Pierre Pluchon - Nègres Et Juifs Au XVIIIe Siècle
Pierre Pluchon - Nègres Et Juifs Au XVIIIe Siècle
Pierre Pluchon - Nègres Et Juifs Au XVIIIe Siècle
Nègres et Juifs au
XVIIIe siècle
Le racisme au siècle des Lumières
Tallandier
Sommaire
Couverture
Présentation
Page de titre
Épigraphe
Prologue
Domingue
DEUXIÈME PARTIE - Les protagonistes : Juifs portugais
et Nègres français
1. LES NOIRS
Le préjugé de couleur.
La police des gens de couleur libres.
3. LE RACISME ET SA DIALECTIQUE
Mulâtresses et bâtards.
Les mésalliés.
Les Blanches et l’amour noir.
De la tradition à la philosophie.
Epilogue
NOTES
Première partie
CHAPITRE 1
CHAPITRE II
Deuxième partie
CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
Troisième partie
CHAPITRE 1
CHAPITRE II
ÉPILOGUE
Annexes
BIBLIOGRAPHIE
I. — Manuscrits
II. — Imprimés
À propos de l’auteur
Notes
Copyright d’origine
Achevé de numériser
« La nature a soumis tous les hommes à la loi
générale de ne pouvoir entièrement se
dépouiller des préjugés. Croire qu’on les a
entièrement quittés, est un des plus grands et
des plus nuisibles. »
MARQUIS D’ARGENS.
Prologue
livres
Pereyre et Cie 130
Peixotto et fils 100
Antoine Lameyra 80
David Gradis 80
Georges Francia 80
Antoine Francia 75
Philippe Fernandez 75
Samuel Gradis 60
Lamego 60
Veuve Médina et fils 60
Mendès Père et fils 50
Lopès Depas frères 50
Veuve Toledo et fils 50
Raphaël frères 50
Veuve Niero 40
A. Lameyra 40
Salomon Lameyra 20
Silva Juune 20
David Mendès 20
Pereyra Suarès 20
Jacob Fernandez 20
Pinto 25
Delbaille 15
Baez l’aîné 15
Abr. Alvarès de Léon 15
Mendès France 15
Samuel Navarro 15
Abr. Ferreyre 15
A. Lopès 12
Sarrotte 12
Blaise Dacosta 12
Abr. Paëz 12
Abraham Lameyra 40
Alexandre 40
Tinoques 40
Mesquite 40
Gabriel Silva 40
Henri et A. Dacosta 40
Daniel Campo 30
Pierre Henriquès 30
Mosé Henriquès 30
Henri Gomès 30
Philippe Lopès 30
Henri Lopès 30
Aaron Campos 25
Salzedo 20
Carvalho 20
Gabriel Lopès Depas 20
Aaron Rodrigues 12
Gaspard Francia 12
Jacques Lopès fils 12
Dominique Campo 10
Paëz Jeune 10
Castro 10
Veuve del Campo 10
Gradis frères 10
Cadet Cardozo 10
Samuel Ferreyre 10
Charles Louis 10
Isaac Rodrigues 10
Veuve Nomès et fils 10
Veuve Sasportas 10
Fonséca 10
Cardozo 10
Bordeaux, le 25 avril 1730. Signé : Abrah. Peixotto,
trésorier ; Jos. Médina, adjoint ; Samuel Gradis, adjoint ;
J.-B. Brandon, Ant. Lameyra et Alphonse Lamego,
Alexandre fils, Philippe Fernandez et Henry Lopès.
Les Juifs de Bordeaux échappent aux coups du peuple grâce
à la protection des bourgeois et des nobles qui exercent le
gouvernement de la ville.
L’esprit portugais.
Le silence colonial.
1. LES NOIRS
Châtiments et atrocités.
Si, dans un premier temps, le racisme blanc désigne dans
l’Africain un esclave-né, dans une deuxième époque il le
réduit à l’état de bête de somme, par le traitement qu’il lui
inflige, au cours de sa servitude.
Qu’est-ce qu’un esclave ? Un meuble, théoriquement
catholique, qui a pour objet de travailler six jours sur sept, du
lever au coucher du soleil. Il est entièrement soumis à la
volonté de son maître, qui est aussi son juge, encore que la loi
(théoriquement) réserve à la seule justice publique, le droit de
condamner à mort.
L’appât du gain, la tentation des hauts rendements, poussent
nombre d’Européens à gouverner leurs Noirs comme des
« sous-hommes », comme un cheptel de qui ils peuvent tout
exiger, à qui, ils peuvent tout faire subir.
L’image du maître cruel, — même si elle ne peut être
généralisée à tous les propriétaires — , n’appartient pas à la
légende. Des témoignages, versés par des auteurs peu suspects
de sensiblerie ou de malintention, en attestent ; des rapports
administratifs aussi.
Malenfant, gérant de plantation à la Grande Ile se souvient :
« On a vu un Caradeux aîné, un Latoison-Laboule qui de sang-
froid faisaient jeter des Nègres dans des fourneaux, dans des
chaudières bouillantes, ou qui les faisaient enterrer vifs et
debout, ayant seulement la tête dehors, et les laissaient périr de
cette manière : heureusement quand, par pitié, leurs amis, leurs
camarades abrégeaient leurs tourments à coups de pierre ! 5. »
Le comte de Ségur, venu visiter ses terres à sucre à
l’occasion de la guerre d’Indépendance américaine, consigne :
« Je frémis encore en songeant que, deux jours avant mon
arrivée, on avait jeté dans un four et livré aux flammes une
vieille Négresse. Elle avait eu, à la vérité, la scélératesse
d’empoisonner plusieurs enfants ; mais enfin, elle avait péri
sans être jugée. Cependant les lois existaient ; mais là où se
trouve l’esclavage, la plainte est muette et la loi
impuissante 6. »
Du regret dans ces confidences, de la réprobation, mais sur
un ton si étranger, si blasé que l’on surprend la vérité dans un
éclair. Ces atrocités n’appartiennent pas au règne de
l’exceptionnel, même si elles ne se produisent pas
quotidiennement : de nouvelles « dépositions » donnent foi à
ce sentiment.
Dans ses Nouveaux voyages aux Indes occidentales, qu’il
publie en 1768, Bossu raconte l’un des spectacles que son
séjour à l’Antille lui a offerts : « J’ai vu un habitant, nommé
Chaperon, qui fit entrer un de ses Nègres dans un four chaud
où cet infortuné expira ; et comme ses mâchoires s’étaient
retirées, le barbare Chaperon dit : “Je crois qu’il rit encore”, et
prit une fourche pour le fourgonner. Depuis, cet habitant est
devenu l’épouvantail des esclaves et, lorsqu’ils manquent à
leurs maîtres, ils les menacent en disant “Je te vendrai à
Chaperon”. »
Au tour de Wimpfen, maintenant. Il séjourne à Saint-
Domingue de 1788 à 1790. A un méandre de son récit de
voyage, une « anecdote » éloquente : « Une femme que j’ai
vue, une jeune femme, une des plus belles femmes de l’île,
donnait un dîner d’apparat. Furieuse de voir paraître un plat de
pâtisserie manqué, elle ordonne que l’on saisisse son Nègre
cuisinier et le fait jeter dans le four encore tout brûlant… et
cette horrible mégère, dont je tais le nom par égard pour sa
famille, cette Tysiphone que l’exécration publique devrait
repousser avec horreur de la société ou qui ne devrait y
paraître que pour y succomber sous le poids de la haine et du
mépris, cette rivale du trop célèbre Chaperon, y reçoit encore
journellement des hommages… car elle est riche et belle ! »
Ne pouvant nier la réalité, l’opinion coloniale l’accommode.
Elle glisse du qualitatif au quantitatif, se livre à un calcul
statistique qui lui rend son confort moral. C’est la tactique
qu’adopte le planteur Carteau dans les Soirées Bermudiennes,
qu’il fait paraître à Bordeaux, en 1802. « Je ne disconviendrai
pas, qu’il n’y ait eu dans nos colonies, des maîtres trop
exigeants, trop sévères, trop durs, trop cruels, enfin, pour leurs
esclaves : mais ce n’en était que la très petite partie. » Et, le
Domingois de réfléchir, de faire ses comptes. En trente-six
ans, au Cap-Français et dans sa dépendance, il n’a connu que
« cinq ou six habitants, véritablement inhumains et cruels, et
une douzaine d’autres qui usassent d’une trop grande
sévérité ». Une chose est certaine, les mœurs sont rudes sur les
plantations, la violence s’exaspère, la justice privée s’emballe,
ne reculant devant rien, pas même les ultimes supplices.
Autre témoignage à caractère général, celui du colon
« nantais » et philanthrope, consigné dans une longue
description de la société de Saint-Domingue. « On ne finirait
pas, si l’on voulait détailler toutes les horreurs raffinées qui se
sont commises et se commettent encore sur les malheureux
Noirs », assure le planteur. L’un sera obligé de creuser la fosse
où il sera enterré vif, l’autre jeté dans une fournaise, l’autre
torturé. Un exemple, une image : « Un citoyen de la ville ayant
fait à l’une de ses jeunes Négresses l’honneur de la violer, crut
avoir à se plaindre de quelques infidélités qu’il méritait bien. Il
la fit étendre nue sur une table en guise d’échafaud, il lui fit
souffrir des tortures affreuses qui blessaient également la
pudeur et l’humanité et faisaient jeter à la patiente des cris
entendus de tout le voisinage. » Maintenant une réflexion sur
le caractère normal de la punition domestique qui franchit trop
souvent la ligne qui le sépare du sévice. « Le dirai-je ?
s’exclame le planteur. Des femmes elles-mêmes font dresser
des potences, ordonnent des supplices, et, lorsqu’on leur en
cite de cruels, les trouvent encore trop doux. J’en ai vu des
Françaises s’armer du fouet de la tyrannie, en donner vingt-
cinq coups à leurs esclaves mâles ou femmes. » Quant à
Desdorides, il déplore que des parents autorisent leurs enfants
à battre des Nègres. A n’en pas douter la brutalité, avec des
différences de degré, caractérise les rapports des Blancs avec
leurs esclaves. Cette dureté n’est pas spécifique de la seule
société esclavagiste ; elle appartient aux mœurs du siècle et
s’exerce, mais d’une manière moins outrée, sur certaines
catégories d’Européens, les marins, par exemple, chez qui les
châtiments corporels ne seront abolis qu’en 1848.
Dans la liste des cas extrêmes, peut-être plus nombreux
qu’on ne l’imagine, dans ce reflet des mœurs de la société
blanche, comment oublier le saisissement du chevalier de
Cotignon ? Le jeune officier de marine, plus porté à dénicher
de jolis minois et à prendre Clugny, gouverneur de la
Guadeloupe à la fin du XVIIIe siècle, en flagrant délit de
contrebande qu’à porter son cœur en écharpe, ne peut étouffer
sa sensibilité qui, pour être métropolitaine n’est pas moins fille
de la philanthropie. Parlant des colons des Iles du Vent, il note
dans ses Mémoires : « Je ne puis passer sous silence la cruauté
des habitants envers leurs Noirs. Je conviens qu’il est
nécessaire d’en venir à des exemples, mais enfin ce sont des
hommes et la nature est pour eux comme pour nous. Ne
pourrait-on pas les punir avec humanité ? » Et le marin
d’évoquer un souvenir guadeloupéen. C’était au cours d’une
partie de chasse : « J’entendis tout à coup en traversant de
petites broussailles des plaintes qui me déchirèrent le cœur. Je
m’approche de l’endroit d’où elles partaient. Je vois une bande
d’oiseaux voraces s’enfuir. Je tirai dessus et en tuai un. Mais
quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir une cage de fer dans
laquelle était un Nègre tout en sang que ces oiseaux
dévoraient. Cela me fit horreur et je crois que si dans le
moment l’habitant qui l’avait condamné à ce genre de mort
s’était présenté, je l’aurais tué. Le pauvre malheureux implora
mon secours et il ne fallut pas me prier. A force de secouer les
barreaux, et à coups de pierre, je parvins à l’arracher à son
tombeau et à lui donner la liberté. Il me baisa la main et se
sauva. Il y avait déjà deux jours qu’il était là, sans boire ni
manger, les bras derrière le dos et les pieds dans un cercle de
fer. J’ignore quel était son crime mais s’il méritait la mort on
pouvait la lui donner sans raffinement de cruauté. En général
les créoles ont le cœur dur, et pour peu qu’un de leurs Nègres
s’éloigne de son devoir, le chabouc n’est pas épargné6bis. »
Le sado-racisme a d’autres illustrations à son actif, où
chaque fois, le Blanc, ignorant que le Noir est un homme, une
personne à l’image de Dieu, se livre aux pires actes de
dégradation. Qu’on en juge par quelques exemples.
Le 20 octobre 1670, le Conseil Supérieur de la Martinique
se sent contraint de casser un lieutenant de milices, parce qu’il
vexait sa femme et « mutilait ses Nègres ». Le même jour, ce
Conseil condamne le Nègre Jean, appartenant au sieur Prost, à
avoir la jambe coupée, laquelle sera attachée à la potence afin
de servir d’exemple, parce qu’il avait tué un « bourriquet » !
La justice officielle, quand elle sévissait, n’était pas plus douce
que celle que les colons exerçaient à titre privé. L’année
suivante, le 10 mai, cette même Cour condamne Charles
Brocard à 500 livres d’amende, « pour avoir excédé et fait
excéder ladite Nègresse Anne de plusieurs coups de fouet, ce
qui lui a fait diverses grièves blessures en diverses parties de
son corps, et outre ce, pour lui avoir fait brûler avec un tison
ardent les parties honteuses ». Le 8 mai 1714, le Conseil du
Cap s’accorde une exception qui en dit long sur les mœurs
domingoises ou antillaises. Il pardonne au Nègre Songo, pris
en marronage, et fait rarissime, donne une explication très
hétérodoxe à sa décision : « Les traitements injustes des
maîtres ont quelquefois nécessité de semblables arrêts »,
publie-t-il sans ambages. Le 2 juillet 1715, cette même
juridiction condamne un commandeur blanc à une simple
amende, parce qu’il a battu un Nègre à mort, en l’absence du
procureur de l’habitation, sans appeler les voisins !
Le 30 septembre 1727, le ministre de la Marine, Maurepas,
que des informateurs encore trop sensibles ont alerté,
sermonne les administrateurs de Saint-Domingue. « Il y a des
habitants qui, sur les soupçons qui leur viennent qu’ils ont des
Nègres sorciers, se donnent la licence de les faire mourir de
leur propre autorité, les uns par le feu, et les autres en leur
brisant les os à coups de bâton ou de marteau, sans même leur
procurer le baptême ou autre sacrement 7. » Ces sévices,
étaient-ils si ordinaires pour que le gouverneur général de l’Ile
ne ressentît pas le besoin d’en avertir Versailles ? Étaient-ils si
banals pour que le ministre se crût obligé de rappeler à son
représentant, qu’en aucun cas, les maîtres ne devaient se faire
une justice aussi sévère ?
Nouvelle affaire, le 28 mars 1741. Cette fois, c’est le
gouvernement de Saint-Domingue qui saisit Maurepas d’un
dossier délicat. Saint-Martin l’Arada, colon de la région de
l’Artibonite, a exercé sur cinq de ses Nègres « une mutilation
complète ». Une notation qui en dit long : « Ce supplice était
déjà connu et pratiqué dans le quartier. » Maurepas répond, le
25 juillet : « Il m’était revenu plus d’une fois des plaintes des
mauvais traitements exercés par les habitants de Saint-
Domingue sur leurs esclaves… Mais par le détail que vous
m’avez fait dans votre lettre du 28 mars dernier, à l’occasion
du genre de supplice exercé par le nommé Saint-Martin,
habitant de l’Artibonite, contre cinq de ses esclaves, j’ai vu
avec beaucoup de peine qu’il n’y avait pas autant
d’exagération que j’avais cru, dans les plaintes qui m’avaient
été faites, et que quelquefois, on porte dans la Colonie, le
châtiment des esclaves à des cruautés qu’il n’est pas permis de
tolérer… 8. »
Les 6 mai et 7 septembre 1746, le Conseil du Cap se croit
obligé de sévir et fait mine de punir. D’abord, il condamne
Claude Sauzeneau, économe du sieur Beaujeu, habitant au
quartier Morin, au bannissement perpétuel hors de la colonie,
pour avoir, dans un accès de violence, tué d’un coup de fusil,
le Nègre Pompée qui appartenait à Beaujeu. Au mois
d’octobre 1754, la peine de bannissement perpétuel sera
ramené à neuf ans… Plus tard, la Cour capoise condamne un
boulanger de la métropole du Nord à être admonesté et à 50
livres d’amende, pour avoir commis des excès et violences sur
ses Nègres, lui interdit de récidiver sous peine de punition
corporelle, et lui enjoint de traiter humainement ses deux
esclaves…
Incident anodin, en 1770, a-t-on envie de chuchoter. Les
Nègres des Cassarouy désertent la plantation. Ils sont arrêtés
par la maréchaussée et ramenés chez leurs maîtres. Cassarouy,
furieux, non content de surcharger ses esclaves de travail,
décide de les châtier. Il « brûle avec de la cire ardente les
mains, les bras de cinq à six d’entre eux, particulièrement du
commandeur, et deux heures après les envoya aux prisons
civiles » du Cap. Là, geôlier et guichetier constatent les
brûlures, la justice s’émeut et dépêche des huissiers sur
l’habitation Cassarouy. Ils « y trouvent une Négresse
suspendue en l’air par les bras », la ramènent au Cap ainsi que
des Noirs mutilés. Les Cassarouy font appel. Le 2 octobre
1770, un arrêt du Conseil du Cap leur rend leurs esclaves,
conservant un mutisme complet sur les sévices commis. Cette
décision trouble certains magistrats du Cap, qui s’expliquent,
le 4 juin 1771, dans un mémoire adressé au Conseil Supérieur.
Certes, reconnaissent-ils, il existe des « Nègres malfaiseurs »
qui utilisent le poison. Mais « combien de maîtres, sous ce
prétexte, ont-ils assouvi leur férocité naturelle ? ». Et les voilà
maintenant qui accusent : « La justice garde le silence, et
successivement les petits habitants, ceux qui ont des terres
ingrates et malheureuses se livrent aux excès les plus
horribles, déjà même ces cruautés s’exercent publiquement,
sans frais, sans pudeur et sans retenue 9. »
Que les agents d’une sénéchaussée dénoncent ainsi la
cruauté des colons et le caractère banal de celle-ci stupéfie.
Que ces mêmes hommes s’émeuvent du sens de l’arrêt rendu
par le Conseil du Cap, à la demande des Cassarouy, selon
lequel « le procureur du Roi, ni le juge n’ont le droit de veiller
sur la sévérité de la police que les maîtres exercent envers
leurs esclaves, même avec mutilation de membres » étonne.
Contrairement à ce que l’opinion coloniale faisait accroire, les
cruautés n’appartiendraient pas à l’exceptionnel mais à un
quasi-quotidien. Ne fallait-il pas que les spectacles de férocité
fussent trop nombreux et trop insoutenables, pour que de
modestes juges et procureurs prissent, malgré leur adhésion au
système colonial, la liberté d’élever la voix si haut ? On
éprouve malaise et inquiétude quand on lit la conclusion de
ces humbles juristes : « En un mot, disent-ils, la religion,
l’humanité, nos mœurs, nos lois précises et positives, la plus
saine politique enfin de la colonie, tout exige de mettre des
bornes à la tolérance envers les maîtres qui abusent de leur
autorité et propriété sur des hommes esclaves. Il ne faut user
de la loi qu’avec considération, cela est vrai, mais il faut
arrêter les barbaries et cruautés surtout quand elles ne sont
dirigées ni par la raison, ni par la justice. » Pareils propos, sous
la plume d’auteurs que rien n’autorise à assimiler à des
philanthropes, lève un coin de rideau sur des réalités
auxquelles un esprit acquis à la prudence ne se serait pas
permis d’imaginer.
Le 28 mai 1771, dix Nègres et Négresses, appartenant au
Sieur Dessources, cadet, fuient la propriété du colon pour
courir se plaindre au juge du Cap-Français. Ils déclarent que
« leur maître, depuis son retour de France qui ne remonte qu’à
deux ou trois mois de date, sur la simple déclaration d’un
Nègre faite dans les tourments du feu et par laquelle il avait
chargé tout l’atelier d’être macandal ou empoisonneur, avait
fait brûler Janneton, commandeur, ensuite le nommé Azard ;
qu’il avait pareillement fait brûler les pieds et les jambes aux
Négresses Franchette et Jeannette et qu’il les avait ensuite
enterrées toutes vivantes. Et enfin qu’il avait fait brûler les
pieds et les jambes à une autre Négresse enceinte, qui après
cela avait été mise dans un cachot » de la dame Chamblain,
une voisine, où elle était morte.
Le 10 juin 1771, le juge du Cap, se soumettant à la
jurisprudence Cassarouy, rendait ses esclaves à Dessources-
cadet, renonçant du même coup à le poursuivre et à faire
respecter l’édit de 1685 et autres ordres royaux.
Le 29 mai 1771, un esclave de l’étrange voisine vient, à son
tour, demander protection au juge du Cap auquel il déclare que
depuis plusieurs années sa maîtresse avait fait brûler huit ou
dix Nègres sur son Habitation. Le flou de cette déposition,
dont aucune vérification ni preuve n’a démontré l’authenticité
pour la raison que cette propriétaire échappa à toute poursuite,
ne permet pas de verser l’affaire Chamblain au dossier des
atrocités. Mais en est-il besoin ?
Le 15 février 1781, le chapelet des horreurs s’enrichit d’un
nouveau cas. Le juge du Cap rend une ordonnance qui vise le
sieur Jouanneault. Le sénéchal remontre « qu’il a été arrêté sur
l’habitation de M. de La Chapelle, à Limonade, une Négresse,
une Négritte et une quarteronne libre, dont les cruautés
exercées sur elles par leur maître sont révoltantes. Que la
Négresse a la langue coupée et plusieurs dents arrachées, la
Négritte a les parties de la génération brûlées avec des fers
rouges et que, quant à la quarteronne, elle s’est dite fugitive
pour échapper aux cruautés perpétuelles du maître des deux
premières dont elle est la fille. Qu’un traitement aussi cruel ne
devant pas être impuni », il conviendrait de placer ces
malheureuses sous la protection de la justice, en les enfermant
dans les prisons du Cap pour y recueillir leurs dépositions et
procéder ainsi qu’il appartiendra. La conclusion de ces crimes
est celle que les juges apportent aux affaires de ce genre : on
ferme le dossier sans même ordonner une enquête. Même
Moreau de Saint-Méry, homme acquis et dévoué au système
colonial ne peut s’empêcher d’écrire une ligne de commentaire
désabusé : « Il est difficile de concevoir comment de pareilles
horreurs demeurent impunies. » C’était pourtant la règle. Et il
fallait l’intervention persistante des administrateurs généraux
pour y déroger, à quoi devaient aider, les ordonnances sur la
gestion des plantations prises par le maréchal de Castries, en
1784 et en 1785.
Justement, le 13 mars 1788, le juge du Cap et le procureur
du Roi de cette ville ont bien des choses à confier à MM. de
Vincent et de Marbois, général par intérim et intendant de
Saint-Domingue. En effet, quatorze Nègres de l’Habitation Le
Jeune sont venus se mettre sous la protection de la justice et
ont déposé : « Ils ont unanimement dit que l’année dernière, le
Sieur Nicolas Le Jeune avait fait brûler un Nègre et une
Négresse et que vendredi dernier deux Négresses avaient eu
les jambes et les cuisses brûlées, et qu’elles étaient encore sur
l’habitation, dans un cachot auprès de la grande case. » Elles
mourront peu après. Les magistrats poursuivent leur relation.
Exceptionnellement ils ont ouvert une enquête. On découvre
les deux esclaves mutilées. Interrogé, le colon s’explique : ces
deux femmes sont des empoisonneuses, Marie-Rose surtout,
Zabeth faisant plutôt figure de complice. Déjà vingt esclaves
sont morts. Maintenant Marie-Rose vient de s’attaquer à lui-
même, qui a survécu par miracle, et à une Négresse en couches
dont elle a eu raison. Pour mettre fin à ces meurtres, pour
connaître le poison utilisé, le planteur a décidé de faire parler
les deux tueuses. Il y est parvenu, en compagnie du chirurgien
Magre, en les soumettant au feu de torches de pin. Elles ont
avoué. Il tend une boîte. Elle contient de la poudre de Québec
dont les vertus ont raison des meilleures santés. « Analyse faite
en notre présence, note l’enquêteur, par les médecins et
chirurgiens du Roi, de la poudre contenue dans cette boîte ;
elle s’est trouvée être que du tabac commun à fumer parmi
lequel étaient cinq crottes de rat. » Et le sénéchal et le
procureur observent, à l’intention des administrateurs
généraux : « Voici, MM., le récit exact de cette scène
d’atrocité qui malheureusement n’a eu que trop d’exemples. »
Conclusion édifiante.
Exceptionnellement encore, Le Jeune est inculpé et décrété
de prise de corps. Aussitôt l’opinion coloniale se mobilise au
service de l’accusé. Le 23 mars 1788, les habitants du quartier
de Plaisance, où réside l’accusé, en appellent aux chefs. « Il
est de votre sagesse et justice d’arrêter dans le moment toute
poursuite à cet égard, demandent-ils, car déjà les ateliers
voisins de celle [l’Habitation] du Sieur Le Jeune murmurent,
et peut-être que cet événement deviendrait le signal d’une
révolte générale. » La construction de cette supplique
appartient au raisonnement colonial traditionnel. Mettre en
cause l’autorité d’un Blanc c’est mettre en cause celle de tous
les colons, c’est ouvrir les portes à une révolte générale des
esclaves. A son tour la Chambre d’Agriculture intervient. Le 7
avril 1788, elle suggère à Vincent et à Marbois d’expulser Le
Jeune, discrètement, sans le fracas d’un procès.
Le général et l’intendant ne l’entendent pas de cette oreille.
Dans une réponse du 17 avril, à la requête capoise, ils
exposent la philosophie intime de l’administration qui, pour
être connue, n’a que rarement l’occasion d’être exprimée :
« Nous différons à l’égard de la peine à infliger et de sa
publicité, commencent-ils. Nous pensons qu’aucun habitant ne
serait en sûreté chez lui, si les Nègres n’étaient pas assurés de
la protection des tribunaux. Ils se porteraient bientôt à des
actes de désespoir, ignorant que la loi et les magistrats veillent
pour leur sûreté. Ils se feraient à eux-mêmes une justice qu’ils
croiraient que la société leur refuse. Et nous savons combien
de moyens des ennemis domestiques peuvent employer pour
exercer des vengeances secrètes. La publicité des châtiments
des Blancs et des Noirs sera, au contraire, le garant du repos,
et si nous pouvions être indécis sur une question aussi
importante, nous trouverions notre conduite tracée dans
l’article du titre 11 de l’ordonnance du 23 décembre 1785. »
L’administration définit sa position à contrepied de celle des
administrés. Pour elle le fonctionnement régulier, donc public,
de la justice tranquillise les ateliers et assure la paix dans l’Ile.
Pour elle, pas de révolte générale des Noirs, si les atrocités
commises par les maîtres sont châtiées. En un mot, aux yeux
des agents du Roi, le fonctionnement de la justice publique
rend l’esclavage supportable à ceux qui y sont réduits, et par là
sauve le système colonial des vices qui le rongent.
Heurté par cette « incompréhension » des représentants du
pouvoir, le milieu colonial poursuit sa mobilisation. L’inculpé,
Le Jeune, fils, envoie un mémoire aux administrateurs le 27
mars 1788, où il accable ses esclaves. Deuxième pétition des
colons du quartier de Plaisance, le 10 avril, pour dramatiser.
« Si le jugement authentique qui va être rendu flétrit cet
habitant, s’il donne gain de cause à son atelier rebelle et
soulevé contre lui, nous sommes perdus. Tout est bouleversé et
nous touchons à une révolution prochaine dans la colonie. »
Enfin le 21 mai, Le Jeune, père, signe un long mémoire qu’il
adresse aux chefs de la colonie. Finalement le Conseil du Cap
rend son jugement, qui revient à absoudre le coupable.
Vincent et Marbois, indignés, se tournent vers le ministre le
29 août. La sentence prononcée durcit l’antagonisme qui
oppose maîtres et esclaves et ne laisse à ceux-ci d’autre
recours que le désespoir ou la vengeance ; elle découragera
tout magistrat honnête à entamer une procédure contre un
propriétaire inhumain. En foi de quoi, ils demandent « de ne
pas laisser entièrement impunis les forfaits de Le Jeune ».
Même si le Roi ne réforme pas l’arrêt incriminé, ne déclarera-
t-il pas le meurtrier, « incapable de posséder des Nègres »,
avec obligation de retourner en France définitivement ? Enfin
cette réflexion finale qui balaie le raisonnement colonial selon
lequel les atrocités commises par les maîtres n’étaient le fait
que d’une poignée d’enragés. Les chefs reconnaissent que
« beaucoup d’habitants suivent, aujourd’hui, un régime
modéré, et que généralement parlant les rigueurs de
l’esclavage sont moins grandes dans cette colonie qu’elles ne
l’étaient il y a une vingtaine d’années ; mais il y a des quartiers
entiers où l’ancienne barbarie subsiste encore dans toute sa
force, et les détails en font frémir d’horreur. »
L’année suivante, nouveau scandale, dans la presqu’île
méridionale de Saint-Domingue. La sénéchaussée du Petit-
Goâve entend Jean-Honoré Mainguy, habitant de la Rivière
salée, quartier des Baradaires, inculpé d’avoir exercé diverses
cruautés sur plusieurs de ses Nègres. Elle le condamne à
résider hors de la sénéchaussée pendant neuf ans, à peine de
punition corporelle et à payer 3000 l. d’amende et les frais du
procès. Mainguy, mécontent, fait appel devant le Conseil
Supérieur de Saint-Domingue, qui siège au Port-au-Prince. La
Cour « déclare Mainguy dûment atteint et convaincu d’avoir
frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec
des ciseaux et avec une arme vulgairement appelée
manchette ; de les avoir déchirés avec ses dents, et de leur
avoir fait appliquer, sur différentes parties de leur corps, soit
des fers rouges, soit des charbons ardents ».
Vraisemblablement sous la pression des chefs,
particulièrement de Barbé de Marbois, le Conseil aggrave les
peines prononcées par la sénéchaussée. Il inflige à Mainguy
neuf ans de bannissement de la colonie, le déclare incapable de
posséder un esclave, confirme l’amende de 3000 liv. au profit
de la Providence du Port-au-Prince, et en ajoute une seconde
de 10000 liv. pour le Roi. Le 6 août 1790, Pétion et Brissot,
s’emparant de cet arrêt, dénonceront le crime affreux commis
à la Grande Ile, sans mesurer qu’il avait été puni en première
instance, et qu’il avait encouru une peine plus grande en appel.
Dix mille livres d’amende, pour s’être livré à des atrocités sur
des Noirs, paraissait dérisoire et honteux aux Amis des Noirs.
Dans la colonie c’était une révolution.
Les colons des Antilles sont des hommes durs. Durs avec
eux-mêmes. Cruels avec leurs Nègres, certainement davantage
qu’on ne le soupçonne, ce que l’on ne pourra jamais prouver
de manière irréfutable, faute de documents. Mais la
présomption générale n’en est pas moins là, grave et lourde,
étayée par des faits indiscutés, des relations fidèles. Les
tortures ne ternissaient pas tous les jours de l’année, mais sont
l’œuvre de plus d’un. L’idéologie raciste, qui les autorisait,
dominait tous les esprits.
« A Saint-Domingue, quiconque est Blanc maltraite
impunément les Noirs. Leur situation est telle qu’ils sont
esclaves de leurs maîtres et du public. » Ainsi juge Hilliard
d’Auberteuil, avocat colonial et observateur attentif. Poussant
l’analyse plus loin, le capitaine Girod de Chantrans, au repos
près du Cap-Français, pendant plus d’un an, note, au sujet de
la discipline qui pèse sur les esclaves : « Rarement la trouve-t-
on exempte de cruautés, et les Nègres sont fort heureux
lorsqu’elle n’est pas atroce. » Et, précision pertinente :
« Remarquez d’ailleurs, que la plupart des administrateurs de
biens n’en sont point les propriétaires, et peu leur importe
qu’un Nègre meure ou qu’il vive, pourvu que leurs gages
soient payés 10. »
L’absentéisme de très nombreux planteurs a certainement
favorisé l’explosion du racisme et du sadisme, de certains
gérants et autres cadres de plantation, venus d’Europe. Ces
petits-blancs ne songent souvent qu’à faire « suer le burnous ».
Malheur aux esclaves qui ne se soumettent pas à l’arbitraire de
leurs exigences ! Toutefois il serait injuste de rejeter la
responsabilité de toutes les atrocités qui ont sali la société
esclavagiste sur les malnantis de la caste européenne. On
commit des exactions de tout temps, et à tous les niveaux de la
hiérarchie blanche.
Chaque jour reçoit sa portion de châtiments où le réflexe
sado-raciste de l’Européen apporte son ingéniosité. Si depuis
1768 un règlement royal interdit d’infliger, d’une traite,
cinquante coups de fouet à un esclave, il n’est rien précisé sur
la manière de les appliquer. Quand on allonge la victime sur le
sol, pieds et poings liés à quatre piquets, on donne un quatre-
piquets. Si on fouette un individu ligoté à une échelle, on lui
fait subir le supplice de l’échelle. Quand on bat un homme
suspendu par les quatre membres, c’est le hamac, et la
brimbale s’il n’est pendu que par les mains. Détail sanitaire :
pour éviter l’infection des plaies des Nègres ainsi « taillés »,
on frotte leur dos à vif avec du jus de citron et du piment, ou
du vinaigre ; c’était aussi la thérapeutique en usage dans la
marine.
Parmi les « trouvailles » de cette époque et de ces mœurs :
la muselière de fer blanc. On y emprisonne la tête des esclaves
à qui l’on reproche de croquer des tiges de cannes à sucre, ou
de manger de la terre. Le 7 mai 1785, un arrêt du Conseil
Supérieur du Cap-Français interdira d’apporter, de fabriquer,
de débiter, tenir ou employer « des masques ou têtes de fer,
imaginés dans l’origine pour empêcher les nègres nouveaux de
se livrer à l’appétit dépravé qui les porte à manger de la
terre ». Autre invention : le collier, hérissé de longues tiges de
fer, que l’on imposait aux anciens fugitifs, pour ralentir et
empêcher toute nouvelle tentative de désertion.
Enfin dans la panoplie des tortures, certains sadiques
manifestent un goût particulier, pour un supplice lent et
horrible. « Le patient, tout nu, est attaché à un pieu proche
d’une fourmilière, et l’ayant un peu frotté de sucre, on lui
verse, à cuillerées réitérées, des fourmis depuis le crâne
jusqu’à la plante des pieds, les faisant soigneusement entrer
dans tous les trous du corps ».
Quant à la mise à la barre, aux fers, au carcan, au cachot et à
la flagellation classique, il ne faut pas y déceler une motivation
raciste : certaines catégories de Blancs étaient largement
soumises à ces pratiques. De même pour la peine de mort.
L’enseignement de la jurisprudence criminelle, à ce propos, est
riche. Trois affaires, à titre d’exemple. Le 8 mars 1700, le
Conseil de Léogane condamne un engagé Blanc, qui a signé
avec un colon, une espèce de contrat de servitude d’une durée
de trois ans, à la pendaison, pour un vol domestique. Le 3 mai
1706, le Conseil du Cap condamne l’économe Thomas La
ville Aufoevre à une petite amende de 100 livres… parce qu’il
a brûlé les pieds de l’engagé Fauveau. Enfin, le 6 mars 1720,
le Conseil du Cap condamne le matelot Thomas Porien,
inculpé d’assassinat et de blasphème, à avoir la langue percée
d’un fer chaud et à être pendu. Autant la justice ferme les yeux
ou absoud quand de gros habitants sont mis en cause, autant
elle se montre sans pitié quand il s’agit de pauvres Blancs.
2. LES SANG-MÊLÉS
Le préjugé de couleur.
Le milieu colonial désigne les métis sous différents noms :
gens de couleur, mulâtres, sang-mêlés, Jaunes, Rouges. S’ils
ne jouissent pas tous des bienfaits de la liberté, très nombreux
sont les libres : leur population dépasse largement les 30000
quoique en disent les statistiques officielles.
Le Code Noir accordait aux esclaves affranchis — vieux
serviteurs fidèles, enfants nés de l’union des Blancs avec les
Négresses — les mêmes droits qu’aux Européens, ou à peu
près. Cette disposition, combattue par les coloniaux, restera
lettre-morte. En tout et pour tout on concèdera aux gens de
couleur, le droit d’acquérir des biens mobiliers ou immobiliers,
et d’hériter. Dans les rangs de cette classe on trouve donc des
propriétaires, mais surtout des artisans, des cadres de
plantation, qui concurrencent les petits Blancs, exacerbant
ainsi le réflexe raciste de leurs compétiteurs venus de la
métropole.
Dans le petit monde des gens libres, Français et sang-mêlés
auxquels s’ajoute une poignée de Noirs, le racisme est une
lutte de tous les moments, alors que vis-à-vis des esclaves, il
est figé dans une immutabilité définitive.
Les Européens des Antilles honnissent le teint d’Afrique.
Comme l’écrit Girod de Chantrans, « ici, la peau blanche est
un titre de commandement consacré par la politique et par les
lois ; la couleur noire, au contraire est la livrée du mépris ».
Vomie, la carnation d’ébène terrorise l’amour-propre des
familles blanches qui se reproduisent aux îles, génération après
génération. Le colon créole n’a qu’une peur, entendre dire dire
de lui : « Il a des parents à la côte » : à la côte de Guinée, bien
sûr. Comme l’a relevé Wimpfen, telle est « l’expression par
laquelle on manifeste son mépris, pour que l’on soupçonne
qu’une seule goutte de sang africain ait filtré dans les veines
d’un blanc ; et la force du préjugé est telle, qu’il faut un effort
de raison et de courage, pour oser contracter avec lui l’espèce
de société familière qui suppose l’égalité ».
Le critère de l’épiderme, qui désigne une catégorie sociale,
et ouvre ou limite les ambitions, joue à plein contre les métis.
« L’intérêt et la sûreté veulent que nous accablions la race des
Noirs d’un si grand mépris que quiconque en descend, jusqu’à
la sixième génération, soit couvert d’une tâche ineffaçable »,
tranche Hilliard d’Auberteuil, avocat au Cap-Français 11.
Le préjugé de couleur ne se réduit pas à une répulsion
physique, il exprime la philosophie de l’organisation sociale
de la colonie. Alors que lettres d’anoblissement et fortune font
oublier la roture, il est difficile d’effacer le souvenir de la
couleur, d’abord parce qu’il est visible, ensuite, parce que
même s’il s’estompe complètement, il peut réapparaître. La
chose est si vraie que, longtemps après que la Seconde
République eût aboli l’esclavage, les colons antillais restaient
profondément attachés à ce qui avait constitué, pendant deux
siècles, la clé de voûte de l’ordre colonial.
Un mulâtre, dans l’esprit d’un colon, est un individu qui ne
pourra jamais devenir son égal, mais il est aussi celui qui ne
pourra tomber au niveau de l’esclave. De cette constatation le
milieu colonial tire la conclusion qu’il lui faut utiliser les sang-
mêlés pour contenir et réprimer les esclaves.
L’Européen des Iles regarde les métis, comme les Noirs,
d’un œil utilitariste et sévère. Son jugement, moins abrupt que
pour les esclaves, n’en respire pas moins l’animosité et la
perfidie doucereuse. Selon Ducœurjoly, « l’agrément des
formes, l’intelligence, le goût du repos et l’amour du plaisir,
caractérisent les individus de cette classe ; ne rien faire, ne
travailler que lorsque le besoin devient impérieux, cesser dès
qu’il est rempli ; danser, monter à cheval et se livrer à la
volupté : voilà le bonheur suprême de l’homme de couleur et
son unique occupation ». Et la flèche du Parthe : « Presque
sans barbe, il paraît longtemps jeune, jusqu’à ce que le blanc
de ses yeux jaunisse, décèle les progrès des années et trahit sa
vanité ridicule. »
Le sang-mêlé est une espèce d’individu androgyne aux yeux
de l’opinion coloniale. Il présente des côtés utiles et
appréciables et d’autres insupportables et odieux. On se réjouit
que les gens de couleur peuplent milices et maréchaussée,
courant sus aux esclaves fugitifs, et assurant l’ordre
esclavagiste. On se félicite quand, en période de tension
internationale, le gouverneur-général les réquisitionne dans
l’instant, attendant l’ultime échéance pour arracher les colons
à leurs cultures. Ces hommes sont donc un bras policier et
militaire que l’on ne mésestime pas. Par ailleurs, les droits
limités qu’on leur accorde, la sujétion à laquelle on les soumet
constitue, dit-on, une remarquable pédagogie pour les esclaves
qui apprennent ainsi, quotidiennement, que le sang d’Afrique
doit avoir l’ambition modeste. Mais le métissage est également
une tare. Quelle injure plus infamante pour un Blanc que
d’être traité de sang-mêlé par un compatriote à bout
d’arguments ! Aussitôt la victime se porte en justice et, quand
il plaît aux juridictions ou aux Cours, l’offenseur est
condamné à présenter des excuses humiliantes et à verser
amende. Sans aller jusqu’à ces graves extrémités, combien de
procès pour se faire confirmer que l’on appartient entièrement
à la race française ? Le succès ne couronne d’ailleurs pas
toujours les requêtes.
Combien d’actions, cependant, dans ce sens ? Le 11
septembre 1742, le Conseil Supérieur de Léogane condamne
un particulier à 1500 liv. d’amende et deux mois de prison
pour avoir « témérairement et calomnieusement taxé l’intimé
d’être issu de sang-mêlé et sa mère de la race d’Inde ». Le 6
novembre 1753, le Conseil du Port-au-Prince punit une
personne pour avoir traité un commandant de milice de sang-
mêlé et, le 16 décembre de la même année, elle inflige une
lourde peine financière à Guiran et Ratier, qui ont
« faussement et malicieusement dit et répandu dans le public
que les dames Dufourcq et Wis, et le sieur Abraham étaient
entachés de sang-mêlé » 12. Enfin, le 17 avril 1779, une veuve
obtient du Cap que l’on raye et biffe la qualification de
mûlatre libre, donnée à son mari Blanc, dans un acte de
baptême.
Cette extraordinaire susceptibilité des coloniaux sur la
pureté de leur sang, si elle fait parfois sourire les
métropolitains qui ne la jugent peut-être pas toujours justifiée,
marque le fossé infranchissable qui sépare les deux castes
libres de l’Ile. Et les familles sur lesquelles on jase
s’empressent de présenter aux tribunaux une généalogie
indienne. En effet, le Pouvoir a dit et répété, notamment dans
une lettre ministérielle du 7 janvier 1767, que les descendants
d’Indiens « doivent être assimilés aux sujets du Roi originaires
d’Europe ». L’homme de couleur, lui, n’est jamais qu’un fils
d’Afrique, un enfant de l’esclavage. Peut-il exister menace
plus effrayante, et déshonneur plus indélébile qu’un tel
patrimoine ancestral ?
Le Français qui débarque de la métropole où il a fréquenté
des sang-mêlés est stupéfait par l’ostracisme que leur infligent
les Blancs dans les colonies. C’est le cas de Laujon, jeune
juriste, qui, malgré son mariage avec la fille d’un colon, ne
peut s’empêcher de dire son indignation ni non plus de donner
un coup de griffe perfide aux coloniaux : « Les hommes, de
même que les femmes de couleur dont la teinte n’était pas trop
foncée, passaient en France pour des créoles, observe-t-il avec
une fausse ingénuité ; aucun préjugé ne pesait sur ces
personnes, et avec de la fortune elles jouissaient de tous les
avantages dont nous jouissons nous-mêmes 13. » Véritable
crime de lèse-majesté que de mettre en doute la pureté raciale
des Français des Antilles à qui, contrairement aux autres
auteurs, Laujon trouve la peau plus basanée que pâle !
Remarque, toutefois plus intéressante que le chœur trop
unanime et trop conformiste des thuriféraires.
Malgré la rigueur incontestable du préjugé que renforceront
la législation et la réglementation, il convient de ne pas porter
un regard trop tranché sur les rapports entre Blancs et
mulâtres. Les Européens n’ont pas honte et ne se détournent
pas de leurs enfants, frères ou sœurs de sang-mêlé. Au
contraire, très souvent, ils les aident et leur donnent affection.
Quant aux métis, on aurait tort de toujours les imaginer aigris
et sur le pied de guerre, ne rêvant que d’égorger tout ce qui
vient de France. Eux aussi ne s’interdisent pas d’exprimer leur
attachement aux Blancs quand événement ou situation les y
convient. Ainsi, dans un testament de 1773, peut-on voir, deux
ans après son affranchissement, le mulâtre libre Antoine dit Le
Blanc, demeurant à La Petite-Rivière-du-Rochelois, léguer ses
biens à son ancien maître, Laurent Bézin, habitant au Trou
Long de Nippes, « en reconnaissance de toutes les bontés »
que le colon « a toujours eues pour lui et tous services qu’il lui
a rendus, notamment de celui de la liberté ». Complexité
presque inextricable que celle qui agence le commerce entre
Européens et leurs bâtards. Mépris et haine se donnent libre
cours en même temps que les différentes formes du sentiment.
Cette réserve faite, comment était organisé l’état de
dépendance humiliante vers lequel les mulâtres étaient
bousculés ? D’abord, par les mœurs, les habitudes, devenues
traditions au fil des temps. Il existe une obligation de respect à
l’endroit de tous les Européens, celle dont les domestiques
s’acquittent envers leur maître. Ensuite des règlements
coloniaux, élaborés par les administrateurs ou les Conseils
Supérieurs, déterminent dans les domaines particuliers la
conduite que les sang-mêlés doivent tenir, et organisent un
régime de ségrégation.
3. LE RACISME ET SA DIALECTIQUE
Mulâtresses et bâtards.
Ce sont les femmes, mulâtresses et Négresses, qui ont mis à
mal la pratique du préjugé de couleur en devenant les
concubines ou les épouses légitimes d’un nombre appréciable
de Blancs, et en donnant à leurs amants de sang-mêlé.
Le Code Noir interdit le concubinage avec les Négresses
esclaVes. Mais ce n’est là qu’une disposition juridique sans
effet. Pourtant, dans les premiers temps de la colonisation,
l’inefficacité de cette prescription, excite le légalisme des
Administrateurs généraux. Ainsi, le 18 décembre 1713, Blénac
et Mithon publient une ordonnance indignée : « La tolérance
de nos prédécesseurs et du Conseil Supérieur a causé une
infâme prostitution. Nombre de maîtres, au lieu de cacher leur
turpitude, s’en glorifient, tenant dans leurs maisons leurs
concubines noires, et les enfants qu’ils ont eus, et les exposent
aux yeux d’un chacun avec autant d’assurance que s’ils étaient
procréés d’un légitime mariage. » Les chefs passent, les
habitudes s’enracinent et se développent.
Ainsi, vers la moitié du XVIIIe siècle, le Rochelais Aimé-
Benjamin Fleuriau a-t-il deux fils de Jeanne Guimbelot,
Négresse affranchie. Jean-Baptiste et Paul, tels sont leurs
prénoms, restent dans la mouvance du père et s’intègrent sans
difficulté dans la société coloniale, devenant propriétaires et
par conséquent maîtres d’esclaves. Avec le père, avec les
enfants légitimes, les bâtards extretiennent des relations
souvent bien meilleures qu’on ne pourrait le penser. La
diversité n’empêche pas de faire bloc, surtout quand des
événements graves y invitent. 21
Tous les niveaux de la hiérarchie européenne sont investis
par les femmes brunes, militantes d’un genre particulier.
Créoles, voyageurs, personne, du planteur au gouverneur
général, ne manque de céder au charme exotique et troublant
des mulâtresses. Wimpfen leur rend l’hommage d’une passion
encore vive. Elles, « qui dansent si bien et dont on vous fait
des portraits si séduisants, se rappelle-t-il, sont les plus
ferventes prêtresses de la Vénus Américaine. Elles ont fait de
la volupté une espèce d’art mécanique, qu’elles ont porté à son
dernier point de perfection. L’Arétin ne serait auprès d’elles
qu’un écolier ignare et pudibond ». Et, captivé par l’évocation
de ses souvenirs, le baron s’écrie : « Elles joignent à
l’inflammabilité du salpêtre, une pétulence de désirs, qui, au
mépris de toute considération, leur fait poursuivre, atteindre,
dévorer le plaisir, comme la flamme d’incendie dévore son
aliment. » Passion, sensualité, sentiment lient les Blancs aux
mûlatresses. En elles, ces hommes, à des degrés divers,
trouvent les joies du plaisir, mais aussi les satisfactions d’un
intérêt plus gestionnaire. Ce sont d’excellentes collaboratrices
qui tiennent leurs amants au courant du fonctionnement de
leurs propriétés. Pour ceux qui n’ont pas le bonheur de
posséder une habitation sucrière ou caféière elles savent
devenir un soutien, une associée ; point qu’a très bien observé
Wimpfen, au cours de son séjour à la Grande Ile.
« Ce sont elles, remarque-t-il, qui sont les ménagères, c’est-
à-dire, lorsque leur âge le permet, les concubines en titre de la
plupart des blancs célibataires. Elles ont de l’intelligence dans
l’économie des ménages ; assez de sensibilité morale pour
s’attacher invariablement à un homme, et une grande bonté de
cœur. Plus d’un Européen, abandonné de ses égoïstes
confrères, a trouvé chez elles, les soins de la plus tendre, de la
plus constante, de la plus généreuse humanité, sans qu’il s’y
soit mêlé d’autre sentiment que celui de la bienfaisance. »
Si, d’après Hilliard d’Auberteuil, trois mille Blancs
célibataires vivent en concubinage avec des filles de couleur,
les hommes mariés les prennent aussi pour maîtresses.
Plusieurs, même, tel le marquis de Rouvray, les emmèneront
lors du soulèvement de Saint-Domingue.
Ces femmes ne se contentent pas de jouer les
« ménagères », souvent elles ouvrent boutique, accédant
parfois à la richesse. Le galant Laujon évoque, encore ému, la
mulâtresse Marie Lo*** pour qui il se battit en duel à Saint-
Marc : « Sa fortune paraissait être considérable ; elle avait
vécu plusieurs années avec un négociant nouvellement parti
pour France et qui lui donnait des intérêts dans ses plus belles
affaires. Le plus riche magasin de Saint-Marc était le sien.
Douze servantes, toutes bonnes marchandes, parcouraient la
ville et les alentours : et comme il n’arrivait pas de cargaisons
qu’elle n’eût le premier choix, ses marchandises étaient fort
recherchées. Son amant était en voyage ; la nature de ses
affaires exigeait de fréquentes absences. Nombreuse société se
trouvait tous les soirs chez elle. Je m’y étais arrêté quelquefois
et m’en étais toujours tenu dans la conversation à ces sortes de
galanteries qui entraient dans les goûts. Il lui arrivait, de temps
en temps, de donner de fort jolis soupers : son cuisinier
excellait dans certains mets à la créole ; et je fus surpris un
jour de recevoir une invitation pour le premier. Je n’y manquai
pas. La chère était succulente et le bordeaux et le champagne
n’avaient pas été ménagés. »
Le métis, lui, appartient à une autre anthropologie, à celle
du Juif et du Nègre. Dans ces classes, le Français adopte les
femmes, mais rejette les hommes. Phénomène qui n’a pas
échappé au colon nantais : « Le commerce que les Européens
ont avec les mulâtresses, note-t-il justement, leur attire une
sorte de considération ; on se permet de les voir en société, de
manger avec elles ; mais on ne permet pas aux mulâtres le
moindre rapprochement. On ne rougit pas quelquefois de
souffrir les familiarités d’une friponne de mulâtresse, et l’on
rougirait de faire accueil au plus honnête mulâtre. »
Plus bas dans l’échelle sociale, le cas de Pierre Bernard,
gérant de la caféterie de son oncle, J.B. Andrault, en voyage en
France. Depuis deux ans il vit avec une jeune mulâtresse,
quand un jour de mai 1789, le patriarche reçoit une lettre de
son neveu : « Excusez, cher oncle, si je ne vous écris pas plus
long : je suis accablé de chagrin. Je viens de perdre ma petite
Madeleine… Il faut croire que je suis un être bien malheureux.
Tous les malheurs que j’ai éprouvés l’assurent. Quand plaira-t-
il à l’être Suprême de mettre fin à mon infortune ou à ma
carrière, ou que ne me donne-t-il un cœur de bronze pour y
résister ? Les larmes qui coulent sur mon papier m’empêchent
d’écrire davantage 22… » Un an plus tard, Pierre Bernard sera
toujours inconsolable ; comme quoi le sentiment transgressait
le dogme racial quand il voulait.
Pour trois paroisses du Sud de l’Ile (Jacmel, les Cayes de
Jacmel et le Fond des Nègres), J. Houdaille a établi de manière
assez précise la proportion des mariages inter-raciaux, non
compris les concubinages :
Avant 1730 17 %
1731-1740 8%
1741-1750 17 %
1751-1760 17 %
1761-1770 20 %
1771-1780 13 %
1781-1790 17 %
Les mésalliés.
Les aventures, les liaisons entre Européens et femmes au
teint d’ombre sont le lot de chaque jour. Les mariages entre
Blancs et filles de couleur semblent assez répandus malgré la
rigueur du « préjugé » qui faisait du mari un « mésallié »,
ravalé au rang des mulâtres, donc incapable de prétendre aux
postes publics, ni de servir dans la milice blanche. A ce propos
Hilliard d’Auberteuil remarque : « Il y a dans la colonie
environ trois cents hommes blancs mariés à des filles de sang-
mêlé ; plusieurs sont nés gentilshommes ; ils rendent
malheureuses ces femmes que la cupidité leur a fait épouser ;
ils sont eux-mêmes plus malheureux encore, quoique dignes
de pitié… Est-il rien de plus accablant pour des pères que de
donner l’être à des enfants incapables de remplir aucune
fonction civile et condamnés à partager l’humiliation des
esclaves 25 ? »
Même un petit Blanc, Besselère, simple employé sur une
plantation, écrit le 9 février 1784 : « Nous faisons dans ce
pays-ci très peu de cas des personnes qui se mésallient. M. de
Pons, se trouvant dans cette classe, se trouve exclu de l’estime
publique. Cependant il est fort riche et cette qualité lui donne
accès auprès de quelques personnes3 26. »
La discrimination s’affirme d’autant plus
rigoureusement — mais jusqu’à quel point ? — que les ordres
sont impératifs. On en trouve dès le règne de Louis XIV. Le 26
décembre 1706, Jérôme de Ponchartrain signifie au
gouverneur-général des Iles que le Roi ne veut pas que les
lettres de noblesse de quelques gentilshommes « soient
examinées, ni reçues, puisqu’ils ont épousé des mulâtresses ».
Cependant, Jacques Trutié, seigneur de Vaucresson, obtint
malgré sa mésalliance, et après quelques difficultés, que les
Cours enregistrent, en 1775, ses lettres de secrétaire du Roi en
la chancellerie d’Aix-en-Provence 27. Le Code Noir de 1685
n’avait pas interdit les mariages inter-raciaux mais sans pour
autant les faciliter. Simplement il avait prévu qu’un Blanc
serait tenu d’épouser sa concubine noire et esclave, à condition
qu’il fût célibataire. Et, par cette union l’épouse accédait à la
liberté. Malgré la vanité de cette prescription, le Code de
Louisiane éprouvera le besoin de proscrire formellement aux
Blancs des deux sexes « de contracter mariage avec les Noirs,
à peine de punition et amende arbitraire ».
Mais la Louisiane est une colonie pauvre, une espèce de
Guyane de l’Amérique septentrionale. Aussi les procédés
qu’on utilise avec elle, on les épargne aux riches Iles à sucre.
La conséquence ? L’interdiction du mariage inter-racial aux
Iles ne procédera pas d’une ordonnance royale ni d’un
règlement des administrateurs locaux mais de l’usage que
nourrissent à la fois l’opinion et la correspondance
ministérielle. Le 18 octobre 1731, Maurepas explique à ses
agents qu’il ne veut pas d’un texte officiel que lui conseille La
Rochalard, ancien gouverneur-général de Saint-Domingue. Il
faut exclure les mésalliés des emplois, mais sans
« déclaration ». Cette marginalisation officieuse « pourrait
attirer les réflexions de ceux qui n’ont point encore contracté
ces alliances déshonorantes, et produire un bon effet 28 ».
Cette stratégie du clair-obscur restera celle de l’Ancien
Régime jusqu’à son terme. En effet, elle présentait des
avantages certains. L’adoption d’une loi interdisant les unions
mixtes dans les colonies, comme Louis XVI le fera pour la
métropole, serait revenue à reconnaître qu’elles existaient et
par là à ouvrir la porte à la contestation de la primauté blanche.
Ensuite, la technique du silence législatif et réglementaire
évite aux administrateurs d’agir au grand jour et avec fracas, et
leur permet d’opérer en sous-main, affaire après affaire. En
effet le mutisme de la loi et du règlement n’empêche pas le
ministre ni ses représentants de lutter contre la prolifération
des mariages inter-raciaux, avec efficacité, chaque fois qu’ils
le jugent utile.
Le 7 décembre 1733, le gouverneur-général de Fayet,
transmettant les instructions de Versailles, fait savoir au
gouverneur de la Partie du Nord qu’il convient que « tout
Habitant qui se mariera avec une Négresse ou une mulâtresse
ne puisse être officier, ni possède aucun emploi dans la
colonie 29 ». Vraisemblablement l’administrateur capois fit-il la
sourde oreille à cette conjonction, car Fayet la réitère l’année
suivante, le 26 juin 1734 30.
Le 27 mai 1771, à la suite du mariage de M. de Laage avec
une créole métissée, le ministre instruit les administrateurs : Sa
Majesté a jugé « qu’il importait au bon ordre de ne pas
affaiblir l’état d’humiliation attaché à l’espèce dans quelque
degré qu’elle se trouve, préjugé d’autant plus utile qu’il est
dans le cœur même des esclaves, et qu’il contribue
principalement au repos des colonies ». Bourgeois de Boynes
ajoute : le Roi « vous recommande de ne favoriser sous aucun
prétexte les alliances des Blancs avec les filles de sang-mêlé…
M. le marquis de Laage, capitaine d’une compagnie de
dragons, qui a épousé en France une fille de sang-mêlé, et qui
par cette raison ne peut plus servir à Saint-Domingue, vous
prouve combien sa Majesté est déterminée à maintenir le
principe qui doit écarter à jamais les gens de couleur et leur
postérité de tous les avantages attachés aux Blancs 31. » Enfin,
Sartine, le 25 septembre 1774, confirme la doctrine relative
aux mésalliés : « Il est important de maintenir dans les
colonies les principes qui y sont établis contre le sang-mêlé »,
notamment il convient que les Conseils Supérieurs
n’enregistrent pas les titres de noblesse des enfants issus
d’union inter-raciale.
Ces instructions, dont la sévérité fait écho à la rigueur du
principe discriminatoire, reflète davantage l’idéologie
dominante que la réalité des plaines et des mornes. Dans leur
comportement collectif, les Blancs de Saint-Domingue,
incontestablement, adhèrent à un racisme intransigeant, mais
dans leur vie privée ils transgressent les interdits doctrinaux
cédant aux appels de l’instinct, du plaisir, du cœur, ou de
l’intérêt. On ferme donc les yeux sur les mariages de
quarteronnes conduites à l’autel par un père européen ; et sur
le registre de l’état-civil, on peut oublier de porter la funeste
mention qui rappellerait la condition de femmes de couleur
libres. Ainsi, pas de clameurs, quand Benoît Monestier, maître
chirurgien, épouse, le 26 septembre 1788, au vu et au su de
tous, la quarteronne Marguerite Rosalie, fille de Louis Bazille,
propriétaire au Petit Goave et à la Gonaye.
Le combat mené contre les mésalliances et, par voie de
conséquence, contre les gens de couleur libres, s’enflamme
étrangement juste avant trois conflits inter-continentaux, les
guerres de Succession d’Autriche, de Sept ans et
d’Indépendance des États-Unis. Or à ces trois affrontements
politiques se superposent trois saillies économiques :
ascension du sucre, ascension du café, apogée des sucres et
cafés. Dans les colonies, ces trois périodes s’annoncent et se
prolongent, sur le plan social, par une espèce de redistribution
des cartes, par des réajustements opérés au profit des Blancs.
Un ministre, cependant, songea à aller à contre-courant, un
robin, pour une fois réformateur, Rouillé de Jouy, successeur
de Maurepas, disgrâcié.
Ainsi, le 14 juin 1755, peu avant de céder son fauteuil, dans
une lettre au gouverneur-général et à l’intendant de Saint-
Domingue, Vaudreuil et Laporte-Lalanne, après avoir souscrit
au conformisme doctrinal en mentionnant, à propos des unions
entre Blancs et non-Blancs, « qu’il est très intéressant de ne
pas laisser aux gens qui tiennent à l’esclavage des perspectives
capables de leur faire oublier leur origine », il change de ton et
adopte un langage neuf et ferme. « Rien n’est plus important,
explique-t-il, que de profiter de tous les moyens qui peuvent se
présenter pour peupler la colonie, surtout de ce qu’on appelle
petits habitants, qui sont pour ainsi dire les seuls qui puissent
la fortifier jusqu’à un certain point ». Sous prétexte que le
volume des populations libres, Blancs et autres, stagne ou ne
progresse que trop faiblement, voilà que Rouillé met en cause
le préjugé de couleur, c’est-à-dire, le racisme, l’une des clés de
voûte du système colonial ! Pas de philosophie dans cette
préoccupation, mais un réalisme d’administrateur aux
conséquences idéologiques révolutionnaires. Il expose son
projet à ses deux subordonnés. Ne pourrait-on pas pour
relancer la démographie des catégories qui dominent le monde
servile « permettre de certaines alliances avec des Nègres ou
mulâtres affranchis en prenant des précautions pour concilier
tous les objets relatifs à un tel arrangement » ? Cette
interrogation porte en elle sa réponse, la conviction du
ministre et ses ordres prochains : « C’est une idée qui me
paraît devoir être approfondie, insiste le chef de la Marine et
des Colonies, et je me propose de la faire entrer dans une
dépêche que je vous écrirai incessamment sur les dispositions
qu’il peut y avoir à faire pour l’augmentation des habitants de
Saint-Domingue 32. »
Cette stratégie explosive que Rouillé échafaudait dans le
silence de son cabinet, sera ensevelie par Machault qui
accédera au ministère à peine un peu plus d’un mois après la
rédaction de la lettre du 15 juin. Cette véritable révolution eût
bouleversé l’esprit colonial, créé des tensions vives entre
Européens et mulâtres ou Nègres libres. Mais inscrite dans les
faits, elle aurait peut-être modifié l’évolution historique de
Saint-Domingue.
Le procès
Première partie
CHAPITRE 1
1
A.N. Colonies F5 B 23.
2
A.N. Z 1 D 134 et A.N. Z 1 D 27.
3
A.N. Z 1 D 134 et A.N. Z 1 D 27.
4
A.N. Z 1 D 134 et A.N. Z 1 D 27.
5
A.N. Z 1 D 134 et A.N. Z 1 D 27.
6
A.N. Z 1 D 134.
7
Les colons pratiquaient couramment l’étampage sur les
Nègres, nés en Afrique. Les esclaves créoles, nés à Saint-
Domingue, ainsi que les mulâtres échappaient souvent à cette
coutume.
8
Comme on le verra plus loin, l’édit d’octobre 1716 et la
Déclaration du Roi du 15 décembre 1738, avaient frappé de
caducité la coutume selon laquelle toute personne serve
recouvrait la liberté en touchant le sol de France.
9
« Les Régnicoles, sont les naturels Français, qui sont nés
sujets du Roi. L’état des personnes ne consiste pas seulement à
jouir de la liberté naturelle ; il comprend encore les droits de
citoyen. C’est-à-dire tous les avantages qui nous sont donnés
par les Lois de l’État. Ces droits consistent à pouvoir intenter
des actions en Justice, à pouvoir succéder, comme aussi à
pouvoir disposer de ses biens par testament, à pouvoir
posséder des Offices et des Bénéfices dans ce Royaume. Les
régnicoles, qui ne sont pas morts civilement, jouissent de tous
ces avantages : en quoi ils diffèrent des étrangers, qui étant
dans ce Royaume peuvent à la vérité y acquérir des biens, et
en disposer entre-vifs ; mais ils ne peuvent pas tester, ni
posséder des offices ou des Bénéfices dans ce Royaume, ni
jouir des autres effets civils, à moins qu’ils n’aient obtenu des
lettres de naturalité. » (Claude-Joseph de Ferrière,
Dictionnaire de Droit et de Pratique, Paris 1771, tome II,
p. 532.)
10
L’Amirauté de France était une juridiction composée de
nombreux tribunaux fixés à Paris et en province, qui avaient
compétence pour juger des causes relatives au commerce et au
trafic maritimes, à la pêche, aux crimes et délits commis dans
les ports, etc.
11
A.N. Z 1 D 134.
CHAPITRE II
1
Théophile Malvezin, Histoire des Juifs de Bordeaux,
Bordeaux, 1875, pp. 171 et 186.
2
A. Cohen, Les Juifs dans les colonies françaises au XVIIIe
siècle, Paris, 1883, p. 28.
3
Sur le Petit-Goâve, cf. Description de la partie française de
l’isle de Saint-Domingue, par Moreau de Saint-Méry, édition
Maurel et Taillemite, Paris 1958, tome III.
4
A l’intention des lecteurs qui s’interrogeraient sur l’éventualité
d’une parenté entre Pierre Mendès France et Isaac Mendès
France, précisons que le négociant bordelais est un ascendant
collatéral de l’ancien Président du Conseil. Sur les « racines »
du chef de gouvernement de la IVe République, on consultera :
Jean Lacouture — Pierre Mendès France, Le Seuil, 1981.
Deuxième partie
CHAPITRE I
1
Isambert, Recueil général des anciennes Loix françaises,
Paris, 1828, tome 13, p. 173.
2
Cité par Th. Malvézin, Histoire des Juifs de Bordeaux,
Bordeaux, 1875, pp. 110-111.
3
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions des colonies
françaises de l’Amérique sous le vent, Paris 1786, tome 5,
pp. 715-716.
4
P. Butel — Contribution à l’étude des négociants juifs de
Bordeaux et de Bayonne : le cas de la maison Azevedo,
Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de
Bayonne, 1981-1982.
5
D’après David Feuerwerker, il vivait à Bordeaux, quand éclata
la Révolution, 215 familles, soit environ 1200 Juifs.
(L’émancipation des Juifs en France. De l’Ancien Régime au
Second Empire, Paris 1976, p. 394).
6
D’après Th. Malvézin, Histoire des Juifs de Bordeaux,
pp. 186-187.
7
P. Butel et J.-P. Poussou, La vie quotidienne à Bordeaux au
XVIIIe siècle, Paris, 1980.
8
Isaac Pinto, Réflexions critiques sur le premier chapitre du
VIIe tome des œuvres de Monsieur de Voltaire, au sujet des
Juifs (s.l.n.d.)
9
Dictionnaire de cas de conscience, par Jean Pontas, prêtre,
Paris 1741, tome 2, p. 1072.
10
Alors que Condorcet centrait son action sur la défense des
esclaves et des protestants, Grégoire se dévoua à la cause des
Juifs et des gens de couleur. On lui doit une série de
publications. Au sujet des Juifs : Essai sur la régénération
physique, morale et politique des Juifs, ouvrage couronné par
l’Académie royale des Sciences et des Arts de Metz, le 23 août
1788, Metz 1789 ; Motion en faveur des Juifs, par M.
Grégoire, curé d’Emberménil, député de Nancy, précédée
d’une notice historique sur les persécutions qu’ils viennent
d’essuyer en divers lieux, notamment en Alsace, et sur
l’admission de leurs députés à la barre de l’Assemblée
Nationale, Paris, 1789. Au sujet des métis des îles : Mémoire
en faveur des gens de couleur ou sang-mêlé de Saint-
Domingue et des autres îles françaises de l’Amérique, adressé
à l’Assemblée Nationale, Paris, 1789 ; Lettres aux
philanthropes sur les malheurs, les droits et les réclamations
des gens de couleur de Saint-Domingue et des autres îles
françaises de l’Amérique, Paris, 1790 ; Lettres aux citoyens de
couleur et Nègres libres de Saint-Domingue et des autres îles
françaises de l’Amérique, Paris, 8 juin 1791.
11
Pierre-Louis Lacretelle, Plaidoyers, Bruxelles, 1775, pp. 32-
35.
12
Voltaire, Mélanges, coll. La Pléiade, Paris 1961 (Examen
important de Milord Bolingbrote, ou le tombeau du fanatisme,
écrit sur la fin de 1736), p. 1019.
13
Voltaire, Dictionnaire philosophique, éd. Garnier, Paris 1967
(Histoire des rois juifs et paralipomènes), pp. 233-234.
14
Voltaire, Mélanges (Examen de Milord Bolongbroke), p. 1098.
15
Voltaire, Mélanges (La défense de mon oncle), p. 1173.
16
Voltaire, Mélanges (Examen de Milord Bolingnroke),
pp. 1015-1016.
17
Voltaire, Dictionnaire philosophique (Job), p. 260.
18
Voltaire, Mélanges (Sermon du Rabin Akib, prononcé à
Smyrne le 20 novembre 1761), p. 454.
19
Diderot, Mémoires pour Catherine II, Garnier, Paris, 1966,
pp. 101 et 107.
20
Voyages en France de François de la Rochefoucauld (1781-
1783), par Jean Marchand, Paris, tome 1, p. 201.
21
Marlin, Voyages en France et pays circonvoisins, depuis 1775
jusqu’en 1807, Paris 1817, tome I, pp. 47 à 49. La littérature
de colportage injecte l’antisémitisme à petite dose dans les
milieux populaires a remarqué R. Mandrou (De la culture aux
XVIIe et XVIIIe siècles, Paris 1975). Ainsi l’enfant sage à trois
ans, petit catéchisme à grand tirage, note que les Hébreux sont
« mauvais » (p. 96), tandis qu’un autre livret dénonce dans les
Juifs des individus « ingrats, infidèles et cruels » (p. 176).
22
Montesquieu, Œuvres complètes, Collection la Pléiade, tome I,
p. 1561.
23
J.-L. Ménétra, Journal de ma vie, présenté par Daniel Roche,
Paris, 1982.
24
L’affaire Peschaud est rapportée par Claude Grimmer, in Vivre
à Aurillac au XVIIIe siècle, Aurillac, 1983.
25
P. Goubert et M. Denis, 1789 ; les Français ont la parole,
Paris, 1964.
26
Passant par Amiens, Arthur Young note dans son journal de
voyage : « Picquigny a été le théâtre d’une curieuse affaire, qui
fait grand honneur à l’esprit de tolérance de la nation
française. Un Juif, M. Colmar, acheta au duc de Chaulnes la
seigneurie et la propriété, comprenant le vicomte d’Amiens,
qui lui confère le droit de désigner les chanoines d’Amiens.
L’évêque s’opposa à l’exercice de ce droit ; l’affaire vint en
appel devant le Parlement de Paris, dont le jugement se
prononça en faveur de M. Colmar » (Voyages en France, Paris
1976, tome I, pp. 78-79). Le pénétrant observateur des plantes
fourragères ne cite là que l’exception qui confirme la règle. Il
aurait dû remarquer que la richesse, et elle seule, rendait au
Juif les droits que la législation et les mœurs s’ingéniaient à lui
chicaner, quand ce n’était pas à lui refuser.
27
Scaramuzza, Les Juifs d’Alsace doivent-ils être admis aux
droits de citoyens actifs ? 1790.
CHAPITRE II
1
Bibliothèque municipale de Metz, Ms. 1340. Manuscrit
mentionné par D. Feuerwerker.
2
A.N. Colonies C9 B 21.
3
A.N. Colonies F3 9 2.
4
C’est-à-dire les colons.
5
Plantations.
6
L’Espagnol désigne la partie orientale de Saint-Domingue,
colonie sous la domination de la Cour de Madrid.
7
A.N. Colonies C9 A 127.
8
Ch. Frostin, Un jeune créole de Saint-Domingue à la
recherche de la fortune : Louis-Joseph Raboteau, 1809-1822.
9
Michel Lopez de Pas accéda plus tard aux fonctions publiques.
Le 1er décembre 1723, il fut nommé conseiller au Conseil
Supérieur de Petit-Goâve. Des méchants, rapporte Moreau de
Saint-Méry, ont prétendu qu’il était mort dans la religion
judaïque, quoiqu’il l’eût abjurée. De là ce mauvais quatrain
Michel a terrassé le Diable
On dit pour lui des Oremus
Mais serait-il encore chomable
Si Satan reprenait le dessus ?
10
A.N. Colonies F3 92.
11
Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements
et du commerce des Européens dans les deux Indes, Londres
1792, tome XII, p. 133.
12
A.N. Colonies F3 92.
13
A.N. Colonies C9 B 29.
14
J. de Maupassant, Un grand armateur de Bordeaux, Abraham
Gradis (1699-1780), Bordeaux, 1917, p. 144.
15
A.N. Colonies B 7, folio 59.
16
A.N. Colonies B 18, folio 28.
17
Moreau de Saint-Méry, Lois et constitutions, tome 4, p. 66.
18
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome VI,
p. 234.
19
A.N. Colonies F3 92.
20
A.N. Colonies F3 92.
21
A la commission qu’il avait créée pour examiner le problème
des Israélites en France, Malesherbes avait invité deux
Portugais, Furtado et Gradis ainsi qu’un Alsacien, Cerfberr.
CHAPITRE III
1
A.N. Colonies B28, folio 63.
2
A.N. Colonies B31, folio 467.
3
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome II,
pp. 525 et 5.
4
A.N. Colonies F3 79.
5
A.N. Colonies F3 90, sur les correspondances précitées de
1752-1754.
6
A.N. Colonies F3 90.
7
C. Schnakenbourg, La Guadeloupe au lendemain de la
période anglaise, d’après le mémoire du procureur général
Coquille (1763), « Bulletin de la Société d’Histoire de la
Guadeloupe », 1969.
8
A.N. Colonies C9 B 21.
9
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome V,
pp. 267-268.
10
Élisabeth, Les problèmes des gens de couleur à Bordeaux sous
l’Ancien Régime (1716-1787), Mémoire de la Faculté des
Lettres de Bordeaux, 1955.
11
A. Corvisier, Les soldats noirs du maréchal de Saxe,
« RFHOM », 1968.
12
Cité par Gaston-Martin, Nantes au XVIIIe siècle — L’ère des
négriers (1714-1774), Paris, 1931, p. 162.
13
Cité par Gaston-Martin, Nantes au XVIIIe siècle, pp. 162-163.
14
Louis Dermigny, Saint-Domingue et le Languedoc au XVIIIe
siècle, « Revue d’Histoire des Colonies », 1954.
15
Gaston-Martin, Nantes au XVIIe siècle, p. 160.
16
Les deux affaires, qui suivent, figurent dans : Arlette Farge,
Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1979.
17
J. Cauna, Une habitation de Saint-Domingue à la fin du XVIIIe
siècle. La sucrerie Fleuriau de Bellevue, Thèse
dactylographiée, 2 vol., Poitiers, 1983.
18
J.-V. Delacroix, Le spectateur français avant la Révolution,
Paris, An 4, pp. 106 à 109 (réédition de : Peinture du siècle
Paris, 1777).
19
Le chevalier de Boufflers notait dans son premier Journal
d’Afrique, tenu à l’intention de la comtesse de Sabran, sa
maîtresse : « J’achète en ce moment une petite Négresse de
deux ou trois ans pour l’envoyer à madame la duchesse
d’Orléans. Si le bâtiment qui doit la porter tarde quelque temps
à partir, je ne sais pas comment j’aurai la force de m’en
séparer. Elle est jolie, non pas comme le jour, mais comme la
nuit. Ses yeux sont comme de petites étoiles, et son maintien
est si doux, si tranquille, que je me sens touché aux larmes en
pensant que cette pauvre enfant m’a été vendue comme un
petit agneau. Elle ne parle pas encore, mais comprend tout ce
qu’on lui dit. »
20
Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes, Paris,
1747, tome 13, p. 584.
21
22
Mémoire signifié pour le nommé Francisque, Indien de nation,
néophyte de l’Église romaine, intimé ; contre le sieur Allain-
François-Ignace Brignon, se disant Ecuyer, appelant ; Joly de
Fleury, avocat général, De la Roue, avocat, Collet, procureur,
Paris, 1759, pp. 25-26.
23
Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts
et des métiers, 1780, tome 34, p. 216.
24
In Le More-Lack, 178, p. VII.
25
Buffon, Œuvres complètes, Paris 1819, tome X, pp. 481-482.
26
J. de La Vallée, Le Nègre comme il y a peu de Blancs, Madras
1789, tome III, pp. 188-189.
27
Réflexions sur l’esclavage des Nègres, Neuchâtel, 1788
(réédition de l’ouvrage paru en 1781), p. 1. Ce texte, publié
sous pseudonyme ne reparaîtra sous le nom de Condorcet, que
sous la Restauration.
28
De l’esprit des lois, in Œuvres complètes, Collection de la
Pléiade, Paris, 1951, tome II, p. 492.
CHAPITRE IV
1
Bory (M. de), Mémoires sur l’administration de la Marine et
des Colonies, Paris, 1789.
2
R.P. Pelleprat, Relations des PP de la Compagnie de Jésus
dans les Îles et la Terre Ferme de l’Amérique Méridionale,
Paris, 1655, p. 56.
3
Mazères, De l’utilité des colonies. Des causes intérieures de la
perte de Saint-Domingue, et des moyens d’en recouvrer la
possession, Paris, 1814, p. 62.
4
Anonyme, Réflexions sur la colonie de Saint-Domingue, Paris,
1796, pp. 59-63.
5
Malenfant, Des colonies et particulièrement de celle de Saint-
Domingue, Paris, août 1814, p. 172.
6
Comte de Ségur, Mémoires ou souvenirs et anecdotes, Paris,
1824, tome I, p. 519.
6 bis. Le chevalier de Cotignon a-t-il vraiment été, à la fois,
témoin et acteur de cette scène ? L’acharnement de rapaces
dévorant un homme vivant aux Iles du Vent est déjà pour
surprendre. Davantage, cette histoire du Nègre à la cage
rappelle étrangement celle rapportée dans Les lettres d’un
cultivateur américain par Saint-John de Crèvecœur qui, lui-
même, ne faisait que citer un témoignage. Cette atrocité émut
beaucoup l’opinion ; aussi fut-elle reprise et adaptée par
différents auteurs appartenant au courant antiesclavagiste, et
devint un thème littéraire. Quoi qu’il en soit, vraie ou fausse,
cette anecdote ne change rien au fond du problème.
7
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions, tome II, p. 232.
8
Moreau de Saint-Méry, Loix et Constitutions, tome III.
9
Moreau de Saint-Méry a réuni de nombreuses pièces sur les
châtiments. On les trouve à A.N. Colonies F3 90 (Affaires
Cassarouy, Dessources, Jouanneault, Le Jeune).
10
Girod de Chantrans, Voyages d’un Suisse dans différentes
colonies d’Amérique, pendant la dernière guerre, 1786 ; rééd.
présentée par P. Pluchon, Tallandier, 1980.
11
Hilliard d’Auberteuil, Considérations sur l’état présent de la
colonie française de Saint-Domingue, 1776-1777, tome II,
p. 73.
12
M. Satineau, Histoire de la Guadeloupe sous l’Ancien Régime,
Paris, 1928, p. 359.
13
A. de Laujon, Souvenirs de trente années de voyage à Saint-
Domingue, dans plusieurs colonies étrangères, et au continent
d’Amérique, 1835, tome I, p. 120.
14
A.N. Colonies C9 A 66.
15
A.N. Colonies F3 91. Ce registre traite longuement des sang-
mêlé.
16
A.N. Colonies C9 A 148.
17
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome V, p. 397.
18
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome VI,
pp. 491-492.
19
A.N. Colonies B 192.
20
Milscent, Du régime colonial, Paris, 1791, p. 6.
21
J. Cauna. Une habitation à Saint-Domingue… op. cit.
22
G. Debien, La fortune et la famille d’un colon poitevin. Une
caféière à Saint-Domingue (1770-1803) ; « Notes d’Histoire
coloniale », n° 180.
23
J. Houdaille, Trois paroisses de Saint-Domingue au XVIIIe
siècle. « Population », 1963, n° 1.
24
A.N. Colonies F3 91.
25
Hilliard d’Auberteuil, Considérations…, tome II, p. 79.
26
G. Debien, A Saint-Domingue avec deux jeunes économes de
plantation (1774-1788), « Notes d’Histoire coloniale », n° VII.
27
A.N. Colonies E 381 bis.
28
A.N. Colonies F3 91.
29
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome III,
p. 382.
30
A.N. Colonies F 79.
31
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions…, tome V, p. 536.
32
A.N. Colonies F3 79.
33
Marcel Châtillon, Pierre Corneille Blessebois, le poète
galérien de Capesterre, « Bulletin de la Société d’Histoire de
la Guadeloupe », 1976.
34
Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions, tome II, pp. 114-
115.
35
Charles Frostin, Angevins de modeste condition établis à
Saint-Domingue, « RFHOM », 1970.
36
Ce passage ne figure que dans la première édition du Voyage
aux Isles, la moins répandue. A ce propos, voir Marcel
Châtillon, Le Père Labat à travers ses manuscrits, « Bulletin
de la Société d’Histoire de la Guadeloupe », nos 40-42, 1979.
37
Général Pamphile de Lacroix, Mémoires pour servir à
l’histoire de la révolution de Saint-Domingue, Paris, 1819,
tome II, pp. 104-105. Cette affaire est aussi rapportée par
Norvins, dans son Mémorial, 1896, tome II, pp. 376-377.
38
Lettres de Madame P… née C…, à la Grande-Rivière, et
habitante au Trou, Quartier du Cap-Français, Isle Saint-
Domingue. A Monsieur L… Habitant au Cap-Français. Le
Cap-Français, 1782. Cette nouvelle, qui à peu près
certainement fut imprimée en Europe et non à l’Antille, nous a
été aimablement communiquée par Marcel Châtillon.
39
40
Richard, Les minutes des notaires de Saint-Domingue aux
archives du ministère de la France d’Outre-mer, « Revue
d’histoire des colonies », 1951. — L. Abénon, La révolte
avortée de 1736 et la répression du marronnage à la
Guadeloupe, « Bulletin de la Société d’histoire de la
Guadeloupe », 1983.
41
M.Begouen-Demeaux, Stanislas Foäche, négociant de Saint-
Domingue, Paris, 1951, p. 110.
42
[Anonyme], Histoire des désastres de Saint-Domingue, Paris,
1795, pp. 94-95.
43
Ces réclamations sont citées par L. Élisabeth, dans St-Pierre,
août 1789, Compte rendu des travaux du colloque de Saint-
Pierre de 1973, 1975, et par Pierre Dessalles, dans son
Historique des troubles survenus à la Martinique, présentée
par H. de Frémont, Fort-de-France, 1982.
Troisième partie
CHAPITRE 1
1
Mémoire signifié pour le nommé Francisque, Indien de nation,
pp. 24-26.
2
A.N. Z 1 D 27.
3
A.N. Z 1 D 134.
4
Henrion de Pansey, Mémoires pour le nommé Roc, Nègre,
contre le sieur Poupet, Négociant, Paris, 1770.
5
Gayot de Pitaval, Causes célèbres et intéressantes…, Paris,
1747, tome 13.
6
A.N. Colonies F3 79.
CHAPITRE II
1
A.N. Z 1 D 34.
2
A.N. Colonies, Collection Moreau de Saint-Méry, F1 B 1.
3
E. Petit, Traité sur le gouvernement des esclaves, Paris, 1777.
4
A.N. Colonies F3 91.
5
A.N. Colonies F3 90.
6
A.N. Colonies F3 90.
7
Ces indications nous ont été aimablement communiquées par
M.G. Debien.
8
Louis Tricot, Un Procureur tourangeau à Saint-Domingue,
« Bull. de la Société archéologique de Touraine », 1976, p. 41.
ÉPILOGUE
1
Allant très loin, le clergé bordelais réclamera, parmi les
doléances présentées au roi lors de la convocation des États-
Généraux, la suppression de la traite et de l’esclavage, d’où la
capitale de l’Aquitaine tirait l’essentiel de sa richesse.
2
Pour mémoire, que l’on se souvienne que Marx, père du
socialisme scientifique, et Proudhon, fondateur du socialisme
humaniste, étaient tous deux antisémites.
Annexes
II
Sartine
III
IV
Chant
I. — Manuscrits
II. — Imprimés
a
Le sieur Mendès a quitté Bordeaux après avoir déposé son
bilan. Il vante aujourd’hui sa richesse et les possessions qu’il a
acquises dans le nouveau monde. Son commerce a sans doute
été plus heureux en Amérique qu’il ne l’avait été en Europe.
Mais il est certain qu’avant d’aller dans les Colonies, il a
déposé son bilan à Bordeaux ; la copie en a été communiquée
à son défenseur (note des défenseurs).
b
Le sieur Mendès a exposé, pour obtenir sa liberté, que l’air
malsain de la prison mettait sa santé en danger. Cependant,
tandis qu’il invoquait les lois de l’humanité pour rompre ses
fers, il abandonnait son malheureux Nègre. On verra dans la
suite qu’il était indispensable de rendre compte de cet
événement ; et le sieur Mendès doit savoir gré de ce qu’on ne
rappelle pas la cause du décret de prise de corps qui a été
prononcé contre lui (note des défenseurs).
c
Me Dejunquières ne s’en est point rapporté à la déclaration
seule de Pampy et de Julienne ; les mauvais traitements
exercés par le Mendès envers ses Nègres, lui ont été attestés
par tous les voisins de ce Juif. Il s’est alors déterminé à
secourir ces deux victimes de leur Maître (note des
défenseurs).
d
Tous les faits, dont on vient de rendre compte, ont été plaidés,
et ils ont été insérés dans les requêtes qui ont été présentées
pour les consultants (note des défenseurs).
e
Le sieur Mendès a fait dire à Me Dejunquières, que si Pampy
et Julienne n’abandonnaient pas leur demande en liberté, ils
éprouveraient un jour des effets terribles de sa vengeance (note
des défenseurs).
f
Levit. chap. 25 verset 39 (note des défenseurs).
g
Deuteron. chap. 15. Levit. chap. 25 (note des défenseurs).
h
Plutarque, De superstitione, tome I, page 66 (note des
défenseurs).
i
Si le sieur Mendès était curieux de vérifier cette citation, il la
trouvera à la page 28 du recueil des plaidoyers de M. de la
Cretelle fils, Avocat au Parlement de Nancy, imprimé en 1775
(note des défenseurs).
j
Si le sieur Mendès, en ne remplissant point la formalité de
l’enregistrement au Greffe de la Table de Marbre, a non
seulement enfreint la Déclaration de 1738, il a encore violé à
l’Ordonnance de l’Amirauté de France du 5 Avril 1762. Les
motifs de cette Ordonnance ont été puisés dans la Religion,
l’humanité et les lois du Royaume, et ils sont développés dans
le réquisitoire du Ministère public qui le précède, avec cette
éloquence dont le Magistrat qui doit porter la parole dans cette
cause, a donné des exemples toutes les fois qu’il a défendu les
droits de la Religion, de l’humanité et de la liberté (note des
défenseurs).
k
Le sieur Mendès a fait un reproche à Me Dejunquières d’avoir
prêté le secours de son ministère à deux malheureux. Le
désintéressement et la générosité avec lesquels il les défend,
peuvent surprendre le sieur Mendès ; mais ils n’en font pas
moins honneur au Curateur de Pampy et de Julienne, et le
reproche du sieur Mendès est un éloge pour Me Dejunquières
(note des défenseurs).
l
Le sieur Mendès qui conteste à Pampy et à Julienne la faculté
d’ester en Jugement, n’a pas fait attention que sa qualité de
Juif le privait du droit de réclamer les lois qui ont été faites
pour les Colonies, puisque par une loi précise, Louis XIV a
voulu qu’on en chassât les Juifs, et que, si malgré cette défense
ils y restaient, leurs corps et leurs biens fussent confisqués.
C’est la disposition formelle de l’article premier de l’Édit du
mois de Mars 1685. « Voulons et entendons (porte cet article)
que l’Édit du feu Roi, du 23 avril 1615 fait exécuté dans nos
isles ; ce faisant, enjoignons à tous nos Officiers de chasser
hors de nos isles, tous les Juifs qui y ont établi leur résidence,
auxquels, comme ennemis du nom Chrétien, nous
commandons d’en sortir dans trois mois, à compter du jour de
la publication des présentes, à peine de confiscation de corps
et de biens » (note des défenseurs).
m
Le sieur Mendès a menacé de faire arrêter Pampy et Julienne.
L’exemple récent d’un malheureux Nègre qui demandait sa
liberté et qui a été arrêté en sortant de l’audience, les a fait
trembler ; mais la justice éclairée du Ministère dont les
lumières et les vertus sont connues de la nation entière, a
rétabli le calme et l’espoir dans leurs âmes abattues. Ils
attendent avec confiance le Jugement qui doit prononcer sur
leur sort (note des défenseurs).
n
La cause devrait se juger dans deux jours, lorsqu’on nous a
demandé un mémoire : nous avons eu à peine le temps
d’indiquer les premières idées ; nous prions les lecteurs
d’excuser les négligences qui sont inséparables d’un travail
aussi important fait aussi rapidement (note des défenseurs).
La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de
l’Article 41, d’une part, que « les copies ou reproductions strictement
réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations
dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou
reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de
l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1”
de l’Art. 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque
projeté que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par
les Art. 425 et savants du Code pénal.
© Éditions Tallandier, 1984.
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs
rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne
vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support
imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.
*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une
licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des
Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars
2012.
Table des matières
1. Couverture
2. Présentation
3. Page de titre
4. Sommaire
5. Épigraphe
6. Prologue
7. PREMIÈRE PARTIE - L’affaire Mendès France
1. I - Pampy et Julienne, esclaves nègres, réclament
leur liberté contre leur maître
8. II - Isaac Mendès France, négociant et colon à Saint-
Domingue
9. DEUXIÈME PARTIE - Les protagonistes : Juifs
portugais et Nègres français
1. I - Les Juifs portugais de Bordeaux
1. L’implantation des Juifs portugais.
2. La colonie portugaise de Bordeaux.
3. L’esprit portugais.
4. Les Lumières et les Juifs.
5. L’étrange prêche de l’abbé Grégoire.
2. II - Les Juifs de Saint-Domingue
1. L’antisémitisme de l’amiral d’Estaing.
2. Le silence colonial.
3. Le droit colonial et les Juifs.
4. Revendications des Juifs des colonies.
3. III - Noirs et Sang-mêlés en France
1. Le privilège de la terre de France.
2. La police des Noirs sous Louis XV.
3. Les Noirs en France.
4. Poupées noires et art nègre.
5. Femmes noires, hommes blancs.
6. Hommes noirs, femmes blanches.
7. Le Nègre et les philosophes.
4. IV - Nègres et Sang-mêlés à Saint-Domingue
1. 1. LES NOIRS
1. Les colons et le Noir.
2. Châtiments et atrocités.
3. Despotisme domestique et justice privée.
4. L’État et les châtiments.
2. 2. LES SANG-MÊLÉS
1. Le préjugé de couleur.
2. La police des gens de couleur libres.
3. 3. LE RACISME ET SA DIALECTIQUE
1. Mulâtresses et bâtards.
2. Les mésalliés.
3. Les Blanches et l’amour noir.
4. 4. LE RACISME ET SES CONFLITS
1. Discrimination raciale et assimilation
sociale.
2. Justice de race : mulâtres et Nègres libres.
3. Justice de race : les Nègres esclaves.
4. Vers le conflit des couleurs.
10. TROISIÈME PARTIE - Le procès
1. I - Plaidoyers pour la liberté
1. Loi naturelle et antisémitisme.
2. De la tradition à la philosophie.
2. II - Sentence et rappel à l’ordre
1. Politique parlementaire et verdict.
2. La police des Noirs en France sous Louis XVI.
3. Une réglementation mort-née, un racisme en
expansion.
4. Voltaire et l’affaire Mendès France.
11. Epilogue
12. NOTES
1. Première partie
1. CHAPITRE 1
2. CHAPITRE II
2. Deuxième partie
1. CHAPITRE I
2. CHAPITRE II
3. CHAPITRE III
4. CHAPITRE IV
3. Troisième partie
1. CHAPITRE 1
2. CHAPITRE II
3. ÉPILOGUE
13. Annexes
1. I - Échange de lettres entre Isaac Pinto et Voltaire
2. II - Arrêt du Conseil d’État du Roi
3. III - Extrait du Précis des gémissements des Sang-
mêlé dans les colonies françaises, par Américain,
Sang-mêlé, Paris, 1789.
4. IV - Chant
14. BIBLIOGRAPHIE
1. I. — Manuscrits
2. II. — Imprimés
15. À propos de l’auteur
16. Notes
17. Copyright d’origine
18. Achevé de numériser
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