Complotisme Et Pandémie La Vie 2020
Complotisme Et Pandémie La Vie 2020
Complotisme Et Pandémie La Vie 2020
Certains chrétiens alimentent la thèse d’un « nouvel ordre mondial » qui organiserait le
chaos que nous subissons actuellement. Et les crises sanitaire et sécuritaire, ainsi que celle
qui secoue le Vatican, accentuent cette vague de conspirationnisme. Le christianisme n’est
donc pas un rempart à cet emballement, comme l’explique le frère dominicain Marie -
Augustin Laurent-Huyghues-Beaufond, du Studium Catholicum d’Helsinki, en Finlande.
Interview Sixtine Chartier - La Vie, 23/11/2020
« Le Jugement dernier »,
peinture de l'Allemand Stephan
Lochner (v. 1410-1451), musée
Wallraf Richartz de Cologne. •
JOSSE/LEEMAGE
Les lettres adressées à Donald Trump par l’ancien nonce aux États-Unis Carlo Maria Vigano
mettent en lumière que les théories du complot peuvent être nourries de références chrétiennes. Le
christianisme porte-t-il en lui les germes du complotisme ?
Le christianisme peut offrir une prise au complotisme. Dans ses lettres, l’ancien nonce laisse entendre
qu’un combat apocalyptique est sur le point de démarrer et que Donald Trump va nous aider à le gagner
contre l’Antéchrist. Ce dernier n’étant pas très bien défini, il prend la forme d’un gouvernement mondial
qui veut régner sur les consciences, les corps et les âmes. La foi chrétienne offre une porte d’entrée à cela
parce qu’elle propose une eschatologie qui nous tend vers l’au-delà et la fin des temps. Or, à la différence
d’autres domaines théologiques comme les études bibliques, la christologie ou les sacrements, dans
lesquels on peut s’appuyer sur du concret, l’étude des « fins dernières » est très spéculative, car c’est un
domaine où, par définition, on n’a pas de retour d’expérience ! Comment cela va-t-il se passer ? Quels
seront les signes annonciateurs ? L’Église répond que l’on ne sait pas et que l’on n’a pas le moyen de
savoir.
On sait que le temps et le monde connaîtront une fin, que le Christ revien dra pour le jugement et que Dieu
sera révélé dans toute sa gloire. Mais, pour le reste, on s’en tient à la parole du Christ : « Même le Fils ne
connaît pas le jour du jugement. » Or, dans certains milieux catholiques, je vois ressortir une
fascination pour le livre de l’Apocalypse avec une tentative de concordisme qui consiste à lire dans les
événements présents ce que saint Jean décrivait déjà depuis Patmos (où a été écrit le livre de
l’Apocalypse, ndlr). Il est facile de plaquer sur cette eschatologie chrétienne une lecture politique des
événements, mais c’est un jeu très dangereux.
On ne peut pas dire qui est sauvé et qui ne l’est pas. Ici-bas, tout est mélangé,
et ce sera le Christ qui posera le jugement, pas nous.
Quelle est la légitimité du discours apocalyptique catholique ? Quelle lecture raisonnée avoir
du livre de l’Apocalypse ?
L’univers dans lequel vivent saint Jean et ceux auxquels il s’adresse est éminemment symbolique. Cela
nous rend le livre aujourd’hui très ésotérique, donc difficile de lecture et d’interprétation. Il y a beaucoup
de chiffres, de couleurs, de matériaux et de symboles, toutes références qui ne nous sont plus
immédiatement accessibles. Une clé de lecture serait de le lire par la fin, où l’on trouve une forme
d’invocation : « Maranatha, viens, Seigneur Jésus, ta grâce soit avec nous tous ! » On peut le
comprendre ainsi : « Viens, Seigneur Jésus, dans ma vie, là où j’en suis maintenant. » Le livre de
l’Apocalypse nous rappelle que Dieu est le maître du temps et de l’histoire, que notre foi a une dimension
eschatologique, c’est-à-dire que notre foi « regarde » la fin des temps et nous tend vers l’éternité. En effet,
si l’on croit en un salut et qu’on l’annonce comme baptisé, c’est aussi parce que nous croyons que la
Création est déjà soumise à Dieu, mais que ce sera révélé à la fin des temps. Ce n’est pas une menace que
l’on brandit à ceux qui ne croient pas, mais c’est porteur d’espérance : Dieu est déjà avec nous dans ce que
nous construisons ici-bas, il assume l’histoire humaine, il la prend à son compte et l’emmènera dans la
gloire.
Je note que l’histoire de l’humanité, telle que la Bible nous la raconte, commence da ns un jardin, le jardin
d’Éden, et finit dans une ville, la Jérusalem céleste de l’Apocalypse, c’est -à-dire une réalisation humaine.
Quand on sait la mauvaise presse qu’a la ville dans la Bible et dans la conscience occidentale, c’est une
image forte. Cela signifie que l’histoire des hommes ne sera pas réduite à néant à la fin des temps : la fin
des temps ne sera pas un retour à l’origine, mais elle assumera ce que l’homme aura construit entre -temps.
Plutôt que parler d’un discours apocalyptique, synonyme de destruction et de malheur, il vaudrait mieux,
selon notre foi, parler d’un discours eschatologique, qui porte une grande espérance, en nous invitant à un
certain réalisme : le cœur et l’âme au ciel, mais les pieds bien sur terre, afin d’être tout à ce qu e nous
faisons sur cette terre, tout en gardant les yeux fixés sur le Christ.
C'est comme si vous dégustiez de succulents chocolats devant votre série préférée. Pour le cerveau, l'effet
procuré par les théories du complot est le même : plaisir et réconfort. Comment y résister ? Parce qu'il fait
tant de bien à nos neurones, le récit complotiste peut nous rendre dépendant. Comme lorsque nous
ressentons ce besoin impérieux de croquer dans un chocolat, de le laisser fondre doucement dans la bouche
et d'en humer tous les arômes…Et c'est bien là le problème ! Une fois qu'on y a goûté, on a envie d'en
reprendre un, et encore un autre…
L'extase du moment « Aha ! »
Le plaisir avant tout : c'est la devise unique de notre striatum, une structure profondément enfouie dans
notre cerveau, à la jonction de la moelle épinière, qui contrôle les fonctions essentielles de notre survie.
C'est ce dispositif archaïque qui injecte de la dopamine dans le système cérébral lorsque nous assouvissons
certains plaisirs : manger, obtenir une promotion, faire l'amour , etc. Cette hormone de la récompense, on le
sait moins, se déclenche aussi lorsque nous parvenons à obtenir un grand nombre d'informations sur notre
environnement tout en minimisant nos efforts. Une aubaine pour les concepteurs de théories
conspirationnistes, qui exploitent subtilement cete faille. Même lorsqu'elles sont tirées par les cheveux, ces
explications globalisantes provoquent souvent en nous la satisfaction de la découverte. L'illusion de la
compréhension.
Imaginez : vous venez de découvrir la solution d'une énigme ou d'un problème particulièrement épineux.
Soudain, c'est l'illumination ! Bon sang mais c'est bien sûr ! Un mélange d'enthousiasme et de joie monte
en vous. Ce que le sociologue Gérald Bronner nomme « l'effet de dévoilement ». Ce phénomène cérébral
particulier a un nom : le moment Aha ! ou l'instant Eurêka ! dont les neuroscientifiques commencent à
percer les mystères. Une équipe du département de psychologie de l'université Drexel de Philadelphie a
décrit récemment ce qui se passe dans notre cerveau dans ces moments si particuliers.
Ces épiphanies créent une sorte d'explosion d'activité dans le cortex orbitofrontal, l'une des zones du
système de récompense du cerveau. Celui-là même qui se déclenche lorsque nous dégustons des mets
délicieux, lorsque nous sommes en compagnie de notre amoureux ou de notre amoureuse ou… lorsque
nous consommons des stupéfiants. Les personnes qui ressentent ce plaisir ont alors tendance à en vouloir
plus, à chercher d'autres explications conspirationnistes, ou même à adhérer à la théorie le plus
globalisante possible. Celle qui expliquerait l'alpha et l'oméga de la vie – la drogue la plus pure, en
quelque sorte. Jusqu'à, parfois, perdre le contrôle. Certains programmes de désintoxication incluent
d'ailleurs désormais la lutte contre l'addiction aux théories du complot. C'est le cas, par exemple, de
l'Addiction Center aux États-Unis, qui classe « l'abus » de conspirationnisme comme une addiction
comportementale.
Le poison du doute
Les similitudes avec l'industrie de la drogue sont troublantes. Les fabricants de théories du complot
recourent à un marketing de l'offre pour écouler leur production mentale : ils diffusent massivement, et le
plus souvent de manière créative, leurs récits sur les réseaux sociaux. Tous ont en commun d'instiller le
soupçon pour créer un besoin obsessionnel d'explication – que le récit complotiste saura évidemment
satisfaire. « Un des moteurs de cette dynamique est le fameux “doute” fort mis en avant dans les sphères
conspirationnistes : au nom de ce doute, on en vient à tout remettre en question et finalement à basculer
dans des logiciels idéologiques foncièrement simplistes, rejetant en bloc tout ce qui est perçu comme
émanant du “système” en place, explique ainsi l'historienne Marie Peltier, spécialiste du
conspirationnisme. Le doute comme seul horizon, cela conduit finalement à un rapport au monde
foncièrement confus. »
Un cercle vicieux s'installe alors : plus le monde nous paraît chaotique, moins nous nous sentons en
contrôle, plus nous sommes en quête de sens ; et plus ces théories nous paraissent séduisantes. Or, il est
assez facile d'induire un tel sentiment d'insécurité. En 2015, des chercheurs de l'université d'Amsterdam
ont ainsi divisé des étudiants volontaires entrois groupes. Ils ont demandé aux membres du premier groupe
de raconter par écrit une période de leur vie où ils avaient l'impression de ne pas maîtriser la situation dans
laquelle ils se trouvaient. Les membres du deuxième devaient, au contraire, relater un épisode de leur vie
où ils se sentaient totalement en contrôle. Ceux du troisième groupe devaient décrire une situation neutre :
ce qu'ils avaient mangé la veille. Ensuite, les chercheurs ont demandé à tous les étudiants ce qu'ils
pensaient du fait que la nouvelle ligne de métro d'Amsterdam avait rencontré de nombreux incidents
pendant sa construction. Surtout, ils leur ont proposé différentes explications, dont certaines étaient
complotistes. Résultat : les étudiants qui avaient été préparés à se sentir en contrôle étaient moins
susceptibles de soutenir les théories du complot que ceux des deux autres groupes.
Sentiment d'impuissance
« Il suffit souvent au mythe du complot de débusquer des anomalies et des éléments énigmatiques pour
générer un vide inconfortable qu'il se propose bien vite de combler par un récit », écrit Gérald Bronner
dans la Démocratie des crédules (Puf). Un peu comme un pompier pyromane jete une allumette pour
pouvoir prétendre éteindre l'incendie. Alors que les adeptes du conspirationnisme sont en quête de sens et
de réconfort, la pensée complotiste les incite à se comporter d'une manière qui augmente leur sentiment
d'impuissance, les faisant se sentir encore plus mal. Comme l'addiction à une drogue procure au
toxicomane une satisfaction éphémère… avant la chute, plus cruelle encore.
« Les personnes qui croient fermement aux théories du complot et deviennent dépendantes peuvent
éprouver certaines des situations suivantes, écrivent ainsi les experts de l'Addiction Center : se sentir
anxieuses ou craintives sans raison particulière ; ressentir une perte de contrôle, un sentiment de non -
appartenance ou d'isolement ; une grande aliénation, un désengagement ou une désaffection de la société. »
Convaincu que tout est mensonge et manipulation, le complotiste est comme ligoté par son propre récit.
Paralysé. Empoisonné par une substance narrative nocive qui lui interdit toute confrontation authentique a u
réel.
Médias et complots : « Il y a une réelle détresse derrière ces
théories anxiogènes »
Encouragés par les réseaux sociaux et certains médias, la polémique permanente et la pseudo -
expertise viennent pervertir notre rapport à la vérité, présentée comme relevant d'un rapport de
forces et non de faits. Et débouchent sur le complotisme, selon la philosophe Marylin Maeso.
Interview Félicité de Maupeou - La VIE, le 04/12/2020
• GREGORIO BORGIA/AFP
« On a réussi à créer le vaccin. Comme ça tout le monde va se jeter dessus et ils pourront injecter
leur puce miniature, ultraminiature, nanoparticules (...). Surtout ne vous faites pas vacciner. C'est
en train d'arriver. La marque de la Bête. » Ces affirmations sont débitées avec véhémence par Kim
Glow, une jeune Française, starlette de la téléréalité, sur son compte Instagram, quelques jours après
l'annonce de la découverte d'un vaccin contre le Covid-19. Vue plus de 700 000 fois en quelques jours,
cette vidéo colporte plusieurs théories du complot en vogue au sujet du virus Sars -CoV-2 : il aurait été
fabriqué en laboratoire pour réduire la population mondiale, le vaccin ne serait qu'un moyen pour les
gouvernements (et les acteurs économiques et technologiques) de nous contrôler grâce à la 5G. L'outrance
de Kim Glow, dont les prises de parole sont calibrées pour générer de l'audience, trouve une résonance
particulière dans le climat actuel.
Dans les boucles WhatsApp familiales ou sur d'autres groupes de messageries numériques, indispensables
en raison des confinements successifs, il n'est pas rare que l'idée d'un complot soit évoquée. Selon une
étude réalisée en mars par la Fondation Jean-Jaurès et l'Observatoire du conspirationnisme, plus d'un
Français sur quatre estime que ce coronavirus a été conçu en laboratoire. Une véritable épidémie de «
complotisme », selon le fondateur de l'Observatoire du conspirationnisme, Rudy Reichstadt, qu'il définit
comme « la tendance à attribuer l'origine d'un événement, d'un fait social ou d'un phénomène à
l'action occulte d'un petit groupe d'individus et de le faire abusivement, c'est-à-dire sans preuve,
au détriment d'autres explications beaucoup plus plausibles ». Se greffant sur un légitime esprit
critique vis-à-vis du discours gouvernemental ou médiatique, ces allégations dérivent souvent vers la
construction d'une machination globale, bien huilée, orchestrée par les élites. Le contexte troublé agit
comme un accélérateur de ces thèses conspirationnistes : terrorisme, tension s autour de l'élection
présidentielle états-unienne et Covid-19 - le cocktail est explosif.
Une forme de respectabilité
Au détour des prédictions de Kim Glow, une expression détonne : « La marque de la Bête », référence au
livre de l'Apocalypse (13, 17). Une lecture qui n'est pas étrangère à l'instagrameuse, qui a témoigné s'être
convertie au christianisme dans une église évangélique. La séquence est révélatrice : qu'il soit évangélique
ou catholique, le christianisme est à bien des égards un terrain fertil e pour le développement de la
rhétorique du complot. Néanmoins, statistiquement, selon les enquêtes de l'Observatoire du
conspirationnisme, les chrétiens, comme les autres croyants, ne sont pas plus touchés que les autres corps
sociaux. Cependant, un certain rapport au spirituel est un terrain propice.
Ces derniers mois, dans le contexte de la campagne présidentielle états -unienne, l'ex-nonce apostolique aux
États-Unis, Carlo Maria Viganò, a fait figure de porte-voix pour des théories du complot . Ses lettres à
Donald Trump sont un modèle du genre : il y dénonce le projet des élites mondiales d'une « grande
réinitialisation » dans le but d'en finir avec les libertés humaines au moyen de la dictature sanitaire, le
tout avec le soutien d'une « deep church » - formulation adaptée du deep state, classique de la rhétorique
complotiste -, une Église occulte dont le but serait de détruire le catholicisme et do nt le pape François
serait l'émanation.
Bien que disqualifié par ses excès et mis à la retraite depuis plusieurs années par le pape François, l'ancien
prélat de première importance donne par ses paroles une forme de respectabilité à ces théories. En les
couvrant de son autorité d'homme d'Église, il facilite leur pénétration chez les fidèles. « J'y lis le
symptôme d'une progression, d'une banalisation de l'imaginaire complotiste dans des strates où il
était autrefois marginal », note Rudy Reichstadt. Au-delà du symptôme Viganò et des questions que
soulève sa spectaculaire radicalisation, le phénomène complotiste n'est pas étranger à l'histoire du
christianisme. Ce qui pourrait expliquer la facilité avec laquelle certains chrétiens se laissent convaincre.
Pratiques ésotériques
Depuis la Révolution française, traumatisme pour l'Église catholique, s'est développée en Europe l'idée
d'un complot anticatholique, indique l'historien Paul Airiau. Prenant appui sur des faits établis, comme
l'existence d'organisations réellement antichrétiennes, certains catholiques construisent un scénario plus
large mettant en cause leurs ennemis, réels ou fantasmés : libéraux, francs-maçons, républicains,
Internationales socialistes, Juifs... Le ressentiment est alimenté par la marginalisation progressive de
l'institution catholique en Occident, créant chez certains clercs un contentieux presque viscéral à la
modernité. Une lecture qui n'a plus cours dans la doctrine catholique depuis le concile Vatican II, sauf
dans des milieux intégristes ou traditionalistes, principaux soutiens de Carlo Maria Viganò à l'heure
actuelle.
En dehors de cette frange du catholicisme bien identifiée, c'est plutôt l'affaiblissement de l'institution
catholique comme régulatrice des croyances qui expliquerait la montée du sentiment de complot chez des
personnes sensibles au spirituel et au religieux. Comme le constate Rudy Reichstadt, « les grands récits
religieux ou idéologiques peuvent fonctionner comme une barrière par rapport à la séduction de
théories du complot de plus en plus anarchiques ». À l'inverse des révélations privées qui versent dans
l'ésotérisme pour dévoiler un futur proche apocalyptique, comme certaines apparitions controversées. Un
constat confirmé par les chiffres des études de l'Observatoire du conspirationnisme : les personnes qui
manifestent un intérêt pour des pratiques ésotériques comme la voyance, l'astrologie ou le s piritisme -
pratiques condamnées par l'Église - adhèrent davantage aux théories du complot. Plus largement, c'est la
perte d'autorité de la plupart des institutions ou corps intermédiaires, comme les partis politiques, qui
laisse le champ libre aux superstitions et aux hypothèses les plus folles.
• GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO
La « théorie de l'esprit », c'est-à-dire notre capacité à imaginer les pensées des autres donc leurs
intentions. Cette propension est si puissante que nous sommes capables d'attribuer des intentions à de
simples formes géométriques qui se déplacent pourtant de façon aléatoire sur un écran (expérience de
Heider et Simmel, 1944). En soi, rien de méchant, bien au contraire : c'est cette capacité qui nous permet
de comprendre le monde qui nous entoure. Mais les complotistes souffrent d'une obsession de l'intention :
ils pensent déceler une volonté unique - la Bigpharma, les francs-maçons, les Illuminati, etc. - à l'origine
d'un désordre global.
Notre difficulté à penser le hasard. Nous avons tendance à trouver extraordinaires des phénomènes
improbables, mais qui sont, cependant, la production du hasard si l'on tient compte du nombre
d'occurrences de l'événement en question... Ce que les scientifiques nomment le biais de la « négligence de
la taille de l'échantillon ». En clair, si j'ai une chance sur 1000 de gagner au loto, il n'est pas si étonnant
que cela m'arrive si je joue 1000 fois de suite ; pourtant, je vivrai cela comme un événement incroyable...
C'est ce biais qui explique que certains s'étonnent constamment de « coïncidences étranges ».
Le biais de confirmation, un processus cognitif qui nous pousse à valoriser des informations qui
confirment nos propres croyances. Cela tient aussi en partie au fonctionnement de notre cerveau. Les
scientifiques ont longtemps pensé que celui-ci ne faisait que réagir aux stimulus extérieurs. Or on sait
aujourd'hui que son fonctionnement est prédictif. Seule une petite partie des informations venant de nos
sens est véritablement traitée par le cortex. Le cerveau s'appuie sur ces informations parcellaires, les
compare à ce que nous avons déjà vécu et émet des prédictions sur la réalité. Une fois qu'une information
est validée par le cerveau, elle a tendance à y rester. Cela explique en partie pourquoi il est si difficile de
faire changer d'avis une personne conspirationniste.