Syllabus Sociologie de La Sante

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SYLLABUS

Intitulé du cours : SOCIOLOGIE DE LA SANTE

Code d’identification :

Niveau d’études : LICENCE 2

Volume horaire : 30h

Nom de l’Enseignant : Professeur Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA

Titre et grade : Sociologue, Maître de conférences

Courriel : [email protected]

1. Objectifs généraux du cours


Ce cours s’inscrit dans les matières fondamentales dans la formation des
infirmiers aujourd’hui. La démarche se veut introductive et épistémologique c’est-à-
dire d’initier l’étudiant aux fondamentaux de la discipline sociologique.
Ce cours a donc pour objectifs de transmettre un certain nombre de principes,
de règles et de lois… en fait des obligations théoriques et méthodologiques pour
penser d’abord la société comme un ordre organisé.
Il s’agit donc de familiariser les étudiants avec un minimum d’usages courants et
normaux, propres à la sociologie.

2. Objectifs spécifiques du cours


Ce cours qui prépare aux carrières infirmières par l’acquisition d’une formation
propre aux organisations spécialisées dans la santé, doit déboucher sur :

- Construire la santé comme un fait social que la sociologie étudie ;


- La maîtrise d’un "appareillage " théorique et conceptuel touchant à la santé ;
- La capacité de mise en pratique d’outils d’une réflexion théorique et d’un
travail empirique ;
3- Organisation pédagogique du séminaire
Conçu comme une sorte de manuel pour une initiation à la sociologie de la
santé, le cours s’attachera à conserver un juste milieu entre la théorie et la pratique,
en présentant à la fin de chacune des étapes, un exercice d’application afin de
développer chez l’étudiant des techniques, des méthodes, des habiletés et des
attitudes nécessaires à la compréhension sociologique des groupes humains face à la
santé.

4- Procédures/Modalités d’évaluation
Il est proposé d’utiliser les modalités suivantes :

- Un INTRA : devoir sur table sous forme de question à choix multiples (QCM);
- Un FINAL : devoir sur table sous forme de questions de cours ou de dissertation.

5- Plan sommaire du cours


Introduction générale
I. Généralités sur la sociologie
II. L’objet de la sociologie
III. La conception psychosociale de la maladie, anthropologie et
psychosociologie médicale
IV. Les représentations sociales autour de la santé et les parcours thérapeutiques

Conclusion générale
Introduction générale
Très souvent, l’organisation des études en sociologie dans les premières années
universitaires sépare les cours théoriques sociologique et les cours de méthode. Les
étudiants suivent donc deux chemins parallèles de formation. Sur le premier, ils
découvrent les grands auteurs, les écoles, les méthodes et les notions qui jalonnent
l’histoire de la sociologie. Ils croisent notamment Emile Durkheim, fondateur de la
sociologie savante en France, Max Weber, Karl Marx. Le long du second chemin, les
étapes se nomment questionnaire, entretien, observation et enquête de terrain : les
étudiants apprennent des techniques et découvrent les démarches d’analyse des
données de l’enquête.

Toutefois, le croisement de ces deux chemins n’est pas réellement prévu dans
l’organisation des enseignements et donc il pose un véritable problème. C’est un peu
comme si les futurs architectes et ingénieurs du bâtiment apprenaient les théories
physiques les plus générales d’une part et des recettes pour faire du béton d’autre
part, sans apprendre à penser les deux ensembles. En l’absence d’articulation, cet
enseignement de sociologie laisse souvent les étudiants devant des questions qui
peuvent être paralysantes : comment se sert-on de Weber, Marx ou Durkheim
lorsqu’on doit réaliser une enquête, quantitative ou qualitative, sur tel ou tel
problème social contemporain ? Est-ce que la sociologie est condamnée à être
tiraillée entre des théories et des recueils de données strictement empiriques ?
Quand, seul ou en groupe, un novice dans la discipline doit réaliser une étude,
comment opère-t-il pour choisir entre une perspective fonctionnaliste, une
orientation structuraliste, entre une sociologie dite holiste et une sociologie dite
individualiste ? Comment articule-t-on les cadres théoriques et les concepts
sociologiques avec les démarches empiriques ?

Ce cours de sociologie (de la santé) rompt avec la distinction entre théorie et empirie,
distinction qui conduit surtout à reproduire une hiérarchie ancienne entre la théorie
et l’empirie ou la méthode, c’est-à-dire entre la noblesse de la pensée et la petitesse
des opérations matérielles. Ce module propose d’apprendre progressivement à
réaliser l’union de ces deux dimensions différentes que sont la théorie et l’empirie ; à
mêler une démarche d’enquête de terrain avec un travail de conceptualisation et
d’abstraction théorique exigeant en écoutant celles et ceux qui racontent comment ils
tentent d’y parvenir dans leurs propres recherches, comment ils mettent en œuvre
cette sociologie d’enquête hybride.

1. Généralités sur la sociologie

La sociologie peut être définie comme la science qui étudie tous les phénomènes qui
se passent à l’intérieur de la société, pour peu que ceux-ci se présentent avec une
certaine généralité, quelque intérêt social. Dit ainsi, l’on peut croire que tous les
événements humains peuvent être appelés sociaux. Chaque individu mange, dort,
boit, raisonne et la société a tout intérêt à ce que ces fonctions s’exercent
régulièrement. Si donc ces faits étaient sociaux, la sociologie n’aurait pas d’objet qui
lui est propre, et son domaine se confondrait avec celui de la biologie et de la
psychologie.

Mais, en réalité, il faut bien comprendre que dans la société un groupe déterminé de
phénomènes qui se distinguent par des caractères tranchés de ceux qu’étudient les
autres sciences de la nature. Comte a montré et expliqué que l’objet de la sociologie
est un domaine que l’on ne peut explorer en le réduisant à des particularités
structurelles, biologiques ou, pour s’exprimer comme lui, physiologiques.

Dans les phénomènes sociaux, on observe d’abord l’influence des lois


physiologiques de l’individu, et, en outre, quelque chose de particulier qui en modifie
les effets, et qui tient à l’action des individus les uns sur les autres, singulièrement
compliquée, dans l’espèce humaine, par l’action de chaque génération sur celle qui la
suit. Il est donc évident que pour étudier les phénomènes sociaux, il faut d’abord
partir d’une connaissance approfondie des lois relatives à la vie individuelle.

Quand je remplis mes obligations d’époux, de frère ou de citoyen, quand j’exécute


mes engagements je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes
actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu’ils sont d’accord avec mes
sentiments propres et que j’en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas
d’être objective ; car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus de l’éducation.
Que des fois, d’ailleurs, il arrive que nous ignorions le détail des obligations qui nous
incombent et que, pour les connaître, il nous faut consulter le Code et ses interprètes
autorisés. De même, les croyances et les pratiques de la vie religieuse, le fidèle les a
trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c’est qu’elles existent en
dehors de lui. Le système de signe dont on se sert pour exprimer sa pensée, le
système de monnaies qu’on emploie pour payer ses courses, etc., fonctionnent
indépendamment des usages qu’on en fait. Voilà donc des manières d’agir, de penser
et de sentir qui présentent cette propriété qu’elles existent en dehors des consciences
individuelles.

Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont, extérieurs à l’individu, mais
ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils
s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non. Sans doute, quand on s’y conforme de son
plein gré, cette coercition ne se fait pas ou se fait peut sentir, étant inutile. Mais elle
n’en est pas moins un caractère intrinsèque de ces faits, et la preuve, c’est qu’elle
s’affirme dès que l’on tente de résister. Si on essaie de violer les règles du droit, elles
réagissent contre moi de manière à empêcher l’acte s’il en est encore temps, ou
l’annuler et à le rétablir sous sa forme normale s’il est accompli et réparable, ou à me
le faire expier s’il ne peut être réparé autrement.

Voilà donc un ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux : ils
consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu, et
qui sont douées de pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui. Par
suite, ils ne sauraient se confondre avec les phénomènes organiques, puis qu’ils
consistent en représentations et en actions ; ni avec les phénomènes psychiques,
lesquels n’ont d’existence que dans la conscience individuelle et par elle. Il constitue
donc une espèce nouvelle et c’est à eux que doit être donnée et réservée la
qualification de sociaux. Elle leur convient, car il est clair que, n’ayant pas l’individu
pour substrat, ils ne peuvent en avoir d’autre que la société, soit la société politique
dans son intégralité, soit quelqu’un des groupes partiels qu’elle renferme, confessions
religieuses, écoles politiques, littéraires, corporations professionnelles, etc. D’autre
part, c’est à eux seuls qu’elle convient ; car le mot de social n’a de sens défini qu’à
condition de désigner uniquement des phénomènes qui ne rentrent dans aucune des
catégories de faits déjà constituées et dénommées. Ils sont donc du domaine propre
de la sociologie.

1.1. Les règles relatives à l’observation des faits sociaux

Avant toute chose, la première règle et la plus fondamentale est de considérer les
faits sociaux comme des choses.

Jusqu’à présent, la sociologie a plus ou moins exclusivement traités non de choses,


mais de concepts. Comte, il est vrai, a proclamé que les phénomènes sociaux sont
des faits naturels, soumis à des lois naturelles. Par-là, il a implicitement reconnu leur
caractère de choses ; car il n’y a que des choses dans la nature. Mais quand sortant de
ces généralités philosophiques, il tente d’appliquer son principe et d’en faire sortir la
science qui y est contenue, ce sont des idées qu’il prend pour objets d’études.

Mais cette définition initiale énonce comme une chose ce qui n’est qu’une vue de
l’esprit. Elle se présente, en effet, comme l’expression d’un fait immédiatement
visible et que l’observation suffit à constater, puisqu’elle est formulée dès le début de
la science comme un axiome.
Les phénomènes sociaux sont des choses et doivent être traités comme des choses.
Pour démontrer cette proposition, il n’est pas nécessaire de philosopher sur leur
nature, de discuter les analogies qu’ils présentent avec les phénomènes des règnes
inférieurs. Il suffit de constater qu’ils sont l’unique datum offert au sociologue. Est
chose, en effet, tout ce qui est donné, tout ce qui s’offre ou, plutôt, s’impose à
l’observation. Traiter les phénomènes comme des choses, c’est les traiter en qualité
de data qui constituent le point de départ de la science. Les phénomènes sociaux
présentent incontestablement ce caractère.

Il faut écarter systématiquement toutes les prénotions. Une démonstration de cette


règle résulte de tout ce que nous avons dit précédemment. Elle est, d’ailleurs, la base
de toute méthode scientifique. Le doute méthodique de Descartes n’en est, au fond,
qu’une application. Si, au moment où il va fonder la science, Descartes en fait une loi
de mettre en doute toutes les idées qu’il a reçues antérieurement, c’est qu’il ne veut
employer que des concepts scientifiquement élaborés, c’est-à-dire construits par la
méthode qu’il institue ; tous ceux qu’il tient d’une autre origine doivent donc être
rejetés, au moins provisoirement.

Il faut donc que le sociologue, soit au moment où il détermine l’objet de ses


recherches, soit dans le cours de ses démonstrations, s’interdise résolument l’emploi
de ces concepts qui se sont formés en dehors de la science et pour des besoins qui
n’ont rien de scientifique. Il faut qu’il s’affranchisse de ces fausses évidences qui
dominent l’esprit du vulgaire, qu’il secoue, une fois pour toutes, le joug de ces
catégories empiriques qu’une longue accoutumance finit souvent par rendre
tyranniques. Tout au moins, si, parfois, la nécessité l’oblige à y recourir, qu’il le fasse
en ayant conscience de leur peu de valeur, afin de ne pas les appeler à jouer dans la
doctrine un rôle dont elles ne sont pas dignes.

Ce qui rend cet affranchissement particulièrement difficile en sciences sociales en


général et en sociologie en particulier, c’est que le sentiment se met souvent de la
partie. On se passionne, en effet, pour nos croyances politiques ou religieuses, pour
nos pratiques morales bien autrement que pour les choses du monde physique ; par
suite, ce caractère passionnel se communique à la manière dont on conçoit et dont
on s’explique les premières. Les idées que l’on en fait nous tiennent à cœur, tout
comme leurs objets, et prennent ainsi une telle autorité qu’elles ne supportent pas la
contradiction. Toute opinion contradictoire qui est énoncée, est traitée comme
ennemie. Le seul fait de les soumettre, ainsi que les phénomènes qu’elles expriment,
à une froide et sèche analyse révolte certains esprits.

Sans doute, en procédant ainsi, on laisse provisoirement en dehors de la science la


matière concrète de la vie collective, et cependant, si changeante qu’elle soit, on n’a
pas le droit d’en postuler a priori l’intelligibilité. Mais si l’on veut suivre une voie
méthodique, il faut établir les premières assises de la science sur un terrain ferme et
non sur un sable mouvant. Il faut aborder un règne social par les endroits où il offre
le plus prise à l’investigation scientifique. C’est seulement ensuite qu’il sera possible
de pousser plus loin la recherche, et, par des travaux d’approche progressifs, d’en
serrer peu à peu cette réalité fuyante dont l’esprit humain ne pourra jamais, peut-être,
se saisir complètement.

2. Quelle est l’objet de la sociologie ?

Cette question est d’autant plus importante que l’on se pose la question de l’objet de
la sociologie. La sociologie ne se définit pas par une part de la réalité dont elle devrait
faire l’analyse, les autres sciences se partageant le gâteau du réel. Par exemple, la
sociologie peut étudier le rapport de l’enfant à son père ainsi que la psychanalyse, le
chômage aussi bien que l’économie. Si deux disciplines peuvent étudier le même
segment de la réalité, c’est donc que la différence se situe ailleurs. Elle joue dans le
regard que le savant porte sur le réel, ou selon une analogie chère à Pierre Bourdieu
ou à Jean-Claude Passeron, elle est fonction des « lunettes » qu’il prend. Il doit opter
premièrement pour des verres sociologiques, et deuxièmement choisir, à l’intérieur
de ce rayon disciplinaire, telles ou telles lunettes sociologiques différenciées selon
une orientation théorique, selon une école de pensée.

Tel qu’il fonctionne le plus souvent, l’enseignement de la sociologie semble être un


excellent magasin d’optique. Les étudiants apprennent les grandes orientations
théoriques _ avec les pères fondateurs, notamment Emile Durkheim, Max Weber _
les grands systèmes explicatifs, le fonctionnalisme, l’interactionnisme, le
structuralisme… Mais cela ne suffit pas, car à la différence d’un client ordinaire,
passé chez l’ophtalmologue, qui ayant donc une ordonnance n’a plus qu’à choisir
l’esthétique de sa monture, à quoi sert cette offre universitaire de « lunettes »,
déconnectée de la réalité ? Est-ce que les lunettes durkheimiennes servent encore ?
De plus, on peut avoir plusieurs lunettes à sa disposition et ne pas savoir quand les
mettre.

La sociologie n’est pas une science descriptive. Elle peut utiliser la statistique et
produire des données statistiques, mais n’a pas pour objectif la comptabilité des faits
sociaux. A la différence de la démographie, la sociologie de la famille, par exemple,
ne compte pas le nombre de mariage. Elle cherche à repérer les facteurs sociaux qui
conduisent certaines personnes à se marier et à comprendre les raisons que ces
personnes donnent pour expliquer leur choix d’avoir noué ce type de lien officiel. Il
en sera de même pour « l’entrée » dans le chômage, dans le musée, dans un stade,
dans telle maladie. La sociologie privilégie soit les facteurs objectifs, soit les raisons
subjectives qui mènent l’individu à pratiquer, à s’arrêter de pratiquer. La sociologie
peut être définie comme une science du sens, objectif _ les déterminants sociaux _ et
subjectif _ les raisons, les justifications que donnent les groupes et les individus _ les
conduites.

Par rapport à la philosophie sociale, la spécificité de la sociologie est de mêler


questionnement théorique et réponse empirique. La sociologie ne se pratique pas en
chambre, elle a besoin nécessairement de corpus, de données empiriques. Elle doit
être nommée sociologie d’enquête, soulignant ainsi ce va-et-vient entre les deux
niveaux, entre les idées et l’enracinement dans la réalité sociale.

Dans le premier travail de sociologie d’enquête de Durkheim, le suicide, il rend


compte de la signification sociologique du suicide. Il prend un acte perçu comme le
plus individuel (le fait de se donner la mort) et le traite comme un fait social. Il ne
l’explique donc pas par des facteurs psychologiques. Pour lui, le suicide est
notamment le fait des individus les moins intégrés de la société (même s’il existe
aussi des suicides par excès d’intégration). Il prend comme « lunettes » sociologiques
une théorie de l’intégration, c’est-à-dire de ce qui fait tenir les individus ensemble au
sein d’une société. Il n’en reste pas à des considérations générales sur la fragilité des
sociétés modernes, il met en place un procédé décisif : trouver des indicateurs du
degré d’intégration. Au risque de schématiser, reconstruisons en quelques phrases le
raisonnement de Durkheim. Dans les sociétés modernes occidentales, caractérisées
par l’individualisme, les individus tendent à être moins tenus, et donc plus enclins à
se suicider. Il veut monter la relation statistique entre le fait d’être plus ou moins
intégré et la probabilité de se suicider. Ainsi, il pense que le mariage est une
institution qui tient les conjoints. L’état matrimonial devient un indicateur
d’intégration domestique : les gens mariés sont mieux tenus que les personnes
célibataires. En conséquence, il s’attend à ce que les gens mariés se suicident moins
que les célibataires. Selon une analyse quantitative, il vérifie au moins pour les
hommes, cette relation. Durkheim prend également l’indicateur des religions qui
tiennent plus ou moins leurs fidèles (les protestants moins que les catholiques), et il
recommence les opérations de recherche. Il montre qu’en prenant des lunettes de
marque (ou de théorie) « intégration », cela permet de voir que le suicide varie selon
le degré d’intégration des individus. Les hommes et les femmes qui veulent couper le
lien avec la société par le suicide sont ceux et celles qui sont déjà retenus plus
faiblement à cette société antérieurement.

Une enquête, c’est (ou cela devrait être) toujours ce qui sépare le fait d’illustrer une
idée avec quelques bons exemples et le fait de rendre compte d’une idée en la
mettant à l’épreuve du réel au moyen d’une vérification systématique. Ou pour
l’exprimer autrement selon Jean-Claude Passeron, « c’est toujours ce qui sépare la
manipulation d’informations discontinues du traitement méthodique d’un corpus
d’informations contextualisées ».

3. La conception psychosociale de la maladie, anthropologie et


psychosociologie médicale

Que signifient pour nous la santé et la maladie ! Que sont-elles pour un membre de
notre société ? Par l’expérience personnelle de chacun, mais aussi à travers
l’information qui circule dans la société, modelés par ses valeurs, leur image se
structure : être malade, être en bonne santé, c’est semble-t-il, d’abord et seulement,
une expérience individuelle qui ne peut se partager. Pourtant, nous savons que
l’incommunicabilité est déjà rapport aux autres ; on est malade ou bien portant pour
soi, mais aussi pour la société et en fonction de la société. Quel est la définition de
maladie ? Chez l'homme, la maladie est définie comme étant une altération de l'état
de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles
directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou localisés,
fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une
évolution.
Or en français, les termes « maladie » et « malade » sont utilisés de façon indistincte
pour signifier « avoir une maladie » qui signifie que c’est un état reconnu par un
médecin, « être malade » c’est-à-dire se sentir mal donc ressentir des symptômes
d’une affection ou d’une lésion visible ou non, « être un malade » qui renvoie à être
reconnu comme tel par l'entourage ou la société.

Ainsi, la maladie d’abord vécue, subie sans intermédiaire, est aussi apprise : l’enfant,
pensons-nous, ne comprend pas ce qu’est la maladie et ce qu’elle va signifier dans sa
vie ; il doit apprendre à insérer son expérience dans un réseau d’explications et de
règles sociales _ le jeu du malade et du docteur, en particulier, semble avoir ce rôle.
L’adulte lui-même apprend de la société à être malade ; cet apprentissage débute avec
le nom donné par le médecin à la maladie, puis viennent les prescriptions qui sont
des règles d’actions, la rencontre avec les institutions : l’hôpital, la sécurité sociale.
Pour le malade, comme pour le médecin, pour l’assuré social en face de
l’administration, des rôles se différencient et des normes de conduites s’imposent : au
regard de la société, le malade n’est pas équivalent au bien portant. La
sociologie permet également de comparer l'organisation professionnelle de la
profession infirmière dans plusieurs pays : elle est beaucoup plus puissante au
Royaume-Uni que dans le reste de l’Union européenne, observe Benjamin Derbez.
Les sociologues considèrent que la santé est un espace politique, dans lequel
s'expriment des rapports de pouvoir à propos des solutions à apporter aux maladies.
C'est cette dimension sociale et politique des phénomènes sanitaires que la sociologie
analyse.

Etudier la représentation sociale de la santé et de la maladie, c’est observer comment


cet ensemble de valeurs, de normes sociales et modèles culturels est pensé et vécu
par les individus de notre société, étudier comment s’élabore, se structure,
logiquement et psychologiquement, l’image de ces objets sociaux que sont la santé et
la maladie. Nous approchons ainsi l’image que chacun se fait du réel, son
organisation et son sens. Mais puisque l’image contribue à modeler les
comportements, est source de comportements, son étude sera aussi celle d’une des
sources du réel.

Une telle tentative semble cependant inséparable de la conception caractéristique de


notre culture qui, autant que comme faits organiques, envisage aujourd’hui santé et
maladie sous l’angle psychosocial, comme faits psychosociaux. Que l’on tente
d’ailleurs à inclure dans la maladie des états d’inadaptation _ personnelle et sociale _
qui, naguère ne relevaient que d’une approche morale et légale, montre aussi que,
pour nous, la maladie a cessé d’être exclusivement un fait du corps, objectivable en
seuls termes organiques. Cette conception prévaut chez certains médecins ; sous
diverses formes, elle s’exprime dans les manuels médicaux, mais aussi dans la presse
quotidienne. Elle commence à s’inscrire dans les institutions par le biais de réformes
des études médicales ou de la formation du personnel hospitalier par exemple. Elle
est enfin à la source de différents modes d’approches du phénomène maladie. L'état
de santé constitue un révélateur de la réaction des individus aux changements de vie
qu'ils subissent et, de ce point de vue, la maladie devient un symptôme du malaise
social, au même titre que la grève, l'absentéisme ou le stress.

Au cours des siècles, l’orientation vers le corps s’est imposée et c’est le


développement, à partir du XVIème siècle, de l’anatomie, puis de la psychologie.
Plus tard viendra l’utilisation des concepts de la physique et de la chimie. Cependant,
l’autre courant subsiste ; il se manifestera par exemple dans l’intérêt pour les maladies
étrangères, tel qu’on le trouve chez Paracelse et renforcé par la découverte de « terres
nouvelles » où les colonisateurs rencontreront des maladies jusque-là inconnues. Plus
tard, aux XVIIIème et XIXème siècles, on verra l’éclosion d’une véritable
« géographie médicale », les auteurs traçant, comme par exemple August Hirsch, une
carte de la répartition des maladies dans l’espace et dans le temps. Aux mêmes
époques, philosophes et médecins se pencheront sur le problème des liens entre
maladies et conditions sociales. Les campagnes pour l’hygiène et l’amélioration des
conditions de vie seront nombreuses. Que ces approches de faits de maladie soient
bien liées à une certaine vision de la nature du pathologique, un fait l’atteste : au
cours du XIXème siècle, avec le triomphe des idées pastoriennes, les géographies
médicales sont abandonnées en même temps que la conception du pathologique
change. Bien que l’existence de facteurs géographiques soit indéniable _ il y a une
géographie des maladies _ ils apparaissent comme négligeables et la recherche
s’absorbe dans l’étude de l’gent microbien lui-même. De même, les théories de
l’hygiène changeront de sens _ l’accent n’est plus mis sur l’importance intrinsèque
des conditions de vie _ tandis qu’on se rattache aux théories pastoriennes du germe.

De nos jours se développe une réaction contre une conception exclusivement


organiciste et ontologique de la maladie et elle prend la forme de l’étude systématique
des facteurs psychosociaux impliqués dans la maladie et dans les pratiques médicales.
On peut, nous semble-t-il, y distinguer trois courants :
 Le premier, par son intérêt pour la nature même des phénomènes, par ses buts
préventifs et curatifs, fait partie de la médecine : la médecine
psychosomatique, quelles que soient parfois les ambiguïtés de sa définition,
s’intéresse à la nature, à la genèse psychologique autant qu’organique de la
maladie ; la médecine et la psychiatrie sociales tendent à prévenir et à guérir/
 Le second a pour thème : la relativité culturelle des conceptions et des
comportements dans le domaine de la maladie et de la santé. C’est, par
excellence, le domaine de l’anthropologie qui a su mettre en évidence, les
répertoires culturels de mythes, de croyances et des pratiques médicales ainsi
que leurs liaisons avec l’ensemble des valeurs de chaque culture.
 Le troisième courant affirme l’importance des comportements sociaux
concernant la santé et la maladie, qu’il étudie dans notre société. C’est là, nous
semble-t-il, le point de départ de la psychosociologie médicale.
C’est à l’intersection des deux derniers courants, participant à la fois de l’optique
anthropologique et psychosociologique, que nous tenterons de construire notre
cours.

4. Les représentations sociales de la santé et de la maladie

Après avoir défini et décrit les quelques aspects de la sociologie « généraliste »,


passons à un exemple, un terrain particulier de la sociologie : la santé. De la même
manière que précédemment, la santé n’est pas le propre des sociologues puisque la
médecine, l’économie et de nombreuses autres disciplines s’y intéressent, tout
comme la philosophie. La sociologie offre un regard différent, complémentaire
tendant et tentant de circonscrire cette réalité complexe qu’est la santé. La maladie,
particulièrement lorsque la chronicité s'installe, fragilise la personne dans son
insertion sociale et professionnelle, par l'absentéisme qu'elle est susceptible de
générer, mais aussi par la réduction de la capacité de travail qui peut l'accompagner.
Même si la santé est une condition nécessaire pour subir la maladie, il n'en demeure
pas moins vrai que c'est souvent par la maladie (la sienne ou celle des autres) que
l'individu appréhende son état de santé. Il faut ici distinguer les composantes «
subjective » et « objective » de la santé.

Dans chaque situation sociale, le comportement de l’individu ou du groupe varie et


diffère selon qu’il évolue dans une situation ou une autre, un système et un autre,
comme notamment lorsqu’il évolue dans le système de santé. La santé, de manière
générique, peut être saisie comme un domaine de la vie quotidienne et de
l’organisation sociale. Le système de santé, les structures sanitaires et sociales et les
institutions qui les identifient sont à considérer comme des « entreprises » de
socialisation. La sociologie s’applique alors à expliquer les comportements de
l’individu déterminés par les normes de ce système ; ou bien à décrire l’interaction
entre l’individu et le système menant au développement de l’un comme de l’autre. La
sociologie analyse les facteurs favorisant des comportements ou des interprétations
différentes du monde social ; comme par exemple, l’étude des déterminants sociaux
et culturels qui conditionnent la consommation des soins et les comportements dans
l’utilisation du système de santé. Il y en a d’autres.

Le contenu de la sociologie de la santé est lui-même multidimensionnel puisque la


vision sociologique est teintée de paradigmes, nous le savons. En se focalisant sur la
santé ou la maladie, elle signale aussi des points de vue différents, parfois divergents,
souvent complémentaires. La sociologie s’intéresse dès lors à la médecine, aux soins,
aux pratiques de soins mais aussi aux malades, aux professionnels de la santé, aux
entreprises de production de soins, etc. Dans tous les cas, il s’agit d’analyser et
interpréter les caractéristiques et les problématiques propres à la relation
individu/société ou groupe/société dans le contexte particulier de la santé. Une
sociologie appliquée à la santé est relativement récente ; bien que Durkheim, dans
son étude sur le suicide, s’applique à déchiffrer une problématique sanitaire. Le
champ de la santé est approché comme une problématique spécifique avec le
développement des différents régimes de sécurité sociale. La Sécurité Sociale est une
institutionnalisation et des institutions que la sociologie en tant que discipline étudie.
En effet, ces modalités de protection sociale font entrer la santé, et toutes ses
contingences, dans le domaine public. Elles participent au « sacre » de cette valeur
dans nos sociétés. Autrement, des questionnements comme la maladie, surtout
lorsqu’elle est chronique, la déviance et les différents abords thérapeutiques révèlent
le caractère social des problématiques de santé, examinant la santé comme un
phénomène social.

Incontestablement, cette démarche dépasse le champ scientifique de la médecine. La


santé est un fait social. Dans les années qui suivent, l’avènement d’une autre
approche des soins va renforcer cette interpellation propice au développement d’une
sociologie de la santé. Elle concerne un domaine particulier de la médecine et des
soins : la psychiatrie. D’emblée, la santé mentale pose la question du rapport entre
l’individu et la société. L’analyse des facteurs sociaux et culturels de la maladie
mentale, les représentations à l’égard de la folie et l’analyse de l’institution
psychiatrique sont largement considérées comme les travaux pionniers en matière de
sociologie de la santé. A ce titre, Erving Goffman a ouvert de réelles perspectives et
reste identifié comme tel, suite à son étude intitulée : « Asiles. Etude sur la condition
sociale des malades mentaux et autres reclus ». Côté francophone, nous pouvons y
joindre Michel Foucault. L’exemple de la psychiatrie souligne bien les processus
sociaux en jeu dans la définition de la normalité et de la déviance, ainsi que dans les
rapports entre les individus, la communauté et la société, consolidés par le traitement
institutionnel. Cette interrogation a permis l’émergence de la psychiatrie moderne
comme de la sociologie de la santé. La notion contemporaine de santé mentale
renvoie de plus en plus aux capacités d’adaptation de l’individu, aux aptitudes et
habiletés accessibles en fonction de l’élaboration de cet individu et du réseau social
d’appartenance. Cette « explication » ouvre de nouvelles voies d’intervention
thérapeutique. Notons aussi, sans aller au-delà, un travers de ce « revirement » : la
médicalisation de la question sociale.

Au centre de ces différentes formes d’analyse et d’interprétation de la dimension


sociale de la santé se trouve le questionnement philosophique et éthique de la santé.
Ce cours de Sécurité Sociale a disparu dans certaines formations des personnels de
santé. Toutefois, il est impossible de l’évoquer dans l’Economie de la santé comme
sous champs. Les Urgences sont un endroit extrêmement instructif sur ce point.
Qu’il ne faut en aucun cas confondre avec le terme précédent de psychiatrie !
D’autres activités médicales sont marquées par cette prééminence du social dans le
thérapeutique : la psychiatrie, la pédiatrie, la gériatrie. Ces thématiques sont abordées
dans le cadre de l’Economie politique de la santé. Voir à ce sujet un ouvrage qui a fait
date, d’autant qu’il a été écrit par un médecin : « Le normal et le pathologique » de
Georges Canguilhem.

Qu’est-ce que la santé ? D’ailleurs, une des nombreuses définitions de la santé que
proposent les manuels de soins infirmiers ou d’éducation à la santé est celle de
l’homme conçu comme un être bio-psycho-social. Ainsi, la santé est à considérer
comme une norme définie par la société. Il est donc question de pouvoir, d’autorité,
d’(in)égalités et de distribution. Cette norme qu’est la santé est évolutive et fait
évoluer la société dans laquelle elle s’inscrit. La sociologie permet donc, et entre
autres, de distinguer la maladie de la santé, la santé de l’institution hospitalière,
l’institution hospitalière de l’activité médicale, etc.

La sociologie de la santé s’intéresse ainsi à l’analyse des conceptions et des


significations de la maladie en particulier à travers la notion de représentations
sociales. Proposons quelques rubriques :

 L’histoire : malades et maladies d’hier et d’aujourd’hui ;


 Le discours et les représentations de la maladie, de la santé, du handicap ;
 Les facteurs sociaux de la santé ;
 Les indicateurs socio-culturels de la santé ;
 Les systèmes de santé, leurs réformes et leur avenir ;
 Des profanes et professionnels : le rôle de malade, les métiers de la santé ;
 L’hôpital comme organisation productrice et comme entreprise
 Des recompositions sociales autour de la maladie, de la maladie chronique ;
 D’autres médecines et d’autres médecins : notion d’itinéraire thérapeutique ;
 Le droit à la santé, de la santé, d’accès aux soins de santé ;
 L’accessibilité aux services sociaux et sanitaires
 Des problèmes sociaux ou sanitaires spécifiques : les femmes, l’obésité, les
conduites à risque et autres assuétudes, c’est la santé publique, etc. ;
 La consommation des biens et services de santé.
N’ayant pas l’opportunité de poursuivre plus avant ce domaine, cette friche qu’est la
sociologie de la santé, je termine cette approche par quelques thèmes susceptibles
d’éveiller votre curiosité. La bibliographie peut vous aider à satisfaire cet éventuel
appétit. Le SIDA a été un révélateur en la matière.

Historicisme ! L’expérience de la maladie n’est pas seulement individuelle. Chaque


société a ses maladies, mais elle a aussi ses malades. A chaque époque et en tous lieux,
l’individu est malade en fonction de la société où il vit, et selon des modalités qu’elle
fixe. La ligne du temps nous a montré les victimes anonymes de l’épidémie,
considérée comme fléau collectif envoyé par Dieu.

Puis sont apparus les patients aliénés et passifs devant la technique et le savoir du
médecin. Enfin, aujourd’hui, mais ce n’est pas fini, prennent leur place dans le
système les groupes de malades chroniques capables de prendre en charge leur
traitement … C’est l’histoire du malade. Elle montre et démontre que l’expérience de
la maladie et le personnage du malade, le rôle de malade sont socialement construits
et historiquement situés. Être malade, c’est un statut social !

Interactionnisme ! Il est désormais commun de mettre en relief comment les


facteurs, parfois nommés déterminants, sociaux vont influencer la situation de la
santé : aussi bien l’état de santé des individus que l’organisation des soins de santé.
Bien plus encore, l’état de santé des populations et des communautés qui les
composent modifie l’équilibre de la société dont l’archétype est et reste les
épidémies. La contagion reste un modèle bien installé dans l’inconscient collectif, y
compris en regard des pathologies psychiatriques. Bien au-delà, l’enjeu des maladies
chroniques est bien réel et pas uniquement pour les soignants et/ou l’hôpital. Tout
autant, l’évolution des soins de santé et de ses institutions peut influencer d’autres
secteurs de la société : l’économie.

Perspectivisme ! La médecine est, à l’heure actuelle, partagée entre deux objectifs :


restaurer la santé ou modifier l’homme. Lorsqu’elle restaure la santé, elle oublie
l’homme qu’elle place derrière l’atteinte organique et dont elle occulte trop souvent la
souffrance. Lorsqu’elle modifie l’homme, elle ne fait que combler des désirs : de
performances et d’apparence. Elle se soumet aux phénomènes de modes et à la
société moderne qui exige de nos contemporains de toujours se surpasser. Médecine
des remèdes ou médecine des désirs ; laquelle des deux doit-elle être financée ?

Hospitalisme ! L’hôpital est aussi, et il l’a toujours été, une entreprise de socialisation.
L’hôpital a une fonction sociale, une fonction de contrôle social. En outre,
l’institution hospitalière est devenue une entreprise y compris au sens industriel du
terme. Ensuite, l’hôpital s’est doté de nouvelles missions. Ces aspects fournissent à la
sociologie de nombreux objets d’étude. L’hôpital est d’un point de vue sociologique
un bouillon de cultures ou de logiques de métiers, le plus souvent vécues ou
pressenties comme contradictoires, pour ne pas dire conflictuelles. C’est « un champ
de bataille » s’exclame Vega, l’ethnologue. L’institution est complexe, au moins sur
un point la dualité des lignes d’autorité. M. Crozier s’y est intéressé à l’hôpital en
dépassant le point de vue de Mintzberg, en dépassant ce modèle de bureaucratie
professionnelle, en y adjoignant la notion de stratégies.

En résumé, l’hôpital, et les métiers qui s’y organisent, restent à l’image de la société
qu’elle prétend soigner ! Professionnalisme ! Métier ou profession, le médecin, ce «
mandarin » de l’hôpital, lui-même cœur de notre dispositif sanitaire socialement
financé, qui est-il ? Comment devient-on médecin ? D’étudier les déviances, Talcott
Parsons propose deux idéals-types : contrôleur social ou entrepreneur moral. La
médecine est une science normative et, d’ailleurs, de plus en plus normée. N’est-elle
pas présente, omniprésente et parfois omnipotente, jusque dans les tribunaux ?
Corporatisme ! La mise en perspective par l’histoire a mené l’analyse de la profession
de soignant, en général, et d’infirmière en particulier. L’évolution de son rôle ou de
ses missions est mise en lien avec le développement sanitaire, culturel et
technologique de nos sociétés. L’interprétation est double car elle s’appuie sur la
division sexuelle du travail, instituant un double régime de domination
subordination. Le parallèle ou plus exactement, des convergences s’inscrivent entre
la mutation professionnelle, et pourtant para-médicale, de l’infirmière-soignante et
l’image sociale de la femme. L’histoire se répète !

Chronicisme ! Nous l’avons seriné : les maladies et affections chroniques sont la


raison d’être et de vivre des professions de santé (sic) comme de la sociologie et de
l’économie de la santé (re-sic). Malade chronique est quasiment devenu une «
nouvelle » catégorie socio-professionnelle, se normalisant sous les effets socialisants
de la médecine et des soins. Le cas de la vieillesse et le terme de compliance sont des
plus révélateurs de cette emprise. On peut donc faire carrière comme malade !

Conclusion générale

En résumé, les caractères de cette méthode sont les suivants. D’abord, elle est
indépendante de toute philosophie. Parce que la sociologie est née des grandes
doctrines philosophiques, elle a gardé l’habitude de s’appuyer sur quelque système
dont elle se trouve ainsi solidaire. C’est ainsi qu’elle a été successivement positiviste,
évolutionniste, spiritualiste, alors qu’elle doit se contenter d’être la sociologie tout
courte.

Au reste, la philosophie elle-même a tout intérêt à cette émancipation de la


sociologie. Car, tant que le sociologue n’a pas suffisamment dépouillé le philosophe,
il ne considère les choses sociales que par leur côté le plus général, celui par où elles
ressemblent le plus aux autres choses de l’univers. Or, si la sociologie ainsi conçue
peut servir à illustrer de faits curieux une philosophie, elle ne saurait l’enrichir de
vues nouvelles, puisqu’elle ne signale rien de nouveau dans l’objet qu’elle étudie.

En premier lieu, la sociologie ignorera les théories auxquelles elle ne saurait


reconnaître de valeur scientifique, puisqu’elles tendent directement, non à exprimer
les faits, mais à les réformer. En second lieu, notre méthode est objective. Elle est
dominée toute entière par cette idée que les faits sociaux sont des choses et doivent
être traitées comme telles.

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