Égypte/Monde arabe
10 | 2013
Les élections de la révolution (2011-2012)
Des élections révolutionnaires ?
Clément Steuer
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ema/3086
DOI : 10.4000/ema.3086
ISSN : 2090-7273
Éditeur
CEDEJ - Centre d’études et de documentation économiques juridiques et sociales
Édition imprimée
Pagination : 7-31
ISBN : 978-2-905838-81-0
ISSN : 1110-5097
Référence électronique
Clément Steuer, « Des élections révolutionnaires ? », Égypte/Monde arabe [En ligne], 10 | 2013, mis en
ligne le 10 février 2014, consulté le 07 juillet 2022. URL : http://journals.openedition.org/ema/3086 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/ema.3086
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Des élections révolutionnaires ?
Des élections révolutionnaires ?
Clément Steuer
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Tout comme les élections de 2011-2012 présentent des éléments de nouveauté mais
aussi de continuité avec les opérations électorales conduites sous Moubarak, le dossier
présenté dans ce numéro d’Égypte/Monde arabe se situe à la fois dans le prolongement et
dans la rupture par rapport aux travaux qui l’ont précédé1. Dans leur prolongement,
car des élections législatives ont été régulièrement organisées en Égypte depuis 1979, et
que leur étude a fourni des instruments théoriques indispensables à l’analyse des
opérations électorales dans ce pays. Dans la rupture, parce que les scrutins de
2011-2012 se sont tenus dans des conditions différant radicalement du cadre autoritaire
qui prévalait auparavant, et qu’ils posent en conséquence des questions jusqu’alors
inédites à ceux qui se sont donné pour tâche de les analyser.
2
Les travaux précédents avaient souligné l’importance de la dimension clientéliste du
vote dans les élections législatives, même si l’on pouvait déjà observer certains
mécanismes de politisation à la marge2. Sans remettre en cause ce cadre théorique, le
numéro d’Égypte/Monde arabe consacré aux élections de 2005 3 avait élargi la perspective
en direction d’acteurs des élections auparavant négligés – les médias et les juges – et
insisté sur des dimensions de l’acte électoral alors en progression constante en Égypte :
les fraudes et les violences. Or, si la révolution du 25 janvier 2011 n’a pas fait
disparaître du jour au lendemain les notabilités locales et leurs réseaux, ni les
représentations dominantes du rôle du député, elle a néanmoins profondément modifié
le contexte politico-juridique dans lequel se sont déroulées les élections auxquelles elle
a conduit. La multiplication de nouveaux partis politiques – résultant de la réforme de
la loi des partis (28 mars 2011)4, mais aussi de l’anticipation par les acteurs de la tenue
d’élections libres et transparentes –, les nouvelles règles électorales 5, la quasidisparition de la police, la baisse du sentiment d’impunité concernant la fraude et les
violences électorales, l’augmentation enfin de la participation, ont fait des différents
scrutins organisés en 2011-2012 des élections de rupture avec l’ancien régime. C’est
pourquoi l’on peut les qualifier – dans le vocabulaire de la transitologie – d’élections
« fondatrices »6.
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Le bouleversement du cadre juridique
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De fait, elles ont été conduites dans le but de tourner la page d’un régime autoritaire,
afin de transmettre le pouvoir à des civils régulièrement élus. Suite aux manifestations
de janvier-février 2011 qui ont entraîné la démission du président Moubarak, le Conseil
supérieur des forces armées (CSFA) s’est en effet emparé du pouvoir dans l’objectif
explicite de conduire le pays vers la démocratie dans un laps de temps très court (on
parle alors d’organiser des élections législatives et présidentielles en six mois). C’est
dans cette perspective que le pouvoir militaire a suspendu la Constitution de 1971,
dissous les deux chambres élues en 2010 (l’Assemblée du peuple et l’Assemblée
consultative), et s’est attribué les pouvoirs législatif et exécutif jusqu’à l’élection d’un
nouveau Parlement et d’un président de la République. Une série d’amendements à la
Constitution7 a ensuite été présentée au peuple par référendum, dès le 19 mars 2011, et
a été approuvée par 77 % des électeurs (soit 14 millions d’individus), avec un taux de
participation de 41 %. Ce référendum a ainsi constitué le premier rendez-vous électoral
de cette période de transition, et il présentait certaines des caractéristiques qui
marqueront les scrutins suivants : abandon des listes d’inscrits – falsifiées sous l’ancien
régime – au profit d’une identification des électeurs par la seule carte nationale
d’identité ; taux de participation élevé (par rapport aux standards de l’ancien régime) ;
baisse spectaculaire du nombre d’incidents violents.
4
Mais le sort réservé aux résultats de ce référendum augurait également de ce qui allait
arriver aux quatre opérations électorales suivantes, qui ont consacré deux chambres
des représentants désormais dissoutes, un président de la République depuis lors démis
de ses fonctions et placé en détention, et enfin une Constitution aujourd’hui suspendue.
Le 30 mars 2011, le CSFA promulgue une « déclaration constitutionnelle », véritable
feuille de route décrivant les étapes de la transition vers un pouvoir civil
démocratiquement élu, ainsi que le rôle des différentes institutions à chacune de ces
étapes. Si la plus grande partie des articles qui ont fait l’objet du référendum du 19
mars sont intégrés dans ce document provisoire, celui-ci comporte également de
nombreuses dispositions ad hoc, et contredit même l’une des révisions
constitutionnelles approuvées par le peuple une dizaine de jours auparavant en
rétablissant la possibilité de déférer des civils devant les tribunaux militaires.
5
Deux jours plus tôt, le 28 mars 2011, le CSFA avait par ailleurs réformé la loi des partis,
ce qui allait entraîner une rapide mutation du système partisan égyptien. La loi n°40 de
1977, qui avait introduit le multipartisme en Égypte, contenait un certain nombre de
limitations demeurées pour l’essentiel identiques jusqu’au lendemain de la chute de
Moubarak. En particulier, cette loi avait mis en place la commission des partis,
véritable verrou juridique permettant au pouvoir exécutif de contrôler l’accès au
champ politique légal. Cette commission était en effet dominée par des membres
nommés directement par le président de la République, ainsi que par certains ministres
y siégeant de plein droit (dont le ministre de l’Intérieur). Au moment où la révolution
éclate, son président n’est autre que le secrétaire général du parti national
démocratique (PND)8, Safwat Al-Charîf. Or, cette institution dispose d’un véritable droit
de vie et de mort sur les organisations partisanes égyptiennes : non seulement son
imprimatur constitue-t-il une condition dirimante pour leur création, mais encore peutelle geler leur activité ou les dissoudre sous divers prétextes, allant de la menace à la
sécurité de l’État jusqu’à l’éloignement par rapport aux objectifs originels du parti. Ses
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décisions sont certes susceptibles de recours devant le Conseil d’État, mais cette
procédure est longue et complexe. Surtout, la loi de 1977 prévoit une longue liste de
motifs, dont certains extrêmement flous, pour refuser la création d’un parti politique.
Aussi cette commission dispose-t-elle dans les faits d’un pouvoir quasi-discrétionnaire,
dont elle use dans le meilleur intérêt du régime. L’effet le plus spectaculaire de ce
contrôle exercé par le pouvoir sur l’offre politique est l’exclusion des islamistes du jeu
politique légal, alors même que ceux-ci disposent d’une large assise au sein de la
population.
6
La principale innovation apportée par la loi du 28 mars 2011 est la rupture de la
courroie de transmission reliant le pouvoir à la commission des partis, désormais
composée uniquement de juges statuant en toute indépendance. Par ailleurs, cette
réforme supprime certains des critères les plus vagues, notamment l’obligation de
formuler un programme politique apportant quelque chose de neuf au système
partisan égyptien. Cette « obligation de nouveauté » constituait l’un des motifs de refus
le plus souvent employé par la commission au cours des dernières années. Enfin, la
commission des partis dispose désormais d’un délai de trois mois pour rendre sa
décision, faute de quoi la demande de création est automatiquement acceptée (aucune
limitation de la sorte n’existait sous l’ancienne législation). Le seul point sur lequel la
révision de 2011 alourdit les conditions de création des partis porte sur le nombre
minimal de membres exigé. Celui-ci passe en effet de 1 000 à 5 000. Cette nouvelle
restriction semble cependant bien dérisoire dans le contexte issu de la chute de
Moubarak, et elle n’empêche pas les partis politiques de se multiplier au cours des mois
qui suivent. Significativement les deux premiers partis officiellement reconnus sous
l’empire de la nouvelle législation sont le parti de la Liberté et de la Justice (PLJ),
émanation des Frères musulmans, et le parti Nûr, branche politique de la principale
organisation salafiste égyptienne, la Da‘wa salafiya9. Les nouveaux partis nés de cette
réforme se mettent alors en ordre de bataille pour affronter les échéances électorales
prévues comme autant d’étapes jalonnant la transition du pays vers la démocratie.
7
La « déclaration constitutionnelle » proclamée par le CSFA le 30 mars 2011 prévoit
notamment l’élection d’un nouveau Parlement (chambre basse puis chambre haute), à
l’issue de laquelle le pouvoir législatif sera dévolu à l’Assemblée du peuple, le CSFA
conservant le pouvoir exécutif et un droit de veto sur les lois jusqu’à l’élection d’un
président de la République. Parallèlement, le Parlement élu aura pour tâche de former
une assemblée constituante de 100 membres chargés de rédiger une nouvelle
Constitution avant de la soumettre à référendum. C’est dans ce cadre constitutionnel
que vont être organisées les différentes échéances électorales, après adoption d’un
dispositif légal organisant les scrutins, à commencer par les élections législatives.
8
Depuis 1990, les Parlements égyptiens ont été élus exclusivement au scrutin majoritaire
binominal10 à deux tours, ce qui a contribué à renforcer les notabilités locales au
détriment des partis politiques. De fait, le nombre d’indépendants élus au Parlement
n’a cessé d’augmenter au cours de ces deux décennies, sans mettre toutefois en danger
l’hégémonie du PND car, une fois élus, la plupart d’entre eux s’empressaient de rallier
ce parti : leur qualité d’indépendants ne tenait qu’au fait que le PND leur avait refusé
son investiture11. Les élections constituaient ainsi un mécanisme concurrentiel au
moyen duquel le parti au pouvoir laissait les électeurs désigner l’homme le plus fort de
la circonscription, sans remise en cause de sa propre domination 12. Elles permettaient
d’objectiver la puissance des différents notables en lice, en la ramenant à leur capacité
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à mobiliser leurs électeurs, capacité elle-même fonction des différents moyens à leur
disposition (fortune personnelle, grand nombre d’employés, appartenance à une
famille puissante, accès aux centres de prises de décision, etc.) Dans cette
configuration, le PND était, davantage qu’un parti, la toile tissée par les différents
réseaux locaux (tribaux, familiaux, affairistes, etc.) ayant prêté allégeance au pouvoir
central. Niché au cœur de cette toile, ce dernier puisait sa légitimité et l’obéissance des
citoyens dans sa capacité à coordonner et organiser à son profit la puissance sociale
exprimée dans ces réseaux locaux et incarnée par les députés du PND. Dans ces
conditions, on comprend pourquoi le pouvoir n’a jamais renoncé à sa capacité à
interdire l’accès de l’offre politique à d’indésirables challengers, qui n’auraient eu
d’autres moyens à leur disposition que de proposer aux électeurs des biens politiques
sous la forme de programmes électoraux, minant ainsi à terme l’assise clientéliste
servant de fondement au régime.
9
Si la chute de Moubarak, puis la dissolution du PND par décision de justice le 16 avril a
désorganisé ces réseaux et les a momentanément privés de leur capacité à agir au plan
national13, elles ne les a pas fait disparaître pour autant, et la question qui se pose alors
est celle de la capacité des partis politiques nouvellement créés à les combattre
victorieusement dans les urnes. Au niveau juridique, cette question a suscité deux
débats concernant d’abord le mode de scrutin, et ensuite une éventuelle interdiction,
pour les anciens membres du PND, de briguer un mandat électif durant une période
déterminée.
10
Alors que le scrutin individuel favorise notoirement les patrons locaux, le scrutin de
liste est réputé plus favorable aux partis politiques, puisqu’il leur accorde le privilège
de sélectionner les candidats, en même temps qu’il incite les électeurs à se positionner
sur des enjeux nationaux, programmatiques sinon idéologiques. Le 30 mai 2011, le CSFA
dépose un avant-projet de loi électorale prévoyant de réserver deux tiers des sièges au
scrutin binominal, et le tiers restant à la proportionnelle. L’idée d’un scrutin mixte
s’impose alors de fait, le débat portant désormais sur la proportion de sièges à attribuer
à chacun des deux modes de scrutin. Les partis politiques font naturellement pression
en faveur d’une part plus importante réservée au scrutin de liste. Ils seront entendus,
puisque le 7 juillet, le gouvernement parle de 50/50, avant que le CSFA n’adopte
finalement le 24 septembre une loi électorale dans laquelle les proportions initiales ont
été inversées : un tiers des sièges seulement est réservé aux candidats individuels, alors
que deux tiers sont attribués aux listes composées par les partis politiques 14. Mais l’un
des effets inattendus de ce compromis de dernière minute est que, le nombre de
circonscriptions réservées aux candidats individuels diminuant 15, leur superficie
s’accroît mécaniquement. Dès lors, ces circonscriptions deviennent immenses, bien audelà de la zone d’influence exercée par la plupart des notables locaux. Leurs moyens
individuels étant bien insuffisants pour leur permettre de mener seuls campagne à une
telle échelle, ceux-ci sont dès lors condamnés à abandonner tout espoir d’être élus, à
moins de se tourner vers les seules organisations disposant de la visibilité et des
troupes nécessaires pour mobiliser des électeurs à travers l’ensemble de la
circonscription : les partis politiques. Par ailleurs, cette loi abaisse l’âge minimal des
candidats à la députation de 30 à 25 ans et impose la présence d’au moins une femme
sur chaque liste, sans préciser en quelle position celle-ci doit se trouver 16. Enfin, la loi
électorale prévoit de diviser l’Égypte en trois zones comprenant chacune neuf
gouvernorats, et votant successivement : les opérations électorales sont ainsi
échelonnées en trois étapes de deux tours pour les élections à l’Assemblée du peuple,
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qui dureront de ce fait un peu plus de six semaines (28 novembre 2011 – 11 janvier
2012)17.
11
Quant aux différentes dispositions anti-fulûl, elles ont rapidement fait long feu, et n’ont
jamais eu à ce jour la moindre effectivité. Une semaine avant le coup d’envoi des
législatives, le 21 novembre 2011, le CSFA avait fini par se résoudre à promulguer une
loi interdisant aux personnes condamnées pour « corruption de la vie politique »
d’accéder à toute charge publique pour une période de cinq ans. Mais en raison même
de son caractère tardif, cette loi était demeurée sans effets, les candidatures ayant déjà
été à cette date enregistrées et approuvées par le haut comité électoral. En avril 2012,
l’Assemblée du peuple a voté à son tour une loi dite « d’isolement politique »
interdisant pour dix ans toute charge publique aux anciens dirigeants du régime de
Moubarak18. Mais le 14 juin de la même année, la Haute Cour constitutionnelle (HCC)
avait prononcé sa nullité19, trois jours avant le second tour de la présidentielle pour
lequel s’était qualifié Ahmad Chafîq, dernier premier ministre de Moubarak. Enfin, la
Constitution de 2012 disposait en son article 232 l’interdiction pour les anciens
membres du PND de se présenter aux élections présidentielles et législatives pour une
période de dix ans. Mais cette Constitution a été suspendue au lendemain de la
destitution de Mohammed Morsi le 3 juillet 2013, sans qu’aucune élection n’ait jamais
été organisée sous son empire.
Le déroulement des élections et leurs résultats
12
Si les élections législatives ont bien lieu suivant le calendrier et selon les modalités
prévues, elles ne se déroulent pas moins dans un contexte de défiance, les acteurs de la
révolution soupçonnant le CSFA de chercher à conserver le pouvoir, ou tout au moins à
le transmettre aux Frères musulmans, qui apparaissent alors comme des alliés objectifs
de l’armée, dont ils partagent l’ambition de freiner le développement et
l’approfondissement du processus révolutionnaire. Depuis le mois de février, plusieurs
accrochages ont opposé périodiquement manifestants et forces de l’ordre. L’épisode le
plus dramatique de cette séquence a été le massacre de plusieurs dizaines de
manifestants coptes devant l’immeuble de la télévision d’État, le 9 octobre 2011. Les
médias publics ont sur le moment cherché à imposer une lecture confessionnelle de
l’événement, malgré la solidarité manifestée immédiatement par les manifestants de la
place Tahrir, qui avaient alors rejoint le lieu des affrontements pour prêter main-forte
à leurs compatriotes chrétiens. Néanmoins, ce sont les événements dits « de la rue
Muhammad Mahmûd » qui marquent une nouvelle phase dans les relations entre le
pouvoir militaire et la jeunesse révolutionnaire : le 19 novembre – soit neuf jours avant
le commencement des opérations électorales – des heurts meurtriers opposent
manifestants et forces de l’ordre à l’entrée de cette rue menant au ministère de
l’Intérieur depuis la place Tahrir. Durant une semaine, ladite place se remplit
d’opposants au régime réclamant le départ immédiat du CSFA au profit d’un
gouvernement de salut public composé de civils, tandis que les affrontements se
poursuivent dans la rue susnommée, faisant au total plus de cinquante morts parmi les
manifestants. Un calme précaire est finalement restauré trois jours à peine avant le
début des élections de l’Assemblée du peuple. Quelques semaines plus tard, en plein
milieu du processus électoral, d’autres épisodes sanglants auront lieu dans la capitale,
au cours des événements dits « de la rue des Ministères ».
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Les élections à l’Assemblée du peuple (majlis al-cha‘b) se sont tenues en trois phases,
échelonnées entre le 28 novembre 2011 et le 11 janvier 2012, chaque phase étant
organisée en deux tours, eux-mêmes étalés sur deux jours20. Sur l’ensemble du scrutin,
le taux de participation fut en moyenne de 54 % (plus élevé durant les premiers tours,
et plus faible durant les seconds), soit presque 28 millions d’électeurs mobilisés 21. Avec
37,5 % des suffrages exprimés (soit plus de dix millions de voix) pour la Coalition
démocratique, le PLJ contrôle à lui seul 216 sièges (soustraction fait des 22 sièges
remportés par les autres membres de la Coalition), soit 42,5 % des fauteuils de
l’Assemblée du peuple. De son côté, l’alliance des partis salafistes rassemble 27,8 % des
suffrages exprimés (plus de 7,5 millions d’électeurs) et occupe 127 sièges à l’Assemblée
du peuple (112 pour le parti Nûr, 12 pour le parti Construction et Développement et 3
pour Al-Asâla22), soit 25 % du total. Si l’on ajoute à cela les résultats du parti islamiste
modéré Al-Wasat (10 sièges, avec 3,7 % des voix, soit près d’un million d’électeurs) et du
parti islamique du Travail (1 siège)23, les différentes formations islamistes contrôlent
354 siège, soit près de 69,7 % des fauteuils de l’Assemblée du peuple, et ont recueilli plus
de 19 millions de voix, soit environ 69 % des suffrages exprimés 24. Avec 9,2 % des
suffrages exprimés (près de 2,5 millions de voix), le parti libéral Wafd devient le
principal parti de l’opposition parlementaire, en parvenant à occuper 38 sièges, soit
7,5 % de l’Assemblée du peuple. Il est talonné par la coalition du Bloc égyptien, qui
rassemble plusieurs partis libéraux et socialistes, et qui parvient à rassembler 8,9 % des
suffrages exprimés, contrôlant ainsi 6,9 % des sièges 25. L’opposition dispose donc de
seulement 122 sièges, toutes tendances confondues26, soit 24 % de l’Assemblée du
peuple27, et a obtenu les suffrages de plus de 30 % des électeurs (près de 8,5 millions
d’individus).
14
L’élection de l’Assemblée consultative (majlis al-chûrâ) a été beaucoup moins disputée
que celle de l’Assemblée du peuple. Cela s’explique par le fait que les prérogatives de
cette chambre haute sont traditionnellement quasi-inexistantes dans le dispositif
institutionnel égyptien. Par ailleurs, de nombreux partis ont décidé de boycotter ces
élections, du fait des tensions persistantes entre le pouvoir et les manifestants 28. C’est
aussi du fait de ces tensions que le calendrier pour ce scrutin a été resserré, ces
élections se déroulant entre le 29 janvier et le 22 février 2012 29. Ces différents facteurs
expliquent le relatif désintérêt des électeurs, dont à peine 12 % se sont mobilisés (un
peu moins de 6,5 millions d’individus). Avec près de 2,9 millions de voix (45 % des
suffrages exprimés), le PLJ conquiert 105 des 180 sièges pourvus au suffrage universel.
Les salafistes recueillent de leur côté plus de 1,8 millions de suffrages (28,6%), ce qui
leur permet d’occuper 45 sièges. L’ensemble des partis de l’opposition représentés dans
cette chambre haute rassemble un peu plus d’un million de voix, soit 16,7 % des
suffrages exprimés30 (8,5 % pour le Wafd, 5,4 % pour le Bloc égyptien, 1,5 % pour le parti
de la Paix démocratique et 1,3 % pour le parti de la Liberté 31), et 26 sièges sur les 180
mis aux voix32, tous obtenus au scrutin de liste. Enfin, quatre indépendants parviennent
à se faire élire sur les sièges réservés au scrutin individuel.
15
Aux termes de la déclaration constitutionnelle du 30 mars 2011, ce sont les membres
élus de ces deux assemblées33, soit 678 députés (498 à l’Assemblée du peuple et 180 à
l’Assemblée consultative) qui doivent élire les 100 membres du comité chargé
d’élaborer la nouvelle Constitution. Théoriquement, celle-ci devrait être rédigée en 60
jours, soit avant l’élection présidentielle, dont les dirigeants du CSFA ont promis qu’elle
serait terminée avant le 30 juin 2012. Le 26 mars, le Parlement élit les 100 membres de
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la commission constituante, dont la composition est immédiatement critiquée pour sa
non-prise en compte de la diversité de la société égyptienne : la moitié de ses membres
sont des députés, et elle ne comporte que 6 femmes et 5 chrétiens. Surtout, elle est
largement dominée par les islamistes (66 membres). Pour toutes ces raisons, elle est
dissoute par la justice administrative quinze jours plus tard. Le 7 juin 2012, une
deuxième commission constituante est élue par le Parlement. Elle ne comporte plus que
39 députés, mais les partis de l’opposition accusent les islamistes de chercher encore à
s’assurer le contrôle de la majorité de cette commission, et engagent une nouvelle
action en justice.
16
Les élections présidentielles ont débuté entre temps. Un premier tour a été organisé les
23 et 24 mai 2012, qui a vu s’affronter 13 candidats. Seuls six d’entre eux sont parvenus
à franchir la barre des 1 %, dont l’avocat et intellectuel islamiste Muhammad Salîm
Al-‘Awwâ, avec 1,01 % des suffrages exprimés (soit moins de 250 000 voix). Les cinq
autres candidats étaient tous considérés comme ayant une chance de se qualifier pour
le second tour : l’ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de la
Ligue Arabe, Amr Moussa, a réuni 11,1 % des voix (plus de 2,5 millions de suffrages),
l’ancien Frère musulman ‘Abd Al-Mun‘im Abûl-Futûh (soutenu notamment par le parti
Nûr et le Wasat) est parvenu à rassembler sur son nom près de 17,5 % des suffrages
exprimés (plus de 4 millions d’électeurs), et le nassérien Hamdîn Sabâhî se hisse à la
troisième place avec 4,8 millions de suffrages en sa faveur (20,7%). Les deux candidats
qualifiés pour le second tour sont le général Ahmad Chafîq, ancien ministre de
Moubarak nommé chef du gouvernement durant la révolution du 25 janvier, qui
obtient 23,7 % des suffrages (5,5 millions de voix), et le candidat des Frères musulmans,
Mohammed Morsi, qui se place en tête avec une courte avance (24,8 % des voix, soit 5,7
millions d’électeurs). Le taux de participation s’élève à 46 % (plus de 23 millions de
votes valides), et est donc plus faible que durant les législatives, mais plus élevé que
lors du référendum de mars 2011. Ainsi, le second tour, organisé les 16 et 17 juin, voit
s’affronter les deux candidats les moins consensuels : Ahmad Chafîq est largement
perçu comme le candidat de l’armée et, au-delà, de l’ancien régime, tandis que
Mohammed Morsi est le candidat des Frères musulmans, une organisation toujours
illégale, qui contrôle déjà la majorité du Parlement, qui a eu l’occasion de montrer au
cours des derniers mois qu’elle faisait peu de cas des revendications de l’opposition, et
qui a précédemment rompu plusieurs engagements solennels pris aux lendemains du
départ de Moubarak, dont celui de ne pas présenter de candidat à la présidentielle 34 !
C’est alors qu’une décision de justice vient encore dramatiser davantage les enjeux du
scrutin.
17
Le 14 juin 2011 en effet, soit une semaine jour pour jour après l’élection de la
commission constituante par le Parlement et deux jours avant le commencement du
second tour de la présidentielle, la HCC déclare inconstitutionnelle la loi électorale
ayant servi de cadre à l’élection de l’Assemblée du peuple, au motif que la possibilité
laissée aux partis de présenter des candidats sur les sièges pourvus au scrutin
binominal constitue une rupture de l’égalité des candidats au détriment des
indépendants35. En application de ce jugement, l’Assemblée du peuple est dissoute par
le CSFA. Le processus transitionnel sort alors du cadre tracé par la déclaration
constitutionnelle du 30 mars 2011. Celle-ci avait en effet prévu que le CSFA disposerait
du pouvoir législatif jusqu’à l’élection d’une assemblée (il l’a donc perdu en janvier) et
du pouvoir exécutif jusqu’à l’élection d’un président. La dissolution de l’Assemblée du
peuple provoque donc un vide juridique, que le CSFA s’empresse de remplir dès le 17
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juin – alors que les bureaux de vote ne sont même pas encore fermés – en promulguant
une déclaration constitutionnelle complémentaire aux termes de laquelle il récupère
les pouvoirs législatifs en attendant qu’une nouvelle Assemblée du peuple soit élue. Au
passage, ce document limite les prérogatives du futur président de la République, et
prévoit que dans l’hypothèse où la commission constituante élue dix jours plus tôt se
révélerait incapable de mener sa tâche à bien dans les six mois, ou serait à nouveau
dissoute par décision de justice, il reviendrait au CSFA d’en composer une nouvelle.
18
Dès le lendemain 18 juin, la Confrérie annonce la victoire de son candidat Mohammed
Morsi. Ce n’est pourtant qu’une semaine plus tard, le 24 juin, que la commission
électorale délivre les résultats officiels : Mohammed Morsi l’emporte avec 51,7 % des
suffrages exprimés (13 230 131 électeurs), contre 48,3 % pour Ahmad Chafîq (12 347 380
voix). Le taux de participation s’est élevé par rapport au premier tour pour atteindre
quasiment 52 %, ce qui est comparable aux chiffres constatés durant les législatives. Le
nombre de bulletins invalides augmente néanmoins significativement entre les deux
tours (passant de 1,7 % à 3,2%), ce qui peut s’interpréter comme la manifestation d’un
refus d’une partie de l’électorat de choisir entre un général et un islamiste. Le 30 juin,
les dirigeants du CSFA honorent formellement leur promesse en remettant le pouvoir
exécutif à un président civil régulièrement élu. Celui-ci voit néanmoins ses attributions
sévèrement limitées par la déclaration constitutionnelle du 17 juin, et est contraint de
cohabiter avec un CSFA qui s’est arrogé le pouvoir législatif. Dès lors, la commission
constituante devient un enjeu central pour les Frères musulmans : si elle est une
nouvelle fois dissoute par la justice, ils perdront cette fois-ci définitivement la main sur
le processus de rédaction de la Constitution.
19
Certes, le 12 août 2012, Mohammed Morsi promulgue à son tour une déclaration
constitutionnelle, par laquelle il s’attribue toutes les prérogatives échues au CSFA le 17
juin, mais cette victoire est néanmoins réversible, et le pouvoir des Frères musulmans
toujours à la merci d’une décision de justice qui viendrait annuler la déclaration
constitutionnelle du 12 août et dissoudre la constituante. Échaudés par la dissolution de
la précédente constituante ainsi que par celle de l’Assemblée du peuple, les islamistes
perçoivent comme parfaitement crédible un tel scénario judiciaire, d’autant que les six
mois impartis par le CSFA sont quasiment écoulés et que la Constitution n’est pas
terminée. Au sein de la constituante en effet, les opposants aux Frères musulmans ont
l’impression de ne pas être entendus, et se retirent progressivement de la commission,
considérant que seule la justice parviendra désormais à empêcher les islamistes de
rédiger une Constitution uniquement conforme à leurs intérêts et à leur vision du
monde. C’est donc pour se prémunir contre une profession judiciaire perçue comme
majoritairement hostile que Mohammed Morsi promulgue le 22 novembre une nouvelle
déclaration constitutionnelle visant non seulement à accorder un délai supplémentaire
à la commission constituante, mais également à la placer à l’abri de toute décision de
justice. Cette étrange immunité est en outre accordée aux décisions du président de la
République lui-même, ainsi qu’à l’Assemblée consultative. Mais cette fois-ci,
Mohammed Morsi est allé trop loin, et cette nouvelle décision se heurte à un front uni
de l’opposition, qui organise d’importantes manifestations dans les rues du pays, au
cours desquelles plusieurs locaux du PLJ sont incendiés. Face à l’ampleur de cette
contestation, le pouvoir change de stratégie, et la commission constituante boucle ses
travaux dans la précipitation dans la nuit du 30 novembre, et le texte est soumis à
référendum les 15 et 22 décembre 2012.
Égypte/Monde arabe, 10 | 2013
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Des élections révolutionnaires ?
20
Pour cet ultime scrutin, le taux de participation s’effondre à 32,9 %, et le texte n’est
approuvé que par 63,8 % des suffrages exprimés (soit un peu plus de 10,5 millions de
voix, contre 6 millions qui le rejettent). Si le pouvoir est ainsi parvenu à faire adopter sa
Constitution, il a également créé à cette occasion un fossé infranchissable le séparant
dorénavant de son opposition. Enfin, le 2 juin 2013, la HCC consacre la victoire des
Frères musulmans en statuant que, bien que la composition de la commission
constituante ait été entachée d’inconstitutionnalité, cela ne remet pas en cause la
validité de la Constitution elle-même, puisque celle-ci a été régulièrement approuvée
par le peuple lors du référendum de décembre. Dans un second jugement rendu le
même jour, la HCC juge inconstitutionnelle la loi électorale ayant conduit à l’élection de
l’Assemblée consultative (pour les mêmes raisons qui avaient motivé sa décision du 14
juin 2012 contre l’Assemblée du peuple). Mais elle lui reconnaît par ailleurs son droit
constitutionnel de siéger et de légiférer jusqu’à ce que l’Assemblée du peuple soit à
nouveau en mesure d’assumer ses fonctions. Les Frères musulmans remportent ainsi la
dernière manche de ce qui apparaît cependant désormais comme un combat d’arrièregarde, alors que le pays retient son souffle dans l’attente des manifestations du 30 juin.
Le renforcement des partis et la fragile victoire des
islamistes
21
Et en effet, les résultats de ces différentes élections et des batailles judiciaires y afférant
apparaissent rétrospectivement comme une victoire à la Pyrrhus pour les Frères
musulmans. Si ces derniers ont remporté régulièrement tous les scrutins organisés par
la feuille de route du 30 mars 2011, ils se sont vu rapidement confisquer les fruits de ces
victoires successives. L’Assemblée du peuple a ainsi été dissoute par la HCC en juin
2012, tandis que l’Assemblée consultative, le président de la République et la
Constitution ont été respectivement dissoute, renversé et suspendue dans les jours qui
ont suivi le coup d’État du 3 juillet 2013. Cette « sortie » de la feuille de route ne remet
cependant que partiellement en causes le caractère fondateur des élections de
2011-2012 : d’abord parce que lorsque celles-ci se sont déroulées, les acteurs étaient
loin d’anticiper le destin qui attendait les nouvelles institutions élues, et ensuite parce
que ces élections demeurent les premières élections libres organisées en Égypte suite
au départ de Moubarak. Elles ont été marquées par une modification des pratiques et
un bouleversement des rapports de force appelés à laisser des traces durables dans la
vie politique égyptienne. Il convient cependant de s’interroger sur les causes de ce
faux-départ, et le dossier présenté ici apporte des pistes permettant de comprendre
pourquoi le processus transitionnel annoncé le 30 mars 2011 a finalement été avorté.
22
La principale nouveauté des élections de 2011-2012 ne tient pas tant aux règles
électorales (le mode de scrutin mixte avait présidé aux législatives de 1987, les élections
de 2000 et 2005 avaient déjà été organisées en trois phases, et les présidentielles de
2005 avaient vu pour la première fois s’affronter plusieurs candidats) qu’au fait que
pour la première fois, toutes les composantes de la société ont pu s’en servir comme
véhicule pour tenter de pénétrer l’arène politique. Ces élections ont ainsi été dominées
par de nouveaux acteurs (81,2 % des élus à l’Assemblée du peuple l’étaient pour la
première fois, alors que ce taux tournait autour de 62 % pour les trois scrutins
précédents36) regroupés dans de nouveaux partis (23 partis sont représentés dans cette
assemblée, dont 19 n’existaient pas ou étaient interdits avant la révolution). C’est ainsi
Égypte/Monde arabe, 10 | 2013
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Des élections révolutionnaires ?
que l’on a pu voir des catégories jusque-là exclues du champ politique se mobiliser en
vue d’obtenir par le vote une représentation parlementaire : organisations salafistes,
confréries soufies, syndicats indépendants, mouvements de jeunesse, etc. Bien sûr,
toutes ces entreprises n’étaient pas promises au même succès, mais les articles
présentés dans ce numéro par Azzurra Meringolo (sur les jeunes de la révolution) et
Costantino Paonessa (sur les confréries soufies) montrent que des forces très
minoritaires, voire marginales dans les urnes, disposent d’une capacité de mobilisation
en fonction d’objectifs politiques bien supérieure à ce que pourrait laisser supposer la
simple lecture de leurs résultats électoraux. Par ailleurs, ces élections ont apporté leur
lot de surprises (le score des salafistes aux législatives, celui de Hamdîne Sabâhî au
premier tour des présidentielles), la société égyptienne se découvrant ainsi dans ses
divisions et ses rapports de force internes à l’occasion de ces scrutins.
23
Mais d’une manière plus générale, ce sont les partis qui semblent sortir grands
gagnants de ces élections, puisque sur l’ensemble des 678 membres élus des deux
chambres, il n’y a que 26 indépendants (22 dans la chambre basse et 4 dans la chambre
haute), soit 3,8 % des effectifs. Ces résultats tranchent avec la faiblesse des
organisations partisanes constatée lors des élections législatives organisées sous
l’ancien régime37. Sommes-nous en train de passer d’un système de notables,
caractérisé par la faiblesse de l’État et des partis, à un système à État faible et partis
forts, dans lequel les futures élections seraient appelées à être systématiquement
dominées par les « machines politiques » que seraient devenus les Frères musulmans et
la Prédication salafiste ? Nous nous garderons ici de tirer de telles conclusions, par trop
hâtives et prématurées, surtout au regard des événements politiques qui ont secoué
l’Égypte au cours de l’année qui a suivi l’élection de Mohammed Morsi. D’autant qu’il
convient de souligner que les partis politiques égyptiens se sont inégalement
autonomisés par rapport aux différents milieux sociaux et militants dont ils sont issus.
Ainsi, si le parti des Égyptiens libres par exemple, a su, comme le laisse entrevoir
l’article de Gaétan du Roy dans ce volume, se ménager une marge d’autonomie en
s’appuyant sur divers réseaux interconnectés – les entreprises de Nagîb Sâwîris (en
particulier Orascom), l’Église copte et le tissu associatif chrétien –, le PLJ reste de son
côté extrêmement dépendant de l’organisation des Frères musulmans, et
Amel-Fatiha Abbassi dresse dans ce numéro un tableau implacable des différents modes
de subordination qui soumettent concrètement le parti à la Confrérie.
24
Cette absence d’autonomie du parti des Frères musulmans par rapport à l’organisationmère constitue sans doute une importante cause de leur échec au pouvoir. De fait, le
rôle de la Confrérie dans le régime de Mohammed Morsi n’a pas été contesté
uniquement au nom de la légitimité révolutionnaire, de l’État de droit et de la
nécessaire protection des minorités – même si ces différents éléments ne doivent bien
sûr pas être négligés – mais également au nom de la légitimité des urnes dont se
prévalaient pourtant les Frères musulmans. En effet, l’un des arguments de leurs
opposants était que si Mohammed Morsi avait bien été régulièrement élu, le Guide
suprême Mohammed Badie ne disposait pour sa part d’aucun mandat électif. De par son
organisation verticale et hiérarchisée, la Confrérie usurpait ainsi la volonté populaire
en soumettant les élus du peuple – à commencer par le président de la République luimême – à un centre de décision opaque et foncièrement anti-démocratique. La force
même des Frères musulmans constituerait ainsi en même temps leur principale
faiblesse, le poids organisationnel, humain et financier de la Confrérie obérant une
Égypte/Monde arabe, 10 | 2013
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Des élections révolutionnaires ?
éventuelle autonomisation du PLJ, pourtant condition essentielle à une pleine
intégration des Frères musulmans dans le jeu politique.
25
Le dossier consacré à ces élections comporte dix articles38, et est divisé en trois parties,
traitant d’abord du rôle des représentations dans un paysage politique en pleine
recomposition, puis du « passage au politique » de plusieurs secteurs de la société
civile, au sein desquels émergent des entrepreneurs politiques cherchant à les
représenter politiquement à travers la création d’un ou plusieurs partis, et enfin de la
reconfiguration des enjeux locaux, entre politisation et permanence des anciennes
logiques.
26
Les deux articles présentés dans la première partie de ce dossier s’intéressent au rôle
des représentations et des discours dans le processus de transition vers la démocratie 39.
Leurs auteurs soulignent la nécessité d’appréhender cette transition en privilégiant un
point de vue empirique, et de renoncer aux a priori normatifs que peuvent charrier les
définitions de concepts aussi génériques que ceux de démocratie, d’autoritarisme, ou
encore de sphère publique.
27
L’article de Sarah Wessel analyse ainsi les différents types de légitimité qui s’affrontent
sur la scène politique égyptienne. Pour ce faire, elle mobilise notamment la notion de
cadre (frame), et observe qu’à compter de l’été 2011 le cadre religieux a pris le pas sur le
cadre révolutionnaire, autrement dit que la question de la place de la religion dans la
société a alors supplanté celle de l’accomplissement des objectifs de la révolution.
L’auteur montre également que les manifestations de novembre 2011 visaient à
délégitimer, avant même leur coup d’envoi officiel, des élections organisées par un
pouvoir militaire. Ce faisant, elles ont contribué à affaiblir la légitimité du processus de
transition dans son ensemble, ainsi que la représentativité des futurs vainqueurs du
scrutin. Dans cette situation, la coalition de la Révolution continue s’est trouvée
particulièrement mise en porte-à-faux, du fait de sa participation à un processus
électoral contesté par sa base et son électorat potentiel. En tant que vainqueurs
annoncés de ces élections, les Frères musulmans se sont quant à eux tenus
prudemment à l’écart de manifestations qui desservaient leur but. Enfin, si le pouvoir
militaire a de son côté défendu la légitimité du processus jusqu’à son terme, il n’a
paradoxalement pas hésité à dénoncer le manque de représentativité du Parlement une
fois celui-ci élu.
28
Omneya Nour Eddin Khalifa analyse pour sa part les discours des trois candidats arrivés
en tête du premier tour de la présidentielle de 2012, tels qu’ils ont été formulés sur le
plateau d’un talk-show programmé spécialement pour l’occasion. Ces trois candidats
sont Mohammed Morsi, Ahmad Chafîq et Hamdîn Sabâhî, respectivement champions de
l’islam politique, de l’ancien régime et de la révolution. La principale thèse de l’auteur
est que les candidats islamiste et révolutionnaire disposaient d’un programme plus
précis que celui de l’ancien ministre de Moubarak, et paraissaient bien davantage que
lui ouverts au débat et à la discussion de leurs programmes politiques. Le premier
mérite de cet article est de faire ressortir clairement les trois projets alors en
compétition pour l’avenir de l’Égypte : la transformation révolutionnaire, la
perpétuation de l’ancien régime sous une forme plus démocratique et enfin le
conservatisme religieux. Mais ce que cette contribution éclaire également
rétrospectivement, ce sont les raisons de la déception suscitée par le style de
gouvernement de Morsi. Si une grande partie de l’opinion, qui lui avait pourtant
apporté son soutien au second tour de la présidentielle, s’est retournée si rapidement
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Des élections révolutionnaires ?
et si violemment contre lui, c’est aussi parce que son attitude au pouvoir tranchait
radicalement avec celle qui avait dominé sa campagne électorale. Après avoir mis en
scène sa volonté d’ouvrir le débat autour de son programme en direction de toutes les
composantes de la société égyptienne, il s’est révélé une fois élu comme le représentant
d’une faction désireuse avant tout de s’assurer le contrôle de l’appareil d’État à son
bénéfice exclusif. L’amère sensation d’avoir été victimes d’une supercherie a ainsi
alimenté puissamment la contestation à l’égard de la Confrérie.
29
30
31
La deuxième partie de notre dossier met l’accent sur le rôle et les stratégies des
entrepreneurs politiques opérant avec des fortunes diverses dans différents milieux
sociaux40. Si le succès des islamistes dans le champ politique peut paraître à première
vue éclatant, nous verrons qu’il comporte néanmoins d’importantes limites, qui n’ont
sans doute pas encore fini de produire leurs effets sur la scène politique égyptienne. À
l’inverse, le difficile passage au politique des organisations de la jeunesse
révolutionnaire et des confréries soufies ne doit pas nous conduire à sous-estimer leur
capacité d’influence réelle.
Alaa Al-Din Arafat nous entraîne dans une exploration de la galaxie salafiste
égyptienne. La rapidité avec laquelle celle-ci a donné naissance à des partis capables de
réaliser de très importants gains électoraux a d’autant plus surpris les observateurs
qu’avant la révolution, le courant salafiste était perçu comme piétiste et apolitique.
L’auteur nous rappelle qu’en réalité, l’attitude des salafistes envers la politique a
toujours varié en fonction des circonstances, et ne s’est jamais résumée à une hostilité
de principe à l’encontre de toute participation à la vie publique. En conséquence, les
positions adoptées par les différentes organisations salafistes à l’égard de la révolution
se sont échelonnées entre la condamnation sans appel et le soutien sans ambages.
Inversement, l’auteur souligne que même après la chute de Moubarak, tous les
salafistes ne se sont pas ralliés à l’idée de créer des partis politiques. Concernant leur
succès électoral inattendu, Alaa Al-Din Arafat montre comment les salafistes ont su
s’organiser pour se répartir les circonscriptions, et au-delà, sont même parvenus à
s’entendre avec les Frères musulmans pour limiter la compétition au sein du camp
islamiste. La supériorité organisationnelle des islamistes leur a donc assuré un
avantage décisif sur leurs adversaires libéraux au cours de ces élections. Enfin, il
convient de rappeler à la suite de l’auteur que, malgré l’interdiction de recourir dans la
campagne électorale à des slogans basés sur la religion, les partis salafistes ont fait « un
usage massif des symboles religieux ».
De son côté, Amel-Fatiha Abbassi se pose la question de l’autonomie du PLJ par rapport
à l’organisation
des Frères musulmans, notamment dans l’exercice de deux fonctions
traditionnellement dévolues aux partis dans les systèmes démocratiques : la sélection
des candidats et la mobilisation des électeurs. L’auteur rappelle en effet que les
dirigeants du PLJ, puis ses candidats aux législatives et enfin son candidat à la
présidentielle, ont tous été élus par l’assemblée consultative (majlis al-chûrâ) des Frères
musulmans. Les responsables du parti, comme ceux de la Confrérie, justifiaient cette
situation de subordination par la jeunesse du parti, créé dans l’urgence au printemps
2011, dans l’optique d’affronter des élections à brève échéance. À l’instar des salafistes,
quoique dans une mesure sans doute moindre, les Frères musulmans n’ont pas hésité à
mobiliser l’argument religieux dans leur campagne électorale. Cet argument religieux
était couplé à une politique de fidélisation des classes populaires via le contrôle
Égypte/Monde arabe, 10 | 2013
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Des élections révolutionnaires ?
d’associations caritatives, d’hôpitaux et de centres de la zakât, qui sont alors devenus
autant de lieux de diffusion de matériel militant aux couleurs du PLJ. La structure
hiérarchique de la Confrérie lui a en effet permis de distribuer un matériel de
campagne homogène à l’échelle nationale, et de mener campagne dans les médias, à
commencer par ceux qu’elle contrôlait directement. D’un autre côté, son maillage
territorial serré lui a permis de déléguer la gestion et l’animation de sa campagne de
terrain à des militants habitant les quartiers visés. Les Frères musulmans sont ainsi
parvenus à articuler le national et le local afin de mobiliser les électeurs en faveur des
candidats du PLJ.
32
L’article d’Azzurra Meringolo dresse un constat symétrique à celui d’Amel Abbassi, en
montrant que les principales caractéristiques des organisations de la jeunesse
révolutionnaire – à savoir la décentralisation, l’hétérogénéité idéologique et l’usage de
nouvelles technologies – ont fait à la fois leur force dans les rues et leur faiblesse dans
les urnes. L’auteur défend néanmoins la thèse selon laquelle ces mouvements ont en
fait joué dans les élections un rôle bien plus important qu’il n’y paraît, et en tout cas
sans commune mesure avec leur faible poids électoral. Elle illustre abondamment cette
thèse en rappelant l’implication de ces organisations dans les mouvements anti-fulûl,
dans les campagnes de boycott (particulièrement dans l’entre-deux tours des élections
présidentielles), dans les manifestations dénonçant les comportements abusifs du
pouvoir, et enfin dans les activités de monitoring des processus électoraux 41.
33
Enfin, Costantino Paonessa part du constat d’un paradoxe, celui de l’échec du
« soufisme politique ». Comment expliquer que dans un pays où les confréries soufies
rassemblent de 12 à 15 millions d’adeptes, celles-ci n’aient pas réussi leur passage au
politique ? L’auteur montre que cette impuissance politique du soufisme égyptien
plonge ses racines dans l’histoire de la construction de l’État moderne, au XIX e siècle.
En effet, les réformes successives des Waqf-s depuis cette époque ont entraîné une perte
de ressources financières pour les confréries soufies, avec pour conséquence une
érosion de la place privilégiée qu’elles occupaient auparavant dans l’offre de services
éducatifs, médicaux et sociaux. Ainsi, si la construction de l’État s’est faite au détriment
des confréries soufies, son recul a en revanche favorisé par la suite les mouvements
islamistes, qui ont su remplir le vide en construisant patiemment, depuis la seconde
moitié des années 1970, les réseaux de services qui ont rendu possible leur triomphe
électoral. Par ailleurs, l’État égyptien a sans cesse cherché, depuis la fin du XIX e siècle, à
s’assurer le contrôle des confréries soufies. Du fait de cette situation, et de l’existence
de mouvements islamistes puissants et perçus comme une menace pour eux, les acteurs
du soufisme se sont divisés sur la question du soutien à apporter à l’ancien régime ou à
la révolution. Ces divisions, ainsi que la faiblesse organisationnelle du principal parti
soufi, le parti de la Libération égyptienne, ont résulté en une dispersion des voix soufies
entre plusieurs forces politiques42. Pire, non seulement les candidats soufis étaient
dispersés entre plusieurs partis et coalitions, mais encore n’ont-ils été soutenus par
aucune des confréries les plus importantes. Ce sont au final surtout de petites
confréries qui ont donné naissance à de petits partis soufis, ne disposant que « d’une
faible autonomie par rapport à leurs milieux confrériques respectifs ».
34
La troisième et dernière partie de ce dossier s’intéresse à la reconfiguration des enjeux
locaux43, et les articles qui la composent cherchent à faire la part entre la permanence
des anciennes logiques clientélistes et la brusque poussée de politisation induite par les
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Des élections révolutionnaires ?
changements apportés au contexte politico-juridique par le soulèvement de janvier
2011 et ses suites.
35
L’article de Clément Steuer repose sur une étude comparée de trois circonscriptions
électorales (au cœur de la capitale, sur le canal de Suez et dans le delta du Nil), et met
en évidence l’influence de la médiatisation et de la précision progressive des règles du
jeu sur les stratégies de campagne adoptées par les partis politiques dans chacune de
ces circonscriptions. L’auteur examine en effet l’impact de ces facteurs nationaux sur
les situations politiques et les rapports de force locaux. Ce faisant, il souligne
l’incertitude qui planait sur les scrutins de 2011-2012, dans un contexte où le peuple
était appelé à élire des institutions sans connaître l’étendue de leurs pouvoirs
constitutionnels, ni même selon quelles procédures précises la Constitution serait
finalement rédigée. Il met également en lumière la faiblesse de l’impact des campagnes
médiatiques sur les résultats finaux, celles-ci se révélant impuissantes à pallier la
faiblesse du dispositif militant sur le terrain. Mais si les médias ne font pas l’élection, ils
contribuent néanmoins pour une large part à la politisation du vote et à la
nationalisation des enjeux.
36
À partir de son enquête menée durant les élections législatives dans la circonscription
de Port Saïd, Fayçal Homsy estime de son côté que le choix des électeurs est
principalement guidé par trois considérations : l’ancrage local du candidat, son rapport
à la religion, et enfin sa réputation, ce dernier critère étant le plus généralement
obtenu par une combinaison des deux premiers. Si cet article confirme le sentiment
général selon lequel la question religieuse aurait pris le pas sur l’accomplissement des
objectifs de la révolution durant ces premières élections post-moubarakiennes, son
principal intérêt est de montrer à quel point les enjeux politiques locaux demeurent
très important dans la détermination des choix de l’électorat. Enfin, son originalité
tient à ce qu’il témoigne de l’émergence en Égypte d’un vote féminin anti-islamiste.
37
Gaétan du Roy, quant à lui, s’intéresse à la campagne du parti des Égyptiens libres –
proche de l’Église copte – dans le quartier des chiffonniers du Muqattam,
majoritairement chrétien. Son article repose sur une enquête ethnographique de
longue durée, et sur une solide connaissance du quartier, de ses institutions religieuses,
et de son tissu associatif. L’auteur montre que la configuration locale des pouvoirs a été
déstabilisée par la révolution du 25 janvier, notamment du fait de la remise en cause du
pouvoir temporel de l’Église sur les fidèles, publiquement critiqué dans le sillage de la
dénonciation de la mauvaise gestion des associations de développement qui lui étaient
liées. Mais si la révolution a entraîné une contestation du rôle politique de l’Église,
l’organisation d’élections libres a paradoxalement renforcé ce rôle, en faisant du vote
copte un enjeu politique d’importance44, alors même que l’institution ecclésiale
demeure encore aujourd’hui la mieux placée pour mobiliser et canaliser ce vote. Dans
ce contexte, le parti des Égyptiens libres se construit localement, à la croisée des
logiques notabiliaires, de la politisation du militantisme associatif, et de l’intervention
de l’Église en matière de vote communautaire chrétien45. Adossés à une structure
politique nationale, les membres de l’équipe de campagne du parti demeurent
dépendants des prêtres et des notables locaux pour atteindre et mobiliser la
communauté, mais entendent bien se donner à terme les moyens de se passer d’eux, et
de s’assurer le monopole de la mobilisation et de la représentation de la communauté.
Pour ce faire, un des moyens à leur disposition est la politisation du vote via les
processus de montée en généralité mis en œuvre par les militants du parti à partir de la
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Des élections révolutionnaires ?
dichotomie islamistes/séculiers. L’auteur souligne ainsi les paradoxes de ce processus :
« Ce qui a connecté les coptes du Muqattam à la politique nationale a bel et bien été le
communautarisme ».
38
Enfin, l’article de Giedre Sabaseviciute est consacré à la campagne d’un individu, le
politiste ‘Amr Hamzâwî, élu dès le premier tour dans une circonscription du Caire alors
qu’il cumulait les handicaps : détenteur d’une seconde nationalité (allemande) ;
universitaire, et comme tel présumé « coupé des réalités » ; fiancé à une artiste
renommée. L’auteur nous montre comment ce candidat des « jeunes de la révolution »
a su construire et utiliser sa notoriété médiatique pour transformer ces handicaps en
autant d’atouts. Le champ médiatique égyptien a en effet été bouleversé par la
révolution, au profit notamment des médias privés. Ceux-ci ont en conséquence joué un
rôle important durant la première phase de la transition, dans la promotion des
« nouvelles élites politiques et intellectuelles », régulièrement invitées à s’exprimer
dans les pages opinions des journaux et sur les plateaux des talk-shows des chaînes
télévisées. ‘Amr Hamzâwî est ainsi rapidement devenu une vedette de l’ère nouvelle, et
a su se saisir de toutes les tribunes possibles pour construire son image : de sa liaison
avec une actrice il a fait l’étendard de la liberté amoureuse contre le conservatisme
religieux et social, de ses longues années passées à l’étranger une preuve de sa noncompromission avec l’ancien régime, et de son statut de « parachuté » à Héliopolis une
posture de rupture avec les pratiques clientélistes. En effet, ce candidat a eu beau jeu de
dénoncer les « députés de service », et d’insister sur la dimension nationale de son
programme, revendiquant la neutralité religieuse de l’État, la lutte contre les
discriminations et la protection de l’État de droit. Néanmoins, si cette stratégie a porté
ses fruits, c’est d’abord parce que la circonscription d’Héliopolis lui offrait un cadre
favorable, avec de nombreux quartiers aisés pouvant aisément se passer des
« services » de leur député, et une importante communauté chrétienne
« naturellement » séduite par le libéralisme du candidat.
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NOTES
1. Nous tenons à remercier ici tout particulièrement Elham Naïm, ancienne directrice
des publications au Cedej, qui a contribué à l’élaboration de ce numéro depuis les
commencements.
2. Voir Sandrine Gamblin (dir), Contours et détours du politique en Égypte, Les élections
législatives de 1995, Paris, L’Harmattan-Cedej, 1997 ; Diane Singerman, Avenues of
participation, Le Caire, The American University in Cairo Press, 1997 ; Sarah Ben Nefissa
et Alâ’ Al-dîn Arafat, Vote et Démocratie dans l’Égypte contemporaine, IRD-Karthala, 2005 ;
Patrick Haenni, L’ordre des caïds : conjurer la dissidence urbaine au Caire, Paris, KarthalaCedej, 2005 ; Marie Vannetzel, « Les voies silencieuses de la contestation : les Frères
musulmans égyptiens, entre clientélisme et citoyenneté alternative », Raisons politiques,
n° 29, 2008.
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3. Florian Kohstall et Frédéric Vairel (dir.), « Fabrique des élections », Égypte/Monde
arabe, vol. 3, n° 7, 2011. Ce dossier avait également montré que, malgré le faible taux de
participation, les élections organisées sous Moubarak affectaient la société dans son
ensemble.
4. Que Florian Kohstall et Frédéric Vairel qualifient à juste titre de « césure » dans la
préface du numéro d’Égypte/Monde arabe consacré aux élections de 2005 (ibid. p. XIIIXIV).
5. J’ai montré ailleurs que l’adoption d’un mode de scrutin mixte avait favorisé les
partis politiques au détriment des candidats indépendants (Clément Steuer, « Le
printemps des partis ? Le rôle des organisations partisanes égyptiennes dans la
mobilisation électorale », Confluences Méditerranée, n° 82, 2012).
6. “ Founding elections”. Généralement définies comme les premières élections
compétitives et multipartites visant à pourvoir des fonctions officielles d’importance
nationale au sortir d’une période d’autoritarisme (Guillermo O’Donnell, Philippe C.
Schmitter and Laurence Whitehead, Transitions from Authoritarian Rule : Tentative
Conclusions about Uncertain Democracies, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1986,
p. 57). Pour une discussion de l’exceptionnalité de telles élections, et de leur impact sur
les systèmes partisans, voir Gary Reich, “The Evolution of New Party Systems: Are Early
Elections Exceptional?”, Electoral Studies, vol. 23, n° 2, 2004.
7. Huit articles de la Constitution de 1971 sont amendés et un supprimé, afin
notamment de rétablir le contrôle du pouvoir judiciaire sur le processus électoral
(supprimé par la réforme constitutionnelle de 2007), de limiter à deux mandats
consécutifs de quatre ans la durée maximale au pouvoir d’un président de la
République, de placer le recours à l’état d’urgence sous contrôle du Parlement et du
peuple, et de supprimer la possibilité de déférer des civils devant des tribunaux
militaires. Les amendements proposés prévoient également d’assouplir les conditions
pour se porter candidat à la présidentielle (sauf en matière de nationalité, où ces
conditions sont au contraire durcies), de confier à la Haute Cour constitutionnelle le
contentieux électoral, et de contraindre le président à choisir un vice-président dans
les 60 jours qui suivent son entrée en fonction. Enfin, un amendement prévoit que le
futur Parlement élu aura 60 jours pour écrire une nouvelle Constitution. Il s’agit donc
de dispositions prévues pour être transitoires.
8. Issu de l’Union socialiste arabe – l’ancien parti unique du temps de Sadate – en 1978,
le PND est demeuré hégémonique jusqu’à sa dissolution par la justice le 16 avril 2011.
Depuis 1981, il était présidé par Hosni Moubarak en personne.
9. « Prédication salafiste ». Voir l’article de Alaa al-Din Arafat dans ce numéro.
10. Et non uninominal, les électeurs étant invités à choisir deux noms au lieu d’un seul.
Chaque circonscription devait en effet élire deux députés, dont l’un au moins
appartenant à la catégorie « ouvriers et paysans ».
11. Les candidats de ce type étaient généralement désignés comme « indépendants sur
les principes du PND ».
12. Sur la description de ces mécanismes, voir notamment S. Ben Nefissa et A. Al-dîn
Arafat, op. cit.
13. D’où le sobriquet de fulûl (lit. « Restes d’une armée en déroute ») qui a alors été
attribué en dérision aux anciens du PND.
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14. Ainsi, l’Assemblée du peuple sera composée de 508 membres, parmi lesquels 332
élus au scrutin de liste et 166 au scrutin binominal (et 10 nommés par le pouvoir
exécutif). L’Assemblée consultative, de son côté, sera composée de 270 membres, parmi
lesquels 90 seront nommés par l’exécutif et 180 élus (120 à la proportionnelle et 60 au
scrutin individuel).
15. Seulement 83 circonscriptions pour les élections à l’Assemblée du peuple, chacune
élisant deux députés, dont l’un au moins doit appartenir à la catégorie « ouvriers et
paysans ».
16. Et ce malgré le quota de 64 sièges théoriquement réservés aux femmes dans
l’Assemblée du peuple en vertu de la déclaration constitutionnelle. Au final, seules 9
femmes seront élues dans cette chambre basse, soit 1,8 % du total de ses membres…
17. De leur côté, les élections de l’Assemblée consultative seront finalement organisées
en seulement deux étapes (voir infra).
18. Nommément, les anciens vice-présidents et premiers ministres de Moubarak, ainsi
que les anciens présidents et secrétaires généraux du PND.
19. Au motif qu’elle visait des personnes en particulier, empiétant ainsi sur les
prérogatives du pouvoir judiciaire. Le propre de la loi est en effet de mettre en place
des règles de portée générale, à charge pour les juges de les appliquer ensuite aux cas
particuliers.
20. Ainsi, le premier tour de la première phase a-t-il été organisé les 28 et 29 novembre
2011, et le second tour les 5 et 6 décembre. De même, la deuxième phase s’est tenue les
14-15 et 21-22 décembre, et la troisième les 3-4 et 10-11 janvier 2012. Les seconds tours
ne concernaient que les sièges pourvus au scrutin individuel pour lesquels aucun
candidat n’avait obtenu la majorité absolue lors du premier tour. La première phase a
été organisée dans les gouvernorats du Caire, d’Alexandrie, d’Assiout, de Damiette, du
Fayoum, de Kafr Al-Cheikh, de Louxor, de la Mer Rouge et de Port-Saïd. La deuxième
phase a vu voter les gouvernorats d’Assouan, de Beheira, de Beni Souef, de Charqiya, de
Gizeh, d’Ismaïliya, de Menufeya, de Sohag et de Suez. Enfin, la troisième et dernière
phase a été organisée dans les gouvernorats de Dakahleya, de Gharbeya, de Marsa
Matrouh, de Minia, de la Nouvelle Vallée, de Qalyubiya, de Qena, et du Nord et du Sud
Sinaï.
21. Pour les résultats détaillés et commentés de ces élections, se reporter à Rabî‘ ‘Amrû
Hâshim (dir.), Intikhâbât majlis al-cha‘b 2011/2012 (Les élections à l’Assemblée du peuple,
2011-2012), Le Caire, Centre d’études politiques et stratégique d’Al-Ahrâm, 2012. Cet
ouvrage collectif apporte également d’importantes précisions sur le contexte politique
et juridique dans lequel ces élections se sont déroulées, ainsi que sur les candidats en
lice et leurs programmes politiques.
22. Sur ces différentes formations salafistes, voir l’article d’Alaa Al-Din Arafat dans ce
numéro, ainsi que le tableau en fin de volume.
23. Voir tableau en fin de volume. Ce dernier parti était membre de la Coalition
démocratique.
24. Ces derniers chiffres doivent néanmoins être – légèrement – nuancés, du fait que la
Coalition démocratique comportait dans ses rangs des partis non-islamistes, tels que
Karâma, ou encore Ghad Al-Thawra (cf. tableau en fin de volume).
25. Soit 35 sièges, répartis comme suit : 17 pour le parti égyptien social-démocrate, 14
pour le parti des Égyptiens libres, et 4 pour le Tagammu‘ (cf. tableau en fin de volume).
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26. Libéraux, socialistes, nassériens, mais aussi jeunes de la révolution et anciens du
PND !
27. Le lecteur attentif aura constaté que nous arrivons ainsi à un total de 476 sièges
pour la majorité et l’opposition, soit seulement 93,7 % de l’Assemblée du peuple. Il faut
en effet y ajouter 22 candidats sans étiquettes pour arriver à un total de 498 députés.
Dix autres députés seront ensuite nommés par l’exécutif, ce qui porte le nombre de
membres de cette assemblée à 508. C’est par rapport à ce dernier chiffre que sont
calculés les divers pourcentages indiqués supra.
28. Les considérations financières ont sans doute joué un grand rôle dans cette décision
de boycotter le scrutin, les partis ayant beaucoup investi dans les élections à
l’Assemblée du peuple et n’ayant plus les moyens de s’offrir une nouvelle campagne
(entretien avec Husâm Khalaf, trésorier du parti Wasat, 2 juin 2013). Étant donné les
dépenses induites par une campagne électorale à l’échelle nationale, et la faible
importance politique de l’Assemblée consultative, le bilan coûts/avantages d’une
éventuelle participation militait ainsi largement en faveur du boycott.
29. Ces élections ont ainsi été organisées en seulement deux phases. La première a vu
voter les gouvernorats du Caire, d’Alexandrie, d’Assiout, de Dakahleya, de Damiette, du
Fayoum, de Gharbeya, de Menufeya, de la Mer Rouge, de la Nouvelle Vallée, de Qena, et
enfin du Nord et du Sud Sinaï. Le premier tour de cette phase a eu lieu les 29 et 30
janvier 2012, et le second les 5 et 6 février. La seconde phase a été organisée les 14-15 et
21-22 février, dans les quatorze gouvernorats restants : Assouan, Beheira, Beni Souef,
Charqiya, Gizeh, Ismaïliya, Kafr Al-Cheikh, Louxor, Marsa Matrouh, Minia, Port-Saïd,
Qalyubiya, Sohag et Suez.
30. Nous arrivons ainsi à un total cumulé de 90,3 % des voix pour la majorité islamiste
et l’opposition libérale. Les 9,7 % restants se sont portés sur des candidats indépendants
et sur des partis qui n’ont pas obtenu suffisamment de voix pour être représentés dans
cette assemblée.
31. Voir le tableau en fin de volume.
32. Répartis comme suit : 14 pour le Wafd, 8 pour le Bloc égyptien, 3 pour le parti de la
Liberté et 1 pour le parti de la Paix démocratique.
33. À l’exclusion donc des députés nommés par le pouvoir exécutif.
34. Les dirigeants de la Confrérie s’étaient également engagés à ne pas présenter de
candidats dans plus de 50 % des circonscriptions pour les élections législatives... Notons
néanmoins que la dissolution de la première commission constituante le 10 avril 2012 a
probablement joué un rôle déterminant dans le revirement des Frères musulmans
concernant leur participation à l’élection présidentielle. Sentant que la mainmise sur le
processus de rédaction de la Constitution risquait de leur échapper, ils ont sans doute
estimé qu’il serait plus prudent de contrôler les deux pouvoirs, exécutif et législatif,
afin de sortir gagnants dans tous les cas de figure, que le futur régime soit
parlementaire ou présidentiel.
35. Rappelons que cette disposition, adoptée par le CSFA au dernier moment, avait pour
but explicite de contrecarrer les fulûl... (Voir notamment l’article de Sarah Wessel dans
ce numéro). La décision de la HCC ne s’en inscrit pas moins dans une jurisprudence
constante depuis 1987. Sur ce sujet, voir l’article très précis et bien documenté de
Nathalie Bernard-Maugiron, « Les juges et les élections dans l’Égypte post-Moubarak :
acteurs ou victimes du politique ? », Confluences Méditerranée, n° 82, 2012.
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36. Abû Rîda Muhammad ‘Alî, « Al-Tarkîba al-siyâsiya wal-ijtimâ‘iya li-a‘dâ’ majlis al-cha‘b
2011/2012 » (« La composition politique et sociologique de l’Assemblée du peuple,
2011-2012 », in Rabî‘ ‘Amrû Hâshim (dir.), op. cit. On constate également un
rajeunissement des effectifs parmi les députés de la révolution.
37. Symptomatiquement, les partis politiques – qui occupaient encore une place
importante dans l’ouvrage collectif dirigé par Sandrine Gamblin en 1997 – sont
totalement absents (à la seule exception du PND) du sommaire de la livraison d’Égypte/
Monde arabe consacrée aux élections de 2005, et parue en 2011. Or, les partis sont de
retour dans le présent numéro, et constituent le principal sujet de la majorité des
articles figurant dans notre dossier.
38. À une exception près (l’article d’Omneya Nour Eddin Khalifa, qui porte sur la
campagne des présidentielles), tous ces articles traitent des élections à l’Assemblée du
peuple. Cette prééminence du principal scrutin législatif peut s’expliquer par des
raisons d’ordre à la fois théorique (les élections législatives existent en Égypte depuis
1979, et ont donc été davantage étudiées que les présidentielles, qui ont connu un seul
précédent sous l’ancien régime, en 2005) et pratique (de par la taille des
circonscriptions, il est possible de faire un travail de terrain au plus près de l’élection
d’un député, alors que l’élection présidentielle se déroule sur une circonscription
unique, à l’échelle de tout le pays). Quant aux élections à la chambre haute, elles
semblent ne pas avoir suscité davantage d’intérêt parmi les chercheurs que parmi les
électeurs, et pour des raisons sans doute comparables (peu d’enjeux institutionnels et
absence d’une véritable concurrence du fait du faible nombre de candidats).
39. La précédente livraison d’Égypte/Monde arabe consacrée aux élections de 2005 avait
déjà mis l’accent sur les représentations (voir l’article de Nefissa Hassan Dessouki,
« Représentations du rôle du député chez les électeurs égyptiens : le cas des
circonscriptions 24 et 25 de Hélouane », in F. Kohstall et F. Vairel, op. cit.) et les médias
(voir les articles de Enrique Klaus, « Une presse en campagne : la “presse nationale” et
l’élection présidentielle égyptienne » et de Hossam Tammam, « Les Frères musulmans
et les médias aux élections parlementaires de 2005 : le cas d’Alexandrie », in ibid.), dans
un tout autre contexte politique et juridique.
40. En 2006, Critique internationale a publié un dossier coordonné par Myriam Aït-Aoudia
et Jérôme Heurtaux consacré à la place tenue par les partis politiques dans les
changements de régime. Les différentes contributions rassemblées dans ce dossier
avaient mis en évidence le rôle crucial, pour la construction des nouvelles
organisations partisanes, des réseaux militants préalablement constitués durant la
période autoritaire, ainsi que l’importance des batailles autour des catégories
juridiques pour définir normativement le parti, et donc la forme organisationnelle
reconnue légitime pour intervenir dans le champ politique (Myriam Aït-Aoudia et
Jérôme Heurtaux (dir.), « Partis politiques et changement de régime », Critique
internationale, vol. 1, n° 30, 2006).
41. Un intéressant parallèle pourrait ici sans doute être dressé avec la situation
analysée par Hélène Combes dans le cas mexicain, la lutte contre les fraudes électorales
ayant constitué depuis les origines une activité centrale dans la construction et la
légitimation du Parti de la révolution démocratique (Hélène Combes, « Un cas d’école :
Fraudes électorales et instrumentation du vote dans la transition politique mexicaine »,
Genèses, vol. 4, n° 49, 2002).
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42. Ainsi, la création du parti de la Libération égyptienne a été fermement condamnée
par le président du conseil des confréries soufies, instance officielle du soufisme
égyptien.
43. Étant entendu que le local constitue un point de vue privilégié pour observer les
relations liant le politique au monde social (Cf. Frédéric Sawicki, « Questions de
recherche : Pour une analyse locale des partis politiques », Politix, vol. 1, n° 2, 1988).
44. L’émergence d’un vote copte, aiguillé par les consignes de vote de l’Église, pouvait
déjà être observé en 2005 (Alain Roussillon, « Les coptes à la marge », Égypte/Monde
arabe, vol. 3, n° 7, 2011). Ces tendances se sont encore accentuées six ans plus tard.
Surtout, les enjeux de l’élection sont bien plus élevés en 2011 qu’en 2005, augmentant
ainsi mécaniquement l’importance du réservoir de voix potentiellement à la disposition
de l’Église.
45. En ceci, cet article s’inscrit dans la démarche initiée par Frédéric Sawicki, qui
invitait dès 1988 à « s’efforcer de repérer les principaux réseaux sociaux qui constituent
le milieu partisan local » (Frédéric Sawicki, op. cit.)
AUTEUR
CLÉMENT STEUER
Clément Steuer est politiste, chercheur associé au CEDEJ et membre du Cercle des chercheurs sur
le Moyen-Orient (CCMO). Il travaille actuellement à l’Institut oriental de l’Académie des sciences
de République tchèque. Il a également été jeune docteur du laboratoire Triangle, et a été soutenu
par une bourse de la région Rhône-Alpes pour ses recherches sur les élections égyptiennes. Il a
notamment publié en 2012 Le Wasat sous Moubarak aux éditions de la Fondation Varenne.
Clément Steuer is a political scientist, associate researcher at the CEDEJ, and member of the Research Union
on the Middle East. He is currently employed by the Oriental Institute of the Academy of Sciences of the
Czech Republic. In addition, as a young academic of the Triangle laboratory, he was being supported by a
grant from the “Région Rhône-Alpes” in order for him to undertake research on the Egyptian elections. His
monograph, Le Wasat sous Moubarak, was published by the Fondation Varenne publishing house in 2012.
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