Academia.eduAcademia.edu

La Politique Économique en Débat : Une Lecture Critique

European Scientific Journal, ESJ

https://doi.org/10.19044/esj.2024.v20n10p126

Cet article présente une analyse critique des politiques économiques depuis 1945, structurée autour de quatre périodes clés. De 1945 à 1980, le keynésianisme atteint son apogée dans les années 1940 et 1960, mais commence à s'essouffler dès le début des années 1970, ouvrant la voie à une contre-révolution libérale. De 1980 à 2008, une pensée post-consensus de Washington émerge, suscitant les critiques à l'encontre des thérapeutiques préconisées par les institutions de Bretton Woods et remettant en question leur hégémonie doctrinale. À partir de la crise de 2008, malgré le recours à des politiques de relance budgétaires temporaires, un nouveau consensus en faveur de la rigueur s'installe. Finalement, face à la crise pandémique mondiale du COVID 19, le keynésianisme renaît avec le retour des plans de relance, tandis que le remboursement de la dette liée à la COVID reste un défi pour la majorité des pays. Plus récemment, les politiques de normalisation monétaire prennent de l'ampleur. Pour clarifier les concepts dans la littérature et examiner la manière dont la recherche est menée sur le sujet, une ébauche d'un examen de la portée (scoping review) a été réalisée, susceptible de servir de précurseur à une revue systématique. This article presents a critical analysis of economic policies since 1945, structured around four key periods. From 1945 to 1980, Keynesianism reached its peak in the 1940s and 1960s but began to wane as early as the 1970s, paving the way for a neoliberal counter-revolution. From 1980 to 2008, a post-Washington Consensus thinking emerged, fueling criticisms against the therapies advocated by Bretton Woods institutions and questioning their doctrinal hegemony. From the 2008 crisis onwards, despite the temporary adoption of fiscal stimulus policies, a new consensus favoring austerity took hold. Finally, faced with the global COVID-19 pandemic crisis, Keynesianism resurged with the return of stimulus plans, while repayment of COVID-related debt remains a challenge for the majority of countries. More recently, there has been a growing focus on monetary normalization policies. To clarify the concepts in the literature and examine how research is conducted on the subject, a draft of a scoping review has been conducted, which may serve as a precursor to a a systematic review.

ESJ Social Sciences Peer-reviewed La Politique Économique en Débat : Une Lecture Critique Dkhssi Atman, Département d’Économie et Gestion Faculté d’Économie et Gestion, Université Ibn Tofail- Kenitra, Maroc Laboratoire d’Économie et de Management des Organisations (LEMO) Doi:10.19044/esj.2024.v20n10p126 Submitted: 08 March 2024 Accepted: 14 April 2024 Published: 30 April 2024 Copyright 2024 Author(s) Under Creative Commons CC-BY 4.0 OPEN ACCESS Cite As: Dkhssi A. (2024). La Politique Économique en Débat : Une Lecture Critique. European Scientific Journal, ESJ, 20 (10), 126. https://doi.org/10.19044/esj.2024.v20n10p126 Résumé Cet article présente une analyse critique des politiques économiques depuis 1945, structurée autour de quatre périodes clés. De 1945 à 1980, le keynésianisme atteint son apogée dans les années 1940 et 1960, mais commence à s'essouffler dès le début des années 1970, ouvrant la voie à une contre-révolution libérale. De 1980 à 2008, une pensée post-consensus de Washington émerge, suscitant les critiques à l'encontre des thérapeutiques préconisées par les institutions de Bretton Woods et remettant en question leur hégémonie doctrinale. À partir de la crise de 2008, malgré le recours à des politiques de relance budgétaires temporaires, un nouveau consensus en faveur de la rigueur s'installe. Finalement, face à la crise pandémique mondiale du COVID 19, le keynésianisme renaît avec le retour des plans de relance, tandis que le remboursement de la dette liée à la COVID reste un défi pour la majorité des pays. Plus récemment, les politiques de normalisation monétaire prennent de l'ampleur. Pour clarifier les concepts dans la littérature et examiner la manière dont la recherche est menée sur le sujet, une ébauche d'un examen de la portée (scoping review) a été réalisée, susceptible de servir de précurseur à une revue systématique. Mots-clés: Débats doctrinaux, Analyse critique, Politiques nonconventionnelles, Politiques discrétionnaires, Dette Covid, Examen de la portée www.eujournal.org 126 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Economic Policy under Debate: A Critical Review Dkhssi Atman, Département d’Économie et Gestion Faculté d’Économie et Gestion, Université Ibn Tofail- Kenitra, Maroc Laboratoire d’Économie et de Management des Organisations (LEMO) Abstract This article presents a critical analysis of economic policies since 1945, structured around four key periods. From 1945 to 1980, Keynesianism reached its peak in the 1940s and 1960s but began to wane as early as the 1970s, paving the way for a neoliberal counter-revolution. From 1980 to 2008, a post-Washington Consensus thinking emerged, fueling criticisms against the therapies advocated by Bretton Woods institutions and questioning their doctrinal hegemony. From the 2008 crisis onwards, despite the temporary adoption of fiscal stimulus policies, a new consensus favoring austerity took hold. Finally, faced with the global COVID-19 pandemic crisis, Keynesianism resurged with the return of stimulus plans, while repayment of COVID-related debt remains a challenge for the majority of countries. More recently, there has been a growing focus on monetary normalization policies. To clarify the concepts in the literature and examine how research is conducted on the subject, a draft of a scoping review has been conducted, which may serve as a precursor to a a systematic review. Keywords: Doctrinal debates, Critical analysis, non-conventional policies, Discretionary policies, COVID-19 debt, Scoping review Introduction « Les bonnes questions ne se satisfont pas des réponses faciles ». PAUL SAMUELSON, Prix Nobel d’Économie 1970. Dans les années 1970, les politiques Keynésiennes révèlent leurs insuffisances et furent à l’origine du retour en force des politiques libérales. Notamment, avec le monétarisme représenté par Milton Friedman (1956), l’économie de l’offre par Arthur Laffer et la théorie des anticipations rationnelles de John Muth (1961), Robert Lucas (1972) et Thomas Sargent (1976). L’ensemble de ces courants et d’autres défendent avec des nuances les mêmes idées. Une nouvelle ère semble s’ouvrir avec l’adoption de programmes politiques de rupture par rapport à la période précédente des Trente Glorieuses, avec le démantèlement progressif de l’État providence, l’abandon des www.eujournal.org 127 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 politiques discrétionnaires sur le plan budgétaire et monétaire, la déréglementation de l’économie, la flexibilisation du marché du travail…etc. Depuis les années 1980, la majorité écrasante des économies développées ont adopté le consensus de Washington, une approche néolibérale promue par les institutions de Bretton-Woods. Ces dernières recommandaient des politiques économiques visant à inverser les mesures interventionnistes mises en place pendant les décennies d'après-guerre. Les premières politiques de transformations structurelles néolibérales ont été appliquées dans un premier temps au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient généralisées aux autres pays de la Communauté économique européenne (CEE). Ainsi, des politiques d’inspirations libérales s’imposent au détriment des politiques interventionnistes keynésiennes ayant dominé les programmes politiques au lendemain de 1945 et jusqu’à l’effondrement de Bretton-Woods. L’attention des décideurs publics semble être tournée désormais vers la régulation par le marché et l’encouragement de l’initiative privée. Aux États-Unis, à partir de 1981, la mise en œuvre des idées reaganiennes a donné lieu à un "New Deal inversé". Le président Reagan (1981-1989) considérait que « l'État n'est pas la solution de nos problèmes, l'État est le problème ». Cette période a été marquée par le désengagement de l'État, avec des réductions d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques pour stimuler l'initiative privée. Au Royaume-Uni, à partir de 1979, M. Thatcher (1979-1990) accède au pouvoir dans un contexte économique difficile. La crise stagflationniste des années 1970, caractérisée par une récession et une inflation élevée, a remis en question la validité des modèles économiques keynésiens. Pour lutter contre l'inflation, Thatcher adopte une politique monétariste basée sur le ciblage de l'inflation, selon les enseignements de M. Friedman (1956) et F. Hayek (1974). Sur le plan fiscal, une réforme en profondeur est lancée pour réduire la pression fiscale. Du côté des dépenses, la priorité est donnée à l'équilibre des finances publiques, entraînant un allégement du poids de l'État-providence avec la diminution des retraites et des aides sociales. Dans le même sens, depuis la fin des années 1980, la majorité des pays de la CEE ont également adhéré à une approche similaire à l’occasion de l'acte unique et de la préparation de l'Union économique et monétaire (UEM). On recourt à un "Policy mix" qui repose sur une politique restrictive aussi bien sur le plan monétaire que sur le plan budgétaire. Parallèlement, des directives européennes ont été mises en place pour préparer la libéralisation des marchés de capitaux, l'harmonisation des conditions de concurrence et la flexibilisation du cadre réglementaire régissant le travail. Au moment de la crise financière des subprimes en 2008 et après un bref épisode de politiques de relance budgétaires, il a été constaté un retour www.eujournal.org 128 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 des cures de rigueur sous l’impulsion d'Alberto Alesina et Ardagna (2010) et Alberto Alesina et al. (2015) qui plaidaient pour quelques effets expansifs de la rigueur budgétaire. Ce nouveau consensus pour la rigueur budgétaire nourrit une pensée anti-keynésienne (NAK)1. Pour cette dernière, la solution serait de s’engager durablement à réduire les déficits publics, à travers la baisse des dépenses principalement. Une consolidation budgétaire crédible et durable conduira selon les anti-Keynésiens à une amélioration des taux de croissance économique. Pour le Fonds monétaire international (FMI), Une consolidation budgétaire durable a un impact positif significatif sur la croissance économique. En général, une consolidation budgétaire à plus long terme assure la stabilité macroéconomique en rassurant les investisseurs quant à l'absence de futures hausses d'impôts et de taux d'intérêt pour financer des déséquilibres budgétaires. Les ajustements budgétaires de courte durée peuvent avoir des conséquences néfastes sur la viabilité budgétaire et la croissance économique. Selon le FMI, réduire le déficit public de 4% à 2% peut entraîner une accélération de la croissance par habitant de ½ à 1 point dans les pays à faible revenu. Ainsi, une consolidation budgétaire bien planifiée, impliquant une réaffectation des dépenses vers des utilisations plus productives et la réduction du déficit, peut stimuler la croissance dans les économies en difficulté. Depuis 2020, la persistance des taux d'intérêt bas a constitué un climat favorable à l’adoption de politiques budgétaires de relance face à une croissance mondiale en berne, sous les effets néfastes de la pandémie. Cependant, ces politiques jugées nécessaires dans des circonstances d’urgence ont débouché sur une aggravation de la dette mondiale. Selon le FMI2 en 2020, la dette mondiale a fortement augmenté pour atteindre un record de 226 000 milliards de dollars, soit 256% du PIB mondial en 2020. Sur le plan monétaire, la Réserve fédérale (FED), la Banque centrale européenne (BCE), la Banque centrale du Royaume-Uni et d'autres autorités monétaires ont toutes relevé leurs taux directeurs à des niveaux les plus élevés depuis au moins une décennie. Ces mesures s'inscrivent dans une démarche de normalisation de la politique monétaire face aux pressions inflationnistes, mettant ainsi fin aux mesures d'urgence adoptées pendant la pandémie. La BCE a mis fin à ses programmes de rachat d'actifs liés à la crise pandémique, tandis que la FED a progressivement réduit ses propres achats depuis novembre 2021. Actuellement, le contexte mondial de stagflation interroge le décideur public sur les politiques économiques à mettre en place. Il est impérieux de réexaminer profondément l'approche des institutions internationales et 1 New « Anti Keynesian View ». On parle également de la théorie allemande (German view) ou parfois de la théorie des anticipations (expectational view). 2 FMI, la base de données mondiale sur la dette (GDD). www.eujournal.org 129 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 européennes. Ainsi, il s’avère impératif de s’accorder sur de nouveaux principes clairs et palpables, permettant d'instaurer une politique contracyclique efficace en temps voulu. Objectif et méthodologie du travail Pour répondre à cette problématique, une lecture approfondie des politiques économiques mises en place successivement depuis l’après-guerre -dans les principales économies mondiales- a été suggérée. Ainsi, les enseignements nécessaires pour éclairer le décideur public quant aux politiques futures à envisager ont été tirés. En somme, cette analyse critique des politiques économiques déployées depuis 1945, repose sur une méthodologie rigoureuse dont les étapes clés sont les suivantes : - Délimitation Temporelle : La période étudiée couvre les années 1945 à nos jours, avec une attention particulière portée sur quatre périodes distinctes : 1945-1980, 1980-2008, la crise financière de 2008, et l'ère post-COVID. Ces quatre moments sont utilisés comme points d'ancrage pour structurer l'analyse. - Recherche documentaire : Plusieurs bases de données pertinentes (Scopus, Web of Science, ScienceDirect…etc) ont été consultées pour étudier l’efficacité des politiques économiques pendant les périodes sus-mentionnées. Cependant, l’attention a été portée exclusivement sur une sélection d’articles scientifiques considérés comme fondateurs en la matière. Le critère principal de sélection utilisé est le nombre de citations sur les différentes bases d’indexation. En annexe (Sélection des références pertinentes) 15 articles ont été retenus. Pour ces références le taux de citation varie entre 687 citations dont 222 sur ScienceDirect et plus de 43750 citations dont 11969 sur ScienceDirect. - Synthèse et rédaction : L'articulation de la rédaction autour des périodes clés mentionnées précédemment a été rendue possible grâce à l'analyse des articles sélectionnés et de la littérature grise. Pour chaque période étudiée, un paradigme distinct a émergé, évalué en fonction de la nature des politiques économiques mises en œuvre, de leurs instruments et de leurs résultats. Ces analyses sont contextualisées en prenant en compte les événements historiques majeurs et le contexte global qui ont pu influencer les politiques économiques au cours de chaque période. I.Le renouveau de la politique économique à partir des années 1970 www.eujournal.org 130 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 1. Quelle attitude face à l’obsolescence des politiques macroéconomiques discrétionnaires d’après-guerre ? Contrairement aux classiques, les keynésiens ont axé l’analyse sur le rôle joué par l’Etat qu’ils définissent comme étant providence. Le chef de file, J.M Keynes (1936), fait de la politique interventionniste de l’Etat un gage de réalisation de la croissance économique. À travers le multiplicateur de la dépense publique, la politique budgétaire prend toute son importance pour devenir sans conteste la clef de voûte de la prospérité économique à laquelle tout décideur public aspire. Après les ravages de la guerre, et sous l’impulsion des idées keynésiennes le monde se lance dans une période de reconstruction économique. Le système capitaliste connaît une croissance remarquable jusqu'en 1973, marquant ainsi les "Trente Glorieuses" selon l’expression de l'économiste Jean Fourastié. Cette période de trente années est caractérisée par une prospérité économique sans précédent. Les années 1970 ont témoigné d’une refonte totale des schémas et grilles classiques d’analyse et d’une réhabilitation du rôle de l’Etat. Autrement dit, l’Etat est devenu le moteur de la dynamique économique à travers des politiques d’offre mises en en place du côté de l’entreprise et dont l’objectif et d’améliorer la compétitivité de ces dernières. En outre, la croissance économique est désormais considérée comme étant un phénomène endogène et non pas exogène. Paul Romer (1986), Robert E. Lucas (1988) et Robert Barro (1990), considèrent le progrès technique (désormais endogène), le capital humain et l’action publique comme des moyens de réalisation d’une croissance économique durable et auto-entretenue. Le retour de l’Etat est justifié par la capacité de ce dernier à générer à travers ses actions des externalités positives qui profitent à l’ensemble de l’économie. Désormais, la quête d’une croissance économique durable est tributaire de l’usage d’une politique économique structurelle qui transcende toute mesure conjoncturelle. Réellement, on a assisté à une révolution doctrinale avec les travaux fondateurs des économistes de la Nouvelle École Classique (NEC). Face à l’obsolescence des politiques macroéconomiques discrétionnaires, l’avènement des politiques de règle est confirmé. Ces dernières en trouvent leurs fondements dans les travaux de F. Kydland et E. Prescott (1977) ainsi que ceux de Barro et Gordon (1983) concernant l'incohérence temporelle des politiques discrétionnaires. Selon O. Blanchard et S. Fisher, (1989) : « Une politique est incohérente quand une décision de politique future, qui fait partie d’une procédure d’optimisation formulée à un instant initial, n’est plus optimale du regard d’un instant ultérieur à l’instant initial, même si aucune information nouvelle n’est apparue entre-temps ». L'incohérence temporelle, décrite par les économistes de la Nouvelle Macroéconomie Classique (NMC) Kydland et Prescott dans leur article de 1977 intitulé "Rules rather than discretion : The www.eujournal.org 131 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 inconsistency of optimal plans", se produit lorsque les banques centrales ne respectent pas leurs engagements. Dans ce cas, les agents économiques perdent confiance dans les objectifs annoncés et sont tentés d'entamer des négociations, par exemple sur les salaires, ce qui peut avoir des effets inflationnistes. La refonte des politiques monétaires à l’heure de l’indépendance des Banques centrales Sur le plan monétaire, une politique de règle revient à allouer à la Banque centrale (autorité monétaire) un objectif clair de maîtrise de l’inflation. Ces trois dernières décennies, La politique monétaire a posé ses objectifs selon un principe de neutralité et a rationalisé ses instruments en privilégiant un pilotage par les taux directeurs. En d'autres termes, elle est devenue une politique de ciblage de l'inflation. Selon la théorie quantitative de la monnaie de Milton Friedman (1956), cela conduit naturellement à définir un "objectif final" concernant l'inflation, en fonction d'un "objectif intermédiaire" lié à la croissance de la masse monétaire (taux d'intérêt actuellement). Les partisans de l’orthodoxie économique (néoclassiques, friedmaniens…etc.), considèrent que l'indépendance des banques centrales est une condition essentielle pour garantir leur crédibilité. Cela permet d'éviter qu'elles ne soient soumises à des politiques discrétionnaires dictées par les besoins du politique. Cette indépendance concerne non seulement les politiques monétaires expansionnistes, mais aussi les politiques monétaires visant à accompagner l'expansion budgétaire (politiques monétaires accommodationnistes). Ainsi, une banque centrale indépendante est moins encline à favoriser l'apparition de l'inflation, comme l'ont démontré Barro et Gordon dans leur ouvrage « Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy » en 1983. Cependant, le sens de la causalité peut être sujet à débat : les pays présentant le moins d'inflation peuvent être les plus prompts à développer l'indépendance de leur banque centrale. De plus, les politiques de désinflation mises en œuvre dans les années 1980 ont pu être efficaces contre l'inflation même en l'absence d'indépendance des banques centrales. La crédibilité dans le domaine monétaire repose sur l'application de règles claires. Cette crédibilité est également renforcée par la transparence de la communication des banques centrales. Cependant, cette communication doit être suivie d'effets concrets et s'inscrire dans la durée. Dans le domaine monétaire, la règle prédominante est celle développée par Taylor3 dans son 2. 3 La règle de Taylor est la suivante : r = r* + p + 0,5(p - p*) + 0,5(y - y*), Dans cette formule, r représente le taux d'intérêt à court terme, r* est le taux d'intérêt neutre qui n'a aucun effet expansionniste ou récessif et correspond au taux de croissance tendanciel de l'économie, p est l'inflation actuelle, p* est l'objectif d'inflation, et y - y* représente la différence entre le PIB observé et le PIB potentiel (output gap ou écart conjoncturel de production). www.eujournal.org 132 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 article de 1993 intitulé "Discretion versus policy rules in practice". Cette règle consiste à calculer un taux d'intérêt optimal en fonction du niveau d'inflation et du PIB (et donc indirectement du chômage). Cette règle montre bel et bien les différences doctrinales entre la BCE et la Federal Reserve ou la FED. Si la première accorde toute l’importance à l’objectif de l’inflation, la deuxième tient compte des deux objectifs de croissance et d’inflation. La séparation effectuée entre les banques centrales indépendantes, qui ont le monopole de conduire la politique monétaire et les gouvernements qui ont le monopole de la politique budgétaire, ainsi que le recours à des règles de discipline monétaire et budgétaire, permettent une plus grande aisance en matière de réalisation des différents objectifs de la politique économique : selon la règle de Tinbergen, « Une condition nécessaire (mais non suffisante) pour qu’une politique économique soit efficace, est qu’il existe autant d’instruments indépendants que d’objectifs à atteindre ». (Jan Tinbergen, 1970). Pour Mundell, « Chaque instrument doit être affecté à la poursuite de l’objectif pour lequel il a l’efficacité relative la plus forte. Il convient d’affecter la politique monétaire à la recherche de l’équilibre externe et la politique budgétaire à la recherche de l’équilibre interne ». (Robert A. Mundell, 1964) Toutefois, Nordhaus, dans son ouvrage "Policy games" en 1994, souligne les risques d'absence de coopération entre les autorités budgétaires et monétaires, qui peuvent conduire à des jeux non coopératifs. Une politique monétaire très restrictive pourrait entraîner une politique budgétaire expansionniste pour compenser ses effets, ce qui radicaliserait les politiques conjoncturelles. On peut se demander si la politique de l'Union économique et monétaire (UEM) n'a pas illustré ce risque. Les règles budgétaires sont alors perçues comme un garde-fou pour prévenir cette radicalisation budgétaire. 3. Le retour en force des politiques de consolidation budgétaire Sur le plan budgétaire, l’Etat adopte une règle de conduite claire qui consiste à réduire le déficit budgétaire et à le maintenir à un niveau jugé soutenable. En fait, il a fallu attendre les années 1990, avec le traité de Maastricht, au début de la décennie et le « Pacte de stabilité et de croissance » à Dublin en 1996-1997, et ce pour assister à la création d’une limite de 3% pour le déficit budgétaire et 60% pour l’endettement publique. En juin 1997, lors du Conseil européen réuni à Amsterdam, une forte insistance est mise sur la nécessité pour les pays européens de présenter un budget équilibré, voire en excédent. Le critère d'un déficit budgétaire ne dépassant pas les 3 % du Produit intérieur brut (PIB) est maintenu, mais avec une nuance : ce taux peut être dépassé en cas de déclin d'au moins 2 % du PIB du pays concerné (ou de 0,75 % sur décision spéciale du conseil des ministres). Les pays ne respectant pas cette condition doivent effectuer un dépôt de devises à la Banque centrale www.eujournal.org 133 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 européenne, qui sera définitivement perdu si le budget n'est pas maîtrisé dans les deux ans (Jérôme Creel, 2013). Pour le Fonds monétaire international (FMI) et un certain nombre d’économistes libéraux, la politique budgétaire doit poursuivre un objectif principal d’équilibre des finances publiques. À travers une politique de consolidation budgétaire, on s’engage à réduire durablement et selon une règle claire et transparente le niveau d’endettement public et le déficit (Schaechter et al., 2012). En effet, la rigueur budgétaire est un bon signe d’une gestion budgétaire saine et transparente qui solidifie le lien de confiance entre le gouvernement et les agents économiques. Ces derniers peuvent espérer au non-recours de l’Etat à un ajustement budgétaire sévère qui peut s’identifier à une augmentation des taux d’imposition. De même, le recours à l’emprunt pour financer la relance économique peut causer une hausse des taux d’intérêt (effet éviction). Dans une logique de solidarité intergénérationnelle, les partisans de la rigueur budgétaire justifient cette dernière par le fait qu’une politique discrétionnaire risque d’hypothéquer l’avenir des générations futures qui devront payer la facture de la relance actuelle. Dans les faits, le contexte de crise post chocs pétroliers à largement causé une forte baisse de la croissance économique, accompagnée d’un gonflement des dépenses publiques, ce qui a engendré des déséquilibres budgétaires importants. Aussi, avec le recours excessif à l'endettement, la situation a soulevé les craintes des bailleurs de fonds internationaux, (en particulier le FMI et la BM). Ces derniers ont été contraints à étendre les Programmes d'ajustement structurel (PAS) à la quasi-totalité des pays à partir du début des années 1980. Il s’agit d’un ensemble de réformes structurelles, soutenues par le tournant libéral qu’a connu la théorie économique dans les années 1970-1980 : John Williamson l’a théorisé comme étant le "consensus de Washington". Ce corpus de recommandations sur lequel s’appuyaient le FMI et la BM au cours des années 1990 se déclinait en un ensemble de propositions : une stricte discipline budgétaire, Une réorientation des dépenses publiques vers des domaines à fort rendement économique et capables de réduire les inégalités de revenu (santé, éducation, infrastructures), une réforme fiscale (élargissement de l'assiette fiscale, réduction des taux marginaux), une libéralisation financière, un taux de change flottant et compétitif, une ouverture accrue au commerce extérieur, une levée des restrictions sur les investissements étrangers, une privatisation des entreprises publiques...etc. Sur la liste des pays bénéficiaires des Programmes d’ajustement structurel, une bonne partie était constituée de pays africains. Le rapport conjoint de la Banque africaine de développement (BAD) et de la Commission Économique pour l’Afrique des Nations unies (UNECA) met en 1985 l’accent sur les principes directeurs suivants : une importance particulière donnée au secteur agricole et au monde rural, un encouragement de l'initiative www.eujournal.org 134 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 individuelle et de l'investissement privé, une libéralisation du commerce extérieur et du régime de change, une flexibilisation du marché du travail, une meilleure gouvernance du secteur public et un retrait de l’État au profit de la liberté des prix et de la concurrence, une réforme du système fiscal et des dépenses de l’État...etc. Ces directives constituent la base du Plan d'ajustement structurel (PAS) négocié avec le FMI et la BM par chaque pays demandeur en contrepartie de leur aide. En 1992, quasiment tous les États africains (exception faite de la Libye) étaient dotés d'un tel programme, ou étaient en train d'en élaborer un. La même orientation était donc adoptée par d’autres ayant des situations différentes. Un trait commun caractérisait pourtant les pays africains : leur endettement, mais avec des différences de degré selon le pays. La naissance d’une pensée post-consensus de Washington Pour les détracteurs des thérapeutiques proposées par les institutions de Bretton Woods il y a hégémonie doctrinale de ces institutions qui mettent en avant une pensée libérale privilégiant la rationalité économique et la suprématie du marché. La régulation par le marché devient la règle indépendamment des cheminements historiques et des diversités culturelles. Les institutions, les normes sociales ou les particularités locales, considérées comme des distorsions entravant le marché, doivent donc être supprimées. Dans un pays, le Programme d’ajustement structurel (PAS) vise en théorie à restructurer l'économie pour retrouver la croissance ainsi que des perspectives réelles de développement. Il s'agit de mener de front des réformes sectorielles et une réorganisation macroéconomique par l'accroissement du rôle du secteur privé et la réorientation des fonctions de l'Etat. Les limites des politiques de rigueur initiées à partir des années 1980, ont nourri une pensée post-consensus de Washington que l’économiste Philippe Hugon (2013) définit ainsi : « De nombreuses failles sont ainsi apparues dans ce modèle et une pensée du post-ajustement (Ben Hammouda, 1999) ou du post consensus de Washington (Stiglitz, 1998) a émergé. Les nouvelles analyses « structuralistes » prennent en compte, dans la tradition de l’économie du développement, les asymétries internationales, les blocages et les handicaps structurels, les liens entre répartition et accumulation ou la nature des biens et services échangés. Mais elles raisonnent en économie ouverte (contrainte de compétitivité, rôle de l’attractivité des capitaux et des techniques) et elles lient la stabilisation financière de court terme avec le long terme. Les liens entre inégalités de revenus et croissance sont fonction des contextes internes et internationaux et du rôle décisif des politiques économiques et sociales. Le comparatisme analytique et empirique permet de contextualiser les théories et les thérapies. Le cadre analytique retenu est celui de la 4. www.eujournal.org 135 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 concurrence imparfaite, des asymétries d’information, des rendements d’échelle, des externalités et des effets d’agglomération (Krugman, 2008). Le contexte est celui d’un univers incertain et d’un monde instable où les acteurs ont des pouvoirs asymétriques. Des effets de seuil liés à des trappes à pauvreté apparaissent de manière significative pour les pays les moins avancés (Sachs, 2005) et (Guillaumont, 2009). Dès lors, les recettes préconisées se font davantage au cas par cas ou par grand type de catégories de pays. Les "bonnes politiques" se jugent ex post sur leurs résultats ». Source : Philippe Hugon, Les politiques de développement après le consensus de Washington, Problèmes économiques, Comprendre les politiques économiques, n° 4, H.S, pp. 120, 2013. II.La politique économique au lendemain de de la crise des subprimes 1. Stagnation séculaire et retour des politiques de relance budgétaires Globalement l’économie mondiale semble être coincée dans une sorte de stagnation séculaire, selon l’expression de Larry Summers (2013). Le concept renvoie vers la fin des années 1930 et aux travaux d'Alvin Hanseni, qui partageait avec certains de ses contemporains l'idée que la Grande Dépression aurait entraîné une diminution permanente du taux de croissance tendanciel à long terme 4 (une sorte de dépression permanente). En effet, En 2013, à la suite de la récession de 2008, l'économiste Lawrence H. Summers observe une situation similaire à celle évoquée par Alvin Hansen dans les années 1930 : une faible croissance, une inflation faible et un niveau d'investissement réduit pour une épargne excessive, entraînant par là une baisse du taux d'intérêt réel. Pour L. Summer, la période d’euphorie qui a précédé la crise financière mondiale de 2008, ne représente qu’une parenthèse dans un cycle économique dépressif qui a débuté les années 1980. La preuve est l’absence de tensions inflationnistes malgré les interventions successives des pouvoirs publics pour permettre aux économies de se rapprocher du plein emploi. En dépit de ces interventions, les taux de croissance affichés demeurent loin de leur niveau potentiel (croissance potentielle) et celui tendanciel à long terme. En employant la terminologie keynésienne on dirait que l’écart de production conjoncturel (output gap)5 est si grand que le décideur public n’arrive pas à le combler aisément. Pour Summer, une économie qui se porte bien et qui ne se voit pas coincée dans cette sorte de stagnation séculaire, connaitra sûrement des tensions inflationnistes pendant toute période d’expansion à laquelle on assiste. Avant la dépression de 2008 par exemple, l’économie mondiale n’a pas connu l’inflation tout en restant éloignée de la situation de plein-emploi, malgré le laxisme monétaire auquel 5 Discours rédigé en 1939 par Alvin Hansen sous le nom de « Economic Progress and Declining Population Growth » www.eujournal.org 136 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 on a assisté depuis le début des années 2000. À chaque fois que les politiques monétaires sont accommodantes, cela se traduit par des bulles spéculatives (bulle immobilière en 2008) et une augmentation de l’endettement des ménages. Graphique 1. Évolution du PIB effectif, du PIB potentiel et du PIB tendanciel du G4 (EtatsUnis, zone euro, Japon et Royaume-Uni) Source : DAVIES, Gavyn (2013), « The implications of secular stagnation », In Financial Times, 17 November Note : Il y a deux constats sur lesquels Summers, L.H s'appuie : - En premier lieu, suite à la Grande Récession de 2008-2009, la reprise économique s'est avérée particulièrement lente dans les pays avancés, malgré les politiques monétaires très accommodantes mises en œuvre par les banques centrales. Bien que la croissance économique ait en partie retrouvé son niveau d'avant-crise, le PIB n'a pas encore totalement récupéré sa trajectoire pré-crise. Le PIB cumulé des quatre principales économies développées dépasse à peine son niveau d'avant-crise, comme l'indique le graphique. - En deuxième lieu, le PIB s'éloigne progressivement de sa trajectoire tendancielle à long terme, ce qui suggère une détérioration de la production potentielle. Summer semble raviver les débats autour de l’efficacité de la politique monétaire friedmanienne. Pour cet auteur néo-keynésien, dans le contexte actuel, il est difficile de considérer que les politiques monétaires déterminent l’inflation. Par conséquent, les Banques centrales doivent intervenir afin de permettre à l’économie d’atteindre son potentiel de croissance au lieu de le freiner à travers des politiques monétaires systématiquement désinflationnistes. Pour faire face à la stagnation séculaire, l'auteur préconise de reconnaître d'abord la réalité de cette situation. Cela implique de www.eujournal.org 137 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 comprendre que l'investissement privé ne parvient pas à absorber entièrement l'épargne privée, ce qui peut entraîner une demande insuffisante et des taux d'intérêt bas. Ensuite, il est essentiel de se concentrer sur les problèmes qui en découlent, comme des taux faibles de croissance économique, des taux d'intérêt bas et l'absence d'inflation. Dans les faits, la crise de 2008 a bel et bien montré que les politiques conjoncturelles n'ont pas disparu et qu’elles sont toujours présentes dans le débat public. Les mesures budgétaires de relance sont justifiées dans des circonstances exceptionnelles. Le levier budgétaire se révèle particulièrement utile pendant la période de récession consécutive à la crise de 2008, car les taux d'intérêt déjà très bas soulèvent le risque de trappe à liquidité. Face à la panne des canaux traditionnels de transmission de la politique monétaire, la politique budgétaire devient le seul recours efficace sans effet d'éviction. Graphique 2. Les taux d’intérêt directeurs des banques centrales (en %) Source : Thomson Reuters Datastream Note : À partir de septembre 2007, Ben Bernanke entame une série de baisses de taux d'intérêt, atteignant 2% en avril 2008. En juillet 2008, les taux atteignent un niveau plancher de 0,25% qui est maintenu depuis lors. En revanche, la Banque centrale européenne (BCE) adopte une approche moins réactive, maintenant son taux directeur principal à 4% dans un premier temps, puis le relevant de 0,25 point à l'été 2008. Ce n'est qu'avec la baisse de l'inflation à l'automne 2008 que les taux commencent à diminuer, atteignant 1% en 2009. Finalement, en 2013, la BCE rejoint le niveau de la Fed lorsque l'inflation passe en dessous de 1%. Au sein du G20, la nécessité de ces politiques est rapidement reconnue. Aux États-Unis, le PIB a déjà reculé de 0,3% en 2008 et de 3,5% en 2009. Le plan d'Obama est adopté en janvier 2009 et représente 787 milliards de dollars, soit 5% du PIB. Le déficit public, qui était déjà de 2,7% du PIB en 2007, atteint www.eujournal.org 138 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 10,7% en 2010. La dette, quant à elle, s'établit à 67,5% du PIB en 2007 et monte à 99,1% en 2010. En Europe, la Commission européenne déclare un plan de relance de 200 milliards en 2008, soit 1,5% du PIB de l'Union européenne, mais la majorité de ce montant provient des plans nationaux, seuls 30 milliards (0,2% du PIB) étant financés par des fonds européens. Ainsi, les plans varient en termes d'ampleur selon les pays. Au Royaume-Uni, la relance repose principalement sur la consommation des ménages (baisse de la TVA) et représente 4% du PIB. Le déficit public passe de 2,7% du PIB en 2007 à 10,3% en 2010, tandis que la dette passe de 44,4% en 2007 à 79,6% en 2010. En France et en Allemagne, les plans sont plus modestes, d'environ 2% du PIB. En France, l'accent est mis sur les investissements publics et privés, avec une augmentation du déficit de 2,3% à 7,1% entre 2007 et 2010, et une augmentation de la dette de 64,2% à 82,3%. En Allemagne, le déficit était seulement de 0,7% en 2007, il passe à 4,3% en 2010, et la dette augmente de 65,4% en 2007 à 83% en 2010. 2. Le bilan sombre des politiques d'austérité en Europe suite à une sortie hâtive des plans de relance Les politiques d'austérité visent à réduire, plus ou moins rapidement, les niveaux de déficits et de dettes publiques. Cela correspond également à la logique de la règle d'or adoptée. À partir de 2010, et bien que le taux de chômage reste élevé, les plans de relance laissent place à des politiques budgétaires plus restrictives, en particulier en Europe, dans le contexte de la crise des dettes souveraines. Ces politiques se traduisent par une réduction importante des dépenses publiques (réduction de 10 milliards d'euros en 2013 en France), des emplois publics, des rémunérations et éventuellement des privatisations. Elles entraînent généralement une augmentation des prélèvements obligatoires pour augmenter les recettes. Ainsi, selon l'INSEE, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 41,2% du PIB en 2009 à 43,9% en 2012 et 45% en 2018 (48,4% selon Eurostat, qui inclut les crédits d'impôt notamment). Cette politique a évidemment un impact négatif sur l'activité économique en réduisant la consommation, l'investissement et l'emploi. De plus, la réduction de la dette entraîne de nombreux effets pervers: si tout le monde se désendette en même temps, le problème s'aggrave. Par exemple, si tous les ménages augmentent leur épargne simultanément, cela affecte considérablement et négativement la demande globale et nuit à l'activité. De plus, les banques sont incitées à assainir leurs bilans en réduisant les prêts. Cela explique la prolongation des délais pour Bâle III et des critères de ratios moins contraignants. Cette orientation est critiquée par de nombreux économistes, comme Paul Krugman, qui la qualifie d'erreur comparable à celle de Roosevelt en 1937 lorsqu'il pensait que la crise était terminée. Paul Krugman (2012) critique également cette approche en s’étalant sur les www.eujournal.org 139 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 conditions de l'émergence du consensus en faveur de l'austérité entre 2010 et 2011, notamment en critiquant avec ferveur un article d'Alberto Alesina et Ardagna (2010) qui misait sur les effets stimulants de l'austérité grâce à l'anticipation des réductions de déficit, donc des baisses futures des taux d’imposition et des taux d'intérêt. Ce consensus pour la rigueur budgétaire nourrit une pensée antikeynésienne (NAK). En effet, une consolidation budgétaire durable peut affecter positivement la croissance économique. En général, une politique de consolidation budgétaire6 de plus longue durée peut contribuer à assurer une certaine stabilité macroéconomique en créant un meilleur ancrage des anticipations auprès des différents agents économiques et en les rassurant par rapport à une éventuelle augmentation future de la pression fiscale ou des taux d’intérêt. En outre, pour les partisans de la nouvelle théorie anti-Keynésienne des finances publiques, la politique budgétaire est utilisée à mauvais escient, pour des fins exclusivement électoralistes et non à des fins de régulation de l’activité économique. Cette instrumentalisation de la politique budgétaire provoque une augmentation excessive du déficit budgétaire et de la dette publique (problème d’insoutenabilité de la dette publique). Olivier Blanchard et Robert Leigh, économistes du FMI, ont publié en janvier 2013 un article qui révise les calculs du multiplicateur budgétaire, qu'ils estiment entre 0,9 et 1,7 dans les pays avancés depuis 2009, contre 0,5 pour les décennies précédentes : la contraction budgétaire aurait donc des effets récessifs plus importants que prévu. Olivier Blanchard affirme que ce résultat s'aligne sur d'autres études qui estiment que dans le contexte actuel de sous-utilisation des capacités de production, de politiques monétaires contraintes par le plancher des taux d'intérêt nuls et d'ajustement budgétaire synchronisé dans de nombreux pays, les coefficients pourraient être bien supérieurs à 1. Cette constatation indiquerait que la reprise économique pourrait être plus dynamique et dépasser les prévisions, compte tenu de ces facteurs favorables. 3. Les choix budgétaires et monétaires antérieurs à la crise de la Covid Rachel et Summers défendent l'idée d'une utilisation de la politique budgétaire, tandis qu'ils expriment des réserves quant à l'efficacité de la politique monétaire. Selon eux, l'utilisation de la politique budgétaire ne présente que peu de risques. En effet, Olivier Blanchard (2019) a constaté dans un article intitulée "Public Debt and low interest rates" à l’Association Américaine d’Économie que les inquiétudes traditionnelles concernant 6 D’autres économistes mobilisent le concept de consolidation budgétaire. www.eujournal.org 140 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 l'endettement public en période de taux d'intérêt réels bas ne semblent pas justifiées à la lumière de l'expérience passée. Rachel et Summers remettent en question l'efficacité potentielle de la politique monétaire. Ils doutent que les banques centrales disposent de suffisamment de marge de manœuvre pour réduire davantage les taux d'intérêt en cas de nouvelle récession. De plus, ils soulignent que l'assouplissement monétaire pourrait ne pas réellement stimuler l'activité économique lorsque les taux d'intérêt sont déjà faibles. Enfin, ils mettent en garde contre les effets indésirables des taux bas, tels que la formation de bulles spéculatives, l'allocation inefficace des ressources et le renforcement du pouvoir de marché des entreprises. Graphique 3. Réaction du marché boursier mondial aux programmes non conventionnels Source : Thomson Reuters Datastream Note : QE = Assouplissement quantitatif ; LTRO = Opération de refinancement à long terme. * Un indice boursier qui mesure les performances des places financières de pays avancés. Depuis le déploiement de l'assouplissement quantitatif en 2015, il est constaté que la base monétaire a connu une augmentation de 166 %, passant de 1 200 à 3 200 milliards d'euros. Cependant, pendant cette période, la masse monétaire (M3) n'a augmenté que de 20 %. Ces observations suggèrent que seule une partie relativement faible des 2 000 milliards d'euros de base monétaire créés par l'Eurosystème sont réellement injectés dans l'économie réelle. Par conséquent, il est peu probable qu'une nouvelle expansion significative du bilan ait un impact considérable sur cette situation. www.eujournal.org 141 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Graphique 4. Bilans des banques centrales du G4 (en milliards de dollars) et moyenne de leurs taux directeurs Source : Thomson Reuters Datastream Face aux dysfonctionnements des canaux traditionnels de la politique monétaire, les politiques non conventionnelles sont mises en œuvre pour répondre à divers objectifs définis par les banques centrales, tels que la stabilisation des marchés financiers, la stimulation du crédit et la lutte contre la déflation. Ces mesures varient en fonction des caractéristiques des systèmes financiers et des priorités des banques centrales. Par exemple, certaines banques centrales ont adopté des taux d'intérêt négatifs, obligeant les banques à payer des intérêts sur leurs dépôts auprès de la banque centrale afin de les encourager à prêter aux acteurs économiques. Elles ont également renforcé l'impact de leurs décisions en communiquant de manière transparente et efficace, à travers des stratégies de communication anticipée, connues sous le nom de "forward guidance", qui annoncent à l'avance les orientations futures de leur politique monétaire. En outre, certaines banques centrales ont facilité l'accès des banques commerciales à des liquidités en satisfaisant intégralement leurs demandes de financement à plus long terme. Elles ont également accepté des garanties de moindre qualité (qualitative easing). De plus, elles sont intervenues directement sur les marchés secondaires en achetant massivement des titres financiers aux banques, ce qui a injecté des liquidités dans le système financier, connu sous le nom d'assouplissement quantitatif ou quantitative easing. Dans la zone euro, par exemple, les mesures non conventionnelles mises en œuvre par l'Eurosystème comprennent une politique de taux d'intérêt particulièrement accommodante, y compris des taux négatifs, ainsi qu'une guidance prospective indiquant que les taux directeurs resteront proches de zéro aussi longtemps que nécessaire. Des facilités d'accès aux liquidités ont www.eujournal.org 142 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 été mises en place pour les banques commerciales, notamment par le biais d'opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO), et des programmes d'achat d'actifs publics et privés ont été mis en œuvre, complétés par des facilités de prêts de titres. Cependant, malgré l'ampleur de ces programmes, ils n'ont pas entraîné une augmentation significative de l'inflation. Bien que la base monétaire ait augmenté (le bilan des banques centrales), la croissance de la masse monétaire (M3) est restée modérée. Entre 2007 et 2020, la base monétaire a augmenté de 330 % dans la zone euro, tandis que M3 n'a augmenté que de 60 %, et les prix ont augmenté de 17,2 % selon la Banque de France. Aux États-Unis, sur la même période, la base monétaire a augmenté de près de 500 %, tandis que M3 a augmenté de 143 % et les prix de 19 %. III. Quelle politique économique dans le contexte d’après crise pandémique ? 1. Resserrement monétaire et risque d’instabilité financière ? Comme c’est indiqué dans le graphique ci-dessous, depuis le mois de Mars 2022, la FED a déjà commencé une hausse de son taux directeur. Le pays maintient actuellement le taux directeur le plus élevé parmi les grandes économies occidentales, avec une fourchette de taux comprise entre 5,00 % et 5,25 % en juin. Quelques semaines plus tard (Juillet), un suivisme européen a été constaté. En effet, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé d'augmenter son taux d'intérêt directeur de 25 points de base, le portant à 4,00 %. Parallèlement, la banque centrale du Royaume-Uni a également pris la décision d'augmenter son taux d'intérêt directeur de 50 points de base, le fixant à 5,00 %. Ces mesures visent principalement à lutter contre l'inflation croissante et à maintenir la stabilité économique. Effectivement, les politiques monétaires sont en cours de normalisation, marquant la fin des mesures d'urgence prises en réponse à la pandémie. La Banque centrale européenne (BCE) a mis fin à ses programmes de rachat d'actifs liés à la crise sanitaire, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) a commencé à réduire progressivement ses propres rachats d'actifs depuis novembre 2021. Auparavant, la Fed achetait environ 120 milliards de dollars de bons du Trésor et autres actifs chaque mois. www.eujournal.org 143 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Graphique 5. Évolution des principaux taux d’intérêt directeurs des Banques centrales Source : Statista, sur données fournies par les principales Banques centrales Note : - États-Unis : le taux indiqué correspond à la limite supérieure de la fourchette cible du taux directeur. - La décision de la BCE (Juillet 2022) d'augmenter ses taux d'intérêt marque la fin d'une période de politique monétaire à taux zéro qui a duré six ans. Cette hausse s'inscrit dans une série de mesures visant à normaliser la politique monétaire. Toutefois, cette normalisation de la politique monétaire dans les principales économies mondiales, pourrait bien en avoir des conséquences néfastes, notamment sur le fonctionnement des marchés financiers et sur la dynamique de croissance économique dans le monde. En effet, la maitrise de l’inflation peut s’avérer contradictoire quant à l’objectif de stabilité financière. La possibilité d'un retournement de la courbe des taux, avec l’augmentation des taux directeurs, suscite des inquiétudes quant à une éventuelle crise financière. Une hausse des taux pourrait entraîner une forte dépréciation des actions, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur les marchés financiers. En effet, des perturbations sur les marchés ont été déjà observées, en particulier lors des annonces de la Fed en 2021 et 2022, où des baisses de cours ont été enregistrées, notamment sur les valeurs technologiques jugées plus risquées. La crise ukrainienne a également eu des répercussions, bien que probablement moins importantes que les hausses de taux. Par exemple, sur le S&P 500, qui reflète les performances des 500 plus grandes entreprises cotées aux États-Unis, les anticipations de hausse des taux ont entraîné une correction maximale de près de 10 % de l'indice, avant qu'il ne rebondisse et ne se stabilise avec une correction limitée à 4,3 % depuis la www.eujournal.org 144 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 fin de l'année 2021. La crise ukrainienne a initialement entraîné une chute de 8 % de l'indice, mais le marché a ensuite réévalué la situation, limitant la baisse à 4,5 %. Ainsi, de nombreux signes plutôt inquiétants se manifestent. D’ailleurs, la BCE en février 2022 a récemment mis en garde contre les risques d'exposition des banques européennes à un retournement, notamment sur le marché de l'immobilier commercial, ainsi qu'au risque de surévaluation des prix des logements dans certains pays comme l'Allemagne. On en conclut que les banques centrales sont confrontées à une difficulté majeure dans leur mission, qui consiste à concilier la stabilité financière et la gestion de l'inflation. Selon Kent et Lowe (1997), il est suggéré que les banques centrales puissent prendre en compte l'appréciation des actifs financiers dans leur politique de taux, à condition de juger que cette appréciation n'est pas liée à l’évolution des fondamentaux économiques. Cependant, cela soulève la possibilité que les banques centrales éprouvent des difficultés à distinguer les chocs de productivité réelle d'une frénésie spéculative sur les marchés. Selon Kent et Lowe (1997), les banques centrales se trouvent donc confrontées à un dilemme complexe dans leur prise de décision. 1. Le problème de la dette Covid Il convient de souligner que la persistance des taux d'intérêt à des niveaux bas a récemment contribué à alléger le fardeau de la dette, comme en témoigne l'exemple de la France. Les obligations publiques ont réussi à se placer sur le marché, parfois à des taux négatifs, ce qui témoigne de l'intérêt croissant pour les investissements considérés comme sûrs. Il existe un consensus général quant à la nécessité de recourir à l'endettement, une réalité partagée par tous les pays développés. Selon le Fonds monétaire international (FMI), en octobre 2021, la dette mondiale a connu une augmentation significative de 14 % par rapport à 2020, dépassant le niveau record de 226 000 milliards de dollars à cause de la pandémie. Fitch Ratings a également souligné que la dette publique a augmenté d'environ 10 000 milliards de dollars en seulement neuf mois en 2020, une croissance qui aurait normalement nécessité sept années avant la crise. À l'heure actuelle, la dette publique mondiale représente presque un an du produit intérieur brut (PIB) mondial. Les pays développés bénéficient de taux d'intérêt très bas pour financer leur dette, tandis que les pays émergents font face à des taux plus élevés. www.eujournal.org 145 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Graphique 6. Évolution de la dette mondiale entre 1970 et 2020 en pourcentage du PIB Source : Calculs des services du FMI Note : Les ratios estimés de la dette mondiale sur le PIB sont pondérés en fonction du PIB de chaque payé exprimé en dollars. En 2020, la dette mondiale a connu la plus forte augmentation des 50 dernières années. Graphique 7. La dette publique de la France devrait augmenter en raison des mesures d'aide budgétaire et de la baisse de la production (en pourcentage du PIB) Source : Calculs des services du FMI Note : La zone en gris correspond aux prévisions Certains économistes ont avancé la proposition d'annuler la dette supplémentaire liée à la pandémie et détenue par la Banque centrale européenne (BCE). Une tribune signée par plus d'une centaine d'économistes et de politiciens, parmi lesquels Thomas Piketty, a soutenu cette idée. Selon eux, environ 25 % de la dette est détenue par la BCE, ce qui signifie que son annulation ne nuirait pas aux créanciers privés. Une alternative consisterait à www.eujournal.org 146 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 transformer cette dette en une forme de dette perpétuelle assortie de taux d'intérêt nuls. Les partisans de cette proposition suggèrent que les États bénéficiant de l'annulation de dette soient tenus d'investir un montant équivalent dans la transition écologique. Ils expriment des craintes concernant un retour aux politiques d'austérité, comme cela s'est produit après la crise des dettes souveraines, ainsi que l'éventualité d'augmentations d'impôts ayant des effets néfastes sur l'activité économique. Contrairement à d'autres institutions, une banque centrale ne craint pas de subir des pertes, car elle peut toujours honorer sa dette en créant de la monnaie. Par conséquent, si la banque centrale annulait une partie de sa créance, elle enregistrerait une perte qui serait absorbée par ses fonds propres, sans affecter son fonctionnement. Même si, symboliquement, le bilan de la BCE ne rétrécirait pas (bien que son expansion massive soulève des questions), la recapitalisation pourrait être effectuée par les banques centrales nationales, qui recevraient de la monnaie centrale de la BCE à cette fin. D'autres propositions alternatives ont également été avancées, comme celle évoquée par Esther Duflo, qui suggère de maintenir le remboursement de la dette, mais en conditionnant celui-ci à une augmentation de la progressivité de l'impôt, de sorte que ce soient les personnes les plus riches qui contribuent davantage. Actuellement, l'affaiblissement mécanique de la dette est principalement dû aux taux d'intérêt très bas, ce qui peut avoir un impact négatif sur les épargnants de classe moyenne. Le dilemme de la politique monétaire aujourd’hui : dominance budgétaire vs dominance monétaire Actuellement, la Banque centrale européenne se trouve inextricablement prise dans une situation de dominance budgétaire. Cette situation entrave d’ores et déjà la conduite de la politique monétaire dans la zone euro, en limite considérablement l'efficacité et réduit la possibilité d'une quelconque modification dans la trajectoire future de la politique économique. Une situation de dominance budgétaire survient lorsque la politique monétaire devient dépendante du financement de l’État et est de fait, contrainte par la politique budgétaire. Cette situation correspond au cas d’une économie de guerre, où la politique monétaire vise à maintenir des taux d'intérêt bas à long terme pour faciliter le financement de l’effort de guerre et pour contrôler l'inflation. Aussi, l'augmentation des dettes publiques suite à la crise sanitaire (Dette Covid) oblige à la mise en place d’une politique monétaire axée sur des taux directeurs très faibles, voire nuls, et des opérations d'achat d'obligations (notamment publiques) pour maintenir les taux d’intérêt à long terme à un niveau bas, assurant ainsi la soutenabilité de ces dettes. En effet, la dominance budgétaire serait particulièrement préoccupante pour la zone euro. Les spreads, c'est-à-dire les écarts de taux entre les obligations publiques des 2. www.eujournal.org 147 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 différents pays membres, restent un sujet d'inquiétude. À titre d’illustration, en mars 2020, des tensions sur les spreads sont réapparues, notamment vis-àvis de l'Italie, où la dette publique dépassait les 130 % du PIB, suscitant des inquiétudes sur les marchés. La passivité de la BCE envers l'Italie a provoqué rapidement un creusement des spreads par une chute du cours des obligations italiennes. Pour y remédier, la BCE a été contrainte d’intervenir, par le biais de nouvelles mesures de relance quantitative et qualitative, et par là apaiser les tensions sur les marchés. La BCE semble donc fortement contrainte dans ses choix en matière de taux d'intérêt et difficilement capable de conduire une politique monétaire autonome. A contrario, il est question de dominance monétaire lorsque le pays se voit en mesure d’assurer en toute autonomie la soutenabilité de ses finances publiques, tandis que la banque centrale reste indépendante dans le pilotage de sa politique monétaire. Dans ce contexte, la politique monétaire n'est pas soumise aux contraintes de financement du gouvernement, comme c'est le cas lorsque le financement du besoin de financement de l’Etat se fait par l'émission de titres de dettes sur les marchés financiers et que ce financement est viable. En temps normal, lorsque la banque centrale commence à normaliser sa politique monétaire, l’augmentation des taux d'intérêt accroît la charge de la dette du gouvernement, qui se voit contraint de recourir à une politique de rééquilibrage budgétaire sous forme d'augmentation des impôts ou de réduction des dépenses publiques. Cependant, en raison de leur niveau d'endettement élevé, les États pourraient bien décider délibérément de ne pas réduire leurs déficits, voire d'augmenter leur endettement, pour obliger la banque centrale à abandonner son resserrement monétaire. Ce jeu non coopératif entre les gouvernements et les banques centrales peut facilement dégénérer pour donner lieu in fine à un risque de défaillance souveraine. Dans le cas de la zone euro, le régime de dominance monétaire prévalait depuis la création de la BCE en 1998 jusqu'à l'adoption en fin 2012 du dispositif européen de stabilité financière7 et a fortiori pour gérer la crise de dette souveraine grecque. 7 Le mécanisme européen de stabilité (MES) a été établi dans le but de garantir la stabilité financière dans la zone euro. Son rôle principal est de venir en aide aux États membres qui se retrouvent en difficulté financière. Effectif depuis le 27 septembre 2012, le MES remplace le mécanisme et le fonds européen de stabilité financière. À l'heure actuelle, le MES a également la capacité d'accorder une assistance financière aux États faisant face à un niveau d'endettement trop élevé. En échange, ces derniers doivent s'engager à mettre en œuvre des mesures spécifiques, incluant un programme d'ajustement macroéconomique. De plus, ils doivent continuer à respecter les dispositions du pacte budgétaire européen. www.eujournal.org 148 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Graphique 8. Évolution du taux d’intérêt de l’emprunt d’État à 10 ans de pays de la zone Euro entre 2008 et 2012 Source : Olivier Berruyer (https://www.les-crises.fr) - On se souvient qu'en été 2012, il avait fallu le fameux "whatever it takes" de Mario Draghi pour apaiser les marchés. Le débat autour du principe de responsabilité nationale dans la gestion des finances publiques, qui constitue un pilier fondamental de la construction et du fonctionnement de l'Union économique et monétaire (UEM), suscite des discussions récurrentes depuis le déclenchement de la crise grecque. Au-delà des remises en question institutionnelles potentielles de ce principe, cet article se concentre sur l'idée selon laquelle les mesures prises par le FMI et la BCE au sein de la "Troïka" pour soutenir les finances publiques grecques semblent, de facto, enfreindre le principe de non-solidarité financière entre les États. Aujourd’hui, face à une crise stagflationniste qui semble durer dans le temps, l’intervention des Banques centrales est plus sollicitée que jamais. Si l’augmentation des taux d'intérêt correspond à une hausse des taux d’intérêt réels à long terme, compatible avec une augmentation de la productivité et de la croissance réelle, et donc également des recettes de l'État, cela pourrait être absorbé. La deuxième possibilité serait une hausse des taux nominaux par la BCE en réponse à une inflation croissante, un scénario de plus en plus probable avec un contexte géopolitique mondial perturbé. Toutefois, si cela est bien géré, cette hausse des taux n'aurait pas d'effet sur les taux réels pour le gouvernement, préservant ainsi la soutenabilité de la dette. Un troisième scénario impliquerait une panique des investisseurs, qui se détourneraient massivement de la dette publique. Dans ce cas, la banque centrale devrait intervenir "quoi qu'il en coûte", comme elle l'a promis, en assumant une www.eujournal.org 149 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 responsabilité explicite envers la stabilité financière. Elle devrait prendre des mesures drastiques pour rétablir la confiance et stabiliser les marchés financiers afin d'éviter une crise majeure. Il est impératif de repenser entièrement l'approche des institutions européennes, étant donné que la Banque centrale européenne (BCE) assume maintenant un rôle inattendu et de facto, dépassant largement les prévisions, tandis que le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été interrompu à cause de la pandémie de Covid-19, étant déjà inefficace et ignoré depuis de nombreuses années. Par conséquent, il est impératif de le remplacer par un nouveau socle de principes simples et tangibles, afin de permettre la mise en œuvre d'une politique contracyclique chaque fois que nécessaire. Les banques centrales sont donc confrontées à un dilemme : accepter une légère augmentation de l'inflation pour alléger la contrainte budgétaire, ou bien maintenir une orthodoxie monétaire, risquant ainsi de susciter des réactions violentes de la part des gouvernements qui contrecarreraient leurs actions en émettant massivement de la dette publique pour rembourser les dettes passées. Conclusion Depuis les années 1980, la plupart des pays développés a adopté le consensus de Washington, une approche néolibérale prônée par le FMI et la BM. Ces institutions ont préconisé des politiques économiques visant à inverser les mesures interventionnistes mises en place pendant les décennies d'après-guerre. Cette orientation a favorisé le désengagement de l'État des activités économiques et sociales, donnant ainsi au marché un rôle central dans la régulation. Les politiques de développement ont également été axées sur la libéralisation commerciale et financière. Sur le plan budgétaire, les politiques de consolidation budgétaires ont été privilégiées, tandis que sur le plan monétaire, les mesures de ciblage de l’inflation étaient devenues la règle pour la plus grande majorité des pays. Ces dynamiques des années 1980 se sont étendues au-delà des pays développés, touchant également les pays en développement, qui ont été confrontés à des déséquilibres financiers et un endettement croissant. Face à ces problèmes, bon nombre de ces pays ont adopté des politiques alignées sur le consensus de Washington, cherchant à remédier à leurs déficits sociaux chroniques, aux déséquilibres de la balance des paiements et aux crises de la dette par le biais de Programmes d'ajustement structurel (PAS). Toutefois, ces politiques ont rapidement montré leurs limites, notamment en Amérique latine où elles ont été largement appliquées. Bien qu'elles aient contribué à stabiliser les équilibres macroéconomiques et sociaux, elles ont toutefois peiné à résoudre les rigidités institutionnelles et les déficits sociaux inhérents aux économies en difficulté, entraînant une croissance économique faible. www.eujournal.org 150 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Aujourd'hui, un changement de cap dans l'analyse est à l’ordre du jour, avec une multiplication des appels en faveur de la politique budgétaire dans un contexte économique compliqué, ce qui aurait semblé difficile il y a seulement dix ans. Face à la crise et au regard de la persistance des taux d'intérêt à des niveaux bas, un consensus général en faveur du recours à l'endettement est partagé par tous les pays développés. Cependant, la dette mondiale a considérablement augmenté, atteignant un niveau record selon le FMI et l'avenir réserve des défis pour gérer cette dette, en particulier pour les économies émergentes. Aussi, le problème d’inflation met les banques centrales dans une situation de dilemme. D’une part, le resserrement des conditions de financement et les mesures de normalisation monétaire se propagent afin d’endiguer l’inflation, au prix de freiner une reprise économique timide à la sortie de la crise pandémique. D’autre part, la poursuite des mesures expansives, en l’occurrence non-conventionnelles, pourrait aggraver l’inflation et perpétuer la dominance budgétaire exercée sur les banques centrales depuis le début de la crise des dettes souveraines en Europe. L’étude actuelle se concentre sur une sélection d'articles, les plus cités sur les différentes bases de données. Cette dernière ne prétend pas être exhaustive. Ainsi, sa principale limite réside dans le nombre réduit d'articles étudiés. La méthodologie exposée préalablement, démontre que ce travail représente une ébauche d'un examen de la portée (scoping review), qui pourrait servir de précurseur à une éventuelle revue systématique à venir. Conflit d'intérêts : L'auteur n'a signalé aucun conflit d'intérêts. Disponibilité des données : Toutes les données sont incluses dans le contenu du document. Déclaration de financement : L’auteur n'a obtenu aucun financement pour cette recherche. Références : 1. Alberto Alesina, Carlo Favero, Francesco Giavazzi, The output effect of fiscal consolidation plans, Journal of International Economics, Volume 96, Supplement 1, 2015, Pages S19-S42. 2. Alesina, A., & Ardagna, S. (2010). Large Changes in fiscal policy: Taxes versus spending. Tax Policy and the Economy, 24, 35–68. 3. Barro R. J. et Gordon D. B. (1983), « A positive theory of monetary policy in a natural rate model », Journal of Political Economy, 91 (4), p. 589-610. www.eujournal.org 151 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 4. Barro R.J, Government Spending in a simple model of endogenous growth, Journal of Political economy, vol. 98, n°5, pp. 103-125, 1990. 5. Blanchard, O., and Fisher, S. (1989): Lectures on Macroeconomics. Cambridge. MA: MIT Press. 6. Blanchard, Olivier. 2019. "Public Debt and Low Interest Rates." American Economic Review, 109 (4) : 1197-1229. 7. Davies, Gavyn (2013), « The implications of secular stagnation », In Financial Times, 17 November. 8. Jan Tinbergen, Politique commerciale et croissance de l’emploi, Revue internationale du Travail, vol. 101, n°5, pp. 473-479, 1970. 9. Jérôme Creel, Pour ou contre les règles de politique budgétaire, Problèmes économiques, n° 4, Comprendre les politiques économiques, H.S, p. 33, 2013. 10. Kent, C., & Lowe, P. (1997). Monetary Policy and Bubbles: A Simple Model. Reserve Bank of Australia Research Discussion Papers, (December). 11. Krugman, P. (2012). Sortez-nous de cette crise... maintenant ! [End this depression now!]. Edition Flammarion. 12. Kydland F. E et Prescott E. C, Rules rather than Discretion: The Inconsistency of Optimal Plans, Journal of Political Economy, vol. 85, n°3, pp. 473-491, 1977. 13. Lucas R.E, On the Mechanics of Economics Development, Journal of Monetary Economics, vol. 22, pp. 3-42, 1988. 14. Muth, John F. “Rational Expectations and the Theory of Price Movements.” Econometrica, vol. 29, no. 3, 1961, pp. 315–35. 15. Milton Friedman, The quantity theory, a restatement (1956), Journal of International Money and Finance, pp. 1086–1096, 2009. 16. Nordhaus W. D. (1994), « Policy Games: Coordination and Independence in a Monetary and Fiscal Policies », Brookings Papers on Economic Activity, n° 2, pp. 139-216. 17. Olivier J. Blanchard & Daniel Leigh, 2013. “Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers”, American Economic Review, American Economic Association, vol. 103(3), pp. 117-120, May. 18. Philippe Hugon, Les politiques de développement après le consensus de Washington, Problèmes économiques, Comprendre les politiques économiques, n° 4, H.S, pp. 120, 2013. 19. Robert A. Mundell, Official intervention on the forward exchange market: a simplified analysis, Staff papers, International Monetary Fund, Vol. 11, pp. 1-19, 1964. 20. Romer P, Increasing Return and Long-Run Growth, Journal of Political Economy, vol.94, octobre, n°5, pp. 1002-1037, 1986. www.eujournal.org 152 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 21. Summers, L.H. (2013) Speech at the IMF 14th Annual Research Conference in Honor of Stanley Fisher, International Monetary Fund, 8 November. 22. Sargent, T. et Wallace, N. (1976), « Rational expectations and the theory of economic policy », Journal of Monetary Economics, vol.2 (2), pp. 169-183. 23. Schaechter et al., (2012), Fiscal rules in response to the crisis, document publié par le FMI. 24. Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, Editions du seuil, p. 885, 2013. 25. Williamson J., Un train de réformes devenu un label galvaudé. Consensus de Washington : un bref historique et quelques suggestions, Finances et Développement, pp. 10-13, 2003. Annexe 1. Une sélection des références pertinentes selon le nombre de citations Auteurs Titre l'article Alberto Alesina, Carlo Favero, Francesco Giavazzi The output effect of fiscal consolidation plans Alesina, A., & Ardagna, S. Large Changes in fiscal policy: Taxes versus spending www.eujournal.org de Objet de l'article Journal ou support de publication Alberto Alesina, Carlo Favero, et Francesco Giavazzi, soulignent que l'expérience adéquate pour évaluer les effets d'un ajustement budgétaire est la simulation d'un plan budgétaire pluriannuel, plutôt que des chocs budgétaires individuels. Leur étude porte sur 16 pays de l'OCDE sur 30 ans montre que les ajustements basés sur des coupes dans les dépenses sont moins coûteux en termes de pertes de production que ceux basés sur les impôts, surtout lorsqu'ils sont permanents. En analysant les politiques fiscales des pays de l'OCDE de 1970 à 2007, Les auteurs démontrent que par des Journal of International Economics, Volume 96, Supplement 1, Pages S19S42, 2015 Tax Policy and the Economy, National Bureau of Citations (sur différentes bases de données) Cité 687 fois dont 222 sur ScienceDirect Cité 2171 fois 153 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 stimuli budgétaires par des réductions d'impôts favorisent plus la croissance que par des augmentations de dépenses. Les ajustements budgétaires par des coupes dans les dépenses sans augmentation d'impôts réduisent davantage les déficits et les ratios dette/PIB que ceux par des hausses d'impôts. De plus, les ajustements du côté des dépenses sont moins susceptibles de provoquer des récessions. Ces résultats sont confirmés par des régressions simples. Economic Research (NBER). Volume 24, Pages 35–68, 2010 Barro R. J. et Gordon D. B. A positive theory of monetary policy in a natural rate model Un décideur politique discrétionnaire peut causer une inflation surprise, nuisant à l'emploi et augmentant les recettes publiques. Mais si les individus comprennent les objectifs du décideur, les surprises sont limitées. En équilibre, les anticipations sont rationnelles. Ces dernières engendrent une dichotomie entre la sphère réelle (chômage) et la sphère monétaire (inflation). Des règles d'engagement améliorent les résultats, favorisant les contrats à long terme entre gouvernement et secteur privé. Journal of Political Economy, Volume 91 (4), Pages 589-610, 1983 Cité plus de 5000 citations Barro R.J Government Spending in a simple model of Les dépenses publiques dans le domaine de la recherche et développement ou celui des infrastructures permet Journal of Political Economy, Volume 98, Cité fois www.eujournal.org 12995 154 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 endogenous growth de générer des externalités positives qui améliore la productivité des facteurs de production. La production des externalités par l’Etat justifie le retour de ce dernier avec les économistes de la nouvelle école classique. Issue 5, Pages 103-125, 1990 Blanchard, Olivier Public Debt and Low Interest Rates American Economic Review, Volume 109 (4), Pages 1197-1229, 2019 Cité plus de 1180 fois Kydland F. E et Prescott E. C Rules rather than Discretion: The Inconsistency of Optimal Plans L’auteur montre que les inquiétudes traditionnelles concernant l'endettement public en période de taux d'intérêt réels bas ne semblent pas justifiées à la lumière de l'expérience passée. Les auteurs montrent que malgré que les décideurs connaissent le moment et l'ampleur des effets de leurs actions, la politique discrétionnaire, c'est-àdire le choix de la décision qui est la meilleure, compte tenu de la situation actuelle et d'une évaluation correcte de la position de fin de période, ne maximise pas la fonction sociale. La rationalité des agents économiques rend la politique discrétionnaire inefficace. Journal of Political Economy, Volume 85, Issue 3, Pages 473-491, 1977 Cité plus de 2600 fois Lucas R.E On the Mechanics of Economics Development L’auteur examine les perspectives de construction d'une théorie néoclassique de la croissance et du commerce international cohérente avec certaines caractéristiques principales du développement économique. Trois Journal of Monetary Economics, Volume 22, Pages 3-42, 1988 Cité plus de 43750 fois Dont 11969 sur ScienceDirect www.eujournal.org 155 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 modèles sont considérés et comparés aux données probantes : un modèle mettant l'accent sur l'accumulation de capital physique et le changement technologique, un modèle mettant l'accent sur l'accumulation de capital humain par le biais de l'éducation, et un modèle mettant l'accent sur l'accumulation de capital humain spécialisé par l'apprentissage par la pratique. Muth, John F. Rational Expectations and the Theory of Price Movements L’auteur explique comment les anticipations se forment, en s’alignant sur la théorie économique néoclassique, partant de l’hypothèse des anticipations rationnelles. Par hypothèse, l'économie utilise rationnellement toute l'information, et les anticipations dépendent spécifiquement de la structure de l'ensemble du système. Econometrica, Volume 29, Issue 3, Pages 315–35, 1961 Cité 9385 fois Milton Friedman The quantity theory, a restatement Milton Friedman, dans son "Restatement" de 1956 de la théorie quantitative, affirmait que son article et quatre autres essais dans Studies in the Quantity Theory of Money faisaient partie d'une tradition orale distincte de la théorie quantitative à l'Université de Chicago. La conception friedmanienne de la politique monétaire s’oppose à la conception keynésienne discrétionnaire. Journal of International Money and Finance, Pages 1086– 1096, 2009 N/A www.eujournal.org 156 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Olivier J. Blanchard & Daniel Leigh Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers Ce document examine la relation entre les erreurs de prévision de croissance et la consolidation budgétaire planifiée pendant la crise. Les auteurs constatent que, dans les économies avancées, une consolidation budgétaire plus forte a été associée à une croissance plus faible que prévu. La relation est particulièrement forte, à la fois statistiquement et économiquement, au début de la crise. Une interprétation Plausible est que les multiplicateurs budgétaires étaient nettement plus élevés que ce que présumaient implicitement les prévisions. American Economic Review, Volume 103 (3), Pages 117-120, 2013, Mai 2013 Cité plus de 2090 Romer P Increasing Return and Long-Run Growth Cet article propose un modèle de croissance à long terme où la connaissance est considérée comme un facteur de production avec une productivité marginale croissante. Contrairement aux modèles reposant sur des rendements décroissants, ce modèle permet des taux de croissance en augmentation, amplifiant les effets des petites perturbations par les actions des agents privés, et suggère que les grands pays peuvent toujours croître plus rapidement que les petits. Des preuves empiriques à long terme soutiennent ces possibilités. Journal of Political Economy, Volume 94, Issue 5, Pages 1002-1037, 1986 Cité plus de 37100 fois www.eujournal.org 157 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 Summers, L.H. Speech at the IMF 14th Annual Research Conference in Honor of Stanley Fisher En 2013, Lawrence H. Summers fait un parallèle entre la situation économique actuelle et celle décrite par Alvin Hansen dans les années 1930 : une croissance faible, une inflation modérée et un niveau d'investissement en baisse malgré une épargne excessive, entraînant une chute des taux d'intérêt réels. Il soutient que la période d'optimisme précédant la crise financière mondiale de 2008 était une parenthèse dans un cycle économique dépressif amorcé dans les années 1980. International Monetary Fund, 2013 NA Sargent, T. et Wallace, N. Rational expectations and the theory of economic policy Il est largement accepté que la politique monétaire devrait suivre une règle claire, basée sur toutes les informations disponibles. Cette approche garantit un réglage optimal de la politique monétaire dans toutes les circonstances, avec des réglages identiques pour les mêmes situations à différentes périodes. Ainsi, une règle monétaire établie offre une orientation constante et efficace pour les décisions de politique monétaire, contribuant à la stabilité économique et à la prévisibilité des marchés. Journal of Monetary Economics, vol.2 (2), pp. 169-183. Cité 1288 fois dont 329 sur ScienceDirec Schaechter et al. Fiscal rules in response to the crisis Cet article examine les règles budgétaires mondiales, compilant des données sur 81 pays de 1985 à fin mars 2012. Il Document publié par le FMI en 2012 Cité 725 fois www.eujournal.org 158 European Scientific Journal, ESJ April 2024 edition Vol.20, No.10 ISSN: 1857-7881 (Print) e - ISSN 1857-7431 détaille les principaux éléments de conception et les résume dans des indices. Trois conclusions émergent : l'adoption et le renforcement des règles budgétaires en réponse à la crise, la convergence des caractéristiques de conception entre économies émergentes et avancées, et la complexité croissante des règles budgétaires "de nouvelle génération", combinant durabilité et flexibilité face aux chocs, présentant ainsi de nouveaux défis de mise en œuvre et de communication. Thomas Piketty Le Capital au XXIe siècle www.eujournal.org L’auteur analyse la question de la répartition de la richesse. Elle se base sur une vaste compilation de données historiques et comparatives. En explorant trois siècles et plus de vingt pays, il apporte une compréhension de la dynamique du capitalisme en mettant en lumière la contradiction entre la croissance économique et le rendement du capital. Editions du seuil, Page 885, 2013 Cité 3374 fois 159