Zohar - Le Corpus Zoharique (C. Mopsik)

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Journal des études de la cabale, Jec : http://jec2.chez.

com/
Amphi Charles Mopsik : http://www.charles-mopsik.com/

Paru dans "La formation des canons scripturaires, édité par Michel Tardieu, le Cerf, Paris, 1993,
p. 75 – 105. Réédité aux éditions de l'Eclat dans "Chemins de la cabale" Charles Mopsik, 2004

LE CORPUS ZOHARIQUE,
SES TITRES ET SES AMPLIFICATIONS
PAR CHARLES MOPSIK

1. La constitution du noyau primitif

Le Livre de la Splendeur ou Sefer ha-Zohar n'est pas un livre de cabale comme les autres.
C'est le seul ouvrage de la littérature rabbinique post-talmudique qui a été considéré
par un large public, au moins à partir du XVIe siècle, comme un livre révélé, doté
d'une aura numineuse presque comparable à celle qui entoure les Ecritures sacrées.
Plus qu'un ouvrage particulier, il constitue un véritable corpus, pour deux raisons
convergentes : en premier lieu, son noyau primitif est déjà constitué de plusieurs
strates distinctes ; en second lieu, une série de textes rédigés à sa suite et par divers
auteurs, sont venus s'additionner au noyau initial, le tout constituant ce que les savants
dénomment couramment la littérature zoharique ou le corpus zoharique et que les
cabalistes appellent ordinairement les Sifré ha-Zohar (livres du Zohar).
Le Zohar a été attribué, dès la parution de ses premières parties constitutives, à un
Tanna (répétiteur) palestinien du IIe siècle, Rabbi Siméon ben Yohaï. C'est dans les
cercles des cabalistes castillans de la fin du XIIIe siècle que cette attribution a été
reconnue, et depuis une longue tradition encore vivace continue à lui porter crédit.
Pour expliquer la béance chronologique qu'implique cette datation, à savoir la
disparition du Zohar depuis le IIe siècle jusqu'à sa réapparition au XIIIe siècle, les
cabalistes ont avancé des récits légendaires mais révélateurs de l'aura quasi-miraculeuse
qui entoure le Zohar et de son parfum messianique. Certains récits relatent que les
cahiers originaux du livre avaient été jadis enfouis dans les sables du désert ou dans
une grotte, pour les préserver de l'usure du temps, car l'époque favorable à leur
révélation n'était pas encore venue, puis ces cahiers furent retrouvés par des nomades
et finalement reconnus pour ce qu'ils étaient et identifiés par des hébraïsants
compétents (1). Cependant, même si les éditions imprimées des volumes du Zohar
donnent dans leur entête R. Siméon ben Yohaï pour l'auteur de ces écrits, la tradition
transmise par les cabalistes et souvent réaffirmée par eux, précise que ce Tanna n'est
1
pas le rédacteur direct des textes en question mais le chef d'une Ecole à l'intérieur de
laquelle les conceptions ésotériques se sont peu à peu cristallisées et que ce sont
seulement les disciples du maître prestigieux et les disciples de leurs disciples qui ont
couché par écrit cet enseignement, écrits qui ont abouti, après diverses péripéties, à la
forme connue du Zohar (2). Ces précisions sont importantes pour deux raisons ;
d'abord elles signalent que les cabalistes ont été soucieux de rendre compte de
l'apparition historique des écrits zohariques ainsi que de la nature particulière du
contenu, à la fois homogène et composite, constitué le plus souvent de discussions
entre différents maîtres anciens aux opinions parfois divergentes, mais surtout ces
traditions prennent un relief particulier au regard d'une très récente et très nouvelle
approche critique relative à la composition du Zohar, dont nous reparlerons bientôt.
Car ces considérations anciennes sur l'origine du Zohar, promues par des cabalistes qui
sont devenus, pour la plupart d'entre eux, ses commentateurs occasionnels ou
systématiques, et qui ont été reconnues et approuvées, à la longue, par la majorité des
autorités rabbiniques et par les membres de leur communauté, ainsi que, dans un
contexte social et culturel différent, par les cabalistes chrétiens de la Renaissance, ont
été rejetées par la critique historique moderne. Celle-ci, à ses débuts, s'était efforcée de
montrer le caractère tardif, médiéval, du Zohar, dans le but avoué de contrecarrer
l'influence de la cabale et de la mystique juive piétiste qui en est l'héritière (le
Hassidisme d'Europe centrale et orientale), en dévalorisant sa prétention à l'ancienneté
et à l'autorité. Une lutte souvent âpre et acharnée s'est ouverte qui a vu naître, dès le
XVIIIe siècle, un nouveau genre littéraire : Des écrits pour ou contre l'ancienneté du
Zohar (3). Aujourd'hui encore, il n'est pas si rare de surprendre, dans les écrits des uns
et des autres, des pointes polémiques à ce sujet.
Une critique élaborée, plus intéressée par la vérité historique que par les conflits
religieux, s'est frayée un chemin, depuis le savant allemand Adolphe Jellinek (4), et ses
conclusions ont sans cesse été confirmées et validées par des recherches successives.
C'est ainsi que la paternité de l'ouvrage a été accordée au cabaliste castillan R. Moïse
ben Chem Tov de Léon, auteur par ailleurs d'une oeuvre imposante signée de son
propre nom. Les travaux de G. Scholem ont marqué une date importante dans les
investigations philologiques concernant le Zohar. Ce grand savant disparu depuis
quelques années, a confirmé les résultats de ses prédécesseurs en prouvant
l'attribution de la totalité du Zohar à Moïse de Léon (hormis les parties intitulées Ra'aya
Mehemna et Tiqouné ha-Zohar, oeuvres selon lui, d'un disciple du même cabaliste). Il a
pu aussi préciser les dates de sa rédaction, qui fut menée à bien entre 1275 et 1286 (5).
Néanmoins, un collègue de Scholem, I. Tishby, tout en approuvant l'essentiel de ses
conclusions, a proposé une date plus tardive et à son avis, on peut estimer plus
sûrement que le Zohar a été écrit à partir de l'année 1293 (6). Les choses semblaient
devoir en rester là, quand, lors d'un Colloque consacré au Zohar et à son époque, qui
s'est tenu en 1988 à Jérusalem, une intervention, publiée maintenant, fit sensation. Un
jeune chercheur, auteur déjà d'un lexique du Zohar reconnu par tous comme un
instrument précieux, et de nombreux articles, professeur à l'Université Hébraïque, a
tenté de reprendre la question de la rédaction du Zohar dans une perspective nouvelle
2
(7). En choisissant de se demander "comment" sa rédaction s'est déroulée plutôt que
"par qui" elle a été produite, Yehouda Liebes a montré que, même si R. Moïse de
Léon est l'auteur d'une partie importante du texte, d'autres rédacteurs sont intervenus
dans sa mise au point finale, et surtout, il a soutenu l'idée que Moïse de Léon n'était
tout au plus que la cheville ouvrière d'un groupe de cabalistes castillans, dont les
approches singulières se reflètent dans le corps de l'ouvrage. Rédaction unifiée de
textes provenant de discussions libres et ouvertes, les options personnelles des
membres de ce cercle d'ésotéristes se retrouvent dans le détail des développements du
Zohar. C'est ainsi que cette oeuvre serait le résultat et l'aboutissement des efforts
conjugués d'une petite communauté constituée des principaux cabalistes espagnols, et
de certains de leurs disciples, connus par ailleurs pour la proximité de leurs
conceptions avec celles que l'on retrouve dans l'ensemble des écrits zohariques. Les
noms avancés sont les suivants, outre bien sûr R. Moïse de Léon, l'on devrait compter
dans ce cercle : Todros Halévy Aboulafia, Moïse de Burgos, Joseph Gikatila, Bahya
ben Acher de Saragosse, Joseph de Hamadan (ou de Suse), David ben Yehouda he-
Hassid, Joseph ben Chalom Ackénazi, Joseph Angélino. Pour reprendre les propres
termes de Y. Liebes : "Le Zohar est le fruit de tout un groupe dont les membres
étudièrent ensemble la doctrine cabaliste, sur la base d'une tradition fragmentaire et
d'écrits anciens. Ce groupe commença ses activités avant même que le Zohar soit écrit.
Ses débuts devraient être identifiés avec le cercle des "cabalistes gnostiques" de
castille, au milieu du XIIIe siècle [...]. C'est de ces hommes qu'a germé le groupe du
Sefer ha-Zohar, et plusieurs de ses membres transcrivirent leurs propos tandis qu'ils
formulaient, dans leurs propres termes, le résultat des activités du groupe et le
développaient, chacun suivant son inclination, car la liberté de création en matière de
cabale est la méthode du Zohar et appartient à son idéologie et à celle de l'ensemble
des membres du cercle" (p. 5-6). La part qui revient à R. Moïse de Léon reste grande,
puisqu'il peut être considéré comme l'architecte de l'ouvrage, son maître d'oeuvre,
bien que, toujours selon Y. Liebes, la rédaction de la plus grande partie du Midrach ha-
Né'élam, strate du Zohar que Scholem considérait naguère comme la première que ce
cabaliste ait rédigée, ne doive pas lui être attribuée ; de même, sa responsabilité dans la
rédaction de traités zohariques comme les Idra, n'est que partielle, il en est seulement
l'éditeur, ayant assuré le travail de finition.
L'extrême nouveauté de l'approche critique de Yehouda Liebes rend hasardeux pour
le moment tout jugement définitif à son sujet. Les réactions ne vont pas manquer, on
le prévoit sans peine. Cette approche originale revêt néanmoins un intérêt spécial pour
l'étude du Zohar en tant que corpus. Ce n'est pas seulement le Zohar comme oeuvre
aboutie et imprimée, regroupement de strates et de textes multiples, qui a formé un
corpus digne de ce nom après des années d'évolution et d'accrétion d'éléments
disparates, mais il faut voir désormais le noyau initial et fondateur du Zohar, comme
étant, dès le début, le siège d'un processus volontaire et progressif de constitution d'un
corps organisé d'écrits ésotériques. Un tel corpus, ouvert dés l'origine, n'a pas cessé
avec le temps de capter dans son orbite des textes écrits dans sa veine ou en imitation
de son style et de sa langue. Ses premières éditions imprimées, à Mantoue et à
Crémone en 1558-1559, ont entraîné certes une délimitation quantitative de cet
3
ensemble d'écrits, désormais réunis - et pour la première fois - en un volume et sous
un titre unique. Cependant, cet encadrement du corpus zoharique à l'intérieur de
bornes fixes, ne l'a pas totalement fermé. D'une part, des pièces supplémentaires de
nature zoharique furent publiées, une cinquantaine d'années plus tard (à Venise, en
1621) dans un recueil épais intitulé Zohar Hadach (Nouveau Zohar) - titre significatif
donné par des éditeurs qui étaient des cabalistes appartenant à la nouvelle Ecole de
cabale de Safed -. D'autres parties inédites furent encore publiées, cette fois par des
chercheurs modernes, l'une par G. Scholem (8) et une autre, très récemment, par M.
Idel (9). Outre ces impressions de matériaux zohariques qui n'avaient pas été édités
par les premiers imprimeurs, une extension au corpus se produisit également par la
rédaction de textes zohariques "originaux", dictés à leur "copiste" par des êtres
angéliques leur communiquant les enseignements des héros habituels du Zohar et du
Tiqouné ha-Zohar, depuis l'Ecole céleste, où, après leur départ de ce monde, ils
continuent à étudier la Bible et à prodiguer les résultats de leurs interprétations
mystiques. Le cas le plus exemplaire est celui de R. Moïse Hayim Louzzato (1707-
1747), auteur d'une oeuvre variée et imposante, qui rédigea - ou plutôt copia - les
enseignements célestes, et cela dans la première moitié du XVIIIe siècle, en Italie (10).
Aucun imprimeur n'a certes pris le risque d'annexer les écrits zohariques de ce
cabaliste italien dans une édition des volumes du Zohar. Toutefois, il n'est pas exclu
que cela se produise un jour, compte tenu de la célébrité et de l'admiration que les
milieux les plus divers portent à cet auteur hors du commun. L'intérêt de ce cas
singulier est de mettre clairement en évidence le caractère provisoire et flottant du
corpus des écrits zohariques, du moins tel que les imprimeurs l'ont fixé. La conclusion
qui s'impose est de constater que le corpus en question est demeuré encore ouvert à
des fluctuations et à des amplifications, et cela, malgré le temps assez long qui s'est
écoulé depuis les premières strates rédactionnelles du Zohar, au sein du groupe qui lui
a donné son impulsion initiale. La question que tout chercheur responsable devrait se
poser est celle de son éventuelle intervention dans l'établissement et l'édition critique
d'un tel corpus. Ses critères philologiques et historiques pourraient l'amener à exclure
divers éléments du corpus, à proposer une édition d'un texte épuré, classé, ordonné,
achevé. Un tel travail - au reste très ardu - est le but le plus noble auquel veut tendre
tout savant exigeant. Mais il pourrait aboutir à fermer un corpus qui a attiré dans son
sein de multiples créations et qui a stimulé, par son ouverture même, plusieurs
générations de cabalistes se sentant la mission de poursuivre l'oeuvre commencée de
révélation des secrets de la Torah. Oeuvre de révélation qui est dans l'esprit des
cabalistes aussi infinie que l'Infini (En Sof) d'où ils estiment tout recevoir (11).

2. Le corpus du Zohar et ses précédents

En tant que phénomène religieux, la rédaction du corpus zoharique s'inscrit


délibérément dans le contexte plus vaste de la transcription de l'enseignement divin
révélé oralement ou Torah orale. Ce qui a rendu possible cette rédaction et qui a
assuré son succès et sa brillante carrière à travers les siècles, c'est qu'elle s'est elle-
4
même présentée comme étant la poursuite de la transcription de cet enseignement
oral d'origine divine, de ses vérités ésotériques, des "secrets de la Loi" (12). Les
coucher par écrit, était en soi un acte qui passait pour transgressif (13). En
conséquence, pour qu'un ouvrage de cabale soit accepté par le plus grand nombre, il
fallait que les cabalistes exposent leurs conceptions dans des écrits proposés comme la
continuation directe des corpus antérieurs autorisés qui avaient recueilli cette Loi
orale. Le Zohar a rempli cette condition. Il est donc lui-même, aux yeux des cabalistes
et des lecteurs qui ont admis ses prétentions - et ils ont été et sont assez nombreux - la
strate supplémentaire ou complémentaire du corpus des traditions rabbiniques -
Talmud et Midrach. Quelques très brefs rappels s'imposent donc touchant le contexte
littéraire constitué de l'ample corpus des textes rabbiniques, dans lequel le Zohar s'est
volontairement inséré.
La codification de la Loi orale, réalisée, selon des traditions convergentes, par Rabbi
Juda Ha-nassi et son école vers 200, en Palestine, porte le titre général de Michna (en
araméen matnita), mot que l'on pourrait traduire par Répétition. Les multiples traités
qui la composent portent également, chacun individuellement, le titre de Michna, suivi
d'un terme qui en précise la nature ou le sujet, si bien que l'on emploie souvent le
pluriel, michnayot, pour désigner cet écrit. Les commentaires rabbiniques des
générations immédiatement postérieures, géographiquement situées en Palestine et en
Babylonie, forment la guemara (l'étude), écrite en hébreu et en araméen, et l'ensemble
porte le nom de Talmud, dont il existe deux compilations : un Talmud dit de
Jérusalem et un Talmud dit de Babylone (14). Il existe en outre des recueils de lois et
de commentaires bibliques, de récits issus de la tradition orale, dénommés midrach
(pluriel midrachim), dont le titre est constitué d'une partie fixe (midrach) et d'un
complément qui varie selon la nature du texte ou l'autorité à laquelle il est attribué. La
rédaction de ces recueils de midrachim rabbiniques, qui comportent évidemment des
traditions et des sentences d'époques antérieures, s'étend du IIIème siècle jusque vers le
XIe siècle, et couvrent un espace géographique très étendu : Palestine et Babylonie
bien sûr, mais aussi Byzance, Italie du Sud, Midi de la France, etc.
Ce rappel vise à faire valoir ce simple fait : le corpus zoharique s'est inscrit en
continuité avec ce genre littéraire, non seulement parce que son contenu dépend à
bien des égards de la tradition rabbinique et se réclame de ses enseignements, mais
aussi et surtout en adoptant ou en imitant ses structures formelles, attribuant ses
interprétations à des autorités rabbiniques anciennes prestigieuses et épousant dans
une très large mesure son système de titres. Nous allons voir de quelle façon. D'autres
écrits à caractère ésotériques ou mystiques, ont précédé le Zohar, et lui ont en quelque
façon ouvert la voie, en réutilisant le système des titres en vigueur dans la littérature
rabbinique afin de marquer à la fois une continuité dans l'histoire de la mise par écrit
des traditions orales et dans le but aussi, on l'imagine aisément, d'obtenir une sorte de
reconnaissance et de légitimation de la part des lecteurs déjà imprégnés par le corpus
rabbinique et la nomenclature des titres d'ouvrages qui le composent. La meilleure
illustration de cette pratique du titre visant l'insertion d'un nouveau texte dans un
corpus en voie de constitution mais qui a déjà produit un système de titres et de sous-
titres, est celle du Sefer Yetsira, le Livre de la Création. De datation encore très discutée
5
(entre le IIIe et le VIIe siècle, ce petit ouvrage de quelques feuillets, dont on connaît
une version longue et une version courte, se compose de chapitres dénommés
michnayot et il est découpé et organisé à la façon des différents traités de la Michna dite
canonique de R. Juda le Saint. Attribué au patriarche Abraham, dans le plus pur style
des pseudépigraphes de l'Ancien Testament, ou bien encore attribué au Tanna rabbi
Eliézer, dans le nouveau style, dont il est un des premiers représentant avec la
littérature des Palais, des pseudépigraphes de la Loi orale, cet ouvrage s'est vu
quelques fois imprimé à la fin de la Michna canonique, comme une sorte de
complément.
Un autre ouvrage qui précède la rédaction du Zohar offre un autre exemple de la
pratique du pseudépigraphe rabbinique parmi les auteurs d'écrits ésotériques. Le plus
ancien écrit relevant du système de pensée de la cabale, le Sefer ha-Bahir ou Livre de la
Clarté, a été désigné souvent, dès son apparition vers la fin du XIIème siècle, par un
titre - et une forme littéraire - qui le situe d'emblée dans la série des midrachim
rabbiniques, puisqu'il est dénommé Midrach de Rabbi Néhouniya ben Ha-Qana (ce maître
enseignait en Judée entre 80 et 120) (15). De grandes autorités rabbiniques du siècle
suivant, comme le géronais Nahmanide, ont accepté sans la moindre discussion et
apparemment comme quelque chose allant de soi, l'attribution de cet ouvrage à R.
Nehouniya et son insertion dans le corpus des midrachim rabbiniques autorisés.
Mais c'est l'examen de la constitution du corpus zoharique qui fournira la plus
abondante matière à réflexion sur la notion d'authenticité littéraire et sur le processus
d'insertion d'un texte ou d'une longue série de textes et de traités, au sein d'une
tradition rédactionnelle donnée.

3. Les titres du corpus zoharique et de ses traités

Un bref historique des multiples titres sous lesquels le corpus zoharique a circulé
montrera d'abord l'utilité d'un répertoire de leurs formes et de leurs successions pour
l'étude de l'histoire de ce corpus et de sa réception. Il s'agit de remonter en-deçà des
définitions bibliographiques pour surprendre le phénomène de constitution d'un
corpus à travers l'étude des constantes et des variations de ses intitulés. Le corpus
zoharique, tel qu'il nous parvient dans ses éditions imprimées actuelles, est le résultat
d'un long processus d'éditions, d'amplifications, d'agrégations de strates d'origine
différentes et d'époques différentes, d'insertions et de mises en page de traités dans un
tissu textuel mouvant.
Il n'existe et n'a jamais existé de manuscrit "complet" du Zohar, seuls des fragments
multiples ont subsisté, témoins des premiers âges de la circulation progressive, assez
lente, de pièces zohariques qui se sont additionnées peu à peu dans des recueils de
forme et de volume variables. Le Zohar commence à être un objet littéraire identifiable
par ses titres chez les premiers auteurs médiévaux qui l'ont cité et qui lui ont donné un
titre au gré des pièces qui étaient entre leurs mains et qui varient d'un auteur à l'autre
(16). Un cabaliste italien du début du XIVe siècle, Menahem Récanati, désigne
l'ouvrage par deux titres : Sefer ha-Zohar ha-moufla (le livre merveilleux de la splendeur)
6
qui se réfère au commentaire zoharique sur le Pentateuque ; Sefer ha-Zohar ha-Gadol (le
grand livre de la splendeur) qui se réfère à l'Idra Rabba, un des traités au caractère
"occulte" très prononcé. Mais avant lui, les tout premiers auteurs qui citent le livre
n'en connaissent qu'une petite partie qu'ils citent sous les noms de Midrach ou Aggada
ou encore Paroles de nos maîtres sans autre précision. Les écrits du corpus zoharique
entre leurs mains étaient donc de courtes pièces ou des fragments qui ne possédaient
aucun titre, mais que ces auteurs considéraient déjà comme relevant du genre
midrachique de la littérature rabbinique. Dans les écrits en hébreu que R. Moïse de
Léon a signé de sa main, les citations de passages du Zohar portent des titres généraux
et vagues, comme Midrachot ha-Penimiym (commentaires intérieurs), Méorot Olam
(luminaires éternels), Or Israël (lumière d'Israël), Sitré Torah (secrets de la Loi), Sitré ha-Yihoud
(secrets de l'unité divine). Cet auteur ainsi qu'un contemporain castillan, R. Isaac Ibn
Abi Sehoula, mais aussi quelques cabalistes postérieurs, se servent, pour désigner le
Zohar, du titre de Yerouchalmi, ou Midrach Yerouchalmi (Midrach de Jérusalem). Mais
cette appellation n'est pas un titre propre, car d'autres ouvrages, tels le premier livre
cabalistique en date, le Bahir, sont désignés également par le nom de Yerouchalmi, et
cela semble-t-il par opposition aux traditions originaires de Babylonie. Il est possible
que cette appellation fasse référence à la continuité dans laquelle le Zohar, ou plutôt, à
l'époque encore, une série de pièces zohariques disparates, étaient situées par rapport
au Bahir, dont il était une sorte d'addition ou de complément aux yeux des premiers
cabalistes qui ont connu des écrits zohariques.
D'autres titres, plus répandus, ont circulé ensuite et le plus fréquent d'entre eux est
sans doute Midrach de Rabbi Siméon ben Yohaï, ou Sifré Ra.CH.B.Y, que l'on trouve
mentionné jusqu'à une date avancée, pratiquement jusqu'à l'époque de l'édition
imprimée ; le titre de Idréh dé-Ra.CH.B.Y désigne parfois l'Idra Rabba, tandis que R.
Chem Tov Ibn Gaon (Espagne, milieu du XIVe siècle) emploie le titre de Tsavatéh dé-
Ra.CH.B.Y ou Testament de R. Siméon ben Yohaï, pour désigner le traité zoharique
plus connu sous le nom de Idra Zouta. Fait significatif de son identification à un
produit de la littérature rabbinique autorisée, le Zohar porte aussi le titre d'une oeuvre
rabbinique très ancienne (IIIe siècle), la Mekilta dé-Ra.CH.B.Y (17), dans le Sefer ha-
Guevoul (livre de la limte) de R. David ben Yehouda he-Hassid (XIVe siècle). Dans le
Sefer Menorat ha-Maor (livre du chandelier lumineux) de R. Israël Al-Naqawa (mort en
martyr en 1391 à Tolède) quatre citations du Zohar sont rapportées sous le titre de
Midrach Yehi Or (Midrach "qu'il y ait lumière"), d'après la pièce zoharique en
possession de l'auteur qui devait, semble-t-il, commencer par ces mots du premier
chapitre de la Genèse. Le Zohar en totalité a été désigné dans le Sefer Livnat ha-Safir
(livre de la limpidité du saphir) de R. Joseph Angelino et dans le Sefer Aqedat Itshaq
(livre de la ligature d'Isaac), de R. Isaac Arama, par le titre de Midrach ha-Néélam,
intitulé qui ne désigne dans l'édition imprimée comme dans les manuscrits en notre
possession, qu'une partie du Zohar, qui est aussi sa première strate rédactionnelle et
qui comprend les premiers textes zohariques à avoir été cités par un auteur, R. Todros
Aboulafia dans son Otsar ha-Kavod (fin du XIIIe siècle).
Le caractère pseudépigraphique des mentions du Zohar d'une part et la multiplicité et
la variabilité de ses titres et de ses appellations d'autre part, permettent d'affirmer que
7
la forme du livre n'était pas cristallisée, ni son étendue fixée, peu avant encore son
édition imprimée. L'étude des titres qui lui ont été donnés confirme le fait que
l'ouvrage n'a pas été publié comme une entité unique et stable, mais comme des séries
de carnets ou d'opuscules qui ont été peu à peu collectés et organisés. En
conséquence, les titres étaient modifiés en fonction de la combinaison des diverses
parties dans les manuscrits (voir Michnat ha-Zohar, I, p. 38). Les premiers imprimeurs
du Zohar, à Mantoue en 1558, présentent les trois volumes du Zohar qu'ils publient
comme le regroupement de plusieurs manuscrits différents issus de propriétaires
différents.
Ce caractère fluctuant et instable du texte zoharique sensible dans les variations de ses
titres, a contribué à faire de l'ouvrage un corpus ouvert, disponible aux amplifications
et aux additions, donnant le sentiment à ses lecteurs de l'existence d'un écrit originel
aux contours indéfinis dont le livre qu'il a entre les mains n'est jamais qu'un reflet
partiel. C'est ce livre idéal mais en fait inexistant, qui a suscité paradoxalement la
formation d'un volumineux corpus, sans cesse augmenté et modifié, qui tend toujours,
comme une asymptote, vers la reconstitution écrite de l'enseignement ésotérique
originel et essentiellement oral de R. Siméon ben Yohaï et des autres maîtres des
premières générations rabbiniques, à la fin de l'Antiquité. Le titre populaire donné à ce
corpus, Ha-Zohar ha-Qadoch, le Saint Zohar, n'atteste pas seulement le caractère sacré
et inspiré attribué dans les milieux populaires à l'ouvrage - et bien sûr dans les milieux
cabalistes -, il témoigne aussi de l'admission du lent travail de constitution d'un
nouveau corpus littéraire, constitution qu'aucun principe ni aucune norme de
délimitation n'est venue, jusqu'à présent, achever en droit.

4. La formation du corpus zoharique d'après ses titres et ceux de ces traités

L'on présente souvent le début de la formation du corpus zoharique comme une


imitation du midrach rabbinique. La première strate, qui est un commentaire sur une
partie du Pentateuque, sur le Cantique des Cantiques et les Lamentations, reçoit
comme titre Midrach ha-Néélam, à savoir le Midrach Occulte ou Mystique, et ce titre est
un remaniement spécifique de titres de midrachim anciens comme le Midrach Rabba.
Cependant, l'attribution de l'ouvrage à des autorités rabbiniques anciennes et
prestigieuses, la façon d'organiser le commentaire comme une succession de
discussions entre ces différents maîtres, ponctuées d'anecdotes édifiantes ou
merveilleuses, le titre même qui est donné à cette première strate, permet de légitimer
son inscription dans la continuité de l'histoire rédactionnelle de la tradition orale, et le
caractère plutôt tardif de l'ouvrage ne change rien à cet état de chose : la
reconnaissance de cette inscription fut obtenue de la part des plus grandes autorités
rabbiniques de la fin du Moyen Age et des époques postérieures, à quelques
exceptions près. Il n'y pas de véritable rupture sur le plan de la forme entre un des
derniers midrachim rabbiniques à avoir été compilé et couché par écrit - le Midrach sur
le livre des Nombres (appelé par la suite Nombres Rabba) au XIe siècle dans le Sud de
la France, et le Midrach ha-Néélam. Le Midrach sur les Nombres témoigne déjà de la
8
tendance qu'ont les auteurs-compilateurs tardifs à intégrer dans le tissu des
commentaires des éléments mystiques ou issus de traditions ésotériques
(cosmologiques et angélologiques en particulier). C'est le cas aussi pour d'autres
midrachim tardifs : Pirqé de Rabbi Eliézer, Midrach sur les Proverbes, Midrach Tadché, Beréchit
Rabbati, etc. Le long courant rédactionnel qui a produit le corpus midrachique
rabbinique qui nous a été conservé, ne s'est pas tari ou épuisé au XIIe siècle ; il a
connu un infléchissement important dans le sens d'une intégration de plus en plus
grande des éléments "mystiques" (ou mythiques et ésotériques) qui auparavant, étaient
le plus souvent soit rejetés, soit remaniés dans le sens d'une "rationalisation" ou d'une
"historicisation". Le Midrach ha-Néélam et le Zohar font franchir un pas décisif à cette
tendance (que l'on décèle non seulement dans le Midrach sur les Nombres mais dans
toute une série de midrachim plus ou moins longs rédigés à partir du VIIIe et du IXe
siècle).
La strate qui succède chronologiquement au Midrach ha-Néélam, qui se présente elle
aussi comme un commentaire ésotérique du Pentateuque, a circulé dès le début sous
deux titres concurrents, l'un est le Sefer Ha-Zohar (le livre de la splendeur), l'autre est
Midrach de Rabbi Siméon ben Yohaï. Le premier titre correspond aux premiers mots de ce
commentaire zoharique sur la Genèse, qui cite plusieurs fois un verset du livre de
Daniel (12:3) : "Les sages resplendiront comme la splendeur du firmament". Cette
façon de prendre comme titre les premiers mots significatifs d'un ouvrage est très
classique dans la littérature hébraïque et débute avec le Pentateuque lui-même.
Cependant, un autre motif, plus déterminant, a pu intervenir dans le choix d'une telle
appellation : plusieurs écrits cabalistiques importants qui précèdent ou qui sont
contemporains de la rédaction du Zohar avaient utilisé des titres similaires ; c'est le cas
du Sefer ha-Bahir, ou livre de la clarté, intitulé également d'après les paroles
d'ouvertures qui sont la citation d'un verset de Job 37:21 qui évoque "la lumière
éclatante". C'est le cas du Livre de la Lumière de R. Joseph Gikatila, cabaliste castillan
proche de R. Moïse de Léon, dont l'ouvrage est plus connu sous le nom de Portes de la
lumière (Cha'aré Orah). Par la suite, l'on verra se multiplier les titres d'ouvrages
cabalistiques portant dans leur titre une évocation de la lumière sous une forme ou
une autre : "livre des éclats lumineux", "la rosée des lumières", etc. Le second titre par
lequel le Zohar est désigné par les premiers auteurs qui le citent, comme R. Bahya ben
Acher de Saragosse, est lié, non pas à la tradition cabalistique naissante, comme c'est
le cas avec le titre de Zohar, mais à la tradition rabbinique dans laquelle il a tenté de
s'intégrer. Cette dualité des titres s'effaça peu à peu au profit du seul titre de Sefer ha-
Zohar, qui marque davantage l'originalité du contenu de cet écrit par rapport aux
ouvrages classiques du midrach rabbinique et qui en impose beaucoup plus par sa
puissance évocatrice. Sous l'appellation de Midrach de Rabbi Siméon, le Zohar apparaît on
ne peut plus clairement comme un pseudépigraphe rabbinique. Sous l'appellation de
Sefer ha-Zohar, c'est son originalité comme oeuvre ésotérique qui est soulignée.
Cette pratique pseudépigraphique à l'endroit de la Loi orale, modèle normatif de mise
par écrit et d'identification à travers son système de titres, a parfaitement joué son rôle
: elle a facilité, dans des proportions considérables, inestimables, l'insertion d'un

9
ouvrage volumineux et composite dans la chaîne des écrits rabbiniques jouissant de
l'autorité qui leur est habituellement concédée dans les milieux juifs rabbanites.
Mais les deux titres par lesquels le corpus zoharique s'est fait connaître, dont l'un
marque son insertion au sein de la littérature du midrach et l'autre son insertion dans la
littérature cabalistique naissante, ne font pas que symboliser efficacement la double
allégeance de la cabale, à la tradition talmudique d'une part et à la tradition ésotérique
et mystique d'autre part. Ils ont leur reflet dans les titres mêmes des traités, qu'outre sa
partie exégétique principale, le Zohar renferme.
Certains de ces traités portent des titres typiquement cabalistiques, d'autres sont de
type rabbinique, d'autres encore sont des imitations ou des reprises de titres
appartenant à la mystique juive ancienne, la littérature des Palais.
Voici un tableau récapitulatif de la plupart des titres de ces traités et du type auquel
on peut les rattacher :

TYPE TYPE DE TYPE CABALISTIQUE


TYPE RABBINIQUE LITTERATURE DES
PALAIS
Midrach R. Siméon ben Sefer ha-Zohar
Yohai
Midrach ha-Néêlam sur la Hekhalot Sitré Torah
Torah
Midrach ha-Néélam sur le
Cantique des cantiques
Matnitin Hekhalot Diqdoucha Sitré Otiot
Tossefta Raza da-Razim* Maamar Qav ha Mida
Midrach Ruth Sifra di-Tsniouta
Midrach Ekha Ra’aya Mehemna
Midrach Esther (perdu) Tiqouné ha-Zohar

* Le titre Raza da-Razim rappelle le titre de l'ouvrage de magie et d'angélologie intitulé


Sefer ha-Razim qui appartient à la littérature des Palais, mais il ne s'agit sans doute que
de la traduction araméenne du titre Sod ha-Sodot, traduction en hébreu du titre du livre
latin de physiognomonie attribuée faussement à Aristote, le Secreta secretorum (18).
Mais d'autres titres de traités ne peuvent être classés dans une des rubriques de notre
tableau. Ce sont des titres dont la forme doit être considérée comme une pure
innovation du corpus zoharique. Ces titres sont les suivants : Idra Rabba (grande
assemblée) et Idra Zouta (petite assemblée).

10
Quelques titres encore ne figurent pas dans le texte du Zohar, manuscrit ou imprimé,
mais ont été donnés couramment par une tradition bien établie à des traités distincts,
engloutis dans le corps de l'ouvrage :
Idra dévé-Machkéna (assemblée de la Maison du Sanctuaire) - ce titre n'est pas donné
dans l'entête de cette pièce mais apparaît au début de l'Idra Rabba.
Saba dé-Michpatim (l'ancien, de la péricope Michpatim)
Yenouqa (l'enfant)
Rav Metivta (le maître de l'Ecole céleste)
Enfin d'autres traités n'ont aucun titre particulier. C'est le cas d'un commentaire sur le
Char d'Ezéchiel (imprimé dans Zohar Hadach 60a-65d) et d'une autre version du Raza
da-Razim qui traite de physiognomonie et de chiromancie (traité intégré dans la
péricope Yitro (I, 78a).

Dans le cadre des titres qui marquent particulièrement l'insertion du Zohar dans la
littérature rabbinique ancienne, il faut mentionner de courtes pièces, qui interrompent
le fil du commentaire, et qui portent le titre araméen de Matnitin, à savoir Michnayot.
D'autres passages opèrent des renvois internes en dénommant ces textes "mathnita
dilan" : notre Michna, à savoir la Michna qui, au lieu de renfermer des enseignements
légaux, recèle des enseignements mystiques. Ces titres qui coiffent de courts
paragraphes écrits en un style laconique, tendent à indiquer que le Zohar lui-même est
une guemara, un commentaire ancien de la Michna, constituée ici par ces courtes pièces
(19). Ces formes de dénominations, et d'autres similaires, telles qu'elles apparaissent
dans le tableau ci-dessus, très courantes dans le Zohar, ont permis l'ouverture et la
constitution "naturelle" d'un espace particulier au sein du corpus des écrits
rabbiniques authentiques. Un espace réservé à la tradition et au commentaire
ésotérique, cabalistique, qui a pu ainsi, en revêtant la forme et en prenant l'identité des
midrachim répandus et reconnus, frayer le chemin de la constitution d'un corpus
distinct, le corpus zoharique. Adopter un titre, ce n'est pas seulement faire le choix
d'une appellation commode qui résume d'un mot le contenu d'un texte et permet de le
distinguer parmi d'autres ouvrages, c'est aussi et surtout, dans le cas du corpus
zoharique, mettre en tête de ses différentes parties une marque de noblesse qui le
rattache à une sorte de lignée littéraire dont il se veut l'héritier et le continuateur.

5. Organisation interne du corpus dans les principales éditions imprimées

Dans les éditions imprimées, qui suivent, pour la plupart d'entre elles, le modèle de
l'édition princeps du Zohar, publiée à Mantoue en 1558-59, puis le modèle de l'édition
princeps du Tiqouné ha-Zohar, publiée aussi à Mantoue en 1558, et enfin celui du Zohar
Hadach publié pour la première fois à Salonique en 1596 et sous une forme plus
complète à Venise en 1621, les traités du corpus zoharique se répartissent selon la
grille suivante :

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Genèse Exode Lévitique Tiqouné Zohar
ZOHAR I ZOHAR II Nombres Zohar Hadach
Deutéronome
Zohar III
Haqdama Raza da Razim Yenouqa 70 Tiqounim Sitré Otiot
Fragment du Idra dévé- Rav Metivta 70 Tiqounim Midrach ha-
Tiqouné Zohar Maskhéna Néélam
Sitré Torah Ra'aya Ra'aya Midrach
Mehemna Mehemna Cantique des
Cantiques
Midrach ha- Sifra di- Idra Rabba Midrach Ruth
Néélam Tsniouta
Hekhalot Hekhalot di- Idra Zouta Midrach ha-
Qedoucha Néélam sur
Lamentations
Tossefta Tossefta Tossefta Tossefta
Matnitin Matnitin Matnitin Tossefta
Saba Qav ha-Mida
Additions dont Additions dont Additions dont Tiqounim Tiqounim
Bahir Bahir Bahir additionnels Hadachim

La signification de ces titres et leur localisation au sein des trois volumes du Zohar
(signalés par I, II ou III) de l'édition du Mossad ha-Rav Kook (Jérusalem, 1960) et du
volume unique de la même édition préparée également par Réuben Margaliot, pour le
Zohar Hadach (Jérusalem, rééd. 1978) (signalé en abrégé ZH) est la suivante :
- Midrach ha-Néélam = Commentaire Mystique ou Midrach Occulte sur une partie du
Pentateuque : sur la Genèse (ZH 3a-41d, I 97a-140a, ZH 43c-45d), sur l'Exode (II 4a-
5b, 14a-22a), et pour le reste du Pentateuque, les sections Aharé Mot et Ti Tetsé de ZH ;
sur le Cantique des Cantiques (ZH 60c-61d), sur Ruth (ZH 75a-91b), sur les
Lamentations (ZH 91a-93d). La langue de ce texte est parfois l'hébreu, parfois
l'araméen. Il diffère par la forme et le contenu du texte principal du Zohar. Il
mentionne beaucoup plus de rabbis, en des séquences plus brèves qui rappellent le
midrach rabbinique classique et la figure de R. Siméon ben Yohaï est moins importante
et elle est concurrencée par celle de R. Eliézer. Ses sujets de prédilection sont la
12
résurrection, la cosmologie, l'existence dans l'au-là, la doctrine de l'âme. La méthode
d'interprétation qu'il met pratique est plus proche de l'allégorie que du symbolisme
mystique. Il fait assez peu appel à la théosophie de la cabale et s'y réfère souvent de
manière allusive. Il est possible d'y distinguer aussi plusieurs strates.

- Haqdama = Introduction (I 1a-14b). Composée de plusieurs digressions à partir du


premier verset de la Genèse cité en entête, dont un excursus célèbre sur la
concurrence entre les lettres de l'alphabet pour créer le monde. Le style de ce texte,
par lequel débute la partie principale du Zohar, semble particulièrement soigné.

- Sitré Torah = Secrets de la Torah (I 74b-75a, 76b-77a, 78a-81b, 97a-102a, 107b-111a,


146b-149b, 151b-152a, 154b-157b, 161b-162b, II, 146a et ZH 26c-27b, 29a-29d, 48a).
Séquences incluses en colonnes parallèles face au texte principal, dont le contenu
s'apparente parfois à celui du Midrach ha-Néélam, mais d'autres passages traitent des
secrets les plus profonds du monde divin.

- Tossefta = Addition et Matnitin = Michnayot. Très brèves séquences, de quelques


lignes, dispersées dans l'ensemble des volumes. La plupart d'entre elles s'ouvrent par
un avertissement solennel adressé aux sages qui négligent l'étude ésotérique. Certaines
séquences condensent l'enseignement mystique délivré dans le contexte immédiat.

- Hekhalot et Hekhalot di-Qedoucha = Palais et Palais de sainteté (I 38a-45b, II 244b-


262a). Peinture des sept Palais du jardin d'Eden céleste, des anges et des esprits qu'ils
renferment et des âmes qui s'y délectent ou qui s'y rendent lors des prières.

- Hekhalot ha-Toumeah = Les sept Palais de l'impureté (II 262b-268b). Peinture des
demeures infernales, des démons qui y résident et des souffrances infligées là-bas aux
pécheurs selon la gravité des fautes. Ce texte est la suite du traité sur les Palais de
sainteté précité.

- Idra Zouta = Petite Chambre (III 287b-296b). Peu avant sa mort, R. Siméon ben
Yohaï réunit ses principaux disciples pour leur révéler des mystères qui résument les
secrets de l'Idra Rabba. Dans une ambiance d'exaltation mystique, R. Siméon rend
l'âme en prononçant le mot "vie". Ce traité, inclus à la fin de la dernière péricope du
Pentateuque, clos le troisième volume du Zohar.

- Idra Rabba = Grande Chambre (III 127b-145a). Réunion autour de R. Siméon ben
Yohaï des membres de son cercle où chacun prend à son tour la parole pour énoncer
des secrets portant sur la divinité et surtout sur ses traits anthropomorphes. Ce long
traité se présente comme un commentaire du Sifra Di-Tsniouta, dont il cite quelques
extraits, mais des différences importantes existe dans le contenu de ces deux écrits.

- Idra Débé Maskhéna = Assemblée du Sanctuaire (127a-146b). Au cours d'une réunion


de R. Siméon ben Yohaï et de trois des membres de son groupe, des versets
13
concernant la construction du sanctuaire sont expliqués au niveau du sens ésotérique.
Il est surtout question des secrets de la prière.

- Sifra Di-Tsniouta = Livre de l'Arcane (II 176b-179a). Commentaire anonyme sur le


début de la Genèse. Ces cinq courts chapitres traitent, en des séquences lapidaires et
absconses, des plus haut secrets du monde divin.

- Yenouqa = L'Enfant (III 186a-192a, cette partie est incluse aussi dans la section
Balaq). D'autres parties du Zohar, comme le Midrach ha-Néélam sur Ruth ou ZH 9a-11d,
mettent également en scène un adolescent érudit et révélateur de secrets, rencontré à
l'occasion d'un voyage ou d'une fête.

- Saba = Le Vieillard (II 94b-114a, l'ouverture, 94a-b appartient au Tiqouné Zohar. Ce


traité constitue l'essentiel du Zohar sur la péricope Michpatim. Il renferme un récit
développé mettant en scène de manière centrale un vieillard prodigieux qui apparaît
d'abord comme un pauvre ânier ignorant. Il porte sur les mystères de l'âme et de ses
transmigrations à partir d'une interprétation des règles bibliques concernant l'esclave
hébreu.

- Rav Metivta = Le maître d'Ecole (III 161b-174a). Peinture des visions de R. Siméon
ben Yohaï et des autres membres de sa communauté lors de leurs voyages dans le
jardin d'Eden, où ils entendent des secrets révélés par un chef d'Ecole céleste, au sujet
surtout de l'existence dans l'au-delà.

- Qa ha-Mida = La Ligne de Mesure (ZH 56d-58d). Traité sur la signification


ésotérique de l'unité divine qui se présente comme un commentaire de Deutéronome
6:4.

- Pérouch la-Merkabah = Commentaire sur le Char céleste de la vision d'Ezéchiel (ZH


60a-65d). Ce passage n'a pas de titre propre.

- Sitré Otiot = Secrets des Lettres du Nom divin (ZH 1b-10d). Traité systématique
interprétant les lettres du Tétragramme à la lumière de la doctrine cabalistique des
sefirot. Le style est particulièrement obscur et difficile.

- Raza da-Razim = Secret des Secrets (II 70a-75a, suite dans ZH 56c-60a ; autre
version insérée dans la section Yitro II 70a-78a). Traités de physiognomonie, qui
indiquent comment distinguer la valeur des hommes à leurs traits physiques, du
visage, du front, des mains. Le contenu de ces textes diffère sur plusieurs points d'une
version à l'autre.

- Piqoudin = (Commandements). Commentaire sur les commandements de la Torah


selon leur signification ésotérique, dispersé par les imprimeurs en maints endroits du
Zohar, qui débute par le mot Piqouda (commandement). E. Gottlieb en a établi une
14
liste qui comporte quarante passages numérotés, plus deux qu'il a retrouvé dans des
manuscrits, voir Etudes sur la littérature cabalistique, éd. J. Hacker, Tel Aviv, 1976, pp.
224-230.

- Piqouda = Commandement. Autre traité sur les commandements et leur explication,


inséré à la fin de l'Haqdama (I 11b-14b).

- Ra'aya Mehemna = Le Berger Fidèle (les plus grandes parties sont II 114a-121a, III
97a-104a, 108b-112a, 121b-126a, 215a-258a, 270b-283a). Commentaire sur les
commandements et leurs significations mystiques, imprimé sous forme de pavés
parallèles face au texte principal, sauf lorsque celui-ci vient à manquer.

- Tiqouné-Zohar = Corrections ou Compléments du Zohar (un volume distinct, avec des


suppléments imprimés à la fin). Cet ouvrage propose soixante-dix interprétations et
plus du premier verset de la Genèse et pratique une exégèse mystique en rapprochant
par l'analogie de multiples versets. Il est précédé de deux introductions, dont l'une
d'elle est entrée dans la liturgie synagogale courante sous le nom de Petihat Eliahou
("ouverture d'Elie").

- Tiqounim Hadachim = Nouveaux Compléments (ZH 93a-122b). Ces textes se


présentent comme des pièces détachées de l'ouvrage précédemment mentionné.

- Fragments dispersés du Tiqouné Zohar (I 22a-29a, ZH 49d-56b).

Ces divers traités et pièces courtes ou longues interrompent le texte "principal" du


Zohar, qui se présente lui-même comme un commentaire suivi, en araméen, du
Pentateuque et du Cantique des Cantiques. Rédigé sous la forme d'entretiens entre les
membres du cercle de R. Siméon, ce commentaire est mis en scène en une dramatique
où abondent divers incidents, survenus surtout lors des voyages de ces maîtres sur les
routes de Judée ou de Galilée. Certaines pièces du corpus forment dans quelques
manuscrits des unités distinctes (Piqoudin, Ra'aya Mehemna) et ont été distribuées par
les imprimeurs dans plusieurs sections des volumes. L'ensemble comporte environ
2245 pages grand format, ce qui, en traduction française, représenterait plus de 5000
pages. A ces volumes il convient d'ajouter les textes du Midrach ha-Néélam publiés par
G. Scholem et M. Idel (mentionnés aux notes 7 et 34), ainsi que divers fragments
encore inédits du Tiqouné ha-Zohar. Pour ne rien dire de certains écrits appartenant au
corpus secondaire, que nous tentons de définir plus bas, et qui pourraient
éventuellement y être inclus.

6. Les additions successives au noyau initial

Ce que l'on conviendra d'appeler corpus zoharique, dépasse de loin les limites
éditoriales, manuscrites ou imprimées du livre du Zohar et les multiples traités qu'il
15
comporte. Il nous semble légitime d'élargir ce corpus à toute une série d'écrits qui ont
adopté sa langue, son style, ses idées, même s'ils contiennent des variations
importantes par rapport à leur modèle, qui est lui-même déjà suffisamment
polymorphe et composite pour ouvrir largement la voie à de multiples essais
d'amplification. Son noyau initial, certes, est constitué de ses strates primitives :
Midrach ha-Néélam, commentaire sur le Pentateuque sans titre distinct, mais appelé
souvent par les modernes gouf ha-Zohar (tronc du Zohar), traités assez courts dont nous
donnons une liste ci-dessus. Si la science moderne permet d'attribuer encore une
grande partie ces textes à un unique auteur, R. Moché ben Chém Tov de Léon, celui-
ci est loi d'être l'unique ouvrier qui a façonné le corpus zoharique. Nous avons
mentionné, au début de cet exposé, la nouvelle thèse avancée par Y. Liebes à ce sujet.
Mais indépendamment d'elle et hormis la composition du noyau initial, toute une série
d'écrits cabalistiques ont été rédigés en empruntant sa forme en tant que pièces
complémentaire, et si certains d'entre eux lui ont été annexés et ont été confondus
avec lui, d'autres sont restés en marge, le tout constituant ce que l'on pourrait
dénommer le corpus élargi du Zohar.
Vers le milieu du XIVe siècle, un auteur anonyme rédige le Sefer Tiqouné ha-Zohar et le
Ra'aya Mehemna (20). Ces gros ouvrages, sont également attribués à rabbi Siméon ben
Yohaï et présentent maintes affinités avec la langue, le style, la forme littéraire et la
doctrine du Zohar, sans pour autant s'identifier à eux complètement, si bien qu'ils
conservent une identité littéraire propre, tout en faisant grossir le corpus du Zohar et
en l'enrichissant de sous-titres nouveaux. Ces écrits prennent délibérément la relève
du Zohar en ce qu'ils prétendent prolonger les enseignements ésotériques transmis par
R. Siméon ben Yohaï et son Ecole de son vivant et couchés par écrit dans la partie
principale du Zohar, par un enseignement des mêmes maîtres mais dispensé cette fois
d'outre-tombe. Le Zohar en effet est clos par le récit de l'apothéose de R. Siméon ben
Yohaï et de sa mort en état de transfiguration et d'extase (21). Le Tiqouné-Zohar n'a pu
continuer la mise par écrit de son enseignement, qu'en transmettant ses leçons
données dans l'au-delà. Ce relais pris par les révélations post-mortem des secrets de la
Torah a permis en outre, à l'auteur de l'ouvrage, de donner la parole non plus
seulement à des rabbins de la fin de l'Antiquité, mais à des figures bibliques de
premier plan, comme Moïse, le prophète Elie et David ou à des figures de
l'angélologie juive ancienne comme Métatron, rassemblées dans l'Ecole céleste pour
une sorte de nouveau Sinaï, où sont révélés des secrets de la Torah auparavant cachés.
Dieu lui-même y intervient, en tant que membre de cette Ecole très particulière. Par la
suite, les éditions imprimées du Zohar intégrèrent, sans les différencier autrement que
par un banal sous-titre, l'ensemble des textes du Ra'ya Mehemna et quelques pages du
Tiqouné ha-Zohar. Les cabalistes postérieurs considéreront ces deux ouvrages comme
partie intégrante du Zohar, même si un de ses plus importants commentateurs, un
ésotériste à l'esprit de synthèse comme R. Moïse Cordovéro, au XVIe siècle,
s'efforcera de concilier certaines conceptions apparemment contradictoires du Zohar
et du Tiqouné-Zohar et Ra'ya Mehemna (22).

16
Mais le corpus interne du Zohar s'est encore étendu. Plusieurs pages d'un
commentaire très volumineux sur les commandements, rédigé par un cabaliste de la
fin du XIIIe et du début du XIVe siècle, R. Joseph de Hamadan, qui écrivait dans un
araméen très proche de celui du Zohar et en imitant son style, ont été intégrées dans
les éditions imprimées du Zohar et, sans la sagacité des critiques modernes, elles
n'auraient jamais été distinguées du Zohar lui-même (23). Egalement incorporé dans
l'édition imprimée du Zohar, est un assez long passage interpolé au début de la
péricope Vayehi (24). Il existe aussi un petit ouvrage intitulé Zohar Ruth, écrit
également d'après le patron zoharique, qui n'a pas eu le même destin que ses
prédécesseurs et qui n'a pas été intégré au Zohar dans ses diverses éditions (25).
Diverses pièces plus courtes, dont l'origine exacte est encore inconnue, mais qui sont
certainement d'une autre plume que celle qui est responsable du noyau initial, sont
réparties ici et là en son sein, et en particulier dans le recueil intitulé Zohar Hadach.
Un fait très significatif met bien en évidence l'intention qui a présidé souvent aux
éditions imprimées du Zohar : tenter de reconstituer un corpus zoharique le plus
complet possible, à partir d'éléments disséminés et clairement extérieurs au corpus,
même élargi ; en effet, de nombreux passages du Sefer ha-Bahir ont été incorporés par
les imprimeurs dans des additions au Zohar placées à la fin des volumes I, II et III.
Ainsi, le travail de regroupement d'écrits similaires au Zohar, par la forme ou l'origine
supposée, qui lui furent incorporés, a débuté très tôt à cause du caractère partiel des
manuscrits mis, tour à tour en circulation juste après leur rédaction, et il s'est
poursuivi jusqu'à une date récente et ne peut être considéré comme achevé. Aucune
liste canonique des écrits composant la Bibliothèque zoharique n'a jamais été produite,
et loin de tendre à exclure du corpus inspiré des pièces manifestement hétérogènes, la
tendance générale des cabalistes et des commentateurs du Zohar a plutôt été de
chercher à justifier leur incorporation. En revanche, ce sont les chercheurs modernes
qui ont été les premiers à tenter d'établir une telle liste, non pas évidemment par souci
théologique, mais dans le but de distinguer le plus clairement possible entre les divers
séquences constituant la littérature zoharique.

Des tentatives non plus seulement éditoriales, mais carrément rédactionnelles, visant
à amplifier le corpus zoharique, ont même été menées de propos délibéré à une date
très avancée. Nous avons déjà cité le nom d'un cabaliste italien du XVIIIe siècle, R.
Moché Hayim Louzzato. Cet auteur a rédigé, en un araméen de type zoharique, sous
la dictée de son mentor céleste (maguid), un Second Zohar (Zohar Tinyana) dont il ne
subsiste aujourd'hui que quelques feuilles (26) et un Sefer Tiqounim Hadachim (nouveaux
Tiqounim) conservé lui, à peu près intégralement (27) Outre les similitudes de langue,
de style, de forme, les noms des protagonistes qui interviennent dans ces ouvrages
pour délivrer l'enseignement secret, ne sont autres que ceux qui s'expriment dans le
Zohar et le Tiqouné Zohar. L'appartenance de ces livres au corpus zoharique est
néanmoins problématique : bien qu'ayant écrit, selon ses dires, sous l'inspiration
céleste, l'auteur a signé ses ouvrages de son propre nom ; en outre, le corpus
zoharique est déjà imprimé depuis longtemps et donc transmis dans une forme
17
relativement fixe imposée par les premiers éditeurs. Les polémiques qui firent rage
autour de ce cabaliste en Italie, contribuèrent à empêcher l'incorporation de ces deux
livres dans le corpus zoharique plus ancien. Mais l'existence de ces tentatives très
tardives d'ajouter de nouvelles strates à ce corpus témoigne de la vitalité d'une
pratique et du lien étroit qu'elle entretient avec ses modèles d'intitulation, parvenant
même à surmonter la fixation imprimée d'un corpus par un nouveau recours à l'Ecole
céleste.
En dehors de ces amplifications du corpus zoharique, il a existé aussi des sortes
d'imitations du Zohar, qui, sans prétendre s'inscrire de plein droit dans ce corpus, s'en
sont quelque peu inspirées. C'est le cas en particulier des ouvrages anonymes rédigés
semble-t-il dans la région de Byzance au XVe siècle, le Sefer ha-Peliah (Koretz, 1784) et
le Sefer ha-Qana (Pritzk, 1786), que l'auteur attribue à une vieille famille, descendant du
Tanna R. Nehouniya ben Ha-Qana, qui vivait en Palestine et bénéficait de révélations
de l'Ecole céleste, imitant en cela le Ra'aya Mehemna et le Tiqouné Zohar.

7. Vers un corpus ésotérique secondaire

Il convient à présent de dresser un tableau, inévitablement provisoire, de l'ensemble


des auteurs connus dont au moins une partie des écrits peuvent être regardés comme
faisant partie d'un cercle élargi du corpus zoharique. Outre les oeuvres anonymes
citées plus haut (surtout le Ra'ya Mehemna et le Tiqouné ha-Zohar), autour du Zohar ont
été rédigés un ensemble de livres qui ont avec lui l'essentiel en commun, bien qu'ils
n'aient pas été incorporés dans son corpus immédiat. Il est possible, si l'on en croit Y.
Liebes, que plusieurs des premiers cabalistes en question, aient participé directement à
la création du noyau initial du Zohar. Mais au moins une partie de leurs propres écrits,
qui n'ont pas été incorporés - à quelques exceptions près (28) - au sein de ce noyau,
peuvent être situés, avec le recul du temps, dans la périphérie immédiate du corpus
zoharique. La proximité des conceptions et des exégèses développées dans ces
ouvrages est si patente, qu'il est loisible de les considérer comme un corpus
secondaire, étroitement lié au corpus zoharique proprement dit, et cela, non pas
seulement au niveau des similitudes doctrinales, mais aussi et surtout à cause des
nombreux échanges croisés qui se sont produits entre ces deux corpus. Il est ainsi
souvent très difficile de distinguer une citation du Zohar dans les écrits de R. David
ben Yehouda he-Hassid de sa propre écriture, il en va de même dans les livres de R.
Joseph Angélino. Plusieurs ouvrages de R. Joseph Gikatila permettent de mieux
comprendre maints passages du Zohar, non parce qu'ils les commentent, mais parce
qu'ils procèdent d'une même Ecole, d'un groupe de cabalistes qui, étudiant ensemble
et discutant ensemble, ont couché par écrits leurs spéculations, puis se sont lus les uns
les autres et ont profité chacun du travail de tous. Les écrits hébreux de R. Moïse de
Léon, cela va sans dire, entrent dans cette catégorie. Les écrits de R. Joseph de
Hamadan, qui écrit souvent en un style araméen presque identique à celui du Zohar,
sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils semblent avoir conservé des
associations symboliques qui étaient présents dans une strate originelle du Zohar, en
18
particulier de ses traités mystiques intitulés Idra, et qui ont été modifiées lors de sa
rédaction finale. Le cas de R. Joseph ben Chalom Achkénazi est plus complexe, mais
son commentaire sur le midrach Genèse Rabba ne peut, en vertu de la nature de son
contenu, être dissocié de ce corpus, constitué de plusieurs des écrits des cabalistes
castillans de même génération - à l'exception de R. Joseph Angélino, un peu plus
jeune. Il faut mentionner enfin l'auteur du Sefer Berit Menouha, qui mentionne en
araméen des textes cabalistiques qu'il attribue à R. Siméon ben Yohaï (29).
Voici donc une bibliographie succincte des principaux ouvrages susceptibles d'être
regardés comme constituant ensemble un corpus secondaire ou élargi du Zohar. Nous
indiquons, dans la mesure du possible, les éditions critiques quand elles existent, à
défaut une édition traditionnelle, à défaut encore un manuscrit (parmi d'autres).

R. Moïse de Léon (1240-1305) :


Maskiyyot Kesef (éd. critique J. Wijnhoven, M.A. Thesis, Brandeis Uni., 1961) ; Sefer ha-
Michqal (éd. critique par J. Wijnhoven, Ph.D. dissertation, Brandeis Uni., 1964) ; Cheqel
ha-Qodech (éd. A. W. Greenup, Londres, 1911) ; Sefer ha-Rimmon (éd. critique E.T.
Wolfson, Brown Judaic Studies, n° 144, Brown Uni., 1988) ; Sefer Michkan ha-'Edout
(MS Berlin, Or. 833) ; Chochan 'Edout et Sod 'Eser Sefirot Belimah (éd. critique G.
Scholem, dans Qovez 'al Yad, n.s., 8, 1975, pp. 325-370 et 371-384) ; Che'élot ou-
Techouvot be-Ineyné Qabalah (éd. critique I. Tishby, Qovez 'al Yad, n.s., 4, 1950, pp. 15-38,
rééd. avec additions dans I. Tishby, Studies in Kabbalah and its Branches, 1:16-75,
Jérusalem, 1982).

R. Joseph Gikatila (1248-1325) :


Cha'aré Ora (éd. Ben Chlomo, 2 vol., Jérusalem, 1970) ; Cha'aré Tsedeq (rééd. Jérusalem,
1967, dont un nouveau fragment a été publié par E. Gottlieb, dans Etudes sur la
littérature cabalistique (en héb.), éd. J. Hacker, Tel-Aviv, 1976, pp. 132-162) ; Sod Youd
Guimel midot ha-nove'ot min ha-Keter 'eliyon (éd. G. Scholem, Kitvé Yad Ba-Qabalah, pp.
219-225, Jérusalem, 1930) ; Sod ha-Nahach Michpatav ou-Ma'aséou (MS BN Paris 841) ;
Ma'amar 'al Penimyiout ha-Torah (éd. Chavel, in Kitvé Ramban, II, p. 467ss.) ; Sod mi-chechet
yemé beréchit hayeta réouya Bat Chéva' lé-David (dans Liqouté Chikheha ou-Féa, Ferrare, 1556,
in fine).

R. Joseph de Hamadan (fin du XIIIe) :


Sefer Tachaq (éd. critique J. Zwelling, Ph. D. dissertation, Brandeis Uni., 1975) ; Sefer
Ta'amé ha-Mitsvot (partie I, éd. critique M. Meier, Ph. D. dissertation, Brandeis Uni.,
1974 et partie II, MS Paris BN 817, fols. 141a-203b) ; Sefer Toldot Adam (éd. dans Sefer
ha-Malkhout, Casablanca, 1932 et dans le MS BN Paris 841) ; Perouch 'Eser Sefirot (MS
BN Paris 853) ; fragments divers (M. Idel, "Fragments supplémentaires d'écrits de R.
Joseph de Hamadan" (en héb.), Daat, 21, 1988, pp. 47-55).

R. David ben Yehouda he-Hassid (début du XIVe) :


Sefer Mar'ot ha-Tsovot (éd. critique D. Matt, Brown Uni., Chico, Calif., 1982) ; Sefer ha-
Guevoul (MS BN Jérusalem, 8° 3921) ; Sefer Or Zarou'a (MS JTS Mic. 2203) ; Perouch
19
Alpha-Beta (matériau publié par M. Idel, "La traduction du Zohar de R. David ben
Yehouda he-Hassid et ses commentaires sur l'alphabet" (en héb.), 'Alé Sefer, 8, 1980,
pp. 68-70, et la suite dans 'Alé Sefer, 9, 1981, pp. 88-91 et encore M. Idel, "Matériau
cabalistique de l'école de R. David ben Yehouda he-Hassid", Jerusalem Studies in Jewish
Thought, 2, 1983).

R. Joseph ben Chalom Achkénazi (première moitié du XIVe siècle) :


Pérouch lé-Parachat Beréchit (éd. critique M. Hallamish, Magnes Press, Jérusalem, 1984) ;
Pérouch lé-Sefer Yetsira (Varsovie, 1884, rééd. Jérusalem, 1965) ; Pérouch la-Téhilim (éd.
critique M. Hallamish, Daat, 10, 1983, pp. 57-70).

R. Bahya ben Acher de Saragosse (fin du XIIIe) :


Pérouch 'al ha-Torah (éd. Chavel, 3 vol., Jérusalem, 1977) ; Kad ha-Qémah (éd. Chavel,
dans Kitvé Rabbenou Behayé, Jérusalem, 1979).

R. Joseph Angélino (écrit dans les années 20 du XIVe) :


Sefer KD Sodot (MS BN Jérusalem, 8° 1959) ; Sefer Qoupat ha-Rokhlin (MS Bodleienne
Opp. 228) ; Livnat ha-Saphir (rééd. Jérusalem, 1971).

Cette liste ne peut être bien sûr considérée comme exhaustive. On pourrait y inclure
encore quelques livres anonymes ou dont l'auteur est encore sujet à discussion, en
particulier le Sefer Brit Menouha (rééd. Jérusalem, 1959), attribué à R. Abraham de
Raymond le Sepharade et le Sefer Ha-Yihoud (MS Milan-Ambrosienne 62, éd. critique
en cours annoncée par M. Idel), attribué à R. Chem Tov de Faro. Mais elle est déjà
imposante, par son volume et sa diversité. Pourtant, malgré de multiples différences,
ces ouvrages, courts ou longs, possèdent entre eux une profonde et très réelle unité, et
leur ensemble constitue un corpus très précieux qui double le corpus zoharique
proprement dit et permet d'en avoir une meilleure intelligence. Il eut été possible de
joindre à cette liste des écrits non plus pratiquement contemporains de l'époque où le
corpus zoharique était en voie de constitution, mais des textes quelque peu antérieurs,
comme ceux des frères ha-Cohen de Soria, du cercle 'Iyoun (30), de R. Moïse de
Burgos (31), qui ont joué un rôle déterminant dans la composition du Zohar.
Le phénomène social et religieux auquel nous assistons vers la fin du XIIIe siècle et
au début du siècle suivant dans le nord de l'Espagne, avec l'élaboration progressive
d'un corpus mystique ou ésotérique juif, est une sorte de répétition en grande partie
volontaire, mais à échelle réduite, du phénomène plus ancien de formation du corpus
rabbinique du Talmud. Dans les deux cas, une communication orale a précédé - et
sans doute accompagné - la mise par écrit, en diverses strates, d'un enseignement et de
discussions parfois contradictoires. Le corpus zoharique, sous la forme dans laquelle il
nous est parvenu, est la cristallisation nécessairement inachevée d'un tel processus,
auquel un corpus parallèle plus vaste encore a contribué dans une importante mesure.
Même si beaucoup d'inconnus subsistent, on peut déjà considérer la formation d'un
corpus ésotérique juif autorisé, comme le résultat d'un effort créatif qui n'a eu de
20
précédent, au cours de l'histoire juive, qu'à l'époque où l'enseignement rabbinique
commença à être couché par écrit. Une différence essentielle pourtant, entre ces deux
processus, doit être relevée : dans le cas du corpus zoharique, la liberté interprétative
et créative personnelle, dans le cadre imposé par les formes générales d'une tradition
ésotérique ancienne, a été beaucoup plus large et elle n'a pas cessé de s'exercer une
fois le corpus constitué, et même après son édition imprimée, comme le prouvent les
ouvrages zohariques de Moché Hayim Louzzato mentionnés plus haut. De plus, le
rôle des grands commentateurs de ce corpus, ne s'est pas limité à l'élucidation de ces
difficultés ou aux résolutions de ses contradictions. Chacun l'a amplifié à sa façon,
c'est cas de R. Moïse Cordovéro (1522-1570) et de R. Isaac Louria et de son Ecole. Ce
dernier n'a pas été seulement un libre créateur de puissantes visions mystiques.
Héritier de traditions ésotériques qui n'avaient été incorporées dans le corpus
zoharique que très parcimonieusement, ou qui en avaient été évincées, mais qui se
trouvent dans le corpus secondaire dont nous venons de dresser un tableau, a réussi à
les y introduire au moyen de l'interprétation (32), non sans les avoir enrichis et
développées de manière parfois considérables.
Un phénomène parallèle lié à la fixation relative du corpus zoharique après son
impression, est la rédaction, par des auteurs des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle,
d'ouvrages de cabale "moderne", condensant l'enseignement élaboré dans les écoles
de Safed, dont la plus célèbre est celle de R. Isaac Louria, qui imitent l'araméen
zoharique devenu la langue modèle de l'expression ésotérique communiquant des
secrets censés avoir été "révélés" : c'est le cas exemplaire d'une oeuvre de R. Joseph
Caro, le Maguid Mécharim (33). D'autres auteurs se sont contentés d'écrire en hébreu
mais ont utilisé un système d'intitulés qui est encore une fois un calque des titres de la
Michna et du Talmud ; on peut citer ainsi l'ouvrage du cabaliste italien R. Immanuel
Haï Ricci, le Sefer Michnat Hassidim (la Michna des dévots) (34) qui, comme la Michna
canonique, se décompose en sedarim (ordres), en adoptant de surcroît les même titres
que ladite Michna pour chaque seder, et se décompose en masekhtot (traités) dont les
compléments de titres particuliers se réfèrent cette fois au contenu doctrinal propre à
la cabale lourianique.
La valeur normative accordée au corpus zoharique n'a donc pas empêché une longue
séries de tentatives ultérieures de rédactions de nouvelles révélations des secrets de la
Torah. Celles-ci ont connu des fortunes diverses, mais elles n'ont jamais pu supplanter
le Zohar, et pour éclore et se déployer, elles ont été souvent contraintes de se présenter
comme ses meilleures ou ses plus profondes explications. Si l'on compte plus de
quatre-vingt commentaires spécifiques qui ont été rédigés autour du corpus zoharique,
un nombre indéterminé et très grand de livres cabalistiques ou simplement marqués
par l'influence de la cabale, se réfèrent au Zohar comme à la source principale et la plus
fiable d'autorité en matière d'ésotérisme. Bien que les opposants aux Zohar n'aient pas
manqué, et que dans leurs rangs l'on remarque quelques cabalistes, en très petit
nombre cependant, si l'on en juge par les éditions multiples des différents volumes du
corpus qui le constituent, parmi lesquelles des éditions populaires, ponctuées ou
traduites en hébreu, d'autres commentées, d'autres encore au format de poche,
d'autres sous forme d'anthologies, d'autres enfin, qui en retiennent seulement certains
21
traités comme les Idra et destinées à la lecture pieuse et à la cantillation liturgique, il est
permis de considérer ses premiers maîtres d'oeuvre comme ayant réussi à imposer,
pour longtemps, un nouveau corpus inspiré sinon révélé, qui s'ajoute ainsi à la Bible et
au Talmud. Et dont le caractère plastique laisse le champ libre aux innovations et aux
amplifications.

En guise de conclusion
Une des questions que soulève l'ensemble des considérations qui précèdent s'adresse
directement aux éditeurs et aux traducteurs du Zohar. A partir de quel moment peut-
on regarder l'édition de ce corpus ou sa traduction comme étant achevée ? Traduire
ou éditer le Zohar, implique-t-il de prendre en charge la totalité du corpus, de ses
divers traités, de ses multiples strates ? Faut-il dans cette besogne prendre en compte
le corpus secondaire, immense, qui est étroitement attaché au Zohar et qui en est la clé
principale ? Ce que les éditions imprimées anciennes ont défini comme étant "le
Zohar", et qu'elles ont imprimé sous ce titre, incorpore déjà un nombre importants
d'écrits qui n'appartiennent pas au noyau initial (qui est lui même beaucoup plus
composite qu'on ne l'estimait jusqu'à présent). Quelles sont, par exemple, les limites
d'une traduction intégrale du Zohar ? Dans notre pays, un curieux choix a été fait par
le premier traducteur du Zohar en français, Jean de Pauly, dans les premières années
du XXe siècle (35). Celui-ci a incorporé des passages, parfois fort longs, qui sont le
fruit propre de ses pensées, interpolés et fondus dans l'ouvrage dont il procure une
version très libre en français, souvent une simple paraphrase, fréquemment fautive,
excluant en outre des séquences jugées de façon arbitraire comme étant des gloses
interpolées. S'il s'est efforcé de traduire en appendice les additions et la partie intitulée
Le Pasteur Fidèle, il s'est abstenu de traduire l'ensemble des écrits du Zohar Hadach et du
Tiqouné Zohar. S'en tenant à la matière des trois volumes de l'édition de Mantoue, il n'a
pas omis les traités inclus dans le Zohar, comme les Idra, au contraire de la traduction
anglaise procurée par M. Simon et H. Sperling entre 1931 et 1934 (36), qui omet un
grand nombre de passages jugés difficiles, et qui n'a rien retenu des pièces jugées
marginales par rapport au noyau initial supposé. S'il est difficile de définir un cadre en
s'en remettant uniquement aux volumes des diverses éditions du Zohar, celles-ci
fournissent cependant un critère fixe qui a fini par s'imposer et qu'on ne peut négliger.
On l'a vu, les seules normes philologiques ou historiques appliquées à la définition
d'un noyau "originel" et "authentique" ne peuvent suffire à délimiter un corpus qui
s'est étendu et amplifié au cours du temps, qui a drainé des écrits de différentes
provenances, mais qu'une unité organique, fondée sur un groupe déterminé de
cabalistes avec leurs disciples immédiats, rassemble de manière si légitime, qu'opérer
un tri entre ce qui doit faire partie d'une édition intégrale ou d'une traduction intégrale
du Zohar et de ce qui doit en être exclu, relève finalement d'un choix arbitraire. Au
nom de quoi refuser l'inclusion des pièces du corpus que l'on estimerait provenir de la
plume d'un cabaliste autre que R. Moïse de Léon ? Dans la mesure où le corpus
zoharique est une oeuvre collective, qui s'est poursuivie au-delà même de la première
génération des hommes qui y ont collaboré, il est évident que, si le travail du
22
chercheur et de l'historien consiste à déceler le plus finement possible les différentes
strates qui se sont agrégées, délimiter un Zohar à son goût serait un acte partisan et
non scientifique. Maintenant que la question qui a tant excité les savants jadis et
naguère, de la paternité du Zohar, semble bien être devenue une question accessoire,
face au problème complexe et essentiel de la constitution du vaste corpus qui s'est
aggloméré sous ce titre, la tache des éditeurs et des traducteurs s'est élargie à un point
tel qu'il est impossible d'affirmer qu'un Zohar intégral, dans sa langue ou en traduction,
sera un jour une réalité éditoriale. Une version intégrale du corpus zoharique ne
devrait-elle pas aller jusqu'à inclure les écrits zohariques de R. Moïse Hayim Louzzato
? Pourquoi les exclure au nom de leur apparition très tardive, puisqu'ils sont censés,
eux aussi (37), avoir été produits sous la dictée d'un messager céleste ? Le traducteur,
qui veut obéir à des critères objectifs et dont la besogne paraît à présent sans fin, doit
définir son projet à partir non pas d'un principe absolu qui guiderait son choix entre
ce qui appartient définitivement au Zohar et ce qui ne lui appartient pas, mais à partir
de l'intérêt relatif accordé à chaque partie. La notion d'oeuvre complète est ici non
seulement inadéquate mais elle s'oppose à la nature même du processus littéraire qui a
conduit à la constitution du corpus le plus autorisé de textes cabalistiques, qui exerce
depuis ses début, et en permanence depuis, une puissante attraction centrifuge sur
toute nouvelle création dans le domaine de l'ésotérisme.
Pour notre propre part, la traduction du Zohar que nous avons entamé et dont
quelques volumes ont paru à présent, s'oriente vers l'inclusion du plus grands
nombres de pièces, et sans prétendre à une intégralité de fait inaccessible, elle tend à
se conformer aux limites déterminées par l'ensemble des volumes des éditions
imprimées, y compris bien sûr le Zohar Hadach et le Tiqouné Zohar. Elle est cependant
ouverte aux découvertes récentes, ainsi que l'atteste l'inclusion, dans notre traduction
du Midrach Ruth du Zohar, en fin de volume, d'un passage du Midrach ha-Néélam inédit
alors en hébreu, que Moché Idel, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem a
retrouvé dans un manuscrit et nous a aimablement communiqué (38).
On peut imaginer enfin qu'une édition critique du Zohar (39), si elle doit exister un
jour, par les additions de fragments inconnus retrouvés, les omissions de passages
jugés interpolés, la réorganisation du texte en des ensembles satisfaisant à des critères
de critique textuelle, entrera à son tour dans la longue histoire de la constitution du
corpus zoharique comme un de ses moments privilégiés. Est-il permis d'espérer
qu'elle ne dessèche par la sève féconde qui a permis la production des strates
successives du Zohar, interdisant désormais, à tout jamais, tout renouvellement de la
matière textuelle (40) ?

NOTES

1. Une série de récits narrant ces légendes ont été rassemblés par H. Zeitlin dans
Bepardés ha-Hasidout veha-Qabalah, Yabné, Tel-Aviv, 1982, pp. 107-116 et par I. Tishby,
Michnat ha-Zohar vol. I, Mossad Bialik, Jérusalem, 1971, p. 34. Voir en français H.
Zafrani, Kabbale, vie mystique et magie, Masonneuve et Larose, Paris, 1986, p. 173.
23
2. Voir encore H. Zeitlin, (ibidem), p. 109, qui cite R. Avied Sar Chalom (Emounat
Hakhmim, chap. 25) et voir l'introduction de R. Abraham Azoulaï à son grand
commentaire sur le Zohar intitulé Or ha-Hama, rééd. Jérusalem, sd., introduction à
l'ouvrage, qui se réfère au Sefer Yohasin de R. Abraham Zacout. Plusieurs de ces
passages sont traduits en français par Adolphe Franck, dans La Kabbale ou la philosophie
religieuse des hébreux, rééd. Slatkine, Genève-Paris, 1981, pp. 66-67. Cet ouvrage, publié
en 1843 par un professeur de droit au Collège de France, s'il est depuis longtemps
dépassé et obsolète, ne mérite pourtant pas l'extrême mépris dans lequel il est
généralement tenu.

3. I. Tishby en donne de nombreux exemples dans Michnat ha-Zohar I (cité note 1) pp.
44-63. Il faut citer, en ce qui concerne la France, l'essai d'Adolphe Franck (cité note 2),
dont le chapitre III est intitulé "Authenticité du Zohar".

4. Dans son livre Moses ben Schem Tob de Leon und sein Verhältniss zum Sohar, Leipzig,
1851.

5. Les recherches de G. Scholem ont été résumées dans son ouvrage, Major Trends in
Jewish Mysticism, New York, 1961, pp. 156-253, qui est l'édition révisée du livre publié
en 1941 et rééd. en 1946. Traduction française de la première édition par M.M. Davy,
Les grands courants de la mystique juive, Payot, Paris, 1952, rééd. 1973, etc., p. 172 et
suivantes. La contribution de G. Scholem aux recherches sur le Zohar a été décrite
par I. Tishby, "La part de G. Scholem dans l'édude du Zohar" (en hébreu), dans
Gerschom Scholem : The Man and his Work, pp. 32-47, Jérusalem, 1983.

6. Voir Michnat ha-Zohar I (cité note 1), pp. 105-107.

7. "Comment le Zohar a été composé", dans Jerusalem Studies in Jewish Thought, "The
Age of the Zohar", vol. 8, 1989, pp. 1-71. M. Idel avait déjà envisagé la possibilité
d'une composition du Zohar au sein d'une petite communauté, voir Kabbalah, New
Perspectives, Yale Uni., New Haven, 1988, p. 380 note 66 : "This view of the Zohar as
the zenith of a certain process taking place over the two decades of 1270 to 1290 is
not, however, identical with the view that this work is the exclusive composition of R.
Moses de Leon, as assumed by Scholem or Tishby. I believe that older elements,
including theosophical views and symbols and perhaps also shorter compositions,
were merged into this kabalistic work, which heavily benefited from the nascent free
symbolism".

8. Texte publié dans "Nouveau chapitre du Midrach ha-Néélam du Zohar" (en hébreu),
Louis Ginsberg Jubilee Volume, American Academy for Jewish Research, pp. 425-446,
New York, 1945.

24
9. Jerusalem Studies in Jewish Thought, 8, 1989, "Fragment inconnu du Midrach ha-
Néélam", pp. 73-87. Traduit en français par nos soins dans Le Zohar, Le Livre de Ruth,
Verdier, Lagrasse,
1987, pp. 205-216.

10. Sur cet auteur, voir plus bas, note 26 et 27.

11. M. Idel a étudié les conceptions des cabalistes et surtout des cabalistes castillans
qui justement appartiennent au cercle où le Zohar a été composé et s'est implanté,
relatives aux interprétations de la Torah et à leur nature infinie en droit, voir
"Infinities of Torah in Kabbalah", dans Midrash and Literature, éd. par G. Hartman and
S. Budick, New Haven, Conn., 1986, pp. 141-157. Il convient de noter cependant, que
contrairement à une de ses affirmations initiales selon laquelle une telle conception est
absente dans la littérature midrachique antérieure à la cabale, on trouve dans un
midrach tardif, compilé dans l'Ecole de R. Moïse ha-Darchan de Narbonne (première
moitié du XIe siècle), l'idée du caractère infini de la Torah : "Quand David remarqua
les principes de la Torah et connu qu'il y a en elle des interprétations (midrachim) et des
détails (diqdouqim) par monceaux, à l'infini, il se mit à prier [...]" (Beréchit Rabbati, éd. H.
Albeck, Jérusalem, 1940, rééd. 1967, p. 20 ligne 1 et cf. pp. 43-44). Il est probable
qu'une telle conception ait joué un rôle important chez les auteurs et compilateurs de
midrachim tardifs comme plus tard chez les cabalistes appartenant au cercle fondateur
et amplificateur du corpus zoharique, en autorisant a priori l'expression d'une fécondité
créatrice sans borne. L'idée que le sens ésotérique de la Torah est une source de
commentaires infinis et surabondants est bien mise en évidence dans le Ra'aya
Mehemna, Zohar III, 279b. La Torah est infinie, comme le Dieu avec lequel elle se
confond, ses expressions sont donc inépuisables.

12. L'histoire de la dimension ésotérique prêtée à la Torah a été remarquablement


étudiée par M. Idel : "La conception de la Torah dans la littérature des Palais et ses
évolutions dans la cabale" (en hébreu), Jerusalem Studies in Jewish Thought, 1, 1981, pp.
23-84.

13. En fait, mettre par écrit la Torah orale, même exotérique, fut regardé comme la
transgression d'un interdit important, rendue nécessaire par la menace de la disparition
de la transmission, voir le Talmud, traité Guitin 60b, et voir notre présentation d'un
choix de commentaires, dans C. Birman, C. Mopsik, J. Zacklad, Caïn et Abel, Grasset,
Paris, 1980, pp. 143-150. On peut se demander dans quelle mesure l'acte même de
transgresser la règle de la mise par écrit de la Loi orale constitue un fondement
paradoxal de sa légitimité. Un acte transgressif effectué dans un but sacré, non pour
rejeter la Loi mais pour la consolider, elle et la société qu'elle structure, est
nécessairement un acte qui fait acquérir à celui ou à ceux qui le commettent une
puissance redoutable. C'est ce que nous apprend la vaste enquête ethnologique de L.
Lévy Makarius, Le sacré et la violation des interdits, Payot, Paris, 1974. Le fait même
d'écrire ce que la Loi interdit d'écrire - selon ses transmetteurs - au nom de cette
25
même Loi, fait acquérir puissance et légitimité aux textes que ceux-ci ont produit. La
rédaction même du Zohar, du moins de ses parties les plus ésotériques, est présentée
par son (ou ses auteurs) comme une violation de l'interdit d'exposer publiquement les
secrets de la Loi, dans l'intention méritoire de la sauver de la trahison et du
délaissement (voir Idra Rabba Qadicha, Zohar III, 127b).

14. Un bon exposé de l'histoire du corpus rabbinique et de ses éléments est l'ouvrage
de H.L. Strack et G. Stemberger, Introduction au Talmud et au Midrach, Cerf, Paris, 1986.

15. Ouvrage traduit en français par N. Séd, Le Livre Bahir, Arché, Milan, 1987.

16. La plupart des précisions fournies ici concernant les différents titres donnés au
Zohar par premiers utilisateurs proviennent du maître-livre de I. Tishby, Michnat ha-
Zohar, vol. I (cité note 1) p. 37 à 38.

17. Livre souvent cité au Moyen Age mais considéré depuis comme perdu, des
fragments ont été retrouvés depuis et publiés par J. N. Epstein et E. Z. Melammed,
Mekhilta dé-Rabbi Sim'on b. Johaï, Jérusalem, 1955, réimp. en 1979.

18. Voir G. Scholem, Les grands courants de la mystique juive (cité note 5), p. 394 note 17.

19 . Sur ces Michnayot (Matnitin et Tossephta) du Zohar, voir E. Gottlieb, Etudes sur la
littérature cabalistique (en hébreu), éd. par J. Haker, Tel Aviv, 1976, p. 163-214 et plus
récemment, D. Matt, "La technique du hidouch dans le Zohar" (en hébreu), Jerusalem
Studies in Jewish Thought, vol. 8, 1989, pp. 130-145. Selon cet auteur, le Zohar "ne tend
pas à rabaisser le Talmud et ses étudiants, il crée simplement une littérature rabbinique
alternative" (pp. 129-130).

20. D'après A. Glodreich, l'auteur de ces ouvrages, bien qu'étant d'origine espagnole,
les aurait peut être rédigés ailleurs, en Afrique du Nord et peut être au Maroc, voir
"Un terme ibérique dans un fragment inconnu de l'auteur du Tiqouné ha-Zohar" (en
hébreu), Jerusalem Studies in Jewish Thought, 8, 1989, pp. 89-121. Cet auteur dont on
ignore le nom, a écrit par ailleurs une oeuvre en hébreu distincte de ses écrits
"zohariques", ce qui confirme la nature tout à fait spécifique du mode d'écriture
utilisée pour introduire sciemment de nouvelles strates dans le corpus initial. Ces écrits
en hébreu ont été signalés par E. Gottlieb, Etudes sur la littérature cabalistique (en
hébreu), éd. par J. Hacker, Tel Aviv, 1976, p. 256.

21. Voir Idra Zouta, Zohar III, fol. 284b-296b.

22. C'est dans son Pardés Rimonim que R. Moïse Cordovéro tentera d'harmoniser les
idées de ces deux écrits ; sur cet auteur, voir l'introduction de la traduction faite par
nous de son Palmier de Débora, Verdier, Lagrasse, 1985.

26
23. Il s'agit d'un texte inséré dans Zohar I, 170a, qui n'est pour l'essentiel qu'une
traduction araméenne d'un passage du Sefer Ta'amé ha-Mitsvot de R. Joseph de
Hamadan, voir A. Altmann, "La question de la paternité du Sefer Ta'amé ha-Mitsvot,
attribué à R. Isaac ibn Frahi" (en hébreu), Qiryat Sefer, 40, 1945, p. 265. D'autres
passages du Zohar sont également pressentis par Y. Liebes comme issus de R. Joseph
de Hamadan, voir "Comment le Zohar a été composé" (cité note 7 supra), p. 4 fin de
la note 12. Le même chercheur signale, dans cette même note, encore d'autres
passages du Zohar qui sont probablement l'oeuvre d'une autre plume que celle de son
rédacteur principal : Zohar II, 38a-39b, 177b-178b, le texte imprimé à la fin du Zohar
Hadach (section Ki Tavo)

24. Zohar I, 211b-216a ; ce passage a déjà été signalé par les imprimeurs comme
provenant d'une autre main que le reste du Zohar.

25. Il ne faut pas confondre cet opuscule (signalé par G. Scholem dans sa Bibliographia
Kabbalistica, p. 183) avec le Midrach ha-Néélam sur le livre de Ruth, que nous avons
récemment proposé en traduction française, voir Le Zohar, Le Livre de Ruth, Verdier,
Lagrasse, 1987, p. 5. Ce petit écrit zoharique, intitulé aussi La Montagne du Seigneur (har
ha-Chem), débute par un échange entre R. Siméon ben Yohaï et le Berger Fidèle
(Moïse), qui s'entretiennent ensemble dans une grotte mystique. Ce texte a été publié
dans les dernières pages recueil Yalqout ha-Ro'im, Lewin-Epstein, Jérusalem, rééd.
1973, non paginé.

26. Ces fragments ont été édités par R. H. Friedlander, dans Guinzé Ramhal, vol. II,
Bné Braq, 1984, p. 289 à 291 (sur la péricope Miqets et dans Otsrot Ramhal, vol. IV, Bné
Braq, 1986, p. 261 à 264. D'autres écrits dictés également par le maguid ou messager
céleste à R. Moïse Hayim Louzzato ont été rédigés en araméen zoharique, voir, chez le
même éditeur, Otsrot Ramhal, vol. IV, pp. 256-260 et 325-326.

27. Edité à Jérusalem, en 1958. Cet écrit comporte en outre un analogon de l'Idra
Qadicha du Zohar, pp. 110-119. Une analyse bibliographique des écrits zohariques de R.
M. H. Louzzato est procurée par M. Benayahou dans Les écrits de cabale du Ramhal (en
hébreu), Jérusalem, 1979, pp. 214-226, qui le premier, a édité dans cet ouvrage les
fragments du Second Zohar, évoqués au début de la note précédente, voir pp. 263-270.
Récemment, Tsvia Rubin a étudié ces écrits dans son article "Les compositions
zohariques du Ramhal et la conception messianique du Zohar dans ses écrits" (en
hébreu), paru dans Jerusalem Studies in Jewish Thought, vol. 8, 1989, pp. 387-412. Les
propres textes zohariques de R.M.H. Louzzatto ont été imités, voir Y. Liebes, "Une
composition dans la langue du Zohar de R. Wolf fils de R. Jonathan Eybeshutz,
relative à son groupe et au secret de la rédemption" (en hébreu), Qiryat Sefer, 57, 1982,
pp. 149-155.

28. Quelques unes de ces incorporations ont été déjà identifiées, nous avons déjà
signalé celle que l'on doit à R. Joseph de Hamadan (voir plus haut note 23). L'une
27
d'elle a été attribuée à R. David ben Yehouda he-Hassid, par A. Goldreich, dans sa
thèse en hébreu, intitulée Le Sefer ha-Guevoul de R. David ben Yehouda he-Hassid, méthodes
de fabrication d'un texte zoharique après la parution du Zohar (en hébreu), Université de Tel
Aviv, 1972, p. 46 ; il s'agit du paragraphe n°9 de l'addition publiée dans Zohar III 303a.
Deux autres textes incorporés dans le corpus zoharique ont été attribués à R. Joseph
Angélino par Y. Liebes, dans son article déjà cité plus haut (note 7), "Comment le
Zohar a été composé" (p. 65 note 293), il s'agit du texte qui constitue la péricope
Vayéchev du Zohar Hadach (29a-d), qui correspond aux pages 55c-56d du Livnat ha-
Saphir et au fol. 154 du Qoupat ha-Rokhlin ; l'autre texte identifié constitue la péricope
Ki Tissa du Zohar Hadach (43d-46b), une partie de cette pièce correspond aux pages
86d-88a du Livnat ha-Saphir, elle a été également imprimée comme addition au Zohar
II, 276a-277a.

29. Voir la citation de son livre, le Sefer Berit Menouha, par Y. Liebes dans son article
cité plus haut (note 7), p. 65 note 294.

30. Le Zohar comprend de nombreux passages qui correspondent par leur style et leur
contenu aux écrits du cercle Iyoun (voir à son propos M.W. Verman, Sifrei ha-Iyyun, A
thesis presented to Harvard Uni., Cambridge Ma., 1984). Ces écrits proviennent semble-t-il
(cf. M.W. Verman, ibidem pp. 173-178), de l'école des frères Ha-Cohen, appelés par G.
Scholem "cabalistes gnostiques", qui écrivent au milieu du XIIIème siècle ; voir
encore à ce sujet Y. Liebes, "Comment le Zohar a été composé" (cité note 7), p. 5.
Plusieurs écrits des frères Ha-Cohen ont été publiés par G. Scholem, dans Mada'aé ha-
Yahadout, II, 1927.

31. R. Moïse de Burgos (1230-1300), dont une série d'écrits ont été publiés par G.
Scholem, "R. Moïse de Burgos, disciple de R. Isaac" (en hébreu), dans Tarbiz, 3, 1932,
pp. 258-286 ; 4, 1933, pp. 54-77, 207-225 ; 5, 1934, pp. 50-60, 180-198, 305-323. Un
autre texte de cet auteur a été publié dans Liqoutim mé-Rav Haï Gaon, in Ner Israël,
Jérusalem, s.d.

32. Sur des traditions anciennes de la cabale espagnole dont s'est inspiré R. Isaac
Louria, voir M. Idel, "Une figure d'homme au-dessus des sefirot", trad. en français par
C. Mopsik dans Pardés, 8, 1988, p. 136 et suivantes.

33. Sur cet ouvrage, voir la monographie de R.J. Z. Werblowsky, Joseph Karo, Lawyer
and Mystic, Philadelphie, 1977.

34. Ouvrage réédité à New York par M. Blum en 1975.

35. Sepher ha-Zohar en 7 vol., 1906-1912. Plusieurs réimpressions depuis chez


Maisonneuve et Larose, dont la plus récente est intitulée Zohar, Le livre de la Splendeur,
1985 et suiv.

28
36. Publié à Londres, en 5 volumes, aux éditions Soncino, sous le titre The Zohar.

37. D. Matt a suggéré qu'une partie du noyau intial du Zohar a pu être rédigée par R.
Moïse de Léon sous l'impulsion d'une écriture automatique d'inspiration céleste, voir
Zohar : The Book of Enlightenment, New York, 1983, introduction.

38. Cette pièce a été éditée récemment dans sa langue et de façon critique par M. Idel,
"Une pièce inconnue du Midrach ha-Néélam" (en hébreu), dans Jerusalem Studies in Jewish
Thought, vol. 8, 1989, pp. 73-87. Quant à notre traduction, seuls ont paru à ce jour les
volumes I et II, ainsi que le Zohar sur le Livre de Ruth (cité note 25).

39. La toute première édition critique d'une pièce du Zohar qui ait jamais vu le jour, est
l'oeuvre d'un jeune chercheur, S. G. Wald, The Doctrine of the Divine Name, An
Introduction to Classical Kabbalistic Theology, Brown Judaic Studies, n° 149, Atlanta,
Géorgie, 1988. Il s'agit d'une courte pièce intitulée Sitré Otiyot Hachem, imprimée
communément au début du Zohar Hadach, 1b-6c. L'édition critique précitée est
pourvue d'une traduction partielle en anglais. Le projet d'une édition critique de
l'ensemble du Zohar, dirigé par Rivka Chatz, professeur à l'Université Hébraïque de
Jérusalem, est actuellement à l'étude. Il serait mis en oeuvre par plusieurs
collaborateurs.

40. Une édition assez récente du Zohar et du Zohar Hadach, en 21 volumes, ou en 10


volumes, selon les tirages, offre de multiples avantages, parmi lesquels de nombreuses
variantes des éditions imprimées, des renvois internes, une traduction mot à mot en
hébreu du texte araméen, et elle est pourvue d'un commentaire utile bien qu'il s'écarte
souvent du sens immédiat. Elle est l'oeuvre de R. Yehouda Lev Halévy Achlag,
cabaliste qui fut entre autre grand rabbin de la centrale syndicale israélienne, la
Histadrout. Elle est intitulée Sefer ha-Zohar 'im Perouch ha-Soulam (1ère éd. en 21 vol.,
Jérusalem, 1945-1955). Le caractère militant de cette édition qui vise à rendre
accessible à un large public d'hébraïsants modernes le texte araméen, a effectivement
permis à de très nombreux lecteurs d'aujourd'hui, d'accéder au corpus zoharique. Elle
est loin cependant d'être une édition critique et respecte le texte des éditions
imprimées antérieures et pour l'essentiel, elle a adopté leur architecture.

Pour l'index du volume Titre et corpus

Le corpus zoharique, ses titres et ses amplifications

Index des auteurs modernes

Achlag L., 104


Altmann A., 95
Benayahou M., 96
29
Franck A., 76
Friedlander H., 96
Goldreich A., 94, 97
Gottlieb E., 89, 94, 99
Hallamish M., 99
Idel M., 77, 79, 80, 93, 99, 100, 104
Jellinek A., 77
Lévy-Makarius L., 81
Liebes Y., 77, 78, 94, 95, 96, 97, 98, 100, 101
Matt D., 89, 99, 103
Meier M., 99
Pauly (de) J., 103
Rubin T., 96
Scholem G., 76, 79, 87, 93, 95, 99, 100
Séd N., 82
Simon M., 103
Sperling H., 103
Stemmberger G., 81
Strack L., 81
Tishby I, 75
Tishby I., 77, 83, 99
Verman M., 100
Wald S., 104
Werblowsky J., 101
Wijnhoven J., 98
Wolfson E., 99
Zafrani H., 75
Zeitlin H., 75, 76
Zwelling J., 99

Index thématique

attribution du Zohar 77, 78


cabalistes chrétiens 76
codification 81
cosmologie 91
Ecritures sacrées 75, 102
enseignements célestes 79
ésotérisme 76, 78, 80, 82, 86, 87, 89, 94, 100, 101, 104
imprimeurs 79, 85, 95, 97, 102, 104
littérature des Palais 82, 87, 91
Littérature rabbinique 75, 81, 82, 85, 87, 89, 100
Livre révélé 75, 80, 93, 94, 96, 97, 101, 102, 103
30
Métatron 94
pseudépigraphie 84-85, 87
résurrection 90
Torah et infini 80
Torah orale 80, 81, 86

31

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