Aymée Bonpland Par Cédric Cerruti
Aymée Bonpland Par Cédric Cerruti
Aymée Bonpland Par Cédric Cerruti
UNIVERSIT DE LA ROCHELLE
COLE DOCTORALE
Socits, cultures, changes
Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
THSE
prsente par :
Cdric CERRUTI
JURY
Jean-Paul DUVIOLS
Pilar GONZLEZ BERNALDO
Guy MARTINIRE
Didier POTON
Jacques SOL
Michel VAN-PRAT
Volume 1
UNIVERSIT DE LA ROCHELLE
COLE DOCTORALE
Socits, cultures, changes
Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
THSE
prsente par :
Cdric CERRUTI
JURY
Jean-Paul DUVIOLS
Pilar GONZLEZ BERNALDO
Guy MARTINIRE
Didier POTON
Jacques SOL
Michel VAN-PRAT
REMERCIEMENTS
lAdour. Mona Huerta, Eric Monteiro et Ernesto Paredes, enfin, mont apport
leur appui afin que je puisse terminer ce travail de longue haleine.
A Buenos Aires, Roberto Schmit puis Jos Carlos Chiaramonte mont
fourni, depuis lInstituto de historia argentina y americana Dr. Emilio
Ravignani , une aide inestimable. M. Jos Laureano Amorn, Gustavo C. Giberti
et leur quipe mont offert, au Museo Farmacobotnico Juan A. Domnguez ,
une hospitalit la mesure de leurs grandes comptences. Jai galement eu le
bonheur de rencontrer M. Enrique Tandeter, alors directeur de lArchivo General
de la Nacin, dont lenthousiasme ma infiniment touch. Jai pu, aussi, partager
avec Guillermo Ottone sa passion bonplandienne .
A Corrientes, Aurora Arbelo de Mazaro et Gabriela Mabel Alvarez mont
chaleureusement accueilli au sein du Museo de Ciencias Naturales Amado
Bonpland , tout comme Leopoldo Jantus lArchivo General de la Provincia
ainsi quAntonio Krapovickas et Aurelio Schinini lInstituto de Botnica del
Nordeste. Gabriela Quionez et Julio Rafael Contreras Roqu mont apport leurs
grandes connaissances de Bonpland et de sa patrie adoptive. Enfin, Andrs R.
Ivern a bien voulu moffrir sa confiance en me permettant davoir librement accs
une importante collection de documents indits crits de la main de Bonpland et
lgue par son pre, lhistorien Andrs Ivern.
En Uruguay et au Paraguay, jai encore t accueilli avec gnrosit. A
Montevideo, jai eu la chance de rencontrer Alvaro Mones qui assumait alors la
direction du Museo Nacional de Historia Natural y Antropologa. Jai aussi pu
correspondre avec Fernando Ma Garzn et Alfredo Boccia Romaach. Tous ont
tmoign vis--vis de mes recherches la plus vive sympathie.
Puisque cette recherche touche aux clans, je voudrais remercier les miens.
Mon petit clan familial dabord ; ma fille Othilie qui, du haut de ses 75
centimtres, ma donn une force et un bonheur incroyables ; ma compagne
Hlne qui a courageusement subi mes humeurs difficiles ; ma mre Anne-Marie
et mes surs Christel et Cline qui, de prs ou de loin, mont permis davancer ici
et ailleurs. Mes clans amicaux ensuite ; le saint-pierrois, le bivrois, le grenoblois,
le rhodanien et mes compadres disperss en Euskal Herria, en Espagne, en
Colombie, en Uruguay et en Argentine, tous de cette famille de la buena gente.
SOMMAIRE
Conclusion gnrale..824
Sources et bibliographie...837
Annexes....906
INTRODUCTION GENERALE
De Humboldt Bonpland
La recherche dont Aim Bonpland (1773-1858), mdecin, naturaliste et
botaniste rochelais form au Musum national dHistoire naturelle constitue le
sujet central 1 , sinscrit dans le prolongement de celle consacre Alexandre de
Humboldt 2 . En effet, notre mmoire de matrise intitul Alexandre de Humboldt
et la Nouvelle-Espagne : reprsentation et interprtation dun modle politique
libral dans lAmrique ibrique fut rdig sous la direction de Jacques Sol,
professeur luniversit de Grenoble II et prsent en 1998. Notre tude tait
Issu dune famille de mdecins et pharmaciens rochelais, Aim Goujaud-Bonpland rejoint son
frre an en 1791 lEcole de mdecine de Paris. Il suit les cours des professeurs du Musum
national dHistoire naturelle, se spcialise dans la botanique et fait la connaissance en 1796
dAlexandre de Humboldt, jeune ingnieur des mines prussien venu ici goter latmosphre
rvolutionnaire avant de sembarquer pour un voyage autour du monde auquel il aspire depuis
plusieurs annes. Lopportunit lui en est fournie par son frre Guillaume qui le met en contact
avec Bougainville, charg du recrutement des savants pour une expdition laisse au
commandement du capitaine Nicolas Baudin. Humboldt et Bonpland sont tous deux slectionns
pour cette expdition qui est finalement ajourne. Alexandre dcide dorganiser sa propre
expdition en compagnie dAim dabord vers Alger puis Madrid o il obtient un sauf-conduit
pour lAmrique espagnole quils parcourent de 1799 1804. De 1804 1816, Bonpland travaille
la publication de la partie botanique du voyage puis lintendance des domaines de lImpratrice
Josphine. Il part en 1816 Buenos Aires afin de fonder un laboratoire de sciences naturelles la
demande des indpendantistes argentins mais est fait prisonnier par le dirigeant du Paraguay en
1821 au cours dune expdition scientifique. Libr en 1831, il poursuit son travail scientifique
quil dlaisse peu peu au profit de projets conomiques. Impliqu dans la guerre civile ayant lieu
de 1839 1852, Bonpland sinstalle la frontire argentino-brsilienne jusqu sa mort.
2
Alexandre de Humboldt (1769-1859) poursuit une brillante carrire de savant et de diplomate
aprs son retour dAmrique. Il collabore avec les plus grands scientifiques de son poque dans
presque tous les domaines des sciences naturelles et humaines ; cf. BOTTING Douglas, Humboldt,
un savant dmocrate, Paris, Belin, 1988 ; DUVIOLS Jean-Paul, MINGUET Charles, Humboldt.
Savant-citoyen du monde, Paris, Gallimard, 1994 ; GUIBERT Mireille, Alexandre de Humboldt. Le
dernier savant universel, Paris, Vuibert, 2006.
Introduction gnrale
HUMBOLDT Alexandre de, Voyage de Humboldt et Bonpland, Partie 3, Essai politique sur le
royaume de la Nouvelle-Espagne, Paris, F. Schoell, 1811, 2 tomes et un atlas. Les deux hommes
parcourent entre 1799 et 1804 une partie des colonies espagnoles, Humboldt faisant publier ses
frais un ouvrage encyclopdique partir du matriel amricain.
4
A propos du contexte encyclopdique, universaliste et positiviste dans lequel sont plongs
Humboldt et Bonpland, cf. BLANCKAERT Claude, PORRET Michel, BRANDLI Fabrice (d.),
LEncyclopdie mthodique (1782-1832), Des Lumires au Positivisme, Genve, Droz, 2006.
5
HUMBOLDT Alexandre de, Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne, Paris, A. A.
Renouard, 1825 (seconde dition).
6
MINGUET Charles, Alexandre de Humboldt. Historien et gographe de lAmrique espagnole
(1799-1804), Paris, Maspero, 1969.
9
Introduction gnrale
Le premier voyage avec Humboldt effectu de 1799 1804 a pour destination les colonies
espagnoles comportant les Etats actuels du Venezuela, de Cuba, de Colombie, dEquateur, du
Prou, du Mexique et des Etats-Unis ; cf. annexe n 8, p. 948. Le parcours de Bonpland partir de
1817 englobe lArgentine, lUruguay, le Brsil et le Paraguay. Il existe une relation de cause effet
qui est analyser entre ces deux sjours, le second voyage de Bonpland tant li au premier.
8 Il sagit de la premire socit scientifique spcialise dans ltude de lAmrique ; cf.
LAURIERE Christine, La Socit des Amricanistes de Paris : une socit savante au service de
lamricanisme , in Journal de la socit des amricanistes, Paris, Muse de lHomme, 2009, vol.
95, n 2, pp. 93-115.
9
HAMY Thodore Jules Ernest, Lettres amricaines dAlexandre de Humboldt (1798-1807).
Prcdes dune notice de J.C. Delamtherie et suivies dun choix de documents en partie indits,
Paris, Guilmoto, 1905 ; Aim Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud,
Paris, Guilmoto, 1906.
10
Introduction gnrale
10
Beaucoup cit mais peu tudi, Alfred Demersay (1815-1891) est charg de mener une mission
dexploration au Paraguay entre 1844 et 1847. Il rencontre Bonpland, parvient Asuncin et publie
plusieurs ouvrages aprs son retour. Nous perdons sa trace au dbut des annes 1860 alors quil est
membre de la Socit de Gographie de Paris et charg en 1862 danalyser les archives dEspagne
et du Portugal. Il semble faire carrire dans ladministration prfectorale. Membre de la Socit
archologique et historique de lOrlanais, il est aussi correspondant de la Real Academia de la
Historia de Madrid Ballus, dans le Loiret, do il est originaire.
11
DEMERSAY Alfred, La vie et les travaux de M. Aim Bonpland, Correspondant de lInstitut
et du Musum dhistoire naturelle , in Bulletin de la Socit de Gographie de Paris, quatrime
srie, tome V, 1853, pp. 240-254 ; ANGELIS Pedro de, Amado Bonpland , in Revista del
Plata, novembre-dcembre 1854. Pedro de Angelis (1784-1859) est un historien et philosophe
originaire de Naples, bonapartiste et prtendument li la franc-maonnerie, il est nomm
prcepteur des enfants du roi de Naples en 1811. Aprs la chute de Murat, il sinstalle Paris o il
semble vivre essentiellement de sa plume. Il crit plusieurs ouvrages dhistoire et trois
dictionnaires biographiques avant dtre recrut par Rivadavia. Arriv Buenos Aires en 1827, il
simpose comme journaliste, biographe et surtout archiviste. Devenu le chantre du rgime de
Rosas, il demeure aprs sa chute un intellectuel incontournable.
11
Introduction gnrale
pages en 1871 12 . Il sagit dune biographie rdige comme les notices prcdentes
par un contemporain et familier de Bonpland.
Elle annonce celle publie en 1906 par Thodore Jules Ernest Hamy, le
premier biographe nayant pas connu Bonpland et ne se basant pas sur le
tmoignage oral. Hamy, fondateur et prsident de la Socit des Amricanistes de
Paris, membre de lInstitut et professeur au Musum est aussi le premier chercheur
sintresser Bonpland. Il ralise son tude grce aux travaux de ses
prdcesseurs et y ajoute une mthodologie scientifique grce une recherche
documentaire approfondie en Europe et en Amrique. En effet, il parvient
retrouver des documents notamment Berlin o ses recherches consacres
Humboldt le mnent sur la piste de son compagnon de voyage, dautres ensuite
appartenant aux descendants des Goujaud-Bonpland, dautres enfin grce un
minutieux travail de recherche documentaire men auprs de particuliers et
dinstitutions 13 . Surtout, Hamy diffuse le premier une partie de la collection runie
La Rochelle ainsi quune partie des fonds mis jour Buenos Aires en 1905 par
Eduardo Ladislao Holmberg neveu du baron Eduard Ladislas Kaunitz de
Holmberg avec lequel Aim Bonpland correspond et lui aussi professeur, charg
de lenseignement des Sciences Exactes, Physiques et Naturelles luniversit de
Buenos Aires. Il ne peut en revanche tirer profit des fonds remis Eugne Autran
par lun des petits-fils du botaniste, luniversitaire suisse enseignant les Sciences
Exactes Buenos Aires 14 se rservant la primaut de cette dcouverte quil distille
au compte-gouttes. Hamy livre tout de mme au public amricaniste une tude qui
fait encore autorit 15 .
Dautres notices biographiques paraissent irrgulirement de part et dautre
de lAtlantique mais nacquirent pas lenvergure de celle de Hamy qui demeure
une rfrence. Deux approches historiques se croisent au cours du XXe sicle, les
biographies romances dune part et les biographies documentes intgrant
Bonpland au sein de lhistoire des sciences dautre part. En 1943 George Sarton, le
12
Introduction gnrale
Introduction gnrale
Introduction gnrale
principal apport de ce livre est de lever une partie du voile enveloppant les
diffrents domaines dans lesquels le savant simmerge partir de 1831, date de sa
libration neuf ans aprs son enlvement par les forces paraguayennes. Le champ
politique est privilgi juste titre, car il sagit sans doute de laspect du
personnage le moins connu en France et pourtant lun des plus significatifs de son
investissement dans la rgion du Ro de la Plata. En 2010 Stephen Bell, gographe
enseignant luniversit de Californie, publie la plus rcente et la plus complte
biographie propos de Bonpland 29 car mme si elle dbute en 1817, lauteur
noublie pas de faire rfrence aux acquis antrieurs du naturaliste. En outre, il
utilise les fonds dj connus et en apporte dautres dAllemagne, de Londres,
dAmrique du Nord et surtout du Brsil, terrain de recherche oubli mais pourtant
fcond puisque Bonpland y rside rgulirement, sa proprit brsilienne de So
Borja acquise en 1833 tant situe lest du ro Uruguay, tandis quil cultive
aussi le terrain lou Santa Ana partir de 1837 sur la rive occidentale du fleuve,
en territoire argentin. Les apports de Stephen Bell sont multiples mais cest
certainement lhistoire conomique qui profite le plus de cet ouvrage, les archives
de Bonpland fournissant ce sujet un clairage de grande valeur.
Aprs les approches biographiques, les tudes thmatiques constituent la
seconde catgorie de lhistoriographie bonplandienne . A cet gard, la
bibliographie de Stephen Bell en contient la totalit depuis quen 1860 Alfred
Demersay publie un premier article consacr la question des archives laisses
par Bonpland 30 . Aprs une srie de publications consacres entre 1905 et 1914 la
dcouverte des fonds lgus par Pompeyo Bonpland Autran, de nombreux
articles outre les ouvrages dans lesquels il est rgulirement cit lui sont
consacrs. Parmi les historiens sud-amricains ayant men des recherches vis-vis de Bonpland des annes 1920 aux annes 1950 figurent les Argentins Hernn
Felix Gmez, Alberto Palcos, Guillermo Furlong et Daniel Hammerly Dupuy 31 .
Lcole historique paraguayenne sintresse de mme au Rochelais travers
Enrique Bordenave, Efram Cardozo et Juan Francisco Prez Acosta. Lensemble
29
15
Introduction gnrale
Professeur lEcole de Pharmacie de Buenos Aires depuis 1899 jusqu sa mort intervenue en
1946, Juan A. Domnguez dveloppe un travail denseignement et de recherche considrable dans
les domaines botaniques, chimiques, toxicologiques et zoologiques.
33
La Grande Arme ou Ejrcito Grande est forme en 1850 pour mettre fin au rgime de Rosas
qui dirige la province de Buenos Aires de 1829 1832 puis de nouveau entre 1835 et 1852, le
gouvernement de la Confdration Argentine lui tant attribue lors de son second mandat. Cette
arme comprend les corps de Corrientes, Entre Ros et Buenos Aires auxquels sajoutent ceux de
lUruguay et du Brsil.
34
DOMINGUEZ Juan A., Urquiza y Bonpland. Antecedentes histricos. La disentera en el
Ejrcito Grande en formacin, en 1850. Su tratamiento por la granadilla : Pieramnia Sellowii
Planch. v. Picraena (Pierasma) palo-amargo (Speg.) Speg. v. Castela Tweedie Planch. (Notas y
documentos inditos para la historia de la medicina argentina), Buenos Aires, Trabajos del Instituto
de Ciencias Mdicas de Buenos Aires/Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos Aires, n59, 1939.
35
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, Aim Bonpland.
Aportaciones de carcter indito sobre su actividad cientfica en Amrica del Sud, Buenos Aires,
Publicaciones del Instituto de Historia de la Medicina, vol. XVII, 1955.
36
ALVAREZ LOPEZ Enrique, El viaje a Amrica de Alexander von Humboldt y Aim
Bonpland y las relaciones cientficas de ambos expedicionarios con los naturalistas de su tiempo ,
in Anales del Instituto Botnico A. J. Cavanilles, t. 22, 1964, pp. 11-60 ; STEARN William T.
(Ed.), Humboldt, Bonpland, Kunth and trpoical american botany. A misccellany on the Nova
Genera Et Species Plantarum , Lehre, Verlag von J. Cramer, 1968 ; LOPEZ SANCHEZ Jos,
Bicentenario de Bonpland: un apostol de la ciencia en Suramrica , in Revista de la Bibiloteca
nacional Jos Marti, Cuba, vol. XVI, n 2, 1974, pp. 75-101.
16
Introduction gnrale
GIBERTI Gustavo C., Bonplands manuscript name for the yerba mate and Ilex Theezans C.
Martius Ex Reisseck (Aquifoliaceae) , in Taxon, vol. 39, n 4, novembre 1990, pp. 663-665 ;
OTTONE Eduardo Guillermo, The French Botanist Aim Bonpland and Paleontology at Cuenca
del Plata , in Earth Sciences History, vol. 21, n 2, 2002, pp. 150-165 ; Aim Bonplands
drawings of the It Puc, 1834, and the history of the early geological representations in
Argentina , in Earth Sciences History, vol. 23, n 1, 2004, pp. 121-133.
38
Il sagit du sous-titre de sa biographie, Nicolas Hossard voquant quant lui un homme
lombre des arbres . Ces choix de placer Bonpland dans une pnombre sont significatifs du travail
qui reste raliser pour lui redonner un statut historiographique sinon majeur, du moins pertinent.
Le biologiste et historien des sciences argentin Julio Rafael Contreras Roqu, aprs avoir rdig
une uvre monumentale consacre Flix de Azara, prpare actuellement une biographie ddie
Aim Bonpland. Celle-ci devrait acqurir une reconnaissance gale celle de Stephen Bell, les
recherches menes antrieurement par Julio Rafael Contreras Roqu tant dune grande valeur.
39
MARTINIERE Guy, LALANDE (dir.), Aim Bonpland, un naturaliste franais aux Amriques
(1773-1858). De lorchide la yerba mate , Paris, Les Indes Savantes, 2010.
17
Introduction gnrale
40
Introduction gnrale
42
Introduction gnrale
47
Ainsi, Julio Rafael Contreras Roqu et Alfredo Boccia Romaach ont retrouv Lima puis ont
dit et comment en 2006 le journal du voyage de Bonpland ralis en 1857 Asuncin.
48
CONTRERAS ROQUE Julio Rafael, BOCCIA ROMAACH Alfredo, op. cit., p. 83. Les
auteurs se rfrent spcifiquement lexpression Seor Barn de Humboldt . Leur autre
hypothse est celle dune habitude dcriture prise par Bonpland. Or dautres sources la
dmentent ; ici il nous semble que Bonpland rdige un journal de voyage destin tre lu.
49
La forme dcriture de ses journaux trs proche des rcits de voyage comme la personnalit du
botaniste qui se dgage de ces recherches tendent dmontrer quil tait particulirement attentif
sa postrit.
50
La varit des approches historiques est synthtise in BERNABEU ALBERT Salvador, El
universo americanista. Un balance obligado para acabar el siglo , in Revista de Indias, vol. LX, n
219, 2000, pp. 271-306. Les aspects pluridisciplinaires et internationaux de la recherche
amricaniste sont quant eux affirms, par exemple, lors du bilan dress en 2010 in
COMPAGNON Olivier, Les Cahiers des Amriques latines : bilan dtape et perspectives , in
Cahiers des Amriques latines, n 65, 2010, pp. 7-16.
20
Introduction gnrale
idologiques
ou
aux
mcanismes
dappropriation
et
dadaptation
des
Remy Hess lcrit dans la prface de louvrage de Jacques Demorgon ; cf. DEMORGON
Jacques, Lhistoire interculturelle des socits, Paris, Anthropos, 1998, p. X.
21
Introduction gnrale
sources
se
rapportant
Bonpland
constituent
une
mine
52
Cf. LAISSUS Yves (coord.), Les naturalistes franais en Amrique du Sud : XVIe-XIXe sicles,
Paris, CTHS, 1995. Les expriences individuelles constituent lessentiel de louvrage.
53
ROUQUIE Alain, Amrique latine : introduction lExtrme-Occident, Paris, Seuil, 1987.
54
ARES QUEIJA Berta, GRUZINSKI Serge (coord.), Entre dos mundos. Fronteras culturales y
agentes mediadores, Sville, Escuela de Estudios Hispano-Americanos/CSIC, 1997.
55
Nous avons tent par exemple dapprofondir, partir des journaux de mdecine, le tableau
mdical de la rgion parcourue par Bonpland entre 1833 et 1858. Mais malgr la masse des
documents il manque des informations permettant de traiter en totalit cet aspect. Lannexe n 3 en
prsente des extraits et en explique les lacunes. Nanmoins, ces sources demeurent un sujet dtude
approfondir.
56
SARMIENTO Domingo Faustino, Facundo, Buenos Aires, Colihue, 2006 (1845). Notons que la
traduction franaise de 1853 ne reprend pas cette notion ; cf. SARMIENTO Domingo Faustino,
22
Introduction gnrale
En France, Pierre Musso relve le terme dans la Revue des Deux Mondes
date du 15 novembre 1846 57 sous la plume de Charles de Mazade, celui-ci
commentant en lapprouvant et lamplifiant le propos de Sarmiento. Le terme se
forge de manire dprciative par le biais dErnest Renan au cours de la seconde
moiti du XIXe sicle, celui-ci lemployant pour dsigner lhostilit la culture et
la socit amricaine entendue comme celle des Etats-Unis 58 . Au cours du
troisime quart du XIXe sicle, le Grand Dictionnaire Universel de Pierre
Larousse 59 propose une dfinition plus nuance et paradoxale distinguant
lamricanisme, lamricaniste et lamricomanie. Ainsi lamricanisme est dfini
comme une admiration politique et culturelle outre vis--vis spcialement des
Etats-Unis. Lamricaniste est celui qui aime les murs et les usages des
Amricains, tandis que lamricomanie en est la forme exagre. Lamricanisme
se rapproche donc de lamricomanie, probablement sous linfluence de Renan.
Michel Chevalier latinise quant lui lamricanisme en introduisant en France,
avec Jos Mara Torres Caicedo, le terme dAmrique latine 60 . Remarquons que
ces concepts contiennent des caractristiques politiques et culturelles mais pas
encore scientifiques, lacte fondateur en ce domaine tant linauguration du
premier Congrs des Amricanistes tenu Nancy en 1875 61 . Remarquons aussi
qu partir de 1875 lamricanisme en tant que discipline scientifique soriente
essentiellement vers le terrain latino-amricain, cest--dire l o se trouvent des
sujets et des objets dtudes en nombre, son but tant alors essentiellement ltude
des sciences naturelles amricaines. Pour cette raison, une recherche concernant
des savoirs non institutionnaliss favorise un regard sur les dlimitations mmes
des frontires entre les savoirs, ainsi que sur les frontires entre les savoirs et ce
qui est cens ne pas en relever. Dans le cas de lamricanisme, discipline
Civilisation et Barbarie. Murs, coutumes, caractres des peuples argentins. Facundo Quiroga et
Aldao, Paris, Arthus Bertrand, 1853.
57
MUSSO Pierre, Amricanisme et amricanisation : du fordisme lhollywoodisme , in
Quaderni, 2003, vol. 50, n 50-51, p. 231.
58
KASPI Andr, Les Etats-Unis daujourdhui : mal connus, mal aims, mal compris , in
Bureau de la formation continue des enseignants, Inspection gnrale de l'ducation nationale (d.),
Du modle amricain la superpuissance ? Sminaire national organis le 25 mai 2005 la Cit
internationale universitaire de Paris, Versailles, CRDP, 2006, p. 11.
59
LAROUSSE Pierre, Grand Dictionnaire universel du XIXe sicle, Paris, Larousse, 1990-1992
(1866-1878), 23 tomes et 4 supplments.
60
Cf. SANCHEZ ALBARRACIN Enrique, La convergence hispano-amricaniste de 1892. Les
rencontres du IVe centenaire de la dcouverte de lAmrique, thse de doctorat ralise sous la
direction de Bernard LAVALLE, Paris III-Sorbonne Nouvelle, 2006, p. 134.
61
Cf. LOGIE, tienne, RIVIALE Pascal, Le congrs des amricanistes de Nancy en 1875 : entre
succs et dsillusions , in Journal de la socit des amricanistes, vol. 95, n 2, 2009, pp. 151-171.
23
Introduction gnrale
traversant aujourdhui de part en part les sciences sociales, loccasion nous est
donne den saisir la nature, peu avant sa formalisation, sous langle des pratiques
plutt que des thories, ces dernires tant absentes du lexique scientifique.
Il existe donc plusieurs amricanismes, langlo-saxon fournissant la
France un modle politique, conomique et culturel tandis que le latino-amricain
offre un champ dtude principalement scientifique. Cette diffrenciation entrane
une posture et un postulat fondamental vis--vis du latino-amricanisme,
beaucoup plus tudi par les chercheurs mais aussi beaucoup plus mpris. Aussi
la masse des tudes en sciences humaines propos de lAmrique latine devance
et surpasse celles concernant laire culturelle anglo-saxonne, mais est fortement
connote par un prjug progressiste. Le latino-amricanisme est alors au centre
du terrain scientifique mais demeure la priphrie jusquaux annes 1930 et
notamment aux travaux mens par Claude Lvi-Strauss et Fernand Braudel So
Paulo. Leurs missions en mme temps que lapparition de lcole des Annales
mettent en lumire loriginalit du latino-amricanisme en France, lhistoire de ce
concept tant analyse dans louvrage fondateur de Jacques Chonchol et Guy
Martinire 62 .
Ces recherches mettent aussi en lumire la difficult des nations latinoamricaines se forger leur propre tradition scientifique et culturelle car du saintsimonisme jusqu la nouvelle histoire les outils intellectuels sont en grande partie
fournis par le Vieux Monde. Il faut attendre les annes 1990 pour quun
mouvement de relecture historique se gnralise parmi les historiens latinoamricains comme europens, tout du moins ceux concernant laire culturelle
tudie, savoir le Ro de la Plata 63 . A propos de cette notion gographique,
prcisons que la vice-royaut du Ro de la Plata est constitue historiquement par
les Etats actuels de lArgentine, du Paraguay, de lUruguay et de la Bolivie. Au
cours des guerres dindpendances une partie du Prou, du Chili et du Brsil
actuels annexent des territoires appartenant au vice-royaume. La rvolution de mai
1810 cre les Provinces Unies du Ro de la Plata voulant conserver les limites
62
Introduction gnrale
coloniales espagnoles, mais les apptits brsiliens et les rivalits internes remettent
rapidement en cause ce projet.
Nous nous limitons aux aires gographiques et culturelles dans lesquelles
Bonpland se rend partir de 1817, la fois pour viter dlargir exagrment le
corpus documentaire comme pour conserver au sujet sa cohrence. En 1992, le
cinquime centenaire de la dcouverte de lAmrique est loccasion pour Michel
Paty de faire un bilan de lhistoire des sciences en Amrique latine 64 . Le Brsil et
lArgentine y ont une place de choix, lauteur en profitant pour rhabiliter les
historiens latino-amricains, voquer lhistoire des voyageurs comme un thme
presque inpuisable et dfinir trois objets dtude des sciences, dabord ellesmmes comme objets dhistoire, ensuite lhistoire des sciences comme discipline
et activit et enfin dun point de vue historiographique. En effet, la discipline
amricaniste telle quelle se dveloppe depuis Sarmiento et Hamy jusqu
recouvrir aujourdhui notamment lors des Congrs Internationaux des
Amricanistes un champ de recherche englobant lensemble des sciences
humaines et sociales. Il savre donc ncessaire de recourir une histoire
culturelle privilgiant les interactions de sujet sujet et la transmission sociale des
objets culturels 65 afin daborder cette partie de lhistoire de lamricanisme
comme un ensemble dinteractions entre les pratiques, les discours et les rseaux,
en y insrant les apports de Bonpland.
Le recours la notion de rseau simpose pour raliser une tude dhistoire
culturelle. En effet, le mdiateur est insparable dun ou plusieurs ensembles
fournissant les cadres llaboration dune pense et dune action 66 . Or, la
tendance isoler le voyageur dune de ces parties formatrices du discours est trs
prsente
dans
lhistoriographie
concernant
Bonpland.
Comme
Jacques
Demorgon 67 , nous pensons quil existe un lien irrductible entre le sujet individuel
et la hirarchie des aventures collectives humaines. Apprhender le voyageur ou le
savant daprs ses rseaux nest donc pas une nouveaut, bien que cette relation
soit souvent aborde de manire partielle. Entre le terrain et le laboratoire,
64
PATY Michel, Lhistoire des sciences en Amrique latine , in La Pense, Paris, n 288-289,
1992, pp. 21-45.
65
Cf. ORY Pascal, Lhistoire culturelle, Paris, PUF, 2004 ; POIRRIER Philippe, Les enjeux de
lhistoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.
66
Cf. LEPETIT Bernard (dir.), Les formes de lexprience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin
Michel, 1995 ; LEPETIT Bernard, Carnet de croquis. Sur la connaissance historique, Paris, Albin
Michel, 1999.
67
DEMORGON Jacques, op. cit.
25
Introduction gnrale
68
PESET REIG Jos Luis, Ciencia y Libertad. El papel del cientfico americano ante la
Independencia, Madrid, CSIC, 1987.
69
DHOMBRES Nicole et Jean, Naissance dun nouveau pouvoir: sciences et savants en France
(1793-1824), Paris, Payot, 1989.
70
La dfinition du rseau social propose par Michel Bertrand dans le cadre de lhistoire de
lAmrique hispanique sapplique notre recherche. Il sagit d un complejo sistema relacional
que permite la circulacin de bienes y servicios, tanto materiales como inmateriales, dentro de un
conjunto de relaciones establecidas entre sus miembros, que los afecta a todos, directa o
indirectamente y muy desigualmente. ; BERTRAND Michel, Los modos relacionales de las
lites hispanoamericanas coloniales: enfoques y posturas , in Anuario IEHS, n 15, 2000, p. 74.
71
Francisco Javier Muiz (1795-1871), mdecin de formation et considr comme le premier
naturaliste argentin, demeure de lindpendance jusqu la chute de Rosas la priphrie
scientifique avant de participer la construction des sciences nationales. ). Il pratique la
palontologie dans la rgion de Lujn o il sinstalle en 1828. Correspondant avec Charles Darwin,
il retourne Buenos Aires en 1848 o il exerce des fonctions universitaires jusqu sa mort ; cf.
ONNA Alberto F., Estrategias de visualizacin y legitimacin de los primeros paleontlogos en
el R de la Plata durante la primera mitad del siglo XIX: Francisco Javier Muiz y Teodoro
26
Introduction gnrale
Introduction gnrale
recherche en cours mens par Didier Poton pour le Canada et Laurent Vidal pour
le Brsil 77 replacent les migrants au centre de lapproche historique.
Il sagit bien dvoquer des cultures et non des nations, sachant que
lAmrique du Sud possde les unes et construit pniblement les autres. Par
rseaux transculturels nous entendons donc les interpntrations dans une
perspective dynamique de construction rciproque. Ces rseaux appellent une
notion de transfert culturel englobant la vie conomique, dmographique,
psychique et intellectuelle des groupes sociaux mis en prsence 78 . Ensuite, le
rseau transculturel prsente lavantage de pouvoir rejeter justement des approches
nationales crant des frontires ignores par les pratiques, et qui ne se situent pas
l o une tude en rseau se doit de les dplacer. En effet, la construction de ces
nouveaux Etats suit une logique diffrente que celle de la construction nationale
cloisonne, sparant lvolution des aires hispano et luso-amricaines ; la science
et lhistoire culturelle prsentent des ressources privilgies pour effectuer une
approche
compare.
Enfin,
ce
type
dtude
en
rseau
permet
une
les
recoupements
entre
rseaux
scientifiques
et
politiques
transculturels, les frontires surtout quil est ncessaire de redfinir, afin de saisir
les rapports entre discours et rseau. Nous esprons grce au rseau dgager les
interactions entre les thmes discursifs et les mdiateurs. Le rseau constitu par
Bonpland impressionne de par sa diversit ; il sagit den analyser la nature, les
buts, lintensit, la frquence afin de dgager la nomenclature dun amricaniste ;
cest sans doute l la plus grande richesse que peut offrir lexprience de
Bonpland.
A travers celle-ci, entre le temps de lutopie et celui du ralisme, mais aussi
travers celle de ses contemporains, il sagit de mettre en avant laction de ces
personnes qui collaborent aux interactions culturelles internationales, participant
77
VIDAL Laurent, LUCA Tania de (dir.), Les Franais au Brsil. XIXe-XXe sicles, Paris, Les
Indes Savantes, 2011.
78
ESPAGNE Michel, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, PUF, 1999, p. 1.
28
Introduction gnrale
RODRIGO ALSINA Miquel, Comunicacin intercultural, Barcelona, Anthropos, 1999, pp. 8081.
80
La geste indpendantiste est analyse dans louvrage de Genevive Verdo qui la fait dbuter ds
1808 ; VERDO Genevive, Lindpendance argentine entre cits et nation (1808-1821), Paris,
Publications de la Sorbonne, 2006.
81
Cf. GERBI Antonello, La disputa del Nuevo Mundo, historia de una polmica, 1750-1900,
Mexico, FCE, 1993 (1955) ; ROJAS MIX Miguel, Amrica en la concepcin ilustrada de la
29
Introduction gnrale
Introduction gnrale
88
31
Introduction gnrale
attendre la dcennie 1850 pour que les deux champs se rejoignent et interagissent
pour peu peu alimenter les laboratoires transatlantiques.
Dun point de vue scientifique, Aim Bonpland se situe donc dans ce qui
peut tre qualifi de priode pr-amricaniste au sens donn en 1875 au terme
damricanisme, savoir ltude scientifique globale du Nouveau Monde 90 . Au
sens historiographique il en est une figure parmi beaucoup dautres si lon
considre que les rseaux, les discours et les actes structurant lhistoire de
lamricanisme. Pour cela, la premire partie concerne lanalyse des interactions
entre le savant et le politique. Il sagit dun substrat essentiel pour comprendre
ensuite les comportements scientifiques du Rochelais et les replacer dans leur
contexte. Il sagit de comprendre non seulement un personnage mais un temps et
un espace historique. Du continent au clan, Bonpland non seulement se place dans
lvolution politique rioplatense mais aussi y participe diffrentes chelles 91 .
Ensuite les aspects scientifiques se divisent en deux temps, celui du transfert de
laboratoire et celui de lutilisation du terrain. Les Libertadores hritent des
perspectives scientifiques ouvertes lors de la seconde moiti du XVIIIe sicle par
les grandes campagnes naturalistes organises par la couronne espagnole. La
concidence entre lexprience acquise par Bonpland au contact des laboratoires
europens en France entre 1804 et 1815, sa situation prcaire aprs les Cent-Jours
et les projets scientifiques des indpendantistes latino-amricains est lobjet de la
seconde partie. Il sagit ici danalyser lvolution des interactions scientifiques
entre le Nouveau et lAncien Monde en analysant ladaptation de projets
scientifiques europens au Ro de la Plata. Enfin, les perspectives offertes par le
terrain de recherche rioplatense constituent le dernier thme de recherche. Ce
terrain est analys sparment car il acquiert une dimension particulire au cours
de la premire moiti du XIXe sicle. En effet, les transferts de laboratoires
90
Le Congrs international des Amricanistes a pour objet de contribuer au progrs des tudes
ethnographiques, linguistiques et historiques relatives aux deux Amriques, spcialement pour les
temps antrieurs Christophe Colomb, et de mettre en rapport les personnes qui sintressent ces
tudes , prcise le premier article du congrs tenu Nancy en 1875 ; Congrs international des
Amricanistes, Compte-rendu du congrs des Amricanistes. Premire session. Nancy,
Nancy/Paris, Crpin-Leblond/Maisonneuve, 1875, vol. 1, p. 7.
91
Louvrage dirig Jacques Revel, Jeux dchelles, expose que le prisme utilis fait apparatre des
phnomnes diffrents de la mme manire que le changement dchelle en cartographie ; cf.
REVEL Jacques (dir.), Jeux dchelles. La micro-analyse lexprience, Paris, Gallimard/Le
Seuil, 1996. Il sagit de runir ces chelles par lintermdiaire dun mdiateur, dun relais
amricaniste.
32
Introduction gnrale
33
PREMIRE PARTIE
LE POLITIQUE ET LE SAVANT
INTRODUCTION
Premire partie
Introduction
36
Premire partie
Introduction
Premire partie
puissance
hispanique
Introduction
continentale
combinant
dterminisme
naturel 94
et
Bolvar voque le peuple que podr elevarse a la grandeza que la naturaleza le ha sealado ,
cit in ibid., p. 66.
95
CHIARAMONTE Jos Carlos, Formas de identidad en el Ro de la Plata luego de 1810 , in
Boletn del Instituto Dr. E. Ravignani , Troisime Srie, n 1, premier semestre 1989, pp. 71-88.
96
Ds les premiers mouvements indpendantistes au Ro de la Plata, Les constitutions rioplatenses
nempruntent pas lEurope mais concident avec elle ; cf. VERDO Genevive, Le rgne du
provisoire. Llaboration constitutionnelle au Rio de la Plata , in LEMPERIERE Annick,
38
Premire partie
Introduction
LOMNE Georges, MARTINEZ Frdric, ROLLAND Denis (coord.), LAmrique latine et les
modles europens, Paris, LHarmattan, 1998, pp. 79-120 ; In historia veritas : le modle de
lAntiquit chez les rvolutionnaires hispano-amricains , in QUEIROS MATTOSO Katia de,
MUZART-FONSECA DOS SANTOS Idelette, ROLLAND Denis, Modles politiques et culturels
au Brsil. Emprunts, adaptations, rejets. XIXe et XXe sicles, Presses de lUniversit ParisSorbonne, 2003, pp. 107-122.
39
CHAPITRE I
De lindpendantisme lunitarisme (1799-1839)
INTRODUCTION
Proportionnellement lnorme masse de documents crits de sa main,
Bonpland livre peu dindices de sa propre reprsentation des colonies espagnoles
puis du Ro de la Plata. Au cours dune de ses rares confidences Alexandre de
Humboldt, il explique ne pas vouloir sengager outre-mesure sur ce terrain 97 . Le
Prussien, au contraire, sexprime longuement ce sujet et se montre en accord
avec une grande partie des revendications croles. Sa libert de parole et ses prises
de position sont une consquence directe de sa libert daction ayant permis une
immersion parmi les Amricains peu avant le dbut de la geste indpendantiste.
Ainsi, les essais politiques sur la Nouvelle-Espagne et Cuba, dits en France 98 ,
permettent lauteur de ne pas mnager ses critiques lgard du systme
colonial espagnol.
Un autre exemple dadaptation aux circonstances politiques est fourni par
les ouvrages dAuguste de Saint-Hilaire, dont les descriptions gographiques
sajustent aux changements politiques intervenus en Amrique du Sud entre les
97
je me suis limit autant que possible et ne tai pas dit la millime partie de ce quon peut dire
sur semblable sujet ; Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Jules
Thodore Ernest, op. cit., p. 90.
98
HUMBOLDT Alexandre de, op. cit. ; Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne,
Paris, A. A. Renouard, 1825 (seconde dition) ; Essai politique sur lle de Cuba, Paris, Gide,
1826, 2 tomes.
Premire partie
Chapitre I
SAINT-HILAIRE Auguste de, Province de S. Pedro de Rio Grande do sul, au brsil, Paris,
Pihan de la Forest, 1823 ; Voyage dans la province de Rio de Janeiro et de Minas Geraes, Paris,
Grimbert et Dorez, 1830, 2 tomes ; Voyage dans le district des diamans et sur le littoral du Brsil,
Paris, Gide, 1833, 2 tomes.
100
ORBIGNY Alcide d, Voyage dans lAmrique mridionale (le Brsil, la Rpublique Orientale
de lUruguay, la Rpublique Argentine, la Patagonie, la Rpublique du Chili, la Rpublique de
Bolivia, la Rpublique du Prou) excut pendant les annes 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831,
1832 et 1833, Paris, P. Bertrand, Strasbourg, Levrault, tomes I et II, Partie historique, Paris,
Bertrand ; Strasbourg, Levrault, 1835-1843.
101
Les seules notes de la main de Bonpland propos de ce voyage tiennent en quelques lignes ; cf.
MNHN, ms 456.
102
Cette rpublique se donnant pour frontires les limites de lancienne vice-royaut du Ro de la
Plata est proclame en 1811, succdant aux Provinces du Ro de la Plata cres lors de la
Rvolution de Mai 1810. De nombreux changements et superpositions de noms interviennent, le
terme de Confdration Argentine tant majoritairement employ partir de 1835 jusquen 1860,
lorsque le terme de Rpublique Argentine est adopt. Les principaux lieux explors par Bonpland
figurent sur la carte n 1, p. 51.
103
Bernardino Rivadavia (1780-1845) est successivement plnipotentiaire, ministre puis prsident
des Provinces Unies de la Plata. Il occupe cette dernire charge de 1824 1826 mais doit
dmissionner et sexiler lanne suivante, sa politique de tendance unitaire donnant un grand poids
Buenos Aires au dtriment des autres provinces qui demandent davantage dautonomie par le
biais dun systme fdral ; cf. PICCIRILLI Ricardo, Rivadavia y su tiempo, Buenos Aires,
Peuser, 1943.
41
Premire partie
Chapitre I
pour sa part comme une suite sans interruption dimpressions construisant une
vision mouvante dans le temps. Enlev en 1821 par le dirigeant du Paraguay,
libr neuf ans plus tard alors que le Ro de la Plata est confront aux difficults
qui suivent son indpendance, Bonpland est alors un prcieux tmoin de cette
construction politique.
Quatre phases jalonnent cette partie du parcours de Bonpland. De 1817
1821 il sinstalle dans une rgion et se confronte avec une nouvelle ralit
politique quil ne connat qu travers ses reprsentations forges lors de son
premier voyage dans un espace politique diffrent. Ensuite, de 1821 1831 il
demeure isol au Paraguay. De 1831 1834, Bonpland libr conserve un regard
de voyageur, puis entre 1834 et 1839 il se conforme la vie politique grce une
adaptation aux enjeux rioplatenses mais sans y participer directement. Il demeure
un observateur et un mdiateur projet dans un espace le Ro de la Plata et une
ralit les conflits gnrs par les tentatives de construction nationale qui
structurent la reprsentation de son espace de vie et plus gnralement de
lAmrique du Sud.
Durant ces phases les cercles relationnels de Bonpland voluent tout
comme les reprsentations quils suscitent. A limage de lAmrique du Sud se
superpose celle de la France, et lon peut se demander si, en 1839, aprs plus de
vingt ans passs sur le sol amricain, la vision ne sest pas inverse ; le Ro de la
Plata serait mieux compris, mieux assimil par Bonpland alors que la France se
serait idalise dans son esprit. Quelles articulations entre les rseaux, les discours
et les actes amnent ce changement, cette acclimatation ? Comment seffectue le
glissement dune sociabilit du voyageur vers une sociabilit du migrant ?
Dans un premier temps, Bonpland dveloppe une apprhension globale,
continentale et universaliste des enjeux politiques locaux en contradiction vis-vis dune ralit nettement fractionne. En effet, la dissolution de lapparente
unit coloniale hispano-amricaine au Ro de la Plata 104 entrane son
remplacement par dautres modles politiques mlant hritage colonial et rupture
104
Dans les faits, cette unit masque de profondes divergences. Concernant laire culturelle
principalement parcourue par Bonpland, cf. CHIARAMONTE Jos Carlos, Legalidad
constitucional o caudillismo: el problema del orden social en el surgimiento de los Estados
autonomos del litoral argentino en la primera mitad del siglo XIX , in Desarrollo Economico,
vol. 26, n 102, juillet-septembre 1986, pp. 175-196, et surtout Ciudades, provincias, Estados :
orgenes de la Nacin Argentina (1800-1846), Buenos Aires, Ariel, 1997 ; GARAVAGLIA Juan
Carlos, Poder, conflicto, y relaciones sociales. El Ro de la Plata, XVIII-XIX, Rosario, Homo
Sapiens, 1999.
42
Premire partie
Chapitre I
A commencer par les appuis politiques, mais aussi scientifiques, conomiques et ditoriaux.
43
Premire partie
Chapitre I
1. Le rgne du provisoire
Lorsquil aborde les ctes rioplatenses, Aim Bonpland peroit lensemble
de la rgion travers le prisme indpendantiste. Son implication rpond cette
vision qui ne distingue pas les affrontements en germe ou dclars. Les
principales motivations du voyage entrepris par Bonpland lintrieur des
Provinces Unies du Ro de la Plata, son aboutissement tragique puis lheureux
dnouement lexploration de 1817 1821, la dtention entre 1821 et 1831, la
libration et la mise en place de nouveaux repres jusquen 1839 permet de
mettre en relief un profond changement dans la reprsentation et dans
lapprhension de lAmrique de Bonpland. Il nous livre les lments ncessaires
lanalyse de son adaptation aux ralits amricaines. En effet, lors de la priode
comprise entre 1817 et 1839, le regard gagne en comprhension ce quil perd en
distanciation, cest--dire quau gr de ses positionnements scientifiques ou
politiques Bonpland dveloppe une vision plus fine des enjeux amricanistes et
de son rle en tant que scientifique.
44
Premire partie
Chapitre I
106
Le premier voyage apparat comme le socle sur lequel le savant construit ses
convictions indpendantistes. Contrairement Humboldt qui ne va pas au-del du
discours 107 , Bonpland souhaite sengager activement pour cette cause grce au
rseau tiss avec des hommes quil estime disposs accueillir laide de la France
par son intermdiaire 108 .
A son retour en France, il a plusieurs fois loccasion de prouver sa
sympathie envers le mouvement indpendantiste. En 1815, lextrait reproduit cidessus montre que Bonpland ne se dtrompe pas en dfinissant cette aire
culturelle par lintermdiaire dune identit hispano-amricaine109 . Nanmoins, le
vocabulaire employ montre une mconnaissance de la profonde ralit
amricaniste. En effet, lAmrique espagnole est perue comme une seule entit ;
Bonpland emploi le terme de pays pour qualifier lensemble des vice-royauts
en dcomposition. Il sagit pour lui dun ensemble continental qui semble sans
nuances. Ce nest quune fois Buenos Aires quil constate les divisions et les
conflits partisans, mme si l encore il emploie les termes de pays et de
capitale 110 pour qualifier une entit politique embryonnaire, savoir les
Provinces Unies du Ro de la Plata proclames le 10 mai 1810.
Or, suivant la thse dOscar Oszlak 111 lEtat rioplatense manque des trois
conditions essentielles pour saffirmer comme tel, ne possdant ni la souverainet
106
AMFBJAD n 1263. Mmoire historique sur lmancipation de lAmrique hispanique, s.l., s.d.
[1815].
107
Cf. SCHNEIDER Hans, La idea de la emancipacion de Amrica en la obra de Alexander von
Humboldt , in Revista Nacional de Cultura, n147, 1961, pp. 73-96.
108
Cependant, aucun crit de sa main ne prcise lidentit de ces hommes ni leurs ides. Sil est
toutefois ais de les connatre grce aux rcits de Humboldt, il est impossible de reconstituer les
rapports entretenus entre eux et Bonpland.
109
Cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), Historia general de las relaciones exteriores
de la Repblica argentina, Buenos Aires, Nuevohacer, Grupo Editor Latinoamericano, 1998, tome
II, p. 253.
110
Bonpland J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 61.
111
OSZLAK Oscar, La formacin del Estado argentino, Buenos Aires, Editorial de Belgrano,
1985, cit in CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), Historia general de las relaciones
exteriores de la Repblica argentina, Buenos Aires, Nuevohacer, Grupo Editor Latinoamericano,
1998, tome I, p. 70.
45
Premire partie
Chapitre I
46
Premire partie
Chapitre I
116
Cette longue citation mrite dtre reproduite car elle replace le projet
personnel de Bonpland dans son contexte politique et illustre cette la
problmatique construite autour de la mise en place dune coopration
transatlantique interdpendante et profitable la France condition quelle
assume ses responsabilits diplomatiques. En effet, Bonpland insiste ensuite sur la
ncessit vidente de damer le pion aux Britanniques, car leur ligne politique
hispano-amricaine est quivoque : ils dfendent les indpendantistes au Ro de la
Plata mais soutiennent la couronne espagnole au Mexique et se montrent dans la
premire rgion
trs interesss, trs avides dargent et quils nont pas seu dailleurs se
concilier lamiti des habitants du pays
117
116
Premire partie
Chapitre I
119
Cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., tome II, pp. 244-245.
Gregorio Garca de Tagle (1772-1845), tudie la philosophie et le droit, simplique en politique
partir de 1810. Membre de la Loge Lautaro, il est appel au gouvernement par Pueyrredn en
1817. Ce dernier destitu en 1819, Tagle laccompagne dans lexil. Il revient en 1820 et prend la
tte de deux conspirations contre les rformes ecclsiastiques de Rivadavia ce qui le conduit de
nouveau en exil en 1823. En 1833, Balcarce le nomme ministre des Finances. En 1840 il est
dfinitivement emprisonn pour conspiration.
121
HAMY Jules Thodore Ernest, Les voyages de Richard Grandsire de Calais dans lAmrique
du Sud (1817-1827) , in Journal de la Socit des Amricanistes, Paris, 1908, tome 5, p. 7.
122
BELGRANO Mario, La Francia y la monarqua en el Plata (1818-1820), Buenos Aires, A.
Garca Santos, 1933, pp. 35-38.
120
48
Premire partie
Chapitre I
Pueyrredn 123 tente de se rapprocher de la France dont les sujets sont nettement
plus apprcis que leurs rivaux britanniques 124 , lesquels cherchent, eux aussi,
tirer parti de llan indpendantiste rioplatense, malgr le discrdit n de leurs
tentatives dinvasion des annes prcdentes 125 . En mars 1818, Pueyrredn
encourag par le soutien dune partie de lopinion politique parisienne126 demande
au duc de Richelieu ltablissement de relations entre les deux pays 127 .
Or, tandis que Buenos Aires recherche laide franaise, les agissements
autour de Bonpland inquitent suffisamment le pouvoir pour quil ladmoneste
une premire fois le 28 juillet 1818 propos des
scandaleuses runions quil permet dans sa maison o sont critiques les
mesures et les plans du gouvernement, par les trangers introduits le plus
souvent par son pouse lavertissant que si lingratitude de celle-ci ne se
corrige pas la Supriorit prendra les mesures quelle jugera
ncessaires.
128
Premire partie
Chapitre I
bonaerense. Finalement, cet avertissement savre peut-tre salutaire dans la mesure o Bonpland
chappe au sort de ses compatriotes exils ou excuts.
130
Grandsire entreprend ce moment de dvelopper un ngoce de transport fluvial sur le Ro de la
Plata ; cf. HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 10.
131
Manuel Belgrano (1770-1820) participe activement au dveloppement conomique de la viceroyaut du Ro de la Plata et de sa capitale comme secrtaire du consulado de Buenos Aires.
Brillant intellectuel, il joue un rle politique minent lors des vnements de mai 1810 puis
sengage dans la geste indpendantiste comme gnral, mais avec moins de succs.
132
Entr S. Carlos. LEglise, le College, les maisons tout est detruit lexception dune seule
chambre o on reuni quelques saints de bois. Dans cette chambre on trouve ecrit en lettre de [...]
sur la muraille vive napoleon. Cette inscritption je suppose t mise par Mr. De grandcire. ,
AMFBJAD n 1649, journal, sortie du Paraguay, 10 fvrier 1831.
133
HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 3.
134
La fragilit dans laquelle se trouve le rgime porteo est mise en vidence par laccueil et
lbauche de ngociations avec Richard Grandsire, lequel se trouve Buenos Aires en tant que
50
Premire partie
Chapitre I
Source : BELL Stephen, A life in shadow. Aim Bonpland in southern south America, 1817-1858,
Stanford, Stanford University Press, 2010, p. XIII.
voyageur particulier. Il nest muni daucune prrogative, mais toutes les initiatives de particuliers
sont examines avec un grand srieux par les indpendantistes en qute de reconnaissance.
51
Premire partie
Chapitre I
140
A propos des prtendants au trne, cf. BELGRANO Mario, op. cit., p. 50.
Cf. RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., pp. 49-50,
53.
137
PAPILLAUD Henry, Le journalisme franais Buenos Aires de 1818 nos jours, Buenos
Aires, Luis Lasserre, 1947, pp. 24-26.
138
CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., tome II, p. 246.
139
BELGRANO Mario, op. cit., p. 57.
140
Bonpland C. Robert, 7 septembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente
A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 56. Ds le mois daot, Bonpland fait part Charles Robert
de son dsenchantement vis--vis de la situation politique, plusieurs arrestations ayant t
effectues partir du mois daot ; cf. ibid., pp. 54, 56.
136
52
Premire partie
Chapitre I
personnellement trs proche car il est mari une des nices du Directeur141 . Mais
Bonpland nen apprend pas davantage, ntant daucune manire mis dans la
confidence de la mission confie au colonel Le Moyne, laquelle consiste
remettre entre les mains du duc dOrlans ou dun autre prince europen le
pouvoir de la vice-royaut du Ro de la Plata 142 . Nanmoins, le savant sattend
dici quelques mois un changement considrable 143 sans en prciser la
teneur. Fait-il rfrence aux menaces de complot interne, aux ngociations francobonaerenses ou la crainte de voir arriver une expdition militaire espagnole ?
Le choix du dpart
Sil nest pas possible de connatre les informations dont il dispose, nous
pouvons nanmoins constater que Bonpland ne souhaite pas sengager davantage
sur un terrain politique totalement instable. Linscurit engendre par
lindpendance et les guerres de parti 144 lamne sloigner des intrigues,
prfrant dsormais entretenir de prudents rapports de courtoisie :
Nous avons visit et pourrions rendre visite tout le monde ; mais nous
vivons
dconomie,
et
nous
conservons
seulement
quelques
145
53
Premire partie
Chapitre I
Le gnral Jos Miguel de Carrera (1785-1821) combat en Espagne contre Napolon Ier avant
de revenir au Chili o il prend la tte de la junte en 1811. Une srie de dfaites subies contre
larme espagnole le force abandonner le pouvoir quil tente de reprendre sans succs par
lintrigue, suivi par une petite troupe de fidles. Il est finalement tu en 1821.
148
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., pp. 50-51.
149
Esteban de Luca (1785-1824) participe la dfense de Buenos Aires contre les invasions
anglaises. Pote, journaliste et homme politique, il sengage aux cts de Rivadavia mais il meurt
accidentellement au retour dune mission diplomatique effectue au Brsil.
150
DOMINGUEZ Juan A., Aim Bonpland, su vida en Amrica del Sur y principalmente en la
repblica argentina , in Anales de la Sociedad Cientfica Argentina, tome CVIII, 1929, p. 420.
Une rencontre avec San Martn se trouve cite aussi in PALCOS Alberto, Amado Bonpland en
Amrica. Centenario de su muerte , in La Prensa, mai 1958. Cest lhistorien argentin Vicente
Fidel Lpez qui relate les faits pour la premire fois ; ainsi fait-il allusion au parapluie dpos dans
un recoin de la maison de Luca par Bonpland, muchas veces al lado de la espada de San
Martn LOPEZ Vicente Fidel, Historia de la Republica Argentina. Su origen, su revolucion, su
desarrollo politico hasta 1852, Buenos Aires, La Facultad, 1912 (1881), tome IX, p. 30. Les
rencontres seraient donc frquentes entre les deux hommes lorsque San Martn fait tape Buenos
Aires en 1818.
151
Ibid., p. 66.
152
Joaquim Lebreton (1760-1819) est nomm sous le Directoire chef du bureau des Beaux-arts du
ministre de lIntrieur. Influent sous le Premier Empire, il dmissionne et sexile au Brsil en
1816 pour y implanter une colonie dartistes.
153
Cf. PAPILLAUD Henry, op. cit., pp. 34-35. Les deux hommes sont toutefois fusills.
54
Premire partie
Chapitre I
destination
de
Valentn
Gmez
et
Bernardino
Rivadavia,
157
Jos Rondeau (1773-1844), militaire n Buenos Aires de pre franais, se mettant en valeur
lors des guerres dindpendance dans la Bande Orientale, un mouvement rvolutionnaire le porte
au poste de Directeur Suprme des Provinces Unies entre 1819 et 1820. Nomm gouverneur
provisoire et commandant militaire de la nouvelle rpublique uruguayenne, il occupe dautres
fonctions gouvernementales mais abandonne la vie politique aprs le dbut de la guerre civile, en
1836.
155
Valentn Gmez (1774-1839), prtre et homme politique proche de Rivadavia. Devenu recteur
de luniversit de Buenos Aires de 1825 1830, il sloigne de la vie politique jusquen 1839
lorsquil participe, bien que gravement malade, un complot visant renverser Rosas. Il steint
peu aprs cette tentative rate.
156
BELGRANO Mario, op. cit., pp. 116-118, 128, 172-176.
157
qe. Sufri con su S.a en las inmedic~ de su casa, en una noche qe. fueron maleados y
maltratados ambos pr unos malevolos. Este accidente [...] fu [...] el origen funesto de la serie de
padecimientos qe. ha sufrido en el Paraguay, adonde quiz se diriji pr aquella causa. ,
AMFBJAD n 1589, J. A. Molina Bonpland, Tucumn, 4 aot 1832.
55
Premire partie
Chapitre I
158
Lors du jugement des Franais, Rondeau est alors Directeur suprme intrimaire. Ses attaques
violentes contre les Carrera visent selon Patrick Puigmal les liminer politiquement et
physiquement. La mme logique sapplique aux officiers bonapartistes qui les soutiennent
ajoute lauteur ; cf. PUIGMAL Patrick, Indpendance, politique et pouvoir au Chili et en
Argentine : Attitudes des officiers napoloniens dans les armes de libration (1817-1830) , in
Napoleonica. La Revue, n 4, avril 2009, p. 72. Les autres Franais amens comparatre sont
exils lexception de Bonpland.
159
BELL Stephen, op. cit., p. 43.
160
MNHN, ms 214.
161
Ibid.
56
Premire partie
Chapitre I
compagne mais aussi par celui de ses demi-frres 162 Manuel et Mariano qui
participent aux campagnes de San Martn, Manuel se trouvant en 1819 Buenos
Aires aux cts de Rondeau. Leur sur Mara Eugenia dont il peut-tre question
ici est marie Jos de Mara Camusso, un des rares ngociants porteos
pouvoir commercer avec le Paraguay 163 dirig par Jos Gaspar Rodrguez de
Francia 164 . Quil sagisse de Remedios, de Mara Eugenia ou dune autre des filles
dAntonio Jos Escalada, il nen demeure pas moins que Bonpland a accs aux
familiers de San Martn.
Parmi les autres personnalits frquentes par le botaniste au cours de la
seconde moiti de lanne 1819 figurent Bartolom Muoz, Jos Joaqun de
Araujo, Francisco Belgrano et Juan Andrs Gelly 165 . Ils occupent des postes
administratifs et gouvernementaux notables mais demeurent en retrait des
intrigues politiques, la passion commune des deux premiers pour lhistoire
naturelle constituant un lien privilgi avec Bonpland. Le dernier personnage
162
Remedios est lenfant du premier mariage dAntonio Jos Escalada. Manuel, Mariano et Mara
Eugenia voient le jour aprs le veuvage et les secondes noces dAntonio Jos Escalada.
163
Cf. IBARGUREN Carlos F., Jos De Mara Camusso. Biografa histrica , in Los
antepasados, a lo largo y ms all de la historia argentina [en ligne], 1983. URL :
www.genealogiafamiliar.net/documents/JOSE%2520DEMARIA%2520CAMUSSO.doc.
164
Jos Gaspar Rodrguez de Francia (1776-1840) appuie le soulvement rioplatense. Dsireux de
quitter la tutelle espagnole mais aussi de prserver lautonomie du Paraguay, il en soutient la
dclaration dindpendance. En 1814 il devient prsident de la Rpublique, puis Dictateur
Suprme lanne suivante. Son gouvernement quil exerce jusqu sa mort en 1840 se base sur
un fort isolationnisme et un despotisme lemmenant exercer un pouvoir personnel. Il demeure
une figure historique trs dbattue, sa dictature ayant permis de garantir lordre, la paix et
lindpendance de son pays ; cf. WILLIAMS John Hoyt, Paraguayan Isolation under Dr.
Francia: A Reevaluation , in Hispanic American Historical Review, vol 52, n 1, 1972, pp. 102122 ; WHIGHAM Thomas, COONEY Jerry W. (comp.), El Paraguay bajo el Dr. Francia :
ensayos sobre la sociedad patrimonial (1810-1840), Asuncin, El Lector, 1996.
165
MNHN, ms 214 ; AMFBJAD n 2044, journal, 1819-1823. Jos Joaqun de Araujo (17621835) nat Buenos Aires ; il y tudie la philosophie au Colegio de San Carlos. Il collabore au
journal El Telgrafo Mercantil paru entre 1801 et 1802 puis publie en 1803 la Gua de forasteros
del Virreinato del Ro de la Plata. Ami de Gregorio Funes, Araujo adhre avec lui aux ides du
physiocrate espagnol ilustrado Valentn de Foronda. Il participe aussi la rdaction de lEnsayo de
la Historia Civil del Paraguay, Buenos Aires y Tucumn publi par Funes en 1816 et 1817. Son
rudition fait dAraujo une figure centrale du milieu intellectuel rioplatense, et ses fonctions au
sein de ladministration financire coloniale lamnent au ministre des Finances en 1812.
Publiciste, numismate et amateur dhistoire naturelle, il collectionne les pices documentaires
relatives lhistoire du Ro de la Plata. Il meurt alors quil prpare une seconde dition de son
guide, le 10 mai 1835. Francisco Belgrano (1771-1833) est un des frres de Manuel Belgrano. Il
tudie au Colegio de San Carlos puis est conseiller du cabildo de Buenos Aires durant la premire
dcennie du XIXe sicle. En 1812, il devient membre supplant du Triumvirat. Juan Andrs Gelly
(1790- 1856) sengage en 1839 Montevideo dans la lutte contre Rosas. Nomm colonel lors du
sige de Montevideo, il sexile au Paraguay puis revient en Argentine o il est lu dput en 1860 ;
cf. RAMOS R. Antonio, Juan Andrs Gelly, Buenos Aires, Asuncin, 1972.
57
Premire partie
Chapitre I
166
MNHN, ms 214.
Les indpendantistes rioplatenses se divisent entre les unitaires, principalement prsents
Buenos Aires ; ils sont favorables une centralisation du pouvoir dans la capitale de lancienne
vice-royaut. Les fdralistes, dont les provinces dEntre Ros et Corrientes situes sur le littoral
des fleuves Uruguay et Paran sont les principales reprsentantes, demandent une plus grande
autonomie. La principale pierre dachoppement entre les deux partis est la question de la libre
navigation des fleuves et des droits de douane monopoliss par Buenos Aires ; cf. BURGIN
Miron, Aspectos econmicos del federalismo argentino, Buenos Aires, Solar, 1975 (1960) ;
WENTZEL Claudia, El comercio del Litoral de los rios con Buenos Aires: el area del Parana,
1783-1821 , in Anuario IEHS, Buenos Aires, Instituto de Estudios Histrico-Sociales,
Universidad Nacional del Centro de la Provincia de Buenos Aires, n 3, 1988, pp. 161-210 ;
SCHMIDT Roberto, ROSAL Miguel A., Las exportaciones del Litoral argentino entre 1783 y
1850 , in Revista de Historia Econmica, Madrid, RHE-JILAEH, vol. XIII, n 3, 1995, pp. 581607.
168
Les suspects ne manquent pas parmi les partisans de Carrera, les opposants Rondeau et les
royalistes franais ou espagnols.
169
AMFBJAD n 257, V. Aguilar Bonpland, Buenos Aires, 27 novembre 1820 ; DOMINGUEZ
Juan A., op. cit., p. 420.
170
Cf. SAGARNA Antonio (comp.), Archivo de Bonpland, tomo III : Documentos para la historia
de la repblica entrerriana del archivo de Aim Bonpland, Trabajos del Instituto Nacional de
Botnica y Farmacologa Julio A. Roca , Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos Aires/Coni,
Srie II, n 1, 1939, p. 14.
167
58
Premire partie
Chapitre I
avec cette dernire pour donner des cours de dessin ses filles 171 , bien quil
demeure difficile de dterminer la nature exacte de ces relations. Seules deux
familles entretiennent avec certitude des relations troites avec les Bonpland, les
Aguilar et les Araujo entrent dans le cercle des intimes, et permettent en outre de
transmettre les projets du Franais au plus haut niveau 172 . Cest ceux-ci et par
lintermdiaire de ceux-ci que Bonpland plaide la cause dune politique
scientifique tatique.
Qui que soient les agresseurs, la malveillance dont est victime Bonpland
en 1819 traduit une inscurit politique qui ne concerne pas seulement le Franais
et qui augmente avec le temps. En effet, la guerre touche Buenos Aires lanne
suivante 173 . Le 1er fvrier 1820, les forces du Directoire sont dfaites par les
armes fdrales des dirigeants du Litoral. Le 23 fvrier, le trait du Pilar fait
perdre Buenos Aires son statut de capitale des Provinces Unies. Une nouvelle
entit politique sy substitue, la province de Buenos Aires rige sur le principe
dgale souverainet vis--vis des autres provinces rioplatenses 174 . Aussi, la
bonne harmonie quentretient Bonpland depuis 1818 semble sajouter au dbut de
1820 une distanciation puisque les manuscrits indiquent trs peu de contacts,
particulirement avec llite politique totalement absente des sources. Labsence
de traces pistolaires notamment avec les membres du Directoire exils
Montevideo sexplique aisment, le savant coupant probablement ses contacts
avec eux en choisissant de rester Buenos Aires alors aux mains des litorales. Ce
sjour qui se prolonge durant sept mois, jusqu son dpart pour le Paraguay,
montre quil ne craint pas de reprsailles et surtout quil dispose de nombreux
soutiens.
171
59
Premire partie
Chapitre I
Manuel de Sarratea (1774-1849) est lu en 1811 membre du Premier Triumvirat. Il dirige les
troupes porteas dans la Bande Orientale mais sa dfaite face Artigas le contraint la dmission.
Aprs une mission diplomatique en Europe, il est lu en 1820 gouverneur de Buenos Aires mais la
paix quil signe avec les provinces de lInterior dclenchent une rvolte lobligeant
dmissionner. Il est ensuite nomm ministre en Grande-Bretagne en 1826, puis ministre
plnipotentiaire Paris en 1840 o il demeure jusqu sa mort.
176
Francisco Ramrez (1786-1821) sert dabord sous les ordres dArtigas contre les armes
espagnoles. Ses campagnes menes contre les Portugais et les armes de Buenos Aires le
convertissent en chef de facto dEntre Ros et Corrientes. Alli Estanislao Lpez, gouverneur de
Santa Fe, il prend loffensive contre le pouvoir porteo quil vainc Cepeda en 1820, imposant
par le trait du Pilar le principe de fdration. Inform la mme anne de la dfaite dArtigas face
aux Brsiliens, il proclame la rpublique dEntre Ros comprenant les actuelles provinces dEntre
Ros, Corrientes et Misiones. Ramrez aspire alors continuer la lutte contre le Brsil et surtout
rintgrer le Paraguay dans le giron des Provinces Unies. Aspirant assumer sur cette base
lorganisation du pays, ses anciens allis inquiets de sa monte en puissance se retournent contre
lui, le battent et le dcapitent en juillet 1821.
177
Comme il le rappelle Mariano E. Sarratea dans une lettre du 14 mars 1838. AMFBJAD n
211 ; cf. aussi BELL Stephen, op. cit., p. 123 ; MNHN, ms 214. Sarratea revenant dEurope en
1816, il est probable que les deux hommes se ctoient ds 1817. Dautre part, les archives du
Museo Framacobotnico Juan A. Domnguez contiennent une correspondance entre Bonpland
et les Sarratea stendant jusquen 1851.
178
Cf. RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 79.
179
AMFBJAD n646, Certificat donnant pouvoir Manuel Jos Galup, Buenos Aires, 23
septembre 1820.
60
Premire partie
Chapitre I
2. La question du Nordeste
Malgr le dsordre politique, Bonpland doit avoir reu des assurances pour
traverser les provinces dEntre Ros et Corrientes de la part des dirigeants
litorales. Au rle possiblement jou par Manuel de Sarratea sajoute celui attest
du colonel porteo Victoriano Aguilar, ami intime de Bonpland sa
correspondance en tmoigne et du gnral Lucio Norberto Mansilla 182 qui
accompagne Ramrez Corrientes aprs le trait du Pilar. Aguilar recommande
Lucio N. Mansilla Bonpland ds le mois doctobre 1820 183 , tandis que Ramrez
prpare la cration de la rpublique entrerriana en violation du trait du Pilar 184 .
180
61
Premire partie
Chapitre I
La voie paraguayenne
Anbal Cambas met une hypothse sduisante propos de lengagement
de Bonpland vis--vis du gnral entrerriano Francisco Ramrez. Le savant,
stimul par le potentiel naturel de la province dirige par le militaire, lui aurait
propos dtablir une colonie agricole avant de partir de Buenos Aires 185 . La
nuance est dimportance car elle place les projets conomiques au premier plan
des objectifs du savant, ce qui fragilise aussi lhypothse dune exploration
continentale au profit dintentions sdentaires. Elle montre en outre limportance
quacquiert peu peu la culture des produits subtropicaux dont la yerba mate 186 et
dautres produits du Nordeste dans lesprit de Bonpland 187 . Enfin, elle place
Ramrez lorigine du voyage de 1820. Mme si cette thse nous semble
infonde, elle amne sinterroger sur les liens entretenus entre Ramrez et
Bonpland, notamment lors de la courte prsence du caudillo Buenos Aires. En
effet, Stephen Bell insiste sur la recherche constante mene par Bonpland afin de
se placer sous la protection dun patron 188 . Ce trait de personnalit qui
caractrise Bonpland, auquel sajoutent une culture politique bonapartiste et une
sensibilit au charisme de ses contemporains 189 , savre cruciale pour comprendre
ses choix. Aussi la notion de patron, analyse par Stephen Bell dun point de vue
conomique, nous semble pouvoir parfaitement sadapter son comportement
politique.
185
Premire partie
Chapitre I
63
Premire partie
Chapitre I
195
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832 ; AMFBJAD n 567,
Bonpland F. Dickson, Buenos Aires, 27 mars 1832.
196
AMFBJAD n 1023, D. Roguin Bonpland, Buenos Aires, 9 aot 1833.
197
B*** Armand de (ROY Just Jean Etienne), Mes voyages avec le docteur Philips dans les
rpubliques de la Plata (Bueynos-Ayres, Montevideo, la Bande-Orientale, etc.), Tours, A. Mame,
1861, pp. 336-337.
198
Cf. RENGGER Johan Rudolf, CARLYLE Thomas, DEMERSAY Alfred, op. cit. A propos de
Napolon Ier dont Bonpland est lui aussi un admirateur, cf. RENGGER Johann Rudolph,
LONGCHAMP Marcelin, Essai historique sur la rvolution du Paraguay et le gouvernement
dictatorial du docteur Francia, Paris, H. Bossange, 1827, pp. 54-55.
64
Premire partie
Une
rgion
Chapitre I
priphrique
au
centre
de
la
problmatique
indpendantiste
Lenjeu de la prsence de Bonpland dans la zone misionera est de taille,
puisquil se trouve au cur de la problmatique concernant la dfinition des
frontires des nouvelles entits politiques. On comprend mieux lintervention
paraguayenne de dcembre 1821 si lon analyse la construction politique
indpendantiste. Cette intervention fait suite dautres coups de main bass sur la
politique de la terre brle et du pillage 199 , comme le constate Bonpland lors de
son premier voyage aux Missions au dbut de lanne 1821 jusqu Candelaria,
lieu stratgique sur le Paran. Le trait du 12 octobre 1811 reconnat
lappartenance du dpartement de Candelaria au Paraguay, mais la ratification qui
a lieu le 31 du mme mois en Argentine exclut ce dpartement, rapidement
occup par les forces paraguayennes 200 . Ce trait est dnonc par le Paraguay
deux ans plus tard lors de la proclamation de son indpendance 201 . Cinq missions
jsuites se situent alors dans le dpartement contest : Corpus, San Ignacio Min,
Loreto, Santa Ana et Candelaria, toutes tant visites par Bonpland lors de son
premier voyage. Ds le 3 novembre 1814, le cabildo de Corrientes dcide, afin de
contrer linfluence paraguayenne, de peupler les Missions et surtout le
dpartement de Candelaria avec des hommes, est-il prcis, honntes et trs
travailleurs 202 . En effet, la chute dmographique survenue aprs 1768 est un
facteur primordial de la politique de dveloppement 203 , outre les autres lacunes
constates par exemple par ladministrateur colonial et futur vice-roi Jacques de
199
La plus redoutable mais aussi la dernire avant celle de 1821 de ces incursions est ralise
en 1817. Francia profite de la dfaite du cacique misionero Andrs Guacurar face aux Portugais
pour saccager Candelaria, Santa Ana, Loreto, San Ignacio Min, Corpus et San Francisco de Paula.
Il fait transporter la population sur son territoire et la distribue dans les anciennes missions
jsuites. Bien que son tude repose sur une abondante documentation, lauteur de lHistoria
politica e institucional de Misiones ne propose pas une explication approfondie de linstallation et
de lenlvement de Bonpland. En effet, lauteur explique que Bonpland se fixe Santa Ana afin
dchapper au pril paraguayen. Or, cest bien le dpartement entier qui est sous la menace de
Francia. Dailleurs, aucun lment nest fourni concernant le rle jou par Nicols Arip, le
responsable politique correntino de la zone, et le coup de main est voqu comme la consquence
logique de la prsence de ce dernier ; cf. CAMBAS Anibal, op. cit., pp. 270-272.
200
Ibid., pp. 201-205.
201
Cf. BEDERE Stphane, op. cit., pp. 19-21.
202
Ibid., p. 43.
203
Aprs cette date, la rcupration dmographique des sicles antrieurs est stoppe. Entre 1768
et 1810, la population diminue de plus de moiti, passant de 88 000 40 000 ; cf. MAEDER
Ernesto J. A., BOLSI Alfredo S. C., La poblacin guarani de la provincia de Misiones en la
poca post jesutica (1768-1810) , in Folia Historica del Nordeste, n 5, 1982, pp. 67-106.
65
Premire partie
Chapitre I
Liniers en 1803 204 . Car le territoire des Missions occupe une place
dmographique non ngligeable au sein des Provinces Unies, largement devant
Corrientes 205 . La population misionera est volatile mais consquente, et donc la
primaut du contrle de celle-ci est un enjeu fondamental.
La dcision du cabildo correntino fait suite la cration, le 10 septembre
1814, des provinces dEntre Ros et de Corrientes. A cette dernire est adjointe la
rgion des Missions ; elle est dlimite au Nord par le Paran, instaurant la
souverainet des Provinces Unies sur le dpartement de Candelaria 206 . Gervasio
Posadas, Directeur Suprme des Provinces Unies, entend par cette mesure
rintgrer Candelaria au sein des Provinces Unies et fixer la frontire avec le
Paraguay 207 . Cest Andrs Guacurar, surnomm Andresito qui, sous les ordres
dArtigas, se charge de reprendre manu militari le dpartement en septembre
1815. Artigas met alors en place une administration territoriale crant une entit
politique propre aux Missions sous la direction de Flix Aguirre, mtisse
correntino et caudillo 208 des Indiens misioneros.
Cette pratique de dplacement et de regroupement des populations est un
caractre historique structurel des Missions. Outre la politique mene par les
jsuites, les deux dcennies prcdant la venue de Bonpland sont marques par
ces mouvements de population. Flix de Azara 209 est le premier conseiller au
vice-roi, aprs lexpulsion de lordre religieux, un repeuplement de la frontire
avec le Rio Grande brsilien. Lenvoi de colons en provenance de Patagonie, en
204
Cf. LOZIER ALMAZAN Bernardo, Linniers y su tiempo, Buenos Aires, 1989, p. 63.
La population de Misiones atteint 32 000 habitants en 1810, alors que la province de Corrientes
nen compte que 13 000 ; cf. CAMBAS Anibal, op. cit., p. 73.
206
Le cabildo correntino ne conteste videmment pas sa frontire Est ; mais il rclame une
rvision de la frontire Sud avec Entre Ros. Sa demande ainsi que le dcret est abandonne du fait
de la chute de lAssemble Gnrale en 1815.
207
CAMBAS Anibal, op. cit., p. 207.
208
Terme employ in FERRE Pedro, Memoria del brigadier general Pedro Ferre, octubre de
1821 a diciembre de 1842, Buenos Aires, Coni, 1921 (1845), tome I, p. 28.
209
LAragonais Flix de Azara (1742-1821) reoit une formation de militaire, ingnieur et
botaniste. En 1781 il reoit lordre de partir dlimiter les frontires entre les colonies espagnoles et
portugaises, ce qui le conduit tudier pendant vingt ans la nature rioplatense. Il sjourne
essentiellement dans lintendance du Paraguay. Il est rappel en Espagne en 1801, publie les
rsultats de son sjour puis se retire de la vie publique. En 2009, Nicolas Richard rdige ltude
prliminaire la rdition des voyages de Felix de Azara publis initialement en 1809, qualifiant
de gographie post-jsuite le travail effectu dans ce domaine par Azara. Le terme de post-jsuite
peut tre associ celui de pr-amricaniste. En 2011, Julio Rafael Contreras Roqu publie sa
biographie monumentale consacre lAragonais ; cf. RICHARD Nicolas, Etude prliminaire.
Une gographie post-jsuite au XVIIIe sicle , in AZARA Flix de, Voyages dans lAmrique
mridionale, 1781-1801, Rennes, PUR/CoLibris, 2009, pp. VII-L ; CONTRERAS ROQUE Julio
Rafael, Flix de Azara. Su vida y su poca, Huesca, Diputacin Provincial de Huesca, 2011, 3
tomes.
205
66
Premire partie
Chapitre I
1800 et 1801, est abandonn aprs lentre en guerre du Portugal en mars 1801.
Le 5 novembre 1802, le gouvernement des Missions est confi sur sa demande
Jacques de Liniers, lequel transmet un rapport la mtropole prnant le
dveloppement du commerce et linstallation de populations croles. Concernant
la population guarani, Liniers esquisse un plan de dveloppement complet mais
non mis en uvre par son successeur Bernardo de Velasco 210 . Bonpland en
reprend les grandes lignes sans que nous sachions sil a connaissance du rapport.
Si lon ne peut prouver quavant 1810, le retour dans les forts est
pratiqu 211 , en revanche il est certain quaprs cette date les Indiens fuient
massivement lenrlement forc. En 1817 et 1818, lors des invasions portugaises
et paraguayennes, une partie de la population se rfugie sur les bords du Miriay
et vers Tranquera de Loreto, formant de nouveaux villages et repeuplant les
anciennes missions 212 . Les destructions touchent Candelaria, Santa Ana, Loreto et
le campement dArip. La consquence directe est un rapprochement des
provinces du Litoral pour renforcer la dfense et favoriser le peuplement des
Missions 213 . Ironie du sort, lincursion de dcembre 1821 est la dernire avant une
priode de relative stabilit aux frontires, hormis une agression meurtrire
lanne suivante Ca Caray, prs dItat 214 . Bonpland note qu cette occasion
ils massacrrent hommes, femmes et enfants 215 .
Les Misioneros acquirent rapidement une puissante autonomie politique
entranant un conflit avec Corrientes. Le 9 septembre 1819, Asuncin de
Cambay, le gouverneur de Corrientes Juan Bautista Mndez et le reprsentant des
Missions, Francisco Javier Sit, dlimitent une ligne passant par Tranquera de
Loreto, la lagune Iber et le fleuve Miriay aprs une occupation du territoire
210
Liniers crit au roi, le 20 aot 1806, propos de son action dans cette province : remedi la
suerte infeliz de aquellos naturales que moran de hambre y desnudez por la fatal administracin
que les gobernaba; extermin abusos que fomentaban la rapia; dirigi la industria; proporcion
trabajos; estableci hospitales; aument las cosechas de algodn; proporcion que la hilasen y
tejiesen las mujeres; contrat el surtido de bienes y vestuarios ; cit in LOZIER ALMAZAN
Bernardo, op. cit, p. 65. Malgr les recommandations faites pour favoriser le dveloppement
conomique et culturel des villages aprs lexpulsion des Jsuites, les administrateurs successifs
maintiennent le rgime de communaut ; cf. AMABLE Mara Anglica, ROJAS Liliane Mirta,
Historia de la yerba mate en Misiones, Posadas, Montoya, 1989, p. 86.
211
MAEDER Ernesto J. A., BOLSI Alfredo S.C, op. cit., p. 65.
212
CAMBAS Anibal, op. cit. , p. 136.
213
Ibid.., p. 89.
214
La carte ralise par Antonio Krapovickas et reproduite dans lannexe n 10, p. 953, permet de
localiser prcisment la plupart des endroits cits.
215
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
67
Premire partie
Chapitre I
216
68
Premire partie
Chapitre I
221
222
Premire partie
Chapitre I
Militar 223 . Il ne fait quasiment aucun doute que cette proposition qui implique une
charge enseignante et donc une prsence Buenos Aires vise hter le retour de
Bonpland 224 . Mais la nomination ratifie le 23 mars 1821 survient trop tard, car
bien que lobjectif du naturaliste demeure ldification dun jardin botanique
Buenos Aires, son voyage pour les Missions est dcid 225 sous lgide de
Francisco Ramrez.
Car entretemps celui-ci russit convaincre le savant de se placer son
service. Bonpland demeure prs de la ville de Corrientes du 28 novembre 1820
jusquen mai 1821, dans lattente de la fin des troubles secouant la zone
misionera 226 . Durant ce laps de temps, les correntinos pour qui cette zone
frontalire est de grande importance stratgique nont sans doute aucun mal
persuader Bonpland de sy rendre, celui-ci attendant ce moment depuis plusieurs
annes. Ramrez lui demande de raliser un inventaire des yerbales et des Indiens
prsents 227 dans le cadre du recensement quil ralise au sein de sa rpublique 228 .
Le gnral est tellement confiant en lengagement de Bonpland quil ne lui cache
pas en mai 1821 sa nomination la chaire de mdecine comme non plus sa
satisfaction de le voir demeurer au sein de la rpublique entrerriana 229 . Le gnral
ralise l un coup de matre, apprciant particulirement le choix du naturaliste
qui selon lui illustre lincapacit de Buenos Aires conserver des hommes de
valeur 230 .
Ses critiques sont lexpression des rivalits provinciales dont le Franais
est un enjeu mais ne sont pas dnues de fondement. En effet, Buenos Aires craint
de voir la rpublique entrerriana, redevenue finalement adversaire, profiter du
savant son seul avantage. Les critiques du caudillo sont justifies par les
atermoiements et le soutien en demi-teinte dont ont fait preuve les gouvernants
223
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., pp. 81-83.
Rivadavia, toujours en Europe au moment de sa nomination, narrive Buenos Aires quen juillet
1821.
224
Comme le suggre PALCOS Alberto, op. cit.
225
AMFBJAD n 396, Bonpland J. J. Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.
226
Cf. CASTELLO A. Emilio, Historia de Corrientes, Buenos Aires, Plus Ultra, 1984, p. 206.
227
Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 51.
228
Cette partie du recensement ne voit pas le jour cause des convulsions que connaissent les
Missions.
229
Cit in GOMEZ Hernn F., Corrientes y la repblica Entrerriana, 1820-1821, Corrientes,
Imprenta del Estado, 1929, p. 145.
230
Cf. BOSCH Beatriz, Bonpland en Entre Ros , in La Prensa, 4 fvrier 1973. Aprs avoir
annonc Bonpland sa nomination la chaire de mdecine de Buenos Aires, Ramrez ajoute :
entre nosotros, sera igualmente apreciable, y acaso mas provechoso ; AMFBJAD n 2011, F.
Ramrez Bonpland, Coronda, 24 mai 1821.
70
Premire partie
Chapitre I
porteos au cours des annes antrieures. Cest dautant plus un coup de matre
quil se prpare aller affronter une puissante coalition en mme temps quil
insre Bonpland dans ses projets misioneros dans loptique dune consolidation
globale de son pouvoir. Bien quen avril 1821 le savant songe toujours un retour
vers Buenos Aires 231 , il simplique avec une grande conviction dans lexploration
et la mise en valeur des Missions. La dlimitation gographique des Missions
quil fixe en fonction de leur vgtation 232 peut savrer de grande utilit afin de
justifier un droit de proprit.
Le mois suivant il entame son voyage malgr lexistence de discordes
entre les officiers de Ramrez et le nouveau dirigeant du dpartement des Missions
Arip. Stant avanc depuis Ca Cat vers le Paran le Franais est mis en garde
par ces mmes officiers le 4 juin contre le dsordre rgnant mais, crit-il,
je regarde donc comme chimerique la plus part des raisons quils mont
allgu et dans ce moment je suis plus dcid que jamais executer mon
voyage
233
Dispos prparer son dpart dfinitif pour les Missions avec Philibert Voulquin,
il savance jusqu lancienne mission de Santa Ana. En chemin il reoit des
preuves de lallgeance dArip qui laccueille dans son campement avec faste le
29 juin.
Lors de ce premier voyage sur la piste de lhritage jsuite, Bonpland
dcouvre un potentiel agraire quil juge exceptionnel. En juillet 1821 il dcide de
rebrousser chemin, revenant Corrientes le 3 aot pour terminer ses prparatifs.
Ayant appris le dpart en campagne puis la dfaite et la mort du caudillo aux
forces santafesinas, le Franais reste soutenu par Evaristo Carriego, qui remplace
Fernndez Blanco la tte du commandement militaire de Corrientes, et par
Lpez Jordn 234 , nouveau dirigeant de la rpublique, lesquels reprennent leur
compte le projet de Ramrez 235 . Aussi repart-il en direction des Missions en
231
71
Premire partie
Chapitre I
octobre, sachant que la situation politique est excrable entre Corrientes et ses
voisins.
Mais la promesse obtenue quelques annes auparavant de la part de Jos
Gaspar Rodrguez de Francia de lui ouvrir les portes de sa rpublique le pousse
insister pour sy introduire, malgr les menaces reues du dirigeant paraguayen
aprs quil apprenne que le naturaliste bnficie de la protection du cacique
misionero Arip. Ce dernier constitue lultime maillon de la chane de
commandement de la rpublique entrerriana dans les Missions, mais reprsente
surtout un danger pour le dirigeant paraguayen. Bonpland tente donc de sappuyer
simultanment sur une base bonaerense, un pouvoir correntino, un chef misionero
et un gouvernement paraguayen mfiants ou hostiles entre eux. Cette suite de
maladresses savre rapidement funeste.
Les interprtations de lenlvement de dcembre 1821 mises par de
nombreux spcialistes bonplandiens savrent justes mais emprises dun partipris contre Francia, rig en symbole du refus du libre-commerce. Les biographies
reprennent dans lensemble cette explication 236 ; or il sagit dune question de
droit national en mme temps quinternational. Il est vident quen repoussant la
frontire Candelaria, au-del du Paran, Francia souhaite prendre le contrle du
fleuve, le pueblo constituant une ouverture vers le Brsil indispensable pour briser
le blocus de la rpublique des Provinces Unies du Ro de la Plata. Il sagit du
principal motif de lintervention paraguayenne, comme lexplique trs clairement
Francia son dlgu Ortellado. Les Indiens, crit Francia,
ont linsolence de vouloir venir sinstaller en matre dans notre territoire,
et de sapproprier nos Yerbales
237
236
A lexception notable de Leticia Halpern Donghi ; lauteure met en avant dans un excellent
article lespoir qui anime Bonpland jusqu la veille de son enlvement, savoir la constitution
dun cabinet dhistoire naturelle Buenos Aires ; cf. HALPERIN DONGHI Leticia, Aim
Bonpland , in IV Congreso Internacional de Historia de Amrica, Buenos Aires, Academia
Nacional de la Historia, 1966, tome V, pp. 250-251. Stphane Bdre runit dans son mmoire
lensemble des motifs poussant Francia intervenir en raison denjeux territoriaux, conomiques
et politiques ; cf. BEDERE Stphane, op. cit., pp. 34-50. Georges Fournial privilgie pour sa part
la thse de lespionnage dans son chapitre consacr Bonpland ; FOURNIAL Georges, Jos
Gaspard Rodriguez de Francia. Lincorruptible des Amriques, Paris, Messidor, 1985.
237
tienen la insolenca de querer venir seorear en ntro territoria, y hacer aprovechamto de
ntros Yerbales ; VIOLA Alfredo, Cartas y Decretos del Dictador Francia , in Estudios
Paraguayos, 1990, tome III, p. 819.
72
Premire partie
Chapitre I
sarmer grce aux revenus de la yerba, cette situation pouvant entraner des
dsertions paraguayennes 238 . En outre, limportance stratgique de Candelaria
rejoint la question de la stabilit interne du rgime, lequel nest pas labri des
coups de force de ses opposants 239 . Il sagit donc dune intervention plus
dfensive quoffensive. Cette question du droit du sol nest toujours pas rsolue
selon Alfred Demersay en 1860, lequel donne raison aux Paraguayens quant la
proprit du dpartement de Candelaria et de ses trois pueblos 240 . Il ne sagit pas
non plus de chercher un quelconque espionnage, Francia lui-mme admettant que
Bonpland se trouve l pour chercher fortune 241 . En outre, dautres Europens
exprimentent les foudres de Francia. Or, les enlvements ne concernent que
rarement des voyageurs scientifiques ; Grandsire ou dOrbigny ne sont pas
inquits. Il nen est pas de mme pour ceux sinstallant vritablement ou mettant
en pril les intrts stratgiques de Francia 242 .
Francia profite de la situation politique chaotique des Provinces Unies. Il
annonce Ortellado, en mme temps que lopration, la droute de Ramrez. Son
adversaire direct limin, Francia peut rcuprer la zone litigieuse :
En russissant la prsente entreprise que jordonne, les choses que je
prpare pour plus tard afin de garantir la Rpublique et son commerce
saplaniront.
243
Ibid., p. 815.
Cf. WILLIAMS John Hoyt, The Conspiracy of 1820, and the Destruction of Paraguayan
Aristocracy , in Revista de Historia de America, n 75/76, 1973, pp. 141-156.
240
DEMERSAY Alfred, Histoire physique, conomique et politique du Paraguay et des
tablissements des jsuites, Paris, Hachette, tome 1, p. 12.
241
VIOLA Alfredo, op. cit., tome III, p. 815.
242
Les enlvements dtrangers sont une pratique politique officialise par Francia, comme le
relate le Bulletin de la Socit de Gographie, premire srie, tome IV, n 29, septembre 1825, p.
200 : On sait que plusieurs savans de diverses nations sont dtenus au Paraguay par le Directeur
suprme de ce pays, le Docteur Francia, comme ayant enfreint le dcret, par lui rendu, qui
prononce contre les trangers qui franchissent les limites de son territoire, la peine de dtention et
mme de mort dans certains cas. En 1814, leur nombre slevait 67. Ils habitent diffrents
cantons, dont ils ne peuvent scarter qu quelques lieues. Toute correspondance au dehors leur
est interdite.
243
En logrando la presente empresa qe dispongo, se allanarn las coss qe preparo pa despues
fin de asegurar la Repca y su comercio. , cit in ibid., p. 820.
244
Dans une lettre crite au gouverneur de Corrientes Rafael Atienza, Bonpland insiste sur son
intention dexplorer las antiguas missiones guaranys situadas sobre la ribera izquierda del Parana
239
73
Premire partie
Chapitre I
pertenecientes Corrientes [...] francia contra todo derecho de naciones mando invadir un suelo
ajeno . Concernant lexploitation des yerbales, il lexprime en termes de cohabitation plutt que
de concurrence : Se hallaba en estas missiones un numero considerable de Correntinos y de
naturales qe hacian desde dos aos el comercio de la hierba mate y se savia de un modo positivo qe
el dictador francia era enterado de aquel comercio , AMFBJAD n 1650, Demande de certificat
de captivit, 16 avril 1834.
245
cuesta suponer al gobernante paraguayo [...] tan alejado de los hechos cotidianos, como para
prescindir de esa gruesa circonstancia y arrancar, poco menos que por la fuerza, un
reconocimiento, en la ocasin, nada menos, en que lesiona gavamente a la cultura y al derecho ,
commente Alberto Palcos ; PALCOS Alberto, Bonpland en el Paraguay. Causas de su
cautivero , in La Prensa, Buenos Aires, 20 juillet 1941, s. p.
246
Cette version saccorde avec celle dfendue avec rigueur par BEDERE Stphane, op. cit., p. 41.
Lpisode est dailleurs trs bien insr lintrieur du contexte politique rgional par AMABLE
Mara Anglica, ROJAS Liliane Mirta, op. cit., pp. 102-104.
247
CAMBAS Anibal, op. cit., pp. 137-138.
248
Cf. DEMERSAY Alfred, Histoire physique, conomique et politique du Paraguay et des
tablissements des jsuites, Paris, Hachette, tome 1, p. 14.
249
Pour que le commerce fleurisse Itapa, le contrle de Candelaria est donc essentiel. Artigas
en exil, Ramrez mort, Buenos Aires emptr dans ses intrigues politiques, en 1821, le moment est
propice pour raffirmer la prpondrance paraguayenne sur la zone. Francia envoie des troupes
tablir un fort et une garnison permanente San Miguel. Bonpland, gneur plusieurs titres, est
captur. L'anne suivante, d'autres troupes construisent un fort Tranquera de Loreto. En peu de
temps, le dpartement est repris en main. Ds le 1er fvrier 1823, le commerce avec le Rio Grande
do Sul s'officialise et transite par Itapa aprs la dmarche officielle entreprise par Jos Pedro
Csar, commandant des Missions brsiliennes. , BEDERE Stphane, op. cit., p. 41.
74
Premire partie
Chapitre I
B. DU BONAPARTISME AU PATRIOTISME
Si en Europe llaboration du discours est laboutissement dune logique
relationnelle, il en va de mme lautre bout de la chane. En effet, la construction
de limage de lAmrique est fonction des rseaux. Le personnel diplomatique
qui, en dernier ressort, rapporte linformation Paris, dpend le premier des liens
tisss dans leur pays daffectation. Les particuliers franais, bien que peu
nombreux, ont fortement recours leurs reprsentants. Bien quils simmergent
dans la socit locale, lattache nationale ou europenne savre indispensable afin
de garantir les investissements effectus dans la rgion et bnficier dune
assistance en cas de conflit. Les appuis de Bonpland montrent comment, par le
biais dintrts essentiellement conomiques, un rseau franco-rioplatense se
construit et dveloppe sa propre argumentation. Dans le cas de Bonpland,
bonapartisme et patriotisme sont indissociables. A travers son vcu et celui de ses
compatriotes il sagit danalyser la cration dune culture politique des migrants.
Cette
communaut
est
en
outre
confronte
aux
spasmes
Premire partie
Chapitre I
254
Enfin, son exprience amricaine forge en compagnie dun des plus grands
esprits de son temps lamne proposer ses services pour favoriser les
mouvements indpendantistes hispano-amricains. Cette offre est rvlatrice en ce
quelle reflte la fois une adhsion lempire napolonien en mme temps
quune envie de sengager dans le processus initi outre-Atlantique.
Premire partie
Chapitre I
255
255
256
Premire partie
Chapitre I
Outre la dtresse dans laquelle se trouve Bonpland, cette citation nous renseigne
sur lattachement de celui-ci au rgime imprial. Dailleurs, cette dtresse peut
tout fait expliquer la nostalgie qui sempare de lui, les souvenirs aidant
certainement supporter dix annes de claustration.
Peut-tre est-ce au cours de cette priode que son bonapartisme samplifie
et sidalise. A ce titre, la raction de Bonpland alimente dune manire
particulire la formation de la lgende napolonienne. Construisant sa propre
reprsentation, il demeure ds lors attach lempire napolonien comme le
montre une note voquant, en 1840, le grand homme de notre sicle 257 . Lors
dun autre tmoignage recueilli en 1845, Bonpland rsidant alors So Borja
alors que la Guerra Grande dchire les provinces argentines, il accueille un
voyageur franais dans un petit salon o pour toute dcoration figurent les
portraits de Napolon Ier et Josphine 258 . Les tmoignages de ses contemporains
rvlent un attachement sans faille259 . Il est tout fait plausible quen dveloppant
cette culture bonapartiste, Bonpland dveloppe aussi la culture du grand homme et
du sauveur. Ceci nest pas incompatible avec des opinions rpublicaines,
lhistoriographie ayant dmontr les continuits entre la Rvolution franaise et
lempire napolonien.
Une preuve supplmentaire est prsente alors que la paix est rtablie dans
le Ro de la Plata et que de lautre ct de lAtlantique le Second empire voit le
jour. La concidence des vnements pousse Bonpland sadresser Napolon III
le 12 janvier 1854 :
Je serais heureux Sire de pouvoir prsenter votre Majest les travaux
que jai faits dans lAmrique du Sud comme jai eu lhonneur doffrir
sa Majest lEmpereur et roy ceux que jai faits dans les rgions
quinoxiales []. Je visiterais les restes de lincomparable Malmaison et
peut-tre serais-je assez heureux pour voir lhomme tonnant qui par son
intelligence sans gale et lnergie de son caractre a sceut rtablir
lEmpire, maintenir la paix en Europe et emploie tous ses puissants
efforts pour faire jouir le vieux monde dun avenir tranquille.
257
78
Premire partie
Chapitre I
Puisse, Votre Majest, tendre ses bienfaits sur ces rgions {les bords du
Plata et de lUruguay} si riches par leurs productions , si bonnes habiter
et dans lesquelles le commerce franais trouve un dbouch si
avantageux lindustrie de notre Pays. 260
Bonapartisme et patriotisme
Cette culture ajoute lengagement indpendantiste de Bonpland
permettent dexpliquer ses attitudes politiques ainsi que celles vis--vis de ses
compatriotes. Afin de comprendre comment se construisent les solidarits au sein
de la communaut franaise, il faut dabord apprhender la manire dont
seffectue ce regroupement. A partir de quelles valeurs, de quels intrts communs
ces expatris sidentifient-ils ? La petite colonie franaise qui se forme dans le Ro
de la Plata arrive par vagues successives. Dabord, quelques royalistes parmi
lesquels figure Liniers profitent aprs 1789 du pacte de famille et parviennent
acqurir des positions prminentes. Dune manire gnrale, le Ro de la Plata
apparat ds avant les indpendances comme un lieu o lascension sociale semble
relativement aise. A ce propos, les familles dirigeantes de la province de
Corrientes sont issues la fois danciens lignages mais aussi denfants de
migrants parvenant trs rapidement intgrer, sassocier ou former leur propre
clan 261 . Juan Martn de Pueyrredn est lui-mme le fils dun commerant franais,
aussi est-il important de rappeler que jusquaux annes 1810 la socit rioplatense
apparat comme une socit ouverte 262 .
260
AMFBJAD n 338, Bonpland Napolon III, Montevideo, 12 janvier 1854. Nous utilisons les
accolades pour signaler les mentions ratures dans le document original.
261
Cf. AYROLO Valentina, op. cit. Ltude gnalogique ralise par Juan Cruz Jaime met en
lumire ce phnomne dans la province de Corrientes ; cf. CRUZ JAIME Juan, Corrientes. Poder
y Aristocracia, Buenos Aires, Letemendia, 2002.
262
A ce sujet, rappelons que dernier vice-roi, Santiago de Liniers, comme le premier dirigeant
indpendantiste porteo, Juan Martn Pueyrredn, sont dorigine franaise. Carlos A. Stoetzer
explique quen 1776 la cration de la vice-royaut du Ro de la Plata dveloppe la faade
atlantique et entrane des changements extraordinaires grce un afflux nouveau de migrants
espagnols issus du milieu du commerce et de lindustrie. Ceux-ci bouleversent une socit
jusqualors fonde sur le clerg et larme ; cf. STOETZER Carlos A., La Rvolution franaise,
79
Premire partie
Chapitre I
Premire partie
Chapitre I
265
Les recherches menes ne permettent pas didentifier avec certitude tous les
signataires, mais hormis Leloir 266 ceux que les sources permettent de reconnatre
savrent tre danciens serviteurs du Premier empire. Labsence du colonel
Dauxion Lavaysse, bonapartiste pass au service de Pueyrredn, sexplique par le
rle de dlateur quil joue lors du premier complot tent par les frres Carrera. La
prsence dun nomm Durand parmi les ptitionnaires tonne car le dlateur du
complot des Franais, appel Dr D. par les juges, serait le docteur Durand. Or
la prsence du docteur Jean-Charles Durand Buenos Aires en 1818, ancien
chirurgien de ltat-major de lEmpire, est atteste 267 .
Sil sagit du mme, cela confirme quau sein du milieu bonapartiste des
dissensions existent, videmment. Si leur compromission force certains partir de
France, alors que nombre danciens serviteurs de Napolon parviennent
conserver des places honorables dans leur pays, leurs ambitions ou leurs intrts
les poussent dans des directions diffrentes. Ainsi de Lagresse qui choisit de
servir Carrera, de Dauxion Lavaysse qui choisit Pueyrredn ou de Freycinet qui
aprs avoir servi la cause indpendantiste retourne en France en 1820 268 .
Bonpland lui-mme nest pas inquit la Restauration mais choisit pourtant de
partir. Aussi ne faut-il pas surestimer lexistence dune solidarit et dun pouvoir
que certains croient dtenir plutt fantasmatique. Les exemples de Robert et
265
La colonie franaise se runit aprs lexcution de Robert et Lagresse pour faire clbrer des
funrailles en prsence du consul Leloir ; cf. PAPILLAUD Henry, op. cit., pp. 32, 36.
266
Cf. HAMMERLY DUPUY Daniel, El naturalista Bonpland y la conpiracin de Jos Carrera
contra OHiggins y San Martn , in Historia, vol. IV, n 13, 1958, p. 87.
267
PAPILLAUD Henry, op. cit., p. 33 ; RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A.,
dONOFRIO Rmulo, op. cit., pp. 69-71.
268
Cf. DUVIOLS Jean-Paul, Voyageurs franais en Amrique. Colonies espagnoles et
portugaises, Paris, Bordas, 1978 ; KIRCHEIMER Jean-Georges, Voyageurs francophones en
Amrique hispanique au cours du XIXe sicle : rpertoire bio-bibliographique, Paris, Bibliothque
nationale, 1987 ; PUIGMAL Patrick, Indpendance, politique et pouvoir au Chili et en Argentine
: Attitudes des officiers napoloniens dans les armes de libration (1817-1830) , in Napoleonica.
La Revue, n 4, avril 2009, pp. 2-17.
81
Premire partie
Chapitre I
Lagresse montrent dune part quils peuvent rapidement devenir des pions aux
mains des factions ; dautre part sil existe des noyaux on ne peut pas encore
parler de communaut soude. Il y a simplement une adaptation aux ralits en
fonction des intrts de chacun.
Entre 1817 et 1820, des affinits apparaissent clairement autour de
lhritage bonapartiste. Lors du sjour bonaerense de Bonpland, celui-ci frquente
le cercle des partisans du Premier Empire les plus impliqus dans laction
politique en faveur des intrts franais. En effet, les bonapartistes savrent de
remarquables agents de Louis XVIII au Ro de la Plata. A cet gard, il faut
souligner quil ny a pas contradiction entre bonapartisme et patriotisme, mme si
cette deuxime posture sert les vues du nouveau rgime. De la mme manire
quen France, beaucoup de partisans de Napolon Ier passent au service de Louis
XVIII, des agents franais en Amrique du Sud mettent leurs rseaux la
disposition du nouveau rgime. Loin dtre une punition, la diplomatie officieuse
mene par ces Franais269 constitue un moyen de rachat ou, plus prosaquement,
une manire de se rorienter tout en demeurant en conformit avec leurs valeurs.
Les agissements de Richard Grandsire confirment cette hypothse, puisque ce
bonapartiste apparat comme un intermdiaire privilgi entre le ministre
royaliste et la communaut franaise rioplatense dobdience bonapartiste. A la
fin des annes 1810 et au dbut des annes 1820, il se charge particulirement de
coordonner laction franaise vers le Paraguay, afin den ouvrir le march son
pays 270 .
A la fin des annes 1810, deux attitudes se dessinent par rapport la
France de la part des bonapartistes. Soit linstar de Richard Grandsire, ils
choisissent de servir le nouveau gouvernement ; soit ils demeurent en retrait en
attendant un changement de rgime, une amnistie ou un adoucissement du rgime
pour retourner en France tel Narcisse Parchappe 271 . Ainsi des rseaux se forment
269
Premire partie
Chapitre I
porteo de se rendre dans lInterior lever des plans mais ses capacits mises en doute lui font
essuyer un refus. Il part alors a la campaia pour sinstaller son compte mais Parchappe nen
sait pas plus, hormis sa rputation de buveur et lexcrable considration dont il jouit parmi ses
compatriotes. Aussi demande-t-il Ferr quil ne sengage pas auprs de lui et que cette
dnonciation demeure confidentielle. Les Franais qui ctoient Bonpland mettent en avant
labsence de solidarit de leurs compatriotes non par manque de patriotisme mais par mfiance
envers les aventuriers , la rputation et lhonneur du nom franais tant trs prsent dans leur
conduite.
272
Il exerce officiellement partir de 1825 la fonction de vice-consul honoraire titre gratuit, en
raison probablement de son aisance financire ; cf. BERAUD Gilles (d.), MIRET Enric, DORY
Daniel (coll.), Lettres dAmrique dAlcide dOrbigny, La Rochelle, Rumeur des Ages, 2002, p.
23.
273
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 47.
274
AMAEP, D. Roguin au ministre des Relations Extrieures, Le Havre, 3 octobre 1820.
83
Premire partie
Chapitre I
2. Lengagement patriotique
Aim Bonpland trouve sa sortie du Paraguay, en 1831, une situation
diplomatique clarifie. Les nouveaux Etats sud-amricains ayant t reconnus par
la France, de nouveaux enjeux se mettent en place. Les sources diplomatiques
offrent une vision officielle de la France sur lAmrique latine. Mais bien
quils en soient la voix, les diplomates franais reprsentent-ils leurs compatriotes
migrs ? A la lecture de correspondances prives, on se rend compte que souvent
les Franais du Rio de la Plata sont en dsaccord avec la politique suivie par leur
pays. A ce titre, des dissensions grandissent entre les rsidents franais de plus en
plus nombreux, leurs reprsentants et leur gouvernement. Dans ce nouveau
contexte aboutissant lintervention arme de la France contre Buenos Aires,
Bonpland comme dautres est amen choisir son camp.
Entre enjeux nationaux et enjeux privs, nous voudrions saisir la rception
de la politique franaise en Amrique du Sud par une partie de ses sujetscitoyens . En effet, les migrs franais crent leur propre strotype de ce que
doit tre et faire la France dans une Amrique en construction politique,
conomique, sociale et culturelle. A travers le corpus dun mdecin naturaliste
Franais rsidant quarante ans au Rio de la Plata, il sagit danalyser lvolution
dun certain regard patriotique. La correspondance entretenue par Aim Bonpland
avec ses compatriotes permet de mieux connatre les attentes dune petite
communaut se voulant, elle aussi, la reprsentante dun grand pays.
275
Premire partie
Chapitre I
276
85
Premire partie
Chapitre I
Premire partie
Chapitre I
283
Cet aspect essentiel pour la comprhension de la politique extrieure demeure peu ou pas
tudi. Les sources offertes par les correspondances diplomatiques sont utilises majoritairement
pour analyser une position, une volution politique ou une vision du pays. L encore, il est
souhaiter le dveloppement de recherches portant sur les rseaux mis en uvre par les consuls afin
de mener bien un type de travail rput pour y avoir frquemment recours. Signalons le travail
dEstela Nari au sujet du personnel diplomatique prsent en Uruguay ; NARI Estela, Les rapports
France-Uruguay pendant la Guerra Grande. Le conflit vu par les Franais (pourquoi lUruguay
nest pas devenu franais). 1839-1852, thse de doctorat dhistoire ralise sous la direction de
Guy MARTINIERE, Paris III, IHEAL, 1998.
284
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Jules Thodore Ernest, op.
cit., p. 91.
285
Ibid.
87
Premire partie
Chapitre I
solution aux problmes internes. La France, videmment, doit tre larbitre des
conflits rioplatenses.
Ce type de discours, totalement en contradiction avec la ligne
diplomatique neutraliste officiellement suivie en France est, partir de 1836, au
cur des complications diplomatiques franco-porteas. En effet, la mort du
consul Vins de Peyssac survenue le 22 mai 1836 confre Aim Roger le poste
de consul intrimaire. Or Rosas qui est au pouvoir depuis 1835 grce, notamment,
au soutien de Vins de Peyssac, sinquite de linfluence croissante des Franais et
promulgue une loi obligeant tout commerant tranger mari dans le pays
acqurir la nationalit argentine, ceci entranant une autre obligation, savoir le
service militaire au sein de la milice locale 286 . Cette loi sajoute celle du 10 avril
1821 qui ordonne aux trangers de servir militairement le pays en cas de
ncessit. La Constitution de 1826 donne ensuite la nationalit argentine aux
trangers ayant servi dans larme et ceux tablis avant 1816, puis une loi de
1829 transforme en citoyen argentin tout individu prenant les armes 287 . Le cadre
juridique mis en place propos de la nationalit remet donc en cause la
permanence de la nationalit dorigine. Aim Roger sengage alors dans une
confrontation dbouchant sur lentre en conflit de la France.
Du recueillement la canonnire
Nanti dun rle de mdiateur de plus en plus notable, ami intime du consul
Roger, Bonpland reoit par ce biais les chos de la xnophobie dont sont victimes
ses compatriotes et, plus gnralement, les Europens. Quil sagisse de
problmes daccession la proprit, de mise lcart des marchs, denrlements
forcs ou de pertes de nationalit, sans doute le prjudice le plus gravement
ressenti, les plaintes reviennent de manire rcurrente. En 1836, les antagonismes
se cristallisent autour dHyppolite Bacle. Ce natif de Genve qui ne connat pas
Bonpland personnellement lui confie depuis Buenos Aires ses dboires
286
Cf. LEDUC Jean, Dun empire lautre. Les Pellion cavalier et marins au service de la
France, 1809-1868, Paris, Editions du Gerfaut, 2003, pp. 216-217.
287
Cf. COOKE John W., GUARDO Ricardo C., Reforma de la Constitucin Nacional : Proyecto
de ley y fundamentos , in COOKE John W., Obras completas. Accin parlamentaria, tome I,
Buenos Aires, Colihue, 2007 (1948), pp. 203-205.
88
Premire partie
Chapitre I
conomiques et, alors que ses rapports avec Rosas se dtriorent, son intention
dimmigrer en Bolivie ou au Chili 288 . Choisissant finalement de sinstaller au
Chili en octobre 1836, il retourne Buenos Aires en 1837 afin de terminer ses
prparatifs de dpart. Rosas le fait alors emprisonner plusieurs mois pour avoir
aid les ennemis du rgime et avoir envoy des informations stratgiques au
gouvernement franais. A peine libr, il meurt des suites de sa dtention le 4
janvier 1838 289 . Dautres cas de mauvais traitements sont voqus 290 , cette
question du droit des trangers sajoutant dautres complications diplomatiques.
Mais contrairement au renoncement de La Forest en 1832, Roger refuse de cder
Rosas qui demande sa rfutation. Appuy par le gouvernement franais, il rdige
un ultimatum en septembre 1838 dans lequel il exige ce qui na pas t ngoci en
1830, savoir le statut de la nation la plus favorise gal aux Britanniques 291 .
Le dbat autour des prtentions dAim Roger mrite une attention
particulire puisquelles aboutissent des consquences diplomatiques graves.
Lultimatum dit en franais et en anglais par limprimerie de lEtat de Buenos
Aires ds 1838 prouve limportance des enjeux. Il reprend les demandes de Roger,
la rponse du gouvernement ainsi que plusieurs autres pices. Dun point de vue
international, lintervention franaise a des vises plus globales 292 . Cependant
Buenos Aires, la question du droit des gens napparat pas comme un simple
prtexte mais vritablement comme un enjeu politique primordial majeur.
Lapprobation de Paris acquise provisoirement marque un rapprochement de vues
mais contient aussi le dbut du processus de rupture entre les Franais prsents au
Ro de la Plata et leur patrie dorigine.
288
89
Premire partie
Chapitre I
293
AMAEN, Buenos Aires, Lgation n1, 1838. La citation provient de Felipe de Arana, ministre
des Affaires trangres argentin. La position dArana est trs claire vis--vis de cette question :
pour lui la patrie adoptive prvaut sur la patrie dorigine. La proclamation traduite en espagnol
se retrouve dans les archives de Bonpland ; cf. AMFBJAD n 1017, ordre du jour, s. l., s. d.
294
KLEINPENNING Jan M. G., Peopling the Purple Land: an Historical Geography of Rural
Uruguay, 1500-1915, Amsterdam, CEDLA, 1995, pp. 119-125.
90
Premire partie
Chapitre I
295
En effet, Jos Carlos Chiaramonte souligne qu Corrientes nous constatons une cration
constitutionnelle prcoce laide dun rgime reprsentatif effectif [], et avec des gouverneurs
se succdant au pouvoir selon des normes constitutionnelles, au point de russir canaliser
lgalement les rivalits politiques sintensifiant au dbut des annes 1830 , CHIARAMONTE
Jos Carlos, op. cit., p. 48.
296
GOMEZ Hernn Felix, Historia de la provincia de Corrientes. Instituciones de la provincia de
Corrientes, Corrientes, Amerindia, 1999 (1922).
297
Bien que les trangers ne puissent se dplacer dans la province, se excepta al extranjero que
fomentase establecimientos de agricultura ; cit in FERRE Pedro, op. cit., tome I, p. 242. Pour
des motifs similaires, Alcide dOrbigny obtient de Ferr lautorisation de parcourir la province en
avril 1827. La Constitution de 1821, comme celle de 1824, rserve le commerce provincial aux
natifs, pour compenser le quasi-monopole des trangers sur le trafic portuaire. Mais ds le 8 mars
1822, le premier tranger est naturalis, en la personne de Francisco Meabe ; cf. CASTELLO A.
Emilio, op. cit., pp. 177, 217. Francisco Meabe (1794-1853), basque sinstallant Corrientes vers
1815, assume un rle notable dans les finances publiques de la province.
298
Cf. CHIARAMONTE Juan Carlos, Mercaderes del Litoral. Economa y sociedad en la
provincia de Corrientes, primera mitad del siglo XIX, Buenos Aires, FCE, 1991, p. 64.
299
AGNBA, fondo Pedro Ferr, leg. 4, Mendeville P. Ferr, Buenos Aires, 3 dcembre 1833.
Mendeville se met la disposition du gouverneur pour tout ce quil peut ncessiter dEurope et
spcialement de France.
91
Premire partie
ncessitant
Chapitre I
point
ce
socle 300 .
Cependant
un
facteur
important
dappartenance rsidant dans le rejet, voire la xnophobie dont sont victimes les
Franais ou plus gnralement les Europens, la prise de position de Bonpland
comme dautres en faveur de Corrientes la fin des annes 1830 acquiert tout son
sens. En effet, lappui naval franais donne confiance aux unitaires en conflit avec
Rosas et facilite lalliance entre Corrientes et les forces uruguayennes de Rivera
en fvrier 1839 301 .
du
Franais
aux
circuits
conomiques
locaux,
et
300
Alors que les recherches dmographiques analysent des mouvements de masse, la recherche
sur les transferts, sorte dhistoire sociale de la vie culturelle, se proccupe de pourcentages infimes
de la population globale dont la part dans le dveloppement du systme culturel est sans rapport
avec la dfinition quantitative du groupe , explique Michel Espagne, op. cit., p. 96. Nous
adhrons cette approche qui correspond la conjoncture rioplatense et tout fait applicable
lexprience de Bonpland bien quelle doive tre nuance par ailleurs. En effet, limmigration
que connat lArgentine la fin du XIXe sicle modifie profondment les cadres culturels. Il faut
donc prendre soin de ne pas revenir une lecture superficielle du phnomne.
301
SALVATORE Ricardo, Consolidacin del rgimen rosista , in GOLDMAN Noem (dir.),
op. cit., p. 373. Fructuoso Rivera (1784-1854), n dans le dpartement actuel de Durazno, en
Uruguay, est issu dune famille modeste. Il prend part la lutte pour lindpendance de son pays
en combattant au service de Jos Artigas. Aprs la dfaite de ce dernier, il entre au service des
Portugais puis rejoint de nouveau les indpendantistes commands par Juan Antonio Lavalleja en
1825. Ses victoires lamnent devenir le premier prsident de la rpublique de lUruguay de
1830 1834. En 1836 il tente de renverser son successeur et rival Manuel Oribe, reprenant le titre
de prsident entre 1838 et 1843. Mais le soutien de Rosas permet Oribe de reprendre le pouvoir,
Rivera devant sexiler une premire fois en 1845 puis une seconde fois en 1847 Rio de Janeiro. Il
meurt alors quil est rappel au pouvoir, aprs la dfaite de Rosas.
302
Cf. POTELET Jeanine, Le Brsil vu par les voyageurs et les marins franais, 1816-1840, Paris,
LHarmattan, 1993, pp. 26-27.
92
Premire partie
Chapitre I
303
Premire partie
Chapitre I
les
Chambres
Commerciales
britanniques,
organes
puissants
306
94
Premire partie
Chapitre I
313
95
Premire partie
Chapitre I
316
317
96
Premire partie
Chapitre I
Il est aussi reu par le Franais Grasse, mari Julie Chevalier, San Antonio de Mburucuya ;
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, 17 aot 1834.
322
Le gendre de Chevalier a pour commis le fils du matre de poste de Pay Ouvr ; AMFBJAD n
1695, voyage de So Borja Corrientes, 28-29 dcembre 1831 ; AMFBJAD n 901, H. Bacle
Bonpland, Buenos Aires, 15 aot 1836 ; AMFBJAD n 602, J. Gramajo Bonpland, Corrientes, 2
aot 1837 ; AMFBJAD n 214, M. de Sarratea Bonpland, Corrientes, 12 juillet 1838.
323
ORBIGNY A. d, op. cit., tome I, 1835, pp. 203, 349-350.
324
AMFBJAD n 1701, journal, notes diverses, 1833-1835.
325
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
326
AMFBJAD n 1818, Vandry Bonpland, Santo Angel, 15 aot 1833 ; CAIC, journal de
voyage, Missions portugaises, 29 septembre 1833 ; AMFBJAD n 1703, voyage de So Borja dans
la province de Corrientes, 18 avril 1834.
327
AMFBJAD n 1484, E. Nouel Bonpland, Buenos Aires, 14 mai 1833 ; AMFBJAD n 1195,
Inconnu Bonpland, Porto Alegre, 20 mai 1833.
328
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
97
Premire partie
Chapitre I
Outre le contournement des obstacles diplomatiques que permet aisment laction conomique,
elle sert la fois la pntration franaise en Amrique du Sud et les intrts rioplatenses.
330
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
331
Joseph Ingres, rsident au Brsil depuis 1820, possde deux maisons de commerce, lune
Porto Alegre o se trouve son associ Robillard, lautre So Borja o il rside lui-mme depuis
novembre 1830 ; AMFBJAD n1510, J Ingres J. G. R. de Francia, So Borja, 1835. La lettre est
rdige par Bonpland.
98
Premire partie
Chapitre I
le Paraguay, le Franais est oblig de fuir Buenos Aires au dbut des annes 1830
pour trafic darmes 332 . Il dveloppe alors un vaste rseau commercial le long du
ro Uruguay, depuis Montevideo jusquau Paraguay, avec des succursales Salto
dans la Bande Orientale et Itaqui au Brsil diriges par des compatriotes. A lest
du ro Uruguay, un autre associ occupe un terrain Santo Angelo, sur la route de
Porto Alegre. A louest de ce fleuve, Ingres pntre au Paraguay par
lintermdiaire des ngociants correntinos et riograndenses. En 1835, il tente sans
succs de dvelopper des rapports commerciaux avec Jos Gaspar Rodrguez de
Francia en lui garantissant les bonnes dispositions du nouveau gouvernement
franais 333 . Bonpland retrouve Ingres en 1836 lorsquil se rend Buenos Aires 334
alors quil est install dsormais Salto 335 . Au dbut de la Guerra Grande, Ingres
offre ses services au gouvernement de Corrientes par lintermdiaire de Bonpland,
avant de disparatre de son horizon pistolaire 336 .
Cependant, Dominique Roguin, Jos Ingres et leurs associs franais
nentretiennent pas de relations conomiques fortes avec Bonpland, du moins les
sources ne permettent-elles pas daffirmer quil ait exist des projets
dassociation. A cet gard, un travail considrable reste effectuer afin de
complter, de manire aussi exhaustive que possible, une typologie des acteurs et
des solidarits franaises dans le Ro de la Plata de la premire moiti du XIXe
sicle. A lintrieur mme du cercle dont fait partie Bonpland, peu de
renseignements affleurent concernant ses compatriotes.
Dautres acteurs conomiques rsidant lInterior font leur apparition, tel
Despallire qui a acquis une estancia dans lEntre Ros 337 et qui laccueille
Paysand 338 . Serny qui commerce pour Joseph Ingres et son associ canadien
Robillard Santo Angel 339 lui devient trs li lorsque Bonpland sinstalle So
332
Ils esprent le retrouver Colonia ; AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja,
13 octobre 1832.
333
AMFBJAD n 1510, J. Ingres Francia, So Borja, 1835.
334
AMFBJAD n 1710, voyage de So Borja Santo Thom, 18 juin 1836.
335
AMFBJAD n 614, J. Ingres Bonpland, Salto, 10 juillet 1836.
336
Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 264.
337
AMFBJAD n 1023, D. Roguin Bonpland, Buenos Aires, 9 aot 1833.
338
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 22 octobre 1832.
339
CAIC, journal de voyage, Missions portugaises, aot-octobre 1833.
99
Premire partie
Chapitre I
Borja 340 ; Vandry entre en relation avec les deux hommes depuis Santo Angelo 341 .
Il visite aussi plusieurs franais dont Sacriste, Duval et Lasserre 342 .
Henri Cadac, qui apparat frquemment dans les notes de Bonpland,
commerce entre les missions brsiliennes et Buenos Aires puis Montevideo. Il
joue avec les frres Lardapide un rle dintermdiaire pour les Franais qui
habitent le haut de lUruguay 343 . Cadac partage avec Bonpland la mme passion
pour la botanique, car des planches peintes par lui se trouvent au Musum
dHistoire naturelle de Paris sans que lon puisse en tablir la provenance. Parmi
la profession mdicale, deux confrres installs au Rio Grande do Sul apparaissent
de manire rcurrente. Il sagit dApollon de Mirbeck et de Bocquin des Hilaires,
pour lesquels il savre difficile de dresser un portrait dtaill. Comme les
voyageurs sattardent peu sur les conditions de vie de leurs compatriotes, le dtail
de leurs conditions de vie demeure inconnu.
Toutefois, ils appartiennent dans lensemble la catgorie des classes
moyennes ; ils sont mdecins, imprimeurs, artisans, professeurs, leveurs,
exerant souvent dailleurs plusieurs de ces activits, et aussi souvent amens en
changer. Cette mobilit professionnelle facilite les rencontres et les associations.
Tel est le cas dEdouard Nouel qui, aprs avoir essuy un chec Buenos Aires
dans la fabrication de chandelles, part avec son ancien associ Arsne Isabelle
pour rejoindre Bonpland, afin de se livrer la vie aventureuse des voyages dans
les missions 344 . Dune manire gnrale ces contacts apparaissent progressistes
dans le domaine conomique, la libre navigation tant essentielle pour eux, mais
aussi politiquement ; il sagit dun noyau qui saccorde sur le parti de la paix pour
leurs affaires.
Limplication de Bonpland le long de la frontire argentino-brsilienne
quivaut celle dAntoine Thedy, surnomm le pre des Franais345 malgr
son origine suisse, le long de la frontire argentino-uruguayenne. Les deux
340
341
100
Premire partie
Chapitre I
346
101
Premire partie
C.
LE
Chapitre I
CHEMINEMENT
VERS
LIMMERSION
TRANSNATIONALE
350
Premire partie
Chapitre I
Carte n 2
Relations pistolaires dtailles entre A. Bonpland et ses compatriotes (18311858)
103
Premire partie
Chapitre I
Carte n 3
Relations pistolaires simplifies entre A. Bonpland et ses compatriotes
(1831-1858)
Le nombre de correspondants se divise dans chaque province ou Etat entre les correspondances
effectues lintrieur de laire gographique concerne et celles effectues dune aire
gographique vers lautre.
Premire partie
Chapitre I
1. Limmersion correntina
Les annes 1830 voient le retour et la publication des ouvrages dAlcide
dOrbigny, dont une part notable est consacre lArgentine et particulirement
Corrientes, province que Bonpland apprend connatre son tour puisquil y vit
de manire sporadique partir de 1831, puis sy installe en 1838. Il sagit donc
dune vision complmentaire, prolongeant celle dautres Europens propos dun
pays en formation de la part dun voyageur qui, la diffrence de dOrbigny,
dcouvre son statut dimmigr en mme temps quil dcouvre la socit
rioplatense.
Des noces des patriotismes argentins et franais leur confrontation,
comment Aim Bonpland parvient-il concilier patriotisme et amricanisme ?
Enlev en 1821 par le dirigeant du Paraguay, libr en 1831 alors que le Ro de la
Plata connat les difficults inhrentes la construction politique nes de
lindpendance, Bonpland en devient alors un prcieux tmoin avant que den tre
un participant. A travers son immersion politique, le naturaliste devient aussi
acteur et informateur au sujet de la question de lidentit nationale souleve par
lhistoriographie argentine 351 .
Le discours du voyageur
Lors du banquet patriotique clbr Buenos Aires par la communaut
franaise en janvier 1832, Bonpland salue le Restaurateur des lois Juan
Manuel de Rosas alors champion de la lgalit et de lordre. A ce titre il se flicite
de la nouvelle des captures de Lavalleja 352 et du colonel Garzn, adversaires de
351
Ce dbat nat avec lindpendance, les analyses abondant depuis cette poque. Parmi les
travaux offrant une synthse concernant lespace et le temps de Bonpland, cf. TJARKS Germn O.
E., Momentos crticos en la bsqueda del ser nacional en el Ro de la Plata , in Jahrbuch fr
Geschichte von Staat, Wirtschaft und Gesellschaft Lateinamerikas, Bhlau Verlag, n 6, pp. 239256 ; QUATTORCHI-WOISSON Diana, Un nationalisme de dracins. LArgentine pays malade
de sa mmoire, Paris, CNRS, 1992 ; VELUT Sbastien, LArgentine. Des provinces la nation,
Paris, PUF, 2002 ; VILLAVICENCIO Susana, Sarmiento y la emergencia de la nacin cvica ,
in COLOM GONZALES Francisco (d.), Relatos de Nacin: la construccin de identidades
nacionales en el mundo hispnico, Madrid, Francfort, Iberoamericana, Vervuert, 2005, vol. 1, pp.
171-190.
352
Juan Antonio Lavalleja (1784-1853) est un militaire et patriote uruguayen. Il met en route le
second mouvement dindpendance de son pays, aprs lchec dArtigas, lorsquen 1825 il passe
105
Premire partie
Chapitre I
Rosas, par le gnral brsilien Barreto Pereira Pintos 353 . Rosas apparat
probablement dans lesprit de Bonpland comme lhritier des Pueyrredn et des
Rondeau tentant une quinzaine dannes plus tt dunifier le pays. Cette tendance
lunit laquelle adhre Bonpland correspond sa vision de Rosas, mais
Bonpland est aussi certainement attir par lhomme providentiel capable de
fdrer une nation et de permettre denvisager des rapprochements idologiques et
tangibles entre la monarchie de Juillet et la Confdration Argentine rappelant les
idaux croiss exprims entre 1815 et 1821.
Cette admiration vis--vis de Rosas est confirme par lethnocentrisme
politique du Franais qui constitue une grille de lecture aboutissant un jugement
uniforme des gouvernements amricains : aveugles, ambitieux, ayant la folle
prtention de sassimiler nos anciens gouvernements dEurope . Il prvoit leur
chute infaillible, cause par limminence de guerres intestines comme extrieures.
Cette socit rgresse, mine par les luttes de partis aveugles et ambitieux 354 .
Quant aux Amricains en gnral, ils ne sont pas encore dignes dtre
libres 355 . Ces phrases crites elles-aussi en 1832 ne contredisent pas la pense
de ce bonapartiste partisan dun rgime fort mais traduisent sa vision
manichenne et continentale, cest--dire globale, de la politique. Comme la
plupart des voyageurs, Bonpland interprte difficilement la construction politique
argentine. Darwin, pourtant non rput pour son faible envers les dictateurs, crit
que la tyrannie semble jusqu prsent mieux adapte ces pays que le
rpublicanisme 356 ; aussi le Britannique juge-t-il positivement Rosas en tant
quhomme dEtat 357 . Pour sa part, Narcisse Parchappe le compare un Hercule,
moins homme dEtat que chef de troupe mais capable, en 1836, de redresser le
pays 358 . Aussi, les jugements assns par Bonpland au dbut des annes 1830
de Buenos Aires avec les Trenta y Tres Orientales do devait natre larme de lindpendance
dfinitive, proclame en 1828. Il est second par Fructuoso Rivera, lequel devient le premier
prsident de lUruguay en 1830.
353
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 23 octobre 1832.
354
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 90.
355
Ibid., pp. 90-91.
356
DARWIN Charles, Voyage dun naturaliste autour du monde, Paris, La Dcouverte, 1992
(1875), vol. 1, p. 141.
357
Ibid., vol. 1, p. 80.
358
ORBIGNY Alcide d, op. cit., pp. 630-632.
106
Premire partie
Chapitre I
360
361
107
Premire partie
Chapitre I
Laccs la notabilit
A sa sortie du Paraguay, Bonpland choisit immdiatement de consolider
les contacts esquisss en 1821 avec loligarchie correntina. Malgr la protection
offerte par Fructuoso Rivera, le prsident du nouvel Etat uruguayen, il prfre se
tourner vers celle propose par le gouverneur de Corrientes Pedro Ferr avec
363
108
Premire partie
Chapitre I
lequel il est li damiti depuis 1821 et qui est alors le chantre de lidentit
correntina, se prononce contre les tratres la province installs Buenos Aires
ds le dbut des annes 1820 367 . Cette position annonce les choix futurs de Ferr
comme de Bonpland, savoir pour ce dernier une rupture davec les
atermoiements des annes 1810-1820 368 . Elle est stimule par les liens nous avec
Ferr devenu gouverneur de la province, lintgration de ses anciens compagnons
de voyage grce la protection accorde par les autorits locales et le dsir de
mener bien son entreprise avorte en 1821. Aussi poursuit-il en 1831 dans la
voie de lintgration en cherchant des soutiens au plus haut niveau.
De 1831 1834, Bonpland entretient peu de rapports avec les Amricains,
ce qui sexplique par son statut de voyageur. Ses notes de voyage datant de 1834
font apparatre une esquisse dtude conomique de la province. Il dsire que le
gouvernement correntino mette fin la fraude des mesures 369 et se montre
soucieux du bien public, comme en tmoigne ses commentaires sur la production
de sirop value 80 000 arrobes et piastres pour lanne 1833 qui est mauvaise
; cela est peu pour un tat mais, nuance-t-il, il sagit dune autonomisation
louable vis--vis de limportateur traditionnel de canne sucre paraguayen.
Surtout, cela reprsente beaucoup pour un nombre infini de particuliers 370 ,
lexploitation se dveloppant autour de petites structures contribuant beaucoup
lexistence des habitants de la Province de Corrientes 371 . La production du tabac
367
no debis tener confianza en aquellos que viven entre esos hombres , FERRE Pedro, op. cit.,
tome I, p. 36.
368
Linstallation de Bonpland dans cette partie du Ro de la Plata nest pas effectue dans le but
dattendre la venue dune compagne paraguayenne, comme lcrit Philippe Foucault dans sa vision
romantique. Il semble plus logique dy voir au contraire la concrtisation dun projet esquiss en
1821 mais non ralis en partie cause des rticences de sa compagne dj peu encline supporter
les conditions de vie bonaerense. Sa disparition aide probablement Bonpland dans son choix de
sinstaller dans les Missions ; cf. FOUCAULT Philippe, op. cit., p. 285. Aucune source ne prouve
que Bonpland fonde une famille durant sa dtention paraguayenne.
369
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
370
Ibid.
371
Ibid. La canne sucre est la branche dagriculture favorite pour tous les hommes qui ont
quelques capitaux. Bonpland numre les principaux lieux o la canne est cultive : dabord Ca
Cat, San Antonio de Mburucuya, San Luis del Palmar, San Antonio, Arrerumgua. Moins
importants sont Saladas, San Roque, les bords du San Lorenzo, el Sombrero, Corrientes, las
Lomas, las Encenadas, Itat, Goya et Bella Vista. La culture utilise les terrains occups par les bois
de palmiers. Son intrt pour cette branche est sans cesse stimul par les chiffres que lui donnent
les particuliers. Basterrechea install sur les bords du San Lorenzo, lui affirme que 100 plants de
canne donnent deux azumbres ou huit frascos, et quatre azumbres de mosto donnent une azumbre
de sirop. A Sombrero, Serapio Mantilla obtient les mmes rsultats. Ces chiffres sont nettement
suprieurs ceux du Paraguay, de Ca Cat et de Corrientes. Pour cette dernire ville, la proportion
est de 5 ou 6 pour 1 ; AMFBJAD n 1706, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, 20
et 21 aot 1834.
109
Premire partie
Chapitre I
pour la mme anne est value 12 000 arrobas, dont 5 000 pour le dpartement
de Ca Cat, donnant un produit de 48 000 piastres 372 . Ces notes, destines une
publication, montrent nanmoins une curiosit et une implication qui croissent
rapidement.
A partir de 1834, il commence se lier vritablement avec la communaut
franaise de la province de Corrientes mais surtout avec les notables et les
militaires de cette province. On peut constater un changement dans la nature de sa
correspondance daprs le graphique n 1, europenne pour 40% depuis sa
libration au mois de fvrier 1831 jusqu la fin de lanne 1834, puis de plus en
plus amricaine.
Graphique n 1
Correspondants d'Aim Bonpland
Correspondances changes
(1831-1845)
300
250
200
150
100
50
0
1831
1833
1835
1837
1839
1841
1843
1845
Annes
Corrientes
Pays limitrophes
Brsil
Europe
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834. Pour
lanne 1834, Bonpland estime la rcolte de miel de Ca Cat 3 000 arrobas, celle de
Mburucuy 7 500 arrobas. Concernant le tabac, la production respective de Ca Cat et
Mburucuy est estime 6 ou 8 000 arrobas, et 3 4 000 arrobas ; AMFBJAD n 1706, voyage
de So Borja dans la province de Corrientes, 20 aot 1834.
110
Premire partie
Chapitre I
lhospitalit, Esteban Mara Perichn lui demande, sur la requte de son pouse
Pastora, de venir sinstaller chez eux. Dans le mme temps, Pedro Ferr charge un
employ de venir ses devants et de laccompagner jusque chez lui 373 . Ces petites
luttes hospitalire vis--vis du savant sont caractristiques des sociabilits prives
et rvlatrices du statut dont Bonpland jouit auprs des lites de la ville. Elles se
poursuivent de manire rcurrente jusquen 1839 374 .
Il noue dans le mme temps des relations damiti avec les familles
Fonseca, Gramajo 375 et Perichn, cette dernire devenant particulirement intime.
Trs fiers de leur ascendance franaise, cette identification des Perichn facilite
srement leur amiti 376 . Ils permettent Bonpland dentrer en relation notamment
avec Serapio Mantilla, figure politique de la ville, propos dune affaire de
biens 377 . En 1835, Esteban Mara Perichn va jusqu lui demander de venir vivre
leurs cts, arguant quil pourrait vivre en paix, au milieu des plantes dont il
pourrait dcouvrir les vertus mdicinales et au milieu des personnes qui toutes
lapprcient 378 .
Lors de son sjour Curuz Cuati, les 28 et 29 dcembre 1831, Bonpland
fait connaissance avec la petite oligarchie du village 379 et prend lhabitude de
loger chez les Araujo 380 , une famille correntina notable. A San Roque, en 1834, il
en fait une fois de plus lexprience :
373
Avec toutes les formes usites : espera sera Vd firme y constante a no despreciar su antiguo
rancho en donde lo aguardamos con ancia , AMFBJAD n 346, E. M. Perichn Bonpland,
Corrientes, 20 aot 1834 ; AMFBJAD n 105, P. Ferr Bonpland, oratorio del Carmen, 30 aot
1834.
374
AMFBJAD n 1726, journal, Corrientes, 10 novembre 1839.
375
AMFBJAD n 358, J. Perichn Bonpland, Corrientes, 21 octobre 1842.
376
AMFBJAD n 345, E. M. Perichn Bonpland, Corrientes, 27 mai 1821.
377
Il lui conseille de laisser ses chevaux chez Serapio Mantilla au lieu de les emmener jusqu
Corrientes pour quils soient en scurit ; AMFBJAD n 346, E. M. Perichn Bonpland,
Corrientes, 20 aot 1834.
378
Bartolom Noguera partage ce sentiment ; AMFBJAD n 347, E. M. Perichn Bonpland,
Batel, 1er janvier 1835 ; AMFBJAD n 734, B. Noguera Bonpland, Corrientes, 15 fvrier 1835.
379
Il sagit du commandant Mariano Araujo et de son frre le capitaine Antonio, de lancien
commandant Ledesma, des ngociants et estancieros Juan et Jos Mara Baraado, du colonel
Ramrez, dAntonio Vivar et Joacqun Madariaga ; AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja
Corrientes, 28-29 dcembre 1831. Lors de la fte clbre le 25 mai 1837 les autorits principales
sont : Araujo et Ramrez, le colonel Lpez chico et le lieutenant-colonel Bern de Astrada.
AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 24 mai 1837.
380
Ibid.
111
Premire partie
Chapitre I
aussitt mon arrive les visites propres des pays Espagnols ont
commenc. M.Mr rolon, Delgado, Romero, fernandez, Rodriguez et une
multitude dhabitants sont venus augmenter la fatigue du voyage.
381
381
AMFBJAD n 1704, voyage dans la province de Corrientes, 4 mai 1834. Lintrt manifest
par les lites hispano-amricaines vis--vis des savants est dj exprimente par Bonpland et
Humboldt lors de leur voyage commun, par exemple Caracas ; cf. ACUA MENDOZA
Enrique, Alejandro de Humboldt y su relacin con la lite criolla en la ciudad de Caracas, 17991810 , in Ensayos Histricos, n 10, 1998, pp. 35, 39-40.
382
Francisco Bernab Esquivel commandant, Benigno Alcaras, Remigio et Alejandro Soleil ;
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
383
Il y rencontre madame Vivar et la famille Fernandez ; AMFBJAD n 1711, voyage de So
Borja Corrientes. 22 septembre 1836.
384
AMFBJAD, n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 9-10 avril 1837.
385
AMFBJAD n 1723, voyage de Corrientes Santa ana, 2 juillet 1838.
386
AMFBJAD n 374, Juan B.Pucheta Bonpland, So Borja, La Cruz, 14 fvrier 1836.
387
Genaro Bern de Astrada (1801-1839) suit une carrire militaire dans la province de
Corrientes ; nomm gouverneur la mort de Rafael de Atienza, en 1837, il rveille les conflits
latents avec Buenos Aires. Corrientes exige la libre navigation de ses fleuves, lhabilitation de
ports pour le commerce outre-mer ainsi que llaboration dune constitution nationale court
terme. En outre, lEntrerriano Echage envahit la province en 1838 pour la punir de ne pas avoir
envoy de troupes Oribe. Pour se protger dune nouvelle invasion, Bern de Astrada cherche
lappui de Rivera, ce qui le convertit en ennemi dclar de Rosas. Le 31 mars 1839 il est dfait et
tu par lalli entrerriano de Juan Manuel de Rosas, Pascual Echage.
388
Le terrain doit tre achet une veuve 600 pesos, en sus des frais, avec prs de 900 terneros
pour 2 pesos pice, prix jug exorbitant, ainsi que tous les outils. Elle donne la prfrence
Francisco Cartis de Goya ; AMFBJAD n 1113, E. Symonds Bonpland, Curuz Cuati, 30 mars
1835.
112
Premire partie
Chapitre I
dobtenir un traitement par Ferr 389 . En 1836 son degr de respectabilit est tel
quil obtient un passe-droit pour faire passer du cheptel hors de la frontire
argentine 390 . Appel en septembre au chevet de Pedro Cabral, chef du parti fdral
de la province, il se heurte Faustino Ros, jeune homme l air suffisant qui
lui dnie le passage du ro Miriay. Face au peu dattention porte la
recommandation du commandant Serapio Pucheta, Bonpland semporte et note
dans son journal :
oblig de me facher. jinspire de la crainte et on se determine me
conduire et me faire passer le Mirian.
391
389
113
Premire partie
Chapitre I
Correspondances changes
200
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1831-33
1834-36
1837-39
1840-42
1843-45
1846-48
1849-51
1852-54
1855-58
Annes
Corrientes
Pays limitrophes
Brsil
Europe
395
114
Premire partie
Chapitre I
demeurent stables, mais elles deviennent ngligeables la fin de cette priode qui
culmine entre 1840 et 1842, du fait de lengagement politique de Bonpland vis-vis des conflits rioplatenses.
De par son statut de mdecin dabord, il dveloppe une correspondance
qui, trs rapidement, prend un caractre politique et militaire, suite aux demandes
des autorits locales, principalement correntinas. A partir de 1834, il se lie avec
les notables et les militaires de la province. En simpliquant directement dans les
actes, il acquiert une vision plus fine des enjeux politiques rioplatenses. Il
convient en 1834 avec le gouverneur Atienza 396 qui succde Ferr en 1833 et
qui figure parmi le patriciat de Corrientes, de linformer des vnements
frontaliers par lintermdiaire du commandant de La Cruz 397 . Les courriers
changs prouvent quil devient rapidement un observateur privilgi 398 . Les
autorits lui demandent en 1834 et 1835 denvoyer de larmement la frontire
paraguayenne, en plus des renseignements quil obtient depuis sa chacra de So
Borja des ngociants brsiliens, les seuls lgalement autoriss commercer avec
Francia 399 . Le successeur de Ferr, bien que rosista, partage encore les ides de
son prdcesseur notamment en matire de valeurs politiques librales. A travers
la dnomination dArgentin rserve aux habitants de Buenos Aires puis
revendique partir des annes 1830 par les provinciaux, surtout les
Correntinos 400 , Bonpland retrouve lunit quil espre.
Mais le dogme fdraliste, rpercut au cours des annes 1832 et 1833 par
Pedro de Angelis dans son journal El Lucero, insiste sur le principe selon lequel
les provinces sont libres et indpendantes, et que personne na le droit de les
traner de force une assemble nationale . En outre, chaque province dispose
396
Rafael de Atienza (1803-1837) dont le pre arrive dEspagne vers 1780, participe aux
campagnes contre Artigas et contre les Misioneros. Elu gouverneur en 1833 la suite de Pedro
Ferr, il parvient maintenir de bonnes relations avec Buenos Aires.
397
AMFBJAD n 11, R. Atienza Bonpland, Corrientes, 20 mai 1836.
398
Pedro Moreno et Manuel Antonio Ledesma se rjouissent de la victoire de Lavalle sur
Lavallejas et Bento Manuel Ribeiro. Ledesma lui affirme que Lavallejas senfuit en direction du
Paraguay, poursuivi par Rivera, et que Lavalle lui coupe la retraite ; AMFBJAD n 724, P. Moreno
Bonpland, Saladas, 30 aot 1834 ; AMFBJAD n 1162, M. A. Ledesma Bonpland, Curuz
Cuati, 20 septembre 1834. Le gouverneur Atienza crit que les informations de Bonpland me
serviran de guia para establecer mis medidas , AMFBJAD n 11, R. Atienza Bonpland,
Corrientes, 20 mai 1836.
399
Ibid. ; AMFBJAD, n 348, J. B. Pucheta Bonpland, La Cruz, 28 octobre 1835 ; AMFBJAD
n 724, P. Moreno Bonpland, Saladas, 30 aot. Dans les faits, So Borja est un lieu de
concentration de marchandises provenant aussi bien dArgentine que dUruguay, de nombreux
commerants brsiliens faisant office de passeurs .
400
Cf. CHIARAMONTE Jos Carlos, Ciudades, provincias, Estados : orgenes de la Nacin
Argentina (1800-1846), op. cit., pp. 231-242.
115
Premire partie
Chapitre I
aux yeux dAngelis de droits similaires ceux dune nation et demeure libre de
sassocier comme la France est libre de sassocier lAngleterre 401 . Le statut
d Etat-province nonc ici explique la logique qui conduit le gouvernement
de Corrientes malgr ses rticences initiales sur ce sujet refuser la province
de Buenos Aires la dlgation des relations extrieures 402 et dvelopper sa
propre politique internationale. Lindpendance et la souverainet recherche par
la province de Buenos Aires afin de sassurer le monopole des droits de douane se
retourne alors contre elle-mme.
Durant cette priode, Bonpland fournit des preuves de son dsir de
pacification de la province, mme lorsque la propagande fdraliste dAtienza,
formule contre les partisans de Pedro Ferr accuss dunitarisme, se concrtise
dans les actes. En effet Atienza, rlu gouverneur au dbut de lanne 1837 grce
au soutien de Rosas, entame une politique clairement favorable aux ambitions de
celui-ci, entranant une rupture dfinitive avec Ferr, Rivera alors prsident de la
rpublique uruguayenne et les rpublicains brsiliens, les Farrapos 403 . Bonpland
semble alors rompre ses relations avec Ferr, semblant confirmer lisolement dans
lequel celui-ci se dit confin 404 .
401
son libres e independientes, y que nadie tiene el derecho de arrastrarlas por la fuerza a una
asemblea nacional ; cit in ibid., p. 237.
402
Sur le statut discut de capitale de Buenos Aires, cf. ALIATA Fernando, Cultura urbana y
organizacin del territorio , in GOLDMAN Noem (dir.), Nueva historia argentina. Tomo III :
Revolucin, repblica, confederacin (1806-1852), Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1998,
pp. 229-237.
403
Le terme de farrapo qui signifie dguenill , loque , est attribu par le Brsil aux
sparatistes du Rio Grande do Sul cause de leur tenue. Bonpland constate leur pauvret mais
surtout leur discipline, leurs intentions pacifiques vis--vis des habitants de So Borja, le
rtablissement de lordre, le respect vis--vis des habitants, labsence de pillage ; les soldats
achtent ce dont ils ont besoin. Les incursions des forces lgalistes en territoire correntino sont au
contraire violentes ; de multiples perscutions sont commises et lgitimes par les officiers.
Les crits de Bonpland au cours de cette priode est dautant plus louable quil est un des rares
franais pouvoir tmoigner de ces troubles entre 1835 et 1840 ; cf. POTELET Jeanine, op. cit.,
pp. 48-49.
404
CASTELLO A. Emilio, op. cit., p. 263, remarque que malgr les dclarations virulentes du
gouverneur contre les unitaires argentins telles que factieux, impies, iniques, hors-la-loi
aucune action coercitive nest mene contre les opposants, aucune atteinte aux liberts nest
noter. Il semble nanmoins que des pressions sexercent contre les opposants les plus notables,
pour le moins de manire indirecte. Comment expliquer sinon labsence de correspondance entre
Bonpland et Ferr ? Une longue lettre est adresse Ferr le 28 novembre 1836 ; intervient ensuite
un long silence rompu en juin 1838 ; cf. AMFBJAD n 27, Bonpland P. Ferr, Buenos Aires, 28
novembre 1836 ; AMFBJAD n 106, P. Ferr Bonpland, Corrientes, 29 juin 1838. Pedro Ferr
relate dans ses mmoires, op. cit., p. 90, quil mne, cette poque, une vie entirement retire
[]. Mais ce ne ft pas suffisant pour quils cessent de me perscuter. [Atienza] menaait ceux
qui maintiendraient des relations avec moi, ce que je ressentis fortement lorsque ceux qui se
disaient mes amis alors que jexerais le gouvernement cessrent de me rendre visite, pour ne pas
dplaire Atienza, et ceci affectant mme les personnes de mon entourage le plus proche, ce qui
causa de graves prjudices mes intrts .
116
Premire partie
Chapitre I
405
Premire partie
Chapitre I
importante. Les informations sont peu peu recueillies avec scepticisme 411 , puis
avec une profondeur danalyse des acteurs et des contextes nouvelle 412 . Cela
explique son refus des offres de Vilardeb, car les renseignements quil recueille
afin denvisager un dplacement Montevideo le poussent refuser ; il est
confort dans son sjour Corrientes 413 alors que les premiers gouvernements
indpendants uruguayens doivent traiter la rpartition des terres en prenant en
compte les hritages compliqus de la priode coloniale, artiguista, et de
loccupation portugaise 414 .
Cest aussi un choix de raison, puisque Bonpland attend des autorits de
cette province la concession dun terrain, esprant profiter dune conjecture
conomique
favorable 415 .
Bonpland
constate
un
contrle
conomique
gouvernemental svre, initi par le dcret doctobre 1829 visant contrler les
activits des courtiers et viter la contrebande 416 et y participe au nom du bon
disposition. , AMFBJAD n 1707, voyage, juin 1835. En septembre 1836, il discute avec Serapio
Mantilla de lattitude politique de Corrientes vis--vis de Rosas et des unitaires ; AMFBJAD n
1711, voyage de So Borja Corrientes, 23 septembre 1836. En mars 1837, il apprend qu
Paysand les partisans de Rivera et particulirement Lima viennent rgulirement et ont chass
Paredes, partisan de Lavalleja qui dj harcelait la ville en 1832. A Concordia, il apprend que Salto
vient dtre attaque par les partisans de Rivera et se trouve sous les armes ; AMFBJAD n 1718,
voyage de Buenos Aires Concordia, 15 et 21 mars 1837. Puis il apprend par B. Soares que Bento
Manuel Ribereiro emprisonne le prsident de la province, Antonio Jos Ferreira, et le livre
Rivera avec la complicit de Neto et Calderao (Bonifcio Caldern ?) ; AMFBJAD n 1090, B.
Soares Bonpland, So Borja, 18 avril 1837 ; AMFBJAD n 615, J. Ingres Bonpland, So Borja,
19 avril 1837.
411
En mai 1837, le colonel Olazbal venant de La Cruz fait part de lintention de Frutos Rivera
de revolutioner la province de Corrientes avec 500 Entrerrianos, et des propositions faites
Olazbal par le sergent-major Mendoza, parent de Frutos. Bonpland met en doute la vracit du
rcit ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 11-15 mai 1837.
412
Cest le cas lorsquil recueille le tmoignage de Juan Altamirano concernant la personnalit de
Rivera et ses rapports avec Artigas en droute ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia
Curuz Cuati, 17 mai 1837. Ingres comprend lui aussi parfaitement la situation ; AMFBJAD n
615, J. Ingres Bonpland, So Borja, 19 avril 1837.
413
Sur ces offres, cf. chapitre VI, pp. 535-536 et chapitre VIII, pp. 708-711 ; AMFBJAD n 401,
Ramallo Bonpland, Santa Ana, 27 juin 1834. Alors que Vilardeb lui fait ces offres, Noguera lui
crit quil ny a ni stabilit ni scurit Montevideo, et que le lieu nest pas propice au bonheur
des savants. Le mme crit : No dudo se habra V. divertido algo con el cambio de cosas occurido
recientamente. Yo creo que el Sor Veron [Bern de Astrada] marcha bien. Y sobre todo, veo que
quiere ser Govor Constitucional que para mi es la mayor de las virtudes que el ao 38 pueden
adornar un Magistrado. , AMFBJAD n 734, B. Noguera Bonpland, Corrientes, 15 fvrier
1835 ; AMFBJAD n 735, B. Noguera Bonpland, Curuz Cuati, 25 mars 1838.
414
Cf. MILLOT Julio, BERTINO Magadalena, Historia econmica del Uruguay, tome I,
Montevideo, Fundacin de Cultura Universitaria, 1991, pp. 131-139.
415
AMFBJAD n 10, R. de Atienza Bonpland, Corrientes, 10 mai 1837 ; AMFBJAD n 12, R.
de Atienza Bonpland, Corrientes, 5 aot 1836 ; ESPINOZA Nemecio Carlos, Amado Bonpland.
Una historia olvidada , Santa Fe, Colmegna, 1997, pp. 176-177. Lindustrie et le commerce
sont en plein essor, le Trsor Public de Corrientes enregistrant un excdent budgtaire durant le
mandat de Rafael de Atienza.
416
Cf. CHIARAMONTE Juan Carlos, Mercaderes del Litoral. Economa y sociedad en la
provincia de Corrientes, primera mitad del siglo XIX, op. cit., p. 68.
118
Premire partie
Chapitre I
gouvernement et de ses propres intrts 417 . Ltat de sant dAtienza peut aussi
expliquer la conduite de Bonpland. Gravement malade, le gouverneur dlgue une
premire fois sa charge Juan Felipe Gramajo de mai juillet 1837. Sa mort
survenue la fin de lanne 1837 permet Bonpland de se ranger aux cts de
Genaro Bern de Astrada, avec lequel il entame une correspondance ds avant son
accession au poste de gouverneur. Cette intimit perdure jusquau 31 mars 1839,
jour de la dfaite et de la mort du correntino face aux troupes rosistas 418 . Durant
ce laps de temps, limaginaire patriotique, la vision dun ensemble amricain
cohrent, les repres du pass cdent la place aux doutes.
Le discours parat ambigu, changeant selon les interlocuteurs : aux uns il
dcrit une situation chaotique, aux autres il offre des gages de stabilit. Ce double
discours est le reflet des informations contradictoires quil reoit : dune part
alarmistes, fondes sur les menaces de guerre, dembrasement ; dautre part
optimistes lorsqu la fin de lanne 1838 on lui propose la fois une rente et un
terrain en Uruguay ainsi que le poste de directeur du Jardin botanique de Rio de
Janeiro. Cependant Bonpland est trop impliqu conomiquement pour sinvestir
dans une nouvelle entreprise, mme scientifique. Il connat suffisamment la valeur
de la terre et celle de ses appuis Corrientes pour renoncer tant davantages.
2. Limmersion rioplatense
En choisissant de demeurer sur le sol amricain, Bonpland entreprend la
construction dun rseau de sociabilits impliquant des aspects conomiques et
politiques provinciaux mais aussi transfrontaliers. A ce titre il dveloppe un rle
417
Premire partie
Chapitre I
Limmersion transfrontalire
Depuis So Borja jusqu Buenos Aires, limmersion de Bonpland est
dune ampleur rduite, priphrique non plus continentale mais rgionale et
transnationale, puisquelle se dessine autour de lartre fluviale sparant
lUruguay, le sud du Brsil et la rgion du nord-est ou Litoral argentin, et
aboutissant Buenos Aires puis Montevideo et Porto Alegre. Dun dbouch
lautre, le naturaliste modifie son approche de la rgion : de labstrait vers le
concret, du global au local, du pass au prsent. Il abandonne ses projets
dagriculture en grand, que ce soit en Europe ou en Amrique. On peut constater
un changement dans la nature de sa correspondance 419 , europenne pour 40%
depuis sa libration jusqu la fin de lanne 1834, puis de plus en plus
amricaine ; en 1835 seulement 15% des changes pistolaires concernent le
vieux continent. De plus, cette mme anne, lessentiel des lettres amricaines ont
pour auteurs ou destinataires des personnalits locales 420 . De fait, Bonpland
adhre une pratique sociale qui privilgie les rseaux transfrontaliers. Le temps
du rcit est dsormais le prsent.
Entre 1831 et 1834 il existe peu de rapports pistolaires avec le Brsil,
Bonpland privilgiant Corrientes. De 1835 juin 1842, date de son dernier
change pistolaire avec lEurope jusquen 1849, seulement 9% de sa
correspondance est change avec le vieux continent et 18% avec des rsidents
trangers, en majorit franais 421 . Le rseau transfrontalier est de loin le plus
constant ; les ruptures y sont trs rares 422 . Suivant sa logique de prosprer
419
120
Premire partie
Chapitre I
rappeler 425 .
Le lien fluvial savre ce titre primordial, les communications le long de
lUruguay et du Paran en faisant un rseau transfrontalier qui, au dbut des
annes 1830 et malgr un contrle frontalier troit entre le Brsil, le Paraguay et
Corrientes 426 , nempche pas la contrebande. La frange orientale de la province de
Corrientes, peu peuple et peu contrle, empche la rgulation du commerce des
deux cts de lUruguay, car les capitales sont trs loignes de leurs frontires
respectives, surtout partir de la guerre des Farrapos en 1835 427 . Le gu de Santa
Ana, par exemple, est facilement traversable, tant gu de janvier juin 428 . Face
la ville du Paran, Bonpland constate en 1832 que la pointe sparant le Paran
423
121
Premire partie
Chapitre I
dun de ses affluents, le Caami, est trs utile dans les temps de guerre et de tout
tems aux contrebandiers 429 .
Cette importance accorde aux fleuves concide avec le dveloppement de
sa proprit de So Borja acquise en 1833, centre dune zone frontire et
commerciale prospre mais expose entre lArgentine, le Brsil et le Paraguay.
Aprs trois tentatives, Bonpland se relance dans une entreprise agricole dirige
une nouvelle fois avec succs. Ne seraient-ce les entraves politiques, les bnfices
savrent certains :
Buenos Aires est une grande ville qui augmente chaque anne. Il y a
constamment de quatre-vingts cent navires sur rade ; tous les bords du fleuve
Uruguay sont couverts dhabitations qui augmentent prodigieusement et qui
font un commerce actif. San Borja, o je fais ma rsidence principale, a plus
que tripl en population depuis quatre ans. La province de Corrientes, la
Savana ou lEnte-Rios, depuis dix ans ont acquis une population et une
augmentation de fortune au-del de toute expression; la Cisplatine qui, depuis
trois ans, a t deux fois le thatre de la guerre, offre des sources de richesses
inpuisables
430
Premire partie
Chapitre I
parti lavallejista contre Fructuoso Rivera et les Bruits faux que ce parti rpand
chaque jour. Les vols de btail la frontire du ro Quareim qui sont attribus
aux Charrouas aux Correntinos et a dautres semblent tre faits par les mmes
Portugais. 434 Cette clairvoyance vis--vis de la situation politique globale lui fait
crire que tous les esprits sont fixs sur lintrigue, la formation des Provinces, la
nomination de la rgence 435 . Cette apparition de la province est un premier pas
vers une apprhension plus fine de la situation rioplatense.
Mais en 1837 linscurit se rapproche avec larrive des Farrapos, aussi
traverse-t-il la frontire 436 . Son capataz Jos Mariano Cardozo linforme du
mouvement de population, les familles de So Borja passant elles-aussi de lautre
ct de lUruguay. Le lieutenant-colonel Soares da Silva, commandant de la ville,
se met en marche pour Itapa avec sa famille, passe par So Joo Mini avant de
sarrter finalement San Mateo. En juillet 1837, So Borja est dsert437 . Yuca
Louveiro passe lUruguay pour recruter des hommes afin de dfendre So Borja,
mais le chef des Farrapos Bento Manuel Ribeiro doit y arriver le 29 juin et se
proclamer dictateur puis nommer Lima e Silva gnral en chef 438 .
Mais ce nest que lorsque les ennuis le touchent personnellement que
Bonpland prend la mesure des vnements. En juillet 1837, lorsque les
rpublicains du Rio Grande do Sul arrivent So Borja, ses commentaires
changent de teneur. Il suppose dabord une disposition la violence de la part de
Joo Manuel de Lima e Silva, un des chefs du mouvement 439 , mais sa rencontre
avec celui-ci et dune manire gnrale avec les Farrapos savre finalement une
agrable rvlation :
en faisant compliment Lima sur la subordination et le bon ordre qui
rgne dans ses troupes, il me dit ce sont des Elves du gnral Lavalle.
434
123
Premire partie
Chapitre I
La reprsentation nest plus calque sur le schma classique admirationrpulsion, mais sur ladaptation aux acteurs et aux vnements, Bonpland
nhsitant pas remettre en cause ses prjugs, voire ses fidlits. Les hsitations
de 1837 traduisent en effet la confrontation entre les prjugs, la fidlit ses
soutiens, et la rencontre avec les Farrapos qui forcent son respect 441 . Le Franais
commence se rapprocher des tendances politiques proches de ses propres
idaux, la faction rpublicaine en ce qui concerne le Brsil, le parti constitutionnel
pour Corrientes.
Serny, ami intime de Bonpland, rsume lopinion des trangers sur la
guerre brsilienne :
Ils se sont tapp dur. pour peu que cela dure, les deux partis se dtruiront
& alors nous pourrons avoir espoir dtre tranquille.
442
124
Premire partie
Chapitre I
Un rseau fragile
Ds 1831, Bonpland tente dtablir des contacts avec lEtat du Rio Grande
do Sul 448 . Mais la recherche dune protection locale de ce ct du fleuve savre
plus difficile. Bien quil sinstalle ds 1831 So Joo Mini puis en 1833 So
Borja et quil accde l encore un statut de notable influent, son rseau demeure
fragile. A So Joo Mini, une trace seulement subsiste de la visite du lieutenant
Gomez et de sa femme 449 . Le volume de sa correspondance nous apprend que la
dcennie 1830 est faible par rapport au Brsil 450 . Certes il devient le compadre de
Boaventura Soares da Silva qui commande So Borja 451 , mais ce rseau
445
AMFBJAD n 1, 13, 58, 60, 602, correspondance entre Bonpland, Gramajo, Atienza et Bern
de Astrada, juillet-aot 1837.
446
Maciel linforme de la manuvre de Lavalleja, lequel pour assurer la fuite dOribe Las
Higueritas promet Rivera la reddition de Paysand, sans le faire. Boaventura Soares lui apprend
la nomination de Lavalleja en remplacement dOribe ; AMFBJAD n 1723, journal, voyage de
Corrientes Santa ana, 1-5 aot 1838.
447
AMFBJAD n 1724, voyage dans le haut de lUruguay, 22 janvier 1839.
448
MNHN, ms 215, n 20, note pour le commandant et administrateur des missions portugaises,
So Borja, 8 dcembre 1831.
449
CAIC, journal de voyage, missions portugaises, 10-23 aot 1833.
450
Cf. graphique n 1, p. 114.
451
AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes Santa Ana, 10 juillet 1838.
125
Premire partie
Chapitre I
452
Premire partie
Chapitre I
AMFBJAD n 167, P. Nascinbene Bonpland, Paran, 17 fvrier 1834. Pierre Nascinbene quil
a dj prsent Ferr lui demande des renseignements sur lconomie de So Borja pour son
frre Louis.
457
AMFBJAD n 1194, Abadie Bonpland, So Borja, 30 aot 1833. Abadie, depuis Salto, lui
demande de prsenter une procuration Don Ricardo.
458
AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires Concordia, 21 mars 1837. Bonpland possde
des lettres de recommandation de Henry Hoker pour le commandant de Concordia le colonel
Navarro et loge chez lui. Navarro fait office dintermdiaire commercial pour Bonpland et solidifie
ses relais.
459
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 22 octobre 1832. Bonpland est
accueilli Paysand par Eusebio Galn, mari Gonzalez de las Conchas, sur recommandation de
J. J. de Araujo depuis Buenos Aires.
460
AMFBJAD n 583, V. Salinas S. Garca, Corrientes, 12 octobre 1836.
461
AMFBJAD n 831, Bonpland A. Roger, Corrientes, 16 mai 1838 ; AMFBJAD n 832,
Bonpland A. Roger, Corrientes, 16 mai 1838. Bonpland crit propos de Jos Castelli : je
lautorise montrer une lettre et les caisses tous les batiments de lescadre quil rencontrera
127
Premire partie
Chapitre I
Priphrie et civilisation
Si pour les fdralistes argentins la province leurs provinces constitue
la base de la civilisation rioplatense, deux questions se posent. Premirement,
comment expliquer la reconnaissance de Buenos Aires comme capitale, admise
par beaucoup dentre les fdralistes 462 ? Ensuite, est-ce la province ou la
campagne qui occupe le centre ? La diffrenciation entre province et campagne
implique deux ressentiments diffrents par rapport lidentit, et montre une
volution dans la lecture du pays. Dans un cas lopposition a lieu entre ville et
campagne donc plutt entre deux modes de vie ; dans lautre cas lantagonisme
entre province et province, ou entre province et nation, reflte un enjeu politique.
Bonpland ne doute jamais du rle de capitale attribu Buenos Aires, car
si elle nest pas le centre de la civilisation, la ville saffirme comme le cur
politique du Ro de la Plata. Les nombreux sjours effectus Montevideo par
Bonpland ne font pas apparatre cette ville comme une concurrente srieuse pour
la cit portea. Avant que Montevideo ne soit la nouvelle Troie, elle est Jricho
tandis que Buenos Aires est Jrusalem. La mtaphore signe dIngres en 1836 463
fait cho la nouvelle Rome de Pradt 464 . Elle est significative de la
prpondrance accorde Buenos Aires malgr la naissance des Etats-provinces.
En 1835, la rupture pistolaire davec Buenos Aires au profit de la voie
uruguayenne et brsilienne est due des raisons pratiques avant tout 465 . Quant au
necessairement sur son passage mais surtout Monsieur le Contre amiral Leblanc Convaincu
quainsi que vous il saura reconnatre le service que rend la France Mr Castelli et ceux quil est
port rendre. Bonpland loue son got pour la France et profite de son rle dintermdiaire entre
Roger et Ferr.
462
La pratique fondatrice dun centralisme porteo est constitue par lattribution de facto des
pouvoirs en matire de politique trangre, bien avant lofficialisation de ceux-ci.
463
AMFBJAD n 614, J. Ingres Bonpland, Salto, 10 juillet 1836.
464
Dominique Dufour, abb de Pradt (1759-1837), commence sa carrire politique lors de la
runion des Etats gnraux de 1789 en tant que dput du clerg du bailliage de Caux, en
Auvergne. Sigeant la Constituante, il migre finalement en Belgique en novembre 1792. Il tient
l un bureau daffaires et commence sa carrire de publiciste par un pamphlet incitant les
monarchistes lutter contre les vautours tricolores . Revenu en grce sous le Premier empire, il
est nomm aumnier ordinaire de la cour. Bon serviteur du rgime, sa carrire culmine en 1812
lorsquil devient ambassadeur de France Varsovie. Nayant pas rpondu aux attentes de
Napolon pour qui la Pologne devait servir de base linvasion de la Russie, il est limog de son
poste puis, ralli aux Bourbons, vinc par ceux-ci. De retour en Auvergne, labb gallican et
libral se montre favorable un rgime reprsentatif, ce qui lui vaut dtre surveill durant la
Restauration. Parmi ses nombreux essais, LEurope et lAmrique depuis le congrs dAix-laChapelle publi en 1821 marque le dbut dune srie dcrits sur le Nouveau Monde faisant de
labb un spcialiste des questions politiques de ce continent.
465
Il crit Humboldt ds 1835 par la voie de Porto Alegre ; AMFBJAD n 907, 10 janvier 1835.
128
Premire partie
Chapitre I
rle conomique prpondrant quil attribue en 1836 466 Buenos Aires, une
lgitimit politique forte sy ajoute avant 1839. Dans une note antrieure
dcembre 1838 adresse Peter Sheridan 467 , il voque la grande Capital de la
republica argentina 468 . Sil rompt ses relations avec cette ville aprs 1837, les
causes en sont avant tout politiques. Ainsi de ses relations avec Angelis arriv en
1827 qui font long feu, probablement en raison de dsaccords politiques et
culturels 469 . En 1838, il change de dbouch, prfrant Montevideo et Porto
Alegre en raison du blocus franais quil approuve.
Mais surtout, Bonpland naime pas la mentalit portea. La base de
lidentit nationale est pour lui lintrieur du pays. Il ne reproche pas linstar
de dOrbigny lducation effmine de la classe bourgeoise Buenos-Ayres470
mais ds son arrive dans les Provinces Unies du Ro de la Plata, Bonpland adopte
une position fortement conditionne par le clivage ville-campagne et clairement
en faveur de cette dernire 471 . Cette apprhension nest pas sans rappeler celle de
Humboldt en Nouvelle-Espagne, exprime dans des termes similaires 472 et surtout
dans une perspective coloniale. La province, aux yeux du voyageur, devient
progressivement un centre dintrt et de civilisation au fur et mesure de son
mergence en tant quentit politique, mais aussi lorsque le voyageur simmerge
et, comme cest le cas pour Bonpland, sidentifie la province.
Bonpland se forge une identit culturelle, gographique fonde sur
lInterior et le fleuve, base identitaire dans une province o passer un fleuve
466
129
Premire partie
Chapitre I
signifie changer de continent 473 et sur le lien avec les villes-ports. Lors de sa
premire halte sur la route des Missions, le 11 mai 1821, la poste de Las Lomas,
Bonpland change quelques mots avec le responsable du lieu, un nomm Lopez :
Ce brave matre de Poste avait form depuis peu de jours une plantation
de la plante (cactus) qui produit la figue Morique et il nous a assur que
pour obtenir promptement des fruits et pour les avoir bons quil fallait
planter les branches qui partaient ou plutot qui cette mme anne avaient
port fruit. La mme chose arrive chez une multitude de plantes que nous
cultivons et nos jardiniers se valent de cette connoissance quand ils
greffent soit pour avoir des fleurs ou des fruits et je ne cite ce fait que
pour montrer quil y a partout des observateurs.
474
473
Lorsque Bonpland dcide dhabiter Santa Ana, le Correntino Manuel Fernndez se flicite de le
retrouver bajo un mismo continente ; AMFBJAD n 1434, M. Fernndez Bonpland, Esquina,
28 avril 1838 ; cf. CHIARAMONTE Juan Carlos, op. cit., pp. 78-79.
474
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions.
475
Les Indiens dotent tous les animaux dun nom gnrique, et souvent dun nom despce. Tous
sont bons naturalistes , dixit ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, p. 334.
476
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 1er janvier 1821.
130
Premire partie
Chapitre I
482
477
la maison sa distribution, son ameublement rapellent leurope plus une petite bibliotheque qui
renfermant quelques livres de jurisprudence mont fait passer un heureux moment. Depuis 10 ans
je navais pas vu un seul livre , AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 26
dcembre 1831.
478
les habitations sont plus raproches et les terres cultives. Jai vu de la canne sucre bien
petite, des champs de patate douce, trs peu de mandioca , AMFBJAD n 1695, voyage de So
Borja Corrientes, 4 janvier 1832.
479
AMFBJAD, n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 23 mai 1837.
480
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 90.
481
AMFBJAD n 567, Bonpland F. Dickson, Buenos Aires, 27 mars 1832.
482
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 25 octobre 1832.
483
Aussi il serait digne dun Gouvernement clair de faire lever un plan exact du Parana ,
AMFBJAD n 1713, journal, Corrientes, octobre 1836.
484
DARWIN Charles, op. cit., tome I, pp. 152-153. Lauteur poursuit sa critique en dnonant le
manque de maturit politique de ce pays, comme tous les Etats espagnols de lAmrique du
Sud .
131
Premire partie
Chapitre I
490
Certes, toutes les postes ne se valent pas, mais une nuance existe au contraire
dautres rcits, notamment par une relative absence de la gnralisation et du
jugement compar entre lindividu et la socit comme dans le cas du rcit des
Robertson qui reprennent limage dune civilisation dans son enfance, presque au
485
132
Premire partie
Chapitre I
stade de la barbarie, et encore plus tard par dOrbigny qui voque des vestiges de
civilisation 491 .
Au contraire, le botaniste crit de manire pointilliste ses remarques. A
propos des Marques nouvellement installs prs de lUruguay, il crit sa joie de
voir chez eux une bibliothque, de la moutarde de Maille , du trs beau sucre
de betterave et du champagne dlicieux 492 . Cest tout le contraire de
dOrbigny qui rsume les mois passs dans la rgion de Corrientes par ce
jugement laconique :
Je nai pas besoin de dire tout ce que jai souffert. Vous pouvez
seulement vous en faire une ide, voyageant dans des lieux encore
sauvages ou habits par des Indiens ou des Espagnols qui ne valent gure
mieux.
493
ROBERTSON John et William Parish, Cartas de Sudamrica, Buenos Aires, Emec, 2000
(1843), pp. 54-59 ; ORBIGNY Alcide d, Viaje por Amrica meridional, Buenos Aires, Emec,
tome I, 1998, pp. 143-144.
492
Il dcrit aussi des roues en fonte et des plaques de tle pour couvrir les maisons et en relve leur
curiosit ; AMFBJAD n 1717, voyage dans la province de Corrientes, 11 juin 1837.
493
A. dOrbigny aux professeurs administrateurs du Musum, 16 septembre 1828, cit in
BERAUD Gilles (d.), MIRET Enric, DORY Daniel (coll.), op. cit., p. 35.
494
Et la diffrence de nombreux auteurs attribuant Bonpland des intentions non vrifiables, et
bien souvent anachroniques. Lutilisation du manuscrit n 1653 par Guillermo Furlong en est un
bon exemple. En effet, lauteur utilise les propos tenus dans celui-ci pour justifier lattitude du
naturaliste lors de son voyage de 1820-1821. Or, si nous admettons la postriorit de ce document,
il sagit alors dune faute de jugement. Sil faut reconnatre la carence documentaire de cette
priode, il ne faut surtout pas dplacer les sources, au risque de perdre tout le sens de lexprience
de Bonpland. Sachons tirer parti rarement des rares tmoignages de voyageurs parvenus jusqu
nous sans avoir t remanis par la publication ; FURLONG Guillermo, En el centenario de
Aim Bonpland, 1858-1958 , in Anales de la Academia de Ciencias Exactas Fsicas y Naturales
argentina de Geografa, tome XV, n 2, 1958, pp. 64-65.
495
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Jules Thodore Ernest, op.
cit., p. 87.
133
Premire partie
Chapitre I
501
CONCLUSION
Le Franais, confront aux conflits internes et externes du Ro de la
Plata, construit son discours amricaniste partir dune utopie partage par
lEurope et les rpubliques de la Plata, de la reconnaissance de ces rpubliques par
la France et de la confrontation entre la France et un gouvernement rioplatense.
Entre persistances et changements, Aim Bonpland se confronte et sadapte
lamricanisme rioplatense en gestation. La combinaison de sa dimension
internationale, nationale et provinciale permet de relier rseaux, discours et
pratiques grce la position mdiane du savant. Son rseau franais, mais aussi
une partie de ses interlocuteurs amricains, le confortent dans sa perception dune
496
134
Premire partie
Chapitre I
Premire partie
Chapitre I
503
Des recherches sur les relations frontalires de cette aire gographique commencent se faire
jour ; cf. par exemple IRIGOIN Mara Alejandra, SCHMIDT Roberto (d.), La desintegracin de
la economa colonial. Comercio y moneda en el interior del espacio colonial (1800-1860), Buenos
Aires, Editorial Biblos, 2003.
136
CHAPITRE II
Du transnationalisme lamricanisme (1839-1852)
INTRODUCTION
En 1838 la situation politique se dgrade entre Buenos Aires et les
provinces littorales, ce qui provoque lanne suivante leur entre en conflit et
lembrasement du Ro de la Plata 504 . Dans la province de Corrientes gouverne
par les fdralistes depuis 1810, larrive au pouvoir de Rosas entrane une
division interne entre libraux antirrosistas et fdralistes rosistas. En outre, la
province est frontalire avec le Paraguay, le Chaco, Santa Fe, lEntre Ros,
lUruguay, le Rio Grande do Sul et Misiones. Chacune de ces entits politiques
possdant ses propres systmes politiques, ses propres intrts et le choix de ses
alliances, les gouvernants de Corrientes doivent se positionner par rapport cette
situation frontalire complexe. Aux dissensions internes sajoutent donc des
contraintes externes qui obligent les dirigeants comme les individus sengager et
sadapter selon un systme de reprsentation bas sur lattraction et la rpulsion
vis--vis de la politique suivie par les entits politiques frontalires. Pour cette
raison des stratgies transnationales sont trs vite mises en place par les
Correntinos.
Comment Bonpland sadapte-t-il cette situation ? Sil savre capable de
sadapter en tissant un rseau avec les clans correntinos, la fin de lalliance inter504
Cf. HERRERA Luis Alberto de, Orgenes de la Guerra Grande, Montevideo, A. Monteverde y
Ca, 1941, 2 volumes.
Premire partie
Chapitre II
505
Premire partie
Chapitre II
139
Premire partie
Chapitre II
506
Cf. GOMEZ Hernn Felix, op. cit., pp. 231-241. Un proche de Bonpland lui fait part de ses
sentiments aprs linvestiture de Bern de Astrada : Je ne doute pas que les changements
survenus rcemment vous auront amuss quelque peu ; le nouveau dirigeant dsire tre
Gouverneur Constitutionnel, ce qui pour moi est la plus grande des vertus dont lanne 38 puisse
orner un Magistrat , AMFBJAD n 735, B. Noguera Bonpland, Curuz Cuati, 25 mars 1838.
507
En effet, Jos Carlos Chiaramonte souligne qu Corrientes nous constatons une cration
constitutionnelle prcoce laide dun rgime reprsentatif effectif [], et avec des gouverneurs
se succdant au pouvoir selon des normes constitutionnelles, au point de russir canaliser
lgalement les rivalits politiques sintensifiant au dbut des annes 1830. , CHIARAMONTE
Jos Carlos, op. cit., p. 48,
508
Cf. CERRUTI Cdric, Un Rochelais en Terrae cognitae : le discours et les actes.
Lengagement politique dAim Bonpland dans le Ro de la Plata. 1831-1840 , in MOREAU
Christian, DORY Daniel (dir.), Alcide dOrbigny. Entre Europe et Amrique. Textes et contextes
dune uvre, Rennes, PUR, pp. 129-146.
509
Le mot est souvent employ par Ferr, et peut se dfinir comme le fait de trahir son
appartenance la fois institutionnelle, militaire, familiale, personnelle, savoir tout lensemble
complexe qui dfinit la sociabilit politique argentine de cette premire moiti du XIXe sicle entre
ancien et nouveau rgime, pour employer une terminologie europenne.
140
Premire partie
Chapitre II
141
Premire partie
Chapitre II
de bons chefs et de la propension tres grande quont les Correntinos pour ne pas servir. Depuis peu
de jours on compte un grand nombre de Dserteurs et la desertion continuera positivement malgr
que le Gouverneur ait dej fait une execution. La conjonction entre les commentaires de
Bonpland, au lendemain de son sjour Curuz Cuati, et la rsolution de Bern de Astrada
intervenant quelques jours plus tard, peut tre interprte sans trop de risques comme le rsultat de
linfluence du Franais auprs du gouverneur correntino. Si lon ajoute que le 13 mars, il se trouve
Curuz Cuati en compagnie du gouvernement, les doutes sont presque nuls. Cette tolrance vis-vis du refus de porter les armes est une constante chez Bonpland. Sa rencontre avec un homme
ayant fui les luttes indpendantistes naltre aucunement une excellente opinion son sujet ;
AMFBJAD, n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 17 mai 1837.
517
HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 134. La proprit de So Borja avait dj souffert de
la guerre civile brsilienne.
518
AMFBJAD n 168, L. Nascinbene Bonpland, 26 avril 1839 ; AMFBJAD n 1592, Bonpland
P. Echage, Santa Ana, 9 juin 1839.
519
Cette dfaite, prsente par lhistoriographie locale comme celle de la civilisation face la
barbarie, cote la vie 800 des 1 300 prisonniers qui sont gorgs sur ordre du commandant des
forces rosistas Urquiza ; cf. ZINNY Antonio, op. cit., pp. 35-36 ; GOMEZ Hernn F., Pago
Largo y Bern de Astrada. Consideraciones a base de los documentos del Archivo General de la
Nacin , in Pginas de Historia, Corrientes, Imprenta del Estado, 1928, pp. 189-198 ; Bern de
Astrada. La epopeya de la libertad y de la constitucionalidad, Corrientes, Amerindia, 1999 (1939).
142
Premire partie
Chapitre II
Premire partie
Chapitre II
527
144
Premire partie
Chapitre II
1839 les allis sont prts prendre loffensive. Le 29 dcembre Joseph Ingres,
rcemment arriv Santa Ana aprs avoir t spectateur dune guerre
descarmouches entre Rivera et Echage, fait part Bonpland de ses craintes vis-vis de loffensive promise par lOriental :
Fruto [Rivera] samuse toujours avec les Entrerrianos, et fait
journellement des petits exercices pour exercer ses soldats et ses
Ennemis. Qui diable sait quand ce charivari finira.
531
Contrairement Ferr, instruit par la leon de Pago Largo 532 , Bonpland se montre
confiant envers lalli uruguayen 533 . Loffensive de celui-ci mene au moment o
Ingres crit ces lignes donne raison Bonpland. La victoire de Cachanga stoppe
lavance dEchage et permet Ferr de prendre loffensive.
534
lobligeant sexiler dans la Bande Orientale, laissant le pouvoir Rosas. Avec la Guerra Grande,
Lavalle espre reprendre le pouvoir. Il envahit lEntre Ros en 1839 mais ses tentatives pour
renverser Rosas, dabord avec lappui correntino puis avec le faible soutien des provinces du
Nord, chouent. En 1841, il est finalement tu par les fdralistes Jujuy.
531
AMFBJAD n 619, J. Ingres Bonpland, Santa Ana, 29 dcembre 1839.
532
Cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., tome I, pp. 119-120.
533
AMFBJAD n 1726, journal, Santa Ana, dcembre 1839.
534
AMFBJAD n 1733, voyage dans le Paran, 7 mai 1840.
535
Le terme d actions amricanistes est emprunt NARI Estela, op. cit., p. 133, pour
qualifier les agissements anti-europens de Rosas assimils trop rapidement de la barbarie,
prcise Estela Nari. Lengagement de Bonpland au nom du droit des colonies espagnoles
lindpendance est, lui aussi, un acte amricaniste.
145
Premire partie
Chapitre II
536
146
Premire partie
Chapitre II
Franais commence ds son arrive, le 14 mai, ngocier avec les allis 542 .
Malgr ladmiration quil lui voue, Bonpland est oblig de constater que Lavalle
contribue dtruire lalliance antirrosista 543 . Le savant entreprend alors de mener
trois ngociations ; lune avec les Franais afin dobtenir un soutien logistique
pour Corrientes et un changement de politique, une autre avec les Argentins
unitaires rfugis et une dernire et difficile avec Rivera pour le convaincre
dentrer en campagne.
Concernant lappui franais, il parvient convaincre Dupotet dabord
favorable Lavalle et couvert par ses instructions limites au blocus et Buchet
de Martigny denvoyer Corrientes un convoi sous escorte 544 devant marquer le
dbut de communications rgulires entre Corrientes et Montevideo, la France
fournissant du matriel et Corrientes pouvant ouvrir une route ses produits
commerciaux 545 . Bonpland persuade aussi les consuls Baradre et Buchet de
Martigny de retirer leur soutien Lavalle tandis quil voit Dupotet fulminer contre
linsubordination de lunitaire argentin 546 . Les consuls pensent procurer un
tuteur sain desprit 547 Lavalle, optant pour Valentn Alsina 548 puis lui
prfrant Julin Segundo de Agero 549 plus mme de corriger la position de
Lavalle 550 . Enfin, Bonpland fait part de la posture des consuls, particulirement
Buchet de Martigny, trs favorable au Correntino du fait de leur similitude davec
celle de Ferr faite dunion et de libert des peuples. Le sens de lhonneur et le
jugement de Buchet de Martigny partags par son compatriote lui donnent
542
PAZ Jos Mara, Memorias pstumas, Buenos Aires, 2000 (1855), vol. II, pp. 313-314.
AMFBJAD n 1733, voyage dans le Paran, 7 mai 1840.
544
Comptant de 24 28 velas avec vestidos, vveres, buques, municiones, etc., etc. Cuantes
cosas se han pedido , FERRE Pedro, op. cit., tome II, pp. 613-614 ; AMFBJAD n 1734, journal,
Montevideo, 14 mai 1840.
545
AMFBJAD n 47, Bonpland P. Ferr, Montevideo, 15 juin 1840. Bonpland obtient de
Dupotet louverture de cette route en virtud de la gran estima qe tiene el Sor almirante para
V.E. . Mieux encore, Bonpland espre recevoir les meilleures armes franaises en plus de celles
que Buchet de Martigny attend dj et quil rserve Corrientes.
546
FERRE Pedro, op. cit., tome I, p. 125.
547
sana de juicio , ils pensent au docteur Alsina ; cf. AMFBJAD n 46, Bonpland P. Ferr,
Montevideo, 15 mai 1840.
548
Valentn Alsina (1802-1869) est juriste, crivain et politicien unitaire argentin. Antirrosista, il
est arrt Buenos Aires mais parvient fuir en Uruguay en 1837. Il participe lopposition
depuis Montevideo puis dirige le soulvement porteo du 11 septembre 1852 contre Urquiza.
Dmissionnaire, il reprend le tte de la province de Buenos Aires une seconde fois en 1858, la
bataille de Cepeda mettant fin ses fonctions. Il termine sa carrire en tant que snateur.
549
Julin Segundo de Agero (1776-1851), cur et politicien unitaire, soutient Rivadavia en 1826
puis Juan Lavalle en 1828. Aprs la victoire des fdralistes, il fuit Montevideo o il joue le rle
de conseiller auprs de Lavalle et o il demeure jusqu sa mort.
550
FERRE Pedro, op. cit., tome II, pp. 607-608, 613.
543
147
Premire partie
Chapitre II
confiance 551 pour interfrer auprs de lui afin dobtenir le dsaveu dAlsina et
Lavalle, obtenant du diplomate quon discute de la nomination dun mentor
auprs de ce dernier 552 .
Il se charge ensuite dinformer Ferr de la situation politique
lembouchure du Ro de la Plata. Valentn Alsina faisant partie des dirigeants
unitaires argentins, Bonpland le sermonne pour ne pas stre mis en contact avec
le gouverneur correntino, sappuyant sur linsatisfaction de Buchet de Martigny
engendre par cette attitude desservant lunion indispensable des antirrosistas,
dautant que sa nationalit lui ordonne de tout mettre en uvre pour sa patrie 553 .
En effet, les contacts indispensables qui doivent se nouer entre Corrientes et
Montevideo doivent leur tour encourager davantage limplication franaise. La
mise en route de ce cercle vertueux est semble-t-il confie Gregorio Valds,
aucune source nattestant dautres contacts entre Bonpland et les unitaires.
Nanmoins, il est probable que des contacts sinstaurent avec eux et
particulirement avec Juan Bautista Alberdi554 , alors exil Montevideo, car il
profre lui aussi lunion de la famille argentine forme en 1810 555 .
Quant Rivera, Bonpland entame avec lui de longues et infructueuses
ngociations. Pour obtenir son appui, dont lalliance a ncessairement besoin et
dont lacquisition est peu sre, Bonpland choisit de flatter son orgueil ; il lui crit
que
Dieu a dsign le gnral Rivera pour tre le librateur des peuples de
lAmrique du Sud
556
Bonpland semble croire ce quil crit, du moins dans le fond si ce nest dans la
forme qui elle prsente une grammaire mtisse car lpistolier dbute l un
551
Premire partie
Chapitre II
560
149
Premire partie
Chapitre II
563
562
150
Premire partie
Chapitre II
dfaut dtre transatlantique 566 , afin de construire la nation contre les factions. La
consolidation passe par lalliance avec les Farrapos, lUruguay et la France, au
nom dune
identit de principes et parce que la cause que Corrientes dfendait tait
celle de lhonneur et de la justice de la France, ainsi que celle de la
scurit de lEtat Oriental 567
Paz, moins enclin rejeter lide dune alliance transnationale que Lavalle
qui combat encore dans la province de Buenos Aires sinquite en novembre
de la position de la France et de lAngleterre concernant la question dOrient 568 .
Cette dernire puissance se tournant plus vers les affaires europennes, elle
voudra finir rapidement avec lAmrique et une concession opportune de Rosas
pourrait priver lalliance de ces prcieux allis. En cas contraire Paz, qui ignore
encore la rcente signature du trait Arana-Mackau 569 , espre un dbarquement
permettant de terminer rapidement la guerre 570 . A Bella Unin, Bonpland apprend
la rumeur concernant la signature dun accord bien qu Beln le vicaire se montre
lui aussi confiant vis--vis du combat men contre Rosas 571 .
Cet optimisme est confirm par les renseignements concernant lEntre
Ros demands Bonpland par le gnral qui ignore la position dEchage et
dOribe 572 , mais aussi par un espion dont seuls Paz, Ferr et Bonpland
connaissent lexistence. En effet, Rivera est entr en contact avec le gnral
566
151
Premire partie
Chapitre II
Urquiza qui commande les forces entrerrianas, par Monsieur Chaine envoy
secrtement :
Cest cet individu qui est charg par le Prsident de mettre la zizanie
entre Urquiza et Echague par le moyen du [premier]. Echage proche
dabandonner le gouvernement Mr Dubois indique un Garcia pour tre
chef de lEntre-ros.
573
En outre, il semble que Lavalle, qui a renou ses relations avec Ferr et Paz, se
rapproche de Buenos Aires 574 . Bien que Rosas, ayant repris lle de Martn Garca
et le contrle du fleuve de la Plata, fait arraisonner les navires et arrter tous les
opposants 575 , la fin du mois de novembre les vnements semblent jouer en
faveur des antirrosistas.
Toujours en novembre, Bonpland est mandat une nouvelle fois auprs de
Rivera par Paz et Ferr. Il apprend que les Orientaux disposent dune flotte qui
vient de se doter 10 12 navires supplmentaires et indique Ferr quil a aperu
seulement deux navires de guerre porteos mouillant dans lembouchure du ro de
la Plata ; il sait aussi que Rosas manque de marins. Aussi propose-t-il, maintenant
que lUruguay est plus sr pour naviguer que le Paran, dtablir des relations de
commerce par lUruguay et de compenser laugmentation des frais des
commerants en baissant les droits de douane. Il se charge den faire la publicit
Montevideo pour lavantage des commerants et du gouvernement. Enfin, Rivera
fait mouvement avec ses troupes San Jos afin douvrir enfin les hostilits 576 .
Le premier dcembre Bonpland arrive confiant Montevideo. Par du titre
d agente de negocios del Exmo gobno de la Provincia de Corrientes 577 il rvle
de nouveau un certain talent diplomatique auprs des diffrents partis luttant
contre Rosas, flattant lorgueil de Rivera et sachant ngocier des subsides avant
que desprer obtenir son entre en campagne. Ainsi obtient-il dans un premier
temps des pices dartillerie pour Corrientes 578 . Mais la fin du mois de
573
Premire partie
Chapitre II
2. La dception patriotique
Avant daborder la question des dissensions internes, il est ncessaire de
sarrter sur lattitude franaise au moment de lengagement de Bonpland. Certes,
des travaux ont t mens ce sujet 582 mais des analyses restent effectuer
laune de la documentation et des problmatiques touchant le naturaliste, en
scartant des approches chronologiques classiques. En effet, si la politique suivie
par la France dans le Ro de la Plata de lindpendance la chute de Rosas savre
linaire, alternant neutralit et interventionnisme, les problmatiques se modifient
lintrieur des cadres chronologiques en fonction des interactions entre les
acteurs gopolitiques. Entre 1838 et 1840, la premire intervention franaise est
un choc autant politique que culturel et symbolique. Pourtant les rapports
entretenus avec les Europens apparaissent comme autant dimpasses pour le
dveloppement national. Lattitude des grandes puissances fait rapidement perdre
leurs illusions aux plus lucides dentre eux.
579
Premire partie
Chapitre II
583
584
154
Premire partie
Chapitre II
Premire partie
Chapitre II
594
596
Le mmoire de 1841 est intitul Question de la Plata , et une copie parvient aux mains du
gnral Paz ; cf. AGNBA, Sala VII, archivo del general Jos M. Paz, leg. 100, ao 1841. Quant au
mmoire de 1842, il est qualifi d absurde par le reprsentant argentin Paris ; cf. AGNBA,
Sala IV, leg. 10. 1. 4. 12, Sarratea F. de Arana, Paris, 28 avril 1842.
594
AMFBJAD n 1024, D. Roguin Bonpland, Montevideo, 16 mars 1841.
595
AMFBJAD n 1743, voyage de Santa Ana Salto, 4 juin 1842
596
la cuestion solo sera desidida pr las lanzas, y la Union, y no por la intervencion Estrangera.
Caso que los hombres que hoy presiden nuestros destinos, se han ya convencidos de esta verdad ,
AMFBJAD n 334, F. Meabe Bonpland, Curuz Cuati, 7 octobre 1842.
156
Premire partie
Chapitre II
597
157
Premire partie
Chapitre II
601
Le colonel Pedro Rodrguez del Fresno crit Mackau : No dudo [...] que V.E. querr prestar
la cooperacin que la Francia debe a los aliados , lui rappelant que la facult de reprsenter a
las provincias aliadas a t retire Rosas, ajoutant que no tememos que V.E. quiera, ni deba
entrar en ninguna clase de negociacion avec le Porteo ; AGNBA, coleccin Carlos Casavalle,
Fresno, Fresno Mackau, Santa Fe, 4 novembre 1840.
602
Du moins ses ambitions sont-elles moindres, Ferr souhaitant avant tout protger la province de
Corrientes alors que Paz et Lavalle veulent jouer un rle national.
603
FERRE Pedro, op. cit. tome II, p. 611.
604
CHIARAMONTE Jos Carlos, Formas de identidad en el Ro de la Plata luego de 1810 , in
Boletn del Instituto Dr. E. Ravignani , Troisime Srie, n 1, premier semestre 1989, p. 83.
605
AMFBJAD n 1733, voyage sur le Paran, 11 mars et 1er mai 1840.
606
Cest ce quil ressort des changes pistolaires de Bonpland.
158
Premire partie
Chapitre II
trait officieux damiti et de commerce. Il ralise pour Ferr ce que nont pas
russi les plnipotentiaires des capitales atlantiques. La position gographique
priphrique de Corrientes lui permet de poser les limites de lingrence franaise
dans un conflit lui-mme priphrique. Paz, Ferr et Bonpland ont cette lucidit
de reconnatre la situation politique excentre dans laquelle ils se trouvent.
Avec le trait Mackau-Arana, linfluence franaise sestompe dans le
Nord-Est tout comme son intrt pour cette partie de lArgentine. Le trait
Mackau-Arana joue en faveur du discours patriotique de Lavalle et Ferr est
oblig de suivre celui-ci. En effet, le gouverneur de Corrientes dnonce la trahison
de Mackau vis--vis des attentes de ses compatriotes prsents dans le Ro de la
Plata mais ajoute que le retrait franais est loccasion de mettre fin la dsunion
du pays qui risque dtre le jouet de nimporte quelle autre nation , Ferr allant
jusqu vanter la porte anti-imprialiste de Rosas 607 . Finalement, la fin de
lanne 1840 qui est le jouet de qui ? La France se retire sans aucun bnfice
tandis que Corrientes obtient suffisamment de soutien pour se maintenir hors de
porte des rosistas et organiser son arme de rserve.
En ce sens, lintervention franaise peut tre considre comme un acte
fondateur de lidentit rioplatense dans la mesure o elle permet une
identification commune contre lingrence trangre. De plus, au mois de janvier
1841, Bonpland converse avec Baradre et Florencio Varela propos du protocole
franco-argentin et propos de louvrage antirrosista publi par Varela 608 quil
transmet Ferr et Paz. Il demande Ferr dtre particulirement attentif aux
termes du trait 609 car celui-ci ne signifie pas, selon lui, la fin des ngociations
entreprises par la France et lAngleterre. Dans son rapport Ferr, Bonpland note
que Ribeiro a protest devant Mackau, que Buchet de Martigny et la dputation
franaise sont partis, quAley a remplac le commandant Penaud dans le Paran,
lequel est charg par Mackau daller prvenir Lavalle du trait. Une telle
607
A propos de Rosas, Ferr ajoute : je nocculte pas chez lui ni noublierait jamais de louer la
fermet de caractre avec laquelle il soutient les droits de la Nation contre les ambitions
trangres , in FERRE Pedro, op. cit., tome I, pp. 69, 111.
608
VARELA Florencio, Sobre la convencin de 29 de octubre de 1840. Desarrollo y desenlace de
la cuestin francesa en el Ro de la Plata, Montevideo, Imprenta de la Caridad, 1840.
609
AMFBJAD n 40, Bonpland P. Ferr, Salto, 19 janvier 1841.
159
Premire partie
Chapitre II
mission ne cesse de donner rflchir 610 crit Bonpland qui y voit probablement
une tentative de Mackau pour stopper les projets de Lavalle.
614
610
Semejante mission no deja de dar de pensar. , AMFBJAD n 34, Bonpland P. Ferr, Salto,
20 novembre 1840. Penaud propose Lavalle un asile et une pension en France ; BROSSARD
Alfred de, Considrations historiques et politiques sur les rpubliques de la Plata dans leurs
rapports avec la France et lAngleterre, Paris, Guillaumin, 1850, p. 252.
611
AMFBJAD n 227, Bonpland P. Serrano, Santa Luca, 28 janvier 1840 ; AMFBJAD s.n.
612
Cf. FERRE Pedro, op. cit., tome I, p. 123.
613
AMFBJAD n 510, Bocquin des Hilaires Bonpland, Alegrete, 7 juin 1840. Il parat sr, critil, que le general Lavalle marchera de triomphe en triomphe, et quil ira arborer le drapeau
unitaire, le drapeau de la civilisation sur la cathedrale de Buenos-ayres.
614
Bonpland C. F. de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840, cit in HAMY Jules Thodore Ernest,
op. cit., p. 139.
160
Premire partie
Chapitre II
615
161
Premire partie
Chapitre II
de celle-ci. En effet, cest lidentit et la valeur rioplatenses qui sont exaltes par
opposition la lchet franaise. Ce nest dailleurs pas cette nation qui est mise
en cause mais un de ses reprsentants, Mackau.
La roccupation franaise des fleuves annonce par le gnral Paz en mars
1841 fait esprer Bonpland une prompte rectification de la conduite
honteuse tenue par ses compatriotes 618 . Il compte particulirement sur la
mdiation de Dupotet Paris pour que Corrientes obtienne le soutien du
gouvernement 619 . Mais son excs didalisme est dsavou par la position
franaise qui se manifeste au contraire partir de 1841 par son manque de
confiance vis--vis de Corrientes, ce qui pousse davantage la province se situer
lintrieur du cadre politique et idologique rioplatense.
Bonpland est certainement sensible aux observations du gnral Paz qui,
voyant les Anglais tenter de se rapprocher du Paraguay en aot 1841, constate
combien le France perd de son influence, autant en Orient quau Sud, autant en
Europe quen Amrique 620 . Le rle fondateur des entits provinciales dans
lorganisation nationale parat avoir totalement chapp aux diplomates franais.
Lattachement de la France aux formes de ngociations dEtat Etat, de Buenos
Aires Paris lui masque une grande partie de la ralit politique. Bonpland est
certainement frustr, car ses efforts pour obtenir laide de la France ne permettent
pas de rgler la question de la Plata. Son excs de patriotisme layant amen
croire que lintervention franaise serait capable de permettre une solution
densemble au conflit, il sagit de la fin dun rve dautant plus difficile accepter
que mme Ferr, le plus francophile des allis, y voit un ventuel danger pour la
souverainet nationale. Cette frustration est double, puisque ses efforts pour
raliser lunion seffondrent eux aussi.
618
AGNBA, archivo del general Jos Mara Paz, leg. 100, ao 1841, Bonpland J. M. Paz, Santa
Ana, 25 mars 1841 : la conducta de mis paysanos me tenia muy avergonzado pero ahora si la
mancha inefaable se va borrar un poco.
619
Ibid.
620
AMFBJAD n 186, J. M. Paz Bonpland, Villa Nueva, 16 aot 1841.
162
Premire partie
Chapitre II
3. La dception transnationale
En 1840, lengagement politique dAim Bonpland sest dj heurt aux
antagonismes des allis antirrosistas qui contribuent pour une bonne part au
retrait franais. Ds sa rencontre avec Dupotet, celui-ci dj dispos se
dsengager confirme son intention face lattitude de Lavalle. Les jalousies des
gouvernements censs uvrer ensemble contre Rosas incitent le contre-amiral
vouloir dsengager la France de ce bourbier car, confie-t-il Bonpland, les
mesquineries des uns et des autres empchent lunion ncessaire la rsolution du
conflit 621 . Le seul ne pas entrer dans ces intrigues est Pedro Ferr 622 , ce que
lintress confirme dans une lettre au gnral Paz 623 .
Cependant, face au danger rosista lunique solution envisageable consiste
poursuivre cet engagement interne en tentant duvrer pour unir les diffrents
partis. Aussi entre 1841 et 1842 le Franais tente-t-il dviter une implosion de la
coalition, utilisant ses rseaux pour offrir des mdiations transnationales. Mais les
barrires partisanes ont des consquences funestes sur le bien politique commun
cher Bonpland. En se basant sur les mdiations de Bonpland, il sagit de
comprendre comment la problmatique unitariste se dissout dans le nationalisme.
En outre, de 1839 1852 les fluctuations de la diplomatie franaise entre
neutralit et interventionnisme ne sont pas pour plaire Bonpland, comme ses
correspondants. Tout au long de la Guerra Grande lambigut demeure 624 .
621
FERRE Pedro, Memoria del brigadier general Pedro Ferre, octubre de 1821 a diciembre de
1842, Buenos Aires, Coni, 1921 (1845), tome I, pp. 124-126.
622
Ibid.
623
AGNBA, archivo del general Jos M. Paz, leg. 100, ao 1841, P. Ferr J. M. Paz, 8 janvier
1841.
624
Cf. NARI Estela, op. cit., pp. 119-125.
163
Premire partie
Chapitre II
Rosas quils imaginent bientt entre leurs mains 625 . Ds le chemin du retour
Corrientes entam, Bonpland doit faire face aux premires graves accusations
portes par Rivera contre Paz, le premier jugeant les demandes du second
exorbitantes 626 . En outre, Rivera souponne Paz de mener des ngociations
secrtes avec Juan Manuel de Rosas. Malgr ses tentatives dexplication
Bonpland se spare dun Rivera furibond le 4 janvier 1841 627 .
Les deux hommes se retrouvent quatre jours plus tard, Rivera accusant
cette fois Bonpland dtre mandat pour soudoyer des officiers afin de les amener
Corrientes 628 . Entre Rivera qui se prpare lentement et qui ne veut rien donner et
Paz, press dobtenir un appui logistique permettant une offensive dcisive, le
Franais temporise et convainc Paz dattendre 629 . Dans le mme temps Pedro
Ferr soutient son chef militaire en mettant en doute les bonnes dispositions de
Rivera sallier aux Correntinos 630 , Bonpland suppliant pour sa part Paz de ne
rien demander Rivera et de se limiter lui transmettre les nouvelles
militaires 631 . Paz, qui entre dans une colre noire contre Rivera et Bonpland, sousestime pourtant les efforts de ce dernier 632 .
625
Premire partie
Chapitre II
633
165
Premire partie
Chapitre II
faveur des Blancs 641 , Rivera ne peut laisser son pays sans risquer de perdre le
pouvoir.
Moins que des susceptibilits personnelles, il sagit pour chacun des allis
de tenir ses positions. Dans le cas de Ferr, le passage du fleuve implique moins
de risques politiques mais son attitude peut tre interprte comme un geste
politique visant marquer son indpendance. A ce titre, le conseil de Bonpland de
ne pas sengager aux cts de Rivera vise probablement le mme but, savoir
conserver Corrientes une vritable indpendance politique et militaire,
lexprience de Lavalle ayant montr les risques confier une arme aux mains
dun commandant tranger la province.
Jusquau mois daot 1841, Bonpland espre un soutien logistique et une
action militaire coordonne entre Paz, Rivera et les Farrapos. En effet, ds janvier
le Franais pense que les Farrapos sont quantitativement et qualitativement
meilleurs que les lgalistes 642 . Ds quil prend connaissance du rassemblement
des troupes rpublicaines Alegrete, il se flicite de cet heureux vnement, car il
signifie lentre en lice des Farrapos aux cts des antirrosistas :
Il faut que les pays qui par leur position doivent tre unis le soient
rellement et saident rciproquement. Cest mon avis le seul moyen de
sortir du profond marcage dans lequel nous nous trouvons. [] Dehors
les partis, au bien gnral et nous en profiterons tous.
643
Il se montre en contact avec plusieurs dentre eux644 , sans que rien ne prouve quil
joue un rle politique.
Limplication de Bonpland dans la recherche dune solution transnationale au
problme rioplatense dmontre o, pour lui, se situent les frontires du bien
commun. Cependant, plutt que de se conformer, Bonpland parat anticiper
641
A propos des opposants Rivera, Bonpland note qu il est triste de voir Comme le parti des
Blancs se propage et parle avec une Libert sans exemple. A Montevideo, la presse annonce que
dans la ville des gens sexpriment ouvertement contre le gouvernement ; Malgr lexil de 18
officiers, le parti des Blancs est libre de ses paroles ; AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo
Corrientes, 14 fvrier 1841.
642
AMFBJAD n 41, Bonpland P. Ferr, Salto, 24 janvier 1841.
643
es preciso qe. los payses quienes por su posicion deben ser unidos lo sean de veras y qe. se
ayuden reciprocamente. Es el solo medio mi parecer, de salir del hundo pantano en qe. nos
hallamos. [...] fuera partidos, al bien gnral y todos participaremos de el. , BCNBA, Bonpland
G. Valds, Salto, 24 janvier 1841. Dix ans plus tard, le mme raisonnement doit inciter le
Paraguay entrer dans lalliance antirrosista, car cest son alliance naturelle ; S. Derqui J.
Pujol, Corrientes, 10 octobre 1851, in PUJOL Juan, Corrientes en la organizacin nacional,
Buenos Aires, G. Kraft, 1911, tome 1, p. 168.
644
Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 126 ; AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo Corrientes ;
le 5 mars il dort dans lestancia de Bento Manuel Ribeiro et rencontre en avril dautres militaires.
166
Premire partie
Chapitre II
Un amalgame funeste
Une relative tranquillit rgne jusquen septembre 1841, lquilibre des
forces permettant Bonpland de se consacrer ses activits personnelles. Mais
linvasion de la province de Corrientes par Echage en septembre puis la mort de
Lavalle le 9 octobre 1841 qui met dfinitivement fin lalliance du Nord
marquent le dbut dune offensive des forces rosistas contre Corrientes. Le
ralliement du gouverneur de Santa Fe obtenu par Derqui, envoy par Corrientes,
est d pour Bonpland aux efforts de Rivera dans une lettre adresse au ministre
farrapo Jos Mariano de Matos 647 . Certes Derqui est favorable Rivera, lequel a
intrt ne pas voir Corrientes tomber entre les mains de Rosas. Mais surtout
Rivera sappuie depuis 1837 sur les Riograndenses ; aussi croyons-nous que
Bonpland met en avant Rivera afin de provoquer lintervention militaire des
Brsiliens, le danger imminent permettant ainsi la formation dune alliance
transnationale plus quhispano-amricaine.
Lcrasante victoire de Paz sur Echage intervenue le 29 novembre 1841
Caaguaz fait esprer Ferr un nouveau rapprochement avec Rivera. Bonpland
est alors envoy une seconde fois auprs de lUruguayen afin de tenter dobtenir
645
646
167
Premire partie
Chapitre II
des secours. La mission mene de septembre 1841 mars 1842 se solde par un
nouvel chec. Aprs avoir rencontr Rivera en dcembre, Bonpland attend Salto
51 jours, au lieu de la semaine prvue initialement, avant dobtenir seulement la
moiti des 10 000 patacones promis larme de Paz 648 . Bonpland en incombe la
faute au receveur, Feliciano Vasquez, dont on lui assure quil est un petit
tyran . Mais ce rapport ne convainc ni Ferr ni Paz, Bonpland ayant t le jouet
de Rivera. En effet, il est parfaitement concevable que celui-ci ait profit de
linexprience diplomatique et de la bonne opinion de Bonpland son gard pour
mnager le plus longtemps possible ses propres forces. Le Franais nest pas
compltement dupe, puisquil connat la faiblesse militaire dans laquelle se trouve
Rivera 649 .
A lchec de cette mission sajoute la parution de deux lettres de Ferr et
de Paz parues dans un journal de Montevideo citant son nom :
Cest une inconsquence extrme. [] il sera donc prudent pour tout
individu qui a pch contre rosas de ne pas [] aller [ Martn
Garca]
650
Les duperies de Rivera nentranent pas encore la fin de son action politique en
vertu de son attachement Ferr, des bonnes nouvelles en provenance de Santa
Fe 651 , des renseignements concernant la position difficile de lEntre Ros glans
lors de ses voyages 652 et grce lunion transnationale signe secrtement entre
Corrientes et les Farrapos le 29 mars 1842. Cette union, tant souhaite par le
Franais, lincite demeurer actif. Bonpland appuie pour cela la demande du
gouvernement rpublicain riograndense auprs de celui de Corrientes pour
lobtention de chevaux en mai 1842. Profitant de ses relations privilgies avec
648
Ce qui est trs loin de couvrir les frais dune guerre de longue dure telle quelle est planifie.
Baltasar Acosta en promet 50 000 dans un premier temps, avant de descendre 25 000 puis 10
000 ; cf. AMFBJAD n 196 et 36, Bonpland F. Rivera et P. Ferr, 3 et 4 dcembre 1841.
649
Selon Bonpland, Rivera nest pas capable de runir les 2 000 fantassins annoncs car il nen a
que 300 en dcembre ; AMFBJAD n 1742, voyage de Santa Ana Montevideo, 22-26 dcembre
1841.
650
AMFBJAD n 1738, voyage de Corrientes Montevideo, 25 et 28 novembre 1841.
651
AMFBJAD n 581, G. Garca y Castro Bonpland, Arroyo, 10 janvier 1842.
652
Bonpland savre un agent de renseignements remarquable. Lorsque larme dUrquiza pntre
Salto, les migrs de la province de lEntre Ros qui arrivent Montevideo sont envoys
lintrieur du pays, afin dviter quils puissent communiquer avec leur province dorigine. Malgr
ou cause des mesures rigoureuses dUrquiza, notamment la peine de mort pour les dserteurs, les
soldats de cette province affluent en Uruguay, ce qui ne devrait pas permettre Urquiza de
rassembler plus de 2 000 hommes. AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo Corrientes,
fvrier-mars 1841 ; AMFBJAD n 1742, voyage de Santa Ana Montevideo, dcembre 1841janvier 1842.
168
Premire partie
Chapitre II
655
169
Premire partie
Chapitre II
660
En
plaant
leur
tte
le
reprsentant
dun
pays
reconnu
658
Ibid., voyage de Santa Ana lEntre Ros, 8 septembre 1842. Bonpland aide Ferr et sa suite
passer la Bande Orientale. 19 personnes composent le convoi : le fils du gouverneur Vicente
Ferr, Pedro Igarzabal son beau-frre, le docteur Alsina, le colonel Miguel Virasoro, le
commandant du port de Corrientes Santiago Mendez, le premier secrtaire Pampn, Roxas, deux
aides de camp, un cuisinier et neuf soldats de toute confiance .
659
Ibid., 29 septembre-8 octobre 1842.
660
AMFBJAD n 1744, voyage de Santa Ana la Bande Orientale, 8 octobre 1842.
170
Premire partie
Chapitre II
663
Lexpression dEtat-frontire est utilise notamment par Alain Joxe qui le dfinit comme une
entit politique prcdant lEtat-nation. Il est la fois dlimit par une frontire conventionnelle,
fixe et, explique Joxe, une frontire au sens amricain et espagnol du terme, cest--dire
conflictuelle, mouvante, lieu daffrontement entre deux bandes militaires antagonistes
socialement ; cf. JOXE Alain, Le rempart social. Essai sur limprial-militarisme, Paris, Galile,
1979. Dans le cas de Corrientes, les interactions concernent plus de deux acteurs et ne sont pas
uniquement militaires et antagonistes. Le modle gographique propos par Jean Rivelois propos
du Mexique, cet Etat tant selon lauteur une superposition de deux modes de structuration sociospatiale, celui des Etats-Unis et celui du Mexique, permet de penser lEtat-frontire autrement que
comme un lieu de conflits ; cf. RIVELOIS Jean, La planification urbaine lpreuve de la
culture politique. Une ville en dveloppement : Guadalajara (Mexique , in Revue Tiers Monde,
Paris, Armand Colin, tome 36, n 141, pp. 67-85. Le terrain africain tudi notamment sous la
direction de Zekeria Ould Ahmed Salem en ce qui concerne lEtat-frontire mauritanien met en
vidence les liens entre les facteurs locaux, rgionaux et globaux dune part, les concepts de
centralit et de rseaux dautre part. LEtat est apprhend comme un lieu o interagissent les
cultures, les socits, les conomies et les ethnies ; cf. OULD AHMED SALEM Zekeria (dir.), Les
trajectoires d'un Etat-frontire. Espaces, volution politique et transformations sociales en
Mauritanie, Dakar, CODESRIA, 2004.
662
Nous rejoignons sur ce point lanalyse de Silvia Ratto propos de ltude des frontires latinoamricaines, lhistorienne souhaitant que soit mise en place un champ de recherche des espaces
frontaliers mettant davantage en relief leur spcificit comme lieu de rencontre des cultures. Les
tudes microrgionales lui paraissent dailleurs des terrains privilgis ; RATTO Silvia, El
debate sobre la frontera a partir de Turner. La New Western History, los Borderlands y el estudio
de las fronteras en Latinoamrica , in Boletn del Instituto Dr. E. Ravignani , troisime srie,
n 24, second semestre 2001, p. 125.
663
AMFBJAD n 1744, Santa Ana, dcembre 1842.
664
AMFBJAD n 1744, voyage de la Bande Orientale Santa Ana, 8-10 dcembre 1842.
171
Premire partie
Chapitre II
172
Premire partie
Chapitre II
lorientant
vers
un
modle
politique
caractris
par
une
interpntration des clans et des factions forgeant la construction dun Etatfrontire sinstallant en mme temps dans le processus de construction nationale.
Premire partie
Chapitre II
Si les sources le permettent, il serait intressant douvrir un champ de recherche concernant les
fluctuations du sentiment patriotique parmi les soldats engags dans les guerres rioplatenses. Cela
permettrait daffiner ltude des mentalits forges aprs lindpendance et de comparer les
discours des chefs avec le ressenti des hommes de troupe. Plus gnralement, lensemble des
populations touches par la guerre ont certainement connu un profond changement dans leurs
relations sociales et dans leurs mentalits.
667
AMFBJAD n 1609, Bonpland B. Virasoro, So Borja, 28 dcembre 1847 ; AMFBJAD n
1131, Bonpland M. A. Urdinarrain, So Borja, 24 janvier 1848. Le Correntino Benjamn Juan
Virasoro (1812-1897) est membre du parti fdral de Corrientes. Il lutte dabord aux cts des
antirrosistas Pago Largo, Caaguaz et Arroyo Grande avant de rejoindre le camp de Justo Jos
de Urquiza et Pedro Cabral. Chass par les Madariaga, il participe la bataille de Vences au cours
de laquelle Urquiza bat dfinitivement les Madariaga et installe les Virasoro au pouvoir
Corrientes. Nomm gnral et gouverneur de Corrientes en dcembre 1847, il exerce le pouvoir
avec ses frres jusquen 1852. Alors quil se trouve Buenos Aires, il est dpos par Juan Pujol.
Benjamn se retire Rosario o il demeure et participe encore de nombreuses campagnes, parmi
lesquelles figurent les batailles de Cepeda et Pavn. LEntrerriano Justo Jos de Urquiza (18011870) dbute en 1819 une activit de propritaire terrien et entrepreneur. En 1826, il est lu
gouverneur provincial. Au cours des annes 1830, il sert sous les ordres dEchage. En 1842, il
assume la direction de lEntre Ros et consolide son pouvoir grce ses victoires dcisives sur les
antirrosistas Arroyo Grande en 1842, India Muerta en 1845, Laguna Limpia en 1846 et Vences
en 1847. En 1851 il se prononce contre Rosas quil dfait Caseros lanne suivante. Il devient le
premier prsident argentin de 1854 1860. Aprs la bataille de Pavn, Urquiza se consacre
ladministration de sa province o il meurt assassin.
174
Premire partie
Chapitre II
Ferr sexile alors que Bonpland demeure dans son estancia de Santa Ana.
Pourtant, le Franais est lun des plus proches conseillers du gouverneur et
vraisemblablement son vritable homme de confiance, en consquence de quoi il
aurait du prendre le mme chemin. En effet, ds 1839 Bonpland sest
personnellement engag envers le fdraliste Echage mais a trahi la parole
donne en soutenant Ferr. En 1842 son implication politique est connue de tous,
notamment du nouveau gouverneur rosista Pedro Cabral ; pourtant il demeure en
partie sur le territoire correntino de dcembre 1842 jusquen avril 1843.
Les biographes de Bonpland passent sous silence ce premier paradoxe qui
sexplique par le fait que si Pedro Cabral bard de la bannire fdrale, il est
dsign par Ferr lui-mme car si cet homme de gouvernement correntino est
proche des ides de Rosas, il savre aussi issu dune famille distingue
socialement et respecte dans la province 668 . Il faut attendre le 20 mars 1843 pour
que Cabral lgifre contre son prdcesseur, premire alerte avant lalarme
dclenche le 13 avril lorsque Jos Antonio Virasoro 669 prend le pouvoir
Corrientes. Cest ce moment seulement que Bonpland, craignant pour sa vie,
dcide de se retirer dans son petit coin 670 riograndense, esprant que les
vnements politiques lui permettent de revenir en Argentine671 . Juan Cruz Jaime
explique que larrive de Cabral signifie la fin de lalliance inter-clanique qui
gouverne en alternance Corrientes depuis 1820 et provoque une guerre des
clans 672 . Bonpland, voyant son rseau forg au cours des annes 1830 scrouler,
est forc de fuir la province.
Plus prcisment, cest Jos Antonio Virasoro qui met fin ce mode de
fonctionnement politique et la lutte qui sensuit nest pas seulement inter-clanique
mais aussi factieuse ou intra-clanique, les brches touchant les clans eux-mmes.
Le divorce entre autorit et civilit mis en relief Buenos Aires par Pilar
Gonzalez Bernaldo 673 stend au Nordeste, les prmices de cette rupture pouvant
668
175
Premire partie
Chapitre II
674
AMFBJAD n 1744, voyage de Santa Ana lEtat Oriental, 8-10 dcembre 1842.
AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo Corrientes, fvrier-mars 1841.
676
AGNBA, Sala VII, archivo del general Jos M. Paz, leg. 99, aos 1815-1840.
677
AMFBJAD n 1043, B. Gonalves da Silva Bonpland, Alegrete, 4 janvier 1843.
675
176
Premire partie
Chapitre II
rsistance 678 . Ce motif est plus que discutable sachant queux-mmes prfrent
sauver leur famille et leurs biens plutt que leur province avant de revenir au
pouvoir, adoptant la mme attitude lors de leur dfaite face aux Virasoro en 1847.
Il sagit surtout pour eux dloigner les autres clans du pouvoir, tout comme le
font ensuite les Virasoro durant un dbut de gouvernement marqu par des
rglements de compte sanglants.
Intra-clanisme et transnationalisme
Plusieurs mois scoulent avant que Bonpland ne traverse de nouveau
lUruguay. Il tergiverse ; doit-il demeurer en retrait ou franchir le Rubicon et
risquer de se jeter dans la gueule des Madariaga ? Pour rsoudre cette question il
adresse trs tt une premire demande Joaqun Madariaga 679 afin de connatre
son opinion sur un ventuel retour, puis une seconde son frre Juan en juin 1843
dans laquelle il propose ses services comme batelier, mdecin et probablement
informateur. Une troisime lettre date du 21 juin indique que Bonpland sest
occup de soigner Pedro Madariaga, lun des frres du clan. Laspect mdical joue
sans doute un rle important dans les lettres que les Madariaga adressent
Bonpland en juin 1843 680 , Joaqun sexcusant davoir tant tard lui rpondre, ses
obligations politiques layant oblig le faire attendre. Il est probable, bien
quaucune source ne latteste, que le silence des nouveaux dirigeants sexplique
par un temps de rflexion quils se donnent afin de dcider de lutilit ou non du
678
Aprs la dfaite de Ferr Arroyo Grande, les frres Madariaga laccusent davoir lchement
abandonn la province aux mains de lennemi, lui prohibant laccs Corrientes. De fait, si Ferr
entreprend dans un premier temps de rassembler les restes de son arme, la dsagrgation de celleci et les appels dsesprs ou dsesprants de Ferr ne permettent plus doffrir la moindre
rsistance face larme rosista. Avant de sexiler, Ferr dsigne lui-mme son poste Pedro
Cabral, homme de gouvernement correntino alli de Rosas ; cf. CASTELLO A. Emilio, op. cit.,
pp. 333-336.
679
Joaqun Madariaga (1799-1848) est lu dput de Curuz Cuati en 1838. Lanne suivante,
Ferr le nomme commandant de Mercedes. Alli Rivera et Paz, la dfaite dArroyo Grande
loblige se retirer Alegrete, do il prpare la reconqute de Corrientes mene bien en 1843.
Elu gouverneur jusquen 1847, il est cette date dfinitivement battu par Urquiza et termine ses
jours au Brsil.
680
A ce propos, cf. chapitre VII, pp. 668-670.
177
Premire partie
Chapitre II
Franais. Les secondes et troisimes lettres de Bonpland, appuyes par des offres
de services, renforcent cette hypothse 681 .
En effet, une intervention europenne se profile et les Farrapos peuvent
savrer dutiles allis 682 . En outre les ngociations pour obtenir un nouveau
soutien de Rivera rendent lamiti de Bonpland indispensable. Les Madariaga sont
prts oublier son compadraje vis--vis de Ferr car Bonpland est moins
considr comme un homme de clan que comme quelquun au service du bien
commun. Il la montr au dbut de la Guerra Grande en tentant de concilier les
diffrents partis, et ce rle de mdiateur peut savrer trs utile aux Madariaga.
Aussi prfre-t-ils voir en lui un alli, le Franais obtenant en juin de
Joaqun Madariaga les flicitations, comme patriote ami de mon pays ajoutant
quil peut
quand il le souhaite venir jouir de la libert qui fleurit de nouveau dans la
Province, dans laquelle vous avez acquis des considrations tant
mrites.
683
Juan Madariaga 684 insiste quant lui sur les idaux partags :
Ami, comme je sais que vous ltes de la libert, lhumanit et la
civilisation, je ne doute pas que vous ltes de nous et de la cause qui
depuis si longtemps a guid Corrientes et quelle soutiendra avec
dignit.
685
681
Cf. AMFBJAD n 153, 154, 155, Joaqun et Juan Madariaga Bonpland, 26 juin, 10 juillet et
15 aot 1843.
682
Bonpland est en contact avec eux, au point quil chappe de peu en 1838 une tentative
dassassinat. Les meurtres tant devenus journaliers depuis plusieurs semaines, Bonpland trouve
alors refuge Santa Ana. En 1839 les Brsiliens laccusent encore une fois de soutenir les rvolts.
A la fin de la guerre civile riograndense, les officiers rpublicains qui contrlent Santa Ana le
reconnaissent comme un des leurs. AMFBJAD n1724, voyage dans le haut de lUruguay, 27
janvier-1er fvrier 1839 ; AMFBJAD n773, Pinheiro de Ulha Bonpland, Alegrete, 8 janvier
1843 ; AMFBJAD n1748, voyage de Corrientes So Borja, Santa Ana, 14 juillet 1844.
683
como patriota amante de mi pais []. U. puede cuanto guste venir gozar de la libertad qe
florece otra vez en la Prova, en qe U. ha adquirido tan merecidas consideraciones. , AMFBJAD n
153, J. Madariaga Bonpland, Corrientes, 17 juin 1843.
684
Juan Madariaga (1809-1879), originaire de Corrientes, combat partir de 1839 sous les ordres
de Juan Lavalle. Aprs la mort de celui-ci, il retourne Corrientes, prend le pouvoir en 1843 puis
envahit lEntre Ros. Battu et captur par Urquiza la bataille de Laguna Limpia, ce qui permet la
signature du trait dAlcaraz en aot 1847. Mais le rejet du trait par Rosas entrane linvasion de
Corrientes par les forces entrerrianas et la fin du pouvoir des Madariaga. Juan participe ensuite
la campagne de 1851-1852 contre Rosas, soutient la rvolution portea du 11 septembre et
sinstalle dfinitivement Buenos Aires o il occupe plusieurs postes honorifiques.
685
Amigo, como s qe es vm de la libertad, la humanidad y la civilizacion, no tengo duda qe lo es
de nosotros y de la causa qe por tanto tiempo ha conducido Corrientes y qe sostendr con
dignidad. AMFBJAD n 154, J. Madariaga Bonpland, Villanueva, 26 juin 1843.
178
Premire partie
Chapitre II
Dans le mme temps, la demande de Ferr pour revenir Corrientes est rejete ; il
lui faut attendre 1848 pour quil puisse revenir sinstaller dans la province dEntre
Ros 686 . Faute de cette prsence, le Franais hsite encore repasser lUruguay.
A la fin de lanne 1843, Bonpland transborde un premier chargement
probablement li un autre dont il sentretient au dbut de lanne suivante avec
un membre de la famille Madariaga, avant de se rendre au chevet de Joaqun
Corrientes 687 . Son voyage concide avec le retour en grce du gnral Paz, de
nouveau appel la tte de larme. Le retour de Paz en juin 1844, ainsi que la
politique dalliance du gouverneur rassure Bonpland ; les Madariaga nhsitent
pas faire confiance des hommes ayant servi le clan ennemi. Nanmoins, durant
leur gouvernement Bonpland demeure majoritairement So Borja malgr les
assurances reues de la fratrie correntina. Les soins mdicaux donns
Madariaga finissent de rtablir une certaine confiance 688 , nanmoins insuffisante
pour que les rapports excdent quelques services commerciaux. Bonpland ne joue
aucun rle politique il nentre pas en contact avec les Franais ni avec Paz qui
finit par se retourner contre les Madariaga et demeure au Brsil le temps de leur
gouvernement. Cette entente tout au plus cordiale montre la rserve du Franais
vis--vis dun clan qui a exil Ferr, confisqu les biens de ses ennemis
employant les mmes mthodes que Rosas et qui adopte des mthodes militaires
contraires aux principes du Franais 689 .
De plus, ces pactes sont fragiles et soumis aux alas militaires. Au vu de
cette situation, il nous semble que la frontire la plus mince soit celle qui spare
les factions des nations. En extrayant les principales caractristiques de ces
relations et en en dfinissant les frontires, il apparat quune msentente cordiale
rgne parmi ces groupes. Les Madariaga sappuient sur les factions et non sur les
clans tandis que leurs successeurs exprimentent des msententes internes leur
686
CASTELLO A. Emilio, op. cit., pp. 341-342. La demande de Ferr, qui intervient un mois
aprs celle effectue par Bonpland, est peut-tre une tentative de lancien gouverneur pour profiter
des bonnes dispositions des Madariaga envers son ami.
687
AMFBJAD n 1745, Lettre de retour So Borja pour A. Bonpland, J. F. Valle, commandant
du Passo, dcembre 1843; AMFBJAD n 1746, passeport du Quartier Gnral de Frontire pour
A. Bonpland et son cortge, 23 novembre 1843 ; AMFBJAD n 156, J. L. Madariaga Bonpland,
Santo Tom, 9 janvier 1844.
688
La mre de Joaqun ne tarit pas dloges et de gratitude propos de lintervention de bonpland ;
AMFBJAD n159, M. de los Angeles Acosta de Madariaga Bonpland, Corrientes, 13 juillet
1844.
689
En dcembre 1843, les premires oprations menes dans lEntre Ros se caractrisent par une
consigne plusieurs fois rprouve par Bonpland, savoir lexcution des dserteurs ; cf.
CASTELLO A. Emilio, op. cit., pp. 344-345.
179
Premire partie
Chapitre II
fratrie. En effet, les Virasoro qui en 1843 prennent parti pour le camp rosista se
rfugient dans lEntre Ros. Cette attitude parat guide par une lutte de clans,
mais le clan Virasoro est divis entre le cadet Benjamn, mari une cordouane et
clbre pour sa cruaut hrite de ses coreligionnaires Echage et Urquiza, et
lan Miguel, mari une sur de Pedro Ferr et nettement plus tolrant. La
mfiance de Bonpland envers les frres Virasoro provient des nombreuses
exactions commises par Benjamn, commencer par lexcution des quatre
colonels commandant larme vaincue 690 . De plus, laccession de Benjamn au
poste de gouverneur ne satisfait pas les rosistas soutenant sans succs la
candidature de Gregorio Araujo 691 , un compadre de Bonpland jug trop tendre par
les soutiens des Virasoro.
Premire partie
Chapitre II
consomme ; de septembre 1843 juillet 1848 aucun courrier nest chang entre
la ville atlantique et le naturaliste. La rupture de ses relations avec Montevideo o
il a tiss de solides appuis est davantage prjudiciable ; il lui faut attendre le 13
juillet 1847 pour recevoir des nouvelles de cette ville 692 . Linterruption pistolaire
entre Bonpland et ses correspondants uruguayens est due pour sa part la seule
bataille dArroyo Grande. La domination du gnral Oribe 693 sur la campagne
uruguayenne et le sige de Montevideo quil instaure coupent les voies de
communication vers le sud-est et vers lEurope.
En outre, il na plus accs aux villes-ports qui sont des points stratgiques
le long du fleuve. Ces villes sont disposes selon un systme de miroir, cest-dire qu chacune delle correspond une autre de lautre ct de la frontire
fluviale 694 . En remontant lUruguay, Concepcin situe dans lEntre Ros reflte
Paysand, fonde en Uruguay et dont Bonpland saisit limportance stratgique
lors de son voyage de 1842 695 . La ville est de plus un lieu dtablissement pour
une soixantaine de Franais en 1845, effectuant des liaisons pour profiter du
commerce florissant encourag par le gouvernement 696 . De ce fait la guerre
npargne pas la ville de toutes les scnes tragiques selon le tmoignage de
Charles Legard tabli l pendant toute la Guerra Grande 697 .
Plus au nord de la province, Concordia et Salto se rflchissent elles-aussi.
Salto, qui profite de la disparition de Beln en 1840 pour attirer les flux
commerciaux en provenance du Nord, joue un rle primordial dans lorganisation
du rseau de Bonpland de par limportance du commerce des Franais sur
lUruguay, en plus dtre le lieu par o transitent la majorit des informations et
692
Premire partie
Chapitre II
des rumeurs militaires entre 1841 et 1842 698 . Abadie, Page et Manuel Silva sont l
les personnes de confiance sur lesquelles Bonpland sappuie autour de la voie
fluviale uruguayenne. Mais partir du mois de mars 1841 et de la prise dun
navire brsilien par les forces entrerrianas, linscurit sinstalle dans le haut de
lUruguay, obligeant les ports de Santa Ana, Itaqui et So Borja couler leurs
produits par voie de terre, ce qui provoque dimportants convoyages vers Salto699 .
Surtout, la coupure dfinitive de cette route aprs la bataille dArroyo Grande
impose une rorientation des voies de communication.
Entre Corrientes et le Rio Grande do Sul trois villes-miroirs se font face.
La Cruz et Itaqui sont inutilisables cause des mouvements de population
provoqus par la guerre au mme titre que Santo Tom et So Borja. Pour cette
raison Restauracin et Uruguaiana sont fondes plus au sud en 1843 700 ,
proximit de la frontire entre les trois pays. Entre 1842 et 1849 Bonpland se
trouve donc isol dune grande partie de ses allis, ce qui ressent sur
lappauvrissement du volume de sa correspondance 701 .
La voie paraguayenne tente le Franais lorsque se pose le problme de la
succession de Francia et de louverture du pays. Encore est-il plus spectateur
quacteur de la cure qui sannonce autour du cadavre du Supremo ; les Porteos,
les Brsiliens et les Anglais sactivent alors pour obtenir des audiences
Asuncin. En juillet 1841, Juan Andrs Gelly fait part Bonpland de ses craintes
et lui demande de faire parvenir rapidement une lettre davertissement
Asuncin, le Franais tant avec le commandant du poste dItapa le seul
intermdiaire sur lequel sappuyer. Gelly insiste sur le danger pour le Paraguay
dune ouverture brutale aux ambitions trangres aprs 25 annes dune stricte
politique disolement Le message quil dsire dlivrer au nouveaux dirigeants est
698
AMFBJAD n 201, Bonpland F. Rivera, Salto, 20 janvier 1841 ; AMFBJAD n 41, Bonpland
P. Ferr, Salto, 24 janvier 1841 ; AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo Corrientes, Salto,
3 12, 14 fvrier, 1-2 mars 1841 ; AGNBA, archivo del general Jos M. Paz, leg. 100, ao 1841,
Bonpland J. M. Paz, Salto, 15 fvrier 1841 ; AMFBJAD n 1743, journal, voyage de Santa Ana
au Salto, 14 juillet 1842.
699
Depuis que les Entre-rianos ont pris au dessus du Salto un batiment de Sn. Borja, qui portait
une facture de Mr. Jose Ingres dont la valeur est de 7000 P. le commerce de Sn. Borja, Itaqui, Sta
Ana et autres ports ont pris la rsolution denvoyer leurs charges par terre. , AMFBJAD n 1741,
voyage de Montevideo Corrientes, Salto, 3 mars 1841.
700
Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 135.
701
Cf. graphique n 2, p. 117.
182
Premire partie
Chapitre II
que la Politique des nouvelles Rpubliques doit tre rduite cette sage
maxime, Amiti, Paix, et Commerce avec toutes les Nations, traits avec
aucune
702
prtexte
dorganiser
une
expdition
commerciale,
entamer
des
pourparlers 703 . Bonpland est directement averti par Sheridan de cette mission car
lenvoy britannique ncessitant sa recommandation lui confie le but de ce voyage
visant tablir une influence anglaise au Paraguay 704 . Ferr et Paz en sont
informs selon les vux de Gelly, qui voit en eux les personnes capables de
contrer ces influences 705 . A Asuncin, les Correntinos se montrent les plus
convaincants. En effet, les plnipotentiaires Gregorio Valds et Juan Mateo
Arriola signent le 31 juillet 1841 deux traits entre le gouvernement de Corrientes
et celui du Paraguay, lun portant sur un accord commercial, lautre concernant la
dlimitation frontalire. Lalliance charge dincrdulit706 est en cela conforme
aux souhaits de Gelly.
Limmobilisme de la France dans cette question explique peut-tre
linactivit de Bonpland. En outre lactivit enregistre Itapa en 1842 est nulle,
le commerce seffectuant louest du pays par eembuc 707 . Si les relations
semblent suffisamment affermies pour que Bonpland espre une ouverture du
Paraguay au commerce 708 , son loignement du lieu o il seffectue ne favorise pas
702
que la Politica de las nuevas Republicas debe estar reducida esta sabia maxima, Amistad,
Paz, y Comercio con todas las naciones, tratados con ninguna , AGNBA, archivo del general Jos
M. Paz, leg. 100, ao 1841, J. A. Gelly P. Ferr, Montevideo, 16 juillet 1841.
703
Cf. AMFBJAD n 141, J. A. Gelly Bonpland, Montevideo, 15 juillet 1841 ; AMFBJAD n
184 bis, Bonpland J. M. Paz, s.l., 31 juillet 1841.
704
AMFBJAD n 1039, P. Sheridan Bonpland, Buenos Aires, 4 juillet 1841.
705
Un autre Paraguayen proche de Bonpland soutient trs tt la politique de Corrientes vis--vis du
Paraguay. Il sagit de Manuel Jos Baez, qui espre une rapide alliance entre les deux
gouvernements. Baez crit: Ferr puede contribuir mucho a que el Paraguay siga un sistema de
orden, de Libertad bien entendida y de prosperidad, entablando con aquel relaciones estrechas de
amistad , in AMFBJAD n 55, M. J. Baez Bonpland, Montevideo. 30 avril 1841.
706
Le 2 aot 1841, Ferr confie Paz que sil parat exister algo de amistad entre les deux
gouvernements, Corrientes doit se tenir prt repousser toute incursion arme des Paraguayens ;
AGNBA, archivo del general Jos M. Paz, leg. 100, ao 1841, P. Ferr J. M. Paz, Corrientes, 2
aot 1841.
707
AMFBJAD n 892, Bonpland Blanc et Constantin, Montevideo, 1er fvrier 1842.
708
Ibid.
183
Premire partie
Chapitre II
ses vues. Bonpland consolide ses relais Itapa en 1843 709 mais hsite
probablement se tourner vers un territoire dans lequel il ne dispose daucun
appui. Il faut attendre novembre 1845 pour quune consolidation des relations ait
lieu, grce la signature dun trait dalliance dfensive et offensive, sans que le
Paraguay ne sengage au del du discours 710 . L rside un motif supplmentaire
pour que Bonpland ne resserre pas plus les liens avec la Chine amricaine 711 .
Luchi se rendant Itapa propose son entremise pour Bonpland et leur ami Marcelino ;
AMFBJAD n 1407, L. de Luchi Bonpland, s. l., 27 aot 1843.
710
Cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., pp. 121-123.
711
A propos de cette expression, cf. chapitre VII, pp. 642-645.
712
AMFBJAD n 1737, voyage de Corrientes Montevideo, Santa Ana, 3 novembre 1840.
713
AMFBJAD n 1744, journal, Santa Ana, janvier 1843.
714
AMFBJAD n 132 et 133, P. Ferr Bonpland, 20 mars et 19 avril 1843.
184
Premire partie
Chapitre II
715
Cf. AMFBJAD n 1721, journal, So Borja, juillet 1837 ; AMFBJAD n 58, Bonpland J.
Gramajo, gouverneur intrimaire, So Borja, 15 juillet 1837 ; Dr. Juan Gramajo gobernador
interino.San Borja 15 de julio de 1837 ; AMFBJAD n 602, J. Gramajo Bonpland, Corrientes, 2
aot 1837 ; 1170, AMFBJAD n 1170, B. Serny Bonpland, So Borja, 2 dcembre 1837.
716
Ce terme pertinent de par sa connotation coloniale est emprunt PELUFFO Gabriel,
Alegora y utopa republicanas. Consideraciones sobre la produccin alegrica en el Ro de la
Plata en el siglo XIX , in ACHUGAR Hugo, MORAA Abel (d.), Uruguay : imaginarios
culturales. Tomo I : Desde las huellas indgenas a la modernidad, Montevideo, Trilce, 2000, p.
225.
717
Ibid., pp. 224-229.
718
Cf. BELL Stephen, op. cit., p. 157.
185
Premire partie
Chapitre II
Graphique n 3
Correspondances chang
(1845-1858)
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1845
1847
1849
1851
1853
1855
1858
Annes
Corrientes
Pays limitrophes
Brsil
Europe
Premire partie
Chapitre II
viennent dfendre les Argentins 719 prsents dans la Bande Orientale comme ceux
de Santa Fe 720 , dvoilant dans ces lettres la nouvelle pratique politique en uvre.
En effet, si lattitude de Santa Fe est rptitive, celle des Argentins rvle la
transformation du panorama politique auquel Corrientes prend part.
Le Franais fait office dagent triple. Tandis quil soutient les Madariaga
Corrientes, il reste li Ferr auquel il transmet sans doute les informations
obtenus de ceux-ci. Il les transmet certainement aussi aux Farrapos et aux
lgalistes avec lesquels il sentretient tour tour. La ligne de front se situant prs
de So Borja, il peut rencontrer en janvier 1843 le prsident rpublicain 721 puis en
fvrier les principaux chefs lgalistes. Les armes des rpublicains riograndenses
tant de plus en plus accules par les lgalistes, il semble tre parvenu imposer
sa neutralit bien quil conserve des relations privilgies avec les Farrapos
comme en tmoigne la correspondance amicale change lorsquil se trouve dans
leur zone dinfluence 722 et les renseignements militaires quil transmet un
proche de leur dirigeant 723 . En 1844 leur discours est celui dune participation de
la France aux cts des peuples opprims 724 ne pouvant que sduire le
patriote. Son estancia de Santa Ana devient un point de passage utilis par les
rpublicains brsiliens auxquels il fournit son chaland afin quils puissent se
transborder de Corrientes en Uruguay 725 . En 1845, alors que leur mouvement est
presque dissous, les officiers rpublicains qui contrlent la zone de Santa Ana le
reconnaissent comme un des leurs et linforment des vnements militaires, le
commandant Acua profitant de son hospitalit 726 .
Dans la province de Corrientes, le clan Virasoro propose lui aussi sa
protection Bonpland aprs avoir chass les Madariaga en 1847. Bonpland hsite
719
Premire partie
Chapitre II
car carts du pouvoir, les Virasoro nentretiennent plus alors aucun change avec
lui, except une trace de soins donns au cours de lanne 1844, lors dun voyage
effectu pour rendre visite au nouveau gouverneur Madariaga 727 . Il sagit dune
nouvelle preuve du double jeu dploy par Bonpland, celui-ci profitant des
divergences dintrts lintrieur du clan. A son tour, Jos Antonio Virasoro lui
demande des informations concernant ltat politique du Brsil o se trouvent les
sauvages rfugis 728 , cest--dire ses anciens amis du gouvernement
Madariaga. Bonpland correspond mais demeure encore en retrait, la dsunion
clanique que ne connaissent pas les Madariaga ne lui offrant pas une scurit
suffisante il ne saventure pas jusqu Corrientes car il ne rompt pas avec les
opposants regroups San Donato prs de la frontire correntina. Ceux-ci
entretiennent une correspondance active avec le nouveau protg de leurs
adversaires. Par lintermdiaire de Gregorio Valds, dsavou par Madariaga en
1843 729 mais de nouveau runi avec lui dans lexil 730 , Bonpland informe les
proscrits des vnements politiques se droulant en Argentine.
CAIC, journal de mdecine n 10, voyage entre So Borja et Corrientes pour rendre visite au
gouverneur Joaqun Madariaga, 1er mai-12 juillet 1844.
728
salvajes asilados , AMFBJAD n 1610, J. A. Virasoro Bonpland, Restauracin, 13 juillet
1848.
729
AMFBJAD n 154, J. Madariaga Bonpland, Corrientes, 26 juin 1843.
730
Gregorio Valds ainsi que les Madariaga sont dclars, loccasion dun des premiers actes
lgislatifs promulgus par le nouveau gouvernement le 8 janvier 1848, reos de alta traicin a la
patria y fuera de la ley ; ZINNY Antonio, op. cit., p. 67. Gregorio Valds ou Valdz est natif de
Buenos Aires mais stablit Corrientes, o il sert successivement les gouvernements de Pedro
Ferr, Madariaga et Pujol. Administrateur et homme politique habile, il occupe notamment les
postes de plnipotentiaire au Paraguay en 1841, secrtaire gnral et gouverneur dlgu auprs
des Madariaga et ministre des Affaires trangres et de la Guerre aprs 1852.
188
Premire partie
Chapitre II
dans quel isolement se trouve alors Bonpland. Afin de rompre cet isolement il
cherche une route vers lAtlantique et des soutiens pour la trouver mais
contrairement Buenos Aires un club des trangers est difficilement ralisable
So Borja ; pourtant Bonpland parvient si ce nest crer un club, du moins une
association informelle de Franais le long de lUruguay et de la route So BorjaPorto Alegre. Les distances qui les sparent sont grandes, mais comme le rappelle
Thedy vers 1845, les visites de bon voisinage quil rend Bonpland depuis
Salto se comptent en centaines de kilomtres 731 .
Pour ce faire, Bonpland ractive dans un premier temps son rseau
constitu au dbut des annes 1840. En novembre 1845, une premire source
indique la prsence du mdecin Apollon de Mirbeck venu dUruguaiana Santa
Ana. En janvier 1846 Bonpland crit de nouveau Antoine Thedy qui se trouve
Itaqu, puis en aot de la mme anne le mdecin Bocquin des Hislaires entame
Alegrete une correspondance avec son confrre 732 . A ces anciennes connaissances
sajoute le vicaire Jean-Pierre Gay dont la premire preuve de rencontre est
fournie en avril 1846 733 . Le religieux est un premier soutien de poids puisquil est
en contact avec de nombreux notables cariocas. Tous sont installs dans le Rio
Grande do Sul, la rive argentine tant aux mains des rosistas.
En 1846 il se tourne paralllement vers le nouveau prsident de lEtat
brsilien pacifi afin douvrir une route vers Porto Alegre, lui joignant en guise de
sauf-conduit un mmoire sur la valorisation de lexploitation de la yerba mate.
Cette piste croise celle dAntonio Chaves, politicien et homme daffaires venant
jusqu So Borja pour le rencontrer lanne suivante afin de lui proposer une
association conomique. Il est prsumable que le mmoire de Bonpland soit
731
Cit in B*** Armand de (ROY Just Jean Etienne), op. cit., p. 292.
AMFBJAD n 453, A. de Mirbeck Bonpland, So Borja, Santa Ana, 19 novembre 1845 ;
AMFBJAD n 1119, A. Thedy Bonpland, Itaqu, 23 fvrier 1846 ; AMFBJAD n 512, Bocquin
des Hilaires Bonpland, Alegrete, 25 aot 1846.
733
Bonpland F. J. de Souza Soares de Andrea, Porto Alegre, 28 octobre 1849, cit in HAMY
Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 156. Toutefois, Bonpland est en relation avec un nomm Victor
Gay en 1840 et 1841. Il sagit peut-tre dun parent du vicaire n en 1815 Grenoble, lequel se
rend en 1842 Montevideo dans le but driger une glise pour les rsidents franais. Il sinstalle
lanne suivante Santa Catalina, puis en 1844 Rio de Janeiro o il enseigne la mdecine, en
particulier lhomopathie lInstituto Homeoptico do Brasil. Naturalis brsilien en 1849, Gay
est nomm vicaire So Borja en 1850 puis Uruguaiana o il rside de 1874 jusqu sa
disparition. Il initie Bonpland la franc-maonnerie riograndense et lhomopathie. Des liens
troits unissent les deux hommes ; Bonpland en fait son excuteur testamentaire. En 1862, Gay
prsente un travail sur les jsuites lInstituto Histrico Geogrfico Brasileiro dont il devient
membre. Il steint en 1891, aprs avoir publi plusieurs travaux historiques, thologiques et
linguistiques.
732
189
Premire partie
Chapitre II
734
190
Premire partie
Chapitre II
route de Montevideo, soit par le Brsil soit par lUruguay, le fleuve semblant libre
pour la navigation en 1847. Dautres se montrent moins confiants 739 , aussi ses
atermoiements perdurent-ils jusquen 1848. Mais en octobre 1847 Rivera est fait
prisonnier, puis le 14 mai 1848 la France lve le blocus instaur contre Buenos
Aires depuis 1845. Suivant les conseils de Sara Bocquin des Hilaires, peut-tre
rassur en outre par les lettres en provenance de Montevideo signes de Demersay
et de Roguin, il se prpare pour aller Porto Alegre ds avril 1848 740 . Le choix de
cette route sexplique aussi par le dveloppement de son levage ovin sur les rives
de lUruguay, au cur de la route commerciale qui va du Rio Grande do Sul
Montevideo, permettant dviter ainsi le contrle douanier de Buenos Aires, afin
de se connecter avec les mtropoles europennes 741 .
Alors que la France demeure aux cts des Montevideanos et que le Brsil
ne sest pas encore prononc contre Rosas, Bonpland parvient entrer dans la
ville le 29 aot 1849 muni dune autorisation spciale accorde par Oribe, en
vertu de son statut scientifique 742 . Cette autorisation exceptionnelle est
probablement obtenue grce sa posture fdrale rappele en tte dune lettre
adresse le 2 fvrier 1849 Benjamn Virasoro et portant la mention
Viva la federacin argentina! Mueran los salvajes unitarios!
743
Premire partie
Chapitre II
La permanence identitaire
Laire culturelle de Bonpland se rduit la province de Corrientes et au
Rio Grande do Sul. Sa pratique politique se mtisse et sadapte aux pratiques
sociopolitiques de cette aire. Observateur des changements structurels oprs
depuis 1839, il ajuste son comportement aux vnements. A ce titre, il dveloppe
un double discours adapt et similaire ce quil a expriment. Alors quil se
trouve proscrit de la province de Corrientes en 1842, Ferr qui se trouve en
territoire brsilien fait appel Bonpland. Celui-ci ne se contente pas de lhberger
744
Premire partie
Chapitre II
et de lui faire oublier ses preuves 745 , mais le rhabilite comme en tmoigne son
journal faisant cho aux propos de Ferr. Evoquant les crimes imputs lancien
gouverneur, Bonpland crit :
les hommes senss et ceux qui reflechissent doivent se rappeler la chute
de Napoleon et tout ce quon fulminait contre lui. Cest aujourdhui la
mme chose quoiquen trs petit.
746
Deux permanences se lisent ici. Dune part celle que les biographes
analysent comme une preuve de la fidlit du Franais envers ses amis. Sachant
quil partage avec Ferr la mme vision politique, cette fidlit politique atteste
dune continuit malgr la rupture politique. Un autre caractre identitaire
structurel rside dans la rfrence la France et plus particulirement Napolon.
Ce second trait rvle un ancrage patriotique immuable malgr la distanciation
spatiale et temporelle ; il se montre ici comme un homme ancr dans le pass. Ses
liens avec les Franais vivant le long de lUruguay confirment les deux constances
voques puisque le parcours de ceux-ci, malgr une reconstitution trs difficile
effectuer, suppose des affinits idologiques similaires. En effet, tous se situent au
dbut des annes 1840 dans la zone dinfluence des antirrosistas en Uruguay puis
la fin de la dcennie ils se dplacent au-del de la frontire scurise du Rio
Grande do Sul.
Les termes employs par les Madariaga sont eux aussi significatifs dun
ancrage culturel et politique du Franais dfini comme patriote ami de mon
pays et ami de la libert, lhumanit et la civilisation 747 . Dautres
permanences vis--vis du gouvernement des Virasoro se font jour car dune part le
clan sappuie sur Urquiza et dautre part leurs actes entrent en cohrence avec les
vues de Bonpland. En effet, ils fondent une cole de mdecine et un tablissement
dducation de bonne tenue, le Collge Argentin, dveloppent lconomie et le
commerce notamment par lobligation de la culture du coton impose aux
745
Cf. FERRE Pedro, op. cit., tome I, p. 185 : sobre la incertidumbre de mi destino y de mi
familia, se me aglomeraban a la imaginacin mil ideas tristes, cuando en aquellos momentos se me
presenta mi antiguo amigo don Amado Bonpland, que habiendo sabido de mi llegada, vino en el
acto a verme. Este ilustre y benemrito anciano, fiel y constante amigo de sus amigos, a quien la
naturaleza dot de todas aquellas cualidades que hacen amable a una persona y que por intuicin
de ella misma parece que sus padres le pusieron el nombre de Amado, para que lo fuere, como lo
es de todos. Este amigo, con slo su presencia, me llen de placer y distrajo mis pensamientos. Me
llev a su casa en la villa donde estaba hospedado hasta que compr la que actualmente poseo.
746
AMFBJAD n 1744, journal, Santa Ana, janvier 1843.
747
AMFBJAD n 153, J. Madariaga Bonpland, Corrientes, 17 juin 184 ; AMFBJAD n 154, J.
Madariaga Bonpland, Villanueva, 26 juin 1843.
193
Premire partie
Chapitre II
AGNM, II, Ex Archivo y Museo Histrico Nacional, archivo Andrs, Caja 153, Carpeta 7, An.
A. Lamas, Montevideo, 11 septembre 1843.
194
Premire partie
Chapitre II
195
Premire partie
Chapitre II
Premire partie
Chapitre II
Uruguaiana 763 . Une vaste recherche reste mener hors du cercle de Bonpland afin
de reconstituer les mouvements migratoires au cours des annes 1840, aussi bien
pour les Europens que pour les Amricains. Lexprience des Mirbeck montre
encore une fois comment les relations et les interactions transatlantiques
permettent de relier micro-histoire et histoire globale.
765
en 1842. A ce titre, les alliances transnationales cherches par Ferr sont partie
intgrante de la dfinition politique d autonomie nationale correntina 766 . Le
paradoxe de cette forme de pense se situe donc dans laffirmation dun
particularisme provincial devant promouvoir le ser politique argentin.
Lutilisation du terme de province argentine par Bonpland cette date
annonce son mtissage qui samplifie alors qu Montevideo les exils
rioplatenses cherchent depuis larrive au pouvoir du sanglant Rosas dfinir
une forme dargentinit. Alberdi insiste sur la ncessit de lunion de tous les
Argentins, ou plus exactement de la famille argentine forme en 1810. Ce
763
764
197
Premire partie
Chapitre II
767
vuelta al argentinismo y patriotismo primitivo . Les articles de Juan Bautista Alberdi crits
entre dcembre 1838 et janvier 1839 sont reproduits in CHIARAMONTE Jos Carlos, Ciudades,
provincias, Estados : orgenes de la Nacin Argentina (1800-1846), Buenos Aires, Ariel, 1997,
pp. 640-645.
768
Sur ce point, cf. par exemple ABELLAN Jos Luis, La idea de Amrica. Origen y evolucin,
Madrid, Istmo, 1972, pp. 151-155. Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), n San Juan, est
crivain et politicien. Dorigine modeste, il exerce diffrents emplois avant de devenir gnral. Il
voyage en Europe et aux Etats-Unis, o il exerce la fonction dambassadeur de 1865 1868 avant
dtre Prsident de la Confdration Argentine entre 1868 et 1874. Il meurt Asuncin, ville dans
laquelle il sjourne longuement la fin de sa vie en vertu de son bon climat. Outre Facundo, citons
deux autobiographies et un ouvrage dorientation positiviste crit en 1883, Conflictos y armonas
de las razas en Amrica, dans lequel Sarmiento postule linfriorit raciale de la socit hispanoamricaine et propose limitation des Etats-Unis dont la civilisation contribue la prosprit de ce
pays.
769
Expression emprunte PAZ Octavio, Le labyrinthe de la solitude, Paris, Gallimard, 1997
(1950).
770
Et lon peut se demander si cette partie a t vole ou volontairement dtruite.
198
Premire partie
Chapitre II
AMFBJAD n 1368, transcription dun article publi dans le Journal do Commercio, 2 avril
1848.
772
Lantirrosista Castelli lui confie en 1839 : El poder de los tyranos es un insulto al Ser
Supremo : dudar de su castigo, es desconocer la justicia de Dios. Pour obtenir lappui de Rivera,
il lui crit que Dieu a dsign le gnral Rivera pour tre le librateur des peuples de lAmrique
du Sud ; AMFBJAD n 1726, journal, Corrientes, 23 novembre 1839 ; AMFBJAD n 194,
Bonpland F. Rivera, Salto, 17 juillet 1840. En 1843, Joaqun Madariaga confie la victoire laide
de Dieu : La justicia la humanidad, la Civilisacion es la divina de los regeneradores de
Corrientes, y es imposible mi entender qe para conseguir al triunfo de tan recomandables
sentimtos no se empaa tambien el cielo en protegernos. AMFBJAD n 155, J. Madariaga
Bonpland, Corrientes, 10 juillet 1843.
773
AMFBJAD n 201, Bonpland F. Rivera, Salto 20 janvier 1841.
774
AMFBJAD n 1741, Voyage de Montevideo Corrientes, Salto, 3 fvrier 1841.
775
AMFBJAD n 452, A. de Mirbeck Bonpland, Santa Ana, 14 dcembre 1845.
776
AMFBJAD n 1131, M. A. Urdinarrain Bonpland, Uruguay, 22 novembre 1847.
777
AMFBJAD n 243, G. Valds Bonpland, San Donato, 8 aot 1848 : al fin sus mismos
tenientes lo derribaron ya que sus enemigos han sido tan desacordados pa haberlo hacho ya .
199
Premire partie
Chapitre II
avec Bartolom Noguera 778 , malgr sa prise de position contre Rivera et Ferr au
lendemain de la bataille de Arroyo Grande 779 . Lapprentissage politique de
Bonpland lamne mieux connatre le Ro de la Plata, mais aussi savoir utiliser
le langage et les pratiques politiques de cette rgion ; son discours sadapte
finalement cette ralit. Les dlimitations quil utilise selon les changes
pistolaires permettent cette analyse des stratgies mises en uvre. Il faut prciser
que ces jugements ne sont pas le produit dun imaginaire politique prexistant en
France, mais bel et bien le produit de faits constats et reconnus par les acteurs
rioplatenses eux-mmes.
Aussi, Bonpland use-t-il de la voie diplomatique afin de donner du poids
son argumentation et du reste, les diplomates europens sont trs demandeurs
dinformations. Cet intrt mutuel est mis en vidence lors de la rencontre du
Franais avec son consul Montevideo, Antoine Devoize, en 1849. Les
informations que lui fournit Bonpland sont apprcies pour la justesse de
lanalyse, tandis que celui-ci en profite pour demander une nouvelle fois le
secours de la France au nom des gouvernements antirrosistas 780 qui pensent,
comme Gregorio Valds, que la libralit exprimente en Europe depuis 1848
doit ncessairement rencontrer un cho en Amrique 781 . Devoize ne croit pas aux
alliances contre Rosas quil explique comme les impulsions de peuples dpourvus
de rflexion 782 .
Cette pense europocentriste opposant civilisation et barbarie, Bonpland
la reporte alors sur le peuple paraguayen. Limmersion ne se dpart pas de cette
dialectique mais la frontire idologique est repousse ; elle nest plus
transatlantique mais transnationale. Bonpland partage les vues dautres migrants
tels Mirbeck qui voit les Paraguayens comme des semi sauvages et rien de
plus 783 . Ce clivage participe la restructuration de sa pense dautant quune
haine rgne vis--vis des Paraguayens dans la province de Corrientes, le Franais
adhrant ici la pense crole. Les incursions paraguayennes de 1849 menes en
778
200
Premire partie
Chapitre II
topiques
de
Bonpland
concernant
le
Paraguay et
le
786
Ds avant la ratification dun autre trait non respect par le Paraguay sign contre
Rosas en novembre 1851 entre le Paraguay, le Brsil, lUruguay, Entre Ros et
Corrientes 787 , Bonpland crit :
Je crois daprs les donnes que jai acquises que ces grands rpublicains
ne passeront ni le Parana, ni le rio Paraguay
788
Cette frontire entre les deux mondes est mince, polymorphe ; il faut
dailleurs ce propos voquer des marches aux contours flous, zones frontires
autant gographiques quidologiques. Ltude des contours mouvants de telles
communauts savre ici prolixe, concernant les lites tout autant que le peuple.
Son attitude cet gard rapproche Bonpland dune dfinition classique de
lamricanisme, voluant dun discours rousseauiste vers une conviction
civilisatrice, pousant de ce fait les vues gnralement dfendues en Europe en les
adaptant la pense crole.
Mtiss politiquement, se dfinissant par rapport ses voisins immdiats
selon le schma dattraction et de rpulsion comme par rapport sa situation au
784
201
Premire partie
Chapitre II
sein dune entit politique suprieure, Bonpland, le Rochelais rioplatense 789 , peut
tre considr lui-mme comme un homme-frontire 790 au sein de cet Etatfrontire quest alors Corrientes. Lexpression dhomme-frontire caractrise
notamment Ulysse, errant entre lhellnisme et la barbarie 791 . Jean-Robert Henry
dfinit lhomme frontire ou le frontalier propos des rapports franco-algriens
comme un individu habitant une frontire symbolique entre des socits qui se
posent la fois comme proches et diffrentes. Places en situation dantagonisme
ou dexhibition de leurs diffrences, ces socits crent des tensions symboliques
que lindividu subit et tente de dpasser 792 . Pour cela et en raison de la place
quoccupe lindividu dans la geste patriotique rioplatense, la faction et la frontire
tiennent une place importante dans le schme propos 793 .
Jos Laurano Amorn aimait dire que le Rochelais tait devenu argentin, la question de
largentinit de Bonpland ayant t souvent aborde par ses biographes qui saccordent avec le
point de vue du docteur Amorn.
790
Nous prfrons ce terme celui de personnage-frontire, employ surtout par les chercheurs en
littrature et caractrisant moins ce que devient Bonpland. En histoire, il est utilis notamment par
Guillaume Mazeau concernant Charlotte Corday, outsider de lhistoire et personnage-frontire
de la Rvolution , deux caractristiques sappliquant au contexte amricaniste de Bonpland ;
MAZEAU Guillaume, Le procs Corday : retour aux sources , in Annales historiques de la
Rvolution franaise [En ligne], n 343, janvier-mars 2006 (2009). URL :
http://ahrf.revues.org/9812. Catherine Nesci emploie le terme de personnage-frontire propos de
la Parisienne pruvienne Flora Tristan comme un regroupement dantithses entre culture et
nature ou sdentarit et errance ; cf. NESCI Catherine, Le flneur et les flneuses. Les femmes et
les villes lpoque romantique, Grenoble, ELLUG, 2007, p. 362.
791
Cf. HARTOG Franois, Mmoires dUlysse. Rcits sur la frontire en Grce ancienne, Paris,
Gallimard, 1996.
792
HENRY Jean-Robert, Les frontaliers de lespace franco-maghrbin , in COLONNA Fanny,
DAOUD Zakya (dir.), tre marginal au Maghreb, Paris, CNRS ditions, 1993, pp. 301-311.
793
Cf. graphique n 6, p. 293.
202
Premire partie
Chapitre II
vnements car tandis que dans les capitales atlantiques des changements dcisifs
se dessinent, il demeure confin dans sa proprit de So Borja. Le contraste est
saisissant par rapport ses engagements antrieurs.
Trs bien inform, il choisit pourtant de se cloisonner. La mobilit qui le
caractrise jusquen 1850 cesse jusquen 1853. Ce cloisonnement gographique
reflte un abandon du transnationalisme, au moment o les entits nationales
rioplatenses saffirment. Celles-ci entranent une compartimentation et une
redfinition des aires culturelles dans lesquelles Bonpland volue. Dans le
Nordeste argentin de nombreuses questions politiques ne sont pas rgles mais la
nationalisation de ces questions loblige devoir choisir dfinitivement vers
quelle nation se tourner.
Laspiration brsilienne
Laspiration
brsilienne
est
dabord
quantitativement
forte.
Les
Premire partie
Chapitre II
204
Premire partie
Chapitre II
Pomatelli demande des nouvelles du Paraguay et de Gelly ; il lui demande aussi de recueillir
des souscriptions pour une publication de romans dits Porto Alegre ; AMFBJAD n 778 et
780, F. Pomatelli Bonpland, Porto Alegre, 11 mai 1850 et 20 mai 1851.
802
AMFBJAD n 791, A. V. Porto Bonpland, Porto Alegre, 19 mai 1851 ; AMFBJAD n 780, F.
Pomatelli Bonpland, Porto Alegre, 20 mai 1851.
803
AMFBJAD n 309, J. A. Gelly Bonpland, So Borja, Asuncin, 13 fvrier 1850 ;
AMFBJAD n 310, J. A. Gelly Bonpland, Asuncin, 22 avril 1850.
804
Carlos Antonio Lpez (1790-1862) est consul (1841-1844) puis prsident (1844-1862) du
Paraguay. Il rompt lisolement conomique et diplomatique du pays dans lequel lavait plong
Francia et tente de normaliser les relations politiques avec ses voisins. Il signe diffrents traits
avec lArgentine et le Brsil, sans parvenir toutefois conclure avec ces pays une paix durable.
805
CARDOZO Efram, op. cit. pp. 145-149.
806
AMFBJAD n 1136, F. de Vasconcellos Bonpland, col du Para-Sa, picada de Santa Cruz,
16 mars 1850.
807
AMFBJAD n 1138, F. de Vasconcellos Bonpland, Porto Alegre, 28 aot 1850.
205
Premire partie
Chapitre II
808
A part les intrts particuliers, je suis fach pour le Brsil et pour les habitants de la Province
de San Pedro de ce qui est arriv Mr. Andrea. Les hommes ne sont pas des Dieux. Jai toujours
t davis quil fallait considrer leurs qualits et leurs dfauts et tablir une juste compensation.
Jai eu lhonneur de connatre ici personnellement S.E. Pimento Buena. Cest un homme afable,
instruit, rempli dexcellentes manires et bien capable de remplir lemploi lev qui vient de lui
tre confi. Demain les ambitieux, les jaloux crieront contre lui et nous aurons la douleur de le voir
se retirer, soit oblig, soit de bonne volont , AMFBJAD n 1137, Bonpland F. de
Vasconcellos, So Borja, 22-25 avril 1850.
809
Cf. graphique n 3, p. 183.
206
Premire partie
Chapitre II
ministre des Affaires trangres correntino, Juan Pujol 810 . Il choisit de sadresser
Pujol au lieu de Virasoro parce que ce docteur en droit de lUniversit de
Crdoba a servi les Madariaga avant de servir les Virasoro ; il sagit donc dun
homme habile et suffisamment indispensable pour tre sollicit par les deux clans
ennemis. Ensuite, Pujol semble intress au plus haut point par le dveloppement
conomique de sa province et par la perte consquente que pourrait entraner
lengagement de Bonpland par les Brsiliens. Enfin, une source indique quen
1848 lui et Bonpland se connaissent 811 , le Franais ayant pu juger des qualits du
ministre.
Miguel et Benjamn Virasoro crivent au Franais le 30 janvier 1850, plus
de deux ans aprs leur prise de pouvoir. Peut-tre sagit-il du temps ncessaire
pour acqurir des gages vis--vis du Franais et mesurer les ventuelles
consquences dun exil de Bonpland vers le Brsil. Les deux frres prennent la
plume pour le pousser dlaisser le Rio Grande do Sul au profit de Corrientes,
afin de satisfaire ainsi aux dsirs de sa famille et de la province 812 . Les solliciteurs
sappuient sur des motifs tout fait valables puisquen matire dintrt, Santa
Ana dispose encore dun potentiel dactivit important. Concernant sa famille, il
est vident que sa compagne, ses enfants et la grande majorit de ses familiers
tant Argentins, largument est de poids.
En effet, son assise relationnelle fait de Corrientes la patrie dadoption du
savant. Lattraction est plus quconomique, elle relve dun sentiment
dappartenance lattirant vers lArgentine. Alors quon lui offre la possibilit
dorganiser lexploitation des yerbales Santa Cruz, au sein de la province
pacifie du Rio Grande do Sul, le Franais offre ses services au gouvernement de
Corrientes
810
Bonpland F. J. de Souza Soares de Andria, Porto Alegre, 28 octobre 1849, cit in HAMY
Jules Thodore Ernest, pp. 152-156 ; Bonpland J. Pujol, Porto Alegre, 28 octobre 1849, in
PUJOL Juan, op. cit., pp. 141-146. Juan Pujol (1817-1861) nat dans la province de Corrientes.
Docteur de la facult de Droit de Crdoba en 1838, il simplique politiquement partir de 1843.
Ministre de la Guerre de Joaqun Madariaga, puis des Affaires trangres de Benjamn Virasoro,
Pujol lui succde de 1852 1859. La province de Corrientes connat sous son mandat une priode
de stabilit et dessor. Pujol termine une carrire brutalement interrompue comme ministre de
lIntrieur de la Confdration Argentine.
811
AMFBJAD n 513, S. Bocquin des Hilaires Bonpland, Pellotas, 14 mars 1848.
812
AMFBJAD n 1145, M. Virasoro Bonpland, Corrientes, 30 janvier 1850 ; cf. AMFBJAD n
1609, Bonpland M. et B. Virasoro, So Borja, 28 dcembre 1847.
207
Premire partie
Chapitre II
813
Le jeu men par Bonpland envers les deux pays nen est cependant pas moins
sincre, tout autant que cette phrase qui, pensons-nous, rvle autant une
manuvre quune vritable attraction. Tout indique quil est prt sinstaller l
o ses intrts conomiques sont les mieux situs.
Utilisant les ressorts nationalistes, Bonpland sadresse au gouverneur
Benjamn Virasoro afin de lui annoncer les avances agricoles riograndenses
concernant les mrinos et la yerba 814 . Il compte sur une mulation en flattant les
Correntinos ; ce nest plus la France qui doit duquer lAmrique, mais ce nest
pas non plus le Brsil qui doit instruire lArgentine. Au contraire, lArgentine doit
montrer lexemple au Brsil, la bipolarisation autour du savant replaant
Corrientes au sein dune entit politique suprieure. Laffrontement des
nationalits entrane dans le mme temps une complmentarit et une forme de
continentalit des savoirs et des avoirs 815 . Cette tactique de la yerba initie en
1849 se prolonge jusquen 1853, Bonpland ne possdant pas jusqu cette date les
garanties politiques ncessaires pour repasser lUruguay.
2. Un rengagement prudent
Le sjour Montevideo effectu entre le 29 aot et le 7 octobre 1849
redonne souffle Bonpland en le replongeant dans laire culturelle transatlantique
qui comporte trois grands lments. Dabord la France envers laquelle il demande
immdiatement un engagement fort contre le second lment, les rosistas. Enfin
les adversaires du rgime porteo constituent le dernier lment, celui quil
connat le mieux et pour lequel il peut faire office dintermdiaire. Cependant
Bonpland se rengage timidement aux cts des antirrosistas, fort de sa
connaissance de leurs faiblesses politiques. Le naturaliste effectue alors un second
voyage Montevideo o il demeure du 6 aot au 15 novembre 1850. La situation
813
208
Premire partie
Chapitre II
politique est alors funeste pour les antirosistas qui ne dtiennent plus que la
capitale uruguayenne. Seule lescadre franaise soutient encore faiblement les
assigs, Bonpland esprant que la France intervienne cette fois positivement dans
la Guerra Grande.
AMFBJAD n 1639, Bonpland Demersay, Porto Alegre, 10 juin 1849 ; MNHN, ms 209,
journal de voyage, 1849-1850, 7 octobre 1849.
817
BUSTAMANTE Jos Luis, Los cinco errores capitales de la intervencin francesa en el Plata,
Buenos Aires, Solar, 1942 (1849).
818
BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja, 28 avril 1851.
819
AMFBJAD n 671, D. Liautaud Bonpland, Montevideo, 29 janvier 1851.
820
Cf. NARI Estela, op. cit., pp. 438-439.
821
Cf. MACKINNON Lauchlan Bellingham, La Escuadra Anglo-Francesa en el Paran. 1846,
Buenos Aires, Hachette, 1957 (1848).
209
Premire partie
Chapitre II
822
827
Cf. AMAEN, Buenos Aires, Lgation n1, 1838-1872 ; Arana prend soin de passer sous silence
la question correntina au cours des ngociations avec la France ; Pedro Ferr est voqu une seule
fois dans la correspondance diplomatique dpouille.
823
Cf. GRAHAM-YOOLL Andrew, op. cit, pp. 133-135, 141-142.
824
H. Southern Palmerston, Buenos Aires, 10 janvier 1851, cit in ibid., p. 145.
825
Leprdour, de retour de France le 23 juillet 1850, fait part de ses instructions au gouvernement
de dfense de Montevideo qui lincitent traiter avec Oribe. Il conclut sur ces mots : Antes que
todo soy francs. As, pues, que dejemos el asunto , cit in RELA Walter, op. cit., p. 107.
826
AMFBJAD n 972, J. P. Gay Bonpland, Alegrete, 14 novembre 1848.
827
AMFBJAD n 958, Bonpland F. Delessert, Montevideo, 30 aot 1850.
210
Premire partie
Chapitre II
828
Le choc doit tre dautant plus vif pour Bonpland car il le replace dans une situation analogue
celle o il se trouve en 1840, la diffrence quil ne dispose plus des mmes atouts pour faire face
ce nouvel abandon.
829
AMFBJAD n 1639, Bonpland A. Demersay, Porto Alegre, 10 juin 1849.
830
El almirante Le Predour est en Bs. Ayres desempeando (se supone) una comision de M.
Bastide pa. Hacer una nueva tentativa de ajustar una paz, pero en la cual comision se sabe ya con
certeza qe. no arribar a nada. , AMFBJAD n 1115, H. Symonds Bonpland, Montevideo, 14
mars 1849.
831
Ibid.
211
Premire partie
Chapitre II
met en lumire une situation sans dignit, car ce nest ni la paix, ni la guerre ;
cest une situation intermdiaire imagine depuis peu 832 par Leprdour. Daru a
mauvaise mmoire, la signature de la convention de 1849 se situant dans la ligne
diplomatique franaise suivie depuis longtemps, comme on la toujours fait
prcise son grand regret le vice-consul franais Porto Alegre 833 . En effet la
solution labore en 1849, en recherchant un compromis impossible trouver, et
en voulant sauver les apparences, savre finalement vide de sens 834 comme celui
de 1840.
De mme que lon nattend plus rien des mdiations menes avec Rosas
par Leprdour, de mme attend-on des efforts de Daru une prochaine arrive de
troupes franaises 835 . Bonpland participe indirectement 836 aux efforts en direction
de la France et se contente dapprouver les reproches faits aux diplomates
europens ainsi que lespoir dun revirement favorable aux ressortissants franais,
et digne dune grande puissance 837 . Une constante est noter dans
largumentation de Bonpland au cours de ces annes concernant les devoirs de la
France envers ses ressortissants du Ro de la Plata. Les manquements en ce
domaine mettent largement en cause le personnel diplomatique. La confusion des
ides en matire politique est semblable celle que Bonpland constate
relativement ltablissement de colons. Bonpland souhaite voir se terminer la
guerre heureusement et humainement . Cependant, les atermoiements de la
France et sa mconnaissance de la ralit finissent par lirriter 838 . Non seulement
la France, mais aussi
tous les reprsentants [] sont 1000 lieues de la question ; ils la traitent
comme des commerants cupides. Se serait pour la France une honte sils
832
DARU Napolon, Rapport lAssemble lgislative franaise sur les Affaires de la Plata,
Montevideo, Imprimerie franaise, 1850, p. 14.
833
AMFBJAD n 564, Decazes Bonpland, Porto Alegre, 9 septembre 1849.
834
NARI Estela, op. cit., pp. 322-414.
835
AMFBJAD n 1115, H. Sysmonds Bonpland, Montevideo, 14 mars 1849.
836
Daprs tout ce qui sest imprim en france, on doit savoir que la verge de fer qui
malheureusement domine sur cette partie de ces beaux parties paralyse tout. Depuis la mmorable
bataille del arroyo de grande les communications sont devenues plus difficiles, le sont encore et la
prudence conseill de rester tranquille dans un petit coin , AMFBJAD n 958, Bonpland F.
Delessert, Montevideo, 30 aot 1850.
837
Un sujet britannique exprime Bonpland son espoir que le gouvernement franais demuestre
a la poblacion de estos paises el verdadero valor de las baladronas con cuales l los ha alucinado
pot tanto tiempo. , AMFBJAD n 1115, H. Symonds Bonpland, Montevideo, 14 mars 1849.
838
Un ami de Restauracin saccorde avec lui pour constater qu Efectivamente todo se vuelve
desgracia y contratiempo en este pretendido mejor de los mundos , et espre que no digamos
con el bueno de lafontaine. Quen sort-il souvent ? du vent ! , AMFBJAD n 650 et 651, J.
Landereche Bonpland, Restauracin, 27 mars et 7 juin 1851.
212
Premire partie
Chapitre II
839
todos los represententes [...] estan 1000 leguas de la question; la tratan como comerciantes
codiciosos. Seria una verguenza por la francia si no terminasen esta question con honor y
asegurando una garantia positiva la poblacion francesa sobre las margenes del Plata y del
Uruguay. toda ella y los habitantes del Pays serian demasiado maltratados , BCNBA, Bonpland
G. Valds, So Borja, 27 juillet 1851.
840
AMFBJAD n 671, D. Liautaud Bonpland, Montevideo, 29 janvier 1851.
841
Le message du prsident, aussi insignifiant au sujet de Montevideo que le sont dordinaire les
pices officielles de ce genre , donne lieu aux commentaires fantaisistes des Bavards blancs et
rouges , AMFBJAD n 671, D. Liautaud Bonpland, Montevideo, 29 janvier 1851.
842
AMFBJAD n 1597, J. L. Bustamante Bonpland, Montevideo, 16 fvrier 1851.
843
BCNBA, Bonpland G. Valds, 27 juillet 1851.
844
Ces Messieurs nont pas sceu juger de ltat des choses : ils se sont tromps et ont tromp le
gouvernement , AMFBJAD n 1640, Bonpland A. Demersay, So Borja, 10 novembre 1851.
213
Premire partie
Chapitre II
214
Premire partie
Chapitre II
851
215
Premire partie
Chapitre II
ce projet dinstallation qui datent de 1840, plus longtemps encore en sachant que
le Paraguay est un mythe itratif du savant 858 .
Plusieurs informations parviennent Bonpland concernant la formation
dune grande alliance contre Rosas. Pomatelli, depuis Porto Alegre, linforme ds
fvrier 1851 de larrive de matriel militaire. Selon toute apparence, crit-il, la
paix sera de courte dure 859 . Bonpland saisit la porte de ce renseignement ; dans
une lettre que lui remet un compatriote depuis Uruguaiana en avril celui-ci instruit
Bonpland des informations quil glane dans les journaux, ce qui, crit-il, confirme
les dires de Bonpland qui lui certifiait daprs ses contacts entretenus avec les
Virasoro que dici peu on verrait les grands travailler srieusement la paix en
faisant la guerre 860 . Gregorio Valds le tient inform depuis San Donato 861 et en
mai 1851 Pomatelli, qui a accs aux comptes militaires de Porto Alegre, informe
le Franais des prparatifs brsiliens et de leurs buts uniquement dfensifs 862 ; il
sagit de nouvelles l encore en provenance de son nouveau rseau quadrilatre.
Jusquen juillet 1853, Bonpland ne quitte plus So Borja, ne prenant
aucune part la chute de Rosas. Cependant, il reoit rgulirement des nouvelles
des vnements de tous cts, Restauracin savrant un point central pour la
circulation de linformation en provenance dArgentine et dUruguay. Le 1er juin
1851 Jos Antonio Virasoro lui confirme de cette ville quil est sur les talons de
Rosas 863 . Bonpland apprend du mme lieu et le mme mois quun front
antirrosista est constitu, tout du moins dans les esprits 864 . Ses relais brsiliens lui
transmettent le dbut du rcit de voyage de Xavier Marmier qui est parti
quelques jours avant son arrive Montevideo en 1850 trs espr par les
assigs 865 . Le 30 juillet 1851, il apprend avec deux mois de retard la Triple
858
216
Premire partie
Chapitre II
CONCLUSION
Aprs lassimilation analyse lors du chapitre prcdent, ltude
concernant les annes de la Guerra Grande met en lumire une forme de
mtissage individuel parallle au mtissage politique rioplatense. Rseaux, ides,
discours et actes forment un ser politique mtiss dans son aspect transnational
dabord. Comme Humboldt est dfini en tant que savant-citoyen du monde 868 ,
Bonpland saffirme comme un homme-frontire entre diffrentes aires culturelles.
Il ne sagit ni dacculturation ni de dculturation mais dune pense mtisse
construite au contact de ces aires. A ce titre, la principale particularit du Franais
consiste glisser constamment de la recherche de solutions individuelles celle
de solutions collectives. Ce type de personnage est sans doute minoritaire,
cependant dautres individus comprenant tout ou partie des caractristiques de
Bonpland sont probablement prsents. Les migrants possdent cette facult
contenir plusieurs dimensions et le naturaliste peut aider affiner leur tude dans
le cadre transatlantique.
En effet, ce type de personnage peut tre utilis modle dadaptation et
darticulation entre le rseau, le discours et les actes. Les diffrents niveaux de
sociabilit quil intgre permettent desquisser un modle de mtissage autant
individuel que social. Il amne lhistoire des ides et des sociabilits une
exprience riche car il se dgage de ltude de ces niveaux et de leurs connexions
un certain nombre de barrires que Bonpland combat et qui nous permettent de
mettre en relief six formes didentits politiques : clanique, partisane, provinciale,
nationale, transnationale et transatlantique. La forme partisane sexprime
lintrieur du cadre provincial par des luttes pour le contrle du pouvoir excutif,
866
217
Premire partie
Chapitre II
sans pour cela quune adhsion populaire soit forcment ncessaire, ni que les
forces en prsence proviennent exclusivement du srail869 local, quil soit
politique ou conomique. Cette forme didentit nimplique donc pas un
rattachement systmatique la figure du caudillo telle quon la dfinit
gnralement 870 . Dabord, lambition personnelle ne reconnat pas la limite
familiale dans une socit souvent dfinie par les liens du sang. Mme si le noyau
familial est un polarisateur puissant, il nempche pas lclatement partisan.
Ensuite, ces luttes sexpriment dans des proportions varies. Elles peuvent affecter
des aires gographiques trs rduites. Il peut sagir enfin de remises en cause
provinciales.
Ni lespace ni le temps ne bornent les querelles de clans. Les barrires
provinciales sont les moins voques par Bonpland hormis quelques notes
propos de leurs divergences, mais presque rien napparat propos des conflits
interprovinciaux si fortement constitutifs de lhistoire de Corrientes. Bonpland
note surtout les bienfaits amens par les coalitions interprovinciales. Nanmoins
lalliance quil privilgie est hispano-amricaine ou, pour mieux dire,
transnationale. En effet, la proximit gographique du monde lusophone empche
de se limiter une analyse en termes dhispanisme ; on pourrait au mieux parler
daire ibrique, mais la notion est trop vague pour dfinir la situation correntina.
A ce titre, la dimension politique amricaniste est essentielle dans la mesure o
elle offre durant la geste patriotique des possibilits de modles politiques
originaux. Les implications et les expriences politiques de Bonpland sinscrivent
dans cette recherche de solutions au dmembrement postcolonial parmi lesquelles
llaboration ou la conception de pr-Etats, dEtats-frontires, dEtats
transnationaux et dassociations transatlantiques. Concernant cette dernire
solution, si le rang que doit tenir la France est une constante du discours de
869
Lemploi du terme srail fait rfrence louvrage de CHEHABI H. E., LINZ Juan J. (d.),
Sultanistic Regimes, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins University Press, 1998, pour qui la
formation de certains Etats sud-amricains, dont ceux qui nous intressent, emprunte au modle
oriental.
870
Cf. GOLDMAN Noem, SALVATORE Ricardo, Caudillismos rioplatenses. Nuevas miradas a
un viejo problema, Buenos Aires, EUDEBA, 1998. Le caudillismo implique des alliances
complexes vis--vis des lites provinciales. Les tudes montrent que depuis la proclamation de
lindpendance jusqu ltablissement de lordre institutionnel en 1853, une continuit politique
existe qui dpasse le clivage traditionnel entre hros de lindpendance et caudillos. Cependant,
lanalyse de ce phnomne suscite des interprtations divergentes ; cf. BUCHBINDER Pablo,
Caudillos y caudillismo: una perspectiva historiogrfica , in GOLDMAN Noem,
SALVATORE Ricardo, op. cit., pp. 31-50.
218
Premire partie
Chapitre II
Bonpland, celui-ci reflte les actes de celle-ci plus exactement les non actes et
offre un modle dhistoire transatlantique circulant de lindividu la nation.
Bonpland parvient mal dissocier modle europen et terrains amricains
en nabandonnant pas ses rfrences europocentristes. Certes, il comprend la
logique politique interne dautant mieux quil y participe, et reconnat pour le
mme motif lautonomie de dveloppement laquelle postule le Ro de la
Plata 871 . Cependant il est probable quen changeant de statut, cest--dire en
prenant conscience de sa condition dimmigr, sdentaire qui remplace celle du
voyageur, nomade et des dangers qui laccompagnent, la reprsentation se
transforme aussi, celle de la France sidalisant tandis que son apprentissage
politique lamne mieux connatre le Ro de la Plata et savoir utiliser le
langage et les pratiques politiques de cette rgion. Son discours sadapte
finalement cette ralit. Il participe ainsi la construction dune forme
damricanisme politique originale proche de celle qui simpose partir de 1852,
idologiquement en demande doutils europens qui lui permettent de construire
un difice politique adapt aux pratiques amricaines.
871
Reconnaissance de la dissociation des priorits des deux mondes que Bonpland apprend ses
dpens, puisque ses propositions de mise profit des produits rioplatenses principalement pour
les colonies franaises demeurent lettre morte pendant vingt ans. En 1853, le ministre de la
Guerre sollicite les mmes produits qui pourrissent depuis 1832 au Musum. Bonpland, amer,
constate : Ctait depuis longtemps prvu lorsque jai reu la demande quon madresse
seulement aujourdhui. [...] Aujourdhui, on demande par hasard les mmes graines que jenvoyais
de mon propre mouvement , Bonpland Humboldt, Montevideo, 25 janvier 1851, cit in HAMY
Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 182.
219
CHAPITRE III
Des amricanismes rioplatenses (1799-1858)
INTRODUCTION
Plusieurs formes damricanismes sont cres selon laire culturelle au
sein de laquelle ils se dveloppent. Dans le cas du Ro de la Plata il se construit
partir de 1808, lorsque le cordon politique est rompu vis--vis de lEspagne. Cet
amricanisme, destin remplacer lunit coloniale originelle, se rattache
toutefois elle par lintermdiaire des racines colombiennes, dfaut de vestiges
prcolombiens suffisamment signifiants pour les Rioplatenses. Ce processus de
rattachement un pass mythique est bien connu et analys autant en France
quen Amrique latine. Hormis les rvoltes rprimes la fin du XVIIIe sicle
plus prcoces mais non moins signifiantes, le mouvement dmancipation
hispano-amricain connat ses prmices dans la vice-royaut du Ro de la Plata.
En 1816, le choix queffectue Bonpland de venir implanter une tradition
scientifique dans la capitale de la vice-royaut, alors que dautres possibilits lui
sont offertes, est rvlateur de lantriorit du processus amricaniste rioplatense.
Cet aspect chronologique est important car elle fait du Ro de la Plata un espace
de rfrence et un modle fondateur qui sinscrit dans lhistoire de la construction
des nations hispano-amricaines.
Premire partie
Chapitre III
Dans dautres aires, le cheminement vers une identit est plus tardif ou
utilise dautres symboles et dautres chemins pour se forger 872 . Laire lusophone
utilise des rfrences diffrentes hrites de lanimosit sculaire entre le Portugal
et le Brsil. La geste artiguista 873 est la premire tentative de construction
politique transnationale amenant au conflit entre hispaniques et lusophones. Cette
confrontation des aires culturelles est la composante initiale de la formation des
nations rioplatenses 874 , la construction politique brsilienne prsentant trs tt une
forme de stabilit et dhomognit plus aboutie 875 . La place occupe par
Bonpland dans ce processus est dautant plus significative quil propose un
modle transnational extrmement difficile construire.
Le rle de lEurope est bien sr important. Lacte de reconnaissance des
indpendances quelle leur octroie participe laffirmation identitaire amricaine,
tout comme les confrontations engendres par le Vieux Continent. L encore les
interactions sont multiples selon les acteurs politiques, les deux principaux que
sont la Grande-Bretagne et la France diffrant leur approche selon leurs intrts
rciproques. A lintrieur de ce cadre transatlantique, la micro-histoire laquelle
se rattache Aim Bonpland fournit des donnes qui permettent de linsrer dans la
872
Il est impossible de citer ici lensemble des travaux mens au sujet de la construction identitaire
hispano-amricaine. A la suite de Nathan Wachtel propos du Prou, les chercheurs ont dmontr
quau Mexique, terrain privilgi des recherches amricanistes franaises, les processus
identitaires se dveloppent par le biais du mtissage entre les cultures croles et indiennes ; cf.
WACHTEL Nathan, La vision des vaincus. Les Indiens du Prou devant la Conqute espagnole,
1530-1570, Paris, Gallimard, 1992 (1971) ; ALBERRO Solange, Les Espagnols dans le Mexique
colonial. Histoire dune acculturation, Paris, Armand Colin, 1992 ; GRUZINSKI Serge, La
pense mtisse, Paris, Fayard, 1999. Ces mtissages sont plus difficilement identifiables pour la
socit rioplatense, laquelle se construit en excluant en grande partie la culture indienne.
Cependant, le Nordeste argentin offre un terrain de recherche fcond ce sujet dans la mesure o
le mtissage est plus prsent, quil concerne les religieux jsuites, les Indiens ou les lusophones.
873
Jos Gervasio Artigas (1754-1850), hros national uruguayen, mne une insurrection contre
lEspagne partir de 1811. Il devient lune des figures du fdralisme, dfendant les droits des
provinces rioplatenses de lintrieur contre les pouvoirs de Buenos Aires. En incluant les Indiens
dans les structures politiques quil esquisse, Artigas se dtache invitablement des projets de ses
contemporains. Vaincu par les forces unitaires, il sexile en 1820 au Paraguay o il passe les trente
dernires annes de sa vie.
874
Notre propos nest pas de nous placer dans une vision de choc des civilisations, mme si ce
point de vue mrite dtre dbattu. Au contraire, comme cest par ailleurs le cas avec la
confrontation entre la Confdration Argentine et lEurope, notre analyse est transculturelle. La
dimension conomique transnationale entre les aires lusophones et hispaniques montre, par
exemple, quil ne sagit pas simplement de chocs mais aussi dinterpntrations et dmulations.
875
La guerre des Farrapos dment cette affirmation, beaucoup dautres exemples pouvant appuyer
un dmenti ce sujet. Cependant, laire culturelle brsilienne prsente une unit appuye sur un
systme politique cohrent entre 1810 et 1850 nettement plus solide, car dans le mme temps les
projets politiques multiples voqus lors des chapitres prcdents dans le cas du Ro de la Plata
sont autant de fractures se propageant jusqu la plus simple unit de la structure sociale, savoir
le clan.
221
Premire partie
Chapitre III
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Premire partie
Chapitre III
qualifier les discours politiques qui se mettent en place sous lgide de vainqueurs
dsunis entre ces deux batailles. Aim Bonpland nassiste pas la conscration de
lunit argentine, dcdant alors que les conflits auxquels participent certains
Correntinos opposent les Porteos aux Provincialistes suivant lancien schma
sappuyant sur de nouvelles formes de sociabilits politiques 876 .
Durant le cours laps de temps compris entre 1852 et 1858, le naturaliste
dploie une grande nergie afin profiter du calme dont jouit la province de
Corrientes sous ladministration du gouverneur Juan Pujol cessant sa mort en
1861 877 et de la libert de navigation sur lUruguay pour affirmer son discours
amricaniste et dcider de son enracinement correntino. Il dispose de lexprience
et du recul ncessaire pour aborder les questions politiques dun point de vue
scientifique ; en cela il devient un amricaniste avant que ce mot ne revte sa
signification actuelle. La notion damricanisme au sens politique tant forge au
cours des annes 1840 en Amrique il apparat dun point de vue rioplatense
amricaniste, tant un des nombreux participants aux discours des vainqueurs
forgs notamment par Sarmiento, utilisateur de ce nologisme en 1845 878 . Ces
discours sont multiples selon les aires culturelles et les aires de sociabilit. A ce
titre, Bonpland aide les lire selon les chelles provinciales, nationales et
transnationales.
223
Premire partie
Chapitre III
juillet 1853, lorsquun second soulvement est rprim Corrientes 880 . Aprs
Ferr, cest Juan Pujol qui incarne le cheminement correntino vers la stabilisation
politique au cours des annes 1850.
A loccasion de ces tentatives de pronunciamiento, le jeune gouverneur
fait part dune autorit laquelle beaucoup ne sattendent pas. Pour cette raison,
Bonpland est sr que M. Pujol sera de nouveau lu 881 . En effet, depuis
Montevideo, le diplomate Lucien de Brayer demande Bonpland de fliciter
Pujol pour sa rlection la tte du gouvernement de Corrientes intervenue au
dbut de lanne 1854. La bonne nouvelle que Brayer nesprait pas savre tre
un grand pas vers la consolidation de ldifice social . Plus que le fruit du
bon sens des concitoyens de Pujol 882 , cette lection rsulte avant tout dune
lgitimit politique acquise par le rtablissement de lordre 883 , mais aussi de sa
politique de prsence et de la propagande ralise durant les deux premires
annes de son mandat, et qui malgr les critiques de quelques libraux 884 lui
permettent daccder au ministre de lIntrieur de la Confdration en 1859.
Avant cela, Pujol devient en 1854 le premier gouverneur constitutionnel de la
province de Corrientes 885 depuis Bern de Astrada et le dbut de la Guerra
Grande.
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886
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896
Se hallan actualmente trabajando en San Javier como diez brasileos [], sin contar los
peones []. Me aseguran ms, es que se hallan all con la anuencia de una autoridad correntina,
que tienen ranchos y aun que uno de ellos hace de Comandante.[] As es que por este modo de
trabajar se han perdido los siete yerbales inmensos que he visitado en todo su esplendor en las
inmediaciones de San Angel y recientemente el yerbal que pareca inagotable de San Cristo. ,
Bonpland Pujol, Santa Ana, 31 dcembre 1854, in PUJOL Juan, op. cit., tome 4, p. 308.
897
Cf. par exemple AMFBJAD n 82, Bonpland J. Pujol, Restauracin, 11 janvier 1855 ; PUJOL
Juan, op. cit., tome 5, pp. 136-137.
898
Faltan hombres capaces , in ibid., p. 138.
899
Ibid., tome 6, pp. 172, 217.
900
En mai 1856 il remet Pujol le supplment au commentaire de la loi douanire uruguayenne
rdig par Louis Mathieu ; le 20 juillet 1857 il lui fait part de la satisfaction provoque
Restauracin par la nomination du nouveau juge de paix, surtout parmi la classe riche des
commerants et des carcamales [vieilles peaux] , in PUJOL Juan, op. cit., tome 6, p. 123 et
tome 7, p. 100.
901
PUJOL Juan, op. cit., tome 7, p. 156.
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902
229
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Chapitre III
aux habitants de Buenos Aires, est revendique partir des annes 1830 par les
provinciaux, surtout les Correntinos 906 .
Afin dasseoir la lgitimit du gouverneur sur des bases solides et viter
ainsi un renversement, une politique de prsence savre indispensable
lexercice du pouvoir, elle le personnifie mieux que ne saurait le faire une
constitution, comme le dit Vicente Fidel Lpez Pujol ds le dbut de lanne
1852 907 . A cet gard, le Rio Grande do Sul peut avoir servir dexemple Pujol car
aprs la fin de la guerre des Farrapos le couple imprial entame le 6 octobre 1845
un tour pour lgitimer son pouvoir. Suivant en outre les conseils de Lpez et de
Bonpland, Juan Pujol parcourt avec succs le territoire plac sous son mandat si
lon en croit les observations du Franais au dbut de lanne 1855. En effet, aprs
avoir longtemps souhait et demand la venue du gouverneur Restauracin,
Bonpland constate que celle-ci produit la disparition presque totale des opposants.
Si le Franais se fait le porte-parole du gouverneur auprs des habitants, il
lencourage nanmoins ritrer ses visites dans cette zone de la province, et ce
malgr la bonne opinion de la majorit des habitants son gard 908 afin
dentretenir sa popularit 909 .
La presse est un autre pilier de lunitarisme ; elle a pour but de toucher les
responsables politiques alors que les visites ont pour rle dimprgner les
sensibilits publiques par capillarit. En labsence dune imprimerie correntina en
1851, Derqui sadresse au rdacteur bonaerense de lIris Argentino et initiateur de
la Generacin del 37 Marcos Sastre, pour publier un article concernant la libert
de navigation 910 . Encore faut-il que cette presse soit suffisamment soumise aux
nouveaux dirigeants, ce qui nest pas le cas aprs la chute de Rosas. Les opposants
Pujol utilisent quant eux La Organizacin afin dattaquer le nouveau rgime.
Malgr la virulence des attaques, toute censure est impossible mettre en place.
Tout au plus les antirrosistas essayent dempcher larrive de journaux de
906
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911
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mandat quil effectue en tant que ministre argentin de lIntrieur 918 . Pour cela, il
sentoure de collaborateurs capables de mener bien ce projet parmi lesquels
Grgorio Valds figure comme son bras droit. La rencontre entre les deux
hommes se droule linitiative de Bonpland en novembre 1852 alors que Valds,
ayant soutenu les Madariaga alors adversaires du nouveau gouverneur, se trouve
rfugi So Borja. Le Franais pousse Valds proposer ses services au
gouverneur en profitant des liens entretenus au cours des annes 1840 entre
Valds et Urquiza ainsi quen usant de son prestige personnel 919 .
Ce geste de rconciliation provinciale entre Valds et Pujol en appelle
dautres visant en finir avec les divisions claniques provinciales ranimes aprs
la victoire des troupes correntinas, entrerrianas et brsiliennes contre Rosas et le
soulvement porteo qui couve partir de juin 1852 avant de senflammer le 11
septembre. Car en juillet 1852 le retour dun certain calme interne nempche pas
le contrle du gouvernement par un groupe proche des ides dfendues par Rosas.
Aussi Pujol doit-il les affronter Corrientes et les empcher dobtenir un soutien
depuis Buenos Aires o sont stationnes leurs forces. Il parvient exclure les
Madariaga et les Virasoro de la province afin de consolider une sociabilit
politique en accord avec son projet fdral, ce travail ne pouvant seffectuer que
sur le long terme afin denraciner la Civilisation Argentine 920 dans un terreau
provincial fertile dfini par Bonpland comme un patriotisme clair 921 .
Sil se trompe sur les causes du mouvement porteo qui relve de la
question de larticulation politique entre la province et la patrie, Bonpland est en
revanche trs bien inform sur ses consquences, en particulier sur lmergence
918
Pour cela, la presse correntina sert son projet national ; cf. GALIANA Enrique Eduardo, La
Prensa Correntina como Grupo de Presin del Federalismo Argentino y la Constitucin
Nacional , in GALIANA Enrique Eduardo, Temas de Historia, vol. II., 1998, pp. 89-126.
919
Los ausentes pierden siempre. [] Urquiza mi parecer, debe recordar se mucho las
conferencias de xxx y pienso qe. V. debe ya tener en el un buen amigo. , BCNBA, Bonpland G.
Valds, So Borja, 21 aot 1852. Il sagit probablement de Vicente Montero, neveu et associ
dUrquiza avec lesquels Valds confre en 1841 avant de rejoindre les Madariaga en 1842 ; cf.
AMFBJAD n 25 et, 253, G. Valds Bonpland, 9 et 18 novembre 1852.
920
Ce terme de Civilisacin Argentina est contenu dans une lettre de Vicente Fidel Lpez
adresse Pujol depuis son exil de Montevideo, le 8 janvier 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2,
p. 18.
921
Bonpland dfinit ce patriotisme clair fait de caractre et de fermet au service du
bien du peuple . A cette condition, explique-t-il, Corrientes [aura] devant elle une longue
priode de paix , Bonpland F. de Vasconcellos, Montevideo, 10 dcembre 1853, cit in HAMY
Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 167.
232
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Chapitre III
Lexpression mini Estado est emprunte CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op.
cit.
923
J. J. Urquiza et A. Elas J. Pujol, Gualeguaych, 19 octobre 1852, in PUJOL Juan, op. cit.,
tome 2, pp. 202-205.
924
Sur ce concept antrieur celui de mini Estado , lequel en reprend la substance, cf.
CHIARAMONTE Jos Carlos, Mercaderes del Litoral. Economa y sociedad en la provincia de
Corrientes, primera mitad del siglo XIX, Buenos Aires, FCE, 1991.
233
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928
925
S. Derqui a J. Pujol, 12 aot 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 77.
Bonpland crit que vea con dolor que existan pequeos grupos de ambiciosos que no
ofrecan ninguna seguridad de bienestar , Bonpland J. Pujol, Restauracin, 20 juillet 1857, in
PUJOL Juan, op. cit., tome 7, p. 100.
927
Cf. REVEL Jacques (d.), op. cit.
928
En vez de sed de legalidad y de medidas salvadoras, hay sed de venganzas y de ms
sacrificios , cit in PUJOL Juan, op. cit., tome 1, p. 135.
926
234
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929
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Chapitre III
entrepreneurial 930 il renoue avec le programme stopp par Francia en 1821. Enfin,
lidentification de Corrientes la nation grce la consolidation frontalire
lgitime son discours et ses actes politiques passs ; elle permet de justifier son
choix gographique initial qui est de placer les Missions au centre de ses projets et
den faire un lieu de dveloppement du bien commun. Lnergie dploye par
Bonpland jusquen 1858 931 est la fois le signe dune renaissance et dun
accomplissement.
En observant ce que deviennent les ralisations de Bonpland aprs sa mort
et celle de Pujol, on constate le dclin des projets de valorisation conomique et
scientifique ainsi que la persistance du conflit frontalier vis--vis des Missions 932 .
Le Nordeste sombre de nouveau dans une stagnation de plusieurs dcennies. Les
ralisations du savant ne se maintiennent que le temps du gouvernement de Pujol,
suffisamment fdrateur pour rassembler les principales familles autour de ses
projets, ses successeurs reformant des sociabilits politiques fondes sur la
tradition clanique 933 . Cette parenthse permet tout de mme aux trois enfants
dAim Bonpland, ns au Brsil, dobtenir un hritage autre que nominal. Si nous
ne connaissons pas leur histoire dans le dtail, nous pouvons nanmoins constater
quaucun dentre eux ne se marie avec un membre des clans correntinos ni
naccde des fonctions honorifiques.
Cf. BELL Stephen, op. cit., pp. 209-212 ; CAIC, contrat entre Bonpland et F. F. da Silva pour
former une socit agricole, Santa Ana, 22 fvrier 1858.
931
Bonpland Humboldt, 2 octobre 1854 et 7 juin 1857, in HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit.,
pp. 189, 214.
932
Cf. KRAPOVICKAS Antonio, Historia de la botnica en Corrientes , in Boletn de la
Sociedad argentina de Botnica, vol. XI, 1970, pp. 229-276.
933
Cf. CRUZ JAIME Juan, op. cit. pp. 29-30.
236
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prcieuse pour aborder la pense dune partie de llite rioplatense vers le milieu
du XIXe sicle. La gnration politique venir, celle organisant la construction
nationale partir des annes 1850, rvle ses incertitudes quant aux valeurs
publiques adopter. A cet gard, la position occupe par Pujol et Corrientes dans
le processus de la construction nationale argentine savre centrale. Le schma
propos par le cercle de Pujol correspond au schma pens par Bonpland depuis
de nombreuses annes, plaant Buenos Aires au centre politique et les provinces
au centre de la civilisation. Jusqu la dcouverte de preuves documentaires
attestant une participation de Bonpland la formation de ce schma politique, il
sagit tout au plus dune concidence de reprsentations puisque Sarmiento et
Lpez, les deux principaux idologues du provincialisme, se trouvent au Chili
jusqu la chute de Rosas 934 .
La question capitale
Tout le problme rside dans labsence de modles prexistants
acceptables. Acceptables, cest--dire quils ne soit ni indignes ni europens mais
amricanistes. La question du modle suivre est pose par Pujol Vicente Fidel
Lpez en 1846 :
de la mme manire que le systme amricain indigne est inapplicable,
celui civilisateur progressiste lest aussi dans sa majeure partie. Dans un
sicle essentiellement de dveloppement intellectuel et matriel,
comment admettre les tendances grossires et rtrogrades ? Au contraire,
comment progresser lorsque limmense majorit supporte un retard qui
est sa condition vitale, son existence mme ? 935
Aprs cinq annes de rflexion, Lpez propose une solution conjuguant tradition
et modernit. Aprs avoir mis en exergue le modle familial, il imagine qu
terme Buenos Aires soit une Municipalit centrale avec des ramifications
934
935
237
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Chapitre III
V. F. Lpez J. Pujol, Montevideo, 7 et 8 janvier 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, pp. 14,
18-19.
937
AMFBJAD n 1215, journal, Buenos Aires, 21 juin 1832 ; AMFBJAD n 1715, sjour
Buenos Aires, janvier 1837.
938
Cf. AMFBJAD n 227, janvier 1840 et s.n.
939
Jos Carlos Chiaramonte crit que Ferr no da a esta ciudad el ttulo de la gran Capital, y
[] se opone a que lo sea ; CHIARAMONTE Jos Carlos, Ciudades, provincias, Estados :
orgenes de la Nacin Argentina (1800-1846), Buenos Aires, Ariel, 1997, p. 232.
940
Le voyage effectu en 1849 Montevideo a aussi pour objectif une reconnexion avec Buenos
Aires. En outre, cette date rien ne plaide en faveur dun changement de vision politique ;
AMFBJAD n 1639, Bonpland A. Demersay, Porto Alegre, 10 juin 1849 ; MNHN, ms 209,
journal de voyage, 1849-1850, 7 octobre 1849.
941
Bonpland voque la grande capital argentina in BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja,
24 juillet 1852.
238
Premire partie
Chapitre III
porteos nacceptent pas cette dfinition dun Etat-province au lieu dun Etatnation. Du mois de juin jusquau soulvement du 11 septembre 1852, un vent de
rvolte souffle sur la ville. Il est touff une premire fois en juillet par Urquiza
qui assume le gouvernement de la province et occupe la ville avec des troupes
correntinas et entrerrianas.
Bonpland, qui possde dautres informations, analyse les causes des
vnements de juillet en termes de luttes personnelles pour la prise du pouvoir et
non comme une raction collective. Son tonnement vis--vis de lchec prouv
par Urquiza dasseoir politiquement sa victoire militaire met en relief lcart entre
la reprsentation et les faits. A Corrientes et Asuncin au contraire on se mfie
depuis 1851 de la raction des porteos en cas de chute de Rosas, sachant
combien ils demeurent prts dfendre leurs intrts. Pour cela les accusations
portes au rgime sont exclusivement destines Rosas, en esprant ne pas
heurter la susceptibilit portea. Les prolongements envisags de lvnement
sont quant eux davantage reprsentatifs de la distance entre provinces et
nation 942 . Les pourparlers tenus trois mois plus tard entre Urquiza et Pujol
donnent parfaitement raison Bonpland lorsquil envisage une nouvelle scission
nationale et une ractivation de la guerre.
Certain quUrquiza serait accueilli comme un sauveur, il pense que le
mouvement porteo intervenu contre lui est soutenu par le gnral Paz. Sil ne se
trompe pas sur ce dernier point, Bonpland sillusionne vis--vis des manuvres
politiques diriges par Urquiza. En effet, le Franais croit que lEntrerriano
sapprte conclure une alliance avec Rivera et ignore tout des mouvements
insurrectionnels correntinos qui se prparent au mme moment, une partie des
troupes stationnes Buenos Aires prenant la direction de la province afin de
soutenir le retour au pouvoir des Virasoro 943 . Le soulvement du 11 septembre
1852 conduit dix annes de division du pays entre deux capitales, Buenos Aires
et Paran. Bonpland, observateur dsabus, fixe la sienne Santa Ana.
942
S. Derqui J. Pujol, Corrientes, 14 octobre et 13 novembre 1851, in PUJOL Juan, op. cit.,
tome 1, pp. 174, 194-195 ; cf. aussi la lettre du prsident paraguayen Derqui, date du 25
novembre 1851, in ibid., p. 209.
943
BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja, 24 juillet, 10 et 21 aot 1852.
239
Premire partie
Chapitre III
945
946
Car selon Vicente Fidel Lpez, cest la premire fois depuis 1810 que la force
militaire, le prestige personnel et les principes civilisateurs se trouvent runis.
Lpez expose ensuite les grands principes de cet amricanisme politique qui doit
constituer la base de l organisation nationale 947 argentine. La nation devient le
laboratoire o exprimenter les formules de la modernit sociale.
Lquation Urquiza-Virasoro savre rapidement insoluble. Celle propose
dans un premier temps par Aim Bonpland, fonde sur les incertains Urquiza et
Rivera, nest pas non plus idoine. Quant celle de Pujol, dabord marque par la
geste patriotique lorsquil crit en 1851 que la politique portea a entran la
sparation de la Bande orientale et du Prou 948 , il devient partisan dune politique
de rconciliation et dune solidification de lEtat argentin sappuyant sur une
lgitimit constitutionnelle fdrale ncessitant une diminution des ambitions
gographiques au profit dun plus grand nombre de variables sociales.
944
una Nacin que en pocos aos ser uno de los potentos del mundo por su riqueza y su
poder , in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 9.
945
Les gnraux Urquiza et Virasoro.
946
Si, pues, de los pueblos del Plata que tanto han empezando llamar la atencin de la Europa,
de esa Europa que ni nos comprende, ni puede comprendernos, surgieran dos entidades luminosas
que de un golpe presentaran realizado el gran programa de la Repblica democrtica, dndole por
eje el genio, la virtud y la fuerza [] ? , V. F. Lpez J. Pujol, Montevideo, 7 janvier 1852, in
PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 10.
947
Le terme employ dans lhistoriographie contemporaine est prdit ici avant quelle ne se ralise
dans les faits.
948
PUJOL Juan, op. cit., tome 1, p. 159.
240
Premire partie
Chapitre III
949
no queda otro vnculo la comunidad Argentina, que el de la tradicin y ella nada define ;
S. Derqui P. Alcantara Bellegarde, Corrientes, 15 octobre 1851, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2,
p. 169.
950
el mejor medio de unir los espritus es mostrarse generoso hacia sus enemigos , Pujol N.
Cceres, Corrientes, 6 octobre 1852, in ibid., p. 180.
951
J. Pujol B. Acosta, Curuz Cuati, 9 novembre 1852, in ibid., pp. 220-221.
952
AMFBJAD n 255, Bonpland G. Valds, Restauracin, 1er aot 1853 : Veo qe. la mayoria,
la parte mas sana del pueblo quiere la paz el sosiego [...] ; enfin dire mas veo mucha ambition
personal, mucho deseo de ganar dinero, sea como fuese, panica orden y bastante abandono ;
AMFBJAD n 1028, D. Roguin Bonpland, Montevideo, 1er avril 1855.
241
Premire partie
Chapitre III
954
La dfinition de la nation par les fleuves se rvle centrale pour Corrientes car elle
permet de garantir la libre-navigation, la reconnaissance de lindpendance du
Paraguay non souhaite par les Porteos tant tout autant indispensable car elle
offre une caution supplmentaire du respect de cette libert. La redfinition dune
identit argentine passe par le respect, au moins formel, de son voisin immdiat,
dautant plus que sils sont les artres, les grands fleuves sont aussi frontires de
la Msopotamie argentine.
La question de la libre-navigation est donc au centre de lquation
politique nationale 955 . A ce titre les fleuves sont les artres, les bases et les
frontires de la nation argentine. Il sagit pour acqurir cette libert de tout mettre
en uvre afin d exciter lesprit provincial 956 contre lesprit porteo. Ds la
paix signe en Uruguay, au dbut du mois doctobre 1851, le Correntino Derqui
demande un rglement immdiat de la question des fleuves, et ne veut surtout pas
que les exils porteos de Montevideo ajournent la question et finissent par
influer sur la dcision finale. Selon Derqui, le problme vient moins de Rosas que
des natifs de Buenos Aires desquels il se mfie, quils soutiennent Rosas ou
pas 957 .
Dailleurs, la rbellion portea du 11 septembre 1852 contre le nouveau
pouvoir lexclue du processus dorganisation nationale, replaant au centre les
seules provinces. Lpez anticipe une dfinition de la civilisation qui se dtache
953
242
Premire partie
Chapitre III
958
960
Sil ne reflte pas la ralit, ce modle mrite toutefois dtre mis en valeur dans
la mesure o la nation argentine nexiste pas 961 et dans la mesure o il est adopt
en 1854 par Urquiza qui accde alors la prsidence de la Confdration. Il ne
rsout en rien lquation entre province et patrie qui utilise les individus ou les
provinces sans tre en mesure den faire merger une entit spcifique ; elle se
complique en outre par lajout des variables transnationales.
958
V. F. Lpez J. Pujol, Montevideo, 30 juillet 1851, in PUJOL Juan, op. cit., tome 1, p. 155.
MYERS Jorge, La revolucin en las ideas : la generacin romntica de 1837 en la cultura y
en la poltica argentinas , in GOLDMAN Noem (dir.), Nueva historia argentina. Tomo III :
Revolucin, repblica, confederacin (1806-1852), Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1998,
p. 387.
960
Entre Ros y Corrientes, son llamadas reemplazar Buenos Aires con su influencia
civilizadora y de progreso, respecto de las dems Provincias [...] Buenos Aires ha envejecido
pronto, y decae por que ha abusado con exceso de sus propios elementos de fuerza y de riqueza ,
L. J. de la Pea J. Pujol, Paran, 15 octobre 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 196.
961
Cf. VELUT Sbastien, op. cit.. Lauteur prend pour cadre de sa dmonstration la nation
actuelle, ce qui a comme rsultat la position centrale de Buenos Aires. Mais au cours de la
premire moiti du XIXe sicle, des projets tout fait diffrents de la configuration politique
actuelle voient le jour.
959
243
Premire partie
Chapitre III
la
civilisation
rioplatense,
les
discours
associent
962
Premire partie
Chapitre III
963
964
245
Premire partie
Chapitre III
971
246
Premire partie
Chapitre III
qui se dveloppe en Argentine et qui, elle aussi, insiste sur ce sentiment. Cette
remarque est en outre adresse Pujol qui est attach ce terreau continental,
fondamental selon lui de lorganisation nationale 972 . Cependant, il est supposer
quil sagit moins dune dclaration de circonstance que de laboutissement du
discours sur le rle central de la capitale argentine. En effet, le discours du
Franais envers lArgentin peut tre lu au travers du prisme du sauveur, Bonpland
reportant sur le projet et la personne de Pujol ses reprsentations 973 .
Aim Bonpland se fait le propagandiste du gouverneur au Brsil par voie
de presse. Contrairement Louis Marceaux, il soutient les journaux La Opinin et
El Comercio, la lecture de ce dernier aux classes dirigeantes dUruguaiana
produisant des effets trs positifs en faveur de Pujol974 . Cest dans les pays voisins
que Pujol jouit de la plus grande popularit, si lon en croit les affirmations du
Franais. Bonpland constate qu So Borja, le gouverneur compte beaucoup de
partisans, dadmirateurs mme selon le mot employ par Bonpland, leveurs ou
officiers comme le colonel Osorio 975 , et de monsieurs distingus 976
dUruguaiana.
Jusque dans la capitale riograndense, Pujol dispose dune presse acquise
sa cause. En effet le pre Gay se met la disposition de Bonpland pour faire
connatre et vanter le travail du gouverneur de Corrientes. Le locataire de la cure
de So Borja se rend souvent Porto Alegre et vhicule les nouvelles favorables
que lui procure Bonpland dans le Correio do Sul alors sous la direction du major
Felipe de Oliveira Nery, parmi lesquelles la nouvelle de la rlection de Pujol au
poste de gouverneur que Gay transmet immdiatement Porto Alegre. Le mme
journal sert diffuser les lettres adresses par Bonpland ses interlocuteurs
brsiliens, par lintermdiaire de Jean-Pierre Gay ou par celui dun mdecin dont
le nom est orthographi Caldrea Fia par Gay 977 .
La propagande mene au Brsil favorise lintgration des Missions au sein
du territoire national. Si en octobre 1852, le gnral Cceres se rjouit de la
972
Premire partie
Chapitre III
faiblesse conomique brsilienne 978 , le travail men en partie par Bonpland doit
au contraire permettre une alliance dintrts entre les Brsiliens et les Argentins
afin de consolider la frontire conomique et dduquer les premiers. La
concession de terrains aux leveurs brsiliens est un moyen propre faire cesser
les incursions incontrles lintrieur du territoire argentin. Bonpland se fait le
fond de pouvoir de plusieurs Brsiliens dsireux de sinstaller dans la rgion des
Missions, ce quapprouve Pujol 979 . Les Brsiliens sont perus comme des
voisins , Bonpland esprant quils viennent peupler la province pour la
dvelopper, la rguler et ainsi viter le pillage et la destruction des yerbales 980 .
Les Missions deviennent un espace frontalier intgrant permettant Pujol
denvisager la cration dun axe dintrts conomiques Corrientes-ParaguayBrsil et redonnant un sens constitutionnel la logique transfrontalire.
Premire partie
Chapitre III
premires du bien commun selon Pujol 984 ralise au Paraguay depuis plusieurs
dcennies au prix de lisolement et de la dictature.
La fascination quexerce la province du Paraguay se transforme en
rpulsion vis--vis de lEtat paraguayen. Il nest pas question de juger de la
vracit de ce discours mais den relever les ambiguts politiques. Si Pujol insiste
auprs de Francisco Solano Lpez sur leurs affinits progressistes et civilisatrices,
cest pour mieux introduire la question fluviale 985 . Si Derqui insiste auprs des
Lpez sur le vulgaire, cest--dire le faible niveau de civilisation des peuples,
cest pour mieux introduire la question du rapprochement politique entre
dirigeants clairs 986 . Le discours interne Corrientes place les dirigeants
paraguayens au niveau de la barbarie. Les changes pistolaires entre le
gouverneur de Corrientes et ses envoys montrent tout le mpris quil existe vis-vis du Paraguay, les crits du gouvernement paraguayen tant jugs barbares 987 .
Quant au prsident Carlos Antonio Lpez, il est autant un homme dEtat que
moi un Turc , crit Derqui en 1851 la veille du choc des Titans auquel il
associe le Clown paraguayen 988 .
Aim Bonpland souhaite visiter cette civilisation dans lenfance qui, si elle
apparat aux yeux des Argentins culturellement arrire, savre toujours
potentiellement une corne dabondance. A ce titre la route du Paraguay souvre
progressivement au naturaliste linvitation du prsident Lpez 989 . Trois vapeurs
franais parviennent jusqu Asuncin en 1853, 1855 et 1857 990 . A ceux-ci
sajoute le navire Nord-Amricain Water Witch command par Thomas J. Page
qui propose Bonpland de laccompagner en novembre 1853 991 . Aprs plusieurs
984
249
Premire partie
Chapitre III
Ibid., p. 38. Bonpland explique les motifs qui lempchent de se rendre Asuncin en 1853,
mais nous ne savons pas pourquoi il ne profite pas du Flambeau en 1855 comme nous ignorons les
motifs pour lesquels il refuse les invitations antrieures du prsident Lpez. Lhypothse la plus
probable sappuie sur son engagement vis--vis de la province correntina et la mfiance
subsquente de Bonpland envers Lpez, les relations entre Corrientes et le Paraguay saggravant
en 1855. En outre, Bonpland est impliqu dans le projet de colonisation agricole de Corrientes
alors que dans le mme temps le Paraguay accueille les colons de la Nueva Burdeos.
993
Ibid., p. 81.
994
PUJOL Juan, op. cit., tome 6, p. 218.
995
Il manque au manuscrit dit plusieurs folios, la vision tant de ce fait parcellaire.
996
CONTRERAS ROQUE Julio Rafael, BOCCIA ROMAACH Alfredo, op. cit., pp. 69-74.
997
Ibid., pp. 90-92, 95-96, 99, 105.
998
Il crit propos de la famille Trigo, amie des Perichn : He encontrado en ellos una de esas
excelentes familias de espaoles de las que yo tan a menudo me he congratulado de hallar en todas
partes de la Amrica que he visitado, ya sea solo, ya en compaa del Seor Barn de Humboldt .
LUruguayen Antonio Nine y Reyes lui permet de rencontrer uno de los paraguayos
distinguidos nomm Vzquez, cit in ibid., pp. 82-83, 101. Il sagit probablement du ministre
des Affaires trangres Nicols Vzquez.
250
Premire partie
Chapitre III
1007
999
251
Premire partie
Chapitre III
En effet, laccueil est loin dtre enthousiaste si lon en croit Roguin qui reoit des
nouvelles lors du passage du Bisson Montevideo 1008 . Mais Bonpland sait que le
changement daccueil son gard est du la rancune du prsident Lpez fch de
navoir pu le convaincre de venir habiter au Paraguay 1009 en 1846. Cela
nempche pas au consul Brossard venu relever Brayer dtre trs bien reu en
fvrier 1858 1010 . Cela nempche pas non plus la poursuite dune grande hostilit
entre les Paraguayens et leurs voisins, la guerre des images dvalorisant le
rgime paraguayen annonant la guerre sanglante se dclarant en 1864.
1008
Premire partie
Chapitre III
1018
1013
BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja, 27 juillet 1851 : ayer tarde recivi de ntro amigo el
diario qe me mando el defensor de la independencia con fecha junio 21. [...] savemos qe se miente
mucho y con miras particulares. el abuso de la Prensa ha llegado su colmo y es muy triste .
1014
Bonpland Humboldt, Montevideo, 29 janvier 1854, cit in HAMY Jules Thodore Ernest,
op. cit., pp. 181-182.
1015
Bonpland J. Pujol, Santa Ana, 27 octobre 1854, cit in ibid., p. 191.
1016
BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja, 10 aot 1852 ; AMFBJAD n 255, Bonpland G.
Valds, Restauracin, 1er aot 1853. Rien nindique que le Franais ait t ce moment au courant
des intentions dalliance entre Corrientes et Buenos Aires. A propos du double-jeu de Pujol dans
cette affaire, cf. CASTELLO A. Emilio, op. cit., pp. 384-388. Lauteur juge rapidement lappui de
Pujol aux intrts mesquins de Buenos Aires contre Urquiza.
1017
AMFBJAD n 254, G. Valds Bonpland, Corrientes, 21 juillet 1853.
1018
AMFBJAD n 1028, D. Roguin Bonpland, Montevideo, 1er avril 1855.
253
Premire partie
Chapitre III
1019
1019
Ibid.
AMFBJAD n 1029, D. Roguin Bonpland, Montevideo, 20 fvrier 1857 ; AMFBJAD n
1536, Saunois Bonpland, Montevideo, 18 fvrier 1857.
1021
REYES ABADIE Washington, VASQUEZ ROMERO Andrs, Crnica general del Uruguay.
Tomo IV : El Estado Oriental, Montevideo, Ediciones de la Banda Oriental, 2000, pp. 387-407.
Les auteurs rappellent que llection de Pereira est accueillie Montevideo par les cris de Viva
el Presidente de la Repblica! Mueran los salvajos unitarios!
1022
Le gnral Urquiza pense que les courriers envoys par Bonpland Montevideo produiront un
effet bnfique ; AMFBJAD n 526, M. B. Bustamante Bonpland, Montevideo, 27 janvier 1856 ;
AMFBJAD n 228, Bonpland J. J. Urquiza, Concordia, 18 fvrier 1856 ; AMFBJAD n 232, J. J.
Urquiza Bonpland, Paran, 28 fvrier 1858.
1020
254
Premire partie
Chapitre III
1024
Jugeant que tot ou tard la france peut et doit rendre ces pays heureux et
tranquilles 1025 . Cette position imprialiste doit, partir de 1852, sadapter au
bouleversement politique qui permet au Ro de la Plata de saffirmer face
lEurope. Si lon sintresse aux points de vue des diffrents personnages en
1023
notre pays [] devrait sous tous les rapports donner limpulsion tous les autres ,
commente un Franais rsident Alegrete, cit in AMFBJAD n 1175, Chauvis Bonpland,
Alegrete. 17 fvrier 1850 ; le temps ne doit pas tre lomgt ou lon verra que Mss les Grands
travaillent serieusement a la pais (en faisant la guerre) commente un autre compatriote de
Bonpland, cit in AMFBJAD n 760, J. Paillot Bonpland, Uruguaiana, 18 avril 1851.
1024
AMFBJAD n 1640, Bonpland A. Demersay, 10 novembre 1851.
1025
Ibid.
255
Premire partie
Chapitre III
relation avec Bonpland, nous constatons que le cercle des proches fait preuve
dune incrdulit face lengouement europen pour le Ro de la Plata,
contrairement aux cercles des responsables locaux et des dcideurs europens.
1026
Chauvis ne se trompe pas car la geste transatlantique qui dbute avec lafflux
dmographique en provenance dEurope dplace la position politique de la France
dun rang vers un rle dans les discours comme dans les faits. Le rang, caractris
par une posture forte et immobile, se fissure au profit dun rle, dtermin par une
fonction rgulatrice devant sadapter une diplomatie de masse 1027 . Les faits
bouleversant la thorie, la question du nombre passe avant celle du modle.
Le 12 janvier 1854, la profession de foi adresse lEmpereur par
Bonpland limplore de manire plus pragmatique :
Puisse, Votre Majest, tendre ses bienfaits sur ces rgions {les bords du
Plata et de lUruguay} si riches par leurs productions, si bonnes habiter
et dans lesquelles le commerce franais trouve un dbouch si
avantageux lindustrie de notre Pays.
1028
AMFBJAD n 1175, Chauvis Bonpland, Alegrete, 17 fvrier 1850. Un an plus tard son
jugement est toujours le mme ; AMFBJAD n 561, Chauvis Bonpland, Alegrete, 25 fvrier
1851. Aprs cette lettre, plus aucune source nindique de correspondance entre les deux hommes
sans quil soit possible den tablir les causes. Il pourrait sagir dune rupture politique.
1027
Il ne sagit plus de se focaliser sur des cas prcis comme lors de laffaire Bacle mais de
soccuper des intrts de colonies entires. Le terme de rle implique une fonction dacteur et si
possible de bon acteur, capable de sadapter au thtre et de modifier son jeu. Plus quun rle, il
est question des rles de la France dans leur dimension politique, conomique, dmographique qui
en constituent la force civilisatrice.
1028
AMFBJAD n 338, Bonpland Napolon III, Montevideo, 12 janvier 1854.
256
Premire partie
Chapitre III
France intervient et sembourbe une fois de plus, nayant pas tir les leons de
lexprience rioplatense. La vision sadoucit au cours des annes 1850, du fait de
lattitude rciproque des Amricains et des Europens. Bonpland tire des premiers
des leons de patriotisme tandis quil comprend les limites des seconds. Son
implication un niveau diplomatique denvergure modifie son discours.
Par le biais de Lucien de Brayer qui se propose de faire parvenir ce courrier loccasion de
son retour en France.
1030
La culture bonapartiste favorise ce type de rapports, comme le met en valeur lhistoriographie
la suite de Ren Reymond.
257
Premire partie
Chapitre III
Depuis Santa Ana, ses rseaux transnationaux font de lui un relais relativement
stratgique entre les diffrents consuls. Sans aller jusqu affirmer quil est le
vice-consul officieux de la France Corrientes, ses relations avec les
reprsentants franais et europens permettent de mettre en vidence un
comportement diplomatique notable.
Aim Bonpland informe rgulirement les diplomates de Porto Alegre,
Paran et de Montevideo. Leurs demandes diffrent peu, Montevideo demeurant
toutefois le consulat privilgi du Franais avec lequel il tisse les liens les plus
solides. Bien quil dispose de relais au Rio Grande do Sul, Porto Alegre demeure
un point dancrage secondaire. A ce titre, les retards soufferts dans les
communications avec le Brsil sexpliquent par la disgrce du vice-consul et ami
Decazes 1031 . La peine de Bonpland reoit en cho les plaintes du nouveau viceconsul Porto Alegre, lequel insiste sur les ambiguts de la gestion de ses
prdcesseurs, qui preferaient se donner au commerce, plutot que de remplir
leurs delicates fonctions 1032 . A Montevideo, Dominique Roguin se plaint de
linactivit du consul Martin-Maillefer qui sest fait grand Lama, il est invisible
pour ceux qui ont affaire lui 1033 .
Cependant Lucien de Brayer fait lloge de Bonpland qui veut
lentendre 1034 en fvrier 1857. Ds son retour du Paraguay, le 1er avril,
Bonpland ne manque pas dinformer confidentiellement Martin-Maillefer 1035 avec
lequel il maintient des relations privilgies au mme titre que Lefebvre de
Bcourt. Celui-ci souhaitant de se renseigner auprs de Bonpland sur le trajet
suivre pour le Paraguay et sur ltat de la colonie de Corrientes 1036 . Lorsquen mai
1857 il sapprte partir Paris avant de rejoindre son nouveau poste Porto
Rico, il soffre comme intermdiaire entre Bonpland et Napolon III. Il lui
demande en outre de bien vouloir faire parvenir la demande de la grande
duchesse Stphanie de Bade une caisse de graines darbres du Paraguay 1037 .
1031
258
Premire partie
Chapitre III
1040
AMFBJAD n 311 et 314, F. von Glich Bonpland, Montevideo, 24 mars 1854 et Buenos
Aires, 10 dcembre 1855.
1039
Cf. AMFBJAD n 596, 597, correspondance entre Gore et Bonpland, Montevideo. 5 mars et
28 aot 1850 ; MNHN, ms 209, Bonpland R. Gore, Concordia, 8 mars 1854.
1040
Cit in FURET Franois, La Rvolution. De Turgot Jules Ferry. 1770-1880, Paris,
Hachette, 1988, p. 439.
259
Premire partie
Chapitre III
1041
La France ne pouvant agir seule, elle sappuie moindre chelle sur son
rseau rioplatense dont Bonpland est un lment mis contribution avec dautres
pour dvelopper la connaissance de cette rgion. Lintensification notable des
rapports entre Bonpland et le corps diplomatique franais et europen partir de
1856 peut sexpliquer par lacceptation, de la part du Franais, dune prsence
forte ne pouvant tre assume seulement par la France, ainsi que par la source de
renseignements quil reprsente.
A cet gard, le vice-consul de France Porto Alegre dOrnano, rcemment
arriv en mai 1855, demande de suite Bonpland de laider rdiger un rapport
sur les ressources du Rio Grande do Sul 1042 . Depuis Montevideo, lobligation de
passer par lEurope pour se dvelopper et pour se connecter avec le march
extrieur entrane lhabilitation des ports de Santa Ana et Los Higos 1043 de la part
des Rioplatenses. Le lieu quoccupe Bonpland devient en ce sens central pour
ceux-ci comme pour les Europens de lUruguay pour qui Bonpland est un point
dancrage important sur le fleuve. La situation gographique de Paran, o se
trouve Lefevbre de Bcourt, permet moins de connexions avec Santa Ana mais les
apports du naturaliste y sont aussi apprcis.
1041
Premire partie
Chapitre III
1853,
accompagne
par
des
lois
gouvernementales
favorisant
limmigration, a pour but de crer des colonies strictement agricoles, avec des
familles dau moins cinq personnes dont deux hommes occupant un terrain de 50
hectares. Mais cette tentative tatique ne peut se raliser au vu du peu de moyens
de lEtat pour soutenir le projet 1047 .
1044
[el] concurso universal [...] puede hacer conocer mejor nuestras riquezas naturales y nuestros
productos [...]y llamar asi la atencin de la Europa sobre esta regin todaba no bien conocida alli;
y que hasta ahora no se ha hecho clebre sino pr sus interminables guerras intestinas y pr las
carniceras inhumanas [...] de D. Juan Manuel Rosas , AMFBJAD n 87, J. Pujol Bonpland,
Corrientes, 24 mars 1856.
1045
A propos des envois Alger, cf. chapitre VI, p. 554 ; chapitre VII, p. 623 ; chapitre VIII, pp.
717-718.
1046
A Buenos Aires afluye una numerosa imigracin de todas partes, que da un aumento de
poblacin increible crit B. Noguera Bonpland in AMFBJAD n 739, Buenos Aires, 1er janvier
1851.
1047
Cf. KLEINPENNING Jan M. G., op. cit., pp. 175-176.
261
Premire partie
Chapitre III
1048
Le prototype de cette volont est personnifi par Carlos Antonio Lpez, garant de
lindpendance du Paraguay ; il fonde une colonie franaise recrute des techniciens trangers mais
refuse tout investissement financier ; cf. MORA Frank O., La poltica exterior del Paraguay
(1811-1989), Asuncin, Centro Paraguayo de Estudios Sociolgicos/Ediciones y arte editora,
1993, pp. 58-60.
1049
un poco de todo, hasta profesores de msica explique une ancienne habitante de Nueva
Burdeos cite in BORRINI Hectr Rben, Poblamiento y colonizacin en el Chaco paraguayo
(1850-1990), Cuadernos de Geohistoria regional n 32, Resistencia, Instituto de Investigaciones
Geohistricas/Conicet, 1997, pp. 16-17.
1050
Les causes de cet chec rsident dans linadquation entre les demandes des colons et les
offres du gouvernement paraguayen, les conditions climatiques inadaptes et la dception des
colons attirs par la promesse dun eldorado ; cf. TEXIER Roger, De Bordeaux en France la
Nueva Burdeos et Villa Hayes au Paraguay , in AMALRIC Jean-Pierre (dir.), Culture et modes
de sociabilit mridionaux, Paris, CTHS, 2007, pp. 86-97 ; RODRIGUEZ ALCALA Guido,
CAPDEVILLA Luc (prsentation), Une colonie franaise au Paraguay : la Nouvelle-Bordeaux,
Paris, LHarmattan, 2005.
1051
MEHATS Claude, Les Basques de France aux Amriques. XIXe et XXe sicles, thse de
doctorat dhistoire ralise sous la direction de Marc AGOSTINO, universit de Bordeaux III,
2005, p. 50. Son projet repose sur des fondements racistes, les Indiens et les mtis tant considrs
comme des freins au dveloppement.
1052
AMFBJAD n 739, B. Noguera Bonpland, Buenos Aires, 1er janvier 1851.
262
Premire partie
Chapitre III
1053
263
Premire partie
Chapitre III
prvaloir sur les intrts conomiques globaux mrite dtre dtache, car elle
soulve la question des priorits franaises.
La situation des Franais au Brsil est cependant moins prcaire que celle
quils connaissent en Uruguay et en Argentine. A ce titre, le trait de commerce
sign lors du rgne de Louis-Philippe entre le Brsil et la France doit selon
Bonpland servir de modle en ce qui concerne les biens des ressortissants qui
reviennent au pays dorigine en cas de dcs. La politique de Napolon III vis-vis des gouvernements amricains doit suivre cette voie selon Bonpland 1059 . Mais
les droits des Franais demeurent une question irrsolue tant au Brsil que dans
les pays hispaniques jusqu la mort du savant. En 1857, les Franais
dUruguaiana, Curuz Cuati et Corrientes prsentent une ptition aprs quun
compatriote ait signal Bonpland la mobilisation force des trangers Curuz
Cuati aux cts des gardes nationaux 1060 . La mme anne, les projets nationaux
uruguayens sordonnent aux dpens de ce pauvre peuple et surtout des trangers
que lon exploite de mieux en mieux 1061 . Le 1er avril 1861, un livret intitul
Rclamations franaises et anglaises contre le gouvernement oriental de
lUruguay est imprim Montevideo par J. A. Laferrire, dlgu des rclamants
franais
au nom de six cents familles franaises et anglaises demandant prompte
rparation ncessaire pour mettre un terme aux privations, la misre et
aux poignantes souffrances morales de ces martyrs de la spoliation, de
lemprisonnement arbitraire et du meurtre.
1062
Les dmarches effectues auprs du ministre des Affaires trangres restent sans
effet.
Dans lattente dune tude comparative de la colonisation europenne dans
le Ro de la Plata laube de la geste transatlantique, les exemples apports par les
sources de Bonpland permettent de mettre en relief la non rsolution de la
question des droits franais. Plus exactement, le rve franais dune intgration
privilgie achoppe contre le modle du creuset rioplatense.
1059
264
Premire partie
Chapitre III
1063
Premire partie
Chapitre III
1068
1066
A. Brougnes J. Pujol, Corrientes, 29 aot 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, pp. 99-101.
Ibid., pp. 92-96, 103. A propos des grands travaux dirrigation, Demersay crit en 1860 :
Tous ces rves sont ralisables, toutes ces utopies deviendront dans quelques sicles
dadmirables vrits, lorsque lEurope aura donn lAmrique ce qui lui manque, des colons, en
versant sur cette terre promise le trop-plein de ses populations industrielles. [] Fcondes par les
bras actifs de la vieille Europe , ces rgions doivent long terme connatre un dveloppement
gal lEurope ; DEMERSAY Alfred, Histoire physique, conomique et politique du Paraguay et
des tablissements des jsuites, Paris, Hachette, 1860, tome 1, pp. 135, 151-152.
1068
PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 10.
1069
A partir de 1852, limmigration europenne devient dans les faits aprs lavoir t dans le
discours lagent de civilisation ncessaire lArgentine ; cf. DEVOTO Fernando J., immigrants,
exils, rfugis, trangers : mots et notions pour le cas argentin (1854-1940) , in Emigration
politique : une perspective comparative, Italiens et Espagnols en Argentine et en France (XIXeXXe sicles), Paris, LHarmattan, 2001.
1070
Nanmoins la forte prsence dtrangers, particulirement Basques, permet au pays de
rapidement reconstituer des projets coloniaux.
1071
AMFBJAD n 1135, F. de Vasconcellos Bonpland, Rio Pardo, 20 dcembre 1849.
1067
266
Premire partie
Chapitre III
267
Premire partie
Chapitre III
Parmi ceux-ci il propose le recrutement de naturalistes et de mdecins ; cf. PUJOL Juan, op.
cit., tome 2, p. 120.
1079
Son salaire est fix 400 pesos-argent par mois, plus une prime de 4% sur la valeur des
difices construits ; cf. ibid., pp. 38-39.
1080
Luis de la Pea, alors ministre dUrquiza, propose Brougnes ddifier une colonie agricole
dans la province de Buenos Aires. La rvolte de celle-ci fait avorter le projet qui est ensuite repris
par Pujol ; cf. DJENDEREDJIAN Julio, BEARZOTTI Slcora, MARTIREN Juan Luis, Historia
del capitalismo agrario pampeano. Tomo 6 : Expansin agrcola y colonizacin en la segunda
mitad del siglo XIX, Buenos Aires, Universidad de Belgrano/Teseo, vol. 1, 2010, pp. 249-250.
1081
AGNBA, fondo Pedro Ferr, leg. 2, L. de la Pea P. Ferr, Buenos Aires, 3 janvier 1855.
268
Premire partie
Chapitre III
1082
Premire partie
Chapitre III
1093
Premire partie
Chapitre III
du mat qui se trouve seulement dans la rgion comprise entre le Paraguay, les
Missions, Corrientes et lUruguay. Cependant, les conditions climatiques
lincitent proposer dautres lieux anciennement peupls par les jsuites mais
situs plus au sud de San Javier car ils savrent plus aptes lacclimatation des
Europens 1095 .
Bien
qu
titre
individuel
il
poursuit
ses
entreprises
1097
Il sagit pour cela de bien les rcompenser pour leurs travaux et de les doter des
terres ncessaires leur subsistance ; Bonpland remarque que les terres de San
Javier offrent les pturages suffisants pour leur permettre de sy installer 1098
1095
A loccasion dune excursion La Cruz, Bonpland localise un lieu susceptible daccueillir des
immigrants. En effet, les Tres Cerros runissent les conditions favorables leur acclimatation,
savoir le climat propre la culture de crales europennes et locales ; les matriaux ncessaires
la construction des btiments ; enfin un march dcoulement de la production agricole
suffisamment vaste ; PUJOL Juan, op. cit., tome 6, p. 161. Un correspondant rsidant au Brsil
insiste sur labsence de facult dadaptation de certains Europens ; AMFBJAD n 446, D.
Apeceche Bonpland, Alegrete, 10 juillet 1852. Alfred Demersay fait part de lobstacle que
reprsentent les insectes pour limmigrant au milieu dune nature splendide, mais qui ne lui
laisse ni trve ni repos. , DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, p. 283.
1096
PUJOL Juan, op. cit., tome 7, p. 156.
1097
son de una buena ndole, trabajadores y que se han criado en los montes de yerba, donde
volveran gustosos , AMFBJAD n 82, Bonpland a J. Pujol, 13 janvier 1855.
1098
Bonpland a J. Pujol, 21 fvrier 1855, in PUJOL Juan, op. cit., tome 5, p. 34.
271
Premire partie
Chapitre III
La rpartition des terres est gographique alors que celle propose par
Brougnes est conomique, lide dune colonisation indigne des Missions quil
propose les confinant dans une activit pastorale, laissant aux Europens
lagriculture et lindustrie 1099 . Aussi, lorsquaprs lchec des premires colonies
Pujol lui confie son projet de repeuplement des Missions grce une immigration
dorigine europenne, en dcembre 1857 suite la proposition du Franais et
lui demande den dfinir les principes de direction et dadministration, Bonpland
privilgie le regroupement des indignes, en passant sous silence la possibilit
dune colonisation europenne 1100 . Il sappuie sur une main-duvre indigne
pour, crit-il, disposer des personnes connaissant bien lagriculture du pays et
pour tre, parmi toutes les classes sociales, celle qui travaille le mieux, le plus et
le plus durement 1101 .
Une
ralit
culturelle,
lintgration
amricanocentriste :
une
crolisation de fait
Une partie des dirigeants provinciaux soppose limmigration
massive 1102 car les cultures politiques divergent propos des droits et des devoirs
des colons. Sagit-il dun enrichissement du sol national ou dun dversoir de
misre ? Le parti dAuguste Brougnes dplore les manuvres du parti rosista
visant faire chouer le trait de colonisation approuv par Juan Pujol, au nom
dune xnophobie perptuant une grave erreur de lantique Mtropole
entranant dans cette belle rgion la dsolation, la misre, lesprit de
sauvagerie ; aussi espre-t-il la prsence de Pujol afin dinverser le cours des
vnements 1103 .
1099
272
Premire partie
Chapitre III
1105
Est-il considr
Comme important
De maintenir les
Liens avec la
Socit dominante ?
non
oui
INTEGRATION
ASSIMILATION
non
SEPARATION
MARGINALISATION
1104
273
Premire partie
Chapitre III
Source : BERRY J. W., SAM D., Acculturation and psychological adaptation , in BERRY J.
W., SEGALL M. H., KAGITCIBASI C. (d.), Handbook of Cross-cultural adaptation, Boston,
Allyn and Bacon, 1997, vol. 3, pp. 291-326.
A. Brougnes J. Pujol, Corrientes, 29 aot 1852, in PUJOL Juan, op. cit., tome 2, p. 99.
AGPC, Correspondencia official, tome 152, fs. 150-151, B. Lpez J. Pujol, Paran, 15
octobre 1856.
1110
AMFBJAD n 85, Bonpland J. Pujol, Restauracin, 20 mai 1855. Le contrat de colonisation
de 1853 prcise toutefois que les immigrants, sils peuvent exercer les fonctions administratives au
sein de la colonie, demeurent entirement soumis aux lois du pays. A ce propos, il rappelle que le
peuplement, outre quil doit se fondre dans le creuset argentin, doit rpondre lobjectif principal
du dveloppement conomique.
1109
274
Premire partie
Chapitre III
dans la colonie en octobre 1856 1111 , sans quil ne prenne aucune dcision.
Lassassinat du responsable des colons franais scelle la fin de lexprience dj
fortement compromise par une invasion de sauterelles venues du Paraguay. Les
checs de ces premires tentatives de colonisation sont le rsultat de
linadquation entre un modle et une ralit sociale.
A ce titre les checs collectifs, quils soient correntinos ou extraprovinciaux, ont les mmes causes que ceux prouvs par Bonpland. Juan
Antonio Oddone et Jan M. G. Kleinpenning rappellent les difficults des colonies
uruguayennes la mme poque, voquant le vagabondage du btail, le manque
de soutien du gouvernement, les faibles communications, le climat dfavorable, la
pauvret des sols et lattirance pour la ville des migrants1112 . Lavant-dernier point
nest pas vrifi Corrientes mais le dernier mis en valeur par lauteur est un
facteur dterminant, les Europens colonisant les villes atlantiques. Il sagit dun
point analyser afin de comprendre la typologie amricaniste rioplatense.
Le prsident Urquiza recommande Pujol de prendre un soin tout particulier pour accueillir
cette visite, un des motifs du voyage de Lefevbre de Bcourt tant de visiter la colonie des
franais ; AGPC, Correspondencia oficial, tome 152, fol. 156, B. Lpez, ministre des Affaires
trangres, J. Pujol, Paran, 17 octobre 1856 ; AGPC, Correspondencia oficial, tome 152, fol.
159, B. Lpez, ministre des Affaires trangres, J. Pujol, Paran, 18 octobre 1856.
1112
ODDONE Juan Antonio, La formacin del Uruguay moderno. La inmigracin y el desarrollo
econmico-social, Buenos Aires, Eudeba, 1966, pp. 16-29 ; KLEINPENNING Jan M. G., op. cit.,
pp. 196, 217-218.
275
Premire partie
Chapitre III
1114
Daprs SCOBIE James R., La lucha por la consolidacin de la nacionalidad argentina, 18521862, Buenos Aires, Hachette, 1964 ; PIVEL DEVOTO Juan E., Intentos de consolidacin
nacional, Montevideo, Medina, 1972-1973, 2 vol.
1114
de la mayor estima en todos los Gobiernos ilustrados de Europa y [] el nombre de V. E.
estaba universalmente admirado por todos los hombres sabios y sensatos, in PUJOL Juan, op.
cit., tome 7, p. 100.
1115
Ibid. ; Pujol peut tre compar au Brsilien Pimenta Bueno, amateur de littrature dconomie
politique franaise ; cf. DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, p. L-LI.
1116
era Francia madre de nuestra poca civilizacin, madre de todos nuestros progresos
intelectuales, era con sus hbitos y sus ideas un objeto de odio para los hombres que acompaaban
al tirano , in PUJOL Juan, Introduccin la historia de los partidos polticos de la Repblica
Argentina , in ibid., tome 1, p. 75.
1117
V. F. Lpez J. Pujol, Montevideo, 8 janvier 1852, in ibid., tome 2, p. 19.
276
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
C.
UNE
PENSEE
AMERICANISTE,
DE
LA
GESTE
1122
Premire partie
Chapitre III
On sait que lanalyse historique dune population ou dune culture est aussi un problme
smantique. [] Les origines trangres dun concept, comme les dcalages smantiques entre les
divers lieux o il est utilis, ouvrent une voie daccs privilgie la comprhension des transferts
culturels , note ESPAGNE Michel, op. cit., p. 5.
1127
VERDO Genevive, op. cit.
279
Premire partie
Chapitre III
confront partir de 1817 tordent son schma de pense sans le casser, son
discours propos des sauveurs dmontrant quil sadapte aux vnements sans
changer fondamentalement sa croyance en une entit capable de changer le cours
de lhistoire. Aussi, les changements dopinion quil opre vis--vis des acteurs
politiques transatlantiques tendent le conforter dans sa conviction quil existe
des individus capables de crer un consensus politique au Ro de la Plata. Au
dessus de ceux-ci Bonpland place une main invisible, la France, dont le rle est
dorienter les individus vers le meilleur modle politique.
Comme Stephen Bell lexplique pour le domaine conomique, nous
pensons que Bonpland est la recherche dun patron politique. En effet, il
privilgie les relations engages, ce qui explique leurs fluctuations dabord parce
quelles dpendent des hasards de la guerre, ensuite parce quelles se redfinissent
au gr de la mobilit politique de ses contemporains. A ce propos, les nombreux
transfuges influent sur les rseaux et donc les reprsentations de Bonpland. Ils
expliquent certaines ruptures, telle celle exprimente avec Pedro de Angelis,
chantre de Rivadavia puis de Rosas. Politiquement, beaucoup des acteurs
auxquels Bonpland est confront disparaissent ou reviennent au sein de son
horizon pistolaire au nom de principes politiques bien tablis.
Premire partie
Chapitre III
ce qui est le cas pour Humboldt et Bonpland lorsquils arrivent en Espagne avec
lide de rejoindre les savants de Bonaparte en Egypte. Le second dcouvreur de
lAmrique quest Humboldt ne fait pas mieux en matire de choix que le
premier, avec toutes les prcautions quimpose la question de la dcision de la
destination 1128 . Lopportunit de se rendre en Amrique est un concours de
circonstances obtenu par Humboldt, le Franais demeurant dans lombre pour des
raisons diplomatiques. Entre 1799 et 1804, leur voyage marque certainement
Bonpland autant que Humboldt, le tmoignage crit par le second ayant t vcu
par le premier. Or, celui-ci insiste sur la pntration des Lumires franaises au
sein du continent amricain. Cette exemplarit des ides, Bonpland la
certainement note et digre, avant de la rciter partir de 1804 dans un pays qui
devient un empire. Aussi, lorsque commence la geste indpendantiste en 1808 la
France est incarne par un homme, Napolon Ier, et par un modle, lEmpire,
centralis Paris et entour dEtats-satellites, soumis ou allis.
En 1808, Bonpland effectue sa premire demande pour faire rayonner
linfluence et rpandre les ides de la France en Amrique. Il nobtient pas
lautorisation de partir mais lintendance de Malmaison. Cette promotion peut tre
interprte de plusieurs faons et elle a probablement plusieurs causes, une de
celles-ci pouvant tre lie son projet amricain et perue comme un
remerciement. Aucune source ne prouve cette hypothse, mais elle demeure
envisageable puisque sa nomination la direction de Malmaison intervient aprs
que Bonpland ait tent en vain dintgrer les institutions scientifiques
franaises 1129 . Bonpland appelle de nouveau la France laide des Libertadores
en 1815, cette fois en proposant non plus une aide individuelle mais une
immigration qualitative. Le schma est moins politique mais dj plus social, la
pntration par capillarit tant privilgie.
Finalement le botaniste part en 1816 sans le soutien de son pays.
Cependant, il reste marqu par un patriotisme rigeant la France en modle
politique. Sagit-il alors du modle napolonien ou dun modle diffrent ? Quel
que soit lide quil se fait de lavenir des colonies espagnoles, la configuration
politique rioplatense et particulirement bonaerense loblige tordre rapidement
1128
Christophe Colomb a choisi la route atlantique en connaissance de cause. Humboldt profite lui
aussi du bon vouloir de la royaut espagnole en sachant quil saventure en terre inconnue, cest-dire quelle lui offre une mine de ressources naturelles dcouvrir.
1129
Les causes scientifiques sont analyses dans le chapitre IV.
281
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
1131
283
Premire partie
Chapitre III
deux hommes que leurs buts politiques opposent, Artigas tant fdraliste et
Rosas unitariste.
Mais Bonpland lit encore le Ro de la Plata lors de la premire moiti des
annes 1830 comme un voyageur, non comme un acteur. Il lit aussi la rgion
daprs le prisme indpendantiste, sans reconnatre encore la scission entre
fdralistes et unitaristes. Au cours de la seconde moiti de cette dcennie sa
reprsentation saffine, allant dune vision indpendantiste vers une vision
patriotique accompagnant lvolution des gestes susnommes. En 1837, sa
rencontre avec le gnral farrapo brsilien Joo Manoel de Lima e Silva quil
destine occuper une place de premier ordre dans lhistoire de la revolution de
lAmrique du Sud 1132 est un premier pas vers une lecture transnationale de
lAmrique, plus nuance bien que le prisme demeure continental.
En 1840 le panthon se modifie alors que la geste patriotique est
commence. A cet gard, il faut remarquer qualors quen 1804 Bonpland anticipe
depuis la France le rle venir de Bolvar, il ne peut le plus souvent que constater
a posteriori le rle des dirigeants politiques et militaires partir de 1838, ceux-ci
ayant prouv leur valeur lors des guerres dindpendance. Ainsi Lavalle et Rivera
prennent la place de Francia et Rosas. Si Lavalle est rapidement mis lcart,
Rivera demeure jusqu sa mort une rfrence pour Bonpland bien quil soit
conscient de son action motive avant tout par la dfense de la rpublique
uruguayenne. Prcisment, lindpendance de lUruguay reconnue par la France et
lappui que Rivera est susceptible dapporter la cause argentine amne un motif
supplmentaire de rapprochement, gal celui qui motive le rapprochement
davec les Riograndenses, les ambitions personnelles et les risques dimmiscions
dans les affaires argentines tant moins forts. Quant Paz, il napparat pas
comme un sauveur mais comme un ambitieux 1133 .
Pour quil y ait des sauveurs il faut quil existe des tyrans. LEspagne
lincarne avec Bolvar, Artigas et Rosas ne se voyant opposs quant eux aucune
antithse au dbut des annes 1830, la reprsentation indpendantiste dans
laquelle se situe Bonpland ne ncessitant pas encore de contre-modle. Il en va
1132
AMFBJAD n 1721, journal, So Borja, 8 juillet 1837. Sa prdiction ne se ralise pas, Lima
tant assassin So Borja le mois suivant.
1133
Labsence presque totale de Bonpland dans les mmoires de Paz peut tre explique par
lanimosit entre les deux hommes.
284
Premire partie
Chapitre III
1134
1135
1137
1134
285
Premire partie
Chapitre III
En effet, le systme mis en place par Juan Manuel de Rosas catalyse les
accusations de tyrannie de la part de tous ses adversaires. En 1846, Juan Pujol
laccuse de vouloir tuer tout germe de prosprit et de civilisation dans les
provinces, comparant ses uvres celles de lInquisition au XVe sicle 1139 . A la
veille de sa chute l humain dictateur 1140 qui redouble de violence 1141 , est
surnomm le grand amricain [] par les partisans de son exclusivisme
politique 1142 . Car il sagit bien dune guerre pour que simpose une pratique
politique amricaniste dont Pujol symbolise pour Bonpland le dernier exemple, le
Correntino transformant lamricanisme dfendu par Rosas en xnophobie antifranaise 1143 . Au niveau provincial comme au niveau national, le mythe de
lhomme providentiel qui nest que ltape devant prcder lavnement de
lEtat providence rconcilie donc les citoyens avec lide dun processus,
naturellement instable mais ncessaire, vers la civilisation. Lincarnation, la
reprsentation de la nation dans une personnalit est au cur du discours des
rioplatenses ds lindpendance. Le temps nomm des caudillos, succde et
parfois se mle aux projets monarchiques. Au niveau provincial comme au niveau
national, la figure du sauveur est la cl sans laquelle on ne peut comprendre
lhistoire de cette partie de lAmrique du Sud.
1140
286
Premire partie
Chapitre III
forment moins une pyramide quune structure difficile modliser pour le temps
et lespace voqus. Il sagit de tenter desquisser la figure la plus simple possible
daprs lexprience et le discours de Bonpland. L encore les grandes lignes des
reprsentations politiques du Franais ne se modifient pas, deux piliers en
constituant le socle, savoir lunit et le progrs.
Dans le cas de Buenos Aires au cours des annes 1830 comme dans le cas de Montevideo pour
les annes 1840 aucune proposition ne lui est faite, mais son statut lui permet de prtendre aux
plus hautes fonctions scientifiques.
287
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
1147
Premire partie
Chapitre III
France
Dirigeants rioplatenses
Missions
Provinces
Indiens
Colons
Croles
Nation
1149
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
vision est frquente parmi les Europens mais trois lments distinguent Bonpland
de la plupart des voyageurs. Dabord il valorise laction de certains dirigeants et
individus rioplatenses, lesquels ne sont pas systmatiquement mis en situation
dinfriorit vis--vis des modles europens. Ensuite il dveloppe une pense
indigniste plaant lIndien au centre du processus de civilisation, contrecourant de la grande majorit des lites europennes et amricaines. Enfin il pense
la nation comme une construction rsultant de laction conjugue de plusieurs
vecteurs de civilisation micro et macro-politiques, lInterior constituant le cur
de lentit nationale. Au total, laction conjugue de plusieurs idologies permet le
dveloppement dinteractions culturelles formant un amricanisme dcalant la
priphrie provinciale vers le centre national mais demeurant eurocentr.
293
Premire partie
Chapitre III
Premire partie
Chapitre III
CONCLUSION
Lidentit amricaniste se construit le long du Paran et de lUruguay
selon un processus de mtissage incluant plusieurs substrats. La micro-histoire
dAim Bonpland sinsre dans cette construction globale car elle en possde les
caractristiques. Les rseaux, les discours et les actes du Franais contiennent et
sappuient sur ces diffrents substrats, le prisme europen tant plus prgnant que
les autres. En effet, il privilgie un discours eurocentr linstar des autres
voyageurs mais leur diffrence, le botaniste devenu migrant intgre des rseaux
295
Premire partie
Chapitre III
296
CONCLUSION
1150
Jos Celestino Mutis (1732-1808) est un homme religieux, un mdecin et un botaniste andalou
qui propose deux reprises lorganisation dune expdition scientifique en Amrique avant que sa
proposition soit accepte en 1783 par Charles III. Il travaille dans lactuelle Colombie, o
Humboldt et Bonpland le rencontrent, jusqu sa mort. Parmi les travaux rcents le concernant, cf.
GONZALEZ BUENO Antonio, Jos Celestino Mutis (1732-1808). Naturaleza y arte en el Nuevo
Reyno de Granada. Edicin conmemorativa del II centenario, Madrid, Ministre des Affaires
trangres et de la Coopration/CSIC, 2008 ; GONZALEZ DE POSADA Francisco, Jos Celestino
Mutis, mdico, y la ciencia fundamental de su poca en Espaa, Santander, Real Academia de
Medicina de Cantabria, 2008.
Premire partie
Conclusion
1151
Premire partie
Conclusion
1153
Premire partie
Conclusion
1154
Parmi les travaux fondamentaux de cet historien, cf. hormis ceux dj cits Finanzas publicas
de las provincias del Litoral, 1821-1841 , in Anuario del IEHS, Tandil, Instituto de Estudios
Histrico-Sociales, Universidad Nacional del Centro de la Provincia de Buenos Aires, n1, 1986,
pp. 159-198 ; La formacin de los Estados nacionales en Iberoamrica , in Boletn del Instituto
Dr. E. Ravignani , Universidad de Buenos Aires, Troisime Srie, n 15, premier semestre
1997, pp.143-165 ; Ciudadana, soberana y representacin en la gnesis del Estado argentino ,
in SABATO Ricardo (dir.), Ciudadana potica y formacin de las naciones, Mexico, FCE, 1999,
pp. 94-116 ; El principio del consentimiento en la gestacin de las independencias bero y
norteamericanas , in Anuario IEHS, Tandil, Instituto de Estudios Histrico-Sociales, Universidad
Nacional del Centro de la Provincia de Buenos Aires, n 17, 2002, pp. 21-43.
300
Premire partie
Conclusion
Au sujet des thories avances par Humboldt concernant la Nouvelle-Espagne, cf. CERRUTI
Cdric, Alexandre de Humboldt et la Nouvelle-Espagne : reprsentation et interprtation dun
modle politique libral dans lAmrique ibrique, mmoire de matrise dhistoire ralis sous la
direction de Jacques SOLE, universit de Grenoble II, 1998.
301
Premire partie
Conclusion
1156
Nous employons le terme de systme-monde suite aux travaux dAndr Gunder Frank et
dImmanuel Wallerstein, lesquels mettent en avant les dpendances et les interconnections entre
centres et priphries. La distribution ingale du pouvoir politique et du dveloppement
revendique par ces thoriciens est critiquable mais les notions de centre et de priphrie
sappliquent convenablement la pense politique de Bonpland, lequel tente de mettre en pratique
la principale thorie formule par Humboldt dans son Essai politique, savoir la rduction des
carts entre centres et priphries. Pour les deux hommes, les carts de dveloppement sont
rductibles condition dimporter en Amrique le modle europen bien que Bonpland savre
nettement moins universaliste que le Prussien puisque son modle de rfrence est franais. De
plus, il tablit une hirarchie des nations nettement europocentriste alors quAlexandre de
Humboldt pense au contraire que la Nouvelle-Espagne peut devenir un nouveau centre politique
mondial au mme titre que les Etats-Unis, cette ide dun dplacement du centre du systmemonde semblant totalement impossible pour le Franais. A propos des thoriciens du systmemonde, cf. GUNDER FRANK Andr, Capitalisme et sous-dveloppement en Amrique Latine,
Paris, Maspro, 1968 et Le dveloppement du sous-dveloppement: Amrique Latine, Paris,
Maspro, 1970 ; WALLERSTEIN Immanuel, Le systme du monde du XVe sicle nos jours,
Paris, Flammarion, 1980-1984 (1974-1983), 2 vol. ; Luniversalisme europen : de la colonisation
au droit dingrence, Paris, Demopolis, 2008.
302
UNIVERSIT DE LA ROCHELLE
COLE DOCTORALE
Socits, cultures, changes
Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
THSE
prsente par :
Cdric CERRUTI
JURY
Jean-Paul DUVIOLS
Pilar GONZLEZ BERNALDO
Guy MARTINIRE
Didier POTON
Jacques SOL
Michel VAN-PRAT
Volume 2
DEUXIME PARTIE
DU LABORATOIRE NATURALISTE
EUROPEN AU TERRAIN
AMERICANISTE : LES PRIPHRIES DE
LHISTOIRE NATURELLE
INTRODUCTION
ULLOA Antonio de, JUAN Jorge, Relacin histrica del viaje hecho de orden de su Majestad
a la America Meridional, Madrid, Imprenta Real, 1749. Antonio de Ulloa (1716-1795) et Jorge
Juan (1713-1773) participent de 1735 1746 lexpdition franaise charge de mesurer le
mridien au niveau de lquateur dirige par Pierre Bouguer. Ulloa, qui est officier de marine,
participe ensuite la cration du jardin botanique espagnol et de lobservatoire astronomique de
Cadix. Il occupe la charge de gouverneur au Prou et en Louisiane, puis est charg du
commandement de la flotte en Nouvelle-Espagne. Il termine sa carrire en Espagne en tant que
lieutenant-gnral de la marine royale. Jorge Juan est lui aussi officier de marine et participe la
fondation de lobservatoire de Cadix. Spcialiste de la construction navale, il perfectionne la flotte
espagnole, fonde le Real Observatorio de la Armada et termine sa carrire comme chef descadre.
1158
Lanne 1859 peut tre un autre jalon puisquelle correspond aussi la mort dAlexandre de
Humboldt, le premier analyste et compilateur scientifique du continent amricain. Les annes
1859-1875 sont denses concernant lapparition de lamricanisme scientifique ; cf. PREVOST
URKIDI Nadia, Brasseur de Bourbourg et l'mergence de l'amricanisme scientifique en France
au XIXe sicle, thse de doctorat ralise sous la direction de Michel BERTRAND, Universit de
Toulouse II, 2007.
Deuxime partie
Introduction
scientifique qui recouvre ltude des mondes amricains partir des expditions
ilustradas se veut une histoire de la recherche amricaniste analyse dans sa phase
de gestation. Celle-ci nous semble commencer au milieu du XVIIIe sicle en
Espagne sous limpulsion des grands voyages dexploration et de mise en valeur
des colonies 1162 , dans la mesure o les instruments et les mthodes scientifiques
dploys permettent une tude encyclopdique du continent.
Il nous semble utile de donner cette priode un nom et un temps dfinis.
Le terme de pr-amricanisme nous semble assez bien reflter cette gestation car il
permet de contenir un certain nombre de thmes de recherche privilgis par les
scientifiques et les voyageurs du XVIIIe et de la premire moiti du XIXe sicles
mais qui sont par la suite relgus au second plan. Cest le cas de la botanique qui
est une science fondamentale 1163 au cours de cette priode dite de l
amricanisme scientifique mais qui disparat pourtant des proccupations de la
Socit fonde en 1896.
En outre, lemploi du terme de pr-amricanisme au lieu damricanisme
scientifique permet de lever lambigit qui pourrait laisser penser quavec lajout
1159
Deuxime partie
Introduction
Bien que ce terme ne permette pas de lever lambigit voque propos de lamricanisme
scientifique. En outre, lusage du terme de pr-amricanisme permet de dfinir la priode
prcdente comme tant celle du proto-amricanisme, caractrise par une approche
principalement thologique. Par opposition au discours naturaliste qui est fond sur ltude de la
physique du globe, on pourrait employer aussi le terme damricanisme mtaphysique en rfrence
la perception curieuse rassemble dans les cabinets de curiosit du Nouveau Monde.
1165
Le temps et lespace que nous tudions est encore un terrain de recherche en friche. Pour une
approche globale du transfert de la connaissance scientifique dEurope en Amrique, cf. PRIEGO
Natalia, LOZANO Sonia (coords.), Paradigmas, culturas y saberes. La transmisin del
conocimiento cientfico en Latinoamrica, Madrid, Francfort, Iberoamericana/Vervuert, 2007.
Concernant un exemple argentin contemporain, cf. KREIMER Pablo, Migration of Scientists and
the Building of a Laboratory in Argentina , in Science, Technology and Society, vol. 2, n 2, pp.
229-259.
308
Deuxime partie
Introduction
BASALLA George, The Spread of Western Science , in Science, 5 mai 1967, vol. 156, n
3775, pp. 611-622.
1167
Michel Van-Prat dfinit le centre de culture scientifique comme lensemble des lieux o la
science se faonne et sexpose ; Cf. VAN-PRAT Michel, Diversit des centres de culture
scientifique et spcificit des Muses , in ASTER, n 9, 1989, pp. 3-15.
309
Deuxime partie
Introduction
310
CHAPITRE IV
INTRODUCTION
En partant pour son premier voyage en Amrique, Aim Bonpland ne jouit
pas de laura dAlexandre de Humboldt. Le Prussien a dj publi plusieurs
travaux de sciences naturelles annonant ceux consacrs ltude physique du
globe alors que le Franais est un tudiant brillant mais sans notorit. Nanmoins,
son retour son travail botanique est reconnu autant par les institutions franaises
que par dillustres particuliers parmi lesquels figure limpratrice Josphine.
Celle-ci acquiert le chteau de Malmaison situ 20 kilomtres de Paris en 1799 ;
elle y dveloppe son got pour la botanique et trouve en Bonpland un interlocuteur
privilgi et un assistant zl. Nomm intendant du domaine en dcembre 1808,
les responsabilits du Charentais sont accrues aprs le divorce de Josphine,
Napolon lui cdant le chteau de Navarre1168 au mois de mars 1810. Aim
Bonpland cumule en outre les fonctions dadministrateur et de scientifique
1168
Deuxime partie
Chapitre IV
puisquil est charg de dcrire les plantes rares des deux domaines. Par cet
intermdiaire, il tente de se lier avec les milieux savants franais et europens
ainsi que de consolider une position scientifique recherche ds son retour
dAmrique en 1804 mais demeure jusqualors prcaire.
Cette double occupation scientifique et administrative constitue le socle de
linvestigation mene dans ce chapitre, sachant que ltat des sources se rvle
partiel. En effet, les manuscrits concernant les domaines de Malmaison et Navarre
ont t perdus ou disperss avant dtre incompltement reconstitus, laissant de
grands vides dans la documentation 1169 . De plus, peu de tmoignages crits de la
main du botaniste ou se rapportant ses travaux nous sont parvenus. Aussi dans la
plupart des cas ne peut-on peut mesurer ses projets et ses ambitions scientifiques
que grce aux sources secondaires. Dans ce cadre de recherche, il sagit
dapprcier la porte amricaniste du travail du botaniste. Existe-t-il, au sein du
milieu des sciences naturelles quil frquente, un terreau susceptible de favoriser
lmergence dune science autonome amricaniste comme cest le cas pour
lAfrique ? En effet, ds la fin du XVIIIe sicle lorientalisme revt en France un
caractre scientifique grce lexpdition de Bonaparte en Egypte. LInstitut
dEgypte qui est fond en 1798 marque la naissance dune science gocentre,
lgyptologie. Lafricanisme qui prolonge limprialisme scientifique inaugur en
1798 acquiert progressivement une autonomie scientifique partir du dernier quart
du XIXe sicle, au moment o lamricanisme merge lui aussi. Il sagit, pour
lAfrique, du rsultat de la politique scientifique mene par les rseaux coloniaux.
Le terreau africaniste est irrigu, tout au long du XIXe sicle, par lintrt
stratgique et imprialiste ainsi que par la diffusion des images et des enjeux
auprs du grand public 1170 .
Au dbut du XIXe sicle, le travail men par Bonpland MalmaisonNavarre sinscrit dans un moment spcifique de la constitution de la science
europenne qui, explique Michel Van-Prat 1171 , se construit depuis le XVe sicle
partir de linventaire des ressources naturelles du monde. Malmaison-Navarre est
1169
Deuxime partie
Chapitre IV
ce titre un centre de culture scientifique que lon peut qualifier de pionnier car il
est labor six ans seulement aprs la cration du centre de culture scientifique
quest le Musum national dHistoire naturelle, celui-ci donnant un contenant ce
projet dinventaire et permettant aussi de dvelopper de nouveaux outils et de
nouveaux objectifs pour les sciences naturelles centrs autour de la recherche et de
lenseignement. Nous nous rfrons la classification ralise par Michel VanPrat, celui-ci considrant le Musum dhistoire naturelle comme un sousensemble appartenant des centres de culture scientifique qui se distinguent
dans leur structure et leur contenu. Le contenu est dfini par lexposition, la
structure tant divise en muses, centres dexprimentation et galeries 1172 .
Fort de son exprience amricaine et de lexemple fourni par les
orientalistes, Bonpland mne-t-il ses travaux, consciemment ou non, de faon
permettre
lapparition
dune
nouvelle
science
gocentre
favorisant
Cf. VAN-PRAT Michel, Diversit des centres de culture scientifique et spcificit des
Muses , in ASTER, n 9, 1989, pp. 3-15.
1173
Nous utilisons le terme de laboratoire car Malmaison-Navarre est un centre dexprimentation,
dirig vers lacclimatation, dont les collections sont mises en scne dune manire musographique
innovante, principalement par la construction de serres qui cumulent elles-mmes les fonctions de
galeries, de muses et de laboratoires. Cette non distinction des fonctions nous parat
caractristique du problme identitaire de Malmaison-Navarre, comme nous lanalysons ensuite ;
elle fait aussi partie du moment historique de dfinition des centres de culture scientifique
postrvolutionnaires impliquant des conflits invitables : prrogatives des structures prives et des
313
Deuxime partie
Chapitre IV
Deuxime partie
Chapitre IV
1174
La plus ancienne est compose des savants qui naquirent vers le milieu du XVIIIe sicle.
Nous lappellerons la gnration de Laplace, qui lui-mme naquit en 1749. La gnration
intermdiaire correspond celle de Cuvier, n exactement vingt ans plus tard en 1769, et enfin la
plus jeune est contemporaine de la Rvolution franaise, et illustre par un homme comme Arago
n en 1787. ; DHOMBRES Nicole et Jean, op. cit., p.152.
1175
Pierre-Simon de Laplace (1749-1827) est un mathmaticien et astronome compar Newton. Il
commence sa carrire sous lAncien Rgime, adhre par esprit laque la Rvolution franaise
puis sloigne du pouvoir napolonien.
1176
Michel Adanson (1727-1806) est n Aix-en-Provence. Son pre lamne Paris ds lge de
deux ans. Il tudie dabord au collge du Plessis-Sorbonne, o il prend conscience de sa passion
pour les sciences naturelles. Il suit ensuite les cours dispenss particulirement par Ren-Antoine
de Raumur et Bernard de Jussieu au Jardin du roi et au Collge royal. En 1749, il abandonne ltat
ecclsiastique auquel il tait destin et le canonicat qui lui permettait de vivre et, avec un poste de
commis dans la Compagnie des Indes, il part pour le Sngal o il demeure pendant prs de cinq
ans. Adanson rapporte dimmenses collections de ce voyage, dont un herbier de plus de 30 000
chantillons, quil analyse et classifie avant de publier en 1757 une Histoire naturelle du Sngal.
Elu adjoint botaniste de lAcadmie des sciences en 1759, il y prsente la mme anne le plan de
son ouvrage Familles des plantes dit en 1763. Dans celui-ci, Adanson rejette les systmes de
classification botanique en usage et propose une mthode naturelle pour classer les familles de
plantes. Devenu associ botaniste en 1773, il propose en 1775 lAcadmie de rdiger une
Encyclopdie universelle embrassant toutes les sciences de la nature mais son projet nest pas
retenu. En 1782, il devient pensionnaire botaniste puis pensionnaire de la classe de botanique et
agriculture lors de la rorganisation de 1785. Il est promu chevalier de la Lgion dHonneur en
1801.
315
Deuxime partie
Chapitre IV
1177
Le premier groupe est donc form par Michel Adanson (1727-1806), Andr Michaux (17461802), Pierre Sonnerat (1748-1814), Ren Desfontaines (1750-1833), Franois Richard de Tussac
(1751-1837), Ambroise Palisot de Beauvois (1752-1820), Louis-Claude Marie Richard (17541821), Jean-Louis-Marie Poiret (1755-1834), Jacques Houtou de la Billardire, (1755-1834), Louis
Marie Aubert du Petit-Thouars, (1758-1831), Hippolyte Nectoux (1758-1836), Louis Bosc dAntic
(1759-1828). Le second groupe comprend Pierre Antoine Poiteau (1766-1854), Franois Andr
Michaux (1770-1855), Jean-Baptiste Leschenault de la Tour (1773-1826), Michel Etienne
Descourtilz (1775-1835), Pierre Jean Franois Turpin (1775-1840), Alyre Raffeneau-Delile (17781850), Auguste de Saint-Hilaire (1779-1853) et Charles Gaudichaud-Beaupr (1789-1854).
1178
LAcadmie des sciences prend le nom dInstitut de lan II 1816.
1179
Ambroise Palisot de Beauvois (1752-1820), avocat de formation, se tourne vers la botanique.
En 1786 il voyage en Afrique puis sinstalle Saint-Domingue do il senfuit en 1793, menac et
ruin par les rvoltes. Rfugi aux Etats-Unis, il entreprend des sjours parmi les Amrindiens qui
lui valent une place lAcadmie des sciences naturelles de Philadelphie. Ray de la liste des
proscrits, il rentre en France en 1798. En 1815, il devient membre du Conseil de lUniversit.
316
Deuxime partie
Chapitre IV
1181
En 1808, Mirbel est lu face ses ans Petit-Thouars et Poiret 1182 . De plus,
prcise la section de botanique lorsquelle prsente la liste des candidats, Candolle
bnficie de lanciennet vis--vis de Mirbel, ce qui nempche nullement
llection de ce dernier 1183 . Cest donc moins lanciennet que la pertinence des
travaux qui prime et ce titre les voyageurs-botanistes sont en recul car si 60%
dentre ceux forms sous lAncien Rgime deviennent acadmiciens, le tiers
seulement des voyageurs-botanistes de la gnration rvolutionnaire intgre la
prestigieuse institution 1184 .
Cependant, le sige obtenu en 1782 par Michel Adanson est purement
honorifique ; il accde en effet lAcadmie alors quil a cess dtre actif.
Sisolant de la communaut scientifique, il ne publie plus aprs son lection
1180
Deuxime partie
Chapitre IV
intervenue alors quil est g de 55 ans. Quant Richard, galement loign de ses
confrres, il intgre lInstitut assez jeune il a 41 ans en mme temps que
lEcole de mdecine nouvellement cre. Professeur actif, il ne publie pourtant pas
ses rsultats. Fortement du aprs plusieurs annes pniblement accomplies dans
les colonies amricaines, aucun ddommagement ne lui tant accord malgr les
promesses royales 1185 , son lection apparat comme une compensation. Car bien
que botaniste, ce sont ses travaux annexes qui lui permettent dintgrer la section
danatomie et zoologie. Nayant rien fait paratre avant son lection, cest
[p]ress par ses amis quil rdige ensuite quelques mmoires sur diverses
familles de plantes, qui annoncent le talent suprieur 1186 mais ne donnent pas
matire un ouvrage.
Il en va autrement pour les trois voyageurs-botanistes forms aprs la
Rvolution. Pierre Jean Franois Turpin, Auguste de Saint-Hilaire et Charles
Gaudichaud-Beaupr lus respectivement lge de 58, 51 et 48 ans, demeurent
actifs. Saint-Hilaire poursuit ses travaux et sa carrire puisque aprs lAcadmie, il
rejoint le Musum et luniversit de la Sorbonne. Gaudichaud-Beaupr poursuit
quant lui ses travaux et les publications de ses voyages. Mais tous ont mis
profit leurs expditions lorsquils sont admis au sein de lAcadmie, ce qui nest
pas le cas de leurs ans. Hormis Richard et Petit-Thouars, lequel publie ses
rsultats avant daccder lAcadmie, les autres empruntent le chemin inverse.
Palisot de Beauvois, aprs avoir effectu un voyage en Afrique et aux Antilles,
prolonge son sjour aux Etats-Unis pour des raisons politiques 1187 et Labillardire
parcourt le Proche-Orient et lOcanie avant daccompagner Bonaparte en Italie.
Tous deux sont lus avant de publier leurs rsultats scientifiques 1188 .
1185
Richard part en 1781 pour diriger ltablissement botanique de La Gabrielle en Guyane, mais le
gouverneur lui en refuse laccs malgr les recommandations royales. Il semble que le gouverneur
et son entourage aient voulu se rserver le monopole des profits de La Gabrielle, cet tablissement
tant relativement dlaiss par le roi qui nen possde pas la pleine proprit. Il parvient y
accder en 1785 seulement. Richard revient au printemps 1789 en France mais la mort de Buffon,
les vnements politiques et des critiques sur sa gestion lempchent de faire valoir ses droits ; cf.
TOUCHET Julien, Botanique & colonisation en Guyane franaise (1720-1848). Le jardin de
Danades, Matoury, Ibis Rouge, 2004, pp. 165-168, 182-189.
1186
Extrait de lloge prononc par M. de Jussieu le 18 juin 1821, in Journal des savans, juin
1821, p. 380.
1187
En 1793, alors quil quitte Saint-Domingue ruin par les rvoltes, il apprend quil est sur la
liste des proscrits. Il doit attendre 1798 pour tre autoris revenir en France.
1188
Labillardire publie en 1799 sa relation de voyage la recherche de Laprouse ; louvrage
connat un succs retentissant. Elu en 1800, la flore australienne ne commence paratre quen
1804.
318
Deuxime partie
Chapitre IV
DROUIN Jean-Marc, Collecte, observation et classification chez Ren Desfontaines (17501833) , in BLANCKAERT Claude, COHEN Claudine, CORSI Pietro, FISCHER Jean-Louis
(coord.), Le Musum au premier sicle de son histoire, Paris, MNHN, 1997, p. 266. LouisGuillaume Lemonnier (1713-1799) est professeur de botanique au Jardin du roi, mdecin de Louis
XV puis de Louis XVI.
1190
DESFONTAINES Ren Louiche, Flora Atlantica, sive Historia plantarum, quae in Atlante,
agro tunetano et algeriensi crescunt, Paris, A. Blanchon, 1798-1800, 2 vol.
1191
DROUIN Jean-Marc, op. cit., p. 266.
319
Deuxime partie
Chapitre IV
entrant lAcadmie sont donc plus homognes. Ils suivent un schma nettement
plus lisible puisque le voyage constitue un vritable point de dpart et ldition de
travaux ltape intermdiaire avant laccession acadmique.
Quen est-il de ceux qui, comme Bonpland, naccdent pas cette
institution ? Ils peuvent se diviser en trois catgories : les enseignants-chercheurs,
les voyageurs et les jardiniers. Les premiers effectuent une carrire honorable ;
dabord Poiret lEcole centrale de lAisne, ensuite Raffeneau-Delile
luniversit de Montpellier et enfin Descourtilz en tant que fondateur du Lyce
colonial de Port-au-Prince puis prsident de la socit linnenne. Les seconds font
carrire dans le voyage de long cours ; Andr Michaux meurt au cours de son
troisime voyage, Leschenault de la Tour peu aprs son retour dune troisime
expdition tandis que Sonnerat choisit de sinstaller Pondichry aprs deux
voyages en Nouvelle-Guine puis en Chine. Lmigration de ce dernier nest pas
sans rappeler celle de Bonpland.
Nanmoins, la voie suivie par les jardiniers est plus instructive. En effet,
alors que Tussac et Nectoux dirigent des jardins botaniques puis cessent leur
activit,
Franois-Andr
Michaux
et
Poiteau
terminent
leur
carrire
1192
320
Deuxime partie
Chapitre IV
1195
Bonpland O. Gallocheau, s. l., 6 juillet 1814, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
64.
1196
1197
321
Deuxime partie
Chapitre IV
prouver que le voyage favorise la carrire, sans tre pour autant un facteur
privilgiant. En effet, au cours de la priode tudie dix voyageurs-botanistes
contre treize botanistes sdentaires accdent lAcadmie. Cette proportion,
bien quassez quilibre, nest pas en faveur des voyageurs. Lge non plus ne leur
est pas profitable puisque les botanistes sont lus en moyenne 48 ans. L encore
la diffrence nest pas significative ; mais ces deux donnes confirment
lhypothse selon laquelle le voyage de long cours nest pas un stimulateur de
carrire.
Les carrires des voyageurs-botanistes de la gnration de Bonpland
confirment que le voyage est moins un stimulateur quune tape de leur carrire.
En effet, tous lexception de Saint-Hilaire1198 effectuent plusieurs missions
malgr parfois lexistence de postes honorables en France. Les voyages de
Poiteau, Michaux et Leschenault de la Tour doivent tre regards comme des
promotions professionnelles. Trois dentre eux accdent lAcadmie des
sciences, savoir Turpin, Saint-Hilaire et Gaudichaud-Beaupr. Les destins des
autres sont variables : Poiteau termine sa carrire comme jardinier en chef au
chteau de Fontainebleau, Michaux comme directeur de Socit centrale
dagriculture, Leschenault de la Tour comme voyageur-naturaliste, Descourtilz
comme mdecin et prsident de la Socit linnenne de Paris, Raffeneau-Delile
comme professeur dhistoire naturelle Montpellier. Aucune nomenclature nest
dductible de ces parcours, hormis lappartenance commune de ces voyageursbotanistes des institutions scientifiques leur procurant prestige et revenu stable.
En outre aucun nest victime de la Restauration. Au contraire, nombre dentre eux
connaissent un regain dactivit professionnelle avec celle-ci.
Le voyage ne permet pas dimpulser la carrire dautant quil est parfois le
rsultat dun parcours, une promotion et non son commencement. Les espoirs mis
par Bonpland en 1805 quant un nouveau voyage 1199 sont rvlateurs de la place
minente tenue par la mission scientifique dans la carrire. Cette place est
courante pour la gnration antrieure celle de Bonpland. Le fait quil effectue
sa demande avant davoir rien class tend prouver quil privilgie le voyage par
1198
Deuxime partie
Chapitre IV
1200
1201
323
Deuxime partie
Chapitre IV
1204
Andr Thouin (1747-1824), agronome, il succde son pre en 1764 au poste de jardinier en
chef du Jardin du roi. Nomm professeur dagriculture et de culture des jardins au Musum en
1794, il devient ensuite membre de lAcadmie des sciences.
1205
TOUCHET Julien, op. cit., pp. 191, 199, 201, 260-262, 279-283.
1206
Dabord en poste Saint-Domingue, Malouet (1740-1814) est charg entre 1776 et 1778 de
dresser un plan de dveloppement de la Guyane et den consolider la frontire conteste avec le
Brsil. Il se prononce pour une exploration et une exploitation intensive des ressources quil
prsume fortes, abandonnant le projet dun jardin botanique non apte selon lui regrouper dans un
mme lieu des vgtaux issus de sols trs diffrents. Dans le domaine agraire il prne aussi le
desschement de certaines zones ainsi que llevage intensif des bovins. Concernant les moyens
humains, Malouet propose un retour des jsuites et la cration dune chambre conomique ayant
pour but damener de France savoirs et savoir-faire. Il envisage enfin, titre priv, de crer une
socit pour la mise en culture des terres basses avec le comte de Broglie ; MALOUET PierreVictor, Mmoires de Malouet, publis par son petit-fils le baron de Malouet, Paris, Plon, 1874
(1868), tome 2, pp. 288-289, 391-392, 397-402, 410-414 ; TOUCHET Julien, op. cit., pp. 37-38,
105, 148-150.
324
Deuxime partie
Chapitre IV
Domingue 1207 . Rentr en France aprs lamnistie, il est protg par Napolon qui
le nomme commissaire gnral de la Marine Anvers et participe de 1804 1808
aux Archives littraires de lEurope, revue littraire europenne autour de laquelle
gravitent les Humboldt 1208 . En outre, Alexandre de Humboldt tant aux cts du
roi de Prusse lors du retour de Louis XVIII Paris, peut-tre a-t-il recommand
Bonpland. Quant Josphine de Beauharnais, aucune source nindique quelle ait
eu des relations permettant Malouet de faire la connaissance de Bonpland. L
encore, une hypothse seulement peut tre mise propos des proches de
limpratrice attachs aux colonies amricaines. Sachant quen 1814 Malouet est
lev jusquaux nues par les Colons et leurs Adhrens 1209 , peut-tre existe-t-il
des connexions entre les colons proches des Beauharnais et Malouet leur
permettant de proposer Bonpland.
Il est avr quen accdant au ministre de la Marine et des Colonies,
Malouet entend reprendre Saint-Domingue 1210 . Les colonies amricaines sont
quant elles une proccupation majeure du ministre qui na pas pu raliser ses
projets publics et privs en Guyane prs de quarante ans auparavant. Il pourrait
sagir pour Bonpland de remplacer Joseph Martin la tte des jardins botaniques
guyanais afin de leur donner une vritable impulsion puisquils vgtent depuis 24
ans. En outre, le Rochelais possde latout de pouvoir la fois cumuler les postes
de botaniste et administrateur des diffrents domaines, comme il la fait
Malmaison pendant plus de cinq ans. Il est aussi un spcialiste de la flore
amricaine et, qualit trs apprciable pour Malouet, il nest pas seulement un
thoricien mais surtout un praticien en bon lve de Thouin. Ayant aussi eu
soccuper de la mnagerie de Josphine, Bonpland rpond en tous points aux vues
mises par Malouet pour le dveloppement de la Guyane.
1207
SHAW Matthew J., Emigration, Abolition and the Atlantic World in the Revolutionary Era ,
in The Electronic British Library Journal [en ligne], article 3, 2003. URL :
http://www.bl.uk/collections/eblj/2003/article3.html.
1208
Cette revue a pour but de renforcer la suprmatie de la civilisation franaise au sein de
lEmpire ; cf. CHAPPEY Jean-Luc, Les Archives littraires de lEurope (1804-1808) , in La
Rvolution franaise [En ligne], Dire et faire lEurope la fin du XVIIIe sicle, juin 2011. URL :
http://lrf.revues.org/index284.html.
1209
VASTEY Pompe-Valentin de, Notes M. le baron de V.P. Malouet, : ministre de la Marine
et des colonies, de sa Majest Louis XVIII, et ancien administrateur des colonies et de la Marine,
ex-colon de Saint-Domingue, etc. en rfutation de 4me volume de son ouvrage, intitul:
Collection de mmoires sur les colonies, et particulirement sur Saint-Domingue, etc., publi en
lan X. Par M. le baron de J.L. Vastey, secrtaire du Roi, membre du Conseil prive de Sa Majest
Henry Ier, Cap-Henry, P. Roux, octobre 1814, p. III.
1210
Ibid.
325
Deuxime partie
Chapitre IV
1211
Julien Touchet a retrouv une correspondance entre Martin et Thouin prouvant leur proximit
jusqu linvasion portugaise de la Guyane, en 1809 ; cf. TOUCHET Julien, op. cit., pp. 52, 164.
1212
BASALLA George, op. cit.
1213
Cest le cas pour la Guyane et pour Alger, lautre colonie franaise qui se dveloppe au cours
de la premire partie du XIXe sicle. Cest aussi ce qui est demand Bonpland Buenos Aires.
Cet aspect est nanmoins peu tudi en France. Les rapports entre le Musum de Paris et ses
priphries sont par exemple quasiment absents de louvrage fondamental propos du Musum au
premier sicle de son histoire, op. cit., hormis la recherche de Marie-Nolle Bourguet sur le
voyage scientifique dont il est question ci-dessous.
326
Deuxime partie
Chapitre IV
lieu une dcentralisation des moyens qui permette la fin de la concentration des
fonctions 1214 .
Aprs le congrs de Vienne, une expdition en partance pour la Guyane est
de nouveau annule. Faute de sources son sujet il nest pas possible de savoir si
elle comportait un scientifique charg dune mission spcifique, ce qui aurait
permis de prciser celle propose Bonpland dans lhypothse o, en 1816, un
remplaant lui aurait t trouv. Finalement, en aot 1817 lexpdition quitte la
France 1215 sans avoir son bord de naturaliste. Sur place, Beul est mentionn
comme successeur de Martin La Gabrielle et Banon Baduel sans
quapparemment ils aient t mandats par le gouvernement franais1216 . Cest
finalement Poiteau, autre disciple de Thouin et autre spcialiste des plantes
tropicales celles de Saint-Domingue qui est recrut en 1819 afin de superviser
la mise en culture des habitations royales. Il ne revient en France en 1823 que
contraint et forc, lingnieur maritime Demonteil partant en 1819 avec lui pour
examiner et mettre en valeur les bois guyanais 1217 . Les missions scientifiques
priphriques sont, daprs les parcours exposs, valorises et apprcies par les
botanistes car elles leur permettent de multiplier les dcouvertes ainsi que de
matriser une grande partie du processus de recherche depuis la collecte jusqu la
publication dans tous les cas, en plus de la gestion du laboratoire dont ils ont la
charge dans certains cas.
Deuxime partie
Chapitre IV
lui et par la majorit des voyageurs comme un atout dans la carrire. Cependant
une fois de retour au centre en 1804 les profits escompts savrent difficiles
obtenir, Bonpland devant les partager avec Humboldt. Loin du pangyrique
encensant le voyageur hroque que nous retranscrivons ci-dessous, les fruits du
priple sont doux-amers pour Bonpland comme pour dautres. Ce nest pas le cas
de son compagnon de voyage lequel, afin dintgrer le milieu scientifique, mne
une vritable course et conseille Bonpland de faire de mme 1218 . Certes,
Alexandre de Humboldt est reconnu juste titre comme un pre fondateur de la
science moderne et ses publications amricaines rvolutionnent lapprhension de
la nature et des hommes 1219 . Mais en 1805 Bonpland le surpasse dans le domaine
botanique et prend en charge la rdaction de cette partie. Il peut tre considr
comme un des meilleurs spcialistes de son poque relativement ce travail long
et pnible, comme en tmoigne son compagnon de voyage :
Parmi les diffrents travaux auxquels nous avons cru devoir nous livrer,
les recherches botaniques ont t de celles dont nous nous sommes
occups avec le plus dassiduit. [...] Quoique les Plantes quinoxiales,
comme tous les travaux de notre expdition, portent le nom de Bonpland
et le mien, il sen faut de beaucoup que les deux signataires aient eu part
gale cet ouvrage. M. Bonpland ne la pas seulement rdig lui seul
daprs nos manuscrits, mais cest lui aussi quest due la plus grande
partie de ce travail botanique [...]; nous avons herboris ensemble
pendant plus de six ans, les plantes ont t recueillies par nous deux, mais
peine un neuvime a t dcrit par moi. Cest M. Bonpland qui, au
milieu des fatigues du voyage et souvent aux dpens de son sommeil, a
prpar et sch lui seul prs de soixante mille chantillons de plantes [...]
Si un jour mon entreprise est regarde comme intressante pour le
progrs de la botanique, ce succs devra tre attribu au zle actif de M.
Bonpland. Plus la reconnaissance quil ma inspire est grande, plus je
me plais lui rendre la justice qui lui est due
1218
1220
Deuxime partie
Chapitre IV
conclut Humboldt dans sa prface aux Plantes quinoxiales et, joignant le geste
la parole, il dclare en 1805 cder les bnfices de louvrage son ami ainsi que la
moiti de ce que rapporte le reste des publications 1221 .
Or, plus aucune trace de ce pcule nest mentionn ultrieurement. En
1818, ldition franaise cote 180 000 francs Humboldt 1222 . Le roi de Prusse
subventionne son sujet hauteur de plusieurs centaines de milliers de francs pour
ldition allemande. Les esprances de Bonpland sont dues mais leur retour
cest Humboldt qui tente de trouver un poste rmunr pour lui et qui obtient
rapidement de la part du gouvernement franais le versement dune pension de
3 000 francs en sa faveur 1223 .
Lhommage moral 1224 et matriel est loin dtre superflu tant donn dune
part les besoins pcuniaires du Rochelais, dautre part la monopolisation de la
gloire par linfatigable baron de Humboldt. Car ds avant leur dpart, Bonpland
est relgu au second plan. Ce nest pas par ignorance que la Cour espagnole le
considre en 1799 comme un second rle 1225 puisque durant le voyage, cest le
nom de Humboldt qui est le plus souvent cit par les scientifiques franais lorsque
des nouvelles et du matriel leur parviennent 1226 . Dans sa course aux honneurs, le
Prussien parvient tre lu correspondant de la section de physique de lInstitut le
6 fvrier 1804 mais choue au poste dassoci tranger derrire le chimiste Martin
Heinrich Klaproth le 18 juin de la mme anne. A cette date, les deux voyageurs
nont pourtant pas encore abord les ctes franaises 1227 .
A leur retour, les loges sadressent encore principalement Humboldt ;
lheureux retour de cet illustre voyageur est clbr Bordeaux et Paris par
1221
Bonpland espre percevoir au moins 40 000 francs ; Bonpland Gallocheau, Paris, 18 mars
1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 16.
1222
Humboldt A. P. de Candolle, Paris, 10 avril 1818, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
Lettres amricaines dAlexandre de Humboldt (1798-1807). Prcdes dune notice de J.C.
Delamtherie et suivies dun choix de documents en partie indits, Paris, Guilmoto, 1905, p. 276.
1223
Humboldt aux professeurs administrateurs du Musum, Paris, 18 dcembre 1804 ; Humboldt
Karsten, Paris, 10 mars 1805, cit in ibid., pp.176, 187 ; HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, p.
XXVII.
1224
Que nous jugeons utile de reproduire ici dans son intgralit en raison de la raret du genre et
en ce quil dcrit exactement le travail de Bonpland.
1225
Cf. les commentaires de Miguel Angel Puig-Samper et Sandra Rebok reproduits lors du
chapitre V, p. 466n.
1226
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3, 29
brumaire, 9 pluvise et 8 prairial an 12, pp. 27, 57, 98.
1227
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3,
pluvise et 29 prairial an 12, pp. 62,104-105.
329
Deuxime partie
Chapitre IV
Ainsi aprs leur arrive Bordeaux, on peut lire dans la presse locale: Il y a environ six ans
quun seigneur prussien nomm Humboldt passa au Prou pour y faire des recherches sur lhistoire
naturelle. [...] Il vient maintenant de les terminer et a pass ici il y a quelques jours pour se rendre
Paris avec de superbes recueils de tous genres, produit de ses pnibles et rares travaux. Il va en
publier le rsultat, et le monde savant attend des choses prcieuses sur un pays curieux et peu
connu des Europens. ; cf. Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie
des sciences, tome 3, 25 thermidor an 12 et 9 vendmiaire an 13, pp. 117, 136.
1229
Bonpland M. et Mme Gallocheau, Paris, 12 novembre 1804, cit in HAMY Thodore Jules
Ernest, op. cit., p. 12.
1230
CUVIER Georges, Description des os du megatherium, faite en montant le squelette, par D.
Jean-Baptiste Bru, traduite par M. Bonpland, et abrge , in Annales du Musum national
dHistoire naturelle, vol. 5, 1804, pp. 387-400. Il sagit de la seconde partie de larticle du mme
auteur intitul Sur le megatherium, autre animal de la famille des Paresseux, mais de la taille du
Rhinocros, dont un squelette fossile presque complet est conserv au cabinet royal dhistoire
naturelle Madrid , pp. 376-400.
1231
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3, 28
prairial an 13, p. 222.
1232
HUMBOLDT Alexandre de, Essai sur la gographie des plantes ; accompagn dun tableau
physique des rgions quinoxiales, fond sur des mesures excutes, depuis le dixime degr de
latitude borale jusquau dixime degr de latitude australe, pendant les annes 1799, 1800, 1801,
1802 et 1803, Paris, Levrault, Schoell et Cie, 1805.
1233
Cf. KNIGHT David Marcus, Travels and science in Brazil , in Histria, Cincias, Sade,
vol. 8 (supplment), 2001, pp. 809-822. Cette volution est dj analyse depuis le XVIe sicle in
DROUIN Jean-Marc, La moisson des voyages scientifiques : les singularits, linventaire, la loi
et lhistoire , in ALVES Isidoro, MORAES GARCIA Elena (d.), Anais do VI Seminario da
Histria Cincia e da Tecnologia, Rio de Janeiro, SBHC, 1997, pp. 23-32.
330
Deuxime partie
Chapitre IV
ne prcisait en 1805, puis en 1812, que cet ouvrage a pour but de regrouper sous
un titre trompeur lensemble de ses recherches physiques. Humboldt insiste sur
lanciennet de ses recherches dans ce domaine, remontant sa premire jeunesse
quant lide et lanne 1796 quant la premire publication 1234 .
Linsistance de Humboldt sur lanciennet vise prouver lantriorit de
ses dcouvertes, principe fondamental de la reconnaissance scientifique.
Humboldt est particulirement attach sa physique du globe laquelle il
consacre les dernires annes de sa vie 1235 . Au dbut du XIXe sicle, cette
recherche doit laider asseoir sa rputation scientifique. Pour ce faire, il compte
aussi sur la publication de son Essai politique sur la Nouvelle-Espagne qui voit le
jour en 1811 mais qui occupe une place primordiale dans sa stratgie ditoriale ds
1806. Alors quil se trouve Berlin, occup classer son herbier avec laide de
Karl Ludwig Willdenow 1236 , Humboldt place son essai politique devant les 15 000
plantes de lherbier possd par son compatriote et devant les innombrables
espces botaniques nouvelles ramenes dAmrique 1237 . Cette hirarchisation des
travaux scientifiques explique la stratgie de Humboldt qui dlaisse les aspects
descriptifs au profit des recherches innovatrices.
Si Bonpland ne soppose pas cette rpartition, en revanche une dispute
clate ds 1805 propos des travaux de botanique descriptive. Le Franais, qui
corrige les manuscrits de Humboldt en mme temps quil rdige le dbut de la
partie botanique du voyage, fait part de son irritation Humboldt car Willdenow
1234
Ibid., pp. VI-VII ; HUMBOLDT Alexandre de, Voyage de Humboldt et Bonpland ; 1-3.
Voyage aux rgions quinoxiales du Nouveau Continent : fait en 1799, 1800, 1801, 1803 et 1804,
Paris, Schoell, 1812, tome 1, pp. 18-19. Marie-Nolle Bourguet analyse cette approche globalisante
dAlexandre de Humboldt lors du voyage : Certes, il restait des blancs remplir sur les cartes des
continents, et le catalogue des faunes et des flores tait complter [] Mais lenjeu essentiel du
voyage savant ntait plus, ses yeux, dans des dcouvertes ponctuelles, isoles : plutt, prenant
acte du fait que le monde tait dsormais fini et que tout voyageur serait, un jour, amen inscrire
ses pas dans ceux de ses prdcesseurs, il fallait dfinir autrement lobjet du voyage ;
BOURGUET Marie-Nolle, Le monde vu du haut du pic de Teyde : Alexandre de Humboldt
Tnriffe , in MONTESINOS Jos, TOLEDO PRATS Sergio, ORDOEZ RODRIGUEZ Javier
(d.), Ciencia y Romanticismo [en ligne], Maspalomas, Gran Canaria, Fundacin Canaria Orotava
de
Historia
de
la
Ciencia,
septembre
2002,
p.
5.
URL :
http://www.gobcan.es/educacion/3/usrn/fundoro/archivos%20adjuntos/publicaciones/otros_idioma
s/frances/Romanticismo/Bourguet_Humboldt.pdf.
1235
HUMBOLDT Alexandre de, Cosmos. Essai dune description physique du Monde, Paris, Gide
et Baudry, 1847-1859, 4 tomes.
1236
Karl Ludwig Willdenow (1765-1812) est directeur de ce jardin depuis 1801, jusqu sa mort.
Lors de la cration de luniversit de Berlin, en 1810, il y prend la charge de professeur de
botanique.
1237
Humboldt M. A. Pictet, Berlin, 3 janvier 1806, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Lettres
amricaines dAlexandre de Humboldt (1798-1807). Prcdes dune notice de J.C. Delamtherie
et suivies dun choix de documents en partie indits, Paris, Guilmoto, 1905, p. 210.
331
Deuxime partie
Chapitre IV
1238
Deuxime partie
Chapitre IV
tre de la mme qualit que ceux de Smith, Swartz, Vahl et Willdenow 1241 .
Humboldt les voque comme des modles, des outils de travail, Willdenow ntant
aucunement cit comme un collaborateur.
Or, Humboldt semble avoir rserv les Nova genera son compatriote car
il annonce en 1812 leur parution grce aux recherches dun des premiers
botanistes du sicle , Willdenow, ainsi quaux observations intressantes de
Bonpland 1242 . Les deux botanistes sont alors associs, qui plus est sur un pied
dingalit. En 1810, Humboldt rappelle Bonpland les engagements []
contracts avec [lui] en 1798 1243 . Il nest probablement pas question cette
poque dune participation de Willdenow, ce qui explique la colre de Bonpland
sept ans plus tard. Il poursuit nanmoins la rdaction de louvrage de 1805 1809,
larrt de lcriture jusquen 1811 sexpliquant peut-tre par la querelle concernant
la proprit intellectuelle des Nova genera,
La mort de Willdenow, le 10 juillet 1812, ne met pas un terme au
contentieux rgl la fin de lanne 1814 seulement. La correspondance entre
Bonpland et Humboldt montre alors les craintes de ce dernier concernant un
ventuel blocage de la publication des Nova genera par le premier. Karl
Sigismund Kunth ayant pris la suite de Willdenow pour rdiger une partie de la
botanique du voyage 1244 , un accord est finalement accept par Bonpland
concernant les droits intellectuels et financiers de chacun, le Franais abandonnant
ceux-ci. Cependant, il rappelle Humboldt et lui demande de le noter dans sa
prface que jusquici cest bien lui qui dispose du droit de rdiger la flore du
1241
Deuxime partie
Chapitre IV
voyage et que cest sur les instances de Humboldt quil les cde 1245 . Ce
revirement prouve, a posteriori, quil existe bien une querelle initiale propos des
droits intellectuels sur la flore, les engagements datant de 1798 et non tenus par
Bonpland en 1810 tant lis ceux pris et non respects par Humboldt.
Celui-ci doit attendre 1818 pour clore cet interminable ouvrage 1246 que
sont les Plantes quinoxiales, commenc en 1805 mais non achev pour des
raisons de droits intellectuels. Dautres motifs expliquent les atermoiements de
Bonpland ce sujet ; dune part le manque de soutien de Humboldt vis--vis de la
carrire de Bonpland et dautre part son emploi Malmaison que nous analysons
ensuite entranent une distanciation des deux hommes. Lorsquen 1814 Bonpland
accepte de cder ses droits sur les Nova genera, il sapprte partir pour
lAmrique mais doit avant cela terminer la rdaction de trois ouvrages, dont les
fameuses Plantes quinoxiales qui, finalement, lui auront servi de garantie pour le
respect de ses droits. Il renonce ces derniers car le temps ne lui permet pas
dajouter une publication denvergure qui comporte sept volumes dits pendant
dix annes celles dj en cours comme celles quil espre bientt pouvoir
raliser grce ce nouveau voyage en Amrique.
Outre la querelle strictement botanique, la reconnaissance scientifique est
une autre pierre dachoppement entre les deux compagnons de voyage. La
reconnaissance naissante du botaniste ne doit pas faire oublier que Humboldt le
surpasse par labondance et la rapidit de sa production. En effet, celui-ci prsente
rapidement lInstitut des travaux en son propre nom. Le 17 septembre 1804, il lit
le dbut de sa relation de voyage ; le 5 novembre il lit un mmoire sur Cuba et
Carthagne ; le 7 janvier 1805 il prsente son tableau des Cordillres. Ses rapports
avec linstitution sont solidement tablis ds le 7 janvier 1805 puisquil est pour la
premire fois charg dune mission par lInstitut 1247 . Il lui faut nanmoins attendre
le mois de mai 1810 pour tre lu associ tranger, effaant ainsi son chec initial
de 1804.
1245
Bonpland Humboldt, s. l., 7 octobre 1814, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, pp. 6668.
1246
Humboldt A. P. de Candolle, Paris, 10 avril 1818, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
Lettres amricaines dAlexandre de Humboldt (1798-1807). Prcdes dune notice de J.C.
Delamtherie et suivies dun choix de documents en partie indits, Paris, Guilmoto, 1905, p. 275.
1247
Il sagit dun rapport sur un projet dun ouvrage priodique intitul Bibliothque germanique ;
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3, 30
fructidor an 12, 14 brumaire, 3 nivse, 17 nivse et 22 pluvise an 13, pp. 125, 147, 171, 173-174.
334
Deuxime partie
Chapitre IV
En 1806, Humboldt est encore le sujet principal dun article mais le portrait
dress par un membre du milieu rudit bordelais, par consquent proche
gographiquement, met en avant les qualits du Charentais
qui runit des connaissances distingues en botanique et en zoologie, ce
zle infatigable et cet amour des sciences, qui fait supporter avec
indiffrence toutes sortes de privations physiques et morales.
1248
En 1807, les deux illustres voyageurs sont mis sur un pied dgalit par un
article du Magasin encyclopdique qui prcise que Bonpland est lauteur de la
partie botanique 1249 .
Cette notorit scientifique croissante reste dpendante de Humboldt qui
distribue les matriaux et les entres. Laudience obtenue par Bonpland en 1807
lAcadmie des sciences de Berlin est le rsultat de son appui. On constate quen
1809 et 1810, le nom de Humboldt clipse celui de Bonpland propos du voyage
et de la partie botanique en particulier 1250 . Lors de la description des ouvrages
ralise en 1809, le nom de Bonpland nest mme pas mentionn dans le compterendu de la partie botanique 1251 . En 1810 la parution de lAtlas pittoresque est du
au seul voyage de M. Humboldt 1252 . Est-ce le rsultat dun manque de
reconnaissance et de la querelle des droits sur la partie botanique, toujours est-il
quen 1811 Humboldt dclare vouloir cder Bonpland la publication dune partie
importante des observations zoologiques en vertu du travail anatomique ralis sur
place 1253 . Cependant, rien nest finalement publi par Bonpland dans ce domaine.
Aprs 1811 le nom de Bonpland ne figure que rarement dans les ouvrages
et revues scientifiques. Dumont de Courset, qui lui rend hommage en 1811 et en
1248
Deuxime partie
Chapitre IV
1814, est un spcialiste des jardins mais non un thoricien 1254 . Entre la fin de la
priode impriale et la Restauration, peu darticles sintressent au Rochelais. Il
est significatif de noter que Bonpland sadresse en 1814 Charles Louis Cadet de
Gassicourt, premier pharmacien de lempereur et membre de lAcadmie de
mdecine, plutt qu lInstitut, afin de raliser des expriences sur une plante.
Celui-ci le prsente dailleurs comme le clbre compagnon de voyage de M.
Humboldt 1255 . Le mdecin Franois Pierre Chaumeton, bien quen dlicatesse
avec les grandes institutions savantes, ne le cite pas parmi les naturalistes ayant
visit le Nouveau Monde dans sa Flore mdicale 1256 . Jean-Baptiste Biot, membre
de lAcadmie des sciences, vante en 1816 le courage des voyageurs quittant
patrie et famille ; Humboldt figure dans son panthon mais non Bonpland1257 .
Les voyageurs Michaux, Baudin, Humboldt, Bonplant et plusieurs autres, ont apport une
foule de genres et despces de plantes inconnues jusqualors. ; propos des plantes pruviennes
il crit que cest MM. De Humboldt et Bompland que nous les devons. , DUMONT DE
COURSET Georges Louis Marie, Le botaniste cultivateur, ou Description, culture et usages de la
plus grande partie des plantes trangres, naturalises et indignes, cultives en France, en
Autriche, en Italie et en Angleterre, ranges suivant la mthode de Jussieu, Paris, Dterville,
Goujon, 1811, tome 1, p. 329 ; 1814, tome 7, p. 181.
1255
CADET DE GASSICOURT Charles Louis, Sur le Malambo, corce nouvellement employe
en mdecine , in Journal de pharmacie et des sciences accessoires, Paris, tome I, 1815, pp. 20-28.
1256
Le nouveau monde a t visit par une foule de naturalistes qui nous ont expos le tableau de
ses productions vgtales : ici viennent se prsenter les noms de Plumier, de Feuille, de Sloane, de
Clayton, de Clatesby, de Hernandez, de Brown, de Fuse-Aublet, de Ruiz et Pavon, de Michaux,
de Humboldt, de Tussac. , CHAUMETON Franois Pierre, Flore mdicale, Paris, Panckoucke,
1814, vol. I, p. IX.
1257
Cit in Acadmie des inscriptions et belles lettres, Journal des savans, Paris, Imprimerie
royale, novembre 1816, p. 132.
1258
Bonpland A. L. de Jussieu, Paris, 20 octobre 1798, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
Aim Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906,
pp. 1-2.
336
Deuxime partie
Chapitre IV
disposant les esprits en ma faveur. 1259 Avec lEmpire, la carrire scientifique est
de plus en plus soumise lappartenance un groupe et au principe de
cooptation 1260 . Dans ce nouveau contexte Bonpland, optimiste et ambitieux,
espre obtenir un emploi rapidement. En effet, ds son retour dans la capitale
franaise, le botaniste pense et agit en termes de rseaux. Il suit en cela les
recommandations qui lui sont donnes, savoir profiter de la publicit
accompagnant son arrive pour se mettre tout de suite en relation avec les milieux
susceptibles de soutenir sa carrire :
tant de conseils mont t donns quil fallait profiter du moment
denthousiasme ; que, si je devais retirer quelque profit de ce voyage, ce
serait dans les huit premiers jours de mon arrive, etc., etc.
1261
1263
1259
337
Deuxime partie
Chapitre IV
1267
1268
1265
Bonpland Gallocheau, Paris, 19 avril 1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, p. 17.
1266
Bonpland Gallocheau, Paris, 12 novembre 1804, cit in ibid., p. 12.
1267
Bonpland M. et Mme Gallocheau, Paris, 12 novembre 1804, cit in ibid., p. 12.
1268
Bonpland M. et Mme Gallocheau, Paris, 4 janvier 1805, cit in ibid., p. 14.
338
Deuxime partie
Chapitre IV
1270
1269
Deuxime partie
Chapitre IV
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 2, p.
474.
1272
RIVIALE Pascal, op. cit., p. 26.
1273
Humboldt A. Thouin, s. l., 14 aot 1804, cit in LETOUZEY Yvonne, Le jardin des plantes
la croise des chemins avec Andr Thouin, Paris, Editions du Musum, 1989, p. 541 ; Humboldt
Bonpland, Rome, 10 juin 1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 225.
340
Deuxime partie
Chapitre IV
mars 1805 et en attend un profit total lev 1274 . Le dcret entrinant la donation de
lherbier au Musum et rcompensant Bonpland au moyen dune pension se
montant 3 000 francs annuels est sign le 13 mars 1805 1275 . Cela place le
botaniste entre les acadmiciens qui peroivent 1 500 francs et les professeurs du
Musum dont les moluments se montent 5 000 francs.
Fort de ce pcule, il poursuit ses travaux en compagnie des botanistes et
dessinateurs Jean-Franois Turpin et Pierre-Antoine Poiteau 1276 , tous deux ayant
voyag Saint-Domingue. Ce dernier, chef de lcole botanique du Musum, suit
un parcours similaire celui de Bonpland puisquen 1819 il se rend en Guyane
afin de superviser la mise en culture des habitations royales, avant dtre nomm
son retour jardinier en chef du chteau de Fontainebleau. En aot 1805, le ministre
de lIntrieur Champagny confie Bonpland les examens de naturalisme de
lEcole polytechnique ; il se rend pour cela Verdun, Genve, Turin, Grenoble,
Lyon et Dijon 1277 . Or le poste dexaminateur procure une bonne rmunration, une
stabilit et un vritable pouvoir. En outre, laccession cette institution lui permet
desprer intgrer le professorat. Malheureusement, lenseignement des sciences
naturelles reste limit aux Ecoles centrales et celles-ci demeurent lapanage des
mathmaticiens 1278 , lInstitut ayant par ailleurs un rle prdominant pour la
dsignation des candidats 1279 .
Quant au Musum, il offre en matire dhistoire naturelle peine plus de
postes que ceux disponibles avant la Rvolution 1280 . Certes, laccs aux herbiers
du Musum est ouvert Bonpland qui peut utiliser ceux de Desfontaines, Jussieu,
Lamarck, Richard et Ventenat 1281 . En outre, il publie une tude succincte dans les
Annales du Musum en 1806 et alimente les recherches de Poiteau et Antoine-
1274
Bonpland Gallocheau, Paris, 12 novembre 1804 et 18 mars 1805, cit in HAMY Thodore
Jules Ernest, Aim Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris,
Guilmoto, 1906, pp. 12, 16.
1275
Ibid., p. XXVII.
1276
Ibid., p. XXX.
1277
Ibid.
1278
Cf. DHOMBRES Nicole et Jean, op. cit., pp. 186-187, 215.
1279
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 2, 18041807, p. 153.
1280
Ibid., p. 187.
1281
HUMBOLDT Alexandre de, BONPLAND Aim, Plantes quinoxiales : recueillies au
Mexique, dans lle de Cuba, dans les provinces de Caracas, de Cumana et de Barcelone, aux
Andes de la Nouvelle-Grenade, de Quito et du Prou, et sur les bords du Rio-Negro, de
lOrnoque et de la rivire des Amazones, Paris, Schoell, 1808, tome 1, pp. 15, 125.
341
Deuxime partie
Chapitre IV
Laurent de Jussieu en 1805 et 1806 1282 . Mais bien quil espre intgrer
linstitution jusquen 1808, date laquelle il rdige un autre article pour les
Annales du Musum 1283 , les portes demeurent fermes.
1286
1282
Deuxime partie
Chapitre IV
343
Deuxime partie
Chapitre IV
Humboldt G. Cuvier, Berlin, 3 aot 1806, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
213.
1295
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 4, pp.
131-132.
1296
Humboldt Bonpland, Paris, janvier 1818, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
229.
344
Deuxime partie
Chapitre IV
obtient pas malgr les faveurs dont il bnficie auprs des botanistes. En 1814,
lInstitut lui prfre encore son compatriote Robert Brown et le sudois Olof Peter
Swartz 1297 et en 1817 cest Bonpland qui lemporte face lui 1298 . Humboldt a
probablement pes dans la dcision de ses pairs. Il sagit dun soutien apprciable
de la part de celui qui accapare la reconnaissance scientifique en Europe et en
France ds avant la publication des rsultats du voyage aux rgions quinoxiales.
Llection de 1817
Tandis que le Prussien btit sa carrire et son rseau, Aim Bonpland
sloigne des institutions. Cependant, bien quil soit parti dEurope lAcadmie
des sciences note quil prsente avec Humboldt le cinquime fascicule des Nova
genera en avril 1817 ; en juin Humboldt prsente les deux derniers cahiers des
Plantes quinoxiales en leurs deux noms 1299 . Le premier dcembre 1817 plusieurs
candidats sont prsents pour devenir correspondant de lAcadmie mais
Bonpland ny figure pas ; il est ajout au dernier moment la liste en compagnie
dErik Acharius. Lors de la sance suivante leur candidature est approuve mais
Jussieu, charg de prsenter les candidats, annonce quil et t facile de doubler
cette liste 1300 . Ce signe de mauvaise humeur de la part de celui charg de
prsenter les candidats au nom de la section de botanique peut tre interprt
comme une marque du ressentiment des botanistes ne souhaitant pas ajouter des
candidats leur favori Smith. Les botanistes, comme ils lont fait en 1814 semblet-il 1301 , appuient Smith. Pourtant, la liste prsente le 8 dcembre compte deux
noms supplmentaires, ceux de Saint-Hilaire au Brsil et de Persoon au Cap de
1297
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3, 7
ventse 29 prairial 13 messidor an 12, 22 vendmiaire an 14, 2 mars 1807, pp. 104, 107, 257, 262,
505 ; Journal de botanique, applique lagriculture, la pharmacie, la mdecine et aux arts,
tome IV, 1814, p. 66.
1298
Le parcours dun autre botaniste, lAutrichien Nikolaus Jacquin, met encore en avant les
difficults auxquelles sont confronts certains botanistes trop sdentaires. En effet, il choue
plusieurs fois la place dassoci tranger. Son profil de botaniste et damricaniste le place
derrire le chimiste Klaproth en 1804, le mathmaticien Werner en 1812, lingnieur Watt en 1814,
lanatomiste Scarpa en 1817 et lastronome Piazzi en 1818 ; cf. Acadmie des sciences, Procs
verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 3, prairial an 12, pp. 103-104 ; tome 5, 3
fvrier 1812 et 10 octobre 1814, pp. 16, 406 ; tome 6, 30 juin 1817 et 11 aot 1818, pp.201, 521.
1299
Ibid., tome 6, 28 avril et 16 juin 1817, pp. 182, 199.
1300
Ibid., 8 dcembre 1817, p. 241.
1301
Le Journal de botanique regrette le choix de lInstitut en 1814.
345
Deuxime partie
Chapitre IV
1303
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 6, 1er, 8
et 15 dcembre 1817, pp. 240-241, 247.
1303
Humboldt Bonpland, Paris, janvier 1818, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
229.
1304
DHOMBRES Nicole et Jean, op. cit., p. 70.
1305
Cf. Ibid., pp. 156-161.
1306
Jean-Antoine Chaptal (1756-1832), membre de lInstitut ds sa fondation, ministre de
lIntrieur de 1801 1804, snateur en 1805 puis pair de France en 1819, se distingue par ses
travaux concernant lapplication de la science lindustrie. Claude Louis Berthollet (1748-1822)
est lorigine de la nomenclature chimique actuelle ; nomm snateur en 1805, il est anobli avec le
titre de comte.
1307
Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850), prcurseur de la mtorologie, illustre la
professionnalisation du travail scientifique. Louis Thnard (1777-1857) obtient les chaires de
chimie de la Facult des sciences de Paris, du Collge de France et de lEcole polytechnique.
Membre de lInstitut en 1810, nomm en 1821 doyen de la Facult des sciences, il est lu en 1827
dput de lYonne, et entre aprs la rvolution de 1830 au Conseil de linstruction publique. Pair
en 1832, il se retire des affaires en 1851. Franois Arago (1786-1853) est originaire des PyrnesOrientales. Il intgre lEcole Polytechnique en 1803 et, rapidement remarqu pour ses aptitudes, il
est nomm secrtaire du bureau des longitudes de lObservatoire de Paris. En 1806, il est charg
avec Biot de poursuivre la mesure de la mridienne dans les les Balares. De retour en France en
346
Deuxime partie
Chapitre IV
Or, ceux-ci constituent les principaux appuis du botaniste. Aucun de ces savants
nest proche de Bonpland ni particulirement concern par les avances des
sciences amricanistes, mais tous se proccupent de recherche applique et tous
collaborent avec Humboldt ou soutiennent ses travaux.
Il est donc fortement probable que Humboldt, lui-mme membre actif de la
socit, profite de cet appui pour obtenir cette fois la nomination de Bonpland 1308 .
Le second tour de scrutin consacre finalement le Rochelais 1309 dont lajout
empche llection de Smith comme il rvle les luttes dinfluence dont
lAcadmie des sciences est le lieu, ici entre botanistes et membres de la socit
dArcueil. Les prsentations postrieures des ouvrages botaniques raliss par
Kunth le sont aussi au nom de Bonpland, lequel est associ en vertu de ses travaux
antrieurs, de son amiti et aussi de son statut de membre correspondant de
lAcadmie des sciences 1310 .
Deuxime partie
Chapitre IV
Aussi les relations esquisses lors du voyage effectu entre 1799 et 1804 ne sontelles pas mises profit. Quelle est la nature de ces relations ? Quelle place occupe
les proccupations amricanistes ?
Le dcret fondateur du Musum national dat de 1793 stipule que les
correspondances du Musum sont assures par le professeur de culture, charg
dtablir des relations en France et ltranger 1311 . Andr Thouin, le titulaire de ce
poste, est donc un relais essentiel qui correspond en France notamment avec
Candolle Montpellier, Lacoste Clermont-Ferrand, Tartelier pour le jardin des
plantes de Dijon ; en Europe avec Rmer Zurich, Boos Schnbrunn, au jardin
royal
de
Angleterre
Nymphenburg
1312
prs
de
Munich,
ainsi
quen
Italie
et
en
1315
1311
Cf. GAYON Jean, Le Musum national dHistoire naturelle et lamlioration des plantes au
XIXe sicle , in BLANCKAERT Claude, COHEN Claudine, CORSI Pietro, FISCHER Jean-Louis
(coord.), op. cit., pp. 381-382.
1312
Cf. LETOUZEY Yvonne, op. cit., pp. 594-599.
1313
Cf. MASSON Frdric, Manuscrit indit sur Malmaison, janvier 1944, pp. 8-9.
1314
MNHN, ms 1984, n 173. Dans une autre lettre de Bonpland, rdige Malmaison le 3
novembre 1809, dont nous pensons quelle est adresse Thouin, le botaniste voque encore les
demandes manant de Vienne : je vous serais infiniment oblig de me renvoyer, par le mme
comissionaire qui vous remettra ces lignes, les listes des desiderata de M.Mrs. Boos, Jacquin et
Bredmayer [Bredemeyer] que jai eu lhonneur de vous remettre il y a quelques jours. Les
voituriers tant sur le point de partir et voulant augmenter le nombre des plantes que jai dj mises
de ct pour Vienne il mest ncessaire de voir celles que vous destinez ses M.Mrs. , MNHN,
ms 1984, n 166.
1315
AN, AB192127, C.-F. Brisseau de Mirbel N. Jacquin, Malmaison, 27 aot 1803.
348
Deuxime partie
Chapitre IV
1316
Les relations entre laboratoires sont donc avant tout une question de
relations personnelles. A ce titre, Thouin est le pilier du Musum et nous savons
que Bonpland collabore avec lui. Cependant, rien naffleure concernant une
commune
proccupation
amricaniste ;
la
science
horticole
demeure
1316
349
Deuxime partie
Chapitre IV
survenue le 27 octobre 1806 permet de faire main basse sur le jardin botanique.
LIntendant gnral de larme franaise et plnipotentiaire Berlin, Pierre Daru,
soustrait des serres de la capitale prussienne les plantes qui manquent
Malmaison 1319 . En fvrier 1807, Daru ordonne dtablir plusieurs catalogues de
plantes, et fait notamment parvenir une collection de 600 espces du botaniste
Sehkuhr, habitant Wittemberg ville prise le 20 octobre 1806 pour enrichir
le Jardin de Malmaison 1320 .
A son tour, Bonpland se rend dans la capitale prussienne en 1807 pour y
ramener des chantillons botaniques. Bien que le commanditaire de ce voyage ne
soit pas mentionn, il sagit probablement du Musum avec lequel Bonpland est
en contact. Nous ignorons la nature de ses relations avec Daru mais, la veille de
son retour en France, Bonpland mentionne lemballage de 10 000 plantes. Il parat
vraisemblable que cette grande quantit de spcimens provienne du jardin
berlinois 1321 . En 1809, peu aprs sa nomination la direction des domaines de
limpratrice, Bonpland profite dune autre campagne militaire, en Autriche cette
fois. Il se rend personnellement Schnbrunn afin dtudier ce que le jardin peut
offrir Malmaison mais aussi au Musum qui tire profit de ce voyage 1322 .
Cependant, Josphine demande de ne pas en avertir les botanistes locaux car la
slection et lenvoi de 800 plantes en France sapparentent un pillage 1323 .
Les Franais ne se contentent pas de recevoir dAllemagne, ce dont
tmoignent les vgtaux envoys depuis Malmaison Johann Michael Zeyher,
directeur des jardins de Schwetzingen 1324 . Cependant, cet apport profite la
proprit de la grande-duchesse de Bade Stphanie de Beauharnais. Cette fille
adoptive de Napolon pouse en 1806 le grand-duc afin de consolider un
1319
350
Deuxime partie
Chapitre IV
1325
1327
1328
1325
Deuxime partie
Chapitre IV
tous trois ont pour point commun leur exprience amricaine. Jacquin 1329 tout
dabord, explore les Antilles et lAmrique du Sud de 1755 1759. Boos et
Bredemeyer, botanistes et jardiniers impriaux, sjournent eux aussi en Amrique
au cours des annes 1780. Au dbut du XIXe sicle, Mirbel, alors la tte des
jardins de Malmaison, correspond dj avec Jacquin. Le 24 janvier 1804 ce
dernier est nomm correspondant de lInstitut la majorit absolue devant Correa,
Cavanilles, Swartz et Smith 1330 . Paralllement, Bonpland poursuit les changes et
apparat comme un intermdiaire entre le Musum de Paris, le jardin de
Montpellier, le Musum de Vienne et le jardin de Schnbrunn 1331 .
Bonpland entretient avec Boos des relations damiti. Il le rappelle en
1816 :
Je dois lamiti de ce naturaliste un grand nombre de plantes sches
quil a ramasses au Cap de Bonne-Esprance en 1786
1332
Par contre, aucune relation nmerge entre lui et Bredmeyer. Des liens
apparaissent avec Charles de Schreiber, spcialiste dhelminthologie et directeur
du cabinet imprial dHistoire naturelle Vienne en 1813. Ce dernier part en 1817
destination de lAmrique mridionale ; malheureusement aucune source ne
permet daffirmer que lAmrique est au centre de leurs changes pistolaires. Si
un pass similaire a pu crer des liens entre les botanistes voyageurs, leurs
proccupations semblent avant tout dordre gnral. Le dnominateur commun ne
se trouve pas non plus dans le tropicalisme, comme en tmoigne la lettre du
botaniste Olaf Swartz. Ayant voyag aux Antilles entre 1784 et 1786, celui-ci crit
Bonpland :
jai sacrifi bien des moments a la meme divinit que vous sous le soleil
brulant de la zone torride.
1333
Si laire gographique est rappele, cest bien lidole botanique qui est invoque.
Le lieu de la collecte passe au second plan, la discipline scientifique demeurant au
premier plan.
1329
Deuxime partie
Chapitre IV
1335
353
Deuxime partie
Chapitre IV
1338
La partie des vgtaux exotiques, que la plupart des personnes regardent comme un objet de
ngoce peu considrable, est devenue dans leurs mains une branche si lucrative quen peu de temps
ils peuvent gagner, tous frais dduits, trois quatre cents pour cent. , ibid., p. 115. Les plantes
nouvelles et dagrment reprsentent leurs meilleurs ventes ; ibid., p. 114.
1339
AN, AB192127, Demande de plantes, s. l., 2 juin 1811.
1340
Louis-Guillaume Otto (1754-1817) occupe un poste diplomatique Londres puis Munich et
Vienne, avant de devenir ministre dEtat en 1813.
1341
Josphine reoit aussi des plantes dAngleterre par Ostende ; LE TEXNIER, Le Jardin de la
Malmaison , in Journal des Roses, n 10, octobre 1911, p. 159 ; Josphine L.-G. Otto, s. l., 8
juin 1801 ; Josphine Lee et Kennedy, Malmaison, 27 aot 1802, cit in CHEVALLIER Bernard,
CATINAT Maurice, PINCEMAILLE Christophe (comp.), op. cit., pp. 109-110, 128 ; AN,
AB192127, Demande de plantes, s.l., 2 juin 1811 ; Josphine L.-G. Otto, Malmaison, 11 octobre
1811, cit in in CHEVALLIER Bernard, CATINAT Maurice, PINCEMAILLE Christophe
(comp.), op. cit., p. 113 ; AN, AB192127, Etat des plantes venant dAngleterre, s. l., juillet 1812 ;
AN, AB192127, Demande de plantes Lee et Kennedy, Malmaison, 1er fvrier 1813. Le voyage en
Angleterre est dune grande importance, comme en tmoigne Bonpland qui croit utile de rappeler
que M. Boursault, dans un voyage quil vient de faire Londres, vient de se procurer un grand
nombre de plantes , cit in BONPLAND Aim, op. cit., p. 115.
1342
LE TEXNIER, Le Jardin de la Malmaison , in Journal des Roses, n 10, octobre 1911, p.
159.
1343
MNHN, ms 212.
354
Deuxime partie
Chapitre IV
1348
1344
Bonpland crit : Visit le jardin des apothicaires Chelsea. Le jardinier en chef de cet
tablissement se nomme Anderson. Il voit une trs belle collection de plantes et doiseaux
empaills de Nouvelle-Hollande, ainsi que quelques animaux dans le nombre desquels il y a trois
espces de kangourous plus petites que celle que nous avons vivante Paris. Cette collection
doiseaux est vendre. Le jardinier de cet tablissement est trs instruit, trs actif et augmente tous
les jours cet tablissement. ; MNHN, ms 212.
1345
En 1801, Antoine-Vincent Arnault rcemment lu lInstitut est admis lAcadmie espagnole
pour servir ltablissement dune union intime entre ces deux corps ; Acadmie des sciences,
Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 2, 26 pluvise an 9, p. 304. En 1803,
le gnral Rochambeau annonce lInstitut lenvoi dossemens de Mammouths, deux Lamas, les
dessins de plusieurs espces de Quina et dautres objets dhistoire naturelle , in ibid., 17 prairial
an 11, p. 673.
1346
Adrien Francastel (1761-1831) dbute pendant la Rvolution une carrire politique le menant
en Vende pour rprimer linsurrection chouanne. Aprs avoir rempli des fonctions au ministre de
la Guerre, il devient sous le Consulat le jardinier de Josphine de Beauharnais.
1347
Muse de Malmaison, A. Francastel Josphine, Madrid, 23 janvier.
1348
Ibid.
355
Deuxime partie
Chapitre IV
jardins de tout ce quil recevra dAmerique 1349 et attend avec impatience les
ouvrages en provenance de Malmaison, auxquels il rend hommage 1350 . Aussi sa
mort, intervenue la fin de lanne 1804, prive-t-elle Josphine et Bonpland
dun relais solide.
Pour sa part, Aim Bonpland se met en contact ds son retour avec le Nogrenadin Francisco Antonio Zea 1351 qui, aprs avoir sjourn en France de 1799
1803, prend la succession de Cavanilles. Il change aussi avec Joseph Pavn
jusquen 1806 au moins, et probablement jusquen 1808 avec Mariano Lagasca,
disciple de Cavanilles, ainsi quavec le Mexicain Pablo de la Llave 1352 . Autant de
personnalits susceptibles de former un tissu relationnel consquent, autour de
Bonpland dabord et de Malmaison ensuite. Nanmoins, aucune trace dchange
ne subsiste entre 1808 et 1814. Pablo de la Llave notamment, qui lors de cette
priode dirige le jardin botanique de Madrid suite au dpart de Zea, sinterroge :
Pour quoi donc mon tres cher Bonpland se sont elles ecoules six annees
sans avoir de vos nouvelles?
1353
Deuxime partie
Chapitre IV
1356
1357
1354
Deuxime partie
Chapitre IV
espagnols 1359 comme elle annihile les relations que Bonpland avait su tablir avec
lAmrique. Lunique correspondance directe avec lAmrique dont nous
disposons semble confirmer cette carence. Il sagit de trois lettres rdiges par le
Cubain Jos Nicols de Peralta,
dont le zle pour la botanique lui a fait tablir un jardin o il cultive un
grand nombre de plantes de divers pays.
1360
Malgr linsistance de Peralta pour engager une correspondance suivie 1361 , celle-ci
sarrte en 1807.
L encore il faut attendre 1814 et la fin de la guerre dindpendance
espagnole pour que des rapports suivis sinstaurent de nouveau avec la
communaut hispanique. Une source indique quen 1816 Lagasca et Bonpland
poursuivent leurs changes entams en 1814 1362 . Antonio Zea, qui fut membre du
gouvernement bonapartiste, doit sexiler Londres en 1814 1363 o il renoue des
contacts scientifiques avec le botaniste rochelais, avant de retourner en NouvelleGrenade sans avoir pu le convaincre de laccompagner. Il poursuit l une brillante
carrire politique au service de la Grande Colombie. Quant Pablo de la Llave, il
revient au Mexique aprs lindpendance. Ces deux personnages exercent par la
suite des rles prpondrants vis--vis de lmergence des sciences dans leurs
pays, Zea en recrutant en Europe le personnel du Muse National inaugur en
1824, Llave en prenant la tte du Musum national dhistoire naturelle en 1831. La
normalisation des relations avec lEspagne se poursuit paralllement par la voie
1359
Candolle tmoigne dune rupture des relations scientifiques entre les deux pays. Voulant
contacter Lagasca aprs 1808 propos dune question de classification, il dplore quen 1813
les circonstances o lEspagne sest trouve [] mont empch den avoir aucunes nouvelles et
me font craindre de nen point recevoir de long-temps , in CANDOLLE Augustin Pyrame de,
Recueil de mmoires sur la botanique, Paris, G. Dulfour, 1813, p. 2. Malgr cette situation
gnrale, linterrogation de Llave laisse penser quune voie de correspondance particulire est
susceptible dexister entre les deux hommes.
1360
BONPLAND Aim, op. cit., tome 2, p. 22.
1361
siempre habia conservado los mejores sentimientos de verdadera amistad y estimacion a Ud.
la que deseo con todas veras y que para siempre subsista nuestra correspondancia para lo que yo
por mi parte pondr todos los medios para que subsista pues as lo desea mi ingenua voluntad y
cario [...] con un amigo a quien tanto aprecio. , Mdiathque de La Rochelle, ms 676, J. N. de
Peralta Bonpland, La Havane, 22 aot 1805.
1362
MNHN, ms 212.
1363
On connat les consquences de lengagement politique des afrancesados ; lexil important de
savants aprs le retour de Ferdinand VII est une des causes du retard scientifique pris dans ce pays
dj svrement bless par la guerre ; cf. IZARD Miquel, La Nouvelle-Grenade (1777-1821) ,
in HERMANN Christian, MANIQUIS Robert M., MARTI Oscar R., PEREZ Joseph (dir.), Les
rvolutions dans le monde ibrique (1766-1834), tome II. LAmrique, Bordeaux, PUB, 1991, pp.
248-253 ; BUSAALL Jean-Baptiste, Le rgne de Joseph Bonaparte : une exprience dcisive
dans la transition de la Ilustracin au libralisme modr , in Historia constitucional, n 7,
septembre 2006, pp. 124-157.
358
Deuxime partie
Chapitre IV
1364
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 7, 29
mars et 12 avril 1819, pp.436, 438.
1365
Cf. DUMONT DE COURSET Georges Louis Marie, op. cit., tome 1, p. 15.
1366
Bonpland poursuit la rdaction douvrages thoriques, ceux du voyage et celui consacr aux
plantes rares de Malmaison et de Navarre.
359
Deuxime partie
Chapitre IV
nous navons pas encore consult les ouvrages de botanique les plus rcents, et
les grands herbiers, pour oser nous prononcer nous-mmes sur le nombre et le
genre despces nouvelles
1367
1368
1. Un laboratoire priphrique
Bonpland vgte, mais aprs plus de cinq annes passes Malmaison, le
botaniste fait figure, dans la science quil cultive, [d]un des savans les plus
distingus de lEurope. 1370 La place est renomme puisquelle permet aux
prdcesseurs du Rochelais daccder une belle notorit. Ventenat, botaniste de
limpratrice, est dj un savant reconnu lorsque parat en 1803 son Jardin de la
Malmaison, mais cet ouvrage luxueux lui confre un important surcrot de
1367
Deuxime partie
Chapitre IV
1371
Deuxime partie
Chapitre IV
1375
1376
362
Deuxime partie
Chapitre IV
enrichir ses collections 1382 . Or, linverse de Mirbel, Bonpland ne dispose pas
dappuis solides au sein des structures du Musum et de lInstitut qui reprsentent
le ple de recherche le plus actif pour les naturalistes. Au final, trs peu de
contacts directs apparaissent entre Bonpland et les membres des institutions
savantes, encore moins envers les plus titrs dentre eux.
En effet, les sources nous apprennent quil frquente Louis Dufresne qui
est la fois chef du laboratoire de zoologie pour la prparation des animaux au
Musum et conservateur du cabinet dhistoire naturelle de Josphine. Cette double
fonction atteste de rapports troits entre les deux tablissements 1383 ; Malmaison
fournit le Musum en oiseaux et dune manire gnrale les animaux qui meurent
sont envoys au Musum pour leur naturalisation 1384 . Aim Bonpland connat
aussi le gologue Pierre-Louis Antoine Cordier qui nentre au Musum quen
1819 et Franois Pron, lu membre correspondant de lInstitut en 1805 1385 . Par
ailleurs, Bonpland se montre proche dAlyre Raffeneau-Delile 1386 , botaniste
membre de lexpdition dEgypte puis vice-consul aux Etats-Unis de 1803 1807
et correspondant de lInstitut. Bnficiant du mcnat de Josphine pour mener
bien ses recherches botaniques aux Etats-Unis 1387 , proche du Musum, RaffeneauDelile ne parvient toutefois pas lintgrer et se charge du jardin de Montpellier
aprs la Restauration.
Il succde Augustin Pyrame de Candolle, lautre botaniste que Bonpland
connat bien et avec lequel il change rgulirement 1388 . Candolle, de nationalit
suisse, connat un parcours similaire celui de Bonpland. Mdecin de formation, il
est charg par Champagny en 1806 de parcourir lEmpire pour reconnatre ltat
de lagriculture. Aprs avoir chou plusieurs reprises dans ses tentatives pour
rejoindre lInstitut de Paris, il obtient en 1808 la chaire de botanique et la direction
1382
Deuxime partie
Chapitre IV
1391
Deuxime partie
Chapitre IV
1393
Rapport sur la proposition faite par MM. Humboldt et Bonpland de dposer dans la collection
du Musum des chantillons de toutes les plantes recueillies par eux dans lAmrique mridionale,
1er janvier 1805, cit in ibid., pp. 231-232.
1393
Bonpland Gallocheau, Paris, 18 mars 1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, p. 16.
1394
DELMOTTE Pascale, op. cit., p. 54.
1395
Jcris au Directeur du Jardin Botanique de Toulon [] qui peut-tre par la suitte de la
recommandation que javais fait de lui au Mdecin de la marine Paris a t nomm cette
place , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
D. Larraaga, Buenos Aires, 18 septembre 1818.
1396
Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821) est aussi le mdecin de Josphine. Il entre lAcadmie
des sciences en 1811 puis lAcadmie de mdecine lanne suivante.
1397
LE TEXNIER, op. cit., p. 139 ; JOUANIN Christian, BENOIT Jrmie, op. cit., p. 54. Cette
supposition toujours rpte nest pourtant atteste par aucune source. Comme nous le soulignons,
les liens tisss entre Bonpland et Josphine suffisent expliquer sa nomination.
365
Deuxime partie
Chapitre IV
1399
Afin de maintenir ces rapports, Josphine nest pas oublie lors de la donation des
premires publications 1400 . Si aucune source ne permet daffirmer quelle joue un
rle dans lobtention de la pension, Bonpland continue nanmoins de lui adresser
des graines puis de se rendre rgulirement Malmaison pour en surveiller
lvolution 1401 . Aussi son engagement en 1808 apparat comme la suite logique de
la promesse et des relations tisses depuis cinq ans 1402 . Cest dailleurs en qualit
de botaniste quAim Bonpland est dabord recrut en 1808, sans rmunration,
lintendance lui tant confie un peu plus tard. Les deux engagements sont proches
mais leur dissociation est importante relever si lon souhaite comprendre
lloignement de Bonpland vis--vis des cercles savants.
En effet, ce dernier succde au mois daot 1808 Ventenat dans sa
fonction de botaniste de Malmaison. Quatre mois plus tard sy ajoute la fonction
dintendant en remplacement de Jean Baptiste Louis Le Lieur Ville-sur-Arce, luimme successeur de Mirbel. Cette seconde charge choit Bonpland car Le Lieur
Ville-sur-Arce ne peut lassumer en plus de celle quil occupe dj comme
administrateur des domaines botaniques impriaux. Ds lors Bonpland renonce
poursuivre une partie de son travail avec Humboldt bien quil continue de
promettre des manuscrits pour les Species. Or Mirbel, alors quil exerce les mmes
fonctions, nest pas empch dans la publication de lHistoire naturelle, gnrale
1398
366
Deuxime partie
Chapitre IV
Deuxime partie
Chapitre IV
de pleine terre que nous cultivons en Europe1407 . Ce grand projet, qui vise faire
sortir le domaine et son intendant dune position scientifique priphrique afin de
les insrer dans le rseau scientifique franais et den faire des ples majeurs de la
recherche botanique, demeure sans lendemain 1408 . Mais il prouve que Bonpland
soriente vers une activit scientifique applique et non plus seulement thorique.
Lanne suivante, alors que ses fonctions auprs de limpratrice sont trs rduites,
il est en mesure de publier la Description des plantes rares cultives Malmaison
et Navarre. En 1814 encore, son refus de poursuivre ses activits auprs du
prince Eugne est motiv par le fait que, crit-il, je ne pourrais pas travailler
pour moi personnellement 1409 .
Conscient dtre marginalis, sachant aussi combien il est difficile
daccder aux institutions savantes, Bonpland cherche donner une impulsion sa
carrire et son got pour la recherche applique. Le projet guyanais, comme
nous lavons vu, puis les offres des indpendantistes amricains, lesquels
promettent Bonpland la cration dun laboratoire de recherche 1410 , rpondent
donc ses souhaits. Malgr ses prires, Humboldt ne parvient pas modifier
lorientation du Rochelais jusqu son dpart pour le Ro de la Plata. Arriv Paris
en 1813, Kunth prend la suite de Bonpland. Il le remplace alors que son premier
mmoire est adopt et imprim par lInstitut en avril 1815 1411 . La mme anne
Kunth termine les Nova genera puis commence en 1819 la publication des
Mimoses et autres lgumineuses du nouveau continent bien que le nom le nom de
Bonpland y est toujours associ.
1407
Bonpland A. Thouin, Malmaison, 29 janvier 1812, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 45.
1408
Nous ignorons les motifs qui empchent cette cration. Un travail de recherche demande tre
men concernant cette priode au cours de laquelle les projets scientifiques foisonnent avec plus ou
moins de bonheur. Ici le Musum national dHistoire naturelle est larbre qui cache la fort ; sa
prdominance fait oublier quil inspire dautres projets.
1409
Bonpland O. Gallocheau, Malmaison, 6 juillet 1814, cit in ibid., p. 64. En 1816 la
succession de Josphine le prive de terminer les plantes rares ; AN, AB192127, [] sans
destinataire, Paris, 15 mars 1816.
1410
Cf. chapitre V, pp. 451-455.
1411
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 5, 10
avril 1815, pp. 474-477.
368
Deuxime partie
Chapitre IV
1412
369
Deuxime partie
Chapitre IV
1417
AN, AB192127, Bonpland Brancas, Malmaison, 12 juin 1810 ; AN, AB192127, Corbigny
Bonpland, Paris, 10 avril 1811 ; Plantes arracher, Malmaison, 1er dcembre 1812.
1418
AN, AB192127, Plantes de Malmaison envoyes Corvisart en 1811 ; AN, AB192127, Note,
4 mars 1813 ; AN, AB192127, Bon, Malmaison, 24 fvrier 1813.
1419
AN, AB192127, DHeindre Bonpland, Paris, 14 mars et 11 septembre 1811, 28 octobre
1812 ; AN, AB192127, DHeindre Bonpland, s. l., 9 avril 1813.
1420
AN, AB192127, lintendant gnral Bonpland, Paris, 18 fvrier 1811 ; AN,
AB192127, DHeindre Bonpland, Paris, 14 mars 1811.
370
Deuxime partie
Chapitre IV
2. Un laboratoire protiforme
Les domaines de Josphine semblent perdre leur statut de laboratoire sous
lintendance de Bonpland. Les prrogatives de Ventenat et de Mirbel ne sont pas
celles du Charentais. En 1812, son projet de doter Navarre dune cole et de lui
donner ainsi un second souffle est aussi laboutissement de quatre annes de
travaux marqus par une orientation vers lacclimatation. En effet, le travail
effectu par Bonpland ainsi que les projets quil esquisse montrent sa
proccupation pour confrer au laboratoire quil dirige une vritable identit
scientifique dautant plus difficile donner quil est constitu de deux domaines
trs loigns. Bonpland tente nanmoins de sapproprier et de valoriser les
domaines impriaux dont il veut faire des lieux scientifiques part entire. Il doit
pour cela composer avec les exigences dune double hirarchie, Josphine perdant
le contrle de son budget au profit de ses intendants gnraux.
Deuxime partie
Chapitre IV
372
Deuxime partie
Chapitre IV
1431
Cf. KRZYWKOWSKI Isabelle, Les serres symboliques des naturalistes , in FISCHER JeanLouis (dir.), Le jardin entre science et reprsentation, Paris, Editions du CTHS, 1999, p. 296.
1432
LE TEXNIER, op. cit., p. 137.
1433
AN, AB192127, Travaux extraordinaires prvus pour 1810, Malmaison ; AN, AB192127, Etat
des sommes payer [] pour lameublement de la nouvelle galerie, Malmaison, avril 1809.
1434
Ce qui fait dire Frdric Masson quil sagit de la proprit la plus bizarre, la moins fondue
la plus fate de pices et de morceaux, lhabit dArlequin le plus disparate quon ait vu au
monde. ; MASSON Frdric, Manuscrit indit sur Malmaison, janvier 1944, p. 7. Un visiteur
anglais note en 1816 : Le modle anglais na pas t platement imit, mais a servi plutt de base
de travail pour imaginer avec bonheur, discernement et succs, quelque chose de nouveau , cit in
JOUANIN Christian, BENOIT Jrmie, op. cit., p. 20. Pour sa part, Bernard Chevallier qualifie
Malmaison de parc romantique ; CHEVALLIER Bernard, Malmaison, parc romantique , in
BOURGOING Catherine de (dir.), Jardins romantiques franais. Du jardin des Lumires au parc
romantique (1770-1840), Paris, Paris muses, 2011, pp. 133-138.
1435
Cf. HOBHOUSE Pnlope, Lhistoire des plantes et des jardins, Paris, Bordas, 1994, p. 224.
373
Deuxime partie
Chapitre IV
les intendants aient des pratiques similaires pour obtenir et distribuer les
spcimens 1436 . Plus encore quun doublon, Malmaison se prte aux ides et aux
exprimentations nouvelles. Parmi celles qui stimulent lmulation figure le
dveloppement de lagriculture depuis des jardins dessai ou des fermes
exprimentales qui rapprochent thoriciens et praticiens jusqualors loigns
notamment par lEncyclopdie 1437 . Cette nouvelle faon daborder lagriculture
dans son ensemble est prsente rgulirement au cours des dcennies 1800 et
1810 1438 , en 1801 par exemple via le futur secrtaire de la Socit royale et
centrale dagriculture sylvestre, en 1811 par Dumont de Courset ou en 1819 par le
colonel dEspinay. Quels que soient les projets, leur substance est la mme,
savoir lcole applique aux arts agricoles 1439 . Malmaison-Navarre sinscrit dans
ces tentatives lorsquen 1812 Bonpland sadresse Thouin afin de crer une cole
des plantes europennes de pleine terre 1440 .
En outre, Josphine souhaite que son jardin de curiosits serve aussi de
ppinire afin dalimenter dautres tablissements. La diffusion et lostentation
font de Malmaison-Navarre un laboratoire original, la fois inspir du jardin
1436
Nous ne pouvons raliser une analyse exhaustive dans le cadre de cette tude. Signalons que
pour propager les plantes ramenes de lexpdition Baudin, le Musum passe par un particulier
Montlimar alors que lintendant Mirbel passe par le prfet niois ; cf. JOUANIN Christian,
BENOIT Jrmie, op. cit., pp. 49-51 ; DELEUZE Joseph-Philippe-Franois, op. cit., p. 210. Une
tude approfondie des relations entre les diffrents jardins franais et europens permettrait de
mettre en vidence les rseaux et les solidarits savantes. De plus, la prsence importante
dentrepreneurs privs savre intressante pour mesurer le degr dimbrication entre rseaux
publics et privs.
1437
Tous ceux qui dirigent les jardins publics sont botanistes-cultivateurs, et nous avons la
preuve quils remplissent avec succs les deux fonctions. Mais je suppose que ceux qui soccupent
de la nomenclature descriptive soient dans une position qui ne leur permettent pas les soins assidus
de la culture et son tablissement, ne peuvent-ils pas alors sadjoindre des collaborateurs [] ? ,
in DUMONT DE COURSET Georges Louis Marie, op. cit., tome 1, p. 19.
1438
Les annes 1820 connaissent aussi ce discours : Etienne Soulange-Bodin devient prsident de
la Socit linnenne de Paris en 1826 et prononce cette occasion un discours sur limportance
de lhorticulture et limportance de son union avec les sciences .
1439
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, 1800-1804, p.
340 ; DUMONT DE COURSET Georges Louis Marie, op. cit., tome 1, p. 19 ; ESPINAY SAINTDENIS Pierre Marie d, Manuel du cultivateur auquel est uni le projet dtablissement de quatre
universits rsidantes dans quatre fermes exprimentales situes prs de Paris, Lyon, Bordeaux et
Strasbourg, dont lune vient dtre cre par Sa Majest, ddi aux principales autorits du
royaume, prsent au Roi pour lavantage de notre riche jeunesse et le bonheur de son peuple
laboureur, Paris, Lyon, Nouzou, 1818. Des projets de fermes exprimentales prives sont aussi
proposs au travers du Bulletin polymathique du Musum dinstruction publique de Bordeaux ou
Journal littraire, historique et statistique du dpartement de la Gironde, 1811, p. 48 ; FranoisLouis Legrand de Boislandry insiste quant lui sur la ncessit de crer des socits dagriculture
dans chaque dpartement, in Examen des principes les plus favorables aux progrs de
lagriculture, des manufactures et du commerce, Paris, A.-A. Renouard, 1815, p. 166.
1440
Bonpland A. Thouin, Malmaison, 29 janvier 1812, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 45.
374
Deuxime partie
Chapitre IV
1441
375
Deuxime partie
Chapitre IV
Budget des dpenses de 1809, cit in CHEVALLIER Bernard, op. cit., p. 55.
Louis Pierlot (1768-1826) quitte son poste la Banque de France en 1812.
1446
Camille de Montlivault (1770-1846), ancien chevalier de Malte ayant migr pendant la
Rvolution, est propritaire dans le dpartement du Loir-et-Cher. Il dmissionne de son poste en
avril 1814 ; en 1815 il se rallie aux Bourbons et entame une carrire prfectorale. Destitu par la
monarchie de Juillet, il se retire sur ses terres.
1447
CHEVALLIER Bernard, op. cit., pp. 56-57.
1448
AN, AB192127, Bonpland J. C. Ballouhey, Malmaison, 5 avril 1809. Aprs avoir t
lintendant des finances des deux impratrices, il accompagne la chute de lempire Marie-Louise
dans le duch de Parme en tant que ministre des Finances.
1449
Bonpland Josphine, Malmaison, 24 avril 1809, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, pp. 2325. Concernant la fauche du gazon, il se flatte dconomiser 600 francs : Cest en faisant ainsi de
petites conomies sur tout, quil sera facile de diminuer les dpenses de Malmaison. Le jardinier
1445
376
Deuxime partie
Chapitre IV
1810 tel que le fait apparatre le budget des dpenses. En effet Bonpland demande
des augmentations dans presque tous les secteurs. Lhabillement, le chauffage,
lentretien de la serre et des jardins reprsentent une hausse de 18% par rapport au
budget prcdent 1450 . Le graphique ci-aprs prsente la part de chacune des
catgories.
Graphique n 7
Budget des dpenses ordinaires du domaine de Malmaison prvues pour
lanne 1810
Intendant
Serres et orangerie
Parcs et jardins
Employs
Entretien
Dpenses intrieures
Source : AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan
1810, prsent par LIntendant du domaine.
en chef lui reproche par ailleurs dy regarder de bien prs ; Bonpland J.-M. Deschamps,
Malmaison, 9 mai 1809, cit in ibid., pp. 33-34 ; AN, AB192127, Note sur le chauffage du
chteau, s. l., s. d.
1450
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
1451
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
377
Deuxime partie
Chapitre IV
Ce nest quen payant exactement les hommes quon employe, quon peut
bien se faire servir et maintenir chacun son devoir
1452
Serres et orangerie
Intendant
Employs
Dpenses intrieures
Parcs et jardins
Entretien
Source : AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan
1810, prsent par LIntendant du domaine ; Travaux extraordinaires prvus pour 1810.
Les dpenses consacres aux parcs et jardins atteignent 120 756 francs ;
celles consacres lentretien atteignent 32 940 francs. Au total, le budget
consacr au domaine avoisine les 300 000 francs. Il sagit dune somme
reprsentant le triple des 100 000 francs offerts par Napolon au dbut de lanne
1452
Ibid.
Bonpland J.-M. Deschamps, Malmaison, 9 mai 1809, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., pp. 30-33 ; AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Malmaison, 10 janvier 1813.
1454
AN, AB192127, Travaux extraordinaires prvus pour 1810, s. l., s. d.
1453
378
Deuxime partie
Chapitre IV
1810. Celui-ci sadressant Josphine prcise : Tu peux donc faire planter tout
ce que tu voudras 1455 ; il ne se doute probablement pas que cette somme est trois
fois infrieure au budget prvu par lintendance de Malmaison et quelle nourrit en
grande partie la politique dacquisition de terres dont Bonpland soccupe
activement en 1810 et 1811 1456 . A la mort de limpratrice, plus de 500 actes
notaris ont t passs pour agrandir le domaine parcelle aprs parcelle ;
lensemble des terres couvre 870 hectares 1457 . Le budget propos par Bonpland
tonne aprs une entre en fonctions marque par un souci de lconomie. Cette
hausse des frais est vraisemblablement lie au divorce, le douaire accord par
lempereur se montant trois millions de francs annuels. Or Malmaison, qui a
cot entre six et sept millions de francs au cours des dix annes prcdentes, en a
cot 70 000 en 1809 et en a rapport 102 000 1458 . De plus, les grands travaux
sont raliss ce qui permet Bonpland de rinvestir les sommes gagnes dans
lacquisition de terres nouvelles quil compte probablement rentabiliser dans les
annes venir, une partie du domaine de Malmaison ayant t retire Josphine
en 1809. La bonne gestion ralise lors de sa premire anne dexercice, les achats
fonciers et les fonds octroys par lempereur peuvent donc garantir cette hausse
budgtaire.
379
Deuxime partie
Chapitre IV
1464
1459
Pierlot jouit dune rputation dconome ; ce sont ses absences rptes qui empchent le suivi
des finances et ses prsences au cours desquelles il ne parvient pas se concilier la cour de
Josphine qui Josphine qui entranant le dsordre qui remettent en cause son emploi ; cf. ibid.,
pp. 168-169.
1460
Ibid., pp. 99, 173-174, 218.
1461
Ibid., pp. 241-243, 245.
1462
Josphine Hortense, Navarre, 21 aot 1811 ; Josphine Eugne, s. l., 27 novembre 1811,
cit in CHEVALLIER Bernard, CATINAT Maurice, PINCEMAILLE Christophe (comp.), op. cit.,
pp. 298-299, 303-305.
1463
MASSON Philippe, op. cit., pp. 254-255.
1464
AVRILLION Mademoiselle de, Mmoires de Mademoiselle Avrillion Premire femme de
chambre de limpratrice Josphine, Paris, Mercure de France, 2003 (1833), p. 141.
380
Deuxime partie
Chapitre IV
AN, AB192127, DHeindre Bonpland, Paris, 28 fvrier 1811 ; AN, AB192127, Bonpland
[sans destinataire], s. l., s. d. ; AN, AB192127, DHeindre Bonpland, Paris, 11 septembre 1811.
1466
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 10 juillet 1811.
1467
AN, AB192127, lintendant gnral Bonpland, Paris, 11 mars 1811 ; AN,
AB192127, DHeindre Bonpland, Paris, 14 mars 1811.
1468
AN, AB192127, Bonpland C. de Montlivault, Malmaison, 20 septembre 1811.
1469
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 10 juillet 1811.
1470
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 11 juillet 1811.
1471
AN, AB192127, Bonpland Montlivault, s. l., s. d.
1472
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 17 septembre 1811 ; AN, AB192127,
Bonpland C. de Montlivault, Malmaison, 18 septembre 1811.
381
Deuxime partie
Chapitre IV
Que cela soit par manque de rigueur ou par dfi, la rprobation de Montlivault et
le rappel lordre qui sen suivent 1473 peuvent sans beaucoup derreur tre
interprt comme un nouveau signe de la reprise en main que veut oprer
lintendant gnral. Cest encore loccasion pour celui-ci de se plaindre de pices
non reues et dune gestion hasardeuse 1474 .
Le combat se poursuit jusqu la fin de lanne. Une lettre de Montivault
date du mois de novembre nous apprend que Bonpland porte des accusations
contre lintendant gnral qui rplique en constatant la non rgularisation de
certaines critures et les erreurs de comptes qui nuisent au domaine. Il lui donne
ensuite une leon du bon fonctionnement administratif de la maison de
limpratrice et menace enfin :
ceci suppose une grande distraction & ne me laisserait pas sans
inquitude sur la suite de nos oprations, si je ntais assur combien
vous sentirez la ncssit dapporter une scrupuleuse rgularit dans leur
marche.
1475
Face la menace dun renvoi double dune mainmise encore accrue de la part de
Montlivault dans la gestion du domaine 1476 , Bonpland adopte un comportement
plus conciliant en dcembre 1477 . Aprs une anne de conflit entre les deux
intendants, Bonpland apparat trs diminu et discrdit.
Je vous prie lavenir, lorsque des ordres suprieurs vous empcheront de vous rendre mon
invitation, de me le faire connotre par un exprs afin de me rendre ma libert , AN, AB192127,
C. de Montlivault Bonpland, Paris, 24 octobre 1811.
1474
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 24 octobre 1811.
1475
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 27 novembre 1811. Montlivault enjoint
Bonpland de vouloir bien faire attention au contenu de cette lettre , ibid.
1476
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 29 novembre 1811.
1477
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 11 dcembre 1811.
382
Deuxime partie
Chapitre IV
je suis sans cesse entoure douvriers de tous les genres dont chacun ne
sait ce quil a faire. Ce sont des bras qui sagitent dans tous les coins du
chteau et comme il plat tout le monde, sans aucune tte qui les
dirige.
1478
Elle prend le parti des conomies dcides par Montivault et soutient ses
reproches. Par son intermdiaire, Josphine admoneste Aim Bonpland. Ainsi en
1812 elle
na pu, sans doute, tre satisfaite du rsultat de vos comptes qui lui
prsente un arrir tou fait indpendant de sa volont, et beaucoup plus
lev que la somme approximative laquelle vous laviez valu
1479
1480
M. Pierlot ne peut pas tre ici constamment et demeure conclut Josphine dans sa lettre
Hortense, Navarre, 24 dcembre 1810, cit in CHEVALLIER Bernard, CATINAT Maurice,
PINCEMAILLE Christophe (comp.), op. cit., p. 288.
1479
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 11 mai 1812.
1480
AN, AB192127, C. de Montlivault Bonpland, Paris, 11 mai 1812.
1481
Bonpland Champaigne, s. l., 30 mai 1813, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
53.
1482
AN, AB192127, Bonpland [sans destinataire], s. l., s. d.
383
Deuxime partie
Chapitre IV
384
Deuxime partie
Chapitre IV
paiement et il se fait encore rappeler lordre aprs avoir entam les fonds
extraordinaires sans laval de son suprieur 1490 . La fin de son intendance est
marque par une nouvelle baisse de ses prrogatives. En fvrier 1814, ne devant
plus rien faire sans une autorisation de Josphine, il exprime son dsarroi en
labsence de limpratrice, ne sachant qui sadresser1491 . Le budget de 1814 ne
lui octroie que 2 000 francs pour lentretien des serres, plus 12 000 francs pour
tout le reste 1492 . En mars Montlivault et Josphine lui donnent tort vis--vis de ses
subordonns 1493 ; il ne contrle plus ses ouvriers 1494 . Bonpland en vient
demander limpratrice sil doit continuer dadministrer les serres et les
jardins 1495 .
Cest enfin le temps du discrdit car peu avant la mort de limpratrice il
crit au baron de Beaumont suite un ordre reu de celle-ci
qui tout en me rendant dbiteur de sommes que je nai pas reues me
prouve que S.M. et vous sont loin davoir en moi la confiance et lestime
que jai toujours su mriter des personnes que jai eu lhonneur
dapprocher et qui ainsi que vous Mr le Baron ont t en tat de juger de
la droiture de ma conduitte.
1496
Cette dernire plaidoirie montre que la baisse de son statut comme la dfiance qui
lentoure est antrieure la mort de celle qui ne fut pas, uniquement, sa protectrice
et sa mcne. Aussi lorsque le prince Eugne lui propose de le conserver son
poste en 1814, Bonpland refuse
1490
385
Deuxime partie
Chapitre IV
1497
Surtout, il quitte une place trs diminue dans ses prrogatives et dans les
esprances quelle peut procurer. En 1816 la succession de Josphine lui octroie
6 000 francs, soit le tiers de ce quil estime lui tre d au titre de son salaire et des
frais de gestion pour Navarre 1498 .
C.
MALMAISON-NAVARRE,
UN
LABORATOIRE
PRE-
AMERICANISTE ?
Limmensit des collections botaniques amricaines ramenes par
Bonpland pose la question de leur intgration au corpus botanique existant et de
leur valorisation intrinsque. Quelle stratgie scientifique privilgier pour quelles
soient le plus utile la science et au savant ? Elles peuvent former un ensemble
autonome, dautant que ces collections sont quantitativement aptes pourvoir
entirement un centre scientifique. La question na pas t souleve par
lhistoriographie consacre Humboldt et Bonpland qui considre lintgration
des collections au Musum national dHistoire naturelle grce la donation de
Bonpland comme un fait allant de soi.
Si la plus grande partie est confie au Musum, dautres matriaux sont
donns dautres institutions ainsi qu des particuliers. Les bnficiaires de ces
dons ne sont pas forcment des spcialistes de lAmrique, la distribution
seffectuant en fonction des capacits scientifiques de chacun et de lintrt quils
peuvent porter ces chantillons dans leur domaine de comptence. Pourtant, la
question de lidentit pr-amricaniste mrite dtre pose pour deux motifs
principaux, dune part lintention mise par Bonpland de rassembler en un mme
lieu des chantillons dhistoire naturelle provenant dAmrique du Sud, dautre
part lintention de Josphine de crer un jardin botanique regroupant des espces
1497
Bonpland O. Gallocheau, Malmaison, 6 juillet 1814, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., p. 64. Le refus de rester Malmaison est bien fond, puisque la proprit dcline
rapidement ; cf. LE TEXNIER, op. cit., p. 161.
1498
AN, AB192127, [] sans destinataire, Paris, 15 mars 1816.
386
Deuxime partie
Chapitre IV
1499
1499
Deuxime partie
Chapitre IV
Bonpland prvoit alors de faire profiter sa ville natale de ses dcouvertes. Par la
suite, il privilgie les rseaux scientifiques parisiens mais en 1800 le botaniste
pense faire du Musum rochelais un dpt dobjets en provenance dAmrique.
Les termes employs dans cet extrait nous paraissent empreints dune relle
proccupation amricaniste. En effet, le contenant les formes et le contenu
le dveloppement musographiques sont susceptibles daccueillir un projet
scientifique centr sur lAmrique. La profusion du terrain amricain quil
dcouvre incite donc Bonpland penser en termes de spcialisation scientifique, le
Musum de La Rochelle lui paraissant dans un premier temps un lieu pouvant tre
aliment par et fond sur ses collections amricaines.
A son retour, Bonpland a abandonn le projet rochelais au profit de son
avenir scientifique qui se trouve Paris. Le Musum national est privilgi
puisquil lui fournit des plantes et des graines provenant dAmrique en
quantit 1500 . Aprs avoir termin de classer ses herbiers la fin de lanne 1807, il
offre encore au Musum 45 caisses de plantes sches 1501 . Cest le signe dune
centralisation scientifique qui entrane par contrecoup la disparition dun projet
amricaniste qui ne peut tre viable qu la condition de regrouper les collections.
Or, Bonpland choisit de disperser en distribuant une partie de celles-ci ; le jardin
de lEcole de Mdecine o il a tudi reoit une centaine despces, 360 sont
envoyes au jardin de Berlin et dautres partent pour des institutions et des
particuliers 1502 .
En outre, Bonpland remet des semences Mirbel pour le jardin de
Malmaison totalisant 345 espces originaires dAmrique 1503 . Le domaine compte
50 espces diffrentes en 1805, 132 en 1810 1504 . Au total, la flore de Malmaison
senrichit entre le retour de Bonpland, en 1804, et la mort de Josphine, en 1814,
1500
Cf. DELEUZE Joseph-Philippe-Franois, op. cit., pp. 256, 324. Le 9 pluvise an 13 Bonpland
mentionne le don de 300 espces de graines au Musum ; Mdiathque de La Rochelle, ms 676.
1501
HAMY Thodore Jules Ernest, Le centenaire du retour en Europe dAlexandre de Humboldt et
dAim Goujaud de Bonpland (3 aot 1804). Discours prononc la sance douverture du XIVe
Congrs des Amricanistes Stuttgart, le 18 Aot 1904, Angers, Imprimerie A. Burdin et Cie,
1904, p. 8.
1502
250 espces Franois Cels, un de nos ppiniristes les plus distingus , dautres Cuvier
pour le jardin de Gan, Noisette, Lacour Gouff, au jardin botanique de Bordeaux ;
BONPLAND Aim, op. cit., tome 1, pp. 78, 227 ; tome 2, p. 85, 115 ; Mdiathque de La
Rochelle, ms 676.
1503
AN, AB192127, Semences pour le jardin de Malmaison, s. l., an XIII.
1504
LE TEXNIER, op. cit., p. 160.
388
Deuxime partie
Chapitre IV
1505
389
Deuxime partie
Chapitre IV
1514
1513
Je veux multiplier en France les vgtaux de ce pays qui, par sa temprature, a de si grands
rapports avec le ntre , Josphine Cazeaux, Paris, 23 novembre 1803, cit in ibid., p. 137.
1514
Josphine A. Raffeneau-Delile, Malmaison, 28 mars 1804, cit in JOUANIN Christian,
BENOIT Jrmie, op. cit.
1515
En 1807, Mordant de Launay crit : LAmrique septentrionale nous offre beaucoup
despces utiles, dont sa majest limpratrice-reine a ordonn quon ft des semis considrables
dans ses ppinires de Malmaison, et dont elle a fait distribuer des plants aux cultivateurs, dans
tous les dpartemens o la nature de ces arbres donne lesprance de les voir sacclimater , cit in
BERTHAULT Louis, Arbres dornement du parc de la Malmaison plants sous la direction de M.
Berthault, architecte, Paris, Terzuolo, 1838, p. 3.
1516
Cf. VAN-PRAT Michel, op. cit., p. 5 ; VAN-PRAT Michel, Cultures scientifiques et
Muses dhistoire naturelle en France , in Herms, n 20, 1996, p. 146.
390
Deuxime partie
Chapitre IV
parvenir des graines et des plantes des Etats-Unis 1517 . Dans le mme temps, on
note un arrivage darticles dhistoire naturelle de Cayenne ainsi quune demande
pour ramener des vigognes du Mexique en profitant dune expdition
scientifique 1518 . Lensemble demeure htroclite, aucune direction scientifique
prcise ne semblant prendre corps malgr la volont affiche par limpratrice.
1519
1521
1517
1518
391
Deuxime partie
Chapitre IV
Cette exploration bienveillante serait profitable tous ; f. HARRISON Carol E., Planting
Gardens, Planting Flags: Revolutionary France in the South Pacific , in French Historical Studies,
vol. 34, n 2, 2011, pp. 243-277.
1523
La relation entre linvention du patrimoine en France et la mise en place de lEtat moderne est
dmontre entre la fin du XVIIIe sicle et le premier quart du XIXe sicle ; cf. POMMIER
Edouard, lArt de la libert. Doctrines et dbats de la Rvolution franaise, Paris, Gallimard,
1991 ; POULOT Dominique, Surveiller et sinstruire : la Rvolution franaise et lintelligence de
lhritage historique, Oxford, Voltaire Foundation, 1996 ; POULOT Dominique, Muse Nation
Patrimoine. 1789-1815, Paris, Gallimard, 1997.
392
Deuxime partie
Chapitre IV
Pour cela, il faut attendre en Europe la seconde moiti du XIXe sicle ; cf. LOPEZ-OCON
Leoncio, CHAUMEIL Jean-Pierre, VERDE CASANOVA, Ana (d.) Los americanistas del siglo
XIX. La construccin de una comunidad cientfica internacional, Francfort, Vervuert Verlag, 2006.
1525
AN, AB192127, Note des livres offerts par M. [], 16 fvrier 1810.
1526
BONPLAND Aim, op. cit., tome 1, pp. 18, 21, 72, 79 ; tome 2, pp. 6, 13, 17, 38, 87, 88, 90,
96, 140, 152, 155, 165, 205.
393
Deuxime partie
Chapitre IV
1527
Ibid., tome 1, pp. 10, 23, 62, 85, 96, 99, 163, 165, 167, 171, 184 ; tome 2, pp. 11, 87, 99.
LEBLOND Jean-Baptiste, Trait de paix entre le mrinos et la vigogne, ou Considrations sur
la vigogne et les avantages que lon peut retirer, Paris, Favre, 1809.
1529
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 4, 27
mars 1809, pp. 183-185.
1528
394
Deuxime partie
Chapitre IV
vaut dtre cart des cercles scientifiques franais 1530 . Au dbut du XIXe sicle, il
est impensable de fonder un laboratoire animal gocentr. Dune part la
proccupation pour le curieux et le rare ne permet pas de valoriser des espces en
fonction de leurs spcificits gographiques. Dautre part lutilitarisme privilgie
des expriences sur des animaux dj implants et jugs conomiquement viables.
Pour cela, Malmaison ne prsente des innovations que dans la mthode
dexposition et en suivant des expriences dj tentes ailleurs.
1532
1533
Leblond publie sur la culture du poivrier, la culture de lindigo et du rocou, la civilisation des
Indiens, la suppression de la mendicit grce la colonisation de la Guyane ; cf lintroduction de
Monique Pouliquen in LEBLOND Jean-Baptiste, Voyage aux Antilles. Dle en le, de la
Martinique Trinidad, (1767-1773), Paris, Karthala, 2000 (1813), pp. 7-8 ; cf. aussi POULIQUEN
Monique, Les voyages de Jean-Baptiste Leblond, mdecin naturaliste du roi, 1767-1802. Antilles,
Amrique espagnole, Guyane, Paris, CTHS, 2001.
1531
Cf. JOUANIN Christian, BENOIT Jrmie, op. cit., pp. 32-34.
1532
Alexandre de Laborde cit in DELMOTTE Pascale, op. cit., p. 40.
1533
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
395
Deuxime partie
Chapitre IV
1534
396
Deuxime partie
Chapitre IV
1544
1545
397
Deuxime partie
Chapitre IV
1549
1550
398
Deuxime partie
Chapitre IV
dagriculture cr alors insiste sur leur utilit pour la nation 1553 . Ce glissement
dune approche curieuse vers une approche utilitariste est confirm par le trait de
Ble sign en 1795. Il met fin la guerre franco-espagnole et fixe, dans un article
secret, le droit pour la France dimporter des mrinos sans quil soit respect 1554 .
Avec larrive au pouvoir de Bonaparte en 1799 llevage ovin devient un
pivot majeur de lindustrie textile. Au mois de juin 1800, une commission
compose de Thouin, Monge, Berthollet et Cels profite dune demande manant
de la socit dagriculture du dpartement de la Seine pour rglementer
lutilisation des deux troupeaux nationaliss de Rambouillet et de Versailles 1555 .
Leur utilit est une nouvelle fois rappele et prcise, puisquils sont jugs dune
grande importance pour les manufactures. De plus les fonctions des deux lieux
dlevage sont clairement dfinies. La fonction de recherche pour lamlioration
des races par leur croisement choit Versailles, celle de conservation de la race
mrinos tant attribue Rambouillet. Enfin, les commissionnaires conseillent de
diviser le troupeau de Rambouillet afin de le prserver 1556 . En 1801 1 200
animaux sont imports dEspagne afin dappliquer ce programme.
Malmaison est alors un domaine priv, mais en 1803 limportation de
mrinos est dcide afin de conserver et de multiplier la race, cest--dire dans un
but dutilit publique. Adrien Francastel savre l encore un prcieux alli avant
que dtre un intermdiaire efficace car il dfend et nous fait connatre en
octobre 1803 le projet utilitariste de Josphine en ces termes :
Vous voulez couvrir de btes laine de la plus belle race un sol qui nen
nouri que dune espece chetive et en assez petit nombre
1557
1553
399
Deuxime partie
Chapitre IV
1558
400
Deuxime partie
Chapitre IV
fournir parmi les meilleurs spcimens du cheptel espagnol quelle partage avec les
fermes impriales de Mont-de-Marsan, Rambouillet et Trves 1565 .
Limportance de cette industrie est souligne en 1808 par llection de
Charles-Gilbert Morel de Vind la place de correspondant de lInstitut pour
lEconomie rurale. Or Morel de Vind, propritaire Celle Saint-Cloud et membre
des socits dagriculture de Versailles et Paris, soumet des projets damlioration
des mrinos qui sont discuts lInstitut 1566 . La mme anne le ministre de
lIntrieur charge Jean-Marie Poyfr de Cre, membre de plusieurs socits
dagriculture et qui a par ailleurs observ le processus de lavage des laines
Sgovie, de faire venir des mrinos jusqu Paris 1567 . Cette branche de lindustrie
se caractrise par une convergence des intrts publics et privs qui profite
lessor du cheptel de Malmaison. La forte demande et le dynamisme des
particuliers dans ce domaine 1568 place Malmaison dans une position centrale lors
de cette tape pionnire.
1565
401
Deuxime partie
Chapitre IV
de cette activit pour laquelle il nest pas form mais qui offre daussi grands
avantages lEmpire franais 1571 . Aussi poursuit-il la politique de conservation
et dextension de la race. Il voit aussi dans cette partie de la mnagerie une source
de revenus vidente, raisonnant en termes dconomie rurale au lieu de penser
lagrment et la magnificence 1572 .
Face au problme de lextension du troupeau, Bonpland propose en 1809
de consacrer une partie du budget prvu pour lanne 1810 afin de perfectionner la
bergerie et demployer des bergers instruits1573 . Sur ce point de lexcellence, il
est en accord avec Josphine qui elle-mme oblige un particulier possdant un des
premiers troupeaux de mrinos en France lui cder son matre-berger, Franois
Jrmie Boulanger 1574 . Le maintien de la qualit exceptionnelle du cheptel de
Malmaison est essentiel et tout indique que Bonpland souhaite faire de Malmaison
une bergerie dlite pour laquelle il dispose des meilleurs atouts. Au dbut de
lanne 1809 les naissances permettent un accroissement du troupeau de 50% ;
Bonpland espre parvenir en mai au nombre de 1 435 individus 1575 . Il se lance
donc dans une politique de dveloppement et dacquisition, prconisant
damnager des terres Garches dans lattente de la construction de la bergerie de
Fontainebleau et prenant en charge larrive dun nouveau troupeau espagnol 1576 .
A la diffrence des autres programmes animaliers et botaniques conus
Malmaison, llevage ovin ne priclite pas partir de 1809. Au contraire,
Bonpland fait preuve dune gestion scrupuleuse qui produit de bons rsultats dans
ce domaine. Les bnfices sont de lordre de 11 960 francs en 1809, soit un solde
positif de 49% par rapport aux dpenses 1577 . Pour lanne 1810 ils se montent 32
1571
Bonpland Josphine, Malmaison, 24 avril 1809, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., pp. 25-26.
1572
Contrairement ce quaffirment JOUANIN Christian, BENOIT Jrmie, op. cit., p. 30.
1573
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
1574
CHEVALLIER Bernard, op. cit., p. 61.
1575
AN, AB192127, Note sur les mrinos, Malmaison, 26 janvier 1809 ; AN, AB192127,
Consommation des Chevaux, Vaches et Mrinos du domaine de Malmaison, 1809.
1576
Bonpland Josphine, Malmaison, 24 avril 1809, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., pp. 25-26 ; AN, AB192127, Consommation du nouveau troupeau pendant les six premiers
mois de 1809, Malmaison.
1577
Le nouveau troupeau venu dEspagne en 1809 consomme moins de trois francs par mois, 16
francs pour six mois. Les 569 brebis pendant les 6 premiers mois de 1809 cotent au total 7 576
francs, soit 13 francs par tte. En 1809 le cot en nourriture slve finalement 26 francs par tte ;
AN, AB192127, Consommation du nouveau troupeau pendant les six premiers mois de 1809,
Malmaison ; AN, AB192127, Consommation des 569 brebis pendant les six premiers mois de
1809, Malmaison ; AN, AB192127, Consommation des Chevaux, Vaches et Mrinos du domaine
de Malmaison, 1809.
402
Deuxime partie
Chapitre IV
872 francs, le solde atteignant 230%. Le rsultat de la tonte dune des meilleures
laines produites en France reprsente une part importante des bnfices, soit
23 940 francs pour les annes 1809 et 1810 avec une hausse du produit de prs de
50% entre les deux annes 1578 . Montalivet, le nouveau ministre de lIntrieur
nomm en octobre 1809, se montre lui favorable un dveloppement des
bergeries du type de celle de Malmaison qui permettent de conserver le type
primordial 1579 des mrinos venus dEspagne et de le propager dans le pays. La
convergence des objectifs plaide donc en faveur du dveloppement de la bergerie
de Malmaison.
Afin de rpondre ces objectifs ainsi quau manque de place, Bonpland
prconise la vente du surplus dautres tablissements. Elles savrent faibles en
1809 et 1810 tandis que le troupeau ne cesse de crotre. Cela sexplique par un
manque de notorit ; les ventes
ont t deprecies precedemment ; elles sont loin davoir acquis
lheureuse celebrit de celles de Rambouillet
1580
A cette poque, Tessier et Montalivet expliquent que les acheteurs se fient au prix
de vente pour juger de la qualit des btes 1581 . Aussi la renomme dun cheptel
sacquiert-elle grce, notamment, une politique de vente au prix fort.
La rputation du cheptel devenant excellente, la vente de laine rapporte
15 936 francs en 1810, celle des btes se montant 27 680 francs 1582 . Lactivit de
la bergerie est appuye par le dcret imprial du 8 mars 1811. Il ordonne la
cration de soixante dpts de bliers mrinos en France dans le but damliorer le
cheptel et de porter un coup dcisif lindustrie textile anglaise 1583 fait esprer un
regain dactivit de la bergerie :
1578
5 579 kilos sont vendus ; AN, AB192127, Bonpland L. Pierlot, Malmaison, 26 juillet 1810.
MONTALIVET Jean-Pierre BACHASSON de, Nouveau rapport sur lamlioration des btes
laine
en
France
[en
ligne],
Paris,
23
mars
1811.
URL :
http://www.napoleonica.org/gerando/GER02514.html. Ce rapport rdig en 1811 prconise une
politique dj mise en uvre Malmaison dans tous ses aspects. Nous ne connaissons pas la nature
exacte des rapports entre Montalivet et lintendant de Malmaison, ni si celui-ci a pu influencer le
ministre de lIntrieur. Nanmoins, la convergence de vues plaide en faveur du travail effectu par
Bonpland entre 1809 et 1811.
1580
Muse de Malmaison, A. Francastel Josphine, s.l., 14 mai 1809.
1581
la majorit des fermiers et des cultivateurs sont remplis de prjugs ; [] en apprenant que
les btes appartenant au Gouvernement se vendent trs-bas prix, ils craindront de faire en les
achetant une mauvaise opration, parce quon est dispos juger de la valeur des choses par le prix
quy met le vendeur , MONTALIVET Jean-Pierre de, op. cit.
1582
AN, AB192127, Produit de Malmaison en 1810.
1583
TEYSSIER Eric, op. cit., pp. 38-39.
1579
403
Deuxime partie
Chapitre IV
1584
1591
Mais au mois de juillet 1812, Josphine ne veut conserver que 100 brebis et
quelques bliers 1592 . Les sources ne permettent pas daffirmer que Josphine se
soit lasse dune activit strictement conomique ou quelle ait t influence par
Montlivault. De plus, les chiffres fournis par Bonpland ainsi que le contexte trs
favorable la poursuite de lactivit invalident le prtexte conomique.
Pourtant la mise en cheptel est dcide par Montlivault, ce qui contribue
la dgradation des relations entre les deux intendants si ce nen est pas dj une
consquence. En 1812, la vente des btes restantes rapporte seulement 2 606
1584
404
Deuxime partie
Chapitre IV
francs soit un solde positif de 22% alors que celle se droulant Rambouillet
rapporte la somme leve de 31 938 francs 1593 . La demande est donc toujours
forte, les acheteurs paraissant se replier sur Rambouillet dfaut dune offre
suffisante de la part de Malmaison. Mais lanne suivante, Malmaison perd son
statut de laboratoire dlite puisquil ne figure plus parmi les tablissements cits
comme des modles dlevage ovin. Pourtant, lintendant fait preuve dune
exprience solide et dun rseau qui lest tout autant 1594 . Finalement, il ne reste
que 296 ttes en 1814. Comme dans les autres domaines de la science thorique et
applique, le laboratoire ne parvient pas occuper une place prpondrante. Cette
absence dancrage nest pas imputer seulement au dcs de Josphine, cette
hypothse tant souvent avance par les spcialistes de Bonpland et de
Malmaison. Les orientations scientifiques dcides et abandonnes par Josphine
et sa Maison, les relations entre Bonpland et ses suprieurs ainsi que le travail
men et les projets voulus par Bonpland sont des lments dexplication crdibles
cette absence dancrage.
dveloppe
un
projet
botanique
fond
sur
1593
1594
405
Deuxime partie
Chapitre IV
tre
Rpublique
rpandues
1597
dans
les
diffrents
dpartements
de
la
406
Deuxime partie
Chapitre IV
1603
Le jardin possd par Jacques Philippe Martin Cels renferme la ppinire o lon sest fourni
pour fonder celui de Malmaison crit Ventenat, cit in DELMOTTE Pascale, op. cit., p. 57.
1599
Josphine L.-G. Otto, s.l., 8 juin 1801, cit in CHEVALLIER Bernard, CATINAT Maurice,
PINCEMAILLE Christophe (comp.), op. cit., p. 109.
1600
AN, AB192127, C.-F. Brisseau de Mirbel N. Jacquin, Malmaison, 9 fructidor an XI.
1601
Muse de Malmaison, A. Francastel Josphine, s. l., s. d.
1602
C.-F. Brisseau de Mirbel Dubouchage, Malmaison, 10 octobre 1804, cit in JOUANIN
Christian, BENOIT Jrmie, op. cit., p. 50.
1603
Muse de Malmaison, A. Francastel Josphine, s. l., 19 vendmiaire an XII.
1604
Josphine Cazeaux, Paris, 23 novembre 1803, cit in CHEVALLIER Bernard, CATINAT
Maurice, PINCEMAILLE Christophe (comp.), op. cit., pp. 137-138.
407
Deuxime partie
Chapitre IV
1605
1605
408
Deuxime partie
Chapitre IV
chanvre 1613 . Aprs lui, Bonpland poursuit dans la volont dune mise en valeur
conomique des territoires mridionaux. Aprs le divorce de Josphine, la
fonction de donateur endosse par le jardin de Malmaison se poursuit un rythme
soutenu, les envois de plantes tant quotidiens selon Frdric Masson 1614 . Cette
analyse est peut-tre exagre mais Pierre-Joseph Redout 1615 , le peintre floral de
Josphine, tmoigne un an avant la mort de Josphine de sa grande prodigalit 1616 .
Si en 1809 Francastel incite limpratrice poursuivre dans la voie de
lutilitarisme 1617 , la distribution tmoigne dune activit botanique toujours forte
sans
quaucun
projet
scientifique
prcis
nen
profite
pourtant.
Cest
1613
409
Deuxime partie
Chapitre IV
collection naturelle 1618 . Parmi les voyageurs cits, seul Bonpland cumule les
expriences du grand voyageur et du crateur de jardin. A ce titre, il peut tre
considr comme un modle de cette relation entre la curiosit scientifique et sa
mise en collection lintrieur despaces cumulant la fonction ostentatoire et
laborantine 1619 .
En ce qui concerne Malmaison, limpulsion doit tre attribue dabord
Thouin qui fournit le premier Josphine en plantes issues du Musum. Un an aprs
lachat de Malmaison une orangerie est construite afin daccueillir les dons en
provenance de linstitution scientifique. En 1802 Josphine est dj une amatrice
claire de botanique 1620 et lorangerie, juge trop exige, est remplace par la
grande serre chaude difie en 1803 et 1804 sous lintendance de Mirbel, pour un
cot dpassant les 200 000 francs. Plus moderne que celle du Musum, elle est
considre comme une des sept merveilles de Paris 1621 . Mirbel, qui se
consacre essentiellement la botanique, permet au jardin de Malmaison de
prendre une importance considrable 1622 . La serre remplit Malmaison la triple
fonction de cabinet de curiosits, de salon dagrment et dtablissement
scientifique 1623 . Il nexiste pas de coupure entre les proccupations scientifiques et
celles du loisir ; chaque extrmit de la grande serre des statues dimitation
grecque sont installes et en arrire une srie de salons est conue pour profiter de
la vue sur les plantes 1624 . Lentretien de la grande serre cote lui seul 6 000
francs 1625 .
1618
Cf. DUBBINI Renzo, Geography of the Gaze. Urban and rural vision in early modern Europe,
Chicago, The University of Chicago Press, 2002, pp. 148-165.
1619
Les travaux rcents dYves-Marie Allain ce sujet ouvrent des pistes de recherche
nombreuses ; cf. ALLAIN Yves-Marie, De lorangerie au palais de cristal. Une histoire des
serres, Versailles, Quae, 2010.
1620
CHEVALLIER Bernard, PINCEMAILLE Christophe, Limpratrice Josphine, Paris, Payot,
2002 (1988), pp. 281-286. Aussi, le jardinier Flix Delahaye ne peut tre considr comme
linitiateur de lacclimatation et de la culture des espces rares, Bonpland tant regard comme la
personne ayant inculqu limpratrice le got pour la botanique et ayant peupl les serres ; cf.
DELMOTTE Pascale, op. cit., pp. 50-51.
1621
MASSON Frdric, Manuscrit indit sur Malmaison, janvier 1944, p. 13 ; DELMOTTE
Pascale, op. cit., p. 53.
1622
LE TEXNIER, op. cit., p. 138.
1623
DELMOTTE Pascale, op. cit., p. 52. Malmaison est la fois un lieu de la vie sociale, de culture
et de protection pour les plantes rares, exotiques et fragiles ; cf. ALLAIN Yves-Marie, op. cit., p.
12.
1624
Ibid., p. 53 ; CHEVALLIER Bernard, PINCEMAILLE Christophe, op. cit., p. 286.
1625
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
410
Deuxime partie
Chapitre IV
1626
En plus des serres destines lornement, Bonpland fait installer une ppinire
quil estime trs riche en avril 1811 et quil juge indispensable pour
dvelopper le domaine en septembre de cette anne :
Cest surtout dans la vue de faire des plantations Navarre que S. M. a
fait lacquisition de la ppinire de M. Amelot et on verra avec le tems
lavantage immense que S.M. tirera de cette acquisition.
1627
Deuxime partie
Chapitre IV
de lensemble des jardiniers demandent encore tre tudis 1631 . Quant au reste
du personnel, nous savons quil reprsente le tiers des dpenses prvues pour
1810 1632 sans en connatre le dtail.
Il semble donc qu Navarre moins qu Malmaison encore Bonpland ait
voulu tirer parti de son exprience amricaine. Mais en prenant en compte
linnovation, lambition de crer un laboratoire et dy fonder une tradition
scientifique, le projet de Bonpland conu en France correspond celui quil mne
au Ro de la Plata. Laspect pr-amricaniste de ce laboratoire rsulte non pas dans
le got pour lexotisme ou le tropicalisme mais dans linnovation et le transfert des
connaissances, des mthodes et des centres scientifiques. La collecte et
lutilisation scientifique des ressources naturelles existantes, grce la cration
dun laboratoire globalisant en France, se retrouve ensuite Buenos Aires et
Corrientes sous une forme gocentre, cest--dire consacre en priorit aux
ressources rioplatenses.
1631
1633
A Malmaison-Navarre comme partout ailleurs quelques noms mergent, mais il en est des
milliers dont le travail demeure tudier ; cf. ALLAIN Yves-Marie, op. cit., pp. 19-31.
1632
AN, AB192127, Budget des Dpenses Ordinaires du Domaine de Malmaison pour Lan 1810,
prsent par LIntendant du domaine.
412
Deuxime partie
Chapitre IV
Parmi les plantes rares, les bruyres constituent le fleuron de Navarre, leur
culture suscitant une mulation entre les jardins europens. Bonpland se lance
avec succs dans cette comptition, plaant la France derrire lAngleterre et la
Hollande avec quatre collections dont la plus importante est celle de MalmaisonNavarre 1634 . Or il sagit avant tout dune mode, mais dun point de vue
scientifique Malmaison-Navarre semble marginalis. Bonpland ne prsente pas le
rsultat de ses recherches devant lInstitut, et deux ouvrages seulement sont issus
de onze annes de recherches menes par les botanistes de limpratrice 1635 . De
plus, la reconnaissance des travaux effectus Malmaison-Navarre se limite au
milieu des socits savantes locales qui ne disposent apparemment pas dun poids
significatif avant les annes 1820 1636 .
Le terme de jardin des Plantes de Malmaison employ par Bonpland
en 1814 fait rfrence celui du Musum. Il nest pas incongru dinterprter
lusage de ce terme comme un signe de limportance acquise par ce jardin et
comme un dsir de reconnaissance. En 1813, un rapport prsent lInstitut
indique que la fonction de laboratoire de Malmaison-Navarre nest pas reconnue
par linstitution, ce qui implique quil na pas su acqurir une place parmi llite
savante franaise ni parvenir aux objectifs fixs par Josphine 1637 . Il indique
pourtant quil existe un terrain favorable ltablissement dun jardin
1633
Bonpland A. R. Delile, Malmaison, 7 mars 1814, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 62. Le beau et le rare sont les notes dominantes des jardins de limpratrice.
1634
LETOUZEY Yvonne, op. cit., p. 536. Bonpland crit : La plus belle et la plus riche
collection de ce genre que je connoisse en France, est Navarre ; elle se compose de cent trentedeux espces dtermines , cit in JOUANIN Christian, BENOIT Jrmie, op. cit.
1635
VENTENAT Etienne-Pierre, Jardin de la Malmaison, Paris, Crapelet, 1803, 2 vol. ;
BONPLAND Aim, Description des plantes rares cultives Malmaison et Navarre, Paris, P.
Didot lan, 1813. Deux autres ouvrages sont financs par limpratrice : CANDOLLE Auguste
Pyrame de, ROCHE Franois de la, RAFFENEAU-DELILE Alyre, Les Liliaces, Paris, lauteur,
1802-1816, 8 tomes ; THORY Claude-Antoine, Les Roses, Paris, Firmin-Didot, 1817-1824, 3
tomes.
1636
En ce qui concerne les musums au moins, laccroissement de leur nombre ne dbutant qu
partir de cette priode ; VAN-PRAT Michel, Cultures scientifiques et Muses dhistoire
naturelle en France , in Herms, n 20, 1996, pp. 146-147. Pierre-Aim Lair qui vante le rsultat
de Malmaison est membre de la socit dagriculture de Caen ; cf. Magasin encyclopdique, ou
journal des Sciences, des Lettres et des Arts, tome 2, mars 1815, p. 121. Dumont de Courset est
correspondant de lAcadmie des sciences mais davantage impliqu localement.
1637
Le compte-rendu explique que M. de Lasteyrie propose la cration dun jardin de plantes
dusage dans les diverses classes dconomie pour distribuer les graines de celles qui sont rares
ou utiles. Or, Thouin la fait au Musum mais trop en petit, relativement ltendue de la France.
Malgr son exiguit on en retire des avantages qui appuient la proposition de M. de Lasteyrie ,
cit in Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 5, 1er
fvrier 1813, p. 154. En 1806, Charles de Lasteyrie (1759-1849) avait postul sans succs dans la
section dconomie rurale de lInstitut, Bosc tant alors lu. Il demeure ensuite en marge des
institutions savantes.
413
Deuxime partie
Chapitre IV
ds
1811
Malmaison-Navarre
est
signal
comme
un
CONCLUSION
Aim Bonpland tente de tirer profit de son exprience amricaine dans un
contexte scientifique domin par le Musum national dHistoire naturelle et par
lInstitut. La porte du voyage peut tre mesure laune de celui dEgypte. Ces
1638
LEGRAND DE BOISLANDRY Franois-Louis, Examen des principes les plus favorables aux
progrs de lagriculture, des manufactures et du commerce, Paris, Renouard, 1815, tome 1, p. 175.
1639
AN, AB192127, Bonpland C. de Montlivault, Malmaison, 20 septembre 1811. Largument
est utilis afin dobtenir un fonds exceptionnel pour lentretenir.
1640
DUMONT DE COURSET Georges Louis Marie, op. cit., tome 1, pp. 130-131.
1641
Vilmorin, Godefroy, Andr Dupont, Guerrapain, Noisette et Margat ; DELMOTTE Pascale,
op. cit., p.57 ; CHEVALLIER Bernard, op. cit., p. 52.
414
Deuxime partie
Chapitre IV
deux expditions, dj mises en parallle par Jean-Marc Drouin 1642 , ont aussi en
commun leurs publications monumentales permettant den mesurer et den valider
la porte scientifique a posteriori. En faisant appel aux plus grands scientifiques
europens afin de rdiger son Voyage aux rgions quinoxiales, Humboldt lui
confre une validit scientifique incontournable. Or, les institutions dominantes
privilgient la connaissance et la comprhension de la totalit des phnomnes
naturels, ce qui permet au projet scientifique encyclopdique de Humboldt dtre
reu favorablement tandis que Bonpland, davantage spcialis, parvient
difficilement tirer parti de sa discipline scientifique et de ses inclinaisons ce
contexte scientifique. En effet, lespace scientifique pris par Humboldt dans cette
publication semble empcher son compagnon de voyage den tirer tout le profit
escompt.
Dot dun vritable got pour lAmrique, faisant de lui un amricaniste au
sens initial donn ce mot, le Rochelais esquisse dans un premier temps un projet
amricaniste au sens scientifique du terme, au moment o Josphine de
Beauharnais dveloppe un got similaire. Le projet initial de Bonpland sadapte
loffre scientifique en se portant vers le voyage dabord via sa demande de poste
auprs du Musum puis vers lexotisme travers ses communications et ses
publications. Ne tirant pas profit de ces options, il choisit daller vers un
laboratoire innovant qui peut tre considr comme lquivalent priv du Musum
national. Or, labsence de publicit des travaux ultrieurs de Bonpland ainsi que la
sociabilit cultive mais non savante fonde sur des liens privs entre MalmaisonNavarre et les autres centres scientifiques ne permettent pas lmergence de
lespace scientifique souhait par Bonpland. Llite savante marginalise les
initiatives prives considres comme provenant damateurs clairs rapidement
assimils des ignorants 1643 .
Des recherches demandent encore tre effectues, principalement
concernant les rseaux scientifiques entretenus par Bonpland ; mais il semble quil
veut, comme Mirbel avant lui, saccaparer une structure prive afin dy dvelopper
ses projets. A la diffrence de son prdcesseur cependant, Bonpland tente de
1642
Deuxime partie
Chapitre IV
un
lieu
de
culture
scientifique
gocentr.
Dans
le
contexte
416
CHAPITRE V
LAmrique hispanique laube des
indpendances : Grands Tours et perspectives
scientifiques (1748-1821)
INTRODUCTION
Le caractre initiatique et formateur du Grand Tour europen peut
sappliquer aux voyages dexploration raliss par les voyageurs naturalistes des
XVIIIe et XIXe sicles, particulirement lAmrique espagnole. Avec
lacquisition de leur indpendance, les colonies espagnoles deviennent ltape
dun Grand Tour des scientifiques europens et, pour certains dentre eux,
lobjectif dun priple car laire hispano-amricaine offre de grandes perspectives
scientifiques. En effet, son ouverture aux savants trangers est un phnomne
rcent puisque jusquau voyage de Humboldt et Bonpland les souverains
espagnols en interdisent laccs ou en limitent fortement lexploration.
Nanmoins, le mouvement des Lumires qui touche le continent amricain partir
de la seconde moiti du XVIIIe sicle en permet une lecture renouvele et favorise
lmergence dune lite amricaine claire. Le Ro de la Plata est
particulirement concern par ce mouvement puisque celui-ci saccompagne de la
rforme administrative des colonies de la Couronne espagnole permettant la
cration de la vice-royaut de la Plata en 1776, son autonomisation politique et
conomique ainsi que son mergence culturelle et scientifique.
Deuxime partie
Chapitre V
A.
LAMERIQUE
ESPAGNOLE
ENTRE
DEUX
Deuxime partie
Chapitre V
Deuxime partie
Chapitre V
1644
Deuxime partie
Chapitre V
contemporains 1646 . Second dcouvreur mais aussi premier des amricanistes 1647 ,
dans la mesure o il tente dtudier avec succs de manire scientifique et
exhaustive ce continent. Plutt que le premier des amricanistes, il est leur
prcurseur puisque cette discipline nest pas institue. Aussi Humboldt occupe-t-il
une place fondamentale dans larchologie de lamricanisme, dans sa phase pramricaniste.
Le titre de second dcouvreur marque aussi lapoge du voyageurnaturaliste, dont le statut dobservateur et de porte-parole des Lumires est
dsormais admis 1648 . Il sagit dun aspect essentiel de la constitution du savoir
amricaniste : en intgrant leur bagage culturel les ides du monde clair, les
voyageurs prolongent et surtout critiquent les connaissances des savants demeurs
en Europe. En effet, une lutte oppose alors les savants nomades aux
sdentaires . Lutte souterraine, maillant les crits des deux partis et qui
mriterait une tude dtaille, lenjeu portant sur la place du voyageur lintrieur
de lespace culturel des Lumires. Raynal et Diderot sont les plus vhments
contre les voyageurs de long cours, les ramenant au rang suprme injure de
nouvelle espce de sauvages nomades 1649 . Pour leur part, les Bougainville et
1646
421
Deuxime partie
Chapitre V
Laprouse plaident pour une science des faits, contre lesprit de systme et les
faiseurs de systmes qui, au fond de leurs cabinets, tracent la figure des
continents & des isles 1650 .
Or, le voyage vers le Nouveau Monde se rclame dun esprit de dcouverte
hrit du Sicle dOr. La tradition est invoque non seulement par les
Espagnols 1651 , mais plus explicitement encore par les nations concurrentes. La
dcouverte de lAmrique a-t-elle t utile ou nuisible au genre humain ? La
question, mise au concours en 1782 par lAcadmie de Lyon sur proposition de
Raynal, nous semble significative du foss qui samplifie entre thoriciens et
praticiens du Nouveau Monde, pourtant issus du mme creuset intellectuel. Les
premiers saccordent pour dire, la suite de Pauw et de labb Roubaud, que la
conqute de lAmrique est la plus affreuse des calamits que lhumanit ait
souffertes de la part de lhomme 1652 ; les seconds se placent au-del de la
controverse, se voulant dabord des vecteurs do peuvent sortir de grands
avantages pour laccroissement des Arts et des Sciences et par suite pour le bien
de lhumanit 1653 . Les dcouvertes et les conqutes ne sont pas closes, mais
sinscrivent dans la longue histoire des progrs de lesprit humain. A ce titre, elles
obtiennent une nouvelle lgitimit culturelle dont se targue Cook bord de
Discovery ou Malaspina naviguant sur la Descubierta. Ici saffirme aussi la
culture des voyageurs par rapport celle des naturalistes de cabinet.
Contrairement Buffon qui cherche expliquer les causes de la diversit entre les
deux mondes, les premiers sondent les points communs. Humboldt rsume cet
esprit conqurant : Quel que soit le motif, tout ce qui excite au mouvement, soit
mres, ni enfants, ni frres, ni parents, ni amis, ni concitoyens , RAYNAL Guillaume Thomas de,
Histoire philosophique et politique des tablissements et du commerce des Europens dans les
deux Indes, Genve, Pellet, 1780, tome 10, pp. 473-475.
1650
Cits in WOLFZETTEL Friedrich, op. cit., pp.293-297.
1651
Cf. PINO DIAZ Fermin del, LAmrique et le dveloppement de la science en Espagne au
XVIIIe sicle : tradition, innovation et reprsentation propos de Francisco Hernandez ,
in Groupe interdisciplinaire de recherches et de documentation (d.), LAmrique espagnole
lpoque des Lumires : tradition, innovation, reprsentations, colloque franco-espagnol du CNRS
[Talence], Paris, CNRS, 1987, pp. 101-122.
1652
Cit in GERBI Antonello, op. cit., p. 150.
1653
Instruccion [] para pasar a la America Meridional en compaia del Medico Dr Josef
Dombey, 1777, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Joseph Dombey, mdecin, naturaliste,
archologue, explorateur du Prou, du Chili et du Brsil (1778-1785), Paris, Guilmoto, 1905, p.
XXIV.
422
Deuxime partie
Chapitre V
1657
Cit in MINGUET Charles, cit., pp. 586-587. Jean-Pierre Clment rsume parfaitement cette
continuit entre le Sicle dOr et celui des Lumires : il faut attendre le XVIIIe sicle pour voir
apparatre un renouveau, une sorte de seconde Renaissance ; un lan denthousiasme porte les
Europens, un apptit de savoir les pousse essayer de connatre la nature de la faon la plus
complte possible. ; CLEMENT Jean-Pierre, Botanique et Lumires en Espagne (A propos
dun ouvrage rcent, la Flora Peruviana) , in SERRANO Carlos, DUVIOLS Jean-Paul,
MOLINIE Annie (dir.), Les voies des Lumires. Le monde ibrique au XVIIIe sicle, Paris, Presses
de lUniversit de Paris-Sorbonne, 1998, pp. 151-163. Cest bien la conqute de lAmrique qui
annonce et fonde notre identit prsente []. Nous sommes tous les descendants directs de
Colomb, cest en lui que commence notre gnalogie , clame encore TODOROV Tzvetan, La
conqute de lAmrique. La question de lAutre, Paris, Seuil, 1982, p. 14.
1655
STEDMAN John Gabriel, Voyage Surinam et dans lintrieur de la Guyane, Paris, Buisson,
1787, p. 231.
1656
ANSON George, Voyage autour du monde, Paris, Utz, 1992 (1749), p. 61.
1657
Cit par LAISSUS Yves, Les voyageurs naturalistes du Jardin du Roi et du Musum
dhistoire naturelle : essai de portrait-robot , in Revue dhistoire des sciences, tomes 34, n 3-4,
1981, p. 312. Aim Bonpland sexprime de manire similaire lors de son arrive aux les Canaries :
Vous devez juger du plaisir quon prouve lorsquaprs quinze jours de premire navigation on
aperoit terre. De suite je montais au haut du grand mt et je cherchai des yeux, arm dune bonne
lunette, dcouvrir les productions de cette terre qui, pour moi, tait nouvelle et devait apaiser la
soif brlante qui me dvorait de voir des plantes, des insectes, des oiseaux, etc , Bonpland aux
habitants des Chauvins, Cuman, 16 juillet 1799, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, p. 4.
423
Deuxime partie
Chapitre V
1660
1658
Tel Sguier, conseillant Dombey avant son dpart pour le Prou, en 1777 : Voil bien des
occupations et des remarques faire ; je connais votre zle et votre patience et jen espre tout , in
HAMY Thodore Jules Ernest, Joseph Dombey, mdecin, naturaliste, archologue, explorateur du
Prou, du Chili et du Brsil (1778-1785), Paris, Guilmoto, 1905, p. 322. Philibert Commerson
rdige son propre programme avant son embarquement sous les ordres de Bougainville, en 1772.
Sur la formation et le caractre des voyageurs-naturalistes, cf. LAISSUS Yves, op. cit., pp. 261317.
1659
Humboldt et Bonpland se nourrissent de Paul et Virginie ; Dombey cite Feuille et La
Condamine Robertson ou Snque. L encore, il reste tudier le bagage des voyageurs. Par
ailleurs, la pratique de la ddicace prouve lattachement du voyageur sa confrrie ; Marquez
moi les noms des botanistes clbres que vous connaissez hors du royaume, afin que je puisse leur
ddier quelque chose , demande Dombey Thouin, in HAMY Thodore-Jules Ernest, op. cit., p.
50.
1660
Humboldt K. L. Willdenow, La Havane, 21 fvrier 1801, cit in HAMY Thodore-Jules
Ernest, Lettres amricaines dAlexandre de Humboldt (1798-1807). Prcdes dune notice de J.C.
Delamtherie et suivies dun choix de documents en partie indits, Paris, Guilmoto, 1905, p. 114.
424
Deuxime partie
Chapitre V
presque invraisemblable, que nous revenions sains et sauf , aussi croit-il bon de
rdiger son testament scientifique 1661 .
1661
Ibid., pp. 107-108, 142. Les botanistes qui font partie de toutes les expditions figurent en
bonne place au palmars de ceux stant sacrifis : la botanique eut de tout temps des
admirateurs, des historiens et mme des martyrs. ; [l]a botanique doit ses principales richesses
aux savans voyageurs qui ont publi les rsultats de leurs herborisations souvent pnibles, et
parfois pleines de dangers. , CHAUMETON Franois Pierre, Flore mdicale, Paris, Panckoucke,
1814, tome I, pp. VI, IX. Il serait intressant dtudier cette martyrologie savante sur le long terme
et de la replacer dans une histoire des voyageurs-martyrs, entre les vanglisateurs les prcdant et
les civilisateurs qui leur succdent. On pourrait analyser dune part les glissements entre les
diffrentes figures hroques et dautre part les catgories les plus exposes, au moins dans
limaginaire collectif.
1662
ULLOA Antonio de, Mmoires philosophiques, historiques, physiques, concernant la
dcouverte de lAmrique, ses anciens Habitans, leurs murs, leurs usages, leur connexion avec
les nouveaux Habitans, leur religion ancienne et moderne, les productions des trois rgnes de la
Nature, et en particulier les mines, leur exploitation, leur immense produit ignor jusquici,
Paris, Buisson, 1787, vol. 1, pp. 6-7, 10-11 ; vol. 2, pp. 112-119.
425
Deuxime partie
Chapitre V
effectue entre 1750 et 1767, une volont de rattacher les deux continents se fait
jour. Surtout, lide dun progrs continu dest en ouest, annonc notamment par
Adam Smith propos du Nord du continent, sapplique-t-elle aussi bientt au Sud
grce Humboldt, qui parvient insrer ce progrs culturel dans un mouvement
naturel. La naturalisation des relations sociales amne la mise en place dun savoir
unique certes 1663 , mais aussi la conscience du caractre polycentrique du
monde 1664 .
La constitution du savoir entre Europe et Amrique est dabord le rsultat
de lmancipation du voyageur clair. Celui-ci parvient runir empirisme et
raison dans une dmarche culturelle renouvele 1665 . Les instructions de Volney,
parues en 1795, et celles de Grando, qui fournit en 1800 le premier questionnaire
nommment
ethnographique
pour
lexpdition
Baudin 1666 ,
rconcilient
1663
Deuxime partie
Chapitre V
Du miroir au laboratoire
La mise en forme des concepts dvelopps permet une premire
reconstruction du savoir. Les membres de lexpdition Malaspina se munissent de
tous les ouvrages ncessaires pour faire de leur btiment un laboratoire flottant
capable non seulement de rassembler, mais encore de traiter linformation et de la
confronter aux sources plus anciennes. En ayant de tels moyens leur disposition,
1667
Unifier aussi les deux mondes du savoir et de lexprience. A ce propos, voir lvolution de la
reprsentation du savant au travail de Raynal Humboldt tudie par ETTE Ottmar, La puesta en
escena de la mesa de trabajo en Raynal y Humboldt , in Cuadernos americanos, juillet-aot 1994,
n 46, pp. 29-68.
1668
Tel Fuse-Aublet, envoy Cayenne comme pharmacien et botaniste de 1762 1765, et qui
publie en 1775 une Histoire des plantes de la Guiane franaise, ranges selon la mthode sexuelle,
avec plusieurs mmoires sur diffrents objets intressants, relatifs la culture et au commerce de
la Guiane franaise, et une notice des plantes de lle de France.
1669
DOBRIZHOFFER Martin, Historia de Abiponus equestris bellicos aque Paraquariae natione,
Vienne, Kurzbek, 1784.
427
Deuxime partie
Chapitre V
1670
Deuxime partie
Chapitre V
1676
Deuxime partie
Chapitre V
qui ont pu se rpter en diffrents lieux, aient t dpeints dune manire uniforme et exagre.
Cest le propre des traditions. , in HUMBOLDT Alexandre de, Voyage aux rgions quinoxiales
du Nouveau Continent fait en 1799 et 1800 par A. de Humboldt et A. Bonpland. LOrnoque, Paris,
Club des Libraires de France, 1960 (1819), pp. 295-298.
1679
Ibid., p. 277 ; voir aussi la fin des gographies imaginaires tudie par POUYLLAU
Michel, Une gographie de lEldorado , in Coll., Dcouvertes et explorateurs, Actes du
Colloque international, Bordeaux, 12-14 juin 1992 / VIIe Colloque dHistoire au prsent, Histoire
au prsent, Maison des Pays Ibriques, Universit Michel de Montaigne-Bordeaux III, Paris,
LHarmattan, 1994, pp. 451-463.
1680
LUCENA GIRALDO Manuel, La gographie de lEldorado. Une approche de la
reprsentation du Nouveau Monde travers la expedicin de limites al Orinoco , in BRUNEAU
Michel, DORY Daniel (dir.), Gographie des colonisations, XVe-XXe sicles, Paris, LHarmattan,
1994, pp. 234-235.
1681
Pour une liste exhaustive de ces mythes et de leur volution, cf. SANCHEZ Jean-Pierre, op. cit.
1682
Cf. BOURGUET Marie-Nolle, Lexplorateur , in VOVELLE Michel (dir.), LHomme des
Lumires, Paris, Seuil, 1996, pp. 285-345.
1683
GALERA Andrs, FRIAS Marcelo, Flix de Azara et l Histoire naturelle de Buffon , in
LAISSUS Yves (coord.), Les naturalistes franais en Amrique du Sud. XVI-XIXe sicles, Paris,
CTHS, 1995, p. 57.
430
Deuxime partie
Chapitre V
1684
SANCHEZ Jean-Pierre, op. cit., pp. 91, 204-211 ; GONZALEZ MONTERO DE ESPINOSA
Marisa, op. cit., pp. 86, 122, 132 ; HUMBOLDT Alexandre de, op. cit., p. 181.
1685
Lexpression est de CORDONNIER Christophe, La relation historique du voyage aux
rgions quinoxiales du Nouveau Continent : un anti-rcit de voyage , in Acta Geografica, vol.
III, n 123, 2000, pp. 77-99.
1686
HUMBOLDT Alexandre de, op. cit., pp. 7-9.
431
Deuxime partie
Chapitre V
1688
432
Deuxime partie
Chapitre V
1690
En 1778, Louis XVI se laisse rapidement convaincre dordonner tous les officiers de sa
marine ou armateurs particuliers qui pourraient rencontrer le Capitaine Cook de sabstenir de
toutes hostilits envers lui et son btiment au nom du progrs des connaissances humaines ;
in HAMY Thodore-Jules Ernest, op. cit., p. 173. Larticulation des intentions nationalistes et
universalistes, la prdominance de lune sur lautre jouent sans doute un grand rle dans la
constitution du savoir, en Amrique et ailleurs. Quelle aurait t la raction du roi de France si les
rsultats de Cook ntaient pas promis la divulgation ?
1691
MONGE Fernando, La honra nacional en las expediciones de Cook y Malaspina : una visin
antropolgica , in PIERO Mariano Esteban et al. (coord.), Estudios sobre historia de la ciencia
y de la tecnica, Valladolid, Junta de Castilla y Len, 1986, vol. II, pp. 703-713.
1692
Cf. GERBI Antonello, op. cit., pp. 123, 227-235, 386 ; SALADINO GARCIA Alberto,
Funcin modernizadora de las Sociedades Econmicas de Amigos del Pas en el Nuevo
Mundo , in Cuadernos Americanos, mars-avril 1993, n 38, pp. 225-236.
1693
Cf. PORRAS TROCONIS Gabriel, Alejandro de Humboldt y Francisco Jos de Caldas , in
Bolvar, vol. XII, n 52-54, pp. 145-165 ; ARIAS DIVITO Juan Carlos, Las expediciones
cientficas espaolas durante el siglo XVIII. Expedicin botnica de Nueva Espaa, Madrid,
Cultura Hispnica, 1968, pp. 30-45 ; APPEL John W., Francisco Jos de Caldas. A Scientist at
Work in Nueva Granada, Philadelphie, American Philosophical Society, 1994, pp. 20-34.
433
Deuxime partie
Chapitre V
beaucoup dautres cas, les Europens profitent de leur sjour pour former de
jeunes pousses capables de poursuivre leur travail.
Traverser locan nest dailleurs pas lapanage des Europens. Les
Croles effectuent leur Grand Tour en Europe, tel Carlos Montfar profitant du
passage de Bonpland et Humboldt pour les accompagner jusquen France. Les
causes du sjour en Europe sont trop diverses pour tre dveloppes ici ; rappelons
simplement que le no-grenadin Francisco Zea, nomm professeur dhistoire
naturelle Bogot en 1786 et participant lexpdition de Mutis, est emprisonn
deux annes en Espagne pour avoir adhr aux thses rvolutionnaires franaises,
puis, aprs sa remise en libert, devient un fer de lance des indpendantistes en
Europe. Aussi, les Miranda et Bolvar ont-ils ctoy les milieux clairs avant de
revenir en Amrique mettre en pratique les ides acquises au contact du
laboratoire europen. Dautres enfin entament aussi un voyage douest en est, mais
sans retour celui-l. A partir de 1767 en effet, les jsuites diffusent aprs leur
expulsion une culture qui incarne une poque o la rencontre entre lEurope et
lAmrique se situe au confluent de plusieurs courants de pense, parfois
contradictoires : dune part, lesprit de la mission vanglique, de lautre
lidologie des Lumires. 1694 Les jsuites savrent les meilleurs dfenseurs de
la culture crole, une avant-garde trs remuante en Europe comme en tmoignent
leurs crits et les ractions sans ambages de lEspagne 1695 .
1694
CHENU Jeanne, Une interprtation claire de la province de Santa Marta : vision dun
Jsuite xil, le Padre Antonio Julin , in BENASSY Marie-Ccile, CHENU Jeanne, MILHOU
Alain, MIRET Enric, PONS Andr, QUESADA Carlos, SAINT-LU Andr, Etudes sur limpact
culturel du nouveau monde, Paris, LHarmattan, tome 1, 1981, pp. 75-76.
1695
Tel lArgentin Juan Jos Godoy, emprisonn Cadix en 1787 aprs avoir t souponn de
vouloir sublevar o perturbar alguna de nuestras posesiones ; cf. FURLONG Guillermo, Los
Jesuitas y la cultura rioplatense, Buenos Aires, Secretara de Cultura de la Nacin/Biblos, 1994,
pp. 161-174. Pour une approche globale de luvre culturelle jsuite en Europe, voir GERBI
Antonello, op. cit., pp. 243-291.
434
Deuxime partie
Chapitre V
1696
LEuropen le plus misrable, sans ducation, sans culture intellectuelle, [] peut un jour
parvenir des places dont laccs est presque interdit aux natifs, mme ceux qui se distinguent
par leur talent, par leurs connaissances et par leurs qualits morales , commente-t-il dans son
Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, op. cit., pp.145-146. Les passages les plus saillants sont
cits par MADARIAGA Salvador de, Le dclin de lempire espagnol dAmrique, Paris, Albin
Michel, 1958 (1949), pp. 233-236. Sur la question de linfluence franaise sur le processus
rvolutionnaire hispano-amricain, cf. BRAVO LIRA Bernardino, La revolucion Francesa vista
por los Iberoamericanos , in Diplomacia, n 48, 1989, pp. 50-56 ; GUERRA Franois-Xavier,
Rvolution franaise et rvolutions hispaniques : filiations et parcours , in Problmes
dAmrique Latine, Notes et tudes documentaires, n 94, 1989, pp. 3-26 ; SANGUINETTI
Horacio, La revolucion francesa y Mayo in Todo es Historia, vol. XXII, n 264, 1989, pp. 622 ; STOETZER Carlos A., Linfluence franaise au Ro de la Plata travers les rgimes
politiques et les textes constitutionnels , in Cahiers des Amriques latines, n 10, 1990, pp. 65-80.
1697
Fascination que lon peroit le mieux dans le discours iconographique. Voir ce sujet
PINAULT SORENSEN Madeleine, Les voyageurs artistes en Amrique du Sud au XVIIIe
sicle , in LAISSUS Yves (coord.), op. cit., pp. 43-55.
1698
Cf. PESET Jos Luis, El espacio americano y el nacimiento de la geografa mdica , in
BENASSY Marie-Ccile CLEMENT Jean-Pierre, PELAYO Francisco, PUIG-SAMPER Miguel
Angel (coord.), Nouveau Monde et renouveau de lhistoire naturelle, Paris, Presses de la Sorbonne
Nouvelle, tome III, 1994, pp. 234-244.
435
Deuxime partie
Chapitre V
1699
1702
1699
HUMBOLDT Alexandre de, citant Talleyrand dans son Essai politique sur la Nouvelle
Espagne, Paris, Utz, 1997 (1811) p. 173.
1700
Cf. PAGDEN Anthony, Americanism from modernity to post-modernity , in GRUZINSKI
Serge, WACHTEL Nathan (dir.), Le Nouveau Monde. Mondes Nouveaux. Lexprience
amricaine, Paris, EHESS, 1996, p. 613. De la mme manire, Tocqueville pourra arguer du droit
au progrs afin de justifier lappropriation territoriale des Etats-Unis au dtriment des Indiens.
Humboldt, pour sa part, distingue le sauvage de lIndien qui, ayant dj connu une forme de
civilisation et qui, intgr la socit coloniale, en devient perfectible.
1701
Dans la deuxime moiti du XVIIIe sicle, le mot de civilisation ne sutilise quau singulier. Le
travail acquiert pour sa part une valeur qui va rejeter pour longtemps le sauvage hors de lordre
social. Cf. JACOB Annie, Amrindiens/Europens : les transferts culturels dans les
reprsentations du travail (XVIe-XVIIIe sicles) , in TURGEON Laurier, DELAGE Denys,
OUELLET Ral (dir.), Transferts culturels et mtissages Amrique/Europe, XVIe-XXe sicle, Paris,
LHarmattan, 1996, pp. 349-356.
1702
HUMBOLDT Alexandre de, op. cit., p. 212.
1703
HUMBOLDT Alexandre de, Vues des Cordillres et monumens des peuples indignes de
lAmrique, Paris, Schoell, 1810, pp. 99, 194.
436
Deuxime partie
Chapitre V
voyageur clair, au grand dam cette fois des croles. Le mirage dune civilisation
universelle nchappe pas ses propres contradictions 1704 .
Un bilan dcevant
De la somme de connaissances refluant en Europe, un grand nombre
pourrit toutefois. Car sils sont une avant-garde des Lumires, les voyageurs en
assument les dboires, et force est de constater que la reconnaissance est rarement
au rendez-vous. Les rsultats obtenus par lexpdition Godin au Prou sont
occults par ceux de Maupertuis. Joseph de Jussieu, le naturaliste de lexpdition,
ne laisse aprs un sjour de trente-six ans que quelques notes et une
correspondance 1705 . De mme les collectes du naturaliste de Bougainville,
Commerson, effectues en grande partie dans le Ro de la Plata, demeurent
enfouies au Jardin du Roi. Pron doit se battre pour que soit reconnu son travail et
accder finalement lInstitut, chance que Bonpland ne partage pas, jetant
lponge et repartant pour lAmrique en qute dune promotion 1706 . En 1781,
Dombey laisse clater sa rancur vis--vis des conflits entre savants :
La diversit des sentiments sur la marche ou le travail occasionne des
msintelligences qui quoiquelles nclatent pas, ulcrent les curs. []
Ne point har son compagnon qui reoit une faveur, une rcompense que
lon ne reoit pas soi-mme et que lon croit mriter, est une si belle
vertu, que lhomme qui nen harait pas un autre dans ce cas, mriterait
des autels[] je parle de la jalousie qui sengendre entre quelques
personnes qui suivent une mme carrire. Dans ce cas-l, une louange,
quelques prfrences accordes celui qui aura des talents suprieurs,
suffiront pour le faire dtester de ses compagnons de voyage [] La
vertu, les bonnes actions, filles de la vertu, suffisent pour se faire des
1704
HUMBOLDT Alexandre de, Essai politique sur le royaume de la Nouvelle Espagne, Paris,
Utz, 1997 (1811), p. 150. Serge Gruzinski explique quen explorant son sol, Mexico entend
rivaliser avec les villes italiennes et espagnoles. [] Tendue vers lavenir, curieuse de son pass
antique comme Naples ltait la mme poque, [elle] affirme sa personnalit en sefforant de
rompre avec son pass immdiat ; GRUZINSKI Serge, Histoire de Mexico, Paris, Fayard, 1996,
p. 82.
1705
Cf. BRENOT Anne-Marie, op. cit., pp. 249-251.
1706
Cf. BROSSE Jacques, Les tours du monde des explorateurs. Les grands voyages maritimes,
1764-1843, Paris, Bordas, 1983, pp. 32, 106-107.
437
Deuxime partie
Chapitre V
ennemis de ceux avec lesquels on doit passer une partie de sa vie. Il est
assez ordinaire de voir des expditions manquer par de tels motifs.
1707
Et que dire des rsultats espagnols ? Trs peu sont publis malgr la leve
de la censure, et les normes moyens mis en uvre le sont en pure perte. Une
subvention lance en 1791 dans lensemble des possessions, afin de publier une
Flora Americana rassemblant les fruits de cinquante annes de recherche, choue
runir les fonds ncessaires. Ruiz et Pavn parviennent nanmoins publier une
partie de leurs travaux grce leur abngation dans la recherche des fonds 1708 .
Lultime expdition du sicle, dirige par le comte de Mopox Cuba entre 1796 et
1802, ne connat pas de meilleur sort que ses devancires 1709 . Une fois encore, les
trsors du Nouveau Monde chappent aux Espagnols 1710 . La botanique est
pourtant la science reine, celle dont la nomenclature rend possible la constitution
dun savoir universel. Elle participe aussi le mieux ter sa monstruosit au
Nouveau Monde.
A travers le survol dun demi-sicle de voyages entre lEurope et
lAmrique, nous pouvons mesurer les avances ralises dabord en ce qui
concerne lisolement culturel de lAmrique ibrique. A dfaut de former une
relle communaut scientifique, une Rpublique des savants , les voyageurs
tissent un rseau qui va alimenter un regain dintrt pour le continent, et dabord
de la part de ses habitants. En dpassant, grce leur empirisme raisonn, la
rupture entre lgendes noire ou rose, ils mancipent le Nouveau Monde dune
tutelle culturelle pesante. La construction dune civilisation atlantique profite
directement aux croles, qui participent activement limmense tentative de
comprhension de leur patrie.
Depuis les natures et les cultures observes, jusqu celles restitues, le jeu
des filtres culturels est videmment fondamental dans le processus de restitution
de linformation. Mais les efforts intents notamment pour relier la nature la
1707
438
Deuxime partie
Chapitre V
pendant
Deuxime partie
Chapitre V
Humboldt-Bonpland
marque
une
tape
dcisive,
tudie
440
Deuxime partie
Chapitre V
celui exprim par le No-grenadin Francisco Jos Caldas, qui vhicule une image
ngative dans la filiation directe de Pauw. Ce clivage idologique entre Croles ne
recoupe pas le clivage politique entre pro et anti-indpendantistes, Caldas luimme patriote tant fusill par les Espagnols 1711 . Il sagit pour les Amricains
dobtenir un quilibre au sein des collaborations possibles.
Ce problme de lquilibre participatif est au centre des relations
transatlantiques ; il rejoint celui de lacceptation du modle europen et de ses
ressources. Cet aspect sera dvelopp lorsque nous voquerons le recrutement des
cadres, mais il apparat dors et dj si lon se rfre au bilan trac la veille de la
rupture vis--vis de la mtropole. En effet, cette acceptation de la vision
europenne correspond une comprhension du dsquilibre et une volont de
combler cet cart. En outre, la situation de Buenos Aires est extrme puisquil
sagit pour Bonpland de transfrer entirement non seulement une institution, mais
aussi une culture scientifique. Nous allons aborder les facteurs des fortes attentes
vis--vis du naturaliste franais.
Concernant Caldas, outre les ouvrages dj cits de ARIAS DIVITO Juan Carlos et APPEL
John W., cf. aussi CHENU Jeanne, Francisco Jos de Caldas. Un peregrino de las ciencias,
Madrid, Historia 16, 1992.
1712
en un pas en que el reino vegetal est en su primera infancia . La Crnica Argentina, 1er
fvrier 1817, cit in FURLONG Guillermo, Naturalistas argentinos durante la dominacin
espaola, Buenos Aires, Huarpes, 1948, p. 415.
1713
Cf. POTELET Jeanne, op. cit., pp. 17-20.
441
Deuxime partie
Chapitre V
1716
CAVANILLES Antonio Jos, Icones et descriptiones plantarum quae aut sponte in Hispania
crescunt aut in hortis hospitantur, Madrid, Imprenta Real, 1791-1801, 6 vol.
1715
HICKEN Cristbal M., Evolucin de las ciencias en la repblica argentina, vol. 7, Los
estudios botnicos, Cincuentenario de la Sociedad Cientfica Argentina (1872-1922), Buenos
Aires, Coni, 1923, pp. 48-49.
1716
La venida de ese profesor a un pas hasta aqu no explorado, valdr mucho a los
conocimientos de que en el mundo carece sobre una parte tan interesante y extensa del continente
amricano []. El es sin duda el primer botnico y zoologista que nos ha visitado, y siendo de
tanta eminencia su mrito, creemos que se pondr en contribucin esta buena fortuna. , La
Crnica Argentina, Buenos Aires, 5 fvrier 1817.
1717
Linterdiction de lenseignement des sciences est mise en avant dans le Manifesto que hace
las Naciones el Congreso general Constituyente a las Provincias Unidas del Rio de la Plata, sobre
el tratamiento y crueldades que han sufrido de los espaoles y motivado la declaracin de su
independencia. Buenos Aires, 25 de Octubre de 1817 , cit in HICKEN Cristbal M., op. cit., p.
58.
1718
Damasio Antonio Larraaga (1771-1848), considr comme le pre fondateur des sciences et
de la culture uruguayenne notamment grce la cration de la bibliothque de Montevideo.
1719
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga a
Bonpland, Montevideo, 26 fvrier 1818. Ce projet, en estos ultimos pueblos de la America del
442
Deuxime partie
Chapitre V
1721
copies
manuscrites
dtudes
de
missionnaires
et,
plus
vraisemblablement, uvres collectives dont les copies les plus anciennes datent de
1710. Ajouts dautres travaux plus rcents, ceux de Bernardino Lpez, Jos
Snchez Labrador et Martn Dobrizhofer, rdigs entre 1760 et 1784, se sont
autant de manuscrits en circulation dans la rgion des Missions 1725 . A dfaut de les
possder, Bonpland en a-t-il connaissance ? Les archives ne permettent pas de
rpondre cette question avant que le Franais ne se rende dans le Nord des
Provinces-Unies. Peut tre la bibliothque de Buenos Aires, riche de plus de 12
Sur en que apenas llegaba algun libro de Hist.a N.l y en donde casi ningun naturalista habia fixado
una vista cientifica , est dune telle ampleur quil craint, lge de 46 ans, de ne pouvoir en venir
bout.
1720
Bartolom Muoz, homme religieux et naturaliste amateur, est lorigine du Musum de
Buenos Aires grce au don de sa collection prive.
1721
Yo, slo, poco puedo hacer, porque es adagio comn entre los botnicos que unus homo,
nullus homo ; lettre de Larraaga Muoz date du 6 juillet 1808, cite in FURLONG
Guillermo, op. cit., p. 375.
1722
Manuel Moreno fustige en 1812 la mconnaissance des ordres religieux en charge de
lducation scientifique : como sus miras principales son los asuntos de religin, no cuidan
instruirlos en las ciencias naturales, y as mal pueden comunicar a sus discpulos esos
conocimientos que ellos no poseen ; cit in HICKEN Cristbal M., op. cit., pp. 57-58.
1723
SAINT-HILAIRE Auguste de, Histoire des plantes les plus remarquables du Brsil et du
Paraguay : comprenant leur description et des dissertations sous leurs rapports, leurs usages, etc.,
avec des planches, en partie colories, Paris, Belin, 1824, p. 23.
1724
Il sagit des uniques monuments porteurs dun prestige culturel ; cf. MYERS Jorge, op. cit., pp.
385-386.
1725
KRAPOVICKAS Antonio, op. cit., pp. 229-232.
443
Deuxime partie
Chapitre V
1726
Les 12 000 volumes correspondent aux fonds dposs lors de son ouverture, en 1810, daprs
Alexander Caldcleugh ; cf. ARRIETA Rafael, La ciudad y los libros. Excursion al pasado
bibliografico porteo, Buenos Aires, Libreria del Colegio, 1955, p. 47.
1727
Ibid.
1728
Flix de Azara sjourne de 1781 1801 au Paraguay afin de participer lexpdition de
dlimitation des limites entre les empires portugais et espagnol. Durant ce sjour, Azara dcrit
plusieurs centaines de mammifres et surtout doiseaux ; son retour ses rsultats sont publis en
Espagne et en France.
1729
Cf. MONES Alvaro, KLAPPENBACH Miguel A, Un ilustrado aragons en el virreinato del
Ro de la Plata : Flix de Azara (1742-1821). Estudios sobre su vida, su obra y su pensamiento.
Volumen de Homenaje en los 175 Aos de su Muerte. 1821-1996 , in Anales del Museo Nacional
de Historia Natural de Montevideo, deuxime srie, vol. IX, 1997, pp. 36-43. Les auteurs insistent
avec justesse sur la porte des recherches de lAragonais, tout en faisant remarquer quil ne sagit
que de notes partielles, Azara nayant pas la prparation acadmique suffisante pour prtendre
une uvre exhaustive. Ceci nempche pas le grand retentissement de ses ouvrages et les loges
profres par ses contemporains.
1730
No se necesita para ello de talento alguno particular, pues el mo es bastante comn. Slo se
requiere, segn la expresin de Buffon para las ciencias naturales, una paciencia ms que heroica ;
y mucho ms para el reyno indeterminado de la Botnica. La constancia es la que siempre ha hecho
los sabios, no los talentos, y una pasin decidida por estas ciencias, que no es de los menores
requisitos ; lettre de Larraaga Muoz, 6 juillet 1808, cite in FURLONG Guillermo, op. cit.,
pp. 374-375.
444
Deuxime partie
Chapitre V
Un terrain nglig ?
Le faible nombre des travaux naturalistes dans cette partie du continent est
la motivation avoue du voyage de Bonpland. A Buenos Aires, on constate ds la
formation de la Primera Junta Patria, en 1810, labandon dans lequel se trouvent
les trois rgnes de la nature, et la ncessit de les exploiter rationnellement 1731 . Au
plus fort de la phase indpendantiste, entre 1810 et 1821, on note dailleurs de la
part des priodiques le recul des proccupations scientifiques en gnral,
logiquement supplantes par le discours indpendantiste. Cela ne gne nullement
le recrutement de Bonpland, celui-ci adhrant aux thses librales amricaines
les progrs politiques tant pour lui aussi motivants que les progrs scientifiques.
Mais il est avr que le discours didactique dominant avant 1810 dans la presse
portea sefface derrire le discours idologique 1732 .
La constitution dun rseau savre indispensable Bonpland pour pntrer
les pratiques sociales et savantes rioplatenses ; son principal souci est de justifier
son utilit sociale, tache dont il sacquitte remarquablement auprs du
gouvernement de Buenos Aires grce la prsentation dun programme
scientifique en accord avec les attentes des dirigeants. Ses recherches autour de la
flore saccordent notamment avec les projets dtudes amricanistes, dans la
perspective dj propose laube du XIXe sicle par le monde savant porteo.
Suivant le programme expos par Francisco Cabello1733 dans les exemplaires du
Telgrafo Mercantil parus entre 1801 et 1802, le projet de fondation dune
Sociedad Literaria y Econmica del Ro de la Plata implique linsertion de tout
travail portant sur lAmrique, ainsi quune impulsion des tudes favorisant la
formation de la jeunesse amricaine 1734 . Existe-t-il alors une rupture du discours
scientifique continental au cours des annes 1810 ? Nous ne le pensons pas ; si la
volont est au contraire bien ancre, voire renforce par la rupture davec la Mre
Patrie, la dynamique est brise par le fractionnement politique hispano-amricain.
1731
CAMACHO Horacio H., Las Ciencias Naturales en la Universidad de Buenos Aires, Buenos
Aires, EUDEBA, 1971, p. 10.
1732
VALLEJOS DE LLOBET Patricia, El vocabulario cientfico en la prensa iluminista portea
(1800-1825) , in Cuadernos Americanos, UNAM, n 38, mars-avril 1993, p. 210.
1733
Francisco Cabello, militaire, avocat et journaliste, fonde la Sociedad Literaria en 1800.
1734
Laccent est mis sur ltude de la minralogie, mais le propos est bien, selon Horacio H.
Camacho, de diffuser les connaissances concernant le continent entier ; cf. CAMACHO Horacio
H., op. cit., pp. 7-8.
445
Deuxime partie
Chapitre V
1736
1735
Deuxime partie
Chapitre V
estampes de vgtaux , dautre part parce que les savants aprs avoir admir ce
qui sest fait, narrtent pas dexplorer pour autant ce qui reste faire 1738 .
Il sagit autant de propager les Lumires que de rompre avec la mentalit
des anciens colonisateurs. Bonpland est particulirement reprsentatif ce sujet,
ses constats dordre conomique se rfrant une fois encore aux lacunes de
lancienne administration espagnole. Mais ce point de vue pour autant quil soit
contre-courant nest pas marginal ; le gouvernement Rivadavia ou les premiers
colons venus dEurope sous lgide de John Beaumont tiennent un discours
similaire lorsquils voquent la soif de lor des anciens colonisateurs1739 . Enfin le
peu de ressources, quil sagit alors daugmenter en 1827, est encore une
consquence de lignorance des anciens colonisateurs 1740 .
1738
despus de haber admirado lo que se ha hecho, no por esto dejan de explorar lo que queda
por hacer , crit le rdacteur de la Crnica Poltica y Literaria de Buenos Aires, cit in
LASCANO GONZALEZ Antonio, El Museo de Ciencias Naturales de Buenos Aires. Su Historia,
Buenos Aires, Ministerio de Cultura y Educacin, Ediciones Culturales Argentinas, 1980, p. 35.
1739
BEAUMONT John A. B., Viajes por Buenos Aires, Entre Rios y la Banda Oriental (18201827), Buenos Aires, Hachette, 1957 (1828), p. 55.
1740
Rivadavia crit propos des Espagnols : Oro era lo que buscaban: todo lo dems, sin
exceptuar los hombres, era de ningn aprecio a sus ojos. Esta falta absoluta de toda institucin til,
en un pas que avasallaron por espacio de tres siglos, bastara para acriminar su conducta, si no
militaran contra ella tantos otros testimonios dicen que aun hay entre nosotros partidarios del
antiguo rgimen . Aula de Fsica experimental y gabinetes primitivos de la Universidad , in
Crnica Poltica y Literaria de Buenos Aires, 9 juin 1827. Si lon compare les deux points de vue,
spars dune dizaine danne, il faut retenir la mme racine ngationniste concernant luvre des
Espagnols, ainsi que la nullit des travaux scientifiques mens bien jusqu ce jour. La diffrence
rside essentiellement dans la politisation du discours en 1827, laquelle Bonpland se veut
tranger.
447
Deuxime partie
Chapitre V
1741
1743
En outre, Bonpland amne avec lui les outils qui semblent manquer 1744 .
Labsence douvrages de rfrence fait dfaut pour dterminer les genres et les
espces nouvelles, ce qui implique videmment le manque de relations
scientifiques entre Ancien et Nouveau Mondes. Larraaga sappuie sur les deux
autorits en la matire, lHistoire Naturelle de Buffon dite par Solini et Cuvier,
et le Sistema Naturae de Linn, dans ldition de Gmelin 1745 , mais avoue son
retard mthodologique concernant la faune. Les descriptions dAzara quil
possde savrent inutiles car il ne dispose daucun instrument comparatif 1746 .
1741
Ciertamente ya no hago en un mes aquello para lo que me bastaba un solo dia en otro
tiempo , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga
Bonpland, Montevideo, 25 mai 1818.
1742
Lorsque Saint-Hilaire recommande Sellow Larraaga, ce dernier rpond en ces termes
flatteurs : Mr. Sellow es un naturalista y este caracter le basta para su recomendacion.
Acostumbrado a sufrir tantas privaciones, y a apreciar las cosas mas minimas de la creacion, tendr
necesidad de mas para ser amabilisimo ? , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio
Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga Saint-Hilaire, Montevideo, 8 fvrier 1822. Friedrich
Sellow (1789-1831), botaniste et naturaliste n Postdam, se rend Paris en 1810. Lanne
suivante, Humboldt lappuie financirement afin quil voyage aux Pays-Bas et en Angleterre.
Engag en 1814 par le consul russe Berlin pour mener bien une campagne scientifique au
Brsil, il est financ par la Prusse partir de 1815 pour mener campagne dans le Ro de la Plata, ce
quoi il se consacre jusqu sa mort.
1743
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 2 avril 1818.
1744
La bibliothque de Buenos Aires manque de tous les [] ouvrages des socits savantes, de
tous les ouvrages de mdecine, de tous le ouvrages lmentaires de sciences et de toute la
littrature moderne , crit Bonpland en 1815, suite aux conversations tenues avec les
plnipotentiaires rioplatenses, MNHN, ms 212.
1745
LINNE Carl von, GMELIN Johann Friedrich, Systema naturae per regna tria naturae.
Secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis,
Leipzig, Georg Emanuel Beer, 1788-1793, 9 vol.
1746
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga a
Bonpland, Montevideo, 26 fvrier 1818.
448
Deuxime partie
Chapitre V
Aussi sagit-il de fournir aux pays intresss les outils ncessaires la promotion
des sciences de la nature. Le domaine de lHistoire naturelle rappelle
Bonpland est si vaste aujourdhui quil est impossible de travailler sans avoir
auprs de soi de grandes collections et bien dtermines . Il se fait transmetteur
de savoir, puisquil transporte avec lui un assez bon nombre de livres
concernant avant tout lhistoire naturelle, quil propose au gouvernement chilien,
la Bibliothque de Buenos Aires ainsi qu celle de Montevideo 1747 . La
reconstitution de cet apport bibliographique est difficilement ralisable ;
nanmoins lors de la vente publique de ces ouvrages, la liste thmatique fournie
permet de donner une ide du contenu de ceux-ci, et surtout de constater que lEtat
porteo ne sest pas port acqureur de tous les ouvrages scientifiques, puisquil
en demeure un certain nombre la vente, la grande majorit si lon se rfre aux
propos de Bonpland :
Si jeusse pu prvoir que les normes listes de Livres qui me furent
demandes pour la Bibliothque de Buenos Ayres par M.Mrs. Bellegrano,
Sarratea et Rivadavia neussent pas t acceptes nous neussions pas fait
daussi beaux rves
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 13 fvrier et 2 avril 1818.
1748
AMFBJAD n 912, Bonpland Barrois, Corrientes, 28 mars 1838.
1749
al nivel de la mayor parte de los ultimos descubrimientos , AGNM, Escritos del padre
Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga Bonpland, Montevideo, 25 mai
1818.
449
Deuxime partie
Chapitre V
savoir ladhsion encore vive dune grande partie des savants au systme de
Linn. Entre tradition et innovation, Larraaga ne tranche pas puisquil fournit
Bonpland deux classifications, lune delles portant mme des innovations
mthodologiques personnelles, vu quil nous est permis tous dordonner 1750 .
ya que nos he permitido a todos metodizar . AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio
Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga Bonpland, Montevideo, 25 mai 1818.
1751
Bernardo OHiggins (1778-1842), neveu dun Irlandais au service de lEspagne mais de mre
chilienne, est duqu en Angleterre o il est influenc par Miranda. Chef de la premire arme
patriote, battu Rancagua, il est sauv par larrive de San Martn. Il devient ensuite Director
supremo du Chili, mais son libralisme radical et son manque de sens politique, joint aux rivalits
internes, lobligent abdiquer en 1825. Il passe le reste de sa vie au Prou.
1752
Cf. LOPES Maria Margaret, O Brasil descobre a pesquisa cientfica : os museus e as cincias
naturais no sculo XIX, So Paulo, Hucitec, 1997, pp. 40-41.
450
Deuxime partie
Chapitre V
Une tude exhaustive du recrutement ralis par les indpendantistes reste produire. Elle
permettrait de confronter les hypothses labores partir de lexprience de Bonpland, et
dacqurir des certitudes concernant les diffrentes attitudes culturelles et politiques amricaines
vis--vis du modle europen. Elle permettrait par exemple de comparer lorigine et la
formation des migrants avec le choix des pays daccueil, ainsi quavec les rsultats obtenus grce
cette mobilisation. Elle permettrait aussi dapprofondir les matrices des visions europennes des
nouveaux tats.
1754
Le discours est retranscrit dans lArgos, un priodique contrl par les proches de Rivadavia, le
20 avril 1822.
451
Deuxime partie
Chapitre V
1755
Les hommes de science sont avant tout des idologues. A ce titre, Esteban
de Luca savre un prcieux alli dans la mesure o il est un grand dfenseur des
sciences naturelles quil magnifie, en les rigeant comme facteur essentiel des
vnements de Tucumn ; linertie du gouvernement espagnol en la matire a,
selon lui, prcipit la sparation politique 1756 . Mais si les hommes de science ont
une approche thorique dmocratique du savoir, les pratiques sont fort diffrentes,
refltant le dsir dexcellence. Laccession aux postes est rserve une
minorit 1757 ; la nomination de Bonpland au poste de professeur de mdecine
reflte ces pratiques litistes. Effectue en labsence du principal intress, la
demande est directement adresse au gouvernement sur proposition des autorits
de lInstitut, qui accompagnent leur dmarche dun rapport sur le bien-fond de
leur choix. Le concours est alors une forme minoritaire daccession aux chaires, et
le demeure mme aprs la cration de lUniversit 1758 .
Cette cration intervient le 6 fvrier 1816, lorsque Antonio Senz 1759 reoit
les premiers pouvoirs du Directeur Suprme afin driger lUniversit permettant
la fdration des diffrents tablissements denseignement. Le 18 mai 1819, Juan
Martn de Pueyrredn demande au Congrs la ratification de la proposition de la
cdule royale qui, en 1778, prvoit dj lrection dune Universit. Le dcret est
1755
Tan grande como era mi desconsuelo al verme entregado a mi mismo en el largo periodo de
mi vida, viendome privado de Maestros que me enseasen ni con quien consultar mis dudas ; tanto
mayor fue mi complacencia al ver que entraba por mis puertas un sabio de primer orden que en un
momento disip mis recelos, aclar mis ideas y corrigi mis errores. , AGNM, Escritos del padre
Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Larraaga Saint-Hilaire, Montevideo, 16
fvrier 1821. Evoquant les naturalistes ayant foul les terres chiliennes certains avant lapparition
du systme de Linn il dclare : todos estos autores, ciegos sectarios de Linneo, hicieron muy
poco caso del metodo natural. La resplendissante Etoile polaire du Nord semble bel et bien
tombe du firmament.
1756
Cf. GUTIERREZ Juan Mara, Origen y desarrollo de la Enseanza Publica Superior en
Buenos Aires, desde la poca de la extincion de la compaia de Jesus en el ao 1767 hasta poco
depus de fundada la Universidad de 1821, Buenos Aires, La Cultura Argentina, 1915 (1868), p.
168.
1757
Il faut attendre les annes 1930 pour que les classes moyennes commencent intgrer
lUniversit ; cf. KREIMER Pablo, Migration of Scientists and the Building of a Laboratory in
Argentina , in Science, Technology and Society, vol. 2, n 2, 1997, p. 232.
1758
Cf. PALCOS Alberto, Bonpland en la Argentina. Cambio de rumbo en sus actividades , in
La Prensa, 16 janvier 1941.
1759
Antonio Senz (1780-1825), rvolutionnaire porteo nomm prsident de lAcadmie de
Jurisprudence en 1815, promeut lanne suivante la cration dune universit tourne vers les
sciences exactes.
452
Deuxime partie
Chapitre V
ratifi quatre jours plus tard1760 , quarante ans aprs la proposition initiale. Aprs
lobtention du poste de professeur dhistoire naturelle, Bonpland peroit presque le
quart des salaires rservs aux cadres scientifiques, puis dpasse ce seuil aprs sa
nomination la chaire de Mdecine. Lintrt du gouvernement pour la recherche
scientifique peut tre divis en deux phases, avant et aprs la mise en place de
lUniversit. Avant 1822 date de linauguration de lUniversit en effet,
laccent est mis sur la recherche, ce dont Bonpland bnficie au mme titre que
Francisco Javier Muiz, charg par le gouvernement dexplorer les les du Paran
en 1818. Labsence de concurrence, non tant thorique Bonpland ntant pas un
homme de systmes que pratique, facilite grandement lintgration du
Franais au sein de la communaut scientifique rioplatense.
Politique dattraction
Les indpendantistes sont conscients de limportance dun investissement
vis--vis du personnel scientifique europen. En effet, le dveloppement dun
grand nombre de disciplines scientifiques est li aux initiatives menes par les
chercheurs europens 1761 . Le recrutement de Bonpland permet aussi dtablir des
perspectives touchant aux politiques mises en jeu afin dattirer les savants. Car la
dmarche change avec lindpendance : la demande connat une inflation de la
part des nouveaux pays ; le choix du dpart nest plus seulement scientifique, il
devient aussi idologique, et mme promoteur. Cest pourquoi dans une premire
priode la hirarchisation des sciences, aussi bien en Europe quen Amrique, est
comprise dans une lutte pour la reconnaissance des qualifications et des statuts.
Deux propositions sont soumises Bonpland en 1814. Lune dentre elles
mane de Francisco Antonio Zea, reprsentant de Bolvar en Europe, charg dune
mission politique ainsi que du recrutement de jeunes savants pour fonder Santa
1760
An., La Universidad Nacional de Buenos Aires, 1821-1910, Buenos Aires, Tragant, 1910, pp.
58-59, 68.
1761
A ce sujet, cf. KREIMER Pablo, op. cit., pp. 229-259. Lauteur dbute son tude lors du
dernier quart du XIXe sicle, ce qui prouve par ailleurs labsence de formation suffisante
lintrieur du pays avant cette priode. Cette absence de cration d coles scientifiques est
encore plus vraie en ce qui concerne le premier tiers du XIXe sicle. La comparaison entre les
annes 1820 et les annes 1870-1880 est dautant plus intressante que ces deux priodes
correspondent deux phases similaires douverture lEurope.
453
Deuxime partie
Chapitre V
ZEA Francisco Antonio, Discurso sobre el mrito y utilidad de la botnica, Madrid, Imprenta
Real, 1805.
1763
Mmoire intitul Sobre la importancia de connaturalizar en el reino la vicua del Per y
Chile, Santa Fe de Bogot, 1810.
1764
Cit par DOMINGUEZ Juan A., Aim Bonpland, su vida en Amrica del Sur y
principalmente en la repblica argentina , in Anales de la Sociedad Cientfica Argentina, tome
CVIII, 1929, p. 415.
1765
Au cours des annes 1820, Jean-Baptiste Boussaingault et Franois-Dsir Roulin visitent la
Vnzuela la suite de leur engagement par Zea.
1766
Bernardino Rivadavia est dsign en 1811 secrtaire aux Affaires trangres, il est envoy en
Europe en 1814 afin de ngocier le statut politique de Buenos Aires. Rivadavia en profite pour
recruter du personnel scientifique, avant de revenir Buenos Aires en 1820 et dimpulser
ldification de la Bourse de commerce, lUniversit, le Muse Public, le cabinet de physique
notamment.
1767
GIBERTI Horacio C., Historia econmica de la ganadera argentina, Buenos Aires, Solar,
1986 (1954), p. 118.
1768
AGNBA, Sala IX, leg. 23. 8. 6. 32 ; cette pices, date du 20 mai 1817, est corrobore par les
manuscrits 214 du MNHN ; si lon se fie aux notes de Bonpland, cest plus exactement du mois de
septembre que date le premier envoi de graines depuis Paris, le deuxime date de dcembre ; un
troisime est non dat.
454
Deuxime partie
Chapitre V
le 31 dcembre 1823. Dans les deux cas, que les offres proviennent de NouvelleGrenade ou du Ro de la Plata, il faut retenir la disposition des indpendantistes
sen remettre totalement au savoir-faire du savant et insistent sur louverture
lEurope et son corollaire, lacclimatation. Malgr les difficults rencontres par
Bonpland Buenos Aires et malgr son impuissance sociale, le Franais accepte
en mme temps de sengager dans le dbat sur la place des sciences dans la socit
et noublie pas les contraintes et les enjeux existants entre les projets et leur
ralisation 1769 .
Cest pourtant linverse qui lui est demand lors de son arrive sur le
territoire ; cest du moins limage du savant que lon attend, dgag des luttes
socitales :
Nos campagnes autant fertiles quimmenses, attirent de prfrence cette
classe dhommes qui spars des controverses se ddient orner la
nature
1770
Cf. FOUREZ Grard, La construction des sciences. Les logiques des inventions scientifiques,
Bruxelles, De Boeck Universit, 2002 (1992), pp. 99-100.
1770
Nuestros campos tan frtiles como inmensos, llaman con preferencia a esta clase de hombres
que separados de las controversias se dedican a vestir la naturaleza , La Crnica Argentina,
Buenos Aires, 1er fvrier 1817.
1771
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, juin 1832.
455
Deuxime partie
Chapitre V
et attraction politique
Moins dun an aprs son retour en France, en 1805, Bonpland songe
retourner voir les sauvages de lOrnoque 1772 . Le classement de lherbier est
peine commenc et le premier fascicule des Plantes quinoxiales nest pas encore
imprim, mais dj la passion du terrain lemporte sur le travail en laboratoire. Il
fait encore allusion un retour en Amrique propos de la pension de trois mille
francs verse en change de son herbier, une petite fortune qui peut-tre mtera
tout dsir de retourner en Amrique , avoue-t-il 1773 . Cependant, un nouveau
dpart ne peut plus avoir lieu par le biais dun voyage scientifique classique. Outre
labsence de soutien financier de la part du gouvernement, la politique
napolonienne se caractrise par un arrt trs marqu dans lexpansion outremer 1774 . Comme en 1799, lentreprise sera individuelle. Mais en 1805, Bonpland
ne peut compter encore sur aucun mcne 1775 . A la diffrence de Humboldt, avant
tout naturaliste, Bonpland cultive un amricanisme avant la lettre, autant dun
point de vue scientifique que politique, voire affectif, si lon se rfre une lettre
crite son frre en 1814 :
Je suis dcid aller en Amrique au printemps si les colonies deviennent
calmes et habitables. Je prfrerais les colonies espagnoles, mais dans ce
moment, elles sont en combustion. Cependant, puisque cet tat de guerre
existait en Europe et quil a cess, il faudra bien quil cesse l. Reste
savoir si ce sera de suite ou seulement dans quelques annes. [...] Si je
russis dans mes projets [] je puis [] vivre partout o bon me
semblera et comme je voudrai; au lieu que, si je reste en Europe, je
vgterai bien certainement toute ma vie. Ainsi, vgter pour vgter, je
veux encore revoir lAmrique.
1776
Bonpland Gallocheau, Paris, 19 avril 1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, Aim
Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906, pp. 1718.
1773
Bonpland Gallocheau, Paris, 18 mars 1805, cit in ibid., pp. 15-16.
1774
Les proccupations continentales laissent trs peu de place aux affaires amricaines
abandonnes aux Anglais jusquen 1815 ; cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit.,
tome II, pp. 244-251.
1775
Humboldt avait pris son compte tous les frais de voyage de Bonpland, entre 1799 et 1804.
1776
Bonpland Goujaud-Bonpland, s. l., 6 juillet 1814, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., pp. 63-64.
456
Deuxime partie
Chapitre V
positivement loffre de dpart pour une rgion qui, du propre aveu de ses
dirigeants, manque de stabilit plus que de toute autre chose. Selon Pueyrredn
alors chef de lexcutif rioplatense, lindpendance proclame au congrs de
Tucumn en 1816 se ralise dans un climat dliquescent, aucun consensus ne
permettant de condamner la monarchie ou de proclamer la rpublique 1777 . San
Martn pour sa part dresse un bilan ngatif de lanne 1816, dcrivant une
situation anarchique semblant devoir empirer encore. Dans ce contexte, trs peu de
Franais sont attirs par les offres des gouvernements sud-amricains. La
coopration scientifique seffectue apparemment en pointills, mme sil reste
tudier en profondeur les changes scientifiques entre les monarchies europennes
et les jeunes rpubliques amricaines. Or, aprs plusieurs annes de rflexion,
Bonpland opte finalement pour Buenos Aires.
Lentreprise de Bonpland nest pas isole puisque Humboldt lui-mme, au
dbut des annes 1820, songe migrer au Mexique la tte dun contingent de
jeunes scientifiques allemands et franais. La tentation de participer la
propagation du progrs dest en ouest, ide chre Humboldt 1778 , est prgnante
surtout lorsquelle sassocie des idaux partags. Sans doute lattraction
politique joue au moins autant que la politique dattraction en ce qui concerne
Bonpland, car sur la majorit des points du programme propos par le naturaliste
on peut parler de circonstances contingentes, les ambitions du Franais
saccordant avec celles de son pays daccueil.
En
premier
lieu,
laspect
utilitaire,
entendu
comme
laide
au
dveloppement, est mis en avant par les deux parties. Il sagit donc de permettre
au pays de se hisser au rang des autres nations. Il ne sagit pas dorner la nature
mais de rpondre une inquitude dordre politique et sociale, telle quelle est
formule en 1811, loccasion dun rapport portant sur ltat de la terre dans la
campagne portea : la dissolution de lEtat ou la prompte rgnration de notre
agriculture, ceci est lalternative dans laquelle nous nous trouvons 1779 . Le
remde propos par Garca est de distribuer la terre, former de petits points de
1777
Cf. PEREZ GIHLHOU Dardo, Las ideas monarquicas en el Congreso de Tucuman, Buenos
Aires, Depalma, 1966.
1778
Ide dveloppe dans son Essai politique sur le royaume de Nouvelle-Espagne paru en 1811,
reprise ensuite pour lgitimer la dcouverte de Christophe Colomb.
1779
la disolucin del estado o la pronta regeneracin de nuestra agricultura, sta es la alternativa
en que nos hallamos . Rapport de Pedro Andrs Garca, cit in GIBERTI Horacio C., op. cit., p.
117.
457
Deuxime partie
Chapitre V
1784
Telle est donc une motivation majeure du naturaliste : aller dans un pays plus
prometteur de par labsence de civilisation dont il bnficie. Largument mrite
dtre relev, car il soppose aux raisonnements habituels des voyageurs obsds
par les effets ngatifs du manque de civilisation des pays visits. La mme base
romantique conduit Humboldt dune qute de linfini vers linvestigation du fini ;
un itinraire semblable conduit Bonpland de la qute dun Paradis terrestre sa
mise en valeur.
1780
Pedro Andrs Garca est n en Espagne en 1758. En 1777 il est affect en Argentine pour
procder la reconnaissance du golfe de San Jos. En 1810, il est charg de la construction des
nouvelles fortifications de Buenos Aires, puis de linventaire des ressources naturelles de
lArgentine indpendante. Il est considr aujourdhui comme le premier gographe militaire
argentin.
1781
Ce dcret stipule, dans son article Premier, que el Gobierno ofrece su inmediata proteccin a
los individuos de todas naciones, y a sus familias que quieran fijar su domicilio en el territorio del
Estado, asegurndoles el pleno goce de los derechos del hombre en sociedad, con tal que no
perturben la tranquilidad pblica, y respeten las leyes del pas ; cit par BAGU Sergio, Estudio
preliminar , in BEAUMONT John A. B., op. cit., p. 14.
1782
LEspagnol Juan Larrea (1782-1847) arrive Buenos Aires en 1800 puis participe la
rvolution. Nomm ministre du Trsor en 1814, il impulse la cration de la flotte argentine. Exil
puis rintgr, Larrea obtient le poste de consul gnral en France.
1783
GIBERTI Horacio C., op. cit., pp. 91-92.
1784
Bonpland O. Gallocheau, Paris, 6 juin 1815, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
69.
458
Deuxime partie
Chapitre V
1785
Mariano Moreno crit en 1810 : Seremos respetables a las naciones extranjeras no por
riquezas, que excitarn su codicia ; no por la opulencia del territorio, que provocara su ambicin ;
[] lo seremos cuando renazcan entre nosotros las virtudes de un pueblo sobrio y laborioso , cit
in GUTIERREZ Juan Mara, Pensamientos, Maximas, sentencias, juicios, etc, de escritores,
oradores y hombres de estado de la Republica Argentina, Buenos Aires, Academia Argentina de
Letras, 1980 (1859), pp. 41-42 ; cf. LOPEZ-OCON CABRERA Leoncio, La formacin de un
espacio pblico para la ciencia en la Amrica latina durante el siglo XIX , in Asclepio, vol. L, n
2, 1998, p. 212. Le discours patriotique se base sur la foi dans le progrs et veut donc effacer tout
dterminisme.
1786
Cf. PESET Jos Luis, op. cit., pp. 221-245. Jos Luis Peset remet en cause la thse dune
prdominance du politique particulirement dfendue par Jos Carlos Chiaramonte, et celle qui lui
est directement attenante dune construction de la nation comme rsultat et non comme postulat du
processus indpendantiste.
1787
Ce nest certainement pas un hasard si on assiste au cours du XVIIIe sicle un dveloppement
parallle de lidologie librale et dune critique du Nouveau Monde base sur la dmonstration
scientifique. Des nombreux ouvrages ayant abord cette question, celui dAntonello Gerbi
demeurant encore une des meilleures synthses. Parmi les principaux travaux abordant cette
question, cf. BRADING David, The first America. The Spanish monarchy, Creole patriotes, and
the Liberal state 1492-1867, Cambridge University Press, 1991; DUVIOLS Jean-Paul, LAmrique
espagnole vue et rve. Les livres de voyage de Christophe Colomb Bougainville, Paris,
Promodis, 1985 ; KURY Lorelai, Viajantes-naturalistas no brasil oitocentista : experincia, relato
e imagen , in Histria, Cincias, Sade Manguinhos, vol. VIII (supplment), 2001, pp. 863-880.
459
Deuxime partie
Chapitre V
Les adversaires sont des multres espagnols , une populace sud-amricaine qui aurait d
cder face la civilisation et aux amis du progrs ; cf. LOZIER ALMAZAN Bernardo, op. cit.,
pp. 159-160.
460
Deuxime partie
Chapitre V
1789
Nous mentionnons cette acadmie car, bien que davantage occupe darchologie, ses
commentaires au sujet de la virginit du terrain sont caractristiques du vide ressenti en France.
Pascal Riviale rsume trs bien cette impression : les commentaires que lon peut recueillir sur
des projets dexplorations en Amrique centrale et mridionale, saccordent pour dcrire ces
rgions comme des terres vierges, dont on ne savait scientifiquement rien et o tout restait
faire ; RIVIALE Pascal, op. cit., p. 65.
1790
Cf. ibid., pp. 28-32. Lauteur cite la lettre de ladministration du Musum remise au ministre de
lIntrieur, le 25 novembre 1825 : La partie de lAmrique mridionale quoccupent ces deux
vastes contres na encore t visite que par un bien petit nombre de voyageurs, et leurs
explorations dailleurs fort incompltes remontent dj une poque fort loigne. Les mmes
remarques prliminaires peuvent sappliquer aux recherches menes par Bonpland. Quant au Chili
et au Prou, dOrbigny ny demeure pas plus de quatre mois.
461
Deuxime partie
Chapitre V
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, A. de SaintHilaire Larraaga, Paris, 16 janvier 1827.
1792
AMFBJAD n 209, M. de Sarratea Bonpland, Buenos Aires, 30 juin 1835.
1793
Cf. DHOMBRES Nicole et Jean, op. cit., pp. 764-772. Le rsum des dbats que lui envoie
Humboldt est libre de toute considration politique ce sujet ; les partis lAcadmie des sciences
462
Deuxime partie
Chapitre V
cette institution 1794 illustre aussi un attachement lche entre le savant et ce ple
institutionnel, et plaide en faveur dun rseau relationnel direct, tout comme pour
les contacts rioplatenses. Pour appuyer leur demande en faveur de Bonpland, les
cadres de lInstituto Medico Militar nont aucun mal prsenter un rapport
gratifiant les travaux de Bonpland dans ce domaine Sa collaboration louvrage
dAlibert, celle concernant le dictionnaire des sciences mdicales, enfin celle avec
Humboldt parviennent convaincre les autorits 1795 .
Le salaire est la mesure des esprances : 2 000 pesos annuels lui sont
allous pour sa charge en histoire naturelle, plus 1 000 pour la matire mdicale,
soit 15 000 francs par an ajoutons les 360 pesos que reoit Pierre Benoit en tant
quauxiliaire de Bonpland. Il est de loin le professeur le mieux pay ; viennent
ensuite Cristbal Montfar avec 1 600 pesos verss annuellement pour son
enseignement en mdecine 1796 , puis Felipe Senillosa 1797 qui peroit 1 200 pesos
pour lenseignement des sciences nautiques 1798 . Le graphique suivant permet de
quantifier la demande du gouvernement de manire plus prcise la veille de
linauguration de lUniversit.
se divisent entre les botanistes et les autres, les premiers ntant pas comme on pourrait le croire les
soutiens de Bonpland, comme le montre llection de 1817 analyse lors du chapitre prcdent.
1794
Cf. RIVIALE Pascal, op. cit., pp. 49-52. Lauteur rappelle que lAcadmie na quun rle
consultatif et non directif.
1795
Le rapport est reproduit par DOMINGUEZ Juan A., op. cit., pp. 424-425. Lopinion publique
est bien dispose lgard des apports mdicaux potentiels ; cf. VASQUEZ Anbal S., El sabio
Bonpland. La vida, la obra y la trageda pstuma de Bonpland, Paran, Predassi, 1935, p. 18.
1796
Montfar peroit 3 500 pesos si lon ajoute son salaire de professeur ceux touchs en tant que
chirurgien major de larme et de mdecin de lHpital ; Cf. GUTIERREZ Juan Mara, Origen y
desarrollo de la Enseanza Publica Superior en Buenos Aires, desde la poca de la extincion de la
compaia de Jesus en el ao 1767 hasta poco depus de fundada la Universidad de 1821, Buenos
Aires, La Cultura Argentina, 1915 (1868), p. 343.
1797
Felipe Senillosa (1783-1858) est un mathmaticien espagnol migrant Londres en 1813. Il est
alors recrut par Rivadavia. Arriv Buenos Aires en 1815, il est nomm lanne suivante
directeur de lAcadmie de mathmatiques. Charg dune mission topographique, il tablit avec
laide de lItalien Octavio Mossotti la ligne frontalire de la province portea. Auteur de plusieurs
ouvrages scientifiques et politiques, il conserve des charges universitaires jusquen 1858.
1798
GUTIERREZ Juan Mara, op. cit., pp. 240-241.
463
Deuxime partie
Chapitre V
Graphique n 9
Budget rserv lenseignement suprieur Buenos Aires en 1820
Langues (11,7%)
Philosophie (5,5%)
Mdecine (32,7%)
Thologie (5,5%)
Dessin (6,1%)
Nautique (8,2%)
Mathmatiques (7,5%)
1799
Graphique tabli partir des moluments verss par le gouvernement aux diffrents
professeurs exerant dans les tablissements de la capitale portea, daprs les donnes fournies in
GUTIERREZ Juan Mara, op. cit.
1800
Il sengage dposer en ce lieu toutes ses collections dhistoire naturelle ; AGNBA, Sala IX,
legajo 23. 8. 6. 32.
1801
La Crnica Argentina, Buenos Aires, 5 fvrier 1817.
1802
Cf. Origen y Estado de la Medicina en Buenos Aires , in La Abeja Argentina, 15 avril
1822 ; lauteur anonyme de cet article insiste sur le rle ducatif de lUniversit, lavancement des
sciences devant tre lapanage dautres institutions : las escuelas abandonaban al principio de su
carrera los discpulos que ellas mismas han formado; y aun que stos puedan considerarse ramas de
un mismo tronco, que se han nutrido con unos mismos principios y se han instruido con una misma
doctrina, los frutos que ellas producen son enteramente diferentes; stos seran del todo perdidos a
la ciencia, si no se comunicasen mutuamente los resultados nuevos o extraordinarios de la
observacin particular; en una palabra, las escuelas no hacen ms que conservar el depsito de las
ciencias; aumentarlo y perfeccionarlo es obra de otra clase de instituciones, tales son las
sociedades.
464
Deuxime partie
Chapitre V
1870 vers une politique de recherche 1803 , rpondent une clarification qui nest
pas ralise lors de cette priode pionnire. Bonpland est donc bien intgr dans
une logique de dveloppement dun espace scientifique priphrique, visant
rpondre aux ncessits depuis longtemps formules par les lites.
Les loges ne tarissent pas, depuis son arrive jusqu sa disparition la
frontire paraguayenne la fin de lanne 1821. Il dispose aussi de lappui dune
bonne partie de lopinion publique 1804 . La socit de Buenos Aires rserve un
accueil chaleureux aux Bonpland, comme en tmoigne Robertson :
La renomme, le talent et le savoir de lun, les perfections et les manires
fascinantes de lautre ; le savoir-faire et la finesse des deux, firent que
leur compagnie soit gnralement sollicite dans la capitale des Provinces
Unies de la Plata
1805
Cf. VESSURI Hebe, Bitter Harvest : The Growth of a Scientific Community in Argentina ,
in GAILLARD Jacques, KRISHNA Venni V., WAAST Roland, Scientific Communities in the
Developing world, New Delhi, Sage, 1997, pp. 307-335.
1804
Parmi les priodiques de Buenos Aires, deux plus particulirement appuient sa venue ; cf.
HAMMERLY DUPUY Daniel, Amado Bonpland, naturalista y demcrata de Amrica , in La
Nacin, 11 mai 1958.
1805
El renombre, el talento y el saber del uno, las perfecciones y las maneras fascinantes del
otro ; el savoir-faire y la fineza sin afectacin de ambos, hicieron que su compaa fuera
generalmente solicitada en la capital de las Provincias del Plata ; cit in GOMEZ Felix Mara,
Amado Bonpland, Cuaderno de Cultura, Corrientes, 1958, p. 17.
465
Deuxime partie
Chapitre V
secrtaire par les autorits espagnoles, joue les seconds rles derrire lancien
administrateur des mines de Silsie 1806 . Le cas de Humboldt est significatif : son
introduction dans le monde parisien, en 1796, est due aux efforts de son frre alors
attach lambassade prussienne de la capitale franaise. A Madrid, en 1799, il
bnficie une fois encore de ses relations pour forcer le passage vers lAmrique et
exercera lui-mme des fonctions diplomatiques au service de la Prusse
triomphante de Frdric-Guillaume III.
Aim Bonpland est une fois de plus le second, le cadet de Humboldt
comme il est le cadet de son frre Michel-Simon quil suit Paris mais quil ne
peut dpasser dans la carrire. Michel-Simon devient mdecin, prpar prendre
la succession de son pre tandis quAim doit chercher une voie qui nest pas
trace pour lui. Sa spcialisation dans la matire botanique jusqu son dpart est
probablement un moyen de commencer une carrire, le voyage avec Humboldt est
limpulsion celle-ci. Mais au cours du voyage il est toujours le cadet, Humboldt
semblant mener lexpdition. Cest du moins ce quil ressort de son rcit qui
utilise toutefois la premire personne du pluriel, les rles et les dcisions tant
impossibles dfinir. Une absence de poids dans le corpus confirme ce second
rle, savoir celle dun journal de voyage. Celui-ci est rdig par Humboldt, le
botaniste exerant sa fonction sans noter ses impressions. Hormis quelques lettres
crites en France, le Prussien est l encore responsable de la correspondance, un
seul indice faisant apparatre lors de ce voyage une affirmation identitaire.
Il sagit du nom de famille, Aim signant dabord Goujaud-Bonpland puis
partir de son dpart de France il change peu peu son paraphe qui devient un
simple Bonpland. Ce changement intervenu en compagnie de Humboldt ne peut
tre expliqu qu laide dhypothses. Rappelons dabord que lajout du sobriquet
Bonpland celui de Goujaud est d au grand-pre dAim. Aim et Michel-Simon
en hritent, lan choisissant de garder les deux noms tandis que le cadet ne
1806
Miguel Angel Puig-Samper et Sandra Rebok rappellent avec humour les gards espagnols vis-vis de Bonpland : Ya en tiempos de Carlos III, un famoso viajero Joseph Townsend
recomendaba para viajar por Espaa una buena constitucin fsica, llevar dos buenos criados,
cartas de crdito para las principales ciudades y recomendaciones para las mejores familias del
pas. Cuando en enero de 1799 Alejandro de Humboldt atravesaba la frontera pirenaica para llegar
a Barcelona con el sueo de pasar a Africa o quiz encaminarse hacia tierras americanas, cumpla
gran parte de estas sugerencias. [] En cuanto al segundo consejo, slo se cumpla parcialmente,
ya que el sabio alemn vena a Espaa acompaado nicamente de su amigo, considerado como un
criado o a lo ms secretario por las autoridades espaolas, el botnico francs Aim Bonpland. ;
PUIG-SAMPER Miguel Angel, REBOK Sandra, Un sabio en la meseta : el viaje de Alejandro de
Humboldt a Espaa en 1799 , in Revista de Occidente, n 254-255, juillet-aot 2002, pp. 95-96.
466
Deuxime partie
Chapitre V
1807
1808
467
Deuxime partie
Chapitre V
Cf. FURLONG Guillermo, Nuevos datos sobre Bonpland en Buenos Aires (1818) , in
Anales de la Universidad del Salvador, n 5, 1969, pp. 163-164.
1810
Bonpland J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 62.
1811
Cf. RIVIALE Pascal, op. cit., pp. 39-40.
468
Deuxime partie
Chapitre V
1812
Deuxime partie
Chapitre V
1814
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832. Humboldt, persuad lui
aussi de son dsir de revenir en Europe, obtient du gouvernement franais quil soccupe du
rapatriement de Bonpland ; cf. PEA David (dir.), Manuscritos de Bonpland. Cartas de
Humboldt , in Atlntida, vol. 1, n 1, 1911, p. 98. Cravino dresse un triste tableau de la province
de Corrientes en 1837 ; AMFBJAD n 888, Constantin Bonpland, Buenos Aires, 21 aot 1837.
1815
AMFBJAD n 567, Bonpland Frederick Dickson, Buenos Aires, 27 mars 1832 ; AMFBJAD
n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
1816
Ce dcalage est directement li au temps de latence existant entre le voyage et la publication
des rsultats. Humboldt par exemple tale ses parutions amricanistes sur plus de vingt annes ;
dOrbigny publie entre 1835 et 1847. A ce temps long, caractristique de la construction
amricaniste, sajoute le temps de latence entre la parution en Europe et lacquisition ou la
restitution de ces savoirs sur le terrain. Cet aspect sera analys lors de la seconde partie.
470
Deuxime partie
Chapitre V
ritre cette proposition Candolle plus de vingt ans plus tard 1817 , et place sa
nouvelle contribution dans un ensemble continental. Bonpland exprime
parfaitement cette continuit dans une lettre date de 1832, au sortir du Paraguay :
je vins dans cette partie de lAmrique avec lintention spciale de visiter
[] tous les points de lAmrique du Sud dans lesquels je nai pas
march au cours de mon premier voyage avec M. le Baron de Humboldt :
javais en mme temps le dsir [] dunir les travaux des deux voyages,
les offrir au monde et publier toute lhistoire naturelle du vaste continent
de lAmrique Espagnole.
1818
Bonpland J. M. de Pueyrredn, Buenos Aires, 22 juin 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 34.; AMFBJAD n 421, Bonpland A. P.
de Candolle, Montevideo, 18 mai 1840.
1818
vine en esta parte de America con animo especial de visitar [...] todos los puntos de la
America del Sur en los quales no he andado en mi primer viaje con el Sor. Baron de Humboldt :
tenia en el mismo tiempo deseo [...] de [unir] los trabajos de los dos viajes, ofrecerlos al mundo y
publicar toda la historia natural del vasto continente de la America Espaola , AMFBJAD n
1591, Bonpland A. Herrera, Buenos Aires, 15 septembre 1832. Il le raffirme lintress en
1840 : Jai toujours pens que mes travaux ici devaient faire une suitte ncessaire tous les
ouvrages qui ont ts publis sous ton nom , AMFBJAD n 327, Bonpland Humboldt,
Montevideo, 17 mai 1840.
1819
CF. LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 41.
1820
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, aot 1832. Bonpland sattaque aux
conclusions du Prussien concernant le colletia peruviana qui a bien des feuilles comme il sen
assure dans les missions portugaises. Il constate aussi que Humboldt estropie le nom dune plante,
le bixa orellana, dsign par les espagnols sous le nom de rucu, se traduisant en franais par le
terme roucou . Or, Humboldt crit racou dans ses Tableaux de la Nature, t. I, p.257.
Bonpland ajoute que ltymologie est sans doute guarani car au Paraguay la plante se nomme
urucu.
471
Deuxime partie
Chapitre V
472
Deuxime partie
Chapitre V
prs du quart de ces observations concernent des vgtaux in cultis, ce qui est loin
de rpondre aux esprances du botaniste 1824 .
Poursuivre le travail de Flix de Azara est une priorit. A Buenos Aires, il
note les insuffisances concernant les vgtaux des Missions ou de Buenos
Aires dcrits par lAragonais 1825 . Lessentiel est donc faire, particulirement au
Nord-Est. Se fiant Azara, Bonpland relve labsence darbres de la Plata au
dtroit de Magellan, leur faible prsence jusquaux Missions ; enfin dans celles-ci
la diversit des arbres est trs grande et tous sont diffrents de nos arbres
dEurope 1826 . Si lon sattarde sur la sollicitation du 22 juin effectue auprs de
Juan Martn de Pueyrredn, lun des objectifs principaux est dentamer, ds sa
nomination acquise, des voyages il ne parle pas dexploration dans lintrieur
du territoire de lEtat , le long des fleuves Uruguay et Paran, ainsi que dans les
provinces de Tucumn et du Paraguay, Prou, &a1827 . En effet, le Paraguay
est considr comme une province par lensemble des Europens durant les annes
1820 et 1830, ou mme encore en 1858 par Woodbine Parish dcriant un pays
qui prtend, comme il le fait actuellement, reprsenter une rpublique
indpendante et spare 1828 .
Les explorations projetes en 1819 et 1820 ont pour prtention de couvrir
lensemble de lancienne vice-royaut 1829 et dasseoir la porte du premier
voyage. Il prvoit dabord de se rendre Tucumn en 1819, puis se dcide pour
Corrientes en 1820. Dans la continuit de ces premiers projets Bonpland, au sortir
1824
473
Deuxime partie
Chapitre V
du Paraguay, aprs avoir dabord renonc en juin 1832 organiser une campagne
grande chelle englobant la cte patagonique jusquau dtroit de Magellan, les
les Malouines, Tucumn et le Chili 1830 , sapprte parcourir simplement
Montevideo, Maldonado et le cap Santa Mara pour complter ses connaissances
gologiques 1831 . Mais sa grande entreprise avant de regagner lEurope consiste
retourner une dernire fois, pour mener une exploration estime une anne 1832
dans les missions portugaises et sur lUruguay pour y collecter ce quil a
seulement pu voir 1833 , tenter de glaner quelques fossiles la suite de Sellow dans
lEntre Ros et passer par le Brsil 1834 . Cependant, ds le mois daot il prvoit de
nouveau dlargir ses investigations Corrientes, au Chili, la Patagonie et
Tucumn, au cours dun voyage estim un an ou deux 1835 . Comme il lexplique
Humboldt, Bonpland se juge moralement et physiquement capable de faire ses
excursions 1836 . Les preuves dintrt portes ses tudes le portent
certainement, notamment celles provenant du gouverneur de Tucumn, car aprs
avoir projet de voyager par les missions portugaises, il envisage de se rendre
auprs de ce gouvernement 1837 . Nanmoins, les rsultats de ce travail sont
prioritairement ddis linstitution scientifique franaise. Cette filiation apparat
davantage encore dans sa correspondance avec le Musum 1838 .
1830
1831
474
Deuxime partie
Chapitre V
475
Deuxime partie
Chapitre V
476
Deuxime partie
Chapitre V
provenance 1848 . Au dbut des annes 1830, le Musum est trs demandeur
dchantillons. Les nouvelles serres du Musum dune tendue considrable
attendent de
belles espces qui [en] feront lornement et la gloire [] Les individus
nous manquent pour les remplir
1849
explique Mirbel qui accuse rception des caisses envoyes et des pertes au
moment de faire lever les graines. Aussi lui propose-t-il de les stratifier ou de les
rendre hermtiques comme les Anglais qui ainsi ont reu du Chili des graines
daraucaria, et surtout il lui demande dessayer dinnover en matire de
conservation, afin dacqurir un plus grand nombre de plantes. Mirbel est trs
mticuleux dans ses demandes et accueille trs bien les offres de Bonpland 1850 .
AMFBJAD n 437, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 9 janvier 1833 ; AMFBJAD n
438, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 23 mars 1835.
1849
AMFBJAD n 438, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 23 mars 1835.
1850
AMFBJAD n 437, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 9 janvier 1833 ; AMFBJAD n
438, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 23 mars 1835.
477
Deuxime partie
Chapitre V
focalisation
des
savoirs.
Nul
cloisonnement,
mais
changes
et
Deuxime partie
Chapitre V
1852
Cf. BABINI Jos, Historia de la ciencia en la Argentina, Buenos Aires, Solar, 1986 (1954), pp.
85-86.
1853
LOPEZ Vicente Fidel, Evocaciones histricas, Buenos Aires, Secretaria de Cultura de la
Nacin, Fundacin Universitaria de Estudios Avanzados, 1994 (1929). Lpez y Planes aurait servi
dintermdiaire entre Bonpland et Pueyrredn afin que le premier prsente au second un mmoire
sur la yerba mate ; cf. BOCCIA ROMANACH Alffredo, op. cit., p. 79.
1854
LOPEZ Vicente Fidel, op. cit., p. 20.
1855
Antcdents de la nomination de Bonpland la chaire de Matire Mdicale de lInstituto
Mdico Militar, in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit.,
pp. 81-83.
1856
La Gaceta de Buenos Aires, 4 novembre 1818. Dans son journal de botanique, Bonpland fait
mention dchantillons dus l amiti de Castaeda.
479
Deuxime partie
Chapitre V
1859
Bonpland
dsire
lmergence
des
tudes
palontologiques
1857
MNHN, ms 214.
A. dOrbigny aux professeurs administrateurs du Musum, 16 septembre 1828, cit in
BERAUD Gilles (d.), MIRET Enric, DORY Daniel (coll.), op. cit., p. 34.
1859
A. dOrbigny aux professeurs administrateurs du Musum, 18 juin 1827, cit in BERAUD
Gilles (d.), MIRET Enric, DORY Daniel (coll.), op. cit., p. 30.
1860
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 15 septembre 1818.
1861
Alexander Caldcleugh observe Buenos Aires en 1821 un arolithe amen du Chaco pour
raliser une paire de pistolets et un tromblon afin den faire prsent au prsident des EtatsUnis ; CALDCLEUGH Alexander, Viajes por Amrica del Sur, Ro de la Plata. 1821, Buenos
Aires, Solar, 1943 (1825), p. 38.
1858
480
Deuxime partie
Chapitre V
Cf. PODGORNY Irina, Los gliptodontes en Pars : las colecciones de mamferos fsiles
pampeanos en los museos europeos del siglo XIX , in MONTSERRAT Marcelo (comp.), La
ciencia en la Argentina entre siglos. Textos, contextos e instituciones, Buenos Aires, Manantial,
2000, pp. 309-310.
1863
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 47.
1864
Concernant Narcisse Parchappe, cf. KIRCHEIMER Jean-Georges, Narcisse Parchappe : un
polytechnicien explore la Patagonie, 1838 , in LAISSUS Yves (coord.), Les naturalistes franais
en Amrique du Sud : XVIe-XIXe sicles, Paris, CTHS, 1995, pp. 307-315.
1865
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, aot 1832.
1866
Cet extrait du dcret est cit par BERTOL DOMINGUES Heloisa Maria, Le rle social du
Jardin botanique de Rio de Janeiro , in FISCHER Jean-Louis (dir.), Le jardin entre science et
reprsentation, Paris, CTHS, 1999, p. 129.
1867
MNHN, ms 203, n 138, avril 1818.
1868
Loxalis muyquichi ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 19 mai 1837.
481
Deuxime partie
Chapitre V
la majorit de ses contacts sont europens. Alors mme quil dcide de partir pour
Corrientes, le relais le plus fiable dans cette ville est un notable dorigine
franaise, Esteban Perichn 1869 . Bonpland compte en effet tendre son rseau vers
le nord du pays, incluant le Paraguay dans ce cadre territorial. Les barrires
provinciales et nationales sont-elles suffisamment ouvertes ? Sa correspondance
avec Tucumn, Corrientes, Montevideo, Asuncin dmontre une volont de sa
part de fortifier les sciences et de crer une Rpublique savante au Ro de la
Plata, comme en tmoigne son projet ddifier un Musum sur le modle franais,
rcepteur des sciences naturelles dans un vaste espace circonscrit pour lessentiel
lancienne vice-royaut.
1869
Esteban Perichn est directeur des Postes de la province. Il doit sa place son pre, ancien aide
de camp du vice-roi franais Jacques Liniers.
482
Deuxime partie
Chapitre V
1870
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 15 septembre 1818.
1871
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Freycinet
Larraaga, 29 mars 1822 ; Saint-Hilaire Larraaga, 19 septembre 1822.
1872
Hypothse mise par LOPEZ-OCON CABRERA Leoncio, op. cit., pp. 205-225.
1873
Saturnino Segurola et Bartolom Doroteo Muoz instruisent Bonpland du droulement des
travaux de Damasio Antonio Larraaga. Sans quil ait besoin de se recommander de ces
personnages, Bonpland se crdite nanmoins de leur bienveillance son gard, lorsquil entame sa
correspondance avec Larraaga ; AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195,
carpeta 18. Muoz est dautant plus recommand quil est un formateur essentiel de Larraaga en
matire de botanique, son grand ami et collaborateur ; cf. MAE GARZON Fernando, Teodoro M.
Vilardeb. 1803-1857. Primer mdico uruguayo, Montevideo, Academia de Medicina del
Uruguay, 1989, pp. 305-306.
1874
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18. Le 13 fvrier
1818, lors de sa premire lettre Larraaga, le Franais espre admirer tous les trsors que vous
avez ramasss et les voir bientt publier, afin que lEurope entire rende justice votre mrite et
aux efforts que vous avez fait ; Bonpland ajoute, le 2 avril 1818 : jai mme plusieurs amis
Paris qui doivent se charger de suivre la gravure et limpression de tout ce que jenverrai, mais []
je ne leur enverrai mme rien avant de vous avoir vu et savoir positivement de vous quelles sont
vos intentions ce sujet. Je serais au dsespoir de publier sans votre assentiment des travaux
auxquels vous avez mille fois plus de droit que moi et que je regarde dailleurs comme votre
proprit. Bonpland insiste encore le 15 septembre : je crois que vous feriez une chose utile
votre gloire scientifique de les faire publier en Europe.
483
Deuxime partie
Chapitre V
environs de Paris sitt de retour en France 1875 . Cette politique des relais
correspond ce que certains auteurs nomment lexcellence scientifique la
priphrie 1876 . Ce concept sapplique particulirement Bonpland, puisquil
dsire simpliquer personnellement et sur le long terme la formation dun groupe
et de structures scientifiques similaires ceux existant en Europe. Larraaga en est
un autre exemple puisquil parvient fixer autour de lui les naturalistes europens.
La mme attitude se retrouve chez Auguste de Saint-Hilaire vis--vis de la
Flora Fluminensis de labb Vellozo, dont les manuscrits dorment dans la
bibliothque de Rio de Janeiro 1877 . Saint-Hilaire est alors un des rares dfenseurs
des auteurs sud-amricains. La valorisation des travaux dpend essentiellement
des composantes du rseau de transmission des connaissances, et lUruguayen
peut compter sur Auguste de Saint-Hilaire pour dfendre devant lAcadmie des
Sciences ses rsultats 1878 . Saint-Hilaire noublie pas non plus de mettre en avant
des travaux concernant la flore brsilienne 1879 ou encore de remercier Joo
Rodrigues Pereira de Almeida, tranger au monde savant mais prcieuse aide sur
le terrain, en lui ddiant un genre botanique nouveau 1880 .
Le partage du travail se veut quitable, mais on observe au cours de la
dcennie 1820 une volution vers une publication systmatique en Europe, en
termes dchanges inquitables car lide de publications amricaines tant
abandonne, celle dune collaboration gale sefface son tour au profit dun
monopole europen non seulement ddition, mais aussi concernant la paternit de
luvre, processus mettant jour les limites atteintes par lEtat dans sa tentative
de crer un espace public capable de dvelopper des mcanismes de production et
1875
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Saint-Hilaire
Larraaga, 21 octobre 1821.
1876
A ce sujet, cf. DIAZ Helena, TEXERA Yolanda, VESSURI Hebe, La ciencia perifrica,
Caracas, Monte Avila, 1983 ; CUETO Marcos, Excelencia cientfica en la periferia. Actividades
cientficas e investigacin biomedica en el Per, 1890-1950, Lima, GRADE, 1989.
1877
SAINT-HILAIRE Auguste de, op. cit., p. 23.
1878
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 5, 13
novembre 1837, p. 644.
1879
Saint-Hilaire promeut en 1830 les travaux du brsilien Domingos Ribeiro dos Guimaraens
Peixoto effectus Paris sous la forme dune dissertation inaugurale de doctorat intitule Sur les
Mdicamens brsiliens quon peut substituer aux Mdicamens exotiques dans la pratique de la
Mdecine au Brsil. Saint-Hilaire lui ddie un genre ; Flora brasiliensis meridionalis, Paris, Belin,
tome III, 1832, p. 60.
1880
Ibid., pp. II, XIII-XIV, 142-143.
484
Deuxime partie
Chapitre V
1883
Cet enthousiasme pour les mthodes nouvelles prouve aussi quavant SaintHilaire, Bonpland ne convainc pas le Montevideano par des thories ; il nest en
effet pas constructeur mais cultivateur des sciences. A ce titre, Bonpland
encourage lEtat divulguer toute source de connaissance en direction de
lEurope. Cest le cas encore avec dun livre dagriculture crit par Toms Jos
Grigera 1884 , quil conseille de faire parvenir aux tablissements scientifiques du
vieux monde, publics ou privs, afin dentamer une correspondance profitable aux
deux parties. Toute uvre en provenance du Ro de la Plata est susceptible
dexciter, assure Bonpland, lintrt des Etats comme des savants trangers pour
les ressources naturelles, crer une dynamique dchanges scientifiques, mais
aussi commerciaux 1885 .
1881
LOPEZ-OCON CABRERA Leoncio, op. cit., p.207. Lincapacit de lEtat dvelopper une
dynamique et une politique scientifique autonome est la base du retard qui saccumule dans les
annes 1820.
1882
Cf. les lettres changes entre Larraaga et Freycinet ou Saint-Hilaire ; AGNM, Escritos del
padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18. Un passage dune lettre de Saint-Hilaire
Larraaga, date du 19 septembre 1822, est significatif ce sujet : jaurai lhonneur de vous faire
passer bientt [] un aperu de mes voyages que jai dj lu notre Acadmie de Sciences. Jai eu
le plaisir de vous citer dans ce petit ouvrage pour un fait que vous avez bien voulu me
communiquer.
1883
La una me ha dado vigor en mis investigaciones, y la otra me har mas cauto y mas atento en
la inspeccion de dichas plantas , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195,
carpeta 18, Larraaga Saint-Hilaire, Montevideo, 8 fvrier 1822.
1884
Toms Jos Grigera (1775-1829), pionnier de lagriculture en Argentine, surnomm el
Alcade de la Quintas , exerce dans la province de Buenos Aires.
1885
Bonpland J. M. de Pueyrredn, Buenos Aires, 22 juin 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 33.
485
Deuxime partie
Chapitre V
1888
1886
486
Deuxime partie
Chapitre V
1892
En effet, dune part la mise en place dune culture productiviste dans la province
de Buenos Aires, en dehors de ses limites gographiques naturelles, constitue un
terrain dexprimentation primordial en cela quil permet, dautre part, de mettre
en place un processus dautosuffisance bnfique la province. Cest aussi le cas
1889
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, 13 fvrier et 15 septembre 1818.
1890
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
DOrbigny le constate aussi ; ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835, pp. 244-247.
1891
AMFBJAD n 2044, journal, 1819-1823.
1892
Bonpland J. Pujol, s. l., 1854, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 195.
487
Deuxime partie
Chapitre V
strictement
la
recherche.
La
nomination
de
1818
diffre
1893
488
Deuxime partie
Chapitre V
1896
Deuxime partie
Chapitre V
1900
Deuxime partie
Chapitre V
1907
Parmi les savoir-faire, laptitude honorer ses pairs nest pas la moindre.
1909
1906
il me tarde de faire connotre votre nom et vos travaux au monde savant en vous ddiant un
beau genre de plantes, mais il faut quil soit bien tranch et surtout que ce soit un bel arbre. ,
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, 2 avril 1818.
1907
segun la ley que estos dos grandes y generosos genios se habian impuesto, de aparecer
siempre unidos y mancomunados en sus cientificos trabajos pertenecientes a America , AGNM,
Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland Larraaga,
Buenos Aires, 25 mai 1818.
1908
AMFBJAD n 396, Bonpland J. J. Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.
1909
fuerza de trabajos y de sacrificios lograre de hacer un establecimiento util la instruccion,
la agricultura y al pays. [] este sitio debe un dia hacer algun honor al pays y al gobierno qe habra
contribuido su leventamiento , ibid.
491
Deuxime partie
Chapitre V
Cette promesse fait suite celle faite en novembre 1818 depuis Buenos
Aires 1910 . Le Franais suit en cela le programme quil sest fix et qui a dbut par
la runion des plantes proches de Buenos Aires dans un tablissement qui lui
appartient mais quil destine lEtat. En effet, son engagement envers le
gouvernement stipule dabord la collecte de la flore portea, ensuite la prparation
dun ouvrage, enfin lexploration des provinces intrieures 1911 . Sur ce troisime
point, Bonpland ne fait que rpondre sa compromission envers lEtat, aprs avoir
obtenu le poste de professeur dhistoire naturelle 1912 . Suite limpossibilit
dtablir un Jardin botanique dans sa proprit que lui disputent les anciens
propritaires, le naturaliste apprend avec soulagement la dcision de Jos Joaqun
Araujo de fixer le cabinet dhistoire naturelle dans sa nouvelle proprit 1913 .
Bonpland se lance avec confiance dans le troisime objectif fix,
lexploration. Aprs stre aventur dans les les Sola, Juncal et Martn Garca, et
aprs avoir commenc lexploration du Paran Guaz, Bonpland espre beaucoup
plus dune exploration de la zone subtropicale, comme il lexplique Larraaga :
Depuis mon arrive ici jai ramass quelques plantes, ce pays, vous le
savez, ou du moins les environs de la ville sont pauvres comparativement
ceux de Rio. Quelques degrs de chaleur de plus et un sol plus humide
influent considrablement sur la diversit et sur la force de vgtation.
[] Vous avez sans doute appris la mort du clbre Dr. Taedo Hancke,
mais ce que vous ne savez peut-tre pas cest que jaurai probablement sa
souvenance et cest une des ides qui me lisongea mas . Si donc le
Gouvernement me donne cette place je compte commencer de suite des
excursions dans lintrieur du pays. Dabord javais port mes vues sur
Corrientes et sur le Paraguay, mais aujourdhui lexcution de ce projet
1910
De aqui a pocos dias mandar una coleccion de semillas para que se siembren en la quinta y
sucesivamente espero tener un jardin propio a la instruction y a la ilustracion del pays. , AGNM,
Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland Larraaga,
Buenos Aires, 10 novembre 1818.
1911
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 34.
1912
A partir de cette date, les voyages de Bonpland sont raliss au service de lEtat. Il ny a pas de
rupture larrive de Rondeau au pouvoir, comme en tmoigne la lettre de Matas de Yriguoyen,
date du 16 juin 1819, autorisant Pierre Benoit assister Bonpland en el viaje que este hade
emprender en servicio del Estado ; aucune anicroche non plus nest signaler sous
ladministration de Martn Rodriguez, qui lui confre la chaire de Matire Mdicale en 1821 ; ibid.,
pp. 74, 88.
1913
AMFBJAD n 396, Bonpland J. J. Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.
492
Deuxime partie
Chapitre V
1914
CONCLUSION
Au terme de cette analyse, on peut voir dans un premier temps se profiler
les lacunes freinant lessor de la culture scientifique au Ro de la Plata. Si
thoriquement la rgion offre les garanties suffisantes llaboration dun espace
scientifique propre, les trois voies favorisant le dveloppement de cette assise ne
sont pas encore assures lorsque Bonpland sjourne Buenos Aires, puis tout au
long des annes 1820 1916 . Dabord, la carence dune mmoire scientifique hrite
de lEspagne, ou sa ngation par les lites. Ensuite, labsence dune idalisation de
la nature pouvant contribuer exciter lintrt des Europens et impulser des
vocations et des investigations ; la rhtorique venir concernant la barbarie
reprsente par les forces de la nature, et la civilisation urbaine, y trouve peut-tre
l ses racines. Enfin, la troisime carence dcoulant des deux premires est le
manque de confiance des acteurs culturels dans leur propre capacit impulser les
efforts ncessaires 1917 . Les critiques des lites vis--vis de lancienne mtropole
masquent mal leurs propres carences, notamment labsence de capacit de cration
dun fonds propre. Certes Bonpland est l pour y remdier, mais les nouvelles
perspectives qui soffrent lui savrent ne pas tre profitables ni lui, ni au
1914
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 13 fvrier et 15 septembre 1818.
1915
Bonpland J. M. de Pueyrredn, Buenos Aires, 22 juin 1818, A. de Poziga Bonpland,
Buenos Aires, 3 octobre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO
Rmulo d, op. cit.,, pp. 32-34, 39.
1916
Cf. LOPEZ-OCON CABRERA Leoncio, op. cit., pp. 212-215.
1917
La figure de Rosas permet beaucoup dentre eux de dfinir alors par opposition des projets de
socit quils ne dveloppent pas sans celle-ci.
493
Deuxime partie
Chapitre V
494
CHAPITRE VI
Du Grand Tour amricain la collecte
priphrique (1817-1858)
INTRODUCTION
A laube des indpendances sud-amricaines, le travail raliser entrouvre
des perspectives dont Bonpland et dautres entendent tirer profit. Lorsque Sellow,
Saint-Hilaire et Bonpland prennent au mme moment la direction du Paraguay, il
sagit de spculer sur laccs un nouveau terrain dinvestigation. Ce contact avec
le terrain, lment essentiel des passeurs culturels, met en avant le caractre
alatoire de linvestigation scientifique, confirm par les destins des trois
explorateurs cits. Sellow meurt sur le terrain, Bonpland sy retrouve prisonnier ;
seul Saint-Hilaire jouit pleinement des fruits de son travail 1918 . En ce sens il ny a
pas de
1918
Le voyage de Saint-Hilaire pse de tout son poids lors de son admission lAcadmie des
sciences, en 1830 ; cf. KURY Lorelai, La politique des voyages et la culture scientifique
dAuguste de Saint-Hilaire (1779-1853) , in LAISSUS Yves (coord.), op. cit., pp. 238-241.
Deuxime partie
Chapitre VI
A.
PROSPECTER
LINTERIOR :
DES
CAMPAGNES
SCIENTIFIQUES PERIPHERIQUES
Bonpland choisit de contrler toutes les tapes de la mise en rseau des
connaissances, en commenant par celle de la dcouverte. Les diffrentes
campagnes scientifiques menes ou projetes par le Franais sont bien sr
principalement consacres la flore, mais dautres objets dtudes enrichissent ses
collections. Dun point de vue ethnologique notamment, le Ro de la Plata parat
infiniment moins riche que les pays hritiers des civilisations prhispaniques. En
outre, les tudes naturalistes sorientent majoritairement vers la botanique. Quil
sagisse de savants hispaniques tels que Larraaga et Muoz, ou dEuropens dont
le plus marquant au dbut des annes 1820 est Auguste de Saint-Hilaire, leur
champ dtude privilgi reste encore la botanique. Mais mthodologiquement le
terrain acquiert un intrt croissant, du fait de lmergence de sciences nouvelles,
et de leur application au terrain amricain par dautres naturalistes. DOrbigny
dans les annes 1820, puis Darwin dans les annes 1830, en tirent
remarquablement profit.
La priode durant laquelle Bonpland espre obtenir le plus grand avantage
du terrain rioplatense se situe entre son arrive Buenos Aires et son enlvement
496
Deuxime partie
Chapitre VI
la frontire paraguayenne par les troupes de Francia. A cet gard, le voyage aux
Missions relve dune stratgie quil sagit dexpliquer en dtail si lon veut
apprhender lensemble des campagnes scientifiques entreprises par la suite. En
effet, ce premier voyage contient en germe les projets, les buts et les ralisations
des campagnes postrieures. Sous tous ces aspects, on observe un recours de plus
en plus marqu linitiative prive. Dautre part, les belles perspectives
continentales cdent la place des objectifs gographiques de plus en plus
restreints.
La rdaction dun rcit de voyage rsout en grande partie ce problme, puisque mme si
linterprtation du voyageur est errone, la vrification peut sappuyer sur des bases solides. En
effet, Bonpland nvoque presque pas les lites quil rencontre dans le Nord-est du Ro de la Plata,
ou trs peu. Cela fait obstacle une tude dtaille. Citons comme contre-exemple un travail
effectu partir du rcit et des dfrichements historiographiques comme celui de ACUA
MENDOZA Enrique, Alejandro de Humboldt y su relacin con la lite criolla en la ciudad de
Caracas, 1799-1810 , in Ensayos Histricos, n 10, 1998, pp. 29-42. Plus prs de notre sujet, il
faut voquer ltude dEnric Miret, sur laquelle nous nous appuyons par ailleurs ; cf. MIRET
Enric, La ville de Corrientes vue par Alcide dOrbigny : description dune socit , in
BENASSY Marie-Ccile, SAINT-LU Andr (coord.), La ville en Amrique espagnole coloniale,
Actes du sminaire interuniversitaire sur lAmrique espagnole coloniale, Paris, Presses de la
Sorbonne Nouvelle, 1984, pp. 131-145.
497
Deuxime partie
Chapitre VI
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 15 septembre 1818.
1921
Par exemple lorsque devant se rendre de Curuz Cuati Corrientes pour administrer des
soins, son guide dtermine le chemin en fonction de ses intrts personnels. Aussi a-t-il recours
autant que possible des personnes de confiance, comme par exemple un nomm Salazar, ancien
capataz de Pedro Cabral, charg de le conduire de Curuz Cuati Corrientes. AMFBJAD n
1704, voyage dans la province de Corrientes, mai 1834 ; AMFBJAD n 1711, voyage de So
Borja Corrientes, 20 septembre 1836.
1922
Il faut un guide intelligent pour traverser ces beaux pays [] le voyageur etranger risque
chaque moment de sengloutir avec son cheval ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia
Curuz Cuati, 23 mai 1837.
498
Deuxime partie
Chapitre VI
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Saint-Hilaire
Larraaga, 15 janvier, 16 fvrier et 21 octobre 1821, 16 janvier 1827. La dtrioration des
collections de Saint-Hilaire loblige y consacrer tout le reste de son sjour au Brsil. Vous
voyez ajoute-t-il par consquent que je ne puis entreprendre cette anne le voyage du Chili, et
le dsir que jai de revoir mon pre et ma mre ne me permet pas de prolonger mon sjour en
Amrique.
1924
CIGNOLI Francisco, En el bicentenario del nacimiento de Bonpland. Itinerario de su
presencia en Argentina , in La semana medica, anne LXXXI, n 4790, tome 144, n 9, 14 mars
1974, p. 251.
1925
Rappelons ce qucrit Bonpland la fin de lanne 1818 : javais port mes vues sur
Corrientes et sur le Paraguay, mais aujourdhui lexcution de ce projet demande des rflexions et
je mentendrais sur cela avec le directeur suprme [Pueyrredn] , AGNM, Escritos del padre
Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland Larraaga, Buenos Aires, 15
septembre 1818.
1926
Cf. GANDIA Enrique de, Nuevos datos para la vida de Amado Bonpland , in Boletn de la
Academia Nacional de Medicina de Buenos Aires, vol. 46, premier semestre 1968, pp. 147-148.
499
Deuxime partie
Chapitre VI
1927
500
Deuxime partie
Chapitre VI
Darwin 1931 . Or, aprs avoir constat la pauvret de la province de Buenos Aires,
Bonpland ne souhaite probablement pas reproduire lexprience plus au sud.
Entre 1817 et 1819, les annotations de Bonpland confirment son intrt
vis--vis du terrain boral. Lors de son sjour Buenos Aires, il recueille un
certain nombre de tmoignages crits ou oraux, tous orients dans la mme
direction gographique. On peut mettre en parallle la dcision de Bonpland avec
celle de dOrbigny, car si le premier contrevient aux recommandations de Buenos
Aires, le second enfreint les instructions du Musum en se rendant dans la
province de Corrientes ; il y demeure plusieurs mois retenu par la richesse du
terrain. En outre la lecture de Flix de Azara, rare tmoin des grandes richesses
vgtales prsentes au nord des Provinces Unies, incite naturellement Bonpland
se porter vers le Paraguay et les Missions. Il se rfre aussi aux hommes de
terrain tel le cur dItapa, Mariano Gaenza, dont le pre est subdlgu
Atacama, dans le nord du Chili. En outre, il sagit de la dcouverte dun territoire
culturel et social en totale restructuration depuis lexpulsion de la Compagnie de
Jsus 1932 . Territoire se dmantelant plutt quil ne se rorganise ? A cet gard les
sources contredisent les impressions de Bonpland, car les premires voquent une
dsagrgation tandis que les secondes sont empreintes dun certain optimisme, d
principalement au potentiel de dveloppement constat. Il se dgage des
observations de Bonpland et de ses contemporains limage dune frontire en
construction, hrite des luttes indpendantistes mais aussi du vide culturel laiss
par les Jsuites.
Or, le savant ne semble pas conscient de la dgradation gopolitique
accentue depuis la dclaration dindpendance des colonies rioplatenses.
Bonpland rpte quil dsire se rendre dans les Missions depuis plusieurs annes.
Ds le mois daot 1818 il nattend que lobtention de sa Comision comme
professeur dHistoire naturelle pour se rendre Corrientes 1933 ; il ajoute en aot
1820 que le moment est venu pour raliser ce voyage 1934 . Des conditions
politiques favorables 1935 , mais aussi la ncessit de partir au printemps afin de
1931
1932
501
Deuxime partie
Chapitre VI
Gamonal. Le jour du dpart de Bonpland pour le Paraguay, une nouvelle rvolte mene par les
fdraux clate ; elle est subjugue quelques jours plus tard par Rosas.
1936
Inquitudes qui touchent en premier lpouse du naturalise, infirmant lhypothse dune
brouille entre les poux, comme lcrit MARCEL Gabriel, Aim Bonpland daprs des
documents rcents , in La Gographie : bulletin de la Socit de gographie, tome XV, premier
semestre 1907, p. 184, version reprise gnralement ensuite. Araujo dvoile ltat desprit de celleci : La Sa. estaba resuelta irse esa : bastante trabajo me ha costado el gritarle [] que Vm le
avisara. Ni temia mosquitos, tabanos, y demas sabandijas por estar al lado de su Bonpland ,
AMFBJAD n 397, J. J. de Araujo Bonpland, Buenos Aires, 25 janvier 1821.
1937
AMFBJAD n 296, F. Des Brosses Bonpland, Buenos Aires, 26 juin 1837.
1938
Les quatre premires biographies sur lesquelles nous nous appuyons sont celles de
DEMERSAY Alfred, op. cit. ; ANGELIS Pedro de, Biografa de Amado Bonpland, in TROSTINE
Rodolfo, GONDIA Enrique de, Pedro de Angelis. Acusacin y defensa de Rosas ; las ideas
polticas de Pedro de Angelis, Buenos Aires, Editorial La Facultad, 1945 (1855) ; MARTIN DE
MOUSSY J. A. Victor, Notice sur la vie dAim Bonpland en Amrique, Plata, Paraguay,
Misiones , in Bulletin de la Socit Gographique de Paris, quatrime srie, tome XIX, 1860, pp.
414-425 ; BRUNEL Adolphe, op. cit.
502
Deuxime partie
Chapitre VI
got pour les voyages et la botanique linclinant prfrer les solitudes des
Missions au chaos politique de la capitale bonaerense 1939 . A cela sajoute, partir
de 1906 1940 , une suppose msentente entre les poux Bonpland. Or, quil parte
pour fuir le monde, les intrigues politiques ou un chec matrimonial, il est
incomprhensible que Bonpland choisisse plus mal sa destination. Les Missions
ne sont pas soumises aux intrigues mais une guerre ouverte, et ce depuis dix ans
si lon omet la lente dsarticulation de la structure sociale misionera-guarantica
depuis 1768 1941 . Les annes 1817, 1818 et 1819 sont particulirement funestes
puisque quinze des trente pueblos sont dtruits. Car si les raisons de quitter
Buenos Aires sont diversement apprcies, celles daller dans les Missions
relvent danalyses convergentes.
Aprs avoir dpouill les environs de Buenos Aires, toute autre
investigation scientifique implique llaboration dune exploration qui savre
impossible sans un soutien logistique permettant une avance significative
lintrieur des Provinces Unies. Ce changement despace oblige le naturaliste
abandonner provisoirement Buenos Aires. Sa progression est naturelle car, une
1939
DEMERSAY Alfred, op. cit., p. 243, attribue Bonpland un priple le conduisant de la pampa
Santa Fe, puis du Chaco aux Missions, en passant par la Bolivie. BRUNEL Adolphe, op. cit., p.
72, interprte mieux que quiconque une marginalisation volontaire du botaniste : il trouvait au
milieu de ce dsert la solitude, le calme et le recueillement, seuls objets de ses dsirs . Bien quil
ait rencontr Bonpland, cet auteur ne parat pas bien inform sur dautres points, puisquil fixe la
moiti de lanne 1819 la date de son dpart pour les Missions, et ajoute que pour ce faire
Bonpland abandonne sa charge de professeur de mdecine charge acquise en 1821. On retrouve
cet esprit nomade dans les crits de PALCOS Alberto, La segunda vida de Amado Bonpland. Su
existencia americana , in La Prensa, Buenos Aires, 19 janvier 1941 ; PEREZ ACOSTA Juan F.,
Francia y Bonpland, Buenos Aires, Peuser, 1942. Lallusion la plus significative ce propos date
de 1923 : Daprs une version Bonpland stait tellement habitu la vie parmi les indiens
sauvages, que lors de sa libration il y retourna et continua de mener la mme vie quavant sa
captivit, cohabitant avec une indienne et ne voyant jamais aucun tre civilis. [Il] rentra en France
aprs plusieurs annes dune vie de sauvage, et isole de toute civilisation. [] il serait intressant
de savoir si Bonpland ou quelquun de ses amis ou parents na pas crit ses impressions sur sa
rentre la vie civilise, laquelle il tait tout fait dshabitu. Ce serait un cas unique dans la vie
relle, et dautant plus intressant quil sagit dun esprit cultiv et dun savant tel que lui. Alex
Selskirk qui servit de modle de Foe pour son Robinson Cruso tait un simple matelot ; un
homme sans culture intellectuelle spciale ; MICHELSEN Gustavo, Aim Bonpland , in
Lintermdiaire des chercheurs et des curieux : notes and queries franais, Paris, 1923, vol. 86, n
1580, anne 59, pp. 429-430.
1940
HAMY Thodore-Jules Ernest, op. cit., pp. XLIII-XLV. Cette affaire matrimoniale est
voque par GOMEZ Felix Mara, op. cit. ; JAHN Franz Conde, Amadeo Bonpland, mdico y
naturalista , in Boletn de la Academia Nacional de la Historia, Caracas, vol. XLIV, n 173,
janvier-mars 1961, pp. 47-60 ; LOPEZ SANCHEZ Jos, Bicentenario de Bonpland: un apostol
de la ciencia en Suramrica , in Revista de la Bibiloteca nacional Jos Marti, vol. XVI, n 2,
1974, pp. 75-101 ; et plus rcemment, par ESPINOSA Nemecio Carlos, op. cit.
1941
Cf. AMABLE Mara Anglica, DOHMANN Karina, ROJAS Liliane Mirta, AMABLE Mara
Anglica, DOHMANN Karina, ROJAS Liliane Mirta, Historia misionera. Una perspectiva
integradora, Posadas, Montoya, 1996, pp. 75-93.
503
Deuxime partie
Chapitre VI
fois Buenos Aires explore, la route pour Tucumn ferme 1942 , il dcide de
sinstaller Corrientes, dernire province alors accessible. Ses collections
termines aux alentours de cette ville, Bonpland a lintention dachever ses
investigations par les Missions. Santa Ana est choisi comme base des
recherches 1943 . Alcide dOrbigny raisonne de mme lorsquil part pour Corrientes.
Mais cet loignement nest pas dfinitif, comme le prouvent les propos tenus au
cours de lavance dans lInterior. Dj install Santa Ana, sur la frontire
paraguayenne,
Bonpland
confirme
1942
Le 12 novembre 1819, le fdraliste Bernab Aroz prend le pouvoir Tucumn avec lappui
des officiers de lArme Auxiliaire du Nord Abrahm Gonzlez, Felipe Heredia et Manuel Cainzo.
Lagitation se propage Crdoba. La situation devient dlicate en dcembre 1819 pour Rondeau,
face la scession de Santa Fe et de Tucumn.
1943
AMFBJAD n 1650, demande de certificat de captivit, s. l., 16 avril 1834.
1944
AMFBJAD n 396, Bonpland J. J. de Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.
1945
Oxala no tendria que ir Misiones ; pero dentro de tres meses y puede ser antes estare en
B.A. y vere por mi mismo todo lo que ha hecho dicho Augustin , AMFBJAD n 396, Bonpland
J. J. de Araujo, Corrientes, 13 avril 1821.
1946
a su regerso, tendremos noticias ciertisimas de las Riquezas que poseemos sin conocerlas ,
AMFBJAD n 256, V. Aguilar Bonpland, Corrientes ou au Paraguay, Buenos aires, 25 octobre
1820.
1947
veo el fruto des sus fatigas en tiempos tan calamitosos, y ya deseo ver sus preciosas
colecciones. Siempre las mantendr yo en mi poder, pues ahora voy a tener una casa suficiente
para ello. , AMFBJAD n 397, J. J. de Araujo Bonpland, Buenos Aires, 25 janvier 1821.
1948
AMFBJAD n 296, F. Des Brosses Bonpland, Buenos Aires, 26 juin 1837. Jos Agustn
Molina fait rfrence des problmes qui lauraient pouss vers le Paraguay ; AMFBJAD n 1589,
J. A. Molina Bonpland, Tucumn, 4 aot 1832.
504
Deuxime partie
Chapitre VI
nuance est de taille bien que trs peu laient remarqu 1949 . Voyageur mais pas
aventurier, Bonpland prend toutes les prcautions avant de se mettre en route :
Javais pris les devants officiellement auprs du Gouvernement du
Paraguay en annonant mon projet de visiter son sol, et il y a quelque
temps que ce Directeur ma concd lentre libre dans la Province, et sa
haute protection pour mes recherches.
1950
Citons parmi ceux-ci RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo,
op. cit.; GANDIA Enrique de, op. cit. Enfin, un seul travail restitue lensemble du projet esquiss
par Bonpland, depuis son dpart pour le Paraguay jusqu son intention de revenir Buenos
Aires ; il sagit de celui de CIGNOLI Francisco, op. cit.
1950
me haba anticipado oficialm.te al Gob.no del Paraguay anunciando mi proyecto de visitar su
suelo, y hace algun tiempo que aquel Director me ha concedido la entrada libre en la Prov.a, y a su
alta proteccin p.a mis investigaciones , Bonpland J. Rondeau, 11 aot 1820, cit in RUIZ
MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., pp. 79-80. Cette lettre ne
figure dans aucun des centres documentaires consults, et aucun auteur ne fait mention de son
contenu.
1951
CALDCLEUGH Alexander, op. cit., p. 29.
1952
HAMY Thodore Jules Ernest, Les voyages de Richard Grandsire de Calais dans l'Amrique
du Sud (1817-1827) , in Journal de la Socit des Amricanistes, tome 5, 1908, pp. 8-9.
1953
BELL Stephen, op. cit., p. 44 ; RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO
Rmulo, op. cit., p. 79.
1954
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions. Le manuscrit est sans ambigut ce sujet, car il
porte la mention voyage au Paraguay . Le 19 dcembre 1820, Jos Galup, le fond de pouvoir
de Bonpland Buenos Aires, voque la mme destination alors quil sollicite le paiement du
salaire de Bonpland ; cf. GANDIA Enrique de, op. cit. p. 150. Un autre document confirme cette
destination ; il sagit de la lettre crite par Razac Bonpland et Brard, propos dun conflit avec
un de leurs associs, Elias, qui prtend que nous devions aller au Paraguay & que nayant pas
rempli cette clause, nous devons lEn ddommager. il avait suppos que notre dtention au
505
Deuxime partie
Chapitre VI
Bonpland est tenu au courant des derniers vnements politiques par Victoriano
Aguilar, qui ne lui cache pas la dtrioration de la situation Buenos Aires au
cours de lanne 1820, mais qui lassure toujours de la complte collaboration et
protection du Dictateur Francia. Toutefois, Aguilar confirme finalement dans une
lettre rdige le 4 dcembre 1820 ce que Bonpland a sans doute appris depuis son
arrive dans la capitale de Corrientes, le 28 novembre : laccs au Paraguay est
dsormais impossible 1955 . Tout du moins, le passage de Bonpland au Paraguay est
ds lors conditionn par le bon vouloir du gnral Ramrez qui contrle la
Msopotamie argentine 1956 et barre la route fluviale vers le Paraguay. Mais
devenu dangereux pour ses allis porteos et santafecinos ceux-ci concluent, le 24
novembre, le pacte de Benegas 1957 .
Si partir de juin 1821, Bonpland cesse de correspondre avec les Porteos
et de leur raffirmer ses volonts scientifiques, cela tient la dtrioration
politique et la rupture des communications entre Buenos Aires et le Nordeste. La
question nest donc pas de savoir pourquoi il part mais plutt de comprendre les
motifs le dcidant ne pas courter son voyage. Aux Missions, il prend la
rsolution de retourner Buenos Aires pour y rcuprer sa famille, et de venir
sinstaller dans le Nordeste pour y former un tablissement avec son compatriote
Philibert Voulquin. Son projet est contrari par ltat politique de la rgion au
dbut du mois de septembre 1821, ainsi que par la fermeture des ports qui en
dcoule 1958 . Aussi dcide-t-il de retourner immdiatement dans ltablissement
form aux Missions en apprenant que Voulquin, aprs navoir pas donn signe de
vie depuis le plus dun mois, lui crit quil se trouve isol et sans vivres 1959 .
Paraguay serait au moins de 2 a 3 ans ; AMFBJAD n 809, Razac Bonpland et Brard, Buenos
Aires, 31 janvier 1821.
1955
AMFBJAD n 257, 258, Aguilar Bonpland, Buenos Aires, 15 octobre et 4 dcembre 1820.
Aguilar se montre toutefois optimiste : segun las ultimas noticias qe. he oido, no podr V. pasar
al Paraguay segun las ordenes del Gral Ramirez. Sin embargo, yo pienso qe. V. le darn el paso
franco, y en este caso ver V. al Sr. Dictador Francia, a qn deseo yo tambien conocer.
1956
Autre dnomination du Littoral comprenant les provinces actuelles dEntre Ros, Corrientes et
Misiones.
1957
CALDCLEUGH Alexander, op. cit., indique que lentourage du savant le prvient contre les
risques quil prend vouloir se placer sous la protection de Francia, car plusieurs Europens sont
dj retenus au Paraguay. Aucune trace de ces avertissements nest conserve ; au contraire, le seul
tmoignage en notre possession, celui dAguilar, est favorable au voyage.
1958
Cf. FOUCAULT Philippe, op. cit., p. 244. Il est le premier remarquer cet important
vnement amenant Bonpland demeurer dans les Missions.
1959
AMFBJAD n 2016, 2023, Bonpland R. Lpez Jordn et E. Carriego, Corrientes, 3
septembre 1821.
506
Deuxime partie
Chapitre VI
1961
507
Deuxime partie
Chapitre VI
1962
Deuxime partie
Chapitre VI
Liniers quil sollicite dans un premier temps le commandement des Missions afin
de se consacrer la mise en valeur du territoire, plutt que daccepter la
magistrature vice-royale. Certes, Liniers et Bonpland ne sont pas les seuls
mettre ces jugements ; par contre trs peu de personnalits, disparues ou encore
en contact avec Buenos Aires, disposent de leur exprience sur le terrain.
Litinraire des frres Liniers est dailleurs caractristique des migrations
franaises au tournant du XIXe sicle, car Henri Louis de Liniers arrive Buenos
Aires lautomne 1790, en vue dinstaller un tablissement de commerce de
glatine, eau-de-vie et amidon. Comme pour Bonpland et tous les autres Franais,
lobjectif conomique est toujours prsent.
En outre, Liniers laisse derrire lui son aide de camp Jean-Baptiste
Perichon 1966 . Or nous retrouvons son fils, Esteban Mara Perichn, parmi les
relais de Bonpland Corrientes. En 1815 Perichn accueille dj Corrientes les
frres Robertson 1967 . En 1820, il est le reprsentant de la firme Roguin et Meyer
Corrientes. Il sagit donc dun pivot indispensable pour les Europens. A
Corrientes, Esteban Perichn soccupe de la logistique pour le voyage de
Voulquin et Bonpland. Il leur fournit armes et marchandises laisses alambique,
dame-jeanne ou attendues une charrette appartenant Esquivel, commandant
de Ca Cat, quil doit remplir de marchandises depuis Corrientes. Il se charge
du courrier de Razac, Roguin, et Brard quil transmet Evaristo Carriego,
gouverneur intrimaire de Corrientes 1968 . Les bonnes relations sont dues pour
beaucoup aux soins mdicaux apports par Bonpland la famille Perichn, ainsi
qu leurs origines communes. En outre, sa place de directeur des Postes facilite
grandement les dplacements de Bonpland qui profite de cette commodit pour
circuler. Sept ans plus tard, les compagnons de Bonpland rests Corrientes
permettent dOrbigny de pntrer sans difficult le cercle des patriciens
correntinos. Pierre Brard est alors le relais financier de Roguin et Meyer,
1966
Le 20 juillet 1807, Jacques de Liniers remet son aide de camp un rapport pour Napolon Ier
ventant la participation des Franais la dfense de Buenos Aires. Murat lui manifeste toute sa
confiance par le mme intermdiaire le 13 mai 1808 ; cf. LOZIER ALMAZAN Bernardo, op. cit.,
pp. 25-27, 166, 170-171, 181.
1967
IVERN Andrs, El Bonpland del Museo , in El Litoral, 27 mai 1992, p. 6.
1968
AMFBJAD n 344, 345, E. Perichn Bonpland, Corrientes, 22 et 27 mai 1821.
509
Deuxime partie
Chapitre VI
ORBIGNY Alcide d, Viaje por la Amrica meridional, Buenos Aires, Emec, 1998, tome I,
pp. 135, 403-404.
1970
Bonpland J. Rondeau, Buenos Aires, 11 aot 1820, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., pp. 79-80.
1971
AMFBJAD n 258, V. Aguilar Bonpland, Buenos Aires, 4 dcembre 1820.
1972
Prudencio Murguiondo (1770-1826), militaire espagnol luttant contre les invasions anglaises,
il adhre la rvolution de 1810. Exil par Pueyrredn, il termine sa carrire militaire au service
des Uruguayens.
1973
Tous deux sont fdralistes, et adhrent par la suite au rgime de Rosas. A la mort de Ramrez,
Mansilla se soulve et bat Lpez Jordn dans lEntre Ros en septembre 1821. AMFBJAD n 256,
V. Aguilar Bonpland, Corrientes ou au Paraguay, Buenos aires, 25 octobre 1820 ; AMFBJAD
n 258, V. Aguilar Bonpland, Buenos Aires, 4 dcembre 1820.
1974
AMFBJAD n 397, J. J. de Araujo Bonpland, Buenos Aires, 25 janvier 1821. Il compte loger
ces nouveaux pensionnaires dans sa nouvelle demeure, loue au docteur Agero. Dautre part,
Araujo saccorde avec Adle pour demander la Junte le paiement des arrirs de Bonpland en
papier-monnaie, pour cause de gravia particular .
1975
AGPC, Correspondencia oficial, tome 10, fol. 130.
510
Deuxime partie
Chapitre VI
1977
511
Deuxime partie
Chapitre VI
Cest probablement Carriego qui linforme. En effet, crit Pedro Ferr, la rumeur de la mort de
Ramrez se propage en octobre : Esto era un misterio para el pblico, pues slo estaba en el
secreto el comandante de armas don Evaristo Carriego y los pocos de su crculo ; FERRE Pedro,
op. cit., tome I, p. 14. Cela ne concorde pas avec les honneurs qui auraient t donns le 9 aot
1821 Corrientes ; cf. CASTELLO A. Emilio, op. cit., p. 207.
1985
AMFBJAD n 2017, Bonpland J. H. Castro, Corrientes, 3 septembre 1821.
1986
AMFBJAD n 2018, E. Carriego Bonpland, Corrientes, 22 mai 1821. Voulquin et Bonpland
lui rendent compte du comportement de ses subordonns. La famille dEsquivel comporte la
moiti des habitants de Ca Cat ; cf. ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1998, p. 238.
1987
AMFBJAD n 2018, 2019, E. Carriego Bonpland, Corrientes, 22 et 30 mai 1821.
1988
Au dbut du mois de septembre, Blanco est sans instruction concernant laide dispenser ou
non Voulquin et Bonpland. Ceux-ci devant partir, il crit le 5 septembre Carriego pour
demander des instructions. Le 6, Carriego crit directement Bonpland pour lui assurer de la
collaboration de Blanco ; AGPC, Correspondencia oficial, tome 12, fol. 225 ; AMFBJAD n 2021,
E. Carriego Bonpland, Corrientes, 6 septembre 1821.
1989
Ds 1821, Ferr et Esquivel sont intimement lis par un fort sentiment patriotique ; cf. FERRE
Pedro, op. cit., tome I, p. 13.
1990
AMFBJAD n 2013, Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 7 juin 1821.
512
Deuxime partie
Chapitre VI
1991
513
Deuxime partie
Chapitre VI
2. Exploration et dveloppement
Lexploration est guide par le souci de la mise en valeur des ressources.
La rgion tant en marge de lessor conomique local, il sagit de faire concider
recherche et dveloppement. Bonpland dveloppe cet aspect de son programme en
usant de la rciprocit, et en rvisant ses objectifs initiaux. Rciprocit vis--vis
de Ramrez, qui offre sa protection en change dun engagement du Franais
participer au repeuplement de la zone. De ce fait, Bonpland expose Ramrez un
plan de travail qui limite dsormais son exploration aux missions sous contrle de
la rpublique entrerriana 1999 . Cet attachement ne saurait se comprendre sans la
survaluation avec laquelle Bonpland, comme dautres voyageurs, peroit son
environnement politique. En effet, ds 1821 il amplifie la capacit des
gouverneurs provinciaux matriser leur entourage politique. Il survalue leur
pouvoir comme aprs la victoire des forces de Ramrez sur celles de Santa Fe qui
dtermineront une paix gnrale entre les provinces de lamrique du sud. 2000
Or, la frontire identitaire de cette partie de lAmrique est le rsultat des
redfinitions constantes de ses composantes. Entre 1817 et 1852, plusieurs
combinaisons culturelles et politiques sont exprimentes, particulirement dans
la zone gographique parcourue par Bonpland. Il sagit dune frontire mouvante,
instable, mais qui possde une capacit dattraction suffisamment forte pour
capter lattention la fois du physiocrate et du naturaliste quest Bonpland.
Malgr son positionnement au centre de conflits ininterrompus, Bonpland ne
renonce pas ses choix. Cette persistance qui tonne ses compadres 2001 montre
quil croit les lieux propices lpanouissement de la civilisation.
1998
AMFBJAD n 2007, Bonpland N. Arip, Santa Ana, 18 juillet 1821 ; AMFBJAD n 2012,
Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 25 mai 1821. Arriv Corrientes le 3 aot 1821, il demeure alit
un mois.
1999
AMFBJAD n 2012, Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 25 mai 1821.
2000
determinaran una paz general entre las provincias de la america del sud , AMFBJAD n
2013, Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 7 juin 1821.
2001
Les lettres que lui fait parvenir Dominique Roguin, lui-mme implant dabord Buenos Aires
puis Montevideo, rvlent son incomprhension face lobstination du Rochelais. Cette
correspondance couvre les quatre dcennies de sa rsidence au Ro de la Plata.
514
Deuxime partie
Chapitre VI
2002
A propos de lisolement de Muiz, cf. FEIJOO Claudia, VIZCAINO Sergio, Francisco Javier
Muiz. Ciencia y soledad en la Argentina del siglo pasado , in Ciencia Hoy [en ligne], Buenos
Aires, vol. 9, n 52, mai-juin 1999. URL : http://www.cienciahoy.org.ar/ln/hoy52/ciencia.htm.
2003
Cf. PALCOS Alberto, Designios de Bonpland. Revelaciones inditas del sabio , in La
Prensa, 1er mars 1942, s. p.
2004
ORBIGNY Alcide d, Voyage dans lAmrique mridionale, tome I, 1835, p. 495.
515
Deuxime partie
Chapitre VI
2006
2005
516
Deuxime partie
Chapitre VI
Les garanties offertes par celui-ci alors que Bonpland se trouve Buenos
Aires, confirmes par les encouragements de Araujo, mettent en confiance le
savant qui se croit en outre protg de par son statut. A linstar de Larraaga,
accept par les acteurs politiques de tous bords, Bonpland pense tre au-dessus
des partis. Les frres Robertson rsument cette attitude lorsquils dcrivent
Bonpland, au sein dun territoire en paix avec le Paraguay, occup par la
poursuite dtudes destines sajouter au stock de connaissances du monde
entier 2013 . Paix toute relative, puisque le territoire des Missions demeure durant
toute la premire moiti du XIXe sicle disput entre les Etats limitrophes 2014 .
Quant aux tudes dpeintes sous des couleurs universalistes, elles correspondent
certainement aux souhaits de Bonpland, mais son implication dans le
dveloppement local sous lgide des Entrerrianos entrane des complications
nationalistes sous-values. Le savant se veut toujours li Buenos Aires, il
envisage son travail dans une perspective nationale et internationale trs loigne
de la fragmentation politique alors en cours. Deux envois raliss en 1821
montrent ci-dessous lattention porte au transfert de vgtaux correntinos vers la
capitale portea.
Graphique n 10
Envoi de semis Buenos Aires
15 janvier 1821
mdicinaux (11)
comestibles (21)
ornementaux (13)
industriels (8)
2013
2014
John et William Parish Robertson cits in ESPINOSA Nemecio Carlos, op. cit., p. 141.
Cf. CAMBAS Anibal, op. cit.
517
Deuxime partie
Chapitre VI
Graphique n 11
ornementaux (18)
industriels (5)
Deuxime partie
Chapitre VI
2017
Le Nordeste est la terre promise de lentomologiste explique DEMERSAY Alfred, op. cit.,
tome 1, 1860, p. 282.
2018
Cf. RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 93.
2019
Elles sont au nombre de trois : la route du guazu et celle de la boca del tigre accessibles aux
grands btiments, celle enfin dite de los caracoles accessible aux navires de petite taille.
2020
Il faudrait pour cela, explique Bonpland, muchos meses de trabajo y [] dos barcos chicos a
proposito , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18,
Bonpland Larraaga, Santa Ana, 10 novembre 1820.
2021
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Saint-Hilaire
Larraaga, 21 octobre 1821.
519
Deuxime partie
Chapitre VI
sappuie sur des financements mixtes. Les deux naturalistes prparent au mme
moment leur voyage, pour la mme rgion, avec les mmes objectifs et dots de la
mme formation botaniste. Lancien protg du rgime bonapartiste tente en vain
de contacter le sympathisant royaliste afin de connatre son itinraire, et les deux
expditions parallles deviennent rapidement une course aux dcouvertes.
Lmulation distante 2022 se change en rancur chez Bonpland au cours des annes
1830. Concernant dabord la primaut de la classification de la yerba sur laquelle
Bonpland interroge Mirbel, soucieux de savoir si son confrre la devanc 2023 .
Plus gnralement, il dsire connatre au plus tt ce qua crit ou ce que compte
publier Saint-Hilaire 2024 . Bonpland fait part de son mcontentement la lecture
des deux premiers volumes de la relation de voyage de son confrre. Il ne mnage
pas ses critiques, la plus virulente touchant aux dcouvertes annonces par SaintHilaire ; il attend de lire la partie botanique de pour voir lassurance avec
laquelle il annonce les plantes les plus intressantes du Paraguay , daprs des
renseignements obtenus, pense-t-il, de Rengger et Longchamps.
Cette falsification lui rappelle une pratique et une rputation ancienne des
voyageurs, rsume par cette maxime : a beau mentir qui vient de loin 2025 .
Pourtant, Saint-Hilaire na pas recours aux voyageurs susnomms, mais une
petite imposture smantique, la province cisplatine tant prsente par lui comme
cette partie de lancien Paraguay qui stend sur la rive gauche du Rio de la
Plata , et plus particulirement les anciennes missions annexes par le Brsil,
lensemble de lancienne administration jsuite du Paraguay tant par ailleurs
privilgie par le narrateur la rpublique de Jos Gaspar de Francia 2026 , non
2022
Il nexiste aucune communication directe entre les deux savants, ni avant ni aprs la dtention
de Bonpland au Paraguay. Cette lacune sexplique selon nous par linimiti ne de cette
concurrence.
2023
Bonpland nutilise pas la classification dilex paraguyensis cre par Saint-Hilaire, mais celle
dilex theezans forge par lui-mme. HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 96. Bonpland C.F. Brisseau de Mirbel. Corrientes. 18 septembre 1834 ; CORRADO Alberto J. , Contribucin al
estudio de la yerba mate , in Trabajos del Museo de Farmacologa de la Faciltad de Ciencias
Mdicas de Buenos Aires, n 20, 1908, p. 17 ; GIBERTI Gustavo C., Bonplands manuscript
name for the yerba mate and Ilex Theezans C. Martius Ex Reisseck (Aquifoliaceae) , in Taxon,
vol. 39, n 4, novembre 1990, pp. 663-665.
2024
AMFBJAD n 319, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832, cit in HAMY
Thodore Jules Ernest, op. cit., pp. 87-89.
2025
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832. Un mois scoule entre la premire lettre
adresse Humboldt et celle-ci ; entre-temps Bonpland prend connaissance des ouvrages de SaintHilaire. Lempressement avec lequel il sadresse de nouveau Humboldt, ainsi que le ton de la
lettre, dmontre toute la priorit quil accorde la valorisation de ses propres rsultats.
2026
An., Notice sommaire des voyages de M. Auguste de Saint-Hilaire dans le Brsil, la province
cisplatine et les missions du Paraguay , in Nouvelles Annales des Voyages, tome 17, 1823, p.
520
Deuxime partie
Chapitre VI
233. ; SAINT-HILAIRE Auguste de, Flora brasiliensis meridionalis, Paris, Belin, 1825, tome I, p.
III ; SAINT-HILAIRE Auguste de, Viagem ao Rio Grande do Sul (1820-1821), So Paulo, Itatiaia,
1974 (1884), p. 127. Darwin commet aussi ce genre de fautes, lorsquil annonce labsence darbres
dans la Bande Orientale, alors quil nen voit que la partie sud. DARWIN Charles, op. cit., p. 53.
Cette confusion smantique est en partie corrige lorsque parat le troisime tome de la partie
botanique, en 1832. Saint-Hilaire fait apparatre la rpublique argentine parmi les lieux de
rcollection, lindpendance ayant t reconnue.
2027
DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, 1860, pp. 2-3.
2028
Il est peu de contres mme dans lAmrique mridionale, dont les limites soient aussi
incertaines que celles de la Rpublique du Paraguay , crit encore Demersay en 1860, in ibid.,
tome 1, p. 4.
2029
Cf. MIRET Enric, Sur une contradiction dAlcide dOrbigny , in LABORDE
PEDELAHORE Philippe de (dir.), Alcide dOrbigny. A la dcouverte des nouvelles rpubliques
sud-amricaines, Biarritz, Atlantica, 2000, pp. 105-112.
521
Deuxime partie
Chapitre VI
Explorer le dveloppement
A la diffrence de ses confrres, Bonpland participe aux projets de
dveloppement mens par les dirigeants. Il nest pas simplement observateur mais
aussi acteur sur le terrain. Il sagit dexplorer les zones susceptibles de se
dvelopper, et parmi elles les Missions qui sont selon Bonpland les plus fertiles et
les plus susceptibles denrichir le pays. Leur tat selon Liniers, Domaines
fertiles autant quabandonns , en fait une zone cloisonne en labsence de librechange entre les villages et de stimulation commerante 2030 . Cet tat proccupe
le dlgu Francisco Javier Siti qui fait part au gnral Ramrez dun projet de
repeuplement et de dveloppement du terrain 2031 . Bonpland entre dans ses plans.
Larrangement conclu avec Ramrez est le suivant : il autorise Bonpland
installer une ferme et lui demande dexaminer les yerbales et leur rendement
possible, le nombre dIndiens rassembls par Arip et ceux pouvant tre sortis des
montes, ainsi que les dispositions du commandant des missions vis--vis du
gouvernement central 2032 . Il sagit dans un premier temps de visiter les anciens
tablissements jsuites puis de retourner Corrientes en rendre compte 2033 .
Bonpland na pas une grande estime pour Arip, nanmoins il a confiance en sa
bonne foi. Il en fait part au frre du commandant Carriego, Esquivel et Lpez
Jordn 2034 . Bonpland confie que lui-mme a donn 40 cartouches Arip qui sest
mis immdiatement en route pour combattre les Indiens rebelles du centre de la
province 2035 . Il souhaite que le contrle de Corrientes sur Arip se ralise sans
violence, en prenant appui sur Santa Ana o il est ncessaire denvoyer un bon
religieux et des colons. En effet, le scientifique ne tolre les hommes dEglise
que dans un cadre utilitaire, et sinsurge loccasion de la fatuit et des abus des
2030
Deuxime partie
Chapitre VI
ecclsiastiques 2036 . Ensuite, il sagit de conserver des relations suivies avec Arip
en lui fournissant un homme rationnel lui servant de secrtaire et de mentor,
en sachant gagner et conserver sa confiance 2037 . Bonpland suit le mode de
gouvernement dItati, ladministrateur indien tant sous linfluence dun prtre ;
celui-ci avec de lesprit et des manires lui fait faire tout ce quil veut 2038 .
Lpez Jordn approuve la rsolution de Bonpland et demande Carriego le 11
septembre 1821 que lui soit adjoint un religieux franciscain
2039
. Le premier
fvrier 1822, lorsque Flix Aguirre alors nouveau dirigeant des missions se place
sous la protection du gouverneur de Santa Fe Estanislao Lpez, vainqueur de
Lpez Jordn, il est convenu que Lpez fournisse aux Misioneros un
ecclsiastique qui mrite leur confiance, afin quil leur fournisse le pain
spirituel, et contribue efficacement lamlioration de leurs coutumes, et
meilleure civilisation 2040 .
Le 10 juillet 1821, Bonpland note son intention de sinstaller Santa
Ana 2041 , point dappui pour contrler Arip et pour explorer les supports du
dveloppement rgional. Le but quil se fixe est de semer du coton, de lindigo et
du tabac ; aussi de donner aux Indiens des graines pour les encourager au
travail 2042 . Il amne Arip des semis de mas, de patate douce et de manioc2043 ,
lalimentation traditionnelle misionera. Le phnomne constat par Bonpland et
2036
Cest le cas pour le couvent de San Lorenzo, dabord confisqu par les indpendantistes avant
quun moine hardi pour ne pas dire sans honte nobtienne sa restitution lordre franciscain.
Ce couvent situ sur les bords du Parana peut contenir deux mille homes et ne se trouve habit
que par deux moines. il est entour de prairies peu peuples danimaux et dhommes. De mme,
la belle glise en pierre difie par le cur du village qui, dit-on, la batie avec son argent
mais ce sera plutot avec celui de ses paroissiens et la sueur des Indiens. , AMFBJAD n 1713,
journal, Corrientes, octobre 1836 ; AMFBJAD n 1728, journal, voyage Santa Luca, 27 janvier
1840.
2037
AMFBJAD n 2017, Bonpland J. H. Castro, Corrientes, 3 septembre 1821.
2038
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 4 janvier 1821.
2039
pour temprer les craintes et la mfiance quil pourrait provoquer chez les guaranis , ajoute
ESPINOSA Nemecio Carlos, op. cit., p. 119. La prsence du religieux est plutt destine
temprer les craintes de Arip, si lon en croit la demande de Bonpland ; AGPC, Correspondencia
oficial, tome 12, fol. 242.
2040
que merezca su confianza, para que les suministrise el pan espiritual, y contribuya
eficazmente al arreglo de sus costumbres, y mejor civilizacin , cit in CAMBAS Anibal, op. cit.,
p. 93.
2041
ayant mis des hommes netoyer le jardin dans la vue dy planter du tabac . Il sagit de la
premire mention dune volont de cultiver le terrain ; AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions.
Cette intention est confirme le 22 juillet, puisquil note : choisi un superbe terrain pour tablir
une chagra ; pour conserver les pieds de mat existants dcouvrir ceux qui sont cachs dans le
monte, les multiplier et former un yerbal considrable. . AMFBJAD n 1693, Description des
bagages de Bonpland, 8 juin-22 juillet 1821.
2042
animar los al trabajo , AMFBJAD n 2012, Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 25 mai 1821.
2043
Bonpland constate quArip vive alli en la mayor escasez de todo comiendo mulas y
cavallos . AMFBJAD n 2013, Bonpland F. Ramrez, Ca Cat, 7 juin 1821.
523
Deuxime partie
Chapitre VI
dautres 2044 nest pas seulement d aux dix annes de guerre coules. En effet, la
dsorganisation conomique et sociale qui accompagne le dpart des Jsuites
essouffle la rgion depuis plus dun demi-sicle. Ainsi, lagriculture de
subsistance est supplante par celle plus rentable destine au commerce. Le
dplacement de la main duvre vers la culture du coton, de la canne sucre et de
la yerba contribue lappauvrissement nutritionnel et vestimentaire 2045 .
Exploration et thmatique du dveloppement sont rcurrents et lis dans le
discours de Bonpland, lorsquil dcouvre les missions. Lis dans le rcit dabord
par lexploration elle-mme, puisquil alterne entre vestiges de la civilisation
jsuitique et dcouvertes scientifiques et conomiques. La description de
Candelaria quil relate Ramrez confirme ses esprances :
je demeurai stupfait en voyant le grand parti que lon peut encore tirer
de ce qui reste. [] La position de Candelaria est admirable. Il se trouve
ici en abondance, des orangers, des pchers, des bois et des pierres
propices la construction ; un reste considrable de yerbal plant par les
pres jsuites.
2046
Dans cette mme lettre, il indique que depuis Ca Cat jusqu Candelaria,
il na rencontr aucun Indien lexception dun ancien lui affirmant que beaucoup
se cachent dans les hauteurs, nosant pas cultiver les yerbales par peur des
Paraguayens, mais quils sont disposs le faire 2047 . Bien quintress par les
produits du ngoce, Arip se montre favorable au projet dtablissement et de
sdentarisation, puisquil demande le 9 novembre 1821 que lui soient envoys les
animaux et le pasteur promis par Carriego2048 . Bonpland participe la renaissance
dune rgion fortement touche par la guerre et presque labandon, par
2044
Les frres Robertson rapportent cette pauvret de vtements et de nourriture ; mais ils
ltendent la zone contrle par Artigas au cours de leur tableau apocalyptique du gouvernement
dArtigas et de ses successeurs ; ROBERTSON John et William Parish, op. cit., pp. 32-34
2045
MAEDER Ernesto J.A., BOLSI Alfredo S.C., La poblacin guarani de la provincia de
Misiones en la poca post jesutica (1768-1810) , in Folia Historica del Nordeste, Resistencia,
Corrientes, Instituto de Historia, Facultad de Humanidades, Universidad Nacional del Nordeste, n
5, 1982, p. 65.
2046
me quede asombrado viendo el partido grande qe toda via se puede sacar de todo lo qe se
queda. [] La position de Candelaria es hermosissima. se halla alli con abondancia, naranjos,
durasnos, maderas y piedras buenas para edificar ; un resto considerable de yerbal plantado por los
padres jesuitas. , AMFBJAD n 2014, Bonpland F. Ramrez, entre Candelaria et le ro
Pindapuy, 21 juin 1821. Il ne sagit pas de sattirer les bonnes grces du caudillo ; Bonpland
affirme par ailleurs que Los campos de misiones son superiores toda ponderacin ; RUIZ
MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 93, extrait dune lettre
crite par Bonpland depuis Corrientes et reproduite dans lArgos.
2047
AMFBJAD n 2014, Bonpland F. Ramrez, entre Candelaria et le ro Pindapuy, 21 juin 1821.
2048
AGPC, Correspondencia oficial, tome 13, fol. 130.
524
Deuxime partie
Chapitre VI
2049
Ce discours est un invariant maillant tous ses voyages ultrieurs, quel que
soit le pays ou le gouvernement concern. Des remarques sy rfrent ds son
nouveau journal de voyage dbut en fvrier 1831 2050 . Peu aprs la mort de
Francia, Bonpland note encore les bonnes dispositions dIndiens misioneros, la
plupart Guayanas, vis--vis des autorits correntinas 2051 . Les voyages fluviaux
sont aussi loccasion de longues rflexions sur lamlioration apporter au trafic
commercial, et confortent lide transnationale du dveloppement par del le
Paran et lUruguay, qui sont aussi et surtout des frontires. Bonpland note la
bonne ide du prtre de Tabay qui en 1824 propose Francia de runir les eaux du
Paran lIbera, bien que
ce travail propre a un bon ingnieur ayant t execut par de mauvais
militaires na pas rempli les vues du Dictateur
2052
Le souci du bien public npargne pas son ancien gelier ! Nul nest besoin de
multiplier les exemples pour illustrer une conviction dont le savant ne se spare
jamais. Nous nous contenterons de complter ce tableau rioplatense en voquant
2049
me estimaria feliz de poder contribuir en algo la restauration de unos pueblos qe. han sido
tan brillantes y qe. solos y en pocos aos baxo el gobierno de V.E. hacer ricos al gobierno y los
habitantes del Entre-rios. , AMFBJAD n 2016, Bonpland R. Lpez Jordn, Corrientes, 3
septembre 1821.
2050
Remarques concernant les crues du Paran, la capacit de travail des personnes en sa
compagnie, ou encore le chemin compris entre les berges du Paran et Santo Thoms quil serait
utile damliorer... AMFBJAD n 1649, Sortie du Paraguay, Fvrier 1831.
2051
Etablis six lieues de corpus, sur la rive droite du Paran, au cerro de Ibita Ocay, ils
craignent les paraguayos et aiment les correntinos. AMFBJAD n 1728, journal, voyage Santa
Luca, 4 fvrier 1840.
2052
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, 18 aot 1834.
525
Deuxime partie
Chapitre VI
Deuxime partie
Chapitre VI
formerait la plus belle rivire anglaise qui existerait dans un jardin dEurope 2057 .
Cette sensibilit est dailleurs partage par un naturaliste rioplatense, Francisco
Javier Muiz, qui relve la beaut des lieux lors de son passage en 1818, quoique
de manire plus laconique 2058 . De la ville de Paran jusqu Buenos Aires,
Bonpland recense plus dune centaine de lieux remarquables 2059 . Le Paran est ce
terrain idalis par dautres voyageurs depuis Azara jusqu Demersay ; sur ses
bords on voit souvent saillir en dehors de lescarpement diverses portions de
squelettes de grands animaux exposs comme dans un muse naturel
immense 2060 . LUruguay tonne plus encore Bonpland :
Laspect de lUruguay dans cet tat de baisse des eaux est beau,
majestueux on pourrait peut tre plutot dire quil est horrible. figurezvous une longue suitte de roches dont les unes font saillie au dessus des
eaux et dautres couvertes et sur lesquelles viennent se briser avec fracas
les [] eaux qui forment ce quon apelle les Cachueras ou cascades
2061
afin dtudier les changements intervenus depuis lors le long du Paran, comme cela a t ralis
pour le voyage de Muiz en 1818.
2057
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions. Il constate par ailleurs la majest du Paran,
aprs lestancia de Basterrechea. AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 18
avril 1837.
2058
Cf. MUIZ Francisco J., Noticia sobre las islas del Paran, Publicaciones del Instituto de
Investigaciones Geogrficas, Facultad de Filosofa y Letras de la Universidad de Buenos Aires,
Buenos Aires, Coni, 1925 (s. d.).
2059
AMFBJAD n 1713, journal, Corrientes, octobre 1836.
2060
ORBIGNY Alcide d, Voyage dans lAmrique mridionale, Rapport de MM. Brongniart,
Dufrenoy, Elie de Beaumont, tome III, 3e partie, Gologie, Paris, Bertrand ; Strasbourg, Levrault,
1842, p. 25.
2061
AMFBJAD n 1708, voyage So Joo Mini, 28 juin 1835. En 1832, lUruguay lui inspire
dj le mme sentiment. AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 22 octobre
1832.
2062
AMFBJAD n 1710, voyage de So Borja Santo Thom, 16 juin 1836.
2063
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 22 octobre 1832.
2064
Cest le cas de lestancia dAntonio Xymenes, de celle dun nomm Mandia qui offre de tous
cts une vue magnifique , ou de celle de Ana Tiate. La maison du colonel Luna, une des [plus]
belles du pays , offre une vue admirable. On distingue des montagnes qui se trouvent 15 L. de
distances. on distinguerait mme Paysandu qui est loign de 22 L. sans une chaine de Montagne
qui intercepte la vue ; AMFBJAD n 1704, voyage dans la province de Corrientes, 3 mai 1834 ;
AMFBJAD n 1743, journal, Voyage de Santa Ana la Bande Orientale, 28 septembre 1842 ;
AMFBJAD n 1740, voyage de Montevideo Corrientes, Durazno, 10 janvier 1841 ; AMFBJAD
n 1747, voyage de So Borja Alegrete, 27 novembre 1843.
527
Deuxime partie
Chapitre VI
2068
Lensemble des pueblos offre le mme tableau 2069 . En dcembre 1831, lancienne
mission de La Cruz en ruines est presque entirement dpeuple. Bonpland y
dnombre quelques Indiens sous la conduite du colonel Cabaas, deux habitants et
2065
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions. Au matin du 19 juin 1821, aprs avoir quitt San
Borgita il nous a sembl entrer dans un nouveau pays commente-t-il : les bois se trouvent en
plus grande abondance, les prairies qui avant taient sches et dpourvues de plantes sont
dsormais plus vivantes . Le mme soir, alors quils sarrtent par hasard la lisire dune
fort, quel fut mon tonement en pntrant seulement quelques pas dans lintrieur du bois, je
me trouvai dans un monde nouveau de vgtaux
2066
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
2067
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 4 juillet 1821. Larchitecte, ajoute-t-il, avait sans
doute plus de talent que ceux de Loreto, Santa Ana, Candelaria . Bonpland prsente la mission de
Santo Thom sous un aspect identique aux autres, tout en regrettant que las btiments ne soient pas
mis en valeur : lantique demeure des thatins a perdu cet aspect imposant quelle avait avant dy
avoir de nouveau mis la charrue. Si Jacintho Demora eut conserv une belle entre pour voir les
magnifiques restes de Sto. Thom et eut choisi un lieu tendu pour reunir tous les travaux agricoles
ce lieu serait magnifique et imposant. , AMFBJAD n 1724, voyage dans le haut de lUruguay,
15 janvier 1839. Ici perce, derrire le regard gnralement distant, une conception de valorisation
du patrimoine suffisamment inhabituelle pour tre signale.
2068
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 22 juin 1821.
2069
Le pueblo de Sta Ana etait un des plus beaux de lentre-rios son collge surtout tait bati sur
un beau plan et on admire encore la beaut et lelevation des corridors qui ont t epargns par les
flammes et la hache . Loreto est trs endommag ; San Ina et Corpus sont compltement dtruits.
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 19 juin-4 juillet 1821.
528
Deuxime partie
Chapitre VI
une garde de onze soldats. Au milieu des dcombres, seul le cadran semblable
celui de San Nicols retient son attention 2070 . Aux ruines dj voques par SaintHilaire 2071 sajoutent les taperas, lieux abandonns par lindustrie humaine ou
dune pauvret extrme 2072 .
Peu dlments pittoresques affleurent des rcits de Bonpland. Il se garde
dmettre aucun jugement, prfrant aller lessentiel 2073 . Quelquefois, la
rdaction de ses nombreux journaux de voyage prend tmoin un ventuel
lecteur ; abandonnant un instant ses notes de travail, il sadresse directement
celui-ci. Mais gnralement, le ton est rsolument descriptif et non narratif, plus
encore lorsquil sagit du paysage rarement dtach de son environnement
humain. Dans la proprit de Pedro Vivar, la plaine situe sur les bords du
Miriay ne figure dans ses notes que parce qu elle prsente une galit que je
nai encore vu nulle part dans lAmrique du Sud , seulement comparable la
plaine souvent couverte deau sur les bords du fleuve Santa Luca, prs de San
Roque 2074 . Le fait est dailleurs runi dautres observations dordre conomique,
formant une analyse homogne destine mettre en exergue le dveloppement,
encore une fois : Avec tous ces elements Mr Vivar peut tablir une estance qui
dans peu de tems offrira de grands produits et lui offrira une grande fortune 2075 .
Lmerveillement provient constamment de la capacit de croissance offerte par la
nature. Ainsi, toute la partie de la Bande Orientale comprise entre Punta Gorda et
Punta de los Amarillos est veritablement un pays enchanteur, galement propre
2070
Celui de La Cruz, lev le 27 mars 1730, celui de San Juan, sont infrieurs celui de San
Nicols plus grand, plus beau et qui de plus donne lheure de Rome et de Madrid. Les
commentaires traitant des difices religieux sont plus que laconiques. A Curuz Cuati, il relve
que lglise est btie en 1777 ; Santo Thom ou La Cruz il note encore la date dlvation de
lglise ; AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 23 dcembre 1831 ; AMFBJAD
n 1701, Journal, Notes diverses, 1833-1835 ; AMFBJAD n 1710, voyage de So Borja Santo
Thom, 18 juin 1836.
2071
SAINT-HILAIRE Auguste de, Histoire des plantes les plus remarquables du Brsil et du
Paraguay : comprenant leur description et des dissertations sous leurs rapports, leurs usages,
etc., avec des planches, en partie colories, Paris, Belin, 1824, tome I, pp. LXIII-LXIV.
2072
De La Cruz au Yatai on voit des bois dorangers qui signalent des lieux anciennement
habits . Bonpland passe le ro Miriay au paso du rosario, du nom dune ancienne chapelle
disparue. Cuenca est triste est annonce la plus grande pauvret . AMFBJAD n 1695, voyage de
So Borja Corrientes, 25 et 31 dcembre 1831.
2073
Au contraire de Saint-Hilaire qui sublime la nature, ou de Martius qui en appelle la prose de
Goethe pour la posie que lui inspire la nature amricaine ; cf. KURY Lorelai, Viajantesnaturalistas no brasil oitocentista : experincia, relato e imagen , in Histria, Cincias, Sade
Manguinhos, vol. VIII (supplment), 2001, pp. 866, 868-870.
2074
AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 20 mai 1837.
2075
Ibid., 19-20 mai 1837.
529
Deuxime partie
Chapitre VI
2076
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 18 octobre 1832. Bonpland relve
aussi les lieux offrant des avantages au voyageur, comme lle de las Ceibales disposant d un
abri sur, une belle hombre Du bois en abondance et dexcellente eau ; AMFBJAD n 1737,
voyage de Corrientes Montevideo, 17 novembre 1840.
2077
Cf. KURY Lorelai, La politique des voyages et la culture scientifique dAuguste de SaintHilaire (1779-1853) , in LAISSUS Yves, (coord.), op. cit., pp. 243-244.
530
Deuxime partie
Chapitre VI
Avant son dpart, Bonpland envisage un voyage du Prou au dtroit de Magellan ; Bonpland
Gallocheau, Paris, 1er avril 1816, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 71.
2079
Bien que le terrain dinvestigations de Haenke soit loign de Buenos Aires, la divulgation des
rsultats seffectue alors dans la capitale de la vice-royaut. Cf. GROUSSAC Paul, Noticia de la
vida y trabajos cientficos de Tadeo Haenke , in Anales de la Biblioteca, 1900, tome I, pp. 17-57.
531
Deuxime partie
Chapitre VI
El mundo ignora, hasta el da, los conocimientos de q.e se habia lisongeado al entender el
nuevo encargo de este talento distinguido, pues nada se ha publicado en Espaa q.e tenga relacin
a sus investigaciones [...]. La muerte harto sensible de Dn Thadeo Haenke se asegura y d por carta
; y habiendo acaecida en una Provincia ocupada por Espaoles, nadie puede dudar, q.e [...] se
habran echado en el acto sobre sus papeles y preciosidades , Bonpland J. M. de Pueyrredn,
Buenos Aires, 22 juin 1818 ; RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO
Rmulo, op cit., p. 33.
2081
Bonpland entretient des relations cordiales lgard du gnral Rondeau avec lequel il partage
la mme animosit envers les clans.
2082
A la mme poque, il se flicite de la tranquillit rgnant le long du Paran ; les nouvelles
fournies par les ngociants savrent optimistes. AMFBJAD n 2044, journal, 1er septembre 1819 ;
DEMERSAY Alfred, La vie et les travaux de M. Aim Bonpland, Correspondant de lInstitut et
du Musum dhistoire naturelle , in Bulletin de la Socit de Gographie de Paris, quatrime
srie, tome V, 1853, p. 249.
2083
Lanne 1820 sonne le glas des vises coloniales espagnoles sur cette rgion. Elle reprsente
aussi en quelque sorte lanne terrible des Rioplatenses ; quelle soit pour certains le dbut
532
Deuxime partie
Chapitre VI
dune heureuse exprience ou au contraire la fin dune esprance, elle marque comme le
souligne Victor Tau Anzoategui le commencement dun lent processus vers la formation de lEtat
argentin ; cf. PUMAR MARTINEZ Carmen, La primera renuncia espaola al colonialismo :
1820 o el regreso de los patriotas americanos , in Estudios de Historia Social y Economica de
Amrica, n 12, 1995, pp. 135-140 ; ROMERO Luis Alberto, La feliz experiencia, 1820-1824,
Buenos Aires, La Bastilla, 1983 ; TAU ANZOATEGUI Victor, Formacion del Estado federal
argentino (1820-1852), Buenos Aires, Instituto de Historia del Derecho, 1965.
2084
au Paraguay, dans les archives du gouvernement on doit ncessairement trouver des
matriaux prcieux sur le Chaco et surtout des cartes . AMFBJAD n 1697, journal, sjour
Buenos Aires, Juin 1832.
2085
AMFBJAD n 22, voyage de So Borja Curuz Cuati, 26 novembre 1837. Il sagit des
livres de Machony, Lozano, Azara, Arenales, et des manuscrits de Espinola et Piris.
2086
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 127.
2087
AMFBJAD n 328, Bonpland Humboldt, Montevideo 30 dcembre 1840 ; AMFBJAD n
869, Bonpland B. Delessert, Montevideo, 22 janvier 1842 ; AMFBJAD n 892, Bonpland
Blanc et Constantin, Montevideo, 1er fvrier 1842.
533
Deuxime partie
Chapitre VI
De lexpdition lexcursion
Cette apparente inorganisation rsulte donc davantage de linstabilit
politique grandissante des Etats rioplatenses plutt que dune mauvaise gestion du
Franais. Bonpland se retrouve face limpossibilit croissante de concrtiser ses
spculations scientifiques. Ds les annes 1830, Bonpland effectue des excursions
plutt que des expditions scientifiques. Le luxe du voyage avec Humboldt est
dsormais bien loin, comme en tmoigne le bateau spartiate lou pour une
excursion botanique, dont la voile consiste en un poncho trs court, trs troit
dont le seul avantage est de navoir le trou pour passer la tte2091 . Lors de ce
dtour sur la route de Buenos Aires, il dispose dun cano, recrute deux
domestiques, le conducteur pay une piastre par jour, lautre une-demi piastre. Le
2088
AMFBJAD n 318, 319, 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai, 1er juin et aot
1832 ; AMFBJAD n 1591, Bonpland A. Herrera, Buenos Aires, 15 septembre 1832.
2089
Cf. CISNEROS Andrs, ESCUDE Carlos (dir.), op. cit., pp. 174-175, 196-200.
2090
Cette anne, alors quil tente datteindre de nouveau San Javier, il est victime dune tentative
dassassinat fomente par des lgalistes brsiliens laccusant de soutenir les sparatistes
riograndenses. AMFBJAD n 1724, voyage dans le haut de lUruguay, 27 janvier-1er fvrier 1839.
2091
AMFBJAD n 1696, voyage lestancia de Jos Santos Maciel, fvrier-mars 1832.
534
Deuxime partie
Chapitre VI
voyage initialement prvu de courte dure trois jours se prolonge car ds Santa
Fe le fleuve change daspect au gr des crues, et ils doivent parcourir 15 lieues,
soit le double de la distance prvue 2092 . Lorsquil repart de Buenos Aires pour
remonter aux sources de lUruguay, Bonpland sassocie un ngociant espagnol,
Esteban Seoran, et sentoure de trois franais, son ancien jardinier Auguste
Bouville qui dsire laccompagner, lagriculteur Pierre Besse et Jean Lacour,
empailleur quil engage pour 60 francs par mois 2093 . Il sagit des derniers gages
verss par Bonpland un assistant. Ses trois compatriotes le quittent en septembre
1833 pour aller travailler chez Felipe Garca, depuis peu beau-pre de
Bouville 2094 . Lanne suivante, la campagne quil prpare a comme destination le
hierbal de uguazu 2095 ; la priorit est dj dordre conomique. En 1839, il
sentoure de sept auxiliaires lors de la campagne pour San Javier et le haut de
lUruguay, prvue de longue date 2096 . Les buts en sont la fois scientifiques mais
surtout conomiques, sagissant de visiter le hierbal de lancienne mission. Au
dbut de lanne 1842, Bonpland se rend Montevideo pouss par des motifs
conomiques, cest--dire remettre un certificat de vie et prendre les fonds quil
possde chez Blanc et Constantin 2097 .
La connexion avec les diffrents gouvernants savre de plus en plus
complexe, les engagements respectifs de plus en plus difficiles tenir. Bien quil
promette au gouverneur de Tucumn de mener bien une campagne scientifique
dans sa province 2098 , Bonpland ne respecte pas son engagement. Et au lieu de
profiter en 1836 et 1837 du partenariat propos par Teodoro Miguel Vilardeb
qui soffre instamment pour laccompagner explorer les terres uruguayennes
Bonpland opte pour la poursuite dune exploration solitaire 2099 . Associ Arsne
Isabelle et Bernardo Berro, lUruguayen dcouvre un fossile gant en 1838. En
janvier 1839, Vilardeb insiste de nouveau afin que Bonpland vienne quelques
mois Montevideo afin quils effectuent ensemble les excursions ncessaires au
2092
2093
535
Deuxime partie
Chapitre VI
2101
536
Deuxime partie
Chapitre VI
2105
Ldition de ce journal de voyage est due, rappelons-le, lexcellent travail dAlicia Lourteig
qui a retranscrit et analys ce manuscrit conserv au Musum national dHistoire naturelle ; cf.
LOURTEIG Alicia, Journal de voyage de Sn. Borja a la Cierra y a Porto Alegre, Paris, Porto
Alegre, CNRS/Fundao de Amparo A Pequisa do Estado do Rio Grande do Sul, 1978. Avec le
journal de son voyage au Paraguay effectu en 1857 et, l encore, excellemment analys par Julio
Rafael Contreras Roqu et Alfredo Boccia Romaach, il sagit des deux seuls journaux de voyage
dits ce jour. La masse des journaux de voyage de Bonpland et la qualit de leur contenu permet
denvisager dautres ditions partielles et, pourquoi pas, la reconstitution dans sa totalit dun
journal couvrant lensemble de la priode 1817-1858.
2106
Parmi de nombreuses annotations, la suivante est rvlatrice de cet esprit : luruguay
reprsente [] une mer agite et trs houleuse [] et nous gagnons avec pril de notre vie la cte
Sud de lisle [Quadrada] , AMFBJAD n 1703, voyage de So Borja dans la province de
Corrientes, 19 avril 1834. Dans la mme logique narratrice, lextrait suivant fait apparatre en outre
la connivence vis--vis dun ventuel lecteur : figurez-vous une large rivire [le ro Corrientes]
dont les deux cots ont 5 ou 8. pieds deau et dont le courant rapide charie un nombre infini de
masses de plantes celles qui fournissent si abondamment tous les lacs et les bords des rivires de
cette province : et vous verrez lembarras dun danger invitable. [] nous sommes enfin sortis
[] de cette rivire qui a cout sur ce mme point et sur beaucoup dautres la vie des voyageurs.
Les pays espagnols offrent chaque pas au voyageur des tristes souvenirs. De distance en distance
on voit des croix temoins sr qua leur pied se trouve un ou plusieurs cadavres, dindividus, noys,
assassins ou morts de maladie ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 17
mai 1837.
2107
DOrbigny par exemple, participe cette martyrologie ; cf. ORBIGNY Alcide d, op. cit.,
tome I, 1835, pp. 165-167.
2108
AMFBJAD n 1710, voyage de So Borja Santo Thom, 16-18 juin 1836.
2109
Cest le cas lorsque pour de se rendre Corrientes, en mai 1834, il emprunte un chemin
diffrent de celui pris deux ans et demi plus tt, simplement parce quon lui dit tre meilleur ;
AMFBJAD n 1704, voyage dans la province de Corrientes, 2 mai 1834.
537
Deuxime partie
Chapitre VI
du
naturaliste :
relevs
thermomtriques,
climatologiques
et
538
Deuxime partie
Chapitre VI
2115
Deuxime partie
Chapitre VI
2120
Deuxime partie
Chapitre VI
des collections la liste des lments gologiques collects, lui offrant comme
Cordier les matriaux ncessaires pour complter la publication du voyage,
esprant y joindre une carte laquelle il renonce en 1837, faute de matriel et de
temps. Mirbel lencourage toutefois poursuivre ses envois malgr un mode de
transport peu fiable, en lui indiquant de privilgier linfiniment petit 2127 .
Lanalyse nest plus entre les mains de Bonpland qui ne possde pas
linstrument principal 2128 pour leffectuer, savoir un microscope. La
diversification des sciences oblige dsormais collaborer de manire
priphrique 2129 .
2127
ne vous rebutez pas. La science gagnera toujours quelque chose vos efforts , AMFBJAD
n 439, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Jardin du Roi, 27 mars 1839.
2128
AMFBJAD n 381, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840.
2129
Par exemple propos de louvrage portant sur la bryologie, de Schimper et Bruch, qui
contactent Bonpland ; AMFBJAD n 431, W. P. Schimper Bonpland, Strasbourg, 23 novembre
1835.
2130
Contrairement dOrbigny et Darwin, lesquels profitent de leur passage sur le terrain argentin
pour apporter des lments essentiels lvolution des sciences de lhomme. Mais Bonpland ne
participe pas au processus dlaboration des savoirs ; cf. GILLIPSIE Charles C., De lhistoire
naturelle la biologie : relation entre les programmes de recherche de Cuvier, Lamarck et
Geoffroy Saint-Hilaire , in BLANCKAERT Claude, COHEN Claudine, CORSI Pietro, FISCHER
Jean-Louis (coord.), op. cit., pp. 229-239.
541
Deuxime partie
Chapitre VI
1. Le rgne vgtal
Il sagit sans nul doute de lapport le plus important de Bonpland.
Intimement li au dsir de raliser une uvre originale, la dcouverte de nouveaux
genres ou espces est une proccupation constante du savant. La nouveaut ainsi
que lutilit des vgtaux rencontrs en sont les aspects les plus rcurrents. A ce
titre, la recherche botanique savre close ds le dbut des annes 1830. Selon
Bonpland, le terrain rioplatense est ds lors puis, ce qui explique en partie sa
volont de voyager en des lieux dj visits par ses confrres, persuad que SaintHilaire et dOrbigny nont pas tout dit, au vu du peu de temps pass sur le terrain
2131
Deuxime partie
Chapitre VI
par les deux naturalistes, ncessairement insuffisant pour obtenir des descriptions
compltes. En 1837, il voque au directeur du Musum la faiblesse de ses
dcouvertes, et confirme la ncessit dun voyage de grande ampleur pour couvrir
le plus de terrain possible :
Lespace que jai parcouru est de peu dtendue et les pays que jai
visits sont tous pauvres de vegetacion si jen excepte quelques points du
Paraguay, des hautes missions et un petit point de la Province de
Corrientes
2132
Deuxime partie
Chapitre VI
2134
En octobre 1836, il ralise un petit voyage au Chaco avec Pedro Ferr pour trouver le mas de
leau, sans succs. Le 23 mai 1837, Ferr le rencontre enfin et le 27 Bonpland rdige un mmoire ;
MNHN, ms203, Journal de botanique ; AMFBJAD n 147 et 543, Buenos Aires, septembre 1818,
Ca Cat, mai 1821. Il sagit de la Victoria cruziana dOrb, trs voisine de la Victoria regina
dcouverte en Guyane par Lindley. Bonpland lavait class entre les genres Nelumbum et
Nymphea ; cf. DEMERSAY Alfred, Histoire physique, conomique et politique du Paraguay et
des tablissements des jsuites, tome 1, p. 162.
2135
AMFBJAD n 379, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Buenos Aires, 25 janvier 1837 ;
AMFBJAD n 107, P. Ferr a Bonpland, Lomas, 24 de abril de 1837.
2136
AMFBJAD n 379, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Buenos Aires, 25 janvier 1837 ;
AMFBJAD n 107, op. cit. ; MNHN, ms 203, op. cit., n 147 ; Bonpland C.-F. Brisseau de
Mirbel, Corrientes, 24 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., pp. 124-125.
2137
AMFBJAD n 881, Bonpland F. Delessert, Montevideo, 26 dcembre 1853.
2138
CORDIER Henri (comp.), Papiers indits du naturaliste Aim Bonpland conservs Buenos
Aires, tome II, Journal de botanique, Trabajos del Instituto de Botnica y Farmacologa, Facultad
de Ciencias Mdicas de Buenos Aires, n 42, Buenos Aires, Peuser, 1914, description n 2859.
2139
Le phnomne nest pas rare. En 1825, de visite Sante Mara de Fe, Bonpland observe que
sur 1000 habitants pas un [na] vu en fleur la schotea encienso leguminosa ; MNHN, ms 204,
n 839.
2140
MNHN, ms 203-206, journaux de botanique ; AMFBJAD n 415, 1749, 2049, 2107, 2202,
2505.
544
Deuxime partie
Chapitre VI
Borja, en 1843. Puis, cest en faisant abattre des arbres San Mateo, au mois de
dcembre 1846, quun de ses ouvriers paraguayens assure Bonpland que cet
arbre se trouve ici. Aussi dcide-t-il dattendre quil soit en fruits pour sen
assurer 2141 Plutt que de temps court ou long, il est prfrable dvoquer ce
sujet une chronologie dense ou tire refltant une volution scientifique en
pointills. Les exemples sont lgion, aussi est-il prfrable den effectuer la
moyenne partir de lensemble des journaux de botanique. La localisation et la
description des plantes constituent la partie des tudes la plus longue. Il faut
Bonpland plus de 16 ans pour complter la localisation de 17% des spcimens
quil possde. Le mme ordre de temps et de spcimens observs concerne la
description puisque pour 15% des plantes, 17 ans et demi sont ncessaires afin
den connatre les caractres.
Cette similitude quantitative et temporelle sexplique par les diffrences de
caractres que prsente la flore selon le lieu. Le cas se prsente lapproche de
Corrientes, sur les bords du ro Peguai, o il dcouvre une espce durundey
identique celui des missions brsiliennes, mais ne croissant jamais comme celui
du Paraguay ; il suppose quil sagit de deux espces diffrentes 2142 , nayant pas
envie daller vrifier sur place A la difficult du travail comparatif sajoute la
raret des spcimens tel est le cas du mas de leau rencontrs au hasard de
voyages ntant pas exclusivement consacrs et prpars ltude botanique.
Attendu par le gouverneur de Corrientes sa sortie du Paraguay, press par la
promesse faite celui-ci de se rendre le plus tt possible dans la capitale de la
province mais retard par les soins mdicaux quil doit dabord dispenser So
Borja, Bonpland ne peut sattarder entre les ros Pay Ouvr et Batel, quoiquil y
remarque une abondance de vgtaux dignes dtre visits doucement et avec le
plus grand soin 2143 . Cest ce quil fait dans les missions portugaises. Il parcourt
patiemment la zone et aprs plusieurs tentatives il est en mesure, au mois
doctobre 1835, danatomiser un nouveau genre qui aura sans doute fait
travailler vainement bien des botanistes 2144 .
Nanmoins les rcoltes savrent le plus souvent promptement effectues
et divulgues. A ce titre, le sjour forc au Paraguay est une norme parenthse
2141
2142
545
Deuxime partie
Chapitre VI
plus
de
valeur,
bien
quelles
soient
forcment
rduites
2146
2145
Cest Rengger qui, le premier, donne connatre cette flore ; cf. CHODAT Robert, HASSLER
Emile, Aperu de la gographie botanique du Paraguay , in Neuvime Congrs international de
Gographie. Genve, 27 juillet-6 aot 1908. Extrait du compte rendu des travaux du Congrs,
Genve, s. e., tome II, 1910, p. 2.
2146
Bulletin de la Socit de Gographie, premire srie, tome IV et V, n 29 et 37-38, septembre
1825 et mai-juin 1826, pp. 200, 661.
2147
Cf. DOMINGO KAPITANIAK Paola, Aim Bonpland (1773-1858) au Paraguay : prisonnier
malheureux ou botaniste panoui ? , in GOMEZ Thomas (dir.), Humboldt et le monde
hispanique, Paris, Publications du centre de recherches Ibriques et Ibro-amricaines de
lUniversit de Paris X - Nanterre, 2002, pp. 197-204. Bonpland explique lui-mme la raison de
cette baisse dactivit : le court espace de terrein que jhabitais, ma qualit de prisonnier, le
manque absolu de papier et des raisons polytiques mont empch de suivre mes travaux comme je
le desirais. Cependant constamment occup dagriculture et de medecine autant par gout que par
besoin je nai pas laiss de me procurer les plantes les plus utiles du Paraguay et dobtenir tous les
renseignements ncessaires leur utilit , AMFBJAD n 278, Bonpland au directeur du Musum
Royal dHistoire naturelle. Buenos Aires, 5 janvier 1837.
546
Deuxime partie
Chapitre VI
minimal 2148 . Lauteure de cette expression se base sur ltude qualitative des
journaux de botanique pour affirmer que Bonpland poursuit une activit
scientifique gale celle mene avant et aprs sa dtention. Il nuance toutefois ce
propos en faisant remarquer le ralentissement du rythme des rcollections, dont la
cause provient selon lui du dcouragement du botaniste poursuivre des
recherches qui ne serviraient aucun muse, aucun savant, aucun amateur de
sciences naturelles . Or, aprs sa libration, Bonpland connat dautres priodes
dactivit trs rduite, bien quil soit en mesure de divulguer ses rsultats. En
outre, lauteur affirme que Bonpland nhsita pas braver les interdits et
commena ramasser de nouvelles plantes de plus en plus loin , ce que ntaye
aucun document. Les seules excursions ralises le sont aprs autorisation des
autorits. De la mme manire, Bonpland rduit considrablement ses collectes au
cours des annes suivantes simplement parce que le terrain est puis.
Le regain dactivit constat un mois aprs sa libration est donc plutt le
contrecoup de plusieurs annes de privations de matriaux. Bonpland obtient le
soutien effectif des autorits locales pour herboriser et en envoyer immdiatement
le produit en France. Ds le mois de juin 1831, soit quatre mois aprs sa sortie du
Paraguay, il adresse de So Borja une premire caisse de plantes. Lors du voyage
entrepris de Corrientes Buenos Aires au dbut de lanne 1832, Bonpland fait un
dtour Santa Fe pour se rendre chez Jos Santos Maciel afin dy reconnatre la
plante merveilleuse ditte rayz del Guaycuru 2149 , vendue Buenos Aires pour des
vertus mdicinales quil met en doute. Il la classifie comme une nouvelle espce
de quassia et demande nanmoins que des analyses soient ralises Paris pour en
vrifier les proprits 2150 . A lexemple de cette plante, il s'emploie remettre les
nouveaux genres et espces dont il dcouvre trs peu de spcimens, reprsentant
peine 2% du total de sa collecte. Ainsi ds 1832, il annonce lenvoi de deux
nouvelles espces de convolvulus qui ont les proprits du jalap, les corces de
trois espces nouvelles dun genre de la famille des simarubaces ayant
lamertume du sulfate de quinine, et dun nouveau genre de la famille du quassia
et du bonplandia trifoliata cr en son honneur par le directeur du jardin
2148
547
Deuxime partie
Chapitre VI
botanique de Naples, Michele Tenore, aprs que Bonpland lui en ait envoy des
graines par le truchement de Pedro de Angelis 2151 .
Toutefois, les dcouvertes samenuisent avec le temps, en vertu de quoi les
envois au Musum savrent rptitifs non seulement pour des raisons de scurit
le transport tant hasardeux mais aussi par manque de matire. En effet,
lessentiel des rcollections seffectue sur le terrain des missions que Bonpland
puise rapidement. Il se tourne alors vers le Chaco o il effectue deux excursions
en compagnie de Pedro Ferr en octobre 1836 et mars 1838, remmenant avec lui
quelques chantillons dun arbre inconnu 2152 . En mai 1837, se trouvant
Corrientes, il ne peut se rendre dans le Chaco pour observer larbre nomm
curundey ou palo de lanza car il est utilis pour fabriquer des lances mais peut
en dcrire un certain nombre dchantillons 2153 . Si Ferr profite des liens
commerciaux tisss entre Correntinos et Amrindiens, les deux compadres ne
peuvent saventurer loin lintrieur dun territoire o les relations demeurent
fragiles et majoritairement conflictuelles2154 . Aussi le botaniste sen remet-il de
plus en plus au hasard des voyages pour herboriser. De cette manire, il reconnat
dans la ville de Corrientes un casuarina de Nouvelle-Hollande qui devient
rapidement un objet de curiosit, et se propage grce ses soins 2155 . Outre les
missions jsuites, les lieux habits sont des lieux priss pour recueillir des
spcimens nouveaux. Les estancias ou les pueblos fournissent tous deux quelques
matriaux dimportance 2156 , car ils forment des noyaux ruraux jouant le rle de
2151
548
Deuxime partie
Chapitre VI
conservatoires de la nature 2157 . Les dcouvertes faites en ces lieux sont dautant
plus significatives que lintrt de Bonpland vis--vis des plantes utiles,
spcialement prsentes dans ces zones, augmente comme le montrent les envois
effectus entre 1831 et 1838 2158 . Malgr lamoindrissement des dcouvertes, le
bilan nen est pas moins satisfaisant en vue dlaborer une gographie des plantes.
2157
Cf. VAZQUEZ DE CASTRO ONTAON Miguel (dir.), Jos Snchez Labrador y los
naturalistas jesuitas del Ro de la Plata, Madrid, MOPU, 1989, pp. 247-258.
2158
Cf. supra, pp. 534-537.
2159
AMFBJAD n 291, Bonpland M.-E. Chevreul, P.-L. A. Cordier et A. Brongniart, Corrientes,
28 mars 1838.
2160
Elles concernent les annes 1817, 1818, 1821, 1831, 1832, 1838, 1849, 1854 et 1855 ; cf. les
descriptions des journaux de botanique n 67, 210, 547, 984, 2354, 2607, 2826. En sus des
journaux de botanique, divers documents contiennent aussi des remarques similaires qui ne sont
pas ensuite intgres dans les journaux de botanique. Au paso de Camacua sur le chemin de So
Borja, il observe lescobedia de la flore du Prou ; AMFBJAD n 1701, journal, notes diverses,
1833-1835, Il sagit probablement du 14 octobre 1833, comme lindiquent ses journaux de voyage.
549
Deuxime partie
Chapitre VI
physiocrate, l o dautres y voient une consolation pour les yeux 2161 . La pnurie
de vgtaux nempche pas une attention constante, vis--vis dun curupay rue
Tucumn ou de chnes Barracas prs de la maison des Atckinson, plants il y a
plus de vingt ans par Martn Luis de la Pea. Place du Retiro, Bonpland trouve
mme un molle dont lespce et lusage restent dterminer 2162 . La ville de
Paysand offre une abondance de plantes cultives, parmi lesquelles figurent
depuis peu en 1837 des orangers. De mme, les jardins de la ville de Rosario, en
croissance, offrent de beaux arbres fruitiers rcemment acclimats 2163 .
Nanmoins, ce terrain savre peu propice aux dcouvertes. En 1817, aprs un
mois de travail aux environs de Buenos Aires, sa premire impression est celle
dune terre donnant peu darbres autochtones 2164 . Le constat est corrobor par
Darwin et dOrbigny qui eux aussi remarquent que la plupart des arbres sont
acclimats 2165 . En remontant lUruguay, la flore nest pas plus riche. Du port la
ville de Paysand il contemple une triste vgtation , qui devient presque nulle
entre ce port et la Calera del Barqun 2166 . La critique npargne pas sa zone de
recherche de prdilection. Entre San Mateo et So Borja, Bonpland dnonce la
pauvret des forts qui noffrent pas darbres de valeur 2167 . Pas didalisation ni
de gnralisation dans la lecture du paysage, mais des nuances paysagistes trs
fines.
Ainsi la description de lle de Martn Garca, lembouchure du Paran et
de lUruguay, met en valeur la spcificit de sa vgtation ne de sa position
gographique qui lui permet de bnficier des apports des deux grands fleuves
2161
A Montevideo, Arsne Isabelle reposait [sa] vue en la fixant sur les arbres et les plantes
trangres ornant les jardins. Sur ce point, Montevideo et Buenos Aires offrent le mme aspect
pittoresque .
2162
AMFBJAD n 1716, sjour Buenos Aires, 1837.
2163
Parmi lesquels des pchers et des abricotiers ; AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires
Concordia, 15 mars 1837.
2164
A propos du Omb, il note : Cet arbre parat-tre le seul originaire de ces contres ; on le
trouve dans le voisinage de toutes les maisons. Son bois [] noffre aucune espce dutilit ,
MNHN, ms 203, op. cit., n 32. Il trouve ensuite le Tapa, n 37, qui semble originaire de Buenos
Aires bien quil ait les caractres du zizyphus dEurope. Les environs de Buenos Aires sont
qualifie de campagnes striles , HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 90, AMFBJAD s.
n., Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832 ; AMFBJAD n 278, HAMY Thodore
Jules Ernest, op. cit., pp. 104-114, Bonpland au Directeur du Musum Royal dhistoire naturelle,
Buenos Aires, 5 janvier 1837.
2165
DARWIN Charles, op. cit., tome I, p. 53 ; ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835, p. 469.
2166
Elle se rduit des inga, phyllanthus et saules ; AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires
Concordia, 15 mars 1837.
2167
Il ny a que des angico et des arbres de moindre valeur , quelques timbos de peu de valeur,
des tapar, et seulement quelques beaux arbres de canela ceibo ; AMFBJAD n 1710, voyage
de So Borja Santo Thom, 18 juin 1836.
550
Deuxime partie
Chapitre VI
rioplatenses. Martn Garca est le premier lieu depuis Colonia ville aux abords
de laquelle il mne une excursion sans y dnombrer ni un arbre ni
arbrisseau 2168 o se trouvent de grands arbres et en grand nombre, ainsi quune
vgtation rappelant celle des tropiques. Bonpland peut y dcrire outre des
lauriers, saules et des mimosas, des timbo, caaobiti, canelon, et un grand nombre
de plantes du Paraguay et de Corrientes sans doute ramenes par les courants,
infre-t-il en 1818 puis en 1832. Les vgtaux trouvs dans le Nord ds 1821
confirme son jugement, puisquil en recense plusieurs dj trouvs Martn
Garca 2169 . Arsne Isabelle fait allusion cette le intressante pour les
naturalistes en raison de la varit des insectes et des plantes sy trouvant 2170 ,
sans donner plus de prcisions. Il sattarde encore moins sur les les voisines de
Higueritas, tandis que Bonpland y dnombre une flore abondante et presque
autant intressante que celle de Martn Garca, ne serait-ce que parce quelles
contiennent des spcimens misioneros 2171 .
Linvestigation le ramne souvent autour des Missions, qui peuvent en tre
considres comme le centre et la rfrence. La figure ci-dessous montre que cette
aire gographique comprenant les actuels Paraguay, Rio Grande do Sul et
Missions, couvre la moiti des travaux de Bonpland.
Graphique n 12
Localisation des descriptions botaniques effectues par Bonpland (1817-1858)
2168
551
Deuxime partie
Chapitre VI
MissionsChaco
Buenos Aires
Entre Rios
Rio Grande do Sul
Corrientes
Paraguay
Uruguay
2172
AMFBJAD n 1215, projet de complexe agricole bonaerense, Buenos Aires, 21 juillet 1832.
AMFBJAD n 1727, journal, voyage San Roque, 19-22 janvier 1840.
2174
Ce sont les mmes qui, en 1819, produisent un effet dautant plus beau quils sont dans ce
moment garnis de feuilles et de fruits. AMFBJAD n 2044, Journal, 28 aot 1819 ; AMFBJAD
n 1714, voyage Buenos Aires, 1836.
2175
AMFBJAD n 2046, voyage aux Missions, 19 juin 1821. Bonpland en est merveill.
2176
SAINT-HILAIRE Auguste de, op. cit., tome I, p. LXII.
2173
552
Deuxime partie
Chapitre VI
correntinas
vgtation marque
une
caractristiques.
frontire
qui
Au
ne
2178
Yatai
relve
le
pas
changement
seulement
de
de
la
2177
La frontire marque par Bonpland est dans un premier temps plus gnrale puisque, crit-il,
ici commencent les espinillos, les aromos, mandobai, qui forment une grande partie de la
vgtation de lEntre Ros, de Corrientes et de la Bande Orientale. Ses voyages postrieurs
lamnent rduire cette frontire la seule province de Corrientes, en lajustant la frontire
politique ; AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 25 dcembre 1831.
2178
Au Yatai il est frapp de laspect nouveau que prsente la campagne : de La Cruz jusquau
Yatay, toute la campagne est une plaine ondule couverte de paturages [] parseme de
ruisseaux []. Au yatai le sol et la vegtation changent subitement. Ce changement
saccompagne dune dtrioration de la qualit de leau, qui devient saumtre. De la Cruz jusquau
Curupaiti, les pturages sont quasiment identiques ceux des Missions ; AMFBJAD n 1695,
voyage de So Borja Corrientes, 25 dcembre 1831 ; AMFBJAD n 1711, op. cit., 18 septembre
1836.
2179
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 20-21 octobre 1832.
2180
Le fond de la vgtation est form par les saules, mimosas, caa obeti, palo amarillo, ingas et
sarandis. AMFBJAD n 1737, voyage de Corrientes Montevideo, 21 novembre 1840.
2181
AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires Concordia, 14-18 mars 1837.
2182
chaque pas on trouve les gramines tiges et feuilles dures des Missions ; AMFBJAD
n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 6 avril 1837.
2183
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 15 octobre 1832.
553
Deuxime partie
Chapitre VI
pieds de iboa puyta, de laurel negro et mini et de sapayos qui se trouvent dans les
les proches, les marais et la vgtation de la cte entrerriana apparat seulement
plus claire que celle de la Bande Orientale, les terrains de la premire tant
plus bas et moins couverts de vgtation 2184 . En remontant le Paran jusqu la
Capilla del Seor, la frontire paraguayenne, les nombreuses les discernes sont
boises , dune belle verdure , les saules en formant le fond 2185 . Cette
gographie de cabotage quoique superficielle lui permet nanmoins
desquisser une tude comparative des provinces irrigues par les deux grands
fleuves, dont les conclusions mettent en vidence la relative pauvret de la
Msopotamie argentine 2186 et de la rpublique uruguayenne vis--vis de ses
voisines chaqueas, riograndenses et paraguayennes. Il crit en 1840 quil existe
une grande identite de vegetacion entre la province de Corrientes, lEntre-rios,
la bande orientale et le Paraguay , celui-ci tant le plus riche de tous et devant
tre explor parcimonieusement. En 1853, il voque encore la pauvret des
rgions visites 2187 . Nous nous bornerons nous aussi ces conclusions, sans plus
dtailler les travaux raliss par le botaniste dans la province de Corrientes,
ltendue de ceux-ci nous loignant trop de notre propos 2188 .
En mme temps que nous soulignions en prambule lexamen de la
gographie des plantes de Bonpland quune tude exhaustive sur ce point restait
produire, la perspective continentale de cette gographie tait mise en avant. Aussi
pour clore cet examen sagit-il dvoquer laspect transnational ou interprovincial
qui se dgage de ses observations. Prsentes tout au long de son sjour dans le Ro
de la Plata, elles sont en revanche beaucoup plus rcurrentes que les
considrations continentales. Outre les comparaisons strictement gographiques,
2184
554
Deuxime partie
Chapitre VI
laspect onomastique est une autre partie du travail moins connue bien
quimportante. En effet les noms des vgtaux changent dune population
lautre, bien sr entre lAmrique hispanique et lusophone, mais aussi au sein de
la premire. A Curuz Cuati, dans la province de Corrientes, il trouve le mme
colletia que celui des Missions, mais nomm ici coronilla, et quina par les
Un travail clos ?
Cette question se pose ds 1832, car il constate ds ce moment la pauvret
de cette partie de lAmrique, confirme par ses recherches ultrieures. Son
herbier, reconstitu partir de 1829 lorsquil dispose des moyens adquats
Itapa augmente considrablement en 1831 et 1832, puisquil compte alors 2
500 3 000 espces. Signe du regain dactivit, son travail est enfin la veille
de se terminer car il espre possder 3 000 chantillons aprs le voyage aux
missions brsiliennes projet en 1833, et dispose de presque toute linformation
ncessaire en matire dagriculture 2190 . En 1840, le voyage la Bande Orientale
effectu en compagnie de militaires franais ne lui offre que deux nouveaux
spcimens Aussi peut-il raffirmer Humboldt : jai tout ramass, jai tout
dcrit 2191 . Le graphique suivant confirme ses dires.
Graphique n 13
2189
Entre So Borja et le Miriay, les marais sont couverts de panicum gigantum, la fameuse
portadera du Paraguay ou Santa Fe des Portugais qui sert couvrir les maisons. Vers So Joo
Mini, il tablit un petit glossaire hispano-portugais : lencienso, libirapera, le palo de cutia
hispaniques correspondent aux carioba, guirapia pua et cupania des lusophones ; AMFBJAD n
1695, voyage de So Borja Corrientes, 25-27 dcembre 1831 ; AMFBJAD n 1300, journal
mdical, 23 juillet 1833.
2190
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
2191
AMFBJAD n 328, Bonpland Humboldt, Montevideo 30 dcembre 1840.
555
Deuxime partie
Chapitre VI
Nombre d'chantillons
250
200
150
100
50
1817 1818 18191820 1821 1822 1823 1824 18251826 1827 1828 1829 1830 18311832 1833 1834 1835 1836 18371838 1839
Annes
Graphique n 14
2192
Deuxime partie
Chapitre VI
Nombre d'chantillons
200
150
100
50
1840 1841 1842 1843 1844 1845 1846 1847 1848 1849 1850 1851 1852 1853 1854 1855 1856 1857
Annes
Deuxime partie
Chapitre VI
2. Le rgne minral
Confirmant la fin des recherches botaniques, Bonpland sengage dans une
campagne de prospection minralogique ds 1832. En effet, il affirme vouloir
entamer cette recherche aprs avoir termin la partie botanique 2196 . Se trouvant
Buenos Aires, il en profite pour remettre jour ses connaissances en la matire
laide des ouvrages de Cuvier 2197 . Il relve le nom des auteurs ayant contribu aux
progrs des sciences depuis que Bacon a mis en avant lexprience , savoir
Saussure, Pallas et Werner en ce qui concerne la gologie. Il note que cette
science comporte en plus des minraux ltude des fossiles cre par Cuvier,
portant surtout sur les mammifres et les reptiles, avec laide de Brongniart. Le
besoin de noter les buts de cette science, qui explique ce que la nuit des temps
nous cache ou le caractre des antiques habitants ; le besoin encore de noter
que les corps marins abondent dans le calcaire , la division en couches marines
et fluviales, enfin le minutieux relev des dcouvertes effectues selon les
2194
Nous lincluons en vertu des rsultats obtenus, mais ce sont au total sept annes de recherche
quil faudrait compter si lon ne prenait en compte que les priodes durant lesquelles Bonpland
consacre vritablement ses forces linvestigation.
2195
MNHN, ms 205, So Borja, mai 1836.
2196
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
2197
Louvrage est dj ancien, puisquil date de 1812 ; cf. CUVIER Georges, Recherches sur les
ossemens fossiles de quadrupdes : o lon rtablit les contenant de plusieurs espces danimaux
que les rvolutions du globe paroissent avoir dtruites, Paris, Deterville, 1812, 4 vol.
558
Deuxime partie
Chapitre VI
AMFBJAD n 1697, Journal, Sjour Buenos Aires, juin 1832. Concernant lentourage de
Bonpland en la matire, cf. OTTONE Eduardo Guillermo, The French Botanist Aim Bonpland
and Paleontology at Cuenca del Plata , in Earth Sciences History, vol. 21, n 2, 2002, pp. 156157.
2199
La premire chaire est cre au Musum en 1853, pour Alcide dOrbigny ; cf. COHEN
Claudine, Stratgie de la preuve dans les Recherches sur les ossements fossiles de quadrupdes
de Cuvier , in BLANCKAERT Claude, COHEN Claudine, CORSI Pietro, FISCHER Jean-Louis
(coord.), op. cit., pp. 523-524.
2200
Sur ce sjour, cf. MAE GARZON Fernando, op. cit., pp. 27-59.
2201
La seule rfrence Muiz est contenue dans un relev du Correo del Paran dat de 1841,
mentionnant les dcouvertes dossements fossiles du Rioplatense ; AMFBJAD n 1266, Notes
gologiques, 1841.
2202
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos aires, 7 mai 1832.
559
Deuxime partie
Chapitre VI
2204
Un moindre travail
Bonpland sappuie pour cela sur ses confrres europens. Il reconnat la
ncessit de sen remettre aux savants de cabinet, surtout touchant au travail
gologique quil ne peut raliser faute de connaissances. Celui-ci, crit-il,
2203
Cest cette date quil en fait part Cordier ; AMFBJAD n 276, Bonpland P.-L. A. Cordier,
Buenos Aires, 5 janvier 1837.
2204
AMFBJAD n 324, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 24 novembre 1836.
2205
je ne vois que Mr Sellow [] qui ait pu envoyer quelque chose et ce ne sera encore que sur
quelques points des Missions Portugaises []. Quant Mr [Saint-Hilaire], Dorbigny et Parchappe
qui ont des matriaux admirables sur toute lAmerique je sais quils ont peu de roches et de plantes
de contres que jai visits. [] Mon travail, jespre, sera plus complet que le leur ; AMFBJAD
n 324, HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 98, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 24
novembre, 26 dcembre 1836 ; AMFBJAD n 421, Bonpland A. P. de Candolle, Montevideo, 18
mai 1840. En outre, les matriaux collects par Sellow sont en grande partie disperss. Cf. LOPES
Maria Margaret, op. cit., p. 63.
560
Deuxime partie
Chapitre VI
est difficile de faire ici sans livres et sans aucun autre secours. [] je sais
combien il est difficile, mme aux bons gologues, de dterminer sur les
lieux [] les objets nombreux qui se rencontrent
2206
2207
2206
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 26 dcembre 1836, cit in HAMY Thodore Jules
Ernest, op. cit., pp. 97-98 ; AMFBJAD n 324, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 24 novembre
1836.
2207
Il sagit du lEssai gognostique sur le gisement des roches dans les deux hmisphres, publi
en 1823 Paris, AMFBJAD n 324, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 24 novembre 1836 ;
HAMY Thodore-Jules Ernest, op. cit., pp. 97-98.
2208
Cf. l inventario de los libros de la biblioteca del finado Dr. D. Teodoro M. Vilardeb ,
reproduit par MAE GARZON Fernando, op. cit., pp. 267-277.
2209
Cest aux chymistes habiles qui il appartient de faire lanalyse dune terre utilise par les
Indiens guayanas de Santa Luca pour peindre leurs poteries ; AMFBJAD n 1728, journal, voyage
Santa Luca, 21 janvier 1840.
2210
Cf. OTTONE Eduardo Guillermo, Los primeros hallazgos de plantas fsiles en Argentina ,
in Asociacin Paleontolgica Argentina, Publicacin Especial, Buenos Aires, n 8, 2001, pp. 4951.
561
Deuxime partie
Chapitre VI
toute pice quil puisse dsirer 2211 . Il sagit denvoyer le matriau brut, charge
pour les professeurs de Paris den accomplir lanalyse, Bonpland se contentant de
linventaire. Cette pratique est courante chez les non spcialistes, tels Spix et
Martius qui illustrent leur rcit de voyage au Brsil publi entre 1823 et 1828
de quelques fossiles, sans y porter plus dattention. Il faut attendre 1841 pour que
la figure dun poisson reoive une dnomination scientifique, sous la plume de
Louis Agassiz 2212 . Ltude minralogique est rapidement termine dun point de
vue thorique, puisquaprs 1836 Bonpland najoute plus de pices nouvelles
son catalogue qui lui sert de nomenclature pour ses recherches ultrieures.
Les lettres envoyes ses correspondants franais en 1837, et
particulirement celle destine Dumril, constituent un vritable plaidoyer en
mme temps quun programme de recherche palontologique. Linsignifiance des
rsultats obtenus jusqualors, la description du terrain permettant desprer des
dcouvertes ainsi que les moyens mettre en uvre pour impulser une dynamique
scientifique, dont sa participation louvrage collectif, tout est contenu dans ces
quelques
pages.
Aussi
contrairement
2213
aux
botaniques,
ses
recherches
une autre indication dun moindre engagement rside dans la mthode de travail,
plus prcisment concernant la collecte des fossiles. Bonpland entend former une
collection non seulement grce la recherche in vivo, mais aussi indirectement par
le biais dintermdiaires tels le ngociant italien Rilly, ou encore le gnral
portugais Barreto, conscient de limportance scientifique des fossiles selon
Bonpland, et lorigine de la mission ayant conduit Sellow sur les bords du ro
Quara dlimitant la frontire ouest entre le Rio Grande do Sul et la Bande
Orientale au cours des annes 1820. Malgr des dmarches effectues
diffrentes poques, Bonpland ne peut se procurer dossements fossiles des bords
2211
Deuxime partie
Chapitre VI
Deuxime partie
Chapitre VI
Deuxime partie
Chapitre VI
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 3e partie, Gologie, 1842, p. 25 ; ISABELLE Arsne,
op. cit., p. 23.
2220
Cf. ETTE Ottmar, La puesta en escena de la mesa de trabajo en Raynal y Humboldt , in
Cuadernos americanos, juillet-aot 1994, n46, pp.29-68.
2221
DOrbigny, crit Berthelot, nous montre les trois tats du grand systme paloeozoque se
succdant dans le mme ordre que ceux du mme systme europen avec lesquels ils ont
respectivement plus danalogie. Ce fait remarquable [] est, suivant lexpression du rapport
prsent lInstitut, un des plus importants dont la science se soit enrichie dans ces dernires
annes. , in Bulletin de la Socit de Gographie, premire srie, tome XX, dcembre 1843, p.
415.
2222
Cf. ONNA Alberto F., op. cit., pp. 60-67.
2223
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 4e partie, Palontologie, 1842, p. 13. Lhommage
rendu par dOrbigny ses confrres sud-amricains est souligner, tant sont rares les loges des
Europens. Nanmoins, il ne faut pas oublier que le Franais compte sur Vilardeb pour obtenir de
nouveaux matriaux. Quant Pedro de Angelis, les louanges adresses pour son uvre
palontologique sont hors de propos, puisque le Napolitain est exclusivement un compilateur en la
matire. Soit quil lait confondu avec Muiz, soit quen flicitant le valet il veuille flatter le
matre Rosas dOrbigny se montre peu connaisseur du terrain scientifique rioplatense. Cela
nenlve rien aux immenses services rendus par Pedro de Angelis aux sciences, ce qui peut
constituer une autre explication cet hommage incongru ; cf. SABOR Josefa Emilia, op. cit., pp.
285-436.
565
Deuxime partie
Chapitre VI
composition du sol de lUruguay 2224 . De plus, une condition sine qua non de la
production palontologique rsulte de la bonne fortune des chercheurs. Arsne
Isabelle, devenu consul de France Montevideo mais toujours amateur clair de
palontologie, relate Bonpland laventure dun Danois ayant trouv au Nord de
Colonia un squelette, presque complet, du fameux tatou [] Il la emport
triomphant. Il faut avouer que cest avoir du bonheur. 2225
Cette chance explique que Bonpland soit persuad quil [lui] restera
toujour beaucoup dire 2226 aprs avoir remis quelques pices au Musum royal
dHistoire naturelle. Certaines pices, mais pas toutes. Il est vraisemblable que le
naturaliste garde avec lui certains chantillons, moins dans lventualit dune
improbable publication improbable que comme une monnaie dchange avec les
autorits scientifiques franaises. Bien quil affirme ce propos ne pas avoir
amen de collections avec lui Montevideo en 1840, une lettre dArsne Isabelle
infirme ses dires. De fait, Bonpland lui laisse en dpt des roches et des flacons de
plantes en attendant ses instructions relatives leur envoi en France 2227 . Les
rapports tant tendus entre Bonpland et sa hirarchie scientifique cette poque,
une telle ventualit nest pas carter dautant que Bonpland, en contact avec
Woodbine Parish, consul dAngleterre et grand connaisseur et collecteur de
spcimens fossiles rappelant beaucoup par l son homologue franais Isabelle
est conscient de leur valeur. Il sagit donc dune perspective non dnue dintrt
personnel, mais agence sur le long terme.
Bonpland identifie plusieurs sites susceptibles de contenir des matriaux
fossiles. Ds 1819 il rappelle lexistence du site bolivien de Tarija, dcouvert en
1602, et dont il a connaissance lors de son voyage avec Humboldt 2228 . Avec
Lujn, ce sont les deux seuls endroits identifis dans la vice-royaut du Ro de la
Plata la fin des annes 1810. Au cours des dcennies suivantes, Bonpland relve
2224
Arsne Isabelle demande Bonpland jusqu quelle distance les terrains calcaires de
lUruguay se prolongent lintrieur de terres ; AMFBJAD n 263, A. Isabelle Bonpland,
Montevideo, 16 fvrier 1841.
2225
Ibid. Il ne peut sagir que de Peter Wilhelm Lund, le seul naturaliste danois prsent dans la
rgion cette poque. Lund sempresse effectivement de faire part de ses dcouvertes au
professeur Rafn de Copenhague par une lettre crite depuis Lagoa Santa au Brsil, et bientt
transmise la Socit de Gographie parisienne grce La Roquette ; Bulletin de la Socit de
Gographie, quatrime srie, tome XVI, juillet 1841, p. 66.
2226
AMFBJAD n 276, Bonpland P.-L. A. Cordier, Buenos Aires, 5 janvier 1837.
2227
AMFBJAD n 263, A. Isabelle Bonpland, Montevideo, 16 fvrier 1841.
2228
AMFBJAD n 2044, journal, 1819 ; ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 4e partie,
Palontologie, 1842, pp. 11-12.
566
Deuxime partie
Chapitre VI
2229
AMFBJAD n 1266, gologie, transcription de El correo del Paran n 21, 1841 ; AMFBJAD
n 1265, gologie et minralogie, Charbon de pierre et mineraux de fer dans la province de rio
grande do sul extrait du journal Comercio de Rio de Janeiro, 11 avril 1848 ; AMFBJAD n
1264, gologie et minralogie, s. l., s. d.
2230
La constance et le srieux dans la recherche minralogique maille ses journaux de voyage ;
AMFBJAD n 1267, gologie, Roches et minraux de lUruguay, s. l., s. d. ; AMFBJAD n 1733,
voyage dans le Paran, Punta Gorda, 7 mai 1840.
2231
AMFBJAD n 869, Bonpland B. Delessert, Montevideo, 22 janvier 1842.
2232
Dans un pays peu peupl et o on ne fait aucune espce de mouvement de terre, il est
impossible de trouver des richesses enfouies, et le peu que nous possdons aujourdhui a t
dcouvert naturellement, par le seul travail des eaux et est entirement d au hasard ; AMFBJAD
n 287, Bonpland A. M. C. Dumril, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
567
Deuxime partie
Chapitre VI
La rpublique argentine et tous les pays voisins qui doivent leur existence
la grande rvolution qui les a forms offriront avec le tems des
matriaux intressants sur lhistoire naturelle de ces Contres
2233
Il est vrai quau cours des annes 1830 trs peu est ralis ; nanmoins partir de
1833 les descriptions de nouveaux restes commencent se multiplier, de manire
abondante passe la premire moiti du XIXe sicle 2234 . Bonpland est videmment
en faveur dun tel mouvement visant systmatiser les investigations, mais
toujours en perspective :
lorsquon cherchera tous ses objets exprs et avec soin on y trouvera de
quoi augmenter et rectifier nos connoissances sur la formation de cette
partie du globe. Jai sous les yeux des pices fossiles qui annoncent
lexistance ancienne dune espce de dasypus gigantesque
2235
Ces commentaires sont rpandus dans le microcosme des voyageursamricanistes . Darwin, qui fouille plusieurs sites dj connus ou signals, pense
comme Bonpland que le terrain constitue une immense spulture pour ces
quadrupdes gigantesques teints. 2236 DOrbigny pour sa part prne en 1835 des
recherches assidues 2237 en la matire. Ils nous montrent toutefois que
Bonpland, pour isol quil soit, partage avec quelques grands noms une mme
sensibilit savante. Mais contrairement eux, il ne construit pas de systmes ; ses
contributions demeurent circonstancies.
Deuxime partie
Chapitre VI
est systmatisant, les relevs de Bonpland savrent beaucoup plus dtaills, voire
plus complets sur certains points. Concernant Colonia, les les de San Gabriel et
de Martn Garca, dOrbigny conclut une formation granitique daprs des
informations indirectes, tandis que Bonpland en prcise la constitution et
lutilit 2239 . Par ailleurs, Bonpland parfait les connaissances de plusieurs points
non visits par ses collgues 2240 . Mais un certain nombre dinformations
recueillies ne sinsrent pas dans le systme propos par dOrbigny ou dautres
scientifiques, car la cueillette des minraux suit le mme protocole que celle des
vgtaux, notamment concernant leur utilit. Ainsi le ro Pay Ouvr coule sur un
grs blanchtre et fin fournissant des pierres aiguiser, les mmes quil retrouve
prs du Paran au Paracaon. Bonpland note encore la fertilit de la terre ou
lutilisation de la roche des fins urbanistiques ; cest le cas pour Paysand qui
est btie sur une colline calcaire qui se prolonge et sert aux constructions de la
ville 2241 .
Bonpland envisage encore certaines pices sous langle de la curiosit. La
pierre dIta Pucu, prs de Mercedes, est rpute pour crotre. Aprs avoir relev
linclinaison des roches, sa composition et la prsence de lichen qui en indique
lantiquit, il relve le tmoignage dun homme affirmant avoir vu la pierre
augmenter de volume. Bien que ce personnage jouisse dune bonne rputation,
Bonpland se range du ct des gologues et classe ce tmoignage parmi les
croyances populaires :
il en sera de la crue de lita pucu comme du serpent deux ttes de Dn
Vicente Yniparan et du tabac comme preservatif des decharges des
gymnotes que nous avons observ dans la province de Caracas
2242
Son analyse argumente et progressive nest pas aussi catgorique que pourrait
ltre celle dun gologue. Malgr ces lacunes, il fournit en 1836 au Musum
2239
Selon Bonpland, les les de la baie et de la cte de la Colonia sont constitues de pierres noires
quartzeuses, trs denses, dures, semblant basaltique. Sur la cte et dans les constructions de
Colonia, Bonpland distingue un granit trs riche en quartz, felit spath, et un peu de mica. Aux
environs de Colonia, et jusqu lle de Martn Garca, le terrain est sablonneux. Quant aux les de
Martn Garca, Hermanas et Juncal, leur pierre est utilise pour la construction Buenos Aires ;
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 13-15 octobre 1832 ; ORBIGNY
Alcide d, op. cit., tome III, 3e partie, Gologie, 1842, p. 26.
2240
Cest le cas pour la description trs prcise de Salto ; AMFBJAD n 1741, voyage de
Montevideo Corrientes, Salto, 21 fvrier 1841.
2241
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 21 dcembre 1831, 1er et 5 janvier
1832 ; AMFBJAD n 1708, voyage So Joo Mini, 28 juin 1835 ; AMFBJAD n 1718, voyage
de Buenos Aires Concordia, 15 mars 1837.
2242
AMFBJAD n 1273, gologie, Ita Pucu, 23 novembre 1834.
569
Deuxime partie
Chapitre VI
royal un rapport illustrant son catalogue, contenant ltude dtaille des roches des
deux rives du Paran jusqu Corrientes et la partie du Paraguay visite. Les
informations recueillies sur le cours du Paran stendant de Corrientes jusqu
Itapa, ainsi que celles concernant les missions et le ro Uruguay, sont moins
dtailles. Bonpland traite aussi une partie des missions brsiliennes et du ro
Paraguay, bien quil ne navigue pas en personne sur ce fleuve 2243 .
Gnralement, les relevs minralogiques sapparentent davantage une
gographie des sols plutt qu une vritable tude gologique. Ils demeurent en
quelque sorte superficiels, cest--dire confins la surface des terrains, sans que
le savant puisse en tirer les conclusions thoriques qui simposent. De ce fait, il
perd la prsance sur dautres confrres, comme dans le cas de la palobotanique.
Bien quil reconnaisse et fasse part au Musum de lexistence de bois fossiles, il
ne bnficie pas de la primaut de la dcouverte. En effet il relve ds 1820
lexistence de saules ptrifis Hernandarias, sur la cte du Paran, 150
kilomtres au nord de La Bajada, rompant avec la croyance partage par Azara
selon laquelle les fleuves rioplatenses ont la proprit de transformer les objets en
pierre. Bonpland envoie des chantillons de mme nature au Musum royal en
1832 2244 , mais cest dOrbigny qui publie le premier sur lexistence de bois
fossiles en 1842. Ses dcouvertes ralises en 1829 dans les actuelles provinces de
Buenos Aires et Ro Negro lamnent tre considr comme le premier
reconnatre formellement la prsence de plantes fossiles en Argentine. Il faut
attendre 1876 pour que le premier travail spcifiquement consacr la
palobotanique de ce pays soit publi par Hanns Bruno Geinitz, en Allemagne 2245 .
Superficielles, les investigations de Bonpland nen demeurent pas moins
pertinentes. Il esquisse une cartographie de lextension de la terre rouge des
Missions, qui se prolonge jusquau ro Miriay en alternance avec une terre noire,
le sol misionero tant visible seulement sur les collines. Des traces subsistent
encore dans les dpartements de Ca Cat, San Antonio et Saladas, o il ne trouve
pas une seule pierre et peu de terre noire ; le sol y est constitu de sable blanc avec
parfois en dessous la terre rouge des Missions mise nue dans les palmeraies,
2243
Deuxime partie
Chapitre VI
mais aussi par les fourmilires quil faut compter au nombre des rares
instruments de mesure quil possde ! ce qui montre que sous le sable de grs la
terre rouge des Missions se prolonge jusquici, charrie par le Paran. Aprs avoir
pass Saladas, en retrouvant le grand chemin qui mne de Curuz Cuati
Corrientes, le sable fait place une terre noir fangeuse. Vers lUruguay, le ro
Emburica Yupi sert de limite lextension de la terre rouge, prcisment hauteur
de la ferme justement appele Tierras Coloradas 2246 . Ce sont pour la plupart des
apports fragmentaires demeurs sans emploi jusquau dbut des annes 1850, ou
encore rendus caduques par la publication de travaux tels ceux de Lund traitant de
la terre rouge et parus ds 1839 2247 . Auguste Leverger, officier de marine au
service du Brsil, relve dans les annes 1840 des lments (fragments) du ro
Paraguay mais enfouis dans les cartons de lArchivo militar de Rio de Janeiro,
que publie Alfred Demersay 2248 . Aprs les relevs partiels de dOrbigny, il faut
attendre 1852 pour quune premire carte de lArgentine soit publie par
Woodbine Parish, vingt ans aprs son retour de Buenos Aires 2249 . Lengagement
de Victor Martin de Moussy ami de Bonpland en 1855, marque les vrais dbuts
dune volont gouvernementale pour cartographier la Confdration, suivi en
1857 par larrive du gologue Hermann Burmeister 2250 . Mais avant ces dates, le
2246
Deuxime partie
Chapitre VI
Cf. BOSCH Beatriz, En la confederacin argentina, 1854-1861, Buenos Aires, Eudeba, 1998,
pp. 189-221 ; GONZALEZ BOLLO Hernn, Una tradicin cartogrfica fsica y poltica de la
Argentina, 1838-1882 , in Ciencia Hoy [en ligne], Buenos Aires, vol. 8, n 46, mai-juin 1998.
URL : http://www.ciencia-hoy.retina.ar/hoy46/cart01.htm. En 1850, il est fait allusion deux
cartes du ro Uruguay et de la lagune de lIber en possession de Pimenta Bueno, alors prsident
de la province du Rio Grande do Sul, que V.S. tem levantado [], trabacho que deve ser de
summa importancia , crit un correspondant de Bonpland Porto Alegre ; AMFBJAD n 746, F.
de Normann Bonpland, Porto Alegre, 14 mai 1850.
2252
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 21 dcembre 1831 ; AMFBJAD n
1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 13 octobre 1832 ; AMFBJAD n 1711, voyage de So
Borja Corrientes, 18 septembre 1836 ; AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires
Concordia, 10, 15 et 16 mars 1837.
572
Deuxime partie
Chapitre VI
premire moiti du XIXe sicle 2253 , aux cts de ceux de dOrbigny, Darwin,
Muiz et Parish, aprs une priode de prs de trois sicles durant laquelle une
demi-douzaine de fossiles peine sont mis jour 2254 . Surtout, ses recherches
gologiques connaissent une divulgation scientifique en Europe grce louvrage
dAlfred Demersay traitant du Paraguay, publi entre 1860 et 1865, dans lequel
les manuscrits du Rochelais sont trs exploits 2255 . Outre lapport complmentaire
aux travaux cits, Bonpland offre une contribution non ngligeable aux rudits et
aux dirigeants rioplatenses. Pourtant, ceux-ci attendent larrive des Martin de
Moussy, Burmeister et Marbais du Graty pour fonder une tradition scientifique
dite nationale .
2253
573
Deuxime partie
Chapitre VI
Source : OTTONE Eduardo Guillermo, The French Botanist Aim Bonpland and Paleontology
at Cuenca del Plata , in Earth Sciences History, vol. 21, n 2, 2002, pp. 150-165.
574
Deuxime partie
Chapitre VI
3. Le rgne animal
Avec le troisime et dernier rgne de lhistoire naturelle, nous abordons
sans conteste le travail le moins abouti de Bonpland. Bien que ntant pas un
spcialiste, il ne traite pas ce domaine avec la mme rigueur que la minralogie.
Sauf quelques rares exceptions, les animaux figurent de manire anecdotique dans
ses journaux ; ils font en quelque sorte partie du paysage. La rcollection en ce
domaine sapparente davantage des parties de chasse qu une tude raisonne.
En effet, les archives de Bonpland contiennent un nombre non ngligeable de
rfrences au rgne animal, mais parmi celles-ci trs peu sont approfondies, ne
contenant le plus souvent que les numrations des prises, sans descriptions plus
toffes 2256 . La collecte se ralise ttons, dautant plus que le terrain est en voie
dpuisement, le commerce priv des espces exotiques, fournissant autant les
particuliers que les institutions publiques europens, supple efficacement les
recherches des naturalistes. Cependant, lomission la plus surprenante concerne
ltude humaine. Il nexiste quasiment aucun tmoignage dun intrt port envers
lethnologie, pourtant en plein essor durant la premire moiti du XIXe sicle, la
Socit dethnologie de Paris saffranchissant de la tutelle de la Socit
dArchologie en 1839. Autant dabsences pouvant sexpliquer par la faiblesse de
la demande scientifique autant amricaine queuropenne.
2256
Par exemple lorsquil abat un grand nombre doiseaux dont un aigle, un turpial, deux espces
de canards, dhirondelles et de charpentiers, trois tourterelles, des perruches et des cardinaux ;
AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 16-18 octobre 1832.
2257
AMFBJAD n 2044, journal, 28-29 aot, 8 septembre 1819.
575
Deuxime partie
Chapitre VI
2258
Aussi espre-t-il quelle sera place dans le riche cabinet de pices danatomie
compare au quel la science doit la plus grande partie Monsieur Cuvier 2260 .
2258
AMFBJAD s. n., s. d. Lallusion au rcent sjour de dOrbigny laisse penser que la lettre
est adresse en 1837 de Buenos Aires, puisquelle semble tre une rponse une demande, voire
un reproche de ses interlocuteurs franais. Il pourrait sagir vraisemblablement dune lettre crite
suite au rcpiss des caisses danimaux envoyes en 1832, alors que dOrbigny tait pass
Buenos Aires quatre ans auparavant. En 1860, linventaire bauch par Bonpland nest pas
ralis ; Azara fait encore figure de rfrence incontournable pour qui dsire connatre cette partie
de la faune rioplatense ; cf. DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, pp. 255-256.
2259
Paul Gervais poursuit dans lavertissement de ce tome : elles rduisent de beaucoup la part
des dcouvertes qui nous taient rserve, et quil ne nous reste plus qu glaner l o nous aurions
pu moissonner aisment. [] Beaucoup dentre elles [] sont actuellement vulgaires dans les
collections et mme dans le commerce ; ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome IV, 4e partie,
Mammifres, 1847, p. 8.
2260
AMFBJAD n 319, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832 ; AMFBJAD n 278,
Bonpland au Directeur du Musum Royal dhistoire naturelle, Buenos Aires, 5 janvier 1837.
576
Deuxime partie
Chapitre VI
Or, entre 1835 et 1847 le terrain est, compte tenu des connaissances scientifiques,
quasiment dpouill 2261 .
Dun point de vue mthodologique, peu davances sont constater, les
ouvrages de Lamarck et Cuvier faisant loi encore dans les annes 1830 et
1840 2262 . Les principales avances ont donc lieu sur le terrain, quantitativement.
A cela sajoute en Europe lessor du commerce danimaux exotiques. Il sagit
dun phnomne rcurrent dans lhistoire des sciences, lorsque le collectionnisme
priv lemporte sur la divulgation publique, et bnficie dune impulsion
nettement plus favorable, lie essentiellement laspect financier. Bonpland sen
plaint, Jean Lacour, lempailleur quil emploie de 1832 1833, lui cotant 60
francs par mois ; il promet en 1838 de continuer alimenter le Musum royal 2263 ,
mais face la concurrence prive et labsence de rponses de la part du
Musum, son activit en la matire diminue irrmdiablement. Aux pertes dues
aux alas du transport tous les oiseaux envoys en 1832 parviennent en mauvais
tat, lui crit-on de manire peu agrable sajoute la mauvaise gestion des
spcimens parvenus en bon tat 2264 . La description minutieuse dun tatou noir ou
del monte quil voit pour la premire fois So Joo Mini sur les quatre espces
2261
Deuxime partie
Chapitre VI
le rebaptise. Aprs cette date il reste encore dire puisque Pierre Vavasseur publie
une note ce propos en 1858 2267 .
daprs leurs noms guaranis, sans tre en mesure de les comparer avec dventuels
types.
Or, Bonpland demeure dans lignorance du contenu des publications
comme des besoins spcifiques inhrents aux institutions europennes. Il fournit
aussi des particuliers au Ro de la Plata gratuitement, l encore en vertu de la
sociabilit naturaliste qui le caractrise. Le don le plus important est destin en
2267
BROWNE Janet, Une science imprialiste : lhistoire naturelle britannique et les voyages
dexploration de Banks Darwin , in BLANCKAERT Claude, COHEN Claudine, CORSI Pietro,
FISCHER Jean-Louis (coord.), op. cit., p. 202 ; VAVASSEUR Pierre, op. cit.
2268
notre premier soin fur de vrifier ses allgations dont plusieurs, en Europe, taient regardes
comme fabuleuses. Ayant toujours considr cet crivain comme un observateur aussi exact que
consciencieux de tous les animaux quil a vus, nous reconnmes bientt [] que nous ne nous en
tions pas le moins du monde exagr le mrite [] Nous navons pas besoin dajouter quAzara
nous a toujours servi de guide , ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome IV, 3e partie, Oiseaux, 18351844, pp. 1-2.
2269
AMFBJAD n 287, Bonpland A. M. C. Dumril, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
2270
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, fvrier 1832.
578
Deuxime partie
Chapitre VI
1832 Pedro de Angelis auquel il offre 120 spcimens doiseaux, presque autant
que le nombre remis la mme date au Musum. Au cours des annes 1840, il
fournit en moindre quantit le ministre plnipotentiaire britannique Mandeville.
La grande mixit observe entre les secteurs privs et publics est caractristique
de cette science. Celle-ci avance ttons, pareillement aux autres branches des
sciences naturelles, mais la diffrence rside ici dans la mthode employe pour
recueillir les chantillons. Si Bonpland investit dans sa collection doiseaux, qui
compte 60 exemplaires en juin 1832, la manire de procder est quant elle
significative dun ttonnement certain :
je tue et jempaille tout ce que je trouve. le choix se fera aprs et agissant
de cette manire, on rencontre toujours des oiseaux rares.
2271
Les rsultats des chasses sont donc souvent rptitifs, et de moins en moins
conformes aux avances des connaissances, surtout si lon compare ses moissons
avec celles de dOrbigny, presque quatre fois suprieures 2272 .
Lexpectative dans laquelle il se trouve lamne rapidement abandonner
ce domaine trop coteux. En 1832 lengagement de Lacour, dont le but avou est
dobtenir les oiseaux dcrits par Azara, lui permet de rassembler 153 spcimens
dune cinquantaine despces diffrentes. Bonpland ne cache pas sa dception au
vu du peu doiseaux rassembls ; il fait rejaillir sur linsouciance et la
paresse de son prparateur cet chec. En 1837, lenvoi est plus considrable
puisquil consiste en 252 oiseaux appartenant 119 espces diffrentes provenant
du Paraguay, du ro Uruguay, des Missions et de la province de Corrientes, en
plus de quelques reptiles et mammifres. Au total, la premire collection de 1832
est rapidement constitue, au bout de trois mois, et le second envoi effectu en
1837 aprs quinze mois de travail offre de laveu de son auteur peu dintrt,
hormis celui de la localit. En effet Bonpland ne sait comment valoriser ses
collections, et se montre trs prudent concernant sa pertinence ; il rpte quil
espre que ses envois ne soient pas dsapprouvs et offrent quelque intrt ; il se
justifie mme en expliquant son choix de considrer ces oiseaux sous le point de
2271
2272
579
Deuxime partie
Chapitre VI
vue de la localit et en tirer tout le parti possible 2273 . Bien quil promette en
1837 le prochain envoi dune autre caisse, et en prvoit mme un autre par la
suite, Bonpland arrte de fait ses expditions cette date. Au final, le temps
employ cette collection savre extrmement court, et surtout le travail sarrte
ds 1837, quelques dons tant effectus des particuliers aprs cette date,
manant peut-tre de spcimens originellement destins au Musum, montrant le
glissement dun intrt public une proccupation essentiellement prive. Dans
ce domaine, lapport de Bonpland est un chec.
2277
Deuxime partie
Chapitre VI
2278
La seconde phase dite de nation civilise couvre la seconde moiti du XIXe sicle, lorsque
civiliser signifie liminer ; cf. QUIJADA Monica, Anctres, citoyens, pices de Muse :
anthropologie et construction nationale en Argentine (seconde moiti du XIXe sicle) , in
LEMPERIERE Annick, LOMNE Georges, MARTINEZ Frdric, ROLLAND Denis (coord.)
LAmrique latine et les modles europens, Paris, LHarmattan, 1998, p. 245 ; cf. aussi du mme
auteur, Qu nacin? Dinmicas y dicotomas de la nacin en el imaginario hispanoamericano
del siglo XIX , in GUERRA Franois-Xavier, QUIJADA Mnica (coord.), Imaginar la nacin,
numro monographique des Cuadernos de historia latinoamericana, n 2, 1994, pp. 15-51.
2279
Cf. GERBI Antonello, op. cit.
2280
Cf. PIVETEAU Jean, Limage de lhomme dans la pense scientifique, Paris, OEIL, 1986, pp.
22-34.
2281
Dans un rapport de lAcadmie des Sciences, Bonpland relve que dOrbigny observe que
lEspce humaine suit la mme proportion que les plantes c.a.d. quils sont plus petits en raison de
leur levation sur le niveau de la mer. , AMFBJAD n 1703, voyage de So Borja dans la
province de Corrientes, 19 aot 1834.
2282
Ou moins communment, une Chaquea ge de 140 ans ; AMFBJAD n 1736, journal,
Corrientes, 26-28 septembre 1840.
2283
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, Pay Ouvr, 31 dcembre 1831.
581
Deuxime partie
Chapitre VI
Seuls les Guaranis, en tant que nation ayant jou un grand rle avant et
aprs la conqute 2284 , retiennent quelque peu son attention. Dans ce cas, il recourt
essentiellement aux sciences du langage. Lorsquil entre en possession de la
relation de voyage de Saint-Hilaire, un seul aspect de celle-ci retient positivement
son attention, la prsence de noms guaranis
qui justifient les ides que je me suis form ds le Paraguay de limmense
tendue de cette nation. On trouve positivement des traces de lexistence
des Guaranys jusque dans la Guyane franaise et le jour ou je reverrai les
noms des diverses habitans ou tributs de lOrnoque dont nous avons pris
des noms il me sera facile de juger si la nation Guarany sest tendue
jusque dans ce dernier endroit.
2285
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Thodore-Jules Ernest,
op. cit., p. 87.
2285
AMFBJAD s. n., Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 12 juillet 1832.
2286
Coleccin de obras y documentos relativos a la historia antigua y moderna de las Provincias
del Ro de la Plata, Buenos Aires, Imprenta del Estado, 1836-1837, 6 vol.
2287
AMFBJAD n 412, A. Boissiere Bonpland, Rio de Janeiro, 20 octobre 1832 ; AMFBJAD n
1712, Buenos Aires, Annotations diverses, novembre 1836.
2288
DARWIN Charles, op. cit., tome I, pp. 52, 115-116.
2289
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 21 dcembre 1831.
2290
AMFBJAD n 1710, voyage de lautre ct du Camacua, 23 aot 1836.
582
Deuxime partie
Chapitre VI
CONCLUSION
Les travaux dhistoire naturelle rioplatense dAim Bonpland sont de
valeur ingale et suivent diffrents rythmes. Leur destination varie en fonction de
lemploi dcid par Bonpland. La minralogie est essentiellement destine
alimenter les fonds publics, tandis quau contraire les spcimens du rgne animal
sont assez rapidement mis entre les mains de bnficiaires privs. Les apports
botaniques sont mixtes, mis la disposition de la divulgation et de lconomie
prive. Outre quil sagit de contribuer clairer un travail de terrain mconnu, les
cadences de ce travail sont mieux apprhendes. Le rythme gnral des travaux de
Bonpland peut tre divis en quatre phases. La premire, de 1817 1821, est trs
intense autant quantitativement que qualitativement ; elle correspond aux projets
de grandes expditions. Les trois rgnes sont tudis avec rigueur, bien que la
botanique soit privilgie, comme lors des tapes suivantes. Elle se prolonge
jusquen 1832, deux annes aprs la parenthse scientifique paraguayenne qui en
constitue la seconde phase, caractrise par sa strilit. Entre 1832 et 1849, la
troisime phase marque la fin des grands projets sud-amricains et la dcroissance
de lactivit scientifique qui se poursuit jusquau voyage Porto Alegre.
Ainsi, des pans entiers de lhistoire naturelle rioplatense demeurent
confins au sein darchives prives et non exploites. La botanique est la premire
science en ptir, rapidement rejointe par le rgne animal, qui est trs peu
reprsent, tardivement exploit et rapidement abandonn. Aprs un grand vide
dans les annes 1840, le voyage Porto Alegre lui permet de connatre un regain
dactivit. A partir de 1849 et jusquen 1858, on assiste la recrudescence dun
2291
Les limites de la rflexion ethnologique du Franais sont contenues dans son questionnement
concernant lemploi dune certaine catgorie de terre afin de teindre les poteries. A ce sujet, il se
demande Comment des hommes sans aucune espce dinstruction ont-ils pu parvenir faire une
decouverte qui seule ferait la reputacion dun de nos chymistes , AMFBJAD n 1728, journal,
voyage Santa Luca, 21 janvier 1840.
583
Deuxime partie
Chapitre VI
PF
2292
584
CONCLUSION
Cf. MARTINIERE Guy, Crear una universidad nueva en una ciudad media. El caso de la
Universit de la Rochelle , in RU&SC, Revista de Universidad y Sociedad del Conocimiento, vol.
4, n 2, octobre 2007, pp. 49-60.
2294
A propos du contexte social dmergence des recherches, cf. WAAST Roland, Lmergence
de communauts scientifiques , in WAAST Roland (d.), La construction de communauts
scientifiques : Afrique, Asie, Amrique latine, s. l., ORSTOM/Bondy, 1992, pp. 8-10.
Deuxime partie
Conclusion
2295
Cf. FOX Robert, WEISZ George, The Organization of Science and Technology in France,
1808-1914, Cambridge, Cambridge University Press, Paris, Maison des Sciences de lHomme,
1980. Concernant la botanique, cf. HEADRICK Daniel R., Botany, Chemistry, and Tropical
Development , in Journal of World History, vol. 7, n 1, printemps 1996, pp. 1-20.
2296
BASALLA George, op. cit.
585
Deuxime partie
Conclusion
2297
En Europe, le dveloppement des cabinets de curiosit permet la cration des muses dhistoire
naturelle. Quen est-il en Amrique et plus particulirement au Ro de la Plata ? Quelles lieux
privs sont susceptibles de favoriser lmergence de lhistoire naturelle ?
2298
RASSE Paul, La rencontre des mondes. Diversit culturelle et communication, Paris, Armand
Colin, 2006.
586
UNIVERSIT DE LA ROCHELLE
COLE DOCTORALE
Socits, cultures, changes
Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
THSE
prsente par :
Cdric CERRUTI
JURY
Jean-Paul DUVIOLS
Pilar GONZLEZ BERNALDO
Guy MARTINIRE
Didier POTON
Jacques SOL
Michel VAN-PRAT
Volume 3
TROISIME PARTIE
ENTRE NATURALISME ET
AMERICANISME : LMERGENCE DE
CENTRES DE CULTURE SCIENTIFIQUE
PR-AMRICANISTES
INTRODUCTION
Cf. DHOMBRES Nicole et Jean, op. cit., pp. 74-88 ; ROLLAND Anne-Solne,
MURAUSKAYA (dir.), Les muses de la nation. Crations, transpositions, renouveaux. Europe,
XIXe-XXIe sicles, Paris, LHarmattan, 2008 ; ROLLAND Anne-Solne, MURAUSKAYA (dir.),
De nouveaux modles de muses. Formes et enjeux de crations et rnovations de muses en
Europe. XIXe-XXIe sicles, Paris, LHarmattan, 2008.
2300
POULOT Dominique, Histoire de la raison patrimoniale en Europe, XVIIIe sicle-XXIe
sicles, Paris, Lahic, 2004.
2301
Cf. CHALINE Jean-Pierre, Sociabilit et rudition en France, Paris, CTHS, 1995.
Troisime partie
Introduction
patrimonialisation des cultures travers les sociabilits qui les cultivent et les
savoirs qui sy prouvent 2302 , nous souhaitons reconstituer les logiques qui guident
les fondations et les transferts des centres de culture scientifique. Transfrer un
laboratoire, un savoir et une tradition scientifique, cest aussi transfrer un
discours et une idologie. Or, la construction de cette idologie matrielle dans le
Ro de la Plata se ralise difficilement, les attitudes des dirigeants rioplatenses
variant et se contredisant face llaboration des centres de culture scientifique,
les centres dhistoire naturelle en particulier. Tulio Halpern Donghi et Miguel de
Asa expliquent quentre 1800 et 1820 les priorits sont dordre militaire 2303 .
Quant au processus de patrimonialisation, qui est encore un terrain de recherche en
friche, il demande tre replac dans une perspective moyen terme tel que le
fait Dominique Poulot 2304 permettant de mieux comprendre les prmices de la
politique scientifique indpendantiste rioplatense.
En effet, la demande scientifique europenne et ce que propose Bonpland
en 1817 est essentiellement fonde sur un projet naturaliste dinventaire du
monde. Or, la demande rioplatense repose sur des priorits dordre pratique ; le
projet scientifique ny est pas guid par la patrimonialisation mais par la
construction nationale. Avec Bonpland, la piste suivie nous mne vers une histoire
du pr-amricanisme, car les objectifs scientifiques divergents et les rseaux
transatlantiques fragiles freinent la cration dun champ dtude gocentr. Dans
ce contexte entre naturalisme et amricanisme, le projet scientifique de Bonpland
est-il adaptable et peut-il permettre lmergence dune excellence scientifique la
priphrie ?
Loriginalit du savant franais est de porter aussi avec lui un projet
conomique quil tente de faire concider avec loffre et la demande scientifique
transatlantique. Dans un premier chapitre nous analyserons comment on passe
avec Bonpland du chercheur lentrepreneur, le botaniste tentant dappliquer ses
recherches aux ralits conomiques rioplatenses. Il ne sagit pas dacculturation
puisquil porte ce projet ds son dpart pour Buenos Aires, mais dadaptation
puisquil tente dabord de dupliquer le modle du Jardin des Plantes Buenos
2302
POULOT Dominique, op. cit. ; POULOT Dominique, Une histoire des muses de France,
XVIIIe-XXe sicles, Paris, La Dcouverte, 2005.
2303
HALPERIN DONGHI Tulio, Historia de la Universidad de Buenos Aires, Buenos Aires,
Eudeba, 1962, pp. 20-21, 26 ; ASUA Miguel de, La ciencia de Mayo. La cultura cientfica en el
Ro de la Plata, 1800-1820, Buenos Aires, FCE, 2010, pp. 34-48.
2304
POULOT Dominique, Muse, nation, patrimoine, 1789-1815, Paris, Gallimard, 1997.
591
Troisime partie
Introduction
592
CHAPITRE VII
Des thories naturalistes aux
pratiques amricanistes : de nouveaux terrains
dapplication (1817-1858)
INTRODUCTION
Cest la priphrie des proccupations scientifiques que les sources se
rvlent les plus abondantes. Les journaux de mdecine, les relevs de compte, la
correspondance caractre conomique ou mdicinale reprsentent en effet la
majorit du corpus. En mettant en relief divers domaines de la recherche
applique lconomie et la mdecine, elles font partie depuis un sicle des
proccupations rcurrentes des chercheurs bonplandiens 2305 . Ces sources
2305
Le premier utiliser les archives dAim Bonpland pour en tudier les aspects spcifiquement
mdicaux est son petit-fils Pompeyo, dans le cadre dune thse de doctorat de mdecine prsente
la Facult de Buenos Aires en 1909. Ce nest quen 1985 quAndrs Ivern, entr en possession
de lessentiel des journaux mdicaux de Bonpland, dbute une remise en perspective de cet
aspect hlas inacheve ; en 1989 une quipe franco-argentine compose dHenri Boisvert et
Abelardo Saenz lvoque de nouveau. Il faut attendre les annes 1940 pour que les Argentins
commencent sintresser aux aspects conomiques de la vie du botaniste, notamment grce une
srie darticles publis dans le journal porteo La Prensa par Alberto Palcos. En 1949, Fernando
A. Coni Bazn dite le rapport rdig un sicle plus tt par Bonpland pour Juan Pujol et visant
rationaliser lexploitation des yerbales. Mais peu est retenir jusquaux annes 1990, lorsque
Stephen Bell dbute une srie dinvestigations sur les activits conomiques du Rochelais en
Amrique du Sud. A linverse de Humboldt, beaucoup cit mais peu tudi jusquau travail de
Charles Minguet, Bonpland demeure beaucoup tudi mais trop peu cit, ou plus exactement ses
archives trop peu utilises, laspect pittoresque du personnage tant le plus souvent privilgi. Cf.
BONPLAND Pompeyo, Fragmento del diario mdico de Amado Bonpland, thse doctorale,
Buenos Aires, Facultad de Ciencias Mdicas, 1909 ; ANDRADE C. Selva, Desdichada Historia
de Bonpland, el Sabio Francs que Plant Yerba Mate en Misiones , in El Sol de los Domingos,
Buenos Aires, 31 mars 1940, s. p. ; PALCOS Alberto, Bonpland en Argentina. Cambio de
Troisime partie
Chapitre VII
Troisime partie
Chapitre VII
595
Troisime partie
Chapitre VII
A. DU CHERCHEUR A LENTREPRENEUR
Praticien plutt que thoricien, voyageur devenant migrant, choisissant au
fil de cette expatriation de se faire colon plutt que commerant, le personnage
revt des attributs la croise des cultures transatlantiques. Il sagit dabord de
savoir pourquoi le voyageur devient-il entrepreneur. La premire cause rside
dans son dsir de retourner en Amrique afin dy concrtiser une entreprise
conomique autant que scientifique. Ds les premiers mois suivants son arrive en
France en compagnie dAlexandre de Humboldt, la fin de lanne 1804,
Bonpland fait part ses proches de deux souhaits majeurs :
partager votre vie champtre ou retourner voir les sauvages de
lOrnoque, de la rivire des Amazones, est tout ce que je dsire dans ce
monde
2306
Le naturaliste vient alors dessuyer une svre dsillusion, car le Jardin des
plantes lui a refus un poste de voyageur naturaliste, par manque de fonds. Aussi
soriente-t-il peu peu vers un projet davantage conomique. Lide mrit alors
quil travaille au service de limpratrice Josphine. Affect lintendance des
domaines de Malmaison et de Navarre, Bonpland prend en charge un travail
exprimental dacclimatation des vgtaux pour lequel il bnficie du meilleur
matriel dEurope. Cependant la matire premire nest pas constitue de
vgtaux commercialisables et les capitaux sont engloutis dans une industrie de
luxe, lornementation. Dailleurs plus sensible au mcnat quaux entreprises,
Josphine fournit pareillement les membres insistants de la haute classe impriale
et les reprsentants des grandes institutions scientifiques, tous aussi presss
dobtenir les prcieux ssames. Bonpland quant lui entrevoit les dbouchs
commerciaux de lacclimatation ; la botanique lamne lagriculture. Il compte,
grce son savoir-faire et un petit capital, organiser un tablissement agricole
quelque part dans lAmrique espagnole :
Si je russis dans mes projets, aprs huit ou dix ans, je puis tre au-dessus
de toute espce de besoin [] Jai mnag un peu dargent depuis deux
ans [...] et il serait trs probable que je mette tous mes ufs dans le
2306
Bonpland Gallocheau, Paris, 19 avril 1805, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., pp.
17-18.
596
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Chapitre VII
2307
2308
2309
Quand il part, Bonpland est lucide vis--vis des offres scientifiques qui lui sont
faites, et ne prfre pas compter seulement avec elles. A Paris, il nest pas encore
rattach lAcadmie des Sciences en tant que correspondant. Lentreprise est
donc foncirement base sur la mise en pratique des connaissances du naturaliste
europen, au service de ses propres intrts conomiques. Entre le voyageur
naturaliste et lhomme daffaires la frontire disparat totalement ; Bonpland
devient son propre matre : lui de rechercher quelles matires premires peuvent
lui tre profitables.
Troisime partie
Chapitre VII
2311
2310
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2315
2312
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Chapitre VII
A Corrientes en 1832, il relve les bois les mieux adapts pour construire
les meilleurs navires. Linventaire revt parfois un caractre obsessionnel lorsque
par exemple, sjournant Buenos Aires en 1837, il note quun chne dress la
Recoleta pourrait fournir dexcellentes planches 2316 Au del de lanecdote, ses
observations montrent comment le chercheur souhaite changer la place du rgne
vgtal dune dialectique de la raret vers son utilisation industrielle alimentant la
grande consommation. Aussi tudie-t-il par exemple soigneusement les plantes
servant la fabrication de la lessive afin den amliorer la composition 2317 .
Si un tel programme de recherche nest pas nouveau, sa mise en uvre
savre en revanche difficile. Traditionnellement, la narrative naturaliste sappuie
sur une divulgation des plantes rares et utiles conclue par un plaidoyer en faveur
de leur utilisation ; les ouvrages de Saint-Hilaire illustrent laboutissement du
processus 2318 . La similitude des objectifs est dailleurs frappante entre les deux
compatriotes la lecture dune lettre adresse par Saint-Hilaire au ministre de
lIntrieur, le 12 janvier 1815, afin dobtenir un financement pour son voyage :
Le Brsil encore peu connu des naturalistes, promet leurs recherches
une moisson abondante. Plusieurs plantes propres la teinture croissent
dans cette rgion et pourraient tre facilement introduites la Guyane
franaise.
2319
Troisime partie
Chapitre VII
2321
Thorndike lui parle avec enthousiasme de ce bois rput pour sa raret et sa valeur. Or,
Bonpland nen a aucune connaissance et ce mot na aucune signification en guarani. Aussi ne
donne-t-il pas de crdit linformation. Ces deux renseignements recueillis Buenos Aires
confirment dune part lexprience acquise par Bonpland, dautre part limportance des voyages
effectus dans les capitales ; AMFBJAD n 1712, Buenos Aires, annotations diverses, novembre
1836.
601
Troisime partie
Chapitre VII
HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 83 ; AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt,
Buenos Aires, 7 mai 1832.
2323
Par exemple un ouvrage de Mathieu Bonafous sur le mas ou un rapport de la socit
dagriculture de Caroline du Sud sur le coton. Bonpland copie des articles sur la distillation,
lextraction de lhuile de ricin, la fabrication de lessive ou de suif, le tannage, et cite
lexemple dun scientifique qui, par une lettre envoye lAcadmie des sciences sur un nouveau
procd de fabrication de papier, fixe sa proprit de cette decouverte ; AMFBJAD n 1691,
1697, 1701, 1744 ; MNHN, ms 209.
2324
Le bois de cet arbre qui sapparente lbne est trs recherch par fabricants de meubles ; ses
fruits sont utiliss par les chapeliers et les teinturiers car ils fournissent une belle couleur noire ;
AMFBJAD n 1919, Contrat dassociation, 1818 ; AMFBJAD n 1920-1932, expriences sur le
tannage, 1818-1819 ; AMFBJAD n 2044, journal, 1819 ; AMFBJAD n 1719, voyage de
Concordia Curuz Cuati, 8 mai 1837.
602
Troisime partie
Chapitre VII
Troisime partie
Chapitre VII
son estancia de Santa Ana sur la base dune demande locale 2331 . Lutilisation de
son bagage scientifique permet donc Bonpland dimpulser des activits
conomiques sans apport financier important, dans la mesure o celles-ci se
fondent sur une rciprocit associative. Elles sappuient en outre sur ladquation
entre llargissement de son rseau et la demande conomique.
Embellie ou marasme ?
Cependant, laccs aux connaissances intellectuelles, empiriques et
humaines est soumis aux alas politiques. La rsonance naturaliste insiste sur des
facteurs structurels empchant au commerce et donc la civilisation librale
de se dvelopper librement, aggravs par une conjoncture dfavorable. En effet,
les tentatives des lites rioplatenses pour crer les structures dun difice
conomique stable ne rsistent pas aux dpenses politiques gnres par les
conflits, ce qui nous oriente vers une interprtation conjoncturelle 2332 . Les checs
de Bonpland dans le domaine conomique sexpliquent essentiellement par
linstabilit politique rioplatense. Cette instabilit nest pas structure par un
obscurantisme prolong comme se plaisent lcrire les voyageurs de passage. La
ralit est plus complexe, les phases dembellie et de marasme alternant. Sur ce
point, les tentatives conomiques de Bonpland nous clairent quant aux causes qui
empchent lessor conomique continu de la rgion misionera. Linsistance de
Bonpland dans cette zone en rvle le potentiel et les limites.
Jusquen 1810, la route des Missions ne figure pas parmi les principales
routes commerciales du Ro de la Plata. En effet, la seule voie commerciale
existante au Nordeste remonte les ro Paran et Paraguay de Buenos Aires jusqu
Asuncin. Aprs lindpendance, cette route sarrte Corrientes, aux confluents
du Paran et du Paraguay tandis quune seconde route souvre le long du ro
Uruguay jusqu Salto 2333 . Le projet de Bonpland esquiss entre 1817 et 1821
2331
AMFBJAD n 1691, journal, sjour Buenos Aires, mars 1832 ; AMFBJAD n 1697, journal,
sjour Buenos Aires, aot 1832 ; AMFBJAD n 1715, sjour Buenos Aires, janvier 1837 ;
AMFBJAD n 1741, voyage de Montevideo Corrientes, Salto, 20 fvrier 1841.
2332
Cf. SCHMIDT Roberto, El comercio y las financas pblicas en los Estados provinciales , in
GOLDMAN Noem (dir.), op. cit., pp. 125-157.
2333
Cf. annexe n 12, pp. 957-958.
604
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2334
2334
Bonpland Gigaux, Buenos Aires, 1er dcembre 1836, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op.cit., p. 100.
2335
Celui de Joseph Ingres notamment, qui approfondit ce constat la rpublique uruguayenne
juge enfin tranquille, et profitant de la fin des conflits internes Frutos est sous la remise et
incapable dit on de se relever crit-il pour prosprer. Beln et Salto saccroissent
proportionnellement la dcadence de la province de Rio Grande. On espre viter la contagion :
le gouvernement oriental observe la plus grande neutralit avec ses voisins, et je pense que cest
la guerre la plus dsastreuse quil puisse faire au Brsil . Ingres est loin dtre rassur, malgr les
assurances que donne le Rgent dans son discours douverture des Chambres du 3 mars 1836, dans
lequel il se dclare prt tous les efforts possibles pour terminer promptement la sdition de Porto
Alegre ; AMFBJAD n 614, J. Ingres Bonpland, Salto, 10 juillet 1836.
605
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2340
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une
situation
nfaste
aux
investissements,
le
second
infirme
2341
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2345
En 1824, Lucas Alaman fait cho de cet tat desprit lauteur : Cest par vos lumineux
ouvrages que lon peut se former une ide de ce que le Mexique deviendrait sous une bonne
constitution, puisquil possde lui-mme tous les lments de prosprit. La nation entire est
pntre de gratitude pour vos travaux, qui ont fait connatre au monde tout ce quelle est capable
de devenir , cit in DUVIOLS Jean-Paul, MINGUET Charles, Humboldt. Savant-citoyen du
monde, Paris, Gallimard, 1994, pp.78-79 ; cf. SANCHEZ GUILLERMO Evelyne, Lindustrie
mexicaine vue par les voyageurs europens du XIXe sicle et SECRETO Maria Vernica,
Voyageurs des frontires : regards ports sur lArgentine et le Brsil pendant le XIXe sicle , in
BERTRAND Michel, VIDAL Laurent (dir.), A la redcouverte des Amriques. Les voyageurs
europens au sicle des indpendances, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2002, pp. 207222 et 223-230.
2346
Lexpression est formule par SECRETO Maria Vernica, op. cit., p. 230.
2347
Carlos Ferraris (1793-1859), pharmacien italien, participe en 1821 au mouvement des
carbonari et doit sexiler Bruxelles. Il est alors approch par Carta Molino et Rivadavia pour
prendre la direction du cabinet de physique de Buenos Aires. Arriv en 1826, il se consacre
principalement au Muse dhistoire naturelle. La prsidence de Rosas signifiant une baisse du
608
Troisime partie
Chapitre VII
Bonpland entre dans ce second groupe la fois comme savant et exil politique,
ses sympathies bonapartistes layant pouss vers les nouvelles nations
amricaines. Ce groupe se situe sur la frontire sparant le voyageur de limmigr,
et ladministrateur public de lentrepreneur. Ces limites savrent souvent tnues
car limmigration senvisage souvent comme une tape dtermine dans le temps,
et beaucoup se voient obligs exercer une activit duale au service de lEtat et
pour leur propre compte, afin de palier les carences publiques. LItalien Ferraris,
quoique directeur du Muse bonaerense, vit de son entreprise pharmaceutique
associ Antonio Demarchi 2348 . Les initiatives conomiques qui en dcoulent
sont donc selon les cas profitables lconomie locale ou aux conomies
europennes, selon le mode de diffusion dont ils bnficient et selon lien
entretenu entre le monde scientifique et le dveloppement conomique.
Les limites sont plus tranches ds lors que lon sintresse aux
investisseurs privs. La plupart dentre eux disposent de qualifications acquises en
Europe et appliques dans le Nouveau Monde, leur permettant de se situer hors de
la catgorie des aventuriers dnigrs par Bonpland. Bien que mdecins,
ngociants ou typographes, ils se dfinissent avant tout comme des proltaires, ce
que confirment leur grande facult dadaptation et leur nomadisme. Lors de son
passage Corrientes, dOrbigny est accueilli par Brard, devenu en 1827 un
cultivateur ayant russi faire prosprer une chacra 2349 . En aot 1834, Bonpland
lui rend visite et complte cette figure de lentrepreneur :
Ainsi que beaucoup detrangers qui se trouvent en Amrique Mr Brard
se livre des travaux quil ignorait en Europe, ou dont il navait, au
moins, que des notions thoriques. Nanmoins dans les oprations que je
lui ai vu faire sur le rafinage du sucre toutes ont t faites daprs les
rgles de lart
2350
Ces prcisions chappent des voyageurs parfois expditifs dans leurs jugements.
Saint-Hilaire explique quant lui la prosprit des Europens ngociant Rio
budget, il prsente une premire fois sa dmission en 1836 ; celle-ci tant refuse il quitte
dfinitivement lArgentine en 1842.
2348
LASCANO GONZALEZ Antonio, op. cit., p. 54.
2349
Cf. ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835, pp. 116-117.
2350
AMFBJAD, n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
609
Troisime partie
Chapitre VII
Grande avec mpris, leur fortune rapidement acquise tant due aux richesses
naturelles moins qu leur travail 2351 .
Il nen est rien, les tmoignages montrant au contraire les nombreuses
difficults rencontres par des Europens handicaps par leur nationalit.
Limprimeur Pomatelli, install Porto Alegre, explique son besoin de partir pour
Buenos Aires par une opposition aux trangers ne lui permettant pas de soutenir la
concurrence, ni le gouvernement ni le parti au pouvoir ne remdiant ces
difficults. Il envisage une reconversion dans la fabrique de bois et la manufacture
de manioc, riz et yerba ; il envisage aussi de faire travailler son pouse pour
assurer lavenir de ses quatre enfants 2352 . Ses changements de domicile entre
Pelotas, Porto Alegre et Buenos Aires dmontrent un nomadisme et une flexibilit
comparables celle dHyppolite Bacle 2353 qui fait part de son intention de quitter
Buenos Aires pour exercer sa profession de typographe au Chili ou en Bolivie
avec profit 2354 . Le mdecin anglais Wilham en est un autre exemple. Il dlaisse
lexercice de la mdecine Buenos Aires, suite aux inimitis des mdecins
porteos, pour se consacrer llevage de mrinos Concordia. Tous ne sont pas
aussi flexibles que ces dames Chabot commerant en pleine guerre civile
brsilienne dun camp lautre ; aprs avoir tent fortune Corrientes, Henry
Symonds est prt retourner en Angleterre aprs avoir beaucoup perdu dans la
province 2355 . Sans appuis, peu rsistent dans un contexte minemment instable.
2351
SAINT-HILAIRE Auguste de, Viagem ao Rio Grande do Sul (1820-1821), So Paulo, Itatiaia,
1974 (1884), p. 58.
2352
AMFBJAD n 777, 780, F. Pomatelli Bonpland, Porto Alegre, 1er fvrier 1850, 20 mai 1851.
2353
Hyppolite Bacle (1794-1838), voyage en Afrique avant darriver vers 1828 au Ro de laPlata.
Il fonde Buenos Aires un tablissement lithographique, et propose au gnral Guido un an plus
tard ltablissement dun jardin dacclimatation. En 1832, Rosas oblige tout diteur ou
administrateur de journal renoncer sa nationalit dorigine, ce qui contraint Bacle confier son
entreprise un administrateur et partir plusieurs mois dans lle de Santa Catalina, o il se consacre
lhistoire naturelle. De retour Buenos Aires en 1833, il prend la tte de la Litografa del Estado
mais des checs successifs lobligent offrir ses services la Bolivie et au Chili. En 1837, de
retour Buenos Aires afin de prparer son dpart pour le Chili, Rosas le fait emprisonner en vertu
de ses liens avec Rivadavia.
2354
Pomatelli dsire vendre ses biens au gouvernement paraguayen par lintermdiaire dAndrs
Gelly ; AMFBJAD n 901, H. Bacle Bonpland, Buenos Aires, 15 aot 1836. Bacle termine ses
jours quelques mois plus tard dans les geles de Rosas. Sa captivit et sa mort sont lorigine de la
premire intervention arme franaise.
2355
AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires Concordia, 12 mars 1837 ; AMFBJAD n
1747, voyage de So Borja Alegrete, 27 novembre 1843 ; AMFBJAD n 1115, E. Symonds
Bonpland, Montevideo, 14 mars 1849.
610
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2357
611
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2358
A titre dexemple de cette ampleur, nous pouvons citer Manuel de Sarratea, diplomate argentin
qui lui envoie des graines de tabac cubain depuis Montevideo ; AMFBJAD n 209, M. de Sarratea
Bonpland, Buenos Aires, 30 juin 1835 ; AMFBJAD n 584, S. Garcia Bonpland, Montevideo,
12 dcembre 1838. Au sein de la problmatique du dveloppement et des migrations, celles des
vgtaux sont rcurrentes mais encore peu abordes dun point de vue historique. A ce sujet, cf.
DIOT Marie-Franoise (dir.), Plantes et animaux voyageurs [en ligne], Paris, CTHS, 2005. URL :
http://www.cths.fr/ed/edition.php?id=4264.
2359
Manuel Rodrguez Goitia, n en 1778 en Espagne, sinstalle San Roque vers 1805 ; cf.
CRUZ JAIME Juan, op. cit., p. 225.
2360
Dont les familles Ramrez, Roln, ou encore la chacra des Olazabal o il constate la bonne
tenue des plantes amenes du Brsil ; AMFBJAD n 1701, journal, notes diverses, 1833-1835 ;
AMFBJAD n 1711, voyage de So Borja Corrientes, 21 septembre 1836 ; AMFBJAD n 1719,
voyage de Concordia Curuz Cuati, 16 mai 1837 ; AMFBJAD n 1723, journal, voyage de
Corrientes Santa ana, 19 juin, 3 aot 1838 ; AMFBJAD n 806, A. Ramrez Bonpland, San
Antonio, 9 mars 1846.
2361
En bnficient Caldern, Serny, Trinidad, le lieutenant-colonel et le capitaine Sylva, Fontura,
Antonio Bonorino, Juan Palmer, et un orfvre qui cultive avec succs la chacra de Brigada ;
AMFBJAD n 1700, journal, So Borja, 21-23 octobre 1833. Palmer lui avait dj remit en aot
1831 une plante dun genre nouveau, trouve par lItalien Bernardo Savato ; MNHN, ms 204, n
1043, So Borja, aot 1831 ; AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes Santa ana, 3
aot 1838.
612
Troisime partie
Chapitre VII
2362
Les Virasoro stablissent dans la province au cours de la premire moiti du XVIIIe sicle.
Parmi les contemporains de Bonpland, trois frres sont gouverneurs de Corrientes ou de San Juan.
2363
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 2 mars 1837, cit in HAMY Thodore-Jules Ernest, op.
cit., p. 122 ; AMFBJAD n 421, Bonpland A.P. de Candolle, Montevideo, 18 mai 1840.
2364
La premire hypothse est mise par PIOLI DE LAYERENZA Alicia, ARTIGAS DE REBES
Mara Isabel, op. cit., p. 55 ; la seconde et la plus admise se trouve notamment dans louvrage de
DOMINGUEZ Juan A., Urquiza y Bonpland. Antecedentes histricos. La disentera en el Ejrcito
Grande en formacin, en 1850. Su tratamiento por la granadilla : Pieramnia Sellowii Planch.
613
Troisime partie
Chapitre VII
Franais bnficie de protections locales forant Echage ne pas svir contre lui
par souci de ne pas avoir une conduite inpolitique 2365 . LEntrerriano exige
comme contrepartie son engagement ne pas prendre parti dans le conflit argentin
et respecter lautorit en place. La garantie dune neutralit des trangers donne
par Bonpland montre en outre quil se positionne comme un reprsentant estim
de la petite communaut europenne 2366 .
Une telle caution savre insuffisante au Brsil, puisque la mme anne il
apprend quune tentative dassassinat a t fomente contre lui par des Brsiliens
laccusant de soutenir les rvolts. Pourtant, sil peut rencontrer en fvrier les
principaux chefs lgalistes, cela ne lui permet pas de dvelopper des alliances
solides parmi eux. Les assassinats tant devenus journaliers depuis plusieurs
semaines, Bonpland trouve refuge Santa Ana. Les hsitations et les
contradictions de ses prises de position traduisent dabord le dsir de prendre le
parti de la scurit pour ses avoirs. Ds son retour Santa Ana, il fait jouer son
capital relationnel pour attirer l un leveur riograndense 2367 . En effet, il
dveloppe llevage ovin et bovin sur les rives de lUruguay, au cur de la route
commerciale qui va du Rio Grande do Sul Montevideo, permettant dviter ainsi
le contrle douanier de Buenos Aires, afin de se connecter directement avec les
mtropoles europennes 2368 . Faute de numraire en circulation, le ngoce se base
principalement sur le crdit, le troc et lapport partag des biens meubles et
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Chapitre VII
2369
615
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3. L or vert
La difficult du contrle de la production de certains produits oblige
Bonpland y renoncer. Parmi ceux-ci, la yerba mate est sans doute la denre la
plus convoite et la plus difficile produire sans un appui gouvernemental fort.
Les indpendances amnent une lutte pour le contrle du prcieux vgtal qui
constitue une base de lalimentation sud-amricaine et qui en outre nest cultiv
que dans les anciennes missions coloniales 2375 . Autant la richesse apporte par la
yerba que les luttes nationales pour sen assurer la proprit peuvent lui valoir le
qualificatif d or vert . Lattitude du Paraguay et du Brsil cet gard est
caractristique denjeux qui dpassent un simple particulier comme Bonpland. Les
autorits paraguayennes en font une base de leur systme conomique, rsolues
le protger par les armes, tandis quau Brsil sa production est strictement
contrle. Les dmarches effectues par Bonpland pour simmiscer dans la chane
productive se soldent par deux checs, dune part envers le Paraguay dans les
annes 1820, dautre part en essuyant un refus du gouvernement riograndense
sa demande de terrain dans les annes 1850. Entre ces deux tentatives, il incite
sans cesse les autorits correntinas dvelopper cette culture.
En sadressant de prfrence aux Argentins, il nous dvoile encore une fois
la toile de fond relationnelle qui guide ses entreprises. Surtout, nous voulons
sparer ltude de la yerba mate de celle des autres produits tant donn
limportance, autant dun point de vue scientifique quconomique, que lui
accorde Bonpland. Les relations particulires quil entretient avec cette culture
peuvent tre riges en modle de synthse entre linvestigateur et lentrepreneur,
sa dmarche rsumant les cheminements prcdemment voqus. Dans son
contenu naturaliste dabord, la classification de cet ilex renferme un sens
scientifique important. Si ds son arrive Buenos Aires, Bonpland se penche sur
2374
616
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Chapitre VII
ltude de la yerba, sa vision est a priori utilitariste, cest parce que les champs
dapplication de la recherche quelle contient sont selon lui encore plus
fondamentaux, notamment par la dcouverte dun procd dacclimatation
permettant den tendre la culture. Faire de cette plante rare une plante utile est
une proccupation incessante du botaniste. Pour cela, le passage dune activit
individuelle un travail dutilit publique est une tape indispensable vers le
progrs souhait par les deux parties.
Lhritage jsuite
Cet hritage consiste dabord en une source dinformation manuscrite dans
laquelle le Franais puise abondamment. En effet les jsuites sont des rfrences
incontournables, car si lcart entre leur expulsion et larrive de Bonpland
Buenos Aires couvre un demi-sicle, leurs crits demeurent en revanche la
meilleure source de renseignements pour qui dsire connatre cette rgion.
Bonpland a probablement accs des manuscrits jsuites, peut-tre ceux de
Snchez Labrador traitant de lhistoire naturelle du Paraguay 2376 . Si le doute
demeure concernant cet auteur aucune preuve documentaire ntayant cette
ventualit le tmoignage postrieur dAlfred Demersay indique quun
manuscrit du pre Montenegro, crit en 1750 2377 , se trouve en possession de
Pedro Ferr, lami intime de Bonpland 2378 . A dfaut davoir accs aux Herbarios
Misioneros, dautres ouvrages sont nommment cits et utiliss ds 1819. Il sagit
2376
Troisime partie
Chapitre VII
618
Troisime partie
Chapitre VII
est aussi au cur des recherches menes par Bonpland. Les jsuites, dtenteurs du
monopole dexploitation de la yerba mate jusquen 1771, en connaissent aussi
parfaitement le mode de production ; leurs yerbales artificiels acquirent une
rputation de qualit suprieure aux yerbales naturels 2384 . Mais les investigations
de Bonpland ne sarrtent pas ce stade, puisquil envisage de remplacer les
anciens procds agronomiques par des mthodes exprimentales 2385 , tablissant
ainsi une conjonction entre tradition, science et empirisme. Comprendre ce mode
de production et lamliorer requiert une confrontation entre les sources et
lexprimentation, donc une confrontation avec le terrain.
De la classification lutilisation
Au mois de dcembre 1818, Bonpland assigne lherbe du Paraguay sa
premire rfrence botanique, dnomme par lui Ilex Theazans. Cette premire
description sommaire se complte en juin 1821 par lobservation de larbre
complet. Or, la nomenclature dAuguste Saint-Hilaire prime finalement sur celle
de son confrre, bien que ses observations soient effectues un an plus tard. En
1825 Alexander Caldcleugh attribue encore Bonpland la paternit de la
description de lilex 2386 , mais Saint-Hilaire publie ce moment ses rsultats alors
que son compatriote se trouve retenu au Paraguay. Ironie du sort et dune
imagination mal inspire, Saint-Hilaire donne sa trouvaille le nom dIlex
Paraguayensis, prcisment en lhonneur dun pays o il ne la pas observ et
dans lequel se trouve son malheureux confrre. Peu aprs sa libration, Bonpland
sinquite des rsultats de Saint-Hilaire et apprend par Mirbel quil la fait
connatre 2387 . Si les deux nomenclatures cohabitent pendant le XIXe sicle, la
2384
619
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Chapitre VII
2389
John Miers associe encore en 1861 les deux termes ; Cf. CORRADO Alberto J., op. cit. p. 17 ;
GIBERTI Gustavo C., op. cit., pp. 663-665.
2389
Bonpland F. Delessert, Montevideo, 26 dcembre 1853, cit in HAMY Thodore-Jules
Ernest, op. cit., p. 179.
2390
AMFBJAD n 319, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832.
2391
AMFBJAD n 2044, journal, 1819.
2392
Ibid., aot-septembre 1819.
2393
Ainsi que dcouvrir la quina ; AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot
1832 ; AMFBJAD n 1591, Bonpland A. Herrera, Buenos Aires, 15 septembre 1832 ;
AMFBJAD n 400, J. Arenales Bonpland, Buenos Aires, 19 novembre 1832.
620
Troisime partie
Chapitre VII
2394
AMFBJAD n 2044, journal ; AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot
1832.
2395
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 2 mars 1837, cit in HAMY Thodore-Jules Ernest, op.
cit., p. 123 ; AMFBJAD n 1724, voyage dans le haut de lUruguay, 27-31 janvier 1839.
2396
sociedad de agricultura y de investigationes sobre las fuentes del rio Uruguay ; AMFBJAD
n 1658, s. l., s. d.
621
Troisime partie
Chapitre VII
une de ses fins particulires sera de dcouvrir les immenses hierbales qui
srement doivent exister sur un mme parallle au nord de Villa Rica,
Corpus, uguazu, Sta Ana Caati, Martyres, Sto Angel, Cruz alta &c. de
plus elle relvera les arbres et autres plantes utiles qui se dcouvriront
pour en son temps en retirer lutilit.
2397
2397
uno de sus fines particulares sera de descubrir los inmensos hierbales qe seguramente deben
existir en un mismo paralelo al norte de Villa Rica, Corpus, uguazu, Sta Ana Caati, Martyres, Sto
Angel, Cruz alta &c. mas annotara los arboles y demas plantas utiles qe se hallaran para en su
tiempo sacar utilidad de ellos. , ibid.
2398
AMFBJAD n 1606, Bonpland B. Virasoro, So Borja, 2 fvrier 1849.
622
Troisime partie
Chapitre VII
bonne foi, sont des voleurs , ou dautres qui fuient la province avec leurs
biens comme cela est arriv, rappelle-t-il, avec un familier des Pucheta 2399 .
Le rejet de sa demande montre les limites atteintes dans son intgration
aux rseaux locaux. A cela sajoute une conjoncture dfavorable ds le dbut des
annes 1830, lorsque Bonpland relve la baisse de la consommation Buenos
Aires :
aujourdhui que lusage du th et du caff est devenue presque gnral
dans la premire classe et que dailleurs lherbe est plus rare et dune
qualit beaucoup plus inferieure
2400
2399
623
Troisime partie
Chapitre VII
2405
Linversion du discours est prsente lorsquil en prsente lexploitation par une socit qui
aurait Dabord le desir de faire une chose honorable, utile au Pays, ensuitte de gagner beaucoup
dargent. , AMFBJAD n 1360, Bonpland au Chevalier Gravelle, Montevideo, 8 septembre 1850
[cest nous qui soulignons].
2406
Permitame U. por esta ves formarle mi celos nombre de los Correntinos qe tanto lo
aprecian, y s qe solo los Rio Grandenses tienen la suerte de qe U. les aga [] visitas y los
Correntinos [] deserian tener lo entre hellos , AMFBJAD n 1145, M. Virasoro Bonpland,
Corrientes, 30 janvier 1850.
2407
Dans son projet impliquant Antnio Chaves, la rationalisation de lexploitation de la yerba est
mise en avant. Mais le prsident Andria refuse Bonpland une parcelle dans la nouvelle picada
alors quil en donne un autre tranger, Peter Kleudgen, sous contrle dune personne voulant
obtenir le monopole et placer ses amis la picada. Il sagit, selon un correspondant, du signe de la
prgnance des intrts particuliers sur le bien public : Cest nous, cest le gouvernement qui fait
une grande perte en ne profitant pas de vos connaissances ; AMFBJAD n 1606, Bonpland B.
Virasoro, So Borja, 2 fvrier 1849 ; AMFBJAD n 1135, F. Vasconcellos Bonpland, Rio Pardo,
20 dcembre 1849. A propos des Missions, cf. CAMBAS Anbal, op. cit., pp. 290-293.
624
Troisime partie
Chapitre VII
B. UN ELDORADO EN DEVENIR
Le rve amricain de Bonpland trouve son origine dans la qute
romantique dun Paradis terrestre, mais en diffre de par une vision forge par
lexprience du terrain, et de par un discours qui ne laisse aucun doute quant au
projet final : accumuler un capital lui permettant de revenir finalement en Europe.
Ainsi, de la mme faon que lapproche scientifique conduit dune qute de
linfini vers une investigation du fini, le parcours conomique suit un
cheminement similaire. Partant dune qute dun retour la nature, le discours y
contient aussi la mise en valeur de cette dernire. Ces deux comportements
sagencent autour dun mme principe dont Bonpland fournit ici lexemple. En
effet, lorsquen 1813 il opte dfinitivement pour lmigration la destination nest
pas arrte mais, dors et dj, les pays hispanophones lui paraissent les plus aptes
pour se rendre propritaire et tenter la fortune 2408 . Tandis quau cours de
lanne 1815, Bonpland espre encore retrouver dans le Nouveau Monde les
bienfaits dune socit plus proche de ltat de nature, lorsquil assure sa sur
quil est bien plus agrable de vivre au milieu dun peuple moins civilis que
nous le sommes en France 2409 . Le vocabulaire employ ici sapparente
davantage celui dun entrepreneur qu celui dun scientifique, tout en unissant
des considrations librales et romantiques. Les deux pans dun mme projet
partag par nombre dEuropens sont runis avec cette rfrence la synthse
librale europenne qui, contemplant une extension, une priphrie de son aire
dinfluence, y dcouvre, au prisme du Congrs de Vienne, un terrain dapplication
convergeant vers le continent sud-amricain rsum dans la notion d autointrt clair 2410 .
Cette notion est porteuse des principes dharmonie naturelle, de progrs ou
de bien commun. Mais surtout, lorsquil recueille le principe de libre commerce
au profit des puissances maritimes europennes, le Congrs de Vienne devient le
fondateur dune grande allgorie destine personnifier la culture transatlantique
2408
Bonpland O. Gallocheau, Malmaison, 6 juillet 1813, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
Aim Bonpland, mdecin et naturaliste, explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906. p.
65,
2409
Bonpland O. Gallocheau, Paris, 6 juin 1815, cit in ibid., p. 69.
2410
Expression forge par WOODRUFF William, Impact of Western Man. A Study of Europes
Role in the World Economy, 1750-1960, Londres, Macmillan, 1966, p. 12.
625
Troisime partie
Chapitre VII
2414
2411
Cf. CONNAUGHTON Brian F., Amrica latina 1700-1850: entre el pacto colonial y el
imperialismo moderno , in Cuadernos Americanos, Mxico, n 38, mars-avril 1993, pp. 38-66 ;
COATSWORTH John H., Trayectoras econmicas e institucionales en Amrica latina durante el
siglo XIX , in Anuario IEHS, n 14, 1999, pp. 149-175.
2412
Les dbats sur cette question sont rsums in BERNECKER Walther, op. cit.
2413
Les constitutions librales dj adoptes Buenos-ayres [] et sur dautres points seront
adoptes et suivies sur tout le continent. , AMFBJAD n 1263, mmoire historique sur
lmancipation de lAmrique hispanique, s. l., 1815.
2414
en 1814. 15. y 16. hize varios viajes a Londres con el objeto de hacer mis relaciones con
Bolivar mas frequentes y mas utiles la Amrica. Entonces conoci particularmente los S.S.es.
Belgrano, Sarratea y Rivadavia y la amistad de estos S.Ses. reunida los desastres qe. sufri el
gnral Libertador de Venezuela, hizieron mudar mis projectos y gano las aguas del Plata. ,
AMFBJAD n 227, Bonpland P. Serrano, Santa Luca, 28 janvier 1840.
626
Troisime partie
Chapitre VII
Il convient de prciser que des trois Rioplatenses que rencontre alors Bonpland,
deux dentre eux disposent dun bagage conomique consquent. En effet, si
Manuel de Sarratea ne participe qu quelques oprations commerciales, il est
membre du Consulat de Buenos Aires, organisme dirigeant le commerce et la
production portea. Manuel Belgrano en occupe quand lui la place de Secrtaire
perptuel depuis 1793, promouvant lindustrie coloniale et lamlioration de la
production agricole, et diffusant Buenos Aires les ides dAdam Smith. Quant
Bernardino Rivadavia, ses qualits de patriote clair quillustrent les rformes
conomiques entreprises partir de 1811 en font le parangon, lou ou dcri, du
dveloppement conomique 2415 .
Lide dune indpendance soutenue par des conomistes, dont Juan
Bautista Alberdi se fait lcho durant la seconde moiti du XIXe sicle 2416 , est tout
fait fonde. Leur influence est dterminante lheure de faire venir des fonds et
des hommes : en tant son caractre merveilleux au sol, en insistant sur les
expectatives dun dveloppement raisonn, donc en relevant les points communs
aux deux mondes, ils russissent attirer des personnages hautement qualifis.
Bonpland est sduit par les capacits naturelles, surtout la terre qui devient
rapidement le canevas du scnario matriel et idologique de ses projets. En se
heurtant la ralit des enjeux conomiques, le Franais participe lhistoire des
investissements trangers au Ro de la Plata durant la premire moiti du XIXe
sicle, faite de reconversions nombreuses dbutant par de grands projets
transatlantiques pour souvent aboutir des ralisations locales de moindre
envergure.
Cf. PICCIRILLI Ricardo, op. cit. ; FRIZZI DE LONGONI Hayde, Rivadavia y la economa
argentina, Buenos Aires, El Coloquio, 1976 (1947) ; BAG Sergio, El plan econmico del grupo
rivadaviano, 1811-1827, Rosario, Instituto de Investigaciones Historicas, 1966.
2416
Juan Bautista Alberdi crit : El corfeo de la independencia no es un soldado. Fu un
economista, el doctor Moreno , cit in BURGIN Miron, op. cit., p. 25.
627
Troisime partie
Chapitre VII
pour le restant dune vie. Sa dtention paraguayenne mrite une tude particulire
dans la mesure o la structure conomique quil y dveloppe demeure encore
mconnue, celle-ci savrant originale de par lexcution dactivits conomiques
et mdicales dans des proportions respectables, tout du moins assez significatives
pour que Bonpland avoue quil soccupe dagriculture en grand et devienne un
riche cultivateur 2417 . Sil est un lieu o Bonpland ait russi stimuler lactivit
conomique des anciens pueblos, ce nest pas aux abords des missions du Paran
mais dans celles de Santa Mara de Fe et Santa Rosa, sous tutelle paraguayenne.
Car malgr son statut de dtenu, il serait risqu de ne pas voir dans le choix de son
lieu de dtention, comme dans sa relative libert dactivit, une dcision manant
de Jos Rodrguez Gaspar de Francia visant tirer profit certes de manire
brutale des connaissances du savant. En ce sens, linsertion de Bonpland
lintrieur du systme conomique paraguayen doit tre soumise rvision aprs
que les rcits de, Rengger, Demersay ou Angelis laient dpeinte sous des traits
trop peu ralistes ou trop imprcis 2418 .
Le travail forc auquel se livre Bonpland nest de fait gure diffrent de
celui entam dans la province entrerriana. Aprs son enlvement, Bonpland est
directement conduit lancien site jsuite Santa Mara de Fe. Or, les anciennes
missions rattaches ladministration paraguayenne font lobjet elles aussi dune
politique de mise en valeur, avec plus de succs dailleurs que celles situes au
sud du Paran puisquau cours des annes 1820 la rcupration conomique
paraguayenne est exemplaire, surtout si on la compare la dtrioration que
connaissent les rgions limitrophes la mme poque 2419 . Bonpland, bnficiant
dune exprience de plusieurs mois au cur des Missions, est une ressource bien
2417
Troisime partie
Chapitre VII
utilise par Francia 2420 . Ses projets concident parfaitement avec ceux du Franais,
dans la mesure o il cherche dvelopper la polyculture. Aussi peut-on analyser
le complexe agricole de Bonpland comme un laboratoire, une ferme-modle
refltant la russite de cette diversification ; les travaux de Bonpland permettent
dapporter quelques prcisions ce propos.
Enfer ou paradis ?
Ds le dbut de son internement, Bonpland se consacre difier un
tablissement rural requrant un nombre lev douvriers, comme le montre le
graphique suivant.
Graphique n 15
1823
1824
1825
1826
1827
1828
1829
1830
Source : CAIC.
En se basant sur ses livres de comptes, nous constatons quil recrute neuf ouvriers
en 1822 et quatorze ds lanne suivante, ce qui correspond au maximum recens.
La baisse des effectifs au cours des annes suivantes atteste de la productivit
2420
Une ressource parmi dautres, Francia rquisitionnant tous les trangers en ce sens. Ainsi, les
Rioplatenses ayant trouv refuge au Paraguay sont dplacs dans le nord du pays pour peupler et
fortifier la frontire ; cf. BEDERE Stphane, op. cit., p. 81. Pour sa part, Bonpland concrtise les
premiers essais effectus Santa Ana. Cette continuit est mise en avant lorsquil rdige en 1822
un mmoire sur la culture du tabac, bas sur les premires expriences menes en territoire alors
sous contrle entrerriano ; AMFBJAD n 1241, mmoire sur la culture du tabac, Santa Rosa,
janvier 1822.
629
Troisime partie
Chapitre VII
acquise par ltablissement 2421 . Signe daisance autant incontestable que prcoce,
Bonpland embauche en mars 1822 trois mois aprs sa capture un domestique,
puis en mai une cuisinire. A la fin de lanne, un ouvrier est spcialement charg
de lentretien de la chacra. Une prosprit si rapidement gagne est difficilement
explicable ; la seule interprtation possible doit se baser sur la propension de soins
mdicaux lui ayant permis dacqurir rapidement une position sociale dominante.
Dautre part, Bonpland sous-entend que la mdecine lui permet alors de
diversifier peu peu ses activits. Il vit dailleurs une exprience semblable sa
sortie du Paraguay, tant oblig de rsider quelques temps So Borja afin de se
procurer, grce sa profession, de quoi subsister 2422 . Bonpland aurait donc t
dautant mieux accueilli que si lon se fie au tmoignage dAlfred Demersay, les
mdecins paraguayens sapparentent davantage de mauvais curanderos encore
dans les annes 1840 2423 .
De tels dbuts permettent de confirmer les commentaires logieux du
propre Bonpland vis--vis de ses tablissements. Etabli Santa Mara de Fe entre
1821 et 1829, puis Itapa jusquen 1831, Bonpland indique son intention de
demeurer dans le pays, frustre par lordre de quitter sans dlai le territoire
paraguayen, justifiant par l quil soit sorti beaucoup plus pauvre [quil ny est]
entr 2424 . Cette exprience le marque cependant au point de songer retourner
vivre au Paraguay en 1847 2425 . Cette image idyllique se fonde sur les chiffres
donns par le captif, qui estime ses ouvriers au nombre de 45, et ses ttes de btail
400 2426 . Or, les comptes assez dtaills nindiquent lemploi que dune dizaine
de personnes par an, sachant quune majorit ne le sont que temporairement.
Quant au cheptel, le recensement de Bonpland effectu en mai 1829 fait tat de
2421
Troisime partie
Chapitre VII
237 ttes exactement 2427 . Enfin, lallgation selon laquelle il se rend Itapa de
manire hebdomadaire pour y vendre les produits de son exploitation est fausse,
car entre mars 1825, mars 1827 et octobre 1828 trois voyages seulement sont
effectus sous stricte surveillance 2428 . Bonpland semble donc avoir exagr sa
libert de mouvement et sa prosprit, entretenant aprs sa libration une image
survalue du Paraguay. Celle-ci nest pas due son isolement, mais procde dun
choix l encore difficilement explicable. Sagit-il de valoriser une dtention
frustrante ou dencourager les Europens intervenir directement dans la rgion ?
La documentation recueillie appuie la seconde hypothse. En effet, les
notes de Bonpland immdiatement postrieures sa libration indiquent sa
proccupation pour le sort de ses compatriotes demeurs au Paraguay. Son consul
Mendeville lui confie une lettre le 26 juillet 1832 pour rclamer la libration des
autres Franais dtenus, que Bonpland transmet par Itapa 2429 . A cela sajoutent
des propos clairement favorables une intervention europenne au Ro de la
Plata. Il sadresse non seulement aux Franais, mais aussi aux Britanniques quil
encourage affronter Francia : la dsunion des provinces littorales fait toute sa
force, il ne rsisterait pas la plus lgre attaque . Les courriers de Bonpland
parviennent jusqu Palmerston, qui ne donne pas suite aux suggestions du
Franais 2430 . Mais bien que les sources infirment une aussi grande prosprit, il
jouit dune aisance matrielle relle.
Le nombre cumul des employs slve 70. Dautres sources indiquent que durant les mois
de novembre et dcembre 1827, une dizaine demploys sont recenss ; CAIC, tat des ouvriers,
1822-1830 ; AMFBJAD n 1587, tat des ouvriers, 1827-1831 ; CAIC, agenda, 18 mai 1829.
2428
P. A. Romero J. G. Rodrguez de Francia, Santa Mara, 18 octobre 1828, cit in GASULLA
Luis, op. cit., pp. 365-367 ; CAIC, bilan financier, 1824-1826.
2429
Aucune rponse nest parvenue en dcembre 1836 ; AMFBJAD n 1712, notes diverses,
Buenos Aires, 6 dcembre 1836.
2430
Foreign Office, n 6, 32, 35, W. Parish Palmerston, 5 avril 1831, Bonpland W. Parish,
Buenos Aires, 26 mars 1832.
631
Troisime partie
Chapitre VII
2431
Troisime partie
Chapitre VII
cultures les plus bnfiques 2437 , dont les vivrires sont prioritaires. Cest le cas
pour un sterculae platanifolia dans le jardin de lancienne mission jsuite de Santa
Mara dont personne na eu la curiosit de le multiplier 2438 . Ds la fin de
lanne 1823, il diversifie encore son activit en acqurant 150 lios de canne
sucre, puis en exploitant un mandiocal de 9 000 pieds en 1825. Les livres de
comptes de Bonpland permettent de reconstituer une partie de ses transactions.
Graphique n 16
Transactions conomiques de Bonpland
en pesos (fvrier 1824-fvrier 1826)
250
200
150
100
50
0
F A J
J A S O N D F M A M J
J A S O N D J F
-50
-100
Volume d'changes
Bilan financier
Source : CAIC.
Don Bompln lleva instruido a muchos paraguayos en las ciencias de las cosechas ms
beneficiosas , P. A. Romero Francia, Santa Mara, 18 octobre 1828, cit in GASULLA Luis, op.
cit., p. 365.
2438
MNHN, ms 204, Santa Mara, octobre 1822.
633
Troisime partie
Chapitre VII
squilibrent. Le bilan ngatif constat entre avril et juin 1825, mais aussi dune
manire gnrale lapparente mauvaise sant financire de Bonpland aprs cette
date, provient de laccroissement du cheptel. Le dficit est finalement artificiel,
car la part de lpargne ntant pas prise en compte, le bilan ne reflte pas la
thsaurisation accomplie grce au btail et laccumulation de numraire lui
permettant daccorder un prt en juillet 1825. Au final, ses biens se montent en
1829 23 000 plants de canne sucre, 15 000 plants de tabac, 66 lios de mas et
un mandiocal dau moins 9 000 plants. A la mme date il possde 102 bovins et
16 chevaux quil emmne avec lui Itapa 2439 .
2439
CAIC, copie des droits dextraction demands pour les biens de Bonpland, Itapa, 27 juillet
1829 ; AMFBJAD n 1504, P. A. Romero Bonpland, Santa Mara, 4 novembre 1829.
2440
La lacune de numraire ne dcoule pas dune dcision politique mais des difficults
conomiques connues aprs 1811 ; cf. TAJIMA Hisatoshi, Historia del Paraguay. Siglo XIX.
1811-1870, Asuncin, Centro Paraguayo de Estudios Sociolgicos, 1988.
2441
Il namne que 29 pesos de Santa Mara Itapa ; CAIC, copie des droits dextraction
demands pour les biens de Bonpland, Itapa, 27 juillet 1829.
2442
El poco numerario sobrante lo us [] en premiar a sus obreros en el Cerrito. , P. A.
Romero Francia, Santa Mara, 18 octobre 1828, cit in GASULLA Luis, op. cit., p. 365.
634
Troisime partie
Chapitre VII
Graphique n 17
1823/1
1823/2
Alcool
Tissus
1824/1
1824/2
1825/1
1825/2
Argent
Biens manufacturs
1826/2
1827/1
1827/2
Lingerie
Comestibles, tabac
Source : CAIC.
On ne peut dire cependant quil fonctionne en autarcie, car la matire premire ncessaire
llaboration de la lingerie ne semble pas produite en son sein. Les sources nindiquent pas
lexistence dun levage ovin, ni dune plantation de coton. Cest ce que laisse du moins supposer
ses comptes qui ne mentionnent ce produit que dans la colonne des achats, contrairement son
affirmation reproduite in TAJIMA Hisatoshi, op. cit., p. 90. Mais lomniprsence des tissus pose
un rel problme dinterprtation. De plus, les changes avec Itapa mais aussi avec dautres
pueblos plus proches apparaissent indispensables pour soutenir la productivit de ltablissement.
2444
Dont la chirip, culotte de cuir porte par les vachers, donne leur entre en fonction dans
lestancia.
2445
Cf. BEREDERE Stphane, op. cit., p. 82.
635
Troisime partie
Chapitre VII
Quant aux ouvriers leur salaire est fix deux pesos par mois, trois sil sagit
douvriers spcialiss, beaucoup plus dans certains cas, tel celui du menuisier
Vicente Antonio Franco qui partage pour moiti le bnfice tir de la fabrication
de meubles. Dans lensemble, les salaires sont trois fois infrieurs ceux de la
province de Corrientes, dans laquelle le patron doit en plus procurer la nourriture.
Dans les versements de Bonpland au contraire, les comestibles sont quasiment
inexistants. Or, la prsence de cultures vivrires laisse supposer une activit plus
diffuse au sein de son dpartement dassignation. Que ce soit dans lagriculture ou
llevage, les exprimentations de Bonpland au Paraguay constituent la base de
ses futures entreprises 2446 .
2446
Troisime partie
Chapitre VII
2449
2448
Troisime partie
Chapitre VII
2452
2452
Bonpland Gigaux, Buenos Aires, 1er dcembre 1836, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op.cit., p. 100.
2453
Propos extraits du Times en date du 15 septembre 1806, cits in GRAHAM-YOOLL Andrew,
op. cit., p. 35.
2454
Cf. PROVOST, Esquisse dun voyage de Buenos-Ayres San Iago de Chili fait en 1817 par
M. Provost, Juge aux Etats-Unis, et leur commissaire dans lAmrique mridionale , in Nouvelles
Annales des Voyages, tome 4, 1819, pp. 341, 345, 355-356 ; An., Mmoire sur la situation
actuelle de lAmrique espagnole et sur les relations que la France pourroit y former ; par un
Franois, actuellement Buenos-Ayres , in Nouvelles Annales des Voyages, tome 13, 1822, pp.
216, 221-222, 226-227. Les troupeaux de plusieurs milliers de ttes ntant pas exceptionnels dans
le Ro de la Plata, leur prsence a de quoi attiser limagination europenne ; cf. KLEINPENNING
Jan M. G., op. cit., p. 134.
2455
DARWIN Charles, op. cit., tome I, pp. 152-153.
638
Troisime partie
Chapitre VII
Prosprer lInterior
LInterior, qui correspond depuis lArgentine la rgion dlimite par les
provinces dEntre Ros, Corrientes et Missions, mais pouvant tre dfinie aussi
dans le contexte gographique rioplatense comme lensemble des territoires
spars des capitales portuaires rgionales Buenos Aires, Montevideo, Rio de
Janeiro et Porto Alegre reprsente pour le physiocrate quest Bonpland une
source de richesses inpuisable et une orientation conomique prioritaire autant
pour lEtat que pour le particulier. Les directions prendre ne correspondent pas
le plus souvent aux projets que les Europens conoivent avant dmigrer. Les
facteurs politiques, les demandes du march sont autant dimprvus freinant les
entreprises.
Sadressant un jardinier de Malmaison layant accompagn jusqu Rio
de Janeiro, Bonpland rsume bien les difficults et les espoirs que suscitent les
marchs urbains :
Je ne peux comprendre votre situation et votre travail Rio Janeiro : je
crois quil aurait mieux valu que vous vous absentiez de la Capitale et
vous consacrer la culture du Caf. Je nai pu suivre ce conseil []. Le
peu de tranquillit dans lintrieur du pays men a empch, et
immdiatement aprs que le calme sera revenu, sans doute jy conduirai
une grande entreprise.
2456
Bonpland Acard, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 60.
2457
Il est [d]sireux [] de travailler lhistoire naturelle, lagriculture et de collecter des
plantes mdicinales , AMFBJAD n 1698, voyage de Buenos Aires So Borja, 13 octobre 1832.
639
Troisime partie
Chapitre VII
2458
640
Troisime partie
Chapitre VII
2462
SAINT-HILAIRE Auguste de, Histoire des plantes les plus remarquables du Brsil et du
Paraguay : comprenant leur description et des dissertations sous leurs rapports, leurs usages,
etc., avec des planches, en partie colories, Paris, Belin, 1824, tome I, p. XXXIV.
2463
BEAUMONT John A. B., op. cit., pp. 203-204, 275.
2464
Facundo est louvrage majeur de Sarmiento mais Pauline Raquillet cite dautres exemples de
cette idologie de la conqute ; cf. RAQUILLET Pauline, Alfred Ebelot. Le parcours migratoire
dun Franais en Argentine au XIXe sicle, Paris, LHarmattan, 2011, p. 128 ; cf. aussi
BRIGHENTI Maura, Lorrizonte de la nazione. Dottrine politiche e scienze sociali in Argentina
(1830-1880), thse de doctorat ralise sous la direction de Raffaella GHERARDI et Santo
MEZZADRA, Universit de Bologne, 2009, pp. 245-260.
2465
CHIARAMONTE Juan Carlos, op. cit., p. 67 ; Bonpland Gigaux, Buenos Aires, 1er
dcembre 1836, cit in HAMY Thodore-Jules Ernest, op.cit., p. 100.
641
Troisime partie
Chapitre VII
En 1817 Richard Grandsire dresse un tableau enchanteur du Paraguay quil na pourtant pas
encore visit. Le beau Paraguay , cette rgion fabuleuse de lAmrique est aussi loue par
Alcide dOrbigny. John Beaumont crit que cette nouvelle Chine , possde une arme
suffisamment importante pour repousser quelque invasion ; HAMY Thodore Jules Ernest, Les
voyages de Richard Grandsire de Calais dans lAmrique du Sud (1817-1827) , in Journal de la
Socit des Amricanistes, tome 5, 1908, pp. 8-9 ; ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I , 1835, p.
130 ; tome III, 3e partie, Gologie, 1842, p. 8 ; BEAUMONT John A. B., op. cit., p. 122.
2467
An., Notice sommaire des voyages de M. Auguste de Saint-Hilaire dans le Brsil, la province
cisplatine et les missions du Paraguay , in Nouvelles Annales des Voyages, tome 17, 1823, p. 235.
2468
Alfred Marbais du Graty dcrit en 1858 cette rgion comme tant destine devenir lune des
rgions les plus riches de la Confdration Argentine ; MARBAIS DU GRATY Alfred, La
confederacinon argentina, Buenos Aires, Comisin Nacional de Museos y Monumentos
Histricos, 1968 (1858), p. 50.
2469
DEMERSAY Alfred, op. cit.,tome 1, pp. XI-XIV.
2470
Ibid., p. LVIII.
2471
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
642
Troisime partie
Chapitre VII
au scepticisme de ses compatriotes. Au cours des annes 1840, le libre accs vers
le Paraguay sduit les Europens qui organisent en 1845 une expdition dans ce
but. La flotte franco-britannique force le passage du Paran pour permettre
louverture de la riche rgion du Paraguay lactivit de nos commerants 2472 .
Mais si lide dun retour la nature parat ne pas avoir influenc les dcisions de
Bonpland, le mythe des jsuites pourrait expliquer en partie son attirance pour les
missions, peut-tre moins pouss par le romantisme que par les dbouchs
conomiques.
Plus que dun Eldorado, il sagit du Paradis terrestre des marchands 2473 . En
1835, Bonpland participe une tentative ralise par des Franco-britanniques afin
de pntrer au Paraguay. Henry Symonds, intermdiaire de la maison Duncan
Mac Dougall de Liverpool, tente dentrer en contact avec Francia en le faisant
sous couvert dun vecino de So Borja, Joseph Ingres 2474 . Ingres argue que par le
Paran le commerce est impossible et qu Itapa, lautre dbouch pour les
produits paraguayens vers le Brsil et le ro Uruguay, le commerce savre de peu
de valeur ; il assure enfin pouvoir tablir des relations commerciales rgulires
avec la France 2475 . Comme le prvoit Bonpland, Francia ne donne pas suite la
proposition. Il faut attendre le 27 janvier 1841 pour que Bonpland lui annonce
louverture du Paraguay. Presque aussitt il se propose auprs de la maison Blanc
et Constantin, ses bailleurs de fonds et commerants implants Buenos Aires,
pour servir dentremetteur entre eux et le gouvernement paraguayen. Bonpland
estime que les ports paraguayens tant ouverts, le gouvernement doit
prochainement traiter directement avec les ngociants trangers 2476 .
Cette ouverture savre funeste aux intrts paraguayens. Si en 1847 les
prjugs dun Franais migr ne concernent encore que les individus 2477 , le
2472
643
Troisime partie
Chapitre VII
verdict de Demersay aprs quatre mois de sjour au Paraguay est tout aussi
tranch concernant lindolence des habitants 2478 . Or en obtenant lautorisation de
parcourir la rgion misionera, Demersay entame une dconstruction systmatique
du mythe. En effet, louverture aux Europens de ce prtendu Eldorado
mconnu 2479 leur permet de construire un discours en ngatif, la mesure de
leur dception, ds le contact tabli avec le terrain. Demersay se dit prs de
rejoindre la position de Guizot 2480 , partisan dun dsengagement franais et dun
alignement sur la position de Rosas signifiant labandon du Paraguay aux
prtentions annexionnistes du Bonaerense 2481 . Les autorits paraguayennes
napprcient pas le premier tableau que trace Demersay de leur rpublique, publi
entre 1853 et 1855 dans le Journal des Economistes. Elles font part de leur
mcontentement face une telle absurdit ; mais ces braves Paraguayos sont des
sauvages, que les rares voyageurs qui les ont visits les Brsiliens surtout ont
gts force de flatteries et dexclamations [] sur la richesse de leur sol, de leur
production 2482 , rpond Demersay.
Aprs avoir indiqu que le Paraguay est encore sujet des rcits
exagrs et qui touchent de prs au merveilleux , il sattarde avec prcision sur
tous les dfauts physiques plus que moraux, allant jusqu diagnostiquer chez
Francia un tat mental dtrior ayant pour cause un climat favorable
lapparition de lhystrie ou de lhypocondrie. Le rcit abonde en sources
pjoratives, Flix de Azara devenant une anti-rfrence dans la mesure o ses
crits sont relevs pour dnoncer avec ou contre son auteur la publicit dont
bnficie jusqualors le pays. Avec Azara, Demersay saccorde par exemple
constater la frquence des temptes. Contre Azara, il dment sa description de la
rivire Aguaray, compare la Seine la fin du XVIIIe sicle, dcrite au milieu
du XIXe sicle comme un un spectacle triste et sauvage, au milieu dune nature
2478
644
Troisime partie
Chapitre VII
sombre et dserte 2483 . Suprme offense ou coup de grce, le rgne vgtal, cette
manne naturelle, nest pas encense mais compare dfavorablement celle du
Brsil, la peinture se compltant par une touche de petit enfer vert mle de
pauvret : le pays suffit avec peine la nourriture de ses habitants . Cette
analyse d une contre dont les richesses naturelles sont encore inconnues 2484
rappelle, toutes proportions gardes, la redcouverte du continent effectue par
Humboldt et Bonpland. Si lexploration de Humboldt contribue changer la
vision du Nouveau Monde en son temps, quitte dtruire quelques mythes au
passage, Demersay poursuit luvre de son an avec zle.
2483
Cette dernire citation est tire par Demersay de louvrage de Rengger qui, malgr les
vexations dune longue dtention, dcrit une nature gnralement accueillante. Je ne me fais pas
illusion dailleurs sur limportance tous gards de cette partie du Nouveau Monde []. Un
emprisonnement durant trente annes, dextrmes difficults de communications depuis la
cessation de cet odieux systme, lloignement qui prte aux choses une importance et des formes
souvent trompeuses, ont laiss croire de destines auxquelles le Paraguay ne saurait atteindre ,
assne encore lauteur qui taye sa thse ensuite tout au long de son ouvrage : crues destructrices,
navigation dangereuse, marais infranchissables, vents malsains, prils animaliers sont quelques
exemples de cette description dtruisant mthodiquement le mythe ; cf. DEMERSAY Alfred, op.
cit., tome 1, pp. XVIII-XIX, 115, 201-201, 217.
2484
Ibid., tome 1, pp. LVI, 159-161, 193.
2485
Lexpression qualifiant le Ro de la Plata mane du propagandiste rivadavien NUEZ Ignacio,
Noticias historicas, politicas y estadisticas de las Provincias Unidas del Rio de la Plata, con un
apndice sobre la usurpacion de Montevideo por los gobiernos portugus y brasilero, Buenos
Aires, La Cultura Argentina, 1952 (1825).
645
Troisime partie
Chapitre VII
empcher le dveloppement des autres provinces 2486 . Dailleurs, alors quil rside
encore Buenos Aires, les trois destinations choisies par Bonpland afin de raliser
son rve physiocratique sont danciens centres commerciaux trs limits dans
lespace 2487 . Aucun front pionnier nest mentionn ; ce titre les missions dans
lesquelles il saventure en 1821 sont plutt regardes comme lancien poumon
conomique rioplatense que comme un nouveau terrain dexploitation 2488 . De fait,
lactivit conomique du Franais couvre un territoire relativement restreint et
toujours dpendant dune capitale provinciale.
Cette extrme localisation pose le problme des faibles moyens de
communications, rduisant lactivit le long des axes fluviaux 2489 . Non accessible,
limmensit territoriale est un mirage qui svanouit rapidement en labsence de
possibilit dexploitation. Bonpland revient sans cesse sur la ncessit de
dsenclaver le territoire, dans des proportions toutefois clairement dlimites par
les dbouchs fluviaux. Ainsi constate-t-il lefflorescence des btiments qui
indiquent lactivit du commerce de luruguay ; il plaide ailleurs pour une
meilleure connaissance du Paran 2490 . Son discours et sa correspondance montrent
combien lintrt des particuliers est essentiellement tourn vers les ports, et
combien les gouvernements doivent sappliquer dvelopper leurs villes-ports. A
ce propos, Bonpland aimerait voir les Orientales plus attentifs envers Colonia 2491 .
Discours surprenant de la part dun physiocrate, qui sexplique simplement par le
besoin dcouler sa production vers le sud. Tel est le cas pour la chacra quil a
lintention dtablir en 1837 Santo Angelo ; situ au nord de So Borja,
ltablissement requiert un chemin direct jusqu lUruguay en vue de diminuer le
2486
646
Troisime partie
Chapitre VII
fret de la yerba vers Salto, point focal du commerce entre So Borja et Buenos
Aires, mais aussi avec l immense Entre Ros riche en btail 2492 .
A la concentration gographique ncessaire laccs aux routes
commerciales, sajoute la relle pnurie de terrains observe dans la province de
Corrientes dans les annes 1830. Suite la stabilisation politique, la province
senrichit considrablement de btail et chaque jour de nouvelles estancias se
peuplent 2493 , constate un compadre au moment o Bonpland se tourne lui-mme
vers linvestissement foncier. Le commentaire ne parat pas exagr ; il sagit
dune vritable rue puisquen avril 1835, le Britannique Henry Symonds la
recherche dune proprit crit que depuis une semaine tant de personnes sont
venues ici la recherche de terrains que je me suis vu dans limmdiate ncessit
de me fixer sur un 2494 , vendu par les Araujo parce que la grande quantit
despinillos le rend improductif leurs yeux. Mais le site se rvle propice
llevage, comme beaucoup dautres contenant en sus des espinillos de la
flechilla, gramine qui constitue la base de lalimentation animale 2495 . Depuis
Buenos Aires, ses associs htent Bonpland de conclure lacquisition dun terrain
par nimporte quel moyen, car la terre devient rare aux environs de Buenos Aires,
et les entrepreneurs commencent investir dans les provinces adjacentes. Celle
de Corrientes tant bonne ne sera naturellement pas oublie 2496 . Lacquisition de
Santa Ana effective en 1838 provoque la rancur dun autre prtendant, Francisco
Lpez 2497 , car la concurrence est fortement stimule par lapplication de la loi
demphytose prenant effet partir de 1833, attirant ds lors de nombreux
investisseurs extrieurs 2498 .
2492
Ibid., 26 octobre 1832 ; AMFBJAD n 615, J. Ingres Bonpland, So Borja, 19 avril 1837.
y cada dia se pueblan nuevas estancias , AMFBJAD n 734, B. Noguera Bonpland,
Corrientes, 15 fvrier 1835.
2494
tantas personas han venido aqu en busca de terrenos qe. h visto la necesidad
inmediatamente de fijarme en alguno , AMFBJAD n 1114, H. Symonds Bonpland, Curuz
Cuati, 5 avril 1835. Effectivement, cette anne le gouvernement octroie 450 000 hectares de
terres, presque la moiti du total octroy au cours de la dcennie ; cf. SCHALLER Enrique Cesar,
La distribucin de la tierra y el poblamiento en la provincia de Corrientes (1821-1860),
Cuadernos de Geohistoria regional n 31, Resistencia, Instituto de Investigaciones
Geohistricas/Conicet, 1995, p. 126.
2495
AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes Santa ana, 12 juillet 1838.
2496
AMFBJAD n 296, F. Des Brosses Bonpland, Buenos Aires, 26 juin 1837.
2497
AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes Santa ana, 15 juillet 1838.
2498
Edicte pour stimuler la rgularisation de la possession terrienne, cette loi vote en 1830
interdit la vente de terrains, le pouvoir excutif se rservant le droit de les concder des
particuliers devant verser chaque anne 2% de sa valeur. La dlation est encourage, puisque le
dnonciateur bnficie son tour des terres illgalement possdes jusqualors. En 1832 la loi est
2493
647
Troisime partie
Chapitre VII
sols. Dans les dpartements de Ca Cat, San Antonio et Saladas par exemple, le
btail se prsente petit et maigre , le sol strile hormis dans les palmeraies o la
prsence de terre rouge le rend propice aux cultures 2499 . Il esquisse ainsi une
cartographie des sols agraires paralllement au recensement scientifique, en
corrigeant ses observations le cas chant 2500 . Cet inventaire non systmatique
stendant sur plusieurs annes permet daffiner lobservation sur des distances
extrmement rduites et oublies par les rcits europens. Tel est le cas pour le
paso de Santa Ana, o il constate que le terrain des Roln dispose de meilleurs
pturages que celui de Caldern 2501 . La prcision nest pas anodine puisque cest
prcisment l quil dcide de sinstaller en 1837, le long dun front pionnier
stimul par le gouvernement de Corrientes soucieux dtendre son autorit vers
lest de son territoire encore sous-peupl.
Parmi les acqureurs de grandes proprits recenss entre 1769 et 1859,
seulement 15% sinstallent lest de la province plus prcisment au sud-est. En
outre, la moiti dentre eux nacquiert la terre quaprs 1847, cest--dire aprs
que la province bnficie de nouveau dune stabilit politique satisfaisante. Parmi
les propritaires recenss avant cette date, la majorit est plus ou moins
directement issue des familles alors la tte du pouvoir excutif2502 . Bonpland
soriente ds lors vers llevage, activit exportatrice traditionnelle par excellence,
en phase de rcupration dans lArgentine et lUruguay des annes 1830. La zone
bnficie enfin dune capacit de production leve grce la faible occupation de
son sol. Bonpland constate ds la fin des annes 1830 les consquences nfastes
tendue aux trangers, ce qui provoque cette rue ; cf. SCHALLER Enrique Cesar, op. cit., pp.
110-131.
2499
AMFBJAD n 1705, voyage de So Borja dans la province de Corrientes, aot 1834.
2500
Trois ans aprs une premire visite du dpartement de Saladas, Bonpland revient sur ses
premires impressions ngatives. Tous les terrains de la juridiction jugs striles en 1834, sont
dcrits en 1837 comme trs propres llevage du btail et des chevaux. Dans le village de Las
Islas notamment, les habitants cultivent de belles chacras ou abonde le mayz, le coton, la
mandioca, le mani, les patates, &. on voit aussi quelques orangers et quelques pchers ,
AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 17 avril 1837.
2501
AMFBJAD n 1717, voyage dans la province de Corrientes, 10 juin 1837.
2502
Tel est le cas pour Manuel Ferr, Justo Jos de Urquiza, Genaro Bern de Astrada, Santiago
Saavedra ; cf. SCHALLER Enrique Cesar, op. cit., pp. 175-177.
648
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Chapitre VII
2504
649
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Chapitre VII
650
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2513
entre 1769 et 1859. Avec les Atienza, Araujo, Daz de Vivar, Lagraa et Roln, il fait partie du
groupe dominant de la province ; cf. SCHALLER Enrique Cesar, op. cit., pp. 174-177.
2510
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 27 dcembre 1831. La prosprit de
cette zone ne cesse puisque six ans plus tard constate encore que la spculation du btail est dans
la rgion de Curuz Cuati au dessus de toutes les autres. , AMFBJAD n 1719, voyage de
Concordia Curuz Cuati, 23 mai 1837.
2511
AMFBJAD n 1723, voyage de Corrientes Santa ana, 12 juillet 1838 ; SCHALLER Enrique
Cesar, op. cit., p. 219.
2512
Bonpland J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 63. Cest vrai pour les livres amens de
France ; cest aussi le cas pour les plantes quil destine la vente.
2513
Bonpland Gigaux, Buenos Aires, 1er dcembre 1836, cit in HAMY Thodore-Jules Ernest,
op. cit., pp. 99-100.
651
Troisime partie
Chapitre VII
Bonpland J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 62.
2515
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 2 mars 1837, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 123 ; AMFBJAD n 910, Bonpland Delessert, Buenos Aires, 2 mars 1837 ; AMFBJAD n
1042, Bonpland P. Sheridan, s. l. s. d. [28 mars 1838]. Les premiers spcimens sont introduits
depuis lEspagne en 1813. En 1824 et 1826 Peter Sheridan convainc le consul des Etats-Unis,
Thomas Hasley, dimporter dautres mrinos en Argentine. La premire importation de mrinos en
Uruguay a lieu en 1827 par lintermdiaire du Franais Cernaux, pour le compte de Simn del
Pino ; cf. GIBERTI Horacio C., op. cit., pp. 105-107 ; SABATO Hilda, op. cit., p. 166.
KLEINPENNING Jan M. G., op. cit., p. 135.
2516
AMFBJAD n 911, Bonpland Delessert, Corrientes, 28 mars 1838 ; AMFBJAD n 1723,
voyage de Corrientes Santa ana, 10 juillet 1838.
652
Troisime partie
Chapitre VII
2521
Bien que nous nayons pas connaissance de documents attestant cette dissolution, deux motifs
convergent en ce sens. Dabord le tmoignage de Bonpland selon lequel il fait part de la perte de 5
000 mrinos, 900 vaches, 400 juments et 300 chevaux aprs Pago Largo. Or, une telle runion ne
peut seffectuer sans un investissement important. Ensuite, les comptes recenss Santa Ana ne
mentionnent pas une telle quantit de btail, sa superficie ne permettant dabriter au maximum que
5 000 btes ; AMFBJAD n 913, Bonpland Delessert, Montevideo, 17 mai 1840.
2518
Le terrain doit tre achet 600 pesos, plus 900 bovins pour une valeur de 1 800 pesos, en sus
des frais et de loutillage, prix jug exorbitant. La vendeuse donne la prfrence Francisco Cartis
de Goya ; AMFBJAD n 1113, H. Symonds Bonpland, Curuz Cuati, 30 mars 1835.
2519
Au dbut des annes 1830, linvestissement initial de 5 000 francs dans la formation dun
complexe agricole form sur trois sites est trs faible si on le compare aux 300 000 francs amens
par les Franais en 1837 ; AMFBJAD n 1658, s. l., s. d.
2520
La premire mention de vente de produits de sa proprit de So Borja apparat au mois de
fvrier 1836 ; ils ne reprsentent que 3% du total des recettes comptabilises par Bonpland.
2521
AMFBJAD n 911, Bonpland Delessert, Corrientes, 28 mars 1838.
653
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transaction nest pas conclue puisquentre avril et juin 1839 Bonpland planifie une
importante association avec Louis Nascinbene. Une fois de plus la transaction
choue, lestancia de Santa Ana ne comportant que quelques centaines danimaux
dans les annes 1840 2522 . Des tentatives dassociation sesquissent la fin de la
dcennie Corrientes avec le frre du gouverneur, Jos Antonio Virasoro, au
dbut des annes 1850 au Rio Grande do Sul avec des proches du gouvernement.
Mais la priode savre peu fconde. Le dernier contrat pass avec Francisco
Fortunato da Silva pour huit ans en fvrier 1858, trois mois avant son dcs,
indique de par sa modestie la limite des ambitions de Bonpland 2523 .
Lestancia de Santa Ana est donc seconde par la chacra de So Borja se
situant aussi sur les bords de lUruguay, le long dun front pionnier, mais en
territoire brsilien. Cette dernire particularit explique depuis longtemps les
motifs poussant Bonpland possder deux proprits ; elles lui offrent la
possibilit de se rfugier dans lune ou lautre en cas de troubles politiques dans
un des pays frontaliers. Effectivement, les deux proprits sont lobjet
dincessants va-et-vient au cours des dcennies suivantes. Mais si lexplication est
justifie, elle est une consquence plutt quune cause des dsordres politiques,
car la raison de la prsence de deux exploitations est dabord due leurs
fonctions. So Borja, prs des Missions et des yerbales, est dabord une chacra,
cest--dire une ferme de culture ; Santa Ana est quant elle prioritairement
destine llevage. Une autre consquence des dsordres politiques est la
prsence dune partie de son cheptel abondant en laine fine So Marcos,
mi-chemin entre ses deux proprits 2524 . Cette autre exploitation situe en
territoire brsilien a peut-tre vocation protger ses biens menacs en territoire
argentin au cours des annes 1840. En 1850, aprs dix annes de guerres civiles,
2522
Troisime partie
Chapitre VII
lestancia de Santa Ana compte peine une centaine de ttes 2525 . A laune des
comptes de Bonpland, il ne fait aucun doute que ces trois tablissements soient
destins se soutenir mutuellement. Non directement, lune ne fournissant pas
lautre les subsistances ncessaires son dveloppement, mais davantage selon
une logique de diversification permettant de faire face aux alas du march. Enfin,
de la mme manire que Santa Ana offre un point dappui vers le march
uruguayen et bonaerense, So Borja est le passage oblig vers le march
paraguayen. Cette circonstance est loin dtre ngligeable lorsque lon connat la
force dattraction exerce par le Paraguay sur ses voisins. La complmentarit
entre les diffrents types de systmes agraires correspond tout fait aux principes
bauchs Buenos Aires en 1832.
2525
Troisime partie
Chapitre VII
2526
AMFBJAD n 1215, projet de complexe agricole bonaerense, Buenos Aires, 21 juillet 1832.
Et ralise au cours de la seconde moiti du XIXe sicle avec lessor du complexe agropastoral pampen ; cf. CHONCHOL Jacques, Systmes agraires en Amrique latine. Des
agricultures prhispaniques la modernisation conservatrice, Paris, IHEAL, 1995, pp. 113-123.
2528
Cf. GALAFASSI Guido P., op. cit., p. 71.
2529
AMFBJAD n 1919, contrat dassociation, 1818 ; AMFBJAD n 2044, journal, 1819.
2527
656
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2530
2531
657
Troisime partie
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perspectives semblables celles des annes 1830, mais les initiatives de Bonpland
savrent beaucoup plus troitement dpendantes des projets gouvernementaux.
Sil raisonne encore en termes dinvestissements, il sagit avant tout
dinvestissements publics ; ses placements personnels sont de moindre ampleur,
mme si jusquen 1858 Bonpland espre entrer en ngoce direct avec la France.
2534
658
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avoir
ncessairement
recours
aux
intermdiaires
institutionnels,
Lquipe, si restreinte soit-elle, telle quelle se prsente par exemple sous sa forme binomiale
simple Humboldt-Bonpland entre 1799 et 1804. La rduction et la disparition de lquipe de
recherche sur le terrain est nettement visible au XIXe sicle, prenant une forme monoviatique
pour employer un nologisme facilitant la classification. Sur ce point, cf. chapitre IX, pp. 813-815.
2537
Les tudes disciplinaires samplifient par exemple en Uruguay partir de la fin de la Guerra
Grande ; cf. SAUREL Louis-Jules, Essai dune climatologie mdicale de Monte-Video et de la
Rpublique Orientale de lUruguay, Montpellier, Ricard Frres, 1851 ; MAURIN Franois,
Souvenirs de la climatologie et de la constitution mdicale de lUruguay de 1845 1849,
Montpellier, Jean Martel An, 1853.
659
Troisime partie
Chapitre VII
la fondation dinstitutions, ce qui nest pas sans danger pour leur carrire 2539 .
Enfin les particuliers, praticiens sdentariss, sont les passeurs de savoirs les plus
actifs et les plus reconnus dans leurs pays dexercice. La reconnaissance acquise
par Bonpland la fin de sa vie mane majoritairement de cercles mdicaux, et
nombre de ses collgues installs au Ro de la Plata obtiennent la gratitude des
gouvernants pour leur action dont les effets sont nettement plus perceptibles sur le
terrain que les apports naturalistes.
Quils soient passeurs, fondateurs ou formateurs, les membres du corps
mdical dveloppent une interaction cognitive forte. Leur point commun rside
dans une mme rflexion mdicale mene divers niveaux. Le voyageur observe
et pose les problmes, le fondateur et le praticien cherchent les solutions. Il existe
donc une complmentarit interne renforce car dans tous les cas, les barrires
sont nettement moins tranches entre les diffrentes catgories, les acteurs
pouvant facilement passer de lune lautre. De plus, les dangers inhrents
2538
BROC Numa, op. cit., p. 336. Pour Alfred Demersay, lautorisation dexplorer le Paraguay est
suspendue au rsultat des soins dispenss au fils du prsident de la rpublique ; DEMERSAY
Alfred, op. cit., tome 1, pp. LIV-LV.
2539
Cf. MOLINARI, Jos Luis, Sobre algunos panfletos aparecidos en 1822, contra el Tribunal
de Medicina, la Academia de Medicina y el Departamento de Medicina de la Universidad , in
Boletn de la Academia Nacional de la Historia, vol. 32, 1961, pp. 317-326.
660
Troisime partie
Chapitre VII
Cf. ODDO Vicente, El Dr. Victor F. Bruland (1817-1895) y su actuacin en las provincias
del Noroeste argentino , in Archivos Histricos de Medicina Argentina, 2e anne, vol. 1, n 4,
1972, pp. 3-6 ; RODRIGO ALSINA Miquel, op. cit.
2541
Cf. MAE GARZON Fernando, AYESTARAN Angel, No es para tanto, mi to! El Doctor
Henrique Muoz y su poca (1820-1860), Montevideo, s. e., 1995; ZAIDA LOBATO Mirta,
Lecturas de una historia de la salud en la Argentina. Una introduccin , in ZAIDA LOBATO
Mirta (d.), Poltica, mdicos y enfermedades: lecturas de historia de la salud en la Argentina,
Buenos Aires, Biblos/Universidad Nacional de Mar del Plata, 1996, pp. 11-18 ; COELHO ELDER
Flavio, A medicina brasileira no sculo XIX : un balano historiogrfico , in Asclepio, 1998,
vol. 50, n 2, pp. 169-186 ; COELHO ELDER Flavio, A medicina no Brasil imperial :
fundamentos da autoridade profissional e da legitimidade cientfica , in Anuario de Estudios
Americanos, tome LX, n 1, janvier-juin 2003, pp. 139-156.
2542
Hormis lexception notable constitue par louvrage de IVERN Andrs, Rosas y la medicina.
Un aporte a la historia de la medicina en la repblica argentina, Buenos Aires, Huemul, 1962.
661
Troisime partie
Chapitre VII
prennent en compte les esclaves qui ne sont pas oublis 2543 . De fait lensemble
des patients se rvle htrogne, cest--dire que toutes les couches sociales et
raciales y sont reprsentes : peones, domestiques, artisans, sacristains, militaires,
juges, leveurs, ngociants, gouverneurs, Europens, Croles, Noirs, Indiens,
2543
Parmi cette dernire catgorie, les prisonniers ne sont pas oublis : une femme et son enfant
sont inoculs en prison ; dautres esclaves font lobjet de nombreuses visites en prison ; CAIC,
journaux mdicaux, 13 juillet 1835, 20, 24, 28, 30 aot 1835, 2-4, 11 septembre 1835.
662
Troisime partie
Chapitre VII
2544
CAIC, journaux mdicaux, 11 avril 1833, 4 aot 1833, 14-16 novembre 1833.
CAIC, journaux mdicaux, 23 mars 1833, 30 mars 1833, 2 mai 1833, 13 juillet 1833, 19-21
octobre 1833, 14 novembre 1833, 16 novembre 1833, 7 fvrier 1834, 5 mars 1835, 18 mars 1835,
26 mars 1835, 30 mars 1835, 7 juillet 1835, 3 aot 1835, 9-10 aot 1835, 4 septembre 1835, 2
dcembre 1835, 5 fvrier 1836, 8 juin 1836,
2546
IVERN Andrs, De vinchucas y de Bonpland , in Medicina del trabajo en Hipcrates y
otros temas de historia de la medicina, Rosario, Universidad Nacional de Rosario, 1991, p. 26.
2547
AMFBJAD n 1704, voyage dans la province de Corrientes.
2548
Juan Gregorio Fernandez lui demande de venir soigner un de ses fils, sur recommandation de
Justo Vivar ; Le commandant de Curuz Cuati lui demande de venir soigner son frre ; Juan N.
Prez devient intermdiaire pour transmettre des traitements mdicaux San Roque, ainsi que des
nouvelles de ses patients ; AMFBJAD n 1146, J. G. Fernandez Bonpland, San Roque, 13
septembre 1834 ; AMFBJAD n 1147, J. Vivar Bonpland, San Roque, 13 septembre 1834
;AMFBJAD n 1509, R. Romero Bonpland, Curuz Cuati, 9 novembre 1834 ; AMFBJAD n
762, J. N. Prez Bonpland, Bellavista, 13 dcembre 1834.
2549
AMFBJAD n 513, S. Bocquin des Hilaires Bonpland, Pelotas, 13 mars 1848.
2550
AMFBJAD n 892, Bonpland Blanc et Constantin, Montevideo, 1er fvrier 1842 ;
AMFBJAD n 1513, I. Recalde Bonpland, Paraguay, 10 septembre 1842. Aim Bonpland ne se
rend pas au Paraguay malgr ces sollicitations.
2545
663
Troisime partie
Chapitre VII
voyageurs tels les frres Robertson, Francis Bond Head ou Alcide dOrbigny 2556 ,
Bonpland ne mentionne aucun moment lexistence de cet insecte et ne fait pas le
rapprochement entre la maladie et son porteur.
2551
664
Troisime partie
Chapitre VII
2557
Ibid., p. 25.
DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, pp. 201-202.
2559
AMFBJAD n 1188, journal, sjour Buenos Aires, 4 avril 1832.
2560
Ibid. ; AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, aot 1832.
2561
Benot-Jules Mure (1809-1858) accoste Rio de Janeiro en 1840 afin de fonder un
phalanstre, accompagn dune centaine de familles. Ce projet ne parvenant pas se concrtiser, il
fonde en 1843 lInstituto Homeoptico do Brasil. En 1847 Mure doit sembarquer pour la France
suite une accusation dempoisonnement porte contre lui.
2562
Samuel Hahnemann (1755-1843) fonde la doctrine du similia similibus curantur, admettant le
rapport entre les effets pathogntiques des mdicaments et leurs effets curatifs. il suffit selon lui
de donner aux agents thrapeutiques un mode particulier de prparation, lequel, tout en diminuant
considrablement les doses, augmente leur puissance.
2558
665
Troisime partie
Chapitre VII
2563
Cependant, suite au voyage effectu Porto Alegre en 1849, Bonpland est amen
rviser sa position. Le contact avec des partisans de cette mdecine ainsi que la
surabondance de soins constats lamne probablement changer dopinion 2564 .
Moins dpendante du contexte politique et plus aisment applicable que
les expriences menes sur le terrain conomique, la recherche mdicale
reprsente le terrain dapplication des savoirs naturalistes et amricanistes par
excellence. Les enjeux scientifiques sy rejoignent et sy dveloppent, pousss par
la concordance entre loffre et la demande. Si la rception du travail est quasiment
nulle au sein des laboratoires, le travail en lui-mme dvoile le trait dunion
existant entre la recherche et son application sur le terrain. Les moyens permettent
de dvelopper un travail exprimental englobant une partie du processus
dethnopharmacologie, hormis la le travail dexprimentation en laboratoire.
Lethnopharmacologie comporte trois secteurs : la recherche de plantes, la
recherche applique sans exprience en laboratoire et lexprimentation seule 2565 .
Le premier secteur est sans doute le plus riche. Bonpland se dplace
jusqu la proprit de Santos Maciel afin de rencontrer celui qui le premier a
trouv les proprits de la racine de guaycuru en 1826, et qui ds 1827 la fait
connatre Santa Fe puis Buenos Aires 2566 . Dans le cadre de ses recherches sur
le jalap, le mdecin sarrte San Antonio Mburucuay car la rgion est connue
pour abriter cette plante quil dsire comparer des extraits recueillis au riachuelo
en 1820, Santa Ana en 1821, Itapa en 1829 et lors de son voyage effectu dans
2563
AMFBJAD n 1744, journal, voyage de Santa Ana la Bande Orientale, 14 octobre 1842.
AMFBJAD n 1175, Chauvis Bonpland, Alegrete, 17 fvrier 1850. Dj en 1837 Bonpland
sinsurge contre la surabondance de soins promulgus au gouverneur Rafael de Atienza. Il obtient
pour un jour larrt des vsicatoires aux bras, soppose lapplication de teinture de cantharide sur
le pubis et labus de trop de purgatifs. En 1838, il se flicite du rtablissement de Blanco sans
avoir eu besoin de recourir aux purgatifs ; AMFBJAD n 22, voyage de So Borja Curuz
Cuati, 29 novembre-2 dcembre 1837 ; AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes
Santa Ana, 23 juillet 1838.
2565
Cf. LANHERS M. C., FLEURENTIN J., MORTIER F., Inters de la evaluacin
farmacolgica de los extractos de plantas utilizadas en la medicina tradicional , in GONZALEZ
ALCANTUD Jos Antonio, RODRIGUEZ BECERRA (d.), Creer y curar : la medicina popular,
Grenade, Diputacin Provincial de Granada, 1996, pp. 111-121.
2566
MNHN, ms 205, n 1197, La Bajada, fvrier 1832.
2564
666
Troisime partie
Chapitre VII
les missions portugaises au cours de lanne 1831 2567 . Lors de son voyage de
Buenos Aires So Borja, en 1837, il trouve enfin la batatilla euphorbe dont les
racines sont si vantes comme purgatives 2568 . Comme pour ses recherches en
matire dhistoire naturelle, Bonpland a recours a des intermdiaires. A ce titre, il
demande au capataz de Itaroque de lui arracher des racines deuphorbe pour en
prouver laction purgative 2569 .
Au premier secteur ethno-pharmaceutique ajoutons la collecte de
thrapeutiques locales juges plus ou moins efficaces. Les premires annes
passes sur le sol rioplatense sont celles de lobservation parfois admirative. En
1819 Bonpland constate la grande rputation de la graisse de mac et de canard
renomms pour gurir les douleurs des os ainsi quune multitude dautres
maux 2570 . En janvier 1821, il apprend dun cur de la Capella de Guacavas un
remde contre une diarrhe qui avait resist tous les traitements de la facult
de mdecine de B. ayres . Une vieille femme lui applique ce traitement avec
succs car jamais depuis cette poque il na t atteint de semblable maladie ni
daucune autre 2571 . Il apprend encore prs du ro Batel, dans la maison de Luisa
Garca, quune feuille de papier dissout dans du lait a guri une dysenterie
ancienne 2572 .
A ce titre, on constate une autonomie par rapport au savoir mdical
traditionnel 2573 , laquelle le mdecin Bonpland adhre. Il na pas les certitudes de
ses collgues parisiens, mais aussi comme eux est ouvert aux explications non
conventionnelles. On trouve trace dune conversation entre Bonpland et un
confrre Buenos Aires : Bouvillier, mdecin franais, lui confie que les corces
de grenadier dtruisent le ver solitaire2574 . Darwin ou Demersay compilent de
mme les traitements locaux. En octobre 1833, le premier est victime Santa Fe
2567
667
Troisime partie
Chapitre VII
de maux de ttes contre lesquels on lui applique des feuilles doranger, un taffetas
noir ou le plus souvent une moiti de fve humide sur les tempes 2575 . Le second
observe que les curanderos administrent la terre rouge contre les diarrhes
chroniques 2576 . Bonpland relve en novembre 1831 un remde contre cette
dernire affection ; une femme lui assure quun rameau de romarin cuit dans un
verre de vin rduit moiti par bullition savre efficace, bien quil faille faire
attention avec les personnes ges 2577 . Cependant, le Franais se montre
circonspect dans de nombreux cas. Cela concerne lhritage jsuite tel le baume
des missions dont il ne pense pas, contrairement la croyance populaire, quil soit
fabriqu partir de laguarivaye 2578 . Plus gnralement il sinsurge contre des
croyances nfastes, tel lusage de lcorce en poudre de lyribaro gurissant les
bubons, ou celui dune espce de cactus rpute pour soigner les hernies 2579 . Il se
dsole encore de constater que la batatilla, par ailleurs purgatif efficace, soit
prescrite pour tous types de maux sans relle efficacit 2580 .
Mais dans le doute, Bonpland prfre sen remettre aux laboratoires
europens. Cette troisime phase de lethno-pharmacie que Bonpland ne matrise
pas est confie au Musum royal dhistoire naturelle, notamment en 1837. A cette
date le Franais sjourne Buenos Aires, o il constate la vente grande chelle
de la racine de guaycuru, connue sous le nom de consoude, rpute pour ses
bienfaits contre toutes les pertes de sang. Mais, crit-il,
jai peu de confiance dans la grande rputation que donne le peuple aux
proprits mdicales de cette racine
2575
2581
Darwin sinsurge contre une pratique consistant couper en deux un chien afin den attacher
les morceaux autour des membres briss ; DARWIN Charles, op. cit., pp. 140-141.
2576
DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, p. 80.
2577
CAIC, journal de mdecine, missions brsiliennes, novembre 1831. Bonpland relve en
dautres occasions les vertus du toro caa qui, dit-on, sert gurir la gale. Le tupasay, bon
sternatoire utilis par les jsuites, est encore employ au Paraguay en 1824 par quelques Indiens
contre les maux de tte. La raiz del guaycuru est utilise pour laver et gurir les plaies. Le
mechoacan de Santiago contient des racines mdicinales. Le tamambu de So Borja gurit dit-on
les plaies et rend la vue Le croton dit racine de Anselmo est utilis contre les maladies
vnriennes, les affections cutanes et celles de la poitrine ; MNHN, ms 204, n 742, Santa Ana,
dcembre 1821 ; MNHN, ms 203, n 827, 828, Santa Mara de Fe, avril 1824 ; MNHN, ms 203, n
835, Santa Mara de Fe, fvrier 1825 ; MNHN, ms 204, n 948, Santiago, So Borja. mars 1831 ;
MNHN, ms 205, n 1937, Missions portugaises, octobre 1835.
2578
MNHN, ms 203 n 507, Corrientes, janvier 1821.
2579
MNHN, ms 203, 204, n 505, 849, Corrientes, Santa Mara de Fe, 1821, 1826.
2580
MNHN, ms 205, n 1938, Missions portugaises, octobre 1835.
2581
AMFBJAD n 278, HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 112, Bonpland au directeur du
Musum Royal dhistoire naturelle, Buenos Aires, 5 janvier 1837 ; AMFBJAD n 286, Bonpland
A. Richard, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
668
Troisime partie
Chapitre VII
Il commente la tisane de lEtasunien Greswald, vivant Buenos Aires, prescrite contre toutes
sortes de douleurs de Greswald. Un autre Etasunien lui fournit la composition de la fameuse
panace de Swam ; AMFBJAD n 1700, journal, So Borja, 1er novembre 1833.
2583
MNHN, ms 203, n 746, 793, Santa Mara de Fe, avril et novembre 1822 ; AMFBJAD n 278,
HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 106, Bonpland au Directeur du Musum Royal
dhistoire naturelle, Buenos Aires, 5 janvier 1837 ; AMFBJAD n 1602, Bonpland F. Sagastume,
Montevideo, 15 aot 1850.
2584
DEMERSAY Alfred, op. cit., pp. 181, 275-276.
2585
Dumril est lauteur dune Erptologie gnrale, ou Histoire naturelle des reptiles dbute en
1834 ; AMFBJAD n 1716, sjour Buenos Aires, 1837.
2586
AMFBJAD n 2046, op. cit. ; MNHN, ms 204, n 987, 2075, San Miguel, avril 1831 ;
AMFBJAD n 1716, Sjour Buenos Aires, 1837 ; DEMERSAY Alfred, op. cit., pp. 276, 278279.
669
Troisime partie
Chapitre VII
Le mdecin et le politique
Cest beaucoup plus par son activit mdicale que par son activit
scientifique que Bonpland parvient, au cours des annes 1840 et 1850, se
concilier lamiti des diffrents protagonistes de la Guerra Grande qui voit
saffronter les clans correntinos. La clientle des lites, nous lavons vu, lui est
2587
Du climat et des maladies du Brsil, ou Statistique mdicale de cet empire, Paris, Fortin,
Masson et Cie, 1844.
2588
AMFBJAD n 1691, journal, sjour Buenos Aires, mars 1832 ; AMFBJAD n 1697, journal,
sjour Buenos Aires, aot 1832 ; AMFBJAD n 1700, journal, So Borja, 6 novembre 1833 ;
AMFBJAD n 1712, Buenos Aires, annotations diverses, novembre 1836 ; AMFBJAD n 447, A.
de Mirbeck Bonpland, Salto, 22 janvier 1842 ; AMFBJAD n 1352, plantes mdicinales de
lUruguay, Montevideo, fvrier 1842 ; AMFBJAD n 895, Roborge Bonpland, Buenos Aires, 11
fvrier 1842 ; AMFBJAD n 1351, plantes du Brsil, Paris, 1844 ; MNHN, ms 206, 1849 ;
Bonpland J. Pujol, Concordia, 10 fvrier 1856, cit in PUJOL Juan, op. cit., p. 32.
2589
AMFBJAD n 1312, catalogue des remdes se trouvant dans la boutique de So Borja, 29
janvier 1849 ; AMFBJAD n 1137, Bonpland F. Vasconcellos, So Borja, 22-25 avril 1850 ;
AMFBJAD n 1538, L. M. Martnez da Silva Bonpland, Porto Alegre, 3 fvrier 1851.
670
Troisime partie
Chapitre VII
Peu aprs, il examine les soldats du vainqueur, Pedro Echage. Aussi, son amiti
le porte simpliquer auprs de Pedro Ferr, revenant au pouvoir doctobre 1839
dcembre 1842. Bonpland est notamment charg de faire transiter les
mdicaments achets Montevideo jusqu la capitale et larme de
Corrientes 2592 .
Aprs cette date, Bonpland demeure fidle vis--vis des proscrits sans
perdre lamiti des vainqueurs. Mais il prend soin de rester au second plan des
oprations militaires, limitant son action publique des apports pisodiques,
consistant le plus souvent inspecter ltat sanitaire des troupes 2593 . Une
implication de ce type a lieu en 1850, mise en lumire par Juan A.
Domnguez 2594 . LEjrcito Grande form par lEntrerriano Justo Jos de Urquiza
tant en proie une pidmie de dysenterie, le gnral a recours Bonpland afin
2590
Cabral, nomm gouverneur par Rosas para que pudiese arrancar de raz todo germen de la
influencia del partido liberal , exilant Pedro Ferr ; cf. ZINNY Antonio, op. cit., p. 49. Pedro
Cabral provient dune ancienne famille correntina. Gouverneur une premire fois en 1828, il
appuie Rosas ce qui lui amne de nombreux adversaires. Aprs la victoire des fdralistes
Arroyo Grande, il assume de nouveau le commandement de Corrientes, dclarant coupables de
haute trahison Pedro Ferr et ses partisans et confisquant ses biens. Il est chass du pouvoir en
1843 par Joaqun Madariaga.
2591
AMFBJAD n 527, P. Cabral Bonpland, 4 aot 1836 ; AMFBJAD n 148, J. Madariaga
Bonpland, Ibicu, 7 octobre 1836 ; CAIC, dette pour un traitement mdical de J. P. Virasoro, s. l.,
3 avril-15 novembre 1841.
2592
AMFBJAD n 1737, voyage Montevideo, 3 novembre 1840 ; AMFBJAD n 113, P. Ferr
Bonpland, Corrientes, 22 janvier 1841 ; AGPC, Correspondencia oficial, tome 107, fs. 51, 61, 108.
2593
Bonpland J. Pujol, Restauracin, 21 fvrier, 20 mai 1855, cit in PUJOL Juan, op. cit., tome
5, pp. 33, 206-207.
2594
DOMINGUEZ Juan A., op. cit.
671
Troisime partie
Chapitre VII
2596
2597
un mal
672
Troisime partie
Chapitre VII
Es de toda necesitad qe nuestro illustre amigo lleve con sigo un medico de toda su
confianza , ibid.
2600
Bonpland ne cache pas quen accompagnant Madariaga, il en profiterait lui aussi para de una
vez ser lejos del theatro de toda polytica , BCNBA, Bonpland G. Valds, So Borja, 3
novembre 1851.
2601
Ibid.
2602
AMFBJAD n 1314, carnet n 5, 23 mai 1834.
673
Troisime partie
Chapitre VII
respect et plus intgr par sa clientle. Il nen est pas forcment plus cout, car
son apport se surajoute aux croyances dj en place. Le rapport la sant est
complexe, et sil sagit den prsenter seulement certains aspects, commencer
par le degr de capillarit dun savoir.
Un travail respect
La porte de son travail est illustre par les demandes manant de plusieurs
centaines de kilomtres. Sa rputation est telle ds 1833, que Jos Domingo
Abalos le rejoint So Joo Mini pour lui demander de venir Curuz Cuati
soigner le colonel Ledesma, Julian Antonio Araujo et Manuel Vicente Roln 2603 ,
tous membres de loligarchie correntina. En 1836, le gouverneur en fonction ainsi
que le futur titulaire du poste sollicitent urgemment son aide. Rafael Atienza
lappelle dabord pour quil vienne de nouveau secourir son frre politique
Manuel Vicente Roln gravement malade, appuyant sa demande dj insistante
par celle de la corporation mdicale de Corrientes qui savre impuissante2604 .
Trois mois plus tard, Pedro Cabral fait appel lui car ni Salinas ni Fonseca, les
deux principaux mdecins correntinos, ne parviennent rtablir compltement sa
femme enceinte de cinq mois, atteinte de pertes de sang 2605 . De lautre ct de la
frontire, Bonpland poursuit un travail moins visible mais efficace, non plus
alimentaire mais tout fait utilitaire. En octobre et novembre 1833, il est assailli
de demandes lempchant de mener biens un voyage prvu Buenos Aires 2606 .
Il participe plusieurs campagnes de vaccination contre la petite vrole So
2603
674
Troisime partie
Chapitre VII
2607
La vaccination est bien accepte ds son introduction en Amrique, en 1805 ; cf. ORBIGNY
Alcide d, Voyage dans lAmrique mridionale, tome I, 1835, p. 483.
2608
AMFBJAD n 167, P. Nascinbene Bonpland, Paran, 17 fvrier 1834 ; AMFBJAD n 1117,
A. Thedy Bonpland, Salto, 19 septembre 1835 ; AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia
Curuz Cuati, 17 mai 1837 ; AMFBJAD n 373, Bonpland J. A. Pimenta Bueno, So Borja, 8
novembre 1846 ; AMFBJAD n 1285, 1286, vaccinations So Borja, janvier 1844, fvrier 1850.
2609
CAIC, journal de mdecine, missions brsiliennes, novembre 1831.
2610
AMFBJAD n 454, A. de Mirbeck Bonpland, Uruguaiana, 19 avril 1847 ; AMFBJAD n
1165, J. J. de Freitas Bonpland, Alegrete, 7 avril 1835.
2611
AMFBJAD n 600, J. Gramajo Bonpland, Corrientes, 3 juin 1837.
675
Troisime partie
Chapitre VII
rle jou de faon rgulire, puisque par exemple il est pri de venir huit ans plus
tard San Roque assister aux funrailles de lpouse dAntonio Snchez 2612 . Cette
intimit explique une sociabilit et une sensibilit particulires entretenant un
respect et un lien religieux entre le mdecin et ses patients 2613 .
2612
Troisime partie
Chapitre VII
dernires, la rputation curative des eaux du Paran releve par dOrbigny 2617 , ou
dautres fleuves, peut savrer nfaste.
Bonpland cite lexemple de Julin Silvero qui avant de le consulter
a suivi lexemple dun grand nombre [dindividus] attaqus de
fanatisme : il sest deplac soufrant pour aller voir le saint. il a pris deux
bains dans le Miriay dont il na pu soufrir la dure
2618
Mais face la solidit des croyances, Bonpland est prt revoir ses mthodes. Le
cas de Silvero lui rappelle celui de Sorilla, dlgu des missions paraguayennes
qui, prt pendre un traitement mercuriel se voit ordonn par Francia daller se
baigner dans le Paran, et en ressort guri :
Mdecins Ecoutez ce fait : reflechissez et agissez. Mr Sylveiro a mis sa
confiance en moi. [] si aprs 6 ou 8 semaines de traitement il ne guerit
pas je suis resolu le faire baigner dans luruguay
2619
2617
2622
677
Troisime partie
Chapitre VII
2623
Cf. notamment BOCCIA ROMANACH Alffredo, Amado Bonpland. Carai Arandu, Asuncin,
El Lector, 1999.
2624
DEMERSAY Alfred, op. cit., tome 1, p.272.
2625
AMFBJAD n 1324, consultation mdicale pour Ernest Ledhui, Buenos Aires, aot-septembre
1832.
2626
AMFBJAD n 22, voyage de So Borja Curuz Cuati, 29 novembre-2 dcembre 1837.
678
Troisime partie
Chapitre VII
Un terrain vague
Le terrain mdical rural prsente un aspect tout fait dsert. Lors de son
sjour aux missions, Liniers note au commencement du XIXe sicle une absence
totale de mdecins qui se perptue malgr ses requtes auprs de la Couronne
espagnole. A laube des indpendances, Auguste de Saint-Hilaire confirme la
pnurie de praticiens au Ro de la Plata 2627 . A son tour, Bonpland nous apprend
que trs peu de mdecins saventurent, et moins encore se fixent dans
lIntrieur 2628 . La pnurie quantitative nest pas commente par Bonpland,
davantage attentif la dficience qualitative. Celle-ci oblige lpouse du
commandant de San Roque se faire soigner par un ngociant porteo que les
circonstances ont rendu medecin 2629 . A So Joo Mini, Bonpland impose
difficilement ses prescriptions la famille Antunes car Gregorio, qui se prtend
bon praticien, soppose au traitement prescrit par Bonpland son frre Antonio,
lui prfrant ladministration de lavements purgatifs et de poudres portant le
titre pompeux de toniques pulmonaires 2630 . Dans beaucoup de cas, il se heurte
lautomdication dans laquelle la mdecine de Leroy, trs rpandue, fait office de
succdan. Les gurisseurs contribuent pour leur part perptuer la cohorte des
superstitions. Bonpland cite lexemple dune vieille femme dont
ses alentours disent avec assurance que depuis quun Curandero lui a fait
prendre un peu de miel chaud, quelle se trouve beaucoup mieux. Cest
une de ses mille erreurs populaires.
2631
Un grand travail reste faire au niveau des mentalits 2632 . Ses confrres y sont
confronts, tel Mirbeck qui soppose la proposition dune commre de
Madame Paillot de lui donner des pilules vgtales 2633 .
Les professionnels quil ctoie ne sont pas non plus pargns, notamment
les quelques Europens rencontrs. Ainsi, le mdecin allemand aperu Mercedes
passe plus de temps chasser et pcher qu soigner. A Salto, un jeune mdecin
2627
LOZIER ALMAZAN Bernardo, op. cit., p. 153 ; SAINT-HILAIRE Auguste de, op. cit., pp.
XXVII-XXVIII.
2628
Nous nen avons recens quune demi-douzaine dans lentourage de Bonpland.
2629
AMFBJAD n 1695, voyage de So Borja Corrientes, 2 janvier 1832.
2630
CAIC, journal de voyage, Missions portugaises, 24 aot et 27 septembre 1833.
2631
AMFBJAD n 1726, journal, estancia de Toms Ledesma, 6 novembre 1839.
2632
Un double travail, pour les contemporains de Bonpland bien sr, mais aussi pour les historiens
des mentalits qui disposent dun terrain de recherche encore fcond en Amrique latine.
2633
AMFBJAD n 760, J. Paillot Bonpland, Uruguaiana, 18 avril 1851.
679
Troisime partie
Chapitre VII
AMFBJAD n 1708, voyage So Joo Mini, 27 juin 1835 ; AMFBJAD n 1718, voyage de
Buenos Aires Concordia, 22 mars 1837.
2635
AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 17 mai 1837.
2636
Ils ont commenc par lui administrer douze frictions mercurielles, alors que Bonpland en
effectue six pour viter la salivation. Labus de saignes entrane pour sa part limmobilisation du
bras gauche ; AMFBJAD n 1723, journal, voyage de Corrientes Santa ana, 16 juillet 1838.
2637
AMFBJAD n 1719, voyage de Concordia Curuz Cuati, 18 avril 1837 ; AMFBJAD n
1723, journal, voyage de Corrientes Santa ana, 15 juillet 1838 ; AMFBJAD n 1726, journal, San
Roque, 8 novembre 1839 ; AMFBJAD n 255, Bonpland G. Valds, Restauracin, 1er aot 1853.
2638
Deux tentatives ont lieu du vivant de Bonpland afin de crer une Acadmie de Mdecine. La
premire a lieu entre 1822 et 1824, la seconde entre 1856 et 1857. Dans les deux cas, les difficults
politiques et institutionnelles empchent la prennisation de lAcadmie. Il faut attendre 1873 pour
que linstitution renaisse dfinitivement de ses cendres ; cf. REAL Marco Aurelio, Origen de la
Academia Nacional de Medicina , in El mercurio de la Salud [en ligne], n 22, juillet 1998.
URL : geocities.com/HotSprings/Spa/2480/22-histo.htm.
680
Troisime partie
Chapitre VII
soins le premier ; on peut voir Pedro Ferr envoyer un courrier au devant de son
ami pour sen assurer lassistance avant les autres. En plus des soins ponctuels,
certains demandent expressment son suivi en remplacement de leurs mdecins
habituels, parmi lesquels Acua figure en bonne place. Les Perichn, chez qui il
loge lors de ses sjours Corrientes, refusent dappliquer les prescriptions du
mdecin correntino 2639 . Il sagit pour la plupart de familles qui, si elles ne sont
pas au plus haut de lchelle sociale, disposent tout de mme dun bon niveau de
vie et de culture. Le contrat conclu au Rio Grande do Sul en 1833 avec la famille
Antunes est incontestablement le signe dune forte demande, car il porte sur la
somme impressionnante de 800 000 reis, permettant lacquisition de la proprit
de So Borja la mme anne achete avec un dixime de cette somme 2640 .
CONCLUSION
A travers la mise en valeur de formes de communication sur le long terme
diffrentes des rcits de voyages, nous pouvons esquisser un comportement
amricaniste non comme observateur mais comme acteur. En effet le chercheur
cde la place lentrepreneur, la pratique supplante la thorie, le voyageur devient
migrant et sadapte au milieu culturel. Il acquiert un rle transfrontalier
international mais surtout rgional notable qui en fait un mdiateur vis--vis des
hommes et des savoirs. Voulant faire fortune en difiant un nouveau Malmaison,
Bonpland se voit forc saccommoder des contraintes sociales fondes sur la
rciprocit.
Celle-ci englobe les activits mdicales, conomiques et politiques. La
base de cette rciprocit est constitue par les relations mdicales, indispensables
au soutien conomique et relationnel du Franais. Au-del des constats alimentant
la recherche amricaniste concernant les mdecines traditionnelles par exemple,
Bonpland nous fournit un tableau prcis de la place du mdecin au sein de la
socit rioplatense. A travers la mdecine se rejoignent les proccupations
2639
AMFBJAD n 10, P. Ferr Bonpland, Lomas, 7 mai 1834 ; AMFBJAD n 1704, voyage dans
la province de Corrientes, 7 mai 1834 ; AMFBJAD n 347, E. M. Perichn Bonpland, Batel, 1er
janvier 1835 ; AMFBJAD n 662, Jos N. Ledesma Bonpland, Curuz Cuati, 27 mars 1838 ;
AMFBJAD n 1055, J. Silvero Bonpland, Curuz Cuati, 25 avril 1838.
2640
AMFBJAD n 1888, journal, So Joo Mini, 12 fvrier 1833.
681
Troisime partie
Chapitre VII
682
CHAPITRE VIII
De la coopration transatlantique au terrain de
recherche priphrique (1817-1849)
INTRODUCTION
En partant pour Buenos Aires, Bonpland ambitionne non seulement de
rpter et complter le voyage avec Humboldt, mais aussi de franchir une tape
scientifique supplmentaire. En effet, il souhaite collecter, revenir et publier mais
aussi fonder un centre de culture et une tradition scientifique en Amrique. Cette
tape est celle qui manque Humboldt et Bonpland pour devenir vritablement
des promoteurs de lamricanisme. Son souhait de mettre en place une coopration
scientifique transatlantique, particulirement visible dans sa correspondance avec
Larraaga, dpasse les habituels ddicaces et hommages formels. Si, comme il
lannonce, Bonpland souhaite fonder un centre scientifique Buenos Aires puis
revenir, cela implique la prsence ou la formation dun ou plusieurs scientifiques
capables de le diriger aprs lui. Cela signifie la cration dun rseau savant
transatlantique fournissant lembryon dtudes amricanistes.
En effet, lambition, loriginalit ainsi que la difficult du projet
scientifique de Bonpland rside dans sa viabilit long terme, cest--dire aprs le
retour du savant en Europe. Nous ignorons, et il est probable que Bonpland
ignorait aussi, quelles modalits pratiques privilgier pour la mise en place de ce
laboratoire scientifique priphrique. Il est prsumable quil souhaite dupliquer le
Troisime partie
Chapitre VIII
modle de rfrence qui est celui du Musum parisien, mais faute de soutien
gouvernemental il dveloppe rapidement un tablissement dagriculture pratique
rpondant la demande locale plus conforme aux moyens dont il dispose et
inspir du modle de Malmaison-Navarre.
Ladaptation des objectifs dAim Bonpland invite rflchir sur les
rapports scientifiques entre le centre et la priphrie. La reproduction dun modle
central se heurte aux ralits de la demande scientifique priphrique car faute de
moyens techniques et humains les tentatives dadaptation de modles centraux
font apparatre un dcalage entre loffre et la demande scientifique. Les sciences
naturelles qui, en Europe, ont une fonction dinventaire, parviennent-elles
acqurir une fonction qui les rendent opratoires au Ro de la Plata ? Le premier
obstacle freinant le processus dadaptation rside dans le projet de recherche de
Bonpland qui, du fait de son caractre eurocentr, dpend du centre scientifique
qui marginalise ce projet. Cette marginalisation progressive du travail de
Bonpland en Europe sexplique par lapparition dun dcalage entre la demande
scientifique centrale et loffre dun savant qui se trouve coup de ses moyens de
recherche. Un second aspect concerne le problme de la construction dune
tradition scientifique priphrique daprs un modle oprationnel au centre, mais
freine le dveloppement scientifique de la priphrie. En effet, les objectifs
diffrent des besoins rels qui permettraient dimpulser une tradition scientifique
autochtone, cest--dire rpondant des besoins spcifiques de dveloppement.
Les projets priclitent et, de plus, les tudes priphriques sont relgues en
marge.
Troisime partie
Chapitre VIII
2641
Troisime partie
Chapitre VIII
de deux objectifs. Il
2645
2644
Bonpland J. Lebreton, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente
A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 63. Un des vux du Franais est exauc en 1825, lorsque les
rues principales de Buenos Aires sont paves. Il nen demeure pas moins que la plupart des rues
sont en mauvais tat ; quant aux routes proches de la ville, elles sont selon John Beaumont
impraticables par temps de pluie et poussireuses jusqu ltouffement le reste du temps ; cf.
BEAUMONT John A. B., op. cit., pp. 106-107.
2645
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 290.
2646
Cf. PERAZZI Pablo , op. cit., p. 190.
686
Troisime partie
Chapitre VIII
2647
Des recherches demandent tre encore effectues afin de saisir les conditions dmergence
des sciences naturelles et plus gnralement de la culture scientifique rioplatense travers des
sociabilits rudites. A ce propos, Miguel de Asa relve la prsence de quatre cabinets de
curiosit privs dans lensemble du Ro de la Plata ; ASUA Miguel de, La ciencia de Mayo. La
cultura cientfica en el Ro de la Plata, 1800-1820, Buenos Aires, FCE, 2010, pp. 65-70.
2648
PERAZZI Pablo, op. cit., 2008, p. 190.
2649
MUIZ Francisco Javier, Noticia sobre las islas del Paran, Publicaciones del Instituto de
Investigaciones Geogrficas, Facultad de Filosofa y Letras de la Universidad de Buenos Aires,
Coni, 1925 (s. d.).
2650
Bonpland J. M. de Pueyrredn, Buenos Aires, 22 juin 1818 ; A. de Poziga Bonpland,
Buenos Aires, 3 octobre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO
Rmulo d, op. cit.,, pp. 32-34, 39.
687
Troisime partie
Chapitre VIII
rsultats 2651 . A cet gard lattitude du gouvernement de Buenos Aires autant que
celle du Franais sont ambiges, celui-ci prcisant que ldition de ses rsultats est
prvue en Europe, laissant le gouvernement libre den profiter ou non. La
constitution dun jardin botanique est dinitiative prive, aucun effort ntant fait
Buenos Aires pour faciliter ce dessein. Lexploration est aussi laisse
lapprciation du Franais, aucune instruction ntant donne avant le dpart de
Bonpland. Ce nest que tardivement, au cours de lanne 1821, quil obtient le
soutien en demi-teinte de Rivadavia. Celui-ci, par le biais de lArgos, attend son
retour pour acclrer la mise en place du jardin botanique, mais il attend aussi un
changement dans la direction prise par le botaniste qui il conseille daller en
Patagonie accompagn du soutien certainement militaire du gouvernement 2652 .
Mais Bonpland ne peut en profiter, les forces paraguayennes ne lui laissant pas
lopportunit de revenir. Jusqu son dpart pour le Paraguay, toute linitiative
scientifique mane donc de Bonpland ; il ne dispose pas de direction ou
dinstructions scientifiques.
Le Muse dfini en 1812 ne revt donc que peu de similitudes avec un
Musum et na pas de fonction formatrice ni investigatrice. Il nest pas non plus
dot dune bibliothque et rien nindique quelle ait t prvue. La Bibliothque
Publique inaugure en 1812 est le seul lieu public rassemblant cette classe
doutils 2653 . Le tmoignage de Bonpland indique que les ouvrages prsents dans ce
lieu sont en nombre trs insuffisant. En 1815, avant son dpart, il constate que la
Bibliothque Publique manque de tout. Sollicit par le gouvernement pour
apporter des ouvrages scientifiques, le Franais est finalement contraint une
vente publique, les autorits locales ne se portant pas acqureuses des livres 2654 .
De 1812 1823, le muse demeure un concept. Il ne dispose ni de
directeur, ni de structure, ni doutils, ni de rgles ni dune quantit suffisante de
matriel scientifique. Pourtant, en 1817, larrive dAim Bonpland signifie un
2651
Cf. RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit.,, p. 34.
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., dONOFRIO Rmulo, op. cit., p. 93.
2653
Luis Jos Chorroarn est charg lui seul dordonner la Bibliothque Publique en vue de son
inauguration. Le rglement approuv le 2 mars 1812 par le Triumvirat est constitu de breves
ordenanzas reducidas a pocos artculos ; cf. GARCIA DE LOYDI, Ludovico, Cundo y por
quin fue fundada jurdicamente la Biblioteca pblica de Buenos Aires , in Investigaciones y
Ensayos, 1972, n 12, pp. 567-569.
2654
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 13 fvrier et 2 avril 1818 ; AMFBJAD n 912, Bonpland Barrois,
Corrientes, 28 mars 1838.
2652
688
Troisime partie
Chapitre VIII
2657
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 2 avril 1818.
2656
Il crit : je croyais que ces collections prcieuses [] serviraient en quelque sorte de bases ici
un tablissement dinstruction publique et je vois avec douleur que ltat de guerre continuant on
est forc doublier les sciences , AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195,
carpeta 18, Bonpland Larraaga, 2 avril 1818. Il rpte, dans une lettre Larraaga date du 15
septembre de la mme anne : le malheureux tat politique de votre pays a contrari et suspendu
tous mes projets.
2657
U., Yo, y creo que otros muchos hemos sido cruelm.te engaados en nras esperanzas : Yo soy
mas culpable que todos p.r q.e me deb aprovechar de lo pasado : p.o ya que estamos en ello es
preciso salir con honor. , Bonpland J. Lebreton, Buenos Aires, 18 novembre 1818, cit in RUIZ
MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 62.
689
Troisime partie
Chapitre VIII
des frres blemnites. Mais lacte de vente ne lui est pas remis, et un an plus tard
les religieux rclament des arrirs pour la location, en non la vente, de la quinta.
En octobre 1818, Juan Mara Pueyrredn autorise lordre religieux porter plainte
sans que le point capital de la responsabilit de lEtat soit tabli. Pueyrredn
vinc du pouvoir, les Blemnites reconnaissent quune promesse de vente a bien
t donne mais en demandent lannulation. Le procs se poursuit jusqu
lenlvement de Bonpland, le gouvernement bonaerense concluant laffaire au
dbut de lanne 1822 en nationalisant la proprit2658 .
Deux remarques simposent propos de cette proprit destine, selon le
reprsentant de Bonpland en justice, tre transforme en Jardin des plantes de
Buenos Aires 2659 . La premire concerne la nature prive du lieu cens abriter un
jardin public. Sagit-il dun souhait mis par Bonpland lui permettant de
dvelopper une activit conomique prive, ou dune dcision manant du
gouvernement ? Quelque soit la rponse, la possession juridique de la quinta
montre que lEtat ne souhaite pas prendre en charge la fondation dun jardin
botanique et que le modle de centre scientifique priphrique imagin Buenos
Aires est, au moins, semi-priv. La seconde remarque concerne plus
particulirement le rle jou par le gouvernement de Pueyrredn. En effet, il
apparat clairement que celui-ci nappuie aucun moment le projet de Bonpland.
Aucun texte officiel ne fait allusion cette cration qui demeure donc, de facto,
une initiative prive. Cest en 1821 seulement, alors que Bonpland se trouve au
Paraguay, que Rivadavia tant parvenu au gouvernement exprime le souhait de le
voir revenir des Missions afin dacclrer la constitution du jardin 2660 .
En 1822, la cration de luniversit voulue par Rivadavia ne prend pourtant
en compte lhistoire naturelle que trs superficiellement. La figure suivante montre
quelle est absorbe par les sciences physiques et mathmatiques, elles-mmes ne
reprsentant quune part minime du budget total de luniversit. Deux ans plus
tt, la part de lhistoire naturelle reprsente encore prs du quart du budget de
lenseignement suprieur 2661 . Ce profond changement opr dans la politique
scientifique bonaerense est une preuve de la place accessoire des sciences
naturelles dans le projet scientifique gouvernemental. Le droit est le fondement de
2658
RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., pp. 6-20.
Ibid., p. 8.
2660
Daprs PALCOS Alberto, op. cit., 16 janvier 1941.
2661
Cf. graphique n 18, page suivante.
2659
690
Troisime partie
Chapitre VIII
Langues (13,6%)
Droit (16,9%)
Dessin (23,7%)
Dun point de vue qualitatif, une initiative non gouvernementale ayant lieu
en 1822 peut tre perue comme un contrepoids la perte dinfluence des sciences
2662
Nous navons pas connaissance dune tude prcise des fonds consacrs aux sciences au cours
du XIXe sicle et qui permettrait, au del des polmiques sappuyant le plus souvent sur des
analyses qualitatives, de dresser un bilan comptable de la politique scientifique rioplatense
susceptible den affiner la comprhension. Ltude du fonctionnement budgtaire de luniversit de
Buenos Aires et des autres centres scientifiques rioplatenses enrichira sans doute notre
comprhension du projet scientifique indpendantiste.
691
Troisime partie
Chapitre VIII
son
activit
sur
la
partie
scientifique
dlaisse
par
le
2663
Nous ignorons encore si cette socit est rellement cre partir dune initiative prive pour
suppler aux lacunes gouvernementales, ou si elle mane du gouvernement lui-mme.
2664
Cf. CAMACHO Horacio H., Antecedentes histricos de la formacin de los primeros
gelogos argentinos , in Serie tcnica y didctica, Buenos Aires, Fundacin de historia natural
Felix de Azara, n 2, 2002, p. 1.
2665
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, juin 1832 ; RUIZ MORENO Anbal,
RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit.,, pp.81-83, 89-90.
2666
Francisco de Paula Rivero, nomm chirurgien major des armes de lEtat en septembre 1814,
jouit dune grande rputation de patriote.
2667
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, juin 1832. Le parcours du docteur anglais
Wilham rappelle celui de Bonpland. Exerant la mdecine Buenos Aires, des diffrends avec
Argerich le forcent quitter la ville. Il choisit, associ un compatriote, dinvestir dans llevage
de mrinos Concordia ; AMFBJAD n 1718, voyage de Buenos Aires Concordia, 12 mars
1837. Labsence denseignement des sciences naturelles a t justifie par labsence de professeurs
spcialiss ; cf. MANTEGARI Cristina, Naturaleza y modernizacin en el siglo XIX: la
expansin de la institucionalizacin cientfica , in Saber y Tiempo, vol. 4, n 14, juillet-dcembre
2002, p. 18. Une nuance simpose, dans la mesure o il sagit plutt dune absence de recrutement
de professeurs spcialiss. A dfaut de recruter ltranger, comme ce ft le cas pour Bonpland, ou
dutiliser Carlos Ferraris qui est dj sur place, il tait possible de faire appel Francisco Javier
Muiz, peut-tre pas ds 1823 mais partir de la fin de cette mme dcennie.
692
Troisime partie
Chapitre VIII
693
Troisime partie
Chapitre VIII
parmi lesquels figure lhistoire naturelle 2673 . Octavio Fabricio Mossotti 2674 lui
succde en 1828 et dmissionne son tour en 1834, laissant derrire lui prs de
3 000 pices dhistoire naturelle2675 . Le cadre scientifique se rvle donc trs
instable ; Arsne Isabelle peut dplorer le fait que le programme de Rivadavia
nait eu quun commencement dexcution ; il dplore galement le dpart des
professeurs recruts par Rivadavia aprs la dmission de celui-ci, privant Buenos
Aires du statut de nouvelle Athnes 2676 .
Du laboratoire au dpt
Aprs lenlvement du Franais, le projet de jardin botanique nest
cependant pas abandonn. Les autorits porteas se montrent dsireuses de
relancer ce projet scientifique grce Rivadavia, dabord ministre en 1821 puis
lu la tte de la Confdration en 1826, qui tente une nouvelle fois de faire
germer une culture scientifique dEtat. Durant les annes 1820, ses dcisions
politiques font esprer un regain dactivit et la formation dun vritable
laboratoire. Cette fois, cest lEtat qui en est lorigine et qui montre sa volont
de crer la fois un dpt de matire premire et un lieu dtudes puisquen 1823
la cration du Muse saccompagne de celle dun jardin dacclimatation et dune
cole dagriculture pratique. Pierre Baranger est recrut pour diriger cette dernire
mais le gouverneur Juan Gregorio Las Heras la supprime en 1825. Quant au
jardin, il ne connat pas davance jusquau 6 juin 1826 lorsquun nouveau dcret
initi par Rivadavia relance le projet. Alexander Paul Sack est appel pour exercer
la fonction de jardinier botaniste des Provinces-Unies, Samuel Attwell tant
recrut en tant quassistant. Sack est en outre charg de rouvrir lcole
2673
Troisime partie
Chapitre VIII
Registro nacional. Provincias Unidas del Rio de la Plata, Libro primero, ao de 1825, Buenos
Aires, Imprenta de los Expositos, 1825, pp. 162-165.
2678
Ibid., pp. 164-165.
2679
Cf. MAROTTA F. Pedro, Antecedentes sobre la enseanza agrcola en el pas , in El
Monitor de la Educacin Comn, Buenos Aires, Consejo Nacional de Educacin. 1914, p. 323.
2680
Cf. CAMACHO Horacio H., The Italian Contribution to the Development of the Geologic
Knowledge of Argentina , in Bollettino di Geofisica teorica ed applicata, vol. 45, n
supplmentaire 2, novembre 2004, p. 19.
695
Troisime partie
Chapitre VIII
qui est charg dacclrer la constitution du Muse dans une perspective plus
encyclopdique que scientifique. Rivadavia lui demande en effet dorganiser des
collections dhistoire naturelle mais aussi dautres relatives la chimie, aux arts et
aux mtiers 2681 .
Cest en 1824, la faveur dune mission diplomatique entreprise par
Bernardino Rivadavia dans la capitale britannique, que les Italiens Pietro Carta
Molino, mdecin et naturaliste de formation et son assistant Carlos Ferraris sont
recruts par lentremise de la compagnie minire londonienne Hullet Brothers 2682 .
Sil dispose des cadres, le muse ne possde encore ni le lieu ni les objets
ncessaires son fonctionnement. Carta Molino trouve les collections dhistoire
naturelle probablement celles lgues par Muoz dans un tat si dtrior quil
se voit oblig de recommencer les collections 2683 .
Le but initial est donc de prsenter une vue panoramique des connaissances
et non de proposer un laboratoire spcialis et fonctionnel consacr lhistoire
naturelle, aucun lment du dcret neffleurant la question dune utilisation du
muse des fins autres que la simple exposition. En 1823, le muse mlange les
uvres dart avec le reste des collections 2684 . Rivadavia montre dune part que l
encore, il ne se contente pas de calquer le modle europen mais quil ladapte aux
moyens de son pays en proposant un muse rpondant davantage la situation
embryonnaire des sciences. Mais il en limite aussi la fonction de recherche,
puisquil est destin lexposition davantage qu la recherche avant lacquisition
dinstruments de physique en 1827.
En outre Manuel Moreno ne semble pas vouloir, ou pouvoir, impulser une
politique dacquisition indispensable pourtant au Muse 2685 . Charg den tudier
les potentialits et lextension, il propose en 1824 un plan de dveloppement des
collections essentiellement minralogiques encore plus fragile que celui de
1812. Il se pose dabord la question du rayonnement gographique du Muse, ne
sachant sil faut limiter le fonds la province de Buenos Aires ou llargir aux
2681
Troisime partie
Chapitre VIII
Provinces Unies 2686 . Cette hsitation vis--vis des acquisitions effectuer pose la
question de sa fonction provinciale ou nationale, en lien direct avec laffrontement
entre fdralisme et unitarisme, la question de la lgitimit scientifique du muse
renvoyant celle politique de la ville. Le muse, en tant que matrialisation dune
idologie, peut devenir un muse unitaire ou fdraliste. Cette hsitation peut tre
interprte aussi comme un manque dambition. Moreno le confirme en concluant
son rapport par la proposition de constituer le muse avec ce quil y a
disposition 2687 , ne tranchant ni politiquement ni scientifiquement.
Pourtant, entre 1825 et 1828 les sciences naturelles sont sur le point de
former un ple de recherche part entire, plusieurs tapes dterminantes tant
franchies. En effet, la cration dun jardin dacclimatation permet partir de 1825
permet dimpulser la recherche botanique et dalimenter le Muse. Si le budget de
luniversit pour lanne 1825 est consacr pour moiti aux Lettres, une partie est
dvolue au jardin dacclimatation et ltablissement dtudes de minralogie et
de gologie. Lcole dagriculture pratique est prvue la mme anne. Des tudes
de physique et de chimie diriges par Carta Molino en 1827 2688 puis par Mossotti
permettent lenseignement des sciences naturelles. De plus, le muse dispose
depuis 1826 dun emplacement dans lancien couvent de Santo Domingo 2689 . Il
ouvre cette anne ses portes au public sous la direction du successeur de Carta
Molino, Carlos Ferraris, lequel acquiert les instruments ncessaires aux cours de
physique et de nouvelles collections naturalistes.
En effet, la Crnica poltica y literaria annonce en juin 1827 que le cabinet
dHistoire naturelle doit runir les objets ncessaires lenseignement des
sciences physiques et naturelles 2690 . Le muse prend la forme dun laboratoire
dans la mesure o il concentre, au sein dun lieu propre, des fonctions
denseignement et de recherche ; la prsence dun jardin botanique et linstallation
dun observatoire astronomique assoient cette fonction. Il est aussi prvu
dinstaller un laboratoire de chimie, un cabinet de physique et un muse de
2686
Ibid.
Ibid.
2688
Cf. CAMACHO Horacio H., op. cit., p. 19.
2689
Cf. PERAZZI Pablo, op. cit., p. 191.
2690
An., Pedro Carta Molino. Mdico, fsico y promotor de la ciencia , in GOLDES Guillermo
(dir.), Proyecto Ameghino. Programa de Divulgacin Cientfica y Cultura FaMAF [en ligne], s.
d. URL : http://www.famaf.unc.edu.ar/tirabo/ameghino_old/biografias/moli.html.
2687
697
Troisime partie
Chapitre VIII
zoologie, minralogie et botanique 2691 . Les cadres recruts par les autorits
porteas disposent des instruments leur permettant de constituer un laboratoire ex
nihilo.
En 1827, un dbat samorce entre Bartolom Muoz et La Crnica poltica
y Literaria, les diteurs de celle-ci refusant dans un premier temps la collection
de Muoz le statut de savante , se justifiant ensuite de cette prise de position en
faisant remarquer que si la collection peut intresser, elle ne peut satisfaire la
curiosit des savants tant donn le travail de rcollection et de classification quil
reste faire 2692 . Au-del du constat, lexistence de ce dbat nous renseigne sur la
place quest en train de prendre lhistoire naturelle, car en suscitant la discussion
elle sort de lindiffrence et de la marge scientifique, elle est mise en avant. Le
dbat nous renseigne aussi sur les intentions de Rivadavia en 1827 vis--vis de
cette science, car sa dnonciation est un appel amliorer le travail de collecte et
de classification.
Cependant, la dmission de Rivadavia intervenue en 1827 fait craindre une
rapide dliquescence du Muse de Buenos Aires, son successeur supprimant le
jardin dacclimatation 2693 . Pourtant, le Muse se porte acqureur de 187 spcimens
en 1828 2694 . Alcide dOrbigny apporte sa pierre ldifice naturaliste porteo
puisquil offre Carlos Ferraris plusieurs exemplaires zoologiques 2695 . Au total,
entre 1828 et 1833 214 dons sont comptabiliss. Il sagit dune somme peu
considrable mais elle signifie que le muse continue fonctionner mme
faiblement et acqurir des fonds. La diversit des acquisitions est dailleurs la
preuve dune politique relativement active dans la mesure o elles proviennent des
2691
Ibid.
Cf. FURLONG Guillermo, Naturalistas argentinos durante la dominacin espaola, Buenos
Aires, Editorial Huarpes, 1948, pp. 381-383. La Crnica poltica y Literaria est une revue acquise
Rivadavia. Elle est dirige depuis mars 1827 par Pedro de Angelis, rcemment arriv dItalie
avec lEspagnol Jos Joaqun Mora, rdacteur pour La Crnica. Les deux hommes fondent ensuite
ensemble El Conciliador ; cf. FIGUEIRA Jos Joaqun, Franois de Curel, notas biogrficas y
bibliogrficas , in Boletn Histrico, Estado Mayor General des Ejrcito, Seccin Historia y
Archivo , 1959, n 80-83, p. 96.
2693
La faible activit qui touche lensemble de la vie scientifique est peut-tre davantage due la
situation financire catastrophique lgue par Rivadavia qu un manque de volontarisme ; cf.
HALPERIN DONGHI Tulio, op. cit., pp. 49-51.
2694
La dpense se monte 1 360 pesos ; cf. LASCANO GONZALEZ Antonio, op. cit., pp. 47, 71.
2695
ISABELLE Arsne, Voyage Buenos Aires et Porto Alegre, par la Banda-Oriental, les
missions dUruguay et la province de Rio-Grande-do-Sul de 1830 1834, suivi de Considrations
sur ltat du commerce franais lextrieur, et principalement au Brsil et au Rio-de-la-Plata, Le
Havre, Imprimerie J. Morlent, 1837, p. 162.
2692
698
Troisime partie
Chapitre VIII
699
Troisime partie
Chapitre VIII
Weddell se rend sur les rives des ros Negro et Colorado ainsi que le long des ctes
patagoniques en 1822.
2702
Cf. ANGELIS Pedro de (d.), Diario de la expedicin de 1822 a los campos del sud de
Buenos-Aires, desde Morn hasta la Sierra de la Ventana; al mando del coronel D. Pedro Andrs
Garca con las observaciones, descripciones y dems trabajos cientficos, ejecutados por el oficial
de ingenieros D. Jos Mara de los Reyes [en ligne], in Coleccin de obras y documentos
relativos a la Historia Antigua y Moderna de las provincias del Ro de La Plata. Tomo Cuarto,
Buenos
Aires,
Imprenta
del
Estado,
1836.
URL :
http://bib.cervantesvirtual.com/servlet/SirveObras/acadLetArg/01159185653470465210035/index.
htm.
2703
Cf. KIRCHEIMER Jean-Georges, op. cit., pp. 307-315.
2704
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835, pp. 495-501 ; tome II, 1839-1843, pp. 319-320.
2705
Cf. CAMACHO Horacio H., op. cit., p. 19.
700
Troisime partie
Chapitre VIII
2707
laissant transparatre la pitre estime dans laquelle le Franais tient les sciences
porteas. En cho aux reproches du Franais, Mossotti retourne en Europe deux
ans aprs leur rencontre. Avec le dpart de lItalien, Buenos Aires perd loccasion
de fonder un ple scientifique dexcellence. Le dpartement de Sciences Exactes
cesse de fonctionner, le laboratoire de chimie est remis dans une cave o il est
retrouv en 1852 quasiment inutilisable. Quant au cabinet de physique, il est
confi aux jsuites avec tout le matriel et les meubles.
Malgr ltat dgrad des sciences naturelles quil constate, Bonpland
sengage envers les autorits rioplatenses. Il y a l une continuit de la
coopration scientifique entame Bonpland simpliquant dans des projets de
fondation dune tradition scientifique rioplatense presque immdiatement aprs sa
2706
Nous navons pas retrouv de correspondance entre le personnel du muse et celui du jardin. Il
est impossible de dire en ltat actuel des recherches si une collaboration a t initie entre les deux
institutions.
2707
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 87.
701
Troisime partie
Chapitre VIII
ajoutant quil sengage le modifier ds que dautres lments lui seront fournis.
En outre, ce projet est ralis alors que Bonpland loge Buenos Aires chez Pedro
de Angelis, figure centrale de la culture et relais indispensable auprs des autorits
bonaerenses. Enfin, lampleur du projet qui vise fournir en comestibles la villeport et qui prvoit un excdent destin lexportation ne laisse aucun doute quant
limplication du gouvernement. Tel quil est esquiss, le projet dpasse le stade
du jardin botanique puisquil redessine le centre et la priphrie de Buenos Aires
en y implantant trois ceintures agraires fondes sur trois tablissements se
soutenant mutuellement. Cest donc un immense projet durbanisme fond sur
lagriculture.
Cest aussi une raison suffisante pour rester encore en Amrique, dautant
quil correspond cette date au got prononc de Bonpland pour lagriculture
pratique, hrit de son sjour forc au Paraguay. On peut lire sur le brouillon
dune lettre adresse Humboldt en 1832 :
une ide qui me sourit beaucoup lorsque je pense leurope est lespoir
de moccuper pratiquement dagriculture. Pendant ma dtention au
Paraguay jai prouv dans la culture en grand des consolations que je
voudrais mler avec les publications dont jaurai necessairement
moccuper lors de mon retour en france.
2710
AMFBJAD n 1215, projet de complexe agricole bonaerense, Buenos Aires, 21 juillet 1832.
Cf. chapitre VII, pp. 655-656.
2710
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
2709
702
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Chapitre VIII
2713
2711
703
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Chapitre VIII
2716
FERRE Pedro, op. cit., pp. 80-86. Bonpland fait part de la proposition de Ferr alors que le
conflit entre Corrientes et le Paraguay, dclench au dbut de lanne 1832, se durcit et culmine en
1833, lorsquil est question de couper la route de Itapa So Borja passant par la province
conteste des Missions, lien commercial vital pour le Paraguay, et dclar sous lgislation de
Corrientes le premier septembre 1832 ; cf. CHIARAMONTE Jos Carlos, op. cit., pp. 87-89.
2717
Bonpland A. Raffeneau-Delile, Buenos Aires, 8 aot 1832, cit in HAMY Thodore Jules
Ernest, op. cit., p. 92.
704
Troisime partie
Chapitre VIII
2. Un terrain de passage
Au dbut des annes 1830, les bonapartistes arrivs entre 1815 et 1820 au
plus tard parlent de retourner ou retournent effectivement en Europe. Dominique
Roguin lvoque mais comme Bonpland choisit de poursuivre laventure
conomique ; Narcisse Parchappe revient en France relancer sa carrire
scientifique 2718 . Il ny a pas de comportements prdfinis, ladaptation
lenvironnement politique tant la rgle. Pour sa part, Bonpland se montre en 1832
impatient de retourner en Europe et y vivre au milieu de la civilisation 2719 . Il
abandonne lide dune publication distance, et envisage aprs sa dtention au
Paraguay dexplorer le Ro de la Plata puis de soccuper personnellement de
ldition en Europe 2720 . Il confie la mme anne un Amricain, le gouverneur de
Tucumn Herrera, son intention de rentrer en Europe terme 2721 . Bonpland se
projette dsormais sur le continent europen mme sil persiste dabord vouloir
fonder un centre scientifique au Ro de la Plata. Le Ro de la Plata qui en 1817
offre la possibilit de constituer un terrain et un laboratoire devient uniquement un
terrain partir de 1831.
2718
2719
705
Troisime partie
Chapitre VIII
2723,
sest effondre car elle est trop subitement passe de la servitude tablie par les
Espagnols, au rgime de libert claire que lui mnageait Rivadavia 2724 . En
effet, le gouverneur voulut amliorer trop vite le pays en faisant de Buenos
Aires une ville europenne alors quelle est, selon lauteur, peine sortie du
joug obscurantiste espagnol 2725 .
Ce sont les mentalits qui sont la cause de labsence dintrt pour cette
matire selon dOrbigny ; Arsne Isabelle complte cette thse en expliquant
quau gouvernement trop clair de Rivadavia a succd celui form par une
coterie jsuitique plongeant de nouveau la province portea dans la servitude
de linquisition de conscience 2726 . Aim Bonpland tmoigne son tour de
lignorance dans laquelle est plonge Buenos Aires en 1832, pas une me
nayant connaissance des ouvrages de Humboldt 2727 . Il note propos des
professeurs ayant tent de lcarter douze ans plus tt :
saenz est mort, ribero a t chass de Buenos-Ayres enfin fernandez et
algeric vgtent tristement
2728.
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835, p. 84. DOrbigny les juge encore fanatiques ; ce
trait de caractre est daprs le voyageur celui qui fait le plus de mal Rivadavia . Ils sont
encore dcrits comme superficiels, frivoles, enclins la rapine et la dilapidation, indiffrents la
chose publique ; cf. ibid., pp. 491. 510-513.
2723
Ibid., p. 478.
2724
Ibid., p. 84.
2725
Ibid., pp. 492-493.
2726
ISABELLE Arsne, op. cit., p. 182. Ds 1818, un auteur rest anonyme parcourt les Provinces
Unies de la Plata. Son rcit publi en 1818 a pour but de dsabuser le reste de [ses] compatriotes
sur un pays misrable, inhospitalier, et qui na rien des grandes vues politiques quon lui
suppose , cit in DUVIOLS Jean-Paul, Voyageurs franais en Amrique. Colonies espagnoles et
portugaises, Paris, Bordas, 1978, p. 205. Jullien Mellet offre lui aussi un tableau assez sombre des
alentours de Montevideo ; cf. ibid., pp. 208-209
2727
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832. Concernant ltat
politique qui freine le dveloppement, le mme contraste entre un potentiel agricole et commercial
immense et une situation politique chaotique empchant le dveloppement peut se lire chez
dautres voyageurs. Beaumont constate cette fracture qui ne peut se rsoudre, pour le bien du pays,
que par une rforme complte des principes moraux et politiques, et par un changement dattitude
des gouvernants rioplatenses ; cf. BEAUMONT John A. B., op. cit., p. 267.
2728
AMFBJAD n 1697, journal, sjour Buenos Aires, juin 1832.
706
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Chapitre VIII
2729
Il semble que Bonpland ne rencontre pratiquement aucun scientifique local lors de son sjour
porteo. Aucune de ses notes ne mentionne les cadres universitaires ni ce qui est plus surprenant
Carlo Ferraris et le muse.
2730
Cf. LOPES Maria Margaret, O Brasil descobre a pesquisa cientfica : os museus e as cincias
naturais no sculo XIX, So Paulo, Hucitec, 1997, p. 63.
2731
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 86. Cette collection correspond probablement celle amene par Carta Molino de Turin,
comportant 720 pices ; cf. MONTSERRAT Marcelo, op. cit., p. 85.
2732
AGUILAR H. A., Manuel Ricardo Trelles, organizador del Museo , in El Carnoteurus,
Boletin del Museo Argentino de Ciencias Naturales Bernardino Rivadavia, XIe anne, n 111,
fvrier 2010, pp. 6-7.
2733
ISABELLE Arsne, op. cit., pp. 31, 161-162 ; CAMACHO Horacio H., op. cit., p. 19. Lauteur
fait certainement allusion au travail de Ferraris qui tente alors driger un Musum Buenos Aires,
probablement pas linstitution elle-mme comme le suggre Horacio H. Camacho.
707
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Chapitre VIII
2734
2738
crit Bonpland en 1837 depuis Buenos Aires. Il sagit doffres effectues partir
de 1831, puisquil accepte celles faites jusquen 1821. Quelles sont ces offres, et
pourquoi Bonpland les refusent-il ? Le botaniste, prolixe mais trop rarement
explicite, nous oblige encore une fois user des recoupements.
2734
708
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2741
2740
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Chapitre VIII
une tradition scientifique. Les checs des annes 1820 montrent les limites dans
ces domaines. Il nest plus alors question, ni pour Bonpland ni pour dautres
hormis Thorndike et Constantin Buenos Aires ddifier un jardin botanique
susceptible dalimenter un laboratoire jusquau dbut des annes 1850. Pour sa
part, Bonpland opte pour la reproduction du modle de Malmaison-Navarre qui
repose sur sa viabilit conomique favorise par le climat subtropical de Santa
Ana.
Si les motifs du refus doffres de la part du gouvernement de Buenos Aires
semblent clairs, la nature de ces offres est saisissable. Lors de ses deux sjours
effectus en 1832 et 1836-37 Buenos Aires, le premier donne lieu un projet de
complexe agricole bonaerense qui peut tre rang parmi les offres, car si
Bonpland se montre prt le mettre excution rien nindique quil nait pas
finalement refus de le raliser. Le projet de former un cabinet dhistoire naturelle
Tucumn est aussi placer dans les offres refuses, Bonpland prfrant
dvelopper des socits prives buts scientifico-commerciaux. La socit forme
afin dexplorer le haut de lUruguay et de dvelopper une entreprise agricole
sinscrit dans cette logique, avant que Bonpland ne prfre la stabilit dune quinta
Santa Ana. Le second et dernier sjour porteo avant une dernire visite de
quelques jours en 1854 en 1836-37 est, notre connaissance, essentiellement
consacr la mise au point dentreprises prives. Le botaniste loge chez Pedro de
Angelis et se trouve donc au centre du rseau intellectuel et politique de la ville.
Mais absolument aucun document ne prouve quon lui propose un projet ou un
poste 2743 .
Bonpland prend peut tre en compte loffre manant de Teodoro Miguel
Vilardeb. Les premiers contacts stablissent en 1833 et ds 1834, celui-ci lui
propose de venir travailler Montevideo, le gouvernement uruguayen lui allouant
une chaire de Botanique et dAgriculture afin de fonder un centre et une tradition
scientifique sur lautre rive du ro de la Plata 2744 . Loffre correspond exactement
aux ambitions du Franais de dvelopper lagriculture pratique. Cependant
Bonpland ny donne pas suite, les changes pistolaires entre les deux hommes se
2743
Mme sil est tentant de penser qu cette poque Ferraris souhaite partir et quon ait pu lui
proposer de le remplacer. Le refus serait dans ce cas facilement explicable, le muse tant
quasiment labandon daprs Ferraris et noffrant, moins dune proposition suffisamment
attirante pour intresser Bonpland, aucun projet de dveloppement scientifique.
2744
AGNM, III, Catlogo de libros, Historia de la administracin, n 5050, Consejo de Higiene,
libro de actas 1831-1834.
710
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Chapitre VIII
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Chapitre VIII
Lingnieur Nicolas Descalzi est quant lui nomm par Rosas ingnieur,
hydrographe et astronome auprs du corps expditionnaire de la campaa al
Desierto en 1833. Il sagit defforts notables pour acqurir des connaissances,
mais les proccupations naturalistes passent au second plan.
Le faible dynamisme des sciences naturelles au Ro de la Plata se reflte
dans la production littraire 2749 . Jos Arenales est lun des rares Rioplatenses
publier in situ un ouvrage de gographie historique, les Noticias historicas y
descriptivas sobre el gran pais del Chaco y Rio Bermejo : con observaciones
relativas a un plan de navegacion y colonizacion que se propone dites en 1833.
En 1831, lItalien Nicols Descalzi publie grce limprimerie Bacle une carte de
la navigation du Bermejo. Arenales va plus loin en proposant une tude complte
du fleuve ; dOrbigny, avare de compliments concernant les scientifiques, lui en
sait grs 2750 . Mais aprs son exploration du fleuve Bermejo, effectue en 1830, il
rencontre Bonpland Buenos Aires et lui fait part de ses doutes quant la
ralisation des cartes de son ouvrage. Celle concernant la Bolivie a dj t
publie dans louvrage prliminaire que Bonpland a vu en 1832, mais il croit
devoir la refaire car elle contient beaucoup derreurs. Cependant Arenales doute
que la gravure et la publication puissent se raliser ailleurs quen Europe, ce qui
linquite car il craint de faire appel des personnes trangres et loignes. Aussi
sadresse-t-il Bonpland pour que celui-ci le guide et laide trouver la solution
la plus adquate, la plus avantageuse et la plus sre pour obtenir une gravure de
qualit 2751 .
La demande de Jos Arenales est instructive car en 1832 Buenos Aires
compte un tablissement lithographique, celui du Suisse Csar Hippolyte Bacle
2749
Le plan topographique de Buenos Aires ralis en 1823 par Philippe Bertres est envoy
Londres pour y tre grav ; cf. ALIATA Fernando, Gestion urbana y architectura en el Buenos
Aires posrevolucionario (1821-1835) , in RICCI Giuliana, AMIA Giovana d (dir.), La cultura
architettonica nellet della restaurazione, Milan, Mimesis, 2002, p. 456. Il serait instructif de
dresser une liste exhaustive des publications ralises dans le Ro de Plata et de celles ralises
ltranger suivant les thmes et loriginalit des publications. Cela permettrait de dresser un tat
critique des savoirs et de leur dpendance vis--vis de lEurope.
2750
Ce voyageur se flicite que louvrage soit imprim rcemment Buenos-Ayres, par un
Argentin [qui] a rendu un grand service la science. , ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome I, 1835,
p. 313.
2751
AMFBJAD n 399, J. Arenales Bonpland, Buenos Aires, 8 octobre 1832. Arenales joint sa
lettre son mmoire politique dit par Hallet en 1832 et intitul Memoria histrica sobre las
operaciones e incidencias de la Divisin libertadora a las rdenes del general D. Juan Antonio
Alvarez de Arenales en la segunda campaa de la sierra del Per en 1821, afin que Bonpland le
transmette Humboldt.
712
Troisime partie
Chapitre VIII
install depuis 1828 au moins 2752 . Certes, Bacle est alors en conflit avec le
gouvernement porteo car un dcret de fvrier 1832 oblige les imprimeurs
trangers renoncer leur nationalit pour exercer leur profession. Bacle
sinstalle au Brsil quelques mois mais son imprimerie poursuit son activit sous
la direction de son associ Jos Alvarez. Au dbut de lanne 1833, Bacle profite
dun assouplissement de lapplication du dcret pour revenir Buenos Aires 2753 .
Louvrage est finalement publi Buenos Aires en 1833 par limprimerie Hallet,
mais il sagit du seul abordant des questions dhistoire naturelle contemporaines
dit sur le sol argentin avant une vingtaine dannes. Les travaux de Muiz
doivent leur publication Domingo Sarmiento en 1885 seulement 2754 .
A dfaut de publications contemporaines, Pedro de Angelis initie une
politique ddition nationale sans prcdent partir du milieu des annes 1830,
prcisment sous le second gouvernement de Rosas. Grce notamment sa
Coleccin de obras y documentos relativos a la historia antigua y moderna de las
Provincias del Ro de la Plata les rcits antrieurs lindpendance sont dits. Ils
constituent une tentative russie dappropriation de travaux caractre
scientifique.
Une seconde appropriation peut avoir lieu grce la traduction, mais elle
est presque inexistante. Lorsque Bonpland sjourne Buenos Aires, Pedro de
Angelis se flatte de rencontrer le compagnon de voyage de Humboldt. Le
Napolitain, qui avoue son admiration pour le Prussien 2755 , est au centre de la vie
ditoriale portea. Pourtant, il favorise peu ldition douvrages de sciences
naturelles 2756 et norganise pas la traduction des rcits de voyage concernant le
Ro de la Plata dont il dispose. Ce processus dappropriation dune uvre opr
par la traduction nest pas une lacune propre Angelis, puisquentre 1818 et 1852
2752
Bacle sinstalle aprs 1825, puisquil ne figure pas dans linventaire dress par PARADA
Alejandro E., Introduccin al mundo del libro a travs de los avisos de la Gaceta
Mercantil (1823-1828) , in Investigacin Bibliotecolgica, vol. 9, n 18, janvier-juin 1995, p. 9.
2753
SZIR Sandra M., De la cultura impresa a la cultura de lo visible. Las publicaciones peridicas
ilustradas en Buenos Aires en el Siglo XIX , in Prensa argentina siglo XIX. Imgenes, textos y
contextos, Buenos Aires, coleccin Investigaciones de la Biblioteca Nacional/Teseo, 2009, pp. 8-9.
2754
SARMIENTO Domingo Faustino, Vida y escritos del coronel D. Francisco J. Muiz, Buenos
Aires, Flix Lajouane, 1885.
2755
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832 ; Bonpland Humboldt,
Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 90.
2756
Cf. SABOR Josefa Emilia, op. cit., pp. 381-436. Il dite nanmoins deux ouvrages du Chilien
Luis de la Cruz en 1835, sa Descripcin de la naturaleza de los terrenos poseidos por los
pegenches y los dems espacios hasta la ra de Chadileub, et le Viaje desde el Fuerte Ballester
hasta Buenos Aires.
713
Troisime partie
Chapitre VIII
les ouvrages publis en langue trangre ne sont pas traduits. Il faut attendre la
premire moiti du XXe sicle pour que dbutent les traductions. A titre
dexemple, les importants travaux mens par Alcide dOrbigny sont dits en
Argentine en 1944 et 1945 ; pour sa part Charles Darwin nest traduit quen 1942.
Les ouvrages de Burmeister sont traduits la mme poque 2757 , bien que pendant
trente ans il occupe une place minente parmi llite portea.
Ce dcalage tmoigne de lisolement scientifique dans lequel Bonpland se
voit confin au cours des annes 1830. Labsence de recherches et douvrages
entrane une impuissance sinscrire dans une dmarche scientifique globale et de
se confronter une communaut scientifique. A la lecture dun livre dit par
Pedro de Angelis en 1836 et retraant la fondation des missions jsuites,
lexpdition des limites et toute lhistoire de la Plata, Bonpland soppose
laffirmation de lItalien daprs qui le Salto grande nest pas navigable pendant
25 lieues. Bonpland pense que cest une grande erreur2758 sans pouvoir en apporter
la preuve. Il en est rduit des conjectures mais ne dispose pas des moyens
dtayer ses hypothses. Ainsi le Lucero le renseigne propos du voyage de Soria
sur le Bermejo ; le voyageur indique que dautres ont voyag dans le Chaco mais
nont rien publi et on ne retrouve aucune carte ni manuscrit. Bonpland pense que
des cartes doivent se trouver au Paraguay 2759 . Mais la polmique ne passe pas les
pages de son journal.
Les correspondances de Bonpland confirment labsence de sociabilits
savantes dans laire gographique quelles recouvrent. Il existe une diffusion des
connaissances qui seffectue de manire localise. Concernant la botanique 2760 ,
Vilardeb demeure son seul interlocuteur Montevideo. Les changes
scientifiques ont tendance se rduire la sphre prive. Au cours de la premire
moiti des annes 1830, Bonpland est en relation avec quelques personnalits
vivant Buenos Aires. Ainsi, un change scientifique a lieu avec Jos Arenales 2761
2757
2758
714
Troisime partie
Chapitre VIII
2762
AMFBJAD n 209, M. de Sarratea Bonpland, Buenos Aires, 30 juin 1835. Sarratea demande
au botaniste didentifier une espce de trifolium ou encore si la caa braba aperue par
Bonpland dans les les du Paran dispose dune description.
2763
AMFBJAD n 888, Constantin Bonpland, Buenos Aires, 21 aot 1837 ; CAIC, liste des
graines remises Constantin pour Holmberg, Corrientes, 28 mars 1838.
2764
AMFBJAD n 858 et 860, Blanc et Constantin Bonpland, Buenos Aires, 31 dcembre 1833 et
24 mai 1834.
2765
AMFBJAD n 436, Bonpland A. Eyris, Corrientes, 28 mars 1838.
2766
KLEINPENNING Jan M. G., op. cit., p. 177.
715
Troisime partie
Chapitre VIII
716
Troisime partie
Chapitre VIII
Un terrain dapprovisionnement
Au cours des annes 1820 et 1830, les Europens Charles Darwin et
Dumont dUrville ainsi que lexpdition nord-amricaine dirige par Charles
Wilkes ralisent une collecte dont, encore une fois, le gouvernement porteo ne
profite pas. Il est significatif de constater qualors que les Etats-Unis se lancent
dans des grandes expditions naturalistes qui parviennent jusquau territoire
argentin sans encore connatre leur propre territoire alors que les Rioplatenses
peinent inventorier le leur.
Le terrain rioplatense apparat profitable lacclimatation de plantes dans
la nouvelle colonie dAlger conquise en 1830. Le jardin botanique est rig en
1832 dans le but den faire une ferme modle et un jardin dessai. Ds quil
apprend la conqute dAlger Bonpland sempresse denvoyer des graines en vue
de leur acclimatation. Il procde une premire remise en 1832 depuis Buenos
Aires 2777 puis une autre en 1834 depuis Corrientes 2778 . Il choisit des espces quil
estime propices lacclimatation et au commerce. En 1837 il envoie une espce de
bois utile la tannerie et la charpente ainsi que les meilleures graines de tabac
que produit la province de Corrientes2779 .
Il nest pas le seul esprer beaucoup de la nouvelle colonie puisquen
1837, Bernard Lorentz prconise la ralisation dessais dacclimatation de cdres
du Liban Alger 2780 . La situation gographique dAlger prsente une opportunit
nouvelle pour limplantation de jardins dessai coloniaux dans la tradition de celui
fond en 1782 par Fuse-Aublet Salon et de celui de ladministrateur de lle
Bourbon, le baron Milius, en 18202781 . Bonpland se situe dans cette filiation ; il est
lun des premiers manifester le souhait de voir se raliser un travail
dacclimatation. A cette date le botaniste qui fournit normment de matire
2777
Il envoie des graines dun grand arbre, le chaar, et dune lgumineuse, la cinacina ;
AMFBJAD n 280, graines collectes entre So Borja et Buenos Aires, 1er juin 1832.
2778
Il sagit de graines du palmier yatai, de la spina de corona, algarobilla, convolvulus
mandiyuna et de nelumbium (mas de leau) ; Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Corrientes, 18
septembre 1834, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 95.
2779
AMFBJAD n 278, Bonpland au directeur du Musum Royal dhistoire naturelle, Buenos
Aires, 5 janvier 1837.
2780
Cf. PUYO Jean-Yves, Exprimentation des essences forestires exotiques en France, de 1820
1914 , in Jean-Louis FISCHER (dir.), op. cit., p. 247.
2781
AILLAUD Georges J., Le jardin dessai colonial de Marseille , in FISCHER Jean-Louis
(dir.), op. cit., p. 79.
717
Troisime partie
Chapitre VIII
2782
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 127.
2783
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 127.
2784
AMFBJAD n 1700, journal, So Borja, 12 dcembre 1833.
2785
Cest un des buts du voyage quil entreprend au Rio Grande do Sul en septembre 1833 ;
propos de ce voyage, cf. CARDOSO MARCHIORI Jos Newton, Arsne Isabelle , in Cincia
& Ambiente, n 13, juillet-septembre 1996, pp. 55-72.
2786
En attendant aussi une monographie sur Arsne Isabelle dont les multiples activits demandent
tudier en dtail. Il est comme Woodbine Parish un promoteur prcoce de la rgion auprs des
Europens.
2787
AMFBJAD n 1700, journal, So Borja, 12 dcembre 1833 ; AMFBJAD n 263, A. Isabelle
Bonpland, Montevideo, 16 fvrier 1841.
718
Troisime partie
Chapitre VIII
2789
719
Troisime partie
Chapitre VIII
B.
DES
RECHERCHES
EUROCENTREES
AUX
RECHERCHES PERIPHERIQUES
La coopration pense par Bonpland est eurocentre. Bien quil prche une
collaboration transatlantique, sa constante dtermination retourner en France est
sans doute la preuve la plus solide de son sentiment dtre un voyageur de
passage. Ces deux objectifs ne sont dailleurs pas incompatibles, le Ro de la Plata
se situant pour lui en priphrie vis--vis de la transformation de la matire
premire naturaliste en un objet utilisable. La publication, la compilation et la
comparaison des connaissances ainsi que la reconnaissance scientifique qui en
dcoule, tout ce qui contribue une carrire et une valorisation du travail
2793
Troisime partie
Chapitre VIII
721
Troisime partie
Chapitre VIII
2795
2798
2794
no he escrito para ensear, sino para comunicar a los principiantes agricultores lo que he
aprendido en el trabajo material de cuarenta aos de labrador conclut Grigera ; GRIGERA
Toms Jos, op. cit., p. 45.
2795
Quantos canales se abririan con dicha obra la prosperidad de la Agricultura y al fomento de
la Medicina, y del comercio, pues si solo los escasos medios, q.e proporciona la rutina, han dado a
este pays su riqueza presente qe no debe esperarse quando todo se haga con conocimientos y
inteligencia de principios , Bonpland J. M. de Pueyrredn, 22 juin 1818, cit in RUIZ
MORENO Anbal, RISOLIA Vicente A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 33. On retrouve ce
constat propos des fruits rcolter dune meilleure organisation agricole chez la plupart des
voyageurs ; cf. BEAUMONT John A. B., Viajes por Buenos Aires, Entre Rios y la Banda Oriental
(1820-1827) , Buenos Aires, Hachette, 1957 (1828), pp. 47, 59. Sans parler daversion pour le
travail manuel comme le fait Beaumont, Bonpland constate que son jardinier Auguste Bouville
Ha tomado todas las habitudes del pais : se h hecho un poco remolon, aunq.e muy trabajador. ;
lettre de Bonpland Acard, 18 novembre 1818, cit in RUIZ MORENO Anbal, RISOLIA Vicente
A., ONOFRIO Rmulo d, op. cit., p. 60.
2796
Cf. FOUREZ Grard, op. cit., pp. 108-109.
2797
A propos de limportance des publications pour le voyageur, cf. BROC Numa, Les
explorateurs franais du XIXe sicle reconsidrs , in Revue Franaise dOutre-Mer, tome XIX,
1982, n 256 et 257, pp. 339-346.
2798
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga. Buenos Aires, 15 septembre 1818.
722
Troisime partie
Chapitre VIII
Lettre de Bonpland A. Raffeneau-Delile, 1821, in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
80.
723
Troisime partie
Chapitre VIII
procdure pense par Bonpland est identique celle employe par Saint-Hilaire
qui privilgie lenvoi de mmoires spars daprs le modle ddition dj utilis
par Humboldt et Bonpland pour ldition des Plantes quinoxiales. Auguste de
Saint-Hilaire sadjoint deux collaborateurs, dont Adrien de Jussieu, surgarant
des soins avec lequel mes ouvrages seront continus 2800 . De retour de
lexploration de Minas Gerais, Saint-Hilaire abandonne provisoirement la
rdaction dune gographie des plantes au profit de deux travaux plus modestes
mais insrs dans les mmoires du Musum dHistoire naturelle 2801 .
En septembre 1818, Bonpland dispose du matriel botanique suffisant, soit
150 espces, pour former ses premiers cahiers de la Flore des Provinces Unies du
Ro de la Plata 2802 . La publication de mmoires nest pas voque, ce qui laisse
supposer quil se conforme au modle suivi lors de la publication du Voyage aux
rgions quinoxiales. Le procd est innovant, puisquil sagit de publier une
uvre monumentale distance. Lanne suivante il fait parvenir Labillardire
Paris 90 plantes indignes sches et numrotes 2803 et commande Pierre Benot
le dessin des chantillons 2804 probablement dans le but de prparer ldition 2805 .
Nous ignorons les raisons pour lesquelles, entre 1819 et 1820, Bonpland nentame
pas sa publication. Les vnements politiques entravent certainement ses projets
scientifiques ; nanmoins il dispose du matriel suffisant une premire livraison.
Depuis la mission de Santa Ana, en 1821 cest--dire peu avant son enlvement,
Bonpland annonce triomphalement Raffeneau-Delile ltat florissant de ses
collections et son intention de les faire parvenir Paris ;
et il faudra commencer publier la Flore des Provinces Unies
2800
2806
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, A. de SaintHilaire Larraaga, 16 janvier 1827.
2801
SAINT-HILAIRE Auguste de, Histoire des plantes les plus remarquables du Brsil et du
Paraguay : comprenant leur description et des dissertations sous leurs rapports, leurs usages, etc.,
avec des planches, en partie colories, Paris, Belin, 1824, p. XX.
2802
AGNM, Escritos del padre Dmaso Antonio Larraaga, caja 195, carpeta 18, Bonpland
Larraaga, Buenos Aires, 15 septembre 1818
2803
MNHN, ms 212.
2804
Bonpland le rappelle encore en 1837 propos du quebrahacho colorado ; AMFBJAD n 1719,
voyage de Concordia Curuz Cuati, 10 mai 1837.
2805
Il laisse en nantissement George Frederick Dickson 299 dessins originaux ; AMFBJAD n
567, Bonpland F. Dickson, Buenos Aires, 27 mars 1832.
2806
Bonpland A. Raffeneau-Delile, s. l., 1821, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., pp.
79-80. Sil a lintention de commencer ses publications par la flore, Bonpland noublie pas les
autres matires dhistoire naturelle. Le titre peut paratre trompeur, mais comme dans le cas des
ouvrages publis avec Humboldt, Bonpland choisit de commencer par la partie botanique du
voyage .
724
Troisime partie
Chapitre VIII
2807
Des extraits de ces journaux sont reproduits dans lannexe n 4, pp. 933-937.
LOURTEIG Alicia (comp.), op. cit. ; CONTRERAS ROQUE Julio Rafael, BOCCIA
ROMAACH Alfredo, op. cit.
2809
Cf. graphique n 13 et 14, pp. 555-556.
2810
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
2811
AMFBJAD n 280, graines collectes entre So Borja et Buenos Aires, 1er juin 1832.
2808
725
Troisime partie
Chapitre VIII
que huit espces car lhiver trs sec a beaucoup nuit la gestation et la
maturation. Le botaniste rochelais explique quaprs cinq mois de voyage ses
rsultats demeurent trs pauvres ; malgr cela la mticulosit dont Bonpland fait
preuve est guide par le souci de ne pas rompre le lien avec le Musum 2812 . Le
quatrime envoi a lieu depuis So Borja en juillet 1836 2813 et le cinquime,
constitu de trois caisses contenant 23 espces dchantillons de bois et 57 de
graines, depuis Corrientes en mars 1838.
Cette succession denvois dnote une volont de sauvegarder les rsultats
de la collecte en vue de leur publication en France. Le comportement de Bonpland
est en cela caractristique car le Ro de la Plata est alors dfini comme un vaste
terrain de recherche par les autres voyageurs europens. Lexpression de
Musum ciel ouvert 2814 utilise par dOrbigny pour caractriser les rives du
Paran dvoile plusieurs aspects de la pense du scientifique. Dabord, elle
exprime la fascination vis--vis la richesse du terrain auquel le savant est
confront. Ensuite, elle exprime une appropriation vis--vis de cette richesse car
dOrbigny se voit offert la possibilit de puiser dans ce Musum sans limites. La
notion de proprit est absente de son discours car, au nom de la science, il
soctroie le droit de sapproprier les objets quil voit malgr la contradiction entre
la notion de collecte et celle de Musum destine conserver. Mais il se peroit
sans doute comme un conservateur des richesses du Paran tout comme Arsne
Isabelle avec qui le Ro de la Plata devient un laboratoire de la nature , cest-dire que le laboratoire nest plus dans les murs et que par consquent il est
disponible qui fait uvre de recherche 2815 . Lemploi des termes Musum et
laboratoire pour dfinir un terrain lgitime le travail de collecte effectu par
des Europens au profit de laboratoires europens. Ils sont des chercheurs dans un
cabinet.
Cette dmarche est vocatrice des pratiques savantes particulirement vis-vis des collectes palontologiques, le Ro de la Plata tant considr comme un
terrain dapprovisionnement par les spcialistes ou les amateurs dhistoire
2812
AMFBJAD n 282, dtail des graines envoyes de Corrientes C.-F. Brisseau de Mirbel en
septembre 1834 ; AMFBJAD n378b, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Corrientes, 18
septembre 1834.
2813
AMFBJAD n 285, collection de graines envoyes au Jardin du Roi en juillet 1836, Buenos
Aires, 4 janvier 1837.
2814
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 3e partie, p. 25.
2815
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 3e partie, Gologie, 1842, p. 25 ; ISABELLE Arsne,
op. cit., p. 23.
726
Troisime partie
Chapitre VIII
naturelle. Les voyageurs tels quAlcide dOrbigny ont pour objectif lalimentation
des Muses qui les missionnent ; celui-ci mentionne les efforts des Europens
pour sapproprier le domaine palontologique 2816 . Bonpland participe ce
mouvement ds 1832 aprs avoir constat le comportement du docteur Fuentes,
propritaire des ossements du troisime mammouth retrouv dans la rgion. Le
Franais, constatant que Fuentes monnaye et disperse les pices, dcide de tenter
de rcuprer les ossements restants pour les envoyer au Musum 2817 .
Ce geste sinscrit dans un contexte favorable ce type de comportement,
tant donn que le chef du gouvernement porteo lui-mme remet une collection
au gouvernement franais. Pedro de Angelis agit de mme, puisquil se spare en
1841 dun squelette de Mylodon robustus expos au Muse londonien du collge
des chirurgiens 2818 . Muiz aussi envoie des fossiles Charles Darwin, lgitimant
lappropriation europenne de pices uniques. En effet, les pourvoyeurs se situent
tous les niveaux de la socit rioplatense, depuis le savant collecteur jusquau
chef de lEtat en passant par le gardien des pices musographiques nationales,
aucune lgislation ne rgissant la proprit des gisements archologiques et
palontologiques avant 1913 2819 . Le discours nationaliste de Rosas cet gard ne
fait pas illusion, Charles Darwin rappelant en 1852 que son ordre de ne pas laisser
les fossiles sortir du pays nest pas suivi deffet 2820 .
La dmarche de Bonpland est identique concernant le terrain botanique, le
continent amricain ayant pour fonction lapprovisionnement de lEurope. Cet
axiome est valable aussi bien pour lui que pour les autres chercheurs europens car
les collectes, peu importe qui les effectue, doivent tre ramenes en Europe tout
prix. Il demande Humboldt de presser Sellow denvoyer en Europe ses
collections quil croit immenses :
je sais positivement quil a beaucoup travaill et quil a surtout fait des
collections immenses tant pour le Bresil que pour la Prusse. Dans le cas
o il naurait pas envoy beaucoup de choses en Europe depuis long-tems
2816
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 4e partie, Palontologie, 1842, pp. 13-14, 23.
AMFBJAD n 287, Bonpland A. M. C. Dumril, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
2818
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome III, 3e partie, 1842, p. 26.
2819
Cf. ENDERA Mara Luz, PODGORNY Irina, Los gliptodontes son argentinos : la ley 9080 y
la creacin del patrimonio nacional , in Ciencia y Sociedad, vol. 7, n 42, septembre-octobre
1997, pp. 54-59.
2820
at one time Rosas ordered that Fossils shd. not go out of the country; but it is excessively
improbable that this wd be still acted on; if indeed it ever was acted on , C. Darwin G. R.
Waterhouse, Down, 8 septembre 1852, in Cambridge University Library, Darwin Correspondence
Project Database [en ligne]. URL : http://www.darwinproject.ac.uk/entry-1487.
2817
727
Troisime partie
Chapitre VIII
2821
2822
2821
En effet, Sellow est mort en octobre 1831 ; AMFBJAD n 319, Bonpland Humboldt, Buenos
Aires, 1er juin 1832.
2822
AMFBJAD n 287, Bonpland A. M. C. Dumril, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
2823
Cf. LOPES Maria Margaret, Nobles rivales: estudios comparados entre el Museo Nacional de
Ro de Janeiro y el Museo Pblico de Buenos Aires , in MONTSERRAT Marcelo (comp.), La
ciencia en la Argentina entre siglos. Textos, contextos e instituciones, Buenos Aires, Manantial,
2000, pp. 277-293.
2824
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832 ; Bonpland Humboldt,
Buenos Aires, 12 juillet 1832, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 90. De nombreux
autres diplomates sollicits par leur mtropole jouent un rle non ngligeable et de ce point de vue
les apports des correspondants des Muses europens, plus ou moins en marge des collecteurs
officiels des jardins restent tudier.
2825
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 2 mars 1837, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 122.
2826
Nom donn au Ro de la Plata la Victoria Regina.
728
Troisime partie
Chapitre VIII
son confrre effectu en 1834 2827 . Bonpland fournit un mmoire en esprant que
Mirbel puisse
publier dune manire exacte une plante que jai dcouverte ds lanne
1820
2828
Nayant toujours rien publi sept ans aprs sa libration, Bonpland commence
sinquiter du devenir de ses collectes et de sa reconnaissance scientifique en
Europe. Il espre obtenir une publication, mme sommaire, de ses recherches, afin
den garder la proprit. Neuf ans plus tard, lors du voyage Porto Alegre qui
marque son retour dans le monde scientifique, il dcouvre avec tonnement dans
le Penny magazine datant de janvier 1838 une figure du mas de leau quil juge
assez bonne bien quil manque les fruits. Il relve avec minutie les dtails
concernant le nom de Victoria Regina donn la plante par Charles Waterton, le
lieu de la dcouverte, les proprits de la plante et le fait quelle ait t connue et
dcrite comme un genre nouveau en Angleterre en mai et septembre 18372829 .
Esprant quil puisse complter la description de lAnglais, Bonpland sempresse
dcrire Mirbel en ce sens malgr son ignorance.
En 1840, aprs dix annes passes sans vritable avance dans ses
collectes, Bonpland envisage pour la premire fois de rester en Amrique 2830 .
Aussi demande-t-il conseil Humboldt et Mirbel pour publier distance. Bien
quil avoue sa rpugnance pour ce type ddition tant donn labsence de contrle
de la part de lauteur, il se soumet lide
dans le cas o je ne retournerais pas en Europe, ou dans celui dune mort
subite
2831
2827
Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Corrientes, 18 septembre 1834, cit in HAMY Thodore
Jules Ernest, op. cit., p. 95.
2828
Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Corrientes, 24 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules
Ernest, op. cit., p. 125.
2829
MNHN, ms 206, n 2408, Porto Alegre, juin 1849.
2830
Bonpland envisage ce genre de publication cause de ltat de guerre dans lequel sombre la
rgion mais aussi du fait de son concubinage.
2831
AMFBJAD n 381, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840 ;
AMFBJAD n 327, Bonpland Humboldt, Montevideo 17 mai 1840.
729
Troisime partie
Chapitre VIII
trouver un prcieux alli 2832 . Mais la rponse de Candolle, la mme anne, ne lui
laisse plus dalternative. En effet, dans le cas o Bonpland demeure en Amrique
il faut, assure Candolle, renoncer publier un ouvrage monumental. Les
ouvrages de botanique dits de luxe sont devenus plus rares explique-t-il, car
depuis lEmpire le nombre de plantes faire connatre est devenu trop important et
seuls les gouvernements peuvent soutenir de tels investissements. En outre,
lexpansion du march du livre et le got pour les ouvrages politiques laissent peu
de place aux sciences. Pour vendre, il faut dabord trouver un soutien
gouvernemental et un public, aussi Candolle commence-t-il par lui conseiller de
faire au plus simple et de revenir 2833 .
En effet, une publication doit tre dtermine selon Candolle par une
installation dans une capitale scientifique europenne, afin dy trouver les outils
ncessaires la rdaction. A Paris, ajoute-il, Bonpland pourrait bnficier du
secours du gouvernement, dautant plus que la botanique allie letranget de
[ses] aventures : tout fera de [son] en Europe un vnement . Encore faudrait-il
commencer par publier un rcit de voyage en arrivant pour attirer sur lui
lattention des libraires. Sil choisit la publication distance, Bonpland na que
deux alternatives. La premire consiste sadresser aux revues scientifiques pour
noffrir que les points les plus pertinents de ses recherches. La seconde et la
meilleure option selon Candolle repose sur lintgration des rsultats du Rochelais
au Prodromus 2834 du Genevois. Cest une terrible dsillusion car cest rien de
moins que le principal projet scientifique de Bonpland qui scroule.
2833
730
Troisime partie
Chapitre VIII
2835
731
Troisime partie
Chapitre VIII
2839
Un retard insurmontable
Le manque dinstruments freine considrablement les tentatives du
botaniste pour rattraper son retard. Ce manque est rappel plusieurs reprises au
2837
ORBIGNY Alcide d (dir.), Voyage pittoresque dans les deux Amriques, Paris, L. Tenr,
1836, p. 274.
2838
MARTIN DE MOUSSY J. A. Victor, Les populations indiennes actuelles du bassin de la
Plata et de la Patagonie , in Nouvelles Annales des voyages, tome 156, 1860, pp. 201-202.
2839
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 127.
732
Troisime partie
Chapitre VIII
cours des annes 1830 2840 concernant dabord les outils capables de dterminer les
proprits des plantes. Bonpland sintresse la botanique microscopique,
nouvelle manire de considrer les plantes , mais ne dispose pas des
instruments pour entreprendre des recherches dans ce domaine 2841 . Surtout, le
principal outil dactualisation des connaissances en matire de sciences naturelles
que sont les ouvrages lui manque cruellement. Concernant la gologie, le manque
est accru par son manque de comptences en la matire. Bien quil dispose de
matriaux, la totale absence douvrages pouvant lorienter rendent les chantillons
accumuls en 1838 inutilisables 2842 .
Bonpland ne possde pas les ouvrages essentiels traitant de la botanique
rioplatense, savoir ceux de Saint-Hilaire et dOrbigny. Il demande en 1839 les
travaux de Gaudichaud 2843 qui sont susceptibles de se rapprocher des siens
puisque son confrre publie la partie botanique du voyage autour du monde de
Freycinet, mais aucune trace documentaire ne permet daffirmer quil les ait
obtenus. En 1840, il na toujours pas vu les livres de Saint-Hilaire 2844 . Or,
lactualisation des savoirs suit un rythme trop rapide pour qui nest pas au centre
de la production des savoirs, dautant plus que mme pour les botanistes
travaillant en Europe, le temps entre la rdaction et ldition savre parfois
suffisant pour que les connaissances deviennent obsoltes. Ainsi, la seconde partie
des travaux botaniques du voyage dAlcide dOrbigny est publie alors que la
personne charge de la direction de louvrage, Camille Montagne, pose en
prambule son inactualit depuis deux ans seulement que le manuscrit est
rdig 2845 .
Faute de livres, ses sources dinformation proviennent des priodiques
quil parvient se procurer occasionnellement. Ses archives nous apprennent quil
glane le plus souvent une bonne partie de ses connaissances lors de ses sjours
dans les capitales uruguayennes et bonaerenses et que ses collectes dans ce
domaine sont autant varies que dsordonnes. Dans son journal on retrouve pour
2840
AMFBJAD n 410, Bonpland M. Tenore, Buenos Aires, 4 juin 1832 ; Bonpland Humboldt,
Buenos Aires, 26 dcembre 1836, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 98.
2841
AMFBJAD n 381, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840.
2842
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 126.
2843
AMFBJAD n 439, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Jardin du roi, 27 mars 1839.
2844
AMFBJAD n 327, Bonpland Humboldt, Montevideo, 17 mai 1840.
2845
ORBIGNY Alcide d, op. cit., tome VII, 1e et 2de partie, Cryptogamie ; 3e partie, Palmiers,
1847, p. 1.
733
Troisime partie
Chapitre VIII
le sjour de 1832 Buenos Aires des notes sur des sujets aussi varis que la coca,
le nombre de plantes connues, la plus grande fleur dcouverte Sumatra en 1818
par Thomas Stanford Raffles, la liste des publications de Humboldt et leur prix
ainsi que des notes sur lacupuncture, des recettes de cuisine, lendettement de
Buenos Aires ou les suifs 2846 . Aussi conserve-t-il ailleurs la copie dune brochure
traitant de la culture des pchers extraite du cours complet dagriculture publi
Paris en 1837 2847 . En 1833 il glane des informations partir de lUniversal de
Montevideo concernant le rsultat dun concours propos la mme anne par
lAcadmie de mdecine de Paris sur les emplois du mas 2848 . Le journal de Rio de
Janeiro Recopilador dat du 4 mars 1833 lui apprend quun gologue anglais a
dcouvert une fort ptrifie sur les bords du Tibre 2849 . Ces notes laissent
transparaitre les tentatives de Bonpland pour se maintenir au courant de la vie
scientifique europenne mais elles montrent aussi combien ces tentatives sont
drisoires du fait de leur dcalage vis--vis des principales proccupations
scientifiques du botaniste. En outre, cette boulimie de savoir amne Bonpland
noter tout ce quil peut glaner sans que ces renseignements lui soient forcment
utiles.
La consquence du manque de connaissances est une propension croissante
au doute qui touche principalement son travail botanique. Cest aux cours des
annes 1830 que Bonpland commence hsiter sur lavenir de ses recherches. Il
doit attendre son sjour de 1837 Buenos Aires pour acqurir la certitude que le
croton tiglium et le jatropha curcas sont deux espces diffrentes, laide du
Systema Naturae de Linn 2850 . En 1838 il se demande si liguapuna quil a trouv
en 1824 correspond une plante dcrite par Saint-Hilaire 2851 . Lors de son envoi
dchantillons botaniques au Musum effectu depuis le Nordeste en 1838, il se
montre incapable de dterminer plusieurs espces botaniques.
Bonpland se rsout aussi se dsister de la proprit de ses autres
chantillons dhistoire naturelle, la communication scientifique avec la France
devenant de plus en plus alatoire. Le botaniste multiplie donc les chemins pour
2846
734
Troisime partie
Chapitre VIII
2856
2852
735
Troisime partie
Chapitre VIII
2861
2859
736
Troisime partie
Chapitre VIII
Mackau-Arana 2862 . Or, une lettre dArsne Isabelle infirme ses dires car Bonpland
lui laisse en dpt des roches et des flacons de plantes en attendant de lui donner
des instructions relatives leur envoi en France 2863 . Selon Brunel, Bonpland est
alors en possession de 25 caisses prtes tre envoyes 2864 . Il est certain que le
manque doutils entrave le travail primordial du classement qui est compltement
dlaiss jusqu lacquisition dinstruments, en 1853, les annes 1840 constituant
cause de la Guerra Grande une nouvelle parenthse extrmement prjudiciable
aprs la parenthse paraguayenne. Il est en outre probable que le naturaliste garde
avec lui ces chantillons comme une monnaie dchange avec les autorits
scientifiques franaises.
Bonpland prconise lutilisation du packet anglais 2865 mais en 1842
lobtention de lenvoi de son certificat de vie depuis son lieu de rsidence lui fait
cesser ses voyages vers les capitales argentines et uruguayennes pour plusieurs
annes. Ses collections apparemment laisses Santa Ana depuis 1839 sont
toujours abandonnes trois ans plus tard ; ltat de guerre du pays ne ma pas
permis de les visiter une seule fois 2866 crit-il Paris avant de se voir couper
toutes ses voies de communication pour plusieurs annes. En effet, le 6 dcembre
1842 la victoire des forces rosistas lors de la bataille dArroyo Grande force
Bonpland rester tranquille dans un petit coin 2867 et lui coupe les
communications avec lEurope jusquen 1849. La carence de toute communication
directe avec lEurope entre 1842 et 1849 est confirme par labsence de lenvoi de
son certificat de vie durant ces annes, pice indispensable au versement de sa
pension 2868 . Cest un nouveau coup darrt une activit scientifique qui, bien que
trs faible, amorce un regain en 1840 et 1841 2869 .
2862
Par suite de ce trait, les bords de la plata ont pris une attitude plus Belliqueuse et les
Communications sont tellement dangereuses quil mest impossible de me decider apporter mes
collections Bord de lescadre franaise. , AMFBJAD n 328, Bonpland Humboldt,
Montevideo, 30 dcembre 1840.
2863
AMFBJAD n 263, A. Isabelle Bonpland, Montevideo, 16 fvrier 1841.
2864
BRUNEL Adolphe, op. cit., p. 108. Lauteur confond peut-tre avec lenvoi de 1832 qui
comporte le mme nombre de caisses. Si ce nest pas le cas, le fonds dont lexistence est prouve
par la lettre dIsabelle est, quantitativement au moins, de grande valeur.
2865
AMFBJAD n 380, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Santa Ana, 16 fvrier 1840 ;
AMFBJAD n 381, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840.
2866
AMFBJAD n 869, Bonpland B. Delessert, Montevideo, 22 janvier 1842.
2867
AMFBJAD n 958, Bonpland F. Delessert, Montevideo, 30 aot 1850.
2868
AMFBJAD n 877, Desmarest et Ducoing Bonpland, Paris, 8 dcembre 1849.
2869
Cf. graphique n 14, p. 556.
737
Troisime partie
Chapitre VIII
2870
pour linteret de ce pays jose vous prier Monsieur de menvoyer ici Buenos Ayres sous le
couvert de Messieurs Blanc et Constantin cent livres de graines du coton que vous cultivez dans le
royaume de Naples [] et une quantit suffisante des graines du Carombier pour faire du bon
semis. Ces deux plantes nexistent pas dans la rpublique argentine et offrent de tres grands
avantages aux agriculteurs et aux proprietaires de betail. , AMFBJAD n 410, Bonpland M.
Tenore, Buenos Aires, 4 juin 1832.
2871
Tenore lui fait parvenir un catalogue dans lequel figurent deux plantes nouvelles provenant de
Bonpland, le chenipodium bonariense et le melilotas bonplandii ; AMFBJAD n 411, M. Tenore
Bonpland, Naples, 4 avril 1836.
2872
AMFBJAD n 415, W. J. Hooker Bonpland, Buenos Aires, Universit de Glasgow, 25 mai
1835.
2873
A dfaut des rponses de Bonpland, les lettres de ses correspondants portent souvent la
mention rpondu ainsi que la date de rponse ce qui nest pas le cas ici ; AMFBJAD n 416, W.
J. Hooker Bonpland, s. l., 17 fvrier 1837.
2874
Il faudrait pour en tre sr consulter les archives de Hooker. Mais Bonpland ne conserve pas de
brouillon, contrairement son habitude, et le lettre ne porte pas la mention rpondu .
738
Troisime partie
Chapitre VIII
Franais. En 1855 il tente une nouvelle fois dentrer en contact avec son collgue
par lintermdiaire de William Gore Ouseley 2875 sans plus de russite semble-t-il.
Les changes avec les Franais sont aussi peu suivis. Le Rochelais ne
reprend pas contact avec Nicolas Robert Toulon, bien que celui-ci lui doive son
poste la direction du jardin botanique de cette ville. Un change sesquisse avec
Delile en 1834, se confirme en 1837 lorsque Bonpland lui signifie son envoi
Paris pour quil puisse demander des chantillons propices Montpellier 2876 puis
sinterrompt brusquement. En 1834, Delile lui envoie des graines sans quelles
correspondent aux demandes de Bonpland 2877 . Le professeur se justifie en
expliquant que lui-mme narrive pas obtenir de ses correspondants Marseille,
Montpellier, en Espagne et en Egypte les graines souhaites 2878 . En 1844
Bonpland reoit Corrientes une caisse de graines de la part de Delile qui ne
rpond pas, une fois encore constate-t-il, ses demandes 2879 . Il faut attendre 1848
pour quun nouvel et bref change ait lieu. La brve correspondance de Candolle
est stoppe en 1841 par la mort du Genevois, un alli de poids disparaissant du
rseau de Bonpland. Mme si les alternatives quil propose au Rochelais en 1840
sont maigres, elles offrent cependant la garantie dune publication. Mais sil
renonce la proprit de ses autres matriaux, Bonpland reste jaloux de la
paternit de ses recherches botaniques. Aussi la publication de celles-ci sous un
autre nom est carter.
La correspondance de Bonpland avec Alexandre Eyris connat un
parcours similaire ceux de Tenore et Hooker. Cet amateur de plantes originaire
du Havre le contacte en 1833 afin de lui demander des plantes. Il propose en
contrepartie de se faire son intermdiaire scientifique avec la France2880 , son frre
tant lun des fondateurs de la Socit de gographie. Une brve correspondance
2875
739
Troisime partie
Chapitre VIII
Troisime partie
Chapitre VIII
correspondances
tronques
appellent
plusieurs
remarques.
Saint-Hilaire,
dOrbigny
ou
Darwin
entretiennent
peu
de
correspondance avec les scientifiques rioplatenses aprs leur retour en Europe. Cet
tat de fait npargne pas Bonpland qui prend place peu peu dans un no mans
land scientifique. Un autre lment explicatif est la proprit intellectuelle de la
2887
Troisime partie
Chapitre VIII
2888
Humboldt F. Guizot, Postdam, mai 1833, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p.
232.
2889
La premire lettre rappelle que Humboldt connat mieux Bonpland que quiconque, pour avoir
vcu auprs de lui plus longtemps que personne ; AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt,
Buenos Aires, 7 mai 1832.
2890
AMFBJAD n 321, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 14 juillet 1832.
2891
AMFBJAD n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
2892
AMFBJAD n 324, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 24 novembre 1836.
2893
AMFBJAD n 327, Bonpland Humboldt, Montevideo, 17 mai 1840 ; AMFBJAD n 328,
Bonpland Humboldt, Montevideo, 30 dcembre 1840 ; AMFBJAD n 870, Delessert Bonpland,
Paris, 7 juin 1842 ; AMFBJAD n 1636, A. Demersay Bonpland, Rio Grande, 24 mai 1847.
2894
AMFBJAD n 319, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 1er juin 1832 ; Bonpland
Humboldt, Buenos Aires, 26 dcembre 1836, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 98.
742
Troisime partie
Chapitre VIII
ladministration
dun
cabinet
dhistoire
naturelle,
la
rcollection des pices lui tant destines, ainsi que les publications associes
savre donc tre impossible. Ce programme, russi Malmaison, ne parvient pas
tre adapt aux ralits rioplatenses. Malgr lchec du transfert de laboratoire,
Bonpland dcide de poursuivre lexprience amricaine, en y apportant toutefois
quelques modifications dimportance. Progressivement, le savant renonce
participer llaboration de laboratoires scientifiques, prfrant mettre ses
connaissances au service exclusif du Musum parisien. Cette orientation se traduit
aussi par une divulgation des rsultats et lautorisation donne pour leur
utilisation, et donc leur publication en France. Places au second plan, les
proccupations de laboratoire et de publication traduisent une ambition
scientifique refonde.
Des liens particuliers le relient la France et le poussent lui rserver ses
travaux mme loin ; sa fonction de correspondant de lAcadmie des sciences
dabord, puis celle de correspondant du Musum font natre un sentiment
dappartenance scientifique dautant plus fort quil en est loin. Les envois quil
prpare au cours des annes 1830 pour le Musum dHistoire naturelle de Paris
sont soutenus par la volont de concourir au rayonnement de linstitution. Entre
1831 et 1838 Bonpland se montre presque frntique, au moins boulimique
concernant la quantit de matriaux quil remet au Musum. Il sagit des gages de
2895
Bonpland Humboldt, Corrientes, 28 mars 1838, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., p. 126 ; AMFBJAD n 869, Bonpland B. Delessert, Montevideo, 22 janvier 1842.
743
Troisime partie
Chapitre VIII
2896
2897
Cf. VASQUEZ Anbal S., El sabio Bonpland. La vida, la obra y la trageda pstuma de
Bonpland, Paran, Predassi Impresores, 1935, p. 82.
2897
MARTIN DE MOUSSY J. A. Victor, op. cit., p. 418.
744
Troisime partie
Chapitre VIII
Troisime partie
Chapitre VIII
2902
Cf. BERAUD Gilles (d.), MIRET Enric, DORY Daniel (coll.), op. cit., pp. 49, 101.
AMFBJAD n 1997, A. Raffeneau-Delile Bonpland, Montpellier, 10 fvrier 1833.
2903
An. M. de Bonpland , in Bulletin de la Socit de Gographie de Paris, premire srie, tome
V, n 37-38, mai-juin 1826, pp. 660-661.
2904
An., dlivrance de M. Bompland , in Bulletin de la Socit de Gographie de Paris,
premire srie, tome XIII, n 84, avril 1830, p. 200.
2905
An., s. t., Bulletin de la Socit de Gographie de Paris, premire srie, tome XVI, n 99,
juillet 1831, pp. 40-42.
2906
AMFBJAD n 855, Delessert Bonpland, Paris, 20 fvrier 1833.
2907
changez en une vie studieuse votre vie aventureuse ; vous devez tre guri de ce besoin de
courir le monde , AMFBJAD n 437, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 9 janvier 1833.
2908
AMFBJAD n 1591, Bonpland A. Herrera, Buenos Aires, 15 septembre 1832 ; AMFBJAD
n 322, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, aot 1832.
2902
746
Troisime partie
Chapitre VIII
2909
2911
Il tient le mme discours tous ses interlocuteurs, expliquant quil ne veut pas
quitter lAmrique sans y accomplir ses objectifs conomiques et scientifiques. Il
emploie le terme de lthargie pour qualifier les neuf annes passes au
Paraguay, ce qui lencourage reprendre ses anciens travaux avec nergie, pour
collecter des nouveaux matriaux ainsi que les anciens perdus en 1821 2912 . La
prsence de ses anciens camarades, Brard et Voulquin, installs dans la province
de Corrientes, joue un rle dans sa dcision de poursuivre son travail 2913 .
Humboldt comprend parfaitement que loccasion qui soffre son ami de
revenir aurol de son aventure est saisir sans attendre. En bon publiciste il
obtient la croix de la Lgion dhonneur pour Bonpland 2914 . Par lintermdiaire de
2909
747
Troisime partie
Chapitre VIII
2915
2915
2916
748
Troisime partie
Chapitre VIII
travaux au Musum jusqu son retour en Europe 2918 . Ses lettres nous apprennent
sa fiert concernant lavance des sciences botaniques dans son pays dorigine. Il
fait part de son admiration pour le travail botanique effectu par Candolle ou celui
de Flourens au profit de la France 2919 .
Or, lessentiel de son rseau est situ entre le Musum et lAcadmie des
sciences auxquels il consacre lessentiel de son nergie. Mais sa correspondance
dpend en grande partie de ses relations personnelles qui samenuisent au fil du
temps. Avant 1821 ses liens avec Thnard et Gay-Lussac lui permettent davoir
accs au laboratoire parisien mais ces liens se distendent. Aprs 1831 Bonpland
demande en vertu de son ancien statut de membre correspondant de lAcadmie
des Sciences, ainsi quau nom de son nouveau statut de correspondant du Musum
acquis en 1830, ds les rumeurs dune prochaine libration connues, que des
recherches soient menes en faveur de linstitution scientifique. Ce rle est assum
avec beaucoup de gravit partir de 1831 autant pour faire entendre ses
prrogatives que pour rappeler quil est dispos rpondre toutes les demandes
provenant de Paris. Il est clair quil peroit son statut comme impliquant des droits
quil entend faire respecter. Ses envois rpts sont en quelque sorte un gage
dallgeance, aussi ressent-il un isolement croissant au cours des annes 1830 en
constatant labsence de rciprocit.
Bien que le titre de correspondant octroy par le Musum soit purement
honorifique, il a pour rle 2920 et effet de stimuler le zle de Bonpland qui se plaint
de ne pas susciter en retour lintrt des savants franais. Une explication rside
dans les priorits du Musum si lon en croit une lettre dAlcide dOrbigny date
de 1829. Dans celle-ci, le naturaliste rpond aux demandes du Musum qui juge
plus profitable son voyage en Patagonie que celui de Corrientes pour ce qui touche
lacclimatation de spcimens botaniques en France2921 . Pour des raisons
dacclimatation, le terrain subtropical est moins pris par les scientifiques franais
que le terrain tempr. Aussi les collectes de Bonpland peuvent-elles tre perues
de moindre utilit en ce qui concerne leur utilisation pratique. A ce propos, un
2918
Troisime partie
Chapitre VIII
dtail dimportance est annot sur le diplme de correspondant que lui adresse le
Musum en 1830 car celui-ci invite le botaniste poursuivre ses recherches au
Paraguay 2922 . Une telle demande intervenant aprs neuf annes de dtention dans
ce pays reflte une mconnaissance du terrain de la part de linstitution franaise
comme une demande spcifique vis--vis du seul pays nayant pas encore t
inventori aprs le passage de Saint-Hilaire et dOrbigny.
Ses collections, gage de son zle scientifique envers la France, ne sont pas
encore arrives Paris en mai 1833 2923 . En 1834, Bonpland tente de faire parvenir
Mirbel des graines stratifies avec du sable comme il le lui a demand. Hsitant
dabord le faire par ce moyen onreux, il est convaincu par la suret et la
brivet dune expdition fluviale sur le Paran jusqu Buenos Aires o lattend
le consul Mendeville 2924 . Mais Mirbel reoit la lettre et non la caisse ; en outre la
dure du voyage nuit lenvoi car la stratification est une bonne mthode si le
voyage ne dpasse pas deux mois. Il craint comme cela arrive souvent que la
caisse soit retenue par la douane et que lenvoi soit effectu en pure perte 2925 .
En 1835 le Musum reoit enfin des caisses et lui fait immdiatement part
de sa reconnaissance par la voix de Mirbel :
Nous apprcions tous, comme nous le devons, un zle aussi constant et
aussi clair, pour la prosprit de ltablissement qui est confi nos
soins.
2926
Les professeurs du Musum, en proie des difficults pour financer les voyages
scientifiques, apprcient ces envois 2927 . Un change solide sinitie toutefois entre
Bonpland et Mirbel qui lui fait pour sa part des demandes prcises car les apports
de Bonpland sont pour lui prcieux, sa fonction de professeur de culture quil
exerce de 1828 1850 impliquant la naturalisation des plantes exotiques 2928 . En
outre, Mirbel fait part Bonpland dune importante volution vis--vis de ltude
des vgtaux en France depuis le dpart de son confrre pour Buenos Aires. En
2922
Troisime partie
Chapitre VIII
effet, il explique la part de plus en plus grande faite aux sciences appliques.
Ainsi, la botanique jouit-elle par ce biais dun nouveau prestige social 2929 , ce qui
rejoint les proccupations des Rioplatenses exprimes en 1817, avec cette
diffrence essentielle quen France, limpulsion vient de la base.
Cette demande dutilitarisme correspond tout fait ce quest capable de
livrer Bonpland, savoir des spcimens valorisables conomiquement. Les notes
du botaniste qui accompagnent ses envois insistent dailleurs systmatiquement
sur leur utilit, il en fait une profession de foi2930 et valorise son rle dobservateur
privilgi afin de faire passer le savoir sur les proprits et lutilit des plantes des
utilisateurs au laboratoire 2931 . Mais jusquen 1848 la chaire de culture du Musum
est la seule institution tatique denseignement agricole suprieur 2932 et Mirbel qui
loccupe ne sintresse gure lamlioration des plantes sinon pour leur
utilisation ornementale 2933 . Lutilitarisme nest pas encore lordre du jour
Paris, les recherches privilgiant encore lornementation. En 1848 la cration de
fermes-coles pour les travailleurs agricoles, dcoles rgionales pour la formation
des chefs dexploitation et de lInstitut National dAgronomie pour former les
enseignants des coles rgionales constitue un rseau cohrent, lInstitut ayant
aussi pour mission lintroduction et lamlioration despces vgtales et animales
et la dynamisation de la recherche agraire. Mais ce rseau est supprim en 1852 du
fait de son cot excessif et des hsitations du pouvoir impulser la science
exprimentale 2934 .
2929
Troisime partie
Chapitre VIII
2935
AMFBJAD n 379, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
AMFBJAD n294, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Corrientes, 5 avril 1838 ; AMFBJAD
n 381, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 17 mai 1840.
2937
Mirbel lui fait part de la dernire mode prussienne en matire de botanique : Un certain Mr.
Schleiden de Prusse, ami de Mr. de Humboldt, jeune avocat plein desprit, de sagacit, de talent,
sest jet tout coup dans la carrire et sefforce de nous prouver que les plantes nont point,
proprement parler, de sexe. [] Quoi quil en soit, les universits de lAllemagne adoptent avec
une incroyable ardeur cette nouvelle doctrine. Jai considr ce systme comme une insulte au beau
sexe des plantes et en ma qualit de chevalier franais, jai pris sa dfense. , AMFBJAD n 439,
C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Jardin du Roi, 27 mars 1839.
2938
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
2939
AMFBJAD n 1998, A. Raffeneau-Delile Bonpland, Montpellier, 25 fvrier 1834 ;
AMFBJAD n 278, Bonpland au Directeur du Musum Royal dhistoire naturelle, Buenos Aires, 5
janvier 1837 ; AMFBJAD n 286, Bonpland A. Richard, Buenos Aires, 25 janvier 1837 ;
AMFBJAD n 291, Bonpland M.-E. Chevreul, P. L. A. Cordier et A. Brongniart, Corrientes, 28
mars 1838.
2940
AMFBJAD n 278, Bonpland au directeur du Musum Royal dhistoire naturelle, Buenos
Aires, 5 janvier 1837 ; AMFBJAD n 390, M.-E. Chevreul, P. L. A. Cordier et A. Brongniart
Bonpland, Paris 21 juillet 1837.
2936
752
Troisime partie
Chapitre VIII
Jai fais les dmarches ncessaires pour tablir des relations entre la
France et moi. Tous ces efforts sont devenus sans effet par la mort de
MM. Alibert et Dupuytren, avec lesquels jtais en correspondance, et par
la maladie de M. de Mirbel
2941
2943
2944
Bonpland F. Delessert, So Borja, 25 septembre 1851, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., p. 162.
2942
AMFBJAD n 287, Bonpland A. M. C. Dumril, Buenos Aires, 25 janvier 1837.
2943
AMFBJAD n 380, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Santa Ana, 16 fvrier 1840.
2944
AMFBJAD n 380, Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Santa Ana, 16 fvrier 1840.
2945
AMFBJAD n 437, C.-F. Brisseau de Mirbel Bonpland, Paris, 9 janvier 1833.
753
Troisime partie
Chapitre VIII
Bonpland 2946 concernant les collections remises en 1832. Bonpland est trs affect
des reproches vis--vis dune suppose accaparation des spcimens collects avec
Humboldt 2947 et explique quil a gard quelques chantillons en mauvais tat
comme guides scientifiques, pensant les ramener avec lui lors de son retour en
France 2948 . Il fait la leon linstitution qui il demande
des recherches sur lutilit des plantes [qui] offriraient de grands avantages ; elles
sont vritablement trop ngliges
2949
2947
754
Troisime partie
Chapitre VIII
2950
2953
755
Troisime partie
Chapitre VIII
Quatre ans plus tard, Delile sollicite la place vacante dconomie rurale
lAcadmie des Sciences. Il assure quen cas dlection il quitterait sur-le-champ
la place quil occupe Montpellier 2954 .
Bonpland est dpendant de la pension qui lui est octroye par lEtat
franais. Ray de la liste des pensionnaires depuis son enlvement, il confie en
1832 Forest sa demande de paiement des arrirs 2955 . En attendant une issue
favorable, lespoir de monnayer ses travaux scientifiques guide son action. En
1834, Delile lincite poursuivre ses envois afin de toucher une indemnit 2956 .
Lanne suivante, Bonpland nest toujours pas pay, aussi estime-t-il quun retour
en France peut lui permettre de percevoir une compensation financire 2957 . Il est
prs de leffectuer en 1837 2958 , mais il peroit cette anne 14 000 francs
darrrages, ce qui lui permet de solder des dettes parfois vieilles de vingt ans,
ainsi que de clore laffaire Galup 2959 . Il est probable que faute de versement
Bonpland eut t oblig de revenir en France, sa situation financire tant alors
critique. Afin dviter une situation similaire, Bonpland compte se rendre
Buenos Aires en dcembre 1838 pour envoyer son certificat. Mais ses projets tant
contrecarrs, il doit attendre 1840 pour renouer des relations avec lEurope.
Delessert lengage alors ne pas laisser passer lanne 1841 pour envoyer un
certificat, et Bonpland promet de le faire chaque anne en en convenant avec le
consul Baradre 2960 , ce qui ne se concrtise pas pour les motifs dj voqus.
En 1838, il envisage de nouveau un retour en France si ltablissement
agricole quil vient de fonder Santa Ana priclite. Il demeure persuad quune
place au Jardin du roi lui est au moins accessible sinon rserve 2961 . Il est aussi
persuad du bon accueil qui lui serait fait son retour. En 1840, le sort du
2954
Acadmie des sciences, Procs verbaux des sances de lAcadmie des sciences, tome 6, 1er
janvier 1838, p. 19. Cest Victor Audouin, n en 1797, qui est lu.
2955
AMFBJAD n 318, Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 7 mai 1832.
2956
AMFBJAD n1998, A. Raffeneau-Delile Bonpland, Montpellier, 25 fvrier 1834.
2957
AMFBJAD n 908, Bonpland Delessert, San Borja 10 janvier 1835.
2958
Bonpland Humboldt, Buenos Aires, 2 mars 1837, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op.
cit., pp. 122-123.
2959
Mon fond de pouvoir [Buenos Aires] ou ses hritiers ont [vendu] tout ce que javais laiss
en depot. Meubles, livres, gravures, intrets et pour comble de malheur il a fallu payer aux hritier
galup 1700P. argent afin deviter un procs , crit-il Barrois ; AMFBJAD n 647 et 645, L.
Lagos Bonpland, Buenos Aires, 18 juillet 1834 et 10 mai 1835 ; AMFBJAD n 957, Delessert
Bonpland, Paris 17 juillet 1837 ; AMFBJAD n 912, Bonpland Barrois, Corrientes, 28 mars
1838.
2960
AMFBJAD n 911, Bonpland Delessert, Corrientes, 28 mars 1838 ; AMFBJAD n 867,
Delessert Bonpland, Paris, 6 novembre 1840 ; AMFBJAD n 865, Bonpland Delessert, s. l.,
1841.
2961
AMFBJAD n 911, Bonpland Delessert, Corrientes, 28 mars 1838.
756
Troisime partie
Chapitre VIII
botaniste est intimement li aux relations entretenues avec sa patrie. Son retour en
France est subordonn aux bnfices dune publication qui se fait de plus en plus
hypothtique. La publication indissociable dun retour en Europe, auxquels il
songe en 1840 aprs le saccage de son exploitation, doit selon lui tre une
formalit :
je tiens ne pas tre persecut par les libraires [...] et je saurai faire tout
ce quil faut pour rendre, au moins certains ouvrages vendables
2962
CONCLUSION
Entre 1817 et 1849 le discours scientifique dAim Bonpland est fond sur
une double ambition. Dune part, il insiste vis--vis de ses correspondants
europens sur son souhait de revenir en France afin de publier les rsultats de ses
recherches et de poursuivre l sa carrire. Dautre part, il simplique vis--vis de
ses interlocuteurs amricains dans des projets de dveloppement locaux. Cette
position ambige en 1817 se clarifie au cours des annes 1830, Bonpland se
tournant essentiellement vers lEurope. Mais alors quil tente de se rapprocher de
Paris pour y relancer sa carrire, sa position scientifique priphrique saccentue
car son projet dexploration est moins pertinent, son retard intellectuel saccentue
et il ne parvient pas sappuyer sur la communaut scientifique locale
insuffisamment solide pour impulser une coopration transatlantique permettant
2962
2963
Troisime partie
Chapitre VIII
758
CHAPITRE IX
Vers lamricanisme : la convergence des projets
scientifiques transatlantiques (1849-1858)
INTRODUCTION
Jusquau milieu des annes 1850 lhistoire naturelle rioplatense connat
une longue priode de strilit. Cette image dune science labandon jusquau
terme du rgne de Rosas est, sans doute, marque par la vision des vainqueurs.
Lcole argentine des revisionistas combat particulirement cet aspect du rgime
en insistant sur la vitalit de sa vie scientifique et intellectuelle 2964 . Mais la
construction dune tradition scientifique priphrique implique linteraction avec
un centre. Or, les travaux scientifiques produits demeurent usage interne, ce qui
les marginalise. Cette construction scientifique manque lors des premires annes
de lindpendance connat une nouvelle impulsion la fin de la Guerra Grande.
Les communications transatlantiques rtablies et plus performantes, la
construction de projets politiques et conomiques approuvs la fois par les
Europens et les Rioplatenses favorisent la construction dun projet scientifique
commun.
2964
Troisime partie
Chapitre IX
760
Troisime partie
Chapitre IX
La reconnexion europenne
Franois Delessert, membre de lAcadmie des sciences depuis le 1er mars
1852, participe redonner une visibilit scientifique Bonpland en France 2965 .
Mais les honneurs doivent beaucoup Alfred Demersay qui obtient de retour
Paris en 1849 la croix de la lgion dhonneur pour Bonpland 2966 . La Lgion
dhonneur acquise en 1849 na pas le mme sens que celle de 1831 donne alors
en compensation de la captivit, alors quen 1849 elle lui est octroye pour son
travail naturaliste par un rgime intress aux affaires du Ro de la Plata. En outre
Demersay rdige un rapport logieux pour le ministre de lInstruction Publique
afin, crit-il, de rendre justice la victime dun oubli incomprhensible 2967 . En
1849, au moment o il sapprte publier ses premiers travaux, Demersay prend
soin de citer Bonpland 2968 et insiste sur ce personnage
2965
2966
761
Troisime partie
Chapitre IX
2969
Une autre dcoration lui est octroye en 1853 par le roi de Prusse sur la
demande dAlexandre de Humblodt, lordre de lAigle rouge. Bonpland est aussi
nomm docteur honoris causa luniversit de Greifswald et son nom est associ
une revue scientifique consacre la botanique, Bonplandia, dite partir de
1853. Cet ensemble de reconnaissances vise rendre hommage et rinscrire
Bonpland dans le monde savant, en mettant en avant ses travaux raliss avec
Humboldt. Demersay insiste lui aussi sur cette relation au pass dautant plus que
le rgime politique franais rappelle en 1849 et plus encore en 1853 celui du dbut
du sicle. Cest loccasion pour Bonpland de se rinscrire dans lhistoire de son
pays. Plus que de rhabiliter il sagit dhonorer, doctroyer un prestige scientifique
et de redonner une visibilit dont Bonpland essaie de tirer parti en refondant une
coopration scientifique.
Le botaniste souhaite revenir en France pour y publier ses travaux, lide
du retour et de la reconnaissance quil implique ne layant pas quitt. En 1850 et
1851, alors que les contacts sont peine renous avec lEurope, il se dit prt
accompagner ses collections en France, arguant de linstabilit politique
rioplatense 2970 . En 1851 il
conserve le plus vif dsir de retourner en France []. Aujourdhui tous
[s]es dsires seraient daller Paris [s]e mettre au courant des branches de
la science qui [l]intressent le plus et de publier [s]es travaux
2971
Il sappuie aussi sur Liautaud, qui se propose en 1851 afin dappuyer ses
demandes ddition. Il lui conseille denvoyer des chantillons botaniques pour
ouvrir les voies votre grande publication 2972 , en mettant dans la balance ses
relations avec des journalistes, de premire importance selon lui, ainsi que les
anciennes relations de Bonpland 2973 . Mais cette option ne se concrtise pas et, en
1853, Bonpland voque de nouveau son envie de revoir lAcadmie des
2969
Troisime partie
Chapitre IX
2975
2974
Troisime partie
Chapitre IX
2981
2978
Dans son entourage, la mise en place dune dynamique scientifique ce niveau est illustr
Porto Alegre par Vasconcellos qui reoit les ouvrages de gologie de dOrbigny et Humboldt ;
AMFBJAD n 1136, F.de Vasconcellos Bonpland, col du Para-Sa, picada de Santa Cruz, 16
mars 1850.
2979
Bonpland F. Delessert, So Borja, 25 septembre 1851, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., pp. 162-163.
2980
AMFBJAD n 880, Desmarest et Ducoing Bonpland, Paris, 13 mars 1851.
2981
Bonpland Humboldt, Montevideo, 25 dcembre 1853, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., pp. 170-171.
2982
Ibid., p. 172.
764
Troisime partie
Chapitre IX
Leoncio Lpez-Ocn Cabrera analyse cette formation dun espace public en Amrique latine ;
cf. LOPEZ-OCON Leoncio, op. cit. Selon lauteur, les interactions scientifiques transatlantiques
permettent une nationalisation des activits scientifiques.
2984
CAZAUX Diana, op. cit., p. 80.
765
Troisime partie
Chapitre IX
Lhistoire naturelle est ici approprie dans un but clairement dfini. Or, le
prsident de lassociation pharmaceutique est Santiago Torres, lequel dirige aussi
le Muse Public et compte parmi les membres de lAsociacin de los amigos de la
Historia natural. La diffrence de diffusion des travaux des deux associations
montre clairement quelles sont les priorits de Torres, car la revue cristallise
lunique capital scientifique accumul sous le rgime de Rosas et se donne comme
projet concret la constitution dune pharmacope bonaerense et non
nationale 2985 . La pratique associationiste nous parat donc dpendante du projet
politique de lEtat, celui de Rosas permettant la cristallisation dune tradition
scientifique et celui dUrquiza permettant dimpulser des recherches usage
externe. LEtat conserve donc un rle capital dans limpulsion et lorientation des
recherches au cours des annes 1850 au moins, puisque lui seul est en mesure de
les financer. Les associations savantes font plutt profession de foi en dclarant
leur indpendance vis--vis de lEtat et donc du politique, celle de lAsociacin de
los Amigos de la Historia natural del Plata pouvant dailleurs tre lue la lumire
de la discorde entre lEtat argentin reprsent par Urquiza et la province de
Buenos Aires o sige lassociation.
En effet, partir des annes 1850 des ouvrages originaux sont commands
par le pouvoir fdral. Urquiza a recours Martin de Moussy en 1855 afin quil
ralise dabord une expdition servant ensuite rdiger un ouvrage moins
scientifique que propagandiste si lon en croit lauteur lui-mme. Martin de
Moussy admet les limites de son tude en matire scientifique car il sagit dabord
d un manuel dune utilit immdiate et pratique qui a pour but d amener le
peuplement par limmigration 2986 . Louvrage final nest pourtant pas traduit en
espagnol pour le motif quil est destination des Europens et des rudits
rioplatenses 2987 .
2985
PUIGGARI Juan Ignacio, Memoria presentada por M. Puiggari sobre el tema ofrecido
concurso por la Junta Directiva de la Asociacion Farmacutica , in Revista Farmacutica,
premire anne, 1er semestre, tome 1, 1er octobre 1858, p. 10.
2986
MARTIN DE MOUSSY J. A. Victor, Description physique, gographique et statistique de la
Confdration Argentine, Paris, Didot, tome I, 1860, pp. 4-5.
2987
Nulle part, peut-tre, la langue franaise devenue celle de la diplomatie et de la science, ne
reoit une extension plus marque que dans les rgions platennes, o son enseignement est
aujourdhui la base de toute ducation un peu avance. Aussi, suivant la pense du gouvernement
argentin, avons-nous crit cet ouvrage en franais, sr quil sera parfaitement compris en Amrique
et quil trouvera en Europe un bien plus grand nombre de lecteurs que sil et t crit en
espagnol , ibid., p. 6.
766
Troisime partie
Chapitre IX
2988
767
Troisime partie
Chapitre IX
Aires car Paran ne dispose pas dassociation similaire. Ils amnent sur le terrain
scientifique le dbat politique entre Paran, capitale dun Etat tourn vers lEurope
amricaniste en cela selon la dfinition de Sarmiento et Buenos Aires, capitale
dune province construite sur une opposition lEurope. Les modles de muses
proposes par les deux villes laissent voir plus clairement encore une opposition
dans les projets politiques 2992 . Dailleurs, lassociation portea recrute parmi la
classe politique, ce qui non seulement montre quelle lui est intimement lie, mais
aussi quelle dfend un projet politique travers lassociationnisme scientifique.
Le conflit interne nempche pas, au contraire il stimule la mise en rseau
de linformation scientifique. La Sociedad Farmacetica Bonaerense fonde en
1856 donne naissance la Revista Farmacetica dite partir de 1858. Cette
association et cette revue, considres comme un des fondements de la science
argentine mais dont ltude est encore balbutiante 2993 , collectent des allis au
Paraguay, en Uruguay, au Brsil, aux Etats-Unis, en France, en Espagne, en Italie
et en Angleterre. Cette avance acquise sur Paran nest pas rattrape par cette
dernire ville ; la prminence de Buenos Aires entrane le dclin scientifique de
sa rivale. Aim Bonpland participe cette captation des savoirs puisquil est
nomm correspondant de la Sociedad Farmacetica Bonaerense pour la section de
botanique 2994 . Il intgre plus largement le rseau scientifique brsilien et
uruguayen par le biais de socits savantes 2995 . La communaut savante se
dveloppe ; elle sorganise en rseau localement, de manire transnationale et
transatlantique.
Bonpland dveloppe aussi un rseau personnel avec lEurope. Cest avec le
Jardin de Kew que les premiers rapports sont tablis. Hooker accepte sans rserve
loffre de correspondance scientifique de Bonpland. En effet, lAngleterre ne
2992
2993
768
Troisime partie
Chapitre IX
dispose pas dun rseau solide dans la rgion de La Plata. Hormis les envois de
John Tweedie 2996 depuis Buenos Aires les collectes devant effectuer le botaniste
George Barclay ayant t sans rsultat Hooker na aucun interlocuteur sur place,
et encore moins de connaissances. Aussi est-il preneur de tout matriel que
Bonpland voudrait bien lui faire parvenir 2997 .
Depuis Montevideo, Robert Gore lui demande aussi la Mikania Guaeca
originaire des environs de So Borja que lon dit efficace contre lhydrophobie
pour la naturaliser en Angleterre, car lunique chantillon ramen l-bas est
mort 2998 . Liautaud lui demande des renseignements gologiques pour ses
recherches, mais lui propose aussi de les divulguer au nom de Bonpland et
dintervenir en sa faveur Paris pour faire connatre ses propres travaux 2999 .
Bonpland est un relais privilgi mais il ne semble pas quil mette en relation les
scientifiques europens avec leurs homologues amricains.
Un honorable correspondant
Ses correspondances montrent quil privilgie ses propres rseaux franais,
sans les mettre en contact avec les scientifiques locaux. Une fois le contact renou
avec le Musum, en 1849, Bonpland demande participer de nouveau la collecte
scientifique. Par lintermdiaire de Mirbel, Bonpland sollicite alors lenvoi dun
jardinier, dinstructions et du catalogue du Jardin des plantes afin de le guider dans
ses envois 3000 . Il poursuit son projet dexploration et se considre toujours comme
un voyageur-naturaliste mais ne pouvant plus effectuer une recherche de grande
envergure, il espre obtenir le soutien matriel du Musum.
Bonpland est anim dun zle patriotique accru. En 1849, il crit Franois
Arago afin de faire profiter son pays de recherches menes dabord la demande
du Brsil. La demande mane du docteur Jobim qui commande Bonpland une
2996 John Tweedie (1775-1862) est un jardinier cossais. En 1825 il se rend Buenos Aires mais,
faute demploi, il explore lintrieur ; cf. pp. 37-38 OLLERTON Jeff, CHANCELLOR Gordon,
WYHE John van, John Tweedie and Charles Darwin in Buenos Aires , in Notes & Records of
the
Royal
Society
[en
ligne],
janvier
2012.
URL :
http://rsnr.royalsocietypublishing.org/content/early/2012/01/03/rsnr.2011.0052.
2997
AMFBJAD n 419, W. J. Hooker Bonpland, Kew, 1er dcembre 1849.
2998
AMFBJAD n 1115, E. Symonds Bonpland, Montevideo, 14 mars 1849.
2999
AMFBJAD n 671, D. Liautaud Bonpland, Montevideo, 29 janvier 1851.
3000
AMFBJAD, s. n., Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 16 septembre 1849.
769
Troisime partie
Chapitre IX
car les travaux du Franais appartiennent son pays en raison de la pension que
celui-ci lui verse 3003 .
En 1853 il exprime sa fiert dappartenir lAcadmie des Sciences 3004 ,
confirmant son attachement linstitution. Malgr le temps et la distance qui le
sparent de ses institutions de rattachement, Bonpland possde un fort sentiment
de patriotisme scientifique quil exprime loccasion dun change avec Mirbel
propos du mas de leau. Ayant procur des graines prcieuses de cette plante
Robert Gore, il croit tre de son devoir den envoyer aussi au Musum. Bonpland
espre que la description de la plante faite par les Anglais est incomplte, laissant
ainsi aux Franais le soin de la complter. Il ajoute que le nom de Victoria Regina
donn par les Britanniques cette plante est sujet caution car
on a omis toute synonymie. Pour moi, le Mayz de leau appartient au
genre Nymphoea, cependant il serait possible de former de cette belle
plante un genre nouveau.
3005
Il nest pas impensable que lavis de Bonpland ait t aussi motiv par le nom
mme donn la plante par les Anglais et lappropriation honorifique quils en
tirent, car sa lettre se termine par un appel tout patriotique sa culture 3006 .
3001
Bonpland F. Arago, Montevideo, 28 septembre 1849, cit in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., pp. 150-151.
3002
AMFBJAD n 965, Bonpland Desmarest et Ducoing, Montevideo, 5 novembre 1850.
3003
AMFBJAD n 958, Bonpland F. Delessert, Montevideo, 30 aot 1850.
3004
Bonpland F. Delessert, Montevideo, 26 septembre 1853, cit in HAMY Thodore Jules
Ernest, op. cit., p. 176.
3005
Bonpland C.-F. Brisseau de Mirbel, Montevideo, 1er septembre 1849, cit in HAMY
Thodore Jules Ernest, op. cit., pp. 159-160.
3006
Jaime croire [] que la France jouira de la vue de cette plante conclut Bonpland in ibid.,
p. 160.
770
Troisime partie
Chapitre IX
Malgr ses rticences il voit avec joie en 1853 que ses manuscrits
botaniques sont dposs au Musum et compte remettre le reste de ses collections
au mme endroit. Lattachement au Musum et lAcadmie des Sciences devient
de plus en plus affectif ; en 1855 et 1857 il ritre le vu de dposer ses
collections qui devient un passage oblig de ses dernires lettres 3007 dautant plus
que les disparitions de Mirbel et dArago coupent les derniers liens avec Paris.
Humboldt qui vit Berlin demeure son dernier repre et cest naturellement que le
Muse de Berlin occupe une place destine abriter un double des collections de
Bonpland. Linstitution se confond avec les personnages qui loccupent.
A la fin de sa vie, Bonpland rappelle limportance de sa nationalit dans
ses choix ; il rappelle aussi son attachement au rgime imprial :
Comme Franais attach lEmpire, qui pendant trente-six annes de
sjour forc dans lAmrique du Sud a constamment refus les emplois
qui lui ont t offerts, afin de conserver intacte sa nationalit ; je viens
aujourdhui Sire dposer aux pieds de Votre Majest Impriale, la part de
remerciements que je lui dois pour avoir rendu la France le rgne
brillant que sceut lui imprimer Sa Majest lEmpereur Napolon
premier.
3008
3007
Cf. les lettres adresses Humboldt, Delessert et Demersay in HAMY Thodore Jules Ernest,
op. cit., pp. 171, 177, 203.
3008
AMFBJAD n 338, Bonpland Napolon III, Montevideo, 12 janvier 1854.
771
Troisime partie
Chapitre IX
LOPES Maria Margaret, Nobles rivales: estudios comparados entre el Museo Nacional de
Ro de Janeiro y el Museo Pblico de Buenos Aires , in MONTSERRAT Marcelo (comp.), op.
cit., p. 279.
3010
Une tude comparative des projets de centres de culture scientifique comprenant le Brsil et
lancienne vice-royaut du Ro de la Plata est encore mener. Une recherche sur lensemble du
monde ibroamricain est aussi effectuer car comme en Europe, la rupture politique provoque un
mouvement de fondation ou de refondation des sciences naturelles dans lAmrique ibrique.
Maria Margaret Lopes et Irina Podgorny sont les pionnires de cette recherche qui savre fconde.
3011
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 278 ; AGUILAR H. A., Dr. Francisco Muiz 1795-1871.
Mdico militar, naturalista y paleontlogo , in El Carnoteurus, Boletin del Museo Argentino de
Ciencias Naturales Bernardino Rivadavia, Buenos Aires, IXe anne, n 96, fvrier 2010, pp. 8-10.
3012
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 278.
3013
Ral Ringuelet cautionne les propos de J. Carranza crits en 1865 dans la Revista de Buenos
Aires ; lauteur affirme que lassociation vergenza de decirlo, no dej ms huella de su efmera
existencia que la distribucin de algunos diplomas de honor a individuos enteramente ajenos al
interesante estudio de la naturaleza ; cf. RINGUELET Ral A., Historia, estado actual y futuro
de la zoologa en la repblica argentina , in Acta Zoolgica Lilloana, vol. XXIII, 1967, p. 9. Il
serait intressant de se pencher sur les motifs ayant pouss Carranza tenir de tels propos.
772
Troisime partie
Chapitre IX
Troisime partie
Chapitre IX
Troisime partie
Chapitre IX
Manuel Jos de Guerrico (1800-1875), grand propritaire, sexile Paris en 1839. Durant ce
sjour, il acquiert de nombreuses dart. De retour Buenos Aires en 1848, il devient snateur et
achte une maison qui se transforme rapidement en muse et lieu de runion des intellectuels
porteos ; cf. FERNANDEZ GARCIA Ana Mara, Arte y emigracin. La pintura espaola en
Buenos Aires. 1880-1930, Oviedo, Universidad de Oviedo, 1997, pp. 97-98.
3020
MANTEGARI Cristina, op. cit., p. 19.
3021
DABBENE Roberto, PALMER T. S., The Ornithological Collection of the Museo Nacional,
Buenos Aires Its Origin, Development and Present Condition , in The Auk, vol. 43, n 1, janvier
1926, p. 37.
3022
TRELLES Manuel Ricardo, Memoria presentada la Asociacin de Amigos de la Historia
Natural del Plata sobre el estado del Museo y dems relativo la institucin, por el secretario de
la misma D. Manuel Ricardo Trelles, Buenos Aires, Imprenta de El Orden, 1856 ; cf. BABINI
Jos, La evolucin del pensamiento cientfico en la Argentina, Buenos Aires, La Fragua, 1954 ;
CAZAUX Diana, Historia de la divulgacin cientfica en la Argentina, Buenos Aires, Teseo, 2010,
p. 80.
3023
BALDASARRE Mara Isabel, op. cit.
3024
Trelles crit : El Museo Pblico de Buenos Aires, a pesar de que su principal objeto es la
Historia Natural, es, sin embargo, un Museo general que rene toda clase de objetos que puedan
servir para el estudio de las ciencias, de las letras y de las artes. Pueden dividirse en seis secciones
los que actualmente contiene. Las tres primeras, correspondientes a los tres reinos de la naturaleza;
775
Troisime partie
Chapitre IX
las dos siguientes de la Numismtica y las Bellas Artes, y la ltima a varios ramos. , cit in
LASCANO GONZALES Antonio, op. cit., pp. 72-73.
3025
Cit in ibid.
3026
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 277.
3027
PODGORNY Irina, op. cit., pp. 57, 59.
3028
Cf. ibid., p. 56. Le muse est situ dans le btiment de la Banque Nationale, ce qui parat
judicieux tant donn quil doit recevoir des chantillons minralogiques. Le contenant met en
valeur sa richesse.
3029
LOPES Maria Margaret, op. cit., p. 278.
3030
BOSCH Beatriz, op. cit., pp. 228-229.
776
Troisime partie
Chapitre IX
777
Troisime partie
Chapitre IX
nest plus utilis que comme outil de propagande externe faute de crdits pour
enrichir ses fonds 3035 . Par consquent ce Muse est moins un agent civilisateur
quun objet destin provoquer la venue dagents civilisateurs. La musographie
y est externalise, Alfred Marbais du Graty puis Auguste Bravard tudiant et
collectionnant des pices destines aux Muses trangers 3036 .
A Corrientes, la prsence de Bonpland donne lExposition un caractre
particulier qui nempche pas une externalisation du travail. Sans entrer dans le
dtail, lExposition correntina tant tudie sparment 3037 , il faut tout de mme
noter qu la diffrence de Buenos Aires et Paran, Corrientes se situe en retrait
par rapport aux enjeux politiques nationaux. En effet, une relle confrontation a
lieu entre les deux premires villes pour la prminence politique tandis que la
troisime nest pas directement implique. Lenjeu li la cration dun Muse
Corrientes est moins dfini par la concurrence, celle-ci favorisant un
dveloppement musographique qui aboutit en 1862 la mise en place dun
Muse scientifiquement viable Buenos Aires, au dtriment de celui de Paran
qui cesse de fonctionner du fait de la fin de cette concurrence, Buenos Aires
rejoignant la Confdration. A Corrientes lobjectif est moins ddifier que de
runir et de comparer dans une perspective dinventaire de la province, du pays et
du monde. Aussi la tentative de fondation correntina cesse ds 1858 avec la mort
de Bonpland, le projet ntant port par aucun enjeu concurrentiel significatif.
Car
la
concurrence
et
lostentation
constituent
les
ressorts
3035
Ibid., p. 58.
MANTEGARI Cristina, op. cit., p. 19.
3037
Cf. infra, pp. 781-806.
3036
778
Troisime partie
Chapitre IX
musographique
et
dinstitutionnalisation
des
sciences
3039
779
Troisime partie
Chapitre IX
3040
MARBAIS du GRATY Alfred, La Confdration Argentine, Paris, Guillaumin, 1858, pp. IV,
1.
3041
3042
780
Troisime partie
Chapitre IX
Universelle de 1857 montre que ces muses nont pas encore acquis la facult
diffuser leur projet en Europe.
DE
CULTURE
SCIENTIFIQUE
PRE-
AMERICANISTE
En 1854 est fond le Muse dhistoire naturelle de Corrientes, dont
linitiative repose principalement sur deux personnages majeurs de cette province,
les docteurs Juan Pujol et Aim Bonpland. Limmigrant franais russit ainsi
mener bien un projet foment depuis son arrive dans les Provinces Unies du
Ro de la Plata. Presque quatre dcennies scoulent depuis son arrive jusqu la
cration du Muse qui porte aujourdhui son nom. Cette entreprise bnficie de
lappui du gouverneur Pujol, qui en est le rel initiateur.
Le premier change pistolaire avr entre les deux hommes date de 1849,
lorsque Bonpland envoie au gouverneur correntino un rapport sur lavantage de
cultiver la plante qui produit le mat, den former des bois et damliorer la
fabrication de lherbe mat 3045 . Aprs cette date, il faut attendre 1852 pour
quune correspondance suivie sinstaure entre les deux hommes, cest--dire
depuis la nomination de Pujol au poste de gouverneur de Corrientes. Nous ne
disposons pas de plus de donnes concernant leurs relations au cours de ces trois
annes, mais il est certain que la lettre de Pujol du 18 novembre 1852 rompant ce
long silence pistolaire ne semble pas tre une rponse directe une autre
communication de Bonpland 3046 . Cette lettre traite du dveloppement scientifique,
promouvant la cration dun cabinet dhistoire naturelle et dun jardin botanique.
3045
Il sagit pour le moins de la lettre la plus ancienne que nous ayons rencontr, intitule : Nota
de Bonpland a Pujol sobre la ventaja de cultivar la planta que produce el mate, de formar montes
de ella y de mejorar la fabricacin de la yerba mate, Porto Alegre, 28 de octubre de 1849 , in
PUJOL Juan, op. cit. Ce rapport a t amplement reproduit et comment ; cf. ce propos
BONPLAND Aim, Notas sobre yerbales. Traduccin por el Doctor Juan Pujol. Nota preliminar
por el Doctor Fernando A. Coni Bazn , in Lilloa, tome XVIII, 1949, pp. 361-371 ; LINHARES
Temstocles, Historia econmica do mate, Rio de Janeiro, Jos Olympo, 1969 ; AMABLE Mara
Anglica, ROJAS Liliane Mirta, Historia de la yerba mate en Misiones, Posadas, Montoya, 1989;
WHIGHAM Thomas Lyle, La yerba mate del Paraguay (1780-1870), Asuncin, Serie Historia
Social, Centro Paraguayo de Estudios Sociolgicos, 1991.
3046
Lors de sa rponse Pujol, Bonpland affirme vouloir offrir de nouveau ses services. Le
plus probable est quil se rfre son rapport de 1849.
781
Troisime partie
Chapitre IX
Entre 1852 et 1858 le Musum connat trois tapes, savoir celle de la conception,
celle de la naissance et celle de la croissance.
1. La conception
Le projet surgit entre 1849 et 1852, avant de se concrtiser deux annes
plus tard. La collaboration et les liens ainsi crs entre les deux hommes se
poursuivent jusquau dcs de Bonpland 3047 . A partir de 1852 deux objectifs
intimement lis occupent la correspondance entre les deux hommes : la
valorisation et lexposition des richesses naturelles de la province. La yerba mate
occupe une place de choix mais est loin dtre lunique objet dattention des deux
hommes. De plus, leurs objectifs prennent naissance dans le contexte de paix qui
suit la chute du rgime de Rosas. Ils profitent aussi dun contexte international
favorable, puisque de nouvelles perspectives souvrent dans le champ culturel. En
effet limpulsion donne par le nouveau rgime, jointe la cration des
Expositions Universelles, favorisent la cration du Muse 3048 .
Limpulsion europenne
En 1852, alors que Juan Pujol accde pour la premire fois au poste de
gouverneur de la province de Corrientes, se tient Londres la premire Exposition
Universelle. Aprs son lection intervenue en 1854 Juan Pujol est dsign et non
lu en 1852 le gouverneur dcide de crer une Exposition Permanente dans la
ville de Corrientes. Les motifs prcis conduisant Pujol mettre en place ce projet
ne sont pas explicits, mais quelques traces documentaires montrent son intrt
3047
Lhistoire se poursuit en ce qui concerne lhritage du savant ; cf. GOMEZ Hernn Felix, El
Gobernador Pujol y los bienes del sabio Bonpland , in Pginas de Historia, Corrientes, Imprenta
del Estado, 1928, pp. 249-253.
3048
Dune part, La tranquilidad que le infundi la victoria de Caseros, estimul sus actividades
cientficas , tandis que la provincia de Corrientes encard un periodo de progreso econmico y
cultural, presidido por el gobernador Juan Pujol ; PIOLI DE LAYERENZA Alicia, ARTIGAS
DE REBES Mara Isabel, Amado Bonpland en el Plata , in Hoy es Historia, septime anne, n
41, septembre-octobre 1990, pp. 61-62.
782
Troisime partie
Chapitre IX
3051
A propos de lintrt de Pujol pour lExposition de Londres, une lettre de dAunbach date du
21 novembre 1851 est accompagne de deux vues du Palais de Cristal ; PUJOL Juan, op. cit.,
tome 2, p. 206.
3050
Cf. MNHN, ms 209, 17 fvrier 1854.
3051
que importa al comercio y a la industria de la Confederacin reunir en un mismo punto los
productos ms notables de su industria y del reino mineral y vejetal, y especialmente aquellos que
puedan hacer conocer la riqueza de estos pases y aumentar sus artculos de esportacin o ser el
objeto de establecimientos importantes de esplotacin o de fabricacin , in El Nacional
Argentino, n 120, 20 juillet 1854. Lauteure qui cite cet extrait, Beatriz Bosch, met en avant le
fait que la direction du Muse National est confie un francophone, le belge Alfred Marbais du
Graty, puis en 1857 un Franais, Auguste Bravard; cf. BOSCH Beatriz, op. cit., pp. 223-227. Le
dcret rsume les principes suivis partir de 1854 par le Muse correntino.
3052
A propos du rle jou par Martin de Moussy et Marbais du Graty, cf. ibid., pp. 225-228.
3053
Limportance du muse correntino lintrieur de lhistoire scientifique argentine est mise en
avant par Beatriz Bosch. Lauteure souligne que linitiative du gnral Urquiza a des rpercutions
dans la province du Nordeste, mais elle signale aussi que lide de Pujol est antrieure au projet du
gnral ; BOSCH Beatriz, op. cit., pp. 229-231.
783
Troisime partie
Chapitre IX
3054
3054
Quiz V. E. extraar ciertos artculos pero hemos sido llevados esas raras elecciones por
haber visto en el catlogo de las exposiciones depsitos en el palacio de cristal, hasta huevos de
avestruz de Egipto, escobas comunes de Canad, botellas de licor de la Isla de Francia, un
unguento snala-todo, para caballos y carneros, de Holanda Le 17 juillet 1854, ils crivent
Pujol : El tiempo corre ms ligero que nuestras labores, que, hasta ahora, no pasan de
averiguaciones ideas confiadas precitidamente al papel , in PUJOL Juan, op. cit., tome 4, pp.
123-124.
3055
Le Paraguay est lunique pays sud-amricain officiellement reprsent Paris, mme si
quelques produits argentins sont prsents. Certains produits provenant de Corrientes sont aussi
exposs grce la bienveillance de John Lelong lors de son voyage dans la province. Le Franais
rapporte ces produits dans lintrt de la colonisation explique-t-il ; cf. PUJOL Juan, op. cit.,
tome 5, p. 306.
3056
F. Fournier et J. Fonteneau J. Pujol, 20 septembre 1854, in PUJOL Juan, op. cit., tome 3, p.
189. Cela permet de rpondre la question pose en 1834 par Fernando Coni Bazn, lequel se
demande si la commission joua un rle autonome ou si elle fut linstrument permettant Pujol de
mener bien son projet de Muse ; cf. CONI BAZAN Fernando A., La fundacin del Museo de
Corrientes, Buenos Aires, Coni, 1934, p. 15.
784
Troisime partie
Chapitre IX
3058
Bien que cette lettre soit postrieure lExposition Universelle de 1855, son
contenu fait rfrence au rle jou par les Expositions Universelles en tant
quopportunits uniques offertes la province argentine afin de se faire connatre,
promouvoir la venue de colons et favoriser son dveloppement.
Limpulsion amricaine
La conception du projet musographique est aussi lie au dsir dimpulser
les sciences rioplatenses expos depuis longtemps par Bonpland. En effet, son
souhait qui est un thme rcurrent de son discours de participer la cration
dune Rpublique des Savants transfrontalire se concrtise partir de la fin
des annes 1840, le Franais parvenant former un rseau savant au-del de la
province de Corrientes. En suivant ces traces il est possible desquisser son apport
construit et nourri par des changes qui alimentent mutuellement les scientifiques.
Le renouveau scientifique argentin et lapparition subsquente de nouvelles
institutions scientifiques argentines permettent Bonpland dtablir des liens avec
elles. Ainsi le Muse National, fond Paran par dcret le 17 juillet 1854, est-il
3057
La note officielle dit ce propos : habia resuelto crear una Comision especial que se encargue
de ecsaminar, recabar, hacer elaborar y colectar [...] todo lo que al concepto del hombre cientifico
dea un jermen predispuesto una utilidad reproductiva que solo demanda la cooperacion de los
brazos y la inteligencia Europea , cite in CONI BAZAN Fernando A., op. cit., p. 11.
3058
[El] concurso universal [...] puede hacer conocer mejor nuestras riquezas naturales y nuestros
productos [...] y llamar asi la atencin de la Europa sobre esta regin todaba no bien conocida alli;
y que hasta ahora no se ha hecho clebre sino pr sus interminables guerras intestinas y pr las
carniceras inhumanas [...] de D. Juan Manuel Rosas , AMFBJAD n 87, J. Pujol Bonpland, 24
mars 1856. Il sagit du mme discours que celui tenu par Auguste Bravard propos de la ville de
Paran en juillet 1858 ; cf. BOSCH Beatriz, op. cit., p. 227.
785
Troisime partie
Chapitre IX
3059
3060
786
Troisime partie
Chapitre IX
magntisme humain 3065 . Tous les pays proches sont donc sollicits lexception
du Paraguay o aucun lien nest consolid. Bonpland effectue lui-mme une
collecte de plantes lors de son voyage Asuncin, au mois de mars 1857.
En vertu des liens tisss avec les Brsiliens, cest dabord Porto Alegre qui
parat tre le lieu propice pour accueillir un cabinet dhistoire naturelle aux yeux
de Bonpland. Dans ce but, il sollicite ds 1850 le nouveau dirigeant du Rio Grande
do Sul Pedro Ferreira de Oliveira et lui rappelle les contacts dj tablis en ce sens
avec ses prdcesseurs Francisco Jos de Souza Soares de Andria et Jos Antonio
Pimenta Bueno. Les discussions menes avec Souza Soares de Andrea portent
avant tout sur la cration dune ferme-modle. En ce sens, le cabinet dhistoire
naturelle doit impulser le dveloppement agricole. Quant Pimenta Bueno, avec
lequel Aim Bonpland est troitement li damiti, il prend connaissance du projet
de cabinet alors que le botaniste sjourne So Borja. Oliveira se voit
recommand deux amis de Bonpland, Philip von Normann et Frederico de
Vasconcellos, dune grande utilit pour former un cabinet , tandis que dans le
mme temps le Franais lui offre des chantillons de roches collects autour de
Montevideo 3066 .
Les changes pistolaires avec Vasconcellos et Kasten, tous deux
Europens habitant le Rio Grande do Sul, mettent en valeur un rseau scientifique
en plein dveloppement. Ces changes bass sur la minralogie, ajouts aux
relations tisses avec dautres milieux scientifiques brsiliens, montrent quil
existe une dynamique concernant les sciences naturelles dans le pays lusophone.
Leur bon niveau est soulign par Bonpland qui reconnat avec plaisir ses limites
face aux travaux gologiques de Kasten 3067 . Mais cette dynamique se heurte des
obstacles financiers, les deux amateurs que sont Kasten et Vasconcellos ne
pouvant se consacrer pleinement leur passion faute de ressources 3068 . Bonpland
3065
Bonpland A. Pesce, Montevideo, janvier 1856, cit in HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit.
p. 204.
3066
AMFBJAD n 302, Bonpland P. Ferreira de Oliveira, Montevideo, 10 novembre 1850.
3067
Il admire la carte gologique dresse par Kasten ainsi que ses observations sur la relation entre
le positionnement du charbon de pierre et des basaltes; cf. AMFBJAD n 639, Bonpland K. W.
Kasten, So Borja, 8 aot 1856.
3068
Une anne seulement aprs sa rencontre avec le jeune allemand et les esprances que Bonpland
place en lui, Kasten renonce leurs changes scientifiques. Il sinstalle Uruguayana : Ac
estoy, a la cabeza de una casa de comercio, habiendo dejado por el momento toda ciencia, de la
cual quizs no me ocup nunca, ya que s bien que para ser lo uno hay que dejar lo otro ,
AMFBJAD n 640, K. W. Kasten Bonpland, Uruguayana, 8 mars 1857. Quant Vasconcellos, il
sinstalle Montevideo en 1853 et dcide dlever des ovins en Uruguay, malgr lavis de
787
Troisime partie
Chapitre IX
conserve toutefois des relations avec Normann qui il propose en 1857, bien que
la ralisation du Muse riograndense se fasse attendre, un change dchantillons
entre Corrientes et Porto Alegre comme un faible tmoignage de mon affection
patriotique pour le Brsil 3069 .
Troisime partie
Chapitre IX
3073
3075
3073
Troisime partie
Chapitre IX
3076
Troisime partie
Chapitre IX
leur envoi par les dpartements doit tre quant lui pris en charge par le Trsor
Public. En octobre, Fournier et Fonteneau choisissent comme lieu lancien
couvent de Santo Domingo, bien que le conditionnement des pices savre long.
Le 19 dcembre, Pujol approuve leur choix ainsi que le rglement de lExposition,
officialisant la cration du Muse 3078 .
Le dsir de transmission
De 1850 1854, Bonpland manifeste le dsir de voir ses collections
envoyes en France. Il souhaite les accompagner et runir l ses travaux avec ceux
raliss en compagnie de Humboldt 3079 . Cette ide dune union scientifique des
deux voyages est davantage prsente au moment denvisager la prparation de
lhritage scientifique. En outre, elle est ractive par les liens qui se rtablissent
entre le botaniste et sa patrie, dabord grce la venue dAlfred Demersay en 1846
3078
Troisime partie
Chapitre IX
3081
Lvocation dun autre usage amne sinterroger sur son intention de rdiger
des mmoires. En effet, Bonpland se montre de plus en plus proccup par son
hritage scientifique. Le dcs de son frre Michel Simon, intervenu en 1850, peut
tre interprt comme un srieux motif pour lequel Aim songe prparer son
propre legs. En effet, sa mort Michel lui lgue ses biens scientifiques constitus
dun herbier quil enrichit durant plus de 50 ans de sa vie , de ses manuscrits et
sa bibliothque compose denviron 300 livres 3082 .
Bien que son frre ne dise rien ce propos, Aim est persuad quil voulait
mais na pas eu le temps de publier ses travaux, particulirement ceux relatifs
son herbier. Afin den convaincre sa famille, il ajoute quils avaient projet une
publication commune sans en prciser le contenu ni le moment au cours duquel ce
projet a vu le jour, bien quil voque un projet de publication commune sa sortie
du Paraguay 3083 . Cette proccupation vis--vis de labsence dhritage scientifique
se heurte pourtant aux frais quengendrerait une telle publication. Bonpland est
encourag laisser en France ce que Michel Simon lui lgue. Flix Augustin
3080
792
Troisime partie
Chapitre IX
Allegre, son neveu, lui conseille de transmettre les herbiers, les manuscrits et la
bibliothque laisss par son frre soit la ville de La Rochelle qui serait fire de
possder le don dun de ses enfants les plus distingus , soit lEcole de
mdecine de Rochefort, ou enfin Camille Marquet, un petit-fils dOlive qui
dbute cette anne dans la mdecine 3084 . Aim renonce la publication, mais
cette amre exprience peut faire supposer que le cadet tente alors de rflchir
une solution permettant de faire connatre son hritage un autre sort que celui de
son an 3085 .
A cette poque, la primaut de lhritage est rserve Paris ; Bonpland
laffirme plusieurs reprises, par exemple en dcembre 1850 lorsquil voque les
dsirs doffrir ses collections au Musum, bien que souvent on lui eut propos
dacheter son herbier et ses manuscrits 3086 En 1853, ses dispositions
testamentaires sont sans ambigit car il demande Jean-Pierre Gay quen cas de
dcs celui-ci fasse parvenir au ministre de lIntrieur franais ses manuscrits et
collections, afin quils soient remis au Musum dHistoire naturelle de Paris3087 .
Cependant, la cration du cabinet dhistoire naturelle correntino soulve la
question du legs amricain. Alors que de 1850 1854 il nest question que de la
France, lapparition dun lieu de mmoire en Argentine change les perspectives du
Franais. En effet, aprs avoir hsit quant sa participation ldification du
Muse tant donn son ge, Aim dcide de laisser des traces de son travail
Corrientes :
il tait de mon devoir daccepter la charge honorifique que moffre S.E.
[] car dici trs peu de temps jespre dposer dans le Muse de
Corrientes un herbier qui servira utilement tudier comme il se doit le
rgne vgtal, car il offrira un tableau assez exhaustif des vgtaux
vritablement utiles de la rpublique argentine. Ce don que personne a ma
connaissance ne peut faire contribuera efficacement a commencer la
grande uvre de civilisation qua conu si sagement M. le Gouverneur et
Capitaine Gnral M. Dn J. Pujol.
3084
3088
793
Troisime partie
Chapitre IX
3089
Les actes du botaniste confirment les dires du rdacteur, puisqu partir du milieu
des annes 1850 il se consacre alimenter en priorit le Muse provincial auquel
il fournit les rsultats de ses recherches scientifiques, les institutions europennes
passant au second plan.
3090
eficacemente a principar la grande obra de civilizacion que ha concebido tan sabiamente el Sor
Gobernador y Capitan General el Sor Dn Dn J. Pujol. , AMFBJAD n 300, Bonpland F. Fournier
et J. Fonteneau, 20 novembre 1854.
3089
Es digno de gratitud el inters ardiente que toma el botnico eminente y publicista
distinguido Mr. Bompland por el progreso de la Provincia, nosotros se lo agradecemos [...];
rehuesa el llamamiento de dos de las primeras cortes de la Europa, los aplausos de una popularidad
europea, y los halagos de los homenajes de los hombres de saber, y prefiere vivir en las orillas del
Uruguay, la sombra de los grandes rboles, en medio de las bellezas de una naturaleza tropical.
[...] El hombre de la ciencia, quiere vivir lejos del gran mundo, y se consagra su avanzada edad
en investigar los misterios de la naturaleza. , An., Riqueza Mineral de la Provincia , El
Comercio, n 164, 1er mars 1855.
3090
desde el ao 1817 me he ocupado de estudiar el reyno vegetal, animal y mineral de las
provincias argentinas : que he reunido succesivamente, en Francia, varias collecciones de estos tres
reynos los cuales se hallan a la vista en las ricas galerias del Museum de historia natural de Paris ,
AMFBJAD n 300, Bonpland J. Fonteneau et F. Fournier, Restauracin, 20 novembre 1854.
794
Troisime partie
Chapitre IX
Troisime partie
Chapitre IX
Le legs matriel
Avec la cration du Muse la question de la ralisation dun ouvrage se
pose rapidement. Les crits de Pujol, Fournier et Fonteneau montrent leur volont
de faire natre une tradition scientifique sappuyant sur un ouvrage de rfrence.
Pour cela, ils se rendent compte que les fonctions de Bonpland doivent aller audel du rle honorifique prvu initialement et lui demandent de mettre en uvre la
transmission de ses connaissances. En ce sens, Pujol propose au botaniste de
publier Corrientes ses travaux. Cette demande rarement voque par les
biographes de Bonpland 3097 mrite dtre releve car elle constitue une pice
essentielle du legs. Juan Pujol explique quil dsire
vous offrir notre presse, pour que vous y puissiez faire imprimer
nimporte quelle uvre de vous ou dautre, que vous pensiez tre utile ;
[] quil vous sera remis le nombre dexemplaires que vous demandez,
sans quil vous en cote absolument rien, et dont la vente se fera
exclusivement votre bnfice. Je ne souhaite pas plus que davoir
lhonneur de voir vos uvres [] imprimes dans la Province de
Corrientes. [] Il sagit dune grande presse enrichie de beaux caractres,
3095
Troisime partie
Chapitre IX
3098
3102
Ofrecerle V. nuestra imprenta, pa que V. pueda hacer imprimir en ella cualesquiera obra
propia ajena, que V. crea de utilidad; [] que se le entregar el numero de ejemplares que V.
pida, sin que le cueste absolutamente nada, y cuya venta se har esclusivamte pa beneficio de V.
[Yo] no deseo mas que el honor de que sus obras [...] sean impresas en la Prova. De Corrtes. Es una
imprenta vasta y enriquecida de bellos carcteres, preparada como pa la impresion de obras
cientificas. De modo s que, sus obras sern impresas con la misma elegancia y esmero, que podria
obtenerse en Pars. , AMFBJAD n 79, J. Pujol Bonpland, 2 novembre 1854. Limprimerie de
lEtat dirige par le Franais Paul Emile Coni est installe Corrientes depuis 1853.
3099
AMFBJAD, n 80, Bonpland J. Pujol, Restauracin, 6 novembre 1854.
3100
Bonpland Humboldt, Montevideo, 3 fvrier 1854, cit in HAMY Jules Thodore Ernest, op.
cit., pp. 185-186.
3101
Bonpland F. Delessert, So Borja, 25 septembre 1851, cit in ibid., pp. 162-163.
3102
una obra qe. trataria de las plantas utiles (adules) y ningun establecimiento me parece mas
bien colocado a este efecto qe. el jardin botanico de rio [...]. Es necesario convenir qe. dichas
publicationes necessitarian gastos mas serian honrosas y utilissimas , AMFBJAD n 1013,
Bonpland Bautista de Oliveira, Montevideo, 25 janvier 1854.
797
Troisime partie
Chapitre IX
3103
Troisime partie
Chapitre IX
3109
3111
3. Un laboratoire gocentr
LExposition Permanente est la fois tourne vers lEurope et lAmrique,
plus prcisment vers la province de Corrientes dabord, la Confdration
Argentine ensuite, le Ro de la Plata enfin. A la diffrence du projet eurocentr
dvelopp par les dirigeants argentins, Bonpland veut fonder une tradition
scientifique rioplatense partir du muse correntino. Le botaniste ractive son
3108
Bonpland Humboldt, Corrientes, 7 juin 1857, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit.,
pp. 213-214.
3109
acompaarnos y seguir sus trabajos cientficos que tanto honor haran a esta Provincia ,
AMFBJAD n 87, 99, J. Pujol Bonpland, 24 mars 1856 et 30 novembre 1857 ; Bonpland J.
Pujol, 30 mars 1856, in PUJOL Juan, op. cit., tome 6, p. 72.
3110
AMFBJAD n 701, L. Marceaux Bonpland, Corrientes, 20 septembre 1857 ; Bonpland
Humboldt, Corrientes, 7 juin 1857, cit in HAMY Jules Thodore Ernest, op. cit., p. 215.
3111
Despus de seis horas de estudios durante el da, necesito descanso y no puedo suportar el
trabajo durante la noche , Bonpland Humboldt, Corrientes, 7 juin 1857, cit in ibid. p. 214.
799
Troisime partie
Chapitre IX
3112
3114
Les investissements agricoles du Franais ont pour but lamlioration des produits
de sa quinta de Santa Ana 3115 , qui de fait est prsente comme un modle pour
ltablissement agricole projet. A cet gard son occupant insiste sur les richesses
quelle contient et sur leur grande utilit pour le pays 3116.
3112
Troisime partie
Chapitre IX
travailler
rgulirement
dans
les
yerbales
correntinos,
particulirement entre mars et aot alors qu cette poque cela devrait tre
interdit, mais ils bnficient de lautorisation des autorits lgales3118 . Bonpland
demande la ralisation dun recensement des cultures quil estime, en se basant sur
les meilleures cartes qui existent , 900 lieues. Mais ces cartes tant trs
variables, la ncessit dune enqute simpose. Ainsi la culture pourrait seffectuer
de manire rationnelle et remplacer le systme routinier et destructeur des
indiens du Paraguay , ce qui permettrait en outre lacclimatation de la plante dans
toute la province. Dans ce but il propose de crer des ppinires pouvant servir de
base un tablissement provincial malgr la dure et la pnibilit de la tche 3119 .
Le rapport que Bonpland adresse Pujol propos de lamlioration des
yerbales constitue le premier crit remis et archiv dans le Conservatoire pour
faire connatre au public la rigueur et la justice qui animent le gouvernement.
Il met en avant son volontarisme conomique et scientifique travers un crit,
dont le mrite scientifique rivalise avec le noble dsir dtre utile au pays selon
pieds de cdrats, 6 pieds dorangers ms mandioca, batatas, etc., incluso el arroz ; cf. PUJOL
Juan, op. cit., tome 5, p. 308, tome 6, p. 217 ; Bonpland Humboldt, Restauracin, 2 octobre 1854,
cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 188.
3117
Bonpland J. Pujol, So Borja, 14 janvier 1853, et Restauracin, 9 mars 1854, in PUJOL Juan,
op. cit., tome 3, pp. 9-11, tome 4, p. 69.
3118
Se hallan actualmente trabajando en San Javier como diez brasileos[], sin contar los
peones[]. Me aseguran ms, es que se hallan all con la ausencia de una autoridad correntina, que
tienen ranchos y aun que uno de ellos hace de Comandante.[] As es que por este modo de
trabajar se han perdido los siete yerbales inmensos que he visitado en todo su esplendor en las
inmediaciones de San Angel y recientemente el yerbal que pareca inagotable de San Cristo ;
Bonpland J. Pujol, 31 dcembre 1854, in PUJOL Juan, op. cit., p. 308.
3119
PUJOL Juan, op. cit., pp. 243-245 ; AMFBJAD n 79, J. Pujol Bonpland, 2 novembre 1854 ;
AMFBJAD n 80, Bonpland a J. Pujol, Restauracin, 6 novembre 1854.
801
Troisime partie
Chapitre IX
Fournier et Fonteneau 3120 . En outre, le botaniste espre quune bonne gestion des
cultures de mat permettrait de couvrir amplement les frais indispensables la
formation du Muse 3121 . Enfin, la possibilit dexpdier des chantillons de mat
loccasion dune exposition europenne et ainsi faire connatre cette plante est
un puissant motif de dveloppement de sa culture. Juan Pujol senthousiasme pour
ce projet et compare le potentiel du mat argentin celui du caf brsilien 3122 . Au
dbut de lanne 1855, le gouverneur dcide de rencontrer le botaniste afin
dorganiser avec lui lamlioration des yerbales 3123 . Aprs la donation du terrain
de Santa Ana concde par le Congrs de Corrientes en 1856, Bonpland le place
au centre du dveloppement conomique provincial car il en fait le modle de
lindustrie agricole provinciale 3124 .
F. Fournier et J. Fonteneau J. Pujol, 10 novembre 1854, in PUJOL Juan, op. cit., p. 263.
ampliamente los gastos indispensables la formacin del Museo , Bonpland J. Pujol, 15
mai 1855, in PUJOL Juan, op. cit., tome 5, pp. 194-195. Par ailleurs les deux hommes mettent en
avant lavantage que pourrait obtenir la province de la venue des colons franais situs Puerto de
Santa Ana. En effet, leur prsence dans les yerbales ainsi que leur emploi dans la proprit de
Bonpland sont envisags ; cf. ibid., pp. 205-206.
3122
Pujol confie Bonpland : Vd. Sabe bien la historia del caf en el Brasil, donde hoy
constituye uno de los ramos mas lucrativos del Imperio. Pues bien; creo que otro tanto podra
suceder con el arbol de la yerba mate. Si aquella planta que s indigena de la Asia ha podido
aclimatarse tan bien en Amrica, por qu no podr suceder otro tanto con esta que s americana
[?] , in PUJOL Juan, op. cit., pp. 243-245; AMFBJAD n 79, J. Pujol Bonpland, 2 novembre
1854 ; AMFBJAD n 80, Bonpland a J. Pujol, Restauracin, 6 novembre 1854. Pujol rappelle quil
est ncessaire de poblar y trabajar , PUJOL Juan, op. cit., tome 4, p. 71.
3123
AMFBJAD n 81, 82, J. Pujol Bonpland, 25 dcembre 1854, Bonpland J. Pujol, 13 janvier
1855. Depuis 1852, les objectifs dune rencontre entre les deux hommes changent, les
problmatiques conomiques supplantant les problmatiques scientifiques. On assiste ici au
mrissement dun projet amricaniste. Limbrication dobjectifs scientifiques et conomiques
devient dailleurs une caractristique dominante du projet musographique argentin, Auguste
Bravard cumulant les fonctions de directeur du Muse national et dinspecteur gnral des Mines ;
cf. BOSCH Beatriz, op. cit., pp. 226-227. Bonpland cumule lui aussi la direction scientifique du
muse correntino avec la charge dinspecteur des yerbales provinciaux.
3124
el terreno [...] se halla enriquecido con una numerosa plantacin de vegetales cuyo cultivo
formar el modelo de la industria de este ramo en la Provincia , cit in PUJOL Juan, op. cit., tome
6, p. 246.
3125
Les instructions de 1854 rappellent que aun enando la de su mando sea careciente de
progesos, de inteligencia desarrollados con toda la importancia que se desearia, [...] no lo es de
elementos primarios de industria y Agricultura que pudieran ser apreciados en la Esposicion
Parisiense [...] seria conveniente que los S.S. Comisionados le indicasen algunos sujetos mas,
3121
802
Troisime partie
Chapitre IX
quienes coaceptuen invertidos de cualidades analogas , in CONI BAZAN Fernando A., op. cit.,
pp. 10-11.
3126
Bonpland J. Pujol, 11 dcembre 1854 et 11 octrobre 1855, in PUJOL Juan, op. cit., tome 4, p.
288, tome 5, p. 307.
3127
Bonpland J. Pujol, 16 janvier 20 avril et 7 juillet 1856, in ibid., tome 6, pp. 19-20, 87, 159161.
3128
F. Fournier et J. Fonteneau J. Pujol, 16 octobre 1854, in PUJOL Juan, op. cit., tome 3, p. 228.
3129
F. Fournier et J. Fonteneau J. Pujol, 6 novembre 1854, in ibid., p. 248.
803
Troisime partie
Chapitre IX
3130
3130
La sociedad se reunira una vez al ao, y los directores daran cuenta por esa poca de los
progresos del Museo. Se leeran en esa sesin, observaciones sobre varios ramos de utilidad para la
Provincia: el Gobierno an por medio de la direccin, podra sealar el argumento de producciones
literarias, sobre ciertos puntos de agricultura, de artes, etc., reservndose premiar con menciones
honorficas otras. Tareas esas, que podran despertar entre nosotros el amor al estudio de la
naturaleza, que tanto necesita nuestro privilegiado suelo; [...] bajo la sabia influyente presidencia
de V. E., la sociedad adelantara con rapidez, en la va cientfica propuesta. ; F. Fournier et J.
Fonteneau Pujol, 6 novembre 1854, in ibid., p. 248.
3131
Cf. CONI BAZAN Fernando A., op. cit., p. 11.
3132
Es de toda necesidad de ponernos en relacin directa y seguida : de empezar cuanto antes a
recoger y reunir los productos de la provincia para formar un ncleo del Museum correntino.
Debemos empezar a reunir lo que ofrece la Capital y sus alrededores y succesivamente lo que
ofrece los departamentos, lo de los montes y de las partes mas remotas y inhabitadas de la
provincia. [...] Deseo y pido a Ud. de mandarme una nota detallada de cuanto han recogido :
particularmente de decirme el origen de la dimensin de las maderas que han pedido a varias
comandancias. Enterado de su contestacin formaremos un plan de trabajo que abrazara la reunin
de los productos de los tres reynos trabajemos sin cesar a la grande obra que nos esta confiada ,
AMFBJAD n 300, Bonpland F. Fournier et J. Fonteneau, 20 de noviembre de 1854.
3133
CONI BAZAN Fernando A., op. cit., pp. 13-14.
3134
Cf. PUJOL Juan, op. cit., tome 5, pp. 318-319.
804
Troisime partie
Chapitre IX
3135
En 1857 encore, Bonpland souhaite mettre en relation les muses de Porto Alegre
et Corrientes afin doffrir aux jeunes gnrations les ressources leur permettant
dtudier les richesses naturelles de leur pays 3136 . Pour leur part Fournier et
Fonteneau souhaitent se connecter directement avec la France par lintermdiaire
de dOrbigny 3137 .
Finalement, la cration du muse de Corrientes commence avec la
constitution dune Exposition, sa mise en relation avec le reste de la province puis
avec le pays et lEurope. Plus exactement, elle est impulse grce un vnement
ayant lieu en Europe pour, ensuite, devenir une structure provinciale connecte
la nation et aux pays limitrophes. Ce modle de fondation particulier demande
tre compar avec dautres difications amricaines encore peu connues. En
revanche, les buts de cette ralisation sont probablement similaires aux muses et
cabinets dhistoire naturelle fonds ailleurs. Il y en a trois : la volont de rompre
avec le pass, celle de constituer les bases du dveloppement et louverture au
monde. Ce dernier but diffre profondment de celui qui guide le projet musal
franais, savoir contenir le monde. Les trois buts sont affirms en 1856 dans le
titre de proprit que le province de Corrientes concde Bonpland ; le muse y
est dcrit comme
Une enceinte o les industries utiles lhomme pourraient rivaliser et un
lieu o toutes les richesses que renferme notre terre privilgie pourraient
tre prsentes la vue des trangers, un lieu enfin, destin dcerner des
prix et applaudir non pas celui qui sait le mieux brandir une lance mais
celui qui saurait le mieux manier une charrue, planter une vigne, et
rcolter ses fruits
3138
3135
Varios motivos inpiden qe. el Museum de Corrientes marche con la promptitud que deseo. S.
E. el gobernador J. Pujol y yo pensamos mandar al Museum del Parana una collection de todas las
maderas de esta Provincia y haremos todos nuestros esfuerzos para enriquecer el Museum de la
Confederacion Argentina , AMFBJAD n 230, Bonpland J. J. de Urquiza, Corrientes, 14 avril
1857.
3136
A ce titre, Bonpland exprime le dsir de travailler avec Normann utilmente para los museos
de Porto Alegre y de Corrientes, preparando as a la juventud los recursos para estudiar con
provecho los productos de la naturaleza y todo lo que es til en el pas. , Bonpland F. Normann,
Corrientes, mars 1857, cit in HAMY Thodore Jules Ernest, op. cit., p. 212.
3137
PUJOL Juan, op. cit., tome 4, pp. 239-240.
3138
una arena donde pudieran presentarse a rivalizar las industrias tiles al hombre y un campo
donde pudieran presentarse a la vista de extranjeros, todas las riquezas que encierra nuestra tierra
privilegiada, un campo en fin, destinado a retribuir premios y otorgar aplausos no ya al que mejor
805
Troisime partie
Chapitre IX
C. DU PRE-AMERICANISME A LAMERICANISME : LA
FONDATION
DUNE
TRADITION
SCIENTIFIQUE
PERIPHERIQUE
Raliser une tude exhaustive des relations scientifiques lintrieur du
Ro de la Plata comme entre cette rgion et lEurope est souhaitable terme afin
de comprendre comment sarticulent les sociabilits scientifiques dans cette partie
de lAmrique. Nous proposons quelques pistes pour crire cette histoire vis--vis
de laquelle, en revanche, Aim Bonpland savre incontournable et qui comporte
deux axes de recherche. Le botaniste apparat dabord comme un acteur de
llaboration dune tradition scientifique rgionale, dans le Ro de la Plata, de
faon localise du fait de sa spcialisation dans ltude de la rgion misionera.
Bonpland peut tre dfini comme pr-amricaniste dans la mesure o il participe
la mise en place dune dynamique scientifique transatlantique grce aux
rencontres avec des scientifiques europens venus sur le terrain misionero et par la
transmission de connaissances rutilises en Europe. Enfin, son rseau qui stend
des Missions jusquaux centres scientifiques europens et plus largement son
parcours scientifique lintgre une gnalogie plus vaste de lamricanisme que
nous nous proposons desquisser.
Troisime partie
Chapitre IX
Troisime partie
Chapitre IX
3142
3142
808
Troisime partie
Chapitre IX
Le legs amricain
Faute de trace crites, les apports de Bonpland au niveau individuel
peuvent tre signals sans quil soit possible den dterminer la porte. Cependant,
les sources nous renseignent tout de mme sur linfluence quexerce Bonpland sur
le milieu rudit rioplatense et brsilien. Depuis son sjour Porto Alegre en 1849,
le savant envisage de fonder une structure scientifique dans lEtat brsilien. Suite
sa proposition de rationaliser la culture du mat, Normann lui fait part du projet du
prsident riograndense Batista de Oliveira visant difier une Ecole Normale
dAgriculture destine fomenter non seulement la fabrication du mat, mais
aussi celle des autres branches agricoles. Pour cela, Batista songe mettre en place
un Jardin botanique et propose Bonpland la direction du tout 3146 . Il sintgre
donc particulirement dans les rseaux conjuguant les proccupations scientifiques
et conomiques rioplatenses.
3145
Cf. CORRADO Alberto J., op. cit., p. 17 ; MARTIN DE MOUSSY J. A. Victor, Description
physique, gographique et statistique de la Confdration Argentine, Paris, Didot, tome I, 1860,
pp. 430-431.
3146
AMFBJAD n 743, F. Normann Bonpland, Porto Alegre, 7 novembre 1849.
809
Troisime partie
Chapitre IX
810
Troisime partie
Chapitre IX
Cf. CONI BAZAN Fernando A., op. cit. ; KRAPOVICKAS Antonio, Historia de la botnica
en Corrientes , in Boletn de la Sociedad argentina de Botnica, vol. XI, 1970, pp. 229-276.
3155
Cf. SCHININI Aurelio, ARBELO DE MAZARO Aurora, Bonpland naturalista. 2008 ao
bonplandiano. 1858-2008. 150 del fallecimiento del Dr. A. Bonpland, Corrientes, Cultura
Corrientes, 2008.
3156
GAY Joao Pedro, Historia da Repblica Jesutica do Paraguay desde o descubrimiento de Rio
da Prata ate nossos das, anno 1861, Ro de Janeiro, Domingo Luiz dos Santos, 1863.
811
Troisime partie
Chapitre IX
manque aux naturalistes travaillant avant lre des indpendances les rfrences
lidologie tatique, patriotique et transatlantique qui guident les recherches dun
Bonpland.
Troisime partie
Chapitre IX
Troisime partie
Chapitre IX
la
qualit
des
chercheurs rioplatenses,
Arsne
Isabelle
loue
Troisime partie
Chapitre IX
Du naturalisme lamricanisme
Entre la seconde moiti du XVIIIe sicle et la seconde moiti du XIXe
sicle, on passe de linventaire du monde ltude du Nouveau Monde. Les
expditions ilustradas possdent la fois un caractre universaliste et amricaniste
car les expditions mises en place par lEspagne ont dabord pour but linventaire
et la valorisation des ressources naturelles amricaines, ensuite leur insertion au
sein du corpus naturaliste mondial. Cette tradition la fois scientifique et
utilitariste est prolonge par Humboldt, lequel produit un discours possibiliste
cest--dire mettant en lumire les atouts naturels des colonies dans un souci de
rpondre la commande du royaume dEspagne.
Humboldt est souvent considr comme le premier amricaniste de par
lampleur de linventaire ralis. Cependant, aprs avoir isol ses rsultats dans le
Voyage aux rgions quinoxiales il les replace ensuite dans une perspective
universaliste. Lisolement de ses rsultats dpend dailleurs plus dun projet
ditorial que dun projet scientifique, celui-ci tant dfini ds 1805 dans son Essai
sur la gographie des plantes comme ltude des phnomnes physiques dans leur
ensemble. La subordination de la partie botanique une physique universaliste
rend cette science moins pertinente pour en faire un objet dtude spcialis. En
effet, depuis la cration de la gographie des plantes le milieu naturel perd la
815
Troisime partie
Chapitre IX
816
Troisime partie
Chapitre IX
publication 3159 dont nous ne connaissons pas la teneure exacte. Tout indique,
daprs les courriers envoys en Europe, quelle se situe dans la continuit de son
projet initial. Or, des notes dont les seules dates renvoient lanne 1850
concernent les missions jsuites 3160 . De surcrot, les ouvrages de Demersay,
Martin de Moussy et Gay consacrs ce thme utilisent du matriel runi par
Bonpland. Il est donc tout fait possible que le botaniste souhaite inclure ses
recherches ethnologiques et archologiques dans louvrage quil projette dcrire.
Les lacunes ethnologiques de ses recherches ne dnotent pas une absence de
perspective lcartant du milieu scientifique porteur du projet amricaniste fond
sur la recherche archologique et ethnologique. Il semble quil ait effectu un
travail en ce sens suffisamment riche pour quil soit utilis par dautres.
Le projet scientifique de Bonpland savre tout fait pertinent dans une
perspective amricaniste. Il demeure priphrique faute dun intrt spcifique
pour ses recherches. Les rencontres avec Demersay, qui reste isol, et avec Martin
de Moussy, qui parvient mettre en rseau ses recherches, sont significatives elles
aussi de lintrt qui merge pour les tudes amricaines comme de la difficult
crer une dynamique scientifique. Bonpland est un typos de lamricaniste proche
de celui de Demersay du fait de son isolement et de Martin de Moussy par le
projet. Il sinsre dans une phase pr-amricaniste car son projet initial est celui
dun voyageur-naturaliste dont la carrire se situe en France.
Bonpland devient amricaniste par dfaut, quoique son insistance
concrtiser son projet, son choix de rester en Amrique rvlent un got
incontestable pour le continent. Mais comme Azara, Mutis, Saint-Hilaire et
Humboldt il sidentifie une communaut naturaliste, lidentification une
communaut amricaniste ntant pas ralise avant Martin de Moussy. Comme
lors de son voyage avec Humboldt sa spcialisation est due aux circonstances. De
la mme manire que le voyage dcid en 1798 na pas pour objectif lAmrique,
Bonpland ne choisit pas de demeurer le restant de sa vie au Ro de la Plata. Il
devient amricaniste par dfaut. Cest aussi le cas pour dautres spcialistes du
Nouveau Monde, la mission dAzara par exemple ne devant pas se prolonger
durant vingt ans.
3159
3160
Troisime partie
Chapitre IX
On peut distinguer deux branches dans la phase de construction pramricaniste. La branche amricaine, ou plus exactement rioplatense, se
caractrise par un projet scientifique local, par un lien troit avec le politique et
par un fort isolement priphrique, depuis Azara et Mutis jusqu Bonpland. La
branche europenne, depuis Bouguer et La Condamine jusqu Saint-Hilaire,
Humboldt et dOrbigny se caractrise par son projet global qui reverse le matriel
amricain dans les tudes naturalistes. En 1857, les fondateurs de la Socit
Amricaine de France, puis de la Socit des Amricanistes, ralisent la jonction
des deux projets. Ils reprsentent une branche de lhistoire de la discipline que
Bonpland nintgre pas, tant rattach au Musum et donc son projet
universaliste, avant que Thodore Jules Ernest Hamy ralise une premire
synthse et resitue Bonpland mais aussi Humboldt, Dombey, Grandsire dans
lhistoire de la discipline au dbut du XXe sicle.
De plus, la branche europenne semble davantage axe sur les aspects
thoriques, tandis que la branche amricaine se caractrise par une recherche
dutilitarisme. Ces deux prismes semblent se rejoindre au cours de la seconde
moiti du XIXe sicle, lEurope la France particulirement mettant en uvre
un projet politique et conomique latino-amricain permettant de crer une
dynamique transatlantique autour dun projet commun de civilisation. Linventaire
de la dlgation pruvienne prsente au premier Congrs des Amricanistes ralis
par Pascal Riviale 3161 montre la prsence de nombreux personnages lis aux
milieux conomiques. Quant Bonpland, il met en actes les discours possibilistes
comme celui produit par Humboldt. Avec lui on aborde lamricanisme par son
versant utilitariste.
CONCLUSION
Le projet scientifique commun aux deux Mondes permet la fondation
dune tradition amricaniste car il met en rseau des chercheurs jusque l isols.
Lapparition de groupes de recherche identifis dans des socits savantes au Ro
de la Plata ainsi que leur connexion interne cre une dynamique dont tmoigne la
3161
Troisime partie
Chapitre IX
819
CONCLUSION
Cette mergence dune science priphrique telle que Juan Jos Saldaa la nomme dans
le Ro de la Plata et plus gnralement en Amrique latine est replacer dans ltude sociale de la
science latino-amricaine comme produit de son histoire ; cf. SALDAA Juan Jos, Nuevas
tendencias en la historia latinoamericana de las ciencias , in Cuadernos Americanos, n 38, marsavril 1993, pp. 69-91.
.
Troisime partie
Conclusion
3163
Cf. SALDAA Juan Jos, Science and Freedom: Science and Technology as a Policy of the
New American States , in SALDAA Juan Jos (d.), Science in Latin America. A History,
Austin, University of Texas Press, 2006 (1996), pp. 158, 160-161.
821
Troisime partie
Conclusion
manque dintrt pour ses recherches, lisolement ressenti dvoile plus le dcalage
existant entre lobjectif dexcellence scientifique et les moyens disposition.
Cependant, au cours des annes 1830 Bonpland ne donne pas suite aux
offres rioplatenses et brsiliennes, ce qui pose la question de sa responsabilit vis-vis du processus de marginalisation des sciences naturelles au Ro de la Plata.
En effet, Bonpland ne sassocie pas dautres scientifiques et ne forme pas des
personnes capables de constituer un noyau. Or, la carence de participation ou
dimplication plus active de sa part et de la part des cadres scientifiques prsents
dans cette partie de lAmrique apparat comme une entrave la cration de
rseaux nationaux, transnationaux et transatlantiques. Limpression disolement
qui se ressent aussi chez lensemble des cadres susceptibles de favoriser
lmergence des sciences naturelles demande tre encore analys. Si pour
Bonpland les raisons sont connues, une tude comparative des parcours de ses
pairs devrait clairer notre comprhension des causes de la stagnation des sciences
naturelles rioplatenses.
De la fin des annes 1830 la fin des annes 1840, lisolement ressenti par
Bonpland est suivi dune marginalisation relle touchant la fois son projet
scientifiques et son projet conomique qui sont incompatibles. En effet, en
sinstallant lInterior il sinscrit dans un projet de dveloppement centr sur
lagriculture, la voir fluviale, le dbouch dans les villes-ports et en Europe.
Bonpland est contre-courant du discours europen et rioplatense fond sur la
dichotomie entre ville et campagne. Il pense de manire globale, en jouant sur la
complmentarit plutt quen crant une opposition artificielle qui simpose
pourtant dans le discours des lites partir de 1852. Mais il se heurte
lincompatibilit entre projet scientifique et projet conomique qui perdure tant
quils ne sont pas connects. En effet, la gestion dune structure agricole est un
handicap insurmontable la ralisation dun travail scientifique de grande
envergure.
A partir de 1849 cette contradiction se rsout ; le projet conomique se
fond peu peu dans le projet scientifique, ce qui le rend opratoire. Le
dveloppement des communications et la fondation ou la programmation
dinstitutions scientifiques locales dont lExposition Permanente de Corrientes
donne une cohrence aux recherches menes par Bonpland. Les structures
scientifiques et les rseaux qui se fondent sur une dynamique conomique
822
Troisime partie
Conclusion
823
CONCLUSION GENERALE
politiques
rioplatenses
entranent
une
fragilit
et
une
fragmentation des projets, des rseaux et des communications qui savrent tre un
obstacle difficilement surmontable pour les indpendantistes comme pour le
Franais.
Outre lhistoire dune rencontre manque entre un savant et des nations,
Bonpland raconte lhistoire de celles-ci. Son tmoignage nous permet de mettre en
vidence diffrents moments de la construction fractionne des nations
rioplatenses
3164
3164
Genevive Verdo explique quen Argentine la rtroversion de la souverainet vers les pueblos
entrane la dispersion des pouvoirs souverains ; VERDO Genevive, Lindpendance argentine
entre cits et nation (1808-1821), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006. Le tmoignage de
Bonpland met en relief ce processus dans la province de Corrientes considre comme une entit
Conclusion gnrale
Conclusion gnrale
penses ou appliques entre 1810 et 1853. Leur analyse, notamment par le biais
des rseaux tisss par le Franais dans le Nordeste et le Rio Grande do Sul, montre
lapparition dune culture politique nouvelle Corrientes mlant le clanisme
colonial et les formes nouvelles de sociabilit politique nes de lindpendance.
Elles mettent en vidence lexistence dun Etat-frontire correntino qui retranscrit
lchelle territoriale la culture politique en gestation dans cette partie du Ro de
la Plata.
Une autre question souleve par le parcours dAim Bonpland concerne
lanalyse des migrations dEuropens vers le Ro de la Plata au cours de la
premire moiti du XIXe sicle, ainsi que leur processus dimmersion et
dintgration. Avec Bonpland nous pouvons suivre le parcours dun personnage
la fois engag politiquement et reprsentant dune lite scientifique. Il permet
danalyser, lchelle micro-historique, ladaptation dune culture politique un
contexte rvolutionnaire. La priode durant laquelle Bonpland simmerge est
encore peu tudie dans le dtail, aussi son exprience savre-t-elle prcieuse. En
effet, elle peut tre compare dautres parcours dmigrs 3167 et, pour ceux
choisissant de demeurer en Amrique, elle peut tre compare aux autres
stratgies dintgration un moment o la faiblesse du nombre de migrants permet
plus facilement leur tude dtaille. A ce titre le sentiment dappartenance la
communaut francophone semble primordial, comme en tmoigne le discours de
Bonpland et de ses interlocuteurs ; comme le montre aussi la mise en place dun
rseau francophone le long du ro Uruguay. Avec Bonpland et, probablement,
avec les autres migrs de son cercle, ce rseau patriotique se double dun rseau
rioplatense quil parvient conserver ou modifier malgr son implication dans la
Guerra Grande. Cette solidit le diffrencie dautres Francophones prsents
Buenos Aires contraints de partir pour Montevideo partir de 1838 ou de traverser
lUruguay. Au contraire, Bonpland savre trs mobile entre Santa Ana et So
Borja et trs apte intgrer des clans ou des partis adverses.
3167
Les migrs franais peuvent se diviser en trois catgories. Il y a dabord ceux qui sont de
passage, cest--dire les voyageurs et le personnel diplomatique. Il y a ensuite ceux qui, aprs avoir
tent de sintgrer, choisissent de revenir, tel Narcisse Parchappe. Il y a enfin ceux qui restent et
qui, comme Bonpland, mettent en place des stratgies dintgration.
826
Conclusion gnrale
Conclusion gnrale
voyage commun nous semblent rvlateurs de deux postures scientifiques vis-vis des tudes amricaines. Humboldt assimile le corpus amricaniste au projet
encyclopdique de linventaire et de la comprhension du monde, alors que
Bonpland se spcialise dabord vis--vis dun domaine de recherche, puis dun
terrain de recherche. En effet, de 1798 1808 il se consacre essentiellement la
collecte et au classement des chantillons botaniques avant de sorienter vers la
recherche applique de 1808 1814. Ce glissement progressif de lapproche
thorique vers lapplication pratique des connaissances donne naissance un
projet mixte quil tente de transfrer sur le terrain amricain. Faute de soutiens
institutionnels solides, le projet scientifique de Bonpland se dilue peu peu dans
un projet conomique priv et au cours des annes 1830, les domaines de la
recherche et de lapplication de celle-ci sidentifient de plus en plus troitement
avec le cadre gographique accessible. A la fin des annes 1840, les nouvelles
options scientifiques amricaines de Bonpland ont pour horizon le Rio Grande do
Sul et Corrientes. Le contenu des projets esquisss l est fortement imprgn par
le dveloppement conomique local, ce qui place Bonpland lintrieur dun
cadre et dun terrain de recherche spcialiss.
Cette spcialisation est force puisque Bonpland tente plusieurs reprises
de mener une grande exploration du territoire rioplatense et chilien ; en 1820 par
le Paraguay, en 1832 par le ro Uruguay, en 1847 par Lima ou par le ro Paraguay
et la Bolivie. Ds les contacts renous avec la France, au dbut des annes 1850, il
demande laide dun assistant probablement dans un but similaire. Ce lien
transatlantique dtermin globalement par sa culture politique et particulirement
par son sentiment dappartenance sa communaut savante dorigine est maintenu
et fortement revendiqu par dfaut. En effet, cest son isolement scientifique local
qui lamne regarder vers lhorizon franais. Cet isolement lempche longtemps
de dvelopper un sentiment dappartenance vis--vis de groupes rudits locaux,
puisque cest la fin de sa vie quil peut sinscrire dans le rseau mergent des
institutions savantes rioplatenses et brsiliennes. Jusque l, la seule perspective
didentification qui soffre lui est europenne. Il sinscrit ce titre dans une
perspective naturaliste plutt quamricaniste. Dailleurs, Bonpland refuse de
simpliquer dans la fondation dune tradition scientifique priphrique. Les
propositions mises en ce sens depuis lUruguay, le Brsil et le Paraguay entre le
828
Conclusion gnrale
dbut des annes 1830 et le milieu des annes 1840 nous paraissent significatives
dun changement de perspective scientifique, Bonpland renonant aprs sa
dtention paraguayenne son projet de coopration transatlantique au profit dun
projet eurocentr.
Il faut attendre la mise en place dun projet scientifique rioplatense fond
sur la production externalise des connaissances pour que laction scientifique
mene par Aim Bonpland sinscrive dans une logique transatlantique. Son
exprience est donc replacer dans une continuit, depuis linadquation initiale
entre loffre et la demande scientifique jusqu la convergence des projets. Le
projet scientifique rencontre alors le projet politique et rend ralisable les
transferts des structures, des savoirs et des traditions ; le dcalage prend fin. En
rtablissant une continuit dans ses objectifs scientifiques, le projet de Bonpland
acquiert une cohrence jusque l pass inaperue du fait de la prgnance du
politique qui en entrave la russite puis la lecture historique 3168 . Cette cohrence le
rinscrit dans lhistoire scientifique de la premire moiti du XIXe sicle comme
un prcurseur des tudes amricaines, tout comme elle en marque les limites. En
effet les checs de Bonpland, depuis son recrutement par les indpendantistes en
1816 jusqu sa dernire tentative pour fonder un centre de culture scientifique
Corrientes en 1854, sexplique par un contexte politique extrmement dfavorable
ayant du mal faire concider le discours et les actes.
A ce titre, linstauration du Second empire en France est primordiale dans
la mesure o ce rgime permet le dveloppement dun projet politique et culturel
fond sur la notion de latino-amricanisme et de panlatinisme 3169 . Le plaidoyer
adress Napolon III en 1854 par Bonpland exprime, dans des termes
patriotiques, une vision proche de celle se construisant dans les cercles impriaux
et saint-simoniens franais, un moment o les discours civilisationnistes
rioplatenses dvelopps depuis lindpendance et fortifis par les vainqueurs du
3168
Cette cohrence concerne particulirement les motifs de son ternel retour toujours projet
mais jamais ralis. Ce fut une des premires nigmes poses par Bonpland. Pourquoi rester si tout,
apparemment, soppose la russite dune entreprise et si le pays dorigine se montre accueillant ?
Interrog ce sujet, Philippe Foucault lexpliquait par un mcanisme psychique propre aux
migrants en gnral, un mal du pays en quelque sorte. Sil est sr que Bonpland souffrait de ce
mal, sa qute scientifique et son acharnement btir une vie amricaine russie avant de revenir
rsout sur cette question.
3169
Cf. MARTINIERE Guy, Michel Chevalier et la latinit de lAmrique , Colloque Nommer
lAmrique Latine indpendante, ses intgrations, ses relations transamricaines et
transatlantiques, 15-16 avril 2010, Universit Paris III - Sorbonne Nouvelle.
829
Conclusion gnrale
Conclusion gnrale
inoprants. Les centres de culture scientifique qui apparaissent alors peuvent tre
perus comme la matrialisation de cette idologie. Leur mise en rseau traduit
lmergence dune lite capable de crer une dynamique de groupe, dtablir un
programme de recherche identifi autour didologies convergentes et de crer, ce
faisant, un nouveau ple de recherche disciplinaire.
http://www.lamarck.cnrs.fr/ ; http://www.darwinproject.ac.uk/.
Si les voyageurs sont connus, il nen est pas de mme pour les migrs. Les travaux mens par
Jean-Paul Duviols et Jean-Georges Kircheimer offrent pour les premiers une base de recherche
indispensable permettant de redcouvrir les seconds ; cf. DUVIOLS Jean-Paul, Voyageurs franais
en Amrique. Colonies espagnoles et portugaises, Paris, Bordas, 1978 ; KIRCHEIMER JeanGeorges, Voyageurs francophones en Amrique hispanique au cours du XIXe sicle : rpertoire
bio-bibliographique, Paris, Bibliothque nationale, 1987.
3174
Cf. PHILIPS Edith, Les rfugis bonapartistes en Amrique (1815-1830), Paris, Vie
Universitaire, 1923 ; PUIGMAL Patrick, op. cit. ; BERGUO HURTADO Fernando, Les soldats
de Napolon dans lindpendance du Chili (1817-1830), Paris, LHarmattan, 2010.
3173
831
Conclusion gnrale
Narcisse Parchappe aprs son sjour rioplatense, ou celui des hommes daffaires
en contact avec Bonpland Buenos Aires. Quant aux Francophones prsents dans
lInterior, ils sont dans leur majeure partie compltement mconnus. Il existe l
matire reconstituer une histoire de la communaut francophone en privilgiant
une approche prosoprographique en prenant en compte ses activits, ses rseaux,
son influence et ses stratgies dintgration.
Dautres champs dinvestigation sont encore ouvrir ou approfondir
partir du corpus bonplandien . Le champ dtude disposant du plus grand
potentiel est sans conteste constitu par les sources caractre mdical. Le sujet a
jusquici t trait en pointills, la masse des documents analyser empchant leur
tude exhaustive. Un programme de recherche pourrait tre men dans cette
direction afin de dresser, partir de la pratique de Bonpland, une typologie
mdicale misionera. Cette approche est prcieuse, lhistoire de la mdecine
disposant de peu de sources traitant directement de cet aspect. Elle offre aussi une
alternative lanalyse de la pratique mdicale du point de vue institutionnel, les
aspects thoriques dj bien identifis 3175 pouvant tre confronts aux procds
dapplication.
Le champ conomique demeure lui aussi un terrain de recherche non clos.
Les travaux de Stephen Bell ont permis de progresser dans la comprhension et
dans lanalyse des projets conomiques de Bonpland. Il reste encore beaucoup de
recherches effectuer afin de raliser des analyses comparatives. Dans ce
domaine, le corpus bonplandien peut permettre daffiner les analyses
concernant le Nordeste et les relations conomiques transfrontalires le long du ro
Uruguay. La yerba mate est bien sr un ple important de ce domaine dtude
mais il cache trop souvent les autres activits agro-pastorales du Franais comme
par exemple llevage ovin et bovin ou lhorticulture.
Outre les sources, les thmes soulevs par ltude mene autour de
Bonpland mritent dautres dveloppements. Le principal dentre eux porte sur
lhistoire de lamricanisme, lanalyse des rseaux et des projets aboutissant la
cration de groupes de recherche devant permettre terme de raliser une
archologie de la discipline. Surtout, la priode prcdant linstitutionnalisation de
3175
Conclusion gnrale
833
Conclusion gnrale
3176
UNIVERSIT DE LA ROCHELLE
COLE DOCTORALE
Socits, cultures, changes
Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique
THSE
prsente par :
Cdric CERRUTI
JURY
Jean-Paul DUVIOLS
Pilar GONZLEZ BERNALDO
Guy MARTINIRE
Didier POTON
Jacques SOL
Michel VAN-PRAT
Volume 4
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
SOURCES
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INDEX ONOMASTIQUE
CANDOLLE, Auguste Pyrame de : 343, 343n, 348, 363, 364n, 471, 540, 729, 730, 739,
748, 749, 764, 799
CANTEROS : 511n
CARDOZO, Jos Mariano : 123
CARRERA (frres) : 56n, 81
CARRERA, Jos Miguel de : 54, 54n, 58n, 60, 81, 83
CARRIEGO, Evaristo : 71, 511, 512, 512n, 522, 523, 524
CARRIL, Salvador Mara del : 783
CARTA MOLINO, Pedro : 608n, 693, 694n, 696, 697, 700, 701, 707n
CARTIS, Francisco : 112n, 653n
CASTAEDA, Francisco de PAULA de : 479, 479n, 490
CASTELLI, Jos : 127n, 199n
CAVAILLON : 83
CAVANILLES, Antonio Jos de : 24, 352, 355, 356, 356n, 366n, 442, 465
CAXIAS, duc de : 123n
CELS, Franois : 388n, 399, 407n
CEMBRANA : 562n
CERDA, Vicente de la : 433
CERE, Jean-Nicolas : 389
CERNAUX : 652n
CESAR, Jos Pedro : 74n
CESPEDES (proviseur) : 516
CHABOT (dames) : 610
CHAINE : 152, 199
CHAMORRO (capitaine) : 97, 119n, 143n
CHAMPAGNY, Jean-Baptiste de : 338, 341, 363
CHANORIER, Jean : 398, 398n,
CHAPTAL, Jean-Antoine : 346, 346n, 362, 400, 400n
CHAPUS : 665
CHARLES III : 460, 466n
CHARPENTIER DE COSSIGNY, Joseph-Franois : 372, 372n
CHATEAUBRIAND, Franois-Ren de : 642
CHAUMETON, Franois Pierre : 336
CHAUVISE : 256
CHAUVITEAU : 98
CHAVES, Antnio : 189, 190, 195, 204, 205, 625
CHEVALIER, Chico : 97
CHEVALIER, Julie : 97n
CHEVALIER, Michel : 26
CHEVALLIER, Alphonse : 670
CHEVALLIER, Franois : 96-97, 652
CHIBERTE, Juan : 122n
CHICOILET DE CORBIGNY, Louis Antoine Ange : 370
CHORROARIN, Luis Jos : 688n
CLAVERI (tanneur Salto) : 603
CLAVIJERO, Francisco Javier : 435, 441
CLAYTON, John : 336n
COLOMB, Christophe : 35, 281n, 294, 420, 421n, 457n
COMMERSON, Philibert : 423, 424n, 428, 437, 446
COMTE (abb) : 557
CONSTANTIN, Alexandre : 154, 643, 652, 710, 715, 716, 735, 738n
COOK, James : 354, 409, 422, 432, 433, 433n
CORDIER, Pierre-Louis Antoine : 363, 539, 540, 559n, 735
CORREA, Jos : 352
CORREA DA CAMARA, Antonio : 77
887
892
LAVALLE, Juan : 61n, 115n, 123, 124, 141n, 144, 144n-145n, 146, 147, 147n, 148, 149,
149n, 151, 152, 152n, 153, 153n, 155, 157, 158n, 159, 160, 160n, 161, 163, 166, 167,
173, 176, 178n, 181n, 197, 233, 238, 284, 825n
LAVALLEJA, Juan Antonio : 71n, 92n, 105, 105n-106n, 115n, 118n
LAVIE, Pierre : 89n
LE LIEUR VILLE-SUR ARCE, Jean Baptiste Louis : 366, 375
LE MOYNE (colonel) : 50, 52, 53, 55
LEBLANC, Louis Franois Jean : 90, 155
LEBLOND, Jean-Baptiste : 394, 395n
LEBRETON, Joachim : 54, 54n, 93, 468, 685, 689
LECAMUS, Jean : 369
LEDESMA (famille) : 663, 680
LEDESMA, Florentina : 663
LEDESMA, Gregorio : 143n
LEDESMA, Henrique : 663
LEDESMA, Jos : 663
LEDESMA, Leonarda : 663
LEDESMA, Manuel Antonio : 111n, 115n, 612, 674
LEDESMA, Santos : 663
LEDHUI, Ernest : 678
LEE, James : 353, 353n
LEFEBVRE DE BECOURT, Charles : 258, 260, 274n
LEGARD, Charles : 181
LEGRAND DE BOISLANDRY, Franois-Louis : 374n, 414
LEIVA, Manuel : 169
LELOIR, Antoine Franois : 52, 55, 80, 81
LELONG, John : 156, 267, 267n, 277, 784n
LEMONNIER, Louis-Guillaume : 319, 319n
LEOPOLDINA : 450
LEPREDOUR, Fortun Joseph Hyacinthe : 210, 210n, 211, 212, 215
LESCHENAULT DE LA TOUR, Jean-Baptiste : 316n, 320, 322
LEVERGER, Auguste : 570
LEVI-STRAUSS, Claude : 431
LHUILLIER (employ Malmaison) : 385n
LIMA E SILVA, Joo Manuel de : 118n, 123, 123n, 126, 284, 284n
LIAUTAUD, D. : 209, 536, 762, 769, 811, 816
LINDLEY, John : 543n
LINIERS, Henri Louis : 509
LINIERS, Jacques de : 65-66, 67, 79, 79n, 508, 508n, 509, 509n, 522, 679
LINNE, Carl von : 338, 360, 451, 452n, 734
LIOTARD : 97
LLAVE, Pablo de la : 356, 356n, 358, 358n
LONGCHAMPS, Marcel : 520
LOPEZ (matre de poste) : 130
LOPEZ, Bernab : 274
LOPEZ, Bernardino : 443
LOPEZ, Carlos Antonio : 205, 205n, 214, 253, 262n, 630n, 663, 810
LOPEZ, chico : 111n
LOPEZ, Estanislao : 60n, 69, 170, 501n, 523
LOPEZ, Francisco : 647
LOPEZ, Venancio : 252n
LOPEZ, Vicente Fidel : 229, 229n, 230, 232n, 237, 240, 241, 242, 243, 249, 250, 251,
252, 266, 788
LOPEZ JORDAN, Ricardo : 61n, 71, 71n, 511, 512, 513, 522, 523
LOPEZ Y PLANES, Vicente : 479, 479n
893
MENDEVILLE, Jean-Baptiste Washington de : 84, 85, 91, 91n, 538, 631, 750
MENDEZ, Juan Bautista : 67, 94, 511
MENDEZ, Santiago : 170n
MENDOZA (sergent-major) : 118n
MERCHER, Marc : 52, 53
MEYER, Joachim : 83, 90, 93n, 508, 513, 652
MICHAUX, Andr : 316n, 320
MICHAUX, Franois-Andr : 316n, 320, 320n, 321, 322, 336n
MIERS, John : 620n
MIKAN, Johann Sebastian : 471
MILHAS : 86
MILIUS, Pierre-Bernard : 717
MIRANDA, Francisco de : 434, 450n
MIRBECK, Ama de : 196, 197, 606n
MIRBECK, Apollon de : 100, 189, 196, 197, 199, 200, 615n, 630n, 675, 679
MIRBEL, Charles-Franois BRISSEAU de : 24, 316, 317, 344, 352, 361, 362, 363, 365,
366, 367, 371, 374n, 375, 388, 396, 397, 407, 408, 410, 415, 476, 477, 520, 539, 540,
544, 619, 623, 725, 728, 729, 736, 740, 745, 746, 747, 750, 751, 751n, 752, 752n, 753,
769, 770, 771
MITRE, Bartolom : 776
MOCIO, Jos Mariano : 433
MOLINA, Jos Agustn : 504n
MOLINA, Juan : 479
MOLINA, Luis : 234
MONGE, Gaspard : 399
MONTAGNE, Camille : 733
MONTALIVET, Jean-Pierre de : 403, 404
MONTAA, Julin : 122n
MONTENEGRO, Pedro : 617, 617n
MONTERO, Vicente : 232n
MONTESQUIEU, Charles de : 642
MONTLIVAULT, Camille de : 376, 380, 381, 382, 383, 384-385, 397, 404, 404n
MONTUFAR, Carlos : 434, 463, 463n
MONTUFAR, Cristbal Martn de : 479, 692
MONTUFAR, Juan : 479
MOPOX (comte de) : 438
MORA, Jos Joaqun : 698n
MORDANT DE LAUNAY, Jean Claude Michel : 390n
MOREL, Jean-Marie : 408
MOREL DE VINDE, Charles-Gilbert vicomte de : 401
MORENO, Manuel : 687, 695, 696, 697
MORENO, Mariano : 459n
MORENO, Pedro : 115n
MOSSOTTI, Octavio Fabricio : 463n, 694, 694n, 697, 701, 708, 758, 814
MOUCHEZ (capitaine) : 249
MOUJILOS CENTURION, Julin : 515
MUIZ, Francisco Javier : 30, 30n, 453, 515, 527, 559, 559n, 564, 565n, 566, 572, 687,
692n, 713, 714n, 719, 720, 727, 758, 772, 775, 776, 814
MUOZ Bartolom : 57, 443, 443n, 444, 446, 479, 483n, 496, 543, 687, 696, 698
MURAT, Joachim : 14n, 509n
MURDAUGH, William Henry : 812
MURE, Benot-Jules : 665, 665n
MURGUIONDO (famille) : 58, 510
MURGUIONDO, Prudencio : 510, 510n
MUTIS, Jos Celestino : 418, 421n, 434, 454, 811, 817, 818
895
286, 296, 562, 624, 763, 764, 776, 780, 781, 781n, 782, 784, 785, 788, 789, 790, 791,
793, 794n, 795, 796, 798, 801, 802, 804
PYRAM : 562n
RAFFENEAU-DELILE, Alyre : voir DELILE
RAFFLES, Thomas Stanford : 734
RAFN, Carl Christian : 565n
RAMALLO (colonel) : 150n, 606n
RAMIREZ (famille) : 612n
RAMIREZ (colonel) : 111n
RAMIREZ, Antonio : 155
RAMIREZ, Francisco : 60, 60n, 61, 61n, 62, 63, 68, 69, 70, 70n, 71, 71n, 73, 74, 74n,
149, 233, 282, 502, 506, 506n, 510, 510n, 511, 512, 513, 514, 522, 524, 525
RAYNAL, Guillaume-Thomas : 421, 421n, 422, 424, 521, 642
RAZAC (frres) : 508
RAZAC : 93, 505n, 621
REAUMUR, Ren-Antoine de : 315n
REAUX (oiseleur Malmaison) : 396
RECALDE, Isodoro : 663
REDOUTE, Pierre-Joseph : 409, 409n
REGALADO, Pedro : 117n
REGUERAL (famille) : 176
RENAN, Ernest : 26
RENGGER, Johan Rudolf : 520, 572n, 628, 631, 645n
REPOSO, Jos Joaquin : 670
REPTON, Humphrey : 373
REYES, Jos Mara de los : 700
RIBEIRO, Bento Manuel : 115n, 118n, 123, 159, 166n,
RIBEIRO DOS GUIMARAENS PEIXOTO, Domingos : 484n
RICHARD, Achille : 539, 540, 752, 753
RICHARD, Antoine : 343n
RICHARD, Claude : 343n
RICHARD, Louis : 343n
RICHARD, Louis-Claude Marie : 316n, 317, 318, 318n, 341, 343, 424
RICHELIEU, Armand du PLESSIS, duc de : 48, 49
RILLY (ngociant italien) : 562, 562n
RIOS, Faustino : 113
RITTER, Carl : 421n
RIVADAVIA, Bernardino : 24, 41, 41n, 46, 46n, 48n, 54n, 55, 55n, 60, 61, 69, 70n, 280,
446, 447, 447n, 449, 454, 454n, 463n, 467, 597, 608n, 610n, 626, 627, 688, 690, 693,
694, 694n, 695, 696, 698, 699n, 700, 705, 706, 706n, 780, 820, 827
RIVERA, Fructuoso : 24, 86n, 92, 92n, 106n, 108, 112n, 115n, 116, 117, 117n, 118n,
123, 125, 125n, 126, 127, 139, 141, 145, 146, 147, 148, 149, 151, 152, 155, 157, 160,
161, 163, 164, 164n, 165, 165n, 166, 166n, 167, 168, 168n, 169, 169n, 170, 171, 177n,
178, 181n, 184, 191, 199n, 200, 200n, 239, 240, 252, 253, 254, 284, 825n
RIVERO, Matas : 479
ROA, Vicente : 195
ROBERT, Charles : 52, 52n, 53, 54, 81, 83, 685
ROBERT, Nicolas : 365, 482, 739, 741
ROBERTSON, John et William Parish : 94, 132, 465, 511, 517, 523n, 664
ROBERTSON, William : 424n
ROBESPIERRE, Maximilien de : 64, 282
ROBILLARD : 98n
RODRIGUEZ (de San Roque) : 112
RODRIGUEZ, Martn : 60, 69
RODRIGUEZ DE FRANCIA, Jos Gaspar : voir FRANCIA
898
902
GLOSSAIRE
Glossaire
Glossaire
905
ANNEXES
ANNEXE N 1
CHRONOLOGIE INDICATIVE
1767
Mars: Charles III ordonne lexpulsion des jsuites des colonies amricaines.
1773
Aot: naissance dA. Bonpland.
1774
Publication de A Description of Patagonia du jsuite T. Falkner, contenant la premire
description dun glyptodonte dans le Ro de la Plata.
1776
Aot: cration de la vice-royaut du Ro de la Plata.
1777
Octobre : P. A. de Cevallos est nomm premier vice-roi du Ro de la Plata.
Novembre: dpart de lexpdition au Prou de H. Ruiz, J. A. Pavn et J. Dombey.
Annexes
1782
Mars: F. de Azara dbarque en Amrique o il mne ses recherches jusquen 1801.
1783
Novembre: dcret autorisant lexpdition de J. C. Mutis en Nouvelle-Grenade.
Novembre : inauguration du Real Colegio de San Carlos Buenos Aires.
1786
Octobre: M. Sess est nomm directeur de lexpdition botanique et du Jardin botanique
crer dans le vice-royaume de Nouvelle-Espagne.
1788
Mai : inauguration du Jardn Botnico de Mexico, le premier en Amrique latine.
1789
Juillet: dpart de lexpdition A. Malaspina avec T. Haenke et L. Ne son bord.
1792
Dcembre: cration en Espagne dune Casa de Flora Americana pour inventorier la
nature amricaine.
1793
Juin: dcret de la Convention nationale crant le Musum dHistoire naturelle.
1794
Janvier : cration du consulado de Buenos Aires.
Novembre : dpart de lexpdition des frres Heuland au Prou et au Chili o elle
demeure jusquen 1800.
1796
Dcembre : J. Longinos inaugure le cabinet dHistoire naturelle de Guatemala.
907
Annexes
1797
Fvrier : arrive de lexpdition Mopox Cuba o elle demeure jusquen 1802.
1798
Juillet : cration du Protomedicato de Buenos Aires sous limpulsion de M. Belgrano.
1799
Juillet : A. Bonpland et A. de Humboldt accostent en Nouvelle-Grenade.
Novembre : M. Belgrano et P. A. Cervio fondent, avec lapui de F. de Azara, la Escuela
de Natica y Matemtica de Buenos Aires.
1800
Dcembre : autorisation de la fondation de luniversit de San Carlos, effective en 1808.
1802
F. de Azara commence la publication de Descripcin e historia del Paraguay y del Ro de
la Plata.
1804
Aot : A. Bonpland et A. de Humboldt accostent Bordeaux.
1806
Juin-aot : invasion anglaise de Buenos Aires.
Aot : J. de Liniers est nomm vice-roi du Ro de la Plata.
1807
Fvrier : prise de Montevideo par les Britanniques.
Juillet : chec militaire britannique devant Buenos Aires.
1808
Mai : dbut de la guerre dEspagne.
Aot : A. Bonpland est nomm botaniste de limpratrice Josphine.
Septembre : proclamation de la junte de Montevideo, fidle Ferdinand VII.
Dcembre : A. Bonpland est nomm intendant des domaines de limpratrice Josphine.
908
Annexes
1809
Publication des Voyages dans lAmrique mridionale de F. de Azara.
Janvier : destitution du vice-roi J. de Liniers ; B. H. de Cisneros lui succde.
1810
Mai : proclamation de la Junta Grande de Buenos Aires, fidle Ferdinand VII.
Juillet : le Paraguay refuse de se soumettre la junte de Buenos Aires.
Septembre : inauguration de la Escuela de Matemticas de Buenos Aires.
1811
Fvrier : dbut de la Revolucin Oriental mene par J. Artigas.
Mars : larme bonaerense est vaincue par les forces paraguayennes Tacuar.
Avril-mai : occupation de la ville de Corrientes par les Paraguayens.
Mai-octobre : premier sige de Montevideo o rsistent les royalistes.
Mai : rvolution paraguayenne ; les Croles prennent le pouvoir.
Juin : la junte dAsuncin jure fidlit Ferdinand VII.
Juillet-octobre : premire invasion portugaise de la Banda Oriental.
Septembre : le premier Triumvirat porteo, form par F. Chiclana, M. de Sarratea et J. J.
Paso, succde la Junta Grande.
Octobre : trait damiti et de commerce entre Buenos Aires et Asuncin.
1812
Mars : inauguration de la Biblioteca Pblica de Buenos Aires.
Avril : J. M. de Pueyrredn remplace J. J. Paso au sein du premier Triumvirat.
Juin : premire circulaire portea mentionnant la cration dun Musum dHistoire
naturelle.
Septembre : Buenos Aires augmente les droits de douane sur le tabac, ce qui amne une
dgradation de ses relations avec Asuncin.
Octobre : deuxime Triumvirat porteo form initialement par A. Alvarez Jonte, J. J.
Paso et N. Rodrguez Pea. Dbut du second sige de Montevideo.
1813
Avril : J. Artigas demande Buenos Aires linstauration dun systme politique
confdral.
Mai : fondation de lInstituto mdico militar sous la direction de C. Argerich.
909
Annexes
1814
Janvier : formation du Directoire de Buenos Aires sous la direction de G. A. de Posadas.
Fvrier : J. Artigas dclare la guerre au gouvernement de Buenos Aires.
Avril : Entre Ros, Corrientes, Santa F, Crdoba, Misiones et la Banda Oriental forment
la Liga Federal sous commandement dArtigas dsign Protector de los Pueblos Libres.
Juin : le second sige de Montevideo se termine par lentre des Porteos dans la ville.
Octobre : J. G. Rodrguez de Francia est proclam par le Congrs Dictador du Paraguay
pour cinq ans.
Dcembre : B. Rivadavia part pour lEurope afin dtablir des relations diplomatiques.
1815
Janvier : C. M. de Alvear remplace G. A. de Posadas la tte du Directoire porteo.
Fvrier : les forces de J. Artigas occupent Montevideo.
Avril : I. Alvarez Thomas remplace C. M. de Alvear la tte du Directoire porteo.
1816
Fvrier : cration de lAcademia de matemticas y arte militar de Buenos Aires.
Mars : le consulado de Buenos Aires ouvre sa propre Academia de matemticas.
Avril : A. Gonzlez Balcarce remplace I. Alvarez Thomas la tte du Directoire porteo.
Mai : inauguration de la Biblioteca Pblica de Montevideo.
Juin : J. G. Rodrguez de Francia est proclam Dictador Perpetuo du Paraguay.
Juillet : la rpublique des Provinces Unies du Ro de la Plata proclame son indpendance
lors du congrs de Tucumn ; J. M. de Pueyrredn est lu Directeur suprme.
Aot : dbut de la seconde invasion portugaise de lUruguay ; M. Belgrano organise une
acadmie de mathmatiques Tucumn sous la direction de J. M. de Echanda.
1817
Janvier : A. Bonpland arrive Buenos Aires o il sjourne jusquen 1820.
1818
Juillet : J. M. de Pueyrredn inaugure le Colegio de la Unin del Sud, anciennement Real
Colegio de San Carlos.
910
Annexes
1819
Juin : J. M. de Pueyrredn est destitu ; J. Rondeau devient Directeur suprme.
1820
Janvier : victoire portugaise dcisive contre J. Artigas Tacuaremb.
Fvrier : victoire des fdraux sur les unitaires rioplatenses Cepeda ; trait du Pilar
instaurant un systme politique confdral.
Septembre : M. Rodrguez devient gouverneur de Buenos Aires. J. Artigas, renvers par
F. Ramrez, se rfugie au Paraguay.
Septembre-fvrier 1821 : sjour dA. de Saint-Hilaire dans la Bande Orientale.
Octobre : dpart dA. Bonpland pour le Paraguay.
1821
Juillet : dfaite et mort de F. Ramrez face Buenos Aires et ses allis.
Aot : fondation de luniversit de Buenos Aires.
Dcembre : enlvement dA. Bonpland par les forces paraguayennes.
1822
Avril : fondation de la Sociedad de ciencias fsico-matemticas et de lAcademia
Nacional de medicina de Buenos Aires.
Septembre : indpendance du Brsil.
1823
Novembre : le Paraguay ouvre une route commerciale avec le Brsil Itapa.
1824
Avril : J. G. de Las Heras succde M. Rodrguez au poste de gouverneur de Buenos
Aires.
Dcembre : inauguration du Congrs Constituant sigeant Buenos Aires.
1825
Fvrier :
trait
de
commerce
anglo-argentin ; la
Grande-Bretagne
reconnat
Annexes
1826
Fvrier : B. rivadavia devient prsident de la rpublique des Provinces Unies.
Juin : cration Buenos Aires du Departamento de ingenieros et du Departamento
topogrfico y estadstico.
Dcembre : Constitution rioplatense dinspiration unitaire.
1827
Janvier : A. dOrbigny accoste Buenos Aires.
Juin : dmission de B. Rivadavia ; fin du rgime prsidentiel.
Aot : M. Dorrego, fdral, devient gouverneur de Buenos Aires.
1828
Aot : indpendance de lUruguay.
Dcembre : J. Lavalle, unitaire, prend le pouvoir Buenos Aires et fait excuter M.
Dorrego.
1829
Juin : dfaite et exil de J. Lavalle face aux fdraux ; J. J. Viamonte assume le pouvoir.
Fondation de la Sociedade de Medicina do Rio de Janeiro, future Academia Nacional de
Medicina.
Dcembre : dbut du premier gouvernement de J. M. de Rosas.
1830
Avril : le territoire des Missions est incorpor la province de Corrientes.
Juillet : premire constitution de lUruguay.
Aot : fondation de la Liga Unitaria sous le commandement de J. M. Paz.
Novembre : F. Rivera devient le premier prsident constitutionnel de lUruguay.
Dcembre : la France reconnat lindpendance des anciennes colonies espagnoles.
1831
Janvier : Pacto Federal sign par les provinces du Litoral et de Buenos Aires afin de
combattre la Liga Unitaria.
Fvrier : A. Bonpland quitte le Paraguay.
912
Annexes
1832
Fvrier : C. Darwin accoste en Amrique du Sud, o il demeure jusquen 1835.
Mars-octobre : second sjour dA. Bonpland Buenos Aires.
Octobre : A. Bonpland part de Buenos Aires pour dcouvrir les sources de lUruguay.
Dcembre : fin du premier gouvernement de J. M. de Rosas.
1833
Dcembre : R. de Atienza, lu gouverneur de Corrientes, se rapproche de J. M. de Rosas.
1834
Fvrier : A. Bonpland sinstalle So Borja.
Mars : Corrientes abandonne les Missions au profit du Paraguay.
1835
Mars : dbut du second gouvernement de J. M. de Rosas.
Septembre : dbut de la guerre des Farrapos.
1836
Avril : convention de commerce, damiti et de navigation franco-uruguayenne.
Mai : A. Roger remplace le consul franais mort Buenos Aires.
Juillet : dbut de la guerre civile uruguayenne entre F. Rivera et M. Oribe.
Septembre : le colonel A. Neto proclame Piratini la Rpublique du Rio Grande do Sul.
Novembre : le dirigeant farrapo B. Gonalves da Silva, prisonnier des lgalistes, est
dsign prsident de la rpublique du Rio Grande do Sud.
Novembre -mars 1837 : troisime sjour dA. Bonpland Buenos Aires.
Dcembre : rlection de R. de Atienza au poste de gouverneur de Corrientes.
1837
Septembre : B. Gonalves da Silva svade et assume la direction politique et militaire du
mouvement farrapo.
Dcembre : mort de R. de Atienza ; G. Bern de Astrada, antirrosista, lui succde.
1838
Mars : le contre-amiral L. Leblanc entame le blocus de Buenos Aires.
Avril : victoire des Farrapos Rio Pardo.
913
Annexes
1839
Fvrier : G. Bern de Astrada et F. Rivera dclarent la guerre Buenos Aires et Entre
Ros ; J. Lavalle est nomm chef des forces allies contre Rosas.
Mars : bataille de Pago Largo. Victoire de P. Echage sur G. Bern de Astrada qui est
excut.
Mai : P. Cabral, fidle J. M. de Rosas, est lu gouverneur de Corrientes.
Juillet : D. Canabarro et G. Garibaldi proclament la Repblica Juliana Laguna ; le
mouvement farrapo atteint son apoge.
Septembre : P. Echage envahit lUruguay.
Octobre : Soulvement Corrientes ; P. Ferr redevient gouverneur.
Novembre : les Farrapos vacuent Laguna.
Dcembre : importante victoire de F. Rivera sur les forces de P. Echage Cachanga.
1840
Fvrier : lamiral Dupotet arriv Buenos Aires se rapproche de J. M. de Rosas.
Mai-juillet : premire mission diplomatique dA. Bonpland en Uruguay.
Septembre : mort de J. G. Rodrguez de Francia ; une junte militaire prend le pouvoir.
Octobre : trait de paix Mackau-Arana ; fin de lintervention franaise.
Novembre : victoire dcisive de M. Oribe sur J. Lavalle lors de la bataille de Quebracho
Herrado.
Dcembre-janvier 1841 : seconde mission diplomatique dA. Bonpland en Uruguay.
1841
Janvier : J. M. de Rosas tablit le blocus des ports uruguayens ; Lefevbre de Bcourt est
nomm consul Buenos Aires.
Mars : instauration dun rgime consulaire au Paraguay.
Juillet : trait de commerce et de limites entre Corrientes et le Paraguay qui obtient la
zone misionera.
Aot : F. Rivera rompt son alliance avec Corrientes.
914
Annexes
1842
Avril : violences contre les trangers Buenos Aires.
Mai : arrive du consul T. Pichon Montevideo.
Aot : le comte de Lurde assume la fonction de consul Buenos Aires ; les forces
rosistas sont matres des fleuves rioplatenses.
Dcembre : victoire rosista dterminante Arroyo Grande contre F. Rivera ; P. Cabral
redevient gouverneur de Corrientes.
1843
Fvrier : dbut du sige terrestre de Montevideo par M. Oribe.
Mars : F. Guizot veut la neutralit de la France.
Avril : les Madariaga renversent P. Cabral et prennent le pouvoir Corrientes ; les
Franais de Montevideo dcident de participer la dfense de la ville.
Mai : fondation de lInstituto Histrico y Geogrfico de Montevideo.
1844
Mars : C. A. Lpez devient prsident du Paraguay.
Septembre : le Brsil reconnat lindpendance du Paraguay.
Dcembre : trait de libre navigation entre Corrientes et le Paraguay.
1845
Janvier : J. M. de Rosas ordonne le blocus fluvial du Paraguay.
Fvrier : fin de la guerre des Farrapos.
Mars : larme de F. Rivera est anantie India Muerta par les forces de J. J. de Urquiza.
Mai : lUruguay reconnat lindpendance du Paraguay.
Septembre : dbut de lintervention franco-anglaise contre J. M. de Rosas et ses allis.
Novembre : trait dalliance militaire entre le Paraguay et Corrientes.
Dcembre : le Paraguay dclare la guerre Buenos Aires.
915
Annexes
1846
Fvrier : dfaite et capture de Juan Madariaga par J. J. de Urquiza Laguna Limpia.
Soulvement des troupes paraguayennes envoyes Corrientes ; fin de lalliance
paraguayo-correntina.
Aot : trait dAlcaraz ; J. Madariaga (Corrientes) signe la paix avec J. J. de Urquiza
(Entre Ros).
Septembre : paix entre le Paraguay et Buenos Aires.
1847
Novembre : bataille de Vences ; J. J. de Urquiza bat J. Madariaga ; M. Virasoro devient
gouverneur de Corrientes.
1849
Mai-aot : sjour dA. Bonpland Porto Alegre.
Juin-septembre : invasion paraguayenne avorte des missions du ro Uruguay.
Juillet : fondation effective de luniversit de Montevideo.
Aot-octobre : troisime sjour dA. Bonpland Montevideo.
Novembre : trait Arana-Southern marquant la fin de lintervention britannique.
1850
Mars : Buenos Aires demande lannexion du Paraguay la Confdration Argentine.
Avril : crise argentino-brsilienne propos du Paraguay.
Aot : trait Arana-Lepredour marquant la fin de lintervention franaise.
Aot-novembre : quatrime sjour dA. Bonpland Montevideo.
Octobre : rupture des relations diplomatiques entre lArgentine et le Brsil.
Dcembre : trait dalliance dfensive entre le Brsil et le Paraguay.
1851
Janvier : entente entre le Brsil et lEntre Ros dirige par J. J. de Urquiza.
Mai : Alliance antirrosista entre Corrientes, Entre Ros, lUruguay et le Brsil.
Juin : dbut des oprations militaires antirrosistas en Uruguay.
Octobre : victoire de J. J. de Urquiza en Uruguay ; reddition de M. Oribe.
1852
Fvrier : bataille de Caseros ; fin du rgime de J. M. de Rosas.
916
Annexes
Mai : trait de San Nicols ; Buenos Aires voit son pouvoir politique diminu.
Juillet : la Confdration Argentine reconnat lindpendance du Paraguay qui renonce
aux Missions en change dune partie du Chaco.
Aot : J. Pujol devient gouverneur de Corientes.
Septembre : sdition de Buenos Aires.
1853
Janvier : parution du premier numro de la revue Bonplandia. A Montevideo, cration de
la Sociedad Annima Colonizadora de Poblacin y Fomento.
Mars : J. J. de Urquiza devient prsident de la Confdration Argentine.
Mai : vote de la constitution de la Confdration Argentine avec comme capitale Paran.
1854
Fvrier : quatrime sjour dA. Bonpland Buenos Aires.
Mars : J. J. de Urquiza devient le premier prsident de la Confederacin Argentina.
Juillet : fondation du Museo Nacional de Paran.
Aot : fondation de la Asociacin de Amigos de la Historia Natural del Plata.
Octobre : J. Pujol nomme A. Bonpland directeur de lExposition Permanente de
Corrientes.
1855
Avril : trait de commerce et de navigation entre le Brsil et le Paraguay.
Septembre-janvier 1856 : cinquime sjour dA. Bonpland Montevideo.
1856
Juillet : trait de commerce et de navigation entre lArgentine et le Paraguay.
Aot : cration de la Asociacin Farmacutica Bonaerense.
Novembre : H. Burmeister accoste Rio de Janeiro ; il parcourt le sous-continent
jusquen 1860.
1857
Novembre : mort de M. Oribe.
1858
Mai : mort dA. Bonpland Santa Ana.
917
Annexes
1859
Mai : mort dAlexandre de Humboldt.
Octobre : bataille de Cepeda ; rincorporation provisoire de Buenos Aires lArgentine.
1860
Publication de louvrage de V. Martin de Moussy command par J. J. de Urquiza.
Mars : S. Derqui succde J. J. de Urquiza comme prsident argentin.
1861
Publication du rcit de voyage de H. Burmeister.
Septembre : bataille de Pavn ; B. Mitre bat S. Derqui ; Buenos Aires est dfinitivement
rincorpore lArgentine.
Dcembre : B. Mitre assume la prsidence de la rpublique argentine jusquen 1868.
1862
Fvrier : H. Burmeister prend la direction du Muse Public de Buenos Aires.
Septembre : mort de C. A. Lpez ; son fils F. S. Lpez lui succde.
1863
Mars : cration du Colegio Nacional de Buenos Aires.
1864
Octobre : dbut de la guerre de la Triple Alliance.
1865
Juin : luniversit de Buenos Aires se dote dun dpartement de Sciences Exactes.
1872
Juillet : cration de la Socit Scientifique Argentine par un groupe de professeurs de la
facult de Sciences Exactes de Buenos Aires.
918
Annexes
ANNEXE N 2
BIOBIBLIOGRAPHIE DAIME BONPLAND
1850-1859
DEMERSAY Alfred, La vie et les travaux de M. Aim Bonpland,
Correspondant de lInstitut et du Musum dhistoire naturelle , in Moniteur, 26
avril 1853.
DEMERSAY Alfred, La vie et les travaux de M. Aim Bonpland,
Correspondant de lInstitut et du Musum dhistoire naturelle , in Bulletin de la
Socit de Gographie de Paris, quatrime srie, tome V, 1853, pp. 240-254.
DEMERSAY Alfred, La vie et les travaux de M. Aim Bonpland,
Correspondant de lInstitut et du Musum dhistoire naturelle , in Biographie
Universelle, Firmin Didot, 1853, pp. 651-655.
An., Zeitung , in Bonplandia, tome II, n 8, 15 avril 1854, pp. 104-105.
An., Correspondenz , in Bonplandia, tome II, n 18-19, 15 septembre 1854, pp.
228-233.
DEMERSAY Alfred, Aim Bonpland , in Bonplandia, tome II, n 22, 15
novembre 1854, pp. 259-263.
An., Aim Bonpland und die Bonplandia , in Bonplandia, tome II, n 24, 15
dcembre 1854, pp. 295-296.
ANGELIS Pedro de, Amado Bonpland , in Revista del Plata, novembredcembre 1854.
An., A. Bonplands Biographie und Portrait , in Bonplandia, tome III, n 3, 15
avril 1855, pp. 46-47.
An., Briefwechsel Bonplands , in Bonplandia, tome III, n 20, 15 octobre
1855, pp. 281-283, 289-295.
ANGELIS Pedro de, Notice biographique sur M. Bonpland, Montevideo,
Imprimerie du Rio de la Plata, 1855.
ANGELIS Pedro de, Biografa del clebre naturalista Amado Bonpland, por don
Pedro de Angelis, Corrientes, Imprenta del Commercio, 1855.
An., Bonplands Bild , in Bonplandia, tome IV, n 1-2, 15 janvier 1856, pp. 13.
919
Annexes
An., Ein Brief Bonplands , in Bonplandia, tome IV, n 8, 15 avril 1856, pp.
131-132.
An., Nachrichten ber Bonpland , in Bonplandia, tome IV, n 12, 15 juin 1856,
p. 188.
BONPLAND Aim, Notas inditas por Mr. Amado Bompland, sobre la
conveniencia de adoptar un sistema nuevo en la fabricacin de la yerba-mate , in
QUESADA Vicente G., La provincia de Corrientes, Buenos Aires, El Orden,
1857, pp. 78-90.
An., Aim Bonplands Aufnahme in die Akademie , in Bonplandia, tome V, n
6, 1er avril 1857, p. 96.
An., Notizen ber Bonpland , in Bonplandia, tome V, n 13, 1er juillet 1857,
pp. 187-188.
An., Nachrichten ber Bonpland , in Bonplandia, tome V, n 18, 1er octobre
1857, pp. 285-288.
An., Nachrichten ber Bonpland , in Bonplandia, tome V, n 24, 1er dcembre
1857, p. 350.
HUMBOLDT Alexandre de, Neuste Nachrichten ber Bonpland , in
Bonplandia, tome VI, n 13, 15 juillet 1858, pp. 269-272.
An., Besttigung von Aim Bonplands Tod in einem Briefe zu A. v.
Humboldt , in Bonplandia, tome VI, n 15, 15 aot 1858, p. 295.
BRUNEL Adolphe, Biographie dAim Bonpland. Compagnon de voyage et
collaborateur dAl. De Humboldt, Paris, L. Gurin & Cie, 1859.
1860-1869
MARTIN DE MOUSSY Victor, Notice sur la vie dAim Bonpland en
Amrique, Plata, Paraguay, Misiones , in Bulletin de la Socit Gographique de
Paris, quatrime srie, tome XIX, 1860, pp. 414-425.
DEMERSAY Alfred, Note sur les manuscrits et les collections de M. Aim
Bonpland , in Bulletin de la Socit Gographique de Paris, quatrime srie,
tome XIX, 1860, pp. 426-429.
DELAYANT Lopold, Aim Bonpland , in La Revue de lAunis, La Rochelle,
1863-1864, pp. 578-587.
BRUNEL Adolphe, Biographie dAim Bonpland. Compagnon de voyage et
collaborateur dAl. De Humboldt, Toulon, E. Aurel, 1864.
ERNEST Adolfo, Amadeo Bonpland. Apuntes biogrficos. Ledos en la sesin del
23 de noviembre de 1869 de la Sociedad de Ciencias Fsicas y Naturales de
Caracas.
1870-1879
BRUNEL Adolphe, Biographie dAim Bonpland. Compagnon de voyage et
collaborateur dAl. De Humboldt, Paris, L. Gurin & Cie, 1871.
920
Annexes
1900-1909
HAMY Thodore-Jules Ernest, Le centenaire du retour en Europe dAlexandre de
Humboldt et dAim Goujaud de Bonpland (3 aot 1804). Discours prononc la
sance douverture du XIVe Congrs des Amricanistes Stuttgart, le 18 Aot
1904, Angers, Imprimerie A. Burdin et Cie, 1904.
HOLMBERG Eduardo L., Correspondencia inedita de Humboldt y Bonpland.
Un hallazgo interesante , in Caras y caretas, vol. 8, n 365, 22 septembre 1905.
AUTRAN Eugne, Importante trouvaille, Manuscrits de Bonpland,
Correspondance indite de Humboldt , in Le Courrier de La Plata, Buenos Aires,
2 octobre 1905.
PAZ Juan M., Cartas inditas del general Paz a Bonpland , in Revista de la
Universidad de Medicina de Buenos Aires, IIme anne, vol. 4, 1905, pp. 363373, 468-475.
HAMY Thodore-Jules Ernest, Aim Bonpland, mdecin et naturaliste,
explorateur en Amrique du Sud, Paris, Guilmoto, 1906.
MARCEL Gabriel, Aim Bonpland daprs des documents rcents , in La
Gographie : bulletin de la Socit de gographie, tome XV, premier semestre
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BONPLAND Pompeyo, Fragmento del diario mdico de Amado Bonpland,
Buenos Aires, thse doctorale, Facult de sciences mdicales, Buenos Aires, 1909.
1910-1919
DOMINGUEZ Juan A., AUTRAN Eugenio, Archivos inditos de Aim
Bonpland existentes en el Instituto de Botnica y Farmacologa de la Universidad
en la Facultad de Medicina , in XVII Congreso Internacional de los
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PEA David (dir.), Manuscritos de Bonpland. Cartas de Humboldt , in
Atlntida, vol. 1, n 1, 1911, pp. 85-98.
CORDIER Henri, Papiers indits du naturaliste Aim Bonpland conservs
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CORDIER Henri (comp.), Archives indites de Aim Bonpland, tome I : Lettres
indites de Alexandre de Humboldt, Trabajos del Instituto de Botnica y
Farmacologa, Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos Aires, Jacobo Peuser,
1914.
CORDIER Henri (comp.), Papiers indits du naturaliste Aim Bonpland
conservs Buenos Aires, tome II, Journal de botanique, Trabajos del Instituto de
Botnica y Farmacologa, Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos Aires, n 42,
Buenos Aires, Peuser, 1914.
1920-1929
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des curieu : notes and queries franais, vol. 86, n 1580, Anne 59, 1923, pp. 429430.
921
Annexes
1930-1939
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LEGUIZAMON Martiniano, Ramrez y Bonpland , in La Nacin, 6 dcembre
1931.
VASQUEZ Anbal S., El sabio Bonpland. La vida, la obra y la trageda pstuma
de Bonpland, Paran, Predassi Impresores, 1935.
BORDENAVE Enrique, Amado Bonpland , in Segundo congreso internacional
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CARDOZO Efram, Bolvar, Bonpland y el Paraguay , in Revista Paraguaya,
mars 1938, pp. 17-21.
BORDENAVE Enrique, El dictador Francia y la destruccin de la colonia de
Bonpland , in El Pas, 1er octobre 1938.
DOMINGUEZ Juan A., Urquiza y Bonpland. Antecedentes histricos. La
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Ciencias Mdicas de Buenos Aires/Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos
Aires, n 59, 1939.
SAGARNA Antonio (comp.), Archivo de Bonpland, tomo III : Documentos para
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Instituto Nacional de Botnica y Farmacologa Julio A. Roca , Facultad de
Ciencias Mdicas de Buenos Aires/Coni, Srie II, n 1, 1939.
1940-1949
LEGUIZAMON Guillermo (prsentation), Archivo de Bonpland, tome
IV : Londres, cuartel general europeo de los patriotas de la emancipacin
americana , in Trabajos del Instituto de Botnica y Farmacologa Julio A.
Roca , Facultad de Ciencias Mdicas de Buenos Aires/Coni, Srie II, n 2, 1940.
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Prensa, 12 janvier 1941.
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Prensa, 16 janvier 1941.
922
Annexes
1950-1959
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FEBVRE Lucien, Un explorateur naturaliste en Amrique du Sud , in Annales,
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923
Annexes
1960-1969
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Annexes
929
Annexes
ANNEXE N 3
EXTRAITS DES ARCHIVES MEDICALES DAIME
BONPLAND
930
Annexes
931
Annexes
932
Annexes
ANNEXE N 4
EXTRAITS DES JOURNAUX DE VOYAGE DAIME
BONPLAND
Cet extrait est issu du premier journal de voyage rdig par Bonpland qui
nous soit parvenu. Commenant la fin de lanne 1818, il laisse supposer quun
ou plusieurs autres journaux antrieurs celui-ci ont exist et existent peut-tre
encore depuis larrive du Rochelais Buenos Aires, au dbut de lanne 1817. Ce
journal contient des observations de toute nature, notamment concernant les
premires excursions fluviales de Bonpland aux alentours de Buenos Aires. A
partir du mois de janvier 1820, il prend la forme dun tableau dobservations
mtorologiques ralises Buenos Aires, ce qui semble indiquer une faible
activit scientifique. Les six colonnes contiennent respectivement les dates, les
heures, les degrs, les vents, ltat du ciel et les observations particulires.
Lextrait prsent ici comprend des observations allant du 26 septembre au 1er
octobre 1820, date du dpart de Bonpland pour le Paraguay.
933
Annexes
Annexes
935
Annexes
Cet extrait dat du 1er avril 1845 mle des observations politiques, dordre
gnral, et les proccupations conomiques particulires de Bonpland. Bien qu
cette date lactivit de Bonpland est trs rduite, il nen continue pas moins de
noter scrupuleusement ses faits et gestes.
936
Annexes
937
Annexes
ANNEXE N 5
EXTRAITS DES JOURNAUX BOTANIQUES DAIME
BONPLAND
Annexes
Annexes
ANNEXE N 6
EXTRAITS DES ARCHIVES INEDITES DAIME BONPLAND
940
Annexes
941
Annexes
Voici une des lettres indites contenues dans la collection dAndrs Ivern.
Au total, cette collection compte 1 532 folios. Cette lettre nous apprend que la
destination initiale de Bonpland, lors du voyage entrepris Porto Alegre en 1849,
ntait pas Montevideo mais Rio de Janeiro.
942
Annexes
Carmen est ge de treize ans en 1856. Elle crit son pre pour lui
demander de lui acheter des vtements. Cette lettre est une des rares
correspondances conserves entre Aim Bonpland et ses enfants.
943
Annexes
944
Annexes
945
Annexes
ANNEXE N 7
PORTRAITS DAIME BONPLAND
946
Annexes
947
Annexes
ANNEXE N 8
CARTE N 5. ITINERAIRE DU VOYAGE DE HUMBOLDT ET
BONPLAND (1799-1804)
948
Annexes
ANNEXE N 9
PRESENTATION CARTOGRAPHIQUE DES MISSIONS
Daprs MAEDER Ernesto J. A., GUTIERREZ Ramn, Atlas histrico y urbano
de la regin del Nordeste argentino. Atlas urbano. Primera parte. Pueblos de
Indios y misiones jesuticas (siglos XVI-XX), Resistencia, Instituto de
Investigaciones Geohistricas/CONICET/FUNDANOR, 1994.
Annexes
950
Annexes
951
Annexes
952
Annexes
ANNEXE N 10
CARTE N 10. VOYAGES DE BONPLAND (1817-1858)
953
Annexes
2. Index alphabtique.
954
Annexes
955
Annexes
ANNEXE N 11
CARTE N 11. SEJOURS ET DEPLACEMENTS DAIME
BONPLAND (1817-1858)
Calcul bas sur 14 943 jours passs en Amrique du Sud, dont 13 250 en rsidence
et 1 693 en dplacement. Les dplacements figurent selon leur dure, entre moins
de 15 jours, moins dun mois, moins de 3 mois, moins de 5 mois et moins dun an.
956
Annexes
ANNEXE N 12
LES CIRCUITS MARCHANDS DE LA PERIODE COLONIALE
ET DE LA PREMIERE MOITIE DU XIXe SIECLE
957
Annexes
958
Annexes
ANNEXE N 13
AIME BONPLAND ET MALMAISON-NAVARRE
959
Annexes
960
Annexes
961
Annexes
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Annexes
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Annexes
964
Annexes
965
Annexes
ANNEXE N 14
VUES DES PROPRIETES DE SO BORJA ET SANTA ANA
Dessin ralis vers 1845 par Alfred Demersay et grav par Frdric Sorrieu
pour latlas de lHistoire physique, conomique et politique du Paraguay et des
tablissements des jsuites. Grce Alfred Demersay, Aim Bonpland reconquiert
une nouvelle notorit. En effet, en 1849 ce voyageur obtient la lgion dhonneur
pour le Rochelais, premier signe du regain dintrt suscit autant en Europe quen
Amrique partir de la dcennie suivante. Bonpland est dcrit comme un acteur
important de cette partie de lAmrique ; sa patrimonialisation sesquisse.
966
Annexes
Remerciements4
Sommaire.6
Introduction gnrale.....8
Laspiration brsilienne203
Le choix dune patrie adoptive.206
2. Un prudent rengagement.205
La reconnexion transatlantique montevideana....209
Bruits de bottes et coups de pioches.214
Conclusion...217
Chapitre III : Des amricanismes rioplatenses (1799-1858)220
Introduction.....220
A. Les discours des vainqueurs..222
1. Amricanisme et provincialisme : les discours priphriques........223
Enracinement provincial et sensibilit amricaniste224
De lEtat-frontire la province nationale..229
Des utopies indpendantistes aux ralisations amricanistes..235
2. Amricanisme et nationalisme : les discours centrifuges236
La question capitale..237
Province et patrie : une quation amricaniste exemplaire.240
3. Amricanisme et transnationalisme : les discours classificatoires.244
Le Brsil, un partenaire duquer...245
Le Paraguay, une civilisation dans lenfance ?....................................................248
LUruguay, la province perdue252
B. De nouvelles noces dor ?.........................................................................255
1. Le patriotisme en question : du civilisationnisme au contrat socital...256
Le rle politique de la France : patriotisme et diplomatie...257
Le rle conomique de la France : patriotisme et ressources naturelles.259
Le rle dmographique de la France : patriotisme et immigration.....261
2. La colonisation europenne en devenir : des modles franais au creuset
correntino.265
Un principe idologique, le creuset rural : peupler pour civiliser...266
Un modle conomique, les Missions : valoriser le territoire..268
Une ralit culturelle, lintgration amricanocentriste : une crolisation de
fait.272
Un rsultat politique, la dfinition de lamricanisme correntino : affirmer une
identit rgionale..275
C. Une pense amricaniste, de la geste indpendantiste la geste
transatlantique....278
1. Sauveurs et tyrans : le modle politique incarn.279
LEtat sauveur : la France, de Napolon Ier Napolon III....280
Lindividu sauveur : de Bolvar Urquiza...283
2. Cits et sociabilits : les pratiques politiques en gestation......286
Lunit, des Provinces Unies la Confdration Argentine....287
Le progrs, des pionniers aux colons...289
3. Les interactions amricanistes...290
La pyramide civilisatrice bonplandienne : lamricanisme pens et vcu.291
970
Conclusion...582
Conclusion de la deuxime partie.....584
Conclusion gnrale824
Sources et bibliographie.837
Sources.....837
I. Sources manuscrites..837
II. Sources imprimes...838
A. Aim Bonpland....838
976
977
Index onomastique..883
Glossaire..903
978