La Firme Entrepreneuriale Et Loe PDF

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 36

CHAPITRE 3

La firme entrepreneuriale
et l’orientation
entrepreneuriale : un regard
vers la construction
d’une opportunité
par les entreprises familiales
Jean-Michel DEGEORGE
Groupe INSEEC - Lyon
Salma FATTOUM
Groupe INSEEC - Lyon

Résumé
En France, l’entrepreneuriat est au cœur des préoccupations actuelles.
Au niveau économique, un enjeu majeur concerne le développement des
entreprises existantes, ce dernier pouvant être abordé par l’exploitation
d’opportunité entrepreneuriale. Pourtant, toutes les entreprises ne sem-
blent pas être en mesure de construire ou d’identifier ces opportunités
de développement.
Une des approches en entrepreneuriat (Messeghem, 2006 ; Chabaud et
Messeghem, 2010) place la notion d’opportunité au centre de nombreu-
ses recherches aussi bien en économie (Schumpeter, 1935 ; Kirzner,
1979) qu’en sciences de gestion (Bygrave et Hoffer, 1991 ; Stevenson,
2000 ; Shane et Venkataraman, 2000 ; Messeghem, 2006 ; Chabaud
et Messeghem, 2010). En lien avec cette notion, plusieurs concepts
ont été proposés afin de mieux appréhender les caractéristiques d’une

511
le grand livre de l’économie pme

organisation entrepreneuriale : la ‘firme entrepreneuriale’ (Miller, 1983),


‘l’orientation entrepreneuriale’ (Covin et Slevin, 1989 ; Lumpkin et Dess,
1996) et le ‘management entrepreneurial’ (Stevenson et Jarillo, 1990 ;
Stevenson, 2000).
À partir de ces différents travaux, notre recherche se concentre sur le
processus de construction ou d’identification d’une opportunité entre-
preneuriale par les entreprises familiales au travers des caractéristi-
ques, proposées par la littérature, de la firme entrepreneuriale et des
différentes dimensions de l’orientation entrepreneuriale. Plus précisé-
ment, notre objectif consiste, à partir d’une étude qualitative (à l’aide de
huit entretiens semi-directifs avec des entreprises familiales), à rappro-
cher le processus conduisant les entreprises à exploiter une opportunité
entrepreneuriale des caractéristiques inhérentes à ces dernières (or-
ganisation, comportement, environnement). Nos résultats sont ensuite
discutés.
Mots-clés : Opportunité, Firme entrepreneuriale, Orientation entrepre-
neuriale, Configuration organisationnelle, Entreprise familiale

Introduction
En France, l’entrepreneuriat prend en compte plusieurs préoccupations qui
concernent aussi bien la création et la reprise d’entreprise que le dévelop-
pement des entreprises existantes. Sur un parc d’environ 3,033 millions
d’entreprises existantes1 en France, 50 % environ sont des entreprises fa-
miliales. Plus précisément, selon Allouche et Amann (2002) qui ont étudié
l’évolution du poids des entreprises familiales en France sur les 20 derniè-
res années, près de 90 % des petites et moyennes entreprises et environ
60 % des entreprises de 50 millions à 2 milliards de chiffre d’affaires
sont contrôlées par des familles. Une étude plus récente effectuée en
France par le cabinet PriceWaterHouses (2006) fait ressortir que 75 % des
entreprises de taille moyenne sont dirigées par un membre d’une famille
possédant tout ou une partie du capital. De ce fait, le développement de
ces dernières devient un enjeu majeur, notamment dans une période de
difficultés économiques.

1. Source ESANE – INSEE (2011 – base 2008).

512
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

Des organisations existantes peuvent exercer un comportement entrepre-


neurial comme le montre la littérature sur le corporate entrepreneurship
(Ireland et al., 2009). En ce sens, le processus d’identification et d’exploi-
tation d’une opportunité entrepreneuriale constitue une phase primordiale
dans la perspective de développement des entreprises. Dans ce cadre,
l’entreprise (le dirigeant, mais également l’ensemble de l’organisation) va
chercher à développer de nouvelles opportunités. Pourtant, les entreprises
ne semblent pas toutes être en mesure de construire ou d’identifier des
opportunités qui leurs permettront de se développer.
Plusieurs concepts ont été proposés afin de mieux appréhender les carac-
téristiques d’une organisation entrepreneuriale : la ‘firme entrepreneuriale’
(Miller et Friesen, 1982 ; Miller, 1983), ‘l’orientation entrepreneuriale’ (Co-
vin et Slevin, 1989 ; Lumpkin et Dess, 1996) et le ‘management entrepre-
neurial’ (Stevenson et Jarillo, 1990 ; Stevenson, 2000). Pourtant, peu de
travaux se sont jusqu’à lors concentrés sur une analyse conjointe de ces
différents concepts. Brown et al. (2001), en réalisant une étude empirique,
proposent une échelle de mesure en insistant sur l’aspect complémentaire
des concepts. Cependant, ils ne proposent pas de voies futures quant à
l’utilisation conjointe de ces construits (Fayolle, 2010). En effet, l’entre-
preneuriat organisationnel est un domaine de recherche peu intégrateur
(Basso et al., 2009 ; Ireland et al., 2009 ; Fayolle, 2010). À notre connais-
sance, peu de travaux, à l’exception de Fayolle (2010) qui propose, à la
suite d’Ireland et al. (2009), une approche cumulative et intégratrice de
ces concepts théoriques à partir de recherches qualitatives, a intégré ces
différentes approches dans une même recherche. Notre travail s’inscrit
donc dans cette veine intégratrice afin de prendre en compte la complexité
et l’hétérogénéité de l’entrepreneuriat organisationnel, tout en conservant
une approche dynamique.
Depuis plusieurs années, des recherches mettent en exergue les caracté-
ristiques des firmes entrepreneuriales. Miller (1983) a cherché à préciser
les configurations qui pourraient être mises en avant. Trois types de firmes
émergent : l’organisation simple, l’organisation planificatrice et l’organi-
sation organique. Plusieurs caractéristiques spécifiques sont proposées
en fonction de ces configurations : la stratégie adoptée, l’organisation en
elle-même, l’environnement et le dirigeant. Par la suite, Covin et Slevin
(1990) introduisent la notion d’orientation entrepreneuriale et proposent
de mesurer l’intensité entrepreneuriale au sein d’une firme. Les trois

513
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

dimensions retenues sont la prise de risque, la proactivité et l’innovation.


Enfin, pour Stevenson et Jarillo (1990 : 23), « An entrepreneurial organiza-
tion is that which pursues opportunities, regardless of resources currently
controlled ». Stevenson (2000) poursuit en proposant un modèle opposant
une vision classique du management à une vision entrepreneuriale. Brown
et al. (2001) rapprochent ces deux derniers cadres en examinant la conver-
gence entre le management entrepreneurial d’une firme (Stevenson, 2000)
et l’orientation entrepreneuriale.
Par ailleurs, l’entreprise familiale constitue un objet de recherche spécifi-
que. En effet, considérée pendant des années comme n’ayant pas de ca-
ractéristiques particulières, l’entreprise familiale n’a pas reçu un véritable
intérêt académique avant les années 1980. Les premiers travaux dans ce
champ ont été lancés au début des années 1950 aux États-Unis et se sont
lentement développés jusqu’aux années 1980 pour commencer à connaî-
tre enfin une vraie consécration dans les années 1990. Cette consécration
a été marquée par une multiplication du nombre d’articles sur l’entreprise
familiale ainsi que par la création de plusieurs centres de recherche dédiés
aux problématiques qui touchent l’entreprise familiale2. Désormais, la justi-
fication de l’intérêt porté à l’étude de l’entreprise familiale est dépassée et
nous assistons à une véritable spécialisation autour des problématiques
propres à ce type d’entreprise. Bien que les études qui se sont intéressées
à la problématique de la succession dans les entreprises familiales soient
nombreuses, la plupart d’entre elles se sont focalisées sur la planification
de la succession et sur le processus en lui-même. Il n’y a pas d’études, à
notre connaissance, concernant l’opportunité entrepreneuriale dans l’en-
treprise familiale. Pourtant plusieurs spécialistes sont d’accord sur le fait
qu’une des menaces qui guette ce type d’entreprise et qui le fragilise est
la mauvaise gestion de leur développement, causée entre autres par une
mauvaise appréciation des opportunités entrepreneuriales.
L’objectif de notre recherche consiste à mieux comprendre le processus
conduisant une entreprise familiale à la construction ou à l’identification
d’une opportunité entrepreneuriale. Pour cela, nous retenons les travaux
de Miller et Friesen (1982) et Miller (1983) sur les configurations des
firmes ainsi que sur les travaux de Covin et Slevin (1990) sur l’orientation
2. Notamment le « Family Firm Institute » aux Etats-Unis en 1986, le « Family Business
Network » en Europe (IMD, Lausanne) en 1990 et le « Centre de recherche sur l’Entreprise
Familiale en France » (CREFF) en 1997.

514
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

entrepreneuriale. Plus précisément, nous cherchons à mieux appréhender


les caractéristiques organisationnelles de ce type d’entreprise, à partir des
travaux cités précédemment, en relation avec l’opportunité entrepreneu-
riale. Ceci nous conduit à proposer une discussion sur les spécificités de
ce terrain. Notre travail étant exploratoire nous désirons mesurer la perti-
nence de nos entretiens et résultats quant à l’opportunité en évaluant la
relation avec des approches très largement utilisées par les chercheurs
(l’orientation entrepreneuriale et la firme entrepreneuriale) afin de mesurer
le niveau entrepreneurial d’une firme. Notre approche multiple se justifie
notamment au regard des travaux de ces mêmes auteurs qui précisent
que l’orientation entrepreneuriale « is also an incomplete assement of firm-
level entrepreneurship » (2001 : 965). Ainsi, les chercheurs peuvent être
conduits à utiliser plusieurs instruments afin d’appréhender ces problé-
matiques. Stevenson et Jarillo (1990) avancent également que : “the OI
approach asserts that, beyond the period of its creation, an organization
may adopt an entrepreneurial orientation by pursuing new opportunities”.
Ceci nous conduit donc à rapprocher, dans cette recherche, les travaux de
Miller (1983), les travaux sur l’orientation entrepreneuriale avec la notion
d’opportunité entrepreneuriale.
Nous présentons dans une première section une revue de littérature sur
les travaux relatifs à la firme entrepreneuriale de Miller (1983), sur les
recherches portant sur l’orientation entrepreneuriale, sur l’opportunité
entrepreneuriale ainsi que sur les entreprises familiales. Ensuite, la métho-
dologie retenue, le terrain abordé ainsi que nos résultats sont présentés.
Enfin, nous proposons une discussion de nos résultats.

1. Le cadre théorique retenu


Nous abordons tout d’abord une revue de littérature, à partir des travaux
de Miller, sur les différents types de firme. Ensuite, nous nous concentrons
sur le concept d’orientation entrepreneuriale, et sur la notion d’opportunité
entrepreneuriale avec ses différentes acceptions. Nous présentons enfin
les spécificités des entreprises familiales.

515
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

1.1 La conception de la firme entrepreneuriale (Miller, 1983)


Miller (1983), en s’inspirant des travaux de Mintzberg (1973, 1979),
propose de repérer des archétypes d’entreprises. Il s’agit de désigner
des configurations organisationnelles à partir d’un environnement donné.
Certaines dimensions clés sont étudiées afin de mieux comprendre
comment une entreprise s’adapte à son environnement ou comment cette
dernière développe des stratégies afin d’améliorer sa performance (Zahra
et Covin, 1995 ; Lumpkin et Dess, 2001 ; Wiklund et Shepherd, 2005 ;
Rauch et al., 2009). Les principales variables retenues sont la stratégie
et sa diffusion au sein de l’organisation, l’organisation en elle-même,
l’environnement ainsi que le style managérial du dirigeant. Miller propose
donc trois types d’organisation :
– Type 1 : l’organisation « simple » : la nécessité de leadership
Ce type d’organisation est décrit comme celui qui ressemble le plus à une
entreprise familiale. En effet, il s’agit de petites entreprises évoluant dans
un environnement homogène et souvent dirigées par un patron propriétai-
re. Le pouvoir est centralisé autour d’une ou deux personnes. Dans ce type
d’organisation, les stratégies ne sont pas explicites et formalisées mais
plutôt implicites et provenant d’une (vague) vision des dirigeants. Miller
considère que trois facteurs peuvent influencer le niveau d’entrepreneuriat
au sein de ces organisations : la personnalité du dirigeant, son pouvoir, et
ses connaissances. En effet, la personnalité du dirigeant est un facteur
clef dans l’orientation entrepreneuriale de l’entreprise. Il possède un lieu
de contrôle interne. Par ailleurs, la centralisation des décisions est un
facteur positivement corrélé à l’orientation entrepreneuriale. Enfin, dans
les petites entreprises, le dirigeant possède la plupart des connaissances
(sur les marchés, sur les produits ou sur les technologies). Il apporte donc
de nombreuses idées innovantes. Nous verrons plus loin que la centrali-
sation du pouvoir ne concerne pas forcément que les petites structures et
vice versa.
En résumé, la firme entrepreneuriale, au sein de ce type d’organisation,
est principalement influencée par le dirigeant du fait de sa personnalité, de
son pouvoir et de ses connaissances. Cependant, certaines limites doivent
être prises en compte au niveau de la perception de l’environnement et de
la structure organisationnelle en elle-même (réseau, limites cognitives sur
la perception de l’environnement…).

516
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

– Type 2 : l’organisation « planificatrice » : une vision stratégique


Ces organisations sont régies par des systèmes de planification et de
contrôle réglés et formels. L’environnement est stable et prévisible. Les
stratégies de développement (produits/marchés) explicites et intégrées au
sein de l’organisation influencent positivement l’entrepreneuriat. Le niveau
de développement de l’entrepreneuriat, dans une organisation planificatri-
ce, dépend donc de la stratégie des dirigeants et de la qualité d’intégration
de cette dernière.
Cela met donc, à nouveau, en avant l’importance du dirigeant. Le pouvoir
reste centralisé et le lieu de contrôle est interne (comme dans le cas de
l’organisation simple). Un environnement dynamique et hostile ne permet
pas d’obtenir une corrélation avec des entrepreneurs issus de l’échantillon
des planificateurs. Seule une stratégie planifiée, régulée et prévisible est
acceptable.
– Type 3 : l’organisation « organique » : la prégnance de l’environnement
et de la structure
Ce type d’organisation évolue dans un environnement dynamique avec de
nombreuses fluctuations. Face à cet environnement complexe, l’organisa-
tion adopte une structure plutôt organique qui lui permet de s’adapter plus
aisément. Plusieurs propositions sont avancées. Dans un environnement
dynamique et hostile, l’organisation doit innover. Dans ce but, la décentra-
lisation de l’autorité permet à la firme de s’adapter et donc d’innover. En-
suite, la structure organisationnelle influence fortement le développement
de la firme entrepreneuriale. Le recours aux experts et une forte communi-
cation interne permettent de développer des idées innovantes. Le lieu de
contrôle de la direction a peu d’influence sur l’orientation entrepreneuriale
de la firme organique. Enfin, alors que dans une organisation planifica-
trice la stratégie clairement énoncée et intégrée appuie le développement
de l’entrepreneuriat, cela est moins vrai dans une organisation organique.
Elle doit travailler en étroite collaboration avec des experts dans un but
commun.
Ainsi, les deux facteurs déterminants dans une organisation organique
sont l’environnement et la structure interne.
Enfin, pour Miller (1983 : 771), « An entrepreneurial firm is one that en-
gages in product market innovation, undertakes somewhat risky ventures,

517
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

and is first to come up with proactive innovations, beating competitors to


the punch ». Nous retrouvons, dans cette définition, les trois dimensions
clés qui seront ensuite reprises par Covin et Slevin (1989) pour propo-
ser le concept d’orientation entrepreneuriale. En fonction des trois types
de firmes proposés (simple, planificatrice ou organique), les déterminants
de l’entrepreneuriat sont différents. Dans un environnement homogène et
compétitif, l’organisation simple pourra être qualifiée d’entrepreneuriale
à partir de son dirigeant (personnalité, pouvoir, connaissances). L’entre-
prise planificatrice entrepreneuriale se caractérise par une vision précise
intégrée au sein de l’organisation, évoluant dans un environnement stable.
Enfin, la firme entrepreneuriale organique innove à partir des mouvances
de son environnement.
Le tableau suivant synthétise les principales caractéristiques des diffé-
rents types de firme.
La firme entrepreneuriale et ses principales caractéristiques
Type d’organisation
Simple Planificatrice Organique
Caractéristiques
Stratégie Implicite Explicite et intégrée Explicite
Pouvoir centralisé
Dirigeant Planification et contrôle Pouvoir décentralisé
Locus of control interne
Différenciation interne
Poids de la R&D Forte communication
et de la veille ouverte entre les services
Organisation Petite taille
Innovation (fort degré Poids de la R&D
d’explicitation et et de la veille
d’intégration des stratégies
Complexe
Environnement Homogène et compétitif Stable et prévisible Dynamique, hostile
et hétérogène

1.2 Le concept d’orientation entrepreneuriale


Dans la continuité des travaux de Mintzberg (1973, 1979), de nombreux
auteurs ont cherché à préciser quels seraient les attributs de la firme
entrepreneuriale. Covin et Slevin (1988, 1990, 1991) proposent le concept
d’orientation entrepreneuriale.
Selon Miller, trois types de variables peuvent expliquer le succès ou l’échec
d’une organisation pour s’adapter ou pour se développer : l’environnement,

518
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

la structure organisationnelle et le répertoire de comportements (Basso


et al., 2009). Trois dimensions principales caractérisent ces comporte-
ments : l’innovation, la proactivité et la prise de risque. Concernant l’inno-
vation, elle se matérialise par le nombre et la nouveauté des produits, ou
services, proposés ainsi que par l’accès à de nouveaux marchés. D’autres
caractéristiques permettent de mesurer cette innovation : le niveau de
R&D, les procédés de production (ou de méthode) et plus généralement
le changement dans le processus de fabrication. Les auteurs (Miller et
Friesen, 1982) identifient deux types de comportement (Luno et al., 2010) :
certaines firmes valorisent l’innovation en tant que telle sans contrainte
de l’environnement, alors que d’autres tentent d’innover uniquement pour
répondre à un environnement menaçant. La proactivité, quant à elle, est
incarnée par la nature des décisions prises pour faire face aux évolutions
de l’environnement (est-ce que l’entreprise réagit aux mouvances de l’envi-
ronnement ou tente-elle de façonner son environnement par l’introduction
de nouveaux produits, de nouvelles technologies…? ; l’entreprise suit-elle
le leader (low proactiveness) ou alors est-elle la première à agir ?). Enfin,
la prise de risque se mesure par une aversion au risque ou à l’inverse,
l’entreprise engage-t-elle des ressources avec un risque d’échec élevé (et
des gains potentiels importants) ?
Une distinction peut être faite entre l’intention de développer une orienta-
tion entrepreneuriale et le résultat de ce processus. Par extension, l’orien-
tation entrepreneuriale concerne t’elle un comportement observable (dans
notre cas la construction de l’opportunité) ou plutôt une intention inféra-
ble (la volonté de la construire ou de l’exploiter) ? Ensuite, une interroga-
tion existe sur la stabilité de cette orientation entrepreneuriale. Différents
facteurs peuvent être avancés concernant une évolution possible : le chan-
gement de dirigeant, une modification forte de l’environnement, de la struc-
ture du capital, une étape dans le développement de l’entreprise… Nous
reviendrons sur ces points à la lecture de nos résultats.
Les recherches actuelles discutent de la combinaison, nécessaire ou non,
de ces trois variables pour évaluer l’orientation entrepreneuriale d’une
firme. Ainsi, les trois facteurs (prise de risque, innovation et proactivité)
devraient être combinés même s’ils ne sont pas forcément liés entre eux
(l’entreprise doit agir sur les trois facteurs à la fois). Basso et al. (2009)
argumentent ce point en avançant qu’une firme peut innover sans pour
autant être considérée comme entrepreneuriale. Enfin, Lumpkin et Dess

519
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

(1996) répondent eux aussi à la question suivante : qu’est-ce qui fait une
firme ‘entrepreneuriale’ ?, Ils apportent une réponse similaire : « Any firm
that engages in an effective combination of autonomy, innovativeness, risk-
taking, proactiveness and competitive aggressiveness is entrepreneurial »
(1996 : 162).

1.3 L’opportunité au centre de la firme entrepreneuriale


Intuitivement, la notion d’opportunité est intégrée à l’entrepreneuriat. Elle
apparaît fréquemment dans la littérature, notamment au travers d’articles
fondateurs (Kirzner, 1997; Venkataraman, 1997, Shane et venkataraman,
2000) et se situe au cœur du processus entrepreneurial (« as a sequence
of events (or activities) that describe how things change over time » ; Van de
Ven et Poole, 1995). Plusieurs perspectives sont adoptées afin de l’étudier
(McMullen et al., 2007 ; Alvarez et Barney, 2007). Ceci a conduit à l’appa-
rition de nombreuses définitions et des faiblesses d’opérationnalisation
(Hansen et al., 2009). Il existe donc plusieurs conceptions de l’opportu-
nité entrepreneuriale. Schumpeter (1935) assimile l’opportunité à l’inno-
vation (plutôt radicale) lorsqu’il précise que l’opportunité entrepreneuriale
est la résultante d’une nouvelle combinaison de facteurs de production
qui se manifeste dans l’introduction d’un nouveau produit, d’une nouvelle
méthode de production, lors de l’exploitation d’un nouveau marché, de la
conquête d’une nouvelle source d’approvisionnement et, finalement, d’une
nouvelle forme d’organisation industrielle. Ici, l’opportunité est un moyen,
comme l’innovation, d’obtenir un résultat (création de valeur ou d’organisa-
tion). Par ailleurs, nombreuses sont les définitions assimilant l’opportunité
à un déséquilibre provenant du marché. Pour l’économiste Kirzner (1979),
l’opportunité vient d’un dysfonctionnement sur un marché ou sur une
industrie. Pour lui, une opportunité est une imperfection du marché ou un
déséquilibre économique qui peuvent être exploités par un entrepreneur
en ramenant le marché à un état d’équilibre. Kirzner décrit l’entrepreneur
avec une qualité particulière, l’alertness. Cette vigilance entrepreneuria-
le est une compétence développée chez l’entrepreneur qui lui permet de
savoir ou est l’information pertinente (Chabaud et Ngijol, 2004, 2007). De
son côté, Casson (1982) assimile les opportunités à des occasions de
nouveaux biens, ou services, matières premières ou méthodes d’organi-
sation qui peuvent être présentés et vendus à un prix plus élevé que leurs

520
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

coûts de production. Pour celui-ci, opportunité va de pair avec nouveauté.


Pour McMullen et Shepherd (2006), un changement dans l’environnement
est également vu comme une source d’opportunité pour développer une
affaire.
D’autres points de vue accordent beaucoup plus de place à la subjecti-
vité des individus. C’est ainsi que Stevenson et Jarillo (1990) définissent
l’opportunité par référence à une ‘situation future jugée désirable et fai-
sable’. Pour Bygrave et Hoffer (1991: 14), « the entrepreneurial process
involves all the functions, activities and actions associated with the percei-
ving of opportunities and the creation of organizations to pursue them ». Ils
insistent sur deux dimensions principales du processus : l’aspect dynami-
que (le temps joue un rôle important, les projets et l’environnement évo-
luent au cours du temps) et l’aspect holistique (l’évolution est la résultante
d’un système de variables en interaction) (Fayolle, 2005). Cette approche
place l’individu et ses aspirations au centre de l’explication du phénomène
entrepreneurial (Messeghem, 2006). Stevenson (2000) poursuit dans ce
sens: « Entrepreneurship is the pursuit of opportunity beyond the resources
you currently control ». Cette définition prend en compte aussi bien l’indi-
vidu que l’environnement (la société) dans lequel il évolue. Enfin, Shane
et Venkataraman (2000) proposent une modélisation de l’opportunité en-
trepreneuriale au travers de trois étapes : l’identification, l’évaluation et
l’exploitation.
Il n’y a donc pas de consensus sur ce qu’est une opportunité et comment
elle est identifiée, reconnue ou créée. « There is at present no agreed upon
understanding, neither theoretical nor empirical, of what an opportunity
recognition entails » (Dimov, 2007 : 723). Dans ce travail, nous reprenons
donc la modélisation de Shane et Venkataraman (2000) et, en lien avec
notre objet de recherche, nous nous concentrons sur la phase d’indentifi-
cation. Pour nous, en adoptant une posture constructiviste, le processus
d’identification ne peut être ramené à une vision isolable dans le temps, à
un moment de basculement. La perspective de construction d’opportunité
implique l’enchaînement d’actions qui conduisent peu à peu à l’identifica-
tion, sans formalisation (automatique) consciente de la part du groupe ou
de l’individu. Dans ce cas, seule une analyse a posteriori peut mettre en
lumière ce processus.
Nous présentons dans la partie qui suit l’entreprise familiale et ses
spécificités.

521
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

1.4 L’entreprise familiale


Très nombreux sont les auteurs qui se sont intéressés à la définition
de l’entreprise familiale. Alden Lank3 (1997) n’est d’ailleurs pas le seul
à affirmer qu’il existe probablement autant de définitions du concept
d’entreprise familiale que de chercheurs dans ce domaine. Deux synthè-
ses de l’ensemble des définitions de l’entreprise familiale qui ont été pro-
posées par Allouche et Amann (2000) et par Poulin-Rehm (2006) font tou-
tefois ressortir trois critères récurrents. Ces critères sont : le contrôle du
capital par la famille, la direction de l’entreprise par la famille et enfin la
transmission familiale. Nous retenons pour notre travail ces trois critères
pour définir l’entreprise familiale.
L’entreprise familiale est différente car elle se trouve à l’intersection de deux
« entités » aux objectifs différents (Goetschin, 1987). En effet, alors que la
famille privilégie l’affectivité, la tradition et la sécurité, l’entreprise a des
valeurs plus rationnelles qui sont le profit, la croissance et la compétitivité.
Dans une famille les membres sont en général évalués pour ce qu’ils sont
alors que dans l’entreprise, ils sont plutôt évalués sur ce qu’ils font. Sauf
que dans une entreprise familiale, nombreux sont les membres d’entreprise
qui font partie également de la sphère familiale. Ainsi, le rôle du chef
d’entreprise sera d’assurer un équilibre entre l’entreprise et la famille et
d’essayer de trouver des consensus entre les objectifs « familiaux » et
« professionnels » afin d’assurer la continuité de l’entreprise familiale.
Steier et Ward (2006) soulignent que les entreprises familiales diffèrent des
entreprises non familiales et qu’une des principales différences est liée à
l’influence que peut avoir la famille sur le comportement de l’entreprise.
Le succès d’une entreprise dépend de sa capacité à maintenir la stabilité
malgré les changements managériaux auxquels elle doit faire face sous la
pression interne ou externe. Face à une telle situation, l’entreprise familiale
a des problèmes uniques liés à l’interdépendance entre la propriété et la
gestion dans ce type d’entreprise (Beckhard et Dyer, 1983). Quand il y a
un changement majeur dans l’entreprise, cela a un impact profond sur
les relations entre les membres de la famille et entre la famille et les
dirigeants. Tout le système devient de ce fait instable laissant la place
à des comportements imprévisibles. Les raisons qui peuvent déclencher

3. Professeur à l’IMD Lausanne, fondateur et président de Family Business Network.

522
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

de tels comportements selon Beckhard et Dyer (1983) peuvent être entre


autres : le décès du fondateur ou d’autres membres de la famille ayant un
rôle clef, l’entrée d’un membre de la famille dans l’entreprise (ou l’échec
à l’entrée d’un membre de la famille), décision de fusion ou de vente de
l’entreprise et enfin une importante croissance ou le déclin de l’activité.
Ce type d’entreprise a une place prépondérante dans l’économie de
plusieurs pays dont la France. Une étude effectuée par KPMG Entreprises
portant sur 240 entreprises familiales françaises a fait ressortir différents
constats. D’abord, 98 % des entreprises interrogées sont non cotées en
bourse et 58 % d’entre elles détiennent 100 % du capital malgré les trans-
missions qui se font en moyenne tous les 30 ans. Il en ressort également
que les entreprises familiales assurent leur indépendance financière et ont
peu recours à l’emprunt avec un rapport endettement sur fonds propres de
32 % contre 78 % pour les petites et moyennes entreprises françaises non
familiales. Ensuite, ces entreprises qui font principalement des investisse-
ments à faible risque, ont connu une croissance de leur chiffre d’affaires
de plus de 19.4 %, soit 2 % de plus en moyenne que les entreprises non
familiales de même taille. De plus, il s’avère, selon cette étude, que les
entreprises familiales, dont plus de 50 % ont connu une croissance de leur
effectif supérieure à 10 % en 5 ans, créent beaucoup plus d’emplois que
l’ensemble des entreprises françaises. Enfin, les entreprises familiales
privilégient une logique de continuité et de développement durable avec
des ressources humaines fidèles à faible turn-over et une logique de ré-
seau très développée. En ce qui concerne la gouvernance, elle n’est gé-
néralement pas structurée dans les entreprises familiales (seulement 6 %
ont mis en place une charte de gouvernance). En matière de succession,
les dirigeants des entreprises familiales interrogés souhaitent pérenniser
leur patrimoine et plus de la moitié envisagent de céder leur entreprise à
leur famille.
Le poids de l’entreprise familiale dans le tissu économique français et
ses spécificités propres à sa nature familiale nous ont amenés à nous
intéresser à la construction de l’opportunité entrepreneuriale pour ce type
d’entreprise en particulier.

523
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

2. Une recherche exploratoire


Nous abordons tout d’abord les caractéristiques de notre étude qualitative
puis les résultats de notre terrain de recherche.

2.1 Une étude qualitative


Afin d’étudier notre objet de recherche, nous nous appuyons sur huit
études de cas, pour lesquelles nous avons reconstitué les processus qui
ont conduit les entreprises à exploiter une opportunité entrepreneuriale. La
présentation de ces différents cas et de la méthodologie de collecte des
données permet de mieux comprendre leur intérêt.

2.1.1 La méthodologie utilisée


Eisenhardt (1989) établit qu’une approche qualitative est nécessaire et
utile lorsque le phénomène n’est pas suffisamment connu et que l’objectif
de la recherche est de construire plutôt que de tester. Kaufmann (1996)
poursuit en précisant qu’il est essentiel de saisir que les méthodes qualita-
tives ont davantage vocation à comprendre, à détecter des comportements,
des processus ou des modèles théoriques, qu’à décrire systématiquement,
à mesurer ou à comparer. Nous nous sommes donc tournés naturellement
vers une étude qualitative réalisée à l’aide d’entretiens semi-directifs. Afin
d’accroître la cohérence quant à la logique stratégique de fonctionnement
du marché, les entreprises choisies se positionnent uniquement sur un
marché B to B. Les entreprises ont été sélectionnées par rapport à leur
position face à une opportunité entrepreneuriale. En d’autres termes, nous
avons choisi des entreprises venant, ou étant en cours, d’exploiter une
nouvelle opportunité. Nous avons donc vérifié au préalable l’historique et
la stratégie de l’entreprise. Nous avons réalisé huit entretiens. Les entre-
tiens d’une durée d’environ 45 minutes (mini 35 min et maxi 1 h 30 min)
se sont déroulés en face à face au sein des entreprises. Les participants
s’exprimaient librement tout en respectant le guide d’entretien. Les entre-
tiens ont été enregistrés. Les individus interrogés ont participé activement
au processus étudié. Ce sont des dirigeants d’entreprise (actionnaires ou
non, membres de la famille ou non) qui sont acteurs des processus. En ce
sens, les entretiens nous ont permis de revenir sur des actions passées
qu’ils ont, consciemment ou non, mises en œuvre au sein de leur organi-

524
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

sation. Nous avons réalisé un guide d’entretiens permettant d’aborder les


différents thèmes (la construction de l’opportunité, la configuration organi-
sationnelle des entreprises et l’orientation entrepreneuriale) ainsi que les
différents sous-thèmes retenus de la littérature.
Tout d’abord, au regard de l’opportunité entrepreneuriale, les sous-thèmes
retenus concernent le processus conduisant à la construction d’une oppor-
tunité. Les dimensions abordées sont l’intention de développer de nouvel-
les opportunités (en évaluant la précision perçue du chemin à suivre), les
éventuels déplacements externes (Shapero et Sokol, 1982), provenant de
l’environnement, ou interne (crise économique, information nouvelle, chan-
gement de dirigeant…) ainsi que l’importance perçue et la conscience des
actions à mettre en œuvre (mise en place d’un réseau, R&D…).
Au niveau de la configuration de la firme et de l’orientation entrepreneu-
riale, les thèmes retenus proviennent des travaux de Miller (1983) et les
sous-thèmes choisis proviennent des échelles de mesure proposées dans
la littérature (Miller et Friesen, 1977, 1978, 1982 ; Miller, 1983 ; Miller,
1987 ; Covin et Slevin, 1989 ; Knight, 1992 ; Zahra, 1993 ; Dess et al.,
1997). Concernant la configuration des firmes, il s’agit de la stratégie mise
en œuvre dans l’entreprise, son organisation, l’environnement ainsi que
les caractéristiques du dirigeant. Les sous-thèmes évoqués lors des en-
tretiens sont les suivants. Au niveau de la stratégie, nous abordons son
degré d’intégration, d’explicitation et ses modalités de mise en œuvre.
Concernant l’environnement, nous discutons de sa stabilité (ou de son
dynamisme), de son caractère homogène ou non, de son niveau d’hostilité
et de complexité. Au niveau de l’organisation, nous nous concentrons sur
sa taille, sur les modes de communication interne, sur le poids de la R&D
et de la recherche d’informations ainsi que sur la capacité à innover systé-
matiquement. Pour le dirigeant, nous abordons principalement la centrali-
sation ou non du pouvoir, le locus of control du dirigeant, son leadership, le
fait qu’il soit propriétaire ou non de l’entreprise ainsi que son ancienneté
à ce poste. En fonction de la configuration de la firme (simple, planifica-
trice ou organique), certaines dimensions ou certains types de relations
seront mis en avant lors du traitement des entretiens (cf. tableau 1). En-
suite, nous évaluons le degré d’orientation entrepreneuriale des entrepri-
ses de notre échantillon. Les trois dimensions principales sont ainsi abor-
dées : l’innovation (le nombre de produits nouveaux (ou marché, procédés,
méthode…), la proactivité des décisions (l’entreprise façonne, ou non,

525
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

l’environnement dans lequel elle évolue (elle construit les règles de la


filière) ; l’entreprise suit, ou non, le leader) et la prise de risque (engage-
ment, ou non, envers les décisions portant une forte probabilité d’échec ;
décision avec un important retour sur investissement potentiel mais avec
un fort taux de risque). Les entreprises de notre échantillon sont des en-
treprises familiales c’est-à-dire que la propriété et la gestion de l’entreprise
sont dans la main de la même famille.

2.1.2 Le terrain de notre recherche


Nous avons donc réalisé huit entretiens avec des dirigeants d’entreprise.
Dans la suite de ce travail, les personnes interrogées seront nommées
indifféremment entrepreneur ou dirigeant.
Nous avons donc appréhendé ex ante des entreprises ayant exploité des
opportunités récemment. Les entreprises ont donc été choisies car elles
illustraient le processus lié à l’opportunité et le développement potentiel
de cadre conceptuel pertinent pour ces types de processus (Eisenhardt et
Graebner, 2007 ; Yin, 2003). Ces opportunités sont de type entrepreneu-
rial dans le sens de Baumol (1996) et Shane et Venkataraman (2000). En
ce sens, elle ne vise pas uniquement à proposer une utilisation plus effi-
ciente des ressources (Chabaud et Messeghem, 2010) mais au contraire
à remettre en cause et la création ou l’identification de la relation moyens-
fins (Eckhardt et Shane, 2003 : 336).
Afin de répondre aux questionnements liés à la nature de l’opportunité en-
trepreneuriale par rapport à d’autres types d’opportunités, nous reprenons
la définition de Smith et al. (2009 : 40) « new means-end relationships »,
ceci concerne aussi bien les opportunités nouvelles que les opportunités
sous-exploitées (Plummer et al., 2007) ainsi que celle de Kirzner (1997) :
« imprecisely-defined market need, or un- or under-employed resources or
capabilities ».
Certaines variables de contrôle ont été identifiées. Nous avons pris en
compte l’expérience du dirigeant au sein de l’entreprise et au niveau en-
trepreneurial (ancienneté dans la fonction et dans l’entreprise, nombre
d’opportunités exploitées…). Par ailleurs, nous avons vérifié la modéra-
tion éventuelle du secteur d’activité ainsi que l’évolution de ce dernier (un
marché évoluant fortement pouvant entraîner l’apparition de nombreuses

526
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

opportunités potentielles). L’intensité concurrentielle, l’évolution technolo-


gique ainsi que les changements sur un marché donné ont également été
pris en compte car ces facteurs peuvent conduire à l’émergence d’oppor-
tunités entrepreneuriales (Ireland, Covin et Kuratko, 2009).
Nous avons ainsi défini des critères de choix du terrain de façon à délimiter
notre terrain d’investigation. Les entreprises que nous avons retenues sont
des entreprises familiales françaises. Les critères sur lesquels nous nous
sommes basés pour le choix des entreprises sont : le contrôle du capital
par la famille, la direction de l’entreprise par la famille et dans certains cas
une transmission familiale.
Notre échantillon se compose de huit dirigeants d’entreprises. Nous
retrouvons certaines caractéristiques communes dans cet échantillon.
Tout d’abord, même si les secteurs d’activités sont parfois différents,
les entreprises interviennent toutes sur un marché en B to B. Ensuite,
les individus rencontrés occupent tous un poste à la direction générale
de l’entreprise. Ce sont donc eux qui dessinent et mettent en œuvre la
stratégie et l’organisation de l’entreprise. L’échantillon semble également
cohérent au niveau de l’expérience des dirigeants (20 ans en moyenne).
Enfin, nous constatons une diversité quant à la taille et à la structure du
capital de ces entreprises. Ceci pourra nous permettre de modérer nos
résultats en fonction de ces variables.
De manière à présenter synthétiquement les entreprises étudiées, nous
proposons le tableau suivant.

527
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

Le terrain de la recherche
Ancienneté
de Capital
Secteur Nombre Nombre Opportunité
Entreprise Entrepreneur la personne ou structure
d’activité d’employés de sites développée
interrogée juridique
(années)
Sous-
Création de pro-
1 traitance 40 1 DG 40 Familial
duits propres
mécanique
Diversification
Directeur
2 Médical 370 5 20 Familial de gamme (com-
industriel
plémentaire)
Diversification
Sous-
secteurs
3 traitance 63 1 PDG 12 Familial
d’activité client
mécanique
(chimie)
Prestation com-
plète (sur la fi-
Ingénierie
4 25 1 PDG 30 Familial lière avale : étude
mécanique
et réalisation de
sous-ensembles)
Croissance
Fourniture Groupe
5 1 500 150 DG 20 externe
industrielle familial
(horizontale)
Appartient Extension de
Fourniture
6 22 2 DG 25 à un groupe gamme (par
industrielle
familial adjacence)
Appartient Diversification
Fabrication
à un groupe de gamme et in-
7 de mobilier 20 1 DG 15
après un novation circuit
industriel
LBO de distribution
Fabrication Tentative de
Appartient
d’appa- Directeur diversification de
8 25 1 15 à un groupe
reillages commercial gamme (reprise
familial
industriels de licence)

Nous présentons les résultats de notre recherche dans la section suivante.

2.2 Présentation des résultats


L’objectif de cette section est de présenter les résultats de notre recherche
qui seront ensuite analysés et discutés. Afin d’accroître la clarté de cette
présentation, nous proposons les résultats en fonction des différents
thèmes retenus dans notre cadre théorique.

528
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

2.2.1 La construction d’opportunité


En fonction de l’acception choisie lors de cette recherche, nous avons
abordé le processus lié à la construction de l’opportunité à partir, principa-
lement, de l’intention du propriétaire-dirigeant (consciente ou non, mise en
œuvre ou non, et perçue comme importante ou non) et de l’évolution de
l’environnement.
La majorité des entreprises a construit l’opportunité exploitée de manière
consciente. Ainsi, un processus d’actions a été mis en œuvre afin d’attein-
dre des objectifs visés. Dans ces cas, la stratégie mise en œuvre par les
dirigeants a donc joué un rôle considérable. « C’est une rupture stratégi-
que volontaire. Nous sommes les premiers à faire ça » (E44). Un processus
téléologique apparaît donc fréquemment. Nous constatons toutefois que
l’entreprise 3 a construit son opportunité sans en avoir conscience a priori.
À partir de l’analyse d’une situation donnée (la crise économique), le diri-
geant a construit un projet afin d’explorer différentes voies de progression
qui ont conduit à l’exploitation de l’une d’entre elles.
Par ailleurs, malgré une intention déclarée (E8) et consciente, l’entreprise
ne trouve pas les voies de développement et les ressources nécessaires
pour mettre en œuvre des actions. Dans ce cas, un déplacement externe
(la crise économique) contraint l’entreprise à répondre positivement à une
sollicitation externe (reprise d’une licence d’exploitation proposée par
un fabricant étranger). Ainsi, l’entreprise identifie cette opportunité sans
véritablement la construire a priori et volontairement. D’ailleurs, au moment
de cette recherche, la question liée à l’exploitation de cette opportunité se
pose encore. Cependant, l’alertness du dirigeant, ainsi que son expérience
et sa position sur le marché, ont permis à l’entreprise de comprendre
l’intérêt de tenter d’exploiter cette nouvelle marque.
Enfin, deux entreprises (E1 et E3) avaient conscience depuis plusieurs
années de la nécessité de trouver de nouvelles opportunités de dévelop-
pement afin de moins dépendre de leur filière (sous-traitance mécanique
automobile principalement). Malgré cela, aucune action n’a été mise en
œuvre afin de construire les opportunités de demain. Dans le premier cas
(E1), seule l’appartenance à un réseau depuis de nombreuses années a
permis à l’entreprise de se voir proposer de reprendre un brevet afin de

4. E4 : entreprise 4.

529
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

l’exploiter et de la commercialiser. « La crise économique nous a obligés à


rechercher de nouvelles voies de développement. Mais nous manquions de
connaissances sur les marchés potentiels. Heureusement que le pôle nous
a proposé d’étudier la reprise de ce brevet » (E1). Dans le second cas (E3),
la crise économique a conduit l’entreprise à réfléchir à sa stratégie et
donc à tenter de se diversifier dans un nouveau secteur d’activité client (la
chimie). « La crise actuelle nous a permis de vraiment prendre conscience
des risques actuels. La difficulté est de savoir dans quelle direction aller ? »
(E3).
Le tableau suivant reprend les principales caractéristiques liées à la
construction de l’opportunité. Nous distinguons le processus appelé
construction (qui provient d’actions volontaires pour construire peu à peu
de nouvelles opportunités) du processus nommé identification (qui pro-
vient de l’externe de l’entreprise même si toutefois l’entreprise a construit
ce processus sans en avoir véritablement conscience et donc sans orien-
ter les actions).
La construction d’une opportunité entrepreneuriale
Évolution Position
Déplacement Importance Conscience Opportunité
Entreprise CA et concurren- Intention
+ ou - perçue du processus développée
effectifs tielle
Crise
Marché Déclarée
1 En baisse économique + A posteriori Identification
éclaté seulement
Réseau
Groupe + mise
2 En hausse + + Construction
leader en œuvre
Marché Déplacement Crise
3 En baisse + A posteriori Identification
éclaté externe - économique
En Marché + mise en
4 + + Construction
stagnation éclaté œuvre
Marché + mise en
5 En hausse + + Construction
éclaté œuvre
Marché
En éclaté : Intention Crise
6 + A posteriori Construction
stagnation 8 acteurs consciente économique
majeurs
Marché
En éclaté : + mise
7 + + Construction
stagnation 6 acteurs en œuvre
majeurs
Marché Crise
8 En baisse Intention + A posteriori Identification
éclaté économique

530
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

Une précision est à apporter quant à l’entreprise 6. Malgré un processus


de construction conscient et intégré, l’entreprise a uniquement perçu cette
opportunité à l’aide d’un déclenchement externe (la crise économique).
Même si cette opportunité (diversification par adjacence) était identifiée
avant la crise, les freins perçus ont conduit l’entreprise à qualifier cette voie
de piste de développement potentiel (et non pas d’opportunité réelle).

2.2.2 La structure organisationnelle


Nous présentons ces résultats en fonction des sous-thèmes issus de la
littérature (la stratégie, l’organisation, le dirigeant et l’environnement).
Nous proposons tout d’abord le tableau suivant qui récapitule les résultats
sur la structure organisationnelle des entreprises de notre échantillon.
La configuration organisationnelle
Entreprise Stratégie Organisation Dirigeant Environnement Type de firme
Petite taille
Pouvoir Homogène
1 Implicite Communication Simple
centralisé et compétitif
descendante
Poids de l’innovation Planification
Explicite Stable Entrepreneuriale
2 et des ingénieurs et rationalisation
et intégrée et prévisible planificatrice
(produits + R&D) des processus
Petite taille
Communication Locus of control Homogène
3 Implicite Simple
descendante interne et compétitif
Poids de la technologie
Petite taille
Communication ouverte Pouvoir Complexe Entrepreneuriale
4 Explicite
Poids de la veille décentralisé et dynamique organique
et de la technologie
Explicite Communication ouverte Pouvoir Complexe Entrepreneuriale
5
et intégrée Poids de la veille décentralisé et dynamique organique
Petite taille Pouvoir Homogène Entrepreneuriale
6 Explicite
Communication ouverte décentralisé et compétitif organique
Pouvoir
Petite taille
décentralisé Lea- Complexe Entrepreneuriale
7 Explicite Communication ouverte
dership et dynamique organique
Poids de la veille
du dirigeant
Petite taille Pouvoir centra-
Homogène
8 Implicite Communication des- lisé Locus of control Simple
et compétitif
cendante interne

531
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

Nous pouvons noter que malgré le fait que toutes ces entreprises soient
familiales, le pouvoir n’est pas toujours centralisé. Cela ne s’explique
d’ailleurs pas par la taille de l’entreprise comme c’est souvent le cas
mais plutôt par la personnalité du dirigeant et son degré d’attachement
à l’entreprise. Les dirigeants d’entreprises familiales sont en effet le
plus souvent attachés viscéralement à leur entreprise, ils s’y investissent
totalement aussi bien au niveau financier qu’au niveau temporel (Baumert,
1992, p. 19). Selon cet auteur, cet état d’esprit est compréhensible si l’on
tient compte du fait que c’est généralement l’entrepreneur lui-même qui a
créé cette entreprise et qu’il la considère comme son « œuvre ». Donc le
propriétaire-dirigeant qui a un fort attachement à son entreprise veillera à
centraliser le pouvoir afin de tout contrôler par lui-même et d’être « indis-
pensable ».
Nous pouvons également voir que l’ensemble des types de firme proposés
par Miller (1983) est présente dans notre échantillon. Nous constatons
que, d’après les critères retenus dans la littérature, nous ne qualifions pas
l’ensemble des firmes d’entrepreneuriales. Même si les caractéristiques
correspondent majoritairement à ceux retenus par Miller (1983), l’absence
de stratégie (qu’elle soit implicite ou explicite) est un critère prépondé-
rant qui conduit l’entreprise à ne pas être entrepreneuriale (E1, E3, E8).
Enfin, les caractéristiques de chaque type de firmes, au niveau des dimen-
sions retenues, sont présentes pour les entreprises de notre échantillon
(cf. tableau ci-dessus). Toutefois, une spécificité concerne l’entreprise 6.
Cette dernière présente la plupart des caractéristiques inhérentes à une
structure organique alors qu’elle évolue dans un environnement homogène
et compétitif.

2.2.3 L’orientation entrepreneuriale


Nous abordons dans cette section les trois dimensions de l’orientation
entrepreneuriale : la prise de risque, l’innovation et la proactivité.
Les résultats nous montrent que seulement deux entreprises (E4, E7)
présentent conjointement les trois dimensions de l’orientation entrepre-
neuriale. « L’innovation est stratégique. C’est l’intégration du processus dans
sa globalité. On veut être les premiers. On a investit beaucoup. On prend des
risques car on ne peut pas prévoir l’évolution mais on ne peut pas revenir en
arrière au milieu du gué » (E4).

532
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

En revanche, nous attribuons une forte orientation entrepreneuriale à des


firmes ne possédant que deux dimensions sur les trois retenues (E2, E5).
Nous proposons donc qu’une entreprise familiale peut posséder une forte
orientation entrepreneuriale sans pour autant avoir absolument les trois
caractéristiques. Ainsi, pour nous, une entreprise peut afficher une forte
orientation entrepreneuriale sans obligatoirement prendre des risques
« On est devenu généraliste pour réduire les risques » (E2). Il nous semble
que c’est également le cas pour l’innovation. En revanche, nous n’avons
pas trouvé d’entreprise avec une orientation entrepreneuriale sans qu’elle
fasse preuve de proactivité. « On subit l’environnement, les grands donneurs
d’ordres qui fonctionnent par budget » (E3).
Enfin, concernant l’innovation, nous constatons que l’innovation est prise
dans un sens large. Elle concerne aussi bien l’innovation de produits ou
de services, de procédés, de système de création de valeur, marketing…
Concernant la prise de risque, nous pouvons voir qu’une entreprise sur
deux prend des risques dans notre échantillon ce qui est assez excep-
tionnel pour des entreprises familiales connues pour la majorité pour être
plutôt prudentes.
Nous reviendrons sur ces différents points lors de notre discussion. Le
tableau suivant récapitule les résultats.
L’orientation entrepreneuriale des firmes
Entreprise Innovation Proactivité Prise de risque Orientation
entrepreneuriale
1 Non Non Non Non
2 Oui (produits) Oui Non Oui
3 Non Non Non Non
4 Oui (filière) Oui Oui Oui
5 Non Oui Oui Oui
6 Non Non Non Non ?
7 Oui (métier) Oui Oui Oui
8 Oui (produits) Non Oui Non

533
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

3. Discussion
Nous articulons cette discussion autour de quatre parties. Nous discu-
tons tout d’abord de la construction de l’opportunité entrepreneuriale dans
l’entreprise familiale. Nous poursuivons par l’analyse des types d’organi-
sation et par une discussion sur l’orientation entrepreneuriale des entre-
prises de notre échantillon.

3.1 La construction de l’opportunité entrepreneuriale


Notre recherche nous permet d’adopter plusieurs perspectives au
regard de l’opportunité entrepreneuriale dans l’entreprise familiale. Il
semble effectivement que cette dernière ne soit pas toujours issue d’un
processus téléologique ou d’un objectif précis. Elle semble se construire
au cours du temps sans forcément orienter les actions avec une finalité
précise. L’entrepreneur ou l’organisation vont ainsi suivre une démarche
que l’on pourra qualifier ‘d’effectuale’ (Sarasvathy, 2001). Dans ce sens,
l’opportunité va se construire au fur et à mesure d’une prise de conscience
des moyens (ce que je suis (mes traits, mes capacités, ma culture,…), ce
que je sais (savoir-faire, compétences,…), qui je connais (mes ressources
humaines internes, mes clients, mes fournisseurs,…)) et non pas à partir
d’un objectif prédéterminé (approche causale). Nous reprenons ainsi
l’aspect subjectif de l’opportunité, liée à une organisation spécifique et
construite par cette dernière. Les perceptions du dirigeant quant à son
organisation et quant à l’environnement de son entreprise peuvent évoluer
de manière à construire une opportunité. Par ailleurs, nous remarquons
que ce processus peut être inconscient ou alors conscient en provenance
d’un effort cognitif important et d’une volonté d’analyser la situation de
manière la plus rationnelle possible.
Même lorsque l’entreprise identifie une opportunité sans avoir réellement
mené des actions visant à son élaboration, l’alertness (Kirzner, 1979) du
dirigeant, qui est considérée comme un processus automatique plutôt que
comme un processus conscient, intervient de manière prépondérante. Ain-
si, l’opportunité peut être identifiée même par des personnes qui ne la re-
cherchent pas activement, uniquement par l’accumulation de connaissan-
ces, d’expériences…. Cette identification repose sur ce que l’entreprise
représente par rapport à l’environnement, mais également par rapport à

534
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

ce qu’elle est (ses connaissances, ses savoir-faire…). L’exemple de l’en-


treprise 1 nous semble pertinent. Sans entreprendre d’actions concrètes
en vue de développer de nouvelles voies de croissance, l’entreprise se voit
proposer (par le réseau qu’elle s’est elle-même construit ; dans ce cas un
pôle de compétitivité auquel elle adhère) une piste de développement par
la reprise d’un brevet. Cette opportunité lui a été proposée à partir des
caractéristiques qu’elle possède et qu’elle renvoie à son environnement
(savoir-faire, structure, fiabilité…). En d’autres termes, cette opportunité
est proposée parce que ‘c’est eux’ et l’entreprise tente de l’exploiter car
elle possède une bonne connaissance technique et une bonne information
sur le marché.

3.2 Les types d’organisation


Au regard des archétypes de structures organisationnelles des firmes
proposés par Miller (1983), nos résultats nous permettent de classifier les
entreprises de notre échantillon dans les trois types de firmes proposés :
la firme simple, planificatrice ou organique. Nous retrouvons, pour chaque
entreprise, les caractéristiques liées à un type de firme.
Nous soulignons cependant le rôle important du propriétaire-dirigeant en
particulier dans les structures simples. La difficulté soulevée par Miller
quant aux limites inhérentes à la perception de l’environnement par le
dirigeant est mise en exergue. Le pouvoir étant centré sur le dirigeant,
ce dernier possédant une internalité du lieu de contrôle et la communica-
tion étant uniquement descendante, ce dernier joue un rôle primordial. Ce
propriétaire-dirigeant a les caractéristiques d’un Pater Familias au sens de
Bauer (1993) et s’identifie totalement à son entreprise. Ainsi, la construc-
tion de l’opportunité réside dans ses connaissances, dans sa capacité à
identifier une stratégie et à la mettre en œuvre avec l’organisation. à cet
effet, une interrogation subsiste concernant les entreprises 1, 3 et 8. Les
stratégies de ces entreprises ont été qualifiées d’implicites. En d’autres
termes, il s’agit de stratégies informelles et non partagées au sein de
l’organisation. Après une analyse approfondie du discours des dirigeants,
aucune stratégie véritable n’a été abordée lors des entretiens. En fait,
notre analyse nous conduit à penser que ces entreprises ne possèdent
pas de stratégie réelle et qu’elles reconduisent, sur le même marché et
avec les mêmes clients, leurs activités historiques.

535
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

3.3 L’orientation entrepreneuriale


Différents travaux avancent que la combinaison des trois variables est
nécessaire pour qualifier une orientation entrepreneuriale. Nos résultats
proposent une acception plus large. Nous attribuons une orientation entre-
preneuriale à des entreprises familiales ne possédant que deux critères.
Dans certains cas, une entreprise peut présenter une forte orientation en-
trepreneuriale sans toutefois faire preuve d’une forte volonté d’innovation
(E5). Elle peut ainsi adopter des comportements risqués, faire preuve de
proactivité, se construire ses propres opportunités, sans pour autant inno-
ver fréquemment. Par ailleurs, il en est de même pour la prise de risque.
Nous qualifions d’entreprise ayant une forte orientation entrepreneuriale
certaines firmes ne présentant pas de comportements risqués. Le proces-
sus de construction d’opportunités nouvelles est formel et planifié. Ainsi,
cette rationalisation du processus conduit les entreprises à pouvoir innover,
à être proactive, sans pour autant choisir les opportunités où le risque est
important et cette caractéristique est spécifique à la plupart des entrepri-
ses familiales. Enfin, et à l’inverse, certaines entreprises mettent en avant
la crainte du risque pour justifier une faible orientation entrepreneuriale (E1
et E3). En effet, la crainte de l’échec semble prendre le pas sur la désira-
bilité de l’acte pour certains individus (Mitchell et Shepherd, 2008)5. De ce
fait, l’individu a tendance à préserver les ressources dont il dispose.
Par ailleurs, nous réalisons une distinction entre les dirigeants déclarant
une forte volonté de développer une opportunité et la construction de cette
dernière. Dans ce cadre, les trois dimensions caractérisant l’orientation
entrepreneuriale nous semble particulièrement pertinentes. Dans les dis-
cours des entreprises ne présentant pas d’orientation entrepreneuriale,
autre que déclarée, ces trois dimensions n’apparaissent pas (E1, E3 et
E6 ; E8 sauf pour l’innovation).
Une question subsiste concernant la stabilité de l’orientation entrepreneu-
riale des firmes. Nous ne sommes pas en mesure d’avancer des critères
permettant de faire évoluer l’intensité entrepreneuriale des firmes ; ceci
pouvant provenir du fait que toutes les entreprises rencontrées viennent
ou sont en cours de construction d’une opportunité entrepreneuriale. Le

5. Les résultats d’une étude empirique sur un échantillon de 121 entreprises technologies
montrent que plus la crainte de l’échec est importante moins l’entrepreneur verra les avan-
tages que peuvent procurer les différentes alternatives de l’environnement.

536
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

seul facteur qui, d’après cette recherche, nous parait discriminant quant
à l’évolution de cette orientation est une évolution majeure de l’environne-
ment qui peut conduire une entreprise à construire une opportunité (mais
pas forcément avec un fort degré d’orientation entrepreneuriale !).
Enfin, la spécificité des entreprises familiales correspond aussi à une
certaine dépendance des choix du propriétaire-dirigeant, souvent personnels
et influencés par l’histoire de la famille alors même qu’ils concernent
l’entreprise. Le poids de cette caractéristique a d’ailleurs été ressenti lors
des entretiens effectués quant à certaines des opportunités développées
comme ce fut le cas pour les entreprises E7 et E8.
Le tableau suivant synthétise nos principaux résultats et analyses.
Présentation synthétique des résultats
Opportunité Processus lié Orientation
Entreprise Type de firme
développée à l’opportunité entrepreneuriale
Création de
1 Identification Simple Non
produits propres
Diversification
Entrepreneuriale
2 de gamme Construction Oui
planificatrice
(complémentaire)
Diversification secteurs
3 Identification Simple Non
d’activité client (chimie)
Prestation complète
(sur la filière avale : Entrepreneuriale
4 Construction Oui
étude et réalisation organique
de sous-ensembles)
Croissance externe Entrepreneuriale
5 Construction Oui
(horizontale) organique
Extension de gamme Entrepreneuriale
6 Construction Non ?
(par adjacence) organique
Diversification
de gamme et Entrepreneuriale
7 Construction Oui
innovation circuit organique
de distribution
Tentative de
diversification
8 Identification Simple Non
de gamme
(reprise de licence)

537
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

Conclusion
Ce travail de recherche a pour objectif de mieux comprendre le processus
de construction d’une opportunité entrepreneuriale au travers des travaux
de Miller (1983) sur la firme entrepreneuriale et des travaux de Covin et
Slevin (1990) sur l’orientation entrepreneuriale. Après une revue de littéra-
ture, nous avons émis quelques propositions de recherche. Notre terrain,
par l’intermédiaire d’une étude qualitative composée de huit entretiens
semi-directifs, nous a conduits à vérifier et à discuter les éléments mis en
avant dans notre revue de littérature.
Tout d’abord, nous validons les différentes dimensions proposées par les
auteurs sur les caractéristiques de la firme entrepreneuriale (au niveau
de la stratégie, du dirigeant, de l’organisation et de l’environnement) et
de l’orientation entrepreneuriale (l’innovation, la proactivité et la prise de
risque). Ensuite, l’objectif singulier de cette recherche consistait à met-
tre en exergue le lien éventuel entre le processus de construction d’une
opportunité entrepreneuriale dans l’entreprise familiale et la configuration
organisationnelle de la firme. Par ailleurs nous avons également établit
un lien supplémentaire avec l’orientation entrepreneuriale de l’entreprise.
Nos résultats nous permettent d’avancer une relation entre la construction
d’une nouvelle opportunité, sa configuration organisationnelle et son orien-
tation entrepreneuriale. Toutefois, nous devons nuancer ses propos dans
le cas où l’entreprise construit une opportunité à partir de l’identification
d’un fait saillant provenant de l’environnement (le processus de construc-
tion est donc dicté par l’environnement et les entreprises ne semblent pas
avoir une configuration entrepreneuriale ni même une orientation entrepre-
neuriale).
En revanche, nous émettons des réserves sur la combinaison obligatoire
des trois dimensions de l’orientation entrepreneuriale (Basso et al., 2009).
En effet, nous qualifions certaines entreprises d’entrepreneuriales alors
qu’uniquement deux dimensions sur trois sont présentes au niveau de
l’orientation entrepreneuriale. Ainsi, une entreprise peut prendre des ris-
ques, ou innover, sans pour autant posséder une forte orientation entrepre-
neuriale. D’autres paramètres sont à prendre en compte. à ce titre, il nous
semblerait pertinent de pousser notre recherche en l’enrichissant des tra-
vaux de Stevenson sur le managemnt entrepreneurial (par opposition à une

538
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

vision classique du management)6. D’ailleurs, Fayolle (2010) proposent


même un modèle de l’organisation entrepreneuriale prenant en compte la
configuration organisationnelle de la firme, les trois dimensions de l’orien-
tation entrepreneuriale évoquées précédemment (innovation, prise de
risque et proactivité) ainsi que le processus entrepreneurial en lui-même
au travers de certaines dimensions proposées par Stevenson (2000) sur
la firme entrepreneuriale.
Certaines limites et implications apparaissent à la lumière de ce travail.
Tout d’abord, notre recherche a été réalisée avec un échantillon présen-
tant des hétérogénéités importantes. Son caractère exploratoire ne permet
pas, à ce stade du projet, de consolider les résultats obtenus. De plus, les
aspects relationnels au sein de l’organisation présentent de nombreuses
difficultés de prise en compte (modes de management, intégration de la
stratégie, perception de l’environnement…) sans l’apport de connaissan-
ces supplémentaires liées à des démarches longitudinales. Par ailleurs,
nos entretiens se sont déroulés avec des dirigeants. Il conviendrait
d’interroger une population plus large (salariés, membres de la famille…)
de manière à mieux prendre en compte la complexité de l’organisation.
Au niveau académique, ce travail conduit à de futures pistes de recherche.
Il nous semble important d’insister sur la nécessité d’affiner les dimen-
sions utilisées dans cette recherche. Avant de lancer des recherches lon-
gitudinales, et malgré l’abondance d’échelles de mesure (particulièrement
sur le concept d’orientation entrepreneuriale), il conviendrait d’approfondir
l’interaction des notions utilisées, à partir d’études qualitatives visant à
mieux comprendre l’enchaînement d’actions (avec leurs antécédents) en
fonction des étapes du processus.

6. Les dimensions prises en compte sont : l’orientation stratégique, l’engagement vis-à-vis


des opportunités, l’engagement des ressources, le contrôle des ressources, la structure de
management et le système de récompense.

539
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

Bibliograhie
ALLOUCHE (J.) et AMANN (B.) (2000), L’entreprise familiale : un état de
l’art, Finance, Contrôle, Stratégie, 3, 1, pp.33-79.
ALVAREZ (S.A.), BARNEY (J.B.) (2007), Discovery and creation: alternati-
ve theories of entrepreneurial action, Strategic Entrepreneurship Journal,
1, 11-26.
ARDICHVILI (A.), CARDOZO (R.) RAY, (S.) (2003), A theory of entrepre-
neurial opportunity identification and development, Journal of Business
Venturing, 18, 105-123.
ARTHURS (J.D.), BUSENITZ (L.W.) (2006), Dynamic capabilities and ven-
ture performance: the effects of venture capitalists, Journal of Business
Venturing, 21, 195-215.
AUDRETSCH (B.) (1995), Innovation and industry evolution, Cambridge:
MIT Press.
BARNEY (J.) (1991), Firm resources and sustained competitive advan-
tage, Journal of Management, 17(1), 9-120.
BASSO (O.), FAYOLLE (A.), BOUCHARD (V.) (2009), L’orientation entre-
preneuriale : histoire de la formation d’un concept, Revue Française de
Gestion, 195, 175-192.
BAUER (M.) (1993), Les patrons de PME entre le pouvoir, l’entreprise et la
famille, Collection L’entreprise, Paris InterEditions.
BAUMERT (H.) (1992), Succession dans la PME familiale : prévoir pour
réussir, Les Editions d’organisation.
BAUMOL (W.J.) (1996), Entrepreneurship: productive, unproductive, and
destructive, Journal of Business Venturing, vol.11, 3-22.
BECKHARD (R.) et DYER (W-G.) (1983), Managing change in the family
firm  : Issues and strategies, Sloan Management Review, Vol. 24, n°3,
p.59-65.
BHAVE (M.P.) (1994), A process model of entrepreneurship venture crea-
tion, Journal of Business Venturing, 9, 223-242.
BROWN (T. E.), DAVIDSSON (P.) & WIKLUND (J.) (2001), An Operationaliza-
tion of Stevenson’s Conceptualization of Entrepreneurship as Opportunity-
Based Firm Behavior, Strategic Management Journal, 22(10), 953-968.

540
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

BYGRAVE (W.D.), HOFER (C.W.) (1991), Theorizing about Entrepreneurship,


Entrepreneurship Theory and Practice, 13-22.
CASSON (M.) (1982), The entrepreneur: An economic theory, Totowa, NJ:
Barnes & Noble Books.
CHABAUD (D.), NGIJOL (J.) (2004), La reconnaissance des opportunités
de marché par l’entrepreneur : faut-il changer de perspective ?, Confé-
rence AIMS, 2004.
CHABAUD (D.), NGIJOL (J.) (2007), Entrepreneurial opportunities : chal-
lenges of a constructivism view, Academy of Management (AOM) Annual
Meeting, Philadelphia, Pennsylvania, USA [5-10 Août 2007].
CHABAUD (D.) et MESSEGHEM (K.) (2010), Le paradigme de l’opportu-
nité – Des fondements à la refondation, Revue Française de Gestion, vol.
36, n°206, 93-112.
COVIN (J.G.), SLEVIN (D.P.) (1988), The influence of organization structure
on the utility of an entrepreneurial top management style, Journal of Ma-
nagement Studies, 5(3), 217-234.
COVIN (J.G.), SLEVIN (D.P.) (1989), Strategic management of small firms
in hostile and benign Environments, Strategic Management Journal,
10(1), 75-88.
COVIN (J.G.), SLEVIN, (D.P.) (1990), New venture strategic posture, struc-
ture and performance: An industry life cycle analysis, Journal of Business
Venturing, (5), 123-135.
COVIN (J.G.), SLEVIN (D.P.) (1991), A conceptual model of entrepre-
neurship as firm behaviour, Entrepreneurship Theory and Practice, 16(1),
7-25.
DAVIDSSON (P.) (2005), Method issues in the study of venture start-up
processes, in Entrepreneurship Research in Europe – Outcomes and
Perspectives, Fayolle, Kyro and Ulijn Eds, Edward Elgar, 35-54, 366 p.
DESS (G.G.), LUMPKIN (G.T.), COVIN (J.G.) (1997), Entrepreneurial Stra-
tegy Making and Firm Performance: Tests of Contingency and Configura-
tional Models, Strategic Management Journal, 18(9), 677-695.
ECKHARDT (J.), SHANE (S.) (2003), Opportunities and entrepreneurship,
Journal of Management, 29, 333-349.

541
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

EISENHARDT (K.M.) (1989), Building theories from case study research,


Academy of Management Review, 14(4), 532-550.
EISENHARDT (K.) and GRAEBNER, (M.) (2007), ‘Theory Building from Ca-
ses: Opportunities and Challenges’, Academy of Management Journal,
Vol. 50, no. 1, pp. 25-32
FAYOLLE (A.) (2004a), Entrepreneuriat, de quoi parlons-nous ?, Expan-
sion Management Review, 114, Septembre, p.67-74.
FAYOLLE (A.) (2004b), A la recherche du cœur de l’entrepreneuriat :
vers une nouvelle vision du domaine, Revue Internationale PME, 17 (1),
p.101-121.
FAYOLLE (A.) (2005), Introduction à l’entrepreneuriat, Dunod, 128 p.,
ISBN 2100486411.
FAYOLLE (A.), PIERRE (J.M.) (2010), Organisation entrepreneuriale et
orientation vers les opportunités: un nouveau cadre d’analyse, Cahier
de recherche EM Lyon, avril 2010.
GOESTSCHIN (P.) (1987), La gestion de la succession dans les PME, Re-
vue économique et sociale, Lausanne.
HANSEN (D.J.), SHRADER (R.), MONLLOR (J.) (2009), Composite defini-
tions of entrepreneurial opportunity and their operationalizations: toward
a typology, Babson, 2009).
HAYNIE (J.M.), SHEPHERD (D.A.), McMULLEN (J.S.) (2009), An opportu-
nity for me? The role of resources in opportunity evaluation decisions,
Journal of Management Studies, 46 (3), 337-361.
IRELAND (R.D.), COVIN (J.G.), KURATKO (D.F.) (2009), Conceptualizing
corporate entrepreneurship strategy, Entrepreneurship Theory and Prac-
tice, January, 2009, 19-46.
KAUFMANN (J.C.) (1996), L’entretien compréhensif, sous la direction de
F. de Singly, Nathan, Paris, 128 p.
KIRZNER (I.M.) (1979), Perception, opportunity and profit, Chicago: Uni-
versity of Chicago Press.
KIRZNER (I.M.) (1997), Entrepreneurial discovery and the competitive
market process: an Austrian approach, Journal of Economic Literature,
35: 60-85.

542
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

KNIGHT (G. A.) (1992) Cross reliability and validity of a scale to measure
firm entrepreneurial Orientation, Journal of Business Venturing, 12, 213-
225.
LANK (A.) (1994), La planification successorale : le talon d’Achille des
entreprises familiales, Reflets, n°6, novembre-décembre.
LUMPKIN (G.T.), DESS (G.G.) (1996), Clarifying the Entrepreneurial Orien-
tation Construct and Linking it to Performance, Academy of Management
Review, 21, 135-172.
LUMPKIN (G.T.), DESS (G.G.) (2001), Linking two dimensions of entrepre-
neurial orientation to firm performance, Journal of Business Venturing,
16, 429-51.
LUNO (A.P.), WIKLUND (J.), VALLE-CABRERA (R.) (2010), The dual nature of
innovative activity: how entrepreneurial orientation influences innovation
generation and adoption, Journal of Business venturing, doi: 10.1016.
McMULLEN (J.S.), SHEPHERD (D.A.) (2006), Entrepreneurial action and
the role of uncertainty in the theory of the entrepreneur, Academy of Ma-
nagement Review, vol.31 (1), 132-152.
MESSEGHEM (K.) (2006), L’entrepreneuriat en quête de paradigme : ap-
port de l’école autrichienne, 8e Congrès International Francophone en
Entrepreneuriat et PME (CIFEPME), 25-27 octobre 2006, Fribourg (Suis-
se), 17 p.
MILLER (D.) (1983), The correlates of entrepreneurship in three types of
firms, Management Science, 29, 770-791.
MILLER (D.) (1987), Strategy Making and Structure: Analysis and implica-
tions for Performance, Academy of Management Journal, 31(1).
MILLER (D.), FRIESEN (P.h.) (1977), Strategy making in context: ten empi-
rical archetypes, Journal of Management Studies, 14, 253-279.
MILLER (D.), FRIESEN (P.h.) (1978), Archetypes of strategy formulation,
management Science, 24(9).
MILLER (D.), FRIESEN (P.h.) (1982), Innovation in conservative and entre-
preneurial firms: Two models of strategic momentum, Strategic Manage-
ment Journal, 3(1), 1-25.
MINTZBERG (H.) (1973), Strategy- Making in three modes, California Ma-
nagement Review, 16(2), 44-53.

543
l e g r a n d l i v r e d e l ’ é c o n o m i e p m e

MINTZBERG (H.) (1979), The structuring of organizations, Prentice Hall,


Englewood Cliffs, NJ.
MITCHELL (J.R.), SHEPHERD (D.A.) (2008), To thine own self be true:
images of self, images of opportunity, and entrepreneurial action, Journal
of Business Venturing, vol. 25 (1), 138-154.
MUELLER (P.) (2007), Exploiting opportunities: the impact of entrepre-
neurship on growth, Small Business Economics, 353-362.
PHILIPS (N.), TRACEY (P.) (2007), Opportunity recognition, entrepreneu-
rial capabilities and bricolage: connecting institutional theory and entre-
preneurship in strategic organization, Strategic Organization, 5 (3), 313-
320.
POULAIN-REHM (T.) (2006), Qu’est ce qu’une entreprise familiale ? Ré-
flexions théoriques et prescriptions empiriques, La Revue des Sciences
de Gestion : Direction et Gestion, n° 219, mai-juin, p.77-88.
PLUMMER (L.), HAYNIE (J.), GODESIABOIS (J.) (2007), An essay on the
origins of entrepreneurial opportunity, Smazll Business Economics, 28,
363-379.
RAUCH (A.), WIKLUND (J.), LUMPKIN (G.T.), FRESE (M.) (2009), Entre-
preneurial orientation and business performance: cumulative empirical
evidence, Entrepreneurship Theory and Practice; 33(3), 761-788.
SARASVATHY (S.D.) (2001), Causation and effectuation: toward a theo-
retical shift from economic inevitability to entrepreneurial contingency,
Academy of Management Review, 26 (2), 253-263.
SARASVATHY (S.D.) (2004), Constructing Corridors to Economics Primiti-
ves : Entrepreneurial Opportunities as Demand-Side Artefacts, in J. But-
ler (ed.), Opportunity Identification and Entrepreneurial Behavior, Informa-
tion Age Publishing, Greenwich, CN, p. 291-312, 2004.
SCHUMPETER (J.) (1935), Théorie de l’évolution économique, Paris, Dal-
loz.
SHANE (S.), VENKATARAMAN (S.) (2000), The promise of entrepre-
neurship as a field of research, Academy of Management Review, 25 (1),
217-226.

544
La firme entrepreneuriale et l’orientation entrepreneuriale :
u n r e g a r d v e r s l a c o n s t ru c t i o n d ’ u n e o p p o r t u n i t é pa r l e s e n t r e p r i s e s fa m i l i a l e s

SHAPERO (A.), SOKOL (L.) (1982), The social dimensions of entrepre-


neurship, , in C. Kent, D. Sexton, & K. Vesper (Eds), Encyclopedia of
entrepreneurship, Englewood Cliffs, N.J. : Prentice-Hall.
SMITH (B.R.), MATTHEWS (C.H.), SCHENKEL (M.T.) (2009), Differences in
entrepreneurial opportunities: the role of tacitness and codification in op-
portunity identification, Journal of Small Business Management, 47(1),
38-57.
STEIER (L-P.) et WARD (J-L.) (2006), If theories of family enterprise really
do matter, so does change in management education, Entrepreneurship
Theory and Practice, November, p.887-895.
STEVENSON (H.H.) (2000), Why entrepreneurship has won, Coleman
White Paper, USASBE Plenary Adress, 17 février, 8 p.
STEVENSON (H.H.), JARILLO (J.C.) (1990), A paradigm of entrepreneurship:
entrepreneurial management, Strategic Management Journal, 11,
pp. 17-27.
VAN DE VEN (A.H.), POOLE (M.) (1995), Explaining development and
change in organizations, Academy of Management Review, vol.20 (3),
510-540.
VERSTRAETE (T.), FAYOLLE (A.) (2005), Paradigmes et entrepreneuriat,
Revue de l’entrepreneuriat, 4(1), 33-52.
WIKLUND (J.), SHEPHERD (D.) (2005), Entrepreneurial orientation and
small business performance: a configurational approach, Journal of Bu-
siness Venturing, 20, 71-91.
WITT (U.) (2007), Firms as realizations of entrepreneurial visions, Journal
of Management Studies, 44, 1125-1140.
YIN (R.K.) (2003), Case study research: design and methods (3rd ed.),
Thousand Oaks, CA: sage publications.
ZAHRA (S.A.) (1993), Environment, Corporate Entrepreneurship and Fi-
nancial Performance: A Taxonomic Approach, Journal of Business Ventu-
ring, 8(4), 319-340.
ZAHRA (S.A.), COVIN (JG.) (1995), “Contextual influences on the corpo-
rate entrepreneurship-performance relationship : A longitudinal analysis,
Journal of Business Venturing, 10(1), 43-58.

545

Vous aimerez peut-être aussi