Opo Conce
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2023 13:22
ISSN
0710-0167 (imprimé)
1705-4591 (numérique)
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* Ce travail est le résultat d'une recherche subventionnée par le fonds F C A C (Québec). Pour
rendre le texte simple et lisible, nous ne reproduisons pas, à côté des exemples français, les
exemples en québécois quand le débat est théorique ou que l'accolade contient des morphèmes
français ou québécois. Les exemples purement québécois sont identifiables par la présence du
morphème spécifique ou des faits de transcription (phonologie ou morphologie), et parfois par
(Q), opposé à (F).
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1
d'organisations du contenu sémantique de quand même que d ' é t u d e s .
Voilà qui ne facilite pas l'étude de pareil en québécois, étude qui s'im-
pose pourtant, car elle éclaire bien le statut sémantique de quand même.
1. À simple titre indicatif, pour montrer les différences (peut-être dues à la perspective
choisie — argumentative, conversationnelle... — ou à la définition donnée de la concession),
signalons que Blumenthal (1980, pp. 121-122) étudie quand même dans le champ de
l'opposition; que Anscombre et Ducrot (1979, pp. 46-47) voient deux quand même, l'un d'op-
position directe, l'autre d'opposition indirecte, que Moeschler et de Spengler (1981) voient
deux quand même, l'un réfutatif (dialogal), l'autre concessif (monologal). Cette position
semble s'estomper dans Moeschler et de Spengler (1982) au profit d'une hiérarchie dans le
paradigme des concessives, hiérarchie esquissée autrement dans Morel (1980, p. 735). Dans ces
conditions, on peut comprendre le scepticisme de Jayez (1982) ou de Métrai (1982), et nous
partageons certaines de leurs critiques.
2. Une approche syntaxique, sans perspective claire pour l'interprétation des faits, apparaît
dans Morel (1980, pp. 709-736) et dans Rubattel (1983). Notons que l'affirmation de Rubattel
selon qui pourtant «relie nécessairement deux phrases» est exagérée («Les pires moments d'une
histoire pourtant mouvementée»). Nous empruntons à l'occasion certains tests aux deux
études. L'étude de Chevalier et alii (1980) n'a pas non plus de conclusion ou d'orientation qui
permette d'interpréter les différences entre quand même et pourtant.
CONCESSION, RESTRICTION E T OPPOSITION 13
a) L e groupe des oppositives qui pourrait sûrement être l'objet d'une sous-
classification (contraste, inversion, contradiction : Darcueil 1980).
2.4 II devrait nous être possible, avec ces variables, de caractériser les
uns par rapport aux autres les emplois des m o r p h è m e s du q u é b é c o i s et du
français. Nous allons le faire en 3 parties et constater :
c) le rapport évident entre quand même et pareil dans la zone des restric-
tives sur les c o n s é q u e n c e s (en les comparant à pourtant). Mais nous
montrerons aussi que pareil n'a pas a c c e p t é , en partant de cette zone de
«restriction sur les c o n s é q u e n c e s » , les emplois atténuatifs ou de repro-
che, caractéristiques de quand même.
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3.1 Dans les études sur le québécois, ces morphèmes sont peu étudiés,
et dans les grammaires ou dans des études plus approfondies, la séparation
entre la concession, l'insuffisance et l'indifférence (ce qui peut inclure
l'hypothèse) n'est pas toujours faite, non plus que la distinction entre la
concession, la rectification ou l'incompatibilité. Nous devons pourtant bien
séparer ces emplois, soit en insistant sur la nature de R, soit sur celle de p,
soit sur celle de q et sur la distribution.
3.2 Quand même que apparaît nettement plus proche de même si que
de bien que, quoique ou avoir beau. Cela signifie pour nous que sa valeur
concessive est douteuse, car p n'est pas concédé mais laissé en suspens avec
quand même que et même si, ce qui va être vérifié plus bas. Mais cela a aussi
des conséquences pour R. En effet, laisser p en suspens, c'est le déclarer
CONCESSION, RESTRICTION E T OPPOSITION 19
indifférent, c'est ne pas voir l'implication R entre p et q. Dans les autres cas,
la situation est bien différente. Avec si... que, avoir beau, on accepte bien
p, mais on le déclare insuffisant, pour envisager une loi d'implication, une
relation. A v e c bien que, quoique, on c o n c è d e clairement p mais aussi
l'existence de la relation R attendue, c'est-à-dire de l'implication, et on
c o n c è d e donc deux faits : la vérité de p et l'existence de R, tout en refusant
les c o n s é q u e n c e s de p.
(25) Chez nous <même s'il fait beau, les gens ne sortent pas
\ quand m ê m e que
(26) O n le réalise pas, savez, quand m ê m e qu'on vient près de
3
mourir ( B M T 110 008 03) .
E n (27), tout comme en (25), bien que ou quoique ne sont pas très
s p o n t a n é s , et leur apparition change nettement le sens. / / a beau est
acceptable (insuffisance de p) mais comment que est assez difficile ici aussi.
Les deux sont très difficiles p o s t p o s é s , comme en (28).
3.2.3 L e statut concessif de quoique, bien que interdit aussi leur emploi
dans les cas o ù p est déclaré non seulement indifférent, mais encore hypo-
t h é t i q u e , grâce à l'imparfait (avec même si) ou au conditionnel (avec quand
même que).
(29) — Pierre va arriver de bonne heure aujourd'hui
— Q u a n d m ê m e qu'i serait là, je pourrai(s) pas le voir
M ê m e s'il était
*Quoique / *bien que / ?il aurait beau
O n peut considérer que tous ces faits syntaxiques permettent de bien situer
quand même que et même si dans une m ê m e zone, face à la concession
quoique et à la concession m a r q u é e comme insuffisante avoir beau et
comment que.
Bien entendu, le fait n'est pas distributionnel, car quand même que
peut apparaître dans cette position, mais sans porter une valeur rectifica-
tive. Cela revient à dire qu'il aura alors été préasserté, et au lieu d'être recti-
ficatif, il a plutôt pour rôle de signaler que la contradiction est a s s u m é e .
(Voir 2.2.1a et 3.4.4 pour le tableau) Examinons les faits avec p r é c i s i o n , et
montrons que même si est bien ici rectificatif (et que donc les emplois
refusés par quand même que p o s t p o s é sont bien les emplois rectificatifs et
eux seuls). Nous prenons comme critères : la substitution avec encore que,
l'affinité et la c o m p a t i b i l i t é avec un adverbe de réinterprétation (tout
compte fait), l'impossibilité d'apparaître avec interrogation en dialogue ou
en monologue pour tout emploi rectificatif de même si, encore que,
quoique, bien que.
3.3.2 II y a aussi une autre zone refusée par quand même que et
acceptée par même si. Même si accepte facilement des emplois restrictifs o ù
la restriction porte sur un élément implicitement contenu dans un lexeme
(un s è m e ou un virtuème de Pottier 1974, pp. 62-75). O n opposera ainsi (36)
à (37) et (38) :
CONCESSION, RESTRICTION E T OPPOSITION 23
Mais il est difficile d'être assuré de telles zones. I l est donc préférable de
revenir à nos objectifs : quand même que, proche de même si, nous apparaît
4. On retrouve là un problème assez proche de celui signalé par Ducrot (1972, p. 171) qui
avait montré l'existence de deux valeurs pour si postposé avec une interrogation, qui signifie
l'hypothèse ou la concession (nous lui laissons le choix du terme), c'est-à-dire si ou même si :
Est-ce que Pierre viendra si Marie vient?
Nous proposons une solution simple à ce changement : l'ordre des propositions peut faire des
conditionnelles des restrictives, des concessives des oppositives (contradiction...)
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3.4.1 L e fait que comment que est concessif se manifeste par sa dis-
tribution et ses emplois. Parmi les arguments possibles, retenons ceux-ci :
a) Refus des emplois génériques en (42), o ù la vérité d'un fait n'est pas
concédée. L'inversion rend la phrase grammaticale, car la valeur
concessive est éliminée (même quand) :
(42) a. Chez nous, le monde i sortent pas, comment qu'i fait beau
(voir 25)
(50) Comment qu'y en a qui sont morts de ça, c'est pas grave
(BMT, 197 007 25)
3.4.2 Si nos analyses sont justes, plusieurs faits s'éclairent, grâce à des
évidences syntaxiques. D'abord le statut de comment que et de avoir beau
(visiblement très proches, marquant la concession et l'insuffisance dans des
C O N C E S S I O N , R E S T R I C T I O N E T O P P O S I T I O N 27
3.4.3 Ajoutons cependant que comment que a déjà eu une autre valeur
(Gougenheim 1951, p. 207) et signifiait « q u e l l e que soit la m a n i è r e d o n t » .
Nous avons entendu cet emploi, peut-être isolé :
I . ORDRE R P, Q CONCESSIF
Statut de p : 3 possibilités données par le subordonnant (concession;
concession et insuffisance; absence de concession)
Statut de R : 2 possibilités (opposition; refus de conséquences ou d'im-
plication)
4. Par exemple
4.1 Le mouvement par lequel un morphème à valeur nettement argu-
mentative (introduction de la preuve) a pu devenir une marque de restriction
et de rectification, assez déroutant au départ, peut sans peine être explicité.
Il suffit de considérer que l'on passe de l'introducteur de la preuve (par
exemple, ainsi) au morphème de renforcement de l'assertion, en particulier
dans les zones de restriction et de rectification. On peut noter que don(c) a
subi une évolution du même type passant du plan argumentatif à la marque
de force illocutoire. Nous proposons les étapes suivantes :
b) On arrive ensuite au cas type qui justifie l'assertion d'un fait qui montre
les limites de la l o i , ou à l'usage assez oppositif (en revanche, au
contraire) d'ailleurs connu du français.
Mais par exemple peut aussi renforcer non plus l'assertion mais plutôt
la promesse à valeur d'exigence (acte illocutoire dérivé).
5. Pareil
Trois raisons peuvent justifier l'ampleur de cette dernière partie : la
fréquence de pareil; l'existence d'études récentes sur les concurrents possi-
bles (pourtant, quand même); la proximité, toujours relative bien sûr, de
pareil et quand même. Cela va nous amener à montrer que
Autre fait intéressant : dans certains contextes négatifs, pour autant tend à
remplacer et quand même et pareil. Anscombre (1983) a bien signalé ce fait.
(73) N ' y vas pas pour autant / *Vas-y pour autant
?Vas-y pas pareil / *quand même
Pareil a peut-être une meilleure tolérance à la négation en (73), mais le pa-
rallélisme réapparaît en (72) et en (72b) où la négation est refusée par pareil
et quand même.
L'exception, qui concerne encore une fois et pareil et quand même, ne peut
apparaître qu'en cas de contestation d'une préassertion. On a donc
assertion de p, contestation de p en raison de q (contraposition d'un con-
ditionnel) et finalement réfutation et maintien de p avec concession de q.
D'où l'exemple (75) et les 3 étapes explicitées.
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b) Quand même et pareil au contraire, ont pour valeur de limiter les infe-
rences possibles, les conséquences déductibles de p, bref de faire en
sorte qu'une implication attendue ne soit pas retenue : /? z> mais ~ q
quand même. Nous partageons entièrement la description synthétique
de Moeschler et de Spengler (1981, p. 106), mais nettement moins leur
analyse des exemples, et encore moins leur découpage et leur
5
terminologie . I l y a de nombreux arguments possibles pour défendre
cette description commune : cela explique bien l'unidirectionnalité de
quand même, sa difficulté avec l'exclamation ou dans des fonctions
syntaxiquement dépendantes. Nous rapprochons aussi pareil et quand
même de avoir beau, qui indique l'insuffisance, la limite de p. Enfin
cela explique aussi que la proposition q ne soit jamais préassertée, et
que, en dialogue quand même (et parfois pareil) soit assez difficile avec
sa valeur de base. Le même énonciateur devant asserter p et en même
temps en limiter les conséquences, en dialogue quand même prend une
valeur de reproche ou de simple atténuation, zone où pareil sera
difficile.
e) L e jeu des rangs et des temps, plus subtil, confirme cependant que
pourtant insiste plus sur la contradiction, en raison de son affinité avec
le passé et la troisième personne. Quand même et pareil préfèrent le
présent ou la première personne, la combinaison du rang premier et du
présent étant plus favorable encore.
(84) I l a tué son chien, et pourtant il aime les animaux
a. I l a tué son chien, et pourtant il aimait les animaux
b. I l a tué son chien, mais il aime les animaux quand m ê m e /
pareil
c. ?I1 a tué son chien, mais il aimait les animaux quand m ê m e /
pareil
L'exemple (84c), curieux, n'est acceptable à cause du temps, que s'il
s'agit d'une réfutation, non d'une première limitation aux
c o n s é q u e n c e s d é d u c t i b l e s de p. Par ailleurs, en (85), on peut voir le rôle
du rang, en dialogue ou en monologue. O n arrive cependant vite dans
des zones floues :
(85) I l pleut — Je m'en vais pareil / quand m ê m e
a. — ? J e m'en vais pourtant
b. — I l s'en va pareil / quand m ê m e
c. — I l s'en va pourtant
d. I l pleut, mais je m'en vais quand m ê m e
e. ?I1 pleut et pourtant je m'en vais
f. I l pleut et pourtant il s'en va
Cela ne rend visiblement pas compte de tous les emplois de quand même,
car i l existe une zone où pareil ne peut se substituer à quand même : i l s'agit
pour nous des emplois atténuatifs et des emplois de reproche («Cela ne va
pas j u s q u ' à dire que / cela n'arrive pas à»)
(88) b. C'est un excellent film /— I l n'est quand même pas parfait
/ — Ce n'est quand même pas le
l meilleur
<— ¥= C'est pas le meilleur pareil
/ (réfutatif)
l — t M est pas parfait pareil
\ (réfutatif)
On trouve aussi chez Moeschler et de Spengler (1981, p. 95) l'idée que p
puisse rester implicite (q aussi pour nous). Cette idée juste est restée
imprécise (car p n'est pas reconstitué) et surtout sans effet, car le lien avec
l'atténuation et le reproche n'est pas fait. La comparaison avec pareil et les
conditions de sa réapparition facilitent ici notre analyse. Nous maintenons
donc l'hypothèse d'une seule valeur de base pour quand même et proposons
que quand même soit la trace d'une opération reconstituable, laquelle, re-
constituée, permet la réapparition de pareil.
5.4 Les emplois de quand même refusés par pareil
(94) b. I l n'a pas réussi,/ mais quand m ê m e [il aura au moins essayé]
<*mais pareil
\ mais il a le mérite d'avoir essayé pareil
Les exemples (97b) et (97c) sont clairs : Même si c'est vrai, cela ne se dit
quand même pas et pareil peut y apparaître si p et q sont reconstitués (Même
si c'est vrai, ça se dit pas pareil).
6. Conclusion
Cela explique l'ordre de (102) plus naturel que celui de (102a) et l'exclusion
des m o r p h è m e s concessifs comme bien que, quoique (voir 48).
6.3 E n f i n , nous avons fait des propositions générales qui nous ont
g u i d é s dans des faits souvent troublants et complexes. L'intérêt de nos
prises de positions initiales, qui nous ont permis de bien situer quand même
que, comment que, pareil dans des zones précises et pourtant c o n t i g u ë s , ne
s'arrête pas aux cas é t u d i é s . Toutefois, cependant ont des affinités avec cer-
taines zones de nos s c h é m a s (cependant est surtout utilisé dans la restriction
sur la quantification, par exemple). Notre objectif était de toute f a ç o n ,
prioritairement, l'étude des faits du q u é b é c o i s , par comparaison avec le
français. E s p é r o n s que la description des deux idiomes en est améliorée.
Jean-Marcel Léard
Michel Francis Lagacé
Université de Sherbrooke
48 J E A N - M A R C E L L É A R D et M I C H E L F R A N C I S L A G A C É
Références