Corrigé Violence À L'école 2020

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Sujet

Des faits de violence proférés par des


élèves au sein même des établissements
scolaires sont régulièrement relayés par les
médias.
En quoi et comment l’EPS peut-elle
contribuer à la lutte contre les formes de
violence à l’école ?

Raphaël LECA
www.culturestaps.com
« On dit que le fleuve est violent mais on
ne parle jamais de la violence des rives
qui l’enserrent et rétrécissent son lit ».
Bertolt Brecht, Colloque de Vénissieux sur la
Violence à l’école, 1998).
Analyse des termes
et « brain storming »

En quoi  la question « en quoi ? » appelle


une réponse du type « en cela ». Ce pronom
interrogatif implique donc ici une réponse
précisant ce qu’il faut enseigner pour diminuer
la violence à l’école  qu’est-ce que les élèves
doivent apprendre  question des contenus.
• comment  la question « comment ? »
appelle une réponse du type « comme cela ».
Cet adverbe interrogatif questionne sur la
manière ou le moyen. Il implique donc ici une
réponse précisant la nature des interventions de
l’enseignant permettant de diminuer la violence
à l’école (sous-entendu : comment faut-il
enseigner ce qui constitue la réponse au « en
quoi » ?)
• la violence  Ensemble des actes
caractérisés par des abus de la force
physique, ou par des relations d'une
extrême agressivité menaçant directement
l’intégrité physique ou psychologique des
personnes.
• à l’école  Les faits de violence se
manifestent sous la forme de dégradations
matérielles, d’incivilités, d’insultes, de
menaces, de rackets, de cyberviolence,
voire d’agressions physiques. Ils sont
dirigés vers les enseignants, les
personnels de la communauté éducative,
les autres élèves, ou les biens matériels de
l’établissement scolaire.
• à l’école  Lorsque cette volonté de
nuire se répète contre le même élève sur une
longue période, cette violence prend la forme
du harcèlement, dont les conséquences en
milieu scolaire sont graves et multiples. Selon
le rapport de l'Unicef et de l'Observatoire
international de la violence à l'Ecole (2011),
un élève sur dix en France est victime de
harcèlement à l'école.
• et lien explicite et clair avec la
commande du sujet  Lutter contre la
violence à l’école consiste à diminuer
l’occurrence des comportements violents
qui se manifestent à l’intérieur des
établissements scolaires. En espérant
que cette « pacification » s’étende à
l’ensemble du milieu de vie des élèves.
Accroche 1…
" La fonction essentielle du sport est la
décharge cathartique des pulsions agressives. " Cette
citation de Konrad Lorenz (L'agression, une histoire
naturelle du mal. Paris, Flammarion, 1969) illustre
l’idée que le sens commun se fait du rôle de l’activité
sportive à l’égard de la violence. Dans les
représentations populaires en effet, le sport
disposerait d’un pouvoir salvateur, celui de canaliser
dans des voies socialement acceptables les pulsions
agressives, ce qui profiterait en retour à l’ensemble de
la vie sociale.
… et contextualisation
Enseignant une discipline parfois présentée comme
une occasion de défoulement cathartique des pulsions
agressives, l’enseignant d’EPS est souvent appelé à l’aide
pour contribuer à la lutte contre la violence au sein de
l’institution scolaire, en espérant que cette diminution profite à
la société toute entière. Néanmoins, nous considérons que le
rôle de l’EPS est beaucoup complexe qu’un simple « exutoire
émotionnel », et nous pensons que certaines conditions sont
à réunir pour réellement participer à la lutte contre la violence
scolaire : ces conditions concernent la nature des
transformations attendues (ce que l’on apprend), ainsi que les
procédures d’enseignement (la façon dont on l’enseigne).
Accroche 2…
Récemment, une campagne contre le
harcèlement à l’école a été mené par le ministère de
l’Education Nationale, avec notamment les
témoignages de Chimen Badi et Christophe Lemaître.
L’enquête SIVIS mené en 2018-2019 (système
d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) a
recensé 12,2 incidents graves pour 1000 élèves (dont
80% d’atteintes aux personnes), mais ce chiffre est
beaucoup plus important dans les 10%
d’établissements où les élèves cumulent les difficultés
sociales.
… et contextualisation
Rien d’étonnant alors que l’enseignant d’éducation
physique et sportive soit souvent appelé à l’aide pour
contribuer à la lutte contre la violence au sein de
l’institution scolaire, en espérant que cette diminution
profite, de proche en proche, à la société toute entière.
Néanmoins, si nous ne réfutons pas la légitimité de ce
rôle, nous considérons que des conditions doivent être
réunies pour effectivement y participer : ces conditions
concernent la nature des transformations attendues (ce
que l’on apprend), ainsi que les procédures
d’enseignement (la façon dont on l’enseigne).
Questionnement

Les APSA sont-elles réellement


porteuses d’un pouvoir cathartique, et si
oui, à quelles conditions ?
Questionnement
Quelles sont les causes des
comportements agressifs ? Dans quelle
mesure l’enseignant d’EPS peut-il
intervenir sur ces causes ?
Questionnement

Que cherche à exprimer un élève


qui passe à l’acte de la violence ? Est-il
possible, pour l’enseignant d’EPS,
d’accéder à ce message symbolique ?
Questionnement

La violence des élèves n’est-elle


pas une forme de réponse à une autre
forme de violence plus insidieuse et
cachée : celle de l’école (P.Merle, L’élève
humilié, L’école, un espace de non-droit ?,
PUF, Paris, 2012) ?
Questionnement

La citoyenneté peut-elle se
construire activement en éducation
physique, et le cas échéant comment la
« faire apprendre » ?
Questionnement

Comment avec l’ensemble de la


communauté éducative agir sur le climat
scolaire afin de prévenir durablement les
faits de violence en contexte scolaire et
in fine améliorer la qualité de vie à
l’Ecole ?
La problématique

1 - Basique (dans le sujet mais qui ne fait que


le paraphraser  bas du bandeau 2) :
Nous montrerons que l’éducation physique et
sportive contribue, grâce à des interventions
pédagogiques et didactiques judicieusement
choisies et mises en œuvre, à la lutte contre la
violence à l’école.
La problématique

2 – Un peu plus élaborée (bas du bandeau 3) :


Nous montrerons qu’en s’inspirant des
origines possibles de la violence scolaire,
l’enseignant d’EPS choisit et met en œuvre ses
interventions pour contribuer à la lutte contre les
manifestations de cette violence.
Reformulation : Autrement dit, nous montrerons
qu’il est vain espérer lutter contre la violence sans
chercher à en supprimer ou en atténuer les
causes.
La problématique
3 – Bas du bandeau 4 :
En considérant la violence à l’école comme relativement
hermétique aux leçons de morale et aux injections verbales, et en
partant du postulat que « toute agression est instrumentale »
(P.Karli, 1988), la lutte contre la violence au sein des
établissements scolaires suppose une identification des facteurs
explicatifs des comportements violents, ainsi qu’une
compréhension du contexte dans lequel ils se développent.
Ainsi, au-delà de la canalisation immédiate de l’agressivité dans
des voies socialement acceptables, et en s’appuyant sur la
pratique des APSA, l’enseignant conçoit et met en œuvre ses
procédures d’enseignement en vue d’une éducation à la
citoyenneté et à la maîtrise de soi, seule condition pour obtenir un
résultat à long terme concernant les comportements et les
attitudes des enfants et des adolescents.
La problématique
4 – Haut du bandeau 4 :
Nous accepterons le principe selon lequel « toute agression
est instrumentale » (P.Karli, 1988) pour démontrer que la lutte contre
la violence au sein des établissements d’enseignement suppose une
identification des facteurs explicatifs des comportements violents,
ainsi qu’une compréhension du contexte scolaire et social dans
lequel ils se développent.
Nous expliquerons que la prévention de la violence doit être attaquée
sur plusieurs fronts : celui de la maitrise de ses émotions, celui de
l’affirmation de soi et de la valorisation narcissique, et surtout celui de
la construction active de la citoyenneté. Sans jamais délaisser la
pratique éducative des APSA, nous dresserons les contours d’un
climat scolaire apaisant, qui « ne peut pas dépendre uniquement de
quelques personnes mais qui doit concerner la totalité de la
communauté éducative à commencer par les enseignants »
(A.Canvel, 2017).
Plan 1 = entrée par les causes
des comportements violents

Partie I : La violence comme résultat d’un


apprentissage social
Partie II : La violence comme moyen de
préserver son estime de soi ou son
sentiment d’autodétermination

Partie III : La violence comme difficulté à


maîtriser ses émotions
Plan 1 (variante)

Partie I : La violence comme résultat d’un


apprentissage social
Partie II : La violence comme moyen de
préserver son estime de soi ou son
sentiment d’autodétermination
Partie III : La violence comme difficulté à
percevoir du sens
Plan 2 = entrée par ce qu’il
faut apprendre

Partie I : Réduire la violence en


construisant la citoyenneté
Partie II : Réduire la violence en
changeant la représentation de soi
(image narcissique)
Partie III : Réduire la violence en
maîtrisant ses émotions
Plan 3 = entrée par la nature des
interventions de l’enseignant

Partie I : créer les conditions d’un climat


motivationnel de maîtrise protecteur

Partie II : créer les conditions du sens et


de la réussite

Partie III : créer les conditions d’un climat


scolaire apaisant à l’échelle de
l’établissement
Plan 4 = entrée par les significations
des comportements violents

Partie I : violence = je manifeste mon


besoin d’auto-détermination

Partie II : violence = je manifeste mon


besoin de compétence perçue
(estime de soi)

Partie III : violence = je manifeste mon


angoisse des rapports à autrui
Partie 1 (choix du plan n°1 ou
du plan n°2)
Constat : La violence peut être le résultat d’un
apprentissage répété en dehors de l’école : les
manifestations de violence sont des
manifestations socialement valorisées qui
permettent d’obtenir les résultats escomptés ou
les objectifs souhaités. L’élève reproduit des
comportements violents qui ont été légitimés par
son milieu de vie (social et/ou familial). Il existe
dans certains milieux (et parfois dans le milieu
sportif) une culture de l’affrontement physique
comme mode d’affirmation de la virilité et du
courage.
Arguments scientifiques à l’appui de cette hypothèse
• Selon Smith (1980), la violence existant dans le hockey sur glace est due à un phénomène
d’imitation. Les jeunes joueurs apprennent à être agressifs en regardant la télévision ou dans
les patinoires les matchs de leurs idoles, les professionnels. Pour Smith, tant que les actes
d’agression seront tolérés dans les sports professionnels médiatisés, les enfants continueront
de s’inspirer des comportements agressifs de leurs modèles.
• L’étude de Dunn & Dunn (1999) a montré que les jeunes joueurs de hockey sur glace de haut
niveau très orientés vers l’ego (focalisation sur la comparaison sociale et la victoire) sont plus
enclins à juger les comp. agressifs sur la glace comme faisant partie du jeu. Le respect des
règles et des arbitres diminue à mesure qu’augmente l’orientation vers l’ego du joueur. A
l’inverse, une orientation vers la tâche élevée s’accompagne d’une plus grande sportivité.
• « Le champion est imité aussi bien en terme de gestuelle qu'en terme de comportement, voire
même de caractère. Les débordements d'un Cantona créent un espace de possibilité de tels
comportements à l'école. Le champion le fait, pourquoi pas moi. Cela légitime, aux yeux de
l'élève fautif, la violence qu'il a commise dans le jeu ».
J.-F.Marie, Plaisir imaginaire et imaginaire du plaisir, in Corps et culture [en ligne], 2004).

• « La conduite agressive est d’autant plus répétée qu’elle permet d’obtenir ce que l’on veut,
sans risques de sanction et sans recevoir la réprobation de ses pairs ».
M.Clément, P.Lorca, Violence scolaire et enseignement, in Revue EPS n°267, 1997.

• « L’agressivité est l’état de crise provenant de l’impossibilité d’obtenir satisfaction par


l’action gratifiante sur le milieu ».
H.Laborit, La nouvelle grille, Folio, Paris, 1974.
Partie 1 (choix du plan n°1 ou
du plan n°2)
Ce qu’il faut apprendre : l’enseignement de
l’EPS et plus largement les enseignements au
sein de l’établissement scolaire (climat scolaire)
doivent décrédibiliser les usages de la violence
en plaçant les élèves en situation de construire
de façon active les principes de la citoyenneté.
Il s’agit de faire comprendre à l’élève que la
violence « ça ne marche pas », ce n’est pas « le
plus fort qui a raison » en lui permettant
d’intégrer les valeurs du vivre ensemble pour
être « socialement éduqué ».
Argument 1.1

Le principe de réciprocité : ne surtout pas réagir


à la violence par la violence (sinon on la légitime
et on l’entretient) = importance d’exemplarité de
l’enseignant :
• Ne pas chercher à rabaisser, à humilier (Merle, 2012).
• Très grande sensibilité de certains adolescents à la
justice et au respect.
• Faire preuve d’empathie, écouter l’élève, chercher à
le comprendre, mais sans renoncer à le sanctionner.
• Etablir très clairement les règles à respecter (par
exemple sous la forme d’un contrat).
• Maîtriser son propre engagement émotionnel.
Argument 1.2

Utiliser le traitement didactique des APSA pour


mettre en situation réelle l’exercice des droits de
des devoirs = permettre l’exercice de la citoyenneté
vécue en actes dans les apprentissages de l’EP.
• Notion de réciprocité dans les sports d’opposition
notamment : « Par une activité physique partagée, l’élève
intègre le sens, la fonction, l’intérêt et le respect de règles
communes en particulier dans la pratique d’une activité en équipe »
(Programme de l’EPS pour la voie professionnelle, 2019).
• Déléguer des rôles pour faire construire la règle
« de l’intérieur » : « Par son engagement dans les APSA et
dans différents rôles (adversaire, partenaire, observateur, arbitre,
juge, conseil, aide, etc.), l’élève construit des comportements
sociaux » (Programme de l’EPS pour le lycée d’ens. général et
technologique, 2019).
Argument 1.3

Principe d’implication et de participation sur le


modèle du « self-government » pour faire
l’expérience de la démocratie : faire de l’EPS un
« lieu d'émergence de la loi et pas uniquement le
lieu d'application des règlements » (Develay, 1996).
• Travaux de Méard et Bertone (1996) sur l’intégration de la
règle : d’un respect imposé de la règle à un respect
négocié (de l’anomie et l’hétéronomie). « Respecter,
construire et faire respecter règles et règlements »
(Programme d’EPS du cycle central, 2015).
• Impliquer les élèves dans la construction collective du
règlement intérieur de l’établissement.
• Exemple des médiateurs en cas de conflits (en EPS, à
l’échelle de l’établissement).
Argument 1.4

Mais la règle une fois annoncée doit être


absolument appliquée = prévenir tout sentiment
d’impunité et d’injustice en maintenant la
possibilité d’une sanction :
• « La conduite agressive est d’autant plus répétée qu’elle
permet d’obtenir ce que l’on veut, sans risques de sanction
(Clément & Lorca, 1997).
• Les règles seront efficaces si elles sont comprises, justes,
dosées, progressives, et appliquées.
• Avec les adolescents surtout il faut être juste car de
l’importance du sentiment d’injustice dépend l’ampleur et
l’intensité du conflit (G.Mauger, 2011)  annoncer les
règles, les appliquer équitablement, et éviter les sanctions
disproportionnées (éviter « l’effet ardoise », Flavier & Méard, 2003).
Argument 1.4

Mais la règle une fois annoncée doit être


absolument appliquée = prévenir tout sentiment
d’impunité et d’injustice en maintenant la
possibilité d’une sanction :
• Rôle structurant et éducatif de la sanction : « Parce
qu’elle est juste, comprise et acceptée, la sanction peut
être considérée, au sein de l’école, comme participant à
l’éducation de l’élève. Elle ne doit pas se poser comme
une contre-violence ou comme l’usage abusif de
l’autorité de l’enseignant, sauf à perdre sa fonction
éducative » (E.Flavier, J.-A.Méard, S.Respaud, 2008).
• Mais en même temps la sanction doit s’accompagner
d’une privation, elle doit provoquer une frustration.
Argument 1.5

Construire des comportements sociaux au service


du « faire ensemble » pour « réussir ensemble » :
agir avec et pour l’autre (rôle des interactions
sociales collaboratives).
• Principe du travail collaboratif et du co-apprentisage en
EPS : tutorat, aide, conseils, compagnonnage,
apprentissage vicariant (Bandura, 1986).
o « Agir avec et pour les autres, en prenant en compte les
différences » (Prog. EPS du cycle central, 2015).
o « La solidarité se dév. dans les pratiques physiques grâce aux
échanges entre les élèves qui apprennent ainsi à agir ensemble,
à se connaître, à se confronter les uns aux autres, à s’aider, à se
respecter quelles que soient leurs différences » (Prog. EPS lycée
d’ens. général et techno, 2019). .
o « Il éprouve, dans une pratique adaptée à ses ressources, le
Argument 1.6

Rôle des rituels de respect mutuel dans la pratique


de certaines APSA :
• Saluts en sports de combat par exemple.
• Ou se serrer la main à la fin d’un match de sports de
raquette.
Argument 1.7

La citoyenneté se construit aussi de façon active à


l’AS de l’établissement qui « s’inscrit dans le
prolongement de l’EPS obligatoire » (Prog. d’EPS du
lycée général et techno, BO spécial n°1 du 22 janv. 2019) :
• « L’association sportive du lycée doit être le début d’un
engagement volontaire dans un mode de vie actif et
citoyen » en facilitant « l’exercice des responsabilités et
l’apprentissage de la vie associative » (ibid.)
• L’AS participe aussi à un climat scolaire serein et éducatif
à condition de « s’adresser au plus grand nombre
d’élèves, aux aspirations et compétences variées » ce
qui suppose que « diverses modalités de pratique
doivent être proposées avec des organisations souples
afin de donner envie à tous les publics » (ibid.).
Argument 1.8

La construction de la citoyenneté et la lutte contre


les comportements violents concernent tous les
acteurs de l’établissement scolaire pour construire
un climat scolaire positif et serein :
• Importance de l’environnement de l’établissement pour se
sentir bien à l’Ecole : propreté, adaptation et agrément des
espaces et des matériels.
• Principe de coéducation : entendre et respecter les
familles, les impliquer dans les questions éducatives.
• Cohésion des équipes pédagogiques et participation active
de l’enseignant d’EPS aux différents conseils : conseil
d’enseignement, conseil de classe, conseil de discipline,
conseil de la Vie Lycéenne, groupes de pilotage et
groupes-projets divers et variés…
Argument 1.8

La construction de la citoyenneté et la lutte contre


les comportements violents concernent tous les
acteurs de l’établissement scolaire pour construire
un climat scolaire positif et serein :
• « Dans les établissements où les équipes éducatives sont
solidaires et bienveillantes, la violence des élèves est moins
fréquente » (V.Trogier, 2006).
• Des projets d’établissement cohérents et concertés,
définissant des objectifs clairs auxquels chaque discipline,
chaque enseignant puissent se rattacher. Ce qui suppose de
savoir « coopérer au sein d’une équipe » pour « contribuer à
l’action de la communauté éducative » (Référentiel des compét.
prof. des métiers du professorat et de l’éducation, arrêté du 1er juillet 2013).
• Réfléchir à la constitution des classes : éviter les classes
« chic », les classes « choc », les classes « ghettos », etc.
Argument 1.8

La construction de la citoyenneté et la lutte contre


les comportements violents concernent tous les
acteurs de l’établissement scolaire pour construire
un climat scolaire serein :
• Concevoir et participer à des actions spécifiques de
prévention de la violence au sein des CESC (Comité
d’Education à la Santé et à la Citoyenneté), en relation
avec des partenaires extérieures à l’établissement
(professionnels ou associations) : par ex. « Prévention de
l’homophobie », ou encore « Lutte contre la violence
sexiste », etc.
Partie 2

Constat : La violence est souvent la seule solution


qu’ont trouvé certains élèves pour rehausser leur
estime de soi ou affirmer leur besoin de liberté. Car la
blessure narcissique est sans doute « la pire des
blessures », celle qui débouche sur « des actes de
violence et de vandalisme qui sont aussi des actes
d’autodestruction » (R.Chauvier, 2000). La violence
permet de revaloriser une image de soi fortement
altérée par l’intériorisation d’échecs répétés au sein
même de l’école. A d’autres moments, elle est une
forme d’expression de sa liberté personnelle, lorsque
domine un sentiment d’oppression et de « mise sous
contrôle ».
Partie 2

Constat (suite) : « Les adolescents confrontés à des difficultés


d’apprentissage peuvent être tentés d’adopter des tactiques
pour éviter les jugements scolaires et les contraintes liées à
l’école (N.Duvoux, 2009). (…) Cette mésestime ou ce
pessimisme sont d’autant plus forts qu’aujourd’hui,
contrairement par exemple aux années 1960, toutes les
familles, y compris celles appartenant aux classes populaires
les plus éloignées du système scolaire, investissent dans la
réussite scolaire (J.H.Dechaux, 2009). Les élèves qui vivent
l’échec scolaire comme une exclusion sociale forte
n’envisagent plus l’école comme un lieu de socialisation
possible et se tournent vers d’autres lieux de socialisation telle
la rue » (Justice, délinquance des enfants et des adolescents,
Actes de la journée du 2 février 2015, Ministère de la Justice) .
Partie 2

Ce qu’il faut apprendre : L’EPS peut offrir d’autres


voies de réussite, redonner confiance aux élèves
en leur permettant d’apprendre et de progresser dans
des situations significatives pour eux, tout en
respectant leur sentiment d’autodétermination (Deci &
Ryan, 1985). La réussite concrètement perçue, les
progrès significatifs, le sentiment de compétence et
au-delà l’estime de soi retrouvés sont des conditions
de restauration narcissique qui doivent « invalider »
d’autres moyens de valorisation personnelle. Car le
passage à l’acte violent redonne parfois à l’adolescent
« la possibilité d’une maitrise active restaurant son
narcissisme » (J.Y.Chagnon, 2010).
Argument 2.1

Faire réussir rapidement les élèves à l’assise


narcissique fragilisée : « débuter
l’apprentissage par une réussite plutôt que par
un nouvel échec » (N.Mascret, 2018) :
• Concevoir des défis attractifs mais réalisables
presque immédiatement (difficulté perçue importante
mais difficulté objective faible).
• Dans des tâches qui ont de la valeur aux yeux des
élèves (expectation / valence, Eccles, 2002) gain
de confiance en soi.
• Faire constater concrètement et rapidement les
progrès par l’enseignant, par les autres, ou par une
des indicateurs objectifs facilement contrôlables.
Argument 2.2

Créer les conditions d’un climat motivationnel


de maîtrise (Ames, 1992) pour une ambiance
« apaisée » au sein de la classe :
• Eviter les comparaison interindividuelles permanentes
(les classements).
• Faire un usage raisonnée de la compétition : le jeu,
mais pas la sélection.
• Evaluer surtout le maîtrise (ce qui a été appris = le
niveau de maîtrise des compétences) plus que la perf.
• Faire de l’erreur une étape dans l’apprentissage, pas
une faute, une honte ou une sanction.
• Engager les élèves dans des projets individualisés.
• Donner du temps pour apprendre.
« Une autre forme de violence de l’école

Argument 2.3 tient aux modalités d’évaluation et de


notation des élèves » (P.Merle, 2012).

Construire des dispositifs d’évaluation qui ne


sont pas perçus comme des menaces
permanentes (l’organisation générale du système
éducatif est parfois décrite comme une vaste
machine à classer les élèves) :
• Critérier clairement les modalités d’évaluation terminale
pour faire comprendre à l’élève que l’enseignant évalue
ce qu’il fait, pas ce qu’il est.
• Eviter les évaluations permanentes : ne pas toujours se
sentir jugé.
• Annoncer très tôt dans la séquence les modalités
d’évaluation sommatives (qui portent surtout sur ce qui a
été enseigné). Donner du sens à l’évaluation.
Argument 2.3 (suite)

Construire des dispositifs d’évaluation qui ne


sont pas perçus comme des menaces
permanentes (l’organisation générale du système
éducatif est parfois décrite comme une vaste
machine à classer les élèves) :
• Voir impliquer les élèves dans l’élaboration du système
d’évaluation : choix de certains critères, « réglage » de
certains curseurs… (construction en commun du
jugement).
• Attention à la « constante macabre » (A.Antibi, 1988) :
biais de jugement qui consiste à toujours « s’arranger »
pour que l’évaluation produise des mauvaises notes.
• Faut-il encore noter ?
Argument 2.4
« On dit que le fleuve est violent mais on
ne parle jamais de la violence des rives
qui l’enserrent et rétrécissent son lit »
(B.Brecht, 1998)

Donner des responsabilités qui valorisent,


confier des rôles importants, faire sentir à
l’élève qu’on lui fait confiance pour le « faire
grandir » (infantiliser les adolescents c’est
prendre le risque de les voir se révolter) :
• L’enseignant « dévolue » une partie de ses
responsabilités, et il inscrit cette dévolution le long
d’une progressivité didactique de la 6e à la term.
• « Prendre et assumer des responsabilités au sein d’un
collectif pour réaliser un projet ou remplir un contrat »
(Compétence travaillée, Prog. du cycle 4, 2015).
• Ces responsabilités sont encore accrues dans le cadre
de l’AS.
Argument 2.5

Un style d’enseignement bienveillant et en


même temps exigeant :
• Adopter un style « informant » (≠ « contrôlant »)
emprunt de bienveillance, d’exigence, de respect, de
confiance, de partage, d’explications régulières, de
feedbacks positifs, d’espace de liberté…
• Et en même temps ne jamais « fermer les yeux » sur
les comportements déviants.
• Refuser le chantage affectif (= travaille pour me faire
plaisir !).
• Eviter les sources extérieures de motivation : promesse
de récompense, menace de punition, appel à
l’évaluation pour « motiver » les élèves.
Argument 2.6

« Bâtir une didactique du risque et de


l’émotion » (P.Therme, 1995) :
• La confrontation au risque (perçu) est souvent
l’occasion de rehausser la confiance en soi = en
surmontant l’épreuve et en maîtrisant son
appréhension, l’élève sort « grandi » de ce qui
s’apparente pour lui à une aventure.
• Cela lui évite d’aller chercher ailleurs (dans la violence)
les moyens de se valoriser et de s’affirmer.
• Mais toujours « dans des conditions de sécurité
optimale » (Exigence de la sécurité dans les activités physiques
de pleine nature dans le second degré, Circulaire n° 2017-075 du
19-4-2017) : le risque objectif doit tendre vers zéro.
Argument 2.7

Eviter à tout prix l’exclusion qui produit souvent


des comportements à risque. Lutter contre la
violence à l’Ecole, c’est permettre à chacun de
se sentir intégré et reconnu :
• Favoriser d’abord les groupes affinitaires pour aller
progressivement vers la formation de nouveaux groupes
hétérogènes.
• Impliquer les élèves dans des projets coopératifs où chacun
se sent utile selon sa propre configuration de ressources.
• Ne pas faire reposer la réussite en EPS que sur les
comparaisons issues de la compétition sportive.
• Dans les sports collectifs envisager des adaptations des
règles (et notamment du système de score) pour que tout le
monde puisse participer.
Partie 3

Constat : La violence est aussi parfois l’expression


d’une maîtrise insuffisante de ses émotions (sujets
impulsifs, impatients, intolérants à la frustration, qui
éprouvent des difficultés à se contrôler, à « se
retenir »). Surtout chez les collégiens et les lycéens
car « l’adolescence est la période où les émotions
se manifestent facilement, fréquemment, et parfois
même bruyamment » et « « ce qui est sans doute
le plus caractéristique de l’adolescence est la
rapidité de l’apparition et de l’arrêt d’une émotion
ainsi que la rapidité de la substitution d’une émotion
à une autre » (A.Braconnier, D.Marcelli, 1988).
Partie 3

Ce qu’il faut apprendre : L’EPS, en tant que


discipline mettant en jeu la dimension corporelle
est une discipline privilégiée pour apprendre « la
gestion des émotions » (Programme d’EPS du lycée
général et technologique BO spécial n°1 du 22 janvier
2019). Pour au final apprendre à mieux se
connaitre.
Argument 3.1

Du côté des émotions (frustration, colère),


l’enseignant doit d’abord régler les problèmes
avant qu’ils ne s’enveniment :
• Repérer rapidement les conflits entre les élèves et
intervenir immédiatement.
• Identifier les indicateurs qui vont générer les incidents
disciplinaires (enseignant expert).
• Parfois il est utile de « sortir » l’élève provisoirement
de la situation qui génère chez lui les émotions qu’il a
des difficultés à maitriser (par ex. en sports collectifs).
• Eviter que l’élève cherche à tout prix à « sauver la
face » devant ses camarades.
Argument 3.2

Mais éviter de prendre une sanction dans l’urgence


pour tendre vers un règlement différé du conflit :
• Diminuer la tension émotionnelle qui accompagne
souvent les situations conflictuelles (= faire baisser la
pression).
• Prendre des décision justes et appropriées (en dehors de
la gestion concomitante de la classe).
• Prendre le temps d’écouter l’élève, essayer de prendre
en compte son point de vue (sans pour autant tolérer
l’interdit). Pourquoi pas impliquer des médiateurs.
• Prendre le temps d’expliquer ses décisions en énonçant
clairement et calmement sa propre situation.
• Ne pas mettre en scène le conflit devant le reste du
groupe-classe (peur de « perdre la face »).
Argument 3.3

L’enseignant doit savoir lui-même maitriser ses


réactions émotionnelles :
• Ne pas réagir à l’agression de l’élève par une contre-
agression au risque d’enclencher une spirale dont il
sera difficile de sortir.
• L’enseignant ne doit pas laisser entrevoir qu’il est
engagé personnellement.
Argument 3.4
L’apprentissage de la maîtrise de soi suppose
des émotions, mais des émotions « à portée de
contrôle » :
• Créer les conditions du vécu émotionnel dans la
pratique des APSA, mais pas n’importe comment.
• Inscrire la maîtrise des émotions comme un
apprentissage s’inscrivant le long d’une
progressivité didactique : doser les tensions, les
frustrations, les enjeux (par ex. ne pas proposer
d’emblée à des élèves turbulents des tâches qui
supposent la production d’émotions fortes  usage
réfléchi de la compétition directe).
Argument 3.5

Apprendre aux élèves à simuler et à


communiquer des émotions est un moyen de
les aider à savoir les maîtriser :
• La connaissance de soi est la première condition de
la maîtrise de soi.
• C’est en en simulant des émotions que l’adolescent
apprend à les communiquer, à les reconnaître, et
finalement à les maîtriser.
• Utiliser les activités artistiques comme « véhicule de
communication » (M.Arguel, 1992) permettant à un
interprète de simuler des émotions pour les
communiquer à des spectateurs.
Argument 3.6

Des moments spécifiques de prise de


conscience et de verbalisation de son ressenti
après un comportement déviant peuvent aider
l’élève impliqué à mieux se connaître pour
mieux se maîtriser :
• Mettre d’abord l’élève temporairement à l’écart du
groupe = lorsque les émotions ne sont plus
maîtrisables, il faut l’extraire du contexte pour
diminuer la tension émotionnelle (sports co.)
• Puis au calme discuter avec lui pour le faire
verbaliser sur son comportement violent (avec en
même temps de la fermeté et de la bienveillance).
Argument 3.7

La maîtrise des émotions en EPS suppose un


déroulement de leçon avec un début, une fin, et
avec des temps forts et des temps faibles :
• Les activités routinières et les rites sécurisent les
enseignants et les élèves.
• Importance de l’échauffement pour « rentrer » dans
l’activité.
• Faire « retomber » régulièrement la pression en cours
de séance (prévoir des « moments faibles » au niveau
des émotions ressenties).
• Importance du retour au calme, avec éventuellement
des techniques de relaxation centrées sur le contrôle
de soi.
Conclusion
Réponse à la problématique

« Maintenant, je doute beaucoup qu’un


comportement agressif, même sous la forme
de sport, ait le moindre effet de catharsis ».
Cette déclaration de Konrad Lorenz, proférée
en 1963, confirme cette prise de position de
Sébastien Harel : « aucune activité ne porte en
elle de vertu éducative. C’est dans le traitement
didactique et dans son adaptation aux élèves
que ces activités pourront présenter quelques
intérêts » (La citoyenneté, que peut-on encore
en dire, in Revue EPS n°293, 2002).
Conclusion
Réponse à la problématique (suite)

Vis-à-vis de la violence à l’Ecole, nous


devons donc nous situer logiquement entre les
deux extrêmes d’un balancier : à une extrême,
la conviction que la lutte contre la violence,
grâce à l’EPS, puisse passer magiquement
dans les faits, et à une autre extrême, l’idée
défaitiste que tout est déjà joué car la violence
n’est que le reflet d’un contexte social, et que la
prévention des comportements violents en
contexte scolaire est une ambition hors de
notre portée.
Conclusion
Réponse à la problématique (suite)

Au-delà des slogans et des déclarations


d’intentions, l’enseignant d’EPS manifeste donc
une attitude volontariste à l’égard de la violence
de certains de ses élèves, attitude emprunte
d’optimisme, mais aussi de réalisme, de
persévérance, de patience, de confiance et de
respect mutuel, de justice et de fermeté. Sachant
que le discours moralisateur et l’injonction sont
rarement efficaces, la citoyenneté se construit
par l’intégration « in vivo » des principes de
justice et de réciprocité, dans et autour des
actions motrices.
Conclusion
Réponse à la problématique (suite)

Pourtant, même si nous avons cherché à


articuler nos interventions avec les causes de
la violence scolaire, il nous faut refuser de
« dissoudre les principes dans la
compréhension » (Alain Finkielkraut, Violence à
l’école, L’événement du jeudi, 2000). Autrement
dit, même si l’enseignant cherche légitimement
à comprendre, il nous semble essentiel qu’il
sache aussi dire non, sanctionner, et refuser
l’intolérable, en bref, conserver son autorité.
Conclusion
Réponse à la problématique (fin)

Pas de fatalité donc dans la violence scolaire,


car il y a toujours quelque chose à faire. Mais à
condition aussi d’accepter le principe d’un travail
concerté avec l’ensemble des acteurs
pédagogiques et éducatifs de l’établissement,
avec les familles, et parfois même avec d’autres
partenaires de l’école (justice, travailleurs
sociaux, associations…). Seul « dans son coin »,
l’enseignant ne peut pas faire grand-chose pour
améliorer le climat scolaire et permettre à tous
les élèves d’apprendre dans un contexte
sécurisant et serein.

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