01 M11v05 34 Farida SAHLI - 003 022

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Farida SAHLI

FACTEURS DÉTERMINANT LE CHOIX DE LA LANGUE


EN CONTEXTE ALGERIEN

Farida SAHLI
Université Batna 2
ORCID iD : 0009-0009-3368-7869
[email protected]

Résumé : Notre travail porte sur les pratiques langagières dans l’institution scolaire
algérienne telles qu’elles sont perçues par quelques-uns de ses acteurs (enseignants
et apprenants). Il s’agit de s’interroger sur les facteurs intervenant dans le choix
linguistique de ces derniers dans leurs interactions langagières en situations scolaire
formelle. L’analyse qualitative du corpus recueilli auprès de quelques acteurs
scolaires a démontré que le choix linguistique n’est pas libre mais largement
déterminé par des facteurs conjugués de nature personnelle et environnementale. Il
s’agit du répertoire verbal des protagonistes (ce qui est de nature personnelle) ; de la
situation de communication scolaire (lieu); de l’enjeu communicatif (but) ainsi que la
position statuaire de chacun des acteurs scolaires (participants). Le choix de langue
se fait d’une part, en fonction de l’image que l’on veut donner de soi, et d’autre part,
en fonction de la représentation que l’on a de son partenaire. Outre le statut du
locuteur, le statut des langues utilisées détermine le choix linguistique des locuteurs.

Mots-clés : Choix linguistique, facteurs déterminant, pratique


langagière, interactions, situations scolaire formelle.

THE FACTORS DETERMINING LANGUAGE CHOICE IN THE ALGERIAN


CONTEXT

Abstract: Our work concerns language practices in the Algerian educational


institution as they are perceived by some of its actors (teachers and learners). It is a
matter of questioning the factors involved in the linguistic choice of these factors in
their language interactions in formal school situations. The qualitative analysis of the
corpus collected from a few actors demonstrated that linguistic choice is not free but
largely determined by combined factors of a personal and environmental nature. On
the one hand, it concerns the verbal repertoire of the protagonists (which is of a
personal nature); the school communication situation (place); of the communicative
issue (goal) as well as the statutory position of each of the school actors (participants).
In the other hand, the choice of language reveals the relationship that the participants
have with each other but also the relationship they have with the languages used. This
choice is based on the image you want to give of yourself, and the representation you
have of your partner. In addition to the status of the speaker, the status of the
languages used determines the linguistic choice of speakers.

Keywords: linguistic choice, determining factors, language practices, language


interactions, formal school situations.

Introduction
En mettant le focus sur les pratiques langagières en contexte scolaire algérien, nous
tenterons de porter une réflexion qui tient compte de la situation sociolinguistique de

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

l’Algérie et des pratiques langagières de la salle de classe. Nous nous interrogeant


précisément sur les facteurs intervenant dans le choix linguistique portant sur les pratiques
langagières dans l’institution scolaire algérienne (collège, lycée et université). Notre intérêt
pour un tel sujet émane du fait de connaitre par notre propre expérience d’ancienne élève,
les caractéristiques de l’usage des langues chez les acteurs scolaires qui témoignent d’un
parler bilingue marqué par le changement de code. Il s’agit d‘ « un parler qui est conçu,
comme une réaction originale des personnes qui utilisent régulièrement deux langues pour
communiquer parce que cela répond réellement et non artificiellement à des besoins de
communication. » (Billiez, 1998 :223). Nous pouvons penser que la mise en œuvre d’un
tel comportement langagier est due à un certain nombre de facteurs. Quel(s) facteur (s)
déterminent t-il le choix linguistique des acteurs scolaires algériens ? En réponse à ce
questionnement, nous pouvons formuler l’hypothèse que le choix de langue serait
déterminé entre autres, par des paramètres d’ordre pragmatique. Pour confirmer notre
hypothèse, nous avons adopté une analyse descriptive et interprétative des formes
discursives recueillies dans des entretiens menés auprès d’une quinzaine d’acteurs
scolaires appartenant à l’institution scolaire algérienne (collège, lycée et université).
L’objectif de notre travail consiste donc à documenter les pratiques langagières des
acteurs scolaires algériens afin de mettre en exergue les facteurs intervenant dans leurs
choix linguistiques. Il s’agit de choix de langues qui ne s’expliquent pas seulement par des
motivations d’ordre psychologique ou social, ou bien par des facteurs de nature
psycholinguistique, mais également par d’autres motivations que l’on pourrait catégoriser
sous l’étiquette « facteurs pragmatiques ». La prise en compte de ces facteurs est une
condition nécessaire pour comprendre le choix linguistique. En étudiant l’énoncé dans son
contexte énonciatif qui est constitué de plusieurs éléments, nous pourrions comprendre
l’influence de ces derniers sur la pratique langagière et déterminer le choix de la langue.
Les dimensions cruciales de ces facteurs sont d’abord les relations personnelles
qu’entretiennent les locuteurs, puis les thèmes de l’échange et le cadre dans lequel il se
déroule. Pour chacun des paramètres, nous présenterons des extraits de corpus pertinents
permettant d’explorer certains points saillants en lien avec le choix de langue. Mais
auparavant nous dirons quelques mots du répertoire bi/plurilingue.

1.Cadrage théorique
Nous essayerons d’illustrer les concepts qui semblent pertinents à notre
problématique. Le premier point aborde la notion du répertoire verbal, de continuum
stylistique et de la communication exolingue. Les points 2 et 3 reviennent sur les notions
du domaine et du contexte. Les deux derniers points (5et6) sur celles de la face et de la
relation interpersonnelle. Il importe de préciser par ailleurs, que les réflexions théoriques
présentées au début de chaque point traité sont illustrées par des extraits du corpus en vue
d'une meilleure compréhension de la réalité langagière scolaire algérienne. Nous pourrions
dire qu’il s’agit d’une validation de l’opérationnalité des théories évoquées.

2.Cadre méthodologique.
Nos interrogations portaient particulièrement sur le choix de langue (s) utilisée(s)
en classe de cours. Notre démarche empirique a commencé par l’observation, le choix de
(s) lieu (x) d’enquête et d’enquêtés. L’échantillon constitué par ces derniers est diversifié
du point de vue du sexe, de l’âge, de la profession, de l’appartenance religieuse ou
ethnique, et de la région. Les personnes interrogées sont au nombre de 15, parmi elles se

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trouvent un responsable éducatif (Res), des enseignants (Ens) au collège, au lycée et à


l’université, des étudiants (App) universitaires de différentes filières. Leurs âges varient
entre 18 et 58 ans environ. Les enquêtés sont issus de différentes classes sociales.
Le tableau ci-après donne une idée du profil des informateurs.

Entretien Enquêté Sexe Profession Discipline Années Niveau


N° d’expérience
1 App17 Apprenant Français 2ème année Universitaire
2 App16 Etudiant Français 2ème année Universitaire
3 App12 Etudiant Français 2ème année Universitaire
4 App11 Etudiant Français 2ème année Universitaire
5 App14 Etudiant Français 1ère année Universitaire
6 App6 Etudiant Français 2ème année Universitaire
7 App4 Etudiant Français 2ème année Universitaire
8 Ens1 Enseignant Physique 15 ans Lycée
9 Ens2 Enseignant mathématiques 25 ans Lycée
10 Ens3 Enseignant électronique + de 20 ans Lycée
11 Ens5bis Enseignant Français 13ans lycée
12 Ens6 Enseignant Mathématiques 29 ans Lycée
13 Ens8 Enseignant Français 13ans lycée
14 Ens10 Enseignant anglais 8 ans Lycée
15 Res Responsable \ + de 25 ans Lycée
Tableau n°1-Présentation des enquêtés

Pour décrire et analyser la pratique langagière des acteurs scolaire, nous avons mis
en œuvre une méthode d’analyse qui nous conduit à analyser des extraits d’entretiens selon
différents angles. Il s’agit d’une analyse qualitative basée sur le contenu du discours.

3.Analyse et discussion.
L’analyse effective de notre corpus devrait permettre de répondre, en fin de compte,
à notre question de départ présentée dans l’introduction. Le répertoire verbal, le domaine,
le contexte, la face et la relation interpersonnelle entre les interactants sont
particulièrement intéressants puisqu’ils permettront d’éclairer les dimensions importantes
de la pratique linguistique scolaire

3.1 Répertoire verbal.


Pour qu’il y ait alternance, il faut d’abord un répertoire qui le permette, comme le
précisent Hamers et Blanc (1983 :194): « d’abord, il faut que le locuteur possède un
répertoire qui lui permet de faire une sélection. Ensuite ce choix est influencé par la
perception que le locuteur a de son interlocuteur, de la compétence de celui-ci ainsi de la
situation de communication ». Le choix de langue obéit à deux contraintes, l’une « interne
» et l’autre « externe » : d’une part il est lié à la compétence linguistique du locuteur, et
d’autre part à la situation linguistique, qui contraint plus ou moins les choix individuels.
Le choix de langue est ainsi déterminé et contraint par la situation (le contexte). Les
recherches sur le bilinguisme ont mis en évidence que le répertoire déploie l’éventail des
possibilités communicatives du locuteur. Quand celui-ci est bi/trilingue, ces possibilités
incluent les formes de parlers bilingues auxquelles il peut choisir de recourir dans

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

certaines situations (Grosjean, 1993). Par forme de parler bilingue, il faut entendre à la fois
l’alternance et le mélange des codes (code-switching et code-mixing). Selon Gajo
(2001 :129), le répertoire constitue entre autres, un élément de l’atout bilingue. Il
schématise cet « atout bilingue » de la manière suivante :

Illustration n°1- Atout bilingue


Tous les locuteurs sont susceptibles d’employer, selon les situations, des formes assez
divergentes de leur répertoire langagier. Mais lorsque le locuteur est bilingue, cette
capacité d’adaptation formelle est augmentée. L’extrait d’entretien suivant manifeste la
conscience qu’a l’apprenant de la gestion plurilingue de la communication entre lui et son
professeur, gestion permise par les ressources bilingues de son répertoire.

Extrait n°1
2. E : vous parlez en quelle langue avec vos camarades de classe ?
3. App17 : parfois en français / et parf- / et la plupart en arabe
16. E : vous parlez en darja avec le prof d’arabe ?
17. App17 : parfois
18. E : avec les profs de français vous parlez darja ?
19. App17 : jamais euh je parle parfois en arabe littéraire lorsque je manque de mots en
français
22. E : c’est permis ?
23. App17 : non

Au-delà des réponses qui sont certes contraintes par la situation d’interview et le
choix de langue de l’enquêtrice (le français), on voit que App17 ratifie les dénominations
proposées par cette dernière et reconnaît qu’il utilise 3 langues en classe. Il est intéressant
de remarquer que App17 semble avoir des représentations différentes des situations
d’enseignement en arabe et en français, mais aussi des relations établies avec le professeur
d’arabe et le professeur de français. Le choix d’utiliser la darja avec le professeur d’arabe
peut être expliqué en termes de continuum linguistique : l’ensemble des productions en
arabe sont situées sur un axe dont la variété standard constitue un des pôles et la darja
l’autre pôle. Un tel continuum n’existe pas (ou en tout cas n’est pas perçu) entre la darja et
le français. Cette dernière semble alors exclue par la situation même de la classe de
français. Pour l’arabe, il semble que l’on soit en présence d’une variation stylistique2 qui
s’explique par le changement de registres de discours (du formel au familier) par un même

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locuteur ; il convient donc, à ce propos, d’esquisser un continuum qui s’organise selon une
échelle stylistique allant de l’usage le plus surveillé au moins surveillé. Pour ce faire, nous
reprenons d’une part le terme de continuum stylistique proposé par Tarone (1983 :152), et
d’autre part, les dénominations des différents styles intermédiaires de Taleb Ibrahimi
(1997 :70). De ce fait, nous pouvons établir le schéma suivant permettant de visualiser ce
continuum.

Illustration n°2- Continuum stylistique


Ce schéma configure entre autres, les deux variétés d’arabe (l’arabe classique qui
est le style recherché et l’arabe dialectal correspondant au style vernaculaire) que App17
déclare effectuer avec le professeur d’arabe. Il est vrai que les dires de App17 ne
permettent pas de savoir si ce dernier fait usage alterné des deux variétés dans le même
énoncé. Mais si c’est le cas, le continuum nous semble pertinent pour illustrer l’usage
langagier de l’enquêter, puisque les deux codes dont il fait usage ne sont pas circonscrits
mais se situent à l’intérieur de deux pôles sur l’axe de ce continuum. Dans le tour de parole
19, App17 déclare se servir de l’arabe littéraire pour pallier une lacune quelconque en
français, donc pour communiquer avec son professeur de français. Ce n’est pas la darja qui
constitue la langue « de secours », mais l’arabe littéraire. On pourrait interpréter ce choix
par le fait que l’arabe littéraire contrairement à la darja remplit la fonction de langue
normée et confirme une certaine distance interpersonnelle avec le professeur de français
en tant que locuteur du français. Les dires de App17 révèlent des choix de langues
différents dans deux situations de communication différentes ; la première correspond à
une situation de communication endolingue dans la mesure où les participants à l’échange
(l’enseignant d’arabe et les apprenants) sont des locuteurs natifs quant à la seconde
situation, elle représente une communication exolingue étant donné que l’asymétrie
linguistique entre les participants à l’échange est plus grande. Précisons quelque peu cette
notion de communication exolingue.
La notion d’exolinguisme a reçu plusieurs définitions. La communication exolingue
a été définie pour la première fois, comme celle qui « s’établit entre deux individus ne
disposant pas d’une L1 commune » (Porquier, 1979 : 50). Quelques années plus tard, le
même auteur apporte une autre définition, la communication exolingue est définie comme «
celle qui s’établit par le langage, par des moyens autres qu’une langue maternelle
éventuellement commune aux participants » (Porquier, 1984 : 18). Selon Py et Alber
(1986 : 153), une interaction exolingue est caractérisée par des divergences significatives
entre les répertoires des participants. Autrement dit, c’est par rapport à la divergence de
maitrise de la langue de communication des partenaires que la communication exolingue
diffère d’autres formes d’interaction. Mondada, quant à elle, attribue le qualificatif «
exolingue » à une communication « marquée par une asymétrie de compétences
linguistiques et communicationnelles entre un locuteur caractérisé véritablement comme
natif de langue maternelle et un locuteur caractérisé comme non natif de langue étrangère,
de langue seconde, ou alloglotte » (1999a : 21). Pour ce qui nous concerne, nous adoptons

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

la deuxième définition apportée par Porquier car elle nous semble la plus appropriée à
notre cas de figure. Le professeur de français bien qu’il ne soit pas considéré comme natif
de français possède des caractéristiques qui le placent comme expert linguistique par
rapport à l’apprenant. En effet, par son usage quotidien du français dans sa vie
professionnelle, le professeur possède une plus grande aisance linguistique dans cette
langue que l’apprenant qui doit encore être considéré comme un apprenant.

3.2. Domaine.
Outre le répertoire, le domaine, compris comme la matière enseignée, peut
également être déterminant dans le choix de telle ou telle langue et dans le passage d’une
langue à l’autre. Certains enseignants convergent sur le fait d’utiliser exclusivement la
langue d’enseignement, soit la langue de la matière enseignée, quelque soit le thème de
l’échange, comme le montre le passage suivant, extrait d’un entretien réalisé avec une
enseignante de français au lycée :

Extrait n°2
5.Ens5bis: je leur demande de parler en français même si hors sujet / l’élève qui se trompe
et qui parle en arabe je le mets cinq minutes dehors voilà / quand ils parlent / ils font
attention / sinon il va se retrouver dehors pendant cinq minutes.

Pour cette enseignante, le code est considéré comme une fin en soi et elle n’hésite
pas à recourir à la manière forte pour l’imposer. Le choix de langue est prioritaire par
rapport au contenu, comme si celui-ci n’était finalement qu’un prétexte pour échanger en
français en se focalisant surtout sur la forme verbale de l’énoncé. Comme le relève
Pekarek :« L’attention prêtée aux formes linguistiques est souvent tout à fait compatible
avec un échange communicatif. D’une part, cette attention donne lieu à des traitements
fonctionnels, axés sur l’intercompréhension et qui, en aidant l’apprenant à surmonter un
problème linguistique, lui permettent d’accomplir une tâche discursive supérieure. D’autre
part, elle peut constituer la substance même d’un enjeu communicatif centré sur l’échange »
(Pekarek, 1999 : 143).
Cette même attitude est manifestée par une enseignante d’anglais à l’université qui dit :
Extrait n°3
105. Ens10: bon moi / je euh / je les encourage toujours de parler anglais même avec des
fautes et des p’tits mots / euh / mais à la fin je corrige en anglais //

Par ailleurs, nous remarquons une différence entre ces enseignantes de langues (Ens5 bis
et Ens10) et les enseignants des matières scientifiques. Voici ce que dit une enseignante
de physique :

Extrait n°4
6. E : l’enseignement de physique se fait en quelle langue ?
7. Ens1 : normalement en français parce que c’est plus facile // c’est plus facile // euh on
fait / on fait le langage en arabe darja w (et) les formules en français // c’est une
contradiction daymen kayen le passage bine lfrançais w l’arabe fla même séance (il y a
toujours le passage entre le français et l’arabe dans la même séance) // puisque c’est la
seule langue qu’ils maitrisent

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Cette enseignante déclare puiser dans ses ressources linguistiques la forme la plus adaptée
à ses apprenants puisqu’elle déclare utiliser la darja avec eux. Une langue qu’ils maitrisent
à la différence des autres codes. C’est cette contrainte qui oblige Ens1 à s’engager dans
l’alternance codique et qui en explique l’usage. Une façon de faire qui semble ne pas
correspondre à sa propre perception puisqu’elle préfère dispenser son cours en français
uniquement. Ce choix pourrait s’expliquer par le fait qu’elle a été formée en français.
Les propos d’une enseignante de mathématiques vont dans le même sens :

Extrait n°5
14. E : vous formulez vos questions en quelle(s) langue(s)?
15. Ens2 : des fois / on essaie de les poser en arabe classique // la plupart du temps / on
essaie d’enseigner en arabe classique // besah (mais) ça se fait pas tout le temps // des fois /
on est obligé / par la force des choses / on est obligé de parler l’arabe rural et voilà // mais /
on essaie de faire le maximum pour enseigner en arabe classique //

Les deux extraits présentés nous semblent intéressants en ce qu’ils illustrent deux
façons de faire identiques des deux enseignantes enquêtées. En effet, elles disent se servir
de la darja (appelé « arabe rural » par Ens2 au TP 15), alors qu’en principe l’enseignement
de leurs matières à savoir la physique et les mathématiques, doit se faire en français et en
arabe pour la première et en arabe littéraire pour la seconde. Si Ens2 reconnaît qu’elle «
essaye de faire le maximum pour enseigner en arable classique », elle montre, tout comme
Ens1, que les caractéristiques pragmatiques de la situation rendent inéluctables l’emploi
de la darja. Dans le tour de parole 7 (extrait4), Ens1 justifie son choix de langue par le fait
que les apprenants ne maitrisent bien qu’un seul code (la darja). Face à l’asymétrie
linguistique de la situation (puisqu’il y a bien une différence de niveau de compétences
linguistiques entre les apprenants et les enseignants enquêtés par rapport au français et à
l’arabe classique), les enseignantes passent facilement à la darja pour dispenser leur
enseignement. Dans ce cas de figure, on doit s’interroger pour savoir si le fait d’utiliser la
darja pour enseigner est réellement un choix de langue proprement dit ou si l’on ne devrait
pas plutôt parler d’une contrainte puisque Ens2 dit se trouver obligée de recourir à «
l’arabe rural ». La seule interprétation qui nous parait appropriée ici est que les
enseignantes Ens1 et Ens2 semblent partager une certaine représentation liée au fait que la
communication efficace avec les apprenants passe par l’arabe dialectal (la darja) et non
pas par la langue normée. Face à un problème d’intercompréhension, les enseignants ne
doivent pas rester bloqués trop longtemps et changent rapidement de code linguistique
pour surmonter l’obstacle. C’est donc la progression de la leçon et la compréhension des
objets de savoir qui priment le plus souvent sur l’apprentissage du code. C’est bien
l’intercompréhension entre les différents protagonistes scolaires qui est à la fois l’enjeu et
en jeu. D’autant plus que les matières enseignées comprenant des tâches à dominante
cognitive (Barthomeuf, 1992 :138) n’incitent pas les apprenants à pratiquer les formes
standards qu’ils sont censés apprendre. Dans ce contexte d’enseignements de disciplines
scientifiques, on peut souligner que l’usage de la langue est avant tout instrumental. Dans
l’extrait suivant, Ens3, enseignant d’électronique, souligne à quel point son « profil
bilingue » a été un avantage pour lui dans l’accès à l’emploi. Parlant de l’atout bilingue, on
voit qu’il pratique également la stratégie communicationnelle de l’alternance codique,
permise par le répertoire verbal semblable des deux interlocuteurs (l’enquêtrice et
l’informateur) :

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

Extrait n°6
5. Ens3 : euh lprofil nta na (notre profil) faisait en sorte qu’on était bilingue // on pouvait
enseigner soit en arabe / soit en français lahur(l’autre) / actuellement même si on nous
enseignait en arabe / ça nous empêche pas d’utiliser le français / pour les formules etc/ les
gens utilisent des formules en français / ce qui sert le mieux l’outil scientifique / ça aide
les élèves actuellement à progresser //
9. Ens3 : l’arabe dialectal / des fois on l’utilise pour mieux expliquer // on est obligé
parfois d’utiliser le dialectal au même titre que le français pour expliquer certaines choses
/ donc la transition du français à l’arabe et maintenant de l’arabe au français / elle se fait
sans problème même les élèves sont réceptifs à ça //

Dans cet extrait, Ens3 énonce la façon dont il vise à établir un lien entre les
langues d’usage comme moyen d’enseignement et la matière enseignée ; en tant que
bilingue, Ens3 est amené à activer en alternance le français d’une part, et les deux variétés
arabe d’autre part. Sa gestion de plusieurs codes linguistiques n’implique aucunement des
difficultés ni de sa part, ni de celle de ses apprenants puisqu’il déclare à la fin du TP 9,
que les apprenants sont en mesure de gérer cette alternance. Dans le tour de parole 5,
l’énoncé « … les gens utilisent des formules en français / ce qui sert le mieux l’outil
scientifique », peut être interprété comme une représentation qui associe l’usage du
français et les connaissances scientifiques ce qui justifie son choix. Plus loin, notre
informateur déclare ce qui suit, pour argumenter en faveur d’une école qui aboutisse à
rendre les Algériens polyglottes :
Extrait n°7
49. Ens3 : ... hadi(cette) la transition pour préparer l’élève justement à / à mieux cerner et
l’arabe et le français et même l’anglais et même l’espagnol parce que je ne sais pas moi /
vous prenez les lycées etc / les gens qui parlent les langues / ils apprennent trois ou quatre
langues différentes // le but ntaha(son but) c’est que l’Algérien soit multi langue /
polyglotte voilà //
Si dans le témoignage précédent, le plurilinguisme semble avant tout s’incarner dans des
langues internationales et prestigieuses (Ens3 mentionne l’arabe, le français, l’espagnol,
l’anglais), le suivant (il s’agit d’un enseignant d’anglais au présecondaire) mentionne
indifféremment l’anglais, le français, l’arabe et l’arabe familier (dénomination proposée au
TP 9 par Ens8, que E ratifie).
Extrait n°8
9. Ens8 : on utilise les deux / les deux / on utilise les deux que ce soit l’arabe académique
ou familier / le langage familier / pour faire comprendre à l’élève ou certaine notion on
utilise soit l’arabe académique ou familier
10. E : vous entendez par l’arabe dialectal la darja
11. Ens8 : tout à fait

Dans les deux cas cependant, ce sont bien des problèmes d’intercompréhension qui
sont mis en avant, même s’ils apparaissent comme assez fictifs dans la situation évoquée
par Ens3, mais bien réels dans celle dont parle Ens8 :

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Extrait n°9
21. Ens8 : lorsque les élèves ne comprennent pas la question en anglais/ euh le prof fait
recours au français ou bien à l’arabe / même en arabe familier pour permettre à l’élève de
comprendre la question
L’enseignant d’anglais Ens8, en se donnant comme objectif de faire accéder les
apprenants à l’anglais (L3), fait usage du français (L2) et de l’arabe (L1). En effet, cet
extrait est intéressant dans la mesure où il met en évidence l’exploitation de la L1 (l’arabe
dialectal), et de la L2 (le français), dans l’apprentissage de la L3 (l’anglais) étant donné
que l’enseignant déclare pratiquer un trilinguisme anglais / français / arabe (académique et
familier), afin de se faire comprendre par ses apprenants. La stratégie déployée par Ens8
s’appuie, donc, sur toutes les langues du répertoire commun pour surmonter les obstacles
d’intercompréhension et permettre la poursuite de l’interaction. Gajo (2000 : 190)
considère que toute appropriation ultérieure d’une nouvelle compétence
communicationnelle sera facilitée par les procédures bilingues déjà mises en place dans
des expériences précédentes. De ce fait, l’enseignant de L3 utilise son atout bilingue
comme passerelle au sens de Py (1991 :130) facilitant l’accès à la L3, ou encore comme un
pont vers l’autre langue pour résoudre un problème d’intercompréhension en classe dans
une situation de communication problématique (Moore, 1995 : 95). Voici un extrait d’une
enseignante d’anglais à l’université, qui parle également de ce rôle de passerelle. Elle nous
fait part de son expérience en classe.
Extrait n°10
93. Ens10 : entre enseignant étudiant / on utilise beaucoup d’anglais un peu de français /
un p’tit peu de darja / c’est permis juste pour passer le message on utilise le code-
switching arabe français anglais /
Dans le tour de parole 93, l’enseignante déclare qu’elle recourt à la darja, quoique
rarement.
Un peu plus loin, elle ajoute qu’elle recourt également au français et que ce recours
est permis, afin de se faire comprendre par ses apprenants. Dans ce tour de parole, nous
relevons une valeur justificative et explicative, puisque Ens10 explicite la raison pour
laquelle elle recourt à la darja : c’est « juste pour passer le message ». Cette pratique
s’inscrit dans ce que Cicurel définit comme « les pratiques langagières didactiques (verbales,
non verbales, mimogestuelles) et les pratiques interactionnelles qu’un expert met en oeuvre
afin qu’un public moins savant puisse s’approprier des savoirs et des savoir-faire » (2002 :
156).
Cependant, tous les informateurs ne convergent pas sur la légitimité de l’emploi de
la darja en classe. Un responsable éducatif (Res) déclare :
Extrait n°11
24. E : l’arabe dialectal est-il utilisé en classe ou non ?
25. Res : bon non non / c’est pas autorisé c’est pas autorisé hein
Cette déclaration peut être vraisemblablement mise sur le compte que Res,
imprégné par le rôle institutionnel qui lui confère la responsabilité de garantir de la norme,
doit manifester qu’il la respecte et la fait respecter. Sa déclaration peut paraitre en
décalage par rapport aux pratiques déclarées par nos informateurs. On en conclura que,
bien que l’arabe dialectal soit une langue usuelle dans les pratiques langagières déclarées
par les professeurs et les apprenants, des restrictions quant à son usage s’imposent au
niveau des autorités éducatives, mais aussi de certains professeurs. « c’est anti
pédagogique de s’exprimer en arabe » (1.Ens7), déclare une enseignante d’anglais au lycée.

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

Ainsi un enseignant d’électronique au lycée témoigne :


Extrait n°12
7. Ens6 : …l’inspecteur quand il vient / il faut parler en arabe // voilà / uniquement en
arabe // c’est interdit de parler en français ou darja

3.3. Contexte
Le contexte n’est pas seulement les caractéristiques prédéterminées d’une situation
mais, comme l’ethnométhodologie l’a bien montré, le contexte d’un échange se construit et
se négocie dans l’enchainement des tours de parole. Il y a une influence des participants
sur le contexte : le contexte est évolutif, il n’est pas donné une fois pour toutes. A partir des
années 70, Gumperz développe une approche connue sous le nom de « sociolinguistique
interprétative », où il s’intéresse à la façon dont les interlocuteurs interprètent les messages
afin d’agir efficacement en situation d’interaction. Il s’attache à observer les processus de
compréhension actualisés par les participants au cours de l’interaction. Son approche
s’appuie sur deux notions principales : l’inférence et la contextualisation. Selon Dejean
(2004 : 90), Gumperz explique que la situation de communication est liée à la notion «
d’inférence conversationnelle ». S’inspirant de la théorie de Grice (1979), il développe
cette notion et la définit comme un « processus d’interprétation situé, c'est-à-dire propre à
un contexte, par lequel les participants déterminent les intentions d’autrui dans un
échange et fondent leur propre réponse » (Gumperz, 1989 a:76). Ces indices peuvent se
situer au niveau de la prosodie (intonation, accent, accentuation, changement de ton, de
rythme, etc.), des choix énonciatifs (alternance codique, choix morphologiques,
syntaxiques). Ils fonctionnent comme des « filtres » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 180).
Pouvoir inférer revient donc à pouvoir interpréter les intentions communicatives d’autrui,
c'est-à-dire savoir saisir les informations pertinentes des paramètres qui constituent le
contexte de l’échange pour pouvoir, à son tour, adopter son comportement langagier, et
notamment son choix de langue. Kerbrat-Orecchioni (1990 : 76) précise que le contexte,
qu’elle appelle également situation de communication, comprend trois éléments : le site, le
but et les participants. Le site se présente en termes de cadre spatial « sous ses aspects
purement physiques » et sous l’angle de sa fonction sociale et institutionnelle, et d’autre
part en termes de cadre temporel du déroulement de l’interaction. Le but de l’interaction se
focalise entre le site et les participants. Ducrot et Schaeffer, quant à eux, préfèrent parler
de « situation de discours », mais il s’agit bien de la même notion :

On appelle situation de discours l’ensemble des circonstances au milieu desquelles a


lieu une énonciation (écrite ou orale). Il faut entendre par là à la fois l’entourage
physique et social où elle prend place, l’image qu’en ont les interlocuteurs, l’identité
de ceux-ci, l’idée que chacun se fait de l’autre (y compris la représentation que
chacun possède de ce que l’autre pense de lui), les évènements qui ont précédé
l’énonciation (notamment les relations qui ont eues auparavant les interlocuteurs, et
les échanges de parole où s’insère l’énonciation en question).
Ducrot & Schaeffer (1995 : 764)

Dans cette définition nous repérons deux types distincts de circonstances ; il y a


d’une part les circonstances extralinguistiques de l’interaction et les circonstances
linguistiques proprement dites de l’autre. Pour notre part, nous considérons la notion de
contexte dans un sens qui englobe tous les éléments (linguistiques et non linguistiques) qui,

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dans le cours de l’interaction, permettent aux interactants de s’orienter. Pour Fishman


(1975 :176), la situation de communication est la « cooccurrence de deux ou plusieurs
personnes entretenant entre elles une relation particulière, communiquant sur un sujet
particulier, dans un cadre particulier ». Dans le cadre de la classe et face à un professeur
de français ou d’arabe considéré comme détenteur d’un statut hiérarchiquement supérieur,
les apprenants enquêtés déclarent s’exprimer en français ou en arabe littéraire en fonction
de la matière enseignée. Le choix de langue apparait comme entièrement déterminé par la
position statuaire du partenaire ainsi que par la situation de communication scolaire,
comme le montre cet extrait :

Extrait n°13
1.App16 : en classe je pose à mon professeur de français mes questions en français
uniquement

En revanche, dans les échanges conversationnels entre camarades, la plupart de


nos informateurs ont tendance à utiliser le mélange, le français et l’arabe que ce soit en
classe ou en dehors de la classe. Ce choix de langue pourrait s interpréter par le statut et le
positionnement égalitaires des participants puisqu’il s’agit d’interactions symétriques qui
se caractérisent par la minimisation de la différence entre les participants à l’échange.
En guise d’illustration, considérons les extraits suivants :

Extrait n°14
20. E : vous exprimez en quelle langue avec vos camarades de classe ?
21. App1 : entre camarades on s’exprime en arabe darja bien sûr
Extrait n°15
2. E : quand vous parlez à vos camarades vous utilisez quelle langue ?
3. App6 : français / mélange / français et l’arabe
Les déclarations explicites de nos informateurs quant à leur pratique langagière
révèlent, d’une part, leurs conduites bilingues et, d’autre part, le rapport qu’ils
entretiennent avec les différents codes linguistiques. L’exploitation des différentes
ressources linguistiques disponibles dans leur répertoire peut s’interpréter comme une
stratégie permettant d’éviter une éventuelle rupture de l’interaction. Par ailleurs, lorsqu’on
s’adresse à une personne inconnue, on opte pour telle ou telle langue. Certains critères tels
que le physique, l’habillement et l’accent peuvent fournir des indices permettant de
percevoir l’interlocuteur avec une quasi-certitude comme arabophone ou francophone,
comme c’est le cas pour l’exemple suivant.
Extrait n°16
1. App12 : can I speak english ? / ma na refš nehder be lfrançais (je ne sais pas m’exprimer
en français) //I am a student in second year
2. E : ce n’est pas grave je peux traduire (rire)/ ahadri belarbia (vous pouvez parler en
arabe)/ utilisez-vous la darja ?
3. App12 : with my friend yes darja même fedar (chez moi) mais m a lprof nεsta amlu
l’académique (mais avec le prof on utilise la langue académique)
Bien que l’entretien ait été engagé en français par l’enquêtrice (la formule
introductrice n’est malheureusement pas audible), App12 initie son discours en anglais
puis enchaine en arabe dialectal. Le choix de l’anglais peut être interprété comme une
marque de place haute permettant à App12 de se positionner par rapport à son

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

interlocutrice. Ensuite, l’alternance codique de l’anglais à l’arabe peut être expliquée par
le fait que App12 perçoit son interlocutrice avec certitude comme arabophone d’après son
apparence typique. Nous pourrions donc déduire que le choix de langue est établi en
fonction de l’image qu’on veut donner de soi, et des représentations que l’on se fait de son
partenaire. Outre la représentation de l’autre, le but de l’interaction peut être également
déterminant dans le choix de langue. En effet, pour maintenir l’interaction afin qu’elle soit
réussie d’une part et pour préserver la face5 de son interlocutrice d’autre part, E propose à
cette dernière de continuer en arabe dialectal (T2), contrat de communication instauré
après une minute et 38 secondes du début de l’entretien6. Il s’agit en l’occurrence, d’une
proposition négociée au sens de Kerbrat-Orecchioni (1992), étant donné que les deux
participants manifestent un certain désir (réel ou feint) de restaurer l’accord. Le fait que
App12 se trouve contrainte de déclencher une séquence sur le choix de langue pourrait
être la conséquence d’une insécurité linguistique situationnelle.
Par ailleurs, le fait que le choix initial de langue ne porte pas sur l’arabe (darja ou
arabe standard), seule langue commune des interlocutrices, et que App12 mentionne
l’usage de la darja uniquement avec ses amis (tour 3), ou chez elle est un indice de la
situation diglossique dans laquelle la darja représente la variété basse, variété sans
prestige, ou simplement inadaptée à un échange qui s’inscrit dans un contexte formel où
les deux participantes semblent chercher à tenir un discours plus normatif. Ainsi, le choix
de langue ne dépend pas uniquement du répertoire, du domaine de discussion et du
contexte mais aussi d‘autres paramètres tels que le statut des interlocuteurs et leur relation
ainsi que le statut des langues utilisées.

3.4. Relation interpersonnelle entre les interactants


« Une communication ne se borne pas à transmettre une information, mais induit en
même temps un comportement » (Watzlawick et al, 1972 : 49).
La théorie de l’école de Palo Alto 1 repose principalement sur le fait que tout
comportement humain a une valeur communicative et que l’essence de la communication
réside dans un ensemble de processus relationnel et interactionnel. En effet, selon les
tenants de cette école, en communiquant, les interlocuteurs ne se transmettent pas
uniquement des messages, mais ils établissent, confirment ou reconfigurent par la même
occasion la relation qui les lie. Cette relation détermine en partie le choix de langue
pendant l’échange verbal. Un choix qui se fait entre autres en fonction de la proximité ou
de distance qui existe entre les interlocuteurs.

1
L’école de Palo Alto aux USA est un courant de recherche et de pensée en psychologie, développé à partir de1950 par
l’Autrichien Waltzlawik. Les chercheurs de ce courant contribuent à enrichir la conception de la communication humaine
dans sa dimension sociale. Leurs recherches ont porté généralement sur la théorie de la communication, la méthodologie
du changement et la pratique thérapeutique. Pour ces chercheurs, tout comportement humain a une valeur de message.
Ils considèrent de ce fait que les termes communication et comportement comme étant pratiquement des synonymes. 8
Christina Romain (2006 : 93) décrit la gestion interpersonnelle entre enseignants/élèves, et met en relation le mode de
cette gestion avec le degré de positionnement. Selon cette auteure la position haute requiert un registre discursif
institutionnel-dissymétrique, et la position mi-haute sollicite un registre discursif coopératif négociationnel.

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L’extrait suivant nous semble pertinent pour l’analyse de cet aspect relationnel.
Extrait n°17
1. App17 : je parle avec le prof d’arabe en arabe
4. E : vous parlez en darja avec le prof d’arabe ?
5. App17 : parfois
6. E : avec les profs de français vous parlez en darja ?
7. App17 : jamais/ euh je parle en arabe littéraire quand je ne trouve pas le mot qu’il faut.
Le discours de App17 montre deux positionnements différents de ses enseignants :
un positionnement de type haut pour l’enseignant de français permettant de maintenir une
distance entre ce dernier et ses apprenants et une position mi-haute pour l’enseignant
d’arabe par rapport à ses apprenants. Enfin, un locuteur peut être amené à changer de code,
afin d’induire ou d’exclure une personne présente au moment de conversation Selon
Hamers et Blanc « la situation de communication va faire varier les types d’alternance de
codes. Un changement d’interlocuteur peut entrainer un changement de langue, un
changement de codes peut être utilisé soit pour inclure ou exclure une troisième personne
présente dans l’interaction » (1983 : 200). L’extrait ci-après en est un bon exemple.
Contexte : au cours de l’entretien avec l’enseignant d’anglais (Ens8), une autre enseignante
(Y) interrompt l’échange. Cette dernière s adresse, de loin, à Ens8 dans une séquence
inaudible, en lui souhaitant un bon appétit en arabe dialectal.
Extrait n°18
9. Ens8 : on utilise les deux que ce soit l’arabe académique ou familier / pour faire
comprendre à l’élève certaine notion / soit // XXX /Allah ysalmek (qu’Allah t’accorde la
paix) // on utilise soit l’arabe académique ou familier
Dans ce fragment, on voit clairement que Ens8 change de code au moment où il s’adresse à
(Y)qui s’est adressé à lui en utilisant l’arabe dialectal. Dans ce cas de figure, nous sommes
en présence d’une intervention de type initiatif (de la part de Y) qui appelle une réaction («
en principe toute intervention illocutoire initiative appelle obligatoirement une intervention
illocutoire réactive » (Roulet, 1985 :25). L’initiative et la réaction sont réalisées dans la
même langue.
Avec son comportement communicatif, Ens8 montre qu’il est capable de s’exprimer
aussi bien en français qu’en arabe dialectal. Il s’agit d’une pratique bilingue dont le
comportement langagier se traduit par le passage d’une langue à une autre sans que ce
choix soit marqué (Lüdi & Py, 2003 :106).

3.5. La face comme facteur définitoire du choix de langue.


Comme le rappelle Vasseur dans son article intitulé « De l’usage de l’inégalité dans
l’interaction-acquisition en LE », de nombreux travaux sur les échanges en langue
maternelle montrent que « l’interaction ordinaire se caractérise, […], par l’inégalité des
positions, par l’instabilité et par la complexité » (Vasseur, 2000 :52). A l’instar de ces
différents auteurs, nous considérons donc que toute rencontre, qu’elle soit exolingue ou non,
entre pairs ou non, se caractérise par un certain degré d’asymétrie. En effet, au cours de
l’interaction entre E et App12 (extrait n°16) la relation interpersonnelle fait apparaitre une
certaine asymétrie ; elle est linguistique étant donné que les compétences des deux
interactants sont inégales puisque E est perçu par App12 comme maitrisant le français
(langue imposée dès le départ par E) mais pas l’anglais, alors que App12 est perçue par E
comme ne parlant pas le français. Dans le tour de parole initial (extrait n16), App12
demande, en anglais, s’il y a possibilité de parler en anglais, puis passe à l’arabe dialectal

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

pour expliquer ce choix « ma narefš nehder be lfrançais (je ne sais pas m’exprimer en
français) ». Cette précision est une justification constituant un acte réparateur : ne pouvant
(ou ne désirant) pas poursuivre l’échange dans la langue choisie par l’enquêtrice, il s’agit
de négocier la langue de l’échange. La relation interpersonnelle entre les deux interactants
se joue sur un axe vertical puisque E en tant qu’enquêtrice se trouve en position supérieure
par rapport à App12. Cette dernière cherchant à garder la face, opte pour l’anglais, qui est
également une langue de prestige. La finalité de App12 pourrait être de prendre « le
dessus » dans la relation interpersonnelle qui s’établit entre E et App12. Au cours de cet
échange se manifeste une certaine négociation quant aux places respectives des
interlocuteurs. Flahault (1978) introduit la notion de place, qui renvoie aux termes de «
pouvoir », « rang », « autorité », « dominance » ou « domination »vs « soumission ».

Kerbrat-Orecchioni (1992) reprend cette notion en parlant de « système de places ». Elle


explique que : « … au cours du déroulement de l’interaction, les différents partenaires
peuvent se trouver placés en un lieu différent sur cet axe vertical invisible qui structure leur
relation interpersonnelle. On dit alors que l’un d’entre eux se trouve occuper une position «
haute » de « dominant », cependant que l’autre est mis en position « basse » de « dominé »
(Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 71). Nous pouvons schématiser cette notion comme suit :

Illustration n°3- Dynamique des places (positions) des deux partenaires au cours du
déroulement de l’interaction

L’emploi du français par E constituerait un acte menaçant pour la face de App12.


Le recourt à l’anglais de cette dernière apparaît comme une stratégie à double finalité,
d’une part, un moyen d’éviter de perdre la face en manifestant une incompréhension, et
d’autre part, une mise en valeur de soi par l’emploi de l’anglais, langue peut-être encore
plus prestigieuse que le français. La face de App12 est, donc, à la fois protégée et valorisée.
Dans le second tour de parole, c’est E à son tour qui cherche à ménager sa propre face tout
en préservant celle de App12. E n’est pas en mesure de s’entretenir avec son interlocutrice
en anglais. Au début du second tour, E réagit à la proposition de App12 positivement en se
montrant collaborative puisqu’elle fait une proposition d’aide (faire la traduction), suivi
d’un rire dont on ne saurait dire s’il s’agit d’un rire réparateur (face à l’attitude de App12
qui veut marquer sa différence) ou plutôt d’une modalité de rejet plus ou moins implicite
de la proposition faite par App12, puisque dans l’énoncé suivant E semble manifester sa
volonté de maintenir l’échange en français. Cette procédure met en place d’une dynamique
d’entraide entre les deux interlocutrices qui se révèle efficace dans la mesure où E
parvient à maintenir l’échange en français, puisque E témoigne une d’une volonté de

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collaborer avec son interlocutrice en proposant de continuer en darja lorsqu’elle dit «


ahadri belarbia (parle en arabe) (Extrait n°16)», afin que la complétude interactionnelle11
soit satisfaite par un double accord entre les deux interlocutrices.

3.6. Relation interactionnelle entre pairs


Selon les observations de Porter (1986 : 220), les apprenants sont aussi actifs pour
réparer leurs erreurs et surveiller leurs productions quand ils entretiennent des relations
symétriques avec des pairs que quand ils sont avec un enseignant ou un autre natif. En
position d’auditeurs, ils n’hésitent pas à souligner les problèmes posés par les énoncés de
leurs interlocuteurs et à leur proposer des mots ou des expressions pour les aider. Kramsch
(1984 : 63) quant à elle, considère que : « le discours entre apprenants semble
particulièrement propice au développement de la compétence discursive et stratégique. Il
offre en effet plus d’occasions de négociation de sens et d’auto-réparations que le discours
entre enseignant et apprenant ». L’extrait suivant tiré d’un entretien auprès d’une
enseignante d’anglais à l’université illustre davantage ce point de vue, en témoignant de sa
propre expérience à l’époque où elle était étudiante.

Extrait n°19
36. E : Est-ce que la communication en anglais se maintient qu’en classe ?
37. Ens10 : bon avec les étudiants d’anglais c’est difficile/ mais c’est faisable / c était mon
cas quand j’étais étudiante / on a fait ça dans l’institut / avec des amis même hors de classe
/ bon je me souviens / on a fait des cours volontaires privés de conversation chez le privé
juste pour parler / on a payé quelqu’un / on était dans une école privée / juste pour parler /
on a fait des pique-niques juste pour vive / euh vive dans le monde anglais / c’était utile /
c’était un plaisir

Nous remarquons que l’emploi de l’indice énonciatif inclusif « on » à valeur de «


nous » caractérise la mise en place d’un énonciateur collectif. Il s’agit d’une
conduite conversationnelle collective entre pairs (camarade, amis). L’échange
communicatif entre pairs en langue cible est une activité liée au plaisir de la
conversation dans une autre langue que l’on apprécie. Cette façon de faire
(communication interalloglotte) est potentiellement riche en termes d’apprentissage,
au plan linguistique comme au plan interactionnel. Plus loin, dans le même tour de
parole, Ens10 évoque un autre milieu que le milieu institutionnel : une rencontre
avec des natifs anglophones qui lui permet de s’offrir une autre occasion lui
permettant d’explorer son répertoire langagier et d’activer ses connaissances
d’alloglotte. Contrairement au premier cas où l’échange en langue cible se fait entre
alloglottes (Ens10 et ses pairs), l’échange interactif prend cette fois-ci une autre
dimension puisqu’il se déroule entre alloglotte et Anglais natif reconnu comme
expert en langue cible. Un contrat didactique se met manifestement en place ;
puisque Ens10 adopte par son statut d’alloglotte le rôle d’apprenant qui accepte
une relation didactique dans un milieu institutionnel (école privée), cf. l’extrait
suivant « …on a fait des cours volontaires privés de conversation chez le privé juste
pour parler on a payé quelqu’un / on était dans une école privée / juste pour
parler…» (37.Ens10). Cette démarche est significative du rôle attribué par Ens10 à
l’interaction (la conversation) dans l’acquisition. Sans assimiler langue et
interaction, nous pouvons souligner que cette représentation rejoint en quelque

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

sorte l’idée de Bakhtine qui affirme que l’essence même de la langue est
l’interaction. Selon lui, l’interaction verbale constitue la réalité fondamentale de la
langue comme l’illustrent ses propos dans la citation suivante : « La véritable
substance de la langue n’est pas constituée par un système abstrait de formes
linguistiques, ni par l’énonciation-monologue isolé-, ni par l’acte psycho-
physiologique de la production, mais par le phénomène social de l’interaction
verbale, réalisée à travers l’énonciation. L’interaction verbale constitue ainsi la
réalité fondamentale de la langue. »
Bakhtine (1977 : 136)

Bien qu’Ens10 remplisse le rôle de non expert face au natif, cela ne signifie pas
pour autant que tous deux intègrent une démarche d’enseignement / apprentissage. Dans
ce cas de figure, l’enjeu n’est pas de mener un travail sur le code linguistique, mais c’est
plutôt d’en faire usage. Py rappelle également cette vérité fondamentale : « l’alloglotte n’est
pas nécessairement un apprenant » (1990 : 87). Il importe donc de ne pas confondre les
buts d’apprentissage et les buts communicatifs (Bange, 1992). Ces quelques points qui
viennent d’être évoqués semblent témoigner du fait qu’une interaction co-élaborative
interalloglotte ou entre alloglotte et natif telle que celle qui a été évoquée par Ens10, peut
être utile dans le sens où elle parait constitutive d’une compétence interactionnelle. Elle
parait également constitutive d’une compétence plurilingue d’un sujet qui peut se retrouver
en position d’alloglotte, dans ses rencontres avec le natif (anglais), et en position de natif
avec ses apprenants, en classe de langue (par l’emploi qu’elle exerce en tant
qu’enseignante d’anglais). Il est, donc, permis de penser que l’expérience énoncée par
Ens10 améliore non seulement la qualité des conversations exolingues dans lesquelles on
joue le rôle du non natif, mais aussi leurs interactions, en tant que natif, avec des
alloglottes (apprenants). Notons également que Bruner (1999) voit les interactions entre
pairs en contexte de classe comme quelque chose de bénéfique, considérant que l’école
doit être envisagée comme « un endroit où, entre autre chose, les apprenants s’aident les uns
les autres à apprendre, chacun selon ses aptitudes ». Ens7, enseignante d’anglais au lycée,
apprécie et favorise l’aide mutuelle que s’apportent les apprenants : « …entre les élèves/
ils s’expriment en arabe dialectal // et c’est encourageant qu’ils s’expriment en anglais »
(1.Ens7). Elle affirme plus loin que « les élèves parlent entre eux en classe en anglais »
(3.Ens7). Contrairement à une conversation exolingue entre natif et alloglotte où seul ce
dernier est susceptible de tirer avantage des problèmes linguistiques, on peut formuler
l’hypothèse que dans une interaction exolingue entre alloglottes en contexte didactique,
certaines activités de résolution de problèmes linguistiques peuvent être potentiellement
acquisitionnelles pour les deux interlocuteurs. Dans une telle situation (interactions
exolingues entre pairs), l’alloglotte est amené à prendre part à la conversation comme un
locuteur autonome et à développer sa compétence interactionnelle. Ce point de vue
exprimé par Ens10, et qui rejoint ce que l’on peut lire dans la littérature scientifique du
domaine acquisition et interaction, n’est pas forcément partagé par tous nos informateurs.
Dans les deux extraits suivants, la présence des pairs est considérée comme un obstacle
pour pratiquer la langue cible.

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Farida SAHLI

Extrait n°20
10. E : quand’ vous posez des questions au prof de français /vous les posez en quelle
langue ?
11. App4 : en français / euh ila ma raftš neskut (si je ne sais pas je me tais) (rire) parce
que ye!ahku lya shabati (mes copines se moquent de moi) (rire)

Extrait n°21
1. App11 : entre étudiants on parle en arabe/ en arabe darja / parce que je n’sais pas/ ils
sont crispés / il(s) peut (vent) pas parler en français/ je n’sais pas pourquoi et //

Contrairement aux points de vue de Porter (1986), de Kramsch (1984) et de Ens10


qui convergent sur l’effet positif de pratiquer la langue cible entre pairs en milieu scolaire,
il apparait qu’on peut chercher à éviter cette conduite dans la mesure où la présence des
camarades pourrait représenter une menace pour l’interactant (l’alloglotte). En cas de
lacune, ce dernier, afin de ménager sa face, refuse de s’exprimer en langue cible, par souci
d’être hétéro-évalué négativement. Ainsi l’observation et l’interprétation des deux derniers
fragments montrent que le choix de langue se fait entre autres, en fonction de
l’interlocuteur, de son degré de collaboration. Cette dernière nous semble exercer un effet
positif ou négatif sur la conduite interactionnelle qui s’établit entre camarades de classe.
Par ailleurs c’est selon le type de conduite des pairs que le locuteur va pouvoir faire usage
de la langue cible. Une conduite d’entraide favorise la pratique de la langue cible,
contrairement à certaines conduites non collaboratives comme les moqueries qui peuvent
la limiter ou carrément la freiner. Comme nous le constatons, les apprenants semblent
marquer une distance par rapport à l’usage du français entre eux. Cette attitude peut être
interprétée comme une stratégie d’évitement de la part de ces derniers qui ne veulent pas
prendre de risque en matière de conversation par crainte de perdre la face suite aux
évaluations négatives potentielles de leurs interlocuteurs. Des auto-évaluations négatives
peuvent également être la cause de cette prise de distance. Il apparaît donc que le choix de
langue est relié entre autres aux degrés de collaboration mise en oeuvre par les interactants.

Conclusion
Ce travail consacré aux pratiques langagières des acteurs scolaires algériens,
particulièrement à leur choix linguistique, a permis de rendre compte d’un certain nombre
de facteurs susceptibles d’influencer le choix linguistique, des facteurs d’ordre personnel
mais également environnemental que nous résumons ainsi : toute interaction verbale
implique à la fois les répertoires verbaux des interactants et la relation qu’entretiennent
ces derniers, un contexte et un enjeu. Le choix de langue de nos témoins est conditionné,
entre autres, par ces quatre paramètres pragmatiques. Ta gestion bi ou plurilingue des
acteurs scolaires est permise par les ressources bi/plurilingue du répertoire verbal respectif
des acteurs. Leur choix de langue est déterminé par le type de relation interpersonnelle
que les participants à l’échange veulent établir. L’usage d’une langue normée confère de la
distance à cette relation, contrairement à l’usage dialectal qui témoigne et rend
mutuellement manifeste pour les acteurs une certaine proximité entre eux. Le choix de
langue se fait également en fonction de la situation de communication et du degré de
symétrie linguistique que fait apparaitre la relation interpersonnelle. Nous avons vu que le
témoin adapte son choix linguistique à celui de son interlocuteur. L’asymétrie qui existe
entre les apprenants et l’enseignant constitue une contrainte obligeant ce dernier à faire

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Facteurs déterminant le choix de la langue en contexte algérien

usage de la darja, comme c’est le cas pour Ens1 et Ens2 qui sont censées enseigner en
arabe et en français pour Ens1, et en arabe pour Ens2. En l’occurrence, il ne s’agit pas de
choix de langue à proprement parler mais plutôt d’une contrainte due à l’asymétrie
linguistique. Outre le choix linguistique qu’implique la relation interpersonnelle, l’usage
dialectal est envisagé, dans la plupart des cas (Ens1, Ens2, Ens12), en termes d’efficacité
communicative avec les apprenants. C’est l’intercompréhension entre les différents
protagonistes scolaires qui est en jeu. Afin d’assurer l’intercompréhension, les enseignants
font un usage alterné des langues en s’appuyant sur les ressources du répertoire commun.
Nous pourrions dire que les acteurs scolaires déploient une stratégie d’accommodation
permettant la poursuite de l’interaction verbale. La conduite bilingue peut également être
interprétée comme une stratégie pour éviter une éventuelle rupture de l’interaction. Nous
avons vu également comment l’atout bilingue facilite l’accès à la L3. L’alternance est
conçue comme une stratégie communicationnelle permettant l’appropriation de nouveaux
savoirs linguistiques mais aussi scientifiques ou encyclopédiques. Le choix de langue est
déterminé par la situation de communication scolaire (lieu), par l’enjeu communicatif (but)
ainsi que par la position statuaire de chacun des acteurs scolaires (participants). L’usage
dialectal ou alterné des langues caractérise les interactions symétriques où il y a lieu de se
positionner de manière égalitaire entre les participants. Le choix de langue révèle la
relation qu’entretiennent les participants entre eux mais également le rapport qu’ils
entretiennent avec les langues utilisées. Le choix de langue permet de se positionner par
rapport à son interlocuteur (App12). Ce choix se fait d’une part, en fonction de l’image que
l’on veut donner de soi, et d’autre part, en fonction de la représentation que l’on a de son
partenaire. Outre le statut du locuteur, le statut des langues utilisées détermine le choix
linguistique des locuteurs. Opter pour une langue de prestige (l’anglais dans le cas App12)
permet à la fois, de protéger sa face et d’occuper une position haute sur l’axe vertical qui
structure la relation interpersonnelle. La pratique d’une langue étrangère entre pairs en
milieu scolaire a des effets positifs comme le soulignent Kramsch (1984) et Porter (1986).
La présence des pairs peut toutefois constituer un obstacle et une menace pour l’apprenant,
dans la mesure où il met sa face en danger.

Références bibliographiques
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Étude pragmatique et didactique d’une activité de rédaction collective en Français
Langue Étrangère. Thèse de doctorat, université de Stendhal- Grenoble III,
Grenoble

20 Mars 2024 ⎜003-022


Farida SAHLI

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Akofena ⎜Varian°11, Vol.5 ⎜CC BY 4.0 21


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22 Mars 2024 ⎜003-022

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