d’attache (contour et centre de la perforation) est le type d’usure le plus
commun dans la catégorie « usure des volumes ». Seules les deux rondelles
khiamiennes en calcaire à contour facetté (Fig. 7.4k-l) conservent encore les arêtes
de fabrication à l’état vif. Elles gardent les stries d’abrasion sur les facettes du
contour et sur les faces, bien que ces dernières soient partiellement effacées dans la
zone entourant la perforation. Les mêmes zones présentant l’effacement de traces
semblent être d’une couleur différente, plus jaune que blanche. Bien que
l’effacement des stries et la coloration soient des stigmates d’usure, il est difficile
de distinguer si cette usure a été provoquée par le port de l’élément ou durant la
perforation, notamment sur un matériau aussi tendre que le calcaire. Toutefois, la
présence d’une rondelle à l’état non finie (n° 1576) présentant des traces d’usure
certaines ne permet pas d’exclure dans le cas des rondelles en calcaire un port en
l’état durant un court laps de temps.
278
(CY.0.I.C.1) (cf. Table 6). Ces éléments se distinguent des rondelles par leur gabarit
qui est bien plus grand65 (Tabl. 7.7).
L’élément cassé, daté de la même période, est en calcaire blanc assez tendre.
Il semble être également de forme circulaire et sa perforation est de section
biconique (L : 7.6 mm ; dp : 4.8 mm).
biforés)
279
calcite, gypse, halite et quartz. La forme est celle d’un ellipsoïde de section
elliptique. Deux perforations courtes parallèles prennent place transversalement à
chaque extrémité de l’ellipsoïde (El.1.II.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Le type est ellipsoïde
(Tabl. 7.7) et l’une des deux perforations est cassée (h : 39.5 mm ; l : 17.3 mm ; e :
11.3 mm ; dp : 5.8 mm et 4.9 mm). Les traces de fabrication sont effacées par
l’usure. Celle-ci se manifeste sous la forme d’un léger lustre sur chaque face et
d’une facette, ou méplat, localisée entre les deux trous. La perforation est conique
et les bords d’attaque sont abruptes (diamètre moyen des deux cônes : 4.8 et 3.5
mm). L’intérieur est lisse et les bords du trou présentent un poli latéral : encoche
vers l’extérieur de la pièce sur une face et encoche vers l’intérieur sur l’autre face.
La partie conservée de la perforation cassée est également lisse.
Au total onze éléments ont été identifiés en tant que pendeloques au sein de
la collection de parure de Mureybet (Fig. 7.12 et 7.13). Leur première apparition
sur le site remonte au Khiamien (phase IB). Cependant, si l’on considère le disque
n° 3698 (Fig. 7.1n) (dont la perforation est centrée), provenant de la phase IA,
comme une pendeloque, cela ferait remonter l’apparition de cette classe
typologique à la période natoufienne. Elles ont toutes été réalisées dans des
matériaux de bel aspect à l’exception d’un élément de la phase IIIB (n° 12). Cet
objet est problématique compte tenu de ses grandes dimensions, son matériau
d’aspect « abîmé » et sans éclat, sa forme irrégulière qui contraste fortement avec
les formes soignées et symétriques des éléments de la même famille typologique.
280
A. Pendeloque étroite simple
Il s’agit d’un seul élément (n° 636, Fig. 7.12a) dont le volume s’inscrit dans
un cylindre de section circulaire. Une perforation courte décentrée est disposée
transversalement (CY.0.I.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Cette forme allongée et étroite désigne
le nom du type. Cette pendeloque ne présentant aucun aménagement décoratif est
considérée comme simple (Tabl. 7.7).
Les volumes de deux (n° 2594 et 1707) de ces éléments s’inscrivent dans des
ellipsoïdes à section plus ou moins elliptique (EL.1). Le volume de l’élément n° 355
(Fig. 7.12d) provient d’un cylindre de section circulaire (CY.0) et l’élément n° 2758
281
(Fig. 7.12f) a un volume prismatique de section hexagonale (PR.6). Les quatre
pièces sont munies d’une perforation courte décentrée disposée transversalement
(I.C.4) (cf. Tabl. 7.6). Nous verrons plus loin la description détaillée de leurs formes
(cf. infra).
Portés, ces éléments ont une forme longitudinale étroite. La présence d’un
aménagement décoratif de type rainure détermine leur type (Tabl. 7.7).
Les volumes longitudinaux sont rectilignes dans trois cas (n° 355, 2594,
2758, Fig. 7.12e-f) et légèrement courbe dans un cas (n° 1707, Fig. 7.12c). Ce
dernier, le plus ancien (phase IB), est de forme ellipsoïde allongée de section
transversale plano-convexe et présente un aplat d’un côté. Sur l’une des deux faces
de perforation, une rainure étroite a été réalisée entre la perforation et l’extrémité
distale de la pendeloque (h : 65 mm ; l : 10.2 mm ; e : 6.7 mm). La seconde
pendeloque khiamienne (n° 355, Fig. 7.12d) est réduite à la partie distale d’un objet
cassé en deux. Une portion millimétrique de l’extrémité d’une rainure est visible
sur l’une des faces. La forme du volume de la partie conservée consiste en un
cylindre de section transversale circulaire à extrémité pointue (h: 31.4 mm ; d : 8.6
mm). La présence de la rainure, le matériau poli et d’un bel aspect visuel ainsi que
les dimensions sont tous des éléments qui plaident en faveur d’un objet rainuré
probablement de type pendeloque.
282
Enfin, la pendeloque datant de la fin du Mureybétien (n° 2758, Fig. 7.12f)
représente un cas de conversion d’une pendeloque à rainure en une baguette de
section transversale polygonale non percée aux extrémités aiguës. La modification
de la forme originale a produit une forme facettée longitudinalement, sans pour
autant effacer complètement le fond de la rainure dans la partie centrale et les
cônes de la perforation près de l’une des extrémités de l’objet (h : 66.7 ; l : 6 mm ;
e : 4.6 mm.
Matières et couleurs
De bel aspect, les matériaux utilisés pour les pendeloques à rainure sont
tous d’origine allochtone. La roche de la pièce la plus ancienne (phase IB) (n° 1707,
Fig. 7.12c) est de couleur verte jaspée marbré de blanc, appartenant aux
amphiboles. Sa dureté est de 5 à 6.5 sur l’échelle de Mohs. D’après l’analyse par
diffractométrie, la composition de la roche comprend du magnésio-hornblende
pour la majorité et de l’actinote et de la trémolite. C’est également une amphibole
de type hornblende qui a été utilisée pour la fabrication de la pendeloque n° 355
(Fig. 7.12d) datée de la fin du Khiamien (phase IIB). Mais celle-ci est de couleur
gris clair et gris foncé. Sa cassure est sans éclat et d’un aspect rugueux. La roche
utilisée pour la pendeloque de la phase IIIA (n° 2594, Fig. 7.12e) est de couleur vert
foncé et veiné, et de dureté de 6.5 sur l’échelle de Mohs. Sa cassure, d’aspect
irrégulier, a un éclat savonneux. Le matériau de cette pendeloque n’a pu être
déterminé, l’objet étant conservé au Musée d’Alep. De couleur vert sapin, la roche
utilisée pour l’élément n° 2758 (Fig. 7.12f) datant de la phase IIIB est issue d’une
formation ophiolitique dont la composition comporte majoritairement de l’albite,
ainsi que de la clinochlore et de la nimite.
283
foré à partir des deux faces de la pièce ; les deux cônes ont gardé quelques reliefs
de stries concentriques.
284
A. Circulaire
La pendeloque n° 145 (Fig. 7.13a), provenant de la phase IIIA, représente le
seul exemple de pendeloque subcirculaire. Elle est de grande taille (h : 38.4 mm ; l :
35.8 mm ; e : 5.3 mm). La tranche est en biseau mais de manière alternée sur
chaque côté de la section transversale. Elle s’arrondit et devient plus mince dans la
partie supérieure de l’objet. La roche, de couleur vert olive, est faiblement
métamorphique de type « schistes verts », composée de quartz et de pumpellyite,
albite, nimite et microline. La surface de la pièce offre un éclat doux, la partie
centrale et le haut de la pièce présentant un fort poli sur les deux faces ainsi que
sur la tranche. Cependant, de petits creux (reste de piquetage ou accidents
naturels ?) subsistent sur les côtés latéraux avec, sur une face, quelques stries
profondes qui pourraient témoigner d’un frottement circulaire sur une surface
abrasive agressive. Rappelons que l’on a affaire ici à un matériau à dureté élevée.
Le trou a été foré à partir des deux faces (3.9 et 2.9 mm) ; l’intérieur de la
perforation et les bords du haut du trou sont lisses mais on distingue encore
quelques stries de forage sur les bords intérieurs des cônes.
B. Elliptique haute
L’objet n° 146 (Fig. 7.13b) provient de la phase IIIA et a été trouvé à
l’intérieur de la maison 47 avec la pendeloque circulaire n° 145 (Fig. 7.13a), un
élément tubulaire en os (n° 147) et un fragment de disque gravé (n° 148). Cet
élément ovale est relativement petit (h : 21.8 mm ; l : 13.5 mm ; e : 4.7 mm). La
tranche de cet objet est convexe, le trou est relativement large (dp : 3.7 mm), et les
deux faces présentent une petite dépression dans la partie percée. Cette pièce, sans
grand éclat et de couleur anthracite, est en roche détritique d’assez grande
résistance, de type grauwacke, composée d’une association de quartz et de calcite
et contenant un peu d’albite. La perforation est bipolaire et le forage attaqué sur
l’une des deux faces était en biais. Les bords du trou sont très usés,
particulièrement dans la partie supérieure. L’état de surface de la pièce offre un
poli lustré.
285
C. Semi-elliptique haute
La pendeloque semi-elliptique66 n° 7 (Fig. 7.13d) présente un côté convexe et
un côté très légèrement concave et est percée à une extrémité (h : 33.8 mm ; l : 11.8
mm ; e : 3.6 mm). De couleur gris pâle et d’aspect nacré (présence de veines
verticales gris clair et marron), elle s’est révélée être une sillimanite, un matériau
de grande dureté (supérieure à 6.5 sur l’échelle de Mohs). Sa surface est douce et
lisse au toucher, mais on constate à la loupe que son polissage n’a pas
parfaitement effacé toutes les stries d’abrasion dont certaines sont assez
profondes. Les bords de cette pièce sont émoussés. Le trou a été attaqué
obliquement (diamètre d’ouverture du cône : 3 mm) et terminé depuis la face
opposée. L’intérieur de la perforation (1.9 mm) est poli. La tranche du côté
concave de la pendeloque présente, sur une partie, une rainure longitudinale aux
bords émoussés portant quelques vestiges de stries d’orientation similaire. On
peut donc se demander si cette pendeloque n’est pas le résultat du re-façonnage
d’un élément cassé de type pendeloque à rainure.
D. Trapézoïdale haute
Cette pendeloque (n° 1849, Fig. 7.13c) représente l’un des rares éléments de
parure provenant de la période PPNB ancien du site (phase IVA). L’emplacement
de la perforation est assez proche du centre et elle présente une fracture qui a
emporté une partie de sa forme polygonale trapézoïdale (h : 17 mm; l : 15.6 mm; e :
4.5 mm). De couleur vert turquoise, lisse et luisante à la cassure, elle s’est avérée
être en crandallite (phosphate) avec de la woodhouseite et du quartz d’après les
analyses de composition minéralogique (rayons X). Sa surface est couverte d’une
gangue beige qui affecte aussi l’intérieur de la perforation.
E. Torique
Il ne s’agit pas ici d’un véritable type car, de toute évidence, la pendeloque
n° 1106 (Fig. 7.13e) provenant de la phase IIA, est un exemple de recyclage d’un
anneau cassé sur un peu moins de sa moitié, qui était de forme subcirculaire (h :
66Exposée dans les années 1970 avec les objets de la phase II, le numéro d’inventaire de cet élément
a été perdu.
286
18.3 mm ; e : de 3.1 mm ; diamètre interne : 6.8 mm). Le matériau, de couleur beige
ivoire et dense à la cassure, est en calcite. La pièce a été bien finie : la tranche et
l’intérieur de l’anneau sont arrondis et polis ; sa surface, lisse et douce au toucher,
présente un éclat luisant. Un trou a été perforé sur l’anneau à partir des deux
faces, laissant sur l’une d’elles un cône désaxé par rapport au centre du trou (dp :
2.7 et 1.8 mm au centre). Une petite cupule sur le bord pourrait témoigner d’une
préparation de la zone à perforer. On distingue encore un relief de stries
concentriques, mais l’intérieur est usé et cette usure est un peu plus marquée vers
le haut. On peut se demander si ce trou, qui n’est pas centré par rapport à la forme
générale de la pièce entière, n’a pas été foré après que la pièce ait été brisée car,
bien que la cassure n’ait pas été régularisée, elle présente des bords lustrés.
7.2.4.3. Pendeloque ?
Pour un élément fragmentaire muni d’une perforation courte (n° 2362) la
classification typologique n’a pu être établie. Il s’agit vraisemblablement d’une
pendeloque. Cet élément a un contour irrégulier et section biconvexe qui s’amincit
au niveau de la perforation (h : 14.7 mm ; l : 13.5 mm ; e : 6.14 mm). Cette dernière,
placée très près du bord, est conique et son intérieur a un aspect purulent. Le
départ mesure 3.68 mm de diamètre et le trou n’a pas été agrandi sur la face
287
opposée (dp : 2.3 mm). On a affaire à un matériau blanc d’aspect crayeux, qui se
raye à l’ongle. Son analyse a révélé de la calcite, du quartz et de l’halite. L’une des
faces de l’objet est sans éclat et n’a pas gardé de traces de façonnage. L’autre porte
des stries obliques écrasées et un léger lustre.
(pendeloques biforées)
Deux éléments ont été déterminés comme des pendeloques biforées. Tous
les deux datent du début du Khiamien, précisément du niveau 4 (phase IB).
Le volume de l’élément n° 2118 (Fig. 7.13f) est issu d’un cylindre de section
elliptique. Deux perforations courtes parallèles unilatérales sont disposées dans
l’axe principal du volume. D’après ces caractéristiques, l’objet appartient à la
classe morphologique CY.1.II.C.1 (cf. Tabl. 7.6). Son type correspond à une
pendeloque plate de forme elliptique (voire subcirculaire) large car les deux
perforations sont disposées dans le sens de la largeur (h : 17 mm; l : 20 mm; e : 4.2
mm). Sa tranche est irrégulière : droite sur un côté de la pièce et convexe sur le
reste de son pourtour. Une des perforations n’a pas été terminée, sans doute parce
que le forage a provoqué la cassure de la pièce à cet endroit. L’autre trou a été foré
à partir d’une seule face, provoquant des enlèvements sur la face opposée
(diamètre du cône au départ : 4.2 mm pour 2.3 mm sur l’autre face). Le
mouvement rotatif du forage a laissé des stries continues sur la paroi des cônes.
Cet objet a été façonné dans un matériau tendre, qui se raye à l’ongle, blanc, mat,
d’aspect crayeux, et qui présente une cassure terreuse à grain fin. Il est constitué
principalement de calcite et contient du quartz et du gypse.
Le classement du second exemplaire, n° 5360 (Fig. 7.13g), n’est pas aussi sûr
que dans le cas précédent. Ce grand élément, cassé en partie, présente un volume
pouvant être issu d’un cylindre de section elliptique (CY.1). Nous ignorons s’il y
avait une deuxième perforation ou pas. Cependant, le sens de l’orientation de
l’usure de la perforation suggère fortement que l’objet disposait d’une deuxième
perforation. Ainsi, il pourrait lui aussi, comme le précédent, appartenir à la classe
morphologique CY.1.II.C.1 bien que sa forme soit plus irrégulière (h : de 44 mm ; l
288
conservée : 48.7 mm ; l : 55 mm ?; e : entre 3 à 8.4 mm). La perforation est très près
du bord, dans la partie où l’objet est le plus mince. Sans éclat, de couleur blanc
cassé, de dureté 2, à cassure terreuse, le matériau est constitué d’un mélange de
calcite, de gypse, d’halite et de quartz. La surface de l’objet est lisse et lustrée ; elle
ne présente pas de stries de façonnage. Le trou a été foré à partir d’une seule face
(diamètre 4 mm pour 3 mm sur la face opposée) et montre une usure plus
marquée vers le haut. Ce marquage est perpendiculaire au sens de la largeur de
l’élément et atteste, d’une part, que l’élément a été porté et, d’une autre part,
qu’une deuxième perforation était placée symétriquement de l’autre côté (cassé),
parallèle à la première. La tranche est arrondie et est particulièrement usée,
amincie, au niveau de la perforation. La tranche est également amincie près de
l’emplacement supposé de la deuxième perforation. Enfin, l’une des deux faces
semble plus aplanie que l’autre comme résultant d’un frottement régulier.
289
La forme elliptique connaît également deux sections : circulaire et
elliptique. La première concerne cinq éléments dont trois sont khiamiens de la
phase IIA (n° 4622,3765, 2685) et deux mureybétiens (n° 3370, 1343). Ils
appartiennent à la classe EL.0.I.L.1 et forment le groupe de perles type elliptique.
La section elliptique (EL.1.I.L.1) concerne l’élément mureybétien (n° 641). Il s’agit
du type perle standard.
Trois familles typologiques sont identifiées (Tabl. 7.7) : les perles tubulaires,
les perles plates et les perles standards.
290
concerne deux côtes de gazelle. La classe D est représentée par 22 éléments en os
longs : 19 sont des métapodes de lièvre ou de renard et un est un radius d’un petit
mammifère de taille renard ; pour les deux autres la partie anatomique n’a pas été
reconnue mais ils pourraient correspondre aux os longs d’un petit animal de
format lièvre ou renard. La classe D1 concerne trois os longs dont deux sont des
métapodes de renard et un serait un métapode ou une phalange de renard. La
classe D2 est représentée par un humérus de lièvre. À la classe DE appartiennent
sept os longs d’oiseau ou de micromammifère dont la partie anatomique n’a pu
être reconnue (métapode ou tibiotarse ?). La classe E est représentée par 6 os
longs : trois tibiotarses ou radius d’oiseau, un tibiotarse de perdrix ou un radius
d’oie, un tibiotarse ainsi qu’une ulna ou un tibiotarse d’oiseau. La classe E1
regroupe dix os longs, des tibiotarses, des radius et des ulnas d’oiseaux de grande
taille de type oie. La classe E2 offre deux os longs, un radius de rapace de taille
moyenne et un ulna de canard colvert. Enfin, la classe E3 concerne huit éléments
dont sept sont des ulnas de petit oiseau de taille sarcelle et un tibiotarse d’oiseau
non déterminé. Les deux classes les plus représentées sont celles des mammifères
de petite taille (D) et des oiseaux (E) ainsi que les variantes de cette dernière (E1,
E2 et E3). Notons par ailleurs qu’aucune relation ne peut être faite entre les classes
et la répartition stratigraphique compte tenu du déséquilibre existant entre les
effectifs de chaque classe.
Les dimensions manquent pour dix pièces. Parmi les 76 pièces dont la
longueur est conservée, une majorité (N=46) mesure entre 10 et 20 mm. Neuf
éléments ont une longueur inférieure à 10 mm, 20 objets ont une longueur
comprise entre 21 et 37.8 mm. Un élément se distingue du lot, avec une longueur
de 52 mm (n° 832, Fig. 7.14b). La longueur n’est pas spécialement liée à la classe
taxonomique (oiseau, petits mammifères, ruminants). Par exemple, celle des
éléments en os de la classe D (mammifères de petite taille) varie de 6 à 32.2 mm et
les longueurs du petit lot en os de la classe C (ongulés de petite taille) vont de 13 à
37.8 mm. Au sein de la classe E, celle des oiseaux, les longueurs pourraient être en
relation avec l’espèce choisie mais ce n’est pas toujours le cas. La longueur des
éléments en os d’oiseau de format sarcelle est majoritairement comprise entre 12.5
et 16.5 mm et les éléments de la classe E1 correspondant aux gros oiseaux de
format oie, gros canard ou rapace ont une longueur égale ou supérieure à 22 mm.
291
Cependant, il existe une pièce en tibiotarse de perdrix (oiseau de petit format de la
classe E3) dont la longueur est supérieure à 35 mm (n° 75). Parmi les éléments
dont la longueur est inférieure à 10 mm, on trouve des os d’oiseaux (classe E), des
os d’oiseaux ou de micromammifère (classe DE), mais aussi un métapode de lièvre
ou de renard (classe D) mesurant 6 mm (phase IIA). Enfin, la pièce de 52 mm de
longueur a été réalisée dans un tibiotarse de gros oiseau de format rapace ou oie
(phase IIIA).
Pour donner une image de la variété des modules par classe taxonomique,
nous avons mis en relation la longueur et la mesure de la section transversale
(Fig. 7.15). Un certain nombre d’objets étant cassés, une seule mesure de section, la
largeur, a été retenue. L’analyse métrique a concerné 60 éléments, après exclusion
de ceux cassés ou non identifiés au niveau de la classe taxonomique. La
distribution confirme la diversité des pièces, malgré un doute concernant les
éléments inférieurs à 10 mm de longueur (classe D/E), et montre une plus grande
homogénéité pour les éléments de la classe D. Cette diversité des modules semble
concerner toutes les périodes mais on peut observer que les éléments sont plus
diversifiés au Khiamien qu’au Mureybétien, surtout pour la largeur (Fig. 7.16).
Le débitage des os longs ou des côtes a été réalisé par sciage. De nombreux
tronçons portent encore des sillons de dérapage, parfois profonds, et de reprise du
sciage (Fig. 7.14f/i). Une fois la paroi bien entamée, l’os pouvait se rompre ou être
délibérément rompu. Une fois scié, l’os était naturellement creux, comme les os
longs, ou rempli du tissu spongieux, nécessitant alors un percement afin de faire
passer le lien d’attache. Deux pièces de la phase IIA en cours de fabrication
montrent un début d’écrasement de la spongiosa : un métapode de format renard
(n° 1122), sur lequel cette opération a démarré avant la fin du débitage de l’os,
l’autre extrémité présentant seulement un début de sciage au ras de l’épiphyse ; et
292
une côte de gazelle (n° 1123, Fig. 7.14j), où un écrasement s’observe aux deux
extrémités. Après le sciage, la phase de finition consiste généralement à égaliser les
extrémités. Sur le site de Mureybet, un certain nombre d’objets ont les extrémités
encore brutes, c'est-à-dire avec la corniche créée lors de la rupture de l’os avant la
fin du sciage. Les observations sur l’état des extrémités ont porté sur 77 pièces, les
autres étant cassées ou n’étant pas accessibles. Une égalisation des extrémités plus
ou moins poussée (simple écrasement ou abrasion) a été constatée sur presque la
moitié des éléments : 31 khiamiens, un natoufien et deux mureybétiens (phase
IIIB). Ceci concerne aussi bien des petites que des moyennes et grandes
pièces (classes C, D et E).
Dans trois cas, après le sciage et avant la finition, le raclage témoigne d’une
volonté de mise en forme du fût dont la morphologie naturelle a été fortement
modifiée. Il s’agit d’un probable métapode de lièvre ou de renard (n° 4457), d’une
côte de petit ou moyen ruminant (n° 43, Fig. 7.14k) et d’un tibiotarse de gros
oiseau, de format rapace ou oie (n° 832, Fig. 7.14h). Les fûts de ces pièces sont
lustrés et ne présentent pas de traces de sciage (abrasés et polis ?). Les extrémités
du métapode (L : 18.3 mm) n’ont pas été égalisées. Le tibiotarse d’oiseau présente
une extrémité régulière et une extrémité incomplète égalisée. L’os de ruminant est
le mieux fini, ses deux extrémités étant régulières. Tous les éléments permettant de
passer un lien portent des traces d’usure quel que soit leur degré de finition. Ces
traces consistent en des émoussements, des corniches, non égalisées dans certains
cas, et d’un lustre important des fûts, où les traces de sciage ne sont plus visibles,
pour certaines autres pièces.
A. Cylindriques
Les perles cylindriques (Fig. 7.14l/n-o) sont au nombre de cinq (n° 353, 3766,
3451, 2987a, 2987b) (L : 8.9−13.7 mm ; d : 5.5−8 mm). La gamme des couleurs
293
comprend le vert, le marron et le noir. Deux perles datent du Khiamien, la perle
n° 353 (Fig. 7.14l), de couleur vert tacheté (matériau non analysé) et la perle
n° 3766 (Fig. 7.14n), de couleur marron marbré de blanc, elle est en crandallite
(phosphates). Les perles restantes sont du Mureybétien et sont confectionnées en
matériaux foncés. L’une est de couleur noire (n° 3451, Fig. 7.14o), son matériau
s’étant avéré être du clinochlore (ophiolites). Les deux autres, n° 2987a et 2987b,
sont de couleur verdâtre foncé et probablement fabriquées en chlorite (ophiolites).
B. Elliptiques
Les perles elliptiques bitronquées sont également au nombre de cinq. Parmi
elles, trois sont en pierre (n° 3765, 4622, 3370, Fig. 7.14m/p-q) et deux en argile
(n° 2685,1343, Fig. 7.14r-s). La couleur de ces perles est beige et beige rosé. Quant
aux perles en pierre, elles sont toutes de couleur brun marbré, parfois avec des
taches blanches (n° 3370). Leur composition minéralogique indique une
appartenance au groupe des phosphates. Les perles en pierre sont d’un gabarit
plus petit (L : entre 6.3 et 21.8 mm ; d : entre 4.2 et 8.9 mm) que celles en argile (L :
35.5 mm ; d : 22 mm et L : 20 mm ; d : 10 mm).
C. Prismatiques et parallélépipédiques
Les perles prismatiques sont au nombre de trois, dont deux sont
parallélépipédiques (n° 2285, 1021) et une est prismatique de section triangulaire
(n° 910) (L : entre 7.6 et 16.7 mm ; l : entre 1.03 et 5.7 mm). Le matériau utilisé pour
les deux perles khiamiennes (n° 910, 2285) est le crandallite ou woodhouseite
(phosphates) dont la couleur est vert tacheté pour l’une (n° 2285, Fig. 7.14w) et
vert clair pour l’autre (n° 910, Fig. 7.14u). La perle mureybétienne (n° 1021,
Fig. 7.14x) est de couleur noire et fabriquée en clinochlore (ophiolites).
294
7.2.6.3. Perles plates
Quatre perles se distinguent par leur section plate et leurs faces
quadrangulaires. Pour trois d’entre elles (n° 853, 3238, 3953) datant du
Mureybétien, les faces sont carrées (L : entre 16 et 11 mm ; e : entre 4.6 et 5.8 mm)
tandis que celles de la dernière (n° 7453), khiamienne, sont rectangulaires (L : 7
mm ; l : 5.5 mm ; e : 2.9 mm). L’analyse de composition des deux perles carrées
indique du talc (ophiolites) qui est vert pâle dans un cas (n° 3238, Fig. 7.14z) et
rouge foncé dans l’autre (n° 853, Fig. 7.14y) car associé à de l’hématite. La
troisième perle carrée est de couleur vert clair et sa composition n’a pas été
analysée. Elle pourrait appartenir au groupe des phosphates. Enfin, la perle
rectangulaire (n° 7453, Fig. 7.14v) est de couleur vert clair, comme la précédente et,
d’après l’analyse de composition, il s’agit de variscite et de quartz (phosphates).
295
Les techniques d’abrasion en surface sont envisagées pour le façonnage des
préformes. La découverte de la perle parallélépipédique en crandallite (n° 2285,
Fig. 7.14w), abandonnée à l’état de préforme, offre des indices sur les phases de
transformation. La mise en forme a laissé des facettes longitudinales, portant de
fines stries d’abrasion longitudinales sur les côtés de la pièce, transversales,
obliques et croisées sur les faces (Fig. 7.17a, c-d). Les faces de perforation sont
couvertes de stries transversales (Fig. 7.17a/c). Le support abrasif utilisé à ce stade
était très certainement un support à grain fin, vraisemblablement utilisé avec de
l’eau, donnant déjà ainsi à la surface un poli luisant. Le forage a débuté à une
extrémité sur une très faible profondeur (4.3 mm). Le diamètre du trou est de 1.7
mm, le fond est convexe et des stries d’amorce de forage, discontinues, y sont
imprimées (Fig. 7.17b). La finition de la pièce (suppression des arêtes de
façonnage), a donc dû intervenir après le forage.
Sur d’autres éléments la finition n’a pas été poussée, notamment sur les
perles elliptiques de la phase IIA qui présentent encore des arêtes de mise en
forme et des stries d’abrasion. Cependant, il est important de noter que ces perles
sont fabriquées dans de la crandallite, matériau plus dur que le chlorite, et que
leur structure est moins cohérente, ce qui peut expliquer que l’on n’ait pas poussé
le polissage jusqu’à l’écrasement total des arêtes de mise en forme une fois obtenu
un éclat luisant. La phase de finition est visible sur la perle plate rectangulaire de
la période khiamienne (n° 7453, Fig. 7.14v), malgré la présence d’une gangue de
couleur beige qui occulte le poli. Les perles en matériaux tendres de type talc sont
les mieux abouties.
Les perles en argile ont une surface homogène et lisse. Les traces de
fabrication ne sont pas visibles. Le percement est désaxé et biconique dans un cas,
désaxée et cylindrique dans l’autre. Aucun vestige de stries concentriques n’est
visible sur les parois des percements qui sont lisses et luisantes.
Toutes les perles ont été percées par forage à partir des deux extrémités et,
de toute évidence, à l’aide d’un foret à arc : les cônes sont abrupts et l’intérieur des
perforations garde l’empreinte des stries continues. Les diamètres des perforations
indiquent l’utilisation d’outils extrêmement fins. Les zones de jonction des cônes
sont généralement plus étroites que les zones de départ des cônes sauf pour deux
cas où il semble que la partie centrale a été alésée, à moins que cet alésage ait été
296
provoqué par l’usure. Les stries longitudinales de va-et-vient d’alésage sont
observées sur les parois de deux perles plates carrées de la phase IIIB (la verte et la
rouge) qui sont cassées.
Enfin, notons que les arêtes des contours des perforations et arêtes des
contours des objets sont émoussées. Les stries d’abrasion sur les surfaces et sur les
parfois des perforations sont effacées pour la majorité des perles.
Une grande partie des éléments de parure de Mureybet ont des formes
géométriques. Ces formes sont issues majoritairement de cylindres et
d’ellipsoïdes, les formes prismatiques étant rares. Les volumes sont
essentiellement plats. C’est notamment dans les faibles épaisseurs que les
perforations sont effectuées. Ces dernières sont donc majoritairement courtes.
Les classes typologiques sont au nombre de six dont cinq sont des objets à
perforation courte. Il est intéressant de noter qu’au Natoufien les éléments de
forme géométrique sont uniquement ceux à perforation courte centrée. C'est-à-dire
quelques rondelles en pierre ou en test et un disque.
297
n’évoluent selon des morphologies de plus en plus complexes au cours de la
Néolithisation et jusqu’à l’apparition des métaux (cf. Partie IV). Un seul
exemplaire de perle standard de type sphérique a été découvert sur le site et
provient de la phase IIIA (Mureybétien). Notons que les perles à doubles
perforation longues n’ont pas été trouvées à Mureybet tandis que deux
exemplaires en pierre et une dizaine en terre ont été mises au jour dans le site
contemporain de Jerf. Les perforations doubles parallèles à Mureybet sont
uniquement courtes et ne concernent que des objets de faible épaisseur et en
matériaux très tendres comme le calcaire.
Une large gamme des roches a été exploitée pour la fabrication des
éléments en forme géométrique. D’après l’analyse de composition minéralogique,
plusieurs groupes pétrographiques ont été identifiés dont certains sont d’origine
allochtone comme les ophiolites, les phosphates et les amphiboles. Les rondelles et
les perles sont fabriquées en matériaux généralement de faible dureté comme les
carbonates, les chlorites, les talcs, les serpentines, les phosphates ou les argiles
tandis que les pendeloques étroites de section arrondie à rainure sont réalisées sur
des roches tenaces et dures comme les amphiboles, les hornblendes ou l’albite. Par
ailleurs, le choix des matériaux semble évoluer. En effet, au Khiamien, la présence
d’éléments en phosphates, notamment pour les perles, est importante. Les roches
phosphatées sont plus rares à la période suivante et semblent être remplacées par
en ophiolites. Cette tendance peut être également remarquée sur les perles. Les
ophiolites, notamment de la famille des chlorites, ont été identifiées pour les
éléments d’au moins un collier. Les chlorites, rappelons-le, sont des roches
utilisées pour d’autres catégories d’objets de la culture matérielle, notamment
pour les vases décorés, les plaquettes gravées, les pierres à rainures, ou encore
pour des figurines (tête humaine de Tell ‘Abr). Les chlorites sont des roches dont
l’utilisation est fortement employée dans le domaine artistique et symbolique.
298
homogènes du point de vue métrique et semblent appartenir à un module bien
défini qui correspond généralement au petit gabarit.
299
extrémités sont arrondies. Portant une perforation courte transversale, il
correspond à une pendeloque haute, mais cassée au niveau de l’extrémité
proximale, celle portant la perforation. La matière est compacte, de couleur ivoire
et veinée. L’objet est parfaitement lisse au toucher et son éclat est luisant. Il
présente un jaunissement partiel caractéristique de la dentine (ivoire). Selon L.
Gourichon (comm. pers.), il pourrait s’agir d’un objet façonné dans une défense de
suidé. La plaque d’émail caractéristique de ces dents a complètement disparue. On
remarquera que la forme de l’objet suit la courbe des veines. Cette forme évoque
un « crochet », notamment au niveau de l’extrémité distale courbe et légèrement
pointue (h : 27,7 mm ; d : 8 mm). Le trou a été réalisé à partir des deux faces et
conserve une forme biconique. Les bords en sont mousses et les parois des cônes
sont lisses.
7.4. Conclusion
Enfin, les phosphates et les ophiolites sont des matériaux que l’on peut
considérer comme caractéristiques de certaines périodes. Les premiers sont plus
récurrents au Khiamien tandis que les seconds sont majoritaires au PPNA. Au
300
cours de cette dernière, les carbonates sont moins fréquents qu’aux périodes
précédentes.
301
302
Chapitre 8. Jerf el-Ahmar
Les objets étudiés proviennent des deux Eminences fouillées du site mais
sont bien plus nombreux à l’Est (N=140) qu’à l’Ouest (N=35). La phase ancienne
identifiée uniquement à l’Est a fourni un nombre réduit d’éléments (N=4). Les
niveaux IV/W, V/W et VII/W à l’Ouest sont considérés comme appartenant à une
phase ancienne/moyenne et a également livré peu d’éléments (N=3). La phase
moyenne est la plus riche en objets de parure. Elle a livré un total de 126 éléments.
Les objets de la phase récente sont au nombre de 26 et ceux de la phase de
transition au nombre de 15 (Tabl. 8.1).
303
L’ensemble n° 2 est une parure composée de huit éléments en os trouvée
sur un sol extérieur, derrière le mur (mur 137) de la maison EA67.
304
Au total, 172 éléments de la collection peuvent être classés au sein du
groupe des « éléments à perforation étroite ». Les trois éléments restants pourraient
être classés au sein du groupe des « éléments à perforation large ». Cependant, étant
donné que deux d’entre eux portent des perforations en rapport avec du recyclage,
leur classement au sein du premier groupe, d’après leur dernière transformation,
est plus pertinent. Ainsi, seulement un élément est classé au sein du second
groupe (Tabl. 8.3).
305
élevées par rapport aux autres (h : 12 mm ; l : 9.9 mm ; e : 8 mm). Enfin, la coquille
de Melanopsis a un gabarit semblable à la précédente (h : 12 mm ; d : 7.6 mm).
La hauteur et l’épaisseur des nérites ont été mises en relation afin de tester
la présence de variabilités métriques en fonction de leur appartenance à une
parure ou non (Fig. 8.4). La plupart des nérites se concentrent dans la zone
correspondant aux valeurs basses, excepté l’élément dont les valeurs sont très
élevées (cf. supra) et un élément de format « intermédiaire ». Compte tenu de la
faiblesse des effectifs de la parure n° 4 et des éléments trouvés à l’unité, il peut être
risqué de parler d’un rapport clair entre leur gabarit et le type de découverte.
Cependant, il semblerait qu’au sein de la concentration de points, les éléments
unitaires soient de plus grand gabarit que la grande majorité des éléments
composites d’une parure. Le déséquilibre entre les effectifs des différents niveaux
ne permet pas de tester une éventuelle évolution des gabarits au cours du temps.
Parmi les 30 nérites abrasées (en moyenne, d : 2.7 mm), deux ont un
percement cassé.
Sur quatre nérites, dont trois brûlées, l’apex est percé. Ces percements ne
dépassant jamais 1 mm ont été produits, dans le cas des coquilles brûlées, par
éclatement ou par fracture de la surface à cause du craquèlement du test. Dans le
quatrième cas, il est possible que le percement soit d’origine naturelle.
306
L’état de préservation de la majorité des nérites ne permet pas une
observation optimale des traces d’usure. Néanmoins, certains indices d’usure ont
été repérés. Tout d’abord, les bordures des percements présentent généralement
des reliefs émoussés. Sur deux nérites non brûlées, un lustre est observé sur le
contour du percement. Le percement de 21 nérites présente une légère échancrure
qui ne s’est jamais transformé en encoche. Par ailleurs, le labre de presque toutes
les coquilles (N=25) est cassé et présente une encoche relativement profonde sur
une dizaine d’objets. Dans certains cas, cette encoche correspond à l’orientation de
l’échancrure du percement. Cela signifie que le lien utilisé pour l’attache exerçait
une certaine tension sur les coquilles.
8.1.2.1. Pendeloque
La pendeloque n° 43 correspondant à une phalange humaine proximale du
membre supérieur percée transversalement sur son extrémité distale (groupe G)
(Tabl. 8.2). Cet objet provient de l’Eminence Ouest et date de la phase de transition
(niveau I/W). Il a été découvert dans un contexte extérieur, une zone de rejet très
riche en matériel mais dépourvue d’autres restes humains.
307
min. face externe : 3.9 mm). Sur les parois de la perforation, au moins trois bandes
régulières sont séparées par des sillons à fond plat (Fig. 8.5d). Dans l’un de ces
sillons, des stries très fines témoignent d’une abrasion rotative de l’os. La
mauvaise préservation de l’os à l’intérieur de la perforation et la présence de la
cavité médullaire ne permettent pas d’observer les stries de rotation et de vérifier
l’éventuelle existence de points d’arrêt ou, au contraire, une continuité.
Néanmoins, la régularité du contour de la perforation indique l’utilisation d’un
foret mécanisé, de type foret à l’archet. Par ailleurs, une série de stries obliques par
rapport à l’axe de la phalange, relativement profondes et ressemblant plutôt à des
entailles espacées et parallèles entre elles, peuvent être observées sur le bord droit
de la face externe, près de l’extrémité proximale (Fig. 8.5b). Ces traces peuvent être
liées à une intervention technique durant la phase d’extraction. L’extrémité
proximale de la phalange est absente. Son contour érodé ne permet pas de vérifier
si elle a été coupée intentionnellement ou cassée au cours de son utilisation. Outre
le lustre présent sur toutes les parties en relief, l’usure (et donc l’utilisation) est
attestée, par un émoussement important du contour de la perforation et des reliefs
de la pièce.
Les coquilles identifiées pour les éléments de parure de Jerf el-Ahmar sont
toutes des espèces d’eau douce. Contrairement aux sites contemporains de Jerf
(e.g. Mureybet), aucune espèce marine n’a été reconnue. La technique de
percement employée sur les nérites est l’abrasion. Sur la coquille de Melanopsis, il
pourrait s’agir de la percussion indirecte ou de la pression.
308
même parure portée sur un lien. Rappelons que 23 nérites (ensemble n° 3) ont été
trouvées regroupées et associées à au moins une pendeloque en pierre sur le sol de
la maison EA8 de la phase moyenne (niveau III/E). Sur la photo de la découverte
in situ dont on dispose (Fig. 8.2b), la distribution des coquilles semble suivre la
forme de deux arcs se rejoignant par les extrémités et où au bout de l’une d’elles se
trouvait la pendeloque. L’autre impression que nous donne la photo est que les
nérites étaient alignées les unes à la suite des autres, en une double file aboutissant
à la pendeloque. Mais il est possible que le même lien (une rangée) était replié en
deux sur lui-même, ce qui pourrait donner l’effet, après disparition du lien, d’une
parure à deux rangs. Nous reviendrons sur la composition et l’agencement des
éléments dans la partie IV (cf. chapitre 16).
68 https://www.flickr.com/photos/42807077@N07/9593163934/meta/
309
8.2. Les formes géométriques
310
8.2.1.1. Rondelles en test
La description de l’élément en test n° 85 est basée sur les observations faites
à partir de photos et de dessins (Fig. 8.6a). Son volume s’inscrit dans un cylindre
de section circulaire ; la perforation, courte, prend place au centre de l’axe
principal (CY.0.I.C.1) (Tabl. 8.4). Le contour de cet élément est circulaire. Le profil
est courbe et la face convexe est couverte de huit sculptures naturelles de largeur
constante, parallèles entre elles. La face concave est nacrée. Cet élément a été
débité dans une valve de coquillage que nous n’avons pu déterminer. La forme du
contour, anguleuse par endroit (partiellement facettée), suggère une étape
d’égalisation par abrasion (d : 8.3 mm ; e : 1.4 mm). La perforation est de section
cylindrique (dp : 2.9 mm). Cet élément a été découvert dans un contexte de sols
extérieurs correspondant au niveau I/E de la phase moyenne.
Un autre élément en test (n° 105) a été trouvé également dans le niveau I/E
dans un contexte extérieur de démolition. Il s’agit d’un objet de volume discoïde
non percé de forme subcirculaire. La face observée est érodée montrant des
couches superposées de nacre très fragiles en cours de disparition. Cette pièce
semble avoir été débitée (d : 17 mm) dans un matériau nacré (par exemple dans
une valve d’Unio) et dont on a égalisé le contour avant le percement.
311
autour de 3 sur l’échelle de Mohs et dont les couleurs sont dans les tonalités
foncées du vert et du gris (e.g. Fig. 8.6b-d). Le matériau des cinq autres rondelles
n’a pas pu être déterminé car seules des photos sont disponibles. La couleur des
trois premières est dans la gamme des verdâtres : la première (Fig. 8.6i) est de
couleur bleu à surface mate, la deuxième (Fig. 8.6f) est vert olive mais la surface
est couverte d’une gangue beige, et la troisième (Fig. 8.6h) est de couleur beige et
vert pâle marbré et sa surface est d’aspect gras. Deux rondelles de couleur
blanchâtre (Fig. 8.6e) pourraient appartenir au groupe des carbonates.
La perforation est de section cylindrique dans cinq cas bien qu’elle ait été
réalisée, dans un cas, depuis les deux faces. Le diamètre moyen des perforations
cylindriques est de 2.74 mm. La section est conique dans deux cas et mesure
respectivement 2.2 mm et 4.4 mm. La section biconique est également documentée
dans deux cas. Dans le premier cas (Fig. 8.6i), le diamètre moyen des ouvertures
est de 4.5 mm et la jonction entre les deux cônes est de 2.5 mm. Le diamètre moyen
des ouvertures mesuré sur le deuxième élément est de 2.3 mm et celui de la
jonction entre les deux cônes est de 1.5 mm. Les stries de rotation n’ont pas pu être
observées dans les deux cas examinés au microscope, l’usure les ayant
probablement effacés. Nous n’avons pas observé non plus de traces d’alésage à
l’intérieur de ces perforations mais nous nous interrogeons sur le rapport existant
entre la section cylindrique et le diamètre de la perforation et la place qu’occupe
cette dernière dans le diamètre de la rondelle.
312
Pour cela nous avons calculé le rapport entre le diamètre des rondelles et le
diamètre de perforation. Les pourcentages les plus forts concernent les
perforations cylindriques des rondelles dont les matériaux appartiendraient à la
famille des chlorites (Tabl. 8.5). Peut-on considérer, sur la base de ce constat, que
les perforations cylindriques ont subi un alésage de leurs parois ? L’alésage, s’il a
eu lieu, concernerait-il uniquement les rondelles en chlorite ? Il reste difficile de
conclure à partir d’un effectif aussi faible.
Enfin, les traces d’usure se manifestent sous forme de poli des contours et,
comme nous l’avons dit plus haut, sous forme d’effacement des traces de
fabrication, sans pour autant affecter le volume général des objets.
biforés)
69Le calcaire crayeux est un matériau autochtone dont l’approvisionnement peut être fait dans les
environs immédiats du site. Il fut largement utilisé à Jerf el-Ahmar principalement dans la
construction mais aussi pour la réalisation de stèles, de figurines ou de meules, de mollettes et de
divers bassins et récipients.
313
les trois soient dotées de deux perforations distribuées bilatéralement, ces pièces
appartiennent à deux types : les éléments biforés plats (n° 45) et les éléments
biforés annulaires (n° 70 et 77) (Tabl. 8.3).
Sur l’une des faces et entre les deux perforations, une grande entaille
oblique est marquée, à l’intérieur de laquelle on trouve plusieurs stries de raclage.
Ailleurs, sur la même face, de rares stries fines orientées exactement dans le même
sens que l’entaille ont été observées. Ces traces correspondent sans doute à
l’abrasion de la surface durant la phase de façonnage. L’entaille s’est produite
accidentellement, probablement par excès de pression sur un matériau si tendre et
fragile comme celui-ci. Par ailleurs, la surface est parsemée de minuscules trous
qui ont dû se produire par arrachement durant l’abrasion ou par entrechoquement
d’usure.
314
tandis que l’autre est orienté dans le sens opposé, vers le contour de l’objet. Les
étirements en direction du centre suggèrent que la pièce était attachée en faisant
passer le lien entre les deux et sur le « pont » qui les sépare. Quant aux seconds
étirements en direction opposées, ils suggèrent que la pièce a été tirée de part et
d’autre.
Enfin, cet élément a été trouvé sous le radier de la maison EA2 au niveau
II/E de la phase moyenne. À proximité (même couche, même locus), deux autres
éléments de parure furent découverts, une perle sphéroïde en terre (n° 42) et une
rondelle en pierre (n° 91).
Les traces de façonnage ont été complètement effacées et remplacées par les
traces d’usure. Celles-ci sont représentées par un émoussement global de toute la
pièce, l’effacement de toutes les arêtes et l’aplanissement de toutes les zones
convexes. À la place de ces dernières, des micro-facettes en forme de bandes fines
de 1 mm environ ont été observées sur les deux faces. Les perforations, de section
biconique, ont été créées plus tardivement, après la fracture de l’anneau (dp : 2.4 et
2.7 mm ; dj : 1.8 mm env.). Bien qu’elles soient usées notamment au niveau du
315
pourtour, elles conservent encore les stries de forage sur les parois. Celles-ci sont
parallèles et continues. La technique employée est celle de l’abrasion rotative
activée très vraisemblablement par un foret à l’archet.
Cet élément a été trouvé isolé dans une aire extérieure au nord de la maison
EA10, la maison à « cuisine » (Stordeur 2012, p. 38).
Les traces de fabrication n’ont pas pu être observées sur les photos.
Cependant, d’après le dessin, des traits parallèles successifs sur la zone interne de
la paroi de l’anneau sont à signaler. Ils pourraient correspondre aux stries ou aux
sillons liés à l’évidement de l’anneau par un mouvement rotatif. Comme une
grande partie des objets, cet élément a été également trouvé isolé dans une aire
extérieure.
Notons par ailleurs qu’un fragment d’anneau à section plate (n° 78),
provenant aussi de la phase récente et façonné dans le même matériau de couleur
rouge foncée que celui de l’objet n° 77, a été trouvé dans un locus de fouille
adjacent (Fig. 8.6m). Ce fragment, contrairement à l’objet n° 77, ne contient aucune
perforation permettant un portage par suspension (cf. infra).
316
8.2.4.1. Pendeloques étroites à section arrondie
Au total, six pendeloques étroites à section arrondie ont été découvertes à
Jerf el-Ahmar. Parmi elles quatre proviennent du niveau III/E (phase moyenne) et
deux de du niveau I/W (phase de transition) et un du niveau II/W (phase récente).
Deux types sont distingués : les pendeloques étroites simples et les pendeloques
étroites à rainure ou à relief.
317
B. Pendeloques étroites à rainure ou à relief
Quatre éléments appartiennent à ce type. Seul l’un d’entre eux a pu
bénéficier d’un examen (n° 30), les trois autres (n° 92, 93 et 101) ayant été déposés
directement après leur découverte aux musées d’Alep et de Damas70. Ils ont donc
été étudiés à partir de photographies et de dessins.
Chaque face est marquée par une rainure. Sur l’une, la rainure, longue de
47 mm pour une largeur légèrement supérieure à 2 mm et une profondeur
d’environ 1 mm, démarre sous la perforation et est interrompue par une cassure
ancienne de la partie distale de l’objet. Sur l’autre face, la rainure est moins
marquée et mesure 44 mm de longueur, 1 mm de largeur et 0.6 mm de
profondeur. Les traces de débitage et de façonnage ont été oblitérées par les traces
d’usure. Seule la rainure conserve, sur le fond et sur les parois, des stries
longitudinales très fines et subparallèles (Fig. 8.8c). Des stries de dérapage de
rainurage ont été observées sur la rainure la plus large et profonde.
La perforation est de section biconique mais les deux cônes sont très
désaxés. Les stries de rotation sont marquées sur la partie conservée des parois de
la perforation (Fig. 8.8a). Très fines, elles s’inscrivent dans des bandes de 500 µm
environ. Sur la paroi d’un cône qui fait 4 mm de profondeur, 6 bandes de stries ont
été comptées.
70 L’accès à ces pendeloques n’a pu être possible pour des raisons administratives.
318
Le volume entier de la pendeloque est très émoussé, comme on peut le voir
par exemple près de la perforation (Fig. 8.8b). Plusieurs rayures et entailles
aléatoires couvrent les deux surfaces. Sur la partie distale de l’une des faces, la
matière est détériorée et en cours de disparition. On peut détecter cela par une
superposition des couches en litage. L’extrémité distale de la pendeloque,
anciennement cassée, présente une surface particulièrement usée.
71 Nous ne savons pas en revanche si elle faisait partie du même ensemble (la photo de la parure in
situ ne montre pas cette pendeloque mais il est possible que la photo ait été prise avant ou après la
découverte).
319
une des faces pourrait porter une rainure. Enfin, d’après la forme du volume, et
bien que cette hypothèse ne puisse être confirmée qu’après examen approfondi, il
est probable que cet objet ait été réalisé à partir de la partie tranchante d’une
hachette.
La pendeloque n° 101 (Fig. 8.7e) a été trouvée dans une couche de couleur
orange composée de limon et de charbon, dans une aire extérieure au nord de la
maison EA47 (« la maison à bucranes », niveau III/E). Aucun autre objet de parure
n’a été trouvé avec elle.
Le matériau utilisé est de couleur vert olive tacheté d’un vert plus sombre
ou plus claire. D’éclat gras, cette roche rappelle, comme les roches utilisées pour
les pendeloques précédentes, la serpentinite. Le volume correspond, comme la
pendeloque n° 92, à un ellipsoïde de section quadrangulaire trapézoïdale dans
lequel une perforation courte décentrée transversale a été aménagée (EL.4t.I.C.4)
(Tabl. 8.4). Les faces de cette pendeloque sont fusiformes (h : 75.2 mm ; l : 13.8
mm ; e : 12.3 mm). La jonction entre les deux faces les plus étroites se manifeste
par une arête droite. Cette arête prend la forme d’un tranchant aigu sur chacune
des extrémités. Les faces de la perforation sont les plus larges. Elles sont de forme
biconvexe (lenticulaire). Les extrémités vues depuis la face de perforation sont
bombées et arrondies pour l’une, pointues et aiguës pour l’autre. La perforation,
biconique et légèrement désaxée (dp : 4.1 et 3.9 mm ; dj : 2.3 mm), est située près
de l’extrémité bombée. Vue de profil, cette pendeloque affiche une forme sub-
rectangulaire à extrémités et bords latéraux légèrement convexes. L’extrémité
distale est légèrement oblique. Au centre de la face de perforation, une
proéminence (relief) longitudinale et rectiligne parcourt la surface depuis le
dessous de la perforation jusqu’à l’extrémité pointue de la pendeloque. L’autre
face de la perforation est marquée par le relief.
320
photos et aux dessins, des stries longitudinales parallèles de chaque côté des
reliefs. Si l’on accepte le postulat de la mise en forme du volume par sciage, il est
évident que celui-ci n’a pas attaqué la matière dans sa totalité mais l’a entamé,
sous forme d’un sillon profond, de tous les côtés. La séparation des deux volumes
sciés fut effectuée par la suite soit par flexion, soit par pression, soit par l’une des
techniques de percussion. Les parties non sciées de la matière correspondent aux
reliefs longitudinaux qui ont été abrasés et polis afin de régulariser leur tranche
(qui devait être ébréchée à cause de la rupture). La petite facette lisse sur chaque
relief témoigne d’un travail de finition assez soigné.
A. Circulaires
Les pendeloques plates circulaires, au nombre de quatre. Parmi elles deux
proviennent de la phase moyenne (n° 89 et 56) et les deux autres de la phase
récente (n° 74 et 86). La pendeloque n° 86 fut découverte dans un contexte d’aire
extérieure avec deux autres éléments de parure : une rondelle en carbonates
(n° 82) et un tube en os long d’oiseau de petite taille. Malheureusement nous ne
disposons pas de précisions sur la nature de la couche archéologique ou sur la
position de ces éléments dans une structure extérieure, sur un sol ou dans une
321
zone de rejet. Les autres pendeloques circulaires ont été découvertes isolées, sans
association à d’autres objets de parure. La pendeloque n° 56 (Fig. 8.7f) a été
trouvée sur un sol brûlé en place à l’intérieur de la maison EA 25 (niveau III/E), et
l’élément n° 89 sur le sol de la maison EA 1 (niveau I/E).
Les matériaux utilisés pour ces pendeloques n’ont pas été identifiés. Parmi
les quatre éléments, seulement un a été examiné (n° 56). Les autres ont été étudiés
uniquement à partir de photographies et de dessins. D’après l’aspect de la surface
de l’un d’eux (n° 89) et sa couleur orange marron clair tacheté de gris, il pourrait
s’agir d’un galet en carbonates (calcite ?). Deux autres pièces (n° 56 et 74) ont été
façonnées dans des roches couleur gris vert à surface granuleuse matte sans aucun
éclat. L’objet n° 86 semble avoir été fabriqué sur un support en carbonates de
couleur blanc. La surface est assez altérée. La géométrie faciale de ces pièces
s’inscrit dans des cercles plus ou moins réguliers. Dans le cas de l’objet n° 56, il
s’agit d’un contour facetté sur la partie proximale, celle portant la perforation, et
circulaire sur la partie distale. Le contour est subcirculaire pour l’objet n° 89 mais
les courbes sont plus prononcées pour les zones proximale et distale qu’elles ne le
sont sur les zones latérales. La forme des pendeloques n° 74 et 86 est subcirculaire
avec un côté latéral droit. En ce qui concerne le volume de ces objets, 3 d’entre eux
ont relativement le même gabarit (en moyenne, d : 38.57 mm ; e : 5.50 mm). La
pendeloque n° 89, se distingue par ses dimensions plus réduites que les autres (d :
28 mm ; e : 7 mm).
322
partiellement effacées sur sa partie proximale, la plus haute. Le pourtour de la
perforation sur cette partie est émoussé et présente une coloration plus foncée que
le reste du pourtour, liée à l’usure. Les stries d’abrasion sur la tranche de la face,
mais aussi sur la facette du contour se trouvant au niveau de la perforation, sont
émoussées et adoucies, contrairement aux stries sur les facettes adjacentes. En
effet, cette zone correspond au passage du lien qui a permis la suspension de
l’élément, suspension très certainement contrainte, c'est-à-dire que le lien fut en
contact avec la tranche du contour.
B. Elliptiques hautes
Au nombre de huit, les pendeloques elliptiques hautes ont été
majoritairement fabriquées en pierre (sept éléments), auxquels s’ajoute un élément
en terre. Les pendeloques en pierre ont toutes été découvertes isolées, sans
association avec d’autres éléments de parure.
323
Deux éléments ont été trouvés à l’intérieur de maisons : le n° 49 dans une
couche de démolition de la maison EA 19 (niveau I/E) et le n° 55 dans les
fondations des murs de EA8 (niveau II/E). L’objet n° 61 provient clairement d’une
couche de démolition extérieure contenant de la terre à bâtir et des déchets
(niveau 0/E). Les autres pendeloques furent découvertes dans des aires extérieures
de rejets que nous n’avons pu associer à des structures précises : n° 29 (niveau
V/W), n° 36 (niveau VII/W), n° 51 et n° 52 (niveau I/E).
La pendeloque en terre (48T ; Fig. 8.11q) est quant à elle la seule à être
associée à une parure composée de 50 éléments pour la majorité en terre, trouvée
in situ dans la maison EA 47 (niveau III/E), dite « Maison aux bucranes », autour
d’un bucrane (cf. infra). Cette pièce est l’exemplaire unique de pendeloque à
perforation courte en terre72 dont nous disposons, à la fois pour la collection de
Jerf el Ahmar mais aussi pour l’ensemble du corpus. Cassée sur sa partie distale, la
hauteur conservée est de 28.8 mm mais, d’après notre estimation, sa hauteur
d’origine aurait pu atteindre 37 mm environ (l : 34.4 mm ; e : 17.6 mm). La
perforation est de forme irrégulière (dp : 13.6 mm).
La pâte est composée de terre fine dont la couleur de base est beige claire,
plus foncée dans certaines zones. Vue depuis sa cassure, la masse de terre
composant l’intérieur de l’objet est de la même couleur que celle de la face externe.
Le dégraissant utilisé dans la pâte est minéral, consistant en de minuscules
particules brillantes. Aucune empreinte de doigt ou d’outil n’a été documentée sur
la partie conservée, indiquant que la surface a été lissée après modelage. La
perforation semble avoir été réalisée par enfoncement d’une tige dans la pâte
molle. La pâte montre des traces de cuisson. Cependant, nous ignorons s’il s’agit
d’une cuisson intentionnelle ou accidentelle, en sachant par ailleurs que cet
élément provient du niveau III/E où toutes les architectures ont été incendiées
(Stordeur et Abbès 2002, p. 568).
72Rappelons qu’aucune analyse n’a été faite sur les objets en terre que ça soit concernant la
composition minéralogique de la pâte, sa cuisson ou les aspects techniques de modelage.
324
Les autres pendeloques elliptiques hautes sont fabriquées en pierre. Six
d’entre elles sont complètes et une autre conserve uniquement sa partie mésiale.
Celle-ci (n° 51), ainsi qu’un autre élément entier (n° 61), ont été abandonnés en
cours de perforation. Les cinq autres pendeloques sont des objets « finis ».
Deux matériaux ont été identifiés pour ces pendeloques : des galets simples,
tels ceux que l’on trouve actuellement sur les rives de l’Euphrate (n° 51, 52, 55 et
61), et du calcaire tendre (n° 29 et 49). Pour un élément (n° 36, Fig. 8.7j), dont le
matériau semble plus dur que le calcaire (calcite ?), l’identification n’a pas été
possible. Cependant, son examen à la loupe binoculaire à fort grossissement a
permis l’identification de micro-organismes fossiles identiques à ceux que l’on
trouve dans les galets de l’Euphrate. Il pourrait donc s’agir d’un galet dont la
forme naturelle a été entièrement modifiée. Les couleurs sont à l’origine dans la
gamme des blanchâtres, sauf pour la pendeloque n° 29 (Fig. 8.7i) qui a dû être
teintée d’une couleur noire marron foncée car elle a été découverte dans une
couche charbonneuse. En effet, elle semble avoir été « salie » mais, étant en calcaire
tendre donc fragile, nous avons évité son nettoyage à l’eau. La géométrie faciale de
ces pendeloques correspond à une ellipse plus ou moins régulière. Cependant, la
pendeloque n° 36 offre une forme assez particulière. Bien que s’inscrivant dans
une ellipse, ces extrémités sont étirées et forment des convexités légèrement
détachées de la forme générale. Cette forme évoque celle d’un citron.
Il est intéressant de signaler l’existence d’un objet plat non perforé (n° 102,
Fig. 8.7k) dont la forme et les dimensions sont semblables à cette pendeloque. Il est
probable que cet objet soit une « préforme» destinée à devenir une pendeloque
semblable à la n° 36. Notons cependant que ces deux éléments ne sont pas
contemporains, l’objet n° 102 étant bien plus récent (phase de transition, niveau
I/W).
325
concerne une seule pendeloque en galet, la n° 55 (Fig. 8.7h ; h : 27.5 mm ; l : 22.7
mm ; e : 4.2 mm). Le petit gabarit (en moyenne, h : 15.25 mm ; l : 10 mm ; e : 3.1
mm) concerne deux galets, les pendeloques n° 52 (Fig. 8.7g) et 61, ainsi que la
pendeloque en galet n° 51, conservée uniquement sur sa partie mésiale.
Le façonnage a été réalisé par abrasion sur les éléments en calcaire tendre
(n° 29 et 49). Ce matériau, fragile et friable, a dû être abrasé sur un support à grain
fin. La pendeloque n° 36 conserve encore un contour facetté par endroits. La
perforation de ces éléments s’est faite de part et d’autre, le contour est régulier et
des stries concentriques sont enregistrées sur les parois (n° 49). Les traces
techniques sur les pendeloques en galet concernent uniquement la perforation.
Celle-ci a été réalisée de chaque côté par un mouvement rotatif continu. Celui-ci a
produit des stries concentriques très régulières et sans point d’arrêts suggérant
l’utilisation d’un foret à l’archet. Avant d’entamer la perforation, l’emplacement
de celle-ci a été marqué par des incisions croisées et par le creusement (n° 51) de
petites cupules grossières (n° 61) sur les deux faces. Les traces d’usure que nous
avons observées sont un léger lustre et un émoussement des contours des
perforations et des pièces. Les stries de perforation sont effacées partiellement,
dans les zones de passage du lien, généralement dans la partie proximale de la
perforation (n° 29). Dans certains cas, cet effacement est accompagné d’un léger
étirement sur le contour de la perforation comme c’est le cas pour la pendeloque
n° 36. La perforation de celle-ci est par ailleurs décentrée dans le sens de la
largeur : la pendeloque suspendue librement par un lien passant à l’intérieur de
cette perforation s’afficherait verticalement mais pencherait dans la direction
opposée à celle de l’emplacement de la perforation.
C. Elliptiques larges
Les pendeloques elliptiques larges sont au nombre de deux. La première
(n° 48) a été découverte sans association avec d’autres objets de parure, dans une
couche extérieure liée à la maison EA 38 (niveau III/W) de la phase récente, et la
seconde (n° 67) a également été trouvée isolée dans une couche de destruction de
la maison EA 46, comprenant de la terre à bâtir brûlée entre des moellons et des
pierres à cigare de la maison EA 46 (niveau VII/E) de la phase ancienne. Il s’agit
326
du seul élément de parure provenant de ce niveau et, du plus ancien élément de
parure trouvé dans le site.
Du calcaire tendre a été utilisé pour la première pendeloque (Fig. 8.7l). Sur
l’une des faces, autour et sous la partie distale de la perforation, un dépôt
blanchâtre accumulatif rappelant des fibres ou des phytolithes a pu être observé.
Le matériau utilisé pour la seconde pendeloque n’a pu être identifié. Notons que
celle-ci est brûlée.
Toutes les deux sont cassées sur leur partie latérale. Les gabarits sont
différents et la forme de la pendeloque n° 48 (h : 43.3 mm ; l : 50 mm env., e :
8 mm) est plus elliptique que celle de la seconde (h : 20.7 mm ; l : 29.8 mm env. ; e :
4.8 mm). En effet, si les bords latéraux de celle-ci s’inscrivent dans une ellipse, les
bords proximal et distal sont parallèles entre eux.
327
faces. La perforation, de forme elliptique (dp : 3.8 et 3.6 mm), ne présente pas de
cône de perforation mais des parois concaves par endroits. La perforation est
probablement d’origine naturelle. Sa partie proximale est émoussée et légèrement
étirée vers le haut et vers le contour de la pièce qui, lui, présente un léger
enfoncement à cet endroit. Il s’agit ici, comme pour certaines pendeloques plates
circulaires (n° 56, 89 ; cf. supra), du résultat d’une usure par suspension tendue et
contrainte (lien en contact avec le contour de la pièce également).
D. Semi-elliptique large
La pendeloque n° 50 (Fig. 8.7m) provient du niveau II de l’éminence Ouest.
Elle fut découverte sans association avec d’autres éléments de parure dans une
couche grise d’aire extérieure. Le matériau utilisé pourrait, d’après sa dureté
inférieure à 3.5 sur l’échelle de Mohs et son éclat mat et légèrement crayeux,
appartenir au groupe des carbonates. Il s’agit probablement de calcite.
328
La perforation, biconique, a une forme circulaire régulière (dp : 6.2 mm ; dj :
4.2 mm). Le contour de la perforation est poli et légèrement jauni sur la partie
proximale. La paroi, à cet emplacement, est partiellement dépourvue de stries de
rotation. Ces dernières sont concentriques, régulières et continues là où celles-ci
sont encore visibles.
E. Trapézoïdale haute
L’objet n° 66 est une pendeloque qui fut vraisemblablement réalisée sur un
fragment de bâton poli cassé en cours de fabrication. Elle a été découverte sans
association avec d’autres éléments de parure, dans une couche de rejet d’une aire
extérieure du niveau I/E (phase moyenne). La forme s’inscrit dans un prisme de
section quadrangulaire trapézoïdale, la perforation courte décentrée prend place
dans l’axe principal (EL.4t.I.C.4).
Le matériau a une surface granuleuse non lisse mais sans aspérité et sans
éclat non plus. Il est d’une dureté élevée et sa couleur est gris foncé pour les
surfaces travaillées et gris plus clair sur les cassures. L’objet initial, qui devait être
un bâton long de section circulaire, fut cassé à ses deux extrémités mais aussi
fendu en deux dans le sens longitudinal. Un enlèvement s’est également produit
dans le sens de l’épaisseur, sur la partie distale. La forme finale de ce fragment
peut s’inscrire dans un trapèze (h : 47.3 mm ; l : 20.6 mm ; e : 8.3 mm). La section
transversale est semi-circulaire. Il présente deux faces, l’une convexe et l’autre
plane. Une perforation fut aménagée près de l’extrémité la moins large du bâton.
La face convexe, de couleur grise légèrement plus foncée est marquée par
des stries longitudinales parallèles relativement larges et profondes. Les mêmes
stries ont été observées sur la face plane mais sont plus difficiles à distinguer car
moins marquées. La perforation est de section biconique (dp : 4 et 3.7 mm ; dj : 2.4
mm). L’emplacement de la perforation ne se trouve pas sur l’axe longitudinal de
l’objet mais plus près de son bord latéral. Ce choix ne s’explique pas par
l’épaisseur de la matière à cet endroit car les zones adjacentes, sur un axe
horizontal, ont la même épaisseur. Les stries de perforation sont concentriques et
continues. La jonction entre les deux cônes a été effectuée probablement par
percussion indirecte. Le contour de la jonction est irrégulier. L’usure de cette
329
pendeloque se manifeste par l’émoussé du contour. Les reliefs et les arêtes de la
pendeloque sont encore vifs.
F. Pendeloques plates ?
L’objet n° 40 (Fig. 8.7n), à perforation courte décentrée peut appartenir à la
famille typologique des pendeloques plates, son classement n’étant néanmoins pas
tout à fait certain. En effet, cet élément présent des cassures importantes qui ne
laissent pas deviner sa forme initiale ou l’éventuelle présence d’une seconde
perforation, ce qui conduirait à un classement dans une famille typologique
différente. Cet objet a été découvert avec deux tubes en os dans une couche
détritique sombre, pulvérulente, riche en galets et en matériel archéologique,
couvrant une couche de blocs (niveau I/E). Le matériau utilisé, de faible dureté et
de couleur blanc gris, semble, comme pour la plupart des pendeloques plates de
Jerf el Ahmar, appartenir au groupe des carbonates. Le volume conservé
correspond à la partie proximale de l’objet. Il est plat et son orientation, d’après
l’emplacement et l’usure de la perforation, plaide pour une pendeloque plate
large. La forme du contour de la partie conservée est composée d’un côté latéral
droit et d’un côté courbe, celui de la partie proximale de l’élément (h : 23.6 mm ; l :
47.4 mm ; e : 5.2 mm ; dp : 5.5 mm ; dj : 3.8 mm).
Le contour est facetté mais non régulier car il montre une certaine
ondulation. Des stries d’abrasion sont visibles encore sur les faces, notamment
près du contour et sur les facettes de l’objet. Des négatifs d’enlèvement sont
observés également sur le contour de la partie proximale. Ceux-ci semblent avoir
été produits durant l’utilisation de l’objet car ils montrent un léger poli sur leurs
reliefs. La perforation, biconique, est de contour circulaire régulier, elle conserve
les stries continues et concentriques de l’abrasion rotative essentiellement dans la
partie distale de la perforation. Le contour ne présente pas d’étirement mais la
portion concernant la partie proximale est d’une couleur plus foncée que le reste,
un fait observé sur les deux faces. Le contour de la pendeloque, dans la zone se
trouvant au même niveau que la portion foncée de la perforation, correspond à
une ondulation en cavité. À cet endroit, les stries d’abrasion du contour ont été
330
effacées par le frottement du lien. Ce schéma d’usure a été préalablement observé
sur les pendeloques plates circulaires (cf. supra).
multi-foré)
Un élément exceptionnel (n° 38) fut découvert dans une couche de rejet
riche en matériel (silex, obsidienne, os, galets, etc.) dans une aire extérieure au
nord-ouest de la maison EA54 (« la maison carrée ») du niveau I/W (phase de
transition). Il s’agit d’un tube en os (Tabl. 8.3) très brûlé de couleur marron noir,
qui présente une cassure ayant emporté un grand bout de l’une des extrémités
(Fig. 8.7o). Une série de 3 percements a été effectuée tout le long du tube,
perpendiculairement à son axe et espacées de 4 à 5 mm. La cassure sur l’extrémité
a emporté presque la totalité du troisième percement. La longueur conservée est
de 17.4 mm (l : 4.9 mm ; e : 3.9 mm). Les contours des perforations (dp : entre 2.5 et
3.2 mm) sont relativement réguliers et présentent des étirements dans le sens de
l’axe du tube mais aussi perpendiculairement à ce dernier. Les traces de
fabrication sont entièrement oblitérées par l’usure et par l’altération de l’objet. Cet
élément pourrait avoir une fonction précise, celle d’un « écarteur » de fils dans une
parure.
331
8.2.6.1. Perles tubulaires en os
Le type perle en os regroupe 29 éléments en os long (métapodes, tibiotarses,
radius et ulna) et un en os plat (côte) dont le volume tubulaire permettait un
enfilage, par un lien, suivant l’axe longitudinal de l’os.
Les dimensions manquent pour trois pièces et, pour trois autres cassées, les
dimensions conservées sont comprises entre 30.7 et 36 mm pour la longueur et
entre 7 et 10 mm pour la largeur. Pour 24 éléments, en moyenne la longueur
moyenne est de 20.95 mm (10.0−52.3 mm), la largeur de 5.26 mm (3.3−11.8 mm) et
l’épaisseur de 4.36 mm (2.7−10.3 mm).
332
la côte de bovinés (groupe A1) est la pièce la plus grande du groupe et elle se
sépare de tous les autres éléments. Le groupe D (mammifères de petite taille)
contient les d’éléments les plus courts. Ceux-ci se concentrent sous la valeur des 20
mm de longueur. Les os des oiseaux (groupe E) et ceux du groupe D/E se
répartissent au dessus de cette valeur. Nous n’avons constaté aucun rapport entre
la taille des éléments et le niveau d’occupation.
Les cinq types de stigmates sont combinés sur dix pièces : la côte de boviné,
les huit éléments sur métapodes de lièvre ou de renard composant l’ensemble n° 2
et un métapode de lièvre ou de renard. Les pans des sillons de sciage délimitant
les extrémités sont présents sur toutes les pièces conservant ces dernières, soit 28
pièces. Les sillons de reprise de sciage sont présents dans 25 cas (pour 6 éléments,
ils concernent une seule extrémité et pour 19, les deux extrémités). Précisons que
sur sept éléments, les sillons de reprise de sciage sont particulièrement nombreux.
333
aucun sillon de reprise n’a été détecté (n° 50 de l’ensemble 1). Enfin, les stries
transversales ont été observées sur presque toutes les pièces.
La chauffe est attestée dans huit cas, dont six proviennent de la phase
moyenne et deux de la phase récente (Eminence Ouest). Cependant, il est difficile
ici d’attribuer la chauffe à une action intentionnelle pour des buts techniques ou
esthétiques.
Parmi les pièces étudiées, deux ont été abandonnées en cours de débitage.
Elles auraient pu être destinées à devenir des éléments tubulaires. Sur l’une
d’elles, une côte d’équidé sciée transversalement en deux et dont les deux moitiés
ont été remontées (Fig. 8.9a), les mêmes stigmates présents sur les éléments finis
ont pu être observés : des stries de raclage, des stries transversales, des pans de
sillons de sciage, des sillons de reprise de sciage et des corniches. Le tissu
spongieux a été attaqué par écrasement sur une extrémité de la côte mais il est
resté intact sur l’autre. L’autre fragment est cassé longitudinalement et ne présente
aucune trace d’écrasement de la partie spongieuse. Sur un autre objet, un radius
de lièvre, la diaphyse a été sciée uniquement d’un côté et l’épiphyse est conservée
sur l’autre côté. L’os est entamé jusqu’à 1 mm de profondeur environ sur presque
toute sa circonférence. L’os fut rompu par la suite, provoquant une corniche à
l’emplacement de la zone non sciée.
Les stigmates observés sur les éléments tubulaires montrent que le débitage
des tronçons en os a été effectué par sciage. Cependant, d’après les nombreux
sillons témoignant de la reprise de sciage et d’après la présence des corniches
accompagnées parfois de la fracture des extrémités, le débitage de ces éléments
peut être considéré comme grossier et peu soigné. Les extrémités irrégulières n’ont
pas été égalisées et les corniches n’ont pas été supprimées dans la plupart des cas.
Les traces d’usure sur les corniches et les extrémités, même fracturées, montrent
que les objets ont été portés en l’état.
Toutes les pièces, y compris celles dont la fabrication n’a pas été finalisée,
montrent un lustre sur leurs reliefs les plus prononcés. L’émoussé de ceux-ci est
observé uniquement sur les éléments finis.
Enfin, trois éléments n’ont pu être classés. Dans deux cas, un radius de
lièvre (n° 19) et une côte d’équidé (n° 5), il s’agit d’objets abandonnés en cours de
334
fabrication et dont la forme définitive n’est pas aboutie. Dans le troisième cas, en
l’occurrence une canine inférieure de sanglier mâle (n° 41), l’objet semble
correspondre à un déchet de travail car les plaques d’émail semblent avoir déjà été
extraites.
Par ailleurs, d’autres éléments de parure ont été découverts dans la même
couche mais un peu plus loin. Il s’agit d’une nérite brûlée et usée, le labre
présentant une encoche d’usure assez profonde, et un petit fragment de défense
de sanglier portant la portion d’une perforation. Il est possible que ces deux
éléments fassent partie d’une même parure comprenant également les éléments
tubulaires. Le fragment de la lame d’émail étant très fragmentaire nous ne
pouvons pas reconstituer sa forme ni son éventuelle position au sein de la parure.
La nérite, quant à elle, aurait pu former un élément de fermeture d’un lien sur
lequel auraient été enfilés les éléments tubulaires en os, sous forme de collier par
exemple. La présence d’une encoche d’usure importante sur cette coquille pourrait
être liée au frottement intensif du lien alourdi par le poids des éléments.
Malheureusement, cette hypothèse ne peut être vérifiée pour le moment.
335
A. Cylindriques
Il s’agit de trois objets dont deux de grandes dimensions (n° 44 et 90)
provenant de l’éminence Est et un de petites dimensions (n° 33) provenant de
l’éminence Ouest. Le volume de la pièce n° 90 est issu d’un cylindre de section
circulaire au centre duquel une perforation longue axiale a été réalisée
(CY.0.I.L.1) ; celui des deux autres pièces est également cylindrique mais à section
elliptique (CY.1.I.L.1) (Tabl. 8.4).
336
une encoche. Les échancrures furent par la suite affectées et agrandies par l’usure
plus que les autres zones car, vraisemblablement, elles accrochaient le lien.
B. Elliptiques
Les perles elliptiques de Jerf el-Ahmar sont toutes en terre et, rappelons-le,
proviennent toutes de l’ensemble n° 1 (Fig. 8.11b-g). Au nombre de 37, ces pièces
ont été obtenues par un modelage plus ou moins régulier. Ainsi la forme générale
s’inscrit dans un ellipsoïde dans lequel une perforation longue centrée axiale a été
effectuée. Deux sections sont distinguées pour ces ellipsoïdes : circulaire et
elliptique. Ainsi, 18 perles appartiennent à classe morphologique EL.0.I.L.1 et 19 à
la classe EL.1.I.L.1 (Tabl. 8.4). Ces perles sont de grand gabarit. Pour les 31 non
cassées, la longueur moyenne est de 37.11 mm (16.0−67.7 mm) et la largeur de
18.09 mm (10.7−35.8 mm).
La terre utilisée pour ces objets est fine73. Des microparticules de surface
feuilletée, de couleur argentée, parfois dorée et très brillante, et dont le diamètre
73 La description qui suit est valable pour tous les objets en terre composant la parure de
l’ensemble n° 1.
337
peut atteindre plus de 100 µm, ont été observées, parfois même à l’œil nu. Ces
microparticules (micas ?) correspondent probablement au type de dégraissant
utilisé dans la préparation de la pâte argileuse74 ou aux inclusions présentes
naturellement dans l’argile. Des impressions végétales (paille ? ou tiges ?) ont été
identifiées pour certains objets. Nous n’avons pas été en mesure de savoir s’il
s’agit d’un véritable type de dégraissant ou de simples impressions accidentelles.
Notons que la balle de céréales a été utilisée dans la terre à bâtir sur le site (Willcox
& Stordeur 2012, p. 110). La couleur de base est beige foncé mais différentes
tonalités brunâtres à rougeâtres parfois foncées sont également observées. Ces
teintes sont très probablement le résultat d’une chauffe, sachant que la plupart de
ces éléments proviennent de contextes incendiés.
74La présence des particules et des microparticules pourrait être liée au degré de pureté de la terre
ramassée.
338
objets cassés longitudinalement. Ces empreintes constituent la preuve que les
perforations ont été réalisées avant le séchage de la pâte par enfoncement d’un
outil long et pointu soit d’une côté, soit des deux côtés, de part et d’autre du
volume, jusqu’à la jonction.
Toutes les perles sont en terre cuite. Cependant, il est difficile d’identifier
l’origine, accidentelle ou intentionnelle, de la cuisson. En effet, rappelons que
l’ensemble des objets en terre (parure n° 1) appartient au niveau III/E où toutes les
architectures ont été incendiées (Stordeur et Abbès 2002, p 568). Mais nous avons
étudié un élément en terre (n° 35), provenant de l’éminence Ouest, niveau II/W (cf.
infra), qui, lui, n’a pas subi de chauffe.
Les traces d’usure sont difficiles à identifier sur les perles en terre. De très
légers polis ont été identifiés sur certaines zones des surfaces et parfois sur les
contours des perforations. Des échancrures de grande taille et aux bords émoussés
pour certaines ont été documentées pour 42 objets sur 48. Ces échancrures
peuvent concerner une extrémité sur une seule face (14 cas), deux extrémités sur
une seule face (17 cas), une extrémité sur les deux faces (cinq cas) et une extrémité
sur une seule face (un cas). Dans le cas des éléments biforés, les échancrures ne
sont pas distribuées de la même manière d’une perforation à l’autre. Les
échancrures pourraient s’être formées au moment de la réalisation de la
perforation, par le désaxement de la tige enfoncée dans la masse argileuse. Elles
auraient été ensuite agrandies et approfondies après suspension, peut-être à cause
du poids des objets.
C. Parallélépipédique
Ce type n’est représenté que par une perle parallélépipédique (n° 54 ;
Fig. 8.9g) en pierre provenant du niveau II/W (phase récente). Elle fut découverte
dans une couche extérieure de démolition, riche en matériel archéologique. Le
volume (L : 22.8 mm ; l : 10.5 mm ; l : 9.2 mm) s’inscrit dans un prisme de section
carrée dans lequel une perforation longitudinale centrée axiale a été réalisée
(PR.4c.I.L.1) (Tabl. 8.4). Le matériau utilisé est de couleur vert bleu, marbrée de
beige. De petites taches de couleur vert foncé, parfois noires, parsèment la roche
en surface. Celle-ci est très hétérogène est sans doute composite de plusieurs
339
minéraux. Elle nous évoque fortement les roches en phosphates utilisées pour
certaines perles khiamiennes de Mureybet (e.g. (Fig. 7.14w) dont le composant
principal est la crandallite, ou sa variante, le woodhouseite. La perforation est
biconique (dp : 4.45 mm en moyenne). Des stries concentriques de rotation ont été
observées sur la paroi de perforation. Elles s’inscrivent dans des bandes larges
d’environ 200 µm. La surface de cette perle, les intersections, les angles et les
contours de la perforation, sont très polis et mousses.
La perle en pierre n° 57, découverte dans une couche en terre sous un sol
extérieur en radier, provient du niveau I/W (phase récente). Elle est ainsi la seule
perle à appartenir à la phase de transition. Elle a été réalisée en calcaire blanc. Sa
forme sphéroïde est de section circulaire (L : 21 mm ; d : 22.5 mm) et sa perforation
est biconique (dp : 8.3 et 9.7 mm).
340
Est appartenant au niveau II, aux côtés de deux éléments de parure en pierre : un
objet biforé en calcaire (n° 45) et une rondelle (n° 91). La section de cette perle est
circulaire et de petit gabarit (L : 8.8 mm ; d : 10.1 mm).
pendeloque)
Il s’agit d’un objet unique dans cette collection (Tabl. 8.3) ainsi que dans
tout le corpus. Appartenant à l’ensemble n° 1, l’élément en terre n° 11 (Fig. 8.11p) a
un volume issu d’un prisme de section quadrangulaire carrée dans lequel une
perforation longue décentrée transversale a été réalisée (PR.4c.I.L.4) (Tabl. 8.4). La
forme des faces affichées de cet élément sont donc carrées, ou plus exactement
sub-carrées car trois côtés sont légèrement convexes tandis que le quatrième est
concave. Cette concavité vient du fait que l’un des angles est prononcé, en forme
de proéminence. La perforation longue a été réalisée près du côté concave et
parallèlement à celui-ci. De très petites cavités75 punctiformes et cunéiformes
couvrent l’une des faces. Ces impressions se répartissent, d’une part, en une bande
large située sous la perforation et légèrement oblique par rapport à cette dernière
dans la partie proximale de l’objet et, d’autre part, selon une bande courbe qui
rejoint la première dans sa partie distale, laissant ainsi le centre de la face
complètement vide d’impressions. Ce type d’impression a été observé sur cinq
autres objets de l’ensemble dont deux perles tubulaires elliptiques, deux perles
plates et une perle biforée. Le point commun de ces impressions est qu’elles se
trouvent uniquement sur l’une des faces de l’objet.
végétaux (la balle incluse dans la terre) qui auraient disparus. Il est possible qu’il s’agisse du
dégraissant végétal dans la pâte.
341
8.2.8. Objets à perforations longues bilatérales (perles
biforées)
Les perles biforées sont au nombre de 11 (Tabl. 8.3). Neuf d’entre elles sont
en terre et proviennent de l’ensemble 1 (niveau III/E, phase moyenne). Il s’agit des
plus anciennes perles biforées du corpus. Les deux autres perles biforées sont en
pierre, la plus ancienne (n° 83) est de la phase récente (niveau II/W), et la plus
récente (n° 58) de la phase de transition (niveau I/W).
Les perles biforées en terre (Fig. 8.11h-o) sont conçues comme deux
volumes géométriques dans lesquelles s’intègrent les deux perforations longues
parallèles selon une position bilatérale transversale. Le premier est un ellipsoïde
de section elliptique et le second est prismatique de section rectangulaire. Ainsi,
deux classes morphologiques sont identifiées : EL.1.II.L.4 pour 6 objets et
PR.4r.II.L.4 pour les trois autres (Tabl. 8.4).
Quant aux perles biforées en pierre (n° 58 et 83), les volumes sont issus
pour la première d’un cylindre de section elliptique (CY.1.II.L.3) d’un cylindre de
section biconvexe lenticulaire pour la seconde (CY.2.II.L.3) (Tabl. 8.4). Les deux
perforations longues parallèles sont intégrées axialement et bilatéralement dans
ces volumes.
La perle biforée en pierre n° 58 (Fig. 8.9j) a été fabriquée dans une roche de
couleur vert-gris marbrée de beige appartenant sans doute à la famille des
chlorites. Le contexte de découverte de cette pièce n’est pas très clair. Cette perle
est cassée dans le sens longitudinal sur l’une des deux perforations, ce qui
n’empêche pas de reconstituer approximativement sa forme originelle. Le volume,
prismatique, affiche des faces de forme rectangulaire et sa section est elliptique (L :
9.1 mm ; l : 11.4 mm ; e : 5.3 mm). Les deux perforations sont biconiques et celle
conservée mesure 3 mm de diamètre.
342
L’élément n° 83 a malheureusement subi plusieurs cassures. Le fragment
conservé consiste seulement en deux petites portions de l’ouverture de deux
perforations parallèles, permettant l’identification de cet élément comme une perle
biforée. Cependant, le volume restant (d : 1.8 mm ; e : 3.7 mm) ne permet pas de
savoir s’il existait à l’origine des perforations supplémentaires. Le matériau n’a pas
pu être déterminé mais il s’agit d’une roche de couleur verdâtre. Cette perle, plus
ancienne que la précédente, fut découverte dans une couche extérieure contenant
de la faune, du silex et de la terre à bâtir.
343
Au sein du groupe B (« Ongulés de moyenne taille »), c’est le sous-groupe
B2 (Sanglier) qui a été identifié sous la forme de canines inférieures76 . Deux objets
appartiennent à ce sous-groupe. L’objet n° 14 (niveau I/E) est une défense de
sanglier fendue longitudinalement en deux parties, celle en question étant
dépourvue d’émail. Trouvé parmi la faune du site, cet élément a été fracturé en
plusieurs fragments dont seulement deux ont pu être recollés. (L77 : 130 mm ; l :
15.7 mm ; e : 3.9 mm). Cet objet porte des traces d’abrasion sur un bord. Il pourrait
correspondre à un déchet, la lame d’émail de la dent ayant pu servir à la
fabrication d’un élément de parure. Un outil en défense de sanglier est présent
dans le même niveau sur le site (Le Dosseur 2011, p. 193).
L’objet n° 41 (niveau III/E) est un petit fragment fracturé d’une lame d’émail
de défense de sanglier. Il porte une perforation cassée dont le diamètre est de 3.5
mm. Il pourrait correspondre à l’extrémité d’une pendeloque ou d’un élément
biforé sur lame d’émail. Cet objet est très émoussé.
76 Les canines inférieures de sanglier sont de forme géométrique à l’exception d’un objet particulier
qui pourrait correspondre à un déchet de travail. Cet élément a gardé plus ou moins sa forme
anatomique originelle.
77 La longueur totale originelle est estimée à 150−160 mm.
344
à l’ouest de la maison contre le mur. Les perles en terre s’éparpillaient autour
d’elle et autour du bucrane en général.
La perforation est grande et de forme biconique très évasée (dp : 13.5 et 15.7
mm) avec un diamètre de jonction des cônes relativement petit (dj : 5.2 mm). Cela
fait que la perforation vue de profil évoque la forme d’un œil. La perforation n’est
pas centrée mais située près du bord de l’objet qui, dans cette zone, est légèrement
en relief et un peu plus bas que le niveau de la perforation ; ceci peut évoquer,
toujours en regardant l’objet de profil, un « nez » situé juste en dessous de l’œil. La
même description correspond parfaitement à la vue de l’objet de profil depuis
l’autre face. Les stries de rotations, bien marquées sur les parois évasées de la
perforation, soulignent un cercle central évoquant la pupille de l’œil. Au-dessus
du niveau de la perforation, en continuité avec la zone du « nez », la surface a été
travaillée afin d’obtenir une zone dont le relief est en retrait par rapport au relief
du « nez ». Cette zone pourrait correspondre au front d’un visage. Le contour de
l’objet de l’autre côté, face au « nez », est caractérisé par un petit relief qui évoque
la partie arrondie de l’arrière du crâne, plus précisément l’occipital. En dessous de
ce petit relief, le bord est en retrait, comme pour délimiter la fin de la tête par le
cou dont le diamètre est plus étroit que celui de la « tête ». La partie la plus haute
de l’objet se termine par une surface arrondie presque pointue vue de face, et
bombée vue de profil. La partie basse de l’objet, contrairement au sommet, est
presque droite. Elle a été amincie, jusqu’à atteindre 15.8 mm de diamètre, ce qui
laisse penser à une volonté d’adapter la taille de cette partie à celle d’un manche
ou d’un support quelconque pour l’accueillir. Des stries longitudinales couvrent
toute la longueur de la pièce. Enfin, la partie médiane de l’objet est caractérisée par
une seconde zone d’amincissement qui pourrait représenter la séparation entre le
« torse » et la partie basse du « corps ».
345
Il n’est pas aisé d’interpréter la forme de cet objet car les caractéristiques
morphologiques sont abstraites et non explicites. Cependant, ses dimensions et le
matériau rappellent l’une des figurines en calcaire de Mureybet, connue comme la
figurine du « rapace nocturne » (phase IIIA)78.
Les perforations uniques sont les plus nombreuses mais les doubles
perforations parallèles sont fréquentes sur ce site. Dans un cas, unique pour le
corpus, jusqu’à trois perforations parallèles ont été aménagées sur un volume en
os.
78 Les interprétations de la figurine en question se sont multipliées depuis sa découverte dans les
années 1970. À un moment donné elle a été considérée comme représentant une tête d’oiseau, plus
particulièrement celle d’un rapace nocturne (« hibou des marais », « hibou moyen duc ») (Pichon
1985, 262). Plus tard, cette interprétation sera critiquée par L. Gourichon (2004), puisque cette
figurine offre des caractéristiques qui peuvent correspondre tout aussi bien à une tête humaine
qu’à une tête d’oiseau (Cf. aussi Stordeur et Lebreton 2008, p. 621).
346
Parmi les types d’objet que l’on connait pour la période du PPNA, cet
élément est intrigant. Rappelons qu’il provient d’une parure composée de 47
éléments en terre supplémentaires dont neuf sont des perles biforées. Il est
possible que cet élément ait été destiné à devenir une perle biforée mais, pour une
raison ou une autre, la deuxième perforation parallèle n’a pas été effectuée. Il est
également légitime de penser que l’artisan a pu vouloir innover dans la création
compte tenu de la maniabilité et de la plasticité qu’offre une matière telle que la
pâte argileuse. Cela pourrait également expliquer le nombre important des perles
biforées présentes au sein de cette parure (neuf).
Les deux fragments d’anneaux de Jerf el Ahmar, dont l’un a été fabriqué en
chamosite et l’autre en talc rouge, appartenaient auparavant à la grande catégorie
des objets à perforation large de type « anneau ». Deux perforations disposées
chacune près des extrémités cassées, ont été aménagées. S’agit-il ici d’une volonté
de réparation de l’anneau à l’aide de perforations ? Cette technique consiste à
créer des perforations à chaque extrémité brisée et à y faire passer un lien qui
rassemble et maintient les fragments cassés. Cette méthode de réparation est
documentée sur les vases en chlorite sur le site même (Lebreton 2003, p. 83, 115)
ainsi que sur les bassins de grande taille en calcaire du site contemporain de Tell
‘Abr79 (Yartah 2013, p. 110, vol. 1, fig. 84, p. 100, vol. 2). La présence d’une ou deux
petites perforations près des extrémités de fragments de bracelets et d’anneaux est
documentée dans des sites néolithiques du Proche-Orient comme Ain Ghazal,
Basta et Baja (Rollefson et al. 1991, p. 103 ; Hintzman 2011) en Jordanie et à Nevalı
Çori en Turquie (Hauptmann le fouilleur mais l’info vient de Aurenche et
Kozlowski 1999, fig. 2-11, n° 5, p. 218) Cette méthode est également documentée
dans le Néolithique chasséen du Sud-est de la France (Barge 1982, p. 176).
L’autre hypothèse est que les fragments annulaires aient été aménagés avec
des perforations de chaque côté afin d’être portés en guise de pendeloque biforée,
ou encore autour d’un doigt avec un simple lien (sans la deuxième partie brisée).
À Mureybet, un fragment annulaire datant du Khiamien (phase IIA) porte une
perforation près de l’une des extrémités. Cette perforation permettait son port à la
verticale en guise de pendeloque. Selon nous, si les fragments annulaires de Jerf el
79 Nous avons fouillé nous-même l’un de ces bassins durant la campagne 2004 de Tell ‘Abr 3.
347
Ahmar portent deux perforations symétriques et non une seule ce serait plutôt
dans un but de recyclage que celui de réparation.
348
même si elle est dépourvue de rainure, il correspond selon nous au style et à
l’esprit des pendeloques à rainures, typiques de la période PPNA de la région.
L’emplacement des reliefs est identique à l’emplacement des rainures. Il est
possible que l’artisan ait voulu reproduire ce type mais en moins coup de temps et
d’énergie ? En effet, au lieu de scier toute la matière et creuser par la suite une
rainure dans la surface, avec un « simple » sciage partiel, l’artisan a pu marquer
l’emplacement habituel de la rainure avec un relief dont les dimensions (longueur
et largeur) sont semblables à celles des rainures observées sur les autres objets
apparentés. Bien que l’objet soit soigneusement fini par abrasion et polissage, la
phase de façonnage par sciage partiel correspond à une démarche de
transformation plus rapide que celui de la fabrication des pendeloques à rainure.
Cette attitude relative à une production simple et rapide a été ressentie pour
d’autres objets de parure. Le recyclage, outre qu’il réemploie des matériaux nobles
et précieux, s’inscrit également dans une démarche de rapidité puisqu’il profite
des surfaces et des volumes déjà mises en forme et travaillés. Cependant, dans le
cas de la pendeloque n° 101, il est évident qu’on se trouve face à un artisan très
habile et astucieux.
349
récente et à la transition. Cette situation est la même en ce qui concerne les objets
utilitaires en os découverts en quantités bien plus importantes sur le site (Le
Dosseur 2011, p. 185).
350
calcaire de forme singulière, qui a été trouvée au centre, entre plusieurs perles et
les cornes du bucrane, pourrait avoir constitué l’élément central de la parure. Par
ailleurs, la présence des neuf perles biforées au sein de cette parure suggèrent la
présence d’au moins deux rangs ou fils80. Cette parure aurait-elle fait partie d’un
rituel liée à l’aurochs comme par exemple une offrande ? Nous n’avons
malheureusement pas d’exemples provenant des sites contemporains pour tenter
de répondre à cette question. (Voir partie IV pour une éventuelle reconstitution et
revenir ici pour faire revoit).
8.4. Conclusion
Comme pour le site de Mureybet, le site de Jerf el-Ahmar a livré des objets
de parure de forme anatomique, géométrique et singulière. Dans la phase
ancienne, les éléments sont presque exclusivement en pierre et sont de forme
géométrique. Un seul coquillage témoigne d’une forme anatomique dans cette
phase. Le niveau III/E, intégralement incendié et le plus ancien de la phase
moyenne, est celui qui a fourni le plus grand nombre d’objets de parure isolés ou
concentrés en parures. En effet, les quatre assemblages de parure identifiés sur le
site proviennent de ce niveau. La question que nous nous posons est la suivante : y
a-t-il un lien entre la forte présence d’éléments et le fait que les structures dans
lesquelles ils ont été trouvés étaient incendiées ? Dans le cas de la parure n° 1,
composée majoritairement en perles en terre, il est évident que l’incendie de la
structure a contribué à la bonne conservation des éléments. Il est par conséquent
possible que les éléments de parure en terre soient très fréquents sur le site mais
nous n’avons pas suffisamment de témoignages à cause de leur état de
conservation. Notons par ailleurs que les éléments en terre sont présents dans
presque tous les sites du corpus mais souvent en faible effectif.
Parmi les objets de forme anatomique, seuls les coquillages et les matières
osseuses ont été employés. Les coquillages sont exclusivement d’eau douce. Les
objets en os sont constitués majoritairement par les tubes en os, éléments
80 En termes de probabilité, le nombre de fils peut atteindre 18, deux fils par perle.
351
communs pour l’ensemble des sites du corpus, et par un élément réalisé sur un
support exceptionnel, une phalange humaine.
Les objets de forme géométrique sont les plus nombreux et sont, pour la
grande majorité, issus de cylindres et d’ellipsoïdes. Les formes prismatiques sont
très rares. Les objets géométriques appartiennent à un total de neuf classes
typologiques. Cela fait que la collection de parure de Jerf el-Ahmar est la plus
diversifiée, typologiquement parlant, du corpus. Outre les rondelles, les disques et
les pendeloques plates, les pendeloques étroites à rainure, typiques de la période
PPNA de l’Euphrate, sont présentes sur le site et sont fabriquées, comme celles
d’autres sites contemporains, sur des matériaux allogènes. Cependant, une
variante originale de ces pendeloques a été découverte ici, la pendeloque étroite à
relief.
Les plus anciens spécimens de perle biforée de tout le corpus ont été
trouvées à Jerf el-Ahmar. Ces éléments, ainsi qu’un tube en os à trois perforations
courtes parallèles transversales, pourraient être des objets avec une fonctionnalité
bien précise, celle d’» écarteurs » de fils au sein d’une parure.
Enfin, les objets de parure en terre de Jerf el-Ahmar semblent faire partie de
pratiques rituelles liées à l’aurochs, animal qui tient une place symbolique
importante tout au long du Néolithique précéramique.
352
Chapitre 9. Dja’de el-Mughara
353
9.1. Les formes anatomiques
Seulement quatre coquilles ont été trouvées à Dja’de. Toutes sont des
dentales. Ouverts aux deux extrémités, ces éléments peuvent être enfilés à l’instar
des perles tubulaires. Deux d’entre eux (n° 19 et 72) sont finement côtelés mais
leur test est érodé (Fig. 9.1a-b). De fines côtes ont également été repérées sur une
coquille (n° 49) dont le test est très lisse. La présence des côtes confirme qu’il s’agit
pour ces trois cas de Dentalium sp. Sur la quatrième coquille (n° 65), le test est très
lisse et aucune côte n’a pu être notée. Il est donc difficile pour cet élément de
savoir s’il s’agit bien d’une dentale. Deux grandes taches rougeâtres couvrent
l’une de ses surfaces. Ces taches semblent être issues d’une chauffe probablement
accidentelle puisqu’elle n’a affecté qu’une seule zone.
Le plus long des dentales (n° 19) mesure 27.7 mm pour un diamètre
maximal de 8.5 (Fig. 9.1a). Le plus court (n° 72) mesure 9.8 mm pour un diamètre
de 4.7 mm (Fig. 9.1b). C’est le seul à avoir deux extrémités régulières. Le test étant
érodé, nous n’avons pas pu distinguer des stigmates de sciage, comme indices de
la technique de sectionnement, ou de stries d’abrasion, comme stigmates d’une
régularisation de la tranche après un sectionnement par flexion. Des stries
croisées, bien que très émoussées et partiellement effacées par l’usure, ont été
détectées sur le bord régulier et droit de l’ouverture postérieure de la coquille
n° 49. L’ouverture de l’extrémité antérieure est irrégulière et présente des
ébréchures mousses. Le même schéma a pu être observé sur le dentale n° 65. Le
dentale n° 17 présente une ouverture antérieure régulière mais une ouverture
postérieure irrégulière à languette (ou à bec). Le test étant érodé, nous n’avons pas
pu identifier des stries d’abrasion ou de sciage sur la bordure de l’ouverture
régulière.
354
L’usure sur les coquilles se manifeste par l’émoussement des bordures des
ouvertures et par l’effacement partiel ou total de certaines côtes de la surface et la
formation de facettes localisées à leur emplacement.
De grande taille, cette dent a une racine légèrement plus longue que la
couronne (h : 47.8 mm ; l : 16.6 mm ; d racine : 9.7 mm). Munie d’une perforation
latérale de section biconique, située au milieu de la racine, la dent se porte comme
une pendeloque. Vue de face, la perforation est complètement invisible et la dent
est légèrement courbe (dp : 3.8 et 3 mm). Les deux cônes de perforation
aboutissent à la cavité pulpaire de la racine. Ainsi, l’ouverture de cette cavité est
de 1.7 mm pour le cône le plus grand et de 1.2 mm pour le petit. Sur les parois de
355
la perforation, les stries de forage sont partiellement ou entièrement effacées par
l’usure. Toutefois, la forme circulaire très régulière des ouvertures de la
perforation suggère l’utilisation d’un système de forage produisant une abrasion
rotative de 360°. La détérioration ou l’absence de la couche de cément ne permet
pas de vérifier les éventuelles interventions techniques au niveau de la racine.
Selon l’espèce et le type de vertèbre, l’une des surfaces coniques peut être
munie d’un petit percement naturel. Il est possible que dans le cas de la vertèbre
n° 31, ce petit percement naturel ait été mis à profit afin de créer un percement
plus large. Cependant, il est très difficile de distinguer les stries de percement car,
d’une part, l’os est altéré et, d’autre part, les stries peuvent se confondre avec la
structure de la matière organisée de manière concentrique sur la surface. Sur les
356
parois de la vertèbre, à l’emplacement de deux zones symétriques, on peut
deviner l’arrachement ou la suppression des épines et des apophyses (Fig. 9.1c).
Les bords et les contours de la vertèbre sont tous émoussés. En outre, toutes les
zones présentant un léger relief sont légèrement « jaunies ». Un léger poli est
également observé sur les parois des surfaces coniques des extrémités.
Il s’agit d’une pendeloque réalisée dans une roche de couleur vert bleuâtre
qui rappelle fortement la turquoise. Cette pendeloque est relativement petite,
mesurant 17.3 mm de hauteur, 8.5 mm de largeur et 4.1 mm d’épaisseur. Sa
perforation est biconique et mesure 3.5 x 3 mm de part et d’autre. La pendeloque
comporte deux faces presque identiques représentant des figures anatomiques
complexes selon une perspective de profil. Les figures représentées peuvent être à
rapprocher, selon la face, d’une représentation humaine ou de celle d’un oiseau.
La pendeloque, lorsqu’elle est suspendue par sa perforation, est orientée à
l’envers. Il est nécessaire de pivoter l’objet, en plaçant la perforation en bas, pour
mieux visualiser la représentation.
Sur la première face, la partie distale représente une forme plus ou moins
ovale disposée presque à l’horizontale et porte une cupule située plus au moins au
centre et une rainure sur chaque côté de sa base. Cette partie, avec la cupule au
centre, dessinent la forme d’une tête humaine vue de profil. La cupule peut
représenter l’œil, la rainure droite la bouche (?) et/ou une courbe figurer un nez ou
un bec. La rainure de gauche, quant à elle, souligne la rondeur de la partie
357
occipitale d’une tête vue de profil. Ces traits se rattachent pour nous à la forme
d’une tête d’oiseau.
Les mêmes éléments, la cupule et les rainures, sont observés sur la partie
distale de la seconde face à la différence que la forme ovale n’est pas disposée à
l’horizontale mais en diagonale, selon un axe situant la courbure gauche à un
niveau plus haut que celui de la courbure droite. L’emplacement de la cupule,
l’œil, ne se trouve pas au centre mais décalée près de la courbure droite, dans la
partie haute. Selon nous, la configuration de ces éléments évoque une tête
humaine portant peut-être une coiffe volumineuse, vue de profil.
La partie mésiale est soulignée et délimitée par deux rainures sur les deux
faces de la pendeloque. La plus grande et la plus profonde se trouve en haut, au
contact avec la partie distale, et la plus petite et la moins prononcée en bas,
séparant la partie proximale de la mésiale. L’étendue et l’orientation de ces deux
rainures dessinent une forme ovale à extrémités légèrement pointues disposées
diagonalement. Cependant, selon la face observée, les interprétations sont
différentes, notamment en prenant en compte la représentation précédente de la
tête. En effet, sur la première face, la forme ovale diagonale semble représenter
l’aile pliée d’un oiseau. Sur la deuxième face, c’est la forme d’un torse humain vue
de profil que nous pouvons deviner. Nous pourrions alors nous attendre à une
représentation des membres inférieurs (patte d’oiseau ou jambes humaines) sur la
partie proximale, ce qui n’est pas le cas. En effet, les membres inférieurs sont
« remplacés » par la perforation.
358
revanche, sur le haut de la tête, deux petites rainures parallèles sont gravées,
chacune sur l’une des faces. Ce détail est selon nous un indice clair de la volonté
de l’artisan de représenter deux figures, différentes sur chacune des faces. Les
différences sont très subtiles d’une face à l’autre. L’artisan a surtout travaillé sur la
perspective, l’emplacement des éléments et l’orientation des formes. Ces détails
témoignent d’une très grande maîtrise technique et artistique. Cependant, lorsque
la pendeloque est portée selon une suspension libre, la représentation se retrouve
exposée « tête en bas ». Il pourrait s’agir d’un cas de réutilisation de figurine
miniature, mais nous n’avons aucun élément à disposition permettant de vérifier
cette hypothèse. De plus, l’usure de la pendeloque est homogène et globale, y
compris celle de la perforation. La fracture de celle-ci s’est produite après
utilisation, les traces de forage étant complètement effacées.
Les objets de forme anatomique à Dja’de sont identifiés sur les trois
matériaux communément utilisés pour la parure : les coquillages, l’os et la pierre.
359
(Israël), daté de la fin du PPNB ancien et du début du PPNB moyen (Le Dosseur
2006, p. 346) mais aussi sur le site d’Aknashen en Arménie (Chataigner 2007,
p. 64).
360
9.2.1. Objets à perforation courte centrée (rondelles)
Parmi ces rondelles, deux sont associées à la phase DjI (n° 74 et 81), une à
DjII (n° 48) et une à DjIII (n° 44). Elles ont été trouvées isolées dans divers
contextes extérieurs mais l’une d’entre elles (n° 44) pourrait être associée à la
« maison des morts » car elle fut découverte contre la paroi au nord. Cette
rondelle, ainsi que la n° 71, sont cassées.
361
première appartient également à la phase DjII mais nous n’avons pas de
renseignement sur la nature de son contexte de découverte. Les deux éléments ont
été fabriqués en roches de couleur verte de nature différente.
362
Les 14 pendeloques plates se distinguent selon leur géométrie faciale
(Tabl. 9.4). Ainsi, quatre types ont été identifiés : circulaire, elliptique haute,
elliptique large, sub-triangulaire et trapézoïdale. Trois d’entre elles n’ont pu être
classées car elles présentent des cassures importantes et seront décrites sous le titre
de « Pendeloques plates indéterminées ».
A. Circulaire
Une seule pendeloque plate (n° 47) de forme circulaire a été trouvée à
Dja’de (Fig. 9.3c). Elle provient de la phase DjIII. Nous n’avons pas de précisions
sur le type de contexte archéologique auquel elle appartient. Un petit galet de très
bel aspect a été choisi pour la fabrication de cette pendeloque. De couleur beige
gris et vert marbré, cette roche est composée de plusieurs minéraux et inclusions.
Ces dernières sont des micro-organismes fossiles dont certains sont visibles à l’œil
nu.
363
Les stries de rotation sont partiellement effacées à certains endroits et ces
zones sont légèrement émoussées. Cependant, les pourtours de perforation ne
présentent pas d’étirements ou d’encoches.
B. Elliptiques hautes
Comme pour la pendeloque circulaire, les cinq pendeloques elliptiques
hautes sont composées de galets plats de couleur blanchâtre beige, parfois
marbrée, très probablement ramassés sur les rives de l’Euphrate. Certains
contiennent des inclusions de micro-organismes fossiles. Ces galets ont été
simplement aménagés avec une perforation près du bord dans le sens de la
hauteur. Trois de ces pendeloques (n° 12, 76 et 77) proviennent de la phase DjI,
découvertes dans des contextes liés à la « maison aux peintures », soit dans
l’espace extérieur dans une couche de grosses pierres (n° 12 ; Fig. 9.3e), soit dans le
comblement de la maison (n° 76 et 77). La pendeloque n° 77 présente une cassure
et ne possède plus sa moitié distale. Les deux autres pendeloques proviennent de
niveaux plus récents. La pièce n° 23 appartient à la phase DjII et est cassée dans le
sens oblique, presque la moitié de l’objet étant manquant (h : entre 18.3 et 31.7
mm ; l : entre 13.1 à 28 mm ; ep : 3.4 à 3.6 mm). Enfin, la pièce n° 56 (Fig. 9.3d) a été
trouvée dans l’une des couches de la phase DjIII.
Les perforations des cinq pendeloques sont bipolaires. Leur section est
cylindrique dans trois cas (n° 12, 56 et 76) et biconique dans les deux autres cas
(n° 23 et 77). Sur les deux faces de la pendeloque n° 77, des incisions plus ou moins
marquées, croisées et entremêlées à des stries longues elles-mêmes croisées, ont
été observées dans les zones autour des ouvertures de perforation. Il s’agit d’un
marquage de l’emplacement de la perforation préalablement à sa réalisation.
Autour des ouvertures de la perforation de la pendeloque n° 12, des stries
aléatoires croisées et partiellement effacées ont également été observées. Ces stries
correspondent peut-être aussi à un marquage préalable à la perforation, que
l’usure et le poli développé sur la surface auraient partiellement fait disparaître.
Les stries de rotation sont complètement effacées dans deux cas (n° 23 et 76)
et partiellement effacées dans les trois autres (n° 12, 56 et 77). Pour ces derniers, les
stries sont régulières et concentriques.
364
Une pendeloque elliptique haute (n° 12), unique dans le corpus, est
particulièrement intéressante car ornée d’incisions décoratives (Fig. 9.3e). Ces
petites incisions, au nombre de 14, sont disposées horizontalement, à distance
égale tout autour du contour de la pendeloque et débordant légèrement sur ses
deux faces. Vue de face, la pendeloque affiche un contour « dentelé » qui s’inscrit
dans la forme d’une ellipse.
C. Elliptique large
A la forme elliptique large un seul objet est à rattacher (n° 3) (Fig. 9.3f).
Cette pendeloque a été découverte avec l’objet n° 4 (Fig. 9.3h), que nous
présenterons plus loin, dans une couche de grosses pierres de l’espace extérieur de
la maison aux peintures, datée de la phase DjI. Le support utilisé est un galet de
couleur vert sapin foncé à éclat très brillant, presque métallique. L’intérieur de la
matière montre un éclat mat. De petite taille, cet élément mesure 16.7 mm de
hauteur, 19.4 mm de largeur et 5 mm d’épaisseur. Cet élément porte deux
perforations dont l’une est située approximativement au centre tandis que l’autre,
très éloignée, située sur le bord de la l’objet. Aucune de ces deux perforations n’est
aboutie. En effet, la première a été abandonnée en cours de façonnage et la
seconde a été cassée. Malgré tout, l’intention de l’artisan nous paraît claire : celle
de la création d’un objet de parure, en l’occurrence une pendeloque qui, d’après
l’emplacement de l’une ou l’autre des perforations, aurait pu être suspendue dans
le sens de la largeur.
365
laquelle cette perforation a été abandonnée en cours de réalisation. Cela pourrait
expliquer par ailleurs le recours à la méthode du marquage de l’emplacement des
perforations sur les faces avant le forage, comme attestée sur d’autres objets.
D. Sub-triangulaire
La pendeloque n° 51 (Fig. 9.3g) est la seule à être considérée de forme sub-
triangulaire. La perforation est située dans la partie étroite de la face. Cette
pendeloque appartient à la phase DjII et fut découverte dans un secteur où très
peu d’architecture est documentée. Le support utilisé est un galet de couleur vert
gris foncé à éclat mat. Cet élément est haut de 22.5 mm, large de 15.1 mm et épais
de 3.1 mm. La perforation est bipolaire de section sub-cylindrique. L’ouverture de
la perforation est de 3.2 mm sur une face et de 2.5 mm sur l’autre. Le diamètre de
jonction des tubes est de 1.5 mm.
366
suspendue par sa base, c'est-à-dire en affichant la base du triangle vers le haut et
sa pointe vers le bas : un schéma extrêmement rare, pour ne pas dire inexistant
dans tout notre corpus.
E. Trapézoïdales
Trois éléments sont considérés comment appartenant au type trapézoïdal.
Parmi eux, deux appartiennent à la phase DjII (n° 15 et 84) et un à DjI (n° 4). Ce
dernier, rappelons-le, a été découvert avec la pendeloque plate elliptique large
n° 3 (cf. supra). Deux roches de couleur verte mais de nature différente ont été
employées pour la fabrication des pendeloques provenant de DjII. La première,
n° 15 (Fig. 9.3j), est d’une couleur vert bleuâtre clair marbré avec du blanc et du
marron clair (caramel) et présente un éclat savonneux. Il s’agit du seul objet de
parure du site ayant bénéficié d’une analyse de composition minéralogique par
diffractométrie RX. Il s’est avéré être en roche phosphatée composée de
woodhouseite et d’hydroxylapatite (Coqueugniot 2011, p. 25). L’autre élément
(n° 84) est en roche de couleur unie vert olive gris et à éclat mat. La rayure de la
roche produit un trait blanc. Le matériau de l’élément n° 4 (Fig. 9.3h) est quant à
lui un galet à éclat brillant et aspect métallique. De couleur marron rougeâtre, ce
matériau rappelle fortement l’hématite. Ces pendeloques ont un petit gabarit (h :
de 14.2 à 19.5 mm ; l : de 9.9 à 15.5 mm ; ep : de 2.2 à 4.8 mm).
Les deux pendeloques façonnées dans les roches vertes ont été finalisées
tandis que le galet en hématite a été abandonné avant que sa perforation ne soit
aboutie. En effet, une seule face porte les traces d’un début de forage tandis que
l’autre est intacte (Fig. 9.3h). Sur la première face, au centre de la zone la plus
étroite du galet, des stries croisées et aléatoires ont été intentionnellement
produites dans le but de marquer l’emplacement de la perforation. Une petite
cupule peu profonde, parfaitement circulaire, à section sub-cylindrique et de 1.8
mm de diamètre, porte les stries concentriques du forage.
367
Les perforations sur les deux autres pendeloques sont bipolaires, de section
cylindrique dans le cas de la pendeloque n° 84 et biconique dans le cas de la
pendeloque n° 15. Notons que chez cette dernière la jonction des deux cônes est de
très petit diamètre (0.7 mm seulement). Un début de forage est documenté sur
l’une des faces de la pendeloque n° 15 : il s’agit d’une minuscule cupule de forage
de 0.3 mm de diamètre, situé au-dessus de la perforation. Là encore, nous avons
un exemple d’un premier forage abandonné car trop rapproché des bords de la
pièce, ce qui aurait peut-être causé sa fracture. Le choix de l’emplacement de la
cupule pourrait cependant être motivé par le fait que l’épaisseur de la roche est
plus faible à cet endroit.
F. Pendeloques indéterminées
L’appartenance de trois éléments à la famille des pendeloques pose
question. Il s’agit d’un élément rectangulaire en os (n° 39), et de deux éléments de
formes indéterminées en gypse (n° 78 et 79).
Dans son état actuel, la pièce n° 39 peut être classée au sein des
pendeloques plates rectangulaires (Fig. 9.4a). Néanmoins, l’examen approfondi
laisse des doutes concernant sa nature comme élément de parure, et plus
particulièrement comme pendeloque. Provenant de la phase DjIII, elle fut
découverte dans un muret de grill-plan. Le support utilisé est un os plat déterminé
comme appartenant au sous-groupe A1 (Ongulés de grande taille de format
aurochs ou bœuf). Il s’agit d’un segment plat provenant d’une côte de bœuf de
forme rectangulaire dont l’une des extrémités présente une cassure (h : 41.6 mm ;
l : 22.8 mm ; ep : 2.5 mm).
368
Cet élément est exceptionnel car il contient 29 cupules de section conique
distribuées sur sa face interne, à l’intérieur de quatre triangles créés en faisant se
croiser deux grandes incisions diagonales dans un rectangle (Fig. 9.4c). Ce dernier
est constitué des deux côtés longs de l’os lui-même et de deux incisions parallèles
dans le sens de la largeur. Le nombre de cupules varie d’un triangle à l’autre. Dans
deux d’entre eux, un total de huit cupules a été compté, 10 dans le troisième
triangle et 3 dans le dernier, où est placée par ailleurs la perforation. Le décor à
cupules rappelle celui d’un objet denté en os de Tell Mureybet au Khiamien,
également réalisé sur une côte (Stordeur 1974, Fig. 2, p. 439 ; Stordeur et
Christidou 2008, Fig. 47.1, p. 524).
Des stries de raclage ont été observées sur la face externe de l’os. Les bords
du segment portent aussi des stries de raclage et des incisions (Fig. 9.4d). Celles-ci
correspondent aux traces de débitage latéral de la côte par rainurage, dans le sens
de son épaisseur. Après rainurage, la côte a probablement été fendue en deux par
percussion indirecte à l’aide d’un coin. Le segment a été obtenu pas sciage
bilatéral. Sur la face interne de l’os, la spongiosa semble avoir été grossièrement
éliminée. Des stries de raclage y ont été également observées. Les cupules ont été
réalisées par forage unipolaire qui, dans deux cas, a percé la face externe. Enfin, la
perforation est bipolaire et son contour est étiré en direction du bord cassé de la
pièce. La portion conservée de la perforation cassée est usée et montre un poli
important, tout comme la zone du « pont » entre les deux perforations (Fig. 9.4b).
La pièce était probablement attachée en faisant passer un lien entre les deux
perforations.
Les deux autres pièces indéterminées ont été réalisées dans un matériau
identique, un gypse de couleur blanc cassé. Toutes deux proviennent de la phase
369
DjI et appartiennent au même contexte archéologique qui correspond à la
première phase du comblement de la maison aux peintures. Leur forme est
indéterminée mais leur section est plate.
L’une des faces porte trois rainures plus ou moins parallèles, à égale
distance l’une de l’autre et croisées perpendiculairement à deux rainures, l’une
subrectiligne et l’autre en ligne brisée. Le croisement entre ces cinq rainures forme
un schéma parcellaire composé de huit cases. L’autre face est dépourvue de décor.
De grand gabarit, cette pièce est haute de 25.7 mm, sa largeur conservée est de 33.8
mm et son épaisseur est de 5.4 mm. La perforation, bipolaire, a un diamètre 3.9
mm.
370
9.2.2.3. Pendeloque globuleuse
Cet élément unique de la collection est de forme prismatique et de section
quadrangulaire rhomboïdale au sein de laquelle la perforation courte décentrée
s’intègre dans l’axe principal (PR.4h.I.C.3) (Tabl. 9.3).
biforées)
Cette pendeloque a été façonnée dans une roche de couleur ocre. L’aspect
de sa surface est celle d’une agglomération de grains qui rappelle le grès fin. De
grand gabarit, cette pendeloque mesure 43 mm de hauteur, 11.4 mm de largeur et
3.1 mm d’épaisseur. Les perforations sont bipolaires et leurs diamètres mesurent
371
en moyenne 2.5 mm. Le façonnage fut effectué par abrasion. Sur les faces de la
pendeloque, les stries d’abrasion sont régulières, parallèles et orientées
transversalement tandis qu’elles sont obliques sur les bords latéraux. Les traces
techniques sont encore très « fraiches » et d’aspect crayeux. Le seul poli que nous
avons détecté est celui de la manipulation post-fouille de l’objet. Toutes les arêtes
sont vives et aucun bord ou relief n’est émoussé. Il s’agit d’un objet peu, voire pas
du tout porté et donc probablement à l’état neuf. Contrairement aux autres
éléments, celui-ci ne porte pas de traces d’erreur d’emplacement des perforations,
ni de marquage préalable à celles-ci.
Au nombre de 23, les objets à perforation longue centrée ont été façonnées
en os, en pierre et modelées en terre. Ces perles se classent au sein des trois
familles distinguées dans le corpus : les perles tubulaires, les perles plates et les
perles standard (Tabl. 9.4).
L’état de préservation est bon pour quatre pièces et médiocre pour les cinq
restantes (Tabl. 9.5).
372
Enfilés, ces tubes se portent comme des perles tubulaires. Sur ces éléments,
cinq types de stigmates ont été observés (cf. Fig. 5.2) : 1) des stries longitudinales
parallèles à la fibre de l’os ; 2) des pans de sillons délimitant les extrémités des
tubes ; 3) des sillons près des extrémités parallèles aux pans; 4) des stries
transversales parallèles ou légèrement obliques aux pans de sciage et 5) des
corniches sur les bordures des extrémités juxtaposées aux pans de sillons. La
hiérarchisation de ces stigmates et leur emplacement permettent de proposer le
procédé suivant : les os longs ont été extraits des squelettes après sectionnement
des ligaments ou tendons (stries transversales). La surface de l’os a été nettoyée et
la couche de périoste a été supprimée (stries longitudinales de raclage). Ensuite,
les os ont été débités par sciage bipolaire (pans de sciage avec stries de sciage
croisées). Ce sciage a consisté à sectionner l’os autour de sa circonférence. L’os,
bien entamé dans sa profondeur, a été ensuite rompu par flexion. Les corniches
produites par cette rupture n’ont pas été supprimées par la suite.
Les stries transversales ont été observées sur les surfaces de tous les tubes à
l’exception du n° 42a (Fig. 9.2b). Tous les tubes ont été raclés à l’exception du
n° 32. Les pans de sciage sont présents dans tous les cas à chacune des extrémités
des tubes. Leurs surfaces contiennent des stries de sciage dans six cas avérés,
l’usure ou la détérioration de l’os n’ayant pas permis d’identifier ces stries sur les
trois autres tubes. Des sillons de sciage sont documentés dans deux cas (n° 34 et
35) et les corniches sur les extrémités des tubes sont présentes dans tous les cas, à
l’exception du tube n° 42a (Tabl. 9.5). Enfin, un élément (n° 37) semble avoir été
brûlé ou chauffé.
373
11.9 mm, la minimale est de 5 mm et la moyenne est de 7.7 mm. Les extrémités
sciées de ce tube furent par la suite supprimées et égalisées.
Un élément (n° 34) se différencie des autres par la présence de cinq sillons
relativement profonds et réguliers sur la moitié du tube, l’autre moitié étant sans
sillons (Fig. 9.2a). Sur cet objet cassé longitudinalement, ces sillons semblent avoir
été tracés tout autour du tube. En effet, une portion de sillon s’arrête juste au
début d’un autre sillon très légèrement décalé, les deux portions ayant la même
section et la même largeur. La fracture de l’os a permis d’examiner la section des
sillons et leur profondeur. Ainsi, la profondeur d’un sillon de section en V à fond
très encaissé est de 1.06 mm et celle d’un sillon en V mais à fond plat est de 0.52
mm. Notons que l’épaisseur de l’os est de 1.8 mm. Les sillons n’ayant absolument
pas débordé sur la tranche de la fracture, il est évident que la fracture s’est
produite après la création des sillons. Cependant, nous ne sommes pas en mesure
de savoir si la fracture fut produite durant le sciage de l’objet. Cet élément, non
usé, était probablement une matrice destinée à la réduction en plusieurs portions
de longueurs variables. Sa longueur (38.7 mm) ne représente donc probablement
pas celle d’un objet fini.
A l’exception du tube n° 34, tous les autres sont usés. Les corniches, les
reliefs et les arêtes sont émoussés. Les surfaces de ces tubes montrent pour la
majorité un léger lustre.
374
9.2.4.2. Perles tubulaires d’origine minérale
Les perles tubulaires, au nombre de sept, sont majoritaires sur le site. Elles
appartiennent aux types cylindrique, conique et elliptique.
A. Cylindriques
Au nombre de trois, les perles cylindriques identifiées sont en pierre et
proviennent toutes de la phase DjII. La forme de deux éléments (n° 14 et 50) est
cylindrique de section circulaire intégrant une perforation longue centrée axiale
(CY.0.I.L.1). Le troisième élément (n° 54) est également cylindrique mais de section
elliptique (CY.1.I.L.1) (Tabl. 9.3).
L’une de ces perles (n° 14 ; Fig. 9.2g) a été trouvée au cours du démontage
d’un sol à 10 cm d’un trou de poteaux. Nous n’avons pas de précisions quant aux
contextes de découverte des perles n° 50 et n° 54, si ce n’est que cette dernière
provient d’un secteur où l’architecture est absente.
De couleur blanchâtre (n° 50) et beige marron clair (n° 14), de faible dureté
et légèrement crayeux, le matériau utilisé pour ces deux perles est probablement le
calcaire. De couleur vert pâle et de dureté s’élevant à 5 sur l’échelle de Mohs, la
perle n° 54 a été probablement façonnée en turquoise. La présence d’une fine
gangue couleur beige marron clair, observée par ailleurs sur des perles analysées
par diffractométrie de RX (Tell Halula), renforce notre hypothèse sur la nature de
la matière.
De petit gabarit, ces perles ont une longueur comprise entre 4.5 et 10.6 mm
et un diamètre entre 3.8 et 5.3 mm. Les perforations sont bipolaires de section sub-
cylindrique. La perforation est désaxée dans le cas de la perle n° 14, la jonction des
deux tubes se faisant par les parois de ceux-ci et non par leurs fonds. La
perforation dans les deux autres cas est axée et la jonction des tubes est complète.
Le diamètre des perforations est de 2.6 mm. Très usées, les perles cylindriques
n’ont guère gardé de traces de leur façonnage. Des facettes d’abrasion ont
néanmoins été observées sur les perles n° 14 et 50. D’après la forme convexe des
extrémités de ces deux perles, il est possible que leur perforation ait été pratiquée
préalablement à leur débitage par sciage et/ou flexion.
375
B. Conique
Le type conique, rare dans le corpus, est représenté à Dja’de par un seul
élément, la perle n° 73 (Fig. 9.2h). Celle-ci provient de la phase DjI,. De couleur
marron clair, d’aspect savonneux et de dureté faible, le matériau de cette perle
nous évoque le talc. La forme est conique de section circulaire, une des extrémités
étant légèrement convexe. De petit gabarit, elle mesure 10 mm de longueur, 7.8
mm de diamètre maximal près de l’extrémité convexe et 5.1 mm pour le diamètre
minimal, à l’extrémité opposée. La perforation est bipolaire à tubes sub-
cylindriques. L’ouverture de la perforation mesure 3.2 mm au niveau du diamètre
maximal et 2.8 mm au niveau du minimal.
Enfin, les stries de forage sont partiellement effacées, les arêtes des
ouvertures de la perforation sont émoussées et des stries aléatoires de type rayures
sont observables çà et là sur la surface.
C. Elliptique
Une seule perle (n° 57) est de type elliptique. Appartenant à la phase DjIII,
cette perle est l’un des rares éléments de parure à être associé à un contexte
funéraire. En effet, elle a été découverte au cours du dégagement d’un crâne
humain situé à l’intérieur d’une structure d’habitat. Le matériau employé est de
couleur rose/saumon pâle. D’éclat mat, légèrement crayeux et de très faible dureté,
il s’agit d’un calcaire dont la couleur a été modifiée car rubéfiée. Le même
376
matériau a été identifié pour l’unique perle biforée du site (n° 53) provenant
également de la phase DjIII.
D. Tubulaires indéterminées
Nous n’avons pu déterminer le type de deux perles cassées
longitudinalement. La première (n° 7) provient de la phase DjIII. Elle est en pierre
de couleur rouge-bordeaux, d’aspect savonneux et d’indice de dureté 2 : il s’agit
de talc rouge, roche communément exploitée pour les objets de parure du
Néolithique ancien (Khiamien et PPNA). La surface de cette perle est extrêmement
émoussée et polie, et aucune strie d’abrasion ou de forage n’est conservée.
L’examen de la forme, notamment de la zone de fracture, montre que la perle est
très usée au niveau de sa perforation. Des encoches très développées ont pu être
produites au cours du temps. Les chocs répétés sur la matière affaiblie par l’usure,
notamment sur les zones fragiles des encoches, ont probablement provoqué sa
fracture. La portion conservée de la perle est de 9.5 mm.
La perle n° 18 est en argile cuite très fine de couleur beige gris, parsemée de
rares particules brillantes (micas ?). Nous n’avons pas identifié d’impressions
végétales. La pâte semble avoir été chauffée mais il est difficile de savoir s’il s’agit
d’une chauffe intentionnelle ou accidentelle. D’après les notes de l’archéologue,
cette pièce proviendrait d’une petite poche cendreuse de la phase DjII. Cependant,
en l’absence de plus de précision, ne nous aide pas à répondre à la question de la
chauffe accidentelle ou intentionnelle (L : 22.1 mm ; l : 9.7 mm ; ep : 7.7 mm). La
portion conservée ne présente aucune empreinte de doigt. La surface étant
légèrement polie, il est possible que la perle ait été doucement frottée afin de
supprimer toutes les empreintes.
377
9.2.4.3. Perles plates
Parmi les 6 perles plates du site de Dja’de, trois sont en pierre et trois en
terre. Elles appartiennent aux types des perles plates elliptiques et des perles
plates rhomboïdales (Tabl. 9.4).
A. Elliptiques
Les trois perles plates elliptiques ont été fabriquées en pierre (n° 75 et 82) et
en terre (n° 68).
378
deux tubes. Sur certaines zones, les stries sont polies, polissage dû probablement
au passage du lien.
B. Losangiques
Les perles plates losangiques sont uniquement en terre et sont au nombre
de deux : n° 6 et n° 69. La forme s’inscrit dans un prisme de section
quadrangulaire rhomboïdale dans laquelle une perforation longue centrée
s’intègre transversalement (PR.4h.I.L.2) (Tabl. 9.3).
La première (n° 6 ; (Fig. 9.2k) appartient à la phase DjII, mais nous n’avons
pas de précision sur son contexte de découverte. De contour presque parfaitement
losangique et de section transversale lenticulaire, cette perle est d’une symétrie
remarquable. Ses deux faces sont entièrement marquées par les empreintes d’une
natte (?) très fine ou d’un fragment de tissu très régulier composé d’une multitude
de maille dont le diamètre est de 0.3 mm environ (L : 26 mm; l : 17.6 mm; ep : 6
mm ; dp : 2 mm). Deux encoches sont observées de chaque côté de la perforation,
379
sur les deux faces, bien qu’elles soient plus profondes et marquées sur l’une que
sur l’autre.
C. Plate indéterminée
Il s’agit de la perle n° 8 (Fig. 9.2n), datée de la phase DjIII, sans plus de
précision sur son contexte archéologique. Elle a été façonnée en talc rouge,
matériau relativement fréquent sur le site. De section plate elliptique, elle présente
une cassure dans le sens de la longueur qui a emporté une partie de la paroi de
perforation. Cette perle, comme la perle tubulaire n° 7, est extrêmement usée ;
usure qui a certainement contribué à la déformation de sa forme initiale et qui
pourrait être à l’origine de la fracture de la perforation (L : 16.4 mm ; l : 8.5 mm ;
ep : 7.5 mm).
380
subcirculaire, la perforation longue centrée est positionnée dans l’axe (SF.0.I.L.1).
Il s’agit d’un galet orné d’un dessin naturel de cercles concentriques et parallèles et
dont le diamètre augmente progressivement jusqu’au centre de la perle. Ces
cercles présentent une alternance de deux couleurs différentes : blanc grisâtre
claire et rose orangeâtes saumon (L : 20.7 mm ; d : 23.1 mm). La perforation se
trouve au centre de ce galet, parallèlement à ces cercles et est de section biconique
(dp : 7.5 et 6.9 mm). Les stries de perforation sont régulières et concentriques et
s’organisent par des paliers tout au long des tubes cylindriques dont la jonction est
décalée. Les arêtes des ouvertures de perforation sont émoussées et un léger poli
s’observe sur la surface de la perle. Le poids de ce galet étant relativement élevé
par rapport aux autres objets de parure, nous nous sommes posé la question de la
fonction de cet élément. Son aspect esthétique nous amène à le considérer pour le
moment comme un élément de parure.
biforées)
Une seule perle (Tabl. 9.4) représente la famille des perles biforées à Dja’de
(n° 53 ; Fig. 9.2o). Elle provient de la phase DjIII mais nous n’avons
malheureusement pas de précision sur le contexte de découverte à l’exception de
l’altitude à laquelle elle fut découverte (à 3.62 mètre sous la surface). La forme est
cylindrique de section biconvexe lenticulaire dans laquelle deux perforations
longues bilatérales sont intégrées axialement (CY.2.II.L.2) (Tabl. 9.3).
Cette perle est très fragile, façonnée en roche très tendre, de couleur rose
saumon pâle. Il s’agit d’un calcaire rubéfié ou légèrement chauffé, pratique utilisée
pour d’autres objets comme la perle n° 54 ou la rondelle n° 44. Elle est plus large
que longue et son volume s’inscrit dans un cylindre à section elliptique plate (L :
6.4 mm ; l : 10.7 mm ; ep : 3 mm). Les perforations sont bipolaires et de section
cylindrique (moyenne dp : 2.1 mm). L’une des faces présente des échancrures sur
les extrémités des deux perforations et l’autre face, de légers étirements.
381
9.2.6. Synthèse formes géométriques
Les objets de forme géométrique sont les mieux représentés. Parmi les
formes, la forme rhomboïdale, qui apparaît à la phase DjII sur support en argile,
consiste une nouveauté par rapport aux périodes précédentes. Les formes
géométriques sont pour la majorité des pièces en pierre, seulement un élément est
en os. Les supports en coquillages sont absents.
Outre les galets ramassés sur les rives de l’Euphrate, le gypse est employé
pour la fabrication des pendeloques de la phase DjI. Ce matériau est également
employé dans la fabrication des figurines de la même phase et son utilisation n’est
pas documentée dans les phases II et III postérieures (Coqueugniot 2007, p 67,
rapport inédit). Ces pendeloques proviennent toutes, comme les figurines, du
remplissage de la « maison à peintures ».
Bien qu’à l’emplacement du site de Dja’de les rives de l’Euphrate soient très
riches en galet de toutes les formes, dimensions et couleurs, les petits galets
relativement plats de forme ovoïde et couleurs blanchâtres semblent être plus
recherchés que d’autres et aménagées en pendeloques. L’une d’elles (n° 12) est
exceptionnelle car son contour porte des incisions courtes transversales. Les
éléments décorés en pierre existent pour la période PPNA sur les sites de
Mureybet, de Jerf el-Ahmar et de Tell ‘Abr 3. Il s’agit toutefois de pendeloques
382
étroites à section arrondie et à rainure centrale longitudinale, type absent sur le
site de Dja’de bien que deux pendeloques étroites de section arrondie soient
présentes sur le site. Le seul parallèle que nous avons trouvé pour la pendeloque à
contour incisé provient d’un ramassage de surface d’un tell PPNB, Umm Qbeiba,
dans la cuvette d’El-Kowm (C. Maréchal, comm. pers.).
Une tendance générale qui peut être observée pour les éléments de parure à
Dja’de est la fréquence des décorations des surfaces avec des motifs linéaires
(rainures ou incisions), des motifs triangulaires ou ponctiformes. Il est tentant de
faire une analogie avec les motifs décoratifs peints découverts sur le site et datés
de la phase DjI. En effet, un fragment effondré d’une frise sommitale de la maison
aux peintures porte un décor composé de triangles noirs et de points rouges
(Fig. 9.5 ; Coqueugniot 2002, p. 9 rapport inédit).
Parmi les perles, un nombre important est fabriqué en tubes d’os d’oiseaux,
de renard, de lièvre et de gazelle. Les tubes en os sont les éléments les mieux
représentés au sein de la catégorie des matières osseuses. Ce constat est valable
pour tous les sites du corpus. La découverte d’un tube qui s’est glissé à l’intérieur
d’un autre met en évidence la présence d’une parure composée au moins de ces
deux éléments. La documentation sur le contexte n’étant pas très fournie, il nous
est difficile d’en savoir plus sur cette découverte.
383
Les tubes en os sont riches en stigmates techniques permettant de
reconstituer leur schéma de transformation. La chaîne de transformation de ces
éléments consiste essentiellement à récupérer les os, à les nettoyer et à les débiter
en portions par sciage bipolaire. Les deux phases de façonnage et de finition ne
sont documentées que sur une seule pièce, le tube n° 42a.
Ces deux éléments ont été attribués à la catégorie des éléments de parure
car ils présentent un dispositif d’attache, celui d’un grand percement. Il s’agit ici
de deux éléments uniques pour le corpus. Les traces de fabrication et d’usure
n’ont pas été documentées pour ces éléments. Nous ne nous prononcerons pas sur
leurs schémas de transformation ou d’usure dans ce travail mais nous les
décrirons d’après leurs formes et dimensions seulement.
L’objet n° 40 (Fig. 9.1f) est un grand objet cassé au niveau de son extrémité
étroite et présente sur l’autre extrémité un très grand percement de forme sub-
triangulaire. Les deux extrémités sont séparées par deux incisions parallèles
384
transversales, éloignées l’une de l’autre de 6.3 mm. La forme de l’objet, à l’état
cassé, est très semblable à celle d’une « boucle ». Cependant, en l’absence de
l’autre extrémité, qui pourrait être pointue droite ou courbe, ou encore à bord en
forme de lissoir, nous ne pouvons pas affirmer s’il s’agit d’un élément de parure
ou pas (h : 55.5 mm ; l : 24.7 mm ; ep : 7.7 mm). Le percement a une longueur
maximal de 26.9 mm et une large de 13.9 mm.
L’autre élément n° 41 (Fig. 9.1g), quant à lui entier, a été fabriqué sur un
support très plat. Il est divisé très nettement en deux parties, l’une de forme
parfaitement ovale au centre de laquelle le percement, de forme identique à la
partie qui l’accueille, a été réalisé. La seconde partie est celle du crochet : elle est de
forme courbe et se termine par une pointe ébréchée. Le crochet est façonné non
pas dans l’axe de la boucle mais en décalage, ce qui donne un effet stylistique
recherché.
9.4. Conclusion
Bien que peu nombreux, les objets de parure recueillis à Dja’de présentent
une grande diversité au niveau des formes, des classes typologiques et des
matériaux.
385
pendeloques étroites simples ou à rainure84 mais uniquement de pendeloques
plates ovales en carbonates, dont l’une est à contour décoré avec des courtes
incisions, et des pendeloques en gypse portant des longues incisions sur leurs
faces. Le gypse, identifié uniquement à la phase DjI, a été également employé pour
la fabrication des figurines. Seulement deux perles datent de DjI. L’une est plate
rectangulaire, type identifié à Mureybet au Khiamien et au PPNA, l’autre, de type
conique, est unique pour la période concernée. En effet, ce type n’et attesté au
corpus qu’à partir du PPNB récent à Tell Halula.
Les pendeloques étroites simples, dont les exemples les plus connus
proviennent de la période PPNA des sites de Tell Mureybet (n° 636-ph. IIIA), de
Tell Qaramel (Mazurowski 2010, Fig. 19, p. 582) et de Tell Abr 3 (Yartah 2013,
Fig. 139-4, p. 155), ne sont attestées à Dja’de qu’à partir de la phase II, c'est-à-dire,
au début du PPNB ancien. A Dja’de ces pendeloques ne sont pas en ophiolites
comme c’est souvent le cas pour les exemples de la période précédente mais en
feldspath (e.g. amazonite). Les pendeloques plates sur galets blancs, documentées
pour la phase de DjI sont également documentées pour celle de DjII. Cependant,
désormais, elles sont également de forme trapézoïdale ou sub-triangulaire et les
supports ne sont pas uniquement des galets mais également des roches en
phosphates et des roches de couleur verte. Les perles augmentent en nombre à la
phase II et sont fabriquées en pierre mais aussi en terre. Avec la pierre ce sont les
types tubulaires que l’on a reproduit tandis qu’avec la terre, ce sont notamment les
perles plates qui sont réalisées. Parmi les formes anatomiques, deux éléments
exceptionnels proviennent de la phase DjII : une incisive gauche de bovin perforée
sur la racine et la pendeloque anthropo-zoomorphe en turquoise. L’utilisation de
la turquoise est attestée également pour une perle tubulaire de la même phase
(DjII). Dans notre corpus, les plus anciens témoignages de l’utilisation de la
turquoise et de l’amazonite, proviennent du PPNB ancien de à Dja’de mais
également des niveaux anciens de Tell Aswad.
84Rappelons que les pendeloques étroites à rainure sont typiques de la période PPNA du moyen
cours de l’Euphrate.
386
de poisson ainsi que celle des éléments en os auxquels on attribue la fonction de
« boucle de ceinture » (cf. supra).
Notons enfin qu’à partir du PPNB ancien, les pratiques funéraires sont
relativement bien documentées, notamment par la présence de la dite « maison
des morts ». Cependant, à quelques exceptions, sur ce site les éléments de parure
ne proviennent pas de contextes funéraires. Cette situation contraste avec celle de
Tell Aswad pour la même période. En effet, une grande partie des éléments de
parure datant des niveaux anciens à Tell Aswad proviennent des sépultures.
387
388
Chapitre 10. Tell Halula
Plus de 71% des objets sont fabriqués en pierre. Les autres éléments sont en
coquillage (26.58%) et seulement une petite portion (1.58%) est en cuivre. Un objet
exceptionnel et unique pour la collection est en défense de sanglier (Tabl. 10.1).
389
une sépulture donnée. Par exemple, la St. 94 de la phase 9 contient une défense de
sanglier, une perle en cornaline, 11 perles en roches vertes, trois perles en roches
blanches et une perle en cuivre.
Les objets de parure que nous avons étudiés sont inédits en ce qui concerne
le classement typologique, l’étude technologique ou l’étude des traces d’usure. Les
matières premières minérales exploitées dans le domaine de la parure sont
étudiées par X. Clop et ont fait l’objet de publications (Clop 2006 ; Clop & Alvarez
2013). Le cuivre a également été étudié (Molist et al. 2010). Les objets de parure de
Tell Halula ont été également analysés selon une approche anthropologique, leur
présence/absence dans les sépultures et l’association aux différents sexes et âges
(Guerrero et al. 2009 ; Ortiz et al. 2013).
Des analyses par diffractométrie rayon X ont été réalisées sur un échantillon
réduit (n=3) d’éléments en pierre (cf. infra). L’identification des objets en
coquillages a été effectuée par nous-même. En ce qui concerne les éléments en
cuivre, nous ne les avons pas étudiés de la même manière que les autres éléments
car leur état extrêmement fragile n’a pas permis une manipulation manuelle
prolongée. En outre, leurs formes ne sont plus tout à fait identifiables à cause de
l’altération subie. C’est pour cela que nous ne les prendrons en compte
qu’occasionnellement, notamment dans la partie IV de ce travail. .
390
10.1. Les formes anatomiques
10.1.1. Coquillages
10.1.1.1. Limnées
Les coquilles de limnées sont au nombre de trois à Tell Halula. Parmi elles,
deux ont été découvertes en contexte funéraire et une en contexte non funéraire.
Les limnées funéraires furent découvertes ensemble avec deux perles en cornaline
dans une sépulture (E110) de la phase 10 associées au squelette d’un adulte du
sexe masculin. Les deux sont d’un état de préservation mauvais et une est cassée
(P70-4)86. Sur la deuxième (P70-2 ; h : 19.5 mm ; d : 7.9 mm), le percement est situé
sur le labre à l’opposé de l’ouverture naturelle (Fig. 10.1a). Il présente un contour
86 Dans ce chapitre, les éléments faisant partie d’une parure sont parfois désignés par leur numéro
(dans cet exemple : n° 4) précédé par celui de la parure à laquelle ils appartiennent (ici la parure
n° 70).
391
ébréché et irrégulier. Son diamètre maximal est de 1.4 mm. Très petit, le lien devait
être très fin pour y passer.
Quant à l’élément non funéraire (n° 109), il est également dans un état
mauvais de préservation (h : 17.8 mm ; l : 12.2 mm ; e : 10.3 mm). Il provient d’une
zone extérieure de la phase 14 et il est cassé au niveau de l’apex. Un grand
percement, à contour ébréché et de forme rectangulaire, est situé à l’opposé de
l’ouverture naturelle sur le dos (L : 6.5 mm ; l : 4.9 mm).
10.1.1.2. Nérites
Les coquilles de Neritidae sont au nombre de 56 mais l’étude concerne 38
coquilles. Elles appartiennent exclusivement aux phases les plus récentes, 12 et 13.
Un seul spécimen a été trouvé dans la phase 11 (Tabl. 10.3).
A. Parure en nérites
D’après leur localisation sur les squelettes, ces coquilles composent au
moins un type de parure, le type « bracelet » (Fig. annexe IV). Celui-ci a pu être
identifié grâce à l’emplacement des éléments autour des poignets/coudes des
défunts. Au total, six bracelets, donc cinq sûrs et un probable, ont été identifiés.
Dans trois cas, les bracelets sont composés uniquement des nérites (ensembles
n° 31, 35 et 48a). Dans deux autres cas, les nérites sont majoritaires et associent une
perle en pierre (ensembles n° 20 et 48b). Tous les bracelets sont positionnés sur le
bras droit à l’exception de l’ensemble 48b qui ornait le poignet gauche du défunt
(E50) (Fig. 10.2a-b). Enfin, l’ensemble n° 47a est composé de deux nérites et
probablement de deux perles en cornaline. Ces éléments ont été trouvés au fond
de la fosse près de sa paroi, derrière le pied gauche du sujet. Ce dernier était en
position assisse hyper fléchie, les bras croisés et pliés sur le bassin, les ossements
du poignet droit se trouvant alors plus ou moins derrière le pied gauche. Il est
donc possible que l’emplacement des quatre éléments corresponde à un bracelet
ornant initialement le poignet droit du défunt.
Dans la sépulture E45, une nérite a été trouvée avec une perle en turquoise
à la base du crâne, au niveau de la zone occipitale (ensemble n° 57 ; Fig. 10.1b).
392
Elle pourrait avoir été intégrée dans une parure de type collier ou portée sur les
cheveux.
Les autres types de parure sont difficiles à identifier car les éléments ont été
déplacés de leur emplacement d’origine. Ils ont été fréquemment trouvés au fond
de la fosse à l’intérieur de la cavité du pelvis. Néanmoins il est sûr qu’il ne s’agit
pas de ceinture mais plutôt d’une parure originellement placée dans la partie
supérieure du corps : collier, diadème ou éléments accrochés dans les cheveux.
D’après les notes de l’anthropologue (J. Anfruns), un ensemble de 4 nérites et une
perle plate en turquoise (n° 46) constituerait un collier.
B. Etat de préservation
Les zones des coquilles ayant reçu une intervention technique sont plus
sensibles à la détérioration au niveau du test. En effet, la dégradation est totale
(état mauvais) et touche le contour entier de cinq percements, empêchant ainsi la
détermination de leur technique de percement. La dégradation est partielle dans
deux cas seulement. Lorsqu’on observe la qualité du test sur l’ensemble du
volume de la coquille, l’état de préservation est bon pour 21 éléments (provenant
pour la majorité des ensembles n° 48a et 48b mais également des ensembles n° 10,
35, 46 et 47). Il est moyen pour onze éléments (ensembles n° 2, 20 et 35), mauvais
pour 3 (ensembles n° 31, 46 et 62). Un seul élément est dans un état excellent et a
conservé encore les couleurs et les motifs naturels : il a été trouvé seul avec une
perle en turquoise et tous deux forment l’ensemble n° 57.
C. Identification taxonomique
En se basant sur l’élément dont l’état de préservation est excellent et sur
d’autres d’état bon, l’identification spécifique des nérites pourrait être celle de
Nerita sanguinolenta Menke 1892 (cf. Fig. 3.3a-c). Rappelons que cette espèce habite
les eaux de la Mer Rouge. Cependant, bien que très vraisemblable, nous ne
pouvons affirmer avec certitude cette détermination, compte tenu des possibles
confusions avec d’autres espèces87.
393
D. Etude morpho-métrique
Avec leurs formes semi-globuleuses à contour sub-elliptique, les nérites ont
des gabarits variés. Leur hauteur moyenne fait 14.52 mm (min : 10.2 mm ; max :
20.1 mm), et leur largeur 12.35 mm (min : 8.4 mm ; max : 16.4 mm). Afin de
comprendre la variabilité des volumes, nous avons comparé ces dimensions en
fonction des phases d’occupation (Fig. 10.3). La plupart des coquilles de la phase
13 sont distribuées autour des valeurs les plus élevées (supérieures à 15 mm de
hauteur et 13 mm de largeur). Les nérites de la phase 12 se répartissent dans
différents gabarits : petit (de 10 à 12 mm de hauteur et de 8 à 10 mm de largeur),
moyen (de 12 à 16 de hauteur et de 9 à 14 de largeur) et grand (de 16 à 19 mm de
hauteur et de 14 à 16 mm de largeur). Enfin, l’unique élément provenant de la
phase 11 a un gabarit qui s’inscrit dans la catégorie « petit » de celles des éléments
de la phase 12. Bien que les effectifs soient différents d’une phase à l’autre, il
semble bien que des nérites de plus grande taille aient été plus souvent
sélectionnées dans la dernière phase que dans les deux phases précédentes.
Nous avons voulu voir s’il existait une relation entre le gabarit et les types
de parures auxquels les nérites appartiennent, dont la plupart sont des bracelets. Y
a-t-il des bracelets pour lesquels on a choisi des grands spécimens et d’autres des
petits ? Sur le graphique (Fig. 10.4), les hauteurs de cinq ensembles ont été
comparées par la médiane. Pour trois ensembles n° 46, 48a et 48b, les hauteurs
sont homogènes et leur médiane est comprise entre 13 et 14.5 mm. L’ensemble
n° 20 est composé de nérites dont la hauteur est hétérogène et la médiane,
inférieure à 11 mm, indique une majorité de spécimens de petite taille. Ces quatre
derniers ensembles sont de la phase 12 tandis que l’ensemble n° 35 est de la phase
13. Cet ensemble est composé de nérites dont la hauteur est relativement
homogène mais cette fois, elles sont plus grandes, la médiane étant de plus de 18
mm.
E. Techniques de percement
Toutes les nérites sont percées sur le sommet. Le percement étant
relativement grand, la zone de l’apex est parfois touchée.
394
Sur huit éléments pour 36 examinés, la technique de percement n’a pas pu
être déterminée, soit parce que le test du percement est érodé (quatre cas), soit
parce que le percement est cassé (quatre cas). L’abrasion est la technique la plus
commune et a été employée pour 25 nérites. Sur trois éléments, les stigmates
indiquent une possible suppression de la partie convexe du sommet par
percussion (directe ou indirecte). Cette technique aurait pu être utilisée, dans un
premier temps, sur les 25 coquilles montrant des traces claires d’abrasion.
Autrement dit, le percement aurait était d’abord produit par percussion, pour être
ensuite égalisé et agrandi par abrasion.
F. Traces d’usure
Les traces d’usure se manifestent par un poli et un émoussement des
contours des percements dont le test n’est pas érodé. Des étirements sont observés
sur toutes les coquilles (28). Des étirements sur les contours sont documentés sur
douze percements. Elles sont orientées vers le dos de la coquille pour trois
éléments de l’ensemble n° 35. Parmi ces dernières, deux nérites portent, outre les
étirements sur le percement, des encoches très émoussées sur le labre de la
coquille.
395
10.1.1.3. Cyprées
Au total, 422 coquilles de cyprées ont été dénombrées à Tell Halula. Les
éléments complets, au nombre de 314, proviennent de 27 sépultures datant de la
phase 7 à la phase 13 (Tabl. 10.3 ; Fig. annexe IV). Les éléments fragmentaires, au
nombre de 108, proviennent de divers contextes non funéraires couvrant les
phases 7 à 14 mais avec des effectifs variables d’une phase à l’autre (Tabl. 10.4).
A. Parure en cyprées
Les cyprées trouvées autour du pelvis constituent les éléments de ceintures
(Fig. 10.2c-d). Au total, 15 ceintures ont été identifiées pour 15 squelettes datant de
la phase 9 à la phase 13. Les cyprées trouvées sur les parois des fosses des
sépultures au niveau du crâne (n° 67a), parfois encore collées sur ce dernier
(Fig. 10.2e), ont été reconnues comme des éléments constituant des parures de
type diadème ou coiffe de cheveux. Au total, six pourraient être des parures de
tête et proviennent des phases 7, 10 et 12. Les cyprées constituant des colliers sont
quasi absentes (parure n° 69 : une cyprée et neuf éléments en pierre).
Comme pour les ceintures, les parures de tête ou de type collier peuvent
être constituées uniquement de cyprées ou associées à d’autres éléments de parure
en pierre mais nous n’avons pas pu distinguer clairement ces deux types de
configurations. Le nombre de cyprées entrant dans la composition des parures qui
ornent les parties supérieures du corps varie de 1 à 19. Il ne semble pas y avoir de
relation entre l’âge de l’individu et le nombre de cyprées composant la parure
396
(Tabl. 10.5). Enfin, les cyprées ne semblent pas faire partie des parures de type
bracelet.
B. Etat de préservation
L’état de préservation des cauris est distingué selon quatre degrés. Pour les
314 spécimens funéraires, l’état « moyen » est dominant et il concerne 67.5% (soit
212 cyprées) de la totalité. L’état « bon » caractérise 16.2% (soit 51 cyprées), le
« mauvais » 13.4% (soit 42 cyprées), et l’état « excellent » concerne uniquement
2.9% (soit neuf cyprées). L’état de préservation des cyprées fragmentaires
provenant des contextes non funéraires a été déterminé pour 86 éléments sur 108.
Sur ces 86 éléments, 74.4% (soit 64 fragments) ont un état « bon », 20.9% (18
fragments) un état « excellent », et l’état « moyen » est décrit pour seulement 3.5%
(trois fragments). Un seul fragment, brûlé, est dans un état mauvais. Les cyprées
entières provenant des sépultures sont plus altérées que les fragments de cyprées
trouvés en dehors du contexte funéraire (Tabl. 10.6). Ce constat peut être expliqué
par la durée d’utilisation des objets les exposant à une détérioration plus intense
du test que celle des objets cassés et par conséquent abandonnés. Par ailleurs, il est
possible que les processus de décomposition des cadavres soit en partie
responsable de l’altération des surfaces des cyprées. Il n’existe aucune relation
entre l’espèce et le degré de préservation bien que les cyprées du genre Erosaria
soient les plus résistantes, avec un test plus épais que les coquilles de L. lurida.
C. Identification taxonomique
Les cyprées de Tell Halula appartiennent à trois espèces (cf. Fig. 3.3e, g et j) :
deux du genre Erosaria originaires de la Mer Rouge, Erosaria nebrites (Melvill, 1831)
et Erosaria turdus (Lamarck, 1810), et une espèce originaire de la Mer
Méditerranéenne, Luria lurida (Linnaeus, 1758). E. turdus est l’espèce dominante et
représente 80% de l’ensemble pour les cyprées funéraires. E. nebrites est
représentée avec 13% et L. lurida est représentée par seulement 7% des coquilles
(Fig. 10.5). Les espèces identifiées pour les cyprées non funéraires sont les mêmes
que celles des éléments funéraires. Les proportions de leur fréquence sont
relativement semblables avec 64% d’E. turdus, 8% d’E. nebrites, 8% de L. lurida et
397
20% de fragments indéterminés (Fig. 10.5). La présence et l’utilisation des espèces
de la Mer Rouge ne sont pas à relier à une phase d’occupation en particulier. En
effet, les deux espèces sont généralement présentes dans toutes les phases sauf à la
phase 9. Le très faible effectif des cyprées pour la phase 9 est à prendre en compte.
Pour cette phase, seulement deux cyprées ont été trouvées dans les sépultures, les
deux appartiennent à l’espèce méditerranéenne L. lurida. C’est donc à la phase 9
qu’apparaît, en très faible quantité, l’espèce méditerranéenne. Parmi les cyprées
non funéraires et pour la même phase, seules E. turdus et L. lurida sont présentes.
Enfin, E. nebrites est totalement absente de la phase 9 (Tabl. 10.6).
La proportion des espèces a été ensuite mesurée par ensemble et par phase
d’occupation (Fig. 10.6). L’espèce dominante, E. turdus, est omniprésente dans tous
les ensembles. Cette omniprésence est totale pour les ensembles n° 18, 24, 33, 42,
49, 50, 77 et 81, et forte (entre 50 et 90%) pour les ensembles n° 1, 19, 23, 51, 67 et
78.
Les ensembles dominés par les autres espèces, E. nebrites et L. lurida, sont
rares. Il s’agit des ensembles n° 44 et 71 où les deux espèces E. nebrites et E. turdus
ont été identifiées mais la première est majoritaire avec 60%. Enfin, il existe un cas
exceptionnel où les trois espèces sont présentes dans le même ensemble. Il s’agit
de l’ensemble n° 36 (phase 12) où l’espèce dominante est L. lurida avec un
pourcentage de 61%, suivie par E. nebrites (25%) et enfin par E. turdus (14%).
D. Etude morpho-métrique
Les cyprées de Tell Halula sont toutes dépourvues de leur dorsum. À la
place de celui-ci une grande ouverture permet le passage du lien d’attache entre la
face dorsale et la face ventrale par l’ouverture naturelle de la coquille. Le volume
des coquilles est représenté par la hauteur et la largeur. L’épaisseur dépend du
degré de l’élimination du dorsum. Généralement, celui-ci est entièrement
supprimé, ce qui affecte évidemment l’épaisseur des coquilles.
L’étude métrique a été effectuée sur 250 coquilles entières provenant des
contextes funéraires. Les principales données métriques (hauteur, largeur et
épaisseur) sont présentées dans le tableau (Tabl. 10.7). Notons que les valeurs des
écarts-types sont élevées pour la hauteur et la largeur tandis que celui de
398
l’épaisseur est faible. Cela se traduit par une plus grande dispersion pour la
hauteur et la largeur et par une homogénéité en ce qui concerne l’épaisseur.
399
petite à moyenne dans les phases anciennes 7 et 889, elles deviennent plus grandes
dans les phases les plus récentes. La comparaison des hauteurs de la phase 8
(N=16) et celles de la phase 13 (N=12), où les cyprées appartiennent à une seule
espèce (E. turdus), pourrait confirmer cette tendance.
Afin de tester la variabilité des dimensions des objets au sein d’une parure,
nous avons calculé la valeur du coefficient de variation (Cv) à l’intérieur des 16
ensembles composés de deux cyprées au minimum et 28 au maximum. Le
coefficient de variation (Cv) a été calculé pour la hauteur. Les résultats obtenus
sont classés en trois catégories (Tabl. 10.8) : la catégorie A regroupe les valeurs
minimales entre 0.02 et 0.04, la catégorie B les valeurs moyennes de 0.05 et 0.06 et
la catégorie C les valeurs entre 0.07 et 0.09. Les valeurs minimales traduisent une
homogénéité des volumes des cyprées et les valeurs maximales, au contraire,
expriment une hétérogénéité au sein de l’ensemble. Ainsi, cinq ensembles
« homogènes » appartiennent à la catégorie A et cinq autres, « hétérogènes »,
rentrent dans la catégorie B.
Le nombre des cyprées composant une parure peut jouer un rôle important
dans l’homogénéité ou l’hétérogénéité des hauteurs. Comme on pourrait s’y
attendre logiquement, plus le nombre de spécimens est petit, plus la variabilité est
réduite. C’est le cas notamment de l’ensemble n° 50 qui contient uniquement sept
cyprées. Au contraire, quand le nombre de cyprées est important, la variabilité du
volume est conséquente. C’est le cas de l’ensemble n° 36 composé de 28
cyprées. Cependant, cette logique ne fonctionne pas pour tous les ensembles. En
effet, plusieurs ensembles composés de 15 cyprées (ensembles n° 18 et 51)
appartiennent à la catégorie A. L’ensemble n° 49, avec 26 cyprées, est un ensemble
« homogène ». De même, des ensembles composés de moins de cyprées, comme
les ensembles n° 44 et 23, appartiennent à la catégorie C.
89 Les deux cyprées de la phase 9, non illustrées dans ce graphique, sont également de petite taille :
l’une a une hauteur inférieure à 18 mm et l’autre inférieure à 26 mm.
400
également le cas des ensembles composés de deux espèces différentes. Ils peuvent
être homogènes (e.g. ensembles n° 19 et 51), variables (e.g. n° 1 et 71) ou
hétérogènes (e.g. n° 23 et 44). Enfin, l’ensemble n° 36 (N=28), l’unique exemple
d’une parure constitué des trois différentes espèces, est hétérogène (catégorie C).
Nous verrons plus loin, dans la partie consacrée à l’étude de l’usure des
cyprées, des pistes et des indices pouvant être à l’origine de la variabilité des
hauteurs des cyprées au sein des différentes parures.
E. Techniques de percement
Pour toutes les cyprées, y compris les fragmentaires provenant des
contextes non funéraires, le dorsum est systématiquement supprimé. De même,
aucune coquille en cours de percement n’a été trouvée. L’observation des traces
techniques n’a pas toujours été possible. Plusieurs difficultés ont été rencontrées,
les principales étant l’intensité de l’usure, la détérioration du test et la présence
assez fréquentes de dépôts post-dépositionnels sur les surfaces.
Deux stigmates ont été observés sur les percements : les facettes planes et
les négatifs d’enlèvement. Le premier type a été produit par l’action d’abrasion
tandis que le second est le résultat d’une percussion (directe ou indirecte) ou d’une
pression, sans pouvoir pour autant déterminer si l’origine de cette action est
anthropique ou naturelle. Les facettes planes entourent le bord du percement
(Fig. 10.9a-b). L’examen microscopique à faible grossissement (jusqu’à 40x) de ces
facettes n’a pas révélé l’existence de stries organisées en groupe mais plutôt de
stries isolées et aléatoires. Tous les percements des cyprées de Tell Halula sont
entourés soit entièrement soit partiellement de ces facettes planes. Le second type
de stigmate, les négatifs d’enlèvement, s’observe, conjointement avec le premier
type, sur les faces internes et externes du test (i.e. des percements). Les négatifs
d’enlèvement ont été notés sur 158 cyprées (Fig. 10.9c-d).
401
Aucune trace de sciage ou de rainurage n’a été documentée sur les surfaces
des percements. Aucune trace de dérapage (sillons ou stries) n’a été non plus
observée sur les bords latéraux, juxtaposée au dorsum des coquilles.
Outre les stigmates ponctuels, les percements ont été distingués au niveau
de leur morphologie90 vue de face et de profil (cf. Fig. 5.1). Bien que tous les
percements aient été abrasés, la morphologie du contour peut être distinguée en
trois types : régulier, semi-régulier et irrégulier. De même, le profil du dorsum
supprimé se distingue également en trois types : plat, relevé ou creusé.
Les contours des percements sont réguliers pour la majorité des cyprées,
soit 188. Le type semi-régulier concerne 56 cyprées et l’irrégulier est observé
seulement sur 14 cyprées. Le profil plat est documenté sur 80 cyprées, le profil
relevé en concerne 71 et le creusé est observé sur 99 coquilles. Les formes des
contours et des profils combinés aboutissent à la distinction de neuf types
morphologiques théoriques de percements (Tabl. 10.9) : 1) contour régulier à profil
plat ; 2) contour régulier à profil relevé ; 3) contour régulier à profil creusé ; 4)
contour semi-régulier à profil plat ; 5) contour semi-régulier à profil relevé ; 6)
contour semi-régulier à profil creusé ; 7) contour irrégulier à profil plat ; 8) contour
irrégulier à profil relevé ; 9) contour irrégulier à profil creusé.
402
• la présence unique de facettes concerne seulement les types 1, 2 et 3 ; sur 92
cyprées les négatifs d’enlèvement n’ont pas été observés.
L’accumulation des stigmates pour 158 éléments sur 250 plaide pour la
seconde hypothèse. Le percement des cyprées sur lesquels seulement des plages
d’abrasion ont été observées (au nombre de 92), pourrait avoir été réalisé d’abord
par une autre technique et terminé par l’abrasion. Autrement dit, l’absence de
négatifs d’enlèvement liés aux techniques de percussion ou de pression ne signifie
pas la non-utilisation de ces techniques. Si l’on adopte la seconde hypothèse,
l’abrasion pourrait donc être considérée comme une étape de finition.
403
F. Traces d’usure ou stigmates techniques ?
La face ventrale de 245 cyprées porte des facettes planes à l’emplacement
des surfaces naturellement convexes de la coquille. Ces facettes sont observées sur
la partie columelle et labiale (Fig. 10.9e-f). Toutes les espèces sont concernées par
ces facettes. Les cinq coquilles ne présentant pas de facettes sur leur face ventrale
proviennent de la phase 7 (ensemble n° 67a) et 8 (ensemble n° 42). Les trois
cyprées de la phase 7 sont des E. nebrites tandis que les 2 de la phase 8 sont des E.
turdus.
Durant nos expérimentations, nous avons abrasé des cyprées à l’unité mais
aussi en série en calant plusieurs spécimens sur un support en bois. (Fig. 15.1b).
Rappelons que toutes les cyprées de Tell Halula ont été abrasées sur leur
face dorsale. Cela explique peut-être que la majorité écrasante des cyprées
présente des facettes sur la face ventrale, probablement issues par une abrasion en
série des coquilles. Les facettes planes observées sur la face ventrale des cyprées
cassées et fragmentaires provenant des contextes non funéraires (Fig. 10.1g et h),
montrent clairement qu’il s’agit de traces techniques : les stries sont rectilignes,
intenses, certaines parallèles et d’autres multidirectionnelles.
404
Rappelons que les cyprées fragmentaires ont un état de préservation relativement
bon. La surface du test conserve encore les stigmates techniques comme les stries
d’abrasion, une plage d’abrasion très large et plane (Fig. 10.9a) et les négatifs
d’enlèvement (Fig. 10.9c-d).
G. Traces d’usure
Des émoussements, notamment sur les contours des percements, et des
striations aléatoires ou des rayures ont été observés sur l’ensemble de la surface
des coquilles (Fig. 10.9b et f). Le type d’usure dominant est celui affectant le
volume. Il touche principalement les extrémités des cyprées et se manifeste par la
présence d’encoches plus au moins profondes selon le degré d’usure.
Les encoches témoignent d’une attache de la coquille par une ou par les
deux extrémités. La profondeur de l’encoche se distingue en 6 stades : Stade 0 :
aucune encoche ; Stade 1 : ≤ à ¼ ; Stade 2 : > ¼ et ≤ ½ ; Stade 3 : > ½ et ≤ ¾ ; Stade
4 : > ¾ ; Stade 5 : fracture (cf. Fig. 6.1). La formation d’une encoche témoigne que la
zone en question a subi une tension importante provoquant un creusement de la
matière. La présence d’encoches sur les deux extrémités indique que la coquille a
été tirée dans deux directions opposées.
Les encoches sur les extrémités antérieures présentent des stades d’usure
plus avancés que celles sur les extrémités postérieurs. Les 6 stades sont
documentés sur les premières tandis que seulement 3 stades sont observés pour
les seconds. Les stades des usures modérées 0, 1 et 2, sont prédominants
(Tabl. 10.11).
405
Nous avons ensuite reporté sur un graphique la moyenne des stades
d’usure calculée pour 15 ensembles sériés provenant de toutes les phases
d’occupation (Fig. 10.10). Les barres de chaque côté de la moyenne représentent
les valeurs minimums et maximums. On constate l’existence de deux groupes : le
premier rassemble des parures très homogènes (ensembles n° 42, 24a et 19) ou
relativement homogènes (ensembles n° 67, 23, 24b, 18 et 50) où l’usure correspond
à 1 ou 2 stades. Ce groupe que nous appelons « homogène » se situe toujours dans
les valeurs les plus basses, donc peu usés. Ensuite, le deuxième groupe présente
une grande variation entre les éléments qui les constituent avec une usure
pouvant couvrir jusqu’à 5 stades. Autrement dit, au sein de la même parure, des
objets peu usés côtoient des éléments très fragilisés par l’usure. Ces parures
appartiennent au groupe « hétérogène ». Il est important de noter que la différence
entre les groupes n’est pas liée à des questions d’effectifs. Sur l’exemple très
homogène n° 24a, qui est une parure de type ceinture, l’effectif est de 21 pièces
tandis que l’ensemble n° 44, très hétérogène, n’est composé que de dix pièces.
406
Il est possible que les contrastes observées entre les phases anciennes et
récentes soient liées aussi au nombre de taxons identifiés dans chaque série et à
leur proportion, nebrites étant par exemple plus petit en général que turdus.
Enfin, parmi les 255 cyprées, 11 présentent des fractures au niveau de l’une
ou des deux extrémités. Il est possible que ces fractures aient été produites à cause
de l’état avancé de l’usure (présence d’une encoche relativement profonde). Le
scénario envisagé ici serait que ces cyprées, ayant une ou deux encoches profondes
aient reçu un coup accidentel entraînant ainsi la fracture de la cyprée sur la zone la
plus fragile, la plus usée. La fracture peut concerner uniquement une extrémité
mais si le coup exercé est conséquent, la fracture pourrait se produire sur les deux
extrémités et diviser la cyprées en deux moitiés : labre et columelle.
Sur les cyprées funéraires de Tell Halula des fibres agglomérées en masse,
parfois sous la forme d’une véritable cordelette torsadée (?), ont été identifiées
407
(Fig. 10.11). La plupart du temps ces fibres se trouvent à l’intérieur des extrémités
des coquilles et plus rarement à l’intérieur des columelles. Aucune analyse n’a pu
être réalisée91 sur ces restes mais l’examen à la loupe binoculaire (grossissement
x40) par deux archéobotanistes, G. Willcox92 et R. Buxó93, plaide pour des fibres
d’origine végétale.
91 L’analyse poussée permettant de déterminer avec précision les fibres n’a pas pu avoir lieu à
cause de l’impossibilité de sortir des échantillons du territoire syrien (Cf. 10.3. Conclusion, p. 470).
92 Archéorient UMR 5133.
93 Museu d’Arqueologia de Catalunya.
408
sont relativement plus nombreuses tandis que celles de la phase 13 sont de plus
grand gabarit. Ces résultats peuvent être liés au nombre de sépultures fouillées
dans la phase 12, plus élevé qu’à la phase suivante.
Trois espèces ont été identifiées parmi les cyprées de Tell Halula, deux de la
Mer Rouge, Erosaria turdus et E. nebrites, et une de la Mer Méditerranée, Luria
lurida. Les espèces de la Mer Rouge sont dominantes et représentent plus de 90%
des cyprées funéraires et plus de 70% en ce qui concerne les cyprées non
funéraires (notons que 20% de celles-ci sont indéterminées). Parmi les espèces de
la Mer Rouge, E. turdus est un cas intéressant car il est possible de déterminer son
lieu de ramassage. Rappelons que les populations d’E. turdus dans le nord du
golfe d’Aqaba appartiennent à la sous-espèce E. turdus pardalina (Dunker 1852)
(Heiman & Singer 2008, p. 25 ; Heiman 2012, p. 23). Les coquilles de cette sous-
espèce se caractérisent notamment par une largeur plus importante que les autres.
Dans notre corpus, les spécimens de cette espèce sont particulièrement larges. Il
est possible par conséquent que les E. turdus de Halula proviennent du nord de la
mer Rouge, des plages jordaniennes ou du Sinaï. La forte présence de cette espèce
par rapport à E. nebrites peut être expliquée par leur plus forte abondance (rareté
de l’espèce d’E. nebrites ?) ou par un ramassage préférentiel guidé par des choix
précis concernant notamment les dimensions.
Les cyprées funéraires sont présentes dans toutes les phases d’occupation
mais selon des effectifs variables : 116 au PPNB moyen et 198 au PPNB récent. Au
cours de la première période, la phase 9 est particulièrement pauvre en éléments
(N=2). Il est intéressant de noter que ces deux coquilles appartiennent à l’espèce
méditerranéenne L. lurida. Le changement d’effectif est radical à la phase suivante,
où 78 cyprées ont été découvertes, la majorité écrasante étant représentée par des
espèces de la Mer Rouge.
409
Les cyprées entrent dans la composition des ceintures notamment. Elles
peuvent également être des éléments de parures de tête (coiffes/diadèmes) ou du
torse. En ce qui concerne les ceintures, le nombre de cyprées utilisées augmente
graduellement en fonction de l’âge des enfants avec un maximum de 21 (jeune
adulte). Pour les adultes le nombre de cyprées est supérieur à 25 et peut atteindre
36 (un cas).
410
percements indiquent que la dernière technique employée fut celle de l’abrasion.
Cependant, il est possible que les percements initiaux fussent obtenus par une
technique rapide (e.g. percussion directe ou indirecte).
Ainsi, on trouve dans les sépultures des séries relativement « jeunes » et des
séries qui ont eu une durée de vie plus longue. Les cyprées hors contexte funéraire
sont cassées et témoignent indirectement de ces pratiques de remplacement.
La présence de fibres sur les extrémités des cyprées, parfois enveloppant les
encoches d’usure, est un indice de plus sur le fait que ces cyprées étaient attachées
et tirées par leurs deux extrémités. Les fibres ocrées concernent uniquement les
parures de tête. Les cyprées composant les parures de type ceinture ne portent pas
de trace d’ocre sur leur volume et les fibres à l’intérieur de leurs extrémités ne sont
pas ocrées. Nous ne pouvons pas généraliser pour l’ensemble des parures en
cyprées mais les cyprées provenant de la zone de tête étaient vraisemblablement
411
en contact avec des supports ocrés (cheveux ?), ou attachées avec des cordelettes
ocrées.
La classe des rondelles est la plus importante du corpus suivie celle des
perles. La classe des éléments biforés est représentée par un seul objet en défense
de sanglier tandis que celle des pendeloques biforées est représentée par trois
pièces en nacre.
Une seule rondelle de la phase 7 a été trouvée tandis que la phase 8 n’en a
livré aucune. Les rondelles sont présentes à partir de la phase 9 dans quatre
sépultures appartenant à la maison DC. Une seule sépulture a livré des rondelles
dans la phase 10. A la phase 11, les rondelles ont été découvertes dans 6 sépultures
de deux maisons différentes, et à la phase 12 dans huit sépultures appartenant à
deux maisons différentes. Enfin, dans la phase 13, deux sépultures ont livré des
rondelles.
412
En termes de fréquences, notons que leur nombre, à l’exception de la phase
10, augmente au cours du temps, c'est-à-dire de la phase 9 à la phase 13.
413
très progressivement des phases 9 à 12 (respectivement 43, 55 et 59), puis
considérablement dans la phase 13 (442 éléments). Le nombre d’objets par phase
n’est pas biaisé par le nombre de sépultures fouillées ayant fourni des rondelles.
En effet, la phase 9 a fourni un effectif réduit mais provenant de quatre sépultures
différentes, les rondelles de la phase 11 appartiennent à trois sépultures, celles de
la phase 12 à 4 sépultures, tandis que le plus grand nombre de rondelles
proviennent d’une seule sépulture de la phase 13.
B. Elliptiques
Au nombre de 74, les rondelles elliptiques représentent un peu plus de 10%
de la totalité (Tabl. 10.14). Comme les rondelles cylindriques, elles ne sont pas
attestées aux phases 7 et 8 mais uniquement à partir de la phase 9. Deux sections
sont également identifiées ici, la section circulaire (39 éléments) et la section
elliptique (35 éléments).
C. Biconiques
Halula est le seul site de notre corpus où le type biconique est attesté
(Fig. 10.12e). Il est représenté par douze rondelles (Tabl. 10.14) dont onze de
section circulaire et une de section elliptique. Le périmètre le plus grand des
rondelles est marqué et mis en valeur dans tous les cas, bien que pas du même
degré, selon l’état d’usure de la pièce.
414
Les rondelles biconiques sont présentes notamment aux phases 12 et 13.
Une seule appartient à la phase 11. Elles rentrent dans la composition de bracelets
dans deux cas et dans celle de colliers dans deux autres cas.
D. Plates
Les rondelles plates, comme les rondelles biconiques, n’ont été identifiées
qu’à Tell Halula (Fig. 10.12d). Au nombre de 17, elles se distinguent en quatre
sous-types : les rondelles plates rectangulaires (six éléments), elliptiques (trois
éléments), semi-elliptiques (un élément) et biconiques (ou à ceinture) (sept
éléments) (Tabl. 10.14). Ces dernières sont munies d’arêtes centrales sur leur
périmètre le plus grand (« ceinture ») comme pour les rondelles biconiques mais
ces arêtes sont plus atténuées, subtiles.
Une seule rondelle plate est attribuée à la phase 7. Elles sont ensuite
absentes jusqu’à la phase 10 où seulement un spécimen a été compté. Elles sont au
nombre de trois à la phase 11, dix à la phase 12 et une à la phase 13. À l’exception
de la rondelle de la phase 10 qui fait partie de l’ensemble n° 52, toutes les rondelles
plates composent des parures de type « collier » (Tabl. 10.13). Les matériaux
utilisés pour les rondelles plates sont majoritairement les turquoises et dans un cas
il s’agit de la stéatite verte (talc) (Tabl. 10.15).
E. Globuleuses
Les rondelles globuleuses sont au nombre de six et elles sont toutes de
section circulaire (Fig. 10.12f). Elles sont documentées à la phase 12 avec un
élément en amazonite (ensemble n° 21) et avec cinq éléments en cornaline à la
phase 13 (ensemble n° 34) (Tabl. 10.15).
415
10.2.1.2. Etude morpho-métrique
L’analyse métrique concerne 266 rondelles, soit 37% de la totalité,
représentant la diversité en types et en matériaux au cours des différentes phases
d’occupation.
Les données métriques principales des rondelles sont présentées dans les
tableaux (Tabl. 10.16). Quel que soit le type, la variabilité des diamètres est plus
importante que celle des longueurs.
416
rondelles à section circulaire et une seule à section elliptique. L’élément à section
semi-elliptique est isolé et n’appartient à aucune des deux.
Les rondelles en talc noir (stéatite) sont parmi les plus petites et les plus
fines, et sont regroupées entre 2.9 et 4.6 mm de diamètre et entre 0.4 et 1.2 mm de
longueur.
Les rondelles en calcaire ont des diamètres plus grands que ceux des
groupes précédents (d : 5.1 à 6 mm ; L : 0.5 et 2.2 mm). Un seul élément en calcaire
se détache de la concentration car il affiche un diamètre (6.4 mm) bien plus élevé
que le reste.
Les rondelles en turquoise sont généralement de plus grand gabarit que les
rondelles précédentes, notamment en ce qui concerne la longueur qui n’est jamais
inférieure à 1.7 mm. Elles se répartissent entre 2.8 et 6.8 mm de diamètre et 1.7 et
3.9 mm de longueur. Deux éléments en turquoise de grande taille sortent de ce lot
avec un diamètre de 7 à 8 mm et une longueur de 4.3 à 5.2 mm.
417
Enfin, deux rondelles sont en amazonite et de taille différente, l’une d’elles étant la
plus grande de toutes les rondelles de Tell Halula (d : 13.9 mm ; L : 8.4 mm).
Il est intéressant de noter que les rondelles de petit gabarit ont été
fabriquées dans des matériaux relativement tendres (dont la dureté est comprise
entre 2 et 3.5) comme les carbonates et les talcs. Les éléments les plus grands ont
été fabriqués quant à eux en matériaux de dureté supérieure à 6 (cornaline et
amazonite) tandis les éléments intermédiaires ont été réalisés en matériaux
moyennement dure, entre 4.5 et 5.5, comme c’est le cas de la turquoise. Il existe
donc un rapport entre le gabarit de l’objet et la dureté du matériau employé. Est-il
plus aisé de fabriquer des petits éléments dans des matériaux tendres ? Les petites
dimensions de certaines rondelles en stéatite noire ne sont jamais atteintes avec
des matériaux tels que la turquoise, la cornaline ou l’amazonite à Halula comme
dans d’autres sites. Des éléments de réponse seront donnés dans la partie
consacrée à l’étude des techniques et des procédés de fabrication de ces éléments.
418
compris entre 3 et 4.5 mm et la longueur entre 0.5 et 2.6 mm. Les éléments se
trouvant en dehors de ces groupes sont des rondelles trouvées à l’unité et isolées
ou avec d’autres catégories d’objets de parure au sein des sépultures. C’est le cas
d’une rondelle découverte dans la sépulture E101 de la phase 9, d’une autre
provenant de la sépulture E99 de la même phase 9 et de la rondelle trouvée dans
la sépulture E66 de la phase 11. Les autres éléments qui se distinguent du reste
sont en turquoise. En effet, les éléments fabriqués en turquoise sont généralement
plus longs ou plus grands que ceux fabriqués en roches ophiolitiques. Enfin, deux
éléments seulement appartiennent à la phase 10. Leur effectif n’est pas
représentatif.
Il est important de signaler que les matériaux utilisés sont variés et ne sont
pas toujours présents tout au long de la séquence analysée. Le calcaire (représenté
par un groupe de 33 rondelles) est uniquement utilisé à la phase 9. Le matériau
carbonaté est présent majoritairement dans la sépulture E110 de la phase 11. La
stéatite noire est exploitée dans la parure de deux sépultures, l’une (E109) étant de
la phase 11 et l’autre (E206-2) de la phase 12. Le talc vert est exploité dans les
phases 9, 11, 12 et 13 mais à proportions inégales, notamment dans la phase 9 où il
est peu fréquent. La turquoise est présente dès la phase 9 et jusqu’à la phase 12 en
quantités faibles (un à trois éléments par sépulture). Enfin, la cornaline (deux
éléments) n’est présente que dans la phase 12 et l’amazonite (un élément) dans la
phase 9.
419
Il est difficile de vérifier s’il existe une relation entre le choix des matériaux
et les phases d’occupation ou les différentes sépultures à travers l’analyse
métrique parce que les matériaux ne sont pas les mêmes dans les différentes
phases. De plus, pour certains, quand ils sont présents dans deux ou plusieurs
phases, leurs effectifs ne sont pas suffisants ou ne permettent pas de comparaison.
Seuls la stéatite noire et le talc vert ont permis une analyse métrique selon la phase
d’occupation. En ce qui concerne la première, d’après la répartition des éléments,
les rondelles de la phase 11 sont plus grandes que celles de la phase 12 (Fig. 10.18).
En ce qui concerne le talc, les éléments de la phase 9 sont parmi les plus grands
quant au diamètre. Ce dernier diminue progressivement au cours des phases
suivantes (Fig. 10.19). L’évolution observée dans la taille des rondelles pour les
stéatites et le talc et selon les phases d’occupation confirme donc la démonstration
antérieure. L’analyse métrique en fonction du type de parure n’a pas donné de
résultats concluants.
420
dont la dureté a un indice de 2 sur l’échelle de Mohs. Les traces, notamment les
stries, y sont très visibles car très marquées sur certaines surfaces. Les stries sont
de couleur blanc et contrastent donc sur le noir, couleur de la stéatite. Ces
rondelles proviennent de trois sépultures datant de la phase 11, 12 et 13. Nous en
avons examiné 33 sur 131 : toutes celles provenant de la sépulture E109 de la
phase 11 (au nombre de 19), toutes celles trouvées dans la sépulture E206-2 de la
phase 12 (au nombre de douze) et seulement deux parmi les 100 comptées94 dans
la sépulture E238 de la phase 13.
Pour les ensembles ayant livré des rondelles en stéatite, des variations
métriques relativement importantes sont notées au niveau du diamètre et de la
94 Les données spécifiques de chacune des rondelles découvertes dans la sépulture E238 de la phase
13 n’ont pas pu être enregistrées dans notre base de données. Cependant, des informations
générales ont été prises et nous les évoqueront au cours de l’étude.
421
longueur (cf. supra Fig. 10.18). L’écart entre les diamètres d’un ensemble peut
atteindre le millimètre tandis que celle de la longueur ne dépasse jamais 0.6 mm.
Les 100 rondelles en stéatite de la phase 13 ont des diamètres et des longueurs très
homogènes (les variations sont minimes de l’ordre de 0.4 à 0.6 mm). D’après ces
écarts entre les diamètres, relativement réduits, il est très probable que ces
éléments appartiennent à une ou plusieurs ébauches en forme de bâtonnets plus
ou moins du même calibre qui ont été ensuite tronçonnés en plusieurs rondelles.
La standardisation du diamètre dans le cas des rondelles de la phase 13, pour un
nombre d’éléments aussi élevé, plaide pour cette hypothèse. Quant aux longueurs
des rondelles, elles montrent également une grande homogénéité et des valeurs
très proches. Ce qui signifie un tronçonnage régulier respectant la même épaisseur
(= longueur) de chaque tranche.
422
pièce et non pas en série. Le nombre aurait pu décourager l’artisan à entreprendre
cette tâche ? Nous n’avons malheureusement pas de réponse à apporter sur ce
point.
Après tronçonnage, les faces des rondelles n’ont pas été polies. En effet, la
présence des stries et des sillons de sciage ainsi que des arrachements sur les
surfaces, indiquent que cette étape n’a pas été réalisée. Les contours des rondelles
quant à eux sont polis et présentent des surfaces brillantes qui contrastent avec les
surfaces des faces de perforation. En outre, les arrachements observés sur les
intersections et les contours sont également luisants et polis, ce qui signifie que la
phase de finition était effectuée après le tronçonnage/sciage. Le poli gras et brillant
que l’on observe sur presque tous les contours des rondelles en stéatite ainsi que
sur les perforations cylindriques pourrait être le résultat d’un polissage des
rondelles sur un support enduit de matière grasse. Notons que l’une des pierres à
rainure de Tell Halula (Molist et al. 2012) se caractérise par un fond de rainure
assombri, d’une couleur plus foncée et plus brillante que le reste de la surface. Il
est possible que cette rainure ait été régulièrement enduite de matière grasse pour
favoriser le polissage, ce qui aurait à produire cet aspect particulier. En effet,
d’après les expérimentations menées par C. Maréchal, nous savons que ce degré
de luisance observé sur les rondelles ne peut être obtenu par l’usure mais par un
traitement spécifique (Maréchal & Alarashi 2008, p. 590). Or cet aspect luisant de
surface n’est pas observé sur les faces des perforations. Cela permet d’envisager
l’hypothèse suivante : le polissage fut pratiqué après le tronçonnage mais en
disposant les rondelles serrées les unes contre les autres, enfilées sur un lien, afin
de permettant d’activer les mouvements de va-et-vient sur tous les éléments à la
fois. La luisance des parois des perforations quant à elle peut être expliquée par le
mouvement du lien qui était sans doute lui aussi enduit de matière grasse.
423
perforée bipolairement ce qui produit une perle cylindrique qui sera tronçonnée
en rondelles fines. L’alésage de la perforation des rondelles est probablement
pratiqué après tronçonnage. Les rondelles sont ensuite enfilées afin que leur
contour soit poli et régularisé dans un polissoir à l’aide d’une matière grâce. Le
lien enduit également en matière grâce a donné également un aspect luisant des
perforations. La même chaîne de transformation est envisagée pour les rondelles
de la phase 13 à différence que les perforations ne semblent pas avoir été alésées et
les contours n’ont pas été polis. Pour ces rondelles, en particulier celles de
l’ensemble 62, le nombre élevé d’éléments n’est pas synonyme d’une finition
soignée. Enfin, l’usure des rondelles n’a pas été traitée dans cette étude.
biforé)
95 Cet élément exceptionnel est exposé actuellement dans la nouvelle salle de préhistoire du Musée
national de Damas. Comme les autres éléments en cuivre, il n’a pas fait l’objet de notre étude. Pour
plus d’information sur ses caractéristiques, notamment la nature du cuivre, Cf. Molist et al. 2010.
424
Cet élément provient d’une sépulture (E99) de la phase 9 dans laquelle fut
enterré position assise aux extrémités hyper fléchies un individu adulte de sexe
masculin. Les extrémités inférieures sont inclinées à droite, le crâne montre la face
droite et est incliné sur le côté gauche. La lunule fut découverte au-dessus de
l’extrémité de l’os coxal gauche, entre les fémurs sur la zone pubienne.
425
sauf pour les plus marquées. L’usure a du être prolongée sur cet élément. D’après
les zones d’effacement des stries et les émoussements des contours, le pectoral
semble avoir été soumis à une certaine tension d’étirement vers deux directions
opposées et non pas suspendu librement.
(pendeloques biforées)
La classe des objets à double perforation courte est représentée par trois
éléments en nacre de bivalve. Le premier (n° P9-1) provient de la phase 11, de la
sépulture (E107) d’un enfant de 8 à 10 mois. Le second (n° P37-1) a été trouvé dans
une sépulture d’un enfant de trois ans (E21) de la phase 13 et le troisième (n° P39-
1) a été découvert dans une sépulture d’un adulte de sexe indéterminé (E55) de la
phase 13. Ces éléments appartiennent à la classe commune des pendeloques
biforées. Cependant, elles sont uniques dans le corpus par leur matériau, la nacre,
ainsi que par leur forme symétrique et leur qualité technique et esthétique.
L’état de préservation du premier élément (n° P9-1 ; Fig. 10.1j) est moyen en
ce qui concerne la face externe et mauvaise pour la face interne, la face nacrée se
dégradant au simple toucher. La face externe, bien qu’abrasée et partiellement
détériorée, garde à peine des motifs naturels en bandes horizontales dont la
couleur varie selon plusieurs tonalités d’orangé. Ce décor nous évoque les valves
de Glycymeris. Cet élément de forme subcirculaire très plate a un diamètre de 32.5
mm et une épaisseur de 2.5 mm. Quasiment sur le bord, dans la zone
correspondant au sommet de la coquille, deux petites perforations (1.3 et 1.7 mm)
courtes parallèles unilatérales très rapprochées ont été réalisées. Les deux sont
malheureusement fracturées. Sous ces deux perforations cassées, deux autres, un
peu plus écartées que les deux précédentes et plus éloignées du bord vers
l’intérieur, ont été aménagées (respectivement ; d : 2.3 mm et 2 mm). Les
perforations ont une section biconique et ont été réalisées depuis les deux faces.
L’état de préservation n’a pas permis de comprendre la cause de la fracturation
des perforations (par usure ou par accident au cours de la perforation provoqué
426
par la forte proximité du bord ?). Quelle que soit la cause, l’élément a été
« réparé » par la réalisation de deux nouvelles perforations.
Le second élément (n° P37-1) est aussi très fragile et en mauvais état. La face
externe a été abrasée partout jusqu’à l’apparition de la nacre. Cependant les
ondulations naturelles des côtes naturelles peuvent être encore observées. Ces
ondulations évoquent les valves d’Unio, très présentes sur le site à l’état naturel.
Egalement de forme subcirculaire, bien que moins régulière que la pendeloque
précédente, cette pendeloque est plus petite (d max : 12.9 mm ; e : 1 mm). Comme
la précédente, deux perforations courtes parallèles et de section biconique ont été
aménagées près du bord du sommet (d : 1.3 mm et 1.4 mm). Elles sont bien plus
éloignées que les perforations de la première pendeloque. L’une est cassée,
probablement par usure tandis que l’autre est complète.
Enfin, le dernier élément (n° 39-1) est malheureusement très abîmé et cassé
obliquement sur sa partie proximale ainsi que latéralement. Seule une portion de
la perforation est encore visible, l’autre a été probablement emportée par la
fracture. L’état de la nacre est très altéré mais il est possible qu’elle soit elle aussi
issue d’une valve d’Unio. La forme originelle de cet élément pourrait être
elliptique. Les dimensions conservées sont de 26.3 mm de longueur, 16.8 mm de
hauteur, et 1.6 mm d’épaisseur. Le diamètre de la perforation cassé est de 1.6 mm.
Les zones les moins altérées des contours ainsi que des perforations
montrent des émoussements très forts et un fort poli d’usure.
427
10.2.4.1. Les perles tubulaires
Au nombre de 160, les perles tubulaires (Tabl. 10.17) proviennent de toutes
les phases, sauf de la phase 8. La phase 7 n’a livré qu’un élément et la phase 10
seulement deux. La phase 9 est particulièrement riche et offre 114 éléments
provenant tous d’une même sépulture. De six sépultures de la phase 11
proviennent 17 perles et de sept sépultures de la phase 12 proviennent 16 perles.
Enfin dix perles appartiennent à la phase 13.
Les formes des perles tubulaires s’inscrivent dans les cylindres, les
ellipsoïdes, les formes coniques, biconiques et prismatiques. Les sections sont soit
circulaire, soit elliptique, à l’exception des volumes prismatiques dont la section
est rectangulaire. La perforation est longue centrée axiale dans tous les cas
(Tabl. 10.18).
A. Types et matériaux
Les perles tubulaires se distinguent en cinq types : cylindrique, elliptique,
conique, biconique et prismatique (Tabl. 10.18).
B. Cylindriques
Le type cylindrique est le mieux représenté avec un pourcentage de 63.8 %
(soit 102 éléments). À l’exception de la phase 8, les perles cylindriques sont
présentes dans toutes les phases (Fig. 10.12g-i). La section circulaire concerne 40
éléments et la section elliptique 62 éléments. Elles entrent dans la composition de
ceintures, bracelets, colliers et de parure de tête (Tabl. 10.17).
428
Au total, quatre matériaux ont été identifiés pour les perles cylindriques : le
calcaire (89), la cornaline (8), la turquoise (4) et l’améthyste (1) (Tabl. 10.19).
C. Elliptiques
Les perles elliptiques (41 éléments), moins nombreuses que les cylindriques
sont majoritaires dans la phase 9 et présentes dans les phases 11, 12 et 13
(Fig. 10.12j). Parmi ce lot 16 sont de section circulaire et 25 de section elliptique.
Elles ont été utilisées pour la composition des mêmes types de parure que les
perles cylindriques. Les matériaux sont le calcaire (29), la cornaline (10), la
turquoise (1) et l’amazonite (1) (Tabl. 10.19).
D. Coniques
Seulement deux perles sont coniques et elles proviennent de la phase 11
(E118). L’une est de section circulaire tandis que l’autre est de section elliptique.
Toutes deux sont en calcaire et appartiennent à la même parure (ensemble n° 10)
de type ceinture.
E. Biconiques
Les perles biconiques, au nombre de 14, sont uniques dans tout le corpus.
Parmi elles, 13 sont de section circulaire et une de section elliptique. Ce type
apparaît à partir de la phase 11 et est confectionné en calcaire, en cornaline et en
turquoise (Fig. 10.12k). Rappelons que les rondelles biconiques sont présentes sur
le site également à partir de la phase 11 (un élément) et sont en turquoise et en
cornaline.
429
F. Prismatiques
Une perle prismatique de forme rectangulaire a été identifiée au sein des
perles tubulaires (ens8n1). Elle provient de la sépulture E213 de la phase 12. En
turquoise, cette perle a été employée pour former une parure de tête avec d’autres
perles.
Notons que les types ne sont pas corrélés avec les matériaux. Le calcaire, le
matériau le mieux représenté avec un total de 124 éléments, a été utilisé dans la
fabrication de quatre types (cylindrique, elliptique, biconique et conique). Bien que
l’effectif ne soit pas aussi important que le calcaire, pour la turquoise quatre types
sont reconnus sur seulement sept pièces (cylindrique, elliptique, biconique et
prismatique). La cornaline a été utilisée dans la fabrication de perles de trois types
(cylindrique, elliptique et biconique). L’améthyste, matériau très rare sur le site et
unique pour le corpus, a été utilisée pour la fabrication d’une perle cylindrique.
Enfin, une perle de forme elliptique est fabriquée en amazonite (Tabl. 10.19).
G. Etude métrique
Parmi les 160 perles tubulaires, seulement 144 ont fait l’objet d’une analyse
métrique. Pour celles-ci, nous avons utilisé les valeurs de la longueur et du
diamètre (ou la largeur pour les éléments dont la section n’est pas circulaire).
430
Afin de comprendre la nature des deux groupes, le même type d’analyse a
été effectué mais en renseignant les perles au niveau de leur matériau, leur phase
chronologique, la sépulture à laquelle elles appartiennent et le type de parure
qu’elles composent. Cependant, il convient de préciser que la majorité des perles
tubulaires (114 sur 144) provient d’une sépulture de la phase 9 (E103). Celles-ci
sont toutes en calcaire. Le déséquilibre des effectifs étant important, les résultats
obtenus par les différents essais d’analyse métriques sont délicats à interpréter. Il
est difficile de parler par exemple d’une évolution métrique selon les différentes
phases chronologiques ou en fonction du matériau utilisé. Nous avons cependant
calculé les données métriques principales par matériau afin de donner une idée
générale du gabarit des perles par matériau. Les résultats sont donnés dans le
tableau (Tabl. 10.20). Notons d’abord que les écarts-types de la longueur sont plus
élevés que ceux du diamètre. Le groupe de perles tubulaires en calcaire,
représenté par 124 éléments, est le plus homogène. L’écart-type de la longueur et
de celui de la largeur y sont les plus faibles par rapport à ceux des perles en
cornaline (14 individus) ou des perles en turquoise (5 individus).
431
ceintures dans les sépultures E103 et E114 (il y a une ceinture par sépulture), ces
perles sont disposées en paires, l’une parallèle à l’autre. Dans la sépulture E103
(phase 9), une seule cyprée de l’espèce méditerranéenne L. lurida est associée à 114
perles (57 paires). Il s’agit de la plus petite de toutes les cyprées trouvées sur le
site. Probablement située à la fin de la série, elle aurait pu jouer le rôle de
fermeture de la ceinture.
Dans la sépulture E114 (phase 11), les paires de perles sont intercalées par
onze cyprées. Ces perles tubulaires sont généralement plus grandes que celles
trouvées dans la sépulture E103.
Y a-t-il une relation entre la taille des cyprées et celle des perles en calcaire ?
Pour y répondre, nous avons examiné le cas de la ceinture provenant de la
sépulture E114, composée de onze cyprées et six perles tubulaires (Tabl. 10.21).
Notons que la hauteur moyenne des cyprées et la longueur moyenne des perles
sont très proches (respectivement 25.86 et 22.38 mm). Les cyprées seraient à peine
plus longues que les perles avec un écart ne dépassant pas 3 mm. Quand à la
largeur, nous pouvons noter que la valeur moyenne pour les perles tubulaires fait
environ la moitié de celle des cyprées (respectivement 7.93 et 17.12 mm).
Autrement dit, quand les perles tubulaires sont disposées en paires dans le sens de
la longueur, la somme de leurs largeurs est généralement équivalente à celle d’une
cyprée.
432
identifiée uniquement pour les perles tubulaires en calcaire provenant de la
sépulture E114. Il est possible que cette forme ait été choisie afin de mieux imiter la
forme de la cyprée quand elle est vue depuis sa face ventrale. En effet, si on agence
deux perles tubulaires biconiques l’une parallèle à l’autre, et si on les attache dans
cette position, deux écartements peuvent être observés. Ces écartements peuvent
évoquer l’ouverture naturelle de la cyprée.
433
par parure (ensemble), nous avons vu que les cyprées de cette ceinture ont une
grande variabilité métrique (groupe C). Par ailleurs, grâce à l’étude de l’usure des
cyprées, nous avons pu déterminer que ces cyprées présentent l’une des usures les
plus hétérogènes du corpus (jusqu’à cinq stades) (cf. Fig. 10.10). Les variations
dans les dimensions des cyprées et les différents stades d’usure suggèrent donc
que cette parure a été utilisée pendant un très long temps durant lequel les cyprées
furent remplacées au fur et à mesure qu’elles s’abîmaient. Peut-être d’abord par
des cyprées accessibles, « neuves », et ensuite, en raison d’un accès plus difficile à
ces précieuses coquilles, par des perles tubulaires en calcaire locale.
H. Techniques de fabrication
Le cas des perles en calcaire
Les 124 perles tubulaires en calcaire ont quatre formes : cylindrique,
elliptique, conique et biconique. À l’exception de la dernière, les autres formes
sont rarement parfaites. En effet, les formes sont asymétriques et n’ont pas été
calibrées ou régularisées. Cela exclut d’emblée que les perles aient été mises en
forme ou polies dans un polissoir à rainure. Des facettes planes d’abrasion sont
observées sur les volumes des perles (Fig. 10.24c), ce qui va plutôt dans le sens
d’un polissage manuel sur un support plat. Contrairement aux autres catégories
de perles, la présence d’un méplat pour les perforations n’est pas systématique ici.
En effet, les extrémités ont des morphologies et des topographies variées. Une
extrémité peut avoir une surface plane mais aussi une surface concave ou convexe
(Fig. 10.24a-c). Les perles dont les deux extrémités sont planes sont les plus
nombreuses (56 cas) (Tabl. 10.22). Par ailleurs, la surface de perforation n’est pas
toujours perpendiculaire à l’axe de perforation mais souvent oblique. Pour 51
perles, les deux extrémités sont droites, perpendiculaires à l’axe de perforation, et
pour 43 perles les deux extrémités sont obliques. Les perles combinant divers
formes d’extrémités sont moins nombreuses (Tabl. 10.23).
Les perles dont les extrémités sont planes et droites sont de tout type. Parmi
elles, 21 proviennent de la sépulture E103 de la phase 9, 1 de la phase 10 (sépulture
E56), et toutes les perles en calcaire de la phase 11. Ces caractéristiques concernant
les extrémités ont été également observées sur les perles en calcaire d’une grotte
434
sépulcrale du Néolithique récent de la Maison Blanche à Saint-Projet en Charente
en France (Boulestin et al. 2002, p. 45).
435
10.2.4.2. Les perles plates
Au nombre de 173, les perles plates sont présentes dès la phase 7 et tout au
long de la séquence stratigraphique du village PPNB. Comme pour la plupart des
éléments, elles sont moins fréquentes dans les phases anciennes (PPNB moyen)
allant de 7 à 10. Celles-ci ont fourni respectivement 15, 4, 7 et 9 éléments. Dans les
phases plus récentes 11 à 13 (PPNB récent), les effectifs sont respectivement de 43,
67 et 28. Fouillées dans 13 maisons différentes, les sépultures ayant livré des perles
plates sont au nombre de 41 (Tabl. 10.24).
Les perles plates sont employées dans la composition des parures de type
collier, bracelet et parure de tête mais manifestement jamais dans les parures de
type ceinture (Tabl. 10.17 ; Fig. annexe IV).
B. Circulaires
Au nombre de six, les perles plates circulaires représentent 3.4% du total
(Fig. 10.12i). Parmi les phases anciennes, seulement la phase 7 est représentée. Les
perles circulaires sont en revanche présentes dans toutes les phases récentes (11, 12
et 13). Les six spécimens ont une section transversale biconvexe lenticulaire. Elles
436
ne présentent pas d’aménagement de type « col » ou « convexité ». Toutes les
perles circulaires sont employées dans la composition des parures de type collier à
l’exception d’une (P11b-15) qui semble être un élément composant une parure de
tête. Trois matériaux ont été utilisés pour les perles circulaires : la cornaline, la
turquoise et le talc vert.
C. Elliptiques
Les perles plates elliptiques sont les plus nombreuses sur le site
(Fig. 10.12m-u). Au nombre de 123, elles représentent plus de 71% de la totalité. La
section biconvexe lenticulaire est notée pour 116 éléments dont cinq présentent un
aménagement de type « col » (Fig. 10.12r et t). La section losangique plate est
identifiée sur sept perles elliptiques dont une présente un aménagement de type
col (Fig. 10.12u) et une autre présente à la fois un col et une convexité (Fig. 10.12s).
Les perles plates elliptiques sont présentes dans toutes les phases sauf dans
la phase 8 et entrent dans la composition des parures de type collier, bracelet et
parure de tête. Six matériaux ont été identifiés au sein des perles elliptiques. Par
ordre décroissant, ce sont la cornaline/agate, l’améthyste, l’obsidienne, le talc vert,
le talc rouge et la turquoise.
D. Triangulaires
Une perle (Fig. 10.12x) appartenant à la phase 12 représente ce type. De
section losangique plate, elle ne présente aucun aménagement. Elle est en
cornaline et appartient à une parure de type collier.
E. Carrées
Là encore, le type est représenté par une seule perle provenant également
de la phase 12. De petites dimensions, elle est de section lenticulaire et ne présente
aucun aménagement. Elle est fabriquée en talc vert et elle appartient à une parure
de type bracelet.
437
F. Rectangulaires
Onze perles plates rectangulaires sont présentes sur le site dont neuf sont
de section lenticulaire et deux sont de section losangique aplatie. Aucune ne
présente d’aménagements. Parmi elles, dix sont en turquoise et 1 en cornaline
(Fig. 10.12v). Cette dernière fait partie d’une parure de type de tête. Les autres
perles composent soit des colliers, soit des bracelets.
G. Rhomboïdales
Parmi les perles plates prismatiques, les rhomboïdales sont les mieux
représentées avec 18 éléments (Fig. 10.12w). Dix sont de section lenticulaire et huit
sont de section losangique aplatie dont trois présentent deux convexités. Toutes
les phases sont représentées, la phase 12 étant la plus riche. Ces perles entrent
dans la composition de parures de tête et dans les colliers et les bracelets. Notons
cependant que les trois spécimens à deux convexités appartiennent à des colliers.
Les matériaux employés sont la cornaline, la turquoise et l’obsidienne.
H. Trapézoïdales
Le type trapézoïdal est présent avec 13 spécimens, tous de section
lenticulaire et sans aménagement. Ces perles sont présentes dans toutes les phases,
à l’exception de la phase 13. Elles sont fabriquées en cornaline et en turquoise et
composent les mêmes types de parures que les perles rhomboïdales.
Quel que soit le type, les perles présentant des aménagements tels qu’un col
ou une convexité sont présentes dans toutes les phases étudiées. Les perles à col
appartiennent aux phases 7, 9, 12 et 13. Le seul exemple de perle à col et convexité
provient de la phase 12. Enfin les perles à deux convexités proviennent des phases
7, 12 et 13.
Sept matériaux ont servi pour la fabrication des perles plates : la cornaline,
la turquoise, le talc vert, le talc rouge, la malachite, l’obsidienne et l’améthyste. La
cornaline a été utilisée dans 82 cas pour la réalisation de huit types. Les perles
plates elliptiques en cornaline sont les plus fréquentes (34 cas), suivies par les
perles rhomboïdes (15 cas), les perles elliptiques (13 cas), les perles trapézoïdales
438
(onze cas). Les perles circulaires, elliptiques, triangulaires ou rectangulaires sont
peu nombreuses (moins de cinq par type) dans cette matière. Les perles plates en
turquoise sont au nombre de 81 et sont majoritairement de type elliptique (65 cas)
et dans certains cas rectangulaires (9). Les types circulaires, rhomboïdales,
trapézoïdales et elliptiques sont rares (moins de trois éléments par type). Le talc
vert a été utilisé dans six cas pour la réalisation des perles de type elliptique
(quatre cas), carré (un cas) et circulaire (un cas). Le talc rouge, la malachite,
l’obsidienne et l’améthyste sont identifiés pour seulement une occurrence chacun.
La perle est de forme elliptique dans le cas de l’améthyste, la malachite et talc
rouge, et rhomboïdale dans le cas de l’obsidienne.
La cornaline a été utilisée dans toutes les phases de 7 à 13. Il en est de même
pour la turquoise également sauf pour la phase 8. Le talc vert a été employé
uniquement dans les phases 7, 9 et 13. Le talc rouge, l’obsidienne et la malachite
sont identifiées uniquement dans la phase 7 et enfin l’améthyste revient à la phase
11 (Tabl. 10.25).
I. Analyse métrique
L’analyse métrique des perles plates concerne uniquement 146 éléments
(Tabl. 10.26). Les données métriques principales de la longueur, de la largeur et de
l’épaisseur sont présentées dans le tableau 21. D’après les écart-types, comme on
pouvait s’y attendre, l’épaisseur est celle qui présente le moins de variabilité
puisque, par définition, les perles plates sont toutes de très faible épaisseur. En ce
qui concerne les deux autres dimensions, c’est la longueur qui présente le plus de
variabilité.
439
tracé une droite représentant des valeurs de longueur et de largeur égales. Trois
configurations peuvent être observées : les perles dont la longueur est supérieure à
la largeur (perles plates longues) ; les perles dont la largeur est supérieure à la
longueur (perles plates larges) ; et les perles dont la longueur est plus ou moins
égale à la largeur, réparties sur ou près de la ligne (perles plates « standards »).
97 Cf.
440
La première observation que l’on peut faire sur le graphique est la
répartition très distincte des perles en turquoise par rapport aux perles en
cornaline. Les premières se concentrent majoritairement dans le groupe de petit
gabarit tandis que les secondes sont rarement présentes dans celui-ci. Elles se
répartissent principalement dans les trois autres gabarits : moyen, grand et très
grand. À l’inverse, rares sont les perles en turquoise de moyen ou grand gabarit.
Les perles en talc vert, peu nombreuses, se repartissent de la même manière que
les perles en cornaline. Enfin, la perle en obsidienne et celle en améthyste sont
d’un gabarit moyen et la perle en talc rouge et celle en malachite sont d’un petit
gabarit.
441
D’après l’examen approfondi de ces perles, nous proposons que leur
fabrication ait été effectuée selon les phases suivantes : traitement thermique,
débitage, façonnage, perforation et finition. La phase de façonnage est très
certainement à diviser en deux étapes : d’abord un façonnage par taille et ensuite
façonnage par abrasion.
Nous présentons par la suite les stigmates liés à chaque phase (à l’exception
de la phase d’extraction), l’analyse des observations, les arguments, les doutes et
les résultats obtenus.
Traitement thermique
Dans le lot des 66 perles en calcédoine, 28 ne présentent pas de stigmates de
surchauffe (Tabl. 10.27). Bien entendu, cela n’exclut pas pour autant leur
442
traitement thermique. Si celui-ci a eu lieu, il a été pleinement maîtrisé. Pour le
reste des perles, un à six stigmates différents ont été détectés99 (cf. Fig. 5.3).
Les perles à deux stigmates sont les plus nombreuses (N=8). Parmi elles,
quatre proviennent de la phase 12, deux de la phase 10 et deux autres de la phase
13. Différentes combinaisons ont été observées :
Les perles à trois stigmates sont au nombre de sept, avec une occurrence
dans chacune des phases 7, 9 et 10, et deux dans chacune des phases 12 et 13. Les
combinaisons documentées sont :
443
incidences a pu avoir la chauffe sur la transparence, la translucidité ou l’opacité de
la matière.
Dans le lot étudié, 53 perles sont transparentes dont six présentant des
variations dans l’intensité de la couleur, 12 perles sont translucides dont quatre
avec des variations de la couleur. Seulement deux perles présentant de stigmates
de surchauffe sont opaques. Autrement, l’opacité pourrait être liée à la nature de
la matière, une variété de cornaline différente que l’on rencontre sur les rondelles
et les perles tubulaire (cf. Fig. 10.12e, f et g).
Seules quatre perles portant encore des stigmates pouvant être issus du
façonnage par taille (cf. Fig. 5.4). Il s’agit des traces ou négatifs d’enlèvement bien
marqués et dont l’abrasion au cours de la phase de façonnage n’a pas pu
entièrement éliminer.
444
Perforation
Les perforations de ces perles sont décrites selon les critères
morphologiques et macro- et microscopiques que nous avons établis100.
Les perles plates étudiées présentent une facette (cf. Fig. 5.3c et Fig. 5.8f) sur
chacune des extrémités dans 37 cas et sur une seule extrémité dans 14 cas. Par
ailleurs, les extrémités de 17 perles sont dépourvues de facettes, bien que leurs
surfaces soit relativement planes. Les facettes sur les extrémités sont des surfaces
striées. Les stries ont une morphologie droite. Leur largeur est généralement
supérieure à 50 µm (type 1), elles sont longues et couvrent la surface de part et
d’autre quelle que soit leur orientation. Elles sont disposées longitudinalement ou
en diagonale, c'est-à-dire dans les deux sens les plus longs de la facette. Leur
trajectoire est subrectiligne, leurs bords discontinus et leur fond rugueux.
L’abrasion des extrémités a été effectuée au moins pour 51 perles. Dans 37 cas les
deux extrémités ont été abrasées et pour 14 seulement une extrémité présente une
facette.
Sur toutes les perles plates de Tell Halula le contour des ouvertures des
perforations s’inscrit dans une forme circulaire. Le pourtour immédiat du contour
ainsi que les débuts des parois de la perforation sont très riches en stigmates qui
peuvent être rattachés aux traces produites par les techniques de percussion
(piquetage notamment). Parmi les objets étudiés, rares sont ceux dont l’ouverture
des perforations ne présente pas de négatifs d’enlèvements et de micro-
enlèvements. Ceux-ci sont au nombre de trois. Il s’agit de l’unique perle plate en
améthyste (Fig. 10.12m) et de deux perles en calcédoine transparentes de couleur
orange clair-jaune. Pour l’une (P55-2), les deux ouvertures de la perforation ne
présentent aucun enlèvement, et pour l’autre (P66-2), une ouverture est lisse sans
négatifs tandis que l’autre est bordée d’enlèvements. Ceux-ci sont postérieurs aux
stries de la facette.
445
Les ouvertures des 65 autres perles plates sont toutes marquées par des
enlèvements plus ou moins intenses. Ces traces sont relativement superficielles,
elles atteignent rarement 0.8 mm de profondeur depuis la surface de l’extrémité.
Sur la paroi de perforation et mêlées aux négatifs d’enlèvement, des stries de
rotation circulaires (cf. Fig. 5.7) ont été observées. Cela signifie que le forage devait
démarrer très rapidement et que, s’il y a eu un avant-trou sur la surface, celui-ci
était très peu profond, moins de 1 mm dans tous les cas.
Les facettes observées sur les extrémités des perles plates peuvent ne pas
être uniquement le résultat de la préparation de la surface à la perforation. Ces
facettes pourraient également avoir été crées dans un but de finition, par exemple
pour régulariser la surface et effacer les traces issues de la création de l’avant trou
par percussion. Il n’est pas toujours facile de déterminer l’ordre chronologique de
la création car l’usure, ici sous forme de piquetage fin, efface de manière partielle
ou totale les stries d’abrasion et la lecture de l’hiérarchie des stigmates dans
certains cas est alors impossible.
Pour les 25 perles plates munies de facettes d’abrasion aux deux extrémités,
la facette a été créée avant la perforation car les négatifs d’enlèvements qui
bordent le contour des ouvertures coupent et interrompent les stries d’abrasion (cf.
Fig. 5.3c). Pour les 14 perles dont seulement une extrémité était munie de facette,
celle-ci a également été réalisée avant la perforation. La lecture de l’hiérarchie des
stigmates n’a pas pu être effectuée sur les objets restants.
Ainsi, plus de 72% des perles présentent des facettes crées avant la
perforation. Les facettes sur les extrémités ont été créées préalablement à la
perforation, de manière à faciliter le démarrage du forage. Notons que les stries
observées sur les extrémités ne sont pas de même nature que les stries observées
sur les faces des perles (cf. infra). Les premières sont issues d’une abrasion visant
une réduction de la matière afin d’aplanir la surface tandis que les secondes sont
issues d’un polissage visant à effacer les traces et les irrégularités. Autrement dit,
si les facettes sur les extrémités avaient été produites dans un but de finition de la
surface, elles auraient porté un autre type de stries que celui observé sur les faces.
446
Par ailleurs, il est peu probable que les extrémités des perles aient été soumises à
un travail de finition car par leur position, elles sont très sujettes à l’usure par
entrechoquement avec les perles voisines au sein d’une même parure.
Les négatifs d’enlèvements que l’on observe sur le contour des ouvertures
et sur les débuts des parois verticales des tubes pourraient susciter une
interprétation différente de celle que nous proposons plus haut (stigmates du
creusement de l’avant-trou). En effet, les contours des ouvertures sont les zones les
plus affectées tout au long de la durée de la phase de perforation. Cette zone
correspond à la rencontre de deux surfaces dont l’une (surface de l’extrémité) est
perpendiculaire à l’autre (paroi de la perforation). L’opération du forage
s’exerçant à la fois verticalement (pression) et horizontalement (mouvement
rotatif), la surface de l’extrémité se transforme dans une certaine mesure en
surface de type « plan de frappe » par la force administrée verticalement, ce qui
pourrait produire des enlèvements sur la paroi de perforation. La rotation du foret
étant de 360°, les négatifs d’enlèvement peuvent donc être observés tout autour du
contour de la perforation. La morphologie et les dimensions de la mèche du foret,
notamment sa longueur, doivent jouer un rôle important dans l’intensité des
stigmates sur le contour. Nous pensons particulièrement à une mèche d’une
certaine longueur dont le diamètre est plus petit dans la partie distale (active) que
dans la partie proximale (celle fixée dans le foret), cas le plus fréquent. Plus le foret
avance en profondeur, plus le diamètre de l’ouverture s’élargit. Ainsi, les tubes de
perforation présentent tous une section sub-cylindrique dont le diamètre est plus
large dans la zone de l’ouverture.
447
Pour l’étape du forage nous décrirons le type de perforation, la section des
tubes, la forme de la base du tube. Les stigmates de forage (les stries et leur
dynamique), largement exposés dans le chapitre 5 de la partie II101, n’ont pas pu
être quantifiés et leur étude, en prenant en compte d’autres variables, n’a pas été
possible.
Le type de perforation
Les perforations des perles plates de Tell Halula ont des longueurs très
variables (Tabl. 10.28). La longueur maximale d’un tube est de 17.3 mm.
Généralement, comme on peut s’y attendre, les perforations à un tube sont plus
courtes que les perforations à deux tubes (Fig. 10.27).
Pour cinq perles avec perforation à deux tubes, les perforations bipolaires
sont d’un rapport de 9/1. Pour cinq autres, le rapport est de 8/2. Les autres perles,
plus nombreuses, ont un rapport proche de l’équivalence : rapport de 7/3 dans 14
cas, 6/4 dans 21 cas et 5/5 dans neuf cas.
448
longueur de la perforation est grande, plus il est fréquent que les deux tubes de
perforation soient de longueur équivalente.
La trajectoire des perforations bipolaires (cf. Fig. 5.6d ài) à deux tubes est
axée dans 20 cas, axée décalée dans 24 cas, déviante dans sept cas et angulaire
dans quatre cas. Pour les perforations bipolaires à un seul tube, l’orientation est
axée dans douze cas et déviante dans un cas. Le désaxement du tube dans le sens
de l’épaisseur a été observé dans cinq cas.
Section du tube
La section des tubes de perforation est sub-cylindre pour les 68 perles plates
de Tell Halula. Par ailleurs, un tube de perforation peut avoir une longueur
minimale de 1 mm et maximale de 17.8 mm. La variation est très importante,
l’écart-type que nous avons calculé pour la longueur des tubes est de 4.34. Le
diamètre des ouvertures a des valeurs plus homogènes (Tabl. 10.28). Ainsi, le
diamètre moyen des ouvertures est de 3.04 mm (min : 1.7 mm ; max : 4.8 mm ;
écart-type : 0.63). Le diamètre des tubes mesuré sur leur paroi est encore moins
variable que ceux de l’ouverture (moy : 2.35 mm ; min : 1.1 mm ; max 3.7 mm ;
écart-type : 0.60). Enfin, le diamètre de la jonction mesuré sur 53 perforations est
de 1.49 en moyenne (min : 0.4 mm ; max : 2.7 mm maximum ; écart-type : 0.49).
Pour les 13 perles dont la perforation est d’un seul tube, la trajectoire cf.
Fig. 5.6a à c) de celui-ci est rectiligne et ne montre aucune déviation. La trajectoire
est également rectiligne pour 50 perles à perforation bipolaire de deux tubes.
Seulement cinq perles combinent un tube de perforation rectiligne et un autre
dévié. Dans quatre cas, la déviation se produit au niveau de la base du tube. Cette
déviation a consisté à modifier l’axe du forage dans le but de faire rencontrer les
449
tubes. Elle est donc intentionnelle et nous informe que les tubes déviés sont ceux
qui ont été forés en dernier. La déviation observée sur le tube d’une perle est
située vers le milieu du tube et est accidentelle car le tube a été redressé par la
suite, c'est-à-dire que l’axe initial a été repris. Cette déviation pourrait-elle être due
à un moment de distraction de l’artisan ? Moment que l’on aimerait bien
appréhender, d’autant que cet écart correspond à l’unique cas de correction de
trajectoire dans tout le corpus.
450
petit que celui des mèches utilisées pour le forage des tubes. Il est évident qu’il
s’agit ici d’une « astuce » permettant la réussite de la rencontre.
D’après la morphologie des tubes, les stigmates observés sur le contour des
ouvertures, les parois et le fond des tubes, la technique de forage est celle de
l’abrasion rotative complète (360°) activée par un système mécanique de type
« foret à archet ». Cette technique, nous le verrons, est celle utilisée pour toutes les
perforations longues, notamment pour les perles en roches dures siliceuses. Elle
est la technique exclusivement employée pour la perforation des perles plates
quelle que soit le matériau. Pour les perles plates en cornaline, mais aussi pour les
perles d’autres types et en d’autres matériaux, il est inconcevable de réussir la
perforation sans un système de fixation de la perle (e.g. étau). Le rajout d’abrasif
était également effectué pendant le forage comme en témoignent plusieurs indices
(cf. Stigmates du forage, et Section tube, Chapitre 5). De l’eau (ou un autre liquide)
était sans doute rajoutée régulièrement pour refroidir les tubes de perforation et
améliorer le rendement de la mèche.
451
irrégularités, d’harmoniser la forme en la rendant la plus symétrique possible et
d’apporter de l’éclat et de la brillance aux surface (finition). A cette difficulté se
rajoutent les effets de l’usure qui se manifeste par l’effacement des stries ou par un
piquetage fin des reliefs. C’est pour cette raison que nous avons étudié les surfaces
telles qu’elles se présentent sans faire d’interprétations préalables sur l’origine des
stigmates qu’elles portent.
L’étude des surfaces concerne 68 perles plates, les mêmes pour lesquelles
nous avons étudié le traitement thermique et la phase de perforation (cf. supra).
Précisons d’emblée que toutes les stries identifiées sur les perles plates ont
des trajectoires subrectilignes et jamais parfaitement droites. Ce type de trajectoire
est associé à des techniques de frottement (abrasion/polissage) manuelles, donc
non mécaniques (e.g. meule rotative à l’archet).
452
Les faces
Touts les types de surfaces striées définis dans notre protocole sont
identifiés mais SS1, SS2, SS5, SS6, SS8 et SS9, sont les types les plus fréquents105.
Comme nous l’avions précisé, les deux faces d’une même perle peuvent se
caractériser par le même type SS dominant ou par deux types différents
(Tabl. 10.29).
Le premier cas de figure est le plus courant : ainsi le type SS1 est identifié
pour 13 perles, SS2 pour 17, SS5 pour deux, SS6 pour douze, SS8 pour deux et SS9
pour dix. Quatre perles ont une surface dépourvue de stries (type SS0).
La disposition des surfaces striées est une variable importante pour l’étude
du geste technique. Elle concerne, bien entendu, les stries unidirectionnelles.
Celles-ci caractérisent le type SS1, SS4 et SS7, le premier étant le type dominant et
les deux autres étant très rares. La surface striée type un est identifiée sur 32 faces
(cf. Tabl. 10.29). Sa disposition est parallèle à l’axe de l’objet dans neuf cas,
perpendiculaire dans 16 cas et oblique dans cinq cas. La disposition est multiple
(parallèle, perpendiculaire est oblique) dans deux cas. Les surfaces striées
prennent la forme de micro-facettes juxtaposées. Chacune est disposée de manière
différente. Cette configuration, que nous avons nommée « surface en mosaïque »,
indique un changement de geste très fréquent sur des zones très réduite.
105Les types SS3, SS4 et SS7 ne figurent pas parmi les types dominants mais parmi les types
secondaires.
453
abrasifs à grain plus fin. Enfin, dans la troisième situation, les surfaces striées à
stries fines (SS5 et SS6) sont très fortement dominantes, laissant supposer que
l’emploi d’un support à grain fin a supprimé les stries larges. Dans l’ordre, ces
différentes situations ont été distinguées par les lettres A, B et C et à chaque perle
a été attribuée la catégorie lui correspondant. Au total, une bonne partie des perles
(38) correspond à la catégorie B, une vingtaine à la catégorie C et seulement sept à
la catégorie A (Tabl. 10.30). Dans trois cas, la catégorie n’a pu être identifiée. Nous
retiendrons que les perles ayant subie une abrasion/polissage avec un support à
grain fin (B et C) sont plus nombreuses que celles abrasées avec un support à grain
moins fin (A). Le croisement entre les différents variables intrinsèques (type et
dimensions de la perle plate) et extrinsèques (appartenance à une parure, phase)
avec les différentes situations distinguées n’a montré aucune corrélation ou
tendance claire. Autrement dit, nous n’avons pas pu répondre à ces variations
dans le traitement des faces.
Enfin, notons la présence des stries dont la forme est biconvexe (fusiformes)
sur les faces de quatre perles présentant des négatifs d’enlèvement (cf. Fig. 5.4).
Ces stries sont multidirectionnelles mais majoritairement perpendiculaires à l’axe
de l’objet.
Les arêtes proprement dites sont présentes sur les faces de 48 perles
(Tabl. 10.31). Elles sont continues dans 32 cas et partielles dans 16 cas. Leur
absence est documentée dans 20 cas. Ces zones, rappelons-le, comme les
extrémités de la perforation et les contours, sont plus soumises à l’usure et aux
chocs que les faces par le fait de leur relief. En effet, l’absence de stries (SS0) est
documentée sur les arêtes de 16 perles. Les zones d’arêtes des 52 perles restantes
(soit 104 zones), portent encore les stigmates techniques.
Les types dominants sur les arêtes sont les mêmes que sur les faces (SS1,
SS2, SS5, SS6, SS8 et SS9). Là encore, comme pour les faces, deux cas de figures se
présentent : des perles où les deux arêtes portent le même type de SS ou des perles
où les arêtes présentent un type différent. En ce qui concerne la première situation,
SS1 est identifié dans onze cas, SS2 dans six, SS5 dans deux, SS6 dans trois, SS8
454
dans deux et SS9 dans 14. Quant à la deuxième situation, les combinaisons
observées sont diverses et présentées dans le tableau (Tabl. 10.32).
Dans certains cas, les zones d’arêtes sont formées par la juxtaposition de
micro-facettes qui suivent la courbure. Ce phénomène est visible sur huit perles.
Les stries couvrant ces micro-facettes sont biconvexes (fusiformes) et sont
disposées perpendiculairement à l’axe de perforation (cf. Fig. 5.5b). La disposition
parallèle ou oblique est rare.
Le contour des perles plates, nous l’avons vu, est généralement composé de
surfaces très étroites. Elles sont un peu plus larges près des extrémités des perles.
Pour un total de 32 perles, certaines parties des contours, généralement les plus
larges, sont parfois formées par la juxtaposition de micro-facettes caractérisées par
deux types de surfaces striées : SS1 et SS2. Le type SS1 est identifié dans 29 cas et le
type SS2 dans trois. Bien que les stigmates techniques aient pu être détectés, ces
zones sont particulièrement marquées par l’usure.
Notons que sur les contours et les extrémités des perles les stries de type 1,
qui caractérisent les surfaces striées SS1, SS2 et SS3, ne sont pas les mêmes que les
stries de SS1 observées sur les faces et les arêtes. En effet, ces dernières sont moins
rugueuses, moins profondes que les stries des contours et des extrémités et leurs
bords sont plus émoussés. Par ailleurs, les stries de type 2 (stries fines caractérisant
les SS4, SS5 et SS6) ainsi que les stries de type 3 (extra-fines) ne sont jamais
observées sur les extrémités ou sur les contours.
Ces observations nous amènent à conclure dans un premier temps que les
surfaces des extrémités et des contours des perles ne sont pas traitées de la même
manière que les surfaces des faces et des arêtes.
On conclut qu’après le façonnage par abrasion, les perles plates ont été
polies de manière sommaires uniquement sur les faces afin d’enlever les traces les
plus grossières. Des zones lustres sont observées toutefois très localisées. Selon
nous elles sont accidentelles et non volontaires, produites probablement au cours
du polissage ou par l’usure.
455
Usure
L’usure des perles plates en calcédoine consiste en l’effacement des
stigmates techniques, en l’occurrence les stries, et leur remplacement par un aspect
piqueté fin (cf. Fig. 5.8b). Ce piquetage s’observe principalement sur les reliefs
ainsi que sur les zones les plus soumises aux contacts avec d’autres perles, c'est-à-
dire les extrémités et les contours.
Pour chaque perle, la surface des différentes zones prédéfinies (les deux
faces, les deux arêtes, les deux extrémités et le contour) ont été examinées et
renseignées en fonction de la présence exclusive de stigmates techniques (stries
ou traces de piquetage type 2) ou de traces de piquetage type 1, ou de la
combinaison des deux. Nous avons attribué des stades d’usure correspondant à
chacune de ces situations. Le stade 0 (W0) est celui des surfaces où seuls des
stigmates techniques sont observés ; le stade 1 (W1) se caractérise par la présence
conjointe de stigmates techniques et d’usure mais les premiers sont dominants ; le
stade 2 (W2) se caractérise de la même manière mais avec une prédominance des
seconds ; enfin le stade (W3) est celui où les traces techniques sont absentes et
remplacées par les traces d’usure.
Sur les faces, la majorité des perles ont un indice d’usure représentant de
W0 (Tabl. 10.33). L’indice W1 vient en position secondaire tandis que les indices
W2 et W3 sont très minoritaires. Les surfaces étroites des contours des perles
montrent une situation complètement inverse. En effet, l’indice d’usure le mieux
représenté est W3, suivi par l’indice W2. Les deux indices W1 et W0 sont
faiblement représentés. Pour les surfaces des arêtes, l’indice W1 est le plus
récurrent (28 perles), tandis que les 3 autres (W0, W2 et W3) concernent un
nombre plus ou moins égal de perles (entre 10 et 18). Enfin, l’indice d’usure
prédominant des extrémités est le W1 suivi par l’indice W2. Les indices W0 et W3
sont faiblement représentées.
En résumé, comme on pouvait s’y attendre, les zones les moins usées des
perles sont les faces, au contraire des contours. Les extrémités sont relativement
usées mais les traces techniques restent visibles tandis que les arêtes montrent une
usure variable.
456
Afin d’avoir un indice d’usure général de la perle en sa totalité, nous avons
calculé la somme des stades d’usure caractérisant les sept zones de chacune des
perles. Les sommes obtenues vont de 4 à 15 (i.e. W4 à W15). L’histogramme
(Fig. 10.31) montre le nombre de perles par indice. Parmi les différents indices,
W9, W7 et W9 sont les mieux représentés (12 à 13 perles chacun), c’est-à-dire des
indices moyens. Les autres indices sont représentés par moins de dix perles, voire
seulement par une perle dans le cas de W4, W13 et W15. Aucun rapport n’existe
entre le degré d’usure et les phases d’occupation. Aucune relation n’a été non plus
observée entre le type de parure et le degré d’usure.
A l’image des objets de parure des autres sites du corpus, à Tell Halula les
éléments de forme géométrique sont majoritairement cylindriques et elliptiques.
Les formes prismatiques sont rares et concernent principalement les perles plates.
Les formes géométriques sont fabriquées sur des supports en pierre tout au
long de la séquence chronologique. L’unique support en matière osseuse de la
collection, daté du PPNB moyen (phase 9), est de forme géométrique particulière,
celle d’une lunule. Rappelons que la même forme est reproduite plus tard en
cuivre au PPNB récent (phase 13). Les formes géométriques en coquillage, rares,
sont identifiées uniquement au PPNB récent.
Une riche gamme de pierres de très bel aspect et couleurs variées a été
exploitée pour la fabrication des rondelles et des perles. Ainsi, parmi les roches
carbonatées, le calcaire tendre de couleur blanche ou rouge/rose lorsque chauffé a
457
été employé pour de nombreux éléments. Dans la même catégorie, un matériau de
couleur marron clair, a servi à fabriquer certaines rondelles des phases 9 et 11. Ce
matériau à surface rugueuse et au grain grossier, que nous n’avons pas rencontré
sur d’autres sites, est assez fragile et semble difficile à travailler. Il semble que
seuls les éléments de petites dimensions et à perforation courte, telles que les
rondelles, sont façonnées dans ce matériau. Les roches carbonatées, notamment le
calcaire tendre, sont accessibles dans les environs immédiats du site. Il s’agit donc
de roches d’origine probablement autochtone et dont l’emploi est relativement
réduit en comparaison de celui des roches allochtones.
Parmi les roches siliceuses, les calcédoines sont les plus nombreuses. Elles
sont représentées principalement par la cornaline, pour des rondelles et des perles
(notamment les perles plates). L’obsidienne est utilisée pour une perle plate, cas
unique dans notre corpus. Enfin, un matériau exceptionnel a été identifié pour
deux perles, l’améthyste (phase 12). Il pourrait s’agir des plus anciens éléments en
améthyste connus jusqu’à présent pour la parure du Proche-Orient. Plus
d’informations sont données dans la partie IV, chapitre 13106.
458
début de l’occupation. Toutefois, il semble que le calcaire, matériau d’origine
locale utilisé dans la fabrication des perles tubulaires à la phase 9 (PPNB moyen),
ait été choisi à un moment où les cyprées étaient pratiquement absentes sur le site.
Une corrélation a été établie entre les matériaux et le gabarit des objets. De
manière générale, les rondelles et les perles en calcédoine sont d’un gabarit plus
grand que les rondelles et les perles en turquoise. De même, les rondelles en
turquoise sont généralement d’un gabarit légèrement plus grand que celui des
rondelles en talc ou en calcaire. Ce constat pourrait s’expliquer par la dureté des
matériaux. Il semble plus aisé de fabriquer des éléments de petite taille en roches
tendres (talc et calcaire) et moyennement tendres (turquoise) qu’en roche dures
(calcédoine).Toutefois, malgré cette corrélation, les gabarits semblent évoluer au
cours du temps, quel que soit le matériau employé. En effet, une réduction
progressive du diamètre des rondelles cylindriques est observée entre la phase 9 et
la phase 13. De même, la taille des perles plates du PPNB moyen est plus élevée
que celles du PPNB récent. Il est intéressant de noter que contrairement à Tell
Halula, les perles plates du PPNB récent du site d’Abu Hureyra sont
particulièrement grandes (Fig. 11.1).
La production des perles plates est un des processus techniques les plus
complexes compte tenu des caractéristiques morpho-métriques de ces éléments. A
Tell Halula, une grande partie de ces perles a été fabriquée dans un matériau dur
et délicat, la cornaline. Leur réalisation présente certainement une série de défis
techniques tout au long des phases de leur fabrication.
Les perles en calcédoine de Tell Halula ont été traitées thermiquement. Plus
de la moitié d’entre elles présentent des stigmates de surchauffe. Cependant, sur
les objets archéologiques, il est impossible de déterminer le nombre de fois que
l’élément a subi la chauffe ainsi que l’ordre ordre chronologique de ce traitement.
Comme le montre l’enquête ethnographique (Roux 2000, p. 40), celui-ci peut se
produire avant la chaîne de transformation, c'est-à-dire juste après l’acquisition, et
459
durant la chaîne de transformation. Par déduction logique, puisque la
transparence est un facteur très important, notamment pour la perforation, et
puisque le traitement thermique, quand il est bien mené et contrôlé, a la vertu de
rendre la matière plus translucide, le traitement thermique a dû très certainement
se produire avant la perforation pour des raisons techniques. Il a pu aussi être
utilisé lors d’une dernière étape, mais cette fois pour des raisons esthétiques visant
par exemple à intensifier la couleur rouge des perles. Cependant, nous n’avons
pas d’indices matériels à notre disposition pour appuyer cette dernière hypothèse.
La plus grande perle plate en calcédoine du corpus provient d’Abu Hureyra (l : 44 mm ; L : 35.5
107
mm ; e : 7.5 mm). Les mesures les plus communes ne dépassent pas 25 mm de longueur.
460
d’enclume. Cette technique a l’avantage de combiner la puissance et la précision
de la percussion indirecte tout en laissant une main libre pour le maintien et
l’orientation de la pièce à tailler (Pelegrin 2000, p.56). Au Yémen, les tailleurs de
chatons de bagues emploient la technique de percussion directe avec un marteau
métallique à extrémité pointue (Inizan et al. 1992, p 167).
La phase de façonnage par abrasion et finition est celle pour laquelle les
stigmates sont les plus nombreux. D’après la répartition des différents types des
surfaces striées (SS), il a été démontré que les extrémités et les contours des perles
ont été traités de manière différente que les faces et les arêtes. Les premières zones
sont simplement abrasées tandis que les faces sont abrasées puis polies.
Sur les faces des perles, la distinction de trois situations différentes (A, B et
C) basée sur la présence et/ou la combinaison des types des surfaces striées montre
qu’il existe un traitement différentiel des perles. On peut considérer que celles de
461
catégories B et C ont été soumises à un polissage plus fin que celles avec la
situation A. Soulignons que la majorité des perles plates en cornaline ont bénéficié
d’un polissage fin (situations B et C). Le polissage est moins fin (situation A) pour
seulement sept perles de la collection.
10.3. Conclusion
A Tell Halula, seulement deux catégories de formes ont été identifiées : les
formes anatomiques et les formes géométriques. Les cyprées sont les éléments
caractéristiques de la première catégorie tandis que les objets en pierre, les
rondelles et les perles, composent la majorité du groupe composant la deuxième.
462
éléments de ceinture. Seules les perles tubulaires en calcaire blanc sont utilisées
dans les ceintures. Disposées en couple dans le sens de la longueur, l’une parallèle
à l’autre, elles ont pour rôle d’imiter la face ventrale des cyprées et semblent les
avoir remplacées en cas de fracture ou d’élément manquant.
Les systèmes d’attache des objets n’ont pas pu être reconstitués. En ce qui
concerne les ceintures, il a été difficile de définir si les éléments étaient fixés sur un
tissu, brodés, ou enfilés et noués sur un même fil, voire simplement attachés entre
eux avec des portions de fil, l’un à côté de l’autre jusqu’à l’obtention de la
longueur souhaitée.
463
sexe) ainsi qu’avec les unités domestiques où ont été trouvées leurs sépultures afin
de mieux cerner la question de l’identité et des appartenances.
464
Chapitre 11. Abu Hureyra
Les objets de Tell Abu Hureyra ont été examinés par Claudine Maréchal
dans les années 1980 et un rapport préliminaire a été produit à cette occasion
(Maréchal 1985b). L’auteur a recensé un total de 134 objets stockés au Musée
d’Alep (Syrie), à l’Ashmolean Museum (Oxford, RU) et au département de l’Extra-
Mural Studies à Londres (RU). Au total, 60 éléments proviennent des niveaux
épipaléolithiques (Natoufien récent). Ils sont, pour la majorité, fabriqués en test (58
sur 60) et ont fait l’objet d’une publication en 1991 (Maréchal 1991). Le restant des
éléments, soit 74, appartient aux niveaux néolithiques du site.
Sur l’ensemble des objets recensés et examinés par C. Maréchal, nous avons
étudié un petit échantillon qui provient exclusivement de la phase 2 (2B, 2A et
2A/B) attribuée aux niveaux d’occupation PPNB du site. Composé majoritairement
de perles plates (Fig. 11.1), cet échantillon n’est pas représentatif de la diversité des
types et des matériaux, mais cette sélection est due aux conditions d’étude.
Il s’agit de 16 objets exposés au Musée d’Alep les seuls que nous avons eu
l’autorisation d’étudier, et de six autres objets exposés à l’Ashmolean Museum.
Façonnés en pierre, ils sont de forme géométrique et appartiennent à la classe des
objets à perforation longue centrée, ou perles. Ce groupe de 22 éléments est
constitué de toutes les perles plates trouvées sur le site.
Enfin, précisons que les objets de l’échantillon étudié sont inédits et que
leur étude permet de mettre en lumière l’évolution des perles plates, très
couramment connues sous le nom de « perles papillon », les perles plates d’Abu
Hureyra étant à l’origine de ce terme111.
465
11.1. Les formes géométriques
A. Circulaires
Pour rappel, le volume d’une perle plate circulaire s’inscrit dans un
segment de cylindre de section circulaire dans lequel une longue perforation est
réalisée selon une position transversale (CY.0.I.L.2) (Tabl. 11.1).
Au nombre de neuf (n° 4, 26, 27, 28, 29, 32, 34, 35 et 38), les perles plates
circulaires sont les plus nombreuses à Abu Hureyra 2. La section biconvexe
lenticulaire a été notée pour six perles (n° 4, 26, 27, 29, 35, 38) dont deux présentent
des aménagements combinés de type « col »112 et « convexité »113 (n° 26 et 29). La
section losangique114 définit les trois autres spécimens (n° 28, 32, 34) dont un
présente des aménagements de type « convexité » sur les extrémités (n° 34). Les
perles circulaires sont de différents gabarits (Tabl. 11.2).
112 Rappelons que l’aménagement « col » est celui d’une proéminence prolongeant la perforation en
la détachant du volume principal. La prise de la mesure de la longueur prend en compte le col.
113 L’aménagement « convexité » est, comme son nom l’indique, celui d’une convexité qui, sur les
faces de la perle, souligne la perforation près de ses extrémités. La prise de la mesure de l’épaisseur
ne prend pas en compte les parties convexes mais le centre de la perle.
114 Les perles plates à section losangique présentent une arête centrale sur chaque face, cf. Fig. 4.11.
466
très clair et transparent. Le quartz choisi pour cette pièce semble être « pur », c’est-
à-dire dépourvu d’inclusions. Rappelons que les roches appartenant à la famille
des silices sont d’une dureté qui s’élève à 6.5 sur l’échelle de Mohs pour les
calcédoines, à 7 pour le quartz, notamment à l’état pur. Notons que les perles
plates en calcédoine/quartz d’Abu Hureyra ne montrent aucun aménagement de
type col ou convexité contrairement à certaines perles plates en cornaline du site
voisin et contemporain de Tell Halula.
La classe des phosphates n’est représentée que par une perle circulaire
(n° 26 ; Fig. 11.1e). Le matériau utilisé est d’une couleur gris-vert marbré et gris
anthracite. De petites taches blanches parsèment la surface ainsi que de fines
veines blanches rappelant des inclusions en quartz. Des creux (géodes ?) cernés de
croûtes beiges ont été observés. La roche, d’après son aspect et sa couleur, est
polyminérale. La dureté mesurée sur une des zones blanches (quartz) s’est révélée
être de 7 tandis que la mesure sur les zones verdâtres est comprise entre 3.5 et 4.5.
La surface est lisse, légèrement brillante quand elle est polie. Le matériau examiné
dans une zone de cassure montre un grain fin et mat. La couleur, l’aspect de la
surface et les inclusions rappellent les phosphates identifiés sur le site de
Mureybet, notamment la variété de la crandallite.
B. Elliptiques
Les volumes de ces pièces s’inscrivent dans un volume ellipsoïde de section
biconvexe. La perforation longue s’intègre au centre dans l’axe principal
(El.2.I.L.1). Au nombre de cinq (n° 5, 9, 6, 33 et 36), les perles plates elliptiques ont
toutes une section plate losangique à l’exception de la perle n° 6 qui présente une
section biconvexe lenticulaire. Celle-ci, ainsi que les perles n° 5 et 33 (Fig. 11.1h)
présentent deux aménagements de type « convexité » sur chaque extrémité de la
467
perforation. L’aménagement combiné « col + convexité » est identifié pour une
seule perle plate elliptique (n° 9 ; Fig. 11.1q). La perle n° 36 est simple et ne
présente aucun aménagement (Fig. 11.1g). D’après leurs dimensions (Tabl. 11.2),
elles sont sensiblement plus longues et plus fines que les perles circulaires.
La calcédoine est identifiée pour une perle (n° 36) qui partage les mêmes
caractéristiques que celles de la perle circulaire n° 35 quant à la teinte claire
rosâtre, la translucidité partielle et la présence de taches foncées (Tabl. 11.3). Elle
est également de section lenticulaire et sans aménagements. Deux perles (n° 5 et 6)
de couleur vert sapin ont été réalisées en talc (silicates). La perle n° 9 est de
couleur vert olive foncé, marbrée en vert olive plus clair et traversée par des
veines gris clair. Sa dureté est de 6.5 à 7 selon la zone et sa surface, quand elle est
polie, est très lisse à éclat peu brillant. Par ses ressemblances avec une pendeloque
de Mureybet (n° 1707, Fig. 7.12c), celle-ci pourrait être en amphibole vert marbré.
L’identification d’une perle (n° 33 ; Fig. 11.1h) n’a pas été possible. Elle est de
couleur vert olive clair, légèrement teintée de gris et parsemée de petits points
brillants. La surface est lisse à éclat gras dans les zones polies et à éclat mat dans
les zones cassées. Sa dureté est comprise entre 3.5 et 4.5.
C. Rectangulaire
À ce type appartient la perle n° 31, unique quant à sa forme parmi
l’échantillon. Son volume est celui d’un cylindre aplati dans le centre duquel une
perforation longue axiale a été réalisée (CY.2.I.L.1). La face affichée est donc de
forme rectangulaire (Tabl. 11.1).
Cette perle est de section plate losangique et porte des convexités sur les
extrémités de la perforation (L : 26.4 mm ; l : 18.6 mm ; ep : 3.6 mm). De couleur
vert olive clair teintée de gris et parsemée de petits points brillants, le matériau de
cette perle est identique à celui de la perle elliptique n° 33 que nous n’avons pu
identifier.
468
D. Trapézoïdales
Le volume de ces perles s’inscrit dans un prisme de section quadrangulaire
trapézoïdale (Fig. 11.1i-l/o-p). La perforation longue est centrée dans l’axe
transversal (PR.4t.I.L.2). Au nombre de sept (n° 1, 2, 3, 7, 11, 12 et 37), les perles
trapézoïdales sont toutes de section plate losangique à l’exception de deux (n° 11
et 12) qui sont de section lenticulaire. La présence combinée de col et de convexité
est notée pour 5 exemplaires (n° 2, 3, 7, 11 et 12), la présence de deux convexités
est documentée pour la perle n° 1 tandis que la perle n° 37 est simple (Tabl. 11.2).
Deux perles sont en talc couleur vert olive (n° 1 et 2) et une en talc vert
sapin (n° 11). Appartenant également à la classe des silicates, la famille des
serpentines est représentée par la perle n° 7 (Fig. 11.1p). Celle-ci pourrait être une
lizardite (Tabl. 11.3). De couleur vert sapin, la matière est tachetée de points gris
foncés et traversée de fines veines de couleur anthracite et vert olive clair. La
surface polie a un aspect gras très brillant. La dureté est inférieure à 3. Sous
lumière transmise la matière est translucide dans les zones les moins épaisses
comme par exemple celle de la perforation.
De mêmes caractéristiques que les perles couleur vert olive claire à teinte
grise (n° 31 et 33), le matériau de la perle n° 3, n’a pas pu être identifiée. La dureté
s’élève à 4. La dernière perle (n° 12 ; Fig. 11.1k) dont le matériau n’a pu être non
plus identifié, a été fabriquée dans une roche couleur gris clair, parsemée de très
petits points noirs, gris et vert olive clair et traversée de veines qui pourraient être
en quartz. Sa dureté est de 7 (Tabl. 11.3).
469
11.1.1.2. Analyse morpho-métrique
La mise en relation de la longueur et la largeur des perles plates en fonction
de leur type (Fig. 11.2) montre que la majorité des perles se concentre dans un
groupe dont la longueur est comprise entre 14.9 et 33.5 mm et la largeur entre 16.3
et 33.4 mm. La répartition des éléments au sein de ce groupe correspond à la
réalité des formes (proportion de la longueur et la largeur selon la forme). Notons
que les perles plates prismatiques sont généralement plus longues (33.26 mm en
moyenne) que les perles elliptiques ou circulaires ((Tabl. 11.2).
Trois perles sont isolées du groupe. Parmi elles, deux sont de type
trapézoïdal. L’une d’elles (n° 7), dont la longueur est supérieure à 50 mm, est à col
et convexité, et l’autre (n° 37) est simple, sans aménagement, et sa la longueur est
de 42 mm. La troisième perle isolée (n° 36), de forme elliptique, se distingue
également par ses grandes dimensions et par sa largeur (44 mm) qui est
supérieure à sa longueur (35 mm). Fabriquée en calcédoine, cette perle est l’une
des rares à avoir une forme ovale large. Une explication pourrait être donnée par
l’étude technique des perforations (cf. infra).
Nous avons ensuite examiné le rapport entre le gabarit des perles et leur
aménagement de type col. Rappelons que les aménagements (col et convexités)
sont observés sur tous les types identifiés, bien que le type trapézoïdal soit le plus
fréquemment associé à un col. Nous nous sommes demandé si les perles à col
s’inscrivaient dans les mêmes gabarits que celles sans col. Pour cela, les perles sans
col, les perles à col et, en dernière série, les mêmes perles à col après soustraction
de la longueur de celui-ci ont été comparées (Fig. 11.3). D’après le graphique deux
constats peuvent être fait : d’une part, la présence d’un col peut avoir une
incidence relativement importante sur la longueur étant donné que leur longueur
peut être supérieure à 5 mm dans certains cas, d’autre part, la répartition des
éléments montre que les perles à col, une fois soustraite la longueur de ce dernier,
s’inscrivent approximativement dans les mêmes gabarits que les perles sans col.
470
comme celles de la famille du quartz et celle de l’amazonite sont plus épaisses que
les perles en ophiolites (les talcs et les serpentines). Les premières ont une
épaisseur égale ou supérieure à 7 mm tandis que les secondes ont une épaisseur
inférieure à 6 mm. Le reste des perles se répartit dans les mêmes zones que le
groupe des ophiolites ou entre les deux zones alors que certaines, comme
l’amphibole, dont la dureté est égale à celle des perles en quartz, ne se range pas
au même niveau d’épaisseur qu’elles. Cette différence d’épaisseur entre les perles
plates en calcédoine/quartz et amazonite et les perles plates en ophiolites peut être
expliquée notamment par la dureté des matériaux. Y a-t-il une explication autre
que la dureté en ce qui concerne l’épaisseur des perles en quartz ? L’explication
pourrait être donnée par les procédés de fabrication, notamment les phases de
perforation et de finition que nous présentons plus loin.
A. La perforation
Toutes les perles plates d’Abu Hureyra sont munies d’extrémités planes au
centre desquelles s’ouvrent les perforations. Les stries d’abrasion sur les
extrémités sont complètement effacées, sauf dans le cas de la perle (n° 32 ;
Fig. 11.1d) qui garde encore des stries très marquées. Sur cette perle en talc, les
stries sont orientées dans l’axe le plus court de la facette, ont une trajectoire
subrectiligne et sont relativement larges. La largeur moyenne calculée est de 101
µm, la largeur minimale est de 58 µm et la largeur maximale de 171 µm.
471
Seules les perles en roches siliceuses portent des stigmates d’un « avant-
trou » sur les contours des ouvertures des perforations. Il s’agit des négatifs
d’enlèvement qui bordent les contours dans un rayon de 1 mm environ (Fig. 11a).
Ces enlèvements s’enfoncent en profondeur sur les parois de la perforation sur
quelques centaines de microns.
La perforation est bipolaire sur les 22 perles plates. Toutes les perforations
bipolaires sont composées de deux tubes. L’alignement des tubes l’un par rapport
à l’autre est axé dans huit cas (Fig. 11.5b) et désaxé dans 14 (Fig. 11.5c). Le rapport
des longueurs des tubes est de 4/6 pour deux perles, l’une en calcédoine (n° 36) et
l’autre en quartz (n° 38). La section des tubes pour ces deux perles est cylindrique
à base droite. Nous n’avons pas pu observer le rapport des tubes ni la trajectoire
des perforations pour le reste des perles. Cependant, sur trois perles en talc vert
sapin (n° 5, 28 et 34), la translucidité de la matière dans certaines zones a permis
d’identifier une section sub-cylindrique (e.g. Fig. 11.1b/g).
Des stries de forage ont été enregistrées sur les parois des tubes dans la
plupart des cas. Régulières et parallèles entre elles, toutes les stries observées sont
continues et concentriques. Sur un matériau tendre comme le talc ou la serpentine,
ces stries s’organisent en bandes très fines, d’une largeur de l’ordre de 2 à 8 µm.
Les limites de ces bandes sont des stries plus profondes et plus larges, d’une
largeur supérieure à 15 µm et qui peut attendre jusqu’à 50 µm (Fig. 11.5b-c).
La jonction entre les tubes est de forme circulaire dans 14 cas, ovale dans
cinq cas et lenticulaire dans trois cas. Notons que la jonction, parfaitement
circulaire, des tubes des perles en agate (n° 27, 35 et 36) est d’un diamètre presque
deux fois plus petit que le diamètre de l’ouverture (Fig. 11.5b). Des négatifs
d’enlèvement sont observés sur les bords de l’ouverture de la jonction et sont
absents sur la surface conservée de la base du tube. Elles peuvent être issues d’un
arrachement de la matière par mouvement rotatif qui a probablement visé à
agrandir la jonction.
Les perles plates d’Abu Hureyra, nous l’avons vu, se caractérisent par une
longueur relativement importante. Par définition, les perles ont la même longueur
que leurs perforations. Nous avons donc des perforations dont la moyenne de la
longueur est supérieure à 28 mm et atteint dans un cas (n° 7) les 50 mm. Pour les
472
22 perles, la moyenne du diamètre de l’ouverture de la perforation est 3.52 mm. Le
diamètre maximal mesuré est de 4.7 mm (n° 37) et le minimal est de 2.5 mm
(n° 31). Ces mesures permettent d’estimer les dimensions des outils, en
l’occurrence les mèches des forets employées. Ainsi, dans le cas de la perforation
la plus longue, mesurant 53 mm, sur la perle en lizardite n° 7, la mèche utilisée
devait avoir une longueur supérieure à 25 mm et un diamètre inférieur à 3.7 mm.
La perforation de la perle n° 36, longue de 35.3 mm, n’est pas disposée dans
l’axe le plus long de la perle. Celui-ci mesurant 44 mm, presque 10 mm de plus
que l’autre. Rappelons que cette perle est réalisée en calcédoine, matériau de
grande dureté. En disposant la perforation dans l’axe le moins long l’artisan a
voulu réduire la difficulté de la tâche.
B. Les surfaces
Les surfaces des perles sont pour la majorité très marquées par l’usure dont
l’une des conséquences est celle de l’effacement des traces de fabrication. Malgré
cela, de nombreuses traces sont encore observables et peuvent être rapprochées de
diverses techniques. Ces stigmates sont différents selon leur emplacement et le
matériau. Sur les perles en talc et en serpentine (lizardite) et d’autres roches vertes,
des stries larges de raclage (e.g. n° 6), des stries de polissage (e.g. n° 7) et des sillons
et stries de sciage (e.g. n° 2), ont été identifiés. Les stries larges de raclage se
localisent sur deux zones : sur les faces près des bordures des perles et de chaque
côté des convexités. Elles s’organisent selon un schéma radial, démarrant tout près
du bord et se terminant vers le centre de la surface. Elles sont subrectilignes à fond
plat et bords continus. Elles sont longues et larges. Leur largeur la plus récurrente
est supérieure à 60 µm et atteint parfois 150, voire 190 µm, bien que le raclage ait
pu produire des stries plus fines, inférieure à 50 µm. Celles-ci ne peuvent être
confondues avec les stries de polissage car elles accompagnent les stries larges et
disposent exactement de la même manière (n° 28 et 32).
Les traces de sciage sont présentes uniquement en association avec les cols.
Il s’agit d’un début de sciage peu poussé qui produit, quand la perle est vue
depuis sa face, une encoche de chaque côté du col dans le but de mettre en valeur
ou d’accentuer le détachement de la partie du col du reste de la perle (n° 2, 9 et
473
29). La petite encoche en question est en forme d’angle à deux micro-facettes
remplies de stries (Fig. 11.5e).
Les stries de polissage ont été observées sur l’ensemble des faces mais sont
moins denses sur les zones des aménagements et celle de l’arête. Ces stries sont
très fines, leur largeur ne dépassant pas 30 µm. La qualité du polissage est
remarquable pour trois perles (n° 1, 2 et 7). Il s’agit d’un polissage à effet
« miroir », c’est-à-dire que la surface est tellement lisse que la lumière se reflète
intensément. La détection des stries de ce polissage a été une tâche délicate à
grossissement x40. Nous avons cependant pu en localiser certaines sur la face de la
perle n° 7, près de l’arête centrale vers le centre de la perle. Celles-ci sont
rectilignes, de longueur variable et de largeur ne dépassant pas les 15 µm et
d’environ 8 µm en moyenne (Fig. 11.5d). La rareté des stries, leur largeur extra-
fine, l’extrême brillance et la régularité de la surface suggèrent que le polissage a
été probablement effectué sur des supports souples enduits d’une matière grasse
permettant l’adoucissement des reliefs. Il est également possible que des bains de
graisse chaude aient été appliqués à ces perles pendant le polissage.
Notons enfin que le polissage n’a pas été effectué pour toutes les perles en
talc, certaines ayant été usées directement après le raclage (n° 6 et 11).
Quant aux perles en roches siliceuses, les stigmates techniques que nous
avons pu identifier sur leurs surfaces sont des stries d’abrasion/polissage.
Rappelons que les aménagements de type col ou convexités ne concernent pas les
perles plates en quartz/calcédoine. Ces stries, dont la largeur est supérieure à 30
µm et inférieure à 60 µm, sont localisées près des bordures et orientées
diagonalement sur l’axe des perles. Perpendiculaires à celles-ci et sur différentes
zones de la face, des stries rectilignes, relativement courtes, à fond plat et dont la
largeur est inférieure à 20 µm, ont aussi été observées. Toutefois, l’étendue de ces
stries et leur répartition sont restreintes car l’usure, représentée par un fort
piquetage qui a produit dans certains cas des enlèvements conchoïdaux, a
contribué à leur effacement.
La fabrication des perles plates adapte les techniques aux matériaux mais
aussi les techniques aux modules. En effet, trois modules de perles plates
nécessitent chacun un traitement différent. Les perles plates simples sans
474
aménagements, les perles plates à col et à convexité et les perles plates à deux
convexités.
475
par taille (dans le cas contraire, les surfaces des négatifs seraient également
striées). La perforation a probablement eu lieu avant la phase de finition. Elle
nécessitait une préparation par la création d’un avant-trou permettant le calage de
la mèche du foret. Les tubes de perforation sont parfaitement cylindriques et leur
diamètre bien plus large que ceux de la jonction. Autrement dit, dès qu’une
ouverture suffisamment grande permettant le passage d’un lien est produite par la
jonction des deux tubes, le forage est arrêté. En effet, l’artisan ne cherche pas à
produire une jonction au diamètre aussi grand que celui du tube. Après la
perforation, les perles sont abrasées finement et polies. Le polissage à effet
« miroir » ne concernant pas les perles en roches de la famille du quartz. Par
ailleurs, ces perles n’ont pas reçu de lustrage. Un traitement thermique est
identifié pour les trois perles en agate par la présence de tâches et de trainées de
surchauffe de couleur blanchâtre et grisâtre.
Dans cette étude, nous avons traité uniquement les perles plates de Tell
Abu Hureyra. Celles-ci proviennent exclusivement des sépultures où elles furent
découvertes associées aux squelettes humains d’adultes et d’enfants (Moore &
Molleson 2000, p. 278). Outre ces perles, la collection de parure compte, d’après le
476
rapport d’étude inédit (Maréchal 1985), sur d’autres types d’objets en pierre
(pendeloques, rondelles et disques), en os (tubes) et en coquillages (cyprées). Nous
ignorons dans quel contexte furent découverts ces éléments. Il est par difficile
donc d’établir que les perles plates sont les seuls éléments associés aux défunts au
site d’Abu Hureyra et nous ne pouvons par conséquent pas se prononcer sur leur
statut ou leur fonction. Toutefois, et de toute évidence, les perles plates d’Abu
Hureyra sont des objets exceptionnels. Elles affichent des dimensions
généralement grandes et leurs formes géométriques sont façonnées selon une
symétrie remarquable. Les matériaux employés sont de très bel aspect, les
couleurs, unies ou marbrées, sont très attrayantes. Le polissage, soigné et très
poussé sur certaines pièces, offre une surface extrêmement lisse qui reflète le
moindre rayon de lumière. La perforation, très longue et étroite, constitue par
ailleurs un véritable défit technologique, notamment sur les roches dures.
477
478
Chapitre 12. Tell Aswad
Les éléments de Tell Aswad composant notre corpus sont issus des fouilles
menées sous la direction de D. Stordeur entre 2001 et 2007. Les éléments de parure
provenant des fouilles anciennes (fouilles H. de Contenson) ont été étudiés par C.
Maréchal et les résultats obtenus ont fait l’objet d’une publication (Maréchal 1995).
La collection a été constituée par nous avec des objets très variés provenant
de contextes archéologiques divers et dont la nature est parfois difficile à
comprendre. En effet, en plus des objets de parure finis nous y avons inclus tout
élément susceptible d’appartenir à la catégorie de parure : des objets non finis
abandonnés en cours de perforation, de petits fragments de roches (dont certaines
sont les mêmes utilisées pour les éléments finis) portant des traces de sciage, des
roches portant des incisions en guise de décoration. À cela, nous avons rajouté
quelques pièces collectées en surface pas les enfants de l’actuel village de Tell
Aswad. Nous nous sommes intéressée à ces objets pour deux raisons : la première
est que les couches archéologiques du site sont extrêmement proches de la surface,
notamment dans les aires funéraires, la seconde est que ces éléments, d’après leurs
formes, matériaux et types, sont tout à fait identiques aux objets de parure trouvés
sur le site en contexte stratigraphique ou sur d’autres sites contemporains.
À l’issue des premiers résultats de l’étude, nous avons procédé à un tri des
objets. Ainsi, sur 233 éléments rassemblés au départ, nous en avons retenu 211.
Ceux-ci comprennent, d’une part, 187 élément « finis » ou abandonnés en cours de
perforation, qui sont fabriqués en matières dures d’origine animale (coquillage, os
et dent) ou en matières minérales (roches et terre), et, d’autre part, 24 fragments de
matières minérales que nous avons classés selon leurs stades d’avancement dans
la chaîne de fabrication. Notons d’emblée qu’aucun coquillage en cours de
percement ou de façonnage n’a été trouvé sur le site contrairement aux éléments
en matières osseuses qui existent à l’état non fini, en cours de forage. Les éléments
en terre offrent également des exemples en cours de fabrication (préformes ?) mais
les roches restent de loin la matière la plus fréquente représentant, outre les objets
finis, différents stades de fabrication : les matrices, les ébauches (ou préformes) et
479
les déchets (Tabl. 12.1). Ces éléments seront pris en compte lors du développement
des aspects technologiques ou concernant les matières premières.
Parmi les 189 éléments de parure, 144 sont de forme géométrique, 64 sont
de forme anatomique et un sont de forme singulière.
480
12.1. Les formes anatomiques
Aucun élément en coquillage n’a été trouvé dans la phase ancienne du site.
Cette absence pourrait s’expliquer par le fait que les niveaux anciens ont été peu
fouillés contrairement aux niveaux de la phase récente ou moyenne (Tabl. 12.2).
12.1.1.1. Trochidés
La coquille n° 2 provient de la phase moyenne (niveau B5). Elle a été
découverte dans une cuvette (St. 629, US 623) dans laquelle des ossements
humains isolés ont été trouvés (R. Khawam comm. pers.) ainsi que de la matière
première brute (matrice) en roche translucide verte (n° 7).
481
droit correspond à la columelle qui présente une encoche naturelle en son centre.
L’état de préservation du test est mauvais car la couche de periostracum a disparu
sur une grande partie de la surface externe. Néanmoins, les zones qui conservent
encore le periostracum montrent une belle surface de nacre sur laquelle le décor
naturel peut encore se deviner. Sur un fond clair de couleur orange clair ou beige,
des taches foncées (grises ou marron) sont alignées selon des lignes horizontales.
La couche de nacre est partiellement préservée à l’intérieur de la coquille. L’apex
est cassé ainsi que le labre (h conservée : 13 mm ; d max. : 17 mm). Le percement a
été réalisé sur le dos, juste au-dessus de l’encoche de la columelle au niveau de
l’ouverture naturelle.
482
« cuvette » du niveau B4 (St. 584, US 567), dans laquelle les ossements isolés d’un
sujet humain d’âge périnatal ont été trouvés. Les nérites n° 165 (Fig. 12.1c) et 171
proviennent pour l’une d’une préparation de sol (ragréage) (St. 645, US 651)
d’EA18 (niveau B5), pour l’autre d’une couche d’occupation extérieure (US 685-
niveau B8). Le dernier élément (n° 223) est le seul à provenir d’un contexte
clairement funéraire. Il est associé à un crâne isolé (n° 2) dans une sépulture
collective (St. 544, US 518) de l’aire funéraire du niveau B0.
Le test est conservé pour trois nérites (n° 5, 165 et 171). Celles-ci sont de
couleur orangé-clair et sur l’une (n° 165) la qualité du test est telle que les motifs
naturels sont encore visibles. Il s’agit de bandes couleur rose-orange parallèles
disposées longitudinalement sur le dos en partant du sommet. Le test de la
coquille n° 223 est érodé et l’état de préservation est mauvais. Les quatre nérites
sont cassées à différents endroits : les nérites n° 5 et n° 171 présentent des fractures
qui ont emporté toute la face ventrale et une partie de la perforation. La fracture
de la nérite n° 223 a emporté à son tour toute la face dorsale ainsi que la
perforation. Seule la nérite n° 165 conserve encore la perforation complète (d : 5.1 x
2.2 mm) mais une fracture a emporté le bord pariétal de la callosité columellaire de
la coquille (d’après nos estimations, h : 15 mm ; l : 13 mm ; e : 7 mm).
Les percements sur les nérites n° 5, n° 165 et n° 171 ont consisté à supprimer
la partie convexe du sommet de la coquille. Les parties non fracturées des
percements montrent un contour relativement régulier de forme ovoïde, mais sans
aucune plage d’abrasion. Nous n’avons pas pu identifier la technique employée
pour le percement de ces coquilles. Par ailleurs, deux nérites (n° 165 et 171)
portent un deuxième petit trou adjacent dont la séparation avec le premier a été
cassée. Le contour du deuxième trou est parfaitement circulaire car il correspond
exactement à l’emplacement de l’apex, ce dernier étant aplati pour les coquilles de
cette famille. L’altération des couches du test aurait pu être à l’origine du
détachement de l’apex laissant ainsi un espace vide à la place. Enfin, les labres,
quand ils ne sont pas fracturés ou érodés, portent des encoches d’usure bien
marquées (n° 165 et 171). Le labre de la nérite n° 165 est abrasé au centre, juste à
l’endroit de l’encoche. L’abrasion a créé une sorte de petite facette très étroite. Sur
le dos de la coquille, entre l’encoche et le sommet, une zone est marquée
probablement par le passage d’un lien à cet endroit.
483
Il est probable que la technique de percement soit l’abrasion étant donné
que l’artisan l’a employée pour le labre, d’une part, et parce que cette technique a
été identifiée pour une nérite de la collection provenant des fouilles d’H. de
Contenson, d’autre part (Maréchal 1995, p. 134) ainsi que pour des nérites
trouvées dans le site contemporain de Tell Halula.
Les deux nérites du niveau B2 (n° 21 et 22), ont été trouvées ensemble dans
une cuvette (St.598, US 582) qui coupe la préparation du sol de la maison EA 14.
Des ossements humains isolés y ont été trouvés ainsi qu’un certain nombre
d’objets de parure en coquillage (N° n° 17, 132 et 133) et en pierre (n° 23 et 34) et
une ébauche en pierre (n° 227).
Enfin, une seule nérite (n° 170) appartient au niveau B8. Elle a été
découverte isolée dans une couche de démolition (US 673).
L’état de préservation est bon pour trois coquilles (n° 4, 21 et 170) qui ont
gardé encore leur décor naturel. L’état de préservation est moyen pour les autres
sauf pour la coquille n° 197, dont l’état est mauvais, cette coquille étant brûlée et
cassée. Deux couleurs distinguent les Theodoxus de Tell Aswad : la couleur beige
(n° 21, 22, 198 et 199) et la couleur marron gris foncé (n° 3, 4, 31, 170 et 197). La
coquille n° 21 conserve encore son décor naturel composé de bandes brunâtres
484
horizontales sur fond beige. Les coquilles n° 4 (Fig. 12.1d) et 170 conservent un
décor composé de lignes et tâches blanchâtres sur fond gris. Toutes les nérites sont
cassées au niveau du labre (pour sept spécimens, en moyenne, h : 7.59 mm ; l : 6.46
mm ; e : 4.9 mm).
12.1.1.4. Cyprées
A. Contexte archéologique
Au total, 13 cyprées ont été trouvées à Tell Aswad dont cinq dans la phase
moyenne et huit dans la phase récente (Tabl. 12.2 ; Fig. 12.2). Leur apparition
remonte au niveau B5 : il s’agit de la moitié columellaire d’une cyprée (n° 176),
découverte dans un sol extérieur (US 639) de la structure EA 18.
485
Le niveau B3 a fourni le bord labial d’une cyprée (n° 35) qui fut découverte
durant le démontage d’un petit muret (St. 352) de subdivision de la maison EA 21.
Ce muret entourait la sépulture St. 344 contenant les ossements isolés d’un enfant.
Il est donc possible que ce bord labial soit associé à ces restes humains.
Le niveau B1 a livré un fragment labial (n° 144) découvert dans une couche
dépotoir (cuvette ?) (US 486) dans laquelle se trouvaient aussi des ossements
humains.
Deux cyprées proviennent du niveau B0 : un bord labial (n° 11) trouvé dans
une cuvette (St. 585, US 568) contenant des ossements humains, et la cyprée n° 180
(Fig. 12.2d), la seule à être clairement associée au squelette d’un sujet adulte (St.
209). Cette deuxième cyprée était localisée au niveau du pelvis.
Le niveau B-3 a livré une cyprée (n° 203 ; Fig. 12.2g) qui fut trouvée dans
une cuvette (St. 55, US 67) riche en objets de terre cuite. Enfin, dans le niveau le
plus récent, B-5, la cyprée n° 33 (Fig. 12.2a) provient d’une grande fosse (St. 167,
US 550) coupant l’aire funéraire à l’ouest. Cette fosse est très riche en matériel
faunique et contient de nombreux restes humains isolés. Là aussi, il est possible
que cette cyprée ait été associée à l’origine à un squelette qui fut perturbé par la
fosse. Le fouilleur note qu’aucune céramique n’a été trouvée dans cette fosse qui
appartient donc certainement à un niveau néolithique précéramique.
486
B. Etat de préservation
L’état de préservation des cyprées est mauvais dans sept cas : l’une d’elles a
été détruite au moment de son dégagement (n° 9), trois se sont fracturées peu
après leur extraction, le temps de les photographier et dessiner (n° 42, 43 et 180).
Les trois dernières (n° 35, 104 et 176), non endommagées, présentent un
periostracum dégradé qui laisse apparaître les couches d’ostracum.
C. Identification taxonomique
Malgré le faible effectif, au moins trois espèces de cyprées ont été
identifiées : Luria lurida (n° 9, 42, 43 et 176) d’origine méditerranéenne, Erosaria
nebrites (n° 132 et 203) et Erosaria turdus (n° 33, 104, 143 et 180), toutes deux
originaires du nord de la Mer Rouge (Heiman 2002). Pour trois cyprées (n° 11, 35
et 144) l’espèce n’a pu être déterminée. Mais il s’agit certainement du genre
Erosaria que nous distinguons grâce à la présence des fossettes, critère
morphologique caractéristique de ce genre116. Les dents peu marquées et non
étendues évoquent les dents de l’espèce turdus mais aussi spurca qui vit dans la
Mer Méditerranée. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous prononcer quant à
l’origine de ces trois coquilles étant donné que le genre Erosaria a une aire de
distribution couvrant les deux mers. Notons enfin que les anciennes fouilles de
487
Tell Aswad ont fourni deux cyprées, dont l’une est une Monetaria moneta et l’autre
un bord labial d’Erosaria turdus. Les deux sont originaires de la Mer Rouge.
Deux coquilles de L. lurida ont pu être mesurées. L’une (n° 42) mesure 31
mm de hauteur et 18 mm de largeur, tandis que l’autre (n° 43) fait 35 mm de
hauteur et 20 mm de largeur. Les trois coquilles complètes d’E. turdus ont une
hauteur de 25.0 à 28.8 mm (l : 18 à 20 mm). La seule E. nebrites complète mesure
23.6 mm de hauteur et 16.4 mm de largeur. Cette espèce est généralement plus
petite, mais son test est plus épais (plus résistant ?) que celui d’E. turdus.
D. Types et techniques
Plusieurs aménagements techniques ont été étudiés. Ils concernent
principalement la création d’un dispositif d’attache. L’aménagement le plus
courant est celui de la suppression du dorsum qui a créé une très grande
ouverture permettant le passage d’un lien à travers l’ouverture naturelle sur la
face ventrale de la coquille. Cet aménagement concerne les 13 cyprées du site ainsi
que les deux cyprées issues des anciennes fouilles de H. de Contenson (Tabl. 12.3).
L’abrasion est la technique employée, au moins en dernière étape, pour huit
cyprées (N° n° 11, 33, 35, 104, 132, 144, 176 et 180). Les ouvertures créées sont
caractérisées par un contour régulier dont la surface est plane. Les stries d’abrasion
sont entièrement effacées.
Dans deux cas (n° 42 et 143), le contour d’ouverture de deux cyprées est
irrégulier et présente des arrachements du test sur les faces internes et externes. La
coquille n° 42 étant mal préservée, il est difficile d’identifier si la percussion fut
d’origine anthropique ou naturelle (par entrechoquement sur les plages). Quant à
la coquille n° 143, elle présente une usure naturelle générale et l’ouverture du
dorsum a certainement eu lieu avant le ramassage par l’homme.
488
(Fig. 12.3a-b) a produit les mêmes stigmates : une ouverture de surface plane au
centre (surface sciée) et légèrement irrégulière et élevée près des extrémités
(surface arrachée). Les stries de sciage, le sillon de sciage et ceux du dérapage
observés sur le bord latéral et vertical de la coquille expérimentale ne sont
cependant pas observées sur le spécimen archéologique.
Une seule cyprée (n° 43), unique pour tout le corpus, a conservé son
dorsum, le système d’attache étant constitué de petites perforations. Au nombre
de quatre, ces perforations sont distribuées symétriquement près des extrémités
des surfaces latérales (Fig. 12.2h). Comme les contours sont irréguliers et ébréchés,
nous pensons que ces percements ont été réalisés par percussion indirecte ou par
pression. Rappelons que cette coquille appartient à l’espèce L. lurida dont le test est
relativement fin contrairement à celui du genre Erosaria. De même, s’il s’agit d’un
taxon non adulte, le test est encore moins développé en épaisseur117 Un cinquième
trou situé sur la face ventrale columellaire a été ajouté sur ce spécimen. De contour
subcirculaire régulier (d : 3 mm), il ne présente plus aucune strie. Nous n’avons
donc pas pu identifier si son forage a été réalisé de façon manuelle ou mécanique.
La régularité du contour plaide plutôt pour un forage mécanique de type foret à
l’archet. Les deux cyprées (n° 9 et 42) découvertes avec l’élément n° 43, bien que
leur dorsum supprimé offre ainsi une grande ouverture, présentent également des
117Au cours du cercle de la croissance, avant l’âge adulte, la coquille ne se développe plus dans le
sens de la hauteur et de la largeur. La croissance se fait par épaississement du test et grossissement
des dents (Walls & Taylor, 1979).
489
perforations régulières au centre de la face ventrale columellaire. Le diamètre de la
perforation de l’élément n° 42 (Fig. 12.2e) est de 3.8 mm.
Nous retiendrons que les cyprées ayant des petits percements sont toutes
des L. lurida, l’espèce méditerranéenne.
490
Les incisions sur la columelle n° 143 sont moins régulières que celles de la
cyprée n° 33. Sur la face ventrale, nous pouvons compter huit incisions
« profondes » et entre huit et onze incisions « superficielles ». À l’endroit le plus
large de la columelle se trouve l’incision la plus longue et parmi les plus
profondes. Contrairement à l’exemple précédent, seules les incisions du centre
suivent l’orientation des dents columellaires. Les incisions les plus éloignées du
centre sont parallèles à celles du centre et ne prennent pas en compte l’orientation
des dentitions. Sur la face latérale on observe une seule incision profonde et
longue qui constitue en réalité la continuité de l’incision centrale de la face
ventrale. D’autres petites stries irrégulières se trouvent également sur cette face.
L’intention de décorer reste difficile à saisir, notamment en l’absence de l’autre
moitié de la cyprée, le côté labial.
Les incisions sur les faces ventrales et latérales de ces deux cyprées ont été
réalisées par un mouvement de va-et-vient propre à la technique de sciage. La
section des sillons est en forme de V et, à l’intérieur, des séries de stries longues de
forme fusiforme, subparallèles entre elles et par rapport aux parois du sillon ont
été observées. Les mêmes stries sont présentes en dehors des sillons sur les
surfaces adjacentes, ce qui témoigne d’un dérapage du tranchant à plusieurs
reprises et de sa déviation hors du sillon travaillé.
E. Usure
Les ouvertures des dorsa des cyprées de Tell Aswad dont le test est
moyennement préservé présentent un émoussé des contours et un effacement total
des stries d’abrasion. Des encoches d’usure de stade 1 (cf.Fig. 6.1a) se sont
développées sur les extrémités antérieures dans deux cas (n° 33 et 42). Les
extrémités des autres cyprées montrent de simples étirements. L’intérieur des
extrémités, examiné depuis la face ventrale, montre une usure forte par frottement
marquant le passage du lien (Fig. 12.4c) sur au moins deux cyprées (n° 33 et 132).
Les bords latéraux de la coquille n° 33 portent une facette plane de chaque côté
(Fig. 12.4a). Ces facettes ont effacées presque entièrement les incisions latérales. De
même, sur la face ventrale, les deux parties columellaire et labiale portent des
facettes d’usure assez développées. Les facettes sur les bords latéraux affectent le
491
volume. En effet, la largeur de la cyprée a été réduite de quelques millimètres. La
présence de ces facettes, exactement à l’emplacement des zones décorées, est un
fait très intrigant. Si la face ventrale a été décorée, c’est pour qu’elle soit visible. Or
l’effacement partiel des incisions et la présence de facette d’usure montrent que
cette face était en contact permanent avec un support sur lequel elle frottait. De
même, les bords latéraux sont complètement aplanis et les incisions sont presque
complètement effacées à ces endroits.
492
Il est très difficile de démontrer l’une ou l’autre de ces hypothèses faute de
récurrences et d’un effectif suffisant de cyprées, et surtout en l’absence d’éléments
de comparaison avec d’autres sites.
Notons enfin que la découverte in situ d’une cyprée (n° 180 ; Fig. 12.2d)
dans une sépulture au niveau du pelvis d’un sujet adulte suggère son utilisation
en tant qu’élément de ceinture. Les cyprées employés en tant qu’éléments de
ceinture sont communs dans le Néolithique du Levant nord (Tell Halula, Tell Sabi
Abyad).
12.1.1.5. Murex
Tell Aswad a livré trois éléments de parure en coquilles d’un mollusque
comestible, le murex (Tabl. 12.2). Découverts ensemble les trois coquillages
(n° 152, 153 et 156) étaient regroupés dans une sépulture (St. 519, US 459) et
associés au squelette d'un adulte sans crâne.
493
Les murex de Tell Aswad sont de grande taille (h : 38.8 à 40.7 mm ; l : 28.0 à
32.1 mm ; e : 22.2 à 23.8 mm). Leur identification taxonomique précise n’a pu être
effectuée. Néanmoins, la morphologie générale ainsi que les dimensions évoquent
fortement le genre Hexaplex. En comparant ces coquilles avec des spécimens
identifiés dans d’autres sites du Levant, nous les rapprochons de l’espèce Hexaplex
trunculus sans qu’il soit possible de le confirmer.
Les murex de Tell Aswad portent un seul percement dans deux cas (n° 152
et 156). La troisième coquille (n° 153) porte deux percements. Sur les trois coquilles
très érodées, les traces de fabrication ont été complètement effacées.
Sur le murex n° 153 (Fig. 12.1f), le premier percement est de forme ovoïde
allongée (L : 11.5 mm ; l : 6.3 mm). Il est situé près du bord du labre. Le deuxième
percement, de forme ovoïde (d : 7.8 mm max.), et est situé entre la spire et
l’ouverture naturelle, sur la columelle du dernière tour. Le premier percement
pourrait avoir été obtenu par rainurage en tirant profit de la morphologie de la
coquille à cet endroit et ensuite agrandi par abrasion ou écrasement des bords. Le
deuxième pourrait avoir été effectué par forage.
494
Il est difficile de comprendre la composition de la parure en murex compte
tenu de l’état de préservation de ces coquilles et l’impossibilité de détecter les
traces d’usure. Les seuls indices sont ceux liés à l’emplacement des coquilles au
sein de la sépulture ainsi que le nombre et la situation des percements sur
chacune.
12.1.1.6. Nasses
Deux petites nasses ont été découvertes durant les fouilles récentes de Tell
Aswad (Tabl. 12.2). La présence de cette famille n’est pas signalée dans l’étude du
matériel issu des fouilles de H. de Contenson (Maréchal 1995). Toutes deux sont
datées de la phase moyenne.
La plus ancienne d’entre elles (n° 134 ; Fig. 12.1g) provient d’une fosse du
niveau B6 (St. 226, US 199). L’état de préservation est moyen, l’apex est absent (h
conservée : 15.3 mm ; l : 11.5 mm ; e : 6.6 mm.
495
l’ouverture produite sur l’enroulement de la columelle à l’intérieur de la coquille.
L’apex et la base montrent également un fort émoussement. Enfin, les extrémités
de l’ouverture naturelle, le sinus et la base, sont particulièrement usées et ont servi
très certainement à attacher la coquille. La coquille a été tirée par deux endroits
plus ou moins opposés.
Parmi elles, deux ont particulièrement attiré notre attention. Elles sont
courbes, très proches du contour du percement et parallèles à lui. Il s’agit de
fissures anciennes séparant la fine couche du periostracum en deux parties.
Autrement dit, la couche de periostracum a cédé sous une forte tension prenant la
forme courbe du percement. D’après les caractéristiques morphologiques de ce
dernier et la présence de fissures anciennes, qui se sont produites probablement au
moment de la réalisation du percement par l’exercice d’une force donnée, deux
techniques sont envisagées ici : la pression ou la percussion indirecte.
L’état détérioré du test n’a pas permis de voir l’étendue du poli sur le
contour du percement, mais l’observation d’un poli et d’un émoussement sur une
zone indique que l’objet a été porté. Il est difficile, en l’absence de traces
indicatrices, d’envisager le mode d’attache. Cependant, dans le cas où la coquille
était portée en mode fixe, le dorsum étant conservé, c’est la face ventrale, plane,
qui devait être en contact avec le support. La coquille en suspension libre aurait
produit un émoussement touchant principalement le contour de la perforation.
496
12.1.1.7. Colombelle
Un certain nombre de coquilles semblables dans la forme et dans les
dimensions, peuvent être soit des colombelles, soit des cônes. Une seule coquille a
été identifiée avec certitude comme colombelle (n° 155 ; Fig. 12.1j). Découverte
dans une couche de réaménagement (St. 386, US 444) de l’aire funéraire du niveau
B0, elle pourrait appartenir à l’une des sépultures et avoir été déplacée pendant
l’une des manipulations des tombes (e.g. réouverture), une pratique courante par
les habitants de ce site (D. Stordeur comm. pers.). Trois autres éléments de parure
ont été trouvés dans la même couche et le même locus : deux tubes en os (n° 149 et
150) et une coquille qui pourrait être soit un cône soit une colombelle (n° 151).
L’état de préservation du test est bonne, la coquille est de couleur beige et ne
conserve plus son apex, le percement étant situé à cet emplacement. De petite
taille, la hauteur conservée de cette coquille est de 9.4 mm et son diamètre
maximal est de 5.1. Il s’agit très probablement d’une Columbella rustica, l’espèce
méditerranéenne assez répandue dans les sites néolithiques du Levant sud et
nord.
Par ailleurs, au moins deux des facettes planes sont observables sur la spire
et la dernière tour de la coquille. Ces facettes, très brillantes et polies, ont été
produites par abrasion intentionnelle. Le bord du labre, cassé, a lui aussi été
abrasé. Enfin, la base de la coquille a subi également l’action de l’abrasion. Nous
verrons (cf. infra) que le cône trouvé avec la colombelle avait reçu le même
traitement par endroits.
497
12.1.1.8. Cône
Parmi les différentes coquilles de gastéropodes une seule a été déterminée
avec certitude comme appartenant au genre Conus (n° 117 ; Fig. 12.1i). Datant du
niveau B-5 (phase récente), elle fut découverte dans une grande fosse (St. 167, US
178) riche en restes fauniques et dans laquelle il y avait également des ossements
humains isolés. Notons que dans le même locus deux éléments en pierre ont été
également trouvés : une rondelle cassée (n° 119) et un fragment brut de malachite
(n° 123). Le test est en bon état, l’apex est absent et le bord du labre et la base ont
été modifiés (h conservée : 15.4 mm ; d : 9.2 mm max.). Le percement, de forme
subcirculaire (d : 2.6 mm), est situé à l’emplacement de l’apex. L’abrasion semble
avoir été la dernière technique employée, la surface étant parfaitement plane. Les
stries d’abrasion sont invisibles. Le bord du labre est abrasé ainsi que la base. Le
contour du percement est émoussé ainsi que la base.
498
n° 24 du niveau B4, n° 133 du niveau B2, n° 162 du niveau B0) et n° 189 du niveau
C2. À l’exception de la première, toutes les autres coquilles sont de la phase
récente. Le percement est situé à l’emplacement de l’apex.
12.1.1.10. Glycymeris
La seule coquille en valve dont l’origine stratigraphique est connue (n° 126)
provient d’une fosse (St.167, US 184) de la phase récente (niveau B-5). Des
ossements humains isolés sont présents dans le même locus et la même unité
stratigraphique. Il s’agit d’une valve gauche de Glycymeris (Fig. 12.1k). Le test de
cet élément est lisse mais en bon état. La couleur a disparu mais des tonalités
rosâtres sur fond blanc beige peuvent être encore devinées. La surface, très lisse,
les côtes ne sont plus visibles et une cassure a emporté le bord extérieur ainsi
qu’une portion du bord ventral (h : 20 mm ; l conservée : 23.6 mm).
12.1.1.11. Dentales
À Tell Aswad, les dentales sont très rares et C. Maréchal décrit un seul
élément (Maréchal 1995, p. 135) pour les fouilles anciennes. De même, les fouilles
récentes ont fourni un seul objet (n° 240), découvert dans la sépulture St. 106
datant des niveaux récents de la phase récente au sud du secteur B (Fig. 12.5).
Dans cette sépulture, le dentale, clairement associé à un squelette en position
fœtale extrêmement fléchi, le crâne incliné vers le corps et le bras gauche, très
fléchi, couvrant une partie du crâne. L’extrémité postérieure du dentale est
orientée face au crâne, à quelques centimètres du front et son extrémité antérieure
touche l’un des ossements du bras gauche. Il pourrait s’agir d’un élément de
499
collier, d’un bracelet, d’un diadème ou d’une coiffe. Nous n’avons
malheureusement pas pu déterminer le genre.
Cette belle coquille conserve un test mat en bon état bien qu’un peu
crayeux. Le tube (L : 63 mm ; d min. : 4.6 mm ; d max. : 11.2 mm) est très peu arqué
mais il se courbe à 10 mm avant l’extrémité postérieure. Nous avons compté 15
côtes épaisses intercalées par une ou deux côtes très fines. L’extrémité postérieure
conserve une tranche plane et régulière. Le diamètre du trou fait 2.4 mm. Il est
difficile de reconnaître la technique de sectionnement. L’extrémité antérieure est
irrégulière et ne semble pas avoir été travaillée. Les côtes ne montrent aucune zone
d’effacement ou d’aplanissement ; au contraire, elles sont encore très saillantes et
prononcées. Le contour du trou au sein de l’extrémité postérieure est émoussé
ainsi que le bord de l’ouverture antérieure.
500
Les objets de forme singulière à Tell Aswad sont tous des pendeloques
(Tabl. 12.9). Il s’agit de trois pendeloques de nature, forme et dimensions très
semblables fabriquées en roches noires ou foncées (n° 1, 172 et 212). Ces
pendeloques ont été dénommées par C. Maréchal (Maréchal 1995, p. 148) les
« éléments contournés ». Nous adoptons la même dénomination faute de mieux.
501
Les trois pendeloques sont cassées sur la partie proximale où ont été
emportées la moitié supérieure ou bien toute la perforation. Les mêmes fractures
caractérisent les pendeloques des fouilles anciennes.
Le matériau utilisé dans les trois cas est de dureté moyenne (4 sur l’échelle
de Mohs), à éclat mat de couleur très foncé. Le matériau de l’une (n° 172) se
distingue par sa couleur noire tachetée de marron foncé qui contraste à peine sur
le fond noir. Le même matériau a été identifié par C. Maréchal comme une sorte
de marbre sur l’une des pendeloques semblables provenant des fouilles anciennes
(ibid.). Notons que d’autres matériaux, absents dans notre collection, ont été
identifiés pour ce type de pendeloques. Il s’agit de l’obsidienne (ibid., p. 150). Il
faut souligner que quelque soit le matériau, la couleur ici est toujours foncée allant
de gris au noir. Ce qui semble être un choix délibéré pour ce type d’objet.
Le gabarit est similaire à celui des pendeloques issues des fouilles anciennes
(en moyenne, h : 19.7 mm ; l : 12.9 mm ; e : 5.3 mm).
Nous avons par ailleurs trouvé sur le site une extrémité proximale d’une
pendeloque (n° 18) dont le matériau ainsi que les dimensions correspondent à
celui des pendeloques contournées. Nous n’avons malheureusement pas pu
vérifier si ces éléments pouvaient remonter entre eux. Notons par ailleurs que la
pendeloque n° 1 a été trouvée dans la même cuvette du niveau B6 non loin de
l’objet n° 18. Dans cette cuvette, des ossements humains isolés ont également été
trouvés. La pendeloque n° 172 a été découverte sur un sol d’occupation extérieure
de la structure EA 43 (niveau B8) tandis que la pendeloque n° 212 a été trouvée sur
un sol près d’un muret à l’intérieur de la structure EA 24 (niveau B12).
502
C. Maréchal propose une interprétation de en prenant en compte les fortes
courbures et sinuosités soulignées par les rainurages : « ces sinuosités nous
suggèrent dans les trois cas une figuration féminine très stylisée, à savoir poitrine, jambes
et fesses pour deux exemplaires les plus similaires et buste seul pour le troisième. Ce
rapprochement pourra sembler osé, mais rappelons que les figurines féminines en argile
d’Aswad sont elles-mêmes extrêmement schématiques » (ibid., p. 148).
Nous sommes assez d’accord avec l’auteur, d’autant plus qu’avec les trois
pendeloques supplémentaires issues des nouvelles fouilles, la récurrence devient
significative. Nous pouvons même aller un peu plus loin dans l’interprétation.
Nous pensons que les figures féminines sont représentées assises ou avec les
jambes repliées, les figurines assises en terre étant fréquentes sur le site (Ayobi
2013, p. 75).
Par ailleurs, certaines figurines en argile à Tell Aswad ont la « tête coupée »
(ibid., Fig. 36). Il est possible que les parties proximales portant les perforations
correspondent à la « tête » de ces figures féminines. La fracture de ces zones serait-
elle donc une indication de la suppression délibérée de la tête humaine ? Cela ne
serait pas étonnant étant donné que les pratiques funéraires les plus marquantes
sur le site et dans les sites PPNB de la région, à savoir les crânes surmodelés, sont
précisément basées sur le traitement de la « tête ».
503
Les coquilles identifiées correspondent principalement à des ressources
marines. La troque (Trochidae), l’espèce L. lurida (Cypraeidae), les murex, les
nasses, les colombelles, et le Glycymeris sont originaires de la Méditerranée, tandis
que les nérites marines et les trois espèces de cyprées, E. nebrites, E. turdus et M.
moneta sont originaires de la Mer Rouge. L’origine des dentales n’a pas pu être
identifiée. Seul le genre Theodoxus est dulçaquicole, dont les coquilles ont pu être
collectées dans les deux lacs à proximité immédiate du site ou dans la rivière
Barada.
La phase ancienne du site n’a pas livré de coquillages. Les nérites, L. lurida,
les nasses et la troque sont principalement présentes à la phase moyenne tandis
que les E. nebrites et E. turdus, les murex, les colombelles et les cônes sont
majoritaires dans la phase récente. Parmi les coquillages de notre corpus, certaines
familles ont été identifiées uniquement à Tell Aswad. C’est le cas de la famille des
Trochidae et des Muricidae ainsi que de M. moneta, espèce de cyprée de la Mer
Rouge. Notons que les nérites marines de Tell Halula n’apparaissent qu’au cours
du PPNB récent tandis qu’elles sont plus anciennes à Tell Aswad où elles
remontent au PPNB moyen.
Aucune coquille en cours de fabrication n’a été trouvée sur le site. Non
seulement toutes les coquilles sont ici des objets finis, mais elles portent des traces
d’usure importantes.
Les percements sont en général réalisés sur les parties convexes des
coquilles. Les techniques principales employées pour les suppressions de ces
proéminences sont la percussion et l’abrasion : sur le dorsum des cyprées et celui
d’une nasse, les sommets des nérites et des Theodoxus. La combinaison des
techniques, notamment la percussion suivie par l’abrasion, a été identifiée sur une
cyprée. D’autres combinaisons sont « théoriquement » possibles. Les mouvements
rotatifs pour la perforation ou simplement pour l’élargissement des percements
sont aussi attestés pour ces coquilles. Enfin, des incisions réalisées par sciage ont
orné les faces ventrales et latérales de deux cyprées. Nous connaissons deux
exemples de comparaisons avec les cyprées incisées de Tell Aswad. L’un est un
bord externe labial incisé sur la face ventrale et latérale provient du site Nativ
Hagdud, de PPNA (Sultanien) et l’autre est d’une partie columellaire à dorsum
504
supprimé et dont la face ventrale est décorée de 8 longues incisions parallèles
d’Aïn Ghazal, datant du PPNB récent/PPNC (D. Reese comm. pers.).
Toutes les coquilles de Tell Aswad ont été portées. Les objets de parure en
coquillage sont tous usés. À l’exception des coquilles dont le test est en mauvais
état, tous les objets montrent une usure de surface : stries aléatoires (rayures),
effacement des stries de fabrication accompagné d’un poli, et émoussement (bords
et angles arrondis). L’usure plus profonde qui attaque le volume de l’objet ne
concerne que peu de cas.
505
12.2. Les formes géométriques
Le reste de rondelles n’a pas été strictement trouvé in situ. Les rondelles du
niveau B0 (n° 157 et 158) ont été découvertes dans une sépulture (St. 209) de l’aire
funéraire mais nous ignorons si elles composaient une même parure ou deux.
506
Rappelons qu’une cyprée (n° 180) a été trouvée in situ dans la même sépulture,
près du pelvis de l’individu (cf. supra).
Les onze rondelles restantes ont été trouvées isolées. Quatre d’entre elles
proviennent du niveau B0 : la n° 39 appartient à la sépulture St. 563, la n° 118 à la
sépulture St. 210, la n° 121 a été trouvée dans les sédiments (US 235) de l’aire
funéraire et pourrait provenir d’une sépulture et, enfin, la n° 154 a été découverte
dans la sépulture St. 500.
Cette dernière est la seule rondelle de couleur vert turquoise faisant partie
du collier n° 1. Pour les quatre éléments restants, nous ne sommes pas sûres de
leur identification. Dans trois cas, l’aspect aggloméré de la roche nous évoque le
grès. Cette roche est de couleur beige rosâtre ou marron claire. Enfin, un matériau
de couleur marron claire (caramel), translucide et de faible dureté, trouvé dans le
secteur B du site sous forme de fragments sciés (matrice et ébauche), a été employé
dans la fabrication d’une rondelle du secteur C.
507
Les rondelles en calcite du collier n° 1 sont pour la majorité couvertes d’une
couche ou croûte de couleur variant d’un brun orange à marron foncé. Cette
croûte emprisonne parfois des fibres et des particules de sables entre autres. Elle
englobe dans certains cas la totalité de la rondelle et est partielle voire inexistante
sur d’autres. L’enlèvement de cette couche se révèle extrêmement délicat car la
surface nettoyée se fragilise à vue d’œil et devient d’aspect fibreux et la matière se
désagrège et devient poudreuse118. La présence de cette croûte n’a pas permis
d’observer les traces.
Deux types de rondelles sont distingués (Tabl. 12.6) : les rondelles discoïdes
à profil quadrangulaire (54 éléments) et les rondelles elliptiques à profil elliptique
(cinq élément). Les gabarits des rondelles sont variables d’un collier à un autre,
selon leur classe morphologique ou encore selon les matériaux
(P.III_Ch.6_Graphe.1.2.3).
Les deux rondelles du collier n° 2 (St. 796, niveau B12), toutes deux en
amazonite, sont d’un gabarit plus grand que celui des rondelles du collier n° 1.
L’une d’elles (n° 231) est de forme ellipsoïde (d : 7.8 mm ; L : 4.8 mm) et l’autre
(n° 235 ; Fig. 12.7a) est de forme prismatique (d : 12.1 mm ; L : 5.4 mm). La rondelle
n° 178 (Fig. 12.7b) du collier n° 4 (st. 723, niveau B7) est fabriquée en calcite selon
une forme cylindrique (d : 4.8 mm ; L : 1.4 mm).
Pour les 43 rondelles du collier n° 1 (St. 339, niveau B0), les dimensions sont
homogènes (Tabl. 12.8). Le diamètre moyen est de 5.09 mm, la variabilité de cette
118La présence de cette croûte a été également repérée sur certains éléments composant les ceintures
ou les colliers (cyprées, perles en turquoise, perles en calcite) à Tell Halula. Nous pensons qu’elle
pourrait correspondre au dépôt issu des phénomènes de décomposition des corps.
508
dimension ne dépassant pas 1 mm, tandis que la longueur moyenne est de 3.20
mm, sa variabilité étant de l’ordre de 2 mm. L’homogénéité dans le rapport du
diamètre à la longueur est un indice indirect à prendre en compte lors de l’étude
des procédés de fabrication de ces éléments. Rappelons que les rondelles du collier
n° 1 sont toutes en calcite à l’exception d’une qui est en turquoise. Elles sont toutes
cylindriques de section circulaire.
Les deux rondelles trouvées ensemble dans la sépulture (St. 209), sont
toutes deux en calcite également mais l’une (n° 157) est de forme ellipsoïdale (d :
4.8 mm ; L : 2.7 mm) et l’autre (n° 158) est cylindrique (d : 4.7 mm ; L : 2 mm).
Parmi les rondelles isolées, cinq sont de forme cylindrique et sont en calcite
ou en grès. Elles sont toutes du même gabarit, qui s’inscrit dans celui des rondelles
du collier n° 1. Les autres rondelles isolées sont en amazonite, en chlorite et en
gypse couleur caramel. Celles en amazonite (n° 159 et 39 ; Fig. 12.7e) sont de forme
ellipsoïdale (en moyenne, d : 8.5 mm ; L : 6 mm), ou cylindrique (n° 121 ; d : 7.9
mm ; L : 1.7 mm ; Fig. 12.7c). Une rondelle cylindrique en gypse (caramel) trouvée
dans le secteur C (n° 181 ; Fig. 12.7d) est de forme cylindrique mais d’un gabarit
plus grand que les autres rondelles cylindriques de Tell Aswad (d : 8.4 mm ; L : 3.6
mm). Enfin, la rondelle en chlorite (n° 202) est de forme ellipsoïdale et de grande
taille (d : 15.2 mm ; L : 9.6 mm).
509
section biconique. La rondelle en gypse caramel porte les stries d’abrasion sur les
deux tranches et sur le contour. La perforation est bipolaire de section biconique.
510
Les volumes de quatre pendeloques (n° 131, 166, 167 et 225) s’inscrivent
dans les formes cylindriques à section elliptique et perforation courte décentrée
axiale (Cy.1.I.C.3) et dans un cas (n° 205) à section semi-elliptique (Cy.1s.I.C.3)
(Tabl. 12.9). Pour six autres pendeloques le volume est prismatique de section
triangulaire (n° 44, 47, 103 et 160) ou à section trapézoïdale (n° 216 et 221) à
perforation courte décentrée axiale (PR.3.I.C.3).
D’après leur géométrie faciale, les types distingués (Tabl. 12.6) sont les
pendeloques elliptiques hautes (n° 225), les pendeloques elliptiques larges (n° 131,
166 et 167), les pendeloques semi-elliptiques hautes (n° 205), les pendeloques sub-
triangulaires (n° 44, 47 et 103) et trapézoïdales (n° 160, 216 et 221). Enfin le volume
est plat mais le type est indéterminé pour trois pendeloques cassées (n° 18, 146 et
147).
Sur les éléments hauts non cassés, la hauteur moyenne est de 26.58 mm. Sur
les pendeloques larges, elle est de 16.8 mm (en moyenne, d : 21.35 mm ; e : 3.7
mm).
Parmi les trois pendeloques du niveau B5, deux ont été abandonnées en
cours de perforation (n° 221 et 225), la première étant en os tandis que la seconde
est en pierre. Le troisième élément (n° 44 ; Fig. 12.6g) est une pendeloque entière
en pierre trouvée dans la démolition d’EA 18.
511
Le niveau B4 a livré une seule pendeloque (n° 205) dont le contexte n’est
pas clairement déterminé.
Parmi les pendeloques plates, onze ont comme support un galet en calcite
de couleur beige/gris, ce type de galet étant très commun dans les environs
immédiats du site.
La seconde pendeloque (n° 160) a été réalisée dans une roche tendre
translucide de couleur vert clair un peu jaunâtre à éclat mat et aspect un peu
savonneux. Cette roche peut être de la calcite verte dont l’origine est probablement
locale120. Le même matériau est documenté sur le site selon trois déclinaisons : en
perle (n° 10) très fragmentaire, en matrice (n° 7, 217 et 218) et en ébauche (n° 106).
Ces objets proviennent de la phase moyenne et récente.
La pièce n° 221, du niveau B5, est la seule réalisée sur un support osseux
(Tabl. 12.4). Elle porte un début de perforation sur l’une des faces, ce qui permet sa
classification comme pendeloque plate (cf. infra).
120 La même roche a manifestement été identifiée à Ain Ghazal (Hauptman 2004).
512
Sur la petite partie proximale conservée de la pendeloque n° 18 en stéatite
les traces de façonnage ont été partiellement effacées par l’usure. Cependant,
l’intersection (arête) entre les deux faces de la pièce et le contour convexe sont bien
soulignés par le travail d’abrasion. La perforation est bipolaire et de section
cylindrique (d : 3.6 mm et 3.3 mm au niveau des ouvertures). La totalité de la zone
de jonction entre les deux cônes a été supprimée.
(pendeloques biforées)
513
Cette portion est de forme prismatique à section quadrangulaire
trapézoïdale (h : 11.2 mm ; l : 26 mm ; e : 2.8 mm). Elle est dotée de deux
perforations courtes et parallèles qui prennent place unilatéralement, près d’un
bord de la pièce, dans position axiale (PR.4t.II.C.1) (Tabl. 12.9).
514
mentionnons ici à titre indicatif afin de donner une image complète de la diversité
des matériaux utilisés dans la fabrication des pendeloques biforées à Tell Aswad.
biforés)
La première pièce (n° 54) a été trouvée sur le sol intérieur (St. 654) de la
maison EA 33 dans le niveau B7. Elle est cassée au niveau des perforations
(extrémité proximale) et dans le sens de la largeur (h : 8.9 mm ; l : 20.5 mm ; e : 2.4
mm). Celles-ci sont bipolaires de section biconique (d : 2.5 mm environ). La forme
n’a pas pu être déterminée mais les deux côtés relativement droits suggèrent une
forme prismatique à section quadrangulaire.
515
correspondant au pont sont également émoussés plus intensément. Ces stigmates
sont uniquement observés sur la face correspondant à la face externe de la côte. Il
est possible que cet élément ait été fixé sur un support (vêtement ?) en faisant
passer le lien entre les deux perforations par la face externe. La face interne, plus
irrégulière et moins lisse, est la face cachée de cet élément qui a probablement
servi comme bouton.
L’autre objet (n° 37) pouvant appartenir à cette catégorie est une plaque
d’émail provenant d’une canine inférieure de sanglier cassée dans le sens de la
longueur (Fig. 12.6i). La partie conservée porte une perforation. Les exemples de
plaques d’émail en défense de sanglier que nous connaissons sur d’autres sites
néolithiques portent deux perforations, une au centre de chaque extrémité.
Cet élément a été trouvé dans une zone adjacente à l’aire funéraire dans une
fosse (US 538) du niveau B-5 riche en restes faunique, notamment des chevilles
osseuses. L’archéologue note que cet élément a été découvert à proximité de
l'extrémité distale d'un outil en os pointu. Cette fosse semble dater de la période
néolithique avec céramique. Cependant, ce type d’élément est connu dans le
Néolithique du Proche-Orient et nous avons des exemples bien plus anciens
provenant de Jerf el-Ahmar et de Tell Halula.
516
Des négatifs d’enlèvement peuvent être observés sur la face interne près du
bord convexe. Ils ont été produits probablement au moment de la séparation de la
plaque du reste. Tous les bords de la pièce ont été par la suite égalisés et abrasés.
12.2.5.1. Perles en os
Les os longs, au nombre de 15, forment la catégorie la plus exploitée dans la
parure osseuse de Tell Aswad. Parmi eux quatorze appartiennent à la classe
morphologique des cylindres de section subcirculaire à perforation longue centrée
axiale (CY.0.I.L.1) et un à la classe des cylindres de section biconvexe plate à
perforation longue centrée axiale (CY.2.I.L.1). D’un point de vue typologique, le
premier groupe appartient à la famille des perles tubulaires tandis que l’élément
plat (n° 208) appartient à la famille des perles plates (Tabl. 12.10).
Selon la méthode basée sur le Body Size Group (BSG), les os se classent
dans sept groupes et sous-groupes. Le groupe B (Ongulés de moyenne taille) est
représenté par un élément (n° 136) dont le taxon est indéterminé. Au groupe D
(Mammifères de petite taille) appartiennent trois éléments trois métapodes de
renard ou de lièvre (n° 52, 114, 222). Quatre os longs (n° 41, 57, 122 et 110 ;
Fig. 12.7f) sont attribués au sous-groupe D1 (Carnivores taille renard) dont deux
sont des métapodes de renard (n° 57 et 110). Le sous-groupe D2 (taille lièvre) est
517
représenté par deux os longs (n° 124 et 163), dont l’un est un métapode de lièvre.
Le tube n° 164 est un métapode de lièvre ou un radius d’oiseau, et le n° 220 est un
os long qui pourrait appartenir soit à un oiseau, soit à un lièvre. Nous avons donc
attribué ces deux éléments au groupe D/E (Mammifères de petite taille/oiseaux).
Deux ulnas (n° 149 et 150 ; Fig. 12.7g) sont attribuées au groupe E (Oiseaux) et,
enfin, une ulna de corvidé (n° 6 ; Fig. 12.7h) indique la présence du sous-groupe
E3 (Oiseaux de petite taille). Enfin, l’os plat est représenté uniquement par
l’élément tubulaire n° 208 dont la détermination n’a pas pu être faite (Tabl. 12.4).
518
relation entre le type d’os, l’appartenance aux différents groupes de taille (BSG) et
les dimensions des tubes. Une variabilité est néanmoins notée pour les longueurs
(Tabl. 12.11). Mais celle-ci est liée aux choix de l’artisan de l’emplacement de
sectionnement sur le tube, dans la limite de la longueur disponible.
Les surfaces de tous les éléments montrent un poli qui, dans certains cas
(n° 114, 124 et 220), est très intense en brillance. Notons enfin que les bords des
ouvertures sont émoussés dans tous les cas et que des encoches d’usure ont été
observées sur les extrémités de deux éléments (n° 124 et 149).
519
Nous décrirons ici les aspects communs des matrices argileuses des perles
en terre. Les matériaux en pierre, plus diversifiés, seront présentés par type de
perle plus loin.
A. Perles tubulaires
Au total, 18 perles tubulaires ont été recensées à Tell Aswad. D’après la
forme de leur profil, elles se distinguent en deux types : cylindrique et elliptique.
520
Cylindriques
Les perles cylindriques sont les plus nombreuses, avec un total de 14
éléments dont dix sont en pierre et quatre en terre. Les perles en terre (n° 112, 137,
168, 200) appartiennent uniquement à la phase moyenne (respectivement aux
niveaux B6, B4, B5, et B3). Toutes quatre ont été trouvées dans des cuvettes dans
lesquelles des ossements humains isolés sont également trouvés (respectivement
St. 259, 261, 591, 51).
Les perles en pierre ont été découvertes dans les phases moyenne et récente.
Celle de la phase moyenne sont au nombre de deux. La première (n° 12) a été
trouvée sur le sol (US 564) de la maison EA 21 du niveau B3 avec une perle à
double perforation (n° 8). L’autre perle (n° 113 ; Fig. 12.7i) a été trouvée dans une
petite structure en forme de casier (St. 313, US 206) enterré à l’intérieur de la
maison EA 17 du niveau B5. Rappelons qu’un tube en os a été découvert dans la
même structure (n° 114).
Le niveau B0 a livré quatre perles cylindriques en pierre : trois (n° 64, 96,
108) appartiennent au collier n° 1 découvert dans la sépulture St. 339et une
(n° 107 ; Fig. 12.7k) a été découverte à proximité dans une zone de construction (St.
324) probablement liée à la sépulture du collier 1 (?).
Une seule perle (n° 141 ; Fig. 12.7m) appartient au niveau B-1 et a été
découverte dans les sédiments de l’aire funéraire (US 450). Une cyprée (n° 114) a
été découverte à proximité.
521
Parmi les 14 perles cylindriques, huit sont entières et cinq présentent des
fractures diverses : longitudinalement dans le sens de la perforation (n° 200 et 186,
64), au niveau de l’une des extrémités (n° 137) ou dans les deux sens (n° 12). Un
élément, (n° 108) a été abandonné, en cours de fabrication. Outre les cassures,
certains éléments sont fragiles comme les perles en malachite. Elles présentent une
surface très fissurée et fibreuses et ces fibres se désagrègent à la moindre
manipulation.
Les dix perles cylindriques en pierre sont très variées, cette diversité est
également connue au sein des perles d’autres types ainsi qu’au sein de la famille
des rondelles. Nous avons distingué la turquoise pour la perle n° 64 provenant du
collier n° 1. La malachite, par sa couleur vert cuivre caractéristique, a été
déterminée pour deux perles, la première appartenant au collier n° 1 (n° 96) et une
fragmentaire (n° 12) provenant du niveau B3.
La classe des silicates a été identifiée pour cinq perles. L’une d’elles (n° 34 ;
Fig. 12.7k), de couleur vert clair marbré de vert sombre gris et de jaune, pourrait
appartenir à la famille des serpentines (lizardite ?). Cette roche a également été
reconnue pour un élément (n° 192) (cf. infra) dont la surface est craquelée et
abîmée. La perle n° 107 (Fig. 12.7l) est en roche tendre translucide à éclat gras, de
couleur vert sapin, peut-être en talc vert. Les trois perles restantes (n° 108, 23 et
141 ; Fig. 12.7j et m) sont fabriquées dans des roches de la famille des chlorites.
Dans les deux premiers cas, ces roches sont de couleur gris anthracite à tonalités
verdâtres et à éclat mat ; il s’agit probablement d’une variante de chlorite, comme
le clinochlore ou la chamosite. Dans le troisième cas, la roche est de couleur
grisâtres à tonalités vertes évoquant le chlorite.
Une perle (n° 113 ; Fig. 12.7i) a été réalisée dans une roche sableuse de type
grès et de couleur rose-saumon. Enfin, appartenant à la classe des carbonates, la
522
perle n° 186, de couleur orange claire à éclat mat, pourrait être en calcaire chauffé
(rubéfié).
Elliptiques
Les perles elliptiques de Tell Aswad sont au nombre de quatre. Elles sont
toutes de section elliptique. Parmi elles, deux proviennent du niveau B12. L’une
(n° 233) fait partie du collier n° 2 découvert dans la sépulture (St. 796, US 798) et
l’autre (n° 239) appartient au collier n° 3 provenant de la sépulture (St. 787, US
792). Les deux autres (n° 184 et 187) sont de la phase moyenne du secteur C
(niveau C4) et forment le collier n° 5 avec deux autres perles plates (n° 185 et 188).
Ce collier a été découvert près du cou d’un individu enterré dans une sépulture
(St. 10, US 13).
Ces perles ne présentent aucune fracture. Leur gabarit est un peu plus petit
que celui des perles cylindriques (Tabl. 12.13).
Le matériau dans lequel ont été fabriqués ces quatre éléments appartient à
la classe des phosphates. Les perles de la phase moyenne du secteur C (n° 184 et
187) sont en turquoise. Les deux perles du niveau B12 (n° 233 et 239) sont réalisées
en roche verte marbrée de beige et de plusieurs tonalités de vert et gris évoquant
fortement les roches phosphatées.
B. Perles plates
Au total, 19 perles plates ont été dénombrées dans la collection. D’après
leur géométrie faciale, deux types sont distingués : les perles plates elliptiques, au
nombre de 15, et les perles plates rectangulaires au nombre de quatre. Pour une
perle fragmentaire (n° 10), le type est indéterminé.
Elliptiques
Au total 15 perles se classent en tant que perles plates elliptiques. Leur
section est lenticulaire biconvexe. Parmi elles, deux présentent des fractures. Sur
l’une (n° 193), la fracture a emporté la moitié de la perle dans le sens longitudinal,
523
au niveau de la perforation. Sur l’autre perle (n° 161), la fracture est longitudinale
mais aussi dans le sens de la largeur. Le fragment restant suggère une
appartenance au type elliptique.
Les perles plates de la phase récente sont au nombre de sept. Trois d’entre
elles ont été trouvées dans le secteur C. L’une d’elles (n° 193) provient du niveau
C2, il s’agit de l’unique exemplaire à aménagement de type « col » identifié à Tell
Aswad, découvert dans une fosse (St. 31, US 43) près d’une sépulture. Les deux
autres (n° 194 et 195) composent le collier n° 6 trouvé dans la sépulture (St. 38) du
niveau C1. Les quatre perles restantes proviennent du secteur B. L’une d’entre
elles (n° 174 ; Fig. 12.7o) est du niveau B1 et provient d’une fosse (St. 602), une
autre (n° 140 ; Fig. 12.7p) du niveau B0 et a été dans un contexte de construction
indéterminé (St. 200). La troisième perle (n° 179), est la seule à prévenir d’une
sépulture (St. 670) du niveau B-2. Enfin, la perle n° 40 (Fig. 12.7t) du niveau B-5
proviennent d’une cuvette (St. 575, US 552) contenant des ossements humains
isolés d’adulte.
524
Les perles restantes sont fabriquées en divers matériaux. Pour l’une (n° 40 ;
Fig. 12.7t), il s’agit de la turquoise, et pour quatre autres, il s’agit de roches
appartenant à la classe des silicates dont deux de la famille des chlorites (n° 140 et
193 ; Fig. 12.7p) et deux de la famille des talcs (n° 161 et n° 179). La perle n° 161 est
de couleur vert foncé et elle est translucide à éclat gras. La perle n° 179 est de
couleur noir anthracite à éclat gras et à aspect savonneux. Le matériau d’une perle
(n° 174 ; Fig. 12.7o) n’a pu être déterminé. Il est de faible dureté et de couleur blanc
beige traversé d’un réseau dense de veinules très fines couleur gris claire. Son éclat
est mat. Il pourrait s’agir d’une roche carbonatée.
Rectangulaires
Au nombre de quatre, les perles plates rectangulaires ont une section
transversale elliptique aplatie. Parmi elles, trois sont en pierre et une en os. Parmi
les perles en pierre, une seulement (n° 177) appartient à un collier, le collier n° 5
trouvé dans une sépulture (St. 723, US 720) du niveau B7. Cette perle est en
turquoise (L : 12.2 mm ; l : 9.6 mm ; e : 5 mm ; dp : 2.8 et 2.5 mm).
Les deux autres perles ont été trouvées dans des contextes particuliers.
L’une (n° 196), en malachite (L : 7.8 mm ; l : 8.3 mm ; e : 5.2 mm ; dp : 4.3 et 3.7
mm), vient d’une fosse-foyer (St. 93, US 114) du niveau B10. La troisième perle
(n° 211), en talc noir (L : 7.4 mm ; l : 6.7 mm ; e : 4.2 mm ; dp : 3.3 et 2.5 mm), a été
trouvée dans la couche brûlée d’une cuvette (St. 13, US 31) du niveau B4.
Les 19 perles plates de Tell Aswad se distinguent par leur gabarit selon le
type mais aussi si elles composent clairement un collier ou si elles ont été trouvées
isolées. Pour illustrer ces propos, nous avons mis en relation les longueurs et les
largeurs mesurées sur ces perles dans un nuage de points (Fig. 12.11). Les données
sont très variables. Une concentration de perles peut être observée parmi les
valeurs les plus faibles. Cela concerne les éléments de petite taille dont la longueur
est comprise entre 7.3 et 15.7 mm et la largeur entre 5.4 et 13.6 mm. Cette
concentration regroupe des perles elliptiques et rectangulaires. Notons également
qu’une demi-douzaine de perles présente une largeur supérieure à la longueur.
Ces perles sont majoritairement de type elliptique à l’exception de celle en
malachite (n° 196) qui est de forme rectangulaire. Les autres perles sont de type
525
elliptique et ont une longueur supérieure à 21 mm et une largeur supérieure à 16
mm. L’élément le plus grand, la perle n° 193, bénéficie d’un aménagement de type
« col » et représente l’unique exemplaire de la collection ayant ces caractéristiques.
Cet objet est cassé en deux dans le sens de la perforation. Nous avons estimé sa
largeur initiale en considérant qu’il s’agit d’une perle relativement symétrique.
La répartition des perles selon leur contexte montre que les éléments
composant les colliers trouvés dans les sépultures sont de petit gabarit et peuvent
être elliptiques ou rectangulaires. Les éléments isolés quant à eux peuvent avoir
deux gabarits, petit ou grand. Enfin, les éléments de grande taille ont été fabriqués
soit en roches noires de la famille des chlorites (clinochlore ?) ou en matériau
pouvant être de la calcite. Aucun élément de grande taille, y compris ceux
correspondant à d’autres familles typologiques comme les perles tubulaires ou les
pendeloques, n’a été fabriqué en roches appartenant à la famille des phosphates
(turquoise ou autres roches phosphatées) ou en malachite.
C. Perles standards
Les perles standards de Tell Aswad, au nombre de deux, sont en terre. La
première (n° 111 ; Fig. 12.7x) a été trouvée dans une cuvette (St. 298) du niveau B3
contenant beaucoup d’os humains isolés. Elle est de forme sphérique de section
elliptique (d : 15.8 mm ; L : 15.7 mm ; e : 13.5 mm).
L’autre perle (n° 135 ; Fig. 12.7w) a été trouvée dans une fosse (St. 140) du
niveau B2. Elle est cassée en deux dans le sens de la longueur et elle est plus
grande que la précédente. La surface de la partie conservée est ornée de plusieurs
bandes croisées. Ces bandes sont composées de sillons transversaux parallèles
entre eux et de 3 mm de longueur environ. Sur la bande la plus complète et la
moins abîmée, 20 empreintes au total ont pu être comptées. Elles pourraient
correspondre à un élément longiligne constitué de protubérances régulièrement
espacées. La boule d’argile aurait été entourée par cet élément ? Nous n’avons
malheureusement pas plus de précision.
526
Techniques et usure
Les perles en argile ont toutes été modelées manuellement, bien que nous
n’ayons pas observés d’empreintes de doigts. En effet, les formes ne sont pas très
régulières et les surfaces présentent de légers creux et bosses. Les ouvertures des
perforations ont des formes composées de courbes qui se rejoignent par des angles
ou en plis. Elles ont été sûrement réalisées avant le séchage de la masse argileuse
humide par l’enfoncement d’une tige fine à l’emplacement choisi. Sur une perle
sphérique cassée en deux, le tube de la perforation porte les empreintes d’une tige
végétale de type roseau.
Dans deux cas (n° 112 et 200), les perles ont des formes très régulières, leurs
surfaces ainsi que leurs extrémités ont été abrasées. La perforation, dont les
ouvertures sont très régulières et de forme circulaire, a probablement été réalisée
par forage. Une portion de strie fine circulaire est observée sur l’une des
ouvertures de la perle n° 112. Les deux éléments cylindriques de section elliptique
en terre (n° 213 et 214) du niveau B10 n’ont pas de perforation. Leurs surfaces ont
été abrasées ainsi que leurs extrémités. Il s’agit très certainement d’ébauches de
perles en terre destinées à être forées (?). La cuisson de ces éléments peut être
intentionnelle. Nous suggérons que l’artisan a profité de la malléabilité de la
masse argileuse afin de produire rapidement une ébauche de forme et de volume
approximatifs. Ensuite, afin de donner des attributs volumiques plus précis, il a eu
recours à une source de chaleur rendant la masse argileuse dure et apte à la
transformation par l’une des techniques utilisées généralement pour la pierre, celle
de l’abrasion.
Les supports des perles en pierre ont tous été façonnés par abrasion. Rares
sont les perles conservant encore les stries d’abrasion car elles présentent toutes
des stigmates d’usure, notamment l’effacement des stries et l’émoussement des
bords. Dans le cas de l’élément n° 108, la fabrication n’a pas été terminée et les
stries d’abrasion longitudinales sont encore visibles.
527
en cours de fabrication. Sur d’autres cas, la surface externe de la perle porte les
traces d’un tube de forage qui a été abrasé par la suite mais n’a pas été entièrement
éliminé.
(«perles biforées »)
Le site de Tell Aswad a fourni quatre perles biforées, toutes façonnées selon
un volume cylindrique à section elliptique plate. Deux perforations longues
parallèles sont disposées bilatéralement dans le sens de l’axe principal (CY.2.II.L.1)
(Tabl. 12.10).
Enfin, la perle de la phase récente (n° 13) a été trouvée au fond d’un foyer
creusé dans le sol (St. 573) de la maison EA 27 du niveau B1. Elle présente une
fracture longitudinale sur l’une des deux perforations sans que cette fracture
affecte le volume général. Cet élément a été fabriqué en turquoise couleur vert
bleu pâle traversée par des veinules marron. Trois des quatre perles biforées (n° 8,
13 et 109) ont plus ou moins le même gabarit (en moyenne, L : 8.3 mm ; l : 7.1 mm ;
e : 3.7 mm). Quant à celui de la perle n° 175, il est plus grand (L : 14.4 mm ; l : 8.6
mm ; e : 4.7 mm).
528
Les perles biforées, fabriquées en roches relativement tendres, ont été toutes
façonnées par abrasion. Cependant, l’usure a effacé toute trace de fabrication,
notamment sur l’élément le plus ancien (n° 109) dont même le volume a pu être
affecté par l’usure. En effet, des encoches relativement grandes ont été
documentées sur une face (Fig. 12.7u). L’usure a également affecté la paroi
séparant les deux perforations qui présente une encoche très profonde.
12.2.7.1. La pendeloque/perle
Parmi la collection de parure de Tell Aswad figure un cas exceptionnel de
recyclage. L’objet n° 192 (Fig. 12.6k), de forme cylindrique à section elliptique,
porte deux perforations courtes parallèles unilatérales transversales (CY.1.II.C.2)
d’une part, et une perforation longue centrée axiale (CY.1.I.L.1) d’autre part. Il
s’agit donc à la fois d’une pendeloque biforée et d’une perle (Tabl. 12.9).
Le matériau utilisé est une roche de faible dureté de couleur vert olive
marbrée de jaune et vert sapin et tachetée de noir à certains endroits. Dans les
zones de cassure elle présente un éclat mat. En examinant la surface à fort
grossissement la matière apparaît craquelée et se desquame sous forme des
couches très fines translucides. Elle pourrait être en serpentine-lizardite.
Il est possible que l’objet ait été muni de ces trois perforations au moment
de sa création, c'est-à-dire conçu ainsi dès le départ. Toutefois, nous ne
529
connaissons aucun exemplaire comparable, aucun objet en pierre ni en terre de ce
genre dans le registre néolithique proche-oriental. Par contre, les exemples de
recyclage sont nombreux pour cette période et cette région, notamment sur les
éléments fabriqués en matériaux allochtones. À quelle catégorie appartenait cette
pièce au moment de sa confection ? Une perle ou une pendeloque biforée ? L’état
très avancé de l’usure ne permet pas de répondre à cette question. En effet, les
indices tracéologiques permettant d’établir une hiérarchie dans les gestes et
opérations techniques sont inexistants. La perforation longue étant cassée, elle ne
permettait plus l’attache de l’objet. L’une des deux perforations courtes était
encore utilisable. Il est possible que la dernière utilisation de l’objet ait été comme
pendeloque biforée attachée par la perforation non cassée. Cependant, cela ne
permet pas d’établir un ordre dans les deux fonctions.
530
découverte dans cette sépulture mais nous ne pouvons pas faire la relation entre
les deux éléments.
Le matériau utilisé est une roche couleur beige traversée par des veinules
de couleur gris clair et parsemée de points et de taches orangés. Il est difficile de
déterminer sir ces derniers font partie de la composition minérale ou s’ils sont le
résultat d’un dépôt post-dépositionnel. De faible dureté (3.5 sur l’échelle de Mohs)
et d’éclat terne à mat, il s’agit d’une roche carbonatée de type calcite.
Comme nous l’avons noté plus haut, la forme de crochet n’est ici
mentionnée que pour sa valeur descriptive. L’interprétation que l’on peut avancer
ici est très risquée puisqu’il s’agit de la seule pièce présentant ces caractéristiques.
531
Etant donné que les représentations schématiques sont fréquentes sur le site, que
ce soit sous forme de figurines ou encore d’objets de parure comme avec les
pendeloques contournées, il est possible d’inscrire la pendeloque n° 32 dans le
même esprit mais ici extrêmement schématique. Ainsi, la partie proximale portant
la perforation pourrait représenter une tête, la partie mésiale un buste, et la partie
distale les jambes formant un angle droit avec le buste. Le tout serait susceptible
de correspondre à une représentation humaine assise.
Notons que la pendeloque montre un léger poli sur les faces et que les
contours externes sont émoussés. La perforation présente un étirement en
direction de l’extrémité supérieure de l’élément. Les stries de perforation à cet
endroit ont été presque complètement effacées par le passage et le frottement du
lien. La pendeloque a été probablement portée, peut-être par l’un des sujets
enterré dans la sépulture commune.
Le site de Tell Aswad a fourni deux fragments (n° 138 et 139) de bracelets
qui constituent des exemples uniques dans les collections étudiées. Les deux
appartiennent au niveau B2 et ont été découvertes dans un sol (St. 138, US 156) en
radier.
Leurs portions sont issues d’une forme torique et ils se distinguent l’un de
l’autre par la section. En effet, la section de l’élément n° 138 est pentagonale avec
de côtés de longueur inégale (L : 18.8 mm ; l : 15.3 mm ; e : 6.9 mm ; di estimé : 58-
70 mm). La base du polygone correspond au côté le plus long et à la surface
interne du bracelet. Deux côtés courts perpendiculaires à la base et parallèles entre
eux correspondent aux bordures (en facettes) de l’objet. Enfin, les deux derniers
532
côtés de la forme pentagonale forment un angle et sont situés sur la surface
externe du bracelet (la surface exposée).
La section de l’élément n° 139 (Fig. 12.7m) est plus complexe et plus grande
que la précédente. La forme générale de la section s’inscrit dans un rectangle (L :
35.5 mm ; l : 14.6 mm ; e : 8.1 mm ; di estimé : 74-87 mm), mais l’un des deux côtés
les plus longs, sur la face externe du bracelet, comporte une sorte de bourrelet
(proéminence) en son centre. Nous désignons cette section comme un rectangle à
excroissance sur face externe.
Les stries de raclage sont encore visibles sur les faces internes de ces
fragments. Sur les faces externes, des stries d’abrasion sont également visibles. Le
relief sur l’élément n° 139 a été mis en forme par raclage. L’effacement partiel des
stigmates de fabrication, le léger lustre sur les surfaces et le faible émoussement
des reliefs suggèrent que les bracelets ont été portés peu de temps avant qu’ils
aient été fracturés.
Les cylindres, les ellipsoïdes et les formes qui en sont issues sont les plus
communes parmi les formes géométriques reconnues dans la parure de Tell
Aswad, tandis que les formes prismatiques sont rares. Cette tendance est observée,
nous l’avons vu, pour les autres sites étudiés jusqu’à présent.
Les classes typologiques identifiées pour Tell Aswad sont communes pour
tous les sites du corpus. Les rondelles, les pendeloques, les perles (y compris les
perles biforées) sont présentes dès la phase ancienne (horizon PPNB ancien). Les
pendeloques biforées et les éléments biforés n’apparaissent qu’à partir de la phase
moyenne (horizon PPNB moyen) et sont réalisés sur des matières dures d’origine
533
animale. Notons que ces deux classes sont fabriquées en pierre, notamment en
calcaire, au cours des périodes précédentes (Khiamien, PPNA et PPNB ancien) sur
les sites du Moyen Euphrate. Les fragments de bracelets, quant à eux, proviennent
de la phase récente. Il convient par ailleurs de rappeler que dans notre corpus c’est
uniquement à Tell Aswad qu’a été documenté ce type d’objet, bien qu’il soit bien
connu pour la période PPNB sur d’autres sites comme à Cafer Höyük (Maréchal
1985a) en Anatolie orientale et à Ba’ja (Hintzman 2011) en Jordanie.
534
12.6. Conclusion
La collection de parure de Tell Aswad est l’une des plus riches du corpus
étudié. Cette richesse concerne les matériaux, les états dans lesquels se décline la
matière (de l’état brut à l’objet fini) et les contextes de découverte. Cette richesse
fait que la collection de Tell Aswad est aussi parmi les plus complexes du corpus.
La diversité des matériaux se voit notamment au sein des coquillages pour
lesquelles plus de 10 familles taxonomiques ont été identifiées. Les coquilles des
mollusques aussi bien marins que dulçaquicoles ont été exploitées. Ainsi, des
espèces méditerranéennes et de la Mer Rouge sont identifiées dès le début du
PPNB moyen. Les cyprées de la Mer Rouge apparaissent à la phase récente.
La richesse des matériaux est également observée au niveau des roches. Les
phosphates (turquoise), les feldspaths (amazonite) et la malachite proviennent très
certainement du Sud, probablement par les mêmes voies que celles des coquillages
de la Mer Rouge. Les ophiolites sont de provenance septentrionale. Leur arrivée
sur site peut être liée à celle de l’arrivée de l’obsidienne. À Tell Aswad cette
dernière provient de deux sources : Bingöl A/Nemrut Dağ en Anatolie orientale et
Göllü Dağ Est en Cappadoce (Delerue 2007, p. 313 et 369). Les deux sources sont à
proximité des gisements d’ophiolites (Alarashi et Chambrade 2010).
535
les « cuvettes ». La fonction de celles-ci demeure difficile à comprendre en l’état
actuel de la recherche. Toutefois, nous avons constaté que dans la majorité des
cuvettes où des objets de parure ont été découverts, il y avait presque
systématiquement des ossements humains isolés. Or, la pratique des
réaménagements des sépultures est bien documentée à Tell Aswad (Stordeur
2003b ; Stordeur & Khawam 2007). Certaines sépultures sont réouvertes pour
recevoir de nouveaux individus et les squelettes anciens sont repoussés ou
déplacés partiellement et déposés dans les cuvettes. Nous pensons que ce
déplacement peut concerner également une partie du mobilier funéraire,
notamment les petits objets comme la parure.
Enfin, d’après les traces d’usure, la parure trouvée dans les sépultures avait
été portée par les gens d’Aswad au cours de leur vie.
536
Partie IV
SYNTHÈSE ET DISCUSSION
537
538
Chapitre 13. Choix et origines des matériaux
539
des objets. Régulièrement, des restes de fibres ont été observés sur les coquilles de
cyprées de Tell Halula ainsi qu’à l’intérieur des perforations des perles de ce
même site. Les découvertes de ce type sont plus occasionnelles sur les perles
provenant d’autres sites comme Tell Mureybet ou Tell Aswad.
Les pierres, les coquillages et l’os constituent les trois principales catégories
des matières exploitées pour la parure dès la fin du Natoufien au Proche-Orient.
Cependant, l’évolution de leur fréquence est différente par horizon chrono-
culturelle et/ou par région. Quelle que soit la période, (Fig. 13.2) les proportions de
la pierre sont supérieures à 40% et atteignent 80% à la période du PPNB récent
(Tell Halula). Les proportions des coquillages et des matières osseuses sont
presque équivalentes avec des valeurs variant entre 5 et 31% environ.
540
Contrairement à la pierre, les matières osseuses sont progressivement
abandonnées après avoir été relativement bien exploitées à la fin de
l’Epipaléolithique, notamment au Khiamien (30%). Cette baisse est interrompue
au PPNB ancien par une augmentation apparente que l’on considère avec
prudence car elle concerne uniquement le site de Dja’de el-Mughara. Les
coquillages sont exploités tout au long des périodes qui nous intéressent avec des
proportions relativement élevées à la fin de l’Epipaléolithique (plus de 28%) mais
qui baissent fortement à partir du PPNA et surtout au PPNB ancien (moins de
4%). A partir du PPNB moyen, leur proportions atteignent leur valeur maximale,
plus de 30%, avant de baisser à nouveau, jusqu’à 21%, au PPNB récent. On note
que la courbe des coquillages sur le graphique (Fig. 13.2) présente un effet
« miroir » avec celle des matières osseuses pour la période du PPNB ancien ;
contrairement aux fréquences élevées de l’os à cette période, celles des coquillages
sont très faibles.
541
D’autres comme Ba’ja (Gebel & Bienert 1997 ; Gebel & Kinzel 2007, p. 27) Beidha
(Kirkbride 1966) au sud de la Jordanie, ou encore Tell Kerkh (Arimura 2007,
p. 284) au nord-ouest de la Syrie sont également à signaler.
Les matières premières ont été distinguées d’après leur origine124 locale
(matériaux autochtones) ou distantes (allochtones). Les matériaux autochtones
sont les coquilles d’eau douce (Theodoxus, Unio, Limnea et Melanopsis), les roches en
carbonates (sauf la malachite), les argiles et les gypses. Dans notre démarche, les
matières osseuses sont également considérées comme des matières d’origine
autochtone dans la mesure où ils proviennent d’animaux exploités principalement
pour l’économie de subsistance de ces sociétés. Autrement dit, il paraît évident
que les supports en os utilisés pour la parure proviennent majoritairement (sinon
exclusivement) des carcasses des animaux consommés par les habitants de ces
villages et non pas d’animaux absents dans l’environnement (rares) ou acquis par
échange. Les matériaux allochtones sont les coquillages marins, les phosphates, les
ophiolites, les variétés de calcédoine, l’obsidienne, l’améthyste, l’amazonite, la
malachite et le cuivre.
Dans tous les sites étudiés les matériaux allochtones côtoient les matériaux
autochtones bien qu’en proportions variables. Nous avons illustré ces proportions
par période pour chacun des sites (Fig. 13.3). Ainsi, les matériaux allochtones sont
présents dès le Natoufien final à Mureybet où ils représentent presque 40%. Au
Khiamien, où le nombre d’objets à Mureybet est beaucoup plus élevé qu’à la
période précédente, la part des matériaux allochtones reste sensiblement la même.
Au cours du PPNA, on observe une augmentation très importante des matières
allochtones, jusqu’à plus de 80%.
542
élevée. A la même période sur le site de Dja’de, l’effectif est également très faible
et les proportions des matériaux sont similaires à celles de Jerf, avec presque 60%
de matières autochtones contre environ 40% de matières allochtones. Au PPNB
ancien à Dja’de, les matières autochtones priment toujours sur les autres avec un
pourcentage de plus de 70%.
Sur le site de Tell Aswad pour la même période (rappelons toutefois que le
PPNB ancien d’Aswad est plus récent que celui de Dja’de), la situation est
différente mais là encore, la faiblesse de l’effectif est susceptible de fausser la
représentativité. Les matières allochtones y sont plus nombreuses et représentent
presque 70%. A la période suivante, sur le même site, la situation est inversée ; la
part des matières d’origine autochtone est plus élevée que celle des allochtones,
avec plus de 60%. Au cours du PPNB moyen à Tell Halula, la situation est à
l’opposé de celle de Tell Aswad. En effet, la part des matières d’origine allochtone
est représentée par plus de 65% de la totalité. Enfin, au PPNB récent de Tell
Halula, la situation change et la part des matières allochtones est extrêmement
élevée puisqu’elle est de 97% contre 3% de matières d’origine autochtone
(Fig. 13.3a).
543
économiques et socioculturels. Les notions de « distance » et de « proximité » d’un
gisement ne peuvent à elles seules expliquer la présence/absence des matériaux de
différentes origines.
Nous présentons par la suite les coquillages et les pierres selon différents
aspects concernant leur sélection ainsi que les indices recueillis par notre étude sur
la question de l’acquisition des matières et/ou des produits finis.
13.2.1.1. Choix
Les coquillages exploités appartiennent aux trois grandes classes
taxonomiques des mollusques : les bivalves, les gastéropodes et les scaphopodes.
Au sein de chaque classe, plusieurs familles et espèces sont identifiées. Cette
diversité taxonomique traduit une richesse de formes, de couleurs et de volumes
et reflètent bien évidemment le choix de l’homme. Au moins 14 taxons ont pu être
identifiés : Osilinus, Nerita, Theodoxus, Erosaria, Luria, Hexaplex, Nassarius,
Columbella, Conus, Glycymeris, Dentalium, Unio, Lymnea, Melanopsis (Tabl. 13.1).
Parmi eux, certains sont comestibles, c’est le cas des murex (Hexaplex trunculus) et
des Trochidae (Osilinus turbinatus). Leur sélection par l’homme pourrait donc être
expliquée par un intérêt nutritif. Cependant, ces coquilles portent des percements
et sont trouvées pour certaines dans des contextes funéraires et clairement
associées aux défunts, ce qui ne laisse pas lieu au doute quant à leur fonction en
tant qu’objet de parure, peut-être après avoir été consommées.
125Les rondelles en test à Mureybet sont présentes du Natoufien final au PPNA. Elles sont
fabriquées sur des coquilles de bivalves côtelées dont l’identité taxonomique reste indéterminée.
Ces éléments ne sont pas comptabilisés dans le tableau n° 1.
544
manifestent à nouveau au PPNB moyen sur le site de Tell Aswad avant d’être
complètement absentes à la période suivante, au PPNB récent.
Aucun coquillage d’eau douce n’a été trouvé sur le site de Dja’de el-
Mughara. Ce constat est étonnant étant donné que, d’une part, le site est à
proximité immédiate du fleuve et que, d’autre part, d’autres matériaux comme les
galets ont été ramassés sur les rives l’Euphrate à des fins architecturales (e.g.
radiers des sols) ou pour l’élaboration des objets de parure (cf. infra). Les seuls
éléments en coquillage trouvés sur le site sont les dentales. Au nombre de quatre,
deux sont datées de la période de transition PPNA/PPNB (Dj I) et les deux autres
du PPNB ancien. Notons qu’à l’horizon PPNB ancien d’Aswad aucun objet de
parure en coquillage n’a été documenté.
545
Theodoxus (N=9), Erosaria (N=9), Luria (N=4), Hexaplex (N=3), Nassarius (N=2),
Columbella (N=1), Conus (N=9), Glycymeris (N=1), Unio (N=1) et Dentalium (N=1).
Une partie de ces taxons a été également identifiée sur les 19 objets en coquillages
provenant des fouilles anciennes et deux taxons supplémentaires (une valve et un
labre de gastéropode) non identifiés peuvent être ajoutés à cette diversité. Ainsi,
une très large gamme de coquillages, au moins 15 taxons, ont été utilisés dans la
parure des habitants de Tell Aswad.
Dans le PPNB moyen de Tell Halula, une famille est presque exclusivement
exploitée, celle des cyprées avec un total de 150 spécimens. Deux coquilles de
Lymnea appartiennent également à cette période. Au PPNB récent, le nombre de
cyprées est plus important sur ce site et de nouveaux taxons vont être exploités :
en premier lieu les Nerita (N=56) et, en très faible quantité, des valves d’Unio (N=3)
et probablement de Glycymeris (N=1).
D’après les effectifs des taxons identifiés, les coquillages du corpus peuvent
être clairement séparés en deux catégories : les spécimens anecdotiques et les
spécimens à forte occurrence. Dans la première, ce sont les coquilles d’Osilinus,
Hexaplex, Nassarius, Columbella, Conus, Glycymeris, Dentalium, Unio, Lymnea et
Melanopsis qui sont concernées, tandis que dans la seconde, ce sont les Theodoxus,
les Erosaria, les Luria et les Nerita. Précisons que les occurrences fortes dans le
corpus, à l’exception des Theodoxus, sont issues des contextes funéraires de Tell
Halula. Toutefois, il convient de noter que les sépultures de Tell Aswad ne sont
pas plus riches en objets de parure que d’autres contextes sur le même site. Par
conséquent, la représentativité des taxons n’est pas forcément liée au contexte
archéologique de découverte mais plutôt au comportement de l’homme et de ces
choix.
A. Taxons anecdotiques ?
Bien que certains taxons soient très rares ou sous-représentés, leur sélection
n’a pas été le fruit du hasard et s’inscrit dans une tradition ancienne remontant
probablement à l’apparition de l’homme moderne. En effet, l’ancienneté des
nasses comme éléments de parure remonte au Paléolithique moyen de la grotte
des Pigeons (≈ 82 ka) au Maroc (Bouzouggar et al. 2007) et de la grotte de Blombos
546
(≈ 75 ka) en Afrique du Sud (Henshilwood et al. 2004). Des bivalves de Glycymeris,
perforées naturellement sur le sommet et portant des restes d’ocre, ont été
découvertes dans les niveaux moustériens (≈ 100 ka) de la grotte de Qafzeh en
Israël (Bar-Yosef Mayer et al. 2009), mais leur fonction en tant qu’objet de parure
reste cependant à prouver (D’Errico 2008, p. 170 ; Bouzouggar et al. 2007, p. 9964).
Au Proche-Orient, les plus anciens objets de parure dont la fonction est
indiscutable sont des coquilles marins (Nassarius, Columbella, Glycymeris) et d’eau
douce (Theodoxus,) provenant des niveaux les plus anciens du Paléolithique
supérieur de la grotte de Üçağızlı (≈ 41 ka) en Turquie (Kuhn et al. 2001).
L’utilisation des dentales est clairement attestée à la fin du Paléolithique supérieur
par la découverte dans la grotte de Jiita, à proximité de Ksar ‘Akil, des premiers
exemplaires façonnés par tronçonnage ainsi que par celle d’un dentale abandonné
en cours de sciage (Inizan 1978, p. 304). La sélection des dentales continuera
durant l’Epipaléolithique, notamment à la période natoufienne. A cette période
dans le Levant sud, les dentales vont être très largement employés, leur fréquence
atteignant parfois 90% dans les assemblages malacologiques (Bar-Yosef Mayer
1991, p. 629, Fig. 1 p. 631), à tel point qu’ils sont considérées comme un trait
caractéristique de la culture matérielle de la période natoufienne (Garrod 1957 ;
Bar-Yosef & Belfer-Cohen 1989, p. 482 ; Bar-Yosef Mayer 1991, p. 630 ; 2008). Une
diminution des proportions des dentales s’observe à partir du PPNA et surtout au
PPNB. Cette baisse est accompagnée d’une augmentation concomitante d’autres
coquillages comme les cyprées et les nérites (Bar-Yosef Mayer 1991). Bien que
notre corpus soit pratiquement dépourvu des dentales, le changement observé
dans le Levant Sud est constaté également dans le Levant nord par l’apparition de
cyprées et de nérites en proportions relativement élevées et en croissance
progressive au cours au PPNB récent.
Les nasses, les dentales, les colombelles et les Glycymeris sont certes
anecdotiques dans notre corpus mais leur présence est significative car ils
représentent des coquillages exploités bien avant que l’homme se sédentarise. Ces
taxons qui sont peu représentés dans notre corpus sont parfois fréquents dans
d’autres sites. Par exemple, à Körtik Tepe, site PPNA de l’Anatolie orientale, les
taxons que nous avons identifiés sont principalement les Theodoxus, les nasses, les
Conus, les colombelles et les dentales. Pour chaque taxon, les occurrences sont très
547
importantes et peuvent atteindre plusieurs centaines de spécimens. Dans ce site la
diversité côtoie l’abondance, ce qui n’est pas le cas pour la majorité de nos sites où
seulement la diversité est attestée. A Tell Aswad par exemple, les 14 taxons
identifiés sont représenté par moins de 50 spécimens. La même situation semble
être observée pour des sites du Levant central et sud comme à Tell Ramad
(Contenson 2000), Aïn Ghazal, Beisamoun, Jéricho, Beidha, Kfar-Hahoresh ou
Nahal-Hemar (Reese 1986 ; 1990 ; 1991 ; Bar-Yosef 1985 ; Bar-Yosef Mayer 1997 ;
2005 ; Bar-Yosef Mayer & Heller, 1987), sites qui partagent des traits culturels
communs avec Aswad, notamment en ce qui concerne le domaine rituel et
symbolique (pratiques funéraires, crânes surmodelés). La diversité taxonomique
des coquillages, conjointement avec la faiblesse des effectifs, peut être expliquée
par le rôle que jouait un village comme celui de Tell Aswad, probablement celui
d’un « point relais » de circulation et d’échange d’un grand nombre de produits et
de matériaux entre le sud et le nord (Helmer & Gourichon 2008 ; Stordeur et al.
2010, p. 55).
Les troques (Trochidae), les murex, les limnées et les Melanopsis semblent
être des taxons à la fois anecdotiques et sous-représentés non seulement dans
notre corpus mais aussi dans les autres sites contemporains de la région. Quant
aux Unio, ils ont été exploités au Néolithique pendant des millénaires mais
toujours en faibles quantités.
B. Taxons abondants
Les Theodoxus sont les coquillages le plus largement répondus au Proche-
Orient tant géographiquement que chronologiquement. Avec les dentales, les
nasses et les colombelles, ces coquilles peuvent être considérés comme des taxons
« classiques » que les Néolithiques ont toujours utilisés pour leurs parures. Quant
aux cyprées, bien que quelques spécimens aient été trouvés dans le Natoufien du
Levant Sud126 (Bar-Yosef Mayer 1991, p. 629), elles peuvent être considérés dans
notre corpus, ainsi que les nérites, comme des « nouveautés » pour la période du
PPNB moyen avec des effectifs relativement importants dès leur introduction.
Enfin, les nérites marines sont considérées ici comme un taxon relativement
548
abondant car elles sont représentées par plus de 50 spécimens à Tell Halula et
parce qu’elles apparaissent parallèlement aux cyprées sur les sites étudiés mais
aussi sur un grand nombre de sites du Levant central et sud (Bar-Yosef Mayer
1991).
Pour résumer, d’après leur récurrence par site et par période, et aussi
d’après leur histoire dans le domaine de la parure, le choix des coquillages par les
villageois épipaléolithiques et néolithiques varie entre des genres « classiques » et
des « nouveautés ». Les genres classiques sont exploités en quantités relativement
importantes et durablement comme les Theodoxus ou en quantités faibles mais
durablement comme c’est le cas pour les dentales, les nasses, les colombelles et les
unios. Les genres comme Osilinus, Melanopsis ou Lymnea sont rares et exploités
pour la parure de manière très ponctuelle. Les Trochidae sont par exemple
présentes au Natoufien final de El-Wad (Weinstein-Evron et al. 2001, p. 107), les
Melanopsis sont mentionnées à Kfar Hahoresh (Bar-Yosef Mayer 2005, p. 181) sans
que l’on sache s’ils ont été utilisés pour la parure. Par ailleurs, la présence rare
d’espèces d’eau douce comme les Melanopsis pourrait être simplement d’origine
naturelle et intrusive comme par exemple transportés accidentellement sur le site
avec la terre à bâtir (ibid., p. 182). Enfin, à partir du PPNB moyen on constate un
changement important dans les choix ; les nouveaux genres, les cyprées et les
nérites marines, sont d’avantage sélectionnées au détriment des genres
« classiques » comme les Theodoxus et les dentales.
13.2.1.2. Provenance
L’origine des taxons d’eau douce est à chercher dans les fleuves ou rivières
à proximité des sites. Les coquilles marines proviennent soit de la
Méditerranéenne, soit de la Mer Rouge.
Les Theodoxus se rencontrent surtout dans les rivières et les canaux des
terrains calcaires et particulièrement aux endroits où l’eau est agitée (Germain
1921). De petite taille, de mobilité réduite et vivant en colonies populeuses, ils sont
donc faciles à ramasser, encore vivants. Leur collecte peut se produire au moment
de l’acquisition d’eau potable par exemple. Les Limnae vivent dans les rivières, les
fossés, les mares où l’eau séjourne toute l’année. D’après L. Germain, l’espèce
549
Limnea stangalis, celle qui pourrait être présente dans notre corpus, est assez rare
aussi bien en Asie-Mineur qu’en Syrie (Germain 1921, p. 381). Les Melanopsis sont
les gastéropodes les plus caractéristiques de la faune malacologique fluviatile de la
Syrie et d’une grande partie de l’Asie-Mineure. Ce sont des animaux qui vivent
dans des colonies extrêmement populeuses dans les lacs, les fleuves, les rivières et
même les ruisseaux et les sources (ibid. 1921, p. 462). Quant aux Unio, ils sont très
communs dans l’Euphrate et le Tigre. L’espèce identifiée dans le corpus, Unio
tigridis, présente une coquille épaisse et relativement lourde. Elle est difficilement
déplaçable de son habitat durant sa vie (Plaziat & Younis 2005, p. 7). On peut donc
imaginer un ramassage des coquillages vides ou bien de leur vivant. Il est possible
que les mollusques aient été consommés avant la transformation de leur coquille.
En ce qui concerne le site de Tell Aswad, l’approvisionnement en mollusque de
Theodoxus et d’Unio devait être aussi en lien direct avec le lac Al-‘Utayba sur les
rives duquel le village néolithique était installé.
550
L’aire de répartition de l’espèce E. nebrites est assez large à la Mer Rouge
mais elle semble particulièrement présente aujourd’hui dans la partie Nord, à l’est
du Sinaï entre Eilat et Sharm el-Sheikh (Heiman 2002, p. 92). La sous-espèce E.
turdus pardalina est commune en plusieurs endroits dans cette zone, notamment
entre Eilat et Dahab (ibid., p. 103). L’aire de répartition actuelle de N. sanguinolenta
est assez large dans la Mer Rouge. Rappelons que ces mollusques, de nature
tropicale, n’habitent pas les eaux méditerranéennes.
127 Des cyprées ont été également trouvées sur le site d’Abu Hureyra (Maréchal 1985b) dont
l’origine pourrait être celui de la Mer Rouge. Rappelons qu’une grande partie de la collection
d’Abu Hureyra n’a pas été examinée.
551
minéraux de la région du Sinaï (turquoise, cuivre et probablement calcédoines), les
ophiolites et les obsidiennes du Levant nord font certainement partie des produits
de circulation.
13.2.2.1. Choix
Les matières minérales, représentées principalement par les pierres, sont les
plus fréquemment utilisées (cf. Fig. 13.1). Au total, dix groupes ont été distingués.
D’une part les carbonates, les ophiolites, les phosphates et les calcédoines, qui
rassemblent plusieurs familles et variétés, et d’autre part l’hématite, l’obsidienne,
l’améthyste, l’amazonite, la malachite et le cuivre (Tabl. 13.2). Rappelons qu’au
sein des carbonates nous avons rassemblé les calcites/calcaires, les gypses et les
argiles. Les ophiolites comprennent les talcs, les serpentines, les chlorites et les
amphiboles. Les phosphates sont composés des variétés telles que la crandallite, la
woodhouseite, la fluorapatite et l’apatite. Nous les avons traités ensemble sous le
nom de « phosphates » en raison de leur similitude ainsi que de leur différence
avec la turquoise, qui est traitée séparément. Les calcédoines concernent
majoritairement la cornaline mais l’agate et une variété jaune font également
partie des calcédoines bien qu’elles soient rares.
552
ophiolites et aux phosphates. Les mêmes groupes continuent à être exploités au
cours des périodes suivantes mais de manière non exclusive. En effet, de
nouveaux matériaux comme la malachite, la turquoise et l’amazonite apparaissent
à partir du PPNB ancien, les calcédoines à partir du PPNB moyen, le cuivre et
l’améthyste au PPNB récent.
553
n’est qu’à partir du PPNB ancien que les matériaux durs sont progressivement
introduits, sans être pour autant dominants.
Concernant les propriétés esthétiques, la couleur est sans doute l’une des
caractéristiques les plus attrayantes qui a pu jouer un rôle important dans le choix
d’un matériau. Chez les sociétés traditionnelles, les couleurs sont des véhicules
idéaux pour communiquer certaines idées ou valeurs liées par exemples à la
fertilité, le deuil, la maladie, la santé, le mauvais sort, etc. (Gollmer 1885 ; Peabody
1927 ; Inizan et al. 1992 ; Preston-Whyte & Morris 1994 ; Wickler & Seibt 1995 ;
Roux 2000 ; Sciama & Eicher 1998 ; Westerkamp 2008). Par ailleurs, la perception
des couleurs et leurs connotations peuvent être très variables d’une population à
une autre. La variation des couleurs peut être également restreinte et limitée au
blanc, noir, rouge, vert, jaune, bleu et brun (Kay & MacDaniels 1978 cité dans Bar-
Yosef Mayer 2013, p. 132).
Il important de rappeler ici que la majorité des sites étudiés sont situés à
proximité presque immédiate de l’Euphrate. Le lit du fleuve constitue une source
très riche en matériaux sous forme de galets de toutes les couleurs (blanc, vert,
noir, jaune, rouge, etc.) et dont certains portent des motifs naturels très attrayants
et d’une grande beauté. Si les habitants de ces villages avaient des préférences
pour des couleurs en particulier, ils n’avaient qu’à se servir directement à cette
source, ce qui semble avoir été le cas pour les habitants de Dja’de el-Mughara mais
pas pour ceux de Jerf el-Ahmar ou de Mureybet et encore moins de Tell Halula. En
effet, quand le choix ne se porte pas sur les carbonates, il est orienté vers des
matériaux d’origine allochtone que l’on rencontre difficilement sur les rives de
l’Euphrate (cf. infra : Provenance).
554
nuancée avec des tonalités de vert foncé. Les nuances du rouge, qui vont du
bordeaux foncé à l’orange clair en passant par certaines tonalités de rose saumon
ou de violet, sont rencontrées dans la cornaline, l’agate et l’améthyste. Les nuances
du rouge ocre sont rencontrées également dans les calcaires chauffées, dans le grès
et dans une variété de talc riche en oxyde de fer, « le talc rouge ». Le rouge/marron
est la couleur de certaines hématites. Enfin, la couleur verte a une large gamme
des nuances. La malachite a une couleur de base verte légèrement bleuâtre mais
combine également plusieurs tonalités de vert allant du plus foncé au plus clair.
Le cuivre est généralement d’un vert clair en surface (il devient foncé quand il est
oxydé). Le seul élément en obsidienne identifié dans notre corpus est de couleur
vert foncé fumé. Le vert foncé est également identifié pour les chlorites. Les verts
jaunâtres, bleuâtres ou grisâtres se rencontrent dans les talcs et dans les
serpentines. Pour ces dernières, les tonalités du vert se caractérisent par une
composition marbrée. Dans les phosphates, la couleur dominante est également le
vert bien que le rouge, le brun et le blanc puissent être également rencontrés dans
une roche mais toujours en association avec le vert. La couleur de la variscite et de
la turquoise varient du vert pâle au bleu turquoise. L’amazonite est d’une couleur
vert pomme émeraude caractéristique et tachetée de blanc.
La diversité des matériaux traduit donc une richesse dans les couleurs des
éléments de parure. Si l’on se base sur cela, il apparaît que dans les périodes
anciennes, du Natoufien au PPNA, les couleurs principales étaient moins variées
que celles des périodes suivantes. En effet, au cours du 11e et 10e millénaires, les
couleurs sont dominées par des tons foncés de vert et de gris (e.g. chlorite)
(Fig. 13.6a) tandis qu’à partir du PPNB ancien les couleurs vont être plus
fréquemment dans les tons clairs de blanc (carbonates) et de vert (turquoise, talc)
qui, à partir du PPNB moyen, associent la couleur rouge (cornaline). Cette
association s’inscrit certainement dans une recherche de contraste pour les
assemblages128 des éléments de parure (e.g. colliers et bracelets de Tell Halula
composés de perles et de rondelles en turquoise et cornaline) (Fig. 13.6b). Y a-t-il
un sens aux assemblages de couleurs contrastées autre qu’esthétique ? D’après
certains auteurs, les parures à perles de couleurs fortement contrastées
symbolisent l’appartenance à une identité noire en Afrique australe
555
indépendamment de toute appartenance ethnique (e.g. Carey 1998, Preston-Whyte
& Morris 1994).
Si dans le Levant nord les couleurs des éléments de parure en pierre varient
au cours du temps, certains auteurs proposent pour le Levant Sud que la couleur
dominante est celle du vert, couleur qui se manifeste sur les objets de parure en
pierre dès le Natoufien récent (Bar-Yosef Mayer & Porat 2008, p. 8548). Cette
observation est basée sur l’étude de 200 éléments de parure en pierre provenant de
huit sites datant du Natoufien récent, du PPNA et du PPNB en Israël, périodes au
cours desquelles l’agriculture se met en place. Ainsi, les auteurs voient dans les
éléments de parure de couleur verte une imitation des jeunes feuilles des plantes
qui signifient la gémination et incarnent ou symbolise l’aspiration à une fertilité
réussite et des cultures prospères : “We propose that the green color mimics the green
of young leaf blades, which signify germination and embody the wish for successful crops
and for success in fertility”(ibid., p. 8549). Une fonction apotropaïque est attribuée à
ces éléments qui auraient pu servir à des pratiques de guérison avec des plantes
médicinales (ibid.). Bien qu’elle soit intéressante, nous n’adhérons pas à cette
hypothèse car l’échantillon étudié nous semble peu représentatif et restreint à une
région en particulier, et parce que de telles pratiques restent invérifiables
archéologiquement. De plus, dans notre corpus, les éléments de parure en pierre
que nous avons étudiés et qui s’inscrivent également dans la période des débuts
de l’agriculture ne sont pas dominés par la couleur verte, même si elle est
généralement bien représentée.
Le choix de la couleur verte pourrait être attesté pour les objets de parure
découverts dans un contexte particulier, celui de l’ensemble des sites de Wadi Jilat
et d’Azraq au Nord de la Jordanie (Wright & Garrad 2003 ; Wright et al. 2008), où
des ateliers de fabrication ont été découverts. Ces sites sont des campements
saisonniers datant de la fin du Néolithique précéramique B (PPNC), à une époque
où les sociétés habitant les régions fertiles voisines pratiquent pleinement
l’agriculture et l’élevage. Certains de ces sites se trouvent non loin des gisements
des marbres de Dabba, matériau qui se décline en plusieurs couleurs : vert, violet,
rouge et noir (Wright et al. 2008, p. 137). Or, la majorité des éléments de parure (en
cours de fabrication ou finis) découverts dans ces sites est en marbre de couleur
verte (Wright & Garrad 2003, p. 227). Les explications de ce choix très ciblé
556
peuvent être multiples : qualités physiques du matériau, abondance, goût
esthétique. Chacune des questions nécessitent d’être examinée avant d’aborder le
symbolisme de la couleur.
13.2.2.2. Provenance
Pour rappel, les matériaux considérés comme autochtones sont les
carbonates, les argiles et le gypse qui sont tous susceptibles de provenir des séries
sédimentaires locales dans les environs des sites étudiés. Les matériaux
allochtones sont les ophiolites, l’amazonite, les phosphates, le cuivre, la malachite,
les calcédoines, l’améthyste et l’obsidienne. A l’exception de cette dernière,
l’origine de ces matériaux est très difficile à déterminer car, pour un matériau
donné, il n’est actuellement pas possible de distinguer un gisement d’un autre.
Toutefois, quelques pistes peuvent être proposées. Ainsi, nous nous sommes
intéressées, d’une part, à la localisation des gisements les plus proches des régions
qui nous concernent et, d’autre part, aux maillages des sites contemporains entre
ces gisements et les sites étudiés (Alarashi & Chambrade 2010).
L’aire de répartition des roches ophiolitiques (Fig. 13.4) est vaste au Proche-
Orient. Les formations ophiolitiques les plus proches sont celles du nord-ouest de
la Syrie (Santallier et al. 1997, Fig. 6, p. 62), dans la région d'Antioche (Baër-Bassit)
(Parrot 1977). Les ophiolites sont également répandues dans plusieurs massifs de
la barrière montagneuse du Taurus en Turquie au sud et au nord de l’Anatolie. A
Chypre, les massifs d’ophiolites sont concentrés à l’ouest et au centre de l’île. La
chaîne montagneuse d’Oman au sud-est de l’Arabie est également très connue par
ses concentrations ophiolitiques (Santallier et al. 1997, Fig. 6, p. 62), mais nous
l’avons écartée de notre étude car elle est très éloignée de nos régions. Ainsi, nous
délimitons l’aire d’approvisionnement des roches ophiolitiques à une zone
septentrionale (Fig. 13.4). Les amphiboles peuvent prévenir des mêmes aires de
répartition que celles des ophiolites mais également des zones de métamorphisme
océanique des ophiolites (Santallier et al. 1997, p. 61) comme par exemple la région
d’Antioche (Parrot 1974).
557
est donc possible. Toutefois, hormis sous forme de nodules au sein de roches plus
résistantes les matériaux tendres ne résistent pas à ce type de transport (Maréchal
& Alarashi 2008, p. 604). Le transport anthropique des ophiolites, probablement
sous forme de produits finis, est l’hypothèse que nous privilégions, notamment
pour la période PPNA.
Dans une étude que nous avons menée en collaboration avec M.-L.
Chambrade129 sur la provenance des matériaux employés dans la fabrication des
parures de Mureybet (Alarashi & Chambrade 2010), des voies de circulation
théoriques entre le site de Mureybet et les gisements en ophiolites ont été tracées
grâce à l’outil SIG130 qui permet de calculer les cheminements de moindre
contraintes topographiques131. Deux axes furent proposés, le premier est orienté
vers le nord-est, le second vers le nord-ouest (Fig. 13.7)132. Le choix de ces axes a
d’abord été motivé par la localisation des gisements d’obsidienne identifiés
comme sources d’approvisionnement pour Mureybet : Göllü Dağ est en
Cappadoce et, à partir du PPNA, Bingöl B en Anatolie orientale (Delerue 2007,
p. 182). D’autre part, ces deux axes s’appuient également sur un maillage
géographique des sites contemporains qui partagent des traits communs du point
de vue de la culture matérielle133.
Parmi les ophiolites, les chlorites sont particulièrement abondantes dans les
niveaux PPNA de Mureybet, de Tell ‘Abr 3 (Yartah 2013), de Tell Qaramel
(Mazurowski 2010) et en moindre effectif à Jerf el-Ahmar. Dans ces sites, une large
gamme d’artefacts a été fabriquée en chlorites : parure, vases décorés, plaquettes
gravées, pierres à rainures, bâtons polies et figurines en ronde bosses.
Dans des sites contemporains de l’est anatolien, comme par exemple Körtik
Tepe134, le mobilier en chlorite, entre autres roches et minéraux, est exceptionnel
(plusieurs dizaines de milliers d’objets) (Özkaya & Coşkun 2011). Il est
pente en déterminant, pour un marcheur, le chemin le plus aisé d’un point à un autre (Barge &
Chataigner 2004).
132 Calcules et carte réalisées par M.-L. Chambrade.
133 Les œuvres architecturales de grande envergure comme les bâtiments communautaires
représentent également un trait commun pouvant réunir des sites de la période PPNA qui sont
relativement éloignés entre eux géographiquement parlant.
134 Mais aussi sur les sites de Hallan Çemi, Demirköy, Gusir Höyük, Çayönü (Özdoğan et al. 2011 :
vol 1).
558
essentiellement trouvé dans les sépultures. Pour une catégorie d’artefact comme
celle des vases, les similitudes dans les formes et dans les motifs entre les
spécimens mureybétiens et ceux de la vallée du Tigre sont frappantes. Les motifs
décoratifs (Lebreton 2003, p. 83) partagent les mêmes thèmes, qui sont
généralement géométriques et zoomorphes mais parfois figuratifs avec des scènes
où figure l’homme comme protagoniste. Les types de parure que nous avons
examinés à Körtik Tepe135 sont très diverses. Les rondelles cylindriques y sont le
type prédominant et sont utilisées dans la composition des colliers (un même
collier pouvant être composé de plus de 900 rondelles). Elles sont très similaires
aux rondelles en chlorite de Mureybet, bien que de gabarit généralement plus
grand (cf. chapitre 14). Rappelons par ailleurs qu’hormis un bâtonnet en chlorite
pouvant être destiné à la fabrication des rondelles, aucun objet de parure en
ophiolites sur les sites syriens n’a été trouvé en cours de fabrication (contrairement
aux objets en phosphates).
D’après les données géographiques ainsi que d’après les similitudes dans la
culture matérielle, nous proposons que les objets de parure en ophiolites
proviennent à l’état fini des sites contemporains de l’Anatolie orientale, tels que
Körtik Tepe. Ces objets arrivaient probablement avec d’autres catégories
d’artefacts comme par exemple les vases en chlorite mais aussi avec de
l’obsidienne de Bingöl, source d’approvisionnement proche de Körtik Tepe, qui
commence à être présente dans les sites du Moyen Euphrate au cours du PPNA,
en complément de celle de la Cappadoce qui était exploitée depuis bien plus
longtemps (Delerue 2007).
Une seule perle en obsidienne fait partie de notre corpus, elle date du PPNB
moyen de Tell Halula. Cet élément n’a pas bénéficié d’analyses spectrométriques
permettant d’identifier le gisement exploité. Néanmoins, cette perle, de couleur
vert foncé à gris et peu transparente, pourrait prévenir de Bingöl A, gisements
proches du lac Van en Anatolie orientale. En effet, les obsidiennes de l’un des
gisements de Bingöl A (Çavulşar) sont connues pour être de couleur vert foncé
(Delerue 2007, p. 40). Nous ignorons si des obsidiennes d’autres gisements
auraient les mêmes caractéristiques. Toutefois, il semble que les obsidiennes vertes
soient plutôt originaires de la région orientale de l’Anatolie (T. Carter, comm.
559
pers.). Les analyses spectrométriques réalisées sur un échantillon d’obsidienne de
Tell Halula montrent une provenance multiple, de Göllü Dağ est et Acigöl ouest
en Cappadoce, et de Bingöl A et Bingöl B/Nemrut Dağ en Anatolie orientale
(Delerue 2007, p. 211). Par conséquent, notre proposition d’une provenance
orientale de l’obsidienne utilisée pour la perle pourrait être très vraisemblable
étant donné que certains éléments trouvés dans le même site proviennent de
Bingöl A.
560
Au Proche-Orient, les gisements de turquoise sont peu nombreux. En
Turquie, les sources ne sont pas signalées. Les plus connus sont ceux du sud-ouest
du Sinaï : Wadi Magarah, Gebel Adeida et Serabit el-Khadim (Hauptmann 2004,
p. 173 ; Bloxam 2006, p. 278) (Fig. 13.4). Ceux qui sont très éloignés de notre région
d’étude (Iran et Afghanistan) ne sont pas mentionnés ici. La turquoise identifiée
au sein du corpus pourrait prévenir du sud, du désert du Sinaï. En effet,
l’augmentation des effectifs des éléments en turquoise au sein du corpus est
observée au cours du PPNB moyen, période durant laquelle des coquillages
provenant de la Mer Rouge furent introduites dans le Levant Nord. Comme pour
les chlorites, aucun fragment brut de cette matière n’a été trouvé sur les sites
étudiés. De même, les éléments en turquoise en cours de fabrication sont
complètement absents. L’hypothèse de l’arrivée des objets à l’état fini est donc très
probable. Les centres de production de ces objets seraient situés au sud, près des
sources d’approvisionnement.
561
C’est également au Levant sud que les mines du cuivre sont les mieux
connues, plus précisément sur les marges orientales et occidentales du Wadi
Arabah, à Feiynan, Timna et Wadi Abu Kusheibah (Fig. 13.4). Dans ces mines, le
cuivre et la malachite se rencontrent avec d’autres variétés (ibid.). En raison de leur
emplacement géologique isolé, chaque dépôt a une composition minéralogique et
pétrographique spécifique. Cependant, les analyses ne permettent pas toujours de
faire remonter un échantillon archéologique analysé à sa source exacte
(Hauptmann 2004, p. 173). L’exploitation de ces mines avec des techniques
propres à la métallurgie est attestée à partir du Chalcolithique. Toutefois, des
indices pourraient témoigner d’une extraction dès le Néolithique précéramique
(Weisgerber 2006, p. 4).
Dans le Levant central, à Tell Ramad, site voisin de Tell Aswad mais plus
récent (PPNB récent et final), H. Contenson signale la découverte d’une perle
(Contenson 2000, p. 118) et d’une pendeloque en cuivre natif (France-Lanord &
Contenson 1973). Même si le cuivre n’est pas attesté à Tell Aswad, des petits
fragments de malachite brute ainsi que des perles en malachite y ont été
découverts. Enfin, le cuivre pourrait prévenir également du Chypre (Fig. 13.4). Il y
a en a aussi probablement au nord d’Alep (Quenet 2008).
562
En Syrie, les roches siliceuses de type calcédoines sont exploitées pour les
objets de parure, comme nous l’avons vu à Tell Halula, au moins dès le PPNB
moyen. Les sources d’approvisionnement de la cornaline, variété principale
identifiée dans le corpus, ne sont pas connues. Toutefois, un approvisionnement
depuis les plages et les terrasses de l’Euphrate n’est pas à exclure. En effet, nous
avons personnellement ramassé à plusieurs reprises des nodules de calcédoines de
tailles différentes dans ces contextes, notamment sur les terrasses fluviatiles de
Djerablous136 près de la frontière turque. Cependant, leur qualité et leur aptitude à
la transformation n’a pas été testée, ni caractérisée (e.g. façonnage, traitement
thermique).
136 Près de la ville de Djarablous, située à quelques kilomètres de la frontière turque, les terrasses
du fleuve Euphrate se succèdent sur plus de 500 mètres de longueur. Elles sont éloignées de
quelques 250 mètres du cours actuel du fleuve (Borrell 2006, fig. 38, p. 184).
563
d’améthyste sont notamment connues en Egypte (à Wadi el-Hudi au sud-est
d’Aswan dans le désert égyptien, d’après Bloxam 2006, p. 278) (Fig. 13.4), mais il
semble que leur présence n’est pas exclue pour la Turquie (Zöldföldi 2011, p. 236).
13.3. Conclusion
Les objets de parure des sites syriens sont confectionnés à partir de trois
catégories principales des matériaux : les pierres, les coquilles et les matières
osseuses. De la fin de l’Epipaléolithique (Natoufien final et Khiamien) jusqu’au
PPNB récent, l’utilisation de la pierre augmente progressivement par rapport aux
matières osseuses qui, elles, sont progressivement abandonnées. Quant aux
coquillages, leur emploi est relativement faible à la fin de l’Epipaléolithique, au
PPNA et PPNB ancien mais augmente à partir du PPNB moyen. Ces observations
contrastent avec ce que l’on connaît dans des régions voisines : l’emploi des
coquillages est en effet plus important au cours des périodes anciennes (e.g.
Natoufien) dans le Levant Sud (Bar-Yosef Mayer 1991) et dans certains sites
contemporains (PPNA) en Anatolie orientale.
Au Natoufien final et au Khiamien, sur les sites syriens, les Theodoxus sont
les principaux coquillages utilisés pour la parure, leur provenance est sans doute
celles de sources d’eau douce à proximités des sites étudiés. A partir du Khiamien,
des coquillages de la Mer Méditerranée sont désormais aménagés en parure. Au
Levant Sud, les coquillages marins, notamment les dentales, sont employés dès le
Natoufien ancien (e.g. Mallaha, El-Wad, ibid.). Cependant, ils sont trouvés presque
564
exclusivement dans des sépultures (Bocquentin 2003). Or, pour ces périodes, les
pratiques funéraires au Levant Nord sont très mal connues. Les tubes en os longs
d’oiseaux ou de petits ruminants constituent les matières osseuses les plus
exploitées à ces périodes au Levant Nord. Au Levant Sud, ce sont principalement
les craches de cerfs, les phalanges de gazelles (Le Dosseur & Maréchal 2013) et en
moindre proportion les tubes en os. Les ophiolites, les phosphates et les
carbonates sont employés dès le Natoufien final. Les phosphates, qui sont
particulièrement exploités au cours du Khiamien, pourraient prévenir du secteur
ouest de la chaîne des Palmyrènes (Alarashi & Chambrade 2010). Les ophiolites
pourraient provenir des gisements situés dans un axe nord-ouest entre les sites de
la vallée de l’Euphrate et Göllü Dağ est, gisement identifié comme la principale
source de l’obsidienne exploitée au cours des périodes anciennes. Les carbonates
sont accessibles dans les environs immédiats des sites.
565
C’est au PPNB ancien qu’apparaissent les premières turquoises, amazonites
et malachites. Les gisements d’amazonites les plus proches connus sont ceux
situés au sud de la Jordanie. Ceux de turquoise se trouvent dans le Sinaï. Les
gisements de malachite sont présents au nord en Anatolie et au sud autour de la
Mer Morte et à Wadi Faynan.
Parmi les roches, les carbonates sont dominants, suivis par les turquoises
qui marquent une nette augmentation par rapport au PPNB ancien. L’amazonite et
la malachite continuent à être exploitées en très faibles pourcentages. Les
calcédoines, principalement la cornaline, sont désormais employés avec une
certaine intensité contrairement à l’obsidienne et au cuivre, matériaux qui
apparaissent à cette période sur les sites syriens. Ces deux matériaux sont plus
fréquents dans les sites anatoliens et leur utilisation remontent au moins au PPNB
ancien (e.g. Çayönü, cf. Özdoğan & Özdoğan 1999) pour le cuivre et au
PPNA/Khiamien (e.g. Körtik Tepe) pour l’obsidienne.
566
Au PPNB moyen, les circulations et les échanges avec le Levant Sud
semblent s’intensifier. Ainsi, les cyprées et les nérites de la Mer Rouge peuvent
arriver sur les sites du Levant Nord probablement ensemble avec d’autres
matériaux (ou produits fins) comme la turquoise du Sinaï, l’amazonite du sud de
la Jordanie ainsi que la cornaline. Le cuivre et l’obsidienne peuvent provenir de
l’Anatolie orientale.
Au PPNB récent, les matériaux utilisés pour les éléments de parure sont les
mêmes que ceux de la période précédente. Les éléments de parure à cette période
sont plus nombreux et sont principalement fabriqués en coquillages et en pierre.
Les matières osseuses sont presque absentes sur les sites syriens, et semblent
également se raréfier au Levant Sud. Les matières minérales sont très diverses. La
très forte proportion des ophiolites est à modérer car elle est issue d’une
découverte exceptionnelle (collier de 444 rondelles de Tell Halula) mais elle
indique clairement une importante exploitation de ce matériau. La turquoise se
maintient avec une fréquence élevée et celle des cornalines augmente ainsi que
celle du cuivre. Enfin, à cette période apparaît l’améthyste. Si les seuls gisements
connus actuellement sont en Egypte, la présence de l’améthyste en Turquie est
également possible.
Bien que les effectifs soient faibles au début de la période PPNB, certaines
« nouveautés » peuvent être signalées, notamment au sein de la parure en pierre.
Les roches dures, sont de plus en plus exploitées à partir de cette période. Leurs
couleurs sont plus variées que durant les périodes anciennes. Les tons clairs
(blanc, beige et vert pâle) sont dominants mais des couleurs intenses, comme le
rouge et l’orange, ont une présence remarquable dès le PPNB moyen. On notera
567
d’ailleurs que les cyprées, naturellement de couleur blanche, portent fréquemment
des traces d’ocre rouge.
568
Chapitre 14. Evolution morphologique et
typologique et marqueurs culturels
Dans ce chapitre, nous traiterons l’évolution des formes et des types des
objets de parure du corpus syrien en prenant en compte, selon les données
disponibles et lorsque c’est possible, le cadre chronologique général de la parure
dans les régions adjacentes (e.g. Levant Sud, Anatolie). Il est également question
de mettre en évidence les types susceptibles d’être des marqueurs d’une période
ou d’une région sans nous attarder sur l’intérêt des communautés humaines pour
ces types. En effet, les éléments matériels ou contextuels permettant de
comprendre le choix et la préférence pour une forme ou une création pendant une
période donnée sont très rares. Autrement dit, tenter d’expliquer comment un
objet devient « à la mode » pour des périodes si lointaines est une tâche très
difficile voire impossible car, même si nous disposons d’indices matériels directs,
l’interprétation d’un choix d’ordre artistico-symbolique ou religieux nécessiterait
une connaissance approfondie du psychisme collectif d’une société donnée et de
son évolution dans divers domaines de la vie quotidienne.
Dans l’hypothèse que la forme, plus que la matière, ses aspects et ses
couleurs, pourrait constituer le principal critère de choix dans la création des
éléments de parure, nous avons voulu nous intéresser à elle en tant que
« structure », « fondement de base » ou « âme » de l’élément. Il est important de
rappeler que, selon nous, le « type » n’est pas la forme mais le choix que l’on fait
pour représenter la forme, selon l’emplacement du dispositif d’attache. Ainsi,
avant de nous attarder sur ces choix typologiques (cf. infra : Evolution typologique
et marqueurs culturels), nous devons faire le point sur l’évolution des formes et
leurs proportions au cours des périodes qui nous intéressent.
569
soit géométriques, soit singulières137. Les formes anatomiques et géométriques sont
représentées dans tous les sites étudiés. En revanche, les formes singulières sont
rares et identifiées uniquement à Mureybet, à Dja’de et à Aswad138 (Fig. 14.1a).
Quel que soit le site ou la période, les formes géométriques sont dominantes avec
des pourcentages toujours supérieurs à 60% (voire jusqu’à 85% pour le PPNA de
Mureybet et le PPNB ancien de Aswad). Les objets anatomiques arrivent en
seconde place mais leurs pourcentages ne sont jamais supérieurs à 26%, sauf pour
le PPNB moyen de Tell Halula (>36%). Les formes singulières quant à elles sont
très minoritaires et représentent toujours moins de 0.4%.
137 Rappelons qu’il s’agit de la forme du volume de l’élément indépendamment de son type.
138 Les formes singulières sont présentent également à Abu Hureyra (Sidéra 1998, fig. 10 : 6, p.230).
570
traitée, indirectement, dans le chapitre précédent sur le choix des matières
premières (cf. chapitre 13, Tabl. 13.1).
Les volumes issus des cylindres sont majoritaires (Fig. 14.2) et représentent
plus de 80% au Natoufien final et au Khiamien, plus de 70% au PPNA et au PPNB
récent et plus de 50% au PPNB ancien et moyen. Au cours du temps, leurs
proportions décroissent contrairement à leurs effectifs qui accroissent. Les
volumes issus des ellipses sont également identifiés pour toutes les périodes mais
leur fréquence est moindre. Ils représentent moins de 12% au Natoufien et au
571
Khiamien et entre 19 et 25% à partir du PPNA. Les volumes prismatiques
apparaissent au Khiamien et perdurent jusqu’au PPNB récent. Peu nombreux, leur
fréquence est de 2 à 3% dans le Khiamien, le PPNA et le PPNB récent, de presque
7% au PPNB moyen et jusqu’à plus de 19% au PPNB ancien. Les formes toriques
sont identifiées dans le Khiamien, le PPNA et le PPNB moyen. Les formes
sphériques apparaissent à partir du PPNA tandis que les formes biconiques
apparaissent au PPNB moyen et augmentent nettement au PPNB récent. Enfin, les
formes coniques sont signalées seulement dans le PPNB récent. Les volumes
toriques, sphériques, coniques et biconiques sont sous-représentés avec des
pourcentages inférieurs à 1%, sauf dans le cas des sphères du PPNB ancien (2.3%),
et des formes biconiques du PPNB récent (3.4%).
Parmi les coquillages, les plus fréquents sont les cyprées, les Theodoxus, les
nérites marines et, en moindre nombre, les nasses. Les perforations sur les cyprées
et les nasses sont principalement situées sur le dos. Pour les nérites et les
Theodoxus le sommet est l’emplacement préférentiel des perforations. Les cônes,
les colombelles, les Hexaplex et les Melanopsis, de forme conique allongée à section
circulaire, sont rares. Les perforations sont souvent situées sur la zone de l’apex
dans le cas des cônes et des colombelles, rarement sur le dernier tour. Le seul
spécimen de Melanopsis et les trois Hexaplex sont perforés notamment sur le
572
dernier tour. Les Unio et les Glycymeris, de forme conchoïdale, sont percés sur le
sommet. Pour les dentales, de forme tubulaire légèrement conique et arquées, leur
cavité naturelle sert directement de trou de suspension.
573
« pendeloques/amulettes » au cours des périodes plus récentes (Néolithique
céramique et Chalcolithique) (Maréchal 2000, p. 213). Enfin, la représentation du
corps animal entier en position « sur quatre pattes » est très rare sur des supports
de parure. Il pourrait s’agir de figurines en pierre converties en éléments de
parure (pas forcement destinées à parer le corps humain). Nous connaissons un
exemple de pendeloque en pierre noire provenant de Çayönü datant
probablement du PPNB ancien (Erim-Özdoğan 2011, fig. 80, p. 269) et une autre en
roche blanche et noire découverte dans une sépulture d’enfant datant du
Néolithique céramique ancien (Phase el-Rouj 2c) de Tell Ain el-Kerkh au nord-
ouest de la Syrie (Hudson et al. 2003, fig. 5).
574
dorsum ». Ce type est le plus commun dans tout le Levant. Toutefois, d’autres
types sont présents mais rares. Il s’agit des cyprées sans dorsum à perforation
ventrale, des cyprées à une, deux, voire quatre perforations sur le dorsum
conservé et à perforation ventrale, ou encore des cyprées sans dorsum à
décoration ventrale et latérale. Ces types sont documentés dans notre corpus à Tell
Aswad mais aussi dans des sites du Levant central et sud comme à Ain Ghazal (D.
Reese, comm. pers.) et à Ba’ja (Bienert & Gebel 2004, fig. 13, p. 134). Ces variétés
typologiques ne sont pas observées à Tell Halula. Cela pourrait signifier que les
cyprées de type sans dorsum arrivaient sur le site à l’état fini. Les cyprées de Tell
Aswad auraient pu être, quant à elles, fabriquées sur le site même selon différents
types pour des utilisations diverses. La présence d’éléments de parure en cours de
fabrication ainsi que de fragments de roches allochtones sur le site ne permet pas
en effet d’exclure un traitement des cyprées également sur place.
L’évolution des gabarits a été étudiée uniquement pour les Theodoxus car
ces coquillages sont présents sur plusieurs sites du corpus avec des effectifs qui
permettent de faire des comparaisons. Les hauteurs des spécimens de Tell
Mureybet et de Jerf el-Ahmar ont été comparées avec celles de Körtik Tepe pour la
période Khiamienne-PPNA (Fig. 14.4). D’après la médiane des valeurs, les
Theodoxus de Jerf el-Ahmar et de Mureybet sont plus petites que celles de Körtik
Tepe, les spécimens de Jerf étant toutefois un peu plus grands que ceux de
Mureybet. La variabilité dans les gabarits pourrait être liée à des différences
métriques naturelles entre les populations locales. En effet, des variabilités
morphométriques sont notées même au sein d’une seule espèce telle que T. jordani
selon les régions où elles habitent (Plaziat & Younis 2005, p. 7). L’identification au
575
niveau de l’espèce n’a pas été possible pour notre corpus. Mais nous pouvons
suggérer que les spécimens de Körtik Tepe aient été ramassés dans le fleuve Tigre
près duquel le site est situé. Il est possible que ces coquilles appartiennent à une
espèce différente, plus grande, que celle(s) provenant de l’Euphrate. Cela reste
bien entendu à confirmer notamment par l’identification précise des espèces mais
aussi par la création d’une collection de références permettant d’observer les
variabilités au sein d’une même population d’une même espèce.
Les rondelles sont les éléments de parure les plus nombreux (Fig. 14.5), elles
représentent presque 60% de la totalité. La classe des perles arrivent en seconde
place avec une proportion de plus de 34% et celle des pendeloques arrivent loin
dernière les perles avec seulement 3.6%. Les sept classes restantes sont
représentées par moins de 1% et ne seront donc pas développées ici. Notons
toutefois que parmi elles, les disques sont identifiés pour le Natoufien final à
576
Mureybet et perdurent jusqu’au PPNA. Les éléments biforés en pierre sont
présents à partir du Khiamien à Mureybet et à Wadi Tumbaq 1 (Abbès 2008, p. 16,
Fig. 22.4, rapport inédit) mais ils sont présents dans le Levant Sud dès le
Natoufien final comme à Mallaha et à Gilgal II (Bar-Yosef Mayer 2013, Tabl. 1,
p. 133). Les perles biforées en terre et en pierre sont présentes à partir du PPNA à
Jerf el-Ahmar mais à partir de la période de transition entre le PPNA et le PPNB
ancien en Anatolie orientale, elles sont plus répandues et gagnent en nombre de
perforations, jusqu’à six ou sept. C’est le cas à Çayönü comme en témoigne la
découverte d’un collier dans une sépulture collective, « the Skull Buliding » (BM1),
et composé de plusieurs dizaines de perles biforées assemblées avec des perles
multiforées (Özdoğan 1999, p. 47, fig. 23 p. 57). Les anneaux en pierre sont
présents au PPNA mais remontent au Khiamien comme en atteste à Mureybet le
cas d’un recyclage d’un fragment d’anneau en pendeloque plate annulaire. Enfin,
des fragments de bracelets ont été découverts dans le PPNB moyen de Tell Aswad
mais leur apparition remonte au moins au PPNB ancien en Anatolie orientale,
notamment à Çayönü (ibid.). A la fin du 7e millénaire (PPNB récent), leurs sections
deviennent plus complexes comme le montrent certains exemplaires en marbre
blanc et en basalte de grain fin de Çafer Höyük (Maréchal 1985), ou en obsidienne
d’Aşıklı (Astruc et al. 2011).
577
tronçonnés en fines rondelles dont la longueur (ou épaisseur) est comprise entre 1
et 5 mm (Bar-Yosef Mayer 2008, Fig. 1, p. 106). L’une des hypothèses proposées
afin d’expliquer ce changement est celle d’une diminution dans les afflux ou
l’approvisionnement de ces coquilles à la fin du Natoufien, incitant ainsi les
habitants à diviser les dentales afin qu’un plus grand nombre de personnes puisse
les partager. Le changement dans le traitement des dentales est accompagné d’un
changement dans le domaine funéraire qui consiste en l’abandon de la pratique de
parer les défunts avec les dentales (ibid., p. 107). Il pourrait s’agir donc d’une sorte
de gestion économique d’une ressource qui est devenue rare et précieuse. Notons
cependant que le site de Mallaha a fourni plus de 80 rondelles en pierre de divers
couleurs à la fin du Natoufien (Bar-Yosef Mayer 2013, tabl. 1, p. 133). Dans le
Natoufien récent d’Abu Hureyra, neuf fines rondelles en test de dentales ont été
identifiées parallèlement à quelques rondelles en pierre (Maréchal 1991, p. 603).
Les rondelles du Natoufien final de Tell Mureybet sont majoritairement en pierre
et seulement trois sont en test de coquillage non identifié mais il ne s’agit pas de
dentale. Le changement dans le traitement des dentales pourrait s’expliquer d’un
point de vue non seulement économique mais aussi artistique, comme par
exemple la volonté de mettre en avant un nouveau type, celui des petits éléments
discoïdes. C’est un type qui va être confectionné dans un matériau connu, le test
des dentales, mais aussi en test d’autres coquillages (bivalves ?) et plus encore en
pierre, récemment introduite dans le domaine de la parure. Enfin, les rondelles en
os ne sont signalées que tardivement sur les sites PPNB du Levant Sud comme
Jéricho, Nahal Oran et Yiftahel (Garfinkel et al. 2012, p. 224). Celles-ci ne semblent
pas être des tronçons de tubes en os mais plutôt des rondelles fabriquées à partir
de plaques en os.
Dans notre corpus, les rondelles ne sont dominantes que lorsqu’elles sont
découvertes regroupées au sein de colliers ou de bracelets. Ainsi, elles sont bien
représentées à Mureybet, à Tell Aswad et à Tell Halula139. Leur présence est par
contre moins marquée à Jerf el-Ahmar et à Dja’de el-Mughara.
139 Une cinquantaine de rondelles formant un bracelet provenant des niveaux PPNB récent de Tell
Abu Hureyra, nous n’avons pas pu examiner de plus près, sont exposées à l’Ashmolian Museum à
Oxford.
578
long de la séquence chrono-culturelle est le cylindrique. Les rondelles elliptiques
arrivent en second rang. On note toutefois que leur présence est souvent liée à
celle des rondelles cylindriques, notamment au sein d’une parure du type collier
ou bracelet. En ce qui concerne les types plat, biconique et globuleux, bien que leur
présence puisse remonter au PPNB moyen, voire ancien, c’est au PPNB récent
qu’ils sont clairement identifiables. Ces types peuvent être considérés comme des
« nouveautés ». Notons cependant que dans le corpus ils sont uniquement
identifiés sur le site de Tell Halula. Le type de rondelles plates est attesté en Israël
(Bar-Yosef Mayer 2013, p. 137) à Kfar HaHoresh (ibid. fig. 6.2) et à Nahal Hemar
(ibid. Fig. 6. 10), sites datant de la fin du PPNB. Le type biconique est identifié dans
les sites à atelier de parure en marbre de Mabba, les sites de Wadi Jilat/Azraq au
nord de la Jordanie (type 1b : Disc Bead Beveled) (Wright & Garrard 2003, fig.3,
p. 272). Certains de ces sites sont en partie contemporains de Tell Halula. Des
rondelles biconiques en calcite et cornaline ont été identifiées pour une période
plus récente (7e millénaire avant J.-C) et dans une région relativement distante de
la nôtre (Balouchistan-Pakistan), sur le site de Mehrgarh (Barthélemy de Saizieu
2003, Planche XII, Planche 5 et 9).
140Le processus de fabrication de ces éléments n’a pas été présenté dans l’étude technique des
rondelles de Tell Halula.
579
Le gabarit des rondelles cylindriques et elliptiques de Mureybet, Halula et
Aswad a pu être comparé avec celui des rondelles de mêmes types du site
anatolien de Körtik Tepe (Fig. 14.7). Le diamètre de la majorité des rondelles des
sites syriens, toutes périodes confondues, est plus petit que celui de la majorité des
rondelles du site anatolien. Les matériaux des rondelles du corpus sont divers,
ceux en carbonates (e.g. Aswad) sont moins nombreux que ceux en matériaux
allogènes, comme les ophiolites (principalement des chlorites et des talcs identifiés
à Mureybet et Halula). Les matériaux utilisés pour les rondelles de Körtik Tepe
sont d’une grande diversité également mais les plus communs sont les chlorites,
les talcs, certains phosphates (e.g. variscite, woodhouseite) et des carbonates.
Körtik Tepe étant situé à proximité des ressources en ophiolites et en phosphates,
il n’est pas étonnant que ces roches soient abondamment exploitées sur ce site. Les
artisans y fabriquaient les rondelles selon plusieurs gabarits, mais
préférentiellement selon un grand gabarit, probablement parce que la gestion de la
matière n’était pas un souci pour eux. Par ailleurs, sur ce site, les grands gabarits
ne caractérisent pas seulement les rondelles mais aussi d’autres classes
typologiques comme les perles, les pendeloques et les pendeloques biforées. Sans
parler d’autres artefacts comme par exemple les vases en chlorite, dont la quantité
(plusieurs centaines d’objets) et les dimensions témoignent de l’abondance
extraordinaire de ce matériau.
580
pendeloques imite de façon schématique les craches de cerf. L’imitation d’une
crache de cerf pourrait concerner également une pendeloque du Natoufien récent
du site d’Abu Hureyra (Maréchal 1991, p. 603) fabriquée en roche verte (Jadeite ?
Moore 2000, fig. 7.16g, p. 178). A Körtik Tepe, nous avons examiné également une
imitation de crache en roche schisteuse de couleur verte.
L’absence des pendeloques sériées explique leur nombre réduit par rapport
à la classe des rondelles ou celle des perles. Par ailleurs, leur gabarit, généralement
imposant par comparaison avec les éléments des classes précédentes, évoque
instantanément une place centrale au sein d’une parure composite ou une mise en
valeur par une parure simple.
Des tendances générales sur l’évolution des pendeloques ainsi que sur leurs
proportions peuvent être dégagées. Notons d’abord qu’aucune pendeloque
(géométrique, anatomique ou singulière) n’a été découverte dans le Natoufien
final de Mureybet. Elles n’y sont présentes qu’à partir du Khiamien (Fig. 14.8).
Deux familles typologiques sont distinguées au sein du corpus : les pendeloques
étroites et hautes à section arrondie et les pendeloques plates. Les pendeloques
étroites hautes à section arrondie de type simple font leur apparition au PPNA à
Mureybet, à Jerf el-Ahmar, comme nous l’avons vu, ainsi qu’à Tell ‘Abr (Yartah
2013, fig. 139, p. 155) mais cette apparition pourrait remonter au Khiamien étant
donné qu’à cette période sont présentes des pendeloques étroites à rainure, donc
plus sophistiquées. Par ailleurs, les pendeloques étroites simples sont répertoriées
dans les sites dont les dates sont plus anciennes que celles de l’horizon PPNA et
qui pourraient correspondre au Khiamien/PPNA comme à Tell Qaramel au nord-
est de la Syrie (Mazurowski 2010, fig. 19, p. 582). Ce serait aussi le cas en Anatolie
orientale comme à Hallan Cemi (Rosenberg 2011) et à Körtik Tepe où nous avons
examiné plus d’une vingtaine d’entre elles. A la différence de celles de la période
Khiamienne/PPNA, les pendeloques trouvées dans les sites PPNA de la vallée de
l’Euphrate semblent avoir des dimensions plus petites que celles de Tell Qaramel
et Körtik Tepe. En effet, ces dernières ont une hauteur qui dépasse parfois les 15
cm (e.g. Tell Qaramel) (Mazurowski 2010, fig. 19, p. 582) et elles évoquent
fortement les dimensions et les formes des « bâtons polis » dont la présence est
très caractéristique de cette période aussi bien dans le Nord de la Syrie qu’en
Anatolie orientale. Dans le PPNB ancien de Dja’de el-Mughara, deux pendeloques
581
étroites simples sont répertoriées et elles ont des dimensions aussi petites que
celles du PPNA. Le type simple n’est pas attesté dans le PPNB ancien de Tell
Aswad. Il n’est pas signalé non plus pour le PPNB moyen et récent au Levant
Nord et central.
582
appartiennent aux phases khiamiennes de Mureybet. Cependant, de forme semi-
elliptique et annulaire, celles-ci sont des éléments issus du recyclage et
représentent donc des cas isolés. Nous ne les considérons pas comme des
véritables types. Bien que les types clairement identifiables, (Fig. 14.8)
appartiennent au PPNA, leur apparition pourrait remonter au Khiamien voire à la
fin du Natoufien. Il s’agit des pendeloques circulaires, elliptiques et trapézoïdales.
Rappelons que des pendeloques trapézoïdales ont été découvertes à El-Wad dans
les niveaux du Natoufien final (cf. supra). Dans le corpus, le type elliptique est le
mieux représenté notamment au PPNA et PPNB ancien. Les types triangulaires et
rectangulaires apparaissent au PPNB ancien mais pourraient eux aussi remonter à
une période plus ancienne.
583
récent. Les perles plates sont pour certaines d’un aspect esthétique remarquable et
de dimensions importantes, ce qui, à l’image de certaines pendeloques, pourrait
indiquer leur place centrale au sein d’une parure. Cependant, une fois enfilées, ces
perles s’affichent à l’horizontale, contrairement aux pendeloques. Si les
pendeloques et les perles plates constituaient effectivement des pièces centrales au
sein d’une parure, on peut envisager leur configuration et étudier leur évolution
d’une période à l’autre.
Ainsi, les parures de la période PPNA auraient tendance, une fois portées, à
accentuer la hauteur, à favoriser l’impression de verticalité de certains éléments,
les plus grands par exemple. En revanche, à partir du PPNB moyen, les parures
tendraient à donner une représentation plutôt horizontale. La présentation des
éléments de parure à l’horizontale est assurée notamment par les perles, longues
par définition, qui occupent une place importante sur un fil. Elles donnent ainsi à
la parure un aspect richement « garni ». Notons que les perles à double
perforation, bien qu’elles apparaissent au PPNA, ne deviennent relativement
importantes qu’à partir du PPNB (cf. supra). Leur présence indique la confection
de parures plus complexe à rangée double ou plus. L’aspect richement « garni » en
est plus accentué. Bien entendu, ces hypothèses nécessitent d’être vérifiées par
l’étude d’autres collections de parure des sites couvrant les périodes concernées.
La principale catégorie de matières utilisées pour les perles est celle des
pierres, qui se décline en une grande variété de roches et des minéraux. Des
supports osseux sont également employés. Enfin, la terre a servi à modeler un
584
certain nombre d’entre elles. La distinction des matériaux est nécessaire pour
comprendre certains aspects de l’évolution des perles. En effet, les premières
perles géométriques sont en os. Plus tard elles sont fabriquées en pierre et en terre.
Les plus anciens exemples de perles géométriques que l’on connait au Levant
remontent au Natoufien ancien de Mallaha. Elles appartiennent à la famille des
perles tubulaires elliptiques et sont fabriquées sur des os longs de petits ruminants
(Le Dosseur & Maréchal 2013, p. 294, fig. 2.1-4, p. 296). Les premiers exemples de
perles en pierre proviennent du même site mais datent d’une période plus récente,
celle du Natoufien final (Bar-Yosef Mayer 2013, tabl., 1, p. 133). Dans le corpus
syrien, les perles du Natoufien final, en très faible effectif, sont uniquement des
tubes en os. Leur nombre augmente fortement au Khiamien et s’accompagnent des
premières perles en pierre ainsi qu’un exemplaire en terre sur le site de Mureybet.
D’un point de vue typologique (Fig. 14.9), les perles cylindriques montrent
une dominance par rapport aux autres types. Cette dominance s’explique par la
forte présence des perles en os, toutes étant du type cylindrique. Au Natoufien
final, seulement cinq ont été comptées mais, comme signalé plus haut, elles
représentent à elles seules la totalité des perles pour cette période. Au Khiamien,
les perles en os sont très nombreuses et continuent à avoir une place importante
au cours du PPNA et du PPNB ancien. Elles perdurent au cours du PPNB moyen
mais semblent se raréfier à partir du PPNB récent. Ce constat est valable
également pour le Levant Sud où très peu de perles tubulaires ont été découvertes
à la fin du PPNB (un à deux exemplaires) et où elles ne sont plus fabriquées sur
des os d’oiseaux ou de petits mammifères mais sur des os longs de mammifères de
plus grande taille (Garfinkel et al. 2012, p. 224). Au Levant central cela semble être
également le cas. Ainsi, à Aïn Ghazal, aucune perle tubulaire n’a été trouvée dans
le PPNB récent et une seule a été comptabilisée dans le PPNC (Le Dosseur, comm.
pers.). A Tell Ramad (PPNB récent et final) dans la Damascène, les perles
tubulaires en os sont absentes. La raréfaction des perles tubulaires en os coïncide
avec l’apparition d’un nouveau type de parure, non observé dans notre corpus,
celui des anneaux en os extraits par tronçonnage bilatéral des os longs de
mammifères de petit ou moyen gabarit (Le Dosseur 2010, p. 717 ; Le Dosseur 2006,
p. 520 ; Contenson 2000, p. 320).
585
En Anatolie, très peu de perles tubulaires sont identifiées dans les sites
datant du 8e millénaire comme par exemple à Çafer Höyük où seulement deux
perles ont été découvertes (Stordeur 1988, p.206). Sur d’autres sites de l’Anatolie
centrale, les études sont en cours. Ainsi, la phase ancienne (Level 4) d’Aşıklı
Höyük, qui date de la fin du 9e millénaire cal. BC, a fourni un bon nombre de
perles tubulaires (Christidou 2014 : billet blog Archéorient). Il serait très
intéressant de voir comment évolue ce type au cours des phases correspondant au
PPNB moyen et récent. Il serait par ailleurs utile d’étudier les changements
observés en ce qui concerne les supports osseux et leurs relations avec l’évolution
des économies de subsistance. Autrement dit, existe-t-il une correspondance entre
la raréfaction des perles tubulaires, fabriquées principalement sur os de petits
ruminants (e.g. lièvre, renard) et d’oiseaux (e.g. perdrix, grue, oie), et la diminution
générale de la chasse aux petits animaux au profit de l’augmentation des activités
d’élevage ? (Gourichon 2004)
En ce qui concerne les perles tubulaires en pierre, les effectifs étant assez
faibles, il est difficile de retracer l’évolution des types au cours du temps. On note
cependant que les types cylindrique, elliptique et prismatique sont présents dès le
Khiamien (Fig. 14.9). Les types conique et biconique n’apparaissent qu’à partir du
PPNB moyen sur le site de Tell Halula. Rappelons que c’est également à ce
moment qu’apparaît le type biconique chez les rondelles (cf. supra).
Comme la famille des perles tubulaires, celle des perles plates apparaît au
Khiamien (Fig. 14.9). Les types sont rectangulaires ou carrés et leur section
transversale est elliptique. Au PPNA, les perles plates continuent à présenter les
mêmes types que ceux de la période précédente. Le changement se produit très
certainement au PPNB ancien. Bien que le nombre d’objets de parure trouvés à
586
cette période soit réduit, on constate une hausse des effectifs notamment des
perles plates. Cette hausse s’accompagne de l’apparition du type elliptique et
rhomboïdal de section désormais lenticulaire. Cependant, pour cette période, le
type rhomboïdal est attesté uniquement sur des supports en terre, comme les
éléments provenant de Dja’de el-Mughara ou ceux trouvés à Nevalı Çori (Morsch
2002, Pl.5.7-9, p. 157) et à Çayönü (Kozlowski & Aurenche 2005, Fig. 5.1.2-3,
p. 186). Pour ce qui concerne les niveaux PPNB ancien de Tell Aswad, ce type n’a
pas été mis au jour. Les premiers exemples de perles plates rhomboïdales en pierre
(notamment en cornaline) proviendraient du PPNB moyen de Tell Halula. Les
types circulaire et trapézoïdale sont attestés à partir du PPNB moyen tandis que le
type triangulaire n’apparaît qu’au PPNB récent.
A Aşıklı Höyük, sur le sol d’une sépulture, un collier de dix perles plates en
agate et cornaline a été découvert (Özbaşaran 2012, fig. 20, p. 157). Les perles de ce
collier correspondent aux cinq types identifiés dans notre corpus, i.e. les types
circulaire, elliptique, trapézoïdal, triangulaire et rhomboïdal. Datant de la seconde
moitié du 8e millénaire avant J.-C., ce collier est très probablement contemporain
de ceux découverts dans les phases du PPNB récent de Tell Halula.
A partir du PPNB moyen, certaines perles plates vont être aménagées (cf.
Fig. 10.12r, s, t, u et Fig. 11.1e, f, i, g, p) avec un col prolongeant l’une des
extrémités du tube de perforation et une convexité destinée à augmenter
l’épaisseur de l’autre extrémité du tube. Parfois, cette dernière n’est pas présente
et seul un col est façonné. Au PPNB récent, les mêmes aménagements continuent à
être effectués mais une nouvelle variante apparaît, celle des deux convexités
aménagées sur chacune des extrémités lorsque le col n’est pas présent. Une autre
variante est également observée, celle présentant un col aux deux extrémités. Un
élément de ce type est attesté à Akarçay Tepe dans des niveaux datés du PPNB
récent (M. Arimura comm. pers.). Toutefois, les exemplaires de cette dernière
variante sont plus fréquents pour la période du Néolithique céramique comme à
Tell Dhahab et Tell Judaidah dans la plaine d’Antioche au nord-ouest de la Syrie
(Braidwood 1960, fig. 36, p. 62), et à Mezraa-Teleilat (Coşkunsu 2008, fig. 6, p. 32)
dans la vallée de l’Euphrate en Turquie.
D’un point de vue métrique (Fig. 14.10), il est difficile de retracer une
évolution claire en ce qui concerne les gabarits des perles plates d’une période à
587
l’autre car les matériaux utilisés semblent avoir joué un rôle important. Par
exemple, les perles plates en turquoise de Tell Halula sont généralement de petit
gabarit tandis que celles en cornaline sont plus grandes. A Tell Aswad, les perles
plates en turquoise sont également parmi les plus petites. Pour le site de Dja’de,
les perles plates en pierre sont plus petites que celles en terre. Dans le corpus
syrien, seules les perles plates d’Abu Hureyra se distinguent par leur grand
gabarit, généralement supérieur à ceux des autres sites (longueur moyenne : 29.21
mm). En effet, les plus petits spécimens provenant de ce site correspondent au
moyen et au grand gabarit des perles plates de Halula. Il est important cependant
de rappeler qu’un bon nombre de celles-ci sont en cornaline, roche dont la dureté
très élevée aurait pu être une contrainte ne permettant pas d’aller très loin vers de
grandes dimensions. En effet, au-delà de 30 mm de longueur, la fabrication d’une
perle plate en cornaline constitue une succession de prouesses techniques, depuis
la mise en forme et jusqu’au polissage, en passant par l’étape extrêmement
délicate de la perforation. La majorité des perles plates dont la longueur est
supérieure à 30 mm sont en roches relativement tendres. Ainsi, les exemplaires les
plus grands sont en serpentine comme à Abu Hureyra ainsi qu’à Sabi Abyad
(Verhoeven 2000, fig. 4.6, p. 116). A Tell Halula, les gabarits des perles plates
datant du PPNB récent restent les mêmes que ceux de la période précédente. Les
imprécisions stratigraphiques concernant le site d’Abu Hureyra ne permettent pas
de déterminer la contemporanéité de certaines phases avec celles de Tell Halula. Il
est toutefois possible que les phases d’où proviennent les perles plates d’Abu
Hureyra soient plus récentes que les phases du PPNB récent de Halula. De même,
la phase « Level 5 » où ont été trouvées les grandes perles plates de Tell Sabi
Abyad (Verhoeven & Akkermans 2000, tabl. 1.1, p. 2) est plus récente que les
phases du PPNB récent de Halula (Molist et al. 2013, tabl. 1, p. 90-91). Les grands
gabarits ont également été observés dans le Néolithique céramique comme à
Mezraa-Teleilat (Özdoğan 2011, fig. 64-65, p. 257).
588
remontent au PPNB récent mais sont plus récurrentes au Néolithique céramique.
Enfin, les perles plates de grand gabarit sont plus fréquentes à la fin du PPNB.
14.3. Conclusion
589
perforation (Mureybet), l’autre humaine, perforée près d’une extrémité et sans
doute portée comme pendeloque (Jerf el-Ahmar). Une grande pendeloque en
pierre pouvant représenter une « tête » humaine complète la diversité observée au
sein des formes anatomiques.
Les éléments de parure du début du PPNB sont mal connus compte tenu de
leur faiblesse quantitative ainsi que du nombre réduit de sites datant de cette
période. Il est ainsi difficile d’affirmer si la diminution observée dans les formes
anatomiques est réelle ou biaisée par les faibles effectifs. A cette période, les seuls
éléments de parure en coquillage sont quelques dentales trouvés à Dja’de el-
Mughara, les niveaux anciens de Tell Aswad n’ayant fourni aucun élément en
coquillage. Les formes anatomiques sont principalement en matières osseuses ou
en pierre. Il s’agit des cas uniques d’incisive de bovin et de petite figurine
anthropozoomorphe montées en pendeloques (Dja’de) et d’une pendeloque
représentant une silhouette féminine acéphale (Aswad). En ce qui concerne les
formes géométriques, les types identifiés au cours de la période précédente
persistent à l’exception des pendeloques étroites à rainure qui semblent
590
disparaître. Néanmoins, les rainures et les incisions continuent à orner certains
types comme les pendeloques plates elliptiques, rectangulaires ou trapézoïdales
(Dja’de). La fréquence des perles plates est désormais de plus en plus importante
au sein de la classe des perles. Elles sont principalement de type elliptique et
rhomboïdal de section lenticulaire. Toutefois, le type rhomboïdal semble être
fabriqué uniquement en terre. Les anneaux et les bracelets sont absents dans le
PPNB ancien syrien mais attestés ailleurs à la même période (e.g. Khalaily et al.
2007, p. 10). L’apparition des premiers bracelets en pierre pourrait remonter à cette
période. Enfin, au PPNB ancien, des objets de parure en os pouvant correspondre
à des « boucles de ceinture » ont été identifiés.
591
Au PPNB récent, les formes anatomiques en coquillages sont les mêmes que
celles de la période antérieure. Les formes géométriques gagnent beaucoup en
fréquence et en diversité typologique. Ainsi, les rondelles ne sont pas seulement
cylindriques ou elliptiques mais également biconiques, plates et globuleuses. Les
perles tubulaires se diversifient également et de nouveaux types apparaissent : la
perle biconique et la perle conique. En ce qui concerne les perles plates, le type
triangulaire s’ajoute aux types identifiés auparavant et les aménagements touchent
un plus grand nombre de perles. Les perles plates, simples ou aménagées, sont à
cette période d’un gabarit relativement grand.
Enfin, nous l’avons vu, il est difficile de retracer une évolution typologique
des objets de parure en se basant uniquement sur les éléments du corpus,
principalement à cause de la disparité de leurs effectifs. Il est par conséquent
indispensable d’élargir les études typologiques à d’autres régions du Proche-
Orient. Cependant, des tendances générales ont pu être observées et quelques
marqueurs culturels être repérés.
592
Chapitre 15. Savoir-faire et schémas de
transformation
593
Quant au degré de transformation, précisons que celui-ci est plus aisément
mesurable sur les matières dures d’origine animale quand celles-ci sont identifiées
taxonomiquement et anatomiquement. Il est en revanche plus difficile à estimer
sur les matières minérales étant donné que les formes naturelles de celles-ci sont
« imprévisibles » et généralement irrégulières.
594
rarement employée. Elle a été identifiée une fois pour le percement près du labre
d’une petite coquille de Theodoxus dans le Natoufien final de Mureybet et une fois
pour la suppression du dorsum d’une cyprée de Tell Aswad (PPNB moyen).
595
15.1.1.1. Theodoxus
Sur les Theodoxus, dont l’utilisation est attestée dès le Natoufien,
l’emplacement du percement et la technique n’ont montré aucune évolution. Ces
petites coquilles d’eau douce ont été presque systématiquement perforées par
abrasion sur leur sommet. Il en est de même pour les Theodoxus de Körtik Tepe
(Khiamien/PPNA). On note cependant qu’à la fin du Natoufien au Levant central,
sur les sites de Jayroud 1, Jayroud 9 et Mallaha, les Theodoxus sont percés depuis la
face interne de la coquille par pression ou percussion indirecte (Maréchal 1991,
p. 590 ; 599). Les percements sur ces coquilles sont donc situés sur le dos, sur la
dernière spire. Le même emplacement et les mêmes techniques ont été également
identifiés pour les spécimens découverts dans les niveaux datés du Natoufien
récent d’Abu Hureyra (ibid., p. 601).
15.1.1.2. Cyprées
Les plus anciens éléments de parure en cyprées pourraient remonter au
Kébarien géométrique ou au Natoufien ancien du Wadi Mataha au sud de la
596
Jordanie. Sur ce site, des coquilles de Cyprea sp. sont signalées comme « both holed
and unmodified » (Janetski 2005, p. 152) sans plus de précisions sur les techniques
ou les emplacements des percements. Le Natoufien final de Mallaha (niveau I) a
fourni une Monetaria moneta décrite comme « n’ayant plus de dos » (Maréchal 1991,
p. 590). D’après l’auteur, la suppression du dos par percussion ne semble pas être
le résultat d’une intervention humaine car l’état du test témoigne que la coquille a
été longtemps roulée par la mer avant d’être ramassée (ibid.). Le Natoufien final
du site de Jayroud 3 a livré un spécimen d’une espèce méditerranéenne, Zonaria
pyrum, dont le dos a pu être enlevé par percussion (ibid., p. 601). Une seule
Monetaria moneta a été trouvée dans les niveaux natoufiens (Level B) de El-Wad
(Bate 1937, p. 225). Le dorsum de celle-ci est ouvert, les bords de l’ouverture sont
polis (D. Reese, comm. pers.). Il s’agit là encore d’un percement par percussion
sans pouvoir distinguer si l’intervention est d’origine humaine ou si l’élément fut
ramassé en l’état. Enfin, le Natoufien final de Beida a livré un fragment de cyprée
(Reese 1991, p. 619) et celui de Rosh Horesha (Néguev central) six cyprées (ibid.
p. 621) mais nous ignorons s’ils étaient percés et, auquel cas, selon quelle
technique.
597
Au Levant nord, les sites du PPNB ancien n’ont pas fourni de cyprées, sauf
peut-être à Çayönü où, d’après une illustration (Erim-Özdoğan 2011, p. 268,
fig. 73), un spécimen de E. turdus provenant de la Mer Rouge se distingue assez
clairement. Le dorsum de ce spécimen pourrait avoir été supprimé par abrasion.
C’est à partir du PPNB moyen (cf. chapitre 13 et 14) que les cyprées sont
présentes avec des effectifs plus importants un peu partout dans le Levant (Sinaï,
Israël, Jordanie, Syrie et en moindre nombre en Anatolie). Désormais, les
percements peuvent également prendre la forme de petits trous aménagés à
différents endroits du dorsum ainsi que sur la face ventrale (notamment sur la
partie columellaire). La suppression totale du dorsum reste cependant la règle.
A la fin du Néolithique précéramique, sur les sites du Sinaï (e.g. Ujrat el-
Mehed), un très grand nombre de cyprées ont été découvertes associées à
différentes techniques de percements comme l’abrasion, la rotation, les incisions et
la percussion. Certains spécimens ont été ramassés après l’enlèvement de leur
dorsum (Bar-Yosef Mayer 2000, p. 220).
598
ramassage. Les premières cyprées auraient pu être ramassées sans dorsum. C’est à
partir du PPNA que sont attestés les premiers témoignages de la technique de
l’abrasion des dorsum des cyprées sur le site de Jéricho. C’est ensuite à partir du
PPNB moyen que les techniques de percements et les emplacements des trous se
diversifient sur des assemblages de plus en plus grands. Ainsi, parallèlement à la
percussion ou à l’abrasion du dorsum, sont également identifiées la perforation
par rotation ou par abrasion sur la face ventrale, et le percement par sciage près
des extrémités sur le dorsum.
Les cyprées sont introduites sur les sites syriens étudiés à partir du PPNB
moyen. Les techniques s’adaptent à l’emplacement choisi ainsi qu’aux dimensions
du percement. Ainsi, la suppression du dorsum provoque une grande ouverture
obtenue par percussion directe ou indirecte ou par abrasion. De petits percements
sont également effectués sur le dorsum près des extrémités (un cas). La forme
irrégulière suggère un percement par percussion indirecte ou par pression (plus
aisément pratiquée sur test peu épais comme celui de l’espèce méditerranéenne L.
lurida). Enfin, des percements circulaires réguliers sont réalisés sur la face ventrale
par abrasion rotative (trois cas).
Les expérimentations menées dans les années 80 (Francis 1982, p. 714 ; 1989,
p. 29) ainsi que les nôtres permettent de conclure que le percement (suppression)
599
du dorsum des cyprées par percussion et ensuite par abrasion s’avère
particulièrement efficace car il combine rapidité et régularité de l’ouverture.
L’abrasion peut être employée directement sur les cyprées ramassées sans dorsum
et dont les bords de l’ouverture sont irréguliers.
Sur un grand nombre de cyprées, la face ventrale porte des facettes planes
disposées dans l’axe le plus long, sur les deux côtés columellaire et labiale (cf.
Fig. 10.9e et f), à l’emplacement des surfaces naturellement convexes de la
coquille. Presque toutes les cyprées de Tell Halula, y compris les spécimens
cassées, portent ces facettes, ainsi qu’un certain nombre de cyprées de Tell Aswad.
Durant les expérimentations, le même type de facette (cf. Fig. annexe I) a été formé
lorsqu’on a disposé les cyprées sur leur face ventrale dans des encoches sur un
support en bois afin de les abraser en série. La formation de ces facettes sur les
spécimens archéologiques pourraient donc être une conséquence collatérale de
l’abrasion de la face dorsale et pourraient indiquer un traitement en série.
Les pendeloques et les disques sur galets sont des éléments « classiques »
de la parure néolithique du Proche-Orient malgré la faiblesse de leur effectif par
site et par période (cf. Chapitre 14). Dans la plupart des cas, la seule phase de
transformation observée est celle de la création du dispositif d’attache. Certains
galets subissent des légères modifications de leur contour par abrasion (e.g.
certaines pendeloques de Jerf el-Ahmar). Dans d’autres cas, le contour est décoré
avec des incisions courtes parallèles (e.g. la pendeloque n° 12 de Dja’de el-
Mughara).
600
Les perforations sur les galets sont bipolaires, leur pourtour est régulier et
les parois des cônes sont droites ou en palier. Les stries, quand elles sont
conservées, sont concentriques et continues. La perforation avec un foret à archet
peut être à l’origine de ces stigmates. L’utilisation du foret à l’archet est suggérée
pour les perforations sur matières osseuses dès le Natoufien ancien sur le site de
Mallaha (Stordeur 1988). Son emploi est également probable pour les éléments de
parure en pierre du Natoufien final de Mureybet.
Les perles tubulaires en os ont été identifiées dans tous les sites à
l’exception de Tell Halula. Pour leur réalisation, les os longs de petits mammifères
et d’oiseaux (classes D et E) sont particulièrement recherchés. Les os plats des
grands, moyens et petits ongulés (respectivement classes A, B et C), sont très
rarement employés.
601
Si toutes les perles tubulaires en os du corpus sont sectionnées selon le
même procédé (sciage + flexion), elles n’ont en revanche pas reçu le même
traitement de finition. Seulement une partie (plus de la moitié) des spécimens
khiamiens de Mureybet ont en effet subi une finition plus ou moins poussée
consistant à égaliser les bords des extrémités. Les perles du PPNA de Mureybet,
bien que beaucoup moins nombreuses que celles des niveaux khiamiens, n’ont
bénéficié de ce traitement que très occasionnellement. Il en est de même pour leurs
contemporaines à Jerf el-Ahmar. Néanmoins, les éléments de Jerf el-Ahmar sont
fabriquées de manière plus grossière même au cours de la phase de débitage
comme en témoignent les nombreuses traces de dérapage de sciage et les diverses
stries aléatoires.
602
complexe : les pendeloques anatomiques en pierre, certaines pendeloques
géométriques (pendeloques hautes à section arrondies, certaines pendeloques
plates), les perles et les rondelles géométriques, les éléments de formes
particulières, les anneaux et les bracelets. Nous proposons ici des hypothèses sur
les schémas de transformation des rondelles discoïdes en pierre et les perles plates
en roches tendres et dures.
Les sites étudiés ont fourni des rondelles discoïdes fabriquées en roches
tendres (e.g. talc, de dureté 2), moyennement tendres (e.g. calcite, de dureté 4 ;
turquoise, de dureté 4.5 à 6) et dures (e.g. cornaline, de dureté 6.5 à 7). Les
rondelles en roches tendres et moyennement tendres ont été fabriquées selon les
mêmes phases de transformation en employant généralement les mêmes
techniques. L’ordre des phases peut varier d’un site à l’autre ou selon les
matériaux. La fabrication des rondelles en roches dures telles que la cornaline n’a
pas été traitée dans ce travail. Notons toutefois que leur fabrication est plus
complexe que celles des rondelles en roches tendres car elle requiert plus de
phases de transformation et car les techniques employées pour le
débitage/façonnage ou la perforation sont différentes.
Les supports des rondelles en carbonates ont été obtenus par abrasion à
l’unité (Fig. 15.2-A1). Ensuite, des perforations bipolaires de section biconique ont
été réalisées (Fig. 15.2-A2). Les stries concentriques indiquent un forage d’une
rotation continue. La régularisation définitive de la forme du contour des
603
rondelles été effectuée après la perforation par abrasion/polissage, soit à l’unité,
soit en série (Fig. 15.2-A3).
604
Enfin, les rondelles en stéatite de Tell Halula ont un schéma de fabrication
semblable à celui des rondelles en ophiolites de Mureybet. Des différences sont
toutefois notées en ce qui concerne l’ordre des phases. Une ébauche en stéatite de
forme cylindrique est façonnée par abrasion (Fig. 15.2-D1) et perforée de part et
d’autre à l’image d’une perle tubulaire cylindrique (Fig. 15.2-D2). Elle est ensuite
débitée par sciage en plusieurs rondelles fines (Fig. 15.2-D3). Les perforations sont
alésées avant que les rondelles soient enfilées pour un polissage en série (Fig. 15.2-
D4). Le même schéma a été suivi pour la fabrication de 100 rondelles en stéatite
appartenant à la parure exceptionnelle composée de plus 440 rondelles,
découverte dans une sépulture de la phase 13 de Tell Halula. Des différences ont
pu toutefois être notées : les perforations n’ont pas été alésées et le polissage de
finition donnant un aspect luisant n’a pas eu lieu. L’investissement dans la
fabrication de ces rondelles est moindre que pour celles provenant d’autres
tombes. Une possible explication serait que le nombre très élevé des éléments
composant cette parure n’a pas permis d’apporter le même degré de soin que celui
observé sur les rondelles d’autres parures.
A. Phase d’extraction
Nous n’avons pas de données sur les pratiques d’acquisition de la matière
première brute. Cela pouvait être effectué par simple ramassage d’un nodule à
cortex ou d’un fragment ou par extraction d’une formation rocheuse nécessitant
605
l’application de certaines techniques. Un atelier de fabrication de perles en
cornaline a été découvert sur le site de Kumar Tepe dans la vallée de l’Euphrate en
Anatolie. Il constitue le site le plus proche géographiquement mais aussi
chronologiquement (5e millénaire avant J.-C.) des sites du PPNB du moyen cours
de l’Euphrate. La cornaline utilisée, probablement récoltée sur les rives de
l’Euphrate, était présente sous forme de « masses concrétionnées » (Callay 1989,
p. 158). Sur le site de Larsa en Iraq (3e millénaire avant J.-C.), des éclats corticaux et
des blocs de cornaline non taillés ont été découvert dans un atelier de taille de
roches dures (Schoumaker 2003, p. 414). Là aussi l’approvisionnement de la
matière première était sous forme de nodules. Sur les sites qui nous intéressent, la
cornaline pouvait être acquise sous forme de nodules ou de fragments charriés par
l’Euphrate (cf. Chapitre 13).
606
contrôler la trajectoire des tubes pendant le forage afin d’assurer leur rencontre.
Nous suggérons que le traitement thermique, lorsque maîtrisé, est plus homogène
et efficace sur des préformes ou des perles plates presque achevées de faible
épaisseur que sur des blocs non taillés à couche corticale ou sur des fragments
épais de formes irrégulières. Bien que de nombreuses perles plates, mais aussi des
perles tubulaires et des rondelles en cornaline, aient une couleur variant entre les
nuances intenses de l’orange, du rouge et du bordeaux, il n’est pas possible de
savoir si cette couleur a été obtenue par un traitement thermique final ou par celui
réalisé durant les étapes précédentes.
C. Phase de débitage
En absence de stigmates et d’indices directs concernant la phase de
débitage, nous proposons un déroulement hypothétique de cette phase. Le
débitage consiste à élaborer une ébauche (Fig. 15.3-A) dont les dimensions et la
forme du volume permettent d’obtenir plus tard la préforme recherchée. Selon les
dimensions de la perle, deux types d’ébauchage peuvent être envisagés, mais
auparavant il est nécessaire de choisir le nodule adéquat. Pour les perles plates de
grandes dimensions, un nodule long et large mais le moins épais possible peut
être parfait. Son débitage consistera alors à dégrossir le bloc et le débarrasser de sa
couche corticale. Pour les perles de petites dimensions, le débitage peut être
effectué d’abord par un dégrossissage du bloc et ensuite par débitage d’éclats
transversaux sous forme de « tranche » (Fig. 15.4-A), chaque tranche constituant
ainsi une ébauche de perle. La technique employée est sans doute celle de la
percussion directe pour le dégrossissage de grands nodules. Le débitage en
tranches est probablement exécuté par percussion indirecte ou par pression
puisque une grande précision est nécessaire pour obtenir des tranches parallèles,
plates et d’épaisseur constante.
D. Phase de façonnage
Pendant cette phase l’ébauche est façonnée jusqu’à l’obtention de la
préforme (Fig. 15.3-B). Les dimensions et la forme de celle-ci sont les plus proches
de celles de la perle définitive. Pour cela, le travail de façonnage se fait en deux
607
étapes. La première emploie une technique de taille visant à réduire rapidement
l’épaisseur de l’ébauche par enlèvement de matière. La technique la plus
appropriée à notre sens ici est celle de la pression, combinée occasionnellement à
la percussion directe. La seconde étape est celle de l’abrasion, technique de
façonnage plus précise, mieux contrôlable mais plus lente. L’abrasion est activée à
la main et à l’unité (Fig. 15.3-C) ce qui permet un contrôle permanent de l’état
d’avancement. Durant cette étape, tous les négatifs des enlèvements sont effacés.
Les négatifs d’enlèvement sur les surfaces des perles archéologiques sont très
rares. Celles que nous avons observées sont couvertes de stries d’abrasion (cf.
Fig. 5.4).
De l’abrasif (sable ?) et de l’eau (ou une autre substance liquide) peut être
rajouté pendant l’abrasion. Une meule dormante, en roche relativement dure (e.g.
granite, basalte ou gabbro) et de grain moyennement fin peut servir de support de
frottement. Des meules en roches moins dures comme le grès peuvent être
également utilisées. Cependant, il peut être nécessaire de rajouter de l’abrasif afin
d’améliorer l’efficacité.
608
pendant le forage, la moindre déviation du foret pourrait entraîner la fracture du
col ou le percement de la surface amincie.
Cette étape d’abrasion peut être réalisée sur une meule d’un grain plus fin
que celle de la première étape. La phase de finition consiste en un polissage doux
et sommaire afin de ne pas abîmer la forme obtenue. L’utilisation d’un matériau
souple et humide est probable.
E. Phase de perforation
Cette phase délicate pourrait nécessiter des compétences spécialisées
différentes de celles de débitage et de façonnage. Pour les perles plates, elle se
déroule soit après la finalisation du façonnage, soit avant l’étape finale de celui-ci
(cf. supra).
Notre étude des perles de Halula a permis d’identifier un procédé pour les
perforations longues des éléments en cornaline. Il consiste à creuser une
dépression par percussion directe ou indirecte (Fig. 15.3-E, 4-E et 5-E) sur la
surface plane des extrémités (par abrasion durant la phase de façonnage), afin de
pouvoir caler la mèche de foret. Ensuite, la surface étant à peine entamée, avec
une dépression peu profonde, le forage est démarré rapidement jusqu’à une
certaine profondeur. Le forage est effectué par rotation continue par l’activation
d’un système mécanisé de type foret à l’archet. Les perforations sont toutes
bipolaires et le rapport entre la longueur des tubes est généralement équilibré.
Toutefois, nous avons pu mettre en évidence une relation entre ce rapport et la
longueur des perles : plus les perles sont longues, plus le rapport des tubes de
perforation est équilibré. Les rapports déséquilibrés entre les tubes sont observés
sur les perles courtes et moyennement courtes. La perforation de ces perles a donc
été presque entièrement réalisée depuis une face et achevée ensuite depuis l’autre.
609
récent), la perforation bipolaire est longue de 35.3 mm. La section des tubes est
sub-cylindrique et l’un des tubes mesure 22.5 mm pour un diamètre de 2.1 mm au
centre. Un autre exemple contemporain de ce dernier est donné par une perle en
cornaline de Tell Halula de perforation longue également de 35.3 mm et dont l’un
des tubes mesure 17.8 mm de longueur pour un diamètre au centre de 2.1 mm.
Techniquement, il est possible de réaliser une mèche en silex longues de plus de 22
mm et dont le diamètre est de 2 mm vers le centre (e.g. sur une chute de burin).
Cependant, les risques de fracture pendant la perforation sont très importants en
l’absence d’une maîtrise parfaite. Cette maîtrise consiste à assurer la stabilité de la
préforme, le contrôle de l’axe de déviation du foret et le contrôle de la pression au
fur et mesure de l’avancement de la perforation. Des mèches en silex avec de telles
dimensions sont absentes sur les sites étudiés. Néanmoins, les fouilles des niveaux
du PPNB récent et du Néolithique céramique du site de Mezraa Teleilat, dans la
vallée de l’Euphrate anatolien, a fourni un certain nombre d’outils destinés à la
perforation (Coşkunsu 2008, Tabl. 1, p. 29). Parmi ces outils se distinguent deux
types : les micro-perçoirs (« micro-borers ») et les mèches cylindriques polies
(« cylindrical polished drills »). Le site a livré également des objets de parure de
types et matériaux divers, parmi lesquels des perles plates en cornaline et en
obsidienne. G. Coşkunsu (ibid.) associe le type des mèches cylindriques polies à la
perforation des perles plates car leurs dimensions sont identiques à celles des
perforations et car les stigmates observés sur les perforations cassées en cours
d’exécution correspondent à ceux constatés sur les mèches archéologiques et
expérimentales.
610
Afin de diminuer les risques de déviation du foret et les accidents de
fracture pendant le forage, il est primordial de stabiliser la préforme pendant cette
phase. La présence d’un système de fixation de type étau est donc fortement
envisagée. Par ailleurs, l’ajout d’eau est indispensable afin de refroidir l’outil et la
matière pendant leur interaction et éviter ainsi les accidents.
142 Roche métamorphique composée majoritairement de corindon, minéral de dureté 9 sur l’échelle
de Mohs, et d’oxyde de fer (Boleti 2006, p. 277).
143 Notamment le mythe de Lugal dans lequel les pierres sont personnifiées et ont des qualités
611
L’utilisation de mèches en matériaux moins durs mais plus souples que le
silex, donc plus résistants aux fractures, comme le cuivre, le bois, les épines ou
l’os, a été proposée pour la perforation des pierres de duretés et natures diverses
sous la condition de rajouter de l’abrasif (Gwinnett & Gorelick 1979 ; Gorelick &
Gwinnett 1981, p. 25 ; Chevalier et al. 1982, p. 63 ; Gorelick & Gwinnett 1983 ;
Morero & Procopiou 2006, p, 386 ; Morero 2009). Le cuivre natif est connu sur le
site de Tell Halula mais sous forme d’objets de parure. Aucune mèche en cuivre
n’a été découverte pour les périodes qui nous intéressent. Le seul exemple que l’on
connaît date de la période akkadienne (vers 2350 BC) et provient du site de Tell
Asmar dans la région de Diyala en Mésopotamie (Gwinnett et Gorelick 1987,
p. 15). Les matières végétales, comme le bois, peuvent perforer des roches tendres
(e.g. stéatite) et moyennement tendres (calcite)144. Avec beaucoup de patience et un
très bon abrasif de type émeri, la perforation de la cornaline avec une mèche en
matière végétale a été proposée pour des perles très longues (jusqu’à 60 mm et
d’un diamètre inférieur à 1 mm) de la culture Harappa (Chevalier et al. 1982,
p. 63).
F. Phase de finition
Après la phase de perforation vient celle de la finition (Fig. 15.3-F, 4-F) qui a
pour but d’effacer les stigmates les plus grossiers des phases précédentes et de
donner aux surfaces un aspect lisse et brillant. Le polissage effectué sur les perles
plates en calcédoine de Halula peut être qualifié de sommaire car dans la plupart
des cas, il n’a pas effacé complètement les stries d’abrasion. De plus, ce polissage
concernait uniquement les faces des perles. Les contours et les faces des
perforations n’ont pas bénéficié de ce traitement. Enfin, bien que certaines zones
des faces sont complètement dépourvues de stries et sont brillantes, il est difficile
de dire s’il y a eu un travail de lustrage (e.g. frottement avec de la peau graissée ou
sur des supports abrasif de grain extrêmement fin). Les zones lustrées observées
pourraient résulter de l’usure ou de la manipulation pendant la fabrication.
144Nous avons essayé nous-même d’employer une mèche en bois dans la perforation d’un galet en
calcaire/calcite.
612
15.2.2.2. Roches tendres
Les roches tendres que nous traitons ici sont celles de la famille des talcs et
des serpentines. Les perles plates fabriquées dans ce type de matériau, mais aussi
celles en chlorites, sont présentes dans tous les sites du corpus selon une forme
géométrique simple. Celles qui portent des aménagements (col et convexités)
proviennent uniquement de Tell Halula (PPNB moyen et récent) et de Tell Abu
Hureyra (PPNB récent). Les plus remarquables sont les perles d’Abu Hureyra.
Rappelons que certains sites contemporains d’Abu Hureyra comme Tell Sabi
Abyad, Mezraa Teleilat et Akarçay, ont fourni quelques rares exemples de perles
plates en roches tendres. Leurs schémas de fabrication pourraient avoir des traits
communs avec celles que nous avons étudiées.
Le schéma que nous proposons ici est hypothétique car nous ne disposons
pas d’indices directs. L’extraction du matériau peut être effectuée soit par simple
ramassage, soit par fragmentation d’une roche de grand volume ou d’un filon
dans un gîte, par percussion ou par sciage. Pour les grands spécimens, la mise en
forme (débitage/façonnage) peut être réalisée par sciage et par abrasion. A ce
stade, la perle n’a pas encore atteint sa forme définitive. Une fois la préforme
obtenue, la phase de perforation peut commencer. Celle-ci est menée par rotation
complète avec un système de foret à l’archet. Comme pour les préformes en
calcédoine, celles en talc doivent également être stabilisées pendant le forage.
Après la perforation, le façonnage reprend par une véritable opération de
sculpture lorsqu’il s’agit de la réalisation d’une perle avec aménagement ou de
section complexe. Les faces des perles près des bordures sont raclées fortement
afin de les amincir. Le raclage est également appliqué près des extrémités de la
perforation afin de mettre en relief les convexités et le col. Ce dernier est détaché
du reste du corps de la perle par raclage et, dans certain cas, par sciage en créant
613
deux petites encoches de chaque côté de la base du col. Suite à la dernière étape de
façonnage, le polissage entame la surface pour la régulariser, près des bordures
pour atténuer et adoucir les entailles de raclage, et au centre pour mettre en valeur
l’arête centrale et les convexités. Le polissage à effet « miroir » est réalisé par
frottement sur un support souple, en appliquant peut-être une substance grasse et
probablement chaude qui pénètre facilement dans la matière, adoucit sa surface,
facilite l’enlèvement des irrégularités et lui donne un aspect très luisant. La
littérature disponible n’offre malheureusement pas d’éléments de comparaison.
15.4. Conclusion
614
pression (pression et flexion), de frottement en profondeur (sciage et perforation)
et de frottement en surface (abrasion et polissage) sont toutes connues avant la
néolithisation dans le domaine artisanal en général et celui de la parure en
particulier. En revanche, les changements ou les innovations concernent les
moyens d’opérer, les outils employés et les connaissances. C’est ainsi qu’à la fin
du Néolithique précéramique toutes les matières peuvent être transformées y
compris les roches les plus dures et avec une maîtrise quasi parfaite. Il est difficile
de parler d’évolution technologique sans prendre en compte les évolutions
observées dans les autres domaines. L’introduction de nouveaux matériaux a-t-
elle entraîné des améliorations sur le plan des techniques et des méthodes ? Il est
évident que la complexification des créations artistiques ont sans doute généré des
améliorations techniques et vice et versa.
Les systèmes de fixation des éléments (e.g. étau) pour mener à bien les
perforations longues devaient être connus au moins dès le Khiamien. Leur emploi
est indispensable pour les perforations des perles en roches dures. On sait par
déduction qu’à partir du PPNB ancien, des systèmes complexes de fixation,
impliquant probablement le système de foret à l’archet ou autre, devenait de plus
en plus performant et pratique. Le rajout d’abrasif devient une habitude pour la
perforation des perles en roches dures à partir du PPNB moyen mais
probablement avant cette période.
615
616
Chapitre 16. Usage et fonctions
Comment les objets ont-ils été portés, quels étaient les modes d’attache et
comment s’organisaient les éléments dans une parure ? Y-avait-il des rôles
particuliers attribués aux différents types d’éléments ? Comment interpréter ces
rôles dans des contextes de découverte divers qui ne se limitent pas à la sphère
funéraire ? Telles sont les questions que nous aborderons dans ce dernier chapitre.
Comme nous l’avons précisé tout au long de la partie III, les éléments de
parure du corpus ont été découverts soit à l’unité, soit en groupe. Dans le premier
des cas, il est possible, quand les traces d’usure le permettent, d’identifier le mode
d’attache. Dans le second, si les éléments sont découverts in situ, il est possible
d’identifier à la fois le mode d’attache et la composition de la parure. Sans doute,
le meilleur contexte d’étude pour les parures est le funéraire. En effet, l’association
de cette parure avec un squelette permet de déterminer son type (collier, bracelet,
diadème, etc.). Cependant, dans notre corpus, comme nous l’avons signalé à
plusieurs reprises, le domaine funéraire n’est pas le seul à avoir fourni des
éléments de parure.
Dans un premier temps, nous ferons le point sur l’état d’usure général des
objets selon la diversité des matériaux et nous présenterons, en nous basant sur les
traces d’usure, quelques hypothèses sur les modes d’attache de certains éléments.
Dans un second temps, nous focaliserons notre recherche sur les ensembles
d’éléments composant les parures. Dans le dernier point de ce chapitre, nous
aborderons le thème des fonctions et des rôles symboliques et sociaux que les
objets de parure ont pu jouer au cours de la Néolithisation du Proche-Orient.
617
Un grand nombre d’objets présente des traces d’usure de volume selon des
degrés variés. Dans la plupart des cas il s’agit d’un émoussement des bords et des
reliefs et d’un effacement important des stigmates de fabrication sans qu’il y ait
pour autant une déformation flagrante de la forme ou de la symétrie de base
(initiale). L’usure déformante est peu fréquente et se caractérise dans la plupart
des cas par un creusement localisé de la matière, principalement dans la zone du
dispositif d’attache et du passage du lien. Les encoches d’usure sont observées sur
certains coquillages et certaines roches de la famille des talcs, des serpentines et
des chlorites, c'est-à-dire sur des matériaux tendres à très tendres.
Nous traitons dans ce point le mode d’attache d’un objet avec un lien ainsi
que les types des liens utilisés.
618
pratiqués grâce à un lien passant par la (ou les) perforation(s) : la suspension (libre
ou contrainte par une ligature), l’entrelacement et la couture (Bonnardin 2009,
p. 117).
Dans notre corpus, la suspension libre est le mode le plus commun pour la
majorité des objets à perforation unique, courte ou longue. Sur les perforations
courtes décentrées (e.g. les pendeloques), un poli général du contour est observé,
produit très certainement par le mouvement libre du lien dans la perforation. Ce
poli est parfois accompagné d’un étirement sur la partie proximale (e.g. Fig. 9.3d,
e). Cet étirement est produit par la tension et les mouvements du lien en
combinaison avec l’effet de gravité qui s’exerce sur l’objet.
Nous pensons que les liens utilisés pour l’attache des objets étaient, comme
on peut l’attendre logiquement, en adéquation avec les diamètres des perforations,
c'est-à-dire relativement fins et d’une certaine souplesse. Dans le cas précis de Tell
Halula, les fragments des liens découverts semblent être d’origine végétale,
probablement du lin (R. Buxo et G. Willcox, comm. pers.). Les fibres sont torsadées
et le diamètre du lien varie entre 1 et 2 mm. En ce qui concerne la finesse des liens,
quelques exemples peuvent être évoqués ici. Dans la grotte de Nahal Hemar
(Israël), un nombre important de fragments de tissus, de cordelette et de cordes
végétales tressées a été découvert. Les cordelettes ont un diamètre de 1 à 2 mm
(Bar-Yosef 1985, p. 9) et, d’après les images, elles étaient encore attachées aux
éléments. Des cordelettes fines et torsadées ont été également découvertes à
619
l’intérieur des rondelles provenant des sépultures néolithiques de Çatalhöyük
(Bains et al. 2013, fig. 19.14, p. 352).
La suspension contrainte par un nœud (Fig. 16.1a) peut être envisagée pour
certaines pendeloques plates de Dja’de datant de la période de transition
PPNA/PPNB (DjI) (n° 76 et 77) et une pendeloque étroite du PPNB ancien du
même site (n° 13). L’étirement très marqué (début d’une formation d’une encoche
sur le contour proximale de la perforation) accompagné d’un aplanissement, voire
d’un creusement du contour de l’objet exactement au même endroit (mais côté
extérieur) ainsi que d’un émoussement de la zone intermédiaire, suggère que la
tension du lien ne s’exerçait pas uniquement sur la perforation mais aussi sur le
contour de la pièce.
Les traces d’usure observées sur certains Theodoxus de Tell Mureybet (cf.
Fig. 7.3) et de Jerf el-Ahmar (cf. Fig. 8.3), qui consistent en un étirement (ou une
encoche) sur le percement en direction de la face dorsale et en une encoche sur le
labre en direction du percement, sont difficiles à interpréter. Nous n’avons pu,
faute d’expérimentation, identifier précisément l’origine de cette usure, à savoir si
elle était due au frottement du lien ou à la friction des coquilles les unes contre les
autres en cas de suspension libre. Si l’on considère l’usure comme le résultat du
frottement du lien, celui-ci, d’après l’orientation des encoches, devait passer par la
face dorsale. Compte tenu de convexité de la coquille sur la face dorsale, cette
hypothèse impliquerait un mode d’entrelacement contraint afin d’immobiliser le
lien. Or, certaines de ces coquilles font partie des groupes d’éléments composant
des parures de type « collier » (cf. infra). Nous ne voyons donc pas bien l’intérêt de
faire une attache contrainte du lien en le faisant passer par la face dorsale alors que
la manière la plus simple est d’utiliser la face ventrale, plane et étroite et,
contrairement au dos, ne présentant pas de décor naturel. Par ailleurs, la
suspension libre des coquilles provoque des frictions entre elles, plus précisément
620
entre la zone du percement d’une coquille et le labre de sa voisine, c’est-à-dire sur
les mêmes zones où les traces d’usure sont observées. Cependant, dans ce cas,
comment expliquer l’orientation des encoches du percement et du labre ainsi que
la présence d’une zone décolorée entre les deux sur la face dorsale ? Ces
questionnements pourront probablement trouver des réponses grâce à des
expérimentations prochaines sur les modes d’attache.
621
du canal des extrémités (Fig. 10.11). Cela suggère que les cordelettes étaient teintes
de couleur rouge ou encore que le support sur lequel les cyprées étaient posées
(peau, ceinture, vêtements) était lui-même enduit de matière colorée.
Dans cette partie, il est question d’abord de présenter les différentes parures
selon leurs contextes de découvertes (parures in situ, fiables versus parures
déplacées, problématiques). Nous verrons ensuite quelles peuvent être leurs
compositions (position et agencement des éléments). En nous basant sur les
données anthropologiques, et principalement sur les emplacements des parures
sur les squelettes, nous présenterons ensuite les différentes catégories de parures.
622
huit rondelles en pierre trouvées à proximité dans la même zone (partie ouest de
la maison fouillée partiellement).
623
A Jerf el-Ahmar, quatre ensembles constituant des parures ont été mis au
jour. Ils proviennent tous du niveau III/E de la phase moyenne, niveau
intégralement incendié, et datent de la période PPNA.
Aucune découverte groupée et significative n’a été mise au jour sur le site
de Dja’de el-Mughara. Les informations que nous avons concernant les éléments
de parure d’Abu Hureyra ne permettent pas non plus de faire de propositions de
reconstitution ou de composition. Nous savons par contre que les perles plates ont
été principalement découvertes dans les sépultures mais nous ignorons si elles
étaient accompagnées d’autres éléments ou si elles étaient seules. L’emplacement
par rapport au squelette a été signalé pour deux perles plates apparemment
découvertes ensemble sous le crâne d’un sujet féminin. Il semblerait par ailleurs
que les femmes étaient davantage parées que les hommes sur ce site, “It was
customary for adult women to be adorned with jewelry when they were buried, while the
graves of some of the men contained a few flint tools –a clear affirmation of the different
ways in which the villagers perceived the sexes” (Moore et al., p. 505).
624
moyenne dont une du niveau B7 et l’autre du niveau C4, et cinq de la phase
récente dont trois du niveau B0 (l’aire funéraire), une du niveau B-2 et une du
niveau C1. Les groupes d’éléments découverts dans les autres contextes,
notamment dans les cuvettes, ne peuvent être exploitables pour des raisons que
nous évoquerons dans le dernier point de ce chapitre concernant les rôles et les
fonctions (cf. infra).
625
D’après le croisement des quatre critères (type, matériau, couleur et
dimensions), sept groupes théoriques se distinguent parmi ces ensembles
(Tabl. 16.2) : les parures dites « simples », les parures unicolores, les parures
bicolores à gabarit homogène, les parures bicolores à deux gabarits, les parures
monotypes bicolores, les parures à matériau unique et les parures hétérogènes.
Dans notre corpus, les parures simples sont les plus communes. Elles
représentent presque 45% de la totalité. Pour ces parures, les éléments sont
généralement tous du même type, du même matériau, de la même couleur et du
même gabarit. Dans des rares cas, deux gabarits (e.g. petit et moyen) peuvent se
rencontrer dans la même parure. Il faut préciser cependant que onze d’entre elles
sont composées d’un seul élément, ce qui implique forcément une composition
simple. Pour les autres, le nombre d’éléments varie de deux à 36.
A l’exception de Mureybet, tous les sites PPNA ont livré des parures dont
les éléments sont uniformes. A titre d’exemple, (Fig. 16.2a) au Khiamien et au
PPNA (Jerf), les parures simples sont constituées de perles cylindriques en os. Les
ensembles de cyprées ou de nérites de Tell Halula (PPNB moyen et récent)
appartiennent pour la majorité au groupe des parures simples. A Tell Aswad, les
parures simples sont des ensembles composés de coquillages (Muricidae), de perles
en turquoise ou de perles en os.
626
rondelles. Cet effet d’homogénéité globale de la parure est assuré par la nature du
matériau et sa couleur. Ainsi, cette parure pourrait s’apparenter aux parures
simples ou aux parures unicolores.
Par ailleurs, les éléments de cette parure pourraient être issus d’un même
bloc et/ou fabriqués en même temps. Son étude145 pourrait donner quelques
indications sur le schéma de fabrication des rondelles à cette période (cf.
chapitre 15).
Au nombre de huit, les ensembles unicolores ont été identifiés à Jerf el-
Ahmar, à Tell Aswad et à Halula. Certains d’entre eux illustrés ici (Fig. 16.3.). La
particularité de ces ensembles est que les éléments sont fabriqués en matériaux de
nature différente mais de même couleur146. La couleur des ensembles du PPNA est
le gris (Jerf). Au PPNB ancien de Tell Aswad c’est principalement la couleur
verte147. A Tell Halula, la couleur blanche est identifiée pour les parures
composées en perles tubulaires en calcaire, ces perles pouvant imiter, d’après leur
disposition, les cyprées qui composent un grand nombre de ceintures. La couleur
rouge caractérise une parure du PPNB récent de Tell Halula, cette couleur étant
représentée dans un grand nombre de parures du site. Enfin, le nombre
d’éléments composant ces parures varie entre trois et 115.
145 Cette parure étant stockée au Musée d’Alep, nous n’avons pas pu y avoir accès.
146 Il s’agit d’une gamme de couleur qui peut se décliner en plusieurs nuances et tonalités, cf.
13.2.2.1. Choix, p. 562.
147 Le vert, avec le blanc, est la couleur dominante des éléments constituant les parures en pierre de
627
parure, nous proposons deux compositions théoriques de leur agencement
(Fig. 16.4, parure 42) en nous basant sur le nombre d’éléments, la symétrie et les
couleurs. Dans le cas du collier n° 1 de Tell Aswad, illustré dans la même figure,
les deux perles vertes ne contrastent que peu avec les nombreuses rondelles en
carbonates de couleur blanche. Dans les deux cas, les éléments partagent
généralement la même taille.
628
de lunule sur une très grande plaque émaillée de défense de sanglier et d’une
petite rondelle en turquoise. Le second ensemble est plus riche puisqu’il contient
une très grande lunule148 biforée en cuivre natif et cinq perles plates en calcédoine
de couleur rouge dont l’intensité varie du plus foncé au plus clair. Cette parure
était très certainement portée comme collier (cf. Fig. 10.12f). Il en est de même pour
la parure n° 64. Il est intéressant de noter ici que le même type, la lunule biforée,
est fabriqué en deux matériaux complètement différents (et de deux couleurs
également différentes), ce qui renforce notre hypothèse sur l’importance de la
forme, qui domine celle des autres attributs.
148 Exposée dans les salles de Préhistoire au Musée National de Damas (Syrie).
629
La composition que nous proposons (Fig. 16.6b, parure 45a) prend en
compte la couleur, le gabarit et la symétrie. Ainsi, les deux grandes perles, la verte
en place et une autre, de même forme en cornaline rouge, auraient été disposées
côte à côte. Les autres perles se rangeraient de chaque côté en respectant une
alternance de couleur rouge et verte et une progression dans le gabarit, de la plus
grande à la plus petite. L’élément en talc est une variante de perle plate puisqu’il
est muni d’un petit col. Il constitue ainsi un élément singulier dans cette parure
compte tenu de sa forme et de son matériau. Il pourrait donc avoir occupé une
place relativement importante, c'est-à-dire une place visible sur le front du défunt.
Quant à l’orientation des perles, il est difficile de déterminer si elles étaient
disposées dans le sens horizontal, sur un même fil par exemple, ou dans le sens
vertical, cousues sur un support comme un bandeau ou un bonnet. Au moment de
la découverte, la perle en turquoise trouvée sur le front était orientée avec la
perforation à la verticale mais il est possible qu’elle ait pivoté sur place après
l’inhumation.
630
1- La pendeloque allongée était située au centre du regroupement,
exactement entre les cornes du bucrane (cf. Fig. 8.1c) d’aurochs autour duquel les
éléments ont été découverts. Elle constitue sans aucun doute l’élément principal,
central, de cette parure.
631
autour du bucrane (lui-même accroché au mur) dans une position respectant son
axe de symétrie, c’est-à-dire de façon à ce que la pendeloque centrale se trouve
sous le point de jonction entre les cornes. En effet, le seul élément qui soit tombé à
l’aplomb de sa position initiale est cette pendeloque. Et elle se trouve tout près de
ce point. Bien entendu, toujours sur ce même axe de symétrie, la parure pouvait
aussi avoir été accrochée au mur ou sous le bucrane.
Les types de parure (colliers, bracelets, parure de tête, etc.) ont été
distingués grâce à l’emplacement des éléments sur les diverses parties du
squelette. Les types que nous allons décrire ici ont donc été uniquement identifiés
en contexte funéraire, c'est-à-dire à Tell Aswad et à Tell Halula.
632
• et les adultes : à partir de 15 ans.
Les parures trouvées in situ à Tell Aswad sont dans six cas (parures n° 1, 2,
6, 7, 9 et 10) associées à des adultes, dans deux cas à des enfants (parures n° 4 et 8)
et dans un cas à un nourrisson (parure n° 5) (cf. Fig. annexes V). Seul le type
« collier » a été identifié étant donné que dans la majorité des cas les éléments ont
été découverts autour du cou ou à proximité des vertèbres cervicales. La majorité
des parures sont composées d’éléments en pierre combinant des perles tubulaires,
des perles plates et des rondelles en turquoise, en amazonite, en malachite, en talc
ou en calcaire. Dans un cas les éléments de parure sont en coquillages et dans un
autre ils sont en perles cylindriques en os. L’absence d’autres types de parure
(bracelets, diadèmes, ceintures ou coiffes), d’une part, et l’absence de
combinaisons associant des éléments d’origine dure animale et minérale, d’autre
part, pourrait être liée aux pratiques funéraires ou à d’autres conventions
culturelles (cf. infra).
A Tell Halula, quatre types de parure ont été distingués : les ceintures, les
bracelets, les colliers et les parures de tête (diadème ou coiffe) (Fig. annexes IV.1. A
IV.7). Toutes les classes d’âge sont accompagnées de parure. Parmi les
inhumations, les enfants constituent le nombre le plus élevé (Tabl. 16.3). Ils sont
par conséquent les individus les plus parés, suivis par les adultes et les
nourrissons. Pour ces derniers, le type ceinture n’a pas été observé. On note par
ailleurs que les cyprées sont très rarement trouvées dans les sépultures des
nourrissons.
633
particulièrement recherchées pour la composition des bracelets en les combinant
parfois à des perles plates en cornaline ou en turquoise. Enfin, les pendeloques
biforées en nacre sont portées en collier comme pendentifs, et les lunules biforées
en plaque émaillée de défense de sanglier ou en cuivre sont également portées
autour du cou en guise de « torques », l’élément en cuivre pouvant être
l’exemplaire le plus ancien de tout le Proche-Orient.
Comme leur nom l’indique, les parures quotidiennes sont portées très
fréquemment, voire en permanence, jusqu’à leur cassure et leur abandon. Leur
port pourrait être lié à une fonctionnalité précise (e.g. bouton de fermeture,
ceinture d’attache d’un vêtement ou d’une trousse, coiffe ou attache de cheveux)
ou à une fonction esthétique ou identitaire (sexe, statut, appartenance familiale ou
tribale, etc.).
634
d’extrapoler et de conclure qu’il s’agit d’objets de la vie quotidienne. En revanche,
la découverte des mêmes objets en contexte non funéraire en dit beaucoup sur
cette possibilité. L’exemple le plus frappant provient du site de Tell Halula.
Parallèlement aux cyprées funéraires nous avons étudié une centaine de cyprées
non funéraires. Ces cyprées, à dorsum supprimé, sont fragmentaires et consistent
exclusivement en moitiés columellaires ou labiales. A l’exception de très rares cas
(deux), qui pourraient être intrusifs, les cyprées fragmentaires ne sont jamais
découvertes dans les sépultures. Elles proviennent toutes de divers contextes
domestiques liés aux habitats comme notamment la partie « iwan » des maisons
(cf. Fig. 2.3d), qui est située à l’entrée, ou encore dans les aires extérieures devant
ou entre les maisons. Selon nous, les cyprées fragmentaires de Tell Halula sont des
éléments abandonnés car cassés au cours de leur utilisation. Même s’il existe un
cas de récupération149, nous ne pensons pas qu’elles aient été utilisées après leur
fracture. Elles ont été simplement rejetées et non exploitées. L’observation des
stigmates d’usure sur les cyprées funéraires, notamment les encoches sur les
extrémités, montre que l’usage de certaines coquilles était très prolongé par
rapport aux autres. Cela indique une certaine dynamique dans le remplacement
des objets très usés ou fracturés, et atteste donc de la « longévité » de la parure. A
certains moments de l’occupation du site (à la phase 9 et parfois à la phase 11), il
semble que l’accès aux cyprées se soit raréfié. Les cyprées manquantes au sein des
parures ont été complétées par des paires de perles tubulaires disposées simulant
la forme générale du coquillage. Cette « astuce » témoigne du soin apporté à
l’entretien et à la conservation de ces parures. Ceci indique par conséquent que les
parures en cyprées de Tell Halula étaient portées de manière régulière au cours de
la vie, probablement quotidiennement, avant d’être enterrées avec les défunts
telles qu’ils les portaient de leur vivant.
Tous les éléments de parure trouvés dans les tombes portent des traces
d’usure, notamment sur leurs dispositifs d’attache. Ils ont donc été portés et aucun
ne semble avoir été fabriqué spécialement pour l’occasion des funérailles. Les
parures funéraires sont donc des objets qui avaient une vie et une histoire,
probablement celle des individus qu’elles accompagnaient. Il est donc peu
149 A l’exception d’une partie columellaire (phase 8) dont les extrémités ont été aménagées avec une
rainure permettant par exemple son attache par les deux extrémités à d’autres cyprées au sein
d’une parure.
635
vraisemblable de leur attribuer une unique fonction funéraire. Selon nous, elles
racontent plutôt l’histoire de la vie de ces individus.
Dans le cas de Tell Halula, comme nous venons de le voir plus haut,
certains éléments témoignent d’une utilisation plus récurrente que d’autres. En
effet, si des cyprées fragmentaires ont été découvertes en dehors des sépultures, ce
n’est pas le cas des autres types et objets comme les nérites marines, les perles en
cornaline, en turquoise ou en d’autres matériaux allochtones, les rondelles ou
encore les pendeloques biforées en nacre. La découverte de ces éléments, complets
ou fracturés, est extrêmement rare sur le site. Pourtant, les cyprées proviennent de
très loin, presque exclusivement de la Mer Rouge. Dans ce cas-là, peut-on parler
de parures portées occasionnellement ? En ce qui concerne celles découvertes à
Tell Halula, cette hypothèse nous semble très plausible étant donné de que la
fabrication de certains de ces éléments, notamment les objets en roches siliceuses,
demande un investissement technique important, de la très haute valeur
esthétique mais aussi économique de ces matériaux rares et « semi-précieux »
comme la cornaline, l’améthyste, le cuivre natif, l’amazonite et la turquoise. Par
ailleurs, il faut noter que les éléments en roches dures siliceuses sont fragiles
(cassantes comme le verre). Il nous semble peu probable que ces éléments,
notamment les perles plates, aient été soumises aux risques de fracture engendrés
par les tâches quotidiennes, notamment lorsque l’on connaît le degré
d’investissement technique et la complexité de leur fabrication et la difficulté de
leur réparation en cas de fracture. Selon nous, ces objets ont certainement bénéficié
d’une attention particulière et ont été portés, comme de nos jours, pour les
grandes occasions, y compris pour les funérailles de l’individu qui les portait.
A Tell Aswad, le rapport à la parure trouvée dans les tombes est très
différent de celui observé à Tell Halula. Ce rapport a très certainement à voir avec
les pratiques funéraires, notamment la gestion de l’espace funéraire. En effet, alors
que les sépultures à Tell Halula sont toutes primaires et individuelles, celles de
Tell Aswad sont plus variées : elles peuvent être primaires ou secondaires,
individuelles, doubles ou collectives. Dans le premier site les inhumations sont
quasiment toujours en position verticale assise tandis que dans le second les
positions sont variées mais toujours à l’horizontale. La gestion de l’espace
funéraire à Tell Halula est préalablement réfléchie, organisée et intégrée dans les
636
plans architecturaux des maisons alors qu’à Tell Aswad les sépultures peuvent
être associées aux habitats ou séparées d’elles et regroupées dans des aires
funéraires. Après l’inhumation des défunts, les sépultures sont définitivement
scellées dans le village de Tell Halula. A Tell Aswad, celles-ci font souvent l’objet
de manipulation, d’ouverture et d’aménagement. Ces manipulations sont très
certainement la cause pour laquelle les objets de parure funéraires de Tell Aswad
sont rarement trouvés en place.
Si cette hypothèse est vérifiée, les éléments de parure qui s’y trouvaient
pourraient être des éléments prélevés partiellement ou complètement, par
accident ou délibérément (?), dans les sépultures, c’est-à-dire les vestiges de
parures accompagnant les défunts à l’origine. Malheureusement, la perte
d’information qui en résulte ne nous permet pas de les reconstituer ou encore
simplement de les reconnaître. Cette hypothèse trouve un appui par le fait que les
quelques rares parures entières découvertes en place (huit pour plus d’une
centaine d’individus enterrés) sont celles associées à des squelettes entiers et non
manipulés. Les éléments de parure provenant des sépultures collectives sont
637
presque inexistants ou ne sont pas clairement associés aux squelettes (e.g.
pendeloque en crochet n° 32). De même, les fosses où étaient enterrés les crânes
surmodelés et d’autres squelettes manipulés n’ont livré aucun élément de parure.
La rareté des éléments de parure dans les sépultures de Tell Aswad seraient-elle
donc liée aux pratiques de manipulation et à la dynamique « d’entretien » des
aires funéraires du village ? Les cuvettes jouaient-elles un rôle au cours des
cérémonies funéraires ? Étaient-elles des lieux où l’on pratiquait des rituels
particuliers ? Il nous est difficile de répondre à ces questions à partir de ces
quelques données. Toutefois, il paraît très clair que la place des morts dans la vie
quotidienne des villageois d’Aswad, comme le montrent D. Stordeur et R.
Khawam (Stordeur et al. 2010, p. 50), était primordiale.
638
16.4.2. Parures identitaires ?
639
le même site et dans le bâtiment 47, une parure composée de rondelles et de
pendeloques plates pourrait avoir été associée au bucrane trouvé dans ce
bâtiment. A Tell Abr 3, une parure (collier ?) a été découverte non pas en
association directe avec des chevilles osseuses d’aurochs mais à l’intérieur d’un
vase en chlorite représentant cet animal (Yartah 2013, p. 179, fig. 87, p. 103,
fig. 96.3, p. 112). Si le taureau représentait véritablement une sorte d’entité sacrée
comme le suggère les travaux de J. Cauvin (e.g. 1994), peut-on considérer ces
parures comme des « offrandes », des symboles de la pensée religieuse des
sociétés néolithiques ? D’autres découvertes pourraient renforcer cette hypothèse.
Dans le cas de Jerf el-Ahmar, la parure identifiée en association avec le bucrane est
particulièrement imposante et volumineuse, trop sans doute pour être portée par
un sujet humain. Elle a donc probablement été conçue pour accompagner le
bucrane et renforcer son caractère symbolique.
640
Conclusion
A travers l’étude des objets de parure, nous avons voulu comprendre l’une
des manifestations artistico-symboliques les plus « discrètes » des sociétés
humaines au cours d’une succession de périodes marquées par de grands
bouleversements socio-économiques et culturels. Les différentes approches
appliquées dans ce travail ont permis de mesurer les moyens dont l’homme
disposait pour les obtenir et d’aborder la difficile question de leurs rôles dans sa
vie. Ces manifestations personnelles s’inscrivent entièrement dans les sphères
culturelles du moment. Nous présentons cette conclusion comme une synthèse
finale ayant pour but d’offrir une image générale des objets de parure au cours de
la Néolithisation du Proche-Orient.
641
variés) (Le Dosseur & Maréchal 2013) contraste avec la pauvreté typologique de
Mureybet. En effet, un seul type est identifié, celui des perles cylindriques
obtenues par tronçonnage des os longs d’oiseaux et de petits ruminants. Cette
pauvreté apparente pourrait être expliquée par le faible effectif. A la période
suivante, au Khiamien, les objets de parure sont plus abondants mais le type
dominant reste encore de loin celui des perles cylindriques.
Il est difficile de faire la synthèse sur la parure khiamienne étant donné que
le seul site de référence est celui de Mureybet. Toutefois quelques tendances
générales méritent d’être soulignées. On distingue les objets de parure khiamiens
de ceux de la période précédente par l’augmentation considérable des éléments en
os, en particulier les os longs, et l’utilisation plus fréquente des matériaux
d’origine minérale (pierre et terre).
Bien que les effectifs des éléments en matières osseuses soient beaucoup
plus élevés au Khiamien qu’au Natoufien final, la « tradition » semble rester la
même et le type dominant est celui des perles cylindriques en os. Quelques
pendeloques ont été fabriquées sur des os longs.
642
cours de cette période. Ce choix fut probablement conditionné par la provenance.
En effet, il est possible qu’au Khiamien les phosphates aient été importés de la
région de Bal’as, riche en phosphates et située dans les marges occidentales de la
steppe syrienne, au sud de la vallée de l’Euphrate (cf. Fig. 13.4). L’un de plus
anciens ateliers de fabrication de parure au Proche-Orient, datant du Khiamien, a
été découvert dans cette région. Par ailleurs, une perle khiamienne à l’état de
préforme abandonnée en cours de perforation (cf. Fig. 7.17) a été également
découverte à Mureybet.
643
supports en pierre. La pierre devient massivement adoptée et parfaitement
« domestiquée » au PPNA. Ainsi, l’architecture atteint un niveau de savoir-faire
incomparable que l’on constate à travers la construction de simples habitats ou
encore les bâtiments communautaires à subdivision (cf. Fig. 2.2a, b et c) ou, à la
période de transition PPNA/PPNB, à banquettes (e.g. EA53, cf. Stordeur 2014,
Fig. 10, p. 36), décorées de stèles et de dalles gravées. A cette même période, à
Dja’de el-Mughara, l’art incorporé à l’architecture prend la forme de fresques à
motifs géométriques polychromes peints sur les murs (cf. Fig. 2.2d et e). Enfin, les
premières constructions mégalithiques se développent en Anatolie orientale (e.g.
GöbekliTepe, région d’Urfa).
644
hauteur150 (cf. Fig. 16.5 et Fig. 16.6b). La même impression de verticalité est
manifeste avec les pendeloques en pierre, notamment le type des pendeloques
étroites hautes à section arrondie. Celui-ci est typique de la période khiamienne et
du PPNA (cf. Chapitre 14). En effet, ces pendeloques ont été identifiées sur
l’ensemble des sites datant de cet horizon dans la vallée de l’Euphrate, ainsi qu’au
nord-ouest de la Syrie (Tell Qaramel) et dans les sites d’Anatolie orientale. Le
même type de pendeloque, mais cette fois avec une rainure longitudinale centrale
comme particularité, a été identifié uniquement sur les sites de la vallée de
l’Euphrate, i.e. Mureybet, Jerf el-Ahmar et Tell ‘Abr 3. Selon nous, ces pendeloques
expriment clairement une identité culturelle et géographique commune. Les
découvertes in situ d’éléments regroupés sur le site de Mureybet et de Jerf el-
Ahmar nous ont permis de reconstituer deux parures semblables qui pourraient
avoir été des colliers. La pièce centrale de ces parures est une pendeloque étroite à
rainure. D’après nos analyses et comparaisons, il est possible que ces parures aient
été portées pour des occasions particulières durant lesquelles le rôle identitaire
prenait toute sa place (e.g. rencontres intra- ou intercommunautaires).
150 Nous verrons que les parures de la période suivante ont plutôt tendance à s’afficher à
l’horizontal.
645
une économie basée pleinement sur l’agriculture et l’élevage proprement dits. Les
habitants de ces villages constituent donc les premiers paysans de l’histoire.
151L’emploi de la turquoise et de l’amazonite au cours de la période PPNA n’est pas attesté à notre
connaissance. Toutefois, il est possible que des sites datant de cet horizon au Levant sud (e.g.
Jéricho ?), ou d’autres non loin des gisements (sud de la Jordanie, Sinaï) ou situés sur les axes de
leur circulation aient fourni les exemplaires les plus anciens.
646
peut donc parler d’une hausse remarquable des effectifs à partir du PPNB moyen
pour le site de Tell Halula. Sur ce site, les cyprées de la Mer Rouge et quelques
spécimens de la Méditerranée constituent presque exclusivement tous les
coquillages utilisés dans la parure de cette période. A la même période sur le site
de Tell Aswad, ce qui caractérise les coquillages n’est pas leur fort effectif mais
leur très forte diversité taxonomique. Cette diversité est également ressentie d’un
point de vue typologique, notamment en ce qui concerne les cyprées (cf. Fig. 12.2).
Les faibles effectifs combinés à une forte diversité taxonomique des coquillages, la
présence de matières premières allochtones brutes ou sous forme d’ébauche, celle
d’un atelier de taille de l’obsidienne, la présence de plantes et d’animaux
domestiques (dès l’horizon PPNB ancien), sont tous des indices forts qui éclairent
le rôle du site de Tell Aswad comme relais entre le nord et le sud. Tell Aswad
pouvait être en effet un village de passage pour la circulation de matières
premières, de produits, de personnes, de plantes et d’animaux entre différentes
régions.
Une autre nouveauté concernant les perles plates à partir du PPNB moyen
est celle des aménagements sur les extrémités de ces perles : le col et la convexité.
La présence de ces aménagements est probablement liée à une volonté de
647
représentation particulière, esthétique et/ou symbolique, qui malheureusement
nous échappe. Selon l’orientation, la forme d’une perle plate à col et à convexité
peut être interprétée de différentes manières et on peut imaginer un nombre
important de représentations. Par exemple, un corps humain avec un cou mais
sans tête, un oiseau aux ailes déployées ou au contraire repliée, un papillon (d’où
leur appellation fréquente de perles « papillons »), une hache double, etc. Nous ne
pouvons proposer aucune interprétation étant donné que nous ignorons
l’orientation des perles plates à aménagement au sein d’une parure. On retiendra
cependant que les formes de base de ces perles sont variées : circulaires, elliptiques
ou trapézoïdales.
Dans notre corpus, la combinaison des aménagements est celle d’un col
plus une convexité, de deux convexités à la fois, ou d’un col unique. La
combinaison associant deux cols n’existe pas dans notre corpus ni pour les
périodes qui nous concernent. Elle semble être le fruit d’une évolution de ces
aménagements seulement au cours du Néolithique céramique. Enfin, on note que
la taille des perles plates, avec ou sans aménagements, à la fin du PPNB récent et
au cours du PPNB final, est en moyenne plus grande que celles du PPNB moyen et
du début du PPNB récent à Halula.
Les nouveaux types qui sont élaborés et que l’on rencontre également à
Halula sont des perles tubulaires biconiques en turquoise, en cornaline et en
carbonates. Les rondelles biconiques sont également présentes en faibles quantités.
Un type particulièrement intéressant et uniquement attesté à Halula est celui des
rondelles plates réalisées en turquoise.
648
A l’unité, les éléments s’intègrent dans les grandes classes typologiques de
la culture PPNB qui sont communes à plusieurs régions. Mais après composition,
ces éléments semblent produire des parures personnalisées qui répondent à
différents choix : parures homogènes, parures bicolores, parures unicolores, etc.
649
Néolithique céramique et au Chalcolithique. En effet, c’est au cours de ces
périodes que le développement des techniques du feu et les innovations
technologiques associées produiront des matériaux nouveaux comme la
céramique, le verre et le métal qui seront progressivement introduits dans la
parure.
650
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