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Sept élections et peu de changements

2014, HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe)

Sept élections et peu de changements Olivier Dabène, Gaspard Estrada, Erica Guevara, Frédéric Louault To cite this version: Olivier Dabène, Gaspard Estrada, Erica Guevara, Frédéric Louault. Sept élections et peu de changements. Les Études du CERI, 2014, 207-208, pp.54-66. ฀hal-03429929฀ HAL Id: hal-03429929 https://sciencespo.hal.science/hal-03429929 Submitted on 19 Dec 2022 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License Sept élections et peu de changements Olivier Dabène, Gaspard Estrada, Erica Guevara, Frédéric Louault 2014 a été une année électorale particulièrement chargée pour l’Amérique latine, avec sept élections présidentielles et d’importantes élections législative (Colombie) et locale (Pérou). Tableau 1 Les élections présidentielles en 2014 Date Pays Vainqueur et parti Tendance 2 février Costa Rica Luis Guillermo Solís Parti action citoyenne Gauche 2 février Salvador Salvador Sánchez Cerén Front Farabundo Martí de libération nationale Gauche 4 mai Panama Juan Carlos Varela Parti panaméen Droite 25 mai-5 juin Colombie Juan Manuel Santos Parti social d’unité nationale Droite 5-26 octobre Brésil Dilma Rousseff Parti des travailleurs Gauche 12 octobre Bolivie Evo Morales Mouvement vers le socialisme Gauche 26 octobre-30 novembre Uruguay Tabaré Vázquez Front large Gauche Dans l’ensemble, l’Amérique latine a connu plus de continuité que de changement, et la gauche demeure la force politique dominante du continent. Tableau 2 Alternances et continuités depuis 2011 Alternances Orientation politique* Continuités Orientation politique* Pérou (2011) D→G Venezuela (2013) G→G Mexique (2012) D→C Equateur (2013) G→G Chili (2012) D→G Salvador (2014) G→G Honduras** (2012) G→D Panama (2014) D→D Paraguay** (2013) G→D Colombie (2014) D→D Costa Rica (2014) D→G Bolivie (2014) G→G Brésil (2014) G→G Uruguay (2014) G→G * La pertinence des catégories utilisées – droite (D), gauche (G) et centre (C) – et leur application aux différents pays sont bien sûr sujettes à débat. ** Alternances par rapport aux présidents destitués (Zelaya au Honduras en 2009 et Lugo au Paraguay en 2012). Dans quel contexte se sont déroulées ces élections ? Comment caractériser l’offre électorale et les stratégies de campagne ? Comment expliquer ces résultats ? Et quelles perspectives générales se dégagent ? Telles sont les questions abordées dans cette partie. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 54 Le contexte Le contexte politique de l’Amérique latine en 2014 a été décrit dans l’introduction générale de ce volume. Au plan électoral, de nombreux observateurs s’attendaient à voir le mécontentement social qui parcourt le continent se traduire par un vote sanction pour les équipes en place. Le faible nombre d’alternances relevées plus haut – seul le Costa Rica a changé de cap en 2014 – tend à leur donner tort. Pour autant, la continuité observée au plan des résultats électoraux masque parfois des évolutions politiques notables. L’évolution de la participation électorale constitue notamment un indicateur de la crédibilité des procédures électorales et, au-delà, de la qualité de la démocratie. Dans l’ensemble, et sauf exceptions notables, la participation électorale a montré une bonne tenue, prouvant que le mécontentement ne génère pas nécessairement une désertion électorale1. Tableau 3 Evolution de la participation électorale (2011-2014) Statut du vote Obligatoire avec sanctions Obligatoire sans sanctions Non obligatoire Pays Taux de participation au 1er tour des présidentielles Différence avec l’élection précédente Pérou 2011 : 83,1 % - 5,6 % Argentine 2011 : 79,4 % +4% Paraguay 2013 : 68,6 % + 4,6 % Honduras 2013 : 61,2 % + 22,6 % Equateur 2013 : 81,1 % + 7,7 % Uruguay 2014 : 90,5 % + 0,59 % Brésil 2014 : 80,6 % - 1,3 % Nicaragua 2011 : 73,9 % + 11,8 % Mexique 2012 : 63,4 % + 7,8 % Costa Rica 2014 : 68,8 % - 0,2 % Venezuela 2013 : 79,7 % - 1,1 % Chili 2013 : 49,4 % - 43,7 % Colombie 2014 : 40,6 % - 17,5 % Le Chili est un cas extrême qui mérite une explication. Depuis le retour à la démocratie, le vote était obligatoire au Chili, mais l’inscription sur les listes électorales ne l’était pas. En conséquence, par rejet ou indifférence, la jeunesse chilienne est longtemps restée en marge du système représentatif. Entre 1988 et 2009, le nombre d’inscrits au Chili est passé de 7,4 à 8,2 millions, alors que la population en âge de voter bondissait de 8 à 12 millions. C’est dire à quel point l’électorat du pays a vieilli pendant les années de la Concertation2. La réforme électorale de 2012 a rendu l’inscription automatique mais le vote facultatif. Le Chili a vu le nombre de ses électeurs augmenter de plus de 50 %, atteignant 13 millions, mais les nouveaux inscrits ont majoritairement opté pour l’abstention. Alors qu’on comptait 7,2 millions de votants en 2009, ils n’étaient que 6,7 millions à se rendre aux urnes au premier tour de la présidentielle le 17 novembre 2013. Depuis la fin de la dictature, jamais aussi peu de Chiliens n’avaient voté. La tentation est forte d’établir un lien avec le mouvement social massif qui s’est déclenché d’abord chez les lycéens en 2006 (révolte des « pingouins »), puis s’est amplifié dans les milieux étudiants en 20113. 1 O. Dabène, « Introduction », in O. Dabène (dir.), Amérique latine. Les élections contre la démocratie ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2007. 2 La Concertation des partis pour la démocratie (ou Concertation) est une coalition de partis politiques chiliens du centre et de la gauche, au pouvoir de 1989 à 2010. 3 Voir notamment C. Baeza, « L’"hiver’ étudiant au Chili", Les Etudes du CERI, n° 198-199 (Amérique latine Political Outlook 2013), décembre 2013. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 55 L’abstention serait-elle la simple traduction électorale du rejet massif de la politique exprimé par les Chiliens4 ? Ce genre d’explication générale pèche par excès de simplification. Même s’il est indéniable qu’une partie de la jeunesse chilienne rejette les élections et réclame une réforme constitutionnelle, le contexte politique de l’élection a aussi été déterminant. En 2013 au Chili, la victoire de Michelle Bachelet (Parti socialiste) ne faisait de doute pour personne. La droite, qui a changé plusieurs fois de candidats, ne croyait guère en ses chances. La campagne a été morne, la favorite se contentant de surfer sur sa cote de popularité, tout en prenant soin de s’assurer le soutien des jeunes mobilisés. La faible mobilisation de l’électorat n’est guère surprenante dans ces conditions. Ailleurs en Amérique latine, certaines campagnes ont vu les principaux candidats s’affronter sur des enjeux importants, sans toujours parvenir à intéresser les électeurs. En Colombie, l’autre pays enregistrant régulièrement des records d’abstention, certains médias avaient pronostiqué un plébiscite concernant la négociation avec la guérilla. Le faible taux de participation, dans ces conditions, a de quoi étonner, alors que la campagne a largement été consacrée à discuter la façon de parvenir à la paix. Le président sortant, Juan Manuel Santos, défendait les négociations, tandis que son principal rival, Oscar Iván Zuluaga, lui reprochait d’orchestrer l’impunité des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Cette campagne n’a guère passionné. Les sondages montraient même que la négociation ne figurait pas parmi les préoccupations prioritaires des Colombiens. Et ceux d’entre eux qui sont concernés depuis longtemps par la violence résident dans des zones qui votent habituellement peu. En clair, il n’y a pas d’explications générales du phénomène de l’abstention. De même, la forte participation électorale, qui doit être évaluée à l’aune du caractère obligatoire ou non du suffrage, traduit des évolutions spécifiques aux contextes nationaux. Ainsi, la forte hausse de la participation électorale au Honduras sanctionne la normalisation démocratique du pays après le coup d’Etat de 2009 et la présidence controversée de Porfirio Lobo. Elle est aussi le produit d’une polarisation droite/ gauche forte et inédite qui a mis un terme au bipartisme hérité du xixe siècle. La participation a même progressé dans des pays qui ont connu des réélections aisées, au Nicaragua avec Daniel Ortega ou en Equateur avec Rafael Correa. Parmi les éléments de contexte fréquemment avancés pour rendre compte de résultats électoraux, les indicateurs économiques arrivent généralement en bonne position, en vertu du fameux adage « it’s the economy, stupid5 ». Tableau 4 Indicateurs économiques et sociaux Pays Croissance en 2014* Inflation en 2014* Costa Rica 3,8 % (+0,3 %) 4,5 % (+0,8%) PIB/habitant** +3,7 % Salvador 1,6 % (=) 2 % (+1,2 %) +1,3 % Panama 7,2 % (-0,8 %) 3,6 % (-0,1 %) +8,9 % Colombie 4,5 % (+0,2 %) 2,7 % (+0,8 %) +2,6 % Brésil 1,8 % (-0,5 %) 5,8 % (-0,1 %) +0,2 % Bolivie 5,1 % (-1,7 %) 5,5 % (-1 %) +3,6 % Uruguay 2,8 % (-1,4 %) 8,5 % (=) +3,3 % * Le chiffre entre parenthèses indique la variation par rapport à l’année précédente. ** Données correspondant à 2011-2012. Sources : FMI, CEPAL 4 Selon le Latinobarómetro 2013, seuls 17 % des Chiliens se déclarent intéressés par la politique (www.latinobarometro. org). Selon le LAPOP, seuls 1,6 % des Chiliens déclarent avoir participé à une réunion d’un parti politique en 2008 (www. vanderbilt.edu/lapop/). Dans les deux cas, il s’agit des plus bas taux d’Amérique latine. Le Latinobarometro 2013 indique aussi que 38 % des Chiliens répondent « ne sais pas », « aucun » ou refusent de répondre lorsqu’on leur demande de se situer sur une échelle droite-gauche. Il s’agit cette fois du plus haut taux d’Amérique latine. 5 Célèbre phrase de James Carville, conseiller de Bill Clinton, adoptée par le candidat démocrate lors de sa campagne victorieuse de 1992, face à Bush père qui se targuait de ses succès en politique internationale. Cette formule résume l’importance capitale de l’économie dans la campagne présidentielle américaine. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 56 Dans les sept pays où se sont déroulées des élections présidentielles en 2014, le ralentissement économique n’a pas eu d’effet dirimant. Le Costa Rica a connu une alternance qui a beaucoup plus à voir avec l’extrême usure du Parti de libération nationale (PLN) qu’avec l’économie. Ailleurs, les six autres présidentielles se sont traduites par la continuité, en dépit d’indéniables difficultés économiques. Il est vrai qu’à l’exception du Brésil et du Salvador, les pays concernés sont parvenus à préserver une croissance économique raisonnable et des gains de PIB/habitant appréciables. Les taux d’inflation dans les pays considérés sont loin des niveaux vénézuéliens ou argentins. Les chaînes de télévision du monde entier ont relayé la frustration des Brésiliens face à la hausse des prix, surtout pendant la Coupe du monde de football, mais celle-ci demeure pourtant modeste au regard des périodes précédentes d’hyperinflation. En clair, les progrès sociaux ont ralenti, ce qui peut générer de la frustration6, mais l’impact électoral semble avoir été marginal. L’explication des résultats électoraux est bien plus à chercher dans les caractéristiques de l’offre électorale et les stratégies de campagne. L’offre éLectoraLe Des recompositions partisanes se produisent et de nouvelles alliances se nouent dans plusieurs pays, mais elles sont le produit de facteurs différents dans chaque cas. Cependant, les élections de 2014 confirment certaines tendances, telles que l’épuisement des clivages politiques « traditionnels », la plupart des partis « conservateurs » ou « libéraux » étant relégués au second plan. Malgré des rebondissements multiples, il est aussi important de noter l’absence d’outsiders parmi les candidats aux présidentielles. En effet, tous s’appuyaient déjà sur une solide trajectoire politique, y compris Marina Silva, ancienne sénatrice et ancienne ministre de Lula, devenue de manière tout à fait inattendue candidate à la présidence pour le Parti socialiste brésilien (PSB) suite à la mort tragique d’Eduardo Campos dans un accident d’avion. Les réorganisations partisanes et les coalitions ne concernent que les partis déjà existants, dans un contexte plutôt complexe pour les petits partis d’opposition. Ainsi, en Colombie, la campagne se centre très rapidement sur deux candidats issus de scissions du camp uribiste, Juan Manuel Santos (qui cherche la réélection avec le Parti social d’unité nationale) et Oscar Iván Zuluaga (Centre démocratique, parti créé avec le soutien de l’ancien président Alvaro Uribe à la suite des profonds différends qui l’opposent à Santos). Les autres partis d’opposition, dont l’Alliance verte et le Pôle démocratique alternatif (PDA), apparaissent très affaiblis en raison du départ ou du retrait de certaines figures-clés (Antanas Mockus et Sergio Fajardo pour le Parti vert, Gustavo Petro dans le cas du PDA, par ailleurs très affecté par de nombreux scandales7). L’enjeu principal de l’élection est bien entendu la poursuite du processus de négociation de paix avec les FARC, étendard du gouvernement de Juan Manuel Santos, âprement attaqué par les sympathisants d’Alvaro Uribe, partisans d’une solution de mano dura. Dans un contexte radicalement opposé, l’élection se joue également entre factions adverses issues de la coalition de partis au pouvoir au Panama, les deux principaux candidats étant l’ancien viceprésident (Juan Carlos Varela, pour le Parti panaméen, PPAN) et un ancien ministre (Juan Carlos Navarro, pour le parti Changement démocratique) du gouvernement de Ricardo Martinelli. 6 Ce que l’introduction du LAPO 2013 qualifiait de « moment hirschmanien ». Voir O. Dabène, « Introduction. Amérique latine : le moment hirschmanien », Les Etudes du CERI, n° 198-199 (Amérique latine Political Outlook 2013). 7 « La difícil semana de Gustavo Petro », Semana, 4 septembre 2014 (www.semana.com/nacion/articulo/la-dificil-semanade-gustavo-petro/401550-3). Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 57 Au Brésil, en Bolivie et au Salvador, où le clivage gauche/droite est beaucoup plus prégnant, ce sont les partis dominant le spectre politique depuis le début des années 2000 qui continuent à s’opposer. Le Parti des travailleurs (PT) brésilien, bien qu’il réussisse à gagner pour une quatrième fois la présidence de la République, voit son groupe parlementaire à la Chambre des députés diminuer sensiblement – une première depuis la création du parti en 1980. En Bolivie, la troisième élection d’Evo Morales avec plus de 60 % des voix confirme la domination du Mouvement vers le socialisme (MAS) face à une opposition très fragmentée et qui n’arrive pas à constituer de véritable coalition. La gauche est elle aussi reconduite au Salvador, le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) réussissant à se faire réélire pour la première fois de son histoire, avec de surcroît un candidat ancien cadre de la guérilla, Salvador Sanchez Cerén. Mais le très faible écart entre les deux candidats lors du second tour (moins d’un point), ainsi que le ton agressif des partis pendant la campagne reflètent une polarisation idéologique héritée de la guerre civile entre le FMLN et l’Alliance républicaine nationale (Arena), dont le candidat était le maire de la ville de San Salvador, Norman Quijano. Ce dernier parti a cependant été partiellement affaibli par la dissidence de l’ancien président Tony Saca. Dans ce panorama, l’élection costaricienne fait figure d’exception, celle-ci ayant consacré pour la première fois depuis plus de trente ans un candidat issu d’un parti autre que le Parti de libération nationale (PLN) ou le Parti unité sociale chrétienne (PUSC). Dans un contexte d’affaiblissement structurel du système bipartisan, l’offre politique est cependant très fragmentée, l’élection opposant treize candidats différents. C’est finalement le candidat Luis Guillermo Solís du Parti action citoyenne (PAC, centre gauche) qui a créé la surprise en remportant l’élection alors que plusieurs sondages le donnaient perdant quelques semaines avant le vote. Ce résultat est le fruit d’une campagne électorale pour le moins atypique au Costa Rica. Malgré l’hétérogénéité de l’offre politique dans les pays ayant élu un président en 2014, il est cependant possible d’identifier certaines tendances, qui se reflètent dans les campagnes électorales. Des campagnes éLectoraLes « saLes » et « houLeuses » Attaques frontales, agressivité, scandales à répétition et rebondissements spectaculaires et inespérés ont caractérisé les campagnes électorales de 2014, souvent qualifiées de particulièrement « sales » et « houleuses ». Ainsi, tandis qu’au Brésil la mort d’Eduardo Campos (PSB) deux mois avant l’élection a complètement bouleversé le rythme de la campagne et obligé les candidats à revoir leur stratégie, la défection au Costa Rica du candidat du PLN, Johnny Araya, un mois avant le second tour, a déstabilisé le candidat du PAC, qui s’est retrouvé sans adversaire, l’enjeu de l’élection devenant alors celui du taux de participation. Si toutes les campagnes ont été entachées par des accusations de corruption et des attaques directes et personnelles entre les candidats, la Colombie et le Salvador se sont démarqués par l’intensité de ces offensives. Durant toute la campagne, le parti Arena comme l’opposition n’ont eu de cesse de rappeler le passé de l’ancien cadre de la guérilla du FMLN, Salvador Sanchez Cerén. A ceci s’est ajoutée la dénonciation du processus non officiel de négociation d’une trêve mené par le gouvernement de Mauricio Funes avec les maras, les gangs criminels ultra violents particulièrement actifs en Amérique centrale. Affiches, spots télévisés, vidéos virales sur Internet ont alimenté une « campagne de la peur ». Cependant, des scandales affectent aussi l’Arena, Norman Quijano étant à plusieurs reprises accusé Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 58 de corruption, tout comme l’ancien président Francisco Flores, qui démissionne du parti et prend la fuite quelques jours avant le premier tour8. En Colombie, à partir du mois d’avril, la campagne électorale a pris des allures de telenovela, chaque jour apportant son lot d'épisodes plus dramatiques les uns que les autres. Cela a commencé avec l’arrivée d’un nouveau conseiller en communication politique, Juan José Rendón, dans l’équipe de campagne de Juan Manuel Santos. Déjà présent pendant la campagne de 2010, connu pour avoir contribué au succès de plusieurs candidats dans toute la région, ce Vénézuélien a été rappelé en Colombie pour dynamiser la stratégie du président, en baisse dans les sondages dans une campagne jusqu’alors assez morose. Quelques semaines après, en se basant sur les déclarations de narcotrafiquants incarcérés, le journaliste Daniel Coronell (dont l’influence est importante en Colombie) a accusé Rendón d’avoir reçu douze millions de dollars de la part des cartels en 2010, en échange d’une intermédiation auprès du gouvernement visant à accorder un régime de faveur à certains narcotrafiquants désireux de se rendre à la justice. Puis, alors que la tension semblait redescendre après la démission de Juan José Rendón et du conseiller politique Germán Chica, Oscar Iván Zuluaga s’est retrouvé au cœur d’un scandale médiatique. Un des membres de son équipe de communication, Andrés Fernando Sepúlveda, a été accusé d’avoir intercepté les communications électroniques entre le gouvernement et les FARC dans le cadre des négociations de paix conduites à la Havane9. Une enquête a été ouverte par le ministère public afin de déterminer qui avait commandité ou pris connaissance des actes de Sepúlveda au sein du parti de Zuluaga. Après plusieurs démissions dans son camp, les accusations ont pris une nouvelle dimension avec l’entrée en scène de l’ancien président Alvaro Uribe, qui s’est imposé à la une des médias en affirmant que deux des douze millions reçus par Rendón auraient servi à financer la première campagne de Juan Manuel Santos, et que le « scandale du hacker » n’était qu’un « rideau de fumée » destiné à dissimuler les scandales de corruption de son propre parti, ce qui a déclenché un tollé général10. Les deux camps se sont ensuite livrés à des accusations très dures11, jusqu’à mettre en cause la justice12. Lors du premier débat télévisé du mois de mai, les deux candidats se sont invectivés et se sont mis au défit d’« avouer la vérité13 ». Dans ce contexte, la Bolivie a fait figure d’exception, la campagne ayant été jugée terne et prévisible14. Evo Morales a été omniprésent, l’opposition l’accusant même de détourner les ressources publiques à des fins électorales. Partout dans la région, les candidats-présidents ou les présidents sortants ont bénéficié d’une très forte exposition médiatique. Certains anciens présidents ont aussi joué un rôle important, à l’image d’Alvaro Uribe (Colombie), de Lula da Silva (Brésil), de Ricardo Martinelli (Panama) et d’Oscar Arias (Costa Rica). Au Salvador, jusqu’au dernier jour et y compris pendant la trêve électorale, le président sortant Mauricio Funes a utilisé son émission de radio hebdomadaire, « Conversando con el Presidente » (« Conversations avec le président »), comme une plateforme de défense du bilan du FMLN et d’attaque du candidat de l’opposition. Face aux difficultés de communication rencontrées par 8 « Francisco Flores permanecerá bajo arresto domiciliar », La Prensa Grafica, 5 septembre 2014 (www.laprensagrafica. com/2014/09/05/francisco-flores-permanecera-bajo-arresto-domiciliar). 9 « Este es el hombre que habría interceptado al proceso de paz », Semana, 6 mai 2014 (www.semana.com/nacion/ articulo/habrian-vuelto-chuzar-al-presidente/386164-3). 10 « La gravísima acusación de Uribe contra Santos », Semana, 8 mai 2014 (www.semana.com/nacion/elecciones-2014/ articulo/la-gravisima-acusacion-de-uribe-contra-santos/386374-3). 11 « Así fue el día más "caliente" en lo que va de campaña presidencial », Semana, 9 mai 2014 (www.semana.com/nacion/ articulo/la-campana-se-calento-en-la-recta-final/386405-3). 12 « Batalla por la presidencia paso a estrados judiciales », El Tiempo, 9 mai 2014 (www.eltiempo.com/archivo/documento/ CMS-13962255). 13 « Santos y Zuluaga se retaron a decir la verdad », Semana, 22 mai 2014 (www.semana.com/nacion/elecciones-2014/ articulo/santos-zuluaga-se-retan-decir-la-verdad-sobre-escandalos-en-sus-campanas/389017-3). 14 « Ven aburrida y desigual campaña electoral en Bolivia ; derroche de Evo y pobreza en la oposición », Eju TV, 10 octobre 2014 (http://eju.tv/2014/10/ven-aburrida-y-desigual-campaa-electoral-en-bolivia-derroche-de-evo-y-pobreza-en-la-oposicin/). Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 59 Salvador Sanchez Cerén, non seulement en raison de son passé mais aussi par manque d’aisance à l’oral, Mauricio Funes a occupé le devant de la scène au point d’être surnommé « le sixième candidat ». En général, les campagnes se caractérisent par leur recours aux médias traditionnels (presse, télévision et radio), ainsi qu’au hors-médias (affichage massif), le rôle des réseaux sociaux et d’Internet étant encore limité, à quelques exceptions près (Brésil ou encore Colombie, où Twitter a par exemple constitué l'un des moyens privilégiés d’expression de l’ancien président Alvaro Uribe). Au Brésil, l’usage politico-électoral des réseaux sociaux a, pour la première fois, été l’objet d’une stratégie spécifique, conçue en amont de la campagne officielle et pleinement intégrée au cœur de la prise de décision – notamment dans l’équipe de campagne de Dilma Rousseff. En effet, avec plus de soixantehuit millions d’internautes, le Brésil est devenu le cinquième pays le plus « connecté » au monde en 201415. Parmi ces internautes, plus de la moitié ont entre 15 et 35 ans et résident dans le Sud-Est du Brésil, là où la plupart des manifestations ont eu lieu en juin 2013. Ces dernières ayant été le fruit d’une mobilisation horizontale via les réseaux sociaux, les responsables de la campagne de la présidente ont estimé qu’il fallait créer un canal de communication spécifique pour ces électeurs, d’autant plus que la précédente campagne présidentielle avait démontré, aux yeux de ces stratèges, le poids des réseaux sociaux dans la construction de l’agenda médiatique d’une campagne de cette importance. Par ailleurs, l’utilisation de cet outil de transmission horizontale et participative de l’information est en adéquation avec la volonté de « désintermédier » l’information entre les candidats en campagne et les électeurs. Cette stratégie est aujourd’hui à l’œuvre dans la plupart des gouvernements latinoaméricains16. Le fruit de cette réflexion fut le site Muda Mais17, lancé en mars 2014 et dirigé par l’ancien ministre de la Communication sociale de la présidence, Franklin Martins. Durant la campagne, le site a cherché à mobiliser les militants du PT tout en s’attachant à répondre aux discours de l’opposition en temps réel. Suite aux succès de l’opération, le PT a décidé de maintenir le site en activité afin de « défendre » l’action du gouvernement dans les réseaux sociaux pendant la période de transition. Dans un contexte général de faible régulation des temps d’antenne et d’exposition médiatique des candidats, ainsi que de contrôle irrégulier des sommes allouées à la communication électorale, les partis ont recouru de manière inégale aux spots télévisés et radiophoniques, en fonction de leurs moyens18. Concernant le hors-médias, si l’affichage a été massif dans certains pays, comme au Salvador, il a été très limité dans d’autres, comme au Costa Rica, qui s’est en revanche distingué par la quantité de débats télévisés organisés (de formats différents et ne réunissant pas toujours les mêmes candidats). En Bolivie, le MAS s’est démarqué par son recours à des stratégies plus atypiques, comme celle de la distribution de tracts par Evo Morales lui-même, à un carrefour très fréquenté de la ville de La Paz. Malgré les différences de stratégies électorales et de plans médias, la tendance est cependant à la professionnalisation de la communication électorale. En effet, la tenue régulière d’élections à tous les niveaux (national, régional et municipal) en Amérique latine depuis les années 1980 a permis l’éclosion d’un vaste champ d’étude pour les politologues19, mais aussi d’un large marché pour les experts en stratégie électorale et en communication politique20. 15 Voir l’étude de ComScore au sujet des usages numériques des Brésiliens en 2014 : A. Banks, « 2014 Brazil Digital Future in Focus », mai 2014 (http://usmediaconsulting.com/img/uploads/pdf/2014_Brazil_Digital_Future_in_Focus_EN.pdf). 16 A ce sujet, voir E. Guevara, « "Téleprésidents" ou "média-activistes" de gauche ? Argentine, Brésil, Vénézuela, Colombie », in O. Dabène (dir.), La Gauche en Amérique latine, 1998-2012, Paris, Presses de Sciences Po, 2012, pp. 105-144. 17 http://mudamais.com/. 18 Au Brésil, l’équipe de João Santana, directeur de la campagne audiovisuelle de Dilma Rousseff, a tourné ses spots publicitaires avec des caméras utilisées pour le cinéma, dont le coût dépasse les 100 000 $USD/pièce. 19 Parmi ces études, nous pouvons notamment mentionner les travaux réalisés sur les partis politiques et les élites parlementaires au sein de l’Université de Salamanque, ainsi que ceux qui ont abouti à la création de l’Opalc en 2007, suite à la création de l’Observatoire des élections de 2006 à Sciences Po. 20 Selon l’ONG d’assistance électorale IDEA, le « marché mondial des élections » générerait entre six et huit milliards de dollars par an, en fonction des pays qui sont effectivement en campagne. Dans cet ensemble, le coût des campagnes présidentielles mexicaines et brésiliennes de 2000 et 2002 aurait dépassé les six cent millions de dollars. Voir R. Austin, M. Tjernstrom (dir.), Funding of Political Parties and Election Campaigns, Stockholm, International IDEA, 2003. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 60 Ce marché, qui s’est constitué progressivement au cours des années 1980 et 1990, s’est consolidé lors des cycles électoraux de 2005-2006 et 2012-2014. Désormais, le recrutement de « consultants », extérieurs aux états-majors des partis, au sein des équipes de campagne est devenu une pratique courante21. S’ils fournissent en premier lieu aux candidats une expertise dans l’utilisation massive d’études qualitatives et quantitatives afin de produire une stratégie de campagne, ces derniers sont également devenus un enjeu de communication des campagnes électorales à part entière. L’arrivée (ou le départ) de consultants disposant d’une forte notoriété au sein d’une campagne est susceptible d’avoir des effets sur la perception médiatique de cette dernière, au bénéfice ou au détriment du client (le candidat). De ce point de vue, les cas salvadorien (Francisco Flores) et colombien (Juan José Rendón), précédemment cités, sont éclairants. Cette tendance à la « starisation » des consultants politiques en Amérique latine s’accompagne également d’une consolidation de la place des consultants latino-américains au détriment des consultants nordaméricains, qui avaient trouvé un débouché naturel dans la région pour maintenir leurs activités en périodes non électorales aux Etats-Unis. En 2014, sur les quatorze candidats à la présidence de la République arrivés en première ou en seconde position en Bolivie, au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, au Salvador, au Panama et en Uruguay, seuls deux ont eu recours à des consultants nord-américains. Il y a quinze ans, lors du cycle électoral 1999-2002, cinq de ces sept pays étaient dans ce cas de figure. La création et le développement de réseaux politiques régionaux, de gauche comme de droite, ont favorisé la circulation des consultants à l’échelle continentale. Ainsi, le consultant fétiche du PT brésilien, João Santana, s’est occupé des campagnes présidentielles de Mauricio Funes (Salvador, 2009), Danilo Medina (République dominicaine, 2012), Hugo Chávez (Venezuela, 2012) et Nicolás Maduro (Venezuela, 2013). En 2014, il a accepté de conseiller pour la première fois un candidat de droite, José Domingo Arias (Panama), tout en se focalisant sur la campagne de Dilma Rousseff. Du côté de la droite, en 2014, Juan José Rendón et Antonio Solá ont travaillé en Colombie, au Panama et au Salvador dans le cadre de campagnes présidentielles. Malgré l’existence de plusieurs consultants « indépendants », il est possible de retrouver ici l’une des caractéristiques du mode de fonctionnement classique des consultants politiques nord-américains, qui affichent une coloration politique clairement définie. Enfin, l’année 2014 permet de confirmer la présence des consultants brésiliens dans la région, avec le retour de Duda Mendonça dans une campagne présidentielle (Colombie). tenDances et perspectives éLectoraLes Que nous apprennent les scrutins de 2014 en ce qui concerne les évolutions des comportements électoraux en Amérique latine ? Face à la diversité des enjeux et des contextes nationaux, il semble difficile de tirer des conclusions générales. La théorie des réalignements électoraux nous semble cependant constituer un outil stimulant pour mettre en perspective de manière comparative les élections de 2014. Cette théorie permet de mettre à jour des transformations brutales et durables dans les équilibres électoraux. Elle a été initialement proposée par le politologue cpour analyser les changements électoraux intervenus à l’occasion des élections de Franklin Roosevelt en 1932 et 1936 aux Etats-Unis22, puis 21 En Europe, et notamment en France, cette « greffe » n’a pas fonctionné. La plupart des campagnes électorales sont dirigées par des militants encartés – salariés des partis politiques pour la plupart, avec une affinité et/ou une trajectoire professionnelle liée aux métiers de la communication, avec le concours éventuel de consultants en communication d’entreprise ayant des affinités avec les membres de l’équipe de campagne. 22 V. O. Key, « Theory of critical elections », Journal of Politics, vol. 17, n° 1, 1955, pp. 3-17. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 61 progressivement enrichie et développée23. Elle a été appliquée par la suite à d’autres pays occidentaux comme la France, le Canada ou la Belgique24. Cette théorie permet de saisir les mutations des équilibres politiques en liant les enjeux conjoncturels et structurels. L’hypothèse d’un réalignement ne peut en effet se vérifier qu’en observant les résultats de plusieurs scrutins consécutifs. L’alternance constituerait un moment de rupture (critical election). S’ensuivrait une phase de réalignement de l’électorat (realignment era), qui viendrait se confirmer lors des scrutins suivants, caractérisant un nouvel ordre électoral25. Cette transformation s’accompagnerait en général de bouleversements politiques plus ou moins profonds (réorganisation des systèmes partisans, reconfiguration de l’offre politique et des modes de représentations, réorientations des politiques publiques, apparition de nouveaux enjeux, etc.). Mobilisée avec précaution, la théorie des réalignements peut nous aider à mieux comprendre les résultats électoraux liés au « tournant à gauche » de l’Amérique latine (initié en 1998 par l’élection d’Hugo Chávez au Venezuela). Depuis le début du xxie siècle, les cycles électoraux successifs qu’a connus l’Amérique latine ont également produit de nombreux cas d’étude permettant de tester l’applicabilité de ces constructions théoriques à d’autres régions du monde. Les alternances latino-américaines des années 2000 ont-elles entraîné des transformations « brutales et durables » dans les comportements électoraux, que les scrutins de 2014 seraient venus confirmer ? (hypothèse proposée pour la Bolivie, le Brésil, l’Uruguay et le Salvador). De manière plus contreintuitive, peut-on envisager des cas de réalignements en l’absence d’alternance forte ? (hypothèse proposée pour la Colombie et le Panama). Enfin, certains scrutins portent-ils les signes d’élections critiques laissant présager l’émergence de nouveaux ordres électoraux ? (hypothèse proposée pour le Costa Rica). C’est ce que nous cherchons à vérifier brièvement dans les lignes qui suivent en esquissant quelques éléments d’analyse26. Comme indiqué plus haut, les résultats de 2014 confirment la tendance à la stabilité politique de la région. Comme lors des élections précédentes, tous les candidats à la réélection ont été réélus (Morales, Rousseff, Santos). Cela vient confirmer une tendance lourde, puisque depuis le retour des démocraties, dix-huit tentatives de réélections présidentielles sur dix-neuf se sont avérées fructueuses (95 %). Seul Hipólito Mejía en République dominicaine a manqué sa réélection en 2004 face à Leonel Fernández (qui avait lui-même déjà présidé le pays entre 1996 et 2000). Par ailleurs, il se confirme que les partis de gauche savent également assurer leur continuité au pouvoir en alternant les candidats : Sánchez Cerén (FMLN) succède à Mauricio Funes au Salvador et Tabaré Vázquez (Front large) succède à Pepe Mujica en Uruguay. La victoire de Vázquez, déjà président de l’Uruguay entre 2005 et 2010, confirme par ailleurs une autre tendance forte signalée précédemment : la capacité des anciens présidents à peser sur le jeu électoral. Seul le Costa Rica fait exception au jeu de continuité, avec la victoire de Luis Guillermo Solís (PAC) contre le candidat de la continuité Johnny Araya. Alors que les réélections semblent confirmer la consolidation d’un nouvel ordre électoral post-alternance dans plusieurs pays, l’élection présidentielle costaricienne de 2014 porte au contraire certains signes d’une élection critique (même si le changement est moins brutal qu’il n’y paraît, le PUSC ayant déjà commencé à s’effondrer en 2006 et 2010 et le PLN n’ayant jamais gagné trois élections consécutives). 23 V. O. Key, « Secular Realignment and the Party System », Journal of Politics, vol. 21, n° 2, 1959, pp. 198-210 ; W. Burnham, Critical Elections and the Mainsprings of American Politics, New York, Norton, 1970 ; J. Sundquist, Dynamics of the Party System Alignment and Realignment of Political Parties in the United States, Washington DC, Brookings Institution, 1973 ; J. M. Clubb, W. Flanigan, N. Zingale, Partisan Realignment Voters Parties and Government in American History, Beverly Hills, Sage, 1980. 24 P. Martin, Comprendre les évolutions électorales. La théorie des réalignements revisitée, Paris, Presses de Sciences Po, 2000 ; Dynamiques partisanes et réalignements électoraux au Canada, Paris, L’Harmattan, 2006 ; P. Baudewyns, Dynamiques électorales en Belgique. Théorie des réalignements et analyse des résultats des élections législatives en Belgique depuis 1945, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2013. 25 Dans le cas d’une infirmation du réalignement lors des scrutins suivants, le vote ayant provoqué l’alternance sera qualifié a posteriori d’élection « déviante ». 26 Nous centrons ici notre analyse sur les sept élections présidentielles : Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Panama, Salvador, Uruguay. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 62 Tableau 5 Scores des présidents élus ou réélus Pays Nom du vainqueur er Bolivie E. Morales Brésil D. Rousseff Colombie J. M. Santos Costa Rica L. G. Solís Panama J. C. Varela Salvador S. Sánchez Cerén Uruguay T. Vázquez Marge sur le candidat arrivé second (points) Score (%) 1 tour 61 +36,5 2e tour - - 1er tour 41,6 +8,1 2e tour 51,6 +3,2 1er tour 25,7 -3,6 2e tour 50,9 +5,9 1er tour 30,6 +0,9 2e tour 78* +55,7 1er tour 39,1 +7,7 2e tour ** - 1er tour 48,9 +9,9 2e tour 50,1 +0,2 1er tour 47,8 +16,9 2e tour 56,63 +13,26 Mandat 3e consécutif 2e consécutif 2e consécutif 1er 1er 1er 2e non consécutif * L’autre candidat qualifié pour le second tour – Johnny Araya (PLN) – était en position très défavorable dans les sondages et a décidé de ne pas faire campagne entre les deux tours. ** Au Panama, l’élection du président se fait au scrutin majoritaire simple à un tour. Si l’on observe de plus près les résultats obtenus par les candidats élus et les mutations de la géographie électorale, on constate cependant des situations fluctuantes d’un pays à l’autre qui mettent à jour une variété de situations de réalignement. Au Brésil, en Bolivie et en Uruguay, les élections de 2014 ont effectivement consacré le maintien des équilibres post-alternances. La situation semble assez claire en Bolivie avec la réélection facile d’Evo Morales pour un troisième mandat consécutif (dès le premier tour) et la consécration du MAS comme force politique dominante. Après l’élection critique de 2005 et une période de réalignement marquée par une forte polarisation politique, le MAS s’est implanté sur l’ensemble du territoire. Il s’est imposé notamment dans les provinces orientales de Santa Cruz (fief de l’opposition en 2005 et 2009) et de Pando. Il n’a été battu que dans la province de Beni, où il est arrivé dix points derrière l’UD (41,5 % contre 51,4 %). Le réalignement semble tout aussi limpide en Uruguay, où l’arrivée au pouvoir du Front large en 2004 a bouleversé le système partisan et les rapports de force politiques. Reconduit en 2009, le Front large a encore renforcé ses positions en 2014 dans dix-huit des dix-neuf départements que compte le pays. Il l’a emporté dans quatorze départements, dont certains bastions des partis traditionnels (Rivera, Salto y Cerro Largo), ne laissant le Parti national en tête que dans le Centre et le Centre-Est du pays. Le cas du Brésil est plus ambivalent. La thèse du réalignement a été défendue par le politologue (et ancien conseiller politique de Lula) André Singer pour qualifier les évolutions électorales du Brésil entre 2002 et 201027. Singer voyait dans la recomposition des coalitions politiques et dans la profonde mutation de la géographie du vote entre 2006 et 2010 la confirmation d’un réalignement amorcé en 2003 à la suite de la première élection de Lula (élection critique de 2002). Il compare ainsi – de manière quelque peu hâtive – le cycle 2002-2006 au Brésil avec le cycle 1932-1936 aux Etats-Unis (New Deal et réélection de Roosevelt). Le vote de 2014 semble lui donner raison, du moins pour l’élection présidentielle : les équilibres politiques ont été globalement maintenus et la territorialisation du vote demeure extrêmement stable par rapport aux deux élections précédentes. Malgré une érosion globale, le PT s’impose encore très largement dans le Nord et le Nord-Est du pays – où les programmes de redistribution touchent une part importante de la population – tandis que le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) se renforce à São Paulo et dans le Sud (Paraná, Santa Catarina, Rio Grande do Sul). 27 A. Singer, « Raízes sociais e ideológicas do lulismo », Novos Estudos, vol. 85, n° 3, 2009, pp. 83-102 ; Os sentidos do lulismo, São Paulo, Companhia das Letras, 2012. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 63 Cependant, le contexte est très différent de celui des Etats-Unis dans les années 1930. Le PT ne contrôle que 13,5 % des sièges à la Chambre fédérale (70 sur 513) et ne gouverne que dans cinq des vingt-sept Etats de la fédération. Il est donc loin de dominer la vie politique nationale et Dilma Rousseff doit constituer une large alliance pour gouverner. Tout au plus pourrions-nous parler d’un « réalignement du vote présidentiel », sans remise en cause réelle de la structure partisane (une opposition PT/PSDB qui dure depuis 1994 avec le Parti du mouvement démocratique brésilien au centre du jeu). Au Brésil comme dans d’autres pays de la région, la théorie des réalignements gagnerait donc à être adaptée, notamment en raison de la faible identification partisane des électeurs, des spécificités des systèmes électoraux et de la forte déconnexion entre les différents types d’élections. Le Salvador semble à première vue suivre la même trajectoire que les trois pays susmentionnés, avec une alternance historique en 2009 (la victoire de Mauricio Funes), suivie d’un maintien au pouvoir du FMLN en 2014. S’agissant de la première élection post-alternance, il est encore trop tôt pour conclure à un possible réalignement salvadorien. Il ne semble a priori pas que l’alternance de 2009 puisse être interprétée comme une élection critique. Les équilibres politiques n’ont pas été chamboulés après l’alternance de 2009 : la compétition politique est toujours centrée autour d’un duopole Arena/FMLN et demeure excessivement serrée, sans qu’une reconfiguration de la géographie électorale apparaisse (encore) clairement. Différents indices portent donc pour l’heure à considérer que le Salvador se maintient dans l’ordre électoral instauré après les accords de paix de 1992 et l’élection d’Armando Calderón Sol (Arena) en 1994. Cependant, deux évolutions observées en 2014 pourraient remettre en cause cette analyse. D’abord une amorce de reconfiguration de l’offre électorale avec la création d’un nouveau parti politique : Unidad (emmené par l’ancien président Tony Saca). Avec 12 % des suffrages au premier tour (contre 49 % pour le FMLN et 39 % pour l’Arena), ce nouveau parti n’a pas réussi à faire vaciller le bipartisme. Mais il ouvre la possibilité d’une tripartition à moyen terme de la vie politique. Ensuite, le renforcement de l’implantation du FMLN dans plusieurs territoires. Au premier tour, le FMLN est arrivé en tête dans treize des quatorze départements du pays. Il a surtout remporté plus de 50 % des voix dans six départements jusqu’alors contrôlés par l’Arena : cinq dans l’Est du pays (San Vicente, Usulután, San Miguel, Morazán, La Unión) et un dans l’Ouest (Sonsonate). Au second tour, il ne disposait que d’une très faible réserve de voix et n’a pas su confirmer son avancée. Il s’impose dans sept départements et l’Arena – avec le report des votes d’Unidad – l’emporte dans les sept autres. Le maintien du FMLN au pouvoir ne tient finalement qu’à quelques milliers de voix (50,1 % contre 49,9 %). En Colombie et au Panama, nous pouvons envisager de manière contre-intuitive l’existence de réalignements en l’absence d’alternances politiques. Ces deux pays ont en effet connu une continuité politique à droite dans les années 2000, qui s’est confirmée en 2014. Dans le cas de la Colombie, la réélection difficile de Santos en 2014 semble synonyme de maintien de l’ordre électoral instauré au début des années 2000. L’arrivée au pouvoir d’Uribe en 2002 avait constitué un moment de rupture, alors même qu’elle ne constituait pas une réelle alternance. Issu du Parti libéral, qui partageait le pouvoir avec le Parti conservateur depuis cent cinquante ans, Uribe avait créé en 2001 un mouvement indépendant (Colombie d’abord) et lancé une candidature dissidente. Sa victoire au premier tour, avec l’appui du parti au pouvoir (le Parti conservateur) et d’un groupe de parlementaires libéraux, avait précipité le délitement du bipartisme traditionnel colombien, déjà visible depuis le milieu des années 1990. Entre 2002 et 2006, le système politique colombien a connu une transformation très profonde, avec de nombreux signes de réalignement : recomposition du système partisan, importantes réformes électorales (dont l’une autorisant la réélection du chef d’Etat), polarisation des débats autour de nouveaux « enjeux de valeur », etc.28. En termes d’action publique, Uribe a engagé un changement de cap sécuritaire (« politique de sécurité démocratique »), qui marquera les 28 F. Gutierrez Sanín, « Dégel et radicalisation en Colombie », in O. Dabène (dir.), Amérique latine, les élections contre la démocratie ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, pp. 105-130. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 64 clivages politiques futurs. La réélection facile d’Uribe en 2006 puis l’élection de Santos en 2010 – alors présenté comme son successeur – avaient confirmé l’hypothèse d’un réalignement. Les élections de 2014 ont apporté de nouveaux changements, sans indiquer une nouvelle réorientation. Le premier tour a confirmé la vigueur du multipartisme, avec la percée décisive du parti Centre démocratique de l’ancien président Uribe, qui s’impose comme nouvelle force d’opposition à la droite de l’échiquier politique. Le candidat de ce parti, Oscar Iván Zuluaga, est arrivé en tête du premier tour avec 29,3 % des suffrages29. Au second tour, l’enjeu de la résolution du conflit armé a polarisé l’électorat, plaçant face à face le projet réélectionniste de Santos (pour la négociation de paix) et le projet répressif d’Uribe (contre la négociation de paix) porté par Zuluaga. Les résultats ont montré la forte implantation de l’uribisme dans l’intérieur du pays (Antioquia, Tolima, Caldas, Huila, Casanare, etc.), tandis que Santos renforce sa position dans le Nord et l’Ouest du pays (côtes atlantiques). Il s’impose également dans les principales villes du pays, à l’exception notable de Medellin (fief de l’uribisme). Au Panama, en revanche, l’élection de 2014 ne semble ni confirmer ni amorcer un réalignement. Au-delà des changements de partis au pouvoir, la politique panaméenne demeure très stable depuis l’intervention militaire des Etats-Unis en 1989 et le renversement du régime de Manuel Noriega. Trois partis traditionnels se disputent le pouvoir depuis 1989 : le Parti révolutionnaire démocratique (PRD), héritier de la dictature de Torrijos, le Changement démocratique (CD) et le PPAN. En 2014, la victoire de Juan Carlos Varela (avec 39,1 % des suffrages au premier tour) a permis le retour au pouvoir du PPAN, qui avait déjà gouverné le pays à deux reprises (1989-1994 puis 1999-2004). Il a devancé de plus de sept points José Domingo Arias (CD), candidat du président sortant Ricardo Martinelli30. Outre la revanche politique du premier sur le second, le principal fait notable de cette élection est l’érosion du PRD. Pour la première fois depuis la chute de Noriega, le PRD connaît deux défaites présidentielles consécutives. Arrivé en troisième position avec 28,2 % des suffrages, le parti perd 9,5 points par rapport l’élection présidentielle de 2009. Cela ne remet toutefois pas (encore) en cause la tripartition de la vie politique, aucun nouveau parti n’émergeant sur la scène électorale : sur les sept partis ou alliances engagés pour l’élection présidentielle de 2014, les trois principaux (PRD, CD, PPAN) ont rassemblé 98,6 % des votes. Pour clore ce panorama électoral, le cas du Costa Rica demeure à part, puisque la victoire de Luis Guillermo Solís (PAC) pourrait constituer en elle-même un moment de rupture et remettre en cause l’ordre électoral actuel. Pour la première fois depuis plus de trente ans, le vainqueur de l’élection présidentielle n’appartient ni au PUSC ni au PLN. Ce dernier avait remporté les deux élections précédentes : en 2006 avec Oscar Arias puis en 2010 avec Laura Chinchilla. Mais la recomposition du système partisan costaricien est essentiellement due à un écroulement du PUSC entre 2002 et 2006. C’est d’ailleurs en 2002 que le PAC – créé en 2000 par des dissidents du PLN – a connu sa première percée électorale (26,2 % au premier tour), pour ensuite s’imposer comme la deuxième force politique du pays31. Si le nouveau président Solís était jusqu’alors relativement inconnu sur la scène politique (il n’avait occupé aucun poste électif avant 201432), son parti est une formation rivale qui menaçait la domination exercée par le PUSC/PLN depuis plus de dix ans. L’élection de 2014 s’est toutefois déroulée dans des conditions particulières. A l’issue du premier tour, Solís est arrivé en tête (30,6 %) devant le candidat du PLN (22,1 %). Sentant se profiler la défaite, ce dernier a décidé de ne 29 Ne pouvant légalement briguer un nouveau mandat présidentiel, Uribe s’est présenté au Sénat et a lancé Zuluaga comme candidat à l’élection présidentielle. 30 En 2009, J. C. Varela avait été élu à la vice-présidence aux côtés de Martinelli, après avoir scellé une alliance entre le CD et le PPAN. Mais les deux hommes s’étaient brouillés en cours de mandat et Varela avait rejoint l’opposition en 2011. 31 Le PAC a recueilli 41,1 % des voix au premier tour de la présidentielle de 2006, manquant la victoire pour quelques milliers de suffrages ; puis 25 % des voix au premier tour de la présidentielle de 2010 (se plaçant là encore second). 32 Bien qu’inconnu du grand public jusqu’à la campagne électorale (dont le slogan était d’ailleurs « Conozcame », « Connaissezmoi »), le professeur universitaire Luis Guillermo Solís disposait déjà d’une longue expérience partisane. Membre actif du PLN entre 1977 et 2005, il en a été le secrétaire général pendant les années 2002 et 2003. Il a par ailleurs occupé différents postes auprès du ministère des Affaires étrangères et du Culte entre 1986 et 1998, dont celui de chef de cabinet. Il a quitté le PLN en 2005 suite à son opposition à la signature du traité de libre-échange avec les Etats-Unis, puis a rejoint le PAC en 2008. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 65 pas faire campagne entre les deux tours. Si l’élection est allée à son terme, c’est donc sans concurrent direct que Solís a finalement été élu, avec un score qui ne reflète pas le rapport de force politique réel (77 %). Cette élection constitue toutefois un événement majeur dans l’histoire électorale du Costa Rica. Mais il faudra suivre les évolutions politiques durant le mandat de Solís (2014-2018) et attendre les résultats des élections de 2018 pour qualifier l’élection 2014 de critique ou de déviante. Au total, les élections de 2014 sont venues confirmer trois réalignements liés à des alternances politiques (Bolivie, Brésil, Uruguay) et un réalignement sans alternance forte (Colombie). Nous avons par ailleurs observé deux élections de maintien qui prolongent un ordre électoral plus ancien (Salvador, Panama). Enfin, l’élection costaricienne pourrait constituer un moment de rupture ouvrant une période de réalignement, mais cette hypothèse ne pourra être vérifiée qu’à l’issue des prochains scrutins. Le tableau ci-dessous synthétise notre analyse des élections de 2014 sous l’angle des réalignements électoraux. Tableau 6 Les élections présidentielles de 2014 et les réalignements électoraux en Amérique latine Élection critique Période de réalignement Ordre électoral Election de 2014 Bolivie 2005 (Morales) 2006-2008* 2008-2014 Maintien de l’ordre électoral Brésil 2002 (Lula) 2003-2006 2006-2014 Maintien de l’ordre électoral Colombie 2002 (Uribe) 2003-2006 2006-2014 Maintien de l’ordre électoral Costa Rica 2014 (Solís) 2015-2018 (?) - Election critique ou déviante - - 1989-2014 Maintien de l’ordre électoral** Pays Panama Salvador - - 1994-2014 Maintien de l’ordre électoral*** Uruguay 2004 (Vázquez) 2005-2009 2009-2014 Maintien de l’ordre électoral * Date du référendum révocatoire remporté par le président Evo Morales, qui sera ensuite réélu en 2009. ** Ordre électoral mis en place en 1989 à la suite de l’intervention militaire des Etats-Unis. *** Ordre électoral mis en place en 1994 à la suite des accords de paix de 1992. Pour conclure cette analyse, la principale caractéristique du mini cycle électoral de 2014 semble être la continuité électorale. Les électeurs ont globalement renouvelé leur confiance aux dirigeants ou aux partis politiques au pouvoir. A l’exception du MAS en Bolivie, les partis au pouvoir connaissent toutefois une érosion dans les capitales et les grands centres économiques. Il en fut ainsi pour le PT à São Paulo et Brasília, pour le Front large à Montevideo ou pour le FMLN à San Salvador – et dans une moindre mesure pour le Parti social d’unité nationale à Bogota (Santos y est arrivé légèrement en tête au second tour mais n’avait obtenu que 18,1 % des suffrages au premier tour). Dans plusieurs cas comme le Brésil ou la Colombie, l’issue du scrutin traduit d’ailleurs une polarisation des électorats avec des lignes de division fortes (territorialement et socialement). Dans ces deux pays, la continuité électorale s’est paradoxalement faite dans un contexte de mécontentement croissant marqué par la multiplication des mobilisations sociales, sur fond de tassement de la croissance économique. Les scores de Dilma Rousseff et Juan Manuel Santos ont sensiblement diminué entre 2010 et 2014 (la première perd 4,2 points et le second 19 points si l’on compare les seconds tours). Hormis Evo Morales en Bolivie et Tabaré Vázquez en Uruguay, les présidents ont en général été élus dans des conditions difficiles (courte victoire au Salvador, victoire avec moins de 40 % des voix au Panama, victoire large mais délégitimée par l’absence de compétition entre les deux tours au Costa Rica, etc.). Plusieurs d’entre eux doivent par ailleurs diriger des gouvernements minoritaires au Congrès (Brésil, Colombie, Costa Rica, Panama) et devront donc composer des alliances parfois complexes et fragiles qui limiteront leur marge de manœuvre. Au-delà des défis spécifiques liés aux agendas électoraux de chaque pays (comme par exemple la résolution du conflit et la préparation d’une ère post-conflit en Colombie ou encore l’amélioration de la sécurité publique au Salvador), deux thèmes seront à suivre de manière plus transversale dans les pays ici considérés : la mise en œuvre ou la poursuite des réformes des systèmes politiques (dont les réformes électorales et le renforcement des institutions électorales) et les conditions de relance des économies. Les Etudes du CERI - n° 207-208 - Opalc - décembre 2014 66