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gaule romaine
divodurum
metz antique
Metz est une ville importante
durant l’Antiquité en raison
de sa situation stratégique,
à la confluence de la Moselle
et de la Seille. Depuis une
trentaine d’années, son histoire
s’est enrichie grâce aux travaux
de l’archéologie préventive,
affinant les connaissances
du passé gallo-romain de la ville.
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Antiquité magazine
divodurum, metz antique
Vue panoramique de Metz vers le IIe-IIIe siècles. 1 Porte de la ville, ralliant le cardo et donnant sur la
voie vers Trèves 2 Thermes du nord 3 Porte de la ville, en direction de la voie de Strasbourg 4 Porte
de la ville, ralliant le decumanus, et donnant sur les voies vers Mayence et Strasbourg 5 Thermes SaintJacques 6 Maison Quarrée et centre monumental 7 Petit amphithéâtre 8 Porte de la ville, au niveau
de l’actuelle pont des Roches, menant à Verdun et Reims 9 Grand amphitéâtre 10 Porte de la ville, sous
l’actuelle Porte Serpenoise, ralliant le cardo et donnant sur la voie vers Trèves. ❚
(Aquarelle de Jean-Claude Golvin. Musée départemental Arles Antique © Jean-Claude Golvin / Éditions Errance.)
10
par Kévin Alexandre Kazek
et Julien Trapp
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A
près la conquête des Gaules au
milieu du Ier siècle avant notre ère,
Divodurum, dont le nom pourrait
signifier colline divine ou un lieu sacré,
devient le chef-lieu de la civitas Mediomatricorum, la cité des Médiomatriques. Elle
est rattachée à la province de Gaule belgique
(Gallia Belgica) dont la capitale est Reims.
Divodurum a développé son territoire
autour de l’ancien oppidum celtique. Rarement citée par les historiens antiques, elle
n’est mentionnée qu’à l’occasion d’épisodes
violents. À son apogée, sa population est
estimée à près de 10 000 habitants, répartis sur une centaine d’hectares. Cela en fait
une des villes les plus importantes de Gaule
belgique durant le Haut Empire, après
Trèves et Reims.
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gaule romaine
L’oppidum celtique de Metz
L
Torque retrouvé dans
les environs de Metz,
Âge du fer.
(photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
es premières traces d’occupation du site de
Metz remontent au Bronze final, vers 1
000 av. J.-C., avec la découverte d’urnes
cinéraires sur la colline Sainte-Croix.
L’occupation pérenne du site semble toutefois
n’avoir lieu qu’à la fin de l’âge de Fer, entre le IIIe
et le Ier siècle av. J.-C. La mise au jour d’une quinzaine d’urnes funéraires témoigne de la présence d’une nécropole durant la seconde moitié du
IIIe siècle av. J.-C. Le mobilier funéraire se compose essentiellement d’éléments de parure, comme
des torques et des fibules.
Situé à la confluence de la Moselle et de la Seille,
le site est fortifié vers 110 av. J.-C. L’oppidum est
installé en hauteur (188 m) et s’étend peut-être
sur une dizaine d’hectares. Pour le protéger, un
rempart composé de poutres en bois, de pierre
et de terre, est construit, puis réparé à deux
reprises jusqu’à la guerre des Gaules au
milieu du Ier siècle av. J.-C. Ce rempart
bénéficiait d’un fossé de protection au
nord et au sud de la colline. Pourtant,
l’organisation interne de l’oppidum
demeure mal renseignée, tout
comme son importance au sein de
la cité des Médiomatriques. Les
activités qui y étaient pratiquées
sont d’ailleurs indéterminées.
Long- temps considéré comme
le chef-lieu de la cité, les travaux
récents tendent à montrer que
l’oppidum principal était situé près
de Saverne (Bas-Rhin, Alsace), au
fossé des Pandours, et que celui de
Metz avait une position secondaire. ❚
Urne cinéraire datant de la seconde moitié du IIe siècle
av. J.-C. découverte sur la colline Sainte-Croix à Metz. (photo
Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Évocation 3D du mur à poutrage interne qui protégeait la
colline Sainte-Croix à la fin du IIe siècle av. J.-C. (infographie Nicolas Gasseau, extrait de l’Atlas historique de Metz.)
Divodurum présente une emprise urbaine étendue dès la fin du Ier siècle avant notre ère. Comme de nombreuses villes romaines, elle s’organise autour de deux axes de communications
majeurs, le cardo maximus et le decumanus
maximus. La voie d’Agrippa reliant la frontière de l’Empire (limes) à la Méditerranée constitue le cardo maximus et pénètre dans le tissu
urbain par la porte Serpenoise, au sud. Cette
voie se dirige au nord vers Trèves en longeant
la rive orientale de la Moselle. Le decumanus
maximus semble traverser la ville d’est en ouest
en empruntant l’actuelle Fournirue pour sortir de la ville à l’est en direction de Mayence
(Mogontiacum).
L’organisation interne est mieux connue grâce
aux fouilles archéologiques des trente dernières
années, montrant les particularités du tracé des
voies antiques à Metz. En effet, il n’existe pas
de quadrillage orthonormé régulier, comme
dans d’autres villes romaines de l’Empire, mais
plusieurs orientations du réseau viaire. Au sud,
les rues s’organisent autour d’un plan plus ou
moins trapézoïdal, avant de retrouver une organisation plus régulière dans le secteur des rues
Winston-Churchill et du Coëtlosquet.
Des faubourgs se sont développés dès le Haut
Empire. À l’ouest et à l’est, les quartiers d’Outre-Moselle et d’Outre-Seille s’organisent selon
la topographie, sans suivre celle du centre de
la ville. Pour le relier, des ponts en bois sont
construits. Un est attesté en amont du pont
Saint-Georges, permettant d’atteindre le Pontiffroy, tandis qu’un autre a pu enjamber la
Seille dans le secteur de la place des Paraiges,
pour rejoindre l’Outre-Seille.
Au sud de la ville, les fouilles récentes de l’INRAP
et de Metz Métropole ont montré une occupation résidentielle et artisanale des environs du
grand amphithéâtre entre la fin du Ier siècle et
le Ve siècle. Le secteur de la place Mazelle, près
de la Seille, est occupé par une zone de dépotoirs durant la seconde moitié du IIIe siècle, tandis que le quartier de Sablon accueille des zones
de nécropoles. ❚
Chapiteau pseudo-corinthien
découvert dans le secteur de l’esplanade.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
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Antiquité magazine
divodurum, metz antique
La parure monumentale
Alors que les maisons en terre et en bois sont
remplacées progressivement par des bâtiments
en pierre durant la seconde moitié du Ier siècle, le
centre public avec ses édifices monumentaux qui
apparaissent à cette période reste assez mal connu.
Des monuments publics mal identifiés
D’après la tradition, le centre de Divodurum était
localisé au croisement du cardo maximus et du
decumanus maximus, sans que cela n’ait été formellement prouvé. Le forum, centre de la vie
civique et commerciale de la cité, ne peut donc
pas être localisé avec précision. Son emplacement supposé pourrait se situer entre la rue au
Blé et la rue Serpenoise, traversant les actuelles
places Jean-Paul-II et Saint-Jacques. Des éléments architecturaux découverts à proximité
abondent dans ce sens.
Alors que la présence d’une basilique imaginée
par René Jolin est plus qu’hypothétique, il est
certain qu’un autre bâtiment antique, la Maison
Quarrée, est avéré au centre de cet ensemble. Son
plan rectangulaire de 22,50 m sur 17,50 pour une
hauteur de plus de 16 m laisse penser à un bâtiment public. Sa fonction n’est toutefois pas reconnue avec certitude. Il pourrait s’agir aussi bien
d’une basilique, que d’un temple d’inspiration
celtique, ou fanum, comme celui de Janus à
Autun. À une dizaine de mètres au sud de ce bâtiment, un ensemble interprété par R. Jolin comme
un portique, a été mis au jour au XVIIIe siècle.
D’autres structures pouvant être identifiés comme
des édifices publics ont, par ailleurs, été observés
dans la ville. Près de l’entrée sud, sous les bâtiments
de l’évêché actuel, deux pièces contigües datant de
l’époque gallo-romaine sont encore visibles. À ce
jour, ces deux galeries ont été identifiées comme
des cryptoportiques ou un entrepôt.
Un autre ensemble monumental, situé entre la
Nexirue et la rue des Clercs, peut être interprété comme un bâtiment
public. Outre un mur de
pierre conservé sur plus
de 12 m, une baignoire ainsi qu’un système de chauffage par
hypocauste ont été
mis au jour.
Vue de l’élévation de la Maison Quarré de Metz au XVIIIe
siècle. L’ensemble est appareillé en pierre calcaire et en brique.
(Erik Groult, d’après Caylus, 1762.)
Divodurum au IIIe siècle. En rouge, l’aire urbanisée reconnue au Haut Empire. (DAO Julien Trapp, Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
Élément d’architrave,
place Saint-Jacques.
(photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
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gaule romaine
Inscription découverte près de l’amphithéâtre mentionnant
M. Vegisonius Marcellus. (photo Laurianne Kieffer, Musée de
La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Plan de l’amphithéâtre de Metz. En rouge, les parties exhumées lors des fouilles, en gris, la restitution hypothétique du
plan. (DAO Bernard Paiche / Damien Bouet, d’après Schramm 1902.)
L’amphithéâtre
Evocation de
l’amphithéâtre de
Metz et de son quartier.
(infographie Nicolas
Gasseau, extrait de l’Atlas
historique de Metz.)
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Dans de nombreuses villes de l’Empire, c’est sans
nul doute l’amphithéâtre qui caractérise le mieux
les apports de la civilisation romaine. En Gaule,
les monuments de spectacle des cités les plus
riches sont souvent imposants, semblables aux
plus belles réalisations italiques. À ce titre, le Colisée de Rome, construit sous les Flaviens, reste
pour les puissants le modèle par excellence que
l’on rêve d’égaler. Par ses dimensions gigantesques
et ses décors très luxueux, ce colosse incarne à lui
seul l’orbis romanum (l’Empire romain.)
Dans toutes les provinces, l’affirmation des élites
locales passe par la construction d’édifices majestueux qui symbolisent leur pouvoir. L’architecture particulière de l’amphithéâtre est unique et
frappe indéniablement les esprits des populations et, surtout, des voyageurs qui découvrent
pour la première fois un tel monument. À Divodurum, l’emplacement du grand amphithéâtre
dans la plaine du Sablon remplit parfaitement
ce rôle auprès de tous ceux qui arrivent au cheflieu de cité par le sud.
Antiquité magazine
Les principales dimensions de ce monument ont
été données par E. Schramm à la suite de fouilles
réalisées entre 1902 et 1903. Le grand axe mesure 148 m de long pour un petit axe de 124,32 m.
La cavea (gradins) possède une surface de 12 332 m2
et peut fournir plus de 30 000 places assises. L’arène (du latin arena, le sable), sur laquelle se déroulent les spectacles, bénéficie d’une surface
confortable de 2 119 m2, soit 61 m2 de plus qu’à
Nîmes mais 1526 m2 de moins qu’à Rome !
Cela n’enlève rien au caractère exceptionnel de
l’édifice messin qui se place par sa taille et ses capacités de contenance au deuxième rang des monuments de spectacles en Gaule, un territoire où l’on
a découvert plus de 41 constructions de ce type.
Avec le Colisée, seuls cinq amphithéâtre surpassent celui de Divodurum dans le reste de l’Empire (Caesarea, Carthage, Capoue, Pouzzoles et Vérone) et pour la Gaule belgique, il fait figure d’unicum
puisque Trèves possède une structure bien différente équipée de places moins nombreuses.
Au temps de sa splendeur, l’amphithéâtre devait
paraître colossal. Sa façade constituée de deux ou
trois étages mesurait près de 30 m de hauteur et
comportait de nombreuses arcades ainsi qu’un
décor de colonnes sur le premier niveau. L’ensemble
reflétait les aspirations de la cité et servait à marquer son prestige. Cet édifice ou, tout au moins,
une partie, a pu être élevé grâce à l’évergésie d’un
certain M. Vegisonius Marcellus, notable de la cité,
d’après une inscription découverte en 1737 près
de la porte Saint Thiebault et l’existence d’un fragment lapidaire retrouvé en 1902 près de la redoute du Pâté (Corpus des Inscriptions Latines, XIII,
4317-4318). Cette pierre conservée au Musée de
La Cour d’Or, mentionne très distinctement le
gentilice d’origine gauloise du donateur : VEGISO(nius).
divodurum, metz antique
Mosaïque aux gladiateurs,
découverte place Coislin, IIe-IIIe siècles.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Malheureusement, la date exacte de construction de l’amphithéâtre reste discutée. E. Schramm proposait de placer son érection au règne de
Trajan (98-117 ap. J.-C.) à la suite de la découverte d’une monnaie à son effigie, tandis que J.B. Keune (directeur du Musée à partir de 1899)
avançait l’époque flavienne et plus particulièrement les environs de l’année 80 ap. J.-C. qui vit
l’inauguration du Colisée. Si les fouilles récentes
de l’INRAP menées par F. Gama en 2006-2007
n’ont pas permis d’affiner cette chronologie, elles
ont toutefois servi à démontrer que le quartier
de l’amphithéâtre a commencé à se développer
dans le dernier quart du Ier siècle. Est-ce une
simple coïncidence ou la confirmation d’un essor
économique qui touche cette zone peu après la
mise en service du grand amphithéâtre ?
En effet, il faut imaginer une intense activité liée
aux spectacles à cet endroit avec des lieux d’accueil
pour le public, des tavernes pour se restaurer et
des commodités prévues pour le bien-être de
tous. La mosaïque aux gladiateurs mise au jour
en 1969 place Coislin donne une idée assez précise des exhibitions auxquelles pouvaient assister les médiomatriques et les voyageurs en
recherche de sensations fortes. Sur ce pavement
ce sont des combattants réputés qui s’affrontent
mais tout indique que l’arène de Divodurum devait
proposer d’autres divertissements. Les amateurs
de cynégétique de tradition gauloise – avec ses
codes vestimentaires et ses techniques que l’on
devine en observant l’iconographie de la céramique sigillée –, devaient apprécier les venationes
données dans l’arène. Ces chasses sanglantes au
cours desquelles les ours, les cerfs et les sangliers
s’affrontent ou s’opposent à des hommes armés
d’épieux mettaient à l’honneur la bravoure et la
persévérance. De même, les ludi meridiani (jeux
de midi) qui réunissent des combattants utilisant des fouets et des bâtons, comme on peut les
découvrir sur des enduits peints de la villa de
Liéhon (Moselle) mis au jour en 2003 par J.-D.
Laffitte, avaient aussi les faveurs des spectateurs.
LA Mosaïque aux gladiateurs
une mosaïque pour se souvenir
On mesure souvent l’importance d’une ville à la variété de ses restes matériels. Divodurum possédait une parure monumentale de qualité comme en témoigne le grand amphithéâtre mis au jour dans le quartier du Sablon au tout début du XXe siècle. Lors des fouilles,
on pouvait aussi s’attendre à trouver davantage de décors soignés, manifestation des
goûts d’une population aisée, mais le faible nombre de mosaïques dégagées au sein de
l’agglomération messine a très tôt frappé les archéologues. Ce n’est qu’en 1969 qu’un
pavement remarquable fut enfin découvert place Coislin. Il possédait un intérêt multiple
puisqu’il présentait la première scène historiée trouvée à Metz, il donnait à voir quatre
gladiateurs dans l’attitude du combat et, surtout, il était inscrit.
À cette époque, la seule mosaïque inscrite connue pour l’ensemble de la Gaule belgique
se trouvait à Trèves, en Allemagne. Il s’agissait d’une belle réalisation qui avait été exhumée à la fin du XIXe siècle et sur laquelle figurait l’aurige Polydus. La trouvaille messine
était donc intéressante à plus d’un titre et son caractère insolite se confirmait par la présence de gladiateurs. Un type de représentation qui était alors peu répandu dans les
répertoires iconographiques. Après une restauration qui donna lieu à une étude stylistique, quatre combattants purent être identifiés puis clairement désignés :
– un homme maintenant une hampe dont la position du corps rappelle la posture du retiarius. Les trois lettres restantes (DVS) ne constituent qu’une partie de son anthroponyme.
– un personnage tourné vers la droite, armé d’un long bouclier et d’un petit glaive, qui
doit appartenir à la catégorie des secutores. La lettre M semble bien correspondre au
commencement de son nom.
– un second retiarius – Senilianus ou Seninianus – parfaitement reconnaissable à sa
large épaulière (le galerus).
– un second secutor, Prudens, coiffé d’un casque enveloppant très caractéristique.
Au-delà de cette galerie de gladiateurs dont la panoplie correspond peu ou prou aux
canons habituels, ce sont surtout les signes graphiques qui ont attiré l’attention des historiens. Ils servent à identifier des hommes qui ont sûrement dû exister et qui ont probablement foulé le sable de l’amphithéâtre de Metz. Pour cette raison, la présence de
lettres confère à ce pavement une dimension historiographique de premier ordre.
On peut supposer que certains spectacles donnés à Divodurum étaient renommés pour
leur qualité. Bien que l’on relativise aujourd’hui la fréquence des affrontements qui mettaient aux prises des gladiateurs célèbres dans les arènes de province, cette mosaïque
inscrite témoigne d’une pratique qui n’était pas inconnue des populations gallo-romaines.
D’ailleurs, la volonté d’immortaliser dans la pierre l’image de ces stars de l’amphithéâtre
va absolument dans ce sens. Celui de louer une exhibition hors du commun qui a, semblet-il, marqué les esprits. ❚
Sur ce point, l’organisation des jeux de l’amphithéâtre peut être considérée comme une des originalités de Divodurum. À n’en pas douter, Metz
était un carrefour incontournable pour toutes celles
et ceux qui souhaitaient se divertir, passer du bon
temps et profiter des plaisirs offerts par la ville.
Cet art de vivre, fait de loisirs et d’amusements
typiquement romains, se retrouvent pleinement
dans l’aménagement de la demeure au sein de
laquelle les peintures murales et les mosaïques
contribuent, à leur manière, au bien-être quotidien d’une frange de la population.
n°8 / été 2017
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gaule romaine
Enduit peint représentant un chasseur à l’épieu, Metz
Pontiffroy, fin du Ier siècle - début du IIIe siècle. (photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or,Metz Métropole.)
Le décor de la maison
Les sociétés occidentales actuelles ont, d’une
certaine manière, des modes de vie très proches
des populations gallo-romaines des Ier et IIIe siècles ap. J.-C. : les loisirs et la recherche du bienêtre à la maison en constituent deux aspects importants. Le décor de la demeure par le choix
des motifs iconographiques et des couleurs employés pour l’ornementation des murs et des sols
renvoie aux autres l’image de la réussite, des goûts
et du raffinement du propriétaire.
Après la conquête, avec l’essor de la romanisation,
les savoir-faire et les modes de vie inspirés par la
tradition gréco-romaine pénètrent progressivement les différentes provinces de l’Empire. En
Gaule, l’appartenance à la romanité peut se traduire de différentes manières. L’apprentissage
du latin et le besoin de dévoiler son éducation –
comme l’illustre l’iconographie de plusieurs stèles
funéraires mises au jour lors des travaux du centre
Saint Jacques – constituent un moyen d’affirmer
cette adhésion à la culture romaine, tandis qu’au
sein de la sphère privée, ce sont des décorations
soignées et des aménagements utilitaires qui
assurent ce rôle.
Plafond à réseau de motifs de losanges, d'octogones et de
fleurons cordiformes, Metz, rue de la Glacière, début du IIIe siècle.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
10 Antiquité magazine
Ici, la fonction des pièces qui reçoivent ces décors
est fondamentale comme le nombre et la qualité des mosaïques et des enduits peints qui ornent
les sols et les parois de l’habitation. Il faut donc
rester prudent lors de l’interprétation de ces traces
d’un savoir-faire et d’un savoir-vivre romain. Finalement, les notions d’esthétisme, de qualité du travail (quels types d’ateliers ?) comme la quantité
des décors peuvent naturellement concourir à
mieux discerner une maison riche ou très riche
de l’habitat des classes moyennes et des plus
modestes.
À titre d’exemple, à Metz et dans sa région, les
fouilles menées ces dix dernières années n’ont
pas permis d’exhumer le moindre pavement de
mosaïque. À l’inverse de Trèves qui conserve des
dizaines de mosaïques, seules quatre réalisations
remarquables traduisent une forme de richesse
du décor de la maison messine pour les IIe et IIIe
siècles ap. J.-C. Il s’agit de la mosaïque aux gladiateurs dégagée place Coislin en 1969 dont l’iconographie trouve un pendant sur des enduits
peints découverts dans le quartier du Pontiffroy
en 1974 (scènes de venatio et de ludus meridianus), de la mosaïque aux oiseaux trouvée rue Maurice-Barrès en 1970, de la mosaïque de la rue
Pierre-Hardie mise au jour en 1994 et d’une petite réalisation géométrique exhumée en 1990 rue
de la Princerie, conservée in situ. Ce faible nombre s’explique difficilement, malgré l’existence de
deux pavements remarquables, aujourd’hui détruits, découverts lors de la construction de l’Hôtel de ville en 1754 et pour lesquels aucune technique de dépose n’avait été envisagée à l’époque.
À l’inverse, les découvertes de peintures murales
sont beaucoup plus fréquentes et dévoilent une
importante diversité technique et iconographique. Mais comme l’ont montré les synthèses
récentes, elles ne sont pas toujours l’apanage des
maisons excessivement riches. L’exemple des imitations de marbre pour la décoration des murs
est sur ce point très éclairant comme en témoigne
le résultat des fouilles menées en 2001 sur l’îlot
Turmel et en 2009 sur le site de Sainte-Chrétienne. Le goût pour le mouchetis, procédé éco-
divodurum, metz antique
nomique de réalisation d’une imitation de marbre
va progressivement laisser place à des réalisations
plus soignées qui donnent vraiment l’impression
d’être en présence d’un décor marbré ou de marbres veinés.
Finalement, la seule maison messine réunissant
toutes les qualités d’une demeure de grand standing a été mise au jour rue de la Pierre-Hardie.
Ce site a révélé plusieurs phases d’habitats successifs. Ce sont les dernières phases d’occupation
qui donne une idée de ce que pouvait être une
très belle domus en pierre entre 170 et 250/260
ap. J.-C. à Divodurum. Ici, tous les éléments de
confort sont réunis : une pièce chauffée par un
système d’hypocauste (l’ancêtre de notre chauffage au sol), une mosaïque géométrique polychrome de bonne facture avec des motifs de peltae et de scutae (deux types de boucliers utilisés par
les guerriers de l’Antiquité), une peinture murale
d’une belle qualité d’exécution avec prédominance de rouge cinabre et des fragments d’enduits
peints à fond blanc ayant servi à la décoration d’un
plafond à réseaux constituées de losanges et d’octogones, comme ceux mis au jour rue de la Glacière en 1958 et rue des Capucins en 2000.
Bien entendu, il s’agit d’une découverte exceptionnelle qui témoigne de tout ce que la civilisation romaine a su développer de plus moderne,
de plus usuel et de plus beau. Un autre exemple,
celui de la rue Maurice-Barrès, n’a malheureusement pas permis une étude comparable. Un
incendie a ravagé cette domus à une époque indéterminée ne permettant que quelques prélèvements d’enduits. Pourtant, une mosaïque en parfait état de conservation présente un décor central
constitué d’une fleur à quatre pétales rouges donnant naissance à des motifs cordiformes dans
lesquels figurent des oiseaux. Douze autres cœurs
entourent ce motif. Quatre comportent des volatiles, dont l’un becquette un fruit, tandis que les
derniers accueillent des canthares soutenus par
des volutes.
Cette image pleine de fraicheur traduit un autre
aspect de la civilisation gallo-romaine bien éloigné des considérations belliqueuses d’un pavement évoquant les spectacles de l’arène. Ici, c’est
la douceur de vivre à la romaine qui est privilégiée où la nature et la fertilité ont une place
essentielle. On retrouve fréquemment ces thèmes
dans la mosaïque, mais à l’origine c’est surtout
avec la peinture murale que s’est développée cette
imagerie naturaliste. Une fresque de la villa de
Livie de Prima Porta datée de 20-10 av. J.-C.
évoque un jardin en trompe l’œil dans lequel des
oiseaux perchés sur des branches se nourrissent
de fruit à la manière du volatile frugivore de Maurice-Barrés. On retrouve cette même ambiance
bucolique au sein des appartements sud-est de
la villa de Liéhon dans laquelle un espace plus
intimiste montre la peinture d’un jardin fictif
agrémenté de paons, délimité par une pergola
faite de fins poteaux.
Oiseau à houppette, mosaïque de la rue Maurice-Barrès
(Metz), IIe siècle. (photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
Ce dernier exemple traduit une pérennité des
décors d’inspiration italique réadapté en fonction des espaces de la demeure et de sa localisation en ville ou à la campagne. Le propriétaire
d’une villa privilégiera ainsi des espaces ouverts
sur le paysage en laissant parler son imagination
et en jouant sur le contraste entre le réel et l’illusion à l’instar des immenses propriétés italiennes
au sein desquelles les puissants rivalisent d’ingéniosité pour étaler leur richesse.
Dans les premières décennies du Ier siècle ap. J.C., comment définir alors le bien du propriétaire de la maison découverte en 1987 rue Marchant ? Sa demeure était-elle une vaste domus ou
un habitat plus modeste ? Ici, pas de mosaïque
de sol mais une pièce recouverte d’un terrazzo
(mélange de pierre, de sables et de tuiles pilées)
et, surtout des décors peints sur un mur de terre
et de bois. Pourtant, la finesse des peintures et
des aménagements de la maison (bassin extérieur,
cour) pousse à voir en ce lieu une résidence de
belle qualité. Dans une première pièce, au-dessus
d’une plinthe rose, s’élançaient des panneaux
noirs encadrant un petit panneau rouge figurant
un candélabre à boules. L’autre pièce, plus riche
encore, offrait de grands panneaux rouges qui
alternaient avec des panneaux noirs plus étroits,
décorés eux-aussi de candélabres. Certains motifs
(palmettes, feuilles, canthares, clipeus, etc.) accentuaient le caractère élaboré de ces peintures inspirées du IIIe style pompéien.
Mosaïque aux peltae
et aux scuta, Metz
rue de la Pierre-Hardie,
fin du IIe-début du IIIe
siècle. (photo Laurianne
Kieffer, Musée de La Cour
d’Or, Metz Métropole.)
n°8 / été 2017 11
gaule romaine
Amour chevauchant un dauphin, Pontiffroy,
fin du Ier siècle-début du IIe siècle. (photo Laurianne
Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Le choix des matériaux utilisés et
des espaces à décorer répond au courant stylistique du moment. L’absence de mosaïque en ce début du Ier siècle
à Metz ne doit pas étonner outre mesure et peut sembler compréhensible si l’on
considère que le développement de cette
technique de décoration de sol a réellement commencé à se diffuser dans le dernier quart du Ier siècle dans notre région
et que l’essentiel des habitations sont en
matériaux périssables à cette date.
Cette courte présentation, très incomplète, des différents décors mis au jour
dans les quelques maisons messines
montre qu’il est délicat d’évoquer des
notions de richesse et de les hiérarchiser en comparant des périodes éloignées chronologiquement et soumises
à des courants stylistiques divers et
variés. Comme nous l’avons dit les goûts
du commanditaire, les choix d’espaces à
décorer et les savoir-faire des artisans ou/et
des artistes qui interviennent sur ces chantiers
sont à prendre en considération. Finalement,
cette brève synthèse témoigne surtout de l’absence de connaissances sur la maison plus modeste
et l’habitat des classes moyennes à Divodurum
au cours de l’époque gallo-romaine.
Commerce et artisanat
Divodurum est un grand carrefour commercial
de l’est de la Gaule en raison de sa position au
croisement des principales voies de communications. Se situant à 200 km de la frontière, la
ville bénéficie du déplacement des légions
romaines, mais aussi des échanges avec les populations voisines. La Moselle et la Seille permettent des contacts avec l’ensemble du territoire
médiomatrique, mais également avec toute la
Gaule. Les activités commerciales sont donc intenses à Metz dès le Ier siècle ap. J.-C. Des contacts
existent dès lors avec la Bétique (Espagne), pour
l’huile d’olive, et l’Égypte, entre autres. Toutefois, le port, lieu de déchargement indispensable,
n’a pas encore été identifié.
Une autre richesse de Divodurum est la diversité de ses métiers, connus grâce aux représentations sur les stèles funéraires conservées au musée
de La Cour d’Or. Cordonnier, forgeron, brasseur, drapier sont mentionnés par des inscriptions ou reconnaissables grâce à leurs outils.
Dans le secteur alimentaire, de nombreuses boucheries ont pu être identifiées grâce aux découvertes archéologiques dans différents quartiers
périphériques de la ville, rue Belle-Isle dans le
quartier du Pontiffroy, mais aussi place du Général-de-Gaulle, à proximité du grand amphithéâtre
du Sablon. Elles fonctionnent presque toujours
avec un atelier de tabletterie où les os sont travaillés, taillés, pour fabriquer des épingles, des
peignes... Les fouilles archéologiques ont livré à
la fois des outils de charpentier ou de forgeron,
mais également des déchets en lien avec le travail du métal ou du verre, cette dernière activité se retrouvant exclusivement dans le secteur
du Pontiffroy, rue Belle-Isle et dans le quartier
Saint-Marcel.
Mais l’une des activités artisanales les plus importantes et les plus prospères demeure la production de céramique, distribuée dans tout l’Empire romain. L’un des plus anciens ateliers, mis au
jour sous Saint-Pierre-aux-Nonnains, est celui
du potier Casicos et date du Ier siècle ap. J.-C. Ses
productions sont identifiables grâce à son nom
marqué sur des estampilles (empreintes) qu’il a
laissé sur les fonds des céramiques. Un autre atelier de la même époque a été identifié dans le
quartier Outre-Seille, rue Mabille, et témoigne
d’une forte production de céramiques à Metz
dès le début du Haut Empire.
Au cours du IIe siècle, la production de céramique
sigillée supplante les précédentes. Ce type de
céramique, originaire d’Arezzo (Italie) et reconnaissable par sa couleur rouge orangée, est l’un
des plus répandus dans tous l’Empire. Migrant
du sud et du centre de la Gaule vers l’Est, des
ateliers et leurs succursales s’installent un peu
Stèle des pêcheurs, Metz, îlot Saint-Jacques, IIe-IIIe siècles.
(Jean Munin, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
12 Antiquité magazine
divodurum, metz antique
Gobelet en sigillée à la barbotine d’Argonne, décorée d’une
scène de chasse, Morsbach (Moselle), IIe-IIIe siècle. (photo Jean
Munin, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
partout sur le territoire médiomatrique, notamment à Chémery et à Boucheporn grâce aux
maîtres potiers Satto et Saturninus. L’installation de ces ateliers semble suivre les principaux
axes de communications, mais aussi les mouvements de l’armée romaine vers le limes. À Metz,
un site de production a été découvert dans le sud
de l’agglomération, dans le secteur de la caserne
De Lattre-de-Tassigny. Mais à partir du IIIe siècle,
les centres de production semblent se déplacer
vers l’ouest de la cité avec l’installation de potiers
en Argonne (Meuse) et vers le nord, avec l’émergence de la céramique métallescente de Trèves
(Allemagne).
Gobelet, céramique à couverte métallescente et inscription à
la barbotine blanche, Metz Pontiffroy, fin du IIIe siècle.
Stèle des drapiers, Metz îlot Saint-Jacques, IIe-IIIe siècle.
(photos Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Stèle de l’échange, Citadelle de Metz, IIe-IIIe siècles.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Si la plupart de ces activités se limitent à la ville
et à ses alentours, des commerçants sont chargés de la vente de certains produits en dehors du
territoire médiomatrique. Deux négociants spécialisés ont été identifiés sur deux stèles funéraires : l’un vendait des serrures et l’autre de la
céramique. Enfin, l’épigraphie a également révélé deux professions particulières : un vestiarius, un marchand de vêtements, mais aussi
un venaliciarius, un marchand d’esclaves. Ce
dernier métier est important, car ce type
de mentions ayant trait à l’esclavage est
rare. Pourtant, il parait évident que des
esclaves aient été utilisés pour faire fonctionner les ateliers, pour l’usage domestique ou les travaux des champs, mais aussi
pour les besoins de l’armée romaine.
Vase produit par l’atelier du Casicos,
Metz Saint-Pierre-aux-Nonnains, Ier siècle.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
n°8 / été 2017 13
gaule romaine
Inscription mentionnant la construction d’un Nymphée par
des sévirs augustaux. Metz Sablon, époque gallo-romaine.
(Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Monuments
et sanctuaires de l’eau
L’alimentation de la ville en eau
Bassin collecteur de l’aqueduc aérien à Jouy-aux-Arches.
(photo François Bernardin.)
Évocation du pont aqueduc
entre Ars-sur-Moselle et Jouy-aux-Arches.
(infographie Nicolas Gasseau,
extrait de l’Atlas historique de Metz.)
14 Antiquité magazine
Afin de fournir en eau les habitants de Divodurum, puits et citernes sont attestés partout au
sein de la ville, mais ce type de ravitaillement ne
peut satisfaire que des besoins privés limités.
Pour alimenter les espaces publics (thermes et
fontaines), un aqueduc est construit au début du
IIe siècle. Captant les eaux d’une source à Gorze,
l’ouvrage est long d’environ 22 km et utilise les
accidents du relief pour garder un débit régulier.
Son parcours est essentiellement souterrain, avec
un canal unique, dont la section utilisable est de
1,20 m de hauteur. Il est maçonné au mortier de
tuileau, afin d’étanchéifier la conduite. Entre les
communes d’Ars-sur-Moselle et Jouy-aux-Arches, l’aqueduc devient aérien pour franchir la
Moselle. Il prend alors la forme d’un pont long
d’environ 1 100 m, composé d’une centaine d’arches, hautes pour certaines de plus de 30 m. Ses
caractéristiques en font l’un des plus longs pontsaqueducs de l’Empire romain sur voie fluviale. Il
ne subsiste aujourd’hui que sept arches sur la rive
gauche et seize sur la rive droite. Construites en
plein-cintre, elles sont portées par des piles qui
s’épaississent de haut en bas. Une double canalisation courait sur toute la longueur du pont avec
une pente accrue (1,70 m par km au lieu de 1 m
par km). Ce pont est encadré par deux bassins.
En amont, une vaste construction de 11 m sur 9
permettait de casser le courant, de
décanter l’eau et de réguler
divodurum, metz antique
Section conservée de la conduite souterraine
à Novéant-sur-Moselle. (photo Carole Raddato.)
Plan des thermes du nord de la ville. En rouge, les parties
exhumées lors des fouilles, en gris la restitution hypothétique
du plan. (DAO Bernard Paich / Damien Bouet, d’après R. Jolin 1984.)
le débit grâce à un canal de dérivation. En aval,
les eaux se jettent dans un bassin circulaire de 2 m
de diamètre qui permettait l’amortissement des
vagues qui s’étaient formées lors de la traversée du
pont-aqueduc, ainsi que l’évacuation des limons.
Puis, jusqu’à Metz, l’aqueduc reprenait une forme
souterraine. Cependant, son lieu d’arrivée reste
inconnu. Une inscription mentionnant la construction d’une conduite, d’une fontaine monumentale (nympheum) et d’un portique par des
sévirs augustaux semble indiquer qu’une première répartition des eaux devait se faire dans le
quartier du Sablon avant que l’aqueduc n’aboutisse peut-être au centre de la ville pour alimenter les monuments publics, comme les thermes.
Décor en marbre qui ornait
les thermes du nord de la ville.
(photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Arches de l’aqueduc
à Jouy-aux-Arches.
(photo Carole Raddato.)
Les thermes de la ville
Le thermalisme était une activité très prisée par
les Gallo-Romains. Les thermes sont des établissements de bains privés ou publics participant
à la santé publique. Ils ont une grande importance sociale et ils font partie intégrante de la vie
romaine. Divodurum disposait d’au moins deux
établissements publics de ce type durant le Haut
Empire : les thermes du nord de la ville, sous
l’actuel musée de la Cour d’Or ; et les thermes
de l’îlot Saint-Jacques.
Au nord de la ville, un ensemble thermal a été
découvert en 1932 lors de travaux d’agrandissement du musée. Ces thermes ont, par la suite,
été intégés au parcours de visite. Ils sont datés
du IIe siècle, soit de la période où la ville se pare
de monuments. Ce complexe semble couvrir
n°8 / été 2017 15
gaule romaine
Conduite d’évacuation des eaux des thermes du nord de la
ville, époque gallo-romaine. (photo Laurianne Kieffer, Musée de
La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Strigile,
ancienne colection
Huber, IIe siècle.
(photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
l’intégralité de l’îlot actuel, compris entre les rues
du Haut-Poirier, des Trinitaires, des Boucheries-Saint-Georges et de Chèvremont, soit une
superficie d’environ un hectare.
Si l’organisation interne du bâtiment reste sujette à caution, avec la répartition exacte des différents espaces (vestiaires, salles chaudes, tièdes et
froides), sa décoration intérieure est mieux connue.
Les sols étaient recouverts de mosaïques noires
et blanches, ou de terrazzo, et les parois étaient
ornées d’assemblages de marbre, provenant de
Skyros, de Karystos et des Pyrénées. Quant à
l’usage d’enduits peints pour agrémenter les murs
de certaines salles, rien ne permet pour le moment de confirmer leur existence, même s’il est
raisonnable de penser que des peintures devaient
contribuer à l’embellissement du lieu au même
titre que les nombreux fragments de chapiteaux,
pilastres et corniches mis au jour.
Un deuxième ensemble s’élevait à l’emplacement
de l’îlot Saint-Jacques, détruit en 1973 pour accueillir un centre commercial et était délimité
16 Antiquité magazine
par les rues Ladoucette, Tête-d’Or, du Change
et Fournirue. Une inscription figurée sur un linteau, aujourd’hui conservé au musée de la Cour
d’Or, relate le cadeau offert par un certain Taurus, fils de Celer, prêtre du culte de Rome et d’Auguste à la cité de Divodurum. Son évergésie consistait en un campus et une piscina, c’est-à-dire
un terrain d’entraînement, ou un lieu de jeu, et
un bassin. Une importante piscine circulaire, profonde d’1,40 m et d’un diamètre extérieur de
25,80 m, fut d’ailleurs mise au jour au moment
des fouilles de ce quartier avec d’autres espaces
correspondant au caldarium, identifié grâce à la
découverte d’hypocaustes, système de chauffage par le sol ; au tepidarium et à la palestre.
Salle des thermes du nord de la ville conservée au Musée
de la Cour d’Or, époque gallo-romaine. (photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Niveau du sol antique
Elévation conservée du sanctuaire d’Icovellauna.
(dessin Erik Groult d’après Fr. Möller, 1880.)
Mercure et Rosmerta, Toul (Meurthe-et-Moselle),
époque gallo-romaine. (photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Le sanctuaire d’Icovellauna
Nous avons vu avec l’aqueduc de Metz, captant
l’eau de la source des Bouillons à Gorze pour la
transporter jusqu’au cœur de la cité messine, que
l’eau était un élément fondamental durant l’Antiquité. Son usage quotidien pour l’alimentation de
certaines maisons, des fontaines et, surtout, des
thermes est essentiel au développement de la
culture romaine. C’est une ressource précieuse
associée à la fertilité et à la purification qui permet de pérenniser la vie et d’assurer la bonne
santé du corps. En Gaule mosellane, sources et
eaux thermales ont fait l’objet de nombreuses
dédicaces qui les présentent comme divinisées.
Ce sont souvent des dieux de tradition indigène, liés dans certains cas, à des divinités romaines
qui assurent la protection des eaux.
L’importance du sanctuaire d’Icovellauna est
double, puisqu’il s’agit actuellement du seul lieu
consacré à la pratique d’un culte découvert à Metz
et qu’il est dédié à une divinité féminine peu attestée. En effet, Icovellauna à un caractère local très
marqué puisqu’en dehors de Divodurum, seule la
ville d’Augusta Treverorum (Trèves) l’a honorée.
Cette déesse de l’ « eau bienfaisante », d’origine
gauloise principalement vénérée en Gaule belgique préside les flux d’eaux turbulentes et sacrées
venues des entrailles de la Terre.
Son sanctuaire a été mis au jour dans le quartier
du Sablon en 1879. Construit en petit appareil,
ce temple, pris à tort pour un Nymphée, a pour
particularité d’être souterrain et de posséder un
plan original de type octogonal. En son centre
se trouvait un bassin hexagonal duquel jaillissait
une source, auquel on accédait par un escalier. Cette
eau vivifiante avait une place centrale dans la
pratique du culte et servait à purifier les adeptes.
Tout autour, sur les parois de l’édifice, des ex-voto
étaient fixés en l’honneur d’Icovellauna, mais aussi
de Mogontia et de Mercure, deux divinités guérisseuses. La présence de ces déesses indigènes
aux côtés d’un dieu traditionnel du panthéon
romain est tout à fait intéressante et illustre parfaitement cette notion de syncrétisme religieux
souhaitée par Rome. À Divodurum et aux abords
de la cité des Médiomatriques, cette tradition
ne s’est pas démentie comme en témoigne
plusieurs rapprochements entre Mercure et Rosmerta, la « Grande pourvoyeuse » dans la statuaire et l’épigraphie (C.I.L., XIII, 4312, rue Taison).
Mercure et Rosmerta, relief découvert
à Montigny-lès-Metz, époque gallo-romaine.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
n°8 / été 2017 17
gaule romaine
Stèle d’Epona, Metz Sablon-la Horgne, IIe-IIIe siècle.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Cultes et dévotion
Les divinités indigènes
Outre Icovellauna, Mogontia et Rosmerta, l’iconographie des stèles messines permet de découvrir d’autres divinités féminines indigènes de tradition celtique. C’est le cas des déesses-mères
définies par les attributs de la fertilité et de la fécondité, peu présentes à Metz (C.I.L. XIII, n°
4291) et d’Épona (epos, le cheval en langue celtique), une déesse-cavalière, généralement figurée en amazone ou assise sur une jument. C’est
de loin la divinité la plus représentée à Divodurum puisque dix éléments lapidaires de petites
dimensions sans inscriptions permettent de
découvrir son apparence. Ces exemplaires de
bonne facture, pour la grande majorité d’entre
eux, ont été retrouvés à la Horgne-au-Sablon.
Seuls trois ont été mis au jour en d’autres endroits
de la ville : près de l’Esplanade, rue Poncelet et
en Fournirue.
La fréquence des représentations de cette déesse à Metz suppose l’existence d’un culte apprécié par les populations gallo-romaines. Chez les
Celtes, la place du cheval et des équidés, d’une
manière générale, est primordiale. Les cavaliers
gaulois avaient une fonction essentielle dans
les rangs de l’armée et la figure du cheval a
souvent été utilisée pour décorer les monnaies gauloises. Jules César, dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules (IV, 2)
relate, à juste titre, la grande passion des
Gaulois pour ces bêtes. Par ailleurs, la tradition de l’élevage du cheval en Gaule n’est
plus à démontrer, notamment chez les Rèmes
où Le calendrier rustique de la porte de Mars
à Reims montre la saillie des chevaux. Épona est
donc tout naturellement devenue une déesse de
l’élevage, protectrice des cavaliers, des voyageurs
et de l’écurie.
On retrouve la figure du cheval sur le groupe
du cavalier à l’anguipède dont les exemplaires
abondent dans la cité des Médiomatriques.
Cette statuaire parfois monumentale doit
être comprise comme une synthèse des
traditions grecques, romaines et gauloises.
Elle met en scène une divinité masculine, Jupiter, qu’il est tout à fait possible
d’assimiler à Taranis, le dieu du tonnerre, largement vénéré chez les Celtes.
Deux autres dieux indigènes sont d’ailleurs
connus à Metz par des représentations
Base de colonne à trois divinités
découverte rue Taison à Metz
(© Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole)
Partie sommitale de la colonne représentant
Jupiter à l'anguipède, Merten (Moselle),
fin du IIIe siècle. (photo Jean Munin, Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
18 Antiquité magazine
divodurum, metz antique
datées des IIe-IIIe siècles. Il s’agit de Sucellus, le
dieu au maillet et de Cernunnos le dieu aux bois
de cerf, figuré sur un fragment de pilier mis au
jour à l’îlot Saint-Jacques. Leur fréquence est sans
commune mesure avec la représentation des divinités féminines.
Le cavalier à l’anguipède
Le musée de la Cour d’Or, Metz Métropole
conserve un groupe sculpté monumental de 12
m de hauteur mis au jour à Merten (Moselle-est)
en 1878. Cette œuvre remarquable, conservée en
trois parties, permet de découvrir Jupiter monté
sur un cheval cabré placé à l’arrière d’un monstre
anguipède à corps de serpent. Cet ensemble situé
au sommet d’une colonne décorée d’un chapiteau portant le buste des saisons s’appuie sur un
tambour sur lequel apparaissent les divinités de
la semaine. Une base imposante à quatre dieux
(Minerve, Apollon, Junon et Hercule) termine
la composition. Cet exemplaire, unique dans la
région par la diversité des personnages qu’il
donne à découvrir et sa monumentalité, connait
toutefois quelques pendants très lacunaires à
Metz. Les habitants de Divodurum vénéraient
sans doute cette image jupitérienne complexe
mais, au regard des quelques trouvailles réalisées
dans la ville, la ferveur pour ce culte devait être
faible. Seules deux colonnes aux futs ornés de
feuilles imbriquées ont été mises au jour avec
une pierre à quatre dieux dont les lettres I.O.M
« Jupiter très bon et très grand » ont malheureusement disparu.
C’est donc aux marges du territoire des Médiomatriques qu’il faut chercher pour essayer de saisir l’originalité d’une telle réalisation. Le cavalier
de Merten juché au sommet d’une haute colonne était probablement placé en pleine campagne
près d’une exploitation agricole. Son rôle n’était
sûrement pas le même que ces colonnes établies
le long du limes pour dévoiler la figure d’un Jupiter protecteur de l’Empire, terrassant à l’aide de
son foudre les barbares assimilés à l’anguipède.
En effet, si l’on considère cette sculpture sous un
angle moins belliqueux, la figure de l’anguipède
doit être comprise comme le compagnon d’un
Jupiter/Taranis déchaînant l’orage et les pluies
célestes.
Certains exemplaires retrouvés en Allemagne
(Obernburg-am-Main notamment) dévoilent un
cavalier flanqué d’un bouclier en forme de roue.
Cette roue qui est une allégorie du tonnerre qui
gronde permet d’éclairer la symbolique de cette
composition. Le serpent, créature souterraine
par excellence, accompagne dans le sol les eaux
déchainés par le dieu du ciel afin d’assurer la
bonne fertilité de la terre. C’est donc plutôt une
signification positive qu’il convient d’attribuer
désormais à certaines colonnes à l’anguipède.
Mercure, Grosbliederstroff (Moselle), IIe siècle.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Des religions venues d’Orient
La force de Rome est d’avoir su assimiler d’autres
cultures et d’autres religions pour créer une
civilisation originale et enrichie
d’apports étrangers. Il n’est donc
pas étonnant de trouver dans de
nombreuses villes d’Occident
des manifestations, plus ou
moins importantes, de cultes et
de croyances venus d’Orient. Ces
cultes nouveaux proposent une relation
privilégiée avec la divinité et se caractérisent par
des cérémonies à la fois solennelles et enjouées
faites de musiques, de chants liturgiques et
d’épreuves initiatiques.
À Metz, avant la mise au jour d’un autel à Cybèle dégagé place de la République en 2008 par
le pôle archéologique de Metz Métropole, les
religions orientales tenaient une place peu
importante dans l’histoire de la ville. Néanmoins, les témoignages conservés – essentiellement lapidaires – de ces pratiques cultuelles
en provenance d’Asie mineure, du Proche
Orient ou d’Égypte étaient de belle qualité à
l’image d’un autel taurobolique découvert en
1904, quartier de l’Esplanade.
Relief de Mithra, Sarrebourg (Moselle), IIIe siècle.
(photo Jean Munin, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
n°8 / été 2017 19
gaule romaine
Autel à Cybèle figurant des galli, Metz, place de la République, fin du IIe-IIIe siècle. (photo Jean Munin, Musée de La Cour
d’Or, Metz Métropole.)
Autel commémorant un taurobole, Metz Citadelle, IIe-IIIe
siècle. (photo Laurianne Kieffer,
Musée de La Cour d’Or, Metz
Métropole.)
Statue d’Isis, divinité égyp-
tienne à Metz, caserne du Génie,
IIIe siècle. (photo Jean Munin ,Musée
de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
20 Antiquité magazine
Cet autel commémore un taurobole accompli en
l’an 199 ap. J.-C. en l’honneur de Septime Sévère. Ce rituel pratiqué dans le cadre du culte de la
déesse Cybèle consistait à asperger le fidèle avec
le sang d’un taureau que l’on venait d’égorger. Sa
face principale présente une tête de taureau, tandis que la partie arrière est ornée d’une tête de
bélier. De nombreux instruments de musique
décorent ses deux côtés : un tympanon (tambourin), une flûte de pan et une double tibia
phrygienne (sorte de hautbois), qui attestent
de la pratique d’un rituel au sein duquel la
mise en scène avait une place prépondérante. C’est d’ailleurs ce que permet de corroborer l’autel à Cybèle mis au jour en 2008.
Décoré d’un lion majestueux, il présente une
procession de serviteurs et de prêtres (galli)
dévoués au rituel de la « Grande Mère ». Ici,
un sacerdos (prêtre principal) couronné de lauriers s’apprête à asperger les objets consacrés
tandis qu’un musicien joue de la tibia Berecynthia (flûte courbée).
Deux autres divinités venues d’Égypte ont, ellesaussi, reçu les faveurs d’une frange de la population de Divodurum. Il s’agit d’Isis et de Jupiter Ammon.
Au temps des pharaons, Isis est la sœur et l’épouse d’Osiris. Elle apparaît comme la gardienne de
la famille et c’est sous cette forme qu’on la retrouve à Metz. La découverte de cette statue en 1841
à l’emplacement de la Citadelle (près de l’Esplanade) suggère la présence à Divodurum d’un
temple consacré à cette divinité qui aurait pu être
vénérée conjointement à Cybèle comme c’est le
cas dans le sanctuaire d’Isis et de Mater Magna
à Mayence en Allemagne.
Chez les Égyptiens, Jupiter Ammon, dont la tête
a été retrouvée en Fournirue, est considéré comme
l’un des plus grands dieux. Ce sont les Grecs qui
assimilent Amon à leur divinité principale, Zeus.
À leur tour, les Romains l’intègrent à leur panthéon et vénèrent Jupiter Ammon, dieu affublé
de cornes de bélier qui représente les forces génératrices de la nature.
divodurum, metz antique
Provenant lui-aussi du Proche-Orient,
Mithra n’est pas attesté à Divodurum.
Ce sont les marchands et les militaires
qui diffusent son culte au début du IIe
siècle ap. J.-C. Dans l’est de la Gaule, la présence d’une forte garnison stationnée sur le
limes permet d’expliquer la présence d’un
mithraeum à Sarrebourg.
Fondés sur le principe d’une initiation du fidèle, ces cultes très démonstratifs proposent une
vie meilleure, une rédemption et l’espoir d’une
existence après la mort (Mithra, Cybèle). Plus
qu’auparavant, la notion de conduite morale individuelle est au centre de la pratique religieuse.
Elle annonce le christianisme.
Urne cinéraire en verre, Metz Lunette
d’Arçon, fin du Ier- début du IIe siècle.
Boîte à bijoux en ivoire, Metz place
Saint-Thiébault, époque gallo-romaine.
(photos Laurianne Kieffer ,Musée de La Cour
d’Or, Metz Métropole.)
La mort à Divodurum
Comme le voulait la tradition romaine, les habitants de Divodurum enterrent leurs défunts en
dehors du centre urbanisé, le long des principales voies de communication. Le monde des
morts était ainsi bien distinct de celui des vivants.
Les tombes sont souvent matérialisées par des
stèles, voire des monuments funéraires. Associées aux cités antiques, elles révèlent une élite
sociale installée dans un milieu urbain. Ces stèles
soulignent la volonté d’utiliser un vocabulaire
architectural mis au service d’une monumentalisation afin d’inscrire le défunt dans un cadre
sacralisé. Des inscriptions, non systématiques,
peuvent être placées sur le linteau : une invocation aux dieux Mânes, symbolisés par l’inscription Dis Manibus, accompagne jusqu’à la fin du
Ier siècle ap. J.-C., le nom du défunt, sa profession
et le nom de celui qui a érigé la sépulture. À partir du IIe siècle, la dédicace est réduite à l’abréviation D M.
Les stèles funéraires
reflet de la vie de la cité
Le musée de La Cour d’Or conserve dans ses collections plus d’une centaine de stèles
funéraires, pour la plupart découvertes au début du XXe siècle et en 1974, lors de la
construction du centre Saint-Jacques. À cette occasion, près de quatre-vingts blocs sculptés ont été mis au jour, réemployés dans la muraille de l’Antiquité tardive.
La plupart de ces stèles sont figurées et/ou inscrites, renseignant sur les noms et les
métiers des habitants de Divodurum. Plusieurs éléments lapidaires portent des mentions
rares comme c’est le cas sur la stèle de la medica. Une autre témoigne de la présence
d’un marchand d’esclaves (venalicius), dénommé Marcelinus.
Ces différentes représentations illustrent aussi des scènes de la vie quotidienne, comme
le paiement de l’impôt. En règle générale, sur l’un des côtés de la stèle est sculptée une
ascia, outil du tailleur de pierre, qui agit comme un symbole protecteur de la tombe. ❚
Salle des stèles funéraires dans le musée de la Cour d’Or à Metz.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de la Cour d’Or, Metz Métropole.)
n°8 / été 2017 21
gaule romaine
Stèle funéraire d’un marchand d’esclaves dénommé Marcelinus. (photo Laurianne Kieffer,Musée de La Cour d’Or, Metz
Métropole.)
Les nécropoles de Divodurum s’étendent
au sud, entre Moselle et Seille, sur les territoires actuels du quartier du Sablon et
de la commune de Montigny-lès-Metz.
Des fouilles récentes ont permis d’identifier une nouvelle zone à l’est, aux abords
de l’avenue André-Malraux, au sud du
grand amphithéâtre. Il s’agit d’un vaste
ensemble de deux cent soixante-quatorze crémations, ainsi que d’une trentaine
d’inhumations, dont le fonctionnement
est daté par le mobilier funéraire entre
les Ier et IVe siècles ap. J.-C., avec un pic
d’utilisation au IIe siècle.
Les rites de l’incinération et de l’inhumation se sont succédés jusqu’à l’Antiquité tardive auxquels il faut ajouter des
sépultures du haut Moyen Âge, attestant une continuité de l’occupation funéraire qui dépasse la période antique. Au
sein de ces nécropoles, différents types
de contenants ont été mis au jour pour
les inhumations : sarcophages en plomb,
en pierre, coffrages en dalles et/ou en
tuiles, contenants en bois. Pour les
sépultures à incinération, récipients en
céramique, en verre, en pierre. Parfois,
des matériaux plus nobles sont utilisés
comme en témoigne une urne en onyx,
découverte près de l’ancienne gare, et
dont la pierre est originaire d’Égypte.
Du mobilier accompagne souvent ces tombes.
Il s’agit essentiellement de monnaies, de lampes
à huile, de pot en céramique, de récipients en
verre (ampulla, bouteilles, gobelets, fioles, balsamaires), et parfois d’éléments de parure, tels des
bracelets en verre, des fibules, ou encore un coffret baguier.
Parure funéraire en jais et flacon de verre, Metz Sablon,
IVe siècle : épingles, manches d’éventail et de miroir.
(photo Jean Munin, Musée de La Cour d’Or,Metz Métropole.
Aux origines du christianisme
à Metz
Le christianisme est une religion monothéiste
qui se développe au Ier siècle de notre ère. Ce sont
les voyages de l’apôtre Paul qui permettent aux
premières églises chrétiennes de s’implanter dans
la partie orientale de l’Empire. Au IIIe siècle, cette
religion nouvelle gagne une grande partie de
l’Occident mais, à cette époque, on estime à seulement 2 à 5 % le nombre de Chrétiens dans
l’ensemble du monde romain.
Refusant de reconnaître l’existence des autres
dieux, en marge de la société, les croyants subissent les persécutions des empereurs. Pourtant, à
l’avènement de Gallien (253-268 ap. J.-C.), un
changement s’opère et une véritable tolérance
s’installe à l’égard du christianisme. Elle durera
près de quarante ans. C’est dans ce contexte de
« petite paix de l’Église » que la religion chrétienne est introduite à Metz par l’évêque Clément vers 275.
Cette religion s’implante tout d’abord timidement aux abords de la ville, dans laquelle elle ne
pénètre que lentement, avant d’atteindre, beaucoup plus tard, les centres isolés des campagnes.
En 313, à la suite d’un rescrit (déclaration de
l’empereur) pris à Milan, le christianisme remporte une nouvelle victoire grâce à Constantin
qui accorde la liberté de culte aux Chrétiens. Vers
395, ils sont peut-être à l’origine de la destruction du centre mithriaque de Sarrebourg, symbole d’un paganisme que l’on souhaite voir disparaître depuis que Théodose a élevé le christianisme
au rang de religion officielle avec l’édit de Thessalonique.
À cette date, la communauté chrétienne est bien
implantée dans la région et plus particulièrement
à Metz. En 1902, les fouilles du grand amphithéâtre apportent des informations qui semblent
confirmer sa vivacité dans la première moitié du
Ve siècle ap. J.-C. Dans les sous-sols de l’arène, la
mise au jour de lignes de colonnes suggère la présence à cet endroit du premier oratoire. La découverte d’inscriptions funéraires chrétiennes dans le
même contexte semble appuyer cette hypothèse.
Quand Divodurum
annonce Mettis...
Finalement, qu’elle est la véritable physionomie de Divodurum à l’époque romaine ?
Au vu du nombre de découvertes réalisé
dans la ville depuis le XVIe siècle
et, si l’on considère la qualité de
sa parure monumentale (un
grand amphithéâtre, plusieurs
ensembles thermaux, un aqueduc, etc.), nous serions tentés de voir en elle une Rome
en miniature.
22 Antiquité magazine
divodurum, metz antique
Certes, son importance commerciale, sa position
stratégique sur la voie qui mène de Lyon au limes
rhénan et son rôle de carrefour ne sont plus à
démontrer, mais beaucoup d’indices font encore défaut concernant la véritable importance des
notables et le rôle des magistratures. L’exemple
du faible nombre de mosaïques découvertes dans
la ville est très éclairant sur ce point. Plus que la
peinture murale, il s’agit d’un puissant marqueur
de réussite sociale qui traduit la qualité des moyens
financiers d’une élite urbaine, celle-là même qui
assure, par son rôle d’évergète, le rayonnement
d’une ville.
Dans un même ordre d’idée, la rareté des maisons prestigieuses à l’image du site de la PierreHardie pourrait nous inciter à penser que Divodurum n’est qu’un immense marché de ravitaillement pour les légions stationnées sur la
frontière et les gens de passage, une grande ville
exclusivement artisanale – comme semble l’attester les stèles de l’îlot Saint-Jacques – ayant pour
simple vocation les services et les loisirs.
Une piste permet de nuancer ce bilan en demiteinte : les premières décennies du haut Moyen
Âge qui voient Mettis devenir progressivement
capitale d’Austrasie sous Sigebert Ier (561-575).
Cette « fière et superbe » Metz, chantée par le poète
Venance Fortunat, protégée derrière ses « puissantes murailles » présidera aux destinées d’une
grande partie de l’Europe jusqu’au règne de
Dagobert (629-639). L’un de ses rois, Théodebert Ier (533-546), traitera d’ailleurs d’égal à égal
avec Justinien, allant même jusqu’à frapper une
monnaie d’or par volonté d’indépendance.
Est-ce parce que Divodurum, repliée à l’intérieur
de son enceinte, a échappé à la récession et aux
profondes difficultés rencontrées par l’empire
aux IIIe et IVe ap. J.-C.qu’elle a pu servir d’écrin
aux descendants de Clovis ?
Souhaitons que les futures découvertes apportent des réponses à toutes ces interrogations et
que nous puissions enfin avoir une idée un peu
plus précise de la capitale des Médiomatriques
sous la domination romaine. Pour l’heure, laissons la parole à Fortunat (Carmina, VI, 1) qui
décrit avec emphase le mariage de Sigebert et
de la princesse wisigothe Brunehilde qui eut lieu
probablement à Metz vers 567 :
Recto et verso du sou de Théodebert.
(photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or, Metz Métropole.)
Le sou de théodebert
une affirmation du pouvoir
À la mort de son père, Thierry, qui régna sur une Austrasie rendue puissante grâce aux
guerres de conquête, Théodebert (534-548) dut s’imposer par la ruse face à ses oncles
Childebert et Clotaire. Le nouveau roi, rompu aux exercices du combat pour avoir été
aux avants postes lors des conflits qui opposèrent les Austrasiens aux Danois et aux
Goths, choisit de consolider son pouvoir en poursuivant ses efforts contre la Bourgogne.
Dès lors, les cités de Langres, de Dijon, d’Autun et de Chalon se trouvèrent sous sa dépendance. À cette époque, la ville de Metz n’était pas le seul centre du gouvernement qu’elle
partageait avec Reims, mais Théodebert choisit d’y installer sa cour qu’il voulut raffinée.
C’est en ce lieu que Justinien envoya ses émissaires afin de mieux cerner les ambitions
du roi des Francs qui, dans une lettre bientôt adressée en retour à l’empereur, précisa
quelle était l’étendue de son royaume : « […] notre domination s’étend des bords du
Danube et des limites de la Pannonie jusqu’aux rivages de l’Océan ». Théodebert avait
pour dessein d’assoir son autorité sur un vaste territoire et il espérait bien se hisser au
niveau des Grecs (les Byzantins) perçus comme les dignes descendants de Rome. L’expédition d’Italie lui permit d’affirmer sa politique et de faire reconnaître, par Justinien, l’acte
de cession qui donnait aux Francs la Provence et les villes d’Arles et de Marseille.
Vers 540, à la suite de ce coup d’éclat décrit par l’historien Procope de Césarée (De bello
Gothorum, I. I), Théodebert fit donner des jeux hippiques en Arles et fabriquer une série
de monnaies d’or portant son nom en toutes lettres. Parmi ces monnaies, un sou de
Théodebert, frappé dans l’atelier de Verdun – dont le Musée de la Cour d’Or, Metz Métropole conserve le seul exemplaire connu – donne la mesure de l’audace et de la volonté
d’indépendance du roi à l’égard de Constantinople.
Au droit, la légende DN THEODEBE/RTVS VICTOR (Notre seigneur Théodebert
victorieux) encadre un buste à l’antique dans le style du Bas-empire, tandis qu’au revers
les mots VICTORI AAVCCCI (La victoire des Augustes), entourant une Victoire portant une croix et un globe, réaffirment la posture orgueilleuse du souverain qui, par cet
acte, s’inscrit dans une lignée prestigieuse.
Ce sou témoigne de la montée en puissance des premiers Mérovingiens à une époque où
Mettis conservait sa parure monumentale héritée des Romains. Le nom de la Cour d’Or,
donné au musée installé sur les vestiges des thermes, a été choisi en souvenir du palais
des rois d’Austrasie qui, à partir du règne de Sigebert (561-575), établirent définitivement
leur capitale à Metz. Actuellement, la localisation exacte de ce palais reste discutée. ❚
Fragments d’épitaphes paléochrétiennes, découverts à
Metz Rue aux Arènes [à gauche] et à Metz Lunette d’Arçon [à
droite], Ve siècle. (photo Laurianne Kieffer, Musée de La Cour d’Or,
Metz Métropole.)
« Voici Mars avec les capitaines, voilà la paix avec
sa noblesse… Dans un sifflement de son arc, Cupidon qui vole à l’aventure a lancé ses flèches qui
portent l’amour. Sur terre, il brûle toutes les espèces,
et la mer ne le tient pas à l’écart de ses eaux. Il a
tôt fait de soumettre les coeurs vulgaires, foule
engourdie. Puis enfin les sens d’un roi puissant ont
bu le feu qui palpite dans ses os paisibles, et la flamme s’insinuant doucement s’est attachée à ses
moelles… Seconde Vénus par la naissance, tu as
reçu en dot l’empire de la beauté ; aucune des
Néréides de la mer ibérique qui nage à la source
de l’Océan ne te ressemble, aucune napée n’est plus
belle, les fleuves eux-mêmes placent leurs nymphes
au-dessous de toi… ». ❚
n°8 / été 2017 23
gaule romaine
Bibliographie sélective
❚ Dominique Darde, Nîmes antique, Editions du Patrimoine, 2005.
❚ Alix S., Gama F., Gébus L., Georges-Leroy M., Thion P.,
« Quartiers périphériques de Metz antique. L’apport des recherches
(en ligne).
❚ Ayache L. et Kazek K. A., « Les Gallo-romains vus par eux-mêmes »,
L’Archéologue, n°119, avril-mai 2012, p.11-39.
❚ Brkojewitsch G., Dreier C., Marquié S., « Metz/Divodurum,
cité des Médiomatriques : apport de deux fouilles récentes
(place de la République et rue Paille-Maille) à la question des origines »,
Gallia, 72-1, 2015, p.177-194.
❚ Dupond R., Metz. Place de la République. 2000 ans d’histoire.
Recherches et fouilles archéologiques, Serpenoise, Metz, 2010.
❚ Flotté P., Carte archéologique de la Gaule 57-2,
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Metz, 2005.
❚ Heckenbenner D. et Mondy M., Les décors peints et stuqués d
dans la cité des Médiomatriques. Ier-IIIe siècle p.C., t. I,
Metz-Divodurum, Ausonius, Bordeaux, 2014.
❚ Kazek K. A., La mosaïque romaine en pays messin,
Serpenoise, Metz, 2010.
❚ Trapp J. et Wagner S. (dir), Atlas historique de Metz,
Editions de Paraiges, Metz, 2013.
❚ Trapp J., L’Archéologie à Metz. Des antiquaires à l’archéologie
préventive (1750-2008), PUR, Rennes, 2015. ❚
Vue aérienne de Metz.
(photo © Norbert Guirkinger.)
24 Antiquité magazine
divodurum, metz antique
atlas historique de metz
Destiné à la fois au grand public et aux chercheurs, l’Atlas historique de
Metz offre une information claire et précise sur les différentes périodes
chronologiques de l’histoire de la ville, de la préhistoire à nos jours. Ouvrage
de référence, il comble ainsi une lacune dans la riche bibliographie messine. Fondé sur l’état actuel de la recherche scientifique – qu’elle soit
archéologique ou historique – relative à Metz, cet atlas se veut didactique.
En effet, toutes les cartes schématiques qui le composent – plus de quatre-vingts – sont inédites. Elles accompagnent le texte synthétique et
rigoureux de chaque notice, illustrées par des documents iconographiques
appropriés et méconnus, provenant de fonds patrimoniaux locaux, nationaux
et internationaux, ainsi que de reconstitutions 3D de certains bâtiments
emblématiques disparus : aqueduc, amphithéâtre, cloître de la cathédrale... Redevable aux grandes découvertes archéologiques des trente
dernières années qui ont permis d’affiner le passé antique de la ville, cet
ouvrage cherche à faciliter la compréhension des grandes étapes du
développement de la cité sur plusieurs millénaires. ❚
de J. Trapp et S. Wagner (dir), Editions des Paraiges, 40 €.
Renseignements pratiques
❚ Musée de la Cour d’Or / Metz-Métropole
2, rue du Haut-Poirier 57000 Metz
Tél. 03 87 20 13 20
http://musee.metzmetropole.fr
Musée ouvert tous les jours sauf le mardi
de 9h à 12h30 et de 13h45 à 17h.
Fermeture les 1er janvier, Vendredi Saint,
1er mai, 14 juillet, 1er et 11 novembre,
24-25-26 et 31 décembre toute la journée. ❚
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