Abolition de L'esclavage PDF
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Bibliothque Alexandre Franconie
Conseil gnral de la Guyane
MANIOC.org
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Bibliothque Alexandre Franconie
INTRODUCTION
A M. LE DUC DE BROGUE
MONSIEUR
LE
DUC,
que vous avez approuv mon dessein, aid mes recherches, encourag ma persvrance.
J'oublierais
IV
INTRODUCTION.
siCLE
DEUX
maines.
Vous avez, le 28 mars 1822, propos la Chambre
des pairs une adresse au Roi, afin de lui demander
d'ordonner les mesures propres mieux assurer l'entire abolition du commerce des esclaves.
Vous avez, le 24 janvier 1827, propos de l'article 1er du projet de la loi sur la rpression de la
traite des noirs, prononc un mmorable discours
dont le souvenir n'a pas pri avec le temps1.
Vous avez t appel, le 26 mars 1840, la prsidence de la commission clbre, charge de prparer l'abolition de l'esclavage et la constitution politique des colonies.
Vous avez, en mars 1843, aprs une immense enqute et d'normes travaux, prsent au ministre de
la marine le rapport de cette commission.
Vous avez sign, le 29 mai 1845, aprs l'avoir
ngocie, la convention conclue avec Sa Majest Britannique, pour la rpression de la traite des noirs,
convention qui mettait d'accord les intrts de l'humanit avec les justes susceptibilits nationales, excites par les traits de 1831 et 1833, et par la convention de 1841.
Vous avez soutenu, le 7 juillet 1845, par un disV. le savant mmoire l'Institut de M. Charles Giraud, sur l'esclavage des ngres, Comptes rendus de l'Acadmie des Sciences morales, 1861, p.
194.
INTRODUCTION.
cours la Chambre des pairs, les projets de loi destins favoriser le rachat, l'ducation et le bien-tre
des esclaves.
Vous avez, le 13 janvier 1846, dfendu la convention du 29 mai, attaque devant la Chambre des
pairs.
Aprs l'abolition de l'esclavage (4 mars 1848),
lorsqu'il devint urgent de rtablir dans nos possessions lointaines, l'ordre compromis par la Rvolution,
c'est vous qu'on demanda, le 22 novembre 1849,
de prsider la commission charge de prparer le
nouveau rgime des colonies.
*
Dix ans plus tard, quand une nouvelle commission
coloniale examina les questions difficiles souleves
par l'enrlement des noirs sur la cte d'Afrique, c'est
encore vous, en 1858, que cette commission s'adressa, ne croyant pas pouvoir se passer, en pareille
matire, de l'autorit de votre incomparable exprience.
Que serait-ce, si j'ajoutais l'numration de tant
d'actes publics les rsultats de votre influence, constamment occupe, pendant ces quarante annes,
des intrts obscurs des humbles clients dont la Providence vous fit l'avocat !
Vous avez rencontr dans cette lutte d'obstins contradicteurs, mais d'infatigables allis. Il ne faut pas
se plaindre, quand on peut associer la dfense d'une
mme cause la raison pratique de MM. Passy et de
VI
INTRODUCTION.
Tracy, auteurs des premiers projets d'abolition, l'admirable langage de MM. de Rmusat et de Tocqueville, rapporteurs de cesprojets, l'loquence de M. Guizot, de M. de Lamartine ou de M. Berryer, la foi de
M. de Montalembert, le zle de M. de Gasparin, la
science de M. Wallon, l'ardeur dmocratique de
M. Schlcher, en un mot le concours des soldats divers et nombreux de cette vaste arme que la justice,
en France, a le pouvoir de recruter au sein de tous
les partis.
11 n'est pas une anne, presque pas un jour o, de
concert avec ces gnreux auxiliaires, vous n'ayez,
pendant quarante ans, tenu en veil le pouvoir par des
interpellations, l'opinion par des publications, les auteurs par des rcompenses, les voyageurs par des
questions, la France et l'Europe par des dbats rpts, vaste et pacifique agitation de la misricorde
qu'avait dj vue l'Angleterre, et qui, grandissant peu
peu, levant enfin la voix au-dessus des clameurs
de l'intrt, a fini par crire, au fonds de toutes les
consciences, un acte d'accusation irrsistible contre
l'esclavage. Par votre mmorable rapport de 1843,
vous avez rdig la sentence, vous avez prononc la
condamnation; la Rpublique de 1848 eut l'honneur
de l'excuter.
L'abolition de l'esclavage dans les colonies de la
France vous est principalement due. Aprs les fatigues d'une longue carrire mle de triomphes et de
INTRODUCTION.
VII
Vie de Washington.
VIII
INTRODUCTION.
evil that ever has afflicted the human race, from the severest and most
extensive calamity recorded in the history of the world.
Ce discours est dans les livres et pieces sur l'esclavage, runis par
Grgoire, ancien vque de Tours, qui appartiennent maintenant la
bibliothque de l'Arsenal.
2
Marie.
INTRODUCTION.
IX
INTRODUCTION.
1860.
INTRODUCTION.
XI
XII
INTRODUCTION.
fastidieuse,
: Tant
INTRODUCTION.
XIII
INTRODUCTION,
XIV
The abolition of the african slave trade would cause a general des-
INTRODUCTION.
XV
I.
XVI
INTRODUCTION.
II
Voici le cadre de cette enqute1 :
1 Que sont devenues les dix-neuf colonies escla1
INTRODUCTION.
XVII
Jules Delarbre,
etc.
Aux colonies, j'ai consult avec le plus grand profit M. Husson, directeur de l'intrieur la Martinique, M. Constant Mourette, et des
habitants des diverses possessions de la France.
En dehors du ministre, les crits excellents de MM. Jules Duval
cl Lepelletier Saint-Remy, qui ont plus que personne le mrite et le talent d'intresser la France ses colonies trop souvent oublies, Galos,
Biudrillart, Lacour, de Chazelles, Legoyt, Richelot, Chemin-Duponts; etc., ne m'ont pas moins servi que les rapports aux Chambres,
anciennes et nouvelles, prsents par des hommes suprieurs comme
MM. Dumon, Passy, de Tocqueville, Rossi, Beugnot, Benoist-d'Azy, Bhic, Mestro, Kolb-Bernard, Ancel, Hubert-Delisle, Caffarelli, etc., sans
oublier les mmorables di?cours deMM. de Montalembert, de Gasparin,
de Lamartine, de Tracy, de Rmusat, de Lasteyrie, d'Haussonville,
ou les livres et les travaux de MM. Schlcher, Castelli, Lechevalier,
Bayle-Mouillard, Barbaroux, Layrle, d'Avrainville, et de tant d'autres adversaires clairs de l'esclavage ou dfenseurs intelligents de
la prosprit coloniale, de l'industrie, de la marine, de la grandeur
nationale.
Je dois enfin des actions de grces Mgr Desprez, ancien vque de
l'le Bourbon, aujourd'hui archevque de Toulouse,
au vnrable
abb Jean de la Mennais, fondateur des frres de Ploermel, qui dirigent presque toutes les coles des colonies, M. l'abb Snac, au
R. P. Gratry, M. l'abb Perreyve, M. l'abb Gaduel, qui ont bien
voulu soit me fournir de prcieux renseignements, soit revoir et
approuver les chapitres relatils l'influence du christianisme.
I-
b *
XVIII
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
XIX
vage en Russie. Mais les rsultats de cette mmorable mesure, qui s'excute sans trouble, ne peuvent pas encore tre apprcis, et un si vaste
sujet ne saurait tre incidemment trait.
XX
INTRODUCTION.
Par quels degrs la rpublique des Etats-Unis osteite descendue la situation qui la menace? Comment en est-on venu, moins d'un sicle aprs cette
rvolution qui ne fut si fconde que parce qu'elle
fut si honnte, trembler que cette grande uvre
n'choue, et qu'une jeune, vigoureuse et puissante
socit, ne soit prte sortir de la civilisation? Comment, selon la parole de l'loquent William Seward,
comment trente millions d'hommes, Europens par
l'origine, chrtiens par la croyance, n'ont-ils pas
su, dans cette question perturbatrice de l'esclavage,
combiner la prudence avec l'humanit, de manire
sauver leurs admirables institutions, et en jouir
dans l'harmonie et dans la paix?
Au sein de la florissante monarchie catholique de
l'Amrique du Sud, au Brsil, quels sont les rsultats
de l'esclavage? Quelle est la porte du mouvement
abolitionniste qui se manifeste? Les Latins de l'Amrique du Sud auront-ils l'honneur de donner l'exemple aux Saxons de l'Amrique du Nord?
Quelle est la situation conomique des possessions
espagnoles de Cuba, doublement privilgie, comble
des dons du ciel, et encore enrichie par toutes les
('preuves des colonies voisines; de Porto-Rico, terre
presque entirement cultive, malgr le climat, par
une race blanche et libre?
Par quels moyens la Hollande a-t-elle pu viter
d'tablir l'esclavage dans ses magnifiques posses-
INTRODUCTION.
XXI
XXII
INTRODUCTION.
une irremdiable infriorit? Ce qui est moralement mauvais peut-il tre matriellement ncessaire?
Je me suis efforc de recueillir quelques-uns
des faits qui peuvent aider prparer la rponse
ces questions.
On me reprochera de n'avoir pas observ ces faits
par moi-mme, et je ne me dissimule point que c'est
l une imperfection de mon travail. Je n'ai fait le tour
du monde que dans les livres. Mais, peine de ne point
traiter un pareil sujet dans son ensemble, il faut bien
se rsigner voir par les yeux de ceux qui ont vu, et
si l'on m'accuse de n'avoir visit ni Tombouctou, ni
Cayenne, ni mme le Sngal ou le Mississipi, je
puis rpondre que les crivains qui crivent l'histoire
du treizime sicle n'y ont apparemment point vcu,
que tous les jours les hommes s'en rapportent, pour
les plus graves intrts, des juges dont l'opinion
repose sur l'impartiale confrontation des tmoignages d'autrui. J'ose dire au moins que je n'ai rien nglig pour recueillir, vrifier et comparer les renseignements les plus abondants et les documents les
plus authentiques.
Vous connaissez maintenant, monsieur le duc, le
programme de mon travail et ses instruments. Quels
en sont les rsultats gnraux?
INTRODUCTION.
XXIII
III
XXIV
INTRODUCTION.
INTRODUCTION. .
XXV
de
races infrieures, un obstacle la civilisation progressive des races suprieures. Le moraliste l'appelle
un crime, l'historien et l'conomiste un flau.
Oui ! dit-on, mais comment faire? le mal est l'uvre du pass ; le dtruire sans prcaution serait
un autre mal. L'esclavage corrompt les socits,
mais l'mancipation les ruine. Comment faire?
L'exprience des deux rgimes est faite ; on peut
donc comparer.
livre.
INTRODUCTION.
XXVI
p.
80.
INTRODUCTION.
XXVII
XXVIII
INTRODUCTION.
mu par le spectacle d'tres faibles et imparfaits, tandis que, dchargeant la socit du fardeau de ces tres
faibles, il les place sous le patronage des meilleurs
citoyens, qui les lvent, les dirigent, les assistent;
bienfaisante et productive organisation, suprieure
toutes les combinaisons des rapports entre les riches
et les pauvresque prsente l'histoire du monde!
L'exprience, l'impitoyable exprience rpond que
le matre devient dur, paresseux et sensuel, que l'habitude de commander te toute cordialit
mme
INTRODUCTION.
XXIX
lution unanime et persvrante de sacrifier, au maintien de Yinstitution particulire, tout, mme l'honneur, mme la paix, mme la patrie. Le sacrifice
est fait, la guerre est dclare, non pas une guerre
d'esclave matre, mais la guerre entre blancs, entre
frres, entre concitoyens, la guerre contre la justice
et contre la nature, la guerre civile !
La servitude est un fleuve empoisonn, elle conduit
au mal et elle y prend sa source. Pendant que ses fatales consquences dchirent l'Amrique, un autre
continent, l'Afrique, souffre de ses criminelles origines.
Les efforts de l'Angleterre et de la France pour abolir la traite des esclaves ont t persvrants, normes.
Traits internationaux ; lois spciales de chaque
contre ; traits avec les chefs indignes ; tablissement de comptoirs et de stations ; enrlement de travailleurs libres ; correspondances avec les ambassadeurs et les consuls ; dcisions des tribunaux et des
commissions mixtes tablies par les traits ; voil la
part de la politique, de la diplomatie et de la
justice.
Exercice du droit mutuel de visite ; systmes de
croisires permanentes; saisies et confiscations;
expditions militaires ; voil la part de la marine.
Des faits incontestables tablissent que d'immenses rsultats ont t atteints, et que la loi qui a prohib la traite n'a pas, comme l'annonait le voyageur
XXX
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
XXXI
XXXII
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
XXXIII
IV
Ces conclusions, monsieur le duc, vous indiquent
dans quel esprit ce livre est compos.
Je dois au christianisme l'horreur que l'esclavage
I
XXXIV
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
XXXV
dfinitive d un commerce aussi odieux et aussi hautement rprouv par les lois de la religion et de la nature 3. La traite est abolie en 1808 par l'Amrique du
Nord ; en 1811, par le Danemark, par le Portugal et
par le Chili; en 1815, parla Sude ; en 1814et 1815,
par la Hollande; en 1815, parla France; en 1822, par
l'Espagne. Cette mme anne 1822, Wilberforce attaque, aprs la traite, l 'esclavage, et il saisit l'opinion par
des appels et des meetings ritrs, pendant que son
ami M. Buxton propose au parlement l'abolition. Le
bill pour l'mancipation est prsent en 1855. Le
'
aot
Traite, de Trade.
XXXVI
INTRODUCTION.
INTRODUCTION.
XXXVII
The eternal law bind us to take the side of the injuried. On this
(Channing.)
PREMIERE PARTIE
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
COLONIES FRANAISES
LIVRE
PREMIER
COLONIES FRANAISES
CHAPITRE PREMIER
L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE PAR LA CONVENTION
ET LE RTABLISSEMENT DE L'ESCLAVAGE PAR LE CONSULAT
1794 -
1802
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
l'occupation de Touranne et de Saigon dans l'empire
d'Annam, et la consolidation de notre puissance au Sngal. Nous sommes enfin redevables au mme rgime
d'une srie de mesures qui , ont dvelopp ce qui nous
reste de nos colonies d'Amrique, la Martinique, la Guadeloupe , la Guyane, et la belle colonie africaine, l'le
Bourbon, laquelle on a laiss sans raison ce nom inexact
et insignifiant, la Runion.
Malgr tous ces progrs, nos possessions maritimes
sont peu de chose. L'Angleterre, sans compter les Indes,
possde trente-sept colonies, habites par prs de 4 millions de sujets, La France, l'Algrie mise part, possde
quatre colonies et quatorze stations secondaires, occupes
sur une tendue de moins d'un million d'hectares, par
moins de 600,000 habitants, en tout le territoire de trois
grands dpartements et la population de trois petits.
L'histoire intrieure de ces possessions offre un aspect
non moins dsolant que les annales de leurs conqutes.
La thorie des colonies est fort belle : filles des plus grandes
nations, points d'appui de leur influence, intermdiaires
du commerce universel, jalons de la civilisation plants
au sein des mers, phares dissmins de la religion et du
progrs, les colonies modernes, stations de nos flottes,
sont elles-mmes comme des flottes l'ancre, dployant
aux extrmits du monde le pavillon de l'Europe et l'tendard du christianisme, Hlas! les faits ne reproduisent
pas fidlement cette belle vision de l'esprit politique. On
trouve en gnral, l'origine des colonies, deux hommes,
un flibustier et un missionnaire; pour aller si loin, il
faut avoir le diable au corps, ou Dieu dans le cur. Lors-
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
qu' ces deux hommes se joint un troisime, l'administrateur, tout va bien : le premier subjugue, le deuxime
convertit, le troisime fonde ; mais ce fondateur se fait
le plus souvent attendre longtemps. Aussi le dbut des
tablissements est un mlange d'hrosme et de dsordre,
de dvouement sublime et de cupidit froce. C'tait uu
hroque navigateur, ce d'Enambuc, cadet de Picardie,
qui est le fondateur de la colonisation des Antilles. C'tait
un courageux soldat que ce capitaine l'Olive, qui, avec
M. du Plessis, demanda en 1655, aux Seigneurs de la
Compagnie des Iles, commission pour occuper la Guadeloupe. Mais on sait avec quelle barbarie, aprs la mort
de son compagnon, il se rua sur les paisibles Carabes,
leur dclarant, dit le rcit indit d'un missionnaire 1, une
guerre autant injuste que honteuse, et par ainsi empeschant
notre principal dessein, qui n'estoit autre que la promulgation de l' Evangile, et l'ducation de ce pauvre peuple.
C'tait un saint que ce P. Raymond, dominicain comme
Lascasas, qui fit tous ses efforts pour dtourner ce dtestable dessein, et enfin gaigna tant M. de l' Olive, qu'il luy
fit promettre et mme jurer qu'il ne ferait aucun tort aux
Sauvages si aupuravant il n'estoit aggress, puis, se voyant
tromp, fut trouver le gouverneur et lai remonstrer avec
un zle qui ne fut pas goust qu'il n'estoit pas permis de
faire la guerre sans subject une nation libre non plus
que de lui ravir ses biens injustement. Mais le soldat l'emporta sur le missionnaire.
1
COLONIES FRANAISES.
M. Desbassayns de Richemont,
la
et des habitants
dans
l'affaire
un
intrt personnel
d'un
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1
COLONIES FRANAISES.
longue et lamentable histoire, et ne racontons que le dnoment qui la termine et les consquences qui lui survivent.
Les premires lois en Europe qui aient frapp l'esclavage partirent de la France, cl les furent en France l'oeuvre
de la Rvolutionl, uvre qui porte la marque de la plupart
des actions de cette poque, oeuvre trop diffre d'abord,
trop prcipite ensuite, arrt de la justice excut par la
violence.
L'Assemble constituante n'osa rien, l'Assemble lgislative ne put rien, la Convention risqua tout2; la timidit
de la premire assemble fut aussi dsastreuse que l'ardeur de la troisime. Les colonies reoivent de la mtropole leurs destines toutes faites; trop d'indcision ou trop
de violence s'y traduisent par d'gales calamits.
Devant l'esclavage, l'Assemble constituante, si abondante pourtant en grandes mes passionnes pour la
justice, ne sut que reculer comme devant un abme. Elle
craignit de toucher ces socits lointaines et singulires,
dont on ne parlait qu'avec effroi. A entendre Malouet,
Maury, Barnave, la libert, c'tait une guerre civile avec
la peau pour cocarde; c'tait, par la dfaite de la race
blanche, la rupture du lien qui unissait les colonies la
1
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
mtropole. Partage entre la justice et la frayeur, l'Assemble avait dcid par un dcret du 8 mars 1790, et une
instruction du 28, que les Colonies continueraient vivre
sous
leurs vux par l'organe des Assembles coloniales, auxquelles seules appartiendrait l'initiative des lois concernant l'taI des personnes. L'article 4 de l'instruction portait:
Toutes personns, ges de 25 ans accomplis, propritaires d'immeubles, ou, dfaut d'une telle proprit,
domicilies dans la paroisse depuis deux ans et payant
une contribution, se runiront pour former l'Assemble
paroissiale. Cette assemble nommait l'Assemble
co-
loniale.
L'abb Grgoire demanda si ces mots, toutes personnes,
comprenaient les hommes de couleur. Charles de Lameth
s'empressa de demander que l'Assemble fermt la discussion sur cette proposition indiscrte, et il fut ainsi fait.
Des troubles sanglants aux colonies furent le rsultat
de cette ambigut, que les blancs interprtrent contre
les noirs libres, et que ceux-ci invoqurent. L'Assemble
s'en mut. Au nom du Comit des colonies, Barnave proposa qu'un congrs de vingt-neuf commissaires, nomms
par les assembles coloniales, se runt dans la petite le de
Saint-Martin pour trancher la question. C'tait remettre les
droits des noirs la dcision d'un congrs de blancs. Une
discussion passionne sur l'esclavage sortit de cette proposition incidente, et dura trois jours. Avant de terminer
sous l'impression d'un discours de l'abb Maury, qui lit
entrevoir la perte des colonies le jour o cesserait la domination des blancs, l'Assemble dcrta l'article suivant:
COLONIES FRANAISES.
conditions requises. A Saint-Domingue, les blancs rsistrent ; Paris, les dputs des Colonies dclarrent
qu'ils s'abstiendraient dsormais, que le dcret du 8 mars
1790 tait viol. L'Assemble, trouble de sa dcision,
arrta qu'elle sera explique par une instruction, et cette
instruction, rdige par Dupont de Nemours, par une
lche et hypocrite timidit, dclara que le dcret du 15
10
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
11
12
( AU
ABOLITION
FORT-DE-FRANCE,
LE
19
DE L'ESCLAVAGE.
BRUMAIRE
AN
1!
DE
LA
RPUBLIQUE
FRANAISE.
([iu-
sur
l'esclavage et la distinction des couleurs. En conservant la Martinique le rgime et les lois de 1789, il a implicitement proscrit tout ce
qui tend renverser l'ancienne organisation coloni ale, soit par la force
physique, soit par l'opinion. Or une exprience dplorable a prouv
que l'abus des lumires est souvent le principe des rvolutions, el que
l'ignorance est un lien ncessaire pour des hommes enchans par
In
ou
tromps, ont sufti pour dtruire nos tablissements les plus florissa
(( Ces ides,
nts,
longtemps
la
prosp-
rit de la Martinique, ne doit pas y laisser subsister le foyer d'une lumire trompeuse, qui rallumerait
tt
lution.
J'ai donc jug ncessaire, et je
vous
COLONIES FRANAISES.
admis les ngres et les gens de couleur. Je prviens le
13
prfet colonial
VILLARET.
Pour copie.
14
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
DE L'ESCLAVAGE.
Aussitt les cris de Vive la Rpublique! Vive la Convention nationale! clatent dans toute la salle. Les dputs de Saint-Domingue sont conduits par Lacroix au
prsident, qui leur donne le baiser fraternel au nom de
tous les Franais; ils le reoivent ensuite de chaque reprsentant. Celte scne se rpte dans les tribunes ; les
citoyens, hommes de couleur, sont embrasss par leurs
nouveaux frres; des larmes de joie sont dans tous les
yeux : Vive la libert! est dans toutes les bouches.
Un membre demande qu'un aviso soit expdi sur-lechamp pour porter aux colonies l'heureuse nouvelle.
COLONIES FRANAISES.
DANTON
15
en consquence, elle
16
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Choix de rapports, opinions et discours prononcs la tribune nationale depuis 1789. Paris, 1821, t. XIV, p. 425.
COLONIES FRANAISES.
17
On sait que la Martinique resta huit annes sous la demination anglaise, jusqu' la paix d'Amiens, en 1802; le dcret d'abolition de l'esclavage n'y fut pas mme introduit.
L'le Rourbon et l'le de France, au contraire, ne
tombrent entre les mains des Anglais qu'en 1810.. L'Assemble coloniale de Rourbon avait, ds le 8 aot 1794,
pour diminuer les chances de trouble, dfendu l'introduction des noirs de traite. Le dcret de la Convention fut
connu la mme poque, mais il ne fut mme pas publi, et, en 1796, le pouvoir excutif de la Rpublique
franaise ayant envoy deux agents, les citoyens Racot et
Burnel, pour publier le dcret d'abolition, la population
tout entire s'opposa leur dbarquement : ils ne furent
pas mieux reus Port-Louis qu' Saint-Denis; ils durent renoncer leur mission, et, pendant six ans, jusqu'
l'arrive du gnral Decaen, au nom des consuls (1803),
les deux les, avec des alternatives de calme et d'agitation, de prosprit et de souffrance, se gouvernrent
elles-mmes, sans cesser d'tre fidles la France 1, sans
que les blancs aient eu subir aucune violence de la part
des esclaves noirs, que l'on organisa en compagnies destines au maintien de l'ordre 2. Or, pour ne parler que de
Bourbon, il n'y avait que seize mille blancs en face de
quarante-quatre mille huit cent sept noirs.
La Guyane fut plus malheureuse. Aucun essai de co1
18
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
du 18 fructidor an V, M. le marquis
Mmoire indit sur l'histoire des missions aux colonies, p. 286. Archives du sminaire du Saint Esprit.
2 Voyez le tmoignage de M. Vidal de Lingendes, qui cite un crit de
de M. Armand Aubert, que nous n'avons pu retrouver (Procs-verbaux de
la commission de 1839, p. 135.) V. aussi Observations sur la colonie de
la Guyane et surles ngres, par J.J. Aym, ex-lgislateur; Hambourg, 1800.
COLONIES FRANAISES.
19
De 1800 1809, les colons se firent corsaires et s'enrichirent. En 1809, la Guyane, attaque par une expdition anglo-portugaise, tomba et resta pendant huit ans
entre les mains des Portugais.
Pendant que les noirs, Bourbon, bien loin de se rvolter pour saisir la libert inscrite dans la loi, aidaient
la dfense de ceux qui leur dissimulaient cette loi,
la Guadeloupe, ils versaient leur sang pour l'indpendance du territoire national. Le 21 avril 1794, les Anglais s'emparrent de l'le. Le 2 juin, les agents de la
Convention, Victor Hugues et Pierre Chrtien, paraissaient en vue des ctes de la Grande-Terre avec deux frgates, un brick, cinq transports et douze cents hommes.
Pouvant communiquer avec la terre, ils lancrent le dcret d'abolition de l'esclavage, avec une proclamation
ardente. Le 7 juin, les esclaves accoururent, et, aprs
sept mois de luttes hroques, les Anglais durent cder
devant cette quinzime arme de la Convention-. La colonie tait sauve, mais ruine; car avec la libert entrait la rvolution3, accompagne de tous les excs produits par la double ivresse de l'indpendance et de la
1
Journal d'un dport non jug. Didot, 1834, t. II, chap, VI, p. 103.
J'indique les dates, les faits principaux, sans crire l'histoire de la Rvo-
20
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
victoire. La Pointe--Ptre eut son tribunal rvolutionnaire. Quand la libert en est l, la dictature n'est pas
loin, et, avec elle, la terreur, l'arbitraire violent, et le
fardeau de ces lois sans nombre que la dictature invente
et multiplie sans succs pour contraindre la seule force
qui lui rsiste et finit par la vaincre, la force des choses.
Chrtien ayant succomb la fivre jaune, Hugues, demeur seul matre d'une le bloque par les Anglais, dserte par les habitants, et sans culture, entassa proclamations sur proclamations, ordonnances sur ordonnances. Les premires ne parlent que de libert et de bonheur; puis il faut dfendre, sous peine de mort, de voler
et arracher les vivres (13 juin 1794), ordonner le travail sous les mmes peines (18 juin), embrigader les
noirs, quiper avec eux des corsaires pour capturer sur
mer la nourriture que la terre ne produit plus, mais, par
ces moyens violents, ajourner la famine sans ressusciter
le travail, et en venir mettre en rquisition ces prtendus hommes libres (28 aot 1795). En 1796, cultivateurs et cultures, btiments et bestiaux, taient presque anantis, et Victor Hugues, bout d'nergie et
d'esprance, refusait de proclamer la Constitution. Il
crivait (9 aot) au ministre des colonies une lettre triste
et sense o se lisent ces paroles :
Qui pourra contenir quatre-vingt-dix mille individus forts et robustes, aigris par de longs malheurs?
qui empchera les funestes effets de l'ignorance et de
l'abrutissement o l'esclavage les a plongs? Sera-ce
trois mille personnes, dont deux mille dtestent autant
l'ordre de choses actuel que le gouvernement rpubli-
COLONIES FRANAISES.
21
cain? La Constitution, loin d'tre un bienfait pour la colonie, sera sa perte... Ce n'est que par gradation que l'on
peut amener ces infortuns l'tat o le gouvernement
veut les appeler.
Un nouveau gouverneur, le gnral Desfourneaux, parvint ranimer le travail par une heureuse application
du systme du colonat partiaire (arrt du 10 fvrier
1798) et l'institution d'inspecteurs des cultures. Remplac la fin de 1799 par divers agents du Directoire, il
laissa la colonie dans un tat plus prospre, les prix relevs, les biens nationaux afferms, la Constitution applique. Avec le Consulat commence le rgime de la
dictature militaire, prcd du gouvernement provisoire
d'un homme de couleur intelligent et ferme, Plage
(1801). Une meute de conscrits et de noirs 1 est l'occasion de la mise en tat de sige de la Guadeloupe. Les
insurgs sont jugs par un conseil de guerre. Le gnral
Richepanse arrive en conqurant, prend militairement
possession de la colonie2, et, ds le dbut, en rservant
aux blancs seuls le titre de citoyen (arrt du 1 0 juillet 1802), en dsarmant les noirs, en les obligeant retourner aux anciennes habitations, il prlude clairemen I
au rtablissement de l'esclavage.
L'esclavage, et mme la traite, furent en effet rtablis
par la loi du 30 floral an X.
On cherche en vain dans l'immortelle Histoire du
Consulat et de l'Empire, par M. Thiers, une trace de cette
1
2
22
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
loi
d'Amiens.
COLONIES
RANAISES.
23
On sait, dit l' orateur du gouvernement Dupuy, comment les illusions de la libert et de l'galit ont t propages vers ces contres lointaines, o la diffrence remarquable entre l'homme civilis et celui qui ne l'est
pas, la diffrence des climats, des couleurs, des habitudes et principalement la sret des
familles euro-
pennes, exigeaient imprieusement de grandes diffrences dans l'tat civil et politique des personnes... Les
accents d'une philanthrophie faussement applique ont
produit dans nos colonies l'effet du chant des sirnes :
avec eux sont venus des maux de toute espce, le; dsespoir
et la mort.
Mais il faut lire le rapporl du tribun Adet la sance du
29 floral comme un modle de dclamation hypocrite'.
Il en est, dit-il, de l'esclavage comme de la guerre.
Depuis longtemps les philosophes ont gmi sur la fureur
qui altre les nations de sang... Cependant tous les peuples se font la guerre. Quelle seraitla condition du peuple,
qui, abjurant la guerre, renoncerait fabriquer des armes, s'en servir, entretenir une arme prte le
prolger ! En rompant l'quilibre des forces qui le contre-balancent, ne deviendrait-il pas comptable envers les
autres nations des maux que sa renonciation l'usage
commun pourrait attirer sur elles, et ne s'exposerait-il
pas lui-mme tous les flaux?
Ce que je viens de vous dire de la guerre peut s'appliquer l'esclavage. Quelque horreur qu'il inspire la
philanthropie, utile dans l'organisation actuelle des so- Moniteur du 50 floral et du 1er prairial an \, p. 988, 989
24
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
25
26
ABOLITION E L'ESCLAVAGE.
}tar
des thories...
soul
du mme
sl\le
qui prcdrent le vote. Elles appellent l'mancipation une erreur philanthropique, une mesure indiscrte.
COLONIES FRANAISES.
27
NOUS
l'avons vu,
28
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Sans doute ce grand pays ne pensait pas dtruire l'esclavage, mais M. Pitt soutenait les persvrantes propositions de Wilberforce pour l'abolition de la traite, et
Regnaud de Saint-Jean-d'Angly avait tort de dire que
l'ajournement vot jusqu'en 1800 tait un renvoi dont
la postrit seule tait destine connatre le terme ; car
ce terme, on le vit et on pouvait le prvoir, n'tait pas
loign.
La vrit, c'est que, entre les colonies qui nous taient
restes et celles qui nous taient rendues, les unes avaient
conserv l'esclavage, les autres l'avaient aboli ; le choix
tait difficile. Accepter les chances d'une abolition complte, c'tait peut-tre aventurer le retour de l'activit
commerciale, aprs laquelle on aspirait si ardemment;
c'tait se charger d'une question
lointaine, pnible,
COLONIES
FRANAISES.
29
30
ABCLIT ION
DE L'ESCLAVAGE,
en
marine, le 2 ventse an XI * :
Je prviens le gnral Dugua que, quoique les ngres fussent rentrs au
travail, ils me paraissaient bien dcids a ne pas se laisser dsarmer, parce
qu'on voulait les tromper sur leur libert... Jusqu'aux femmes, qui, prenanl
leurs enfants par les pieds, en leur cartant les jambes, me disaient : Voil
ce que nous leur ferons, nous les cartellerons plutl que de souffrir
qu'ils deviennent esclaves!
* Archives coloniales,
lettre indite
COLONIES FRANAISES.
31
beaut.
C'est l'Angleterre que passe dsormais l'honneur de
l'initiative dans le mouvement dont la France avait, ne
l'oublions
CHAPITRE II
COLONIES FRANAISES.
33
Lure,
temps
li-
mit,
Renverss par les excs de la Rvolution, ramens par
les excs de la guerre, les Bourbons eurent la volont,
comme ils avaient la mission, d'apporter la France fatigue des agitations, des combats et du despotisme,
l' ordre, la paix et la dlivrance. Leur gloire fut de proclamer le principe de la libert malgr le souvenir des
crimes commis en son nom, leur penchant fut de chercher dans le pass l'image de l'autorit. L'Ocan ne spare
pas deux terres et deux peuples plus entirement que le
torrent de la Rvolution et l'Empire n'avaient spar ce
pass du prsent, pour tous les Franais, except pour
eux seuls. Aux yeux des contemporains, tout commenait;
pour eux, tout continuait. Appartenant au dix-neuvime
sicle par leurs intentions loyales, mais bien pardonnables
d tre entrans vers les institutions d'un autre ge par
I.
3
34 ABOLITION
DE L'ESCLAVAGE.
30 aot 1814 avait dclar le seul port de Saint-Pierre ouvert aux trangers
la Martinique. (Voyez les proclamations du marquis de Vaugiraad, gouverneur de la Martinique; du baron Boyer de Piereleau, gouverneur par intrim
de laGuadeloupe, eu attendant l'amiral Linois. (Moniteur du 14 fvrier 1815.)
- Rapport la Chambre des pairs du projet de loi sur les sucres, 20 juin
1843.
COLONIES FRANAISES.
35
5 fvrier 1826.
1820,1825,1828.
36
ABLITI
DE
L'ESCLAVAGE.
Bourbon, ordonnance du 21 aot 1825; Martinique et Guadeloupe, 9 fvrier 1827; Guyane, 27 aot 1828. La premire, en 195 articles, et la
seconde, en 211 articles, sont l'uvre de
M.
de Chabrol; la troisime, en
COLONIES FRANAISE.
37
38
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
On peut juger par des chiffres1 de la prosprit qui en
de l'esclavage
pendant cette poque n'est pas men par le gouvernement franais, il appartient l'Angleterre et l'opinion.
Aprs s'tre prte gnreusement l'abolition de la
traite, la France fit peu de chose pour excuter en pratique les engagements solennels du congrs de Vienne,
et il faut bien confesser que, malgr les lois du 15 avril
1818 et du 25 avril 1827, la traite, diminue, surveille, quelquefois rprime, ne fut point interrompue
jusqu'en 1850. M. Clarkson s'tait rendu au congrs
d'Aix-la-Chapelle 2, dans le but d'obtenir que le crime
de la traite ft assimil la piraterie, et que les puissances se runissent pour obtenir du Portugal et de l'Espagne la cessation de cet odieux commerce. L'empereur
Alexandre, le duc de Wellington, lord Castlereagh partageaient ce double avis. Dans la discussion de la loi sur
la piraterie cl la baraterie (loi du 12 avril 1825), M. Benjamin Constant
1
Citons, si l'on veut, part, les chiffres de Bourbon, la plus prospre des
COLONIES FRANAISES.
39
Moniteur, p. 1221.
40
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Restauration avait fait pour leur repos et leur prosprit; il les prpara, en dpit de toutes les rsistances
et de toutes les prdictions, vivre, grandir sans
esclaves et sans monopole. On sait ce que le gouvernement de Juillet fit de la reine de nos colonies, l'Algrie, le dernier prsent de la Restauration la France.
Nous lui devons encore en Afrique les comptoirs de
Sedhiou (1857), Grand Bassam (4842), les Marquises
(1842), le Gabon (1842), Assynie (1845); et dans le
canal de Mozambique, les les Nossi-b et Mayotte (1843),
l'archipel de Tati (1842-1846). Une grande pense
politique, fort conteste alors, avait fait concevoir le
projet d'assurer ainsi la France des tablissements
chelonns autour du globe pour servir d'abri son pavillon, de stations son commerce et de points d'appui
son influence.
Sans exposer ici ce que le gouvernement de Juillet dpensa en outre d'argent, d'efforts et de persvrance,
malgr la plus vive opposition, pour concourir srieusement avec l'Angleterre la rpression de la traite, qu'il
se hta d'abolir par la loi du 4 mars 1851, bornons-nous
examiner rapidement les actes qu'il consacra prparer l'abolition de l'esclavage : ils sont aussi nombreux
que les annes de sa dure.
La Charte de 1850, comme celle de 1814, plaa les
colonies sous un rgime particulier, mais indiqua qu'il
devait tre rgl par des lois, sans ajouter : et par des rglements. Tous les pouvoirs publics furent ainsi plus
troitement associs cette tche importante. Ils s'unirent
pour inscrire dans les deux lois du 24 avril 1833 l'ga-
COLONIES FRANAISES.
41
lit; de droits des libres et des affranchis, le rtablissement des conseils coloniaux et des dlgus, et le partage des matires rgler par la loi, par des ordonnances
ou par des dcrets locaux.
On va voir que le gouvernement sut faire de la part
qui lui tait attribue un usage habile et diligent.
Les ordonnances du 1er mars et du 12 juillet I 832 ' ont
supprim la taxe des affranchissements et simplifi leur
Annexe
A au
procs-verbal de la commission
i juin 1840.
- Voyez le Christianisme et l'esclavage, t. II.
coloniale, sance du
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
42
COLONIES FRANAISES.
43
Ce texte, net et complet, mritait d'tre pris en considration, et il le fut en effet. Son auteur le soutint par
des raisonnements minemment pratiques (sance du
15 fvrier); M. de Lamartine, M. Guizot, M. Rarrot, se
runirent pour l'appuyer. En vain le gouvernement dclara ce projet inopportun cause de l'tat des colonies
anglaises et franaises, inique parce qu'il ne proposait
pas une indemnit pralable et suffisante, inhumain
parce qu'il rompait tout lien entre le matre et l'enfant.
Toute la Chambre jugea qu'il tait temps de mettre l'ordre du jour ce que M. de Lamartine nomma loquemmenl
" cette grande expropriation pour cause de moralit publique 1.
Le projet de M. Passy n'tait qu'un
plan d'man-
44
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES 45
4 Que d'autres ordonnances rgleraient le pcule et
le rachat forc;
5 Qu'un service d'inspection des mesures prises serait
cr aux frais de l'Etat;
6 Que compte annuel serait rendu aux Chambres de
l'excution de la loi.
A l'heure prsente, ces conclusions semblent bien
timides, elles se rduisent dire l'Etat : Vous nous demanderez de l'argent pour faire ce que vous pourrez,
vous chargerez des, inspecteurs de surveiller ce que vous
aurez fait, et, quand ils vous en auront rendu compte,
vous nous en rendrez compte nous-mmes.
La dissolution de la Chambre de 1837 mit nant la
proposition de M. Passy. Mais,
reproduite exactement
46
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
sion vigoureuse, une, prvoyante, toute la socit co1o- >niale; l'autre dsorganise les ateliers, te aux colon
leurs meilleurs esclaves, ceux-ci le got du travail,
ceux qui restent captifs la patience, et trouble longuement
sans affranchir. La commission proposait un projet en
trois articles qui obligeait le gouvernement apporter
un projet d'mancipation complte dans la session de
1 841 . Le rapport, dpos ds le 24 juillet 1839, n'tait
pas discut quand la session prit fin, et, le 27 janvier
I 840, M. de Tocqueville demanda la reprise de la proposition.
Le gouvernement, stimul par cette gnreuse insistance, avait charg
sulter les conseils coloniaux sur le rapport de M. de Rmusat. Aprs celui de M. de Tocqueville, qui fut galement envoy aux gouverneurs 2, le conseil des ministres5,
sur le rapport de M. l'amiral Duperr, dclara qu'il tait
prt adhrer aux bases du plan expos par la commission, et il institua aux colonies un conseil spcial, compos du gouverneur, de l'ordonnateur, du directeur de
l'intrieur, du procureur gnral et de l'inspecteur colonial, pour fournir les documents ncessaires la prsentation d'un projet de loi.
En mme temps il proposa, et les Chambres votrent,
au budget de 1840 et de 1841, un crdit de 650,000 fr.
pour augmenter le clerg, les chapelles, les coles et le
nombre des magistrats, que l'ordonnance du 5 janvier
21 aot 1838.
9 aot 1839.
3
16 dcembre 1839.
COLONIES FRANAISES.
47
48
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES
En
FRANAISES.
49
50
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Reynard.
Galos, dputs, le vice-amiral de Mackau, le contreamiral de Moges, Jubelin, de Saint-Hilaire, Mestro. Elle
eut pour prsident et rapporteur M. le duc de Broglie.
Interrogeant les faits avec la plus scrupuleuse minutie,
sans cesser de maintenir fermement les principes, dmlant au travers des intrts la part du juste et de l'injuste, elle parvint des conclusions dcisives et pratiques, et les formula en deux projets complets, l'un d'mancipation progressive, l'autre d'mancipation simultane. L'homme d'tat suprieur qui dirigea ces longs
travaux, M. de Broglie, les a rsums clans un rapport clbre. La doctrine du jurisconsulte, l'exprience
COLONIES
FRANAISE.
51
le
talent et la mthode de l'crivain consomm, cl, pardessus tout, l'accent de l'honnte homme et du chrtien,
font de ce grand travail un chef-d'uvre qui honore
jamais l'auteur et la France.
La commission el le rapporteur ont bien mrit de
l'humanit.
La runion des procs-verbaux, l'immense collection
de rapports et de documents runis par la commission,
forment un rpertoire prcieux, semblable ces monuments de doctrine et de jurisprudence levs par la main
de nos grands jurisconsultes pour servir de mine el de
guide toutes les lgislations.
Voici le rsum du Iravail de la commission, du rapport et du plan propos :
Ds le dbut, M. de Broglie allume en quelque sorte
les deux flambeaux qui claireront sa marche, la philo
sophie chrtienne et l' exprience pratique. 11 runit en
quelques pages vigoureuses, commeenunsolidefaisceau,
tous les grands motifs de religion, de conscience, de raison, de droit, qui condamnent l'esclavage1; puis, passnnt rapidement, tant la cause est simple el la victoire
certain*; devant Dieu et devant l'esprit moderne, il va
droit aux fails, et il expose grands traits les rsultats
acquis de l'exprience anglaise 2. Il achve ce prambule
en dmontrant qu'un si grand exemple est dcisif, mai ;
surtout invitable; d'un jour l'aulre, la fuite peu!
donner nos esclaves aux possessions affranchies de l'An1
Pages 4-8.
Pages S-70.
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
52
gleterre; la guerre peut leur donner nos colonies ellesmmes'. D'ailleurs, les attermoiements n'clairent pas
les colons, mais ils les ruinent; ils n'lvent pas les
esclaves, et ils les agitent.
finir.
Avant toutes choses, il faut veiller ce que l'mancipation ne trouble pas aux colonies l'ordre moral et matriel1. Or, en confrant des droits aux esclaves, on
enlve des devoirs aux matres, la libert des uns entrane la libert des autres. 11 importe que l'autorit de
l'Etat remplace, soit la surveillance, soit la bienveillance
des matres; leur surveillance, en augmentant le nombre
des tribunaux 2, des garnisons 3, des prisons 4, en prparant de nouveaux rglements d'ordre cl de police 5; leur
bienveillance, en multipliant les coles et les hospices 6.
Page 8-4;
l'ge 78.
4 Page
5 Page 103 .
COLONIES FRANAISES.
53
au dnmont. La
Pages 235-543.
Pages 130-133.
54
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES
55
falquant les enfants au-dessons de six ans, que l'on dclarait libres sans indemmit. Cette diffrence ramne peu prs au mme chiffre les deux estimations.
2 M. de liroglie calculait que la rserve sur l'amortissement, engage jus
qu en 1853, pour les dficits antrieurs et pour les travaux publics, permettrait de rembourser en deux ans le capital de l'indemnit.
56
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
57
58
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Page 342.
COLONIES FRANAISES.
59
tous les vnements imprvus; jusque-l, il transformait tous les entants en enfants trouvs, leur rendait par
l'engagement une image fort ressemblante de la servi
tude, et leur donnait pour mre une femme esclave,
peine libre.de les aimer, peine;digne de leur respect,
et pour pre l'tat, tuteur fort loign et fort distrait de
leur jeune ge et de leur jeune libert.
Le projet de la majorit avait aussi le dfaut d'accomplir l'uvre moiti et de laisser pendant dix annes,
lace face, l'impatience des esclaves et l'inquitude des
matres. Mais celte transition semblait indispensable, et il
tait impossible de la mnager avec plus de justice, d'intelligence et de prudence.
On peut dire que la commission de 1840 fut le tribunal
Oui dcida sans appel l'abolition de l'esclavage. Aprs sa
sentence, il y a chose juge, et il n'y a plus qu' excuter
l'arrt.
Pourquoi cette excution lut-elle retarde?
C'est la question qui tait adresse au gouvernement
le 23 janvier 1844 1, el il tait rpondu que le projet
1
Par MM. de Gaspirin et de Sade. Le rapport de M., te duc de Broglie
de mars 1843. Revue coloniale, 844, t. II. p. 231, 233 )
est
60
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
les dlgus ds
bien plus violent que celui qui ruina Fort-Royal (Martinique) en 1839, dtruisit douze cent vingt-deux maisons, et fit plusieurs milliers de victimes.
* Revue coloniale, 1844, t. Ill, p. 127.
61
COLONIES FRANAISES.
libres et leur
62
ABOLITION DE L ESCLAVAGE.
sonnes non libres, pour tous les cas qui n'emportent pas
la peine capitale;
Le projet ajoutait : Et sur les pentes applicables aux
matres en cas d'infraction leurs obligations envers leurs
esclaves.
Enfin, il confiait au gouvernement, par amendement
l'art. 2, 4, le droit de statuer par ordonnance sur
la cration de nouvelles justices de paix, et la composition
des cours d'assises, charges d'appliquer les
pnalits
nouvelles.
On le voit, ce projet n'ordonnait rien, il donnait trois
choses : aux esclaves une promesse, aux matres une
menace, au gouvernement un pouvoir. D'abord laisse
sans discussion, puis repris sur la demande de M. Beugnot, soutenu par M. de Montalembert 1, il fut tudi par
une commission dont le rapporteur tait M. Merilhou 2,
et devint l'objet de dbats anims. Si l'abolition fut combattue par de singuliers arguments, par exemple , l'humiliation de cder l'exemple de l'Angleterre, et la dure
moyenne de la vie des esclaves, qui furent dclars vivre
plus longtemps que les blancs, sans doute comme les
animaux domestiques vivent plus longtemps que les animaux en libert, parce qu'ils sont mieux panss, cette
grande cause trouva le plus loquent dfenseur dans
M. de Montalembert :
Je dclare, dit-il, que nous, abolitionnistes purs,
1
le 5 avril.
COLONIES FRANAISES.
63
nous voulons des mesures immdiates, tandisque les abo litionnisles circonspects et les abolitionnistes temprs
ne veulent rien du tout. Nous trouvons toutes les mesures
de transition bonnes et acceptables, mme quand elles
nous semblent insuffisantes. 11 en es! tout autrement de
nos mules, qui les repoussent toutes sans distinction.
Quant l'honneur national, quant l'influence politique de l'Angleterre, qui l'on suppose l'intention perverse de nous imposer l'mancipation, je crois qu'on
pourrait btir sur ce fondement un argument tout contraire.
L'humiliation pour la France, ce serait l'attitude de
l'Angleterre se posant devant l'histoire, devant la postcit, et leur montrant d'un doigt mprisant la France,
et leur disant: Voil cette nation librale qui avait la
prtention d'affranchir le monde, la voil ! Non-seule
64
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
de les indiquer, des rglements futurs. Le gouvernement eut le bon esprit d'entrer dans les vues de la
Chambre et de se rallier ses propositions. Ainsi, nonseulement on ajouta aux mesures indiques dans le texte
primitif la concession d'un jour libre, par semaine, aux
esclaves, et le principe de la runion des esclaves maris
appartenant des matres diffrents; mais on inscrivit
directement dans le projet, au lieu de promesses, des
dcisions positives sur la dure du travail, l'allocation
d'un terrain, le droit de proprit mobilire, le rachat
forc, suivi de l'obligation d'un engagement quinquennal, le droit l'instruction et au culte, l'observation du
dimanche, les pnalits applicables aux matres, le
nombre des justices de paix, la composition des cours
d'assises.
La Chambre des dputs, saisie du projet le 19 avril,
persvra dans cette voie 1.
Tocqueville, de Gasparin, de Carn, parfaitement explique par le rapporteur, M. de Lasteyrie, par le commissaire du gouvernement, M. Galos, et par le ministre de
la marine, M. de Mackau, la loi fut vote par 193 voix
contre 52, et promulgue sous la date du 18 juillet 1 845
Dans le cours de la discussion, la Chambre avait obtenu
du gouvernement des explications sur la possession d'esclaves par des magistrats, et la promesse que le projet
sur l'expropriation force serait repris, que les mesur
votes seraient bientt tendues au Sngal, que les der
1 Membres de la commission : MM. Odilon Barrot, de Tracy, Ternaux-Com
pans, de Cam, de Golbry, d'Haussonville, de Las-Cases, Delessert, Jule
de Lasteyrie, rapporteur.
COLONIES FRANAISES.
65
ti
66
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
120,000 fr.
Pour la formation, par la voie de travail libre et salari, d'tablissements agricoles, servant d'ateliers de
travail et d'ateliers de discipline
560,000
50,000
Pour concourir au rachat des esclaves, lorsque l'administration le jugera ncessaire, et suivant les formes
dtermines par ordonnance royale, intervenir.
ENSEMBLE
400,000
930,000 fr.
ce
COLONIES FRANAISES.
67
68
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
COLONIES FRANAISES.
69
domaine de l'tat ne pouvant tre alin par simple ordonnance; ds lors il y avait lieu seulement d'indemniser les colonies de la jouissance qu'on leur enlevait, et
de dsintresser les tiers auxquels ces biens et ces esclaves
taient en parlie afferms.
Reprise en 1847 par son persvrant auteur, la proposition fut de nouveau discute et rsolue par le vote
d'un crdit de 142,145 fr., malgr les objections de
droit et des prdictions sinistres et ridicules sur l'effet
qu'allait produire l'exemple donn par le roi, en mancipant ceux qu'on continuait appeler les noirs du roi.
Si l'une des sucreries voisines des biens du domaine
m'tait offerte, crivait un colon, condition d'y faire
rsider ma femme et mes enfants, aprs la libration des
esclaves du domaine, je refuserais, convaincu que le
poison me ferait expier ma possession.
Trois ordonnances furent rendues pendant l'anne
1846,
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
70
des pairs.
Le
jet de loi, ayant pour but : l de composer les cours d'assises coloniales, pour les cas o elles connaissent des
crimes commis contre ou par.des esclaves, de quatre conseillers au moins et deux auditeurs au plus, au lieu de
quatre conseillers et trois auditeurs; et 2 d'exiger que
la dclaration de culpabilit ait lieu la majorit de
quatre voix au moins, au lieu de cinq sur sept. Le retentissement de plusieurs acquittements scandaleux rendait
cette modification l'art. 1 H de la loi de 1845 fort urgente. H y avait, en 1845, 61 magistrats mtropolitains,
61 magistrats ns aux colonies, 14 propritaires d'esclaves; il y avait encore en 1847 peu prs la mme
proportion2.
1
Ces deux projets furent proposs par M. Guizot, pendant son court pas-
Rapport de M. d'Haussonville.
COLONIES FRANAISES,
71
Ce projet, qui eut pour rapporteurs MM. d'Haussonville et Foy, adopt par 250 voix sur 234 la Chambre
des dputs, devint la loi du 9 aot 1847. Le projet sur
l'expropriation tait destin demeurer encore sans suite.
En mme temps que le gouvernement poursuivait
l'uvre lgislative, sur la provocation si soutenue des
pouvoirs parlementaires, il dveloppait administrativement, avec le concours non moins dvou de tous ses
agents suprieurs, excits par le zle d'un nouveau ministre, M. le duc de Montebello, les consquences des
actes antrieurs. Il publiait les bons rsultats du patronage, encourageait les affranchissements, amliorait le
l'gime douanier des colonies et la lgislation des sucres 1.
donnait son attention d'heureux essais de colonat partiaire, songeait recruter d'autres travailleurs que les
ouvriers europens, continuait affranchir les esclaves
du domaine2, et, s'efforant de multiplier les prtres,
les frres de Plormel, le nombre des chapelles et des
coles,
principe.
La conscience chrtienne achevait sans relche de d-
Lois de 1845.
En 1847, 218
72
ABOLITION
DE
L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
73
des pairs. Le 2 octobre 1843, les lecteurs ayant nomm au conseil municipal de Fort-Roval deux hommes de couleur, tous tes membres, sauf deux,
donnent leur dmission. En 1845, un de ces hommes de couleur est nomm
membre du conseil colonial. Le gouverneur ne croit pouvoir l'inviter dner
qu en particulier. Il refuse. En 1846, l'ouverture d'une nouvelle session,
e
l gouverneur invite cette fois tous les membres. Sur vingt -sept, vingt-quatre
re
74
ABOLITION D L'ESCLAVAGE.
amples. Les oppositions multiplies, l'inapplication systmatique des rglements et des lois, craient chaque jour
des arguments nouveaux contre l'illusion de ceux qui
persistaient attendre la libert des leons du temps et
du
chose;
mais
attendre
pour attendre,
attendre
COLONIES FRANAISES.
75
CHAPITRE
III
LIBERT,
FRANAISE.
GALIT,
FRATERNIT.
DUPONT
LOUIS
LEDRU-BOLLIN ,
(de l'Eure),
BLANC,
AI.
GARNIER - PAGS ,
AFAGO,
CRMIEUX,
MARIE,
COLONIES FRANAISES. 77
Le 5 mars, un arrt de M. Arago composa la commision de :
MM. Y.
SCHLCHER,
MESTRO,
PERRINON,
GATINE,
GAUMONT,
ouvrier horloger;
II WALLON
et
L. PERCIN,
l'inexprience, aux prjugs, aux utopies, aux rancunes, aux passions, qui ont sitt corrompu la rvolution
de Fvrier. Le prsident mit maintenir le principe de
l' abolition l'opinitret si louable qui anime ses crits.
Mais, plus empresse d'invoquer sans la connatre la tradition rvolutionnaire que l'exprience de l'Angleterre et
les tudes de la monarchie; plus proccupe de dguiser
les noirs en lecteurs que d'en faire des hommes, se dfiant de la religion qui les faits la foraient de rendre
hommage, la commission eut souvent besoin d'tre rap-
78
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
M. Mestro.
Procs-verbaux, page 96.
'
COLONIES FRANAISES.
79
80
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Les hritiers
d'une fortune inattendue ont coutume de mdire des parents prudents qui l'ont amasse travers mille procs.
Il est vrai qu'ils ne la conservent pas longtemps sans rec un ir aux exemples de ceux qu'ils ddaignent. Telle
est
veaux.
Les proclamations de Victor Hugues n'apprirent pas
grand'chose la commission de 1848. Les utiles essais
de colonage pavtiaire du gnral Desfourneaux, renouvels par un projet d'association de la
Guadeloupe,
COLONIES FRANAISES.
81
On
d-
Rapport de M. Wallon.
82
la
COLONIES FRANAISES.
Population.
Martinique.
Guadeloupe.
Supplants.
126,691
129,778
105,663
19,495
...
18,540
185,097
Runion.
Guyane.
Sngal.
Inde
Reprsentants.
83
84 ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
85
1847,
de la Guadeloupe .
L'intrt de l'argent s'levait de 1 2 16, et quelqueTmoignage de M. Lavolle, procs-verbaux, p. 108.
86
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
de
et
5)
projet
COLONIES FRANAISES.
87
88
ABOLITION DE
L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE IV
et
les
ports faisait
cho ces inquitudes, et, mme au moment o l'man1 Rapport de M. de Broglie, p. 16.
2 Le Travail libre et le Travail enclave, par M. Jollivet, dput, 1845.
90
ABOLITION. DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
91
92
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE V
1.
1.
La Martinique.
le sentiment de rserve qui nous a fait viter autant que possible de prononcer des noms propres.
94
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
de la Pointe--Pitre.
COLONIES FRANAISES.
95
une
ava
n'apportait pas. Les journaux de la colonie furent remplis par dix-huit dcrets. Mais aucune mesure pour re1
pe
96
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
lever le crdit; on demandait l'ajournement des chances, des prts, un comptoir d'escompte; on appelait
surtout grands cris l'indemnit. On apprit seulement
que le Columbo arrivait, apportant de grosses caisses
pleines de registres lectoraux, comme prparation au
scrutin ; les discours socialistes et communistes, les querelles, les polmiques en venimes, agitrent la malheureuse le, plus trouble par les temptes politiques de la
mtropole que par les orages de l'Ocan. Comme Paris,
plus qu' Paris, un peuple, la veille encore esclave, fut
matre pendant quatre mois de la vie d'une petite population sans dfense. Mais telles taient les relations de la
majorit des deux classes, disons-le l'honneur de toutes
deux, qu'aprs tout la colonie eut moins souffrir de
leurs rancunes que des imprudences de quelques-uns
des agents destins maintenir la paix; on peut retourner un mol fameux, et dire que, sur plus d'un point,
ces agents firent du dsordre avec de l'ordre.
Ds le 26 juillet, le Moniteur put annoncer une certaine reprise du travail Le commissaire gnral nomma
des commissaires ruraux pour se rendre sur les habitations et expliquer aux populations leurs nouveaux droits
et leurs intrts; il fit lui-mme une tourne gnrale
et put constater quelques heureux essais d'association
entre les matres et les anciens esclaves, associations qui
en gnral, accordaient pour la part du travail un tiers
brut du produit, quelquefois davantage. 11 remarqua
surtout plusieurs habitations, comme l'habitation Perrinelle, o des matres aims et intelligents retinrent letravailleurs en leur accordant des salaires qui variaient
COLONIES FRANAISES.
97
98
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
comme les agitations et les irrgularits taient loin d'galer celles qui avaient troubl tant de villes de France
quelques mois avant, l'Assemble constituante refusa
d'ordonner une enqute et valida l'lection.
C'est six semaines aprs les lections
(28 septembre
nu-
COLONIES FRANAISES
99
100
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
2. La Guadeloupe.
COLONIES FRANAISES.
101
GALITE,
FRATERNIT.
Sign : Layrle, Chaumont, Guillet, Jules Billecoq, Bayle-Mouillard, Bon, A. Lignires, A. Mollenthiel, Laugier, L. Richard de Chicourt.
net
102
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
tolique, et, aprs deux discours du gouverneur et du prlat, aprs la bndiction d'un arbre de la libert, la
foule, mue et joyeuse, se dispersa sans trouble aux cris
de : Vive la Rpublique! Vive le gouverneur ! Vive la religion!
La nuit qui vint quelques heures aprs ne fut peut-tre
pas exempte de frayeur, mais elle couvrit de ses ombres
des mes affranchies et des consciences apaises; elle
tomba sur une journe qui fut pour bien des cratures
humaines la plus belle de la vie.
Lorsque M. Gatine, nomm commissaire gnral par
dcret du 27 avril, arriva la Guadeloupe le 15 mai
1848, l'ordre n'avait pas t un seul instant troubl. Il
put attester dans tous ses rapports qu'il ne le fut pas
srieusement depuis. L'institution des jurys cantonaux
et l'tablissement des ateliers de discipline suffirent
apaiser les difficults nes en particulier de l'obstination
des noirs garder les cases appartenant leurs anciens
matres, et qu'ils considraient comme eux.
Sans doute, le travail fut, ds le premier jour, en souffrance. On ne doit pas oublier que trois causes se runissaient pour le dsorganiser. La consquence des mauvaises rcoltes de 1846 et 1847 avait forc les colonies
s'approvisionner de crales aux Etats-Unis, et il avait
fallu payer cher et en argent : une crise en tait rsulte.
La stupeur cause par la rvolution tait une seconde
raison trs-suffisante elle seule pour arrter les transactions. Enfin, la mise en libert soudaine des esclaves
compliquait une situation qu'elle n'avait pas seule
amene.
COLONIES FRANAISES.
103
chaient une importance lgitime, mais encore pour exercer les droits politiques. On ne les troubla pas en les
reconnaissant hommes, on les agita en les improvisant
citoyens.
Encore les premires lections se passrent-elles si-
104
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1 848.
ne peut tre
COLONIES FRANAISES.
105
dans le
dplorables
puis par le prsident de la Rpublique et par l'Assemble, celte mesure fut mme tendue l'le tout entire
par une loi d'urgence du 11 juillet 1850 1.
La fermet de la justice et du gouvernement achevr
106
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
ordres ; on constata qu'ils taient l'uvre des passions politiques, que les noirs avaient travaill avec les
blancs teindre les incendies; que les meilleures lections avaient eu lieu dans les campagnes; que, si les
noirs n'avaient pas vol, les blancs, face face avec les
multres libres, eussent encore bien plus souffert; en un
mot, que la paix avait t trouble non par l'mancipation, quoiqu'elle et servi de prtexte, mais par les
clubs, par la presse, les dmagogues et les lections anarchiques,c'est--dire par les mmes causes, par les mmes
passions, peut-tre par les mmes hommes qu' Paris.
La prosprit ne revint pas aussitt que le calme. Le
chiffre des importations, tomb de 41, 759, 712 francs
en 1.847, 1 1,980,480 francs en 1848, s'tait dj relev
22,724,415 francs en 1849 1
Ds le dernier trimestre de 1849, le payement rgulier de l'indemnit avait relev la confiance et le travail:
et, malgr d'infructueux ttonnements, des essais mal
russis d'association entre les colons et les ouvriers, on
pouvait esprer une reprise, lorsque les incendies et les
troubles de 1850 ranimrent les alarmes, et, le mouvement commercial dcroissant de trimestre en trimestre
l'anne 1850 se rgla encore par un chiffre extrme
ment bas :
Importation.
Exportation.
12,741,735 fr.
8,155,932
20,897,667 fr.
3,755,912
1,915,059
COLONIES FRANAISES.
107
La Guadeloupe, qui souffrit plus lard que la Martinique, se releva plus tard aussi. L'mancipation y avait
t un jour de fte, les lections y amenrent des jours
de deuil, et la politique reste responsable des larmes et
du sang que n'avait pas fait couler la libert.
5. I.a Runion.
De nombreuses raisons se runissaient pour faire craindre que l'mancipation ne dchant sur l'le de la
Runion une crise plus douloureuse que partout ailleurs;
elle fut plus douce.
Sur une terre situe quatre mille lieues de la mtropole, sans appui au milieu de pays trangers, pourvue
de faibles ressources locales, rcemment prouve par
ouragans et par la maladie de la canne sucre, devenue sa principale culture, se pressait une population
des
de
sur
15 Chinois.
108
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
109
ferme gouverneur de la Runion, M. Je capitaine de vaisseau Graeb, crut devoir ajourner la revue habituelle,
pour viter une occasion de trouble. 11 ignorait cependant que dj depuis deux mois le roi dont on clbrait
la fte avait pris le chemin de l'exil. Les premiers bruits
de changement soudain dans le gouvernement de la
France parvinrent la Runion la fin de mai. Aprs
avoir calm les esprits par une sage proclamation, le
gouverneur, officiellement averti,
blique le 9 juin.
proclama la Rpu-
que de se sparer de la France, comme en 1794, de rsister, mme par la force, au commissaire gnral son
arrive. Des clubs et des journaux s'organisrent. Une
assemblegnrale de 120 dlgus des communes, sorte
le club central rgulier, s'organisa par lection, la fin
de juillet, et, lorsque la nouvelle des dcrets du 27 avril
parvint 5 la Runion, cette assemble les dclara rendus
par un pouvoir incomptent et rdigea un programme
soumettre la mtropole, par lequel, sans combattre
l' affranchissement des esclaves, on demandait : 1 l'ajournem
les
110
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
111
missaire et le commandant de la station navale affirmaient tous les deux, la fin du mois, que l'anne se
terminait sans dsordre, presque sans ruine.
Les lections qui suivirent n'agitrent pas beaucoup,
parce qu'on ne s'y rendit pas; il n'y eut que 5,200 votants sur 36,000 inscrits.
La meilleure preuve du prompt retour du calme et
mme du travail, malgr des ruines relles et des jours
douloureux, est dans le chiffre de la production. La paresse, premire forme de l'indpendance de pauvres
diables pour qui le droit de ne rien faire tait le synonyme naturel de la libert, puisque la servitude avait t
le devoir de trop faire, le manque de capitaux, l'inquitude ne d'une double transformation
politique
184
,000,000 de kilog.
112
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
4. La Guyane.
COLONIES FRANAISES.
113
49,586,000 fr.
Flottille
3,300,000
-
51,686,000
fr.
114
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
fut pas srieusement affect, pas plus que par une pro
testation du quartier d'Approuague laquelle avaient
adhr plusieurs fonctionnaires, pas plus que par l'ouverture des clubs et par les manuvres de multres dan
gereux.
Si l'ordre ne souffraitpas, il n'en pouvait tre de mme
du travail. On vit un habitant intelligent et rsolu 1
manciper de suite ses esclaves, sans attendre l'expiration
du dlai de deux mois, et convenir avec eux d'un salaire
immdiat. Mais, en gnral, l'inconstance, le got de
la
petite proprit, la nouveaut de l'indpendance, l'excitation des runions rpublicaines, loignrent les nom
du travail. Le colonage partiaire fut vainement essay,
les noirs se dfiant de tout systme qui ne leur assurait
pas, jour par jour, le fruit de leur travail. Les jurys cantonaux ne russirent pas. Une commission nomme par
le gouverneur, pour le rglement des tches, eut plus de
succs. Mais en rsultat (et il faut en vrit s'tonner que
tant de causes runies n'aient pas caus plus de mal)
la rcolte de 1848 ne produisit que la moiti de la rcolte de 1847. Il est vrai que les prix remontrent de
17 24 fr. les 50 kilogrammes. Le prix du roucou
haussa plus encore, et s'leva de 80 c. 2 fr. 50 c. le
kilogramme; en sorte que les 215,000 kilogrammes produits en 1849 se vendirent plus cher que les 521,000
kilogrammes produits en 1840. Malgr cette hausse des
prix, cette baisse norme des produits en nature, et par
suite de la valeur des biens, avait de quoi consterner les
1 M. Roumy.
COLONIES FRANAISES.
115
comment en produire sans bras, sans argent et sans courage? Si un grand nombre de noirs retournrent la vie
indienne en allant s'installer sur des parcelles, dans les
terres hautes, ce ne fut pas seulement un instinct d'indpendance vagabonde qui les y conduisit. Mais, rpugnant
116
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE VI
LES LOIS.
Pendant que ces vnements se passaient dans les colonies, et pour remdier aux souffrances que l'tat transitoire et violent cr, non par l'mancipation, mais par
larvolution, moins par les dcrets que par les agents
du gouvernement provisoire, avait attirs sur nos possessions, le Ministre de la marine et des colonies, M. l'amiral
Romain-Desfosss, proposa au Prsident de la Rpublique, le 22 novembre 1849, la nomination d'une nouvelle
commission coloniale, dont la prsidence fut, par un
oix aussi juste qu'intelligent, confie M. le duc de
Br
oglie.
ch
am
Le
ice-amiral Ccile et le vice-amiral Lain y reprsentaient la marine; MM. de Laussat, de Lancastel, Fournier,
118
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
2 M. de Tracy, p. 29.
COLONIES FRANAISES.
119
120
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
121
122
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
L'Assemble fut d'avis de laisser au tribunal correctionnel la connaissance des dlits de presse, et de surseoir
l'institution de la Cour de magistrature dont il vient
d'tre parl, jusqu' la complte organisation de la justice
aux colonies.
Cette organisation importante n'occupa pas moins de
vingt-cinq sances de la commission. Remontant 1827,
le rgime ancien diffrait du rgimede la mtropole en
quatre points principaux : 1 Amovibilit de la magistrature assise. Dans un pays o la fermet de la justice
est le seul rempart de la paix, amovible, la magistrature n'tait pas respecte ; inamovible, elle pouvait, en
prenant parti, paralyser toute rpression. On dcida
comme terme moyen, que le juge pouvait tre chang
de sige, mais non rvoqu, si ce n'est sur l'avis d'une
Commission permanente de deux conseillers d'tat et
trois conseillers la Cour de cassation nomms par leurs
corps pour cinq ans.
2 Tribunaux de premire instance composs d'un
seul juge.
5 Absence d'un premier degr de juridiction en matire correctionnelle.
4 Jugement au criminel par des assesseurs runis
aux juges.
On assimilait sur tous ces points la justice coloniale
la justice mtropolitaine, sauf l'institution du jury,
qu'on n'osa pas tablir.
Un chapitre part, consacr au travail et l'immigration, rappellera les travaux que la Commission prpara
sur cette dlicate matire.
COLONIES FRANAISES.
123
une
le
124
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
125
sol
gnait ni plus ni moins la pratique, il honorait davantage la loi
franaise.
126
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
127
CHAPITRE VII
A FORCE MILITAIRE.
COLONIES FRANAISES
129
ment n'ait pour condition une augmentation des garnisons. Qu'et-il donc demand s'il avait pu prvoir qu'il
serait la suite immdiate d'une rvolution?
Comparons l'effectif des garnisons en 1840 avec celui qui figure au budget des colonies pour 1861
A la Martinique, il y avait en 1840 5,026 hommes,
savoir :
Troupe de ligne
2,512
Gendarmerie
148
Artillerie et ouvriers
366
3,026
TOTAL.
La commission demandait 2 :
500 gendarmes.
500 chasseurs de montagne.
964
142
24
Gendarmes pied
2 compagnies d'artillerie.
204
50
Ouvriers
TOTAL
1,384 3.
Page 78.
Budget, p. 106.
130
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
2,512
1 compagnie de gendarmerie.
148
252
2,912
TOTAL
964
Gendarmes
166
Artillerie et ouvriers.
254
1,384
TOTAL
868
67
50
TOTAL
985
Budget, p. 111
COLONIES FRANAISES.
131
868
Artillerie
70
Gendarmerie
177
TOTAL
1,332
1,412
compagnies d'infanterie.
150
100
compagnie d'ouvriers
51
TOTAI
1,719
compagnies d'infanterie.
compagnie d'artillerie
dtachement d'ouvriers
Gendarmes.
...
480
71
34
106
TOTAL
691
M. de Broglie, en valuant 5,526,000 francs la dpense de premier tablissement ncessaire cette augme
ntation de la force arme, ajoutait ces paroles significatives1 :
1
Rapport, p. 79.
132
ABOLITION DE L'ESCLAVAGEL.
CHAPITRE VIII
LA JUSTICE.
134
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
135
136
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
intimider son tour en faisant des exemples ou lorsqu'elle cda la place aux conseils de guerre.
Il y a donc, en rsum, de bonnes raisons pour se
contenter des documents publis et comparer des annes trs-rgulires, comme 1837-1839, aux annes
1850-1853, qui peuvent tre regardes comme le dbut
de l'existence normale de la socit nouvelle.
Tchons de rpondre ces deux questions :
1 La socit coloniale est-elle afflige par plus de
crimes et de dlits depuis l'abolition de l'esclavage qu'avant?
2 La socit coloniale est-elle dshonore par plus de
crimes ou dlits que la socit franaise?
I. Qu'on veuille bien se le rappeler, les dlits des esclaves taient, avant 1848, rarement ports devant les tribunaux; chaque habitation avait sa loi pnale, son juge et
ses excuteurs; il manquait quelque chose ces tribunaux, jugeant huis clos : des dfenseurs. Des ordonnances taient intervenues pour mitiger l'application du
fouet et des autres chtiments corporels, mais ils n'taient pas supprims. Le fouet tait le dernier article de
cette odieuse srie d'axiomes incontests qui tait comme
le second Credo de tous les matres, mme les meilleurs
le sucre est ncessaire l'homme, l'esclave au sucre, le
fouet l'esclave.
Il faut donc s'attendre voir normment augmenter
le nombre des dlits ports devant les tribunaux, et dont
ils ne connaissaient pas autrefois.
La dfiance, les craintes, les rancunes, ont d invitablement, pendant les premires annes, accrotre encore
COLONIES FRANAISES.
137
138
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
139
140
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Rapport, p. 54.
COLONIES FRANAISES.
141
635 en 1856.
124
34
Ces chiffres, qui sont presque les mmes, n'ont assurment rien d'excessif.
A la Guadeloupe, je lis dans les rapports de 1853
1856 que le nombre des plaintes diminue jusqu'en 1854,
au
cr
142
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
TRIBUNAUX DE PAIX.
Affaires.
Annes.
TRIBUNAUX
NOMBRE
de premire instance.
des plaintes.
Affaires
civiles.
commerciales.
Cour
d'assises.
Tribunaux.
1852. . .
1486
999
267
755
1200
1855. . .
1692
780
467
653
1046
1854. . .
2294
895
475
529
1169
1855. . .
5446
756
505
241
1470
1856. . .
2771
687
419
205
1442
1857. . .
2227
559
464
188
1424
1852
51
87
1855
21
87
29
89
1855
50
88
1856
21
75
1857
27
69
1854
COLONIES FRANAISES.
143
Toujours norme excs des crimes contre les proprits sur les crimes contre les personnes, toujours norme
proportion des criminels illettrs, neuf diximes la
Guadeloupe,
st
144
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
CHAPITRE IX
L'INDEMNITE.
10
146
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
que
baux', p. 65.
2
Rapport de M. de Broglie, p. 263-265.
3
COLONIES FRANAISES.
147
promptitude ni gnrosit.
L'art. 5 du dcret du 27 avril 1848 laissa l'Assem-
et
148
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
avait pro-
COLONIES FRANAISES.
La commission de 1840
149
li
et celui du
pport, p. 275.
150
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
soit 198,000, et ce chiffre, multipli son tour par celui des jours de travail, 250, pendant cinq annes, pro
du isait un total de 91,575,000 francs ou, en chiffres
ronds, 90 millions. La commission, prenant 1 ,085 fr
pour valeur moyenne et rduisant de 20 pour 100
chiffre des esclaves, arrivait 214 millions; mais, cou
s
elle abaissait 120 millions la somme propose. Elle proposait de la partager en 80 millions de capital et 2 millions de rente payables en dix annes1. Le gouvernement
se refusait obstinment toute inscription nouvelle de
rente au grand-livre. Ce mode prvalut cependant, et
aux termes de la loi vote le 50 avril 1849 s l'indemnit
fut fixe ainsi qu'il suit :
1 Une rente de 6 millions 5 pour 100;
2 Une somme de 6 millions, payable en numraire
trente jours aprs le dcret.
La rpartition entre chaque colonie eut pour base le
chiffre de la population esclave, savoir :
indemnit.
Martinique
74,447
1,507,885 f. 80
Guadeloupe
87,087
1,947,164 85
Guyane.
12,525
372,571
88
Runion
60,651
2,055,200
25
10,550
103,503
41
3,500
11,673
Sngal
Nossi-b,
9,800 esclaves
550 engags.
Sainte-Marie.
248,560
6,000,000 f. 00
COLONIES FRANAISES.
151
cette
152
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
153
prsentant
58,239,510
1851, p. 614.)
154
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
C'est ici le lieu de consacrer quelques mots l'influence de l'mancipation des esclaves sur le budget de
l'tat.
L'mancipation des esclaves avait, aux yeux des financiers des anciennes Chambres, un grave inconvnient:
elle devait coter cher. M. le duc de Broglie en avait
pour ainsi dire, dress le devis estimatif.
Indemnit aux propritaires pour 249,508 esclaves
1, 200 francs, 500 millions1;
1
Rapport, p. 276.
COLONIES FRANAISES.
155
1
5,097,429 fr.
6,167,309
5,679,578
5,289,466
5,326,000 fr.
Mmoire.
1,620,000
Tribunaux
frisons
tablissements d'ducation.
tablissements de bienfaisance.
Culte
1,740,000
678,000
Mmoire.
7,564,000 fr.
gage 130
Force arme
Tribunaux
Frisons
ducation
Bienfaisance. ......
Culte
1,829,000 fr.
269,500
54,000
488,000
80,000
18,000
2,718,* 00 fr.
156
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
6,167,309 fr,
1848
5,679,568 1.
COLONIES FRANAISES.
157
nement, la justice, le culte; il ne contribue plus l'instruction publique que par une subvention 1.
Or, en rapprochant les services conservs au budget de
l'tat2, on constate que ces services civils et militaires
des quatre colonies cotnient, en 1846, 10,289,156 fr.,
et ne cotent plus, en 1858, que 9,521,244 francs.
En somme, part l'indemnit, l'mancipation a
pass sur le budget de l'tat3 sans y laisser de trace.
1
1846.
1848.
Culte
558,082
687,973
Justice
982,606
938,976
coles
505,160
200,000
MARTINIQUE.
GUADELOUPE.
1,650,235
545 077
1,512,853)
1,576 271
464,098
1,602,705
572,691
81,734
586,201
1,023,007
582 786
1,291,578
3,708,165
3,643,074
1,240,626
2,697,371
matriels. .
2,212,836
499,365
2,413,597
655,813
1,512,233
307,462
1,548,008
371,930
2,712,201
3,069,410
1,819.695
1,919,938
GUYANE.
RUNION.
1846.
Service militaire
Services civils.
personnel
matriel.
......
TOTAL.
...
1858
TOTAL.
TOTAL GENERAL.
1846. .
1858. .
Diffrence en moins.
. .
. .
10,289,136.
9,521,244
768,892
Quant aux budgets coloniaux, voici quel a t, sur les trois principaux,
2,038,600 fr.
2,078,803
Elle perdait
40,208
1,723,300
1,865,928
Elle perdait
142,628
La Runion avait
Elle avait payer
Elle gagnait
L'tat perdait
2,240,900
,
1,939,070
281,880
99,049 fr.
I.
la direction des
10*
CHAPITRE X
Page 63.
2 Page 17.
COLONIES FRANAISES.
159
160
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Page 19.
COLONIES FRANAISES.
161
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
162
Martinique.
Guadeloupe.
Guyane.
Runion. .
41,165,012 fr.
41,759,713
4,501,747
28,267,698
23,366,287 fr.
20,854,020
5,500,720
19,676,882
115,694,170 fr.
67,293,809
67,295,800 fr.
Diminution.
48,400,561 fr.
TOTAL.
1846
Martinique.
Guadeloupe
Guyane. .
57,789,555 fr
54,627,652
4,619,861
55,472,505
Runion.
Total.
1848
110,509,219
07,295,809
43,215,410 fr.
ou seulement 40 pour 100.
2 Est-ce l'mancipation? est-ce la Rvolution qui
caus cette perte si considrable?
En fait, nous l'avons vu, ce n'est pas la libert qui
COLONIES FRANAISES.
163
1847
1848
GNRAL.
2,613,500,000 fr.
2,014,900,000
COMMERCE SPCIAL.
1847
1848
1,867,000,000
1,390,600,000
fr.
164
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
de
est tomb, en 1848,
168,572,187 fr.
149/288,97!) fr.
baissant ainsi de
Soit, environ 1/8.
19,285,208 fr.
1
Rsums comparatifs insrs dans la Revue coloniale, 1851.p.
100, 153,161.
(1839.
1849.
COLONIES FRANAISES.
165
nique
Voici les rsultats compars des cinq ans qui ont pr1849. . .
27,941,622 kilog.
1850. . . .
45,725,405
Vo
"
yez les tableaux el , Appendice.
166
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
QUINQUENNALE.
1843-1847.
1848-1852.
Martinique.
59,226,505 fr.
36,676,505 fr.
Guadeloupe.
59,228,912
28,461,649
Guyane.
4,081,799
4,427,460
Runion. .
55,074,648
54,708,672
115,609,862 fr.
Diffrence.
104,274,286 fr.
11,555,576 fr.
Si l'on va plus loin, si l'on compare la priode 18431847, avec la priode 1853-1857, alors l'avantage est
tout entier du ct de la libert :
MOYENNE QUINQUENNALE (1853-1857).
Martinique
51,546,959 fr.
Guadeloupe
59,904,671
Guyane
7,954,376
Runion
72,524,705
TOTAL.
171,734,701 fr,
Moyenne (1843-1847).
115,609,862
Augmentation.
56,124,839 fr.
franaise, o les chiffres sont encore bien plus significatifs. Pour la Ru-
COLONIES FRANAISES.
167
Il. Distinguons maintenant les importations des exportations, au lieu de prsenter runis les chiffres qui les
expriment.
On remarque que presque toute l'augmentation porte
sur les importations, mais que le chiffre des exportations reste constamment d'une part au-dessous des
chiffres antrieurs l'mancipation, d'autre part audessous du chiffre des importations; en d'autres termes,
les colonies produisent moins qu'elles ne produisaient,
et elles reoivent plus qu'elles ne produisent, double
perle.
11 convient de distinguer, en outre, les colonies les
unes des autres, car la variation ne suit pas dans toutes
la mme marche. Or le tableau gnral des douanes,
pages 58-60), constate que la moyenne dcennale 18371846 des exportations est suprieure la moyenne d
cennale 1847-1856, savoir :
1831-1846.
A la Martinique.
15,158,394 fr.
14,027,765 IV.
A la Guadeloupe.
18,575,225
12,685,654
1,830,606
861,370
A la Guyane.
il
1847-1856.
18,
augment, mais dont le chiffre des exportations a tellediminu qu'on peut dire qu'elle cesse de figurer
168
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
16,015,171 fr.
(1856-1847)
15,158,594
Guadeloupe ( 1826-1857)
20,451,685
(1856-1847)
18,575,225
Importations.
Exportations.
.
.
.
.
.
.
1847.
1857.
2,878,628
1,622,919
6,420,789
961,272
4,501,747
7,382,062
COLONIES FRANAISES.
169
1847.
1848.
Runion. . . . 12,620,602 f. 9,107,507
1817.
1848.
1848.
1.
1852.
13,959,052
-1854.
18,636,070
1854
28,881,893
1859
58,425,669
1857.
24,830,095
1857.
23,319,277
Ainsi donc, il n'est pas exact que le chiffre des exportations soit, depuis l'mancipation, demeur infrieur
ce qu'il tait avant.
Mais on remarque avec raison qu'il reste constamment
infrieur celui des importations. On en conclut que la
balance tant au dtriment des colonies, elles sont en
de ruine.
Il y a deux rponses faire, l'une gnrale, l'autre
spciale.
1 La balance du commerce n'est pour les petits
comme pour les grands tals, qu'un document
c
onsulter. Les donnes en sont trop incompltes, les
Pays
Tous les chiffres donns par le Tableau des douanes, sont bien plus
lev
170
ABOLITION
DE L'ESCLAVAGE.
valeurs qui l'tablissent ont trop d'incertitude, sont soumises trop de variations, pour qu'elles puissent tre
produites en preuve de la pauvret ou de la richesse des
socits1.
Ces observations d'un colon expriment sont parfaitement justes, et il y a longtemps que la science ne s'en
rapporte plus la thorie, autrefois populaire, de la
balance du commerce. C'est un renseignement utile, ce
n'est pas un argument infaillible. Elle fonde en effei
des affirmations sur des valeurs variables; elle ne dit
rien de l'origine, de la nature, du but des dpenses et
des recettes; elle tient compte de ce qui entre et de ce
qui sort, non de ce qui se consomme sur place, non de ce
qui est une source de puissance sans se traduire par des
chiffres. Un pays qui exporte beaucoup semble trs-riche.
Il ne l'est pas, s'il fait argent de tout pour payer des dettes.
On a une preuve trs-sensible de cette assertion dans
l'examen du commerce total de la France aprs 1848.
Pendant que les importations tombent 1 milliard
545 millions en 1847, 862 millions en 1848, pour
ne se relever qu'en 1852 au-dessus du chiffre de 1 847:
au contraire, les exportations ne baissent qu'en 1848,
et ds 1840 elles s'lvent, et sans s'arrter, au-dessus
du chiffre de 1847; l'quilibre entre les importations et
les exportations n'est atteint qu'en 1856. Qu'est-ce
dire? La France est-elle plus riche en 1849 qu'en 1847?
Nullement; elle achte peu, elle vend tout ce qu 'elle
zclles.
COLONIES FRANAISES.
171
des
172
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
plac la monnaie dans la circulation locale par un papier qu'on ne peut exporter et dont on est arriv ne
pouvoir plus exiger le remboursement; les autres, dans les
mesures prises pour exclure le numraire tranger, les
doublons et piastres espagnols, les aigles et dollars amricains 1. Mais la cause originelle, c'est qu'il se fait entre
les colons et la mtropole des changes en nature plutt
que des ventes; l'importation excdant l'exportation, les
colonies ont payer un solde en espces. Ne produisant
pas en quantit suffisante les aliments de leur population, elles payent encore un solde aux contres voisines,
L'argent
COLONIES FRANAISES.
173
174
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
sui-
vants :
Moyenne quinquennale
(1843-1847) 2
(1848-1853).
80,570,800
.
kil.
58,946,850
65,682,080kil.
82,211,428
1855
90,747,276
1856. .........
93,531,027
1857
84,961,781
1858
1859
116,245,177
1 12,701,158 3 kil.
COLONIES FRANAISES.
175
Mais,
la
Runion,
savoir :
SUCRE
RUNION
1847 . .
MB. . .
FABRIQU :
MARTINIQUE
24,063,689 kil.
64,649,170
1847. . .
1856. . .
GUADELOUPE
29,318,173 kil.
50,544,650
1847 . .
1854. . .
38,007,807 kil.
38,180,200
SUCRE
1847.
1848.
1849
1850.
.
.
.
.
.
.
.
.
1851. . .
1852 . .
1853.
(854
1855.
1856.
1857.
1858.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
BRUT
IMPORT
EN
FRANCE
REUNION
MARTINIQUE
17,359,825kil
15,279,875
12,978,406
13,180,666
13,491,119
19,807,142
19,000,526
25,036,845
34,224,912
32,946,224
51,006,067
57,522.542
19,247,079
11,838,865
11,034,983
8,545,510
11,829,555
14,717,577
12,419,440
14,624,649
11,117,530
15*981,976
23,679,905
27,554,585
GUADELOUPE
24,225,736
12,191,904
11,515,545
7,808,594
10,148,075
10,645,556
8,884 377
15,251,675
12,690,955
13,003,032
18,390,842
28,675,144
Qu'importe, disent les planteurs, que nos terres preduisent autant, si leur valeur vnale est abaisse, si
e
lair
176
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Il est fort difficile d'obtenir sur ces points des documents prcis.
Aux Antilles, les transactions ne sont pas assez nombreuses pour qu'il y ait un prix courant bien tabli sur
les terres, prix variable selon les situations. Avant 1848,
ou vendait peu, et on s'endettait sans crainte d'expropriation. Le prix d'une habitation dpendait plus du prix des
noirs et du revenu industriel que de la terre elle-mme:
il y en avait toujours plus qu'on n'en cultivait. Les ngres ne pouvant pas possder, c'tait dans chaque colonie
70 ou 80,000 acqureurs ou vendeurs de moins. Comment comparer avec des lments si divers?
Est-il possible de prendre pour certains les chiffres
noncs dans les deux publications officielles du ministre des colonies, les deux Notices imprimes en 1840 el
en 1858, et se rapportant, la premire, 1835, anne
de grande prosprit, la seconde 1855, sept ans seulement aprs la Rvolution et l'mancipation? En I s
on estimait 796,403,641 francs le capital engage
dans les colonies; mais en dduisant la valeur des esclaves estims 274,304,150 francs, soit environ
1,500 francs par tte, il restait 522,099,591 francs
pour le capital des terres, habitations, matriel, bestiauxOr la notice do 1858 estime pour 1855 le mme
capital 574,173,405. Ce serait une diffrence de
147,926,180 francs, soit environ un quart.
Cette diffrence porterait tout entire sur la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, car la Runionle
capital engag est estim au-dessus de ce qu'il valait j
compris les esclaves, avant l'mancipation.
COLONIES FRANAISES.
177
181,758
TRAVAILLEURS.
1835.
48,970
51,660
7,291
71,094
1:9,015
2 -V la Guadeloupe, la Banque, avec un capital de 5 millions, a vu ses oprations s'lever, de 7,176,347 francs
en
1858-1859.
Les prts sur rcolte, a 4
t pas assez de garanties. Elle a ralis un bnfice net de. 16,27 pour 100.
12
178
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
179
r le pied de 300 francs, ont atteint 800 francs et 1,000 francs. Ainsi la
pui
rieure celle qu'il avait reue de l'tat pour la proprit d'un esclave. (Lepelle
Ar
180
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
64
f. 25
De 1845 1849 .
...
59
De 1849 1854 .
69 f. 10
De 1854 1859 .
...
75
Il s'est lev :
.
77
58
2 Broglie, 259.
Voyez le tableau n 5.
COLONIES FRANAISES.
181
Martinique. . .
Guadeloupe. . . .
Guyane.
Runion.
1847
1857
1859
673 navires
817
113
711
956
98
723
1,180
1,218
215
729
2,488
3,342
389
2,022
182
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
raison?
Nullement. La situation
de la proprit coloniale
CHAPITRE XI
l' a
i
servent,
en temps de guerre,
184
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
COLONIES FRANAISES.
185
' que le sucre a pris une part peine croyable au progrs de la consommation et du revenu public depuis un demi-sicle. Si Ton additionne les
' quantits que la France a fabriques avec celles qu'elle a reues, et si Ton
186
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
quantits
1,280,640
1,051,799
'
..
1847
1856
COLONIES FRANAISES.
187
Ier.
volution de Fvrier.
188
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
tari
f
e
pui
COLONIES FRANAISES.
189
sucres franais,
75 fr.
ne
ciale,
si
Provisoires,
veur
mme.
Sans doute, les colonies, si malades, entrrent en convalescence sous ce rgime; elles produisirent en 1816
de la
190
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
et
6,500,000 francs
19,110,000 francs en
en
1832l.
Les colonies se flattaient de triompher par ces privilges exorbitants; mais on ne triomphe pas des lois de la
1
x
re -
COLONIES FRANAISES.
191
en 1836.
De 1816 1835, le nombre d'hectares de culture employs a la canne
leva
la Martinique de
5,495
la Guadeloupe de
7,242
la Guyane de
....
la Runion de.
1,004
14,550
Not c
2,225 la Guadeloupe,
163 la Guyane,
5,508 la Runion.
192
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Trop de faveurs, en suscitant des rivaux, avaient prpar la ruine des colonies.
Le sucre de belterave fut tax son tour, mais aprs
quatorze annes de franchise; les colonies trouvaient leur
intrt ce qu'il ft frapp d'une taxe, le Trsor trouvait le sien ce qu'elle ft faible, pour que la matire
imposable se dveloppt. La taxe fut d'abord de 10 francs
les 400 kilog. et devait tre porte, deux ans aprs,
15 francs (loi du 18 juillet 1837). Cette taxe insignifiante, et vote cependant la majorit d'une voix seulement, n'empcha pas les fabricants de jeter en 1838
50 millions de kilog. de sucre sur le march, et la rcolte
ayant t celte mme anne abondante aux colonies, la
baisse fut excessive et la gne devint telle, que les gouverneurs des Antilles et le gouvernement prirent en
1850 sous leur responsabilit : les uns d'autoriser les
colonies vendre ailleurs qu'en France, l'autre de dgrever de 13 fr. 50 c, par ordonnance, les sucres coloniaux.
Le sucre indigne fut frapp d'un droit de 25 francs
par la loi du 5 juillet 1840, qui fixa 45 francs le droit
sur le sucre colonial. Celle raction dans un autre sens
frappa de mort un grand nombre de petites fabriques
Malgr ce coup, malgr ces charges, tel tait le progrs
COLONIES FRANAISES.
193
dante , et l'inquitude des colonies, partage par le gouvernement, fut si vive que, le 10 janvier 1845, un
projet de loi proposa l'interdiction absolue de la fabrication du sucre de betterave moyennant une pralable
indemnit.
On et compris peut-tre une interdiction prononce
aux dbuts. L'Angleterre, en tablissant de prime abord
sans mnagement l'galit des droits pour tous les sucres, a touff au berceau une industrie dont les dveloppements pouvaient compromettre ses intrts maritimes, ses colonies et son revenu 2, sans que l'agriculture
et besoin de ce nouveau produit pour grandir. On aurait
pu faire de mme en France. Les bras et les capitaux
n'y manquent pas d'emploi, tandis que la nouvelle industrie menaait nos colonies, notre marine et nos exportations autant que nos importations.
Mais au point o les choses taient arrives, la situation tait bien plus complique et les deux causes avaient
v
u grandir l'importance de leurs motifs et le nombre
de leurs avocats. Aussi la lutte tait terrible.
D'un ct les colonies et la marine, de l'autre les fabricants et l'agriculture, rangeaient en bataille leurs arguments.
Les colonies disaient :
Ou bien affranchissez-nous du pacte colonial et laissez1
1841 : 27
1842 : 31
,,
,
Rossi, p. 13. Cette industrie a pris nanmoins depuis une assez grande
portance.
im
13
194
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
le monopole de nos
achats,
garantissez-
COLONIES FRANAISES.
195
de Ha
196
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
des sucres trangers l . La marine demandait celte libert sans renoncer au privilge du pavillon. Les raff,murs 2 la demandaient aussi, se plaignant qu'on leur
restitut les droits pays pour 100 kil. de sucre brut sur
70 pour 100 de sucre raffin, et prtendant que le
ren-
COLONIES FRANAISES.
197
ment attribuer cette indemnit, sans tomber dans l'arbitraire, aux fabricants et non aux ouvriers, aux propriComment tuer une industrie vivace, intelligente,
e , et sacrifier ses intrts avec ceux du consommateur aux intrts mal satisfaits des colonies?
On prfra, et la loi du 2 juillet 1843 consacra un
taires?
util s
198
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
trangers autres
digne.
Rsumons par quelques traits l'tat o on en tait
arriv en 1847, la veille de l'mancipation.
Les deux sucres payaient des droits gaux. Le sucre
colonial, protg un peu, puis beaucoup, puis trop, avait
vu celle faveur lui susciter un dangereux rival.
Ce
rival
remuait
peine.
SUCRES CONSOMMS OU
Sucre tranger.
1827-1836...
1857-1846. . .
15,985 q. m.
80,829
RAFFINS EN FRANCE :
708,651
775,079
130,500
566,763
Chiffre total.
853,134 q. m.
1,220,668
dessous payent le droit, ceux qui sont au-dessus payent davantage. Le dcret
du 15 juin 1851, appliqu seulement la fin de 1852, substitua au systme
des types la taxation d'aprs la richesse saccharine et le rendement.
1
COLONIES
199
FRANAISES.
878,261
Sucre tranger.
Sucre indigne.
96,261
523,703
Total.
1,498,225 q. m.
de
avri
12
l et 16 juin 1845).
V. le tableau n 3.
Rapport de M. le comte Beugnot, 1851
En 1836, M. Crespel dclarait devant la Commission de la Chambre des
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
200
COLONIES FRANAISES.
201
202
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
2 Idem, p. 460.
3
M. de Chazelles, p. 102.
COLONIES FRANAISES.
203
204
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
205
une dtaxe de 7 francs sur les sucres coloniaux. Continue par la loi du 28 juin 1856, mais rduite successivement 5 francs, cette dtaxe devait prendre fin le 30
juin 1861; la loi du 25 mai 1860 L'a prolonge jusqu'au
50 juin 1866.
Reprenant rsolment la pense de 1851, en prsence
d'une consommation qui s'est leve 200 millions de
kilog. en 1848, 185 en 1849, et a vers au Trsor 99
millions nets en 1858,94 millions en 1859 l, cette loi risque une diminution brusque des quatre neuvimes (de 49
25 fr.) qui cotera prs de 50 millions au Trsor la premire anne, comptant avec confiance que la consommation encourage par la baisse des prix, descendra jusqu'aux
classes ouvrires, et rendra au Trsor ce qu'il va hasarder.
Confiance raisonnable, puisqu'on Angleterre la consommation est de 15 kilog. 1 2 par tte, en Suisse de 8, en
Hollande de 7, en France de 5 kilog. seulement. En
mme temps, les colonies seront dgreves d'un impt
presque gal la moiti de la valeur du produit, et continueront tre protges contre le sucre indigne, comme
celui-ci l'tait jadis contre elles. Le sucre indigne, poursuivant ses progrs aprs avoir brav les droits, bravera,
comme l'annonait M. Dumas dans la discussion de 1851,
sucre tranger qui sera plus librement introduit2. La
marine, encore protge, profitera d'un double lment
1 Rapport de M. Ancel.
2 La loi de 1860 maintenait sur les sucres trangers une surtaxe de 5 fr.
par 100 kil. Elle est abolie par le dcret du 16 janvier 1801, favorable aus
ports, niais nuisible aux colonies.
206
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
207
puis en 1850; elles l'obtiennent enfin. Si elles n'en profitent pas, ce n'est pas l'mancipation qu'elles devront
s'en prendre, mais elles-mmes; car il se trouve que ce
dgrvement arrive l'poque o l'mancipation a
ichev son effet, o le travail et la production ont atteint
et dpass les chiffres de 1847. Qu'on ne dise donc point :
l'mancipation a fait tant de mal, qu'il a fallu dgrever.
Ce dgrvement n'a t obtenu pour la premire fois
qu'en 1852, quand il ne pouvait plus rparer les premiers dsastres; et pour la seconde fois il est opr aprs
ces dsastres sont effacs.
Toutes les cultures secondaires ont t sacrifies au
sucre de canne, et ce sucre, protg l'excs, a t vaincu
queque
Mais, en dfinitive, pourquoi, comment, le sucre colol a-t-il t vaincu par le sucre indigne, tellement
qu'il faut aujourd'hui le protger? Il est intressant de
serrer de plus prs la question et de faire ressortir la
nia
caus
e non pas unique, mais principale, de cette infriorit qui date de loin.
On peut en tirer, si je ne me trompe, deux leons essentielles : l'une intresse la science conomique, l'autre
touche spcialement la question de l'esclavage.
L'extrme protection, la recherche d'une pondration
chimrique, l'galit, l'interdiction, sont des formules
peu prs vaines; on ne peut coup de tarif ni faire
une industrie malade ni faire mourir une industrie
vivace
; les cluses ne font pas d'une eau dormante une
vivre
208
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
eau vive, les barrages n'empchent pas le fleuve de cou1er, dt-il se creuser un nouveau lit.
Or le sucre c'tait l'eau dormante, le sucre indigne
tait l'eau vive. Par une protection exagre on a tu les
colonies, qui ont tout sacrifi la culture de la canne
sucre, on a tu en mme temps la carme sucre en lui
crant un rival inattendu. Par des remaniements continuels on a gn grandement, mais inutilement, ce rival,
Ni le trsor, ni le pays, ni les colonies, ni l'industrie,
n'ont trouv leur compte ces ttonnemeuts.
Dans ce long tableau, a dit excellemment M. Benoist d'Azy 1, dans ce long tableau des variations successives ou plus tt alternatives des opinions et des dcisions, on doit voir avec un profond regret combien ces
oscillations continuelles ont d tre pnibles pour toutes
les industries qui se rattachent ces grandes questions,
et il y a lieu de s'tonner que le mal ne soit pas plus
grand encore. Qui a pu tre assez hardi pour immobiliser des capitaux dans des colonies lointaines, pour changer tous les procds de
fabrication, construire
COLONIES FRANAISES.
209
cherchons souvent la cause des souffrances ou de la faiblesse comparative de quelques-unes de nos industries :
elle est pour beaucoup dans l'ternelle inconstance de
nos doctrines sur la protection qui leur est due.
L'incertitude dans la direction commerciale et industrielle du pays est cent fois pire qu'un mauvais systme,
parce que rien ne s'oppose plus tout esprit d'entreprise
ou de progrs, tous les efforts gnreux et utiles.
Il viendra un moment o, fatigu de cette longue incertitude, de ces barrires qui n'arrtent rien et de ces
faveurs qui ne dveloppent rien, tous les intrts seront
peu prs d'accord pour demander la libert de produire la formule que toutes les combinaisons financires
n' ont pas su trouver 1.
Mais il est un enseignement plus directement applicable au sujet qui nous occupe.
Entre les deux terres qui produisent le sucre, de quel
t
c la nature a-t-elle mis l'avantage?
Evidemment du cot des colonies; le sol est plus fcon
d, le soleil plus chaud, les saisons plus rgulires, la
canne deux fois plus riche, plus facile traiter que la
betterave.
Qu'est-ce qui a donc manqu aux colonies?
Ce n'est pas le temps, car pendant deux sicles elles
nt
o eu le monopole. Ce n'est pas la faveur, car avant la
premire Rvolution les colonies ne payaient que 5 francs
par
100 kilog.2. Aprs la premire abolition, elles ne
.
Ce
r.
14
210
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
211
1 Ra
pp- p. 69.
Procds Rousseau, Melsens, Dubrunfaut, etc., etc. Remarquons touteque, si la substitution des grandes usines aux petites est un progrs pour
la
. le tableau D.
212
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
213
el
travers
214
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
p. 410, 147.
COLONIES FRANAISES.
215
caf.
2 " On ne peut faire cet honneur la chicore, bien qu'on prtende qu'il
vend de 4 5 millions de kilog. de caf de chicore, mlange de caf, de
chicore, de racines brles, de pulpe de betterave et souvent de terre et
d'argile. Rapp. de M. Beugnot, 1843.
216
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
( Colonies.. .
Ailleurs .
[ Entrepts. .
.
.
.
55
40
COLONIES FRANAISES.
217
racas ou de Maracarabo. Sans doute aussi la prparalion d'une cacaoyre fait attendre 0 ou 8 ans ; mais
elle dure aprs ce premier labeur plus de 50 ans sur la
cte, 50 ans dans l'intrieur : le propritaire se promne
sous ses arbres, analogues nos cerisiers, sans avoir
d'autre peine que de les faire arroser. La culture en est
trs-facile, puisque les Mexicains cultivaient sans peine
le cacaoyer, abandonn au moment de la conqute
des Espagnols, en mme temps qu'ils se servaient comme
monnaie des graines contenues dans la cabosse, tandis
que les tribus sauvages de l'Amrique, si l'on en croit
M. de Humboldt, les rejettent pour sucer la pulpe acide
qui les entoure. Cette culture a surtout l'avantage de demander peu de bras et aussi de convenir aux petites familles. Un seul homme suffit pour soigner 1,000 arbres,
qui peuvent donner
moyenne1.
Ce n'est pas directement que les colonies profiteront
droit sur les ths, rduit par la loi du 25 mai 1860
de 120 francs, pour les ths imports de la Chine ou de
Manille, et de 150 francs pour tous autres, un taux
u'en
mon
218
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE II
LE TRAVAIL ET L'IMMIGRATION.
'
220
ABOLITION DR L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
221
165,255,
1
Ala Runion
159,551
251,160.
A la Guyane, sur environ 5,400,000 hectares, il n'y a
que 5,756 hectares cultivs.
Cependant les colonies ont reu des masses normes
de travailleurs, on value plusieurs millions le nombre des Africains apports aux colonies par deux sicles
ta traite. On n'estime pas moins de 100 150,000 par
an le nombre des Africains vendus annuellement de 1788
1848 dans les divers pays esclaves. Quelles villes
n
o t bties ces hommes? Quelles contres ont-ils civiliQuelles forts, quelles savanes ont-ils dfriches? O
vivent-ils heureux, instruits, chrtiens, en progrs? Mais
1
convient de faire remarquer qu' la Runion une grande partie
terres non cultives nest pas cultivable.
des
222
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
223
224
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
225
se procurant des engags indiens... Plus rcemment encore, des rglements ont t faits pour l'introduction
d'un millier de Chinois.
s'exprime ainsi :
8 8
I.
15
226
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Art. 16. Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui, n'ayant pa de
n
COLONIES FRANAISES.
227
On oublie enfin que l'une des causes de l'loignement des affranchis pour la grande culture a t prcisment la
tio
Ces
228
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
nom
COLONIES FRANAISES.
229
prvu. La culture et la prparation des denres coloniales ont toujours t un travail laisse exclusivement
aux mains des esclaves. Par cela seul ce travail est devenu leurs yeux le signe mme de l'esclavage. Nul
doute qu'un des premiers usages que les noirs feront de
leur libert sera de se drober ce genre de travail .
Cette phrase d'un rapport de M. d'Haussonville, et la
prvision qu'elle exprime, on la retrouverait dans tous les
rapports consacrs pendant quinze ans aux questions
coloniales, avant l'mancipation.
Qu'on ne dise donc pas que c'est l'mancipation qui
a fait fuir les cultures; c'est l'horreur de l'esclavage,
c'est le spectacle de l'oisivet des blancs. Esclavage et
travail, paresse et libert, ces mots taient synonymes aux
colonies, et les phrases : Travailler comme un ngre,
battu comme un ngre, paresseux comme un crole,
sont devenues des proverbes. Si c'est la libert qui a fait
fuir le travail, c'est l'esclavage qui l'a fait dlester.
Il y a lieu d'tre surpris, non pas que les anciens esclaves aient dsert les ateliers, mais qu'ils y soient revenus.
Or, ils y sont revenus en trs-grand nombre; et sans
entrer dans le dtail des correspondances innombrables
en
men
230
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
tinue, ou aussi ceux qui donnent ici et l leurs journes comme eu France!
La statistique de ces notices parat inexacte; car elle indique une diminution
de 30 pour 100
la Guadeloupe. la
Guadeloupe a
moins produit que la Martinique. Cela est impossible. Prenons cependant ces
chiffres tels qu'ils nous sont donns.
En voici le rsum :
ESCLAVES.
1835. . .
1
181,758.
TRAVAILLEURS.
1837. . .
179,015.
Page 42.
COLONIES
FRANAISES.
231
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
232
MARTINIQUE.
Situation numrique des travailleurs trangers existant
dans la colonie.
INDIENS.
AFRICAINS.
TOTAL
!.
889
58
1,234
1,247
60
1,594
1,563
2,987
34
33
2,885
3,307
30 juin 1854
31 dcembre 1854.
MADRIENS.
1855.
1556.
1857.
541
4,578
1858.
4,037
5,279
6;527
1859.
6,748
1,248
2,976
10,256
' Y compris quelques centaines d'Europens et de travailleurs provenanl des colonies anglaises, et 500 Chinois arrivs en 1859.
GUADELOUPE.
Situation numrique des travailleurs existant dans la colonie.
INDIENS.
50 juin 1854
Dcembre 1854..
1855.
. .
. .
1858..
Novembre 1859..
AFRICAINS.
314
>>
TOTAL 1
189
495
855
691
1,646
1,790
2,884
5,989
69
1,158
5,201
. .
4,155
184
2,995
7,443
janvier 1836
Dcembre 1857..
CHINOIS.
. .
.
3,094
COLONIES FRANAISES.
233
RUNION.
Situation numrique des travailleurs trangers existant dans
la colonie.
INDIENS.
1855
1856.
1857
AFRICAINS.
TOTAL 1.
34,461
0,500
41,287
35,201
10,265
45,914
50,071
13,701
50,227
36,144
16,580
55,175
1858
36,251
24,143
00,859
1859...
36,025
25,650
62,104
Ce n'est donc que depuis 1857 et 1858 que la prsence des immigrants a pu avoir une influence sensible
sur la quantit des produits.
Or nous avons vu que les produits des annes postrieures l'esclavage, aprs cinq annes infrieures, se
sont levs, pendant la priode quinquennale suivante,
au-dessus des produits des annes antrieures l'esclavage. Rappelons ces chiffres :
MOUVEMENT GNRAL DES AFFAIRES.
1845-1847.
Martinique
Guadeloupe
Guyane
Runion
59,226,503 fr.
59,228,912
4,081,799
33,074,648
1852-1857.
51,646,959 fr.
39,904,671
7,954,376
72,324,705
234
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
18,323,921 h.
20,420,522
1,622,919
12,620,602
Guyane
Runion
1857.
24,830,095 h.
23,319,277
901,272
55,150,125
Martinique
Guadeloupe
Guyane
Runion..
34,530
43,813
8,784
, 61,020
1856.
31,723
23,876
5,736
91,629
COLONIES FRANAISES.
235
236
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
MARTINIQUE.
GUADELOUPE.
1846
1856.
1846.
1 856.
34,530
23,876
20,232h
31,723
18,202
44,813
14,189
22,349
2,200
Nombre d'habitations.
Nombre d'ouvriers
Nombre de machines.
Chevaux ...
Anes ...
Mulets ...
Boeufs ...
Moutons ...
Chvres ...
Cochons ...
1,850
025
4,736
1,139
159h
502 h
425
1"
545
134
10
47
030
122
511
12,081
16,379
6,360
3,256.
4,748
3,562
65,228 1
31,322
28
43,794
02
3,963
51,650*
3,861
152
2,954
205
3,385
430
16,661
4,400
15,094
23,450
13,578
11,143
27,238
4,485
8,075
8,427
1,388
3,902
3,644
6,142
9,023
8,057
9,331 3
11,672
9,249
892
9,114
de 1846
2 Pour la Guadeloupe, la dduction a t faite; or les deux chiffres de 1846 et 1856 sont
prcisment les mmes, Il en rsulte une vritable difficult admettre le chiffre indiqu
pour les cultures; comment 23,000 hectares emploierarent ils autant d'ouvriers que
44,000? L'erreur est confirme par le chiffre des produits. Les 22,000 hectares plante*
en canne auraient, en 1846, produit seulement eu sucre brut et terr, sirop, mlasses,
tafia, 31,892,050 francs; et les 11,000 hectares de 1856auraient produit 33,912,780 francs?
Or les prix ayant gnralement baiss, on ne pourrait attribuer cette hausse leur
variation.
5 la suite de l'excellent rapport de M. Jules Duval au nom du jury spcial de* Colonies et de l'Algrie l'exposition gnrale d'agriculture en 1860 (Rev. Col. Dc 1860.
COLONIES FRANAISES.
237
238
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
239
240
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
241
sont garantis par cette protection. Il est vaccin, soign, nourri, vtu, dans
les
termes prvus par les rglements. Des peines graves menacent ceux qui
manqueraient aux engagements pris envers lui.
saire.
C
a e
est nces-
t.
I.
16
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
242
Ce trait est en pleine excution. Les colons en attendent les meilleurs rsultats.
Mais quoi ! n'est-ce pas un fait trs-remarquable au
point de vue qui nous occupe? C'est la race africaine
qu'on emprunte des travailleurs destins remplacer
d'autres Africains, qu'on accuse de n'aimer que la paresse?
On a successivement essay les Europens, les Indiens,
les Chinois, les Africains.
En 1845, nous l'avons vu, le gouvernement franais
voulait encourager l'migration europenne. Mesure
sage et prvoyante, car les colons manquaient surtout
d'ouvriers d'lite, de mcaniciens, de contre-matres, de
chefs de culture pour perfectionner leur outillage et
conduire ou former des ouvriers moins intelligents. On
a
pour ces
nourris
COLONIES FRANAISES.
243
devenus la souche d'un grand nombre de familles, qui habitent encore les colonies. Ils n'taient pas destins travailler, mais peupler, et l'arrt de 1774 arrte l'immigration, parce que le but est atteint, que la population
blanche est suffisamment augmente. Ainsi les engags
ont fini non parce qu'il ont chou, mais parce qu'ils ont
russi. En tous cas, rien de comparable entre les deux
poques, si ce n'est le climat, qui est rest le mme. Or
on a vu les blancs travailler mme la Guyane; il y en
a beaucoup Porto-Rico; ce sont des blancs qui ont construit, en 1845, le chemin de fer de Kingstown Spanishtown, la Jamaque, sans qu'il en soit mort un
seul 1. Sans doute, les blancs ont plus de peine que les
noirs s'acclimater; mais, aprs tout, si l'immigration
franaise et europenne se porte peu aux colonies, c'est
moins parce que les Franais ne peuvent vivre aux colonies que parce qu'ils aiment mieux vivre en France. On
sai
lonies; dans ces ateliers, les ttes manquent plus que les
bras.
Les races habitues l'migration et propres au travai
Sur 400,000 personnes oui quittent annuellement l'Europe, l'Anglecompte pour plus de 240,000; l'Allemagne pour 100,000 ; la France
pour 17 18,000. {Rapport de M. Hubert Deliste au snat sur la loi relative
l'immigration, 10 juillet 1860.)
terre
244
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
les Indiens; en Afrique, les noirs des deux ctes, les habitants de Madre et des Aores, les Malgaches.
L'Indien est sobre, plus intelligent que le noir, moins
vigoureux; trs-mal trait dans sa patrie, il migr volontiers, mais avec l'intention
d'y
revenir.
Indiens
environ
de nos
comptoirs
de
le
lurent
ainsi expdis
la Runion. Les
Pondichry
et de
Indiens
Karikal,
petit,
Or,
Elle
constamment re-
de la
guerre
de
mende, emprisonns.
aux Africains
Crime, poursuivis,
Elle
uous demande
el nous refuse
les Indiens :
frapps d'ade
renoncer
depuis
plu-
sieurs
COLONIES FRANAISES.
245
l se rpandent dans les les voisines... 11 y en a plusieurs centaines de mille Java. Ils fourmillent Manille. On les trouve par masses en Australie et en Californie...
Le climat du sud de la Chine est d'ailleurs le mme
que celui des Antilles. Prs d'Amoy on voit des sucreries
et
246
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
les co-
les
gueur de la traverse rendait le prix lev, la mortalit effrayante1, soit parce que l'obligation de recruter
seulement aux ports ouverts crait trop de difficults*,
enfin parce que le danger
soit
frquentes, engagea
les
des
dtails
les
nois, comme des Indiens, tiennent cette cause dominante en toute question de race, cause sur laquelle 1a
COLONIES FRANAISES.
247
248
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
aux Anglais, en 1847 el 1848, 15,000 individus, quelques centaines nos colonies, mais ce n'est pas videmment une source suffisante.
La Runion pourrait avoir recours aux Malgaches el les
engager sur les ctes de la grande le de Madagascar; ils
sonl ns libres et regards connue des travailleurs vigoureux et intelligents, mais la tribu des Hovas les lient sous
le joug, et tant que cette oppression durera, le recrutement scia toujours impossible ou prcaire.
Le vaste continent africain tait l, faisant face, par sa
COLONIES FRANAISES.
249
moins
au christia-
aux
. 1 Par
557.
immigration, qui
des
M.
sci
semble
le
consul
remde
pas
de
en Chine. Rev.
tous les
maux
col.,
trs-
1844, 5,
250
ABOLITION
DE
L'ESCLAVAGE.
251
COLONIES FRANAISES.
On se rappelle bien qu'on a un rival dans le sucre indigne quand il faut rgler les droits diffrentiels, niais on
ne s'en souvient plus gure quand il faut rgler l'conomie industrielle de la production sucrire l.
Funeste aux affranchis, mauvaise conseillre pour les
colons, l'immigration cre surtout un danger permanent
pour l'tat social et moral des colonies. En pensant
ces petits coins du globe o se mlent et s'entassent, avec
un petit nombre de blancs, des masses de noirs, d'Indiens,
de Chinois, de Malais, on frmit pour la race, menace
de mlanges dplorables, pour la morale
et le bon
1
2
18
60, p. 8G8.)
ruine les
emportent, absorbenl
budgets 1;
leurs salaires,
les capitaux;
qu'ils
n'introduit
aucun progrs, l'instruction agricole ou morale est toujours recommencer pour ceux qui arrivent,
comme la thorie pour les conscrits; s'ils demeurent,
ils finiront par tre les plus forts et peuvent tout dominer,
aprs avoir tout corrompu, moins que la mortalit,
norme
pendant
le trajet
serve de remde.
Ce dernier danger menace, non plus les affranchis, ni
les colons, ni les colonies,
mais
les engags
eux-mmes.
et par
suite
seulement
le lende-
de l'abolition de l'esclavage; il a t
travail
COLONIES FRANAISES.
253
s'est
bras
254
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
255
Cela est certain, on a t bien plus proccup de remplacer les anciens esclaves que de chercher les retenir.
On a nomm des fonctionnaires pour protger les immigrants et les surveiller; ces fonctionnaires font des rapports minutieux sur la vie, la nourriture, le travail, le
bien-tre de ces nouveaux venus ; on est surpris qu'aucun
patronage analogue n'ait t organis pour les affranchis.
Et pourtant on a t de tout temps persuad que le ngre
crole tait bien suprieur au ngre africain 1.
Les 24 millions de francs, dit trs-bien M. Duval,
que la Runion a dpenss en huit ans pour faire venir
des coolies de l'Inde, appliqus en primes au travail et
en lvation de gages, n'auraient certainement pas t
striles... 11 conviendrait aussi de modifier les murs
locales, s'il en reste quelque vestige blessant pour la
fiert d'hommes qui, sans bien apprcier les conditions
de la libert, se savent fort bien chapps l'esclavage,
Dt-il en coter un sacrifice d'argent ou d'amour-propre,
l'immense avantage de constituer une socit homogne
et
au
cent
cultivateurs ;
1
Voir notamment les dclarations des dlgus des colonies devant la
mmission de 1859, p. 109.
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
256
des
usines centrales
dont
les
rsultats sont
les
sucres de la Runion
taient aussi beaux que les sucres raffins; ses cafs, va-
nilles,
tabacs, girofles,
les
rhums et tafias de
sans
-A la Martinique, en
1856,
sur .Ve2
habitations , 62
seulement poss-
daient des mouline vapeur, lundis qu' la Runion , 113 usines sur 118
taient muet par des appareils vapeur ; la Runion recevait pour 330,000 fr.
de machines, la Martinique pour 40,000 ., la Guadeloupe, pour 50,000 frM. Jules Duval, journal des Dbats du 6 juillet 1860.
COLONIES FRANAISES.
257
la
part n'hsitent pas entre les deux partis. L'mancipation des esclaves, dit un tmoin clair, qui a port
momentanment aux colonies un coup si rude, doit tre
pour elles, dans l'avenir, une source de rsultats fconds
et salutaires, en forant les habitants sortir de l'apathie
dans laquelle les entretenaient la facilit de la production et son faible prix de revient 1.
1
I.
17**
CHAPITRE XIII
LE PACTE COLONIAL 1.
COLONIES FRANAISES.
259
arrter un moment. Nous ne ferons que rsumer d'excellents crits, notamment les Etudes d'un colon trsrespect, M. de Chazelles,
On sait ce qu'on entend par le pacte colonial.
Les colonies furent d'abord des proprits indivises,
concdes des compagnies. Les reprsentants de ces
compagnies subdivisrent entre eux une partie du sol.
Cette appropriation continua* soit par suite de concessions, soit sous la forme de vente, aprs la runion des
colonies au domaine de l'Etat. Recevant tout de l'Etat, il
tait juste que les colonies rapportassent tout l'tat. A
mesure que les habitants commencrent se suftire, l'Etat
eut moins de charges avec moins de droits. Mais l'Etat
aussi bien que les colonies trouvrent leur compte rester
unis par les liens d'un monopole rciproque : l'Etat le
monopole des transports et de l'approvisionnement des
colonies en produits europens, aux colonies le monopole
de l'approvisionnement de la mtropole en denres coloniales. La marine dut sa prosprit ces transports assurs, dont le plus important pour elle, comme pour les
colonies, fut le transport des hommes, ou la traite. L'aller
tait certain ainsi que le retour, le commerce des ports
et celui des colonies se bornait une opration simple et
facile rgler, les obligations taient rciproques, les
intrts communs, et, dans un temps o de nation nation, de province province, les transactions taient arrtes par
ses changes.
260
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
261
vai
M. de Chazelles, p. 23-37.
262
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
de 5 fr. ; en 1791, de 4 fr. 28 les 100 kilog.; il ne compensait pas mme les
dpenses de l'tat aux colonies.
2 M. de Chazelles affirme qu'il lut un temps o on mettait le feu au surplus des rcoltes.
3
De
1831 1848, le fret des Antilles n'a atteint qu'une seule fois
100 fr. le tonneau; de 1854 1860, il n'est rest qu'une seule fois (1857)
au-dessous de ce chiffre, ordinairement dpass. (Ibid.
p.,
432.)
COLONIES FRANAISES.
263
et-vient facile et perptuel. Si la Chine, l'Australie, la Californie, l'appellent une diffusion plus large, elle nglige les colonies1. La srie des monopoles que le produit traverse avant d'arriver au consommateur en hausse
le prix son dtriment. Ou bien les colonies deviennent
de trop grands marchs pour alimenter uniquement la
mtropole, ou bien elles demandent, si elles sont petites,
de trop grands sacrifices pour un mince rsultat. De l
vient que tantt l'opinion et la science conomique les
soutiennent ; tantt elles les attaquent, et, sur aucun sujet
l'engouement n'est plus tt suivi du dcouragement. Autour des colonies, de nouvelles socits se forment, riches, puissantes, actives, qui peuvent les enrichir si
elles sont libres, les craser si elles ne le sont pas. La
guerre les fait passer d'une nation une autre nation et
de la prosprit la ruine.
Peu peu le pacte colonial a t ainsi dchir par mille
changements, tous raliss sans exception.
L'Angleterre, d'abord logique, prohiba chez elle la
culture du tabac (1652), puis celle de la betterave; mais
la trop svre application de l'acte de navigation lui cota
les Etats-Unis, et nous la verrons, en 1845, abolir cet
acte, et accepter la doctrine de la libert commerciale universelle.
La Hollande fit de ses petites colonies de la mer des
Antilles des ports francs, comme les petites les danoises
e
t sudoises. L'Espagne laissa,depuis 1805, la franchise
commerciale Cuba et Porto-Rico.
1
v
oyer des navires la Guadeloupe, dont la rade est dgarnie. (Ibid. 435.)
264
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
30 juin 1860.
2
Rapp. de M. Ancel, G juillet 18 00.
COLONIES FRANAISES.
265
On a lu l'histoire du sucre indigne et celle de l'impt sur le sucre colonial et sur le sucre tranger, qui,
libre d'entrer en France en payant seulement 5 fr. par
100 kilogrammes, aux termes de la loi du 23 mai 1860,
est dcharg mme de celle surtaxe, par le dcret du
3 janvier 1861.
Enfin on n'ignore pas que l'obligation de s'approvisionner en France impose aux colonies la charge de payer
les agents de perfectionnement de la fabrication du sucre,
savoir : les machines deux fois, le noir animal quatre
fois, la houille six fois plus cher que ne les paye la
mtropole 1. On ne se doute pas que les prix courants des
objets de grande consommation aux Antilles sont, par
l'effet du mme rgime, tenus d'un tiers environ au-dessus des prix des mmes objets dans les colonies anglaises
et espagnoles, leurs voisines2.
Toutes les clauses du pacte colonial sont donc ratures
la fois. Les colonies en demandent l'abolition par ce
raisonnement irrfragable : les avantages du pacte nous
sont enlevs, dlivrez-nous des charges.
Dj le conseil gnral de la Guadeloupe, celui de la
Martinique et celui de la Runion ont mis ce vu,
auquel le nouveau systme conomique de la France
donne plus d -propos et d'nergie.
La loi qui abaisse le tarif des crales et du riz imports aux colonies a fix le terme du 50 juin 1800,
dans la pense que d'ici l la question du libre change
1
Chazelles, 265.
266
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
colonial serait rsolue 1. Car, dit le rapport, nous considrons la solution comme urgente.
Les ports s'en sont mus, et un rapport lu sept jours
aprs assure que le gouvernement n'entend pas donner aux lois prsentes une porte plus tendue que celle
qu'elles expriment; ce n'est pas le pacte colonial qui est
en question, ce sont de simples mesures propres faciliter l'alimentation aux colonies 2
C'est, en effet, l'intrt de la marine, intrt de premier ordre, qui seul peut arrter. Car les colonies ne
peuvent attirer les capitaux trangers, placer leurs produits l'tranger, sans se servir de la marine trangre.
Il n'entre pas dans le sujet de la prsente tude de prendre parti sur une si grave question 3.
Mais on peut sans tmrit affirmer que comme tant
d'hommes politiques l'ont prvu depuis longtemps, le
pacte colonial louche son terme, et que le temps achvera prochainement de transformer les consquences qui
survivent encore au principe.
On peut affirmer encore que les colonies, moins pro-
Rapp. de M. Caffarelli.
On
peut faire observer que depuis septans l'importation des farines tran-
gres aux colonies est peu prs libre, et que cependant elles n'ont pas
cess de s'approvisionner de prfrence en France, parce que la qualit est
suprieure, et que les relations sont tablies. De mme Mayotte, o le commerce est libre, ne commerce pourtant qu'avec la France. D'un autre ct,
la franchise et un droit prolecteur de 40 fr. par tonneau n'ont pas suffi pour
assurer l'approvisionnement des Antilles en ri/ par navires franais. H
donc probable que, les habitudes tant
plus
est
COLONIES FRANAISES.
267
268
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE XIV
270
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
colonies esclaves.
271
COLONIES FRANAISES.
MARTINIQUE.
Population blanche.
Population multre.
Population esclave.
Hommes. .
4,451
. .
5,091 j
. .
. . 17,071 )
Femmes. .
Hommes . .
.
.
. 54,432
Femmes.
. 58,127
. .
.
.
( Hommes. ,
. \ Femmes. .
. 21,658
9,542
38,729
72,850
121,130
Total. .
GUADELOUP.
Population esclave.
Hommes. . .
Femmes. . .
. 18,955
. 22,402
Hommes. .
41,915 )
45,857
Femmes.
41,357
87,752
129,109
Total.
G U Y A .
( Hommes. .
population blanche.
Population esclave.
il
Femmes
002 j
. . .
572
2,211
Hommes. .
Femmes.
.
.
.
. .
Homines. .
.| Femmes, .
2,957 j
0,045 |
1,264
5,168
12,943
0,208 )
19,575
Total...
RUNION.
Population blanche. .
Population multre. .
Population esclave.
. 10,182
. . 15,636
. . 5,544
5,607 i
. . | Femmes . . .
Homines. . . . 57,150
. .. Femmes. . . . 25,124 )
Hommes. .
. | Femmes. .
Hommes. .
Total.
31,818
1 1,211
60,260
103,280
TOTAL GNRAL.
139,089
Population blanche ou multre libre.
233,814
Population esclave
572.905
Total gnral
272
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
la
Mar-
tinique :
1er janvier
'
1790.
1836.
1845.
1848.
.
.
.
.
.
.
.
.
BLANCS.
MULATRES.
ESCLAVES.
TOTAL.
10,635
9,000
9,139
9,542
5,235
29,000
36,626
38,729
83,414
78,076
76,117
72,859
99,284
116,03!
121,882
121,130
COLONIES FRANAISES.
273
population libre, 1,754 mariages dans la population esclave, c'est--dire six fois moins de mariages pour une population deux fois plus forte. Encore nous avons choisi
une priode signale par d'immenses efforts [tour initier
1
2
I.
18
274
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
275
sont-ils modifis?
Rapport sur la proposition de M. de Tracy, Procs-verbaux de la Charnbre ds dputs, session de 1840, p. 39. Voir aussi le Rapport de M. de
Broglie, p. 155.
I.
18
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
276
570,296
1846.
1856.
574,548
587,821
447
135
1,051
1848 .
18-49 .
1850 .
COLONIES FRANAISES.
277
Ainsi, ds les premires annes, dans ces deux colonies, la loi de la population reprend une marche rgulire, l'esclavage dpeuplait, la libert peuple la
terre.
Les mmes Tableaux ne distinguent pas entre les naissances lgitimes et les naissances naturelles. Ces dernires
doivent tre toujours fort leves, puisque la rpugnance
entre les deux classes est la mme, et puisque le nombre
des clibataires continue l'emporter sur celui des gens
maris.
Mais les mariages, les lgitimations, les reconnaissances, ont augment dans une proportion tout fait
saisissante.
En dix ans, de 1838 1847, il y avait eu 1,754 mariages esclaves, soit environ 250 par an, dont 29 la
Martinique, 61 la Guadeloupe, 24 la Guyane, 135
la Runion. Avec celui des mariages entre libres, 6,1 75,
le chiffre total tait de 7,929. En neuf ans, de 1848
1856, il y a eu 58,468 mariages : les premires annes
ont vu se faire de \ ,000 5,000 mariages entre affranchis, dans les colonies, au lieu de 50 ou 00 entre esclaves 1. La moyenne est naturellement moindre depuis ce
premier Ilot. Elle est encore, si l'on compare 1846 et
1856, la Martinique, de 057 au lieu de 40; la Guadeloupe, de 907 au lieu de 101; la Guyane, de ! 58 au
lieu de 17; la Runion, de 027 au lieu de 225
Rev. col., 1852, p, 284.
278
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
En mme temps, d'aprs un autre document qui constate les rsultats accomplis de mai 1848 aot 1855,
pour les trois principales colonies seulement 1, le nombre
des lgitimations pendant ces six annes a atteint prs de
20,000, celui des reconnaissances prs de 50,000.
40,000 mariages, 20,000 enfants lgitims, 50,000
enfants reconnus, voici le beau prsent offert en moins de
dix ans la socit coloniale par l'mancipation. On peut
clore ce chapitre sur de tels chiffres, et voici quelle est sa
conclusion : Le mme jour, la mme heure, les colonies
ont vu natre deux choses saintes : la libert, la famille!
III. Ajoutons quelques mots encore sur le bonheur
de ces familles devenues libres.
Il peut sembler superflu de se demander si elles sont
plus heureuses. En outre, une confusion dangereuse se
prsente et doit tre vite. La libert et le bonheur sont
deux choses diffrentes; elle paraissent mme s'exclure,
car la libert c'est la lutte; le bonheur n'est-ce pas le
repos? Cette confusion est habituelle aux colonies : on
disait des esclaves : Ils sont plus heureux que s'ils taient
libres. On dit des affranchis : Ils taient plus heureux
quand ils taient esclaves. Encore une fois, il ne s'agit
pas de flicit, mais d'indpendance, non pas du ventre,
mais de l'me, non pas de l'tre qui mange et qui dort,
mais de l'tre qui pense, qui veut et qui aime.
Or on a beau faire toutes les peintures les plus sduisantes de ce qu'on appelait la vie patriarcale des habitations, le vrai tableau des colonies est dessin en quelques
1
COLONIES FRANAISES.
279
280
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
art. 2.
COLIES FRAAISES.
281
de 10 50
>
4,063
5,409
de
10
Broglie, p. 242.
282
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
283
seuls dans les statistiques officielles, et ne vient pas grossir la colonne des exportations ; de l'autre, beaucoup de
petites ressources qui n'existaient pas appellent les importations. Nous l'avons dj dit,
ex
Mais l'augmentation des vins dans les quatre colonies ne porte que sur
bleau
le chiffre retombe et est rest au-dessous du chiffre de 1847 (V. Tagnral des Douanes, p. 58-59), Mme la Runion.
284
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
duisent beaucoup l, et le second que ces pauvres consomment beaucoup. Mais peut-tre, en satisfaisant leurs
apptits, les esclaves retournent-ils la vie nomade,
oisive, sauvage? Cherchent-ils s'instruire? Les voit-on
l'glise, l'cole, ou en prison? Nous avons vu l'tat
de la criminalit. Recherchons les progrs de la religion et de l'instruction.
1
Revue coloniale
1851,
p. 195.
CHAPITRE XV
LA
RELIGION,
L'INSTRUCTION.
p. 125.
1.
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
286
lui eut bien mis dans l'esprit que c'tait la voie la plus
sre pour les convertir, il y consentit.
On ne comprend pas cette erreur dans un si grand
crivain. Le premier acte lgislatif, man de la mtropole, sur la traite des esclaves, est du 11 novembre 1673,
c'est--dire trente ans aprs la mort de Louis XIII 2.
On rpte aussi communment que le dominicain LasCasas a donn le funeste conseil d'introduire des ngres
aux Antilles, pour Soulager les naturels. Un seul historien, Herrera, trs-postrieur Las-Casas, a accrdit
cette calomnie. Dans les discussions qu'il eut soutenir
contre l'esclavage des Indiens avec Quevedo, vque du
Darien, ou avec le confesseur et l'historien de CharlesQuint, Sepulveda, celle opinion ne se trouve ni sur ses
lvres ni sur celles de ses contradicteurs. Il a crit ses
loquentes protestations en 1514. On vendait dj des
ngres Seville en 1403, Lisbonne en 1442; il y en
avail Saint-Domingue en 1500 ; Charles-Quint accordait
le privilge de la traite auv Flamands en 1511 3.
1
Esprit des lois, liv. XV, ch. iv, p. 182. Le P. Labat, Nouveaux
Voyages aux les de l'Amrique, tom. II, p. LU, an. 1722..
COLONIES FRANAISES.
287
Ce n'est donc pas un roi chrtien, ce n'est pas un religieux qu'il faut accuser d'avoir invent l'esclavage.
Qui donc enfin a introduit l'esclavage aux colonies?
Ce point d"histoire est fort obscur ; on ne sait jamais
qui a sem l'ivraie dans un champ, et nul ne se vante
d'tre l'inventeur du mal. Cependant il est possible de
saisir dans les anciens documents et en particulier dans
la collection d'actes imprims et de notes manuscrites runies par M. Moreaude Saint-Mry, et laisses aux archives
des colonies1 et dans les archives de la communaut du
Saint-Esprit, charge depuis si longtemps du service religieux des colonies2, quelques indices qui mettent sur
la trace des vritables origines de l'esclavage aux colonies.
Or ces documents tablissent que le clerg n'y est pour
rien.
On ne remonte presque jamais plus haut que l'dit de
1685, connu sous le nom de Code noir, publi la mme
anne qu'une autre loi regrettable, la rvocation de l'dit
de Nantes. Cet dit si justement reproch au fils de Colbert, le marquis de Seignelay et au roi Louis XIV, vint corriger les abus de l'esclavage en en consacrant malheureusement quelques-uns; il ressemble plutt aux lois de
1845, qui rformrent l'esclavage, qu' la loi de 1802,
qui le rtablit. Il est ncessaire de se reporter aux documents antrieurs.
Or, l'acte d'Association des seigneurs des les de
1
et
ne
Su
prieur, et le P. Levavasseur.
288
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
l' Amrique (1626) est un contrat par lequel M. d'Enambuc et ses associs s'engagent former un capital de
45,000 livres et frter trois navires pour aller colo-
Compagnie,
les lettres
successious, donations.
COLONIES FRANAISES.
289
re
sententiae poena, quam eo ipso, si contra fecerint, incurrant, districtius inhibemus, ne ad insulas et terras firmas inventas, et inveniendas, detectas et
detegendas, versus occidentem et meridiem, fabricando et construendo
lineam, a polo arctici ad polum antarticum, sive terra firmae et insul inv
qu
tur, pro mercibus habendis, vel quavis alia de causa accede re prsumant,
abs
I.
19
290
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
que la colonie
produisit quelque
chose,
291
le mme
P. 26.
2 P. 4G0.
3
P. 475.
P. 475, 481.
292
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
f. 480.
COLONIES FRANAISES.
293
Ainsi, par une logique infaillible et rapide, la cupidit et la paresse avaient engendr l'oppression et la barbarie. C'est alors qu'intervint l'dit de mars 1685, ou
Code noir destin, dit le prambule, maintenir la
discipline de l' Eglise et rgler ce qui concerne l'tat et
la qualit d'esclave.
Cet dit eut le tort de ne pas abolir l'esclavage, mais
il ne le cra pas, et il eut l'intention de l'adoucir. Il
laisse subsister des peines odieuses : le fouet, les oreilles
coupes, le lis marqu sur l'paule, le jarret coup, la
mort, peines qui nous rvoltent justement, autant que les
peines infliges par d'autres dits plus anciens, le fer
chaud dont on perait la langue des blasphmateurs, la
langue coupe, les lvres fendues en cas de rcidive (dils
du 5 dcembre 1487, 10 juillet 1405), autant que le
fouet jusqu'au sang appliqu pour dlits de chasse (dit
de mars 1515). Mais le Code noir donne aux esclaves le
baptme (art. 2), le mariage (art. 8), le culte (art. 5), le
dimanche (art. 4), l'enterrement en terre sainte (art. 14),
l'affranchissement (art. 55), et reconnat aux affranchis
les mmes droits qu'aux hommes libres (art. 50). Il ordonne d'employer des commandeurs chrtiens, punit la
dbauche, permet de nommer les esclaves tuteurs, etc.
Cet acte est une honte, et pourtant c'est un progrs
Aprs un sicle et demi, on ne sera gure plus avanc,
n sera plus doux, on ne sera pas plus juste; on tentera
encore d'empcher le mal d'tre un mal, sans y russir.
Plusieurs articles de ce Code et des lettres patentes de dcembre 1 723 seront d'ailleurs encore en vigueur, et un
commentateur de 1844, en relatant la disposition qui
294
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
punit d'une amende de 500 livres le matre qui a dbauch son esclave, se contentera de dire : Cet article ne
reoit pas d'application l.
Quoi qu'il en soit des consquences, l'examen des origines prouve que ni la monarchie ni le clerg ne sont
responsables de l'tablissement de l'esclavage aux colonies. C'est la monarchie et en partie la religion que
la France doit les colonies. Ce n'est pas au gouvernement
et au clerg que les colonies doivent la servitude. Ils
sont coupables de l'avoir tolre , puis honteusement
pratique 2. C'est assez et c'est trop. Il n'est pas vrai
qu'ils l'aient introduite. Qui l'appela? la cupidit des
premiers colons. Qui l'apporta? la traite. Qui organisa
la traite? les ports et la mtropole. Innocent de l'esclavage, le gouvernement de la monarchie est, nous le verrons, directement coupable d'avoir, dans l'intrt du commerce des ports, autoris, encourag la traite, et il a pu
colorer celte abomination de prtextes religieux ; mais la
responsabilit de l'glise est ici encore hors de cause.
1
2
COLONIES FRANAISES.
295
296
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Mais, outre l'incompatibilit morale, l'esclavage opposait la prdication religieuse des obstacles matriels.
Quand et comment se fera l'instruction religieuse? S'il
demande au matre un heure destine au travail, le prtre
l'obliendra-t-il? s'il demande l'esclave une heure destine au repos, sera-t-il, pourra-t-il tre coul? Que
dira-t-il d'ailleurs? Suspect au matre s'il rveille un
instinct de libert, suspect, odieux l'esclave s'il se fait
le sanctificateur de l'esclavage, le prtre en est rduit
tenir son tour en servitude une moiti de l'vangile, et
COLONIES FRANAISES.
297
298
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
scandale, tant il me rpugne d'accepter l'ide d'un esclavage modle, vertueux et lucratif, pratiqu par des
religieux sucriers et cafiers.
Dans une situation si fausse, et malgr les obstacles
aggravs, tantt par les contre-coups des rvolutions de
la mtropole, tantt par des difficults avec les gouvernements locaux, telle est la puissance bienfaisante du christianisme, tel a t le zle de la plupart de ses ministres,
que cependant beaucoup de bien religieux s'est fait aux
colonies en tout temps, depuis le jour de leur fondation.
L'Evangile a rendu les matres plus doux, les esclaves
plus heureux. De toutes les races, la race ngre est peuttre la plus avide de religion, et le culte catholique, exclusivement reconnu par l'dit de 1685, et depuis rest
celui de l'immense majorit des habitants, exerce sur
eux un attrait incomparable. Malgr quelques dfiances,
comment en serait-il autrement? La religion ne jette pas
seulement l'esprance de pauvres mes, uniquement
voues, si elles n'attendent pas un monde meilleur,
l'esprit de rvolte, au dsir de la fuite, l'accablement de
la tristesse ou l'tourdissement d'une insouciance entretenue par la dpravation; elle donne, en les baptisant,
des parrains et des marraines des tres sans famille;
elle lve leur conscience affranchie jusqu'aux hauteurs
sereines de la libert morale; elle transforme leur malheur en mrite 1. Ils ont dans les prtres des dfenseurs,
des confidents, des amis : l'autel, ils reoivent les hon1
d'tre punis le lendemain, faire une lieue pied, la nuit, trois fois par seinaine, pour se rendre au catchisme.
COLONIES
FRANAISES.
299
La Guyane.
au
300
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Aperu de la situation des peuplades indiennes la Guyam franaise, par M. Devilly. Rev. col., juillet 1850, p. 45.
2 Mission de Sinnamary, par M. Hard y.
3
COLONIES FRANAISES.
301
Portugal
1
302
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Cayenne. Je fais ce que je puis en ville, mais les campagnes sont totalement dans l'abandon. D'ailleurs mon
ge et mes infirmits me donnent lieu de croire que le
terme de ma carrire n'est pas bien loign. Demandez
au gouvernement de nous envoyer des cooprateurs.
Il eut la joie de voir arriver trois prtres en novembre
1817, puis il mourut en janvier 1818. De tristes dmls administratifs retardrent, sans les rendre cependant tout fait striles, grce au zle inbranlable
de M. Guillier, successeur de M. Legrand, les effets de
la mission, jusqu' l'administration bienfaisante de
M. Jubelin, qui, heureusement pour la colonie, gouverna six ans (1829-1835).
Des frres et des surs furent rtablis, les glises reconstruites, les paroisses augmentes, et lorsque la Rvolution de 1848 clata, elle avait t prcde d'un vanglisation qui, bien qu'incomplte, contribua cependant,
puissamment au maintien de la paix publique.
2e La Martinique.
habitation
COLONIES FRANAISES.
303
304
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
5 La Guadeloupe.
COLONIES FRANAISES.
305
l.:t
Runion.
Lorsqu'un
sicle
306
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
307
308
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
renseignement religieux pour pouvoir faire le catchisme et rpter les instructions sur les habitations...
Depuis trois ans le nombre des premires communions a
t considrable, mme parmi les adultes... Des matres
prennent col gard la plus honorable initiative... Une
grande impulsion a t donne aux mariages... il en a
t fait plus de 400 depuis deux ans dans la population
noire. Le mouvement qui rjouissait quelques matres
en consternait d'autres. On savait que M. Monnet, comme
le dit une correspondance, en vritable prtre de JsusChrist, ne dsirait rien tant que de voir luire enfin pour
les malheureux noirs le jour de la libert et de la rgnration spirituelle. Lorsqu'il revint Bourbon en
1847, aprs un court sjour en France, telle fut l'opposition des colons, que le gouverneur le fit aussitt repartir pour sa patrie. 11 mourut en allant vangliser Madagascar.
Heureusement son uvre ne fut pas abandonne.Dieu
suscita, non plus quelques hommes, mais une commu-
COLONIES FRANAISES.
309
A la porte de l'Europe, dit-il, des millions d'hommes croupissent dans l'ignorance el le malheur, et personne ne songe les en retirer. Cependant ces hommes
sont faits l'image de Dieu comme les autres
Dans les pays mme o une misricordieuse providence semble les avoir conduits pour affranchir leurs
mes, en assujettissant leurs corps une dure servitude,
dans ces pays o ils devraient trouver les richesses et les
consolations de la grce, leurs mes prissent de misre
a
u milieu de l'abondance, et personne pour les secourir
310
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
En rsum, les hommes d'Etat qui en France travaillaient cette grande uvre ne se trompaient pas quand
ils appelaient1 la religion leur aide ; les colons qui s'y
opposaient, ne se trompaient pas, quand ils se dfiaient
d'elle. La religion n'est pas la libert, mais elle est la
mre de la libert.
Mais l'histoire de la religion dans les quatre colonies
esclaves de la France jusqu' l'mancipation aboutit
cette double conclusion.
1 Tous les efforts, tous les crdits, tous les encouragements ne parviennent pas entraner vers la mission
ingrate de porter l'vangile au sein de la servitude des
vocations en nombre suffisant.
Avant l'ordonnance du 6 septembre 1839, il n'y avait
dans nos quatre colonies que 82 prtres, soit peine un
pour 4,500 habitants sur une surface considrable 2.
Aprs l'ordonnance du 18 mai 1846, il y en avait seulement 127, soit un pour environ 3,000 habitants. On
esprait que les cadres seraient remplis en 1847 3.
2 Le christianisme, qui apporte le devoir et l'esprance
toutes les conditions, sait adoucir et moraliser mme
l'esclavage: la population noire a l'me particulirement
ouverte ses enseignements, et ils portent des fruits,
quand le matre est exceptionnellement bon , l'aptre
exceptionnellement saint. Mais en gnral, l'esclave, le
matre, le prtre, se dpravent par la servitude. La religion elle-mme semble fausse et corrompue. Ses pro1
COLONIES FRANAISES.
311
Dans toutes les colonies, la libert fut proclame devant l'autel. Les noirs la reurent comme un sacrement,
dans une de ces heures rares, sublimes et joyeuses, o
la justice triomphe ici-bas. Dieu fut pris tmoin de la
rconciliation des hommes.
Quelques jeunes noirs de la ville, crit le prfet
apostolique de la Guyane 1 sont venus me prier de dire
une messe pour leur obtenir la grce de ne pas abuser de
la libert.
Dieu soit bni! s'crie le prfet apostolique de la
Martinique 2, nous n'avons plus ici qu'un peuple libre,
un peuple de frres, que nous sommes tous appels
consoler, clairer, diriger
312
ABOLITION
L'ESCLAVAGE,
COLONIES FRANAISES.
313
52
Bourbon.. . . 50
14
la Guyane. . . 10
14 quartiers,
314
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
80 prtres,
pour la Guadeloupe
85
pour la Runion
65
250
Total
peur
la
Martinique; M. Desprez,
2 4 mai, 29 juillet
Sur le rapport de
la
la
Guadeloupe; M, Leher-
Runion.
1850.
M.
Dariste, Moniteur,
1850, p. 3601.
COLONIES FRANAISES.
315
l'autre Prigueux en 1856. Les actes de ces conciles soumirent les diocses coloniaux aux rgles tablies
par le concile prcdent, tenu Bordeaux en 1850, et
qui avait exprim des vux pour leur rection. Le premier mouvement des pres du concile de la Rochelle fut
de bnir Dieu de l fondation des vchs coloniaux et de
l'mancipation des esclaves. Il le fit en des termes qui mritent d'tre cits :
Avant tout, nous rendons des actions de grces Dieu
pre des misricordes, qui disposant tout avec douceur, a
men bonne fin par sa providence une affaire si ncessaire au salut des mes, et semblablement au souverain
pontife Pie IX qui, accdant aux religieuses prires* du
prince Prsident de la Rpublique, et changeant de simples prfectures apostoliques en vchs vritables et perptuels, comme il a fait pour l'Angleterre et la Hollande
malgr la rsistance et les emportements des hrtiques
et des homines politiques, rfute ainsi par les faits les
plus vidents les prtendues inventions, calomnieuse
ment rpandues, d'un changement des voques en vicaires
du pape1
Quant l'mancipation , cette belle dclaration approuve par le Saint-Sige, doit tre retenue 2 :
Un grand nombre de constitutions des Pontifes romains, remontant plusieurs sicles, attestent combien
1
1853. c.
v.
p. 48.
- Ibid , c.
vi.
5t.
316
ABOLITION D L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
317
des
coles
indispensables.
anglaises, pendant les trois premires annes de l'apprentissage, le gouvernement avait consacr aux coles
75,000 liv. st. (1,875,000 fr.), et tel avait t le zle
des missionnaires et des autorits que les colonies an1
Rapport, p. 92 et suiv.
318
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
glaises possdaient 1 cole pour 600 habitants, instruisant 1 enfant sur 9, la mme poque o la France
ne comptait qu'une cole pour 1,000 habitants, instruisant \ enfant sur 12.
Ce que la commission coloniale proposait en France
en 1840 n'est pas encore ralis partout.
Elle demandait, la Martinique, 47 frres de Plormel
au lieu de 14; au budget de 1860 il en est pay sur les
fonds du service local 50 ; 51 surs de Saint-Joseph
au lieu de 6; il y en a 40.
A la Guadeloupe, on regardait comme ncessaire de
porter de 15 54 le nombre des frres; il y en a 50;
de 7 54 le nombre des surs; il y en a 55.
A la Guyane, on proposait 25 frres au lieu de 5; il
en a 14 ; 51 surs au lieu de 9 ; il y en a I 4
A.la Runion, o les coles de garons sont diriges
par les Frres des coles chrtiennes, on mettait le vu
que les coles et les coles de filles fussent augmentes
chacune de 12; le chiffre a t accru, mais dans une
moindre proportion.
On le voit, un notable progrs a t accompli; mais
il est regrettable qu'on n'ait pas fait encore de plus larges
sacrifices. Le programme trac en 1840 n'est pas encore
rempli vingt ans aprs.
L'empressement de la population affranchie profiter
de l'enseignement a t trs-vif el trs-durable. On a pu
imposer une rtribution scolaire presque sans l'affaiblir1.
1
La statistique complte du nombre des lves n'a malheureusement pas
t dresse.
COLONIES FRANAISES.
319
320
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
tant de penchant pour la religion. Dix ans n'ont pas suffi pour donner la
famille de l'affranchi assez de consistance ni assez de lumires. Le principal
COLONIES FRANAISES.
321
(Prigueux IV .)
et
Cet ordre admirable, qui transforme des paysans bretons en aptres des
Antilles, du Sngal, de la Guvane et de l'Inde, vient de perdre son vnrable fondateur, l'abb Jean de La Mennais, que Dieu destinait faire,plus de
bien que son infortun frre n'a fail de bruit.
Archives du sminaire du Saint-Esprit.
322
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
En 1840,
10,257
UN
fois a
COLONIES FRANAISES.
323
324
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
325
CHAPITRE XVI
RSUM
vi-
bien
vaste
enqute
COLONIES FRANAISES.
327
328
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
effet
sorte l'esclavage, il ne se rencontrera de meilleures conditions; jamais il ne pourrait tre aboli dans des conditions plus mauvaises.
COLONIES FRANAISES.
329
vernement, ni aux gouverneurs, presque toujours admirablement choisis. Des lois, des ordonnances, des dpches,
des rglements',
Guyare.
Bourbon
25,661
16,111
2,603
5,865
TOTAL
50,240
330
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
train, il et fallu plus de cent ans pour en finir, d'une faon souvent immorale et tou jours dangereuse; car la situation fausse de ces affranchis, qui se dfiaient du travail
et qui on marchandait l'galit, accroissait le malaise
sans avancer la solution 1
Le conflit permanent de deux races hostiles, la guerre
sourde des abus et des rancunes, la corruption des
murs, le luxe en face de l'abjection, la paresse conduisant les blancs l'apathie et la routine, un travail
oblig menant les noirs l'abrutissement; pas de vie
publique, pas de patrie; la terre et le ciel ne se lassant
pas de prodiguer l'abondance, mais le sol, trait aussi
comme un esclave, s'puisant et sans cesse dsert; les
propritaires absents reprsentes par des agents durs ou
cupides; la richesse compromise, obre, honteuse; la
justice suspecte et boiteuse ; la religion abaisse, fausse;
les lois, tantt inhumaines, tantt tracassires; les matres
d'esclaves devenus eux-mmes les esclaves de la loi, qui
pntre d'une manire intolrable dans leur demeure,
y sonne les heures, y taille les rations, et abolit la proprit sans abolir la servitude : voil au milieu de quelle
socit vivaient un certain nombre de matres bons, intelligents, sincres, victimes d'une situation qu'ils n'avaient pas faite, qui les affligeait et dont cependant
ils n'osaient prvoir, encore moins solliciter le terme,
tant tait enracine la croyance que l'mancipation des
esclaves tait, pour les colonies, peut-tre le massacre,
certainement la ruine.
Les prophties sinistres troublaient ceux mme qu'elles
1
COLONIES FRANAISES.
331
n'arrtaient pas, et les partisans les plus rsolus de l'mancipation, dans le gouvernement, dans les Chambres,
prenaient des prcautions infinies, marchaient lentement,
et comme un homme qui porte une lumire prs d'un
baril de poudre.
Les vnements se jourent de ces rsistances et de ces
lenteurs. On voulait un dlai prparatoire; il n'y eut pas
de dlai.
On voulait, par l'application pralable de la loi sur
l'expropriation, une liquidation
rgulire de l'norme
elle ne
332
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
d'avance la
dsertion
l'exemple du travail sans contrainte: les crdits restrent sans emploi; on eut organiser le travail aux colonies pendant qu'on essayait le socialisme en France.
On voulait, par un large dgrvement sur les impts,
encourager la production et ddommager les producteurs : le dgrvement ne fut oblenu qu'aprs quatre ans,
et ne devint complet qu'aprs douze ans.
On voulait initier lentement l'affranchi la vie civile;
l'esclave, peine fait homme, fut fait lecteur, et on le
gratifia, sans transition, de la libert illimite de la
presse et du suffrage universel.
En un mot, l'abolition de l'esclavage fut contemporaine de l'abolition de l'ordre et de l'abolition du com-
merce.
Dans de telles circonstances, si la socit coloniale
et t bouleverse, ensanglante, couverte de ruines,,
qui donc et t surpris?
COLONIES
FRANAISES.
333
334
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
en est l'occasion,
mais la servitude en
est la cause. Un homme visitait une habitation abandonne; des affranchis dormaient oisifs non loin de
l. Voil, lui dit-on, ce que la libert a fait du travail. Voil, rpondit-il, ce que la servitude a fait des
travailleurs.
Mais le nombre des travailleurs a beaucoup moins
diminu qu'on ne le dit, et de plus, le travail est
plutt dplac que diminu. Le paysan est devenu artisan, ou plutt propritaire, il n'est pas toujours devenu
vagabond. Que l'on conteste tant qu'on voudra les arguments tirs du progrs des importations et des exportations, le premier chiffre prouve que ces prtendus
pauvres consomment beaucoup, et que ces prtendus
paresseux produisent beaucoup.
Or de deux choses l'une, ou bien il faut autant de
travailleurs pour autant de produits, et, dans ce cas,
le chiffre des travailleurs n'a pas baiss si largement
Broglie, p. 323.
COLONIES FRANAISES.
335
qu'on l'affirme, ou bien moins d'hommes libres, travaillant moins d'heures par jour, ont produit plus qu'un
grand nombre d'esclaves, et, dans ce cas, la supriorit
du travail libre sur le travail servile est dmontre.
Cette dernire hypothse est la vraie, un double point
de vue.
Le travail du blanc n'est pas moins amlior que celui
du noir. Or c'est l ce qui importe. L'intelligence des
blancs, la vigueur des noirs, voil les deux premiers capitaux des colonies. Saint Domingue est l'exemple d'une
terre abandonne aux seuls noirs, mais si on l'avait
rendue aux seuls blancs, sans leurs anciens esclaves,
qu'en auraient-ils pu faire? Pendant l'esclavage, l'indolence des blancs tait proverbiale; ils s'taient laiss
vaincre en dormant.
Disons-le l'honneur de la libert et celui des colons. Depuis l'mancipation, ils ont pris courageusement
leur parti, ils ont cess de gmir pour agir. A la Runion,
1 outillage a t chang, les procds amliors; le revenu
est doubl ; on ne craint pas de payer pour l'engagement
de cinq ans d'un ouvrier le double de ce qu'on a reu pour
le prix d'un esclave. Ceux qui ont achet avec confiance
des habitations en 1848 ont ralis d'normes fortunes;
le progrs a suivi la richesse, et la dernire exposition
gnrale de l'agriculture nous a montr du sucre de la
Runion qui n'a pas besoin d'tre raffin. Aux Antilles,
On ne'se contente plus de maudire la sucrerie indigne,
n l'imite; on a fond des usines centrales, on introduit
des machines et des engrais, on essaye le drainage, on
Prend des brevets, on demande le crdit foncier, on se
336
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
337
raient pas assez clairement le lien troit qui unit la question de la richesse et celle du progrs moral. On pourrait
22
338
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
340
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES FRANAISES.
341
22*
342
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
l'tre. Une grande nation, une grande marine est ncessaire la protection de ces petites socits, qui n'changeraient pas le sort d'lots perdus dans l'immensit des
mers contre l'honneur et le profit de s'appeler les provinces extrieures de la France.
Mais il est clair que l'mancipation des esclaves a dnou un des liens du pacte colonial ; l'existence du sucre
indigne, l'admission du sucre tranger, l'abaissement
des droits d'importation, le dcret qui met la charge
des colonies toutes les dpenses locales, rompt une maille
de plus. L'Etat ne garantit plus aux colonies ni le placement de leurs denres, ni l'asservissement de leurs ouvriers. La libert du produit sera la consquence de la
libert du travail.
Celte crise invitable est l'accomplissement de ce qu'on
peut appeler la loi du dveloppement colonial.
L'histoire des colonies prsente trois phases successives. En naissant, elles reoivent tout de la mtropole.
Plus fortes, elles changent tout avec elle, comme un jardin qui donne ses fruits celui dont il reoit ses semences.
Grandies avec le temps, elles sortent peu peu de ces lisires protectrices, et pourvoient librement la satisfaction
de leurs besoins et au placement de leurs produits, soit
qu'assez fortes pour s'affranchir entirement de la souverainet de la mtropole, comme les Etats-Unis et le Brsil, elles prennent place parmi les nations qui ont un nom
COLONIES FRANAISES.
343
en dernire analyse,
ne se dfend au
s habitants du nouveau inonde qu'il avail observs lui avaient paru une
faire faire aucun progrs vers la civilisation si on ne les tenait pas sous l'autorit Continuelle d'un mettre. Las Casas s'leva avec indignation centre l'ide
344
A BOLITION
DE L'ESCLAVAGE.
Havane,
il
Hist.
d'Amrique,
liv. III.
COLONIES FRANAISES.
345
Des hommes qui se disent chrtiens oublient les sentiments de charit rpandus dans nos curs par le SaintEsprit, au point de rduire en servitude les malheureux
Indiens, les peuples des ctes orientales et occidentales
du Brsil et autres rgions.... Bien plus, ils les vendent,
les dpouillent de leurs biens, el 1 inhumanit qu'ils
dploient contre eux est la principale cause qui les dtourne d'embrasser la foi du Christ, en ne la leur faisant
envisager qu'avec horreur.
Un sicle avant, en
I,
p. 51.
346
ABOLITION DR L'ESCLAVAGE.
ses
chimres, elle
est
g-
nreuse. Si l'esclavage n'avait t un remords de l'opinion, l'mancipation ne serait pas devenue un dessein du
pouvoir; c'est lui qui a prononc l'mancipation, c'est
elle qui l'a voulue.
Quel est le meilleur mode d'mancipation ?
L'exemple des colonies franaises nous rpond : C'est
l'mancipation immdiate et simultane.
COLONIES ANGLAISES.
347
348
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES
LIVRE II
COLONIES ANGLAISES
CHAPITRE PREMIER
L'ESCLAVAGE EN ANGLETERRE ET DANS SES COLONIES JUSQU'AU BILL
D'EMANCIPATION DU 28 AOUT 1833.
352
LIN DE L'ESCLAVAGE,
Au commencement du cinquime sicle (405), un Irlandais nomm Cothraige, devenu esclave seize ans,
dans les Gaules, deux fois dlivr, deux fois asservi, fut
saint Patrick, l'aptre de l'Irlande. Un demi-sicle aprs
(450), il frappait d'anathme un petit roi de Bretagne,
appel Carotic ou Caractacus, et ordonnait aux chrtiens
de ne plus boire ni manger avec un prince coupable d'avoir rduit en servitude des serviteurs eL des servantes de
Jsus-Christ. 3\
353
COLONIES ANGLAISES.
23
354
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
cit.
COLONIES ANGLAISES.
355
sous
qiinze premiers sicles, traduction par l'abb de La Treiche, ch. ix, p. 289,
290. et notes 55, 54.
Conc. Achamense, 1. i, c. 77. Sapientes decernunt ut nemo christianum et insontem pretio tradat extra patriam.
Concil. Lond. Hard,, t. VI, p. 11, p. 1863, l. 1, e. XXVII
Ne quis illud
163.
356
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
357
premire l'imposer d'autres races, mais enfin la premire se relever. Elle avait d son affranchissement au
christianisme, elle lui dut son repentir. C'est, on le sait,
l'hroque persvrance d'une poigne de chrtiens
que revient tout l'honneur de l'abolition de la traite, en
1807, puis de l'esclavage en 1834. Avant d'tudier les
rsultats et l'influence de ces mesures sur les possessions
britanniques, exposons rapidement l'imposant tableau
de la grandeur coloniale de la premire puissance maritime du monde.
On sait que l'immense dveloppement des colonies
anglaises ne remonte pas au del des deux derniers sicles,
tmoins de la dcroissance parallle de la grandeur coloniale de l'Espagne, de la Hollande, et, il faut bien ajouter, de la France.
La reine Elisabeth avait autoris, en 1578, sir Humphry Gilbert occuper et dcouvrir des terres lointaines
peuples d'idoltres. Sir Walter Raleigh avait form, en
1584, un tablissement dans la Virginie. Mais c'est seulement de Jacques Ier, de Charles Ier, avant la guerre civile,
puis de Cromwell et de Charles II que date l'essor naissant et bientt immense des fondations de l'Angleterre
del des mers,.
Au commencement de l'anne 1800, deux fils de la
reine d'Angleterre partaient, l'un pour inaugurer un
au
358
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
359
(1651)
1715
mains de la Couronne
(1821),
la Cote d'Or
(1772)
Revue coloniale, 1858, p. 820. Revue col, 1 847, 17, p. 86. Chiffres
officiels de 1855 :
Superficie.
Population. .
171,859,055Lab.
Anne.. . .
Revenu. . .
281,910 hom.
1,406,672,300 fr.
Importai ions. )
1 milliard
Exportations.)
Navigation. .
26,000 navires jaugeant de 3 i millions de lonneaux.
Le mille carre anglais vau 1,600 mtres carrs.
360
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Prise (1797), rendue (1799), puis reprise surles Hollandais (1805), la colonie du cap de Bonne-Esprance devient une possession importante laquelle la Couronne,
par de simples dclarations, annexe en 1844 Natal, et en
1847 la Cafrerie, qui reoivent (1848-1854), des gouverneurs distincts.
La plus belle de toutes les colonies de l'Afrique, l'le
Maurice,
Vierges (1648), donnes par Charles 11 sir William Stapleton; la Barbade, donne la famille Codrington moyennant un certain nombre de tortues (1684); la baie d'Hudson, concde au prince Rupert el une compagnie de
marchands par Charles II (1668-1713)l'le de Vancou-
COLONIES ANGLAISES.
361
ver, annexe par la reine Victoria (1849); le NouveauBrunswick (1783), les les Falkland (1855);
ou bien
; c'est
L'AUSTRALIE
262
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
le Hollandais Tasman qui a dcouvert l'le de VanDimen ; c'est l'Angleterre qui occupe, peuple et possde ces vastes rgions. De 1788 1840, elle envoie
sur la cte orientale de l'Australie 80,000 condamns el
fonde Sydney. A la mme poque, elle retranche la Nouvelle-Zlande aux Nouvelles-Galles du Sud, mais n'y envoie des colons qu'en 1814. En 1803, elle dporte des
condamns dans la Tasmanie et fonde Hobart-Town ; l'ile
de Norfolk est annexe en 1854; l'Australie occidentale
est occupe cinq ans auparavant (1829) et la ville de Perth
s'lve. L'Australie mridionale est dclare (1854) colonie anglaise, et reoit pour chef-lieu la ville d'Adlade.
En moins d'un quart de sicle, sur cette terre plus vaste
que l'Europe, des villes sont fondes; des glises, des coles rpandent la civilisation morale ; des chemins de fer
s'offrent aux relations; un empire sort comme la Rome
antique d'un repaire de bandits, et l'Angleterre y compte
700,000 sujets, un budget de 80 millions, un mouvement de 4,000 navires, un commerce de 400 millions.
Mentionnons, pour tre complets, les colonies d'Europe:
les les qui gardent nos ctes de la Manche, Gibraltar,
qui pse sur l'Espagne et protge honteusement le Maroc,
Malte, les les Ioniennes, dont le nom, la langue, les
esprits, les vux appartiennent la Grce, tous ces postes
qui ne sont pas des colonies, toutes ces terres qui sont
plutl les captivs de la politique anglaise que les tilles
de son gnie civilisateur.
Dans un discours du 8 fvrier 1850, lord John Russell
numrait ainsi les acquisitions coloniales de 1 Angleterre,
par ordre chronologique : de 1600 1700, La Nouvelle-
COLONIES ANGLAISES.
363
le territoire de la Chine ;
En Afrique, six colonies continentales et deux les ;
En Amrique, six colonies continentales, 2,480,526
habitants, et dix-neuf les.
En Australie, trois vastes colonies continentales et
deux les.
En totalit, un quart du monde civilis, peupl par
prs de 200 millions d'hommes, fournissant l'industrie de la mre patrie des dbouchs pour une valeur
actuelle de 1 milliard 500 millions, et son commerce
364
ABOLITION DE
L'ESCLAVAGE.
69,705,000
62,320,000
88,958,000 fr.
220,985,000
72,423,000 fi,
45,481,000
117,904,000
: 12,483,000
Dpenses maritimes :
Chiffres officiels
1,393,000
COLONIES
ANGLAISES.
365
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
366
colonies de la Couronne.
Toutes ces colonies possdaient, au commencement
de ce sicle, prs de 800,000 esclaves 3, possds par
1
Jamaque
311,070
Trinit
20,757
Tabago
11,589
A
REPORTER
343,416
COLONIES
ANGLAISES.
567
REPORT
Grenade
Saint-Vincent
Barbade
22,266
83,150
Sainte-Lucie
Dominique
13,291
14,175
Antigoa
29,121
Nvis
Montserrat
8,815
6,401
Saint-Christophe
Tortola
19,780
5,135
Bahama
10,086
Bermude
4,026
Guyane
82,824
Honduras
1,901
Gap
55,750
66,645
Maurice
TOTAL
1
770,390
368
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
Prcis de L'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises; Imprimerie royale, 1840,t.I, p. 4.
COLONIES
ANGLAISES
369
370
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
accorder plutt le squestre que la vente; vendre tout, esclaves, ustensiles et habitation, autant que possible, sans
division ; prohiber la vente du mari sans la femme, de
la femme sans les enfants au-dessous de quatorze ans,
mari, femme et enfants rputs tels, attendu l'usage
de ne pas marier les esclaves ; nommer des commissaires ou protecteurs pour veiller sur ces actes.
6 Diminuer la rigueur des punitions, affranchir les
femmes de la peine du fouet; abolir l'usage du fouet
comme stimulant du travail des champs; ne punir que
Je lendemain du dlit, en prsence de celui qui a ordonn la punition et d'une personne libre ; tenir registre
de la cause, de l'poque et du degr de la punition. Infliger des peines aux matres qui abusent.
7 Assurer aux esclaves la jouissance des proprits
qu'ils sont aptes possder; dans ce but, tablir des
banques d'pargnes, et permettre au dposant de dclarer
qui son dpt doit revenir aprs lui.
COLONIES ANGLAISES.
371
l'intervention du gouvernement. Les colonies de la Couronne rsistrent. Les esprances des esclaves n'taient
pas moins pousses bout que les rsistances des matres; il y eut des rvoltes, des incendies, des excutions
mort, surtout la Guyane (1823) et la Jamaque
(1824).
Aprs sept annes, huit 1 colonies n'avaient adopt aucune des rformes prescrites. Les douze autres avaient
absolument refus les mesures relatives l'enseignement
religieux et l'amlioration de la justice, trois seulement2 abolirent le march du dimanche. Toutes les colonies charte refusrent la nomination des protecteurs,
la concession d'un jour l'esclave, les caisses d'pargnes,
les restrictions aux ventes , les tempraments des punitions. Sauf la Trinit et Sainte-Lucie, aucune amlioration srieuse ne fut accepte, et celles qu'on adopta
restrent peu prs sans effet.
Il tait bien ncessaire que le gouvernement exiget
ce qu'il fallait dsesprer d'obtenir; ce devoir fut rempli. Le gouvernement commena pardonner l'exemple.
Une circulaire de lord Goderich du 12 mars 1831 apprit
aux colonies que tous les esclaves du domaine de la Couronne taient affranchis.
Huit mois aprs, le roi, par un ordre en conseil du
2 novembre 1831, prescrivit et dveloppa toutes les mesures nonces dans la circulaire de 1825.
Les officiers, sous le nom de protecteurs ou assistants1 Honduras,
Maurice,
Antigue,
Bermudes,
publi par le
ministre
de la marine.
372
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
nourriture, l'entretien,
373
le vtement, le logement, le
374
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
375
Cette belle loi, qui dlivra une grande nation de l'opprobre d'un crime et 800,000 hommes du poids de la
servitude, se compose de 66 articles.
L'article 5 dclare immdiatement libres tous les esclaves transports sur le sol anglais.
Les articles 1 et 2 transforment, partir du 1er aot
1854, tous les esclaves habitant le sol des colonies en
apprentis travailleurs (apprenticed labourer) devant travailler au profit de leurs anciens matres.
L'apprentissage devait durer :
1 Pour les apprentis ruraux attach* <m sol, c'est-dire habituellement employs sur les habitations de
leurs matres, jusqu'au 1er aot 1840 (art. 4, 5);
2 ' Pour les apprentis ruraux non attachs au sol, c'est-dire habituellement employs sur des habitations n'appartenant point leurs matres, jusqu' la mme poque
(art. 4, 5);
3 Pour les apprentis travailleurs non ruraux jusqu'au
er
376
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
377
770,390
56 liv. 08 sh.
25
15
19,950,066 liv. 00
378
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
succs.
Toutes les fois que les propritaires dsirent que la chose
aille bien, elle va bien, crivait le gouverneur de la Jamaque, le 19 septembre 1835. C'est ce gouverneur, le
marquis de Sligo, son prdcesseur lord Mulgrave, son
successeur sir Lionel Smith, querevient l'honneur d'avoir
dirig une uvre si difficile dans cette belle colonie, qui
reprsente elle seule la moiti des revenus des colonies
britanniques et contenait prs de moiti des esclaves possds par des mains anglaises ; 55,000 blancs s'y trouvaient en face de 322,421 esclaves sur un territoire de
750 lieues carres.
A Antigoa et dans ses dpendances, Montserrat, la Barbade, Saint-Christophe, Nevis, Anguille, les les Vierges,
la Dominique, leclergetles missionnaires, consults par
le gouverneur, sir Evan Murray Mac Gregor, dclarrent
que l'enseignement moral et religieux des esclaves tait
assez avanc pour leur mriter une libration immdiate, qui fut prononce le 4 juin 1833 par le conseil de
l'assemble 1.
A la Guyane, malgr l'tendue du territoire et le voisinage de plus de 10,000 libres rfugis dans l'intrieur,
l'ordre rgna, le travail se maintint; la production augmenta, les coles se multiplirent, quelques troubles
furent rprims sans verser le sang, grce au zle, la
COLONIES ANGLAISES.
379
fermet, la bont, du gouverneur, sir J. CarmichaelSmyth, dont la mort, survenue ie 4 mars 1858, fut
pleure comme une calamit publique.
A Maurice, o l'acte de 1833 ne fut appliqu qu'en
1855, les suites furent un peu plus pnibles, mais la
facult de se procurer des Indiens soutint la production.
Le gouvernement refusa l'autorisation de faire venir des
engags de la cte d'Afrique ou de Magadascar, de peur
de faire revivre la traite; mais il encouragea les mesures
prises par le gouverneur, sir William Nicolay, pour
attirer des coolies; la fin de 1857, l'le en contenait
dj 8,690.
On respire, on remercie Dieu,
lorsqu'aprs avoir
parcouru l'immense collection des dpches, des circulaires, des ordres, des dcisions de la Conronne, qui
mirent excution, avec autant de suite que d'intelligence, l'acte de 1855, on ouvre une dpche de lord
Glenelg du 6 novembre 18381, qui, prs de cinq ans
aprs le commencement de l'apprentissage, en rsume
ainsi les effets :
Jusqu'ici les rsultats de la grande exprience de l'abolition de l'esclavage ont justifi les plus vives esprances des auteurs et des avocats de cette mesure. A
examiner attentivement les abus qui ont pu se produire
dans l'excution, il me semble qu'ils doivent tre en
grande partie attribus l'ancien systme colonial. Quiconque avait rflchi sur la nature humaine et sur l'histoire de l'esclavage pouvait s'attendre ce qu'une telle
1
380
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1833.
Cet acte avait divis les esclaves en trois classes et fix
des dates distinctives pour la libration des deux premires et de la troisime; cette diffrence reposait sur
de faibles motifs et prtait des difficults pratiques et
des fraudes nombreuses. 11 avait abandonn des rglements mille dtails ; or la vie se compose de dtails, c'est
COLONIES ANGLAISES.
381
par eux qu'elle est matriellement heureuse ou malheureuse ; c'est leur abri que se rfugient les abus, les
mauvais vouloirs, les dissimulations et les rancunes. Ou
les rgles taient incompltes, ou les matres manquaient aux rgles, ou la rpression n'atteignait pas les
manquements; en sorte que les esclaves taient en beaucoup de lieux maltraits ou mutins. mesure que
l'heure approchait, les uns se dgageaient de leurs devoirs, les autres aspiraient prmaturment leurs droits.
La patience long dlai est plus facile qu'une patience
qui voit le terme; c'est au dernier moment qu'on se lasse
d'attendre.
M. de Tocqueville a crit que la prosprit mme du
rgne de Louis XVI hta la Rvolution1.
On dirait que les Franais ont trouv leur position
d'autant plus insupportable qu'elle devenait meilleure...
arrive le plus souvent qu'un peuple qui avait support
sans se plaindre, et comme s'il ne les sentait pas, les
lois les plus accablantes, les rejette violemment ds que
le poids s'en allge... et l'exprience apprend que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement
est d'ordinaire celui o il commence se rformer. Le
mal qu'on souffrait patiemment, comme invitable,
semble insupportable ds qu'on conoit l'ide de s'y
soustraire. Tout ce qu'on te alors des abus semble mieux
dcouvrir ce qui en reste et en rend le sentiment plus
cuisant; le mal est devenu moindre, il est vrai, mais la
sensibilit est plus vive.
1
382
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
COLONIES ANGLAISES.
383
Ainsi l'acte du 28 aot 1833, qui promettait la libert aprs un apprentissage qui devait durer jusqu'en
1840, fut devanc; la prudence mme conseilla de ne
pas prolonger si longtemps la patience.
Les partisans d'une prparation graduelle l'mancipation peuvent tirer argument de la manire dont se
passa la priode de l'apprentissage. En effet, des renseignements qui remplissent les pages prcdentes et de
la dpche de lord Glenelg que nous avons cite, il rsulte :
1 Prcis d l'Abolition, etc. It, p. 16.
384
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
COLONIES ANGLAISES.
385
25
386
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE II
388
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
ves des amis mmes les plus ardents de la prosprit coloniale; non-seulement la prosprit matrielle de chacune des les s'est grandement accrue, mais ce qui est
mieux encore, il y a eu progrs dans les habitudes industrieuses, perfectionnement dans le systme social et
religieux, et dveloppement, chez les individus, de ces
qualits du cur et de l'esprit qui sont plus ncessaires
au bonheur que les objets matriels de la vie
Les n-
A la Guyane, on a vu
Les lots sont en gnral de deux ou trois acres, et quelquefois ne dpassent pas quelques toises, Rev. col., 1843, p. 27. Ibid., p. 830.
1
COLONIES ANGLAISES.
389
150,000, 250,000 et mme de400,000 francs. Des villages importants s'taient forms 1, composs de jolies
chaumires avec une bonne glise et occups par des habitants nombreux, appliqus au travail etconvenablement
vtus .
Lord Stanley compltait ces tmoignages sur le bonheur et le progrs des affranchis par une autre preuve
tire de la valeur des exportations de l'Angleterre aux
colonies.
Pendant les six dernires annes
d'esclavage, elle avait t de. . .
Pendant l'apprentissage (18351838), elle s'est leve
La premire anne de la libert
elle a atteint
69,575,000 fr.
89,450,000
100,061,575
Et la seconde anne
87,318,350
Sur tous ces points, les tmoignages franais s'accordent compltement avec les rapports anglais.
Voici ce qu'crivait de la Jamaque M. le capitaine de
vaisseau Layrle3 :
Les noirs n'ont pas abandonn les cultures, c'est un
fait ; maintenant, si par travail on entend celui qui rapporte au planteur, celui qui, sous le rgime prcdent,
profitait une poigne de blancs qui le monopolisaient,
1
Au 1er janvier 1843, les noirs avaient construit dans le seul comt de
390
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
missionnaire baptiste dans cette colonie pendant 20 ans. 1843. Rev. Col.,
1844. II. p. 489,
COLONIES ANGLAISES.
391
392
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
la Dominique, mais seulement dans une partie trsrestreinte de l'le. Les noirs avaient pris le recensement
pour un retour l'esclavage. Des malfaiteurs, et, dit-on,
quelques noirs vads des colonies franaises, avaient
pouss la rvolte. Aprs trois jours l'ordre fut rtabli
et une excution capitale servit d'exemple 1.
Ds 1844, une partie des affranchis tait revenue aux
habitations, et les documents de cette anne 2 nous apprennent qu' la Jamaque, la proportion des terres en
culture tait peu prs la mme qu'au temps de l'esclavage , que la journe (neuf heures) tait redescendue
1 sh. 6 deniers au maximum. Un discours du secrtaire
du gouvernement la Guyane, contient cette parole :
Dans aucune autre partie du monde la condition des
ouvriers n'est meilleure, les salaires ne sont plus levs
(1 fr. 25 2 fr. 05), et les vivres ne sont meilleur march que dans la Guyane anglaise.
Dans les autres colonies, telles que Sainte-Lucie, la
Barbade, la Trinit, Saint-Vincent, Antigoa, en 1844,
comme avant cette poque, des rsultats non moins
satisfaisants sont signals. A la Trinit, notamment, les
planteurs n'ont pas perdu leur temps de vaines rcriminations, ils n'ont pas fait de coalition pour rduire
les salaires ou augmenter le loyer des cases et jardins;
ils ont cr de suite la concurrence par l'immigration,
et les salaires de 2 fr. 60 et mme 5 fr. 20, en temps de
rcolte, tombrent vite 2 fr. 50 et 5 fr. 10. On sait qu'
COLONIES ANGLAISES.
393
394
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
395
396
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
vastes, propres, et tout le matriel de la fabrication install avec luxe.... La population de l'le est immense, car
elle s'lve 136,000 mes sur 167 milles carrs, sur
un sol qui ne lui appartient pas, et qui ne peut lui appartenir
La Trinit a subi de plus dures preuves, dont elle est
sortie, nous, le verrons, en remplaant peu prs ses
20,000 affranchis par des Indiens ; mais le bonheur et la
tranquillit de ses affranchis taient les mmes.
Voici le tableau qu'un colon de la Jamaque traait, vers
la mme poque, de l'tat de la socit de couleur, qui
compose presque entirement la population de cette le,
occupe sur une surface de 6,400 milles carrs, par
369,000 noirs et par 16,000 blancs seulement1 :
On peut supposer que les blancs y ont la prminence.... Mais part cette prminence qui est le rsultat de la richesse et de l'intelligence dans toute socit, les blancs n'ont sur leurs concitoyens aucun
privilge.... L'homme de couleur tient une position qui
n'a rien d'infrieur, et nous ne trouvons pas nous
plaindre qu'il soit sur le mme pied que nous
Notre
barreau n'est pas nombreux ; mais ce sont des avocats de
couleur qui tiennent les premires places... Des mdecins de couleur y exercent concurremment avec les
blancs... Ce sont l des faits importants constater, car
tous ces progrs se sont accomplis depuis l'abolition de
l'esclavage dans cette le. Nous avons constat par l'exprience que l'homme de couleur peut s'lever aux pre1
COLONIES ANGLAISES.
397
398
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE III
400
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
401
402
ABOLITION BE L'ESCLAVAGE.
cela est si vrai que si l'on demande dans laquelle des colonies anglaises le travail des anciens esclaves a le plus
baiss et celle o il a le moins chang, on constate que
la perturbation a t grave la Guyane, o le rapport de
la population au territoire est le plus petit, et nulle la
Barbade, o le rapport de la population au territoire est
le plus grand.
Tenons compte aussi de l'envie naturelle tout homme
de fuir les lieux o il a souffert, et de bien s'assurer par
la fuite qu'on ne l'y reprendra plus : quel prisonnier
libr va se loger deux pas de sa prison? Cette rpugnance est d'autant plus vive que l'affranchi a plus souffert et qu'il est moins intelligent. L o l'esclave avait t
bien trait, l o la libert avait t prcde d'une
ducation intellectuelle et religieuse solides, la transition
fut facile, comme Antigoa, la Trinit, Sainte-Lucie'.
L o les traitements avaient t plus durs, comme dans
tant de lieux qu'on pourrait nommer, l o l'ducation
avait t nglige, comme Tabago el Maurice, la dsertion fut presqu'universelle et persvrante. Est-ce la
faute de la libert? Non, c'est la faute de l'esclavage.
Dans des conditions si redoutables et si faciles prvoir, on aurait au moins d prendre l'avance quelques
prcautions.
destin mnager la transition, mais il prit lin brusquement, et les pouvoirs locaux ou le gouvernement ne prirent pas de mesures efficaces contre le vagabondage.
Il est gnralement admis, crivait lord Grey en
Rev. col., 1843, p. 26, 38.
COLONIES ANGLAISES.
2
1853 ,
que
403
404
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
travail ait diminu, c'est au contraire qu'il n'ait pas entirement disparu. Or, comme nous le verrons dans les
premires annes de libert, la production de quelques
colonies, au lieu de baisser, a augment; dans d'autres,
il est vrai, elle a t rduite de moiti; dans toutes, en
moyenne, elle a baiss seulement d'un quart; dans aucune elle n'a t interrompue.
Quoiqu'il en soit de ces effets et de ces causes, il est
vident qu'on sentit aprs la libert plus qu'avant ce
qui est en tout temps la grande ncessit des colonies, le
besoin d'augmenter la population par une large immigration de travailleurs nouveaux, afin de ramener les
salaires un taux raisonnable, la production un niveau
lev. De toutes parts les colons demandrent au gouvernement d'autoriser et de favoriser celle immigration.
Ce vu et les considrations qui prcdent sont prcisment les conclusions du rapport de la commission
d'enqute nomme en 1842, ainsi que nous l'avons dit,
la demande de lord Stanley, et qui proclama si hautement les progrs religieux, moraux et matriels des
classes affranchies; la commission ajoutait :
1...
2 Le travail a diminu parce que les noirs se sont
adonns des travaux plus profitables pour eux que le
travail des champs, et parce que, pour la plupart, ils ont
pu, surtout dans les colonies tendues, se procurer facilement des terres, vivre l'aise et s'enrichir sans tre
obligs de donner aux planteurs, chaque semaine, plus
de trois ou quatre journes de sept heures. Le bas prix
des terres, consquence d'une fertilit qui fournit au
COLONIES ANGLAISES.
405
esclaves que ses croiseurs saisissaient sur les ngriers; ils taient dclars
libres, niais tenus un engagement envers leur libratrice. Procd [dus
ou moins lgitime, on en conviendra, d'une philanthropie subtile et contestable !
2
406
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
quelques centaines la Gambie et dans les autres tablissements anglais de la Cte d'Or, quelques milliers parmi
des peuplades sans esclaves, comme les hommes de la
cte de Krou.
1
COLONIES ANGLAISES.
407
le 5e
statut
de George IV,
dportation.
Nous sommes d'avis que les termes de ce statut
comprennent clairement le cas d'achat d'esclaves, mme
dans le but de leur mancipation. 11 est probable qu'on
a voulu en mme temps dcourager le commerce des
esclaves et favoriser la civilisation de l'Afrique; niais il
est vident que si l'achat d'esclaves est un mal, en ce
sens qu'il engage ceux qui les vendent s'en procurer
pour qu'on les leur achte, le prjudice; est le mme que
les esclaves rachets reoivent ou non la libert.
408
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
409
1845
1846
1,735
2,515
Guyane
5,497
4,120
Trinit
2,085
2,076
Ibid., 1845, VII, p. 205; 1847, XII, p. 554; 1848, I, p. 168; le coolie
4 De 1834 1859, sur 25.468 coolies on comptait 727 femmes; sur les
40,318 introduits de 1842 1844, 455 femmes ; sur les 5,092 introduits
en 1845,646 femmes; en tout, sur 94,004 Indiens, 13,284 femmes.
5
410
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Guyane. ......
Saint-Vincent
Antigoa
Petites Colonies.. . .
9,750
1,762
1,068
1,945
1 4,523
COLONIES ANGLAISES.
411
39,043
La Jamaque
1
vier
14,519
ier 1858), M Delarbre affirme que sir Robert Peel tait de cet avis. Quand
l' introduction
0,361.
- Rapp. de la Commission de l'migration, mars 1850. Rev. col., 1850,
V, p. 220.
412
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
La Trinit
Grenade
13,356
1,476
Saint-Vincent
1,197
Anligoa
1,075
Dominique
732
Sainte-Lucie
665
Nvis
427
Saint-Christophe. ......
95
COLONIES ANGLAISES.
413
cains par an
tous Africains libres ou librs, et cela
est si vrai, bien qu'on puisse supposer que des transports
frauduleux aient brav les ordres du gouvernement, que
l'immigration africaine de Sierra-Leone ne ligure plus
dans les statistiques officielles depuis 1853, parce que
les captures ont diminu, et que les Africains ne consentent plus migrer.
2 Il est vrai que l'Angleterre avait dans ses possessions des Indes orientales une ressource dont les autres
nations ne disposent pas. Plus de 150,000 immigrants
sur 255,000 ont cette origine.
3 Maurice absorbe plus de la moiti de l'immigration ; il reste moins de 100,000 immigrants pour les
autres colonies'2.
Or, Maurice la production du sucre a tripl pendant que sa population quadruplait : une partie du
personnel agricole a donc t renouvele et un grand
nombre des anciens esclaves a chang d'occupation.
Mais, dans les autres colonies, un accroissement de
moins de 100,000 immigrants en face de l'ancienne
population esclave, qui atteignait le chiffre de 705,677
personnes, est vraiment insignifiant. 11 est donc vident, que dans les Indes occidentales, le principal
lment du travail est encore et sera pour longtemps
la population noire. L'opinion qui consiste croire
que, depuis l'mancipation, l'immigration seule a
sauv le travail, est un prjug, et c'est ce que d1
P.
De 1841 1851 : 14,113 partis de Sierra Leone. Rev. col., 1852, VIII.
291.
2
414
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE,
clare formellement la commission anglaise de l'migration dans son rapport prsent au Parlement en
1853 1.
Le succs de l'mancipation, disait lord Stanley en
1842 , a t complet quant au but principal de la mesure; on peut dire la mme chose de l'immigration. Le
succs a t complet, quant au but principal de la mesure, qui tait l'abaissement des salaires et l'augmentation de la production, dont le chapitre suivant prsentera
les progrs; mais il est galement vrai qu'au point de
vue moral, l'immigration a t et est un flau, non-seulement 1 poque o elle tait une entreprise non surveille de la spculation prive, mais mme aprs l'intervention du gouvernement. C'est une belle chose que
tous ces rglements o l'humanit s'efforce de protger
par les plus minutieuses prcautions la vie et la libert
de la dernire des cratures, d'un pauvre Indien ou d'un
misrable ngre; mais, dans la pratique, comment ces rglements sont-ils excuts? Les colons de l'le Maurice
s'adressent aux maisons de commerce de Calcutta 2, et
celles-ci emploient des Indiens, connus sous le nom de
duffadars, sortes de marchands d'hommes ou racoleurs,
qui spculent sur l'enrl, spculent sur le ngociant,
et par des manuvres plus ou moins honteuses, procurent aux colons quels ouvriers? des vagabonds, des
coureurs de bazar, le rebut de la population.
Impossible d'amener quitter leur sol natal les femmes
indiennes d'une classe honorable et d'une moralit non
1
COLONIES ANGLAISES.
415
douteuse, il s'ensuit, disent tous les rapports, que les relations entre les deux sexes ont le caractre le plus marqu
de la dgradation, que le concubinage se pratique plus
frquemment et plus ouvertement, et que les passions
qui en sont la consquence conduisent des querelles funestes et des effusions de sang l. On esprait Maurice
que le nombre des femmes arriverait 50 pour 100 en
1860; mais, en 1851, il y avait encore 7 hommes pour
2 femmes.
Dans les autres colonies, les vices, les crimes, ont de
mme abord avec les immigrants.
Somme ioute, voici quel est le rsultat de l'exprience
anglaise quant l'immigration :
L'immigration en famille serait seule morale et seule
efficace, mais, en famille, l'homme ne veut pas quitter
sa patrie; sans famille, il ne se fixe pas au lieu d'immigration. En famille, l'immigration est coteuse; sans
famille, elle est toujours recommencer. C'est un expdient utile la production, nuisible la civilisation. II
restera aux colonies, aprs un demi-sicle d'immigration,
un surcrot de population, et ce sera un grand bien;
mais cette population sera chtive, mle, vicieuse, si
l'on
n'arrive
pas
recruter
ou former
des fa-
milles.
Or, de tous les immigrants, quel est le meilleur? celui
qui se fixe le plus volontiers, celui qui travaille le mieux,
se civilise le plus vite et fonde le plus aisment une famille, c'est l'Africain ; l'Indien le remplace, il ne le vaut
1
416
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
avait
COLONIES ANGLAISES.
417
I.
27
418
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
419
' P. 28.
420
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
tre en grande activit, les chiffres ont t, ds la premire anne de libert, plus levs qu'avant.
ESCLAVAGE.
1814-1834
538,954 quintaux.
APPRENTISSAGE.
1855-1838
1859
1810
1841
1842
1845
1844
1845
549,872 quintaux.
618,705
545,007
690,652
676,257
477,124
540,515
710,338
COLONIES ANGLAISES.
LIEUX
rRIODE
d'esclavage
d'importation.
1831-1834.
PRIODE
rRIODE
d'apprentissage
1835-1838.
de
libert
1839-1845.
421
1846.
1847.
Quintaux.
Quintaux.
Quintaux.
Quintaux.
189,406
314,501
, 497
87,101
646,255
11,842
26,525
101,336
57,070
127,364
52.962
6,180
292,023
832
542,907
102,644
302,496
52,700
76,931
572,883
5,310
26,714
91,022
65,566
129,870)
58,822
6,786
555,295
5,556
525,756
240,201
469,022
65,451
104,952
751,416
7,657
41,833
149,096
88,370
175,615
09,240
8,285
393,537
Quintaux.
Total moyen. .
3,841,857
Maurice
Indes-Orientales. .
536,134
109,596
635,622
845,304 1,193,849
14 1,418,682
1,425,1
On est tonn de la disparit de ces chiffres, on s'attendrait voir une mme cause produire partout les
mmes effets. S'ils diffrent, il est probable qu'ils ne
sont pas tous dus la mme cause. En effet, si l'on entre
dans le dtail, on constate que la diminution d'un quart
dans les produits s'explique, part l'influence de l'mancipation, par une succession de mauvaises saisons, l'abandon de nombreuses habitations par les planteurs
eux-mmes, obrs de dettes ou dcourags, par le manque absolu de capitaux ou de crdit pour payer les
salaires, par les mauvais procds de nombreux plan-
422
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
teurs, notamment la Jamaque, envers les anciens esclaves, autant que par la tendance de ceux-ci aller habiter les villes ou former des villages 1.
A prendre les rsultats gnraux, on voit donc que
jusqu'en 1845. c'est--dire pendant. les dix premires
annes de libert, la production des colonies anglaises
n'a pas t ruine par l'mancipation des esclaves. Elle
a augment dans quelques-unes, diminu dans quelques autres. La rduction totale moyenne est d'un
quart.
Mais la richesse rsulte bien moins de la quantit produite que du prix de revient et du prix de vente du produit.
Or le prix de revient a-t-il t lev par l'mancipation? Cela est probable, et pourtant ce point est fort contest, surtout en ce qui concerne la Jamaque. Est-il
bien vrai que les salaires aient atteint un taux exorbitant 2? Si cela est vrai, quoi faut-il s'en prendre?
1
- Voici l'opinion de lord Elgin, gouverneur de la Jamaque, dans son rapport de 1846 :
Je ne puis admettre que le taux des salaires ait t exorbitant; si ce
n'est dans quelques circonstances o un tarif a t tabli par les planteurs
eux-mmes, le travail n'a jamais t pay plus de 1 sh. 6 deniers. A la
Barbade, le salaire tait de 10 deniers par jour; a Antigoa de 9 deniers
1 sh; Saint-Christophe, l sh. 4 deniers; la Guyane, 1 sh. i deniers; la
Trinit, 2 sh. 1 denier; dans les petites colonies, G deniers. [Rev. col., 1843,
p. 15.) On ne doit pas oublier que la dtresse et les plaintes de la Jamaque
datent de loin : de 1772 1792, 177 proprits avaient t vendues pour
dettes, 55abandonnes, 92 occupes par les cranciers, et le greffe avait
vu passer 80,121 saisies. En 1807, on comptait depuis six ans G5 habitations abandonnes. En 1812, l'assemble dclare-au roi que la dtresse est
telle, qu'elle ne peut plus s'accrotre. En 1832 la ruine est imminente,
COLONIES ANGLAISES.
423
Est-ce la dsertion des ateliers qui a fait monter le salaire? Est-ce l'argent qui a manqu pour le payer?
Est-ce la folie de quelques habitants qui ont accord des
salaires exorbitants pour accaparer les ouvriers? Est-ce
la mauvaise volont de quelques autres habitants qui a
loign les affranchis, notamment en exigeant des loyers
levs pour les cases et jardins, dont ils avaient la possession paisible, ou en payant irrgulirement les journes? Accordons que toutes ces causes ont agi la fois ;
il n'est pas douteux que sous leur dsastreuse influence,
faute de bras, faute d'argent, le prix de rerient augmenta
d'abord sensiblement, et un assez grand nombre de
propritaires fut rduit ne plus cultiver. Mais, en tous
cas, cette hausse excessive ne dura pas longtemps, et,
aprs quelques annes, le prix de revient s'tait successivement abaiss, notamment dans les colonies o
l'immigration de travailleurs nouveaux vint faire concurrence aux anciens travailleurs.
En compensation, (et ce fut l sans doute la cause majeure de la dtresse des colonies anglaises), \eprix de vente
trs-lev galement pendant les premires annes, nous
l'avons vu, puisqu'il monta, en 1840, 185 fr. 60 c. le
quintal mtrique, prix qui n'avait pas t atteint depuis
1815, le prix de vente s'abaissa, malgr les progrs de la
consommation, mesure que l'introduction des sucres
trangers vint faire concurrence sur le march de la
mtropole aux sucres coloniaux; les hauts prix attirrenl
crivent les planteurs au Parlement. Telle tait la situation sous le rgime
de l'esclavage, du monopole et des primes, (Rev. col., 1847, XII, p. 231;
XIII, p. 317.)
424
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
425
426
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
427
428
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
Prix du sucre
Consommation
1836
40 sh. 9
1837
34
18
58
18
42
1838
. .
33
1839.
. .
39
17
1)
48
15
28
1840
COLONIES ANGLAISES.
429
430
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1843, p. 14.
COLONIES ANGLAISES.
431
1
Rev. col., 1844,III, p. 193, 274, 425, 547.
- Les cafs de toute provenance taient admis au mme droit (tarif du
17 juin 1844).
3
Un trait liait l'Angleterre avec les tats-Unis, mais on sait que cette
nation consomme et au del les 50,000 tonnes de sucre quelle produit.
432
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Java rgne un systme de travail obligatoire qui ressemble la servitude; en Chine et Siam, la polygamie,
les ventes d'enfants, d'autres crimes plus coupables que
l'esclavage.
Comment s'en rapporter aux certificats d'origine? comment excommunier les sucres et accueillir les cafs? La
consommation totale du monde tant gale la production totale, fermer l'Angleterre au sucre du Brsil, c'est
ouvrir ce sucre les autres marchs, changer le march
et nullement le tarif, mcontenter un grand pays et lui
dplaire sans lui nuire. Lord John Russell se vengea de sa
dfaite de 1840 en criblant de censures le nouveau projet, qui tablissait, disait-il, une chaire de prdicateur
dans chaque bureau de douanes, et il prdit qu'on serait
forc d'aller plus loin, de revenir la rduction qu'il
avait vainement propose quatre ans avant, et de la dliasser mme aprs l'avoir combattue.
Les colonies et la corporation des Indes rclamrent
par des adresses nergiques et poussrent l'avance des
cris de dtresse. On remarque dans la protestation de la
Jamaque le premier vu de la libert commerciale. Ce
tarif ne contenta personne, et il rencontra des difficults
d'application inextricables.
Ds le 14 fvrier 1845, sir Robert Peel proposa un
nouveau tarif qui abaissait le droit sur les sucres anglais
de 24 sh. 14 sh. pour les sucres bruts, de 24 sh.
16 sh. pour les sucres terrs, et le droit sur les sucres
trangers libres de 54 sh. 6 25 sh. 4, pour les sucres
bruts, de 54 28 pour les sucres terrs. C'tait une rduction de 6 10 sh. sur les uns et les autres, laissant
COLONIES ANGLAISES.
433
28
434
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
435
436
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
libre coterait moins que le travail forc? Oui, rpondait justement lord Brougham, toutes circonstances
tant gales; mais elles ne le sont pas. Prenez deux pays,
placs l'un et l'autre dans les mmes conditions journalires de climat, de territoire; mettez dans l'un des esclaves, dans l'autre des libres, il n'y a pas le plus petit
doute qu' la fin le travail libre touffera le travail esclave, l'homme libre travaillant avec plus d'intrt et de
raison. Mais ici ce n'est pas le cas; la lutte est entre un
pays qui possde le travail libre sans recours aucun
recrutement, et un autre qui emploie le travail forc en
le renouvelant par la traite.
Une protection, continue encore pendant quelques
annes et donc t une juste exception. Du moins et-il
t prudent de ne pas adopter un tarif qui, cause de la
diffrence des prix de revient, crait pour les sucres du
Brsil une vritable faveur 1.
Mais, si le ministre whig tait tomb sur cette exception, le ministre tory, revenu aux affaires, et renvers
la nouvelle politique commerciale tout entire: il valait
mieux renoncer l'exception : ce fut la crainte et l'argument de sir Robert Peel. M. d'Israeli lui reprocha vivement de sacrifier l'empire colonial, 50 millions de liv.
sterling, les principes les plus sacrs et ses propres convictions, la question de savoir qui serait assis dans huit
jours sur les bancs ministriels. Mais la majorit, compose du parti whig et des dbris du parti tory, suivit
Robert Peel.
* V. les calculs de M. Colquhoun. Rev. col., 1846, X, p. 214.
COLONIES ANGLAISES.
437
438
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Rev. col., 1847, XI, p. 75; les expriences (ailes alors tablirent qui
le sucre pouvait tre ml avec la drche ou mme tre combin seul avec
le houblon, sans nuire la qualit de la bire.
2
COLONIES ANGLAISES.
439
de 24 sh. 13 et successivement 10 sh., sans diminution correspondante pour les sucres trangers. 2e galit de droits fixs 10 sh. , pour tous les sucres, partir
du 1er juillet 1854. 5 Emprunt de 500,000 liv. ouvrir
en faveur des colonies.
C'tait une protection momentane et un large encouragement la consommation avec la libre concurrence
au bout, jour fixe. L'emprunt devait servir d'ici-l favoriser l'immigration de travailleurs nouveaux; mais
l'immigration par voie de rachat demeurait positivement
interdite, comme l'affirmrent lord John Russell, M. Labouchre et sir R. Peel, d'une commune voix.
Un dernier effort fut tent le 5 mai 1850 par le parti
abolitionniste aid du parti protectionniste 1. Sir E. Buxton
proposa la Chambre des communes de dclarer qu'il
est injuste et impolitique d'exposer le sucre des colonies
britanniques la libre concurrence du sucre des pays
esclaves.
M. Hume proposa d'ajouter que le gouvernement devait faire cesser les difficults qui empchent les colonies
de se procurer des travailleurs, libres en Afrique et
ailleurs.
Sir John Bakington et M. Gladstone soutinrent de nouveau que le commerce colonial devait faire exception aux
principes du libre change. Mais le chancelier de l'chiquier rpta M. Buxton que toute distinction entre le
produit du travail libre et celui du travail servile tait
impraticable. 11 ajouta que la concurrence du travail
440
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
184647
1840-50
227,000 tonneaux,
61,000
Sucre colonial
Sucre des pays esclaves.. .
282,000
36,000
1840-1844
Antigoa ...
La Barbade ...
La Trinit ...
Saint-Christophe ...
Sainte-Lucie ...
La Guyane ...
La Jamaque ...
Maurice ...
Indes orientales ...
1840.
1841-44.
1845. .
Quintaux.
-177,727
290,873
282,000
89,000
55,000
522,000
602,000
591,000
5,925,000
1845-1849
Quintaux.
180,737
402,927
385,000
107,000
70,000
572,000
665,000
907,000
5,072,000
1840.
21
1847.
23
1848-49
24
COLONIES ANGLAISES.
441
compta vainement sur le retour aux affaires d'un ministre protectionniste, qui fut assailli de ptitions. Le sort
voulut que chacun des anciens adversaires de la libert
arrivt successivement au pouvoir,et tous, ils vinrent faire
leur confession. Le 12 mars 1852, sir John Pakington,
devenu ministre des colonies, refusa de discuter une ptition et une motion tendant la rvision du tarif des
sucres 1. Les plaintes les plus vives des colonies, et une
curieuse petition des ngres, se plaignant d'etre les victimes de la lgislation de 18462, demeurrent sans effet
mme sur M. d'Israeli. Chancelier de l'chiquier, il fit le
3 dcembre 1852, cette dclaration dcisive 3 :
Depuis l'anne dernire, la production anglaise s'est
accrue de 1,250,000 quintaux, et la production trangre a dcru de 600,000 quintaux. On peut m'appeler
tratre, on peut mme m'appeler rengat, si l'on veut ;
mais je dsirerais savoir s'il est un seul membre de cette
assemble, quelque banc qu'il appartienne, qui voult
proposer un droit diffrentiel pour soutenir une industrie
prtendue languissante, qui fait en ce moment la loi sur
le march mtropolitain.
Devenu son tour chancelier de l'chiquier, M. Gladstone rpondait le 18 avril 1853, la demande d'un dgrvement sur les sucres coloniaux 4 : Il est tout fait
impossible au gouvernement d'entretenir le moindre
espoir que la demande soit accueillie.
1 Rev. col., 1853, X, p. 386.
2 lbid., 1852, VIII, p. 459.
3
442
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES
ANGLAISES.
443
17,256,000 habitants,
1858
28,081,000
444
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
120.fr. 40
78
10
1834
1844.
73
83
70
90
1854
53
1858
69
50
2 Le systme douanier de l'Angleterre est si bien combin, et la richesse est si rpandue dans ce pays, que le revenu des douanes atteint
020 millions en 1859 et que, sur ce chiffre, quatre articles de luxe, le sucre,
le th, le tabac, le vin, produisent plus des cinq siximes, le reste n'excdant pas 89 millions.
Sucre
Th. .
Tabac
Vins et eaux-dc-vie....
153 millions
135
139
110
537 millions.
COLONIES ANGLAISES.
445
446
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Les progrs des Indes orientales sont presque aussi rapides. Elles ne figurent que pour 296,670 quintaux en
1837, et elles montent 1,585,430 quintaux en 1851,
chiffre plus que quintuple. La quantit a diminu sous
l'influence des derniers vnements, mais elle tait encore de 1,181,368 quintaux en 1857, et de 794,309
quintaux en 1858.
Mme progrs l'le Maurice. Sa production ne dpasse pas beaucoup 500,000 quintaux avant l'mancipation; dix annes aprs (1844) elle est la mme; dix
ans aprs (1854) elle monte 1,662,190 quintaux ; elle
est triple ; diminue depuis, elle reste suprieure
1,000,000 quintaux.
Quant la Guyane et aux Antilles, comme nous l'avons dj dit, la baisse de la production par suite de
l'abolition de l'esclavage, a t du quart la moiti pendant les dix premires annes, mais elle s'tait dj
releve la fin de celte priode, de manire faire srieusement esprer le retour aux chiffres antrieurs,
lorsqu'intervint la rforme des tarifs.
En effet, la production en 1834, tait de 5,844,243
quintaux ; elle tait remonte en 1845 2,854,010 quintaux. En mme temps, les prix qui taient (droits compris) de 154 fr. 50 en 1834, taient monts 143 fr. ,
162 fr., 167 fr., mme 185 fr. 60 pendant les premires annes, et taient encore 146 fr. 80 en 1845 ; eu
sorte que les producteurs recevaient plus pour une quantit moindre. L'introduction plus large du sucre tranger libre, fit retomber l'importation 2,147,363 fr. en
1846, et l'on peut affirmer qu'en ne continuant pas
COLONIES ANGLAISES.
447
448
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
CHAPITRE IV
RSUM.
29
450
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1
Une rvolution sociale a t tente la fois dans dixneuf contres, disperses entre la mer des Antilles, l'extrmit mridionale de l'Afrique et l'entre de la mer des
Traduction de M. Laboulaye, p. 502.
COLONIES ANGLAISES.
451
Indes, n'ayant ni le mme climat, ni les mmes institutions, ni le mme tat social, et places plusieurs milliers de lieues de la poigne de lgislateurs qui crivaient
leur sort dans une loi hardie. Dans la plus vaste de ces
contres, la Jamaque, 300,000 esclaves taient en face
de 55,000 blancs ; depuis le commencement de ce sicle
cinq rvoltes formidables y avaient rpandu l'incendie et
le massacre, et deux ans seulement avant l'mancipation;
la dernire avait t suivie de l'excution capitale de plus
de 500 noirs. Une autre, la Guyane, offrait 6,400 milles
carrs pour retraite la fuite de plus de 80,000 noirs,
occups par 1.6,000 blancs seulement, Cet vnement,
au premier asp cl si formidable, crivait en 1.8.45 M. de
Broglie 1, et on peut le redire dix-sept ans aprs lui, l'appel de 800,000 esclaves la libert, le mme jour, la
mme heure, n'a pas caus dans toutes les colonies anglaises la divime partie des troubles que cause d'ordinaire, chez les nations les plus civilises de l'Europe, la
moindre question poli tique qui agite tant soit peu les
esprits.
Le mal que l'mancipation a produit se rduit la
ruine incontestable d'un certain nombre de colons, la
souffrance momentane et invitable de tous. On remarque que la colonie qui a le plus rsist, la Jamaque, a le
plus souffert. La colonie qui a le plus promptement pris
son parti et fait des efforts pour renouveler les mthodes,
le matriel, le personnel de la fabrication, Maurice, n'a
presque pas souffert et sa richesse est aujourd'hui dou1
Rapp., p. 8.
452
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
ble, presque triple. La production totale des autres colonies est revenue au chiffre antrieur 1834. 11 n'est
pas douteux qu'elle l'aurait dpass, si la rforme commerciale n'avait pas compliqu les rsultats de l'abolition de l'esclavage.
Mais, en accordant ces maux le regret qu'ils mritent, comment les comparer un instant aux biens* qui
datent pour l'Angleterre, pour les colonies elles-mmes
et pour l'humanit, de ces deux grandes mesures?
Prs d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants
ont pass de la condition du btail au rang de la crature
raisonnable. De nombreux mariages ont lev la famille
au-dessus de la fange d'une promiscuit sans nom. La paternit a remplac la btardise. Des glises et des coles se
sont ouvertes. La religion, auparavant muette, factieuse,
ou dshonore, a repris sa dignit et sa libert. Des hommes qui n'avaient rien ont connu la proprit ; des terres
qui taient vagues ont t occupes ; des populations insuffisantes ont t accrues ; des procds dtestables de
culture et de fabrication ont t remplacs par de meilleurs 1. Une race rpute infrieure, vicieuse, cruelle,
1
Nous voulons parler de progrs qu'on n'eut pas abordas avant l'manci-
pation: la substitution de la charrue la houe, l'usage de la herse, l'importation des machines, une meilleure plantation de la canne, la cration
incalculables ..
Dj
10,000 liras, une rcolte peu prs gale celle pour laquelle la Barbade
a employ 50,000 travailleurs.*))
Revue coloniale, 1845, p. 433. De semblables fails ont t signals dans presque tous
les rapports des gouverneurs au gouvernement anglais. Mais il est ncessaire d'abrger.
COLONIES ANGLAISES.
453
lascive, paresseuse, rfractaire la civilisation, la religion, l'instruction, s'est montre honnte, douce,
dispose la vie de famille, accessible au christianisme,
avide d'instruction. Ceux de ses membres qui sont retourns au vagabondage, l'oisivet, la corruption, n'accusent pas tant leur race que la servitude qui les avait laisss plongs dans leur ignorance et leur dpravation
natives; mais c'est la minorit. La majorit travaille, et
se montre bien suprieure aux auxiliaires que la Chine
ou l'Inde envoie aux colons. En deux mots, la richesse a
peu souffert, la civilisation a beaucoup gagn ; voil le
bilan de l'exprience anglaise.
Par un effet indirect du mme vnement, la politique
coloniale s'est entirement transforme. Les premiers
hommes d'tat de l'Angleterre ont chang d'avis sur l'utilit des colonies et sur la manire de les gouverner. La
libert du travail a t suivie de la libert commerciale,
et mme de la libert politique. De toutes les raisons qui
ont fait tablir les colonies, l'or, la marine, le commerce,
la puissance, une seule subsiste, ou du moins domine,
c'est l'intrt de la civilisation. Les colonies taient destines la richesse, elles servent surtout la grandeur de
la mre-patrie.
A qui revient l'honneur d'avoir aboli l'esclavage dans
les colonies anglaises ?
Le gouvernement, les divers ministres sans distinction
de parti, ont beaucoup fait. On peut leur reprocher deux
fautes : ils n'ont pas pris de mesures efficaces pour assurer
le travail dans les premires annes, ils n'ont pas assez
longtemps continu la protection ncessaire aux pro-
454
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
Rapport, p. 117.
COLONIES ANGLAISES.
455
dbut de la lutte, les Clarkson, les Wilberforce, les Granville Sharp et tant d'autres, en les armant d'un courage
indomptable et d'une persvrance toute preuve; c'est
la religion qui a progressivement form, d'abord dans la
nation, puis dans le Parlement lui-mme, ce grand parti
abolitionniste qui va grossissant chaque jour, s'infiltrant
en quelque sorte dans tous les partis, les obligeant tous,
obligeant le gouvernement tout le premier compter
sans cesse avec lui ; et c'est ce parti qui, mettant profit
depuis quarante ans tous les vnements, toutes les circonstances, a successivement emport l'abolition de la
traite en 1807 ; inspir par ses reprsentants en 1815 les
dclarations du congrs de Vienne, plus tard celles du
congrs de Vrone; dict en 1823 la motion de M. Buxton,
les rsolutions de M. Canning, la circulaire de lord Bathurst, lance en 1831 sur les colonies, l'ordre en conseil
du 2 novembre, rendu par l invitable en 1833 l'abolition de l'esclavage, et impossible, en 1858, le mainlien de l'apprentissage
Le parti abolitionniste ne s'est pas plus pargn dans
les colonies que dans la mtropole ; il les a couvertes d'glises, de chapelles, de missions, de congrgations, appartenant toutes les sectes dissidentes de l'Angleterre,
excitant ainsi dans le clerg de l'Eglise tablie une salutaire mulation. En travaillant rendre l'mancipation
ncessaire Londres, il a travaill la rendre possible
et facile aux Antilles ; il a prpar les voies, dfrich, labour le terrain, cart ou surmont les obstacles. Ministres de l'glise tablie, mthodistes de toutes dnomi-
456
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES ANGLAISES.
457
tes en moins de vingt ans, sans rvolution, sans bouleversement, sans avoir cot une seule goutte de sang,
sans avoir fait couler d'autres larmes que des larmes de
joie, uniquement par le jeu naturel de ces admirables
institutions, que nous possdons en partie, bien que nous
ne sachions pas en user.
Ces quatre victoires sont :
L'mancipation des catholiques (1829) ;
La rforme parlementaire (1830);
L'abolition de l'esclavage (1855);
La Libert du commerce des bls (1846).
Qu'on veuille bien remarquer qu'aucune de ces victoires pacifiques que nous signalons avec envie et avec
admiration nos concitoyens n'a fait un tort excessif ou
durable la cause vaincue. L'Eglise anglicane a retrouv
une nouvelle vie depuis l'mancipation des catholiques ;
l'aristocratie s'est releve plus forte que jamais aprs
l'abolition des bourgs-pourris, et l'on peut tre assur
que l'agriculture anglaise ne perdra rien l'abolition de
son monopole ; dans dix ans, on ne s'en doutera pas. C'est
le propre des victoires lgitimes et pures de ne pas dsesprer, de ne pas craser, de ne pas mme humilier les
vaincus.
Admirons surtout le souvenir pacifique et sublime de
l'abolition de l'esclavage colonial. Il n'y avait l en jeu
qu'un grand intrt moral, une rforme conqurir lentement et laborieusement sur les habitudes les plus enracines, les prjugs les plus invtrs, les intrts les
plus acharns : elle a t conquise. Bien loin de rapporter aucun profit matriel, cette rparation de La plus
Est-il une leon plus sublime et plus digne de mmoire? Ah ! puissions-nous ne l'oublier jamais : quelle fut
en Angleterre la puissance qui dtruisit l'esclavage? La
religion! A l'aide de quelle arme? La libert.
COLONIES
DU
DANEMARK ET DE LA SUDE
LIVRE III
1 Colonies Danoises.
462
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES DANOISES.
463
sur celui des naissances. 11 en tait de mme SaintJean. Ce rsultat tait d en partie l'extinction des
sentiments de la famille dans le cur des esclaves, qui
ne prenaient aucun soin des vieillards et des enfants, et
en partie aux travaux excessifs dont ils taient surchargs, malgr des rglements dcrts en 1810, mais rarement excuts. Les esclaves faisaient pour s'vader les
tentatives Tes plus dsespres.
Les exportations de sucre de Sainte-Croix n'avaient pas
baiss avec le chiffre de la population, ce qui prouve que
le travail impos aux esclaves avait augment :
1815-1824 (dix ans)
25,400,000 livres
24,100,000
21,400,000
464
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
vernement d'tablir le rachat forc, le pcule lgal, d'interdire les ventes publiques d'esclaves cl la sparation
des enfants en bas-ge de leurs parents, de constituer
une juridiction exceptionnelle pour les causes entre les
matres et les esclaves, et de prparer une loi sur le travail, l'entretien, la discipline des esclaves, et une autre
contre le vagabondage.
Pendant ce temps, le gouvernement danois ngociait
avec l'Angleterre, dans le but d'obtenir, aprs l'mancipation, des droits moins levs l'importation des
sucres de ses colonies.
COLONIES DANOISES.
sion de la juridiction spciale.
L'observation
465
du di-
manche fut impose (20 dcembre 1836). Une ordonnance contre le vagabondage et sur l'organisation de la
maison de rpression parut le 10 mai 1858, et, dix
jours avant, une autre ordonnance prohiba la vente des
esclaves sur les marchs publics. Huit coles furent
cres, et le concours des divers clergs l'uvre de l'ducation morale fut vivement rclam.
Une loi du 1er mai 1840 ratifia la plus importante de
ces dispositions, loi remarquable deux points de vue :
Anime des meilleures intentions envers les esclaves,
elle autorise pourtant encore la peine du fouet, mme
inflige aux femmes, mais en abolissant les coups de
tamarin ou de tout
466
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
COLONIES DANOISES.
467
468
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
1848,
en
Colonies
sudoises!
COLONIES SUDOISES.
469
chandises dans le port de Gothenbourg et de les rexporter sans payer de droits, a d quelque importance
aux guerres maritimes, pendant lesquelles son port,
librement ouvert au commerce de toutes les nations, a
fait d'immenses affaires. Mais aride, ne fournissant pas,
aux environs de la ville de Gustavia, assez d'herbe pour
nourrir les 15 ou 20 chevaux de ses principaux habitants, elle mrite peine le nom de colonie. On value
1,700 le nombre de ses habitants : 531 taient esclaves
en 1846.
Ds 1844, le roi Oscar avait fait connatre aux Etats
son dsir de prononcer l'abolition de l'esclavage. En
1846, la lgislature mit la disposition du gouvernement une somme annuelle de 50,000 francs pour oprer
le rachat successif des 531 esclaves, et leur mise en
libert est aujourd'hui complte.
470
ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.
APPENDICE
472
COLONIES FRANAISES.
COLONIES FRANAISES.
473
474
COLONIES
FRANAISES.
TABLEAU
C.
TAT COM
Tableau n 3.
1852
Moyennes quinquennales ...
Importations ...
1853 Exportations ...
Importations ...
1854 Exportations ...
Importations ...
1855. Exportations ....
Importations ...
1856 Exportations ...
Importations ...
1857 Exportations ...
TOTAUX pour les cinq annes, de 1853
1857 ...
Moyennes quinquennales ...
TOTAUX pour les dix annes, de 1848
1837 ...
Moyennes dcennales ...
12,211,716
12,594,505
20,281,048
15,111,725
18,367,676
12,787,760
27,082,160
17,282,610
26,070,2220
21,393,104
Francs.
24,806,221
35,392,773
31,155,436
44;346,770
47,663,324
183,382,524
36,676,505
25,558,832
18,645,907
27,737,500
21,188,437
24,901,774
22,040,437
30,277,174
30,083,258
27,352,510
29,948,896
44,204,739
48,925,973
46,942,247
60,360,432
57,301,406
257,734,797
51,346,959
441,117,321
44,111,732
475
COLONIES FRANAISES.
ARAF
franaises, pendant la priode dcennale de 1848 1857, d'aprs les
tration des douanes mtropolitaines et les tats des douanes locales.
GUYANE.
GUADELOUPE.
RUNION.
Francs.
10,415,876
11,684,400
13,672,339
15,945,827
14,292,925
10,005,549
19,168,591)
12,438,546
21,637,007)
14,049,5851
Francs,
22,100,276
J 27,646,166
j
24,298,474
. ,
52,606,957
142,308,243
28,461,649
18,701,525
11,556,056
3
18,455,481)
22,778,433
19,924,845
25,795,290
15,774,056
25,400,362
20,829,115
Francs.
1,848,311 1 5,978,218 10,561,094 23,711,051
13,349,957
2,129,907
2,929,447 4,415,102
30,596,296
1,485,655
18,247,354
2,501,965
4,079,295
18,920,777 57,108,151
1,517,328
21 079 741
2,854,107
36,086,822
4,057,742
1,223,635
4,276,703
1,550,242 5,606,945
J
j
J
. . .
5,676,152
50,517,579 1,705,175
5,979,400
40,705,675 1,433,545
5,912,300
42,703,278 1,284,901
6,234,114
39,567,346 4,495,551
5,580,779
40,229,475 1,471,897;
. . . .
45,981,112
7,379,325
7,412,951
7,197,261
10,729,665
7,052,676
39,904,071
39,771,878
7,954,376
341,831,596
34,185,159
61,909,178
6,190,917
199,523,353
. . .
173,543,412
34,708,672
22,137,300
4,427,460
26,046,747
23,075,481
30,615,944
31,748,008
57,007,507
34,271,080
33,671,020
45,005,550
42,140,012
54,445,518
19,120,228
62,364,012
74,878,587
78,070,570
99,584,150
361,623,527
72,324,705
555,166,959
53,510,693
476
COLONIES
FRANAISES.
TABLEAU D
SUCRE
COLONIAL.
Tableau 4.
PRIX MOYEN
MOYENNE
par 100 kilos,
du droit
sur la place de Paris affrent
l'anne,
Prix
Prix
dcimes
nominal.
rl.
compris.
ANNES.
1819
1820
1821
1822
1823
1824
1825
1826
1827
1828
1829
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
1830
1831
1832
1833
1834
1835
1836
1837
1858
1859
1840
1841
1842
1843
1844
1845
1840
1847
1848
1849
1850
1851
1852
1853
1854
1855
1850
1857
1858
1859
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
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.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
156
162
151
139
187
159
181
161
172
168
159
155
142
149
144
144
159
141
130
126
119
158
129
124
122
124
128
129
124
116
122
138
132
125
1 10
128
130
144
153
137
136
37
41
65
19
15
64
70
52
13
50
54
03
60
10
97
97
01
70
80
25
75
75
75
75
25
50
25
80
30
33
34
58
17
93
74
11
93
27
75
04
141
146
136
125
168
144
164
145
155
152
144
139
128
134
130
130
125
129
118
113
107
125
117
112
110
112
115
115
112
104
111
124
119
113
105
116
117
130
138
124
122
10
58
87
61
91
il
59
55
07
01
90
72
57
89
89
49
82
09
97
18
27
13
03
03
13
98
68
68
98
86
80
75
56
22
44
85
34
37
76
49
49
49
49
49
49
49
49
49
1!
49
49
49
49
49
49
49
49
49
49
42
42
49
49
49
49
49
49
49
49
49
49
44
40
41
41
43
45
45
46
49
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
90
90
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
82
97
80
80
70
60
60
80
20
RESTE.
9!
07
87
76
119
94
114
90
105
102
94
90
79
85
81
81
75
80
68
64
64
82
67
63
60
02
66
66
63
55
62
75
74
72
63
74
73
85
92
77
73
00
08
37
11
41
01
50
00
85
57
51
40
22
07
39
39
99
32
59
47
28
37
63
15
53
63
48
18
18
48
36
36
93
03
70
42
74
25
74
57
56
PRIX
dduire
pour
frais de
transport
en
moyenne
rel
de
revient
l'entrept.
3
3
3
3
5
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
5
5
3
3
3
5
3
3
3
3
3
3
3
5
3
3
5
5
3
3
3
3
3
3
88
94
84
73
116
91
111
95
102
90
91
87
76
82
78
78
72
77
65
61
(il
79
64
60
57
59
63
63
60
52
59
72
71
69
00
71
70
82
89
74
70
MOYENNES
quinquennales
du prix
de revient.
60 88 60
08
37
11 91 91
41
01
50
09
85 , 99 70
57
51
40
22
07 80 49
39
59
99
52
59 67 75
47
28
37
63
15 64 25
53
63
48
18
18 59 73 68 80
48
36
36
93
05 69 10.
70
42
74
25
74 77 57
57
56
1
Je dois ces Tableaux l'amicale obligeance d'un des premiers fabricants de sucre de
la France, l'honorable M. Kolb-Bernard, dput de Litle.
477
COLONIES FRANAISES.
PRIX.
SUCRE INDIGNE.
MOYENNE
PRIX MOYEN
du droit
par 100 J kilog.
sur la place de Paris affrent
l'anne,
Prix
Prix
dcimes
nominal. rel '.
compris.
ANNES.
18302.
1831 .
1832 .
1833 .
1834 .
1835 .
1836 .
1837 .
1838 .
1859 .
1840 .
1841 .
1842 .
1843 .
1844 .
1845 .
1846 .
1847 .
1848
1849 .
1850 .
1851 .
1852 .
1853 .
1854
1S55 .
1856 .
1857 .
1858 .
1859 .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
1 47 70
132 08
132 22
142
138 20
128 20
150 74
Manque.
121 75
120 25
141 25
130 25
124 25
123
130
151 75
150 50
12!) 75
112 25
123
132 76
127 51
120 08
118 07
129 45
130 09
1 40 77
148 55
154 21
130 38
133
119
119
128
124
115
118
109
109
127
116
112
111
118
118
117
109
101
111
1 19
115
108
107
116
117
127
134
121
125
52
20
55
22
72
75
01
95
55
47
48
25
08
18
92
82
05
33
08
81
09
92
81
82
41
05
06
13
09
5
13
22
27
27
27
30
35
41
46
49
49
49
49
49
49
51
54
54
54
54
54
50
75
50
50
50
25
75
25
75
50
50
50
50
50
50
75
RESTE.
155
1 19
119
128
124
115
418
104
95
105
88
84
85
87
83
76
05
51
61
70
65
59
58
65
65
73
80
67
69
52
20
55
22
72
75
01
45
78
47
98
55
58
95
17
57
28
85
58
31
59
42
31
07
41
05
OO
13
09
PRIX REEl
dduire
de
pour
revient
au
frais de
transport fabricant
en
par
moyenne 100 kil.
3
5
3
3
3
3
3
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
130
116
116
125
121
112
115
101
93
102
86
82
81
85
80
74
60
49
59
67
62
56
55
62
60
70
77
64
66
MOYENNES
quinquennales
du prix
de revient.
52
20
55 121 90
22
72
75
01
105 74
95
28
97
48
03 87 59
08
43
67
07
78 64 78
53
08
81
09
92 . 01 04 .64 62
81
57
91
55
56 68 05
63
59
1
Le prix rel se dduit du prix nominal, aprs dfalcation de 2 0/0 pour trait, 5 0/0
pour tare, et 5 0/0 pour escompte.
2
Le prix du sucre indigne n'a commenc tre cot la Bourse qu'en 1850.
La moyenne des six premires annes, partir de 1830, et s'levant 121 fr. 9G c. les 100 kil.,
. ompare la moyenne des quinze dernires annes, partir de 1845, et s'levant 64 ft. 62 c.
les 100 kil., reprsente la marge de l'abaissement des prix sur le sucre indigne, par suite des
amliorations de la fabrication.
11 convient de prendre une moyenne, tendue un grand nombre d'annes pour la deuxime
priode, afin de compenser tous les accidents commerciaux, les cherts et les baisses anormales
qui se sont produits dans cette priode par suite de circonstances diverses.
La dcroissance du prix de revient n'a pas pu suivre une progression rgulire dans la prideo
de 1845 1859, parce que, dans les dernires annes, tous les lments de la tabrication avaient
augment de prix. Ainsi de la main-d'uvre, de la betterave, du charbon, du noir animal, etc.
478
COLONIES ANGLAISES.
STATISTIQUE
des colonies anglaises en Amrique.
1855
NOMS
des
POPULATION.
BUDGET.
COLONIES.
NOMBRE
CHIFFRES
des
navires.
des
des
IMPORTATIONS.
EXPORTATIONS.
CHIFFRES
100,000
1,723,450
858
16,119,600
19,758,250
30,000
408,075
206
4,063,900
1,025,500
Saint-Christophe. 1623
23.000
578,800
406
2,402,425
1625
35,000
679,250
665
4,812,625
5,616,050
7,751,525
974,400
Antigoa ...
Nevis ...
1028
10,000
85,275
237
493,200
Montserrat.. . . 1652
7,000
87,500
134
192,600
499,650
. . 1648
8,000
37,775
784
91,525
204,975
La Jamaque. . . 1055
361,400
7,980,275
488
22,487,675
25,208,025
Terre-Neuve. . . 1663
75,000
3,101,225
1,077
28,820,100
28,555,300
Iles Vierges.
Baie d'Hudson et
Vancouver. . . 1008
La Barbade.
. . 1684
364,625
116
6,137,150| 11,564,775
Nouvelle-Ecosse.. 1750
1,015,000 28,825,000
71,502
754,825
962
18,660
194,400
26,200
432,800
La Grenade. . . 1763
1783
21,000
27,519
6,712,900
3,618,300
320
2,812,325
2,547,800
398,100
324
2,144,500
2,285,600
726,725
332
4,818,775
2,791,750
20,659,525
Nouveau-Bruns1784
195,800
3,458,825
3,442
55,783,250
1794
13,200
214,525
76
934,500
1,184,675
La Trinit. . . . 1797
39,400
2,016,425
657
13,865,550
9,699,975
99,710
6,375,200
693
22,150,400
33,296,795
25,230
372,100
157
1,387,850
1,374,500
420
101,750
53
527,500
465,000
wick
Tababo ...
Totaux. . . .
COLONIES ANGLAISES.
479
SUCRES IMPORTS
de toutes provenances dans le Royaume-Uni, depuis 1851,
d aprs les documents officiels.
IMPORTATION GNRALE
ANNES
EN QUINTAUX ANGLAIS DE
51
KILOG. )
de
l'tranger
et des
colonies.
de
de
de a
des
Maurice.
l'Inde.
Guyane.
Antilles.
Total.
Total
gnral.
3.08 5,554
5,671,253 7,932,554
3,411,8511
5,837,800 6,890,761
784,966
732,055
794,309
1
Depuis 1852, les tableaux, officiels du commerce anglais ne distinguent pas, dans l'importation gnrale, la part des diffrentes Antilles, qui, pour cet exercice, se prsentait ainsi,
Guyane comprise :
De Demerary
De la Darbade
De la Jamaque
De la Trinit
D'Antigua.
De Saint-Vincent
De la Grenade
De toutes les autres possessions anglaises des Indes occidentales.. . .
2
511,259
483,857
185,602
176,593
125,008
438,820
Dans les annes 1859 et 1860, l'importation du sucre colonial a beaucoup augment,
celle du sucre tranger a diminu. (Revue coloniale, Janvier et Fvrier 1861, p. 100.)
480
COLONIES ANGLAISES.
Appendice la page 352.
LA Rre PARTIE.
DDICACE ET INTRODUCTION
IRE
PARTIE
LIVRE PREMIER.
COLONIES FRANAISES.
CHAPITRE
PREMIER.
32
CHAPITRE
76
CHAPITRE
89
CHAPITRE
93
93
CHAPITRE
2. La Guadeloupe
3. La Runion.
100
107
4. La Guyane
I
112
31*
TABLE
482
CHAPITRE
117
CHAPITRE
CHAPITRE
VIII. La justice
133
IX. L'indemnit
145
CHAPITRE
128
CHAPITRE
X.
CHAPITRE
158
187
183
203
3. Le caf, le cacao, le th
CHAPITRE
213
219
CHAPITRE
258
CHAPITRE
269
CHAPITRE
285
299
2 La Martinique
302
3 La Guadeloupe
304
4 La Runion
305
285
.....
XVI. Rsum
311
326
LIVRE II.
COLONIES
CHAPITRE PREMIER.
ANGLAISES.
CHAPITRB
351
387
1. Le travail et l'immigration
399
399
IV. Rsum
416
449
LIVRE III
COLONIES DANOISES ET SUDOISES.
L. Colonies danoises
461
468
DES MATIRES.
483
APPENDICE.
COLONIES
FRANAISES.
1848,
la marine
tat comparatif des importations et exportations de 1848 1857,
d'aprs les tableaux publis par l'administration des douanes.
Prix du sucre colonial de 1819 1859
474
476
477
COLONIES ANGLAISES.
478
479
480
PREMIER