Cours Sur Les Emotions Complet

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CHAPITRE 1 : Emotions, généralités et grandes approches

La complexité que renferme le concept d’émotion et la difficulté à le définir avec


précision, justifient le manque de consensus entre les différents membres de la communauté
éducative (Rusinek, 2004). Des opinions divergences sont perceptibles, que ce soit pour sa
définition ou la mise en place des théories pour la comprendre ; ce qui tend à justifier le
nombre assez limité de travaux dans ce domaine (Keltner & Lerner 2010). En effet c’est avec
la révolution affective impulsée dans plusieurs domaines que la psychologie scientifique va
commencer à reconnaître l’importance des émotions non seulement dans la croissance et le
développement du jugement chez les individus, mais aussi dans la prise de décision (Sander &
Scherer, 2009). Plusieurs contributions à l’étude empirique et à l’analyse conceptuelle de
l’émotion vont ainsi émerger dans plusieurs domaines. Toutefois pour mieux cerner la
problématique des émotions et les études qui s’y sont succédé, nous allons présenter quelques
définitions et quelques contributions essentielles.

1- Qu’est-ce qu’une émotion ?

Le mot « émotion » ne correspond pas à quelque chose de concret dans le cerveau et ne se


réfère à rien de précis sur le plan fonctionnel. C’est une étiquette qui permet de référer et
donner sens à l’ensemble de phénomènes subjectifs ressentis par l’individu lors de certains
événements (Scherer, 2005 ; Buisson, 2009). Mais de par son étymologie, l’émotion vient du
mot latin « ex-movere » qui signifie mouvement vers l’extérieur (Buisson, 2009).
Pour la neuropsychologie, l’émotion résulte de facteurs subjectifs et objectifs qui
interagissent au sein de plusieurs systèmes neuronaux et endocriniens, déclenchant des
sentiments de plaisir et de rejet, modulant divers processus cognitifs tels que la mémoire ou
l’attention, causant des modifications physiologiques à l’instar du rythme cardiaque et de la
sudation et induisant des comportements qui aident l’individu à s’adapter aux situations qui
les ont déclenchées (Kleinginna & Kleinginna, 1981). Selon ces auteurs, «l'émotion est un
ensemble complexe d'interactions entre les facteurs subjectifs et objectifs, médiatisés par des
systèmes neuronaux / hormonaux, qui peuvent (a) donner naissance à des expériences
affectives telles que des sentiments d'excitation, de plaisir et de mécontentement; (b) générer
des processus cognitifs tels que les effets perceptifs, les évaluations et les processus
d'étiquetage; (c) activer un ajustement physiologique généralisé aux conditions de suspension;

1
et (d) conduire à un comportement qui est souvent, mais pas toujours, expressif, dirigé par un
objectif et adaptatif » (Kleinginna & Kleinginna, 1981, p. 355).
Pour Sander (2016), l’émotion renvoie à un processus rapide, focalisé sur un
événement qui renferme deux étapes : un mécanisme de déclenchement fondé sur la
pertinence de l’événement d’une part ; une réponse émotionnelle à plusieurs composantes
(tendance à l’action, réaction du système nerveux autonome, rythme cardiaque, expressions et
sentiments) d’autre part. Cette définition montre de façon précise le caractère personnalisé
que renferme l’émotion. Le vécu émotionnel serait donc propre à chacun ainsi que le sens à
lui accordé, de même que la manière d’en prendre conscience ou, au contraire, de la subir
passivement. Pour ce qui est de la conscience émotionnelle, elle va se caractériser par
l’intensité de l’appréciation que l’individu fait du ressenti émotionnel et du degré d’évaluation
des conséquences possibles en lien avec l’émotion ressentie.
La mise en perspective réciproque des quatre approches sur les émotions nous amène à
considérer l’emotion dans le cadre de ce cours comme un état affectif accompagné de
réactions physiologiques comme l’accélération du rythme cardiaque, les tremblements, la
transpiration etc. (James, 1884 ; Janet, 1926), provoquée par des stimuli internes ou externes
évalués par rapport à leurs conséquences positives ou négatives sur le bien-être de l’individu
(Frijda, 1986 ; Lazarus, 1999 ; Scherer et al., 2001). Cette définition est celle que nous avons
retenue dans le cadre de ce travail dans la mesure où, elle synthétise mieux les différentes
conceptions des émotions.

2- La problématique sur les catégories d’émotions

La question de l’origine des émotions se pose avec acuité lorsqu’on se lance dans la
compréhension de celles-ci. En effet, Darwin est l’un des premiers à voir initié le débat sur les
émotions en étudiant au quotidien les animaux. De ce contact permanent avec les animaux il
fait le constat que nombre d’émotions sont identifiables chez les animaux et plus ceux-ci sont
évolués, plus leurs émotions sont diversifiées, complexes et ressemblantes à celles ressenties
par les humains. Il fit l’hypothèse que les émotions sont l’héritage de notre évolution. Pour
éprouver son hypothèse, il décide t’interroger les voyageurs sur les expressions des émotions
à travers le monde. Il va publier son ouvrage intitulé l’expression des émotions chez l’homme
et chez l’animal ( the expression of émotions in man and animals) en 1872/ 1998). Plusieurs
critiques ont été formulées à l’endroit de ses travaux. La plus importante renvoie au fait qu’il

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savait poser des questions pour qu’elles donnent des réponses attendues. Malgré les critiques
Darwin a réussi à poser les bases de la théorie universelle des émotions.

En partant de la vision universelle des émotions telle que soutenue par Darwin, les auteurs tels
que Izard et Plutchick vont proposer une description des émotions dite primaire ou
émotion de base. Il s’agirait selon eux des émotions que chaque homme quels que soient
sa culture et son environnement viendrait à ressentir, à exprimer et à reconnaître chez
les autres hommes. Des émotions qu’il est presque possible de ranger dans la catégorie des
réflexes (peur, colère, joie, dégout) et qui se différencient des émotions dites plus élaborées.
Élaborées parce qu’elles nécessitent des évaluations cognitives plus poussées. C’est le cas de
la culpabilité, la honte, la pitié, la tendresse etc.
Les émotions de base ou primaires sont ainsi nécessaires à la survie de l’espèce dans la
mesure où elles renferment des fonctions utiles pour l’organisme en assurant un
comportement adaptatif à l’individu dans des situations d’interaction avec l’environnement
physique d’une part, et dans la régulation même des interactions sociales d’autre part (Darwin
1998). Les émotions de base selon eux sont inscrites dans nos gènes et sont observée depuis la
conception de l’individu jusqu’à l’âge adulte (ontogénèse) car, il existe des programmes, des
processus neurologiques sous-jacents aux émotions communs à tous les individus et qui font
que les signes extérieurs des émotions soient facilement reconnaissables par tous. Quand je
souris tout le monde comprend que je suis joueuse et chaque homme sourit dans cet état ; bien
que des travaux sur ce sourire soulignent parfois le contraire en fonction du type de sourire.
Pour ces auteurs, les émotions seraient peu soumises à l’influence de la culture. Elles sont
universelles et existent chez chacun de nous sous la même forme.

C’est à Ekman que revient le mérite d’avoir fait des travaux plus représentatifs pour confirmer
la thèse universaliste des émotions. A partir des épreuves du jugement lui et ses
collaborateurs proposent aux étudiants chinois – japonais – chiliens – américains – et
brésiliens des photos d’expressions faciales à catégoriser. Ses résultats confirment ceux de la
théorie universaliste (Darwin). Il conclut à l’effet de la civilisation. Plus tard il se rend en
Nouvelle Guinée auprès d’une tribu indigène ayant eu que très peu de contacts avec la
civilisation. Il leur proposa la même tache (reconnaitre des émotions sur les visages
occidentaux) ces résultats allèrent de nouveau dans le sens des hypothèses même si ceux-ci
eurent des difficultés à distinguer la peur de la surprise. Il va en retour filmer les expressions
guinéennes des émotions à travers des situations telles que (vous êtes en colère prêts à vous

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battre ; votre enfant est mort). Par le biais de la méthode de jugement il propose ces photos
prises chez les guinéens à ses étudiants américains pour l’analyse des différentes expressions
faciales y contenues.
Il poursuit ses investigations en ajoutant une deuxième méthode celle des constituants qui
consiste à placer les individus dans une situation standardisée comme un film, censée
déclencher une émotion particulière afin d’analyser les modifications apparues sur leurs
visages. Tous les détails sont observés à la loupe notamment le clignement de l’œil,
froncement du bas du sourcil gauche, pincement des lèvres, frémissement du lobe de l’oreille
droite etc. Par ses nombreuses études il a le mérite d’avoir pu dégager les patterns
correspondant au moins à six émotions qu’il nomme émotions de base. La joie – la tristesse –
la colère – la peur – l’étonnement – le dégout.
Pour lui les émotions seraient innées car présentes chez les individus de la même manière.
Trois grandes limites :
- La non prise en compte de la dimension culturelle qui donne le caractère particulier
aux vécu émotionnel : cas des peurs apprises dans certaines cultures. Les différents
environnements de l’homme sont certes assez semblables mais ne seront jamais
identiques. des différences culturelles existent dans certaine façons d’exprimer des
émotions. sourire = embarras/ joie chez les japonais.
- Les émotions sont culturellement construites, certains mots spécifiques permettent de
designer les émotions dans certaines cultures ce qui n’est pas le cas dans d’autres. Les
valeurs sémantiques diffèrent et les objets d’ancrage culturels des émotions aussi. Des
études menées dans le développement des objets de peur édifient davantage sur ce
dernier point.
- Il faut également tenir compte du contexte d’apparition de l’émotion et les attentes de
l’individu qui vont conditionner le ressenti émotionnel. casser un objet auquel je
tiens= tristesse ; quelqu’un d’autre colère. Ils existent donc des circonstances et des
contingences que nous associons à des émotions précises à ce niveau la thèse innéiste
devient limitée.

Les émotions complexes

Les émotions selon de Plutchik peuvent être combinées ainsi qu’il suit :

 Anticipation + Joie = Optimisme (son opposé étant la désapprobation)

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 Joie + Confiance = Amour (son opposé étant le remords)
 Confiance + Crainte = Soumission (son opposé étant le mépris)
 Peur + Surprise = Effroi (son opposé étant l’agression)
 Surprise + Tristesse = Désapprobation (son opposé étant l’optimisme)
 Tristesse + Dégoût = Remords (son opposé étant l’amour)
 Dégoût + Colère = Mépris (son opposé étant la soumission)
 Colère + Anticipation = Agressivité (son opposé étant la crainte)

3- Les circonstances d’apparition des émotions

A ce niveau la littérature nous nous apprend qu’il faut considérer deux options ici
D’une part, il existe des facteurs individuels dans l’interprétation des situations qui se
combinent avec des facteurs environnementaux. D’autre considérer davantage les variables
situationnelles catégorisables.
Par rapport au deuxième point deux catégories se déclinent cout- bénéfice. Plus les
bénéfices sont importants plus l’émotion sera positive dans le même sens une perte sera
associée aux émotions négatives. Il faut aussi prendre en compte les intentions des individus
en jeu. Chacun sait qu’on s’énerve en public lus facilement contre les personnes qui nous sont
proches que contre les étrangers.
Weiner et Graham (1989) proposent à leur niveau que les valeurs émotionnelles
peuvent être fonction des causes et des conséquences et des agents en lien avec des situations
vécues. Il faut tenir compte des individus en présence avant d’analyser une situation, quelles
en sont les conséquences et qui les assume.
Pour Mandler chacun de nous à ses buts et ses plans et travaille pour leur accomplissement.
En fonction des conditions environnementales que nous connaissons, nous mettons en place
des séquences d’actions (plans) qui vont gérer nos comportements. Les buts peuvent être plus
ou moins importants et porter sur des échéances plus ou moins longues. Les séquences
d’actions d’une vie heureuse. Les buts renferment de sous buts. Pour Mandler, lorsqu’une
séquence d’action est interrompue, par l’apparition d’un stimulus subit elle va mobiliser notre
attention et induire des changements dans notre organisme qui vont alerter l’organisme. Si la
cause de l’interruption est trouvée une nouvelle séquence d’action va survenir. Mais si cette
cause n’est pas identifiée, alors l’émotion apparait. Elle survient donc lorsque la situation est
analyse en termes de blocage à nos buts et nos plans.

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5- Caractéristiques des émotions

Les émotions sont :

 Des réactions spontanées, elles émergent et disparaissent


 De durée variable (quelques secondes à plusieurs minutes)
 Complexes et peuvent présenter différentes réactions simultanées
 Universelles, automatiques
 Difficilement modulables

6- Fonctions des émotions

Les émotions permettent à l’organisme d’agir, de communiquer et de nous motiver


Les émotions motivent nos actions, préparent l’organisme à agir (fuir, lutter)- Indiquent aux
autres que nous faisons face à des facteurs de stress (et que nous pourrions avoir besoin
d’aide) – Comportent de la sagesse (Nous indiquent que quelque chose d’important est en
train de changer dans notre vie ou nécessite notre attention)
Les émotions ont une fonction adaptative, parce que facilitant des comportements adéquats.
Fonction sociale : Les émotions facilitent l’interaction sociale

7- Les composantes des émotions

 Biologique : Des réactions physiologiques sont associées à certaines émotions.


e.g. on sent le cœur qui bat lorsqu’on est en colère, la respiration s’accélère …

 Environnementale : Les émotions se produisent dans certaines circonstances, elles


peuvent être fonction de certaines expériences
 Cognitive : Épictète suggérait que c’est la façon d’interpréter les situations qui
provoque l’émotion, et non la situation elle-même.

8- Les grands courants de pensées dans l’étude des émotions


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Trois grands courants de pensée se sont développées dans l’étude psychologique des émotions
au long du 20 ème siècle. Pris ensemble ces 3 courants fournissent les fondements de la
manière dont les sciences psychologiques examinent les émotions.

8-1 Courant biologique d’origine Darwinienne

Le plus ancien de ces axes est constitué par le courant biologique d’origine darwinienne, et
donc inspiré de la théorie de l’évolution.

Ce courant conçoit l’émotion comme un dispositif biologique adaptatif qui se construit au


cours de l’histoire de l’évolution des espèces. Comme telles, les émotions sont innées,
automatiques et universelles. Leurs manifestations les plus importantes résident dans les
réponses corporelles, surtout dans l’expression faciale émotionnelle dont ce courant prendra
en charge l’étude scientifique.

Pour Darwin (1872), l’émotion est utile à la survie des individus et des espèces. (e.g la peur
permet à l’animal d’éviter le danger. Il est question de l’adaptation de l’espèce, et chaque
émotion est comprise en fonction de sa valeur adaptative. C’est sur ce principe que Plutchik
(1977) pose que les émotions primaires peuvent se combiner au fil des expériences de
l’individu pour donner des émotions dites secondaires (joie+attirance=amour, colère
+dégout=mépris). Mais pour cet auteur aussi, les émotions peuvent évoluer en intensité : La
colère peut devenir la rage, la tristesse, le désespoir.

8-2 Courant physiologique : la théorie périphérique des émotions (William James (1884))

William James était particulièrement soucieux d’asseoir la psychologie sur des bases
empiristes rigoureuses. Or à son époque, les philosophes et les psychologues abordaient
généralement les émotions comme des entités psychiques auxquelles on n’accédait que par la
voie descriptive, En prenant appui sur Darwin, James a renversé cette logique. L’état mental
n’est pas premier dans l’émotion. La perception de l’élément émouvant déclenche d’abord des
modifications corporelles par un mécanisme réflexe. Ainsi, nous nous mettons en colère parce
que nous crions, et nous avons peur parce que nous tremblons. L’émotion ne serait rien
d’autre que la prise de conscience des changements réflexes qui se produisent à la périphérie
du système nerveux, dans les organes viscéraux et dans la musculature. La théorie restera
donc dans les mémoires comme «théorie périphérique des émotions».

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Lange, un an plus tard, énoncera un modèle somme toute assez proche de celui de James. Il
propose aussi que ce soit la perception des changements corporels périphériques, viscéraux,
faisant suite à une certaine gamme de stimuli, qui soit la source des émotions. Comme James,
Lange présente les différentes émotions comme dépendantes des changements périphériques
spécifiques.

Le seul désaccord entre James et Lange tient à l’existence d’un centre émotionnel spécifique
dans le cerveau ; Le centre vasomoteur, commandant le système vasculaire pour Lange, alors
que pour James, les systèmes moteurs et sensoriels suffisent.

8-3 Travaux de Cannon (Théorie homéostatique de l’émotion)

Les réponses physiologiques d’urgence


Après Watson, la parole en matière d’émotion sera donc laissée aux seuls physiologistes.
Walter Cannon, physiologiste de la digestion au départ, devint le promoteur de ce courant
après qu’il eut constaté qu’une condition émotionnelle entraîne automatiquement l’arrêt des
fonctions digestives. Ses travaux à ce sujet le conduiront à énoncer dès 1915 la théorie
homéostatique* de l’émotion (Cannon, 1915/1929).
Celle-ci conférait à l’émotion le statut d’un système de mise en alerte physiologique de
l’organisme. En temps ordinaire l’organisme assure son approvisionnement en énergie. En cas
de menace ou de péril, ce processus routinier est brusquement suspendu à la fois par une
décharge du système nerveux sympathique et par une libération d’adrénaline dans le flux
sanguin. Ces deux dispositifs activent les réactions d’urgence, avec des modifications
périphériques majeures comme l’accélération des rythmes cardiaque et respiratoire,
l’augmentation de la pression sanguine, ou l’augmentation des transporteurs d’oxygène dans
le flux sanguin. Tous ces changements ont pour finalité de soutenir le déploiement d’une
activité musculaire importante, comme l’attaque ou la fuite.
Selon Cannon (1915/1929), ces changements se manifestent dans tous les types d’émotions.
Comme ses travaux portaient sur des animaux, leur portée explicative pour les émotions
humaines est limitée. Mais ils ont permis à l’émotion de retrouver sa place au sein des
processus de l’adaptation.

N.B. l’homéostasie est à comprendre comme un principe d’équilibre vers lequel tend tout
organisme, mais aussi, comme les mécanismes que l’organisme est à même de mettre en route
pour que cet équilibre interne soit préservé.

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8-4 L’approche cognitive des émotions : La théorie cognitivo-psychologique (Stanley
Schachter (1964))
À l’aube de la révolution cognitive, un spécialiste de la psychologie sociale de
l’Université Columbia, Stanley Schachter, a proposé une théorie des émotions qui répondait
aux aspirations nouvelles de cette époque et qui connut un succès considérable.
Elle résultait de l’idée selon laquelle les sensations corporelles suscitées par l’émotion
étaient ambiguës. Cannon posait que dans les émotions, les changements physiologiques sont
toujours les mêmes, c’est-à-dire ceux des modifications physiologiques d’urgence. Chez
l’animal, c’est sans conséquences. Mais l’individu humain qui éprouve ces changements se
trouve dans un état d’indétermination. Schachter proposera que les changements
physiologiques décrits par Cannon constituent une condition nécessaire pour créer l’état
émotionnel. Mais ils n’y suffisent pas à eux seuls. Devant ces changements qui sont ambigus
pour le sujet conscient, ce dernier mettrait en œuvre un processus cognitif visant à clarifier
son propre état émotionnel.
En balayant cognitivement le contexte interne (ses pensées) ou externe (sa situation
présente), il recherche un élément auquel son état physiologique pourrait être attribué de
manière plausible. Dès que cette attribution cognitive est intervenue, l’émotion s’installe. Sa
coloration particulière (joie, colère, peur, tristesse…) sera déterminée par la nature de l’objet
de l’attribution.
Dans cette perspective, l’émotion n’apparaît plus comme un processus biologique
automatique et aveugle aux particularités des situations. Elle devient le résultat d’une
évaluation des situations par l’individu. Cette théorie «cognitivo-physiologique» a donc
ouvert la voie à l’étude du traitement de l’information dans le déclenchement de l’émotion.
Elle a dominé la scène théorique pendant deux décennies. Mais les expériences sur lesquelles
elle s’appuyait présentaient des faiblesses évidentes qu’on s’est refusé de voir pendant
longtemps.

Il ressort de ces courants qu’on vient de passer en revue qu’ils ont des objets
complémentaires. Pour des raisons théoriques évidentes, une fois qu’on a saisi la logique
évolutionniste proposée par Darwin, le courant biologique a surtout porté l’attention sur

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l’étude de l’expression faciale, s’adressant ainsi à la partie extérieure ou visible des émotions.
Le courant neurophysiologique s’est donné pour objet d’élucider les dispositifs internes à
l’organisme qui assurent l’organisation, le déclenchement et l’arrêt des processus de
l’émotion. Enfin, l’approche cognitive étudie les aspects proprement psychologiques des
émotions. Si elle a accordé une priorité à l’examen des conditions du déclenchement de
l’émotion, elle n’en étudie pas moins les aspects liés à la perception, au raisonnement, à la
décision, à la mémoire, au jugement, et à bien d’autres aspects encore. Les intersections
nombreuses qui existent aujourd’hui entre ces courants animent l’activité scientifique de
l’étude psychologique des émotions.

CHAP 2 : LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

Introduction

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Depuis l’antiquité, des philosophes et écrivains s’interrogent sur l’origine des émotions
humaines et sur la manière juste de les vivre et de les exprimer. Pour l’empereur romain
Marc-Aurèle (121-180), la nature de nos émotions est déterminée par notre estimation des
choses et nous avons le pouvoir et la capacité d’influer sur elles en apprenant à voir le monde
et les situations d’un bon œil. Aristote (384-322 av JC) à son niveau, conseillait aux gens de
savoir réagir à une insulte avec la bonne dose de colère, au bon moment et envers la bonne
personne. Mais l’étude scientifique moderne de la régulation des émotions s’intéresse
principalement aux stratégies que les sujets adultes et sains mettent en place pour moduler de
manière consciente leur ressenti et/ ou leur expression émotionnelle. Ainsi, la régulation
émotionnelle se fonde sur les travaux psychanalytiques en rapport avec l’étude des
mécanismes de défense du moi, sur les recherches en rapport avec le stress et les stratégies de
coping en psychologie sociale, et, dans une moindre mesure, sur l’étude de la mise en place
des mécanismes d’autocontrôle en psychologie de développement. Ce chapitre va nous aider à
définir de manière claire et précise la régulation émotionnelle, à identifier les raisons pour
lesquelles il est important de réguler ses émotions, les types de régulations émotionnelles, les
bases neurologiques de la régulation émotion et les effets cognitifs et physiologiques de la
régulation émotionnelle.

1- Définition et quelques déterminants de la régulation émotionnelle

Fournir une définition du concept de régulation émotionnelle qui soit acceptée par la
communauté scientifiques est une tâche ardue du fait que les travaux en rapport avec le
concept de régulation émotionnelle datent d’au moins 2000 ans. Mais l’une des définitions qui
semble faire l’unanimité dans ce domaine reste celle de Gross (1998).
En effet, cet auteur conçoit la régulation émotionnelle comme « le processus par
lequel les individus influencent quelles émotions ils ont, quand ils les ont, et comment ils
ressentent et expriment ces émotions » (p. 275). Cette définition met en exergue un ensemble
de processus comme l’identification, la compréhension, l’intégration de l’information
émotionnelle par l’individu ainsi que la gestion de son propre comportement en accord avec
ses buts personnels et sociaux (Zeman et al., 2006).

Pour Scherer (2007), trois éléments sont déterminants dans la régulation émotionnelle :
1- Le reflet et l’intégration des sous-composantes de l’organisme (la physiologie,
l’expression, les tendances à l’action et le sentiment subjectif),
2- Le juste équilibre entre traitement conscient et inconscient,
3- La présence d’un bon et fidèle feedback proprioceptif.
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En clair, réguler ses émotions implique de la part de l’individu, de savoir gérer et
organiser ses différents systèmes et sous-composantes dans le but d’adapter son
comportement émotionnel au contexte et aux normes socio-culturelles et/ ou pour faciliter
l’atteinte de ses buts et besoins. Gross (2002) ajoute à ce niveau que les processus
émotionnels peuvent être conscients ou inconscients, automatiques ou contrôlés, et peuvent
servir à augmenter, diminuer ou maintenir l’intensité des émotions positives et négatives. Par
ailleurs il est important de souligner que tout comme la régulation émotionnelle n’est en soi ni
bonne ni mauvaise, les réactions émotionnelles ne sont ni positives ni négatives dans l’absolu
mais peuvent devenir mal adaptées voire même pathologiques, un contexte spécifique.

2- La régulation émotionnelle et les notions voisines

Le concept de régulation émotionnelle est proche d’autres notion importantes en psychologie


comme le coping, les mécanismes de défense et l’autorégulation.
 Le coping un terme anglais qui signifie « faire face à ». Selon Folkman et Moskowitz
(2004), le coping renvoie à l’ensemble de pensées et comportements utilisés pour
gérer les besoins intérieurs et extérieurs des situations évaluées comme stressantes.
Dans le coping en réalité l’accent est davantage mis sur deux aspects : la gestion des
situations négatives génératrices de stress et la diminution de sentiments désagréables
(stress) à travers l’utilisation des stratégies conscientes.
N.B : Le concept de coping diffère de la régulation émotionnelle en ce sens que : le premier
cherche à diminuer pendant que le second d’après Gross (2002) peut servir à diminuer et à
augmenter des émotions négatives et positives. Le premier comprend des stratégies purement
conscientes (d’où l’utilisation des questionnaires comme principale source de données) tandis
que le second comprend aussi des états et des actes non conscients.

 Les mécanismes de défense ce concept procède de l’approche psychanalytique


formalisée par Freud (1946) dans l’une de ses publications phare Le Moi et les
Mécanismes de défense.
Selon la théorie psychanalytique, le moi recourt à des défenses contre les pulsions
instinctuelles originaires du ça et les affects qui y sont liés (Freud, 1946). Ces
mécanismes de défense sont d’habitude considérés comme inconscients, involontaires,
relativement rigides, orientés vers les conflits internes et liés à la psychopathologie ».
Les processus de coping, au contraire, sont « considérés comme conscients, volontaire,

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comportementaux, orientés vers l’adaptation positive à la réalité externe, et liés à la
santé mentale et au bien-être » (Chabrol et Callahan, 2004, p.3). Même si ces deux
aspects intéressent les domaines différents (coping pour psychologie sociale ;
mécanismes de défense pour la psychopathologie), ils sont aussi considérés comme les
extrémités d’un même continuum qui intègre le concept de régulation émotionnelle.

N.B : Il est important de rappeler qu’une coupure nette entre les deux concepts ne semble pas
exister, dans la mesure où leurs définitions se chevauchent partiellement. On parle ici de
régulation intrinsèque (capacité à réguler ses propres émotions par le sujet) et de la régulation
extrinsèque dans le cas de la psychologie du développement, on fera allusion par exemple à
une maman qui tente de calmer les pleurs de son enfant.

 L’autorégulation, présente également une proximité sémantique avec le concept de


régulation émotionnelle. Elle renvoie selon Baumeister et Vohs (2004) a un concept
plus général qui englobe à la fois la régulation émotionnelle et le coping. Elle fait
référence à l’ensemble des mécanismes d’autocontrôles de soi et de son comportement
dans certaines situations spécifiques c’est le cas de la régulation de la récompense
chez certains enfants, étudiée par (Michel et al., 1989).

Selon Ochner (2005), plusieurs facteurs ont contribué à l’émergence des connaissances
actuelles sur la régulation émotionnelle :
- Le mérite revient d’abord à Gros remis l’étude de processus de régulation au bout du
jour. Ces travaux ont permis de montrer que phénomène pouvait être étudié chez des
adultes non pathologiques où on s’intéresse fortement aux corrélats physiologiques et
neuronaux.
- Aussi, l’utilisation de l’imagerie cérébrale non invasive comme
l’électroencéphalogramme (EEG), la topographie par émission de positron (TEP) et
l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf),
- L’ensembles des connaissances de plus en plus poussées des corrélats neuronaux des
fonctions perceptives et cognitives de base.

3- La régulation émotionnelle pour quel intérêt ?

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Plusieurs hypothèses sont émises pour expliquer pourquoi les individus tentent de
réguler leurs émotions.
- La première montre que la recherche du bien-être est le moteur principal de la
régulation émotionnelle. En effet, il est de la nature humaine à rechercher le ressenti
de bonheur et de diminuer le ressenti des émotions négatives (peur, détresse) nous aide
à réguler nos émotions. Dans certaines situations, des processus seront utilisés pour
maintenir ou augmenter le niveau de ressenti émotionnel (Sander & Scherer 2009),
- Nous régulons nos émotions pour modifier notre image auprès des autres dans le
but d’atteindre nos buts au sein de la société, qui ne sont pas toujours en lien avec la
recherche du bien être immédiat (Fischer et al., 2004),
- Pour influencer nos relations avec les autres dans la société. La société nous dicte
comment nous sommes supposés nous comporter face telle ou telle autre situation ou
encore quel type et quelle intensité d’affect sont appropriés dans chaque contexte.
- Elle sert également à structurer et contrôler la communication entre individus et
groupes. Elle constitue l’un des fondements des sociétés humaines (Levesque et al.,
2003).
- Les formes automatiques de régulations servent en premier au maintien de
l’équilibre biologique et psychologique de l’organisme (Bonano, 2001). Les
avancées en rapport avec les structures du cerveau impliquées dans les émotions
reconnaissent l’existence des systèmes neuronaux capables de détecter rapidement des
stimuli importants dans l’environnement et de déclencher des réponses physiologiques
de manière quasi instantanée. On plonge dans les situations d’appraisal cas de la peur
ressenti en présence d’un serpent.

4- Les types de régulation émotionnelle

La régulation émotionnelle comprend un ensemble de processus, ceux-ci qui peuvent se


regrouper en deux sous-ensembles : les processus automatiques et les processus
volontaires.

Automatique, rapide, inconscient, sans effort Automatique, rapide, inconscient,


sans effort

Les processus de régulation automatique et inconsciente incluent les conceptions implicites de


l’individu. Ils comprennent aussi des stratégies automatiques de régulation émotionnelle qui

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deviennent plus surs avec l’expérience. Les processus conscients, volontaires et lents sont
plus coûteux en termes de ressources mentales et physiologiques (Gross, 1998), exemple
comparer sa situation avec celle des autres moins bonne. Le modèle de régulation
émotionnelle mis en place par Gross (1998) met l’accent sur la distinction entre la régulation
centrée sur l’antécédent qui a lieu avant que la réponse émotionnelle, et la régulation centrée
sur la réponse qui se produit apres la genèse de la réponse émotionnelle, exemple recourir à
l’utilisation des substances (alcool, cigarettes, drogue, nourriture) l’exercice physique, les
pratiques méditatives etc.

5- Les stratégies de régulation émotionnelle

Les travaux de Gross (2002) ont montré qu’il existe deux formes de régulation
émotionnelles : la suppression émotionnelle et la réévaluation cognitive.
La suppression émotionnelle renvoie à l’inhibition consciente, pendant un état d’activation,
de sa propre expression émotionnelle (posture, expression faciale, voix, comportement). Il
s’agit de fournir un effort pour contrôler l’expression émotionnelle. Exemple d’une première
rencontre avec sa belle-famille. Richards et Gross (2000) que tenter de supprimer le ressenti
émotionnel semble avoir des conséquences sur l’ensemble des ressources cognitives et
détériore les capacités mnésiques en rapport avec les informations à caractère social (noms
propres, les occupations. Exemple de jeunes filles soumises à des images évoquant de faibles
ou fortes émotions avec la consigne de supprimer toute sorte d’expression émotionnelle. Dans
le même ordre d’idées, les participants devaient mémoriser les informations données en
rapport avec chaque image. On constate un souvenir flou des informations en rapport aux
images. En clair, la suppression du ressenti émotionnel détériore la rétention des informations
visuels, sonores, verbales bref une grande partie de l’activité mnésique se retrouve
chamboulée. Le manque d’expression nuit à la communication dans le couple
La réévaluation cognitive par contre consiste à tenter de modifier, activement et de manière
consciente, la signification accordée à une situation ou à certains éléments de ladite situation.
Elle vise réduire le ressenti subjectif des émotions positives et négatives. Elle constitue la
stratégie de régulation la plus recommandée car plus effective dans la réduction du ressenti
des émotions négatives. Elle susciterait moins d’activation physiologique pouvant engendrer
des problèmes de santé et n’entraine pas de détérioration des processus de rétention mnésique.
En clair il est plus souhaitable de réévaluer afin de préserver la santé mentale et de l’individu
et de son entourage (Bulter & Gross, 2004).

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Ce chapitre nous a permis de passer en revue le concept de régulation émotionnelle, ces
déterminants, ces types, et quelques stratégies nécessaires à la maitrise et au contrôle de
CHAP

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CHAPITRE 3 : PERSONNALITE ET EMOTION

Partons d’un exemple : Georges et Céline obtiennent la même note en 111 mais Georges est
tellement bouleversé qu’il éclate en sanglot. Céline par contre invite son amie à célébrer. En
effet face à un évènement nous réagissons différemment. En plus, en observant leurs
comportements tout au long du semestre on constate que Georges a toujours tendance à
s’inquiéter dans la plupart des situations, alors que Céline est une personne gaie en toutes
occasions. On peut en déduire que nous connaissons un peu leur personnalité, Céline a une
personnalité joyeuse tandis que Georges est anxieux.

1- Qu’est-ce que la personnalité

Dans le langage courant, la personnalité renvoie au charisme-habilité à susciter des réactions


positives chez autrui. On va dire d’un individu qu’il a de la personnalité.

En psychologie, la personnalité renvoie à l’ensemble des caractéristiques plus marquées et les


plus dominantes d’une personne. Ce concept est étudié en psychologie pour pouvoir comparer
les individus les uns aux autres.

Quelques éléments qui structurent la comparaison des individus

- De disposer d’une idée générale de l’ensemble des caractéristiques des individus qui
constituent la population générale ;
- Supposer une certaine stabilité dans le comportement des autres ;
- Supposer l’existence d’une certaine organisation interne pouvant expliquer l’origine
de ce comportement ; par exemple on peut supposer que Georges ait grandit avec un
père anxieux, ou encore que cela peut également provenir d’un déficit biologique, ou
encore cette anxiété peut être liée à un biais cognitif.

Ces éléments ou postulats vont définir et influencer notre manière d’interagir avec Georges.
Ils vont engendrer des inférences sur le comportement des Georges, et détermine le ressenti
émotionnel vis-à-vis de ce dernier.

2- Qu’est-ce qu’une émotion

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Lorsqu’on évoque le concept d’émotion on se rend compte que plusieurs notions y sont
greffées : affect, l’humeur.

Par affect on entend, un état émotionnel qui inclut l’émotion et l’humeur, c’est l’ensemble des
sentiments jugés agréable ou désagréable.
Par humeur on entend un état affectif diffus, faible en intensité et relativement de longue
durée, sans cause particulière (Forgas, 1991 ; Ekman, 1994).
L’émotion renvoie à un épisode dans le temps qui implique des changements visibles dans le
fonctionnement de l’individu, déclenchés par un évènement précis qui peut être interne
(pensées, souvenirs, sensations) ou externes (comportement d’autrui, des changements de la
vie, la rencontre avec un nouveau stimulus).

Le concept d’émotion renferme ainsi :

- Processus cognitifs
- Activation physiologique
- Expression motrice
- Sentiments subjectifs
- La tendance à l’action
Objectif : Ce chapitre a pour objectif de voir et d’examiner comment émotion et personnalité
interagissent.

3- La personnalité et les émotions

Comprendre la personnalité c’est répondre à la question « qui suis-je » avant de donner


sens aux motivations, réactions et comportements des autres En effet le besoin de se
connaitre remonte depuis les philosophes comme Hypocrate, Aristote et Descartes. Cet intérêt
est également perceptible en psychologie, où les travaux se donnent pour objectif de décrire la
personnalité et les différences individuelles. Il s’agit plus précisément de déterminer les
origines de ces différences individuelles et prédire les comportements des individus. La
psychologie de la personnalité a une vision holistique qui permet de comprendre les grandes
variables des individus.

Quatre courants y ont contribué :

- psychanalytique
- Typologique

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- Behavioriste
- humaniste (Adams, 1997)
- biologique
- évolutionniste
- socio-cognitiviste (Funder, 2001)

La particularité de ces modèle est de fournir un cadre susceptible de rendre compte patterns
caractéristiques de la pensée, des émotions et du comportement ainsi que des mécanismes
psychophysiologiques et neurologiques dissimulés derrière ces patterns. Nous allons
davantage nous attarder sur le courant typologique et celui socio-cognitiviste qui sont
davantage liés à l’affect. En effet les émotions et les phénomènes affectifs jouent un rôle
important dans le comportement humain et les interactions sociales. Raison pour laquelle la
plupart des traits de personnalités mis en évidence dans ces modèles sont reliés à l’affect et
aux émotions

3.1- L’approche typologique

Objectif de ce modèle : nommer, mesurer et différencier les types de personnalité afin de


décrire et comparer leurs caractéristiques (John, 1990). Dans cette optique de classification,
deux modèles clés sont à retenir : le modèle à trois facteurs de Eysenck (1990, 1992), et le
modèle des cinq facteurs de Costa et Mc Crae (1992, 1997). Ces deux modèles sont davantage
reliés à l’affect et aux émotions.
L’individu peut ressentir de manière plus fréquente et plus intense une émotion comme il peut
aussi être calme et détendu parfois. Il convient de distinguer ici un trait, d’un état
émotionnel.
En effet, si le trait permet de décrire comment les individus sont généralement, l’état décrit
comment l’individu se sent à un moment particulier.

Dans le cas des traits émotionnels, deux méthodes d’investigation ont été mises sur pieds :

- Le rappel auto biographique qui consiste à demander aux individus de faire la synthèse
de leurs états émotionnels en répondant aux questions de type « je suis souvent en colère »
« anxieux dans la majorité des cas ». cette méthode est utilisée dans la plupart des
questionnaires et inventaires de personnalité. Cette méthode bien qu’elle facilite la collecte
des données, la comparaison des réponses des individus et le recourt aux analyses statistiques
plus approfondies, il n’en demeure pas moins que certains individus signalent la difficulté à

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rendre compte du fait que nombre d’entre eux n’ont pas conscience de leur ressenti
émotionnel et d’autres qui en sont conscients émettent très souvent des réserves.
- L’autre approche consiste à questionner les individus par rapport à leurs états affectifs
à de nombreuses reprises sur un ou deux semaines. Les observations récoltées constituent la
synthèse des états affectifs de l’individu qui pourra être comparée avec celle de la moyenne
du groupe. Bien qu’elle permette d’avoir des résultats plus précis, cette méthode reste
onéreuse et couteuse en temps en énergie voire même en argent.

Pour conclure sur l’approche typologique les travaux montre que cette approche permet de
comprendre le type d’humeurs et émotions ressenties, leur intensité, leur fréquence et leur
durée que ce soit dans le domaine de la sante ou dans le domaine du travail mais elle n’offre
que très peu d’informations sur leur origine et leur relation avec le comportement.

3.2- l’approche socio cognitive

C’est la seconde approche qui vise trois grands objectifs

- permet de prédire le comportement en termes de cognitions - émotions – buts de


l’individu.
- elle permet de déterminer comment les variables individuelles (attentes, croyances,
valeurs, buts, compétences et les stratégies de régulation de l’individu) diffèrent d’un
individu à un autre.
- savoir comment ces différences jouent un rôle sur la perception et l’interprétation de
l’environnement.

L’approche sociocognitive fait remarquer que chaque individu a ses motivations, et ses
buts, qui face à une situation teintent et influence sa manière de percevoir ladite situation
(Michel & Shoda, 1995, 1998). Elle poursuit en montrant que les buts de l’individu peuvent
aussi être fonction du moment. Dans cette logique, des unités spécifiques (patterns) propres à
chacun vont se mobiliser et qui vont s’activer selon la spécificité de la situation.

Cette approche montre que les émotions apparaissent généralement quand l’individu
évalue la situation comme importante et pertinente pour son bien-être. Georges pourrait alors
interpréter ses notes comme très importantes (s’il compte faire carrière, ou si les notes sont
prises en compte pour décrocher un bon contrat de travail) et pertinents pour son bien-être.
L’évaluation d’une situation d’après son importance et sa pertinence par rapport aux

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objectifs et l’individu est considérée comme le critère le plus important dans la genèse des
émotions.
Contrairement à l’approche typologique définie précédemment, le modèle
sociocognitif permet de rendre compte des comportements stables et distincts des individus
qui en fonction des situations, qui semblent contradictoires (cas de Georges qui peut aller
s’inscrire dans un club de sport juste pour y passer du temps, il n’aura pas le même ressenti
émotionnel que celui qui lui est attribué dans le milieu universitaire).
Dans cette approche les différences individuelles dans le ressenti émotionnel viennent
non seulement des tendances stables à évaluer les situations par les individus mais aussi des
biais systématiques dans le processus d’évaluation (souvent l’œuvre de nos croyances, groupe
d’appartenance, normes sociales etc.

4- Les compétences émotionnelles : cas de l’intelligence émotionnelle.

Les émotions peuvent être influencées par notre personnalité comme souligné
précédemment mais la plupart d’entre elles se produisent dans des interactions sociales. Il
devient important de savoir définir ce que nous faisons de notre émotion et celle de notre
entourage. Au même titre que des différences existent dans le ressenti émotionnel et dans
l’évaluation des situations, il existe également des différences individuelles dans les
compétences et habiletés émotionnels. En effet, les compétences sociales et émotionnelles
s’acquièrent dans la plupart du temps au sein de la cellule familiale et elle s’imprègnent
des normes sociales et culturelles dans lesquelles l’individu évolue. Ces compétences sont
qualifiées aujourd’hui d’ « intelligence émotionnelle ».

Ce concept a été introduit dans la littérature psychologique en 1990 par Mayer et


Salovey, dans le but de comprendre les différences individuelles dans les phénomènes
affectifs. Il existe deux principales versions de l’intelligence émotionnelle : l’intelligence
émotionnelle comme compétence et l’intelligence émotionnelle comme trait.

4.1- L’intelligence émotionnelle comme compétence

Elle renvoie à la conception originale telle que présenté par Mayer et Salovey (1990) et
par la suite révisé par Salovey et Mayer (1997). Dans ce modèle, l’intelligence émotionnelle
consiste en la capacité à percevoir, comprendre, utiliser et gérer les émotions.

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 perception des émotions : implique la capacité à reconnaître les expressions
émotionnelles faciales, vocales et gestuelles des personnes dans notre entourage ainsi
que nos propres expressions. cette phase intègre également la capacité à nommer et à
communiquer les émotions (les nôtres ainsi que celles des autres).
 La compréhension des émotions : il s’agit de la capacité à apprécier et à comprendre le
lexique émotionnel et la manière par laquelle les émotions combinent, évoluent et
changent d’un état à un autre.
 l’utilisation des émotions : cette étape implique la capacité à utiliser ses humeurs et ses
émotions afin de focaliser son attention et penser de manière plus rationnelle, logique
et créative. Le fait de ressentir des émotions positives serait en lien avec des pensées
innovantes, la créativité par rapport aux émotions négatives qui tendent à inhiber le
processus de raisonnement et certaine capacité mnésiques.
 La gestion des émotions : savoir faire usage des émotions et les exprimer en tenant
compte des règles sociales et en fonction des situations. cas de la colère envers son
employeur qui, quand elle n’est pas perçue par l’individu va se manifester sur les
expressions faciales. la personnalité de l’individu y joue un rôle important ainsi que
les buts, la connaissance de soi et de son environnement.

D’après ce modèle de compétence, les individus qui sont émotionnellement intelligents


ont généralement de meilleures relations interpersonnelles, sont en meilleure santé et
éprouvent plus de bien-être.

4.2- l’intelligence émotionnelle comme trait

Selon ce second modèle, l’intelligence émotionnelle est composée de caractéristiques


personnelles et non cognitives indispensables au succès de chaque individu. Il est utilisé dans
le monde du travail et de l’éducation. Deux outils sont utilisés pour mesurer le trait
d’intelligence émotionnelle

le EQ-i (Bar-On, 1997 ; Goleman, 1995) et l’Emotional Competence Inventory (ECI) de


Boyatzi et al., 2000).

Ce chapitre nous a permis d’aborder tour à tour les processus complexes que sont les
émotions et les humeurs du fait qu’ils intègrent plusieurs variables à l’origine de cette
complexité et des différences individuelles. Parmi ces variables nous avons fait allusion à la

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personnalité de chaque individu, se valeurs culturelles et contextuelles qui influencent la
manière dont les évènements et les situations sont évaluées ainsi que le ressenti émotionnel
qui en découle. Les individus qui savent réguler leurs émotions et celles des autres gèrent
facilement les situations sociales et éprouvent des émotions plus positives et constructives.

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