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Université Ibn Tofaïl

Faculté des Lettres et des Sciences


Humaines -Kenitra

Champ disciplinaire : Sociologie (1er Semestre)


Matière : Domaines de la sociologie
Année Universitaire : 2020/2021
Nom de l’enseignant : Mr. Khalid Chahbar

2
Il n’est pas sûr que la sociologie rende les sociétés
meilleures, mais il est certain que les sociétés seraient pires
qu’elles ne le sont, si la sociologie ne leur renvoyait pas une
image d’elles-mêmes plus au moins vraisemblable et, dans
la plupart des cas, une image assez peu complaisante

François Dubet (2011), À quoi sert vraiment un sociologue ?


Paris, Armand Colin, pp.23-24

2
La première séance
Plan de cours

Introduction

I-Quelques fondements de l’approche sociologique

II- La spécificité du regard sociologique : quelques exemples illustratifs


1-Le regard du sociologue sur le sport
2-Le regard du sociologue sur le suicide
3-Le regard de sociologue sur le crime
4-Le regard de sociologue sur le sondage d’opinion
5-Le regard de sociologue sur la jeunesse
II-Quelques domaines de la sociologie
La complexité, la richesse et l’ampleur de la pratique sociologique
1-Sociologie de l’école
1.1-Sociologie de l’école ou sociologie de l’éducation
1.2-Quelques essais théoriques sur l’école : Emile Durkheim, Pierre Bourdieu, Baudelot et
Establet.
2-Sociologie des religions
2.1-Sociologie des religions ou sociologie religieuse
2.2-La spécificité de l’approche sociologique dans la compréhension du fait religieux
2.3-Les traditions sociologiques et le fait religieux : Durkheim, Marx et Weber
3- Sociologie de la famille
3.1-La spécificité de l’approche sociologique dans la compréhension du fait familial
3.2-Les fonctions de la famille
3.3-Les mutation du lien familial : la multiplication des formes familiales

Objectifs du cours :
À la fin du cours, l’étudiant devra être capable de :
1-Nommer et décrire les éléments qui composent la perspective sociologique
2-Distinguer le savoir sociologique du sens commun grâce à la familiarisation avec la
démarche sociologique sous ces aspects à la fois théoriques et méthodologiques.
3-Avoir déjà une première idée des grands domaines de la sociologie.
Références bibliographiques
1-Michel De Coster, Bernadette Bawin-Legros, Marc Poncelet, Introduction à la sociologie,
Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2005.

2
2-Claude Giraud, Histoire de la sociologie, Paris, PUF, Coll., Que-sais-je ? PUF, 3ème édition,
2004.
3-Marie Duru-Bellat et Agnès Henriot-Van Zanten (Dir.) Sociologie de l'école. Paris, Armand
Colin, 1997.
4-Jean-Paul Willaime, Sociologie des religions. Paris, PUF, 1995.
5-François de Singly, Sociologie de la famille contemporaine. Paris, Armand Colin, 2004.

2
Introduction

Dans ce cours, nous explorerons, d’une manière succincte, les subdivisions


internes de la sociologie en cernant ses principaux domaines d’études. Il ne
s’agit pas d’établir l’inventaire exhaustif des domaines dans lesquels le travail
sociologique s’est jusqu’ici déployé, ni d’évoquer l’ensemble des recherches qui
y ont été impliqués, mais de donner un bref aperçu sur quelques sous-champs
disciplinaires de la sociologie.Une discipline qui a accumulé une quantité
considérable de connaissances : des livres et des auteurs qui ont marqué leur
époque (Emile Durkheim, Max Weber, Karl Marx, Talcott Parsons, Michel
Crozier, Pierre Bourdieu...), des données empiriques, des théories largement
diffusées, des instruments de mesure, des outils d'intervention...etc.

Précisément, nous tenterons de mettre en perspective, dans un premier temps,


certaines problématiques de la discipline qui nous semblent super instructifs en
termes pédagogique et didactique, à savoir révélatrices quant à la manière de
« faire de la sociologie », et de donner, dans un second temps, une idée sur
quelques domaines de la sociologie. Ce faisant, on peut montrer l’ampleur et la
richesse de la pratique sociologique, la diversité des thèmes qu’elle étudie et la
complexité de ses contours. Une complexité qui a été l’objet, dès le début de la
sociologie, d’une abondante littérature.

De fait, il est intéressant de remarquer que la sociologie n’est pas une discipline
simple et homogène, mais un champ disciplinaire qui reste éclaté entre plusieurs
courants/écoles de pensée, différentes approches/modèles théoriques et où se
déploient plusieurs spécialités.

Toutefois, le fait de reconnaitre que la sociologie est une vaste maison qui abrite
beaucoup du monde pour mettre l’accent sur la diversité de ses paradigmes et de
ses différentes écoles de pensée n’empêche aucunement qu’entre toutes ces
spécialités il y ait un tronc commun. De fait, la grande majorité des sociologues
tendent à s’accorder sur les contours de cette discipline et sur le cadre général

2
qui fonde sa spécificité, permettant ainsi de reconnaitre la sociologie comme
science originale. Il s’agit d’un accord épistémologique entre les sociologues au-
delà de leurs divergences théoriques, d’un « système d’habitudes
intellectuelles », d’après l’expression d’Auguste Comte, propre au métier de
sociologue, d’un savoir sociologique commun dont les sociologues
contemporains s’en inspirent et s’y réfèrent. Bref, il s’agit d’une unanimité ou
un consensus sur ce que signifie « penser de manière sociologique ».
Ce consensus donne la possibilité de décliner les fondements de l’approche
sociologique sur les divers domaines de son intervention tels que : la religion
(sociologie des religions), l’éducation (sociologie de l’éducation), la famille
(sociologie de la famille), le travail (sociologie du travail ou d’emploi), les
organisations (sociologie des organisations), le genre (sociologie du genre), le
pouvoir politique (sociologie politique), le monde rural (la sociologie rurale) et
urbain (sociologie urbain), la santé (sociologie de la santé), la migration
(sociologie des migrations), la consommation (sociologie de consommation),
etc.

Soulignons ici que sur la question : comment peut-on définir la sociologie, par
son objet ou par ses méthodes et son regard ? les sociologues oscillent entre
deux conceptions1:

1-La conception domaniale ou territoriale de la discipline comme la recherche


des « frontières ». À cet égard, l’exemple de la sociologie de Durkheim est
paradigmatique parce qu’il assignait à la sociologie un domaine ou un territoire
particulier, soutenant l’existence de phénomènes essentiellement sociaux. Pour
lui, le fait social est une réalité irréductible à tout type de réalités, qu’elles
soient d’ordre psychologique, biologique, physique, etc. Cette réalité coïncide
donc avec le domaine d’investigation sociologique. Par conséquent, les
phénomènes sociaux représentent un domaine à part de la vie ou de l’activité

1
Voir à ce propos : Michel De Coster, Bernadette Bawin-Legros, Marc Poncelet, Introduction à la sociologie,
Editions De Boeck Université, Bruxelles, 2005, pp.35-36.

2
humaine, et non un aspect ou une perspective de cette existence. Du fait,
d’après cette conception, pour qu’une science existe, il faut qu’elle ait un objet
propre, qu’elle renvoie à des phénomènes bien définis afin de ne pas être
simplement une sorte de posturemoraleetphilosophiquesurlemonde2.

2-Le point de vue de perspective3 : estime qu’il n’y a pas d’objet sociologique
par essence, mais que toute activité humaine signifiante peut être analysée
en termes sociologique. Dès lors, si la sociologie s’occupe des phénomènes
sociaux, qu’ils s’expriment en termes d’actions, d’interactions, d’organisations,
d’institutions, de contrainte, etc., c’est pour en chercher l’explication dans les
facteurs sociaux eux-mêmes. En effet, en promenant un regard sociologique sur
n’importe quel phénomène- serait-ce une table ou émotion- on le « socialise »
en quelque sorte et on le rend par conséquent justiciable de cette discipline.
Autrement dit, en procédant ainsi, on construit mentalement un objet quel qu’il
soit, en fonction de son point de vue, à l’aide d’une conceptualisation et d’une
méthodologie sociologiques. Prenons l’exemple d’une réaction purement
émotionnelle comme les pleurs ou le rire. Nous donnons un caractère
strictement social à ce type de réaction en la rapportant, non à la personnalité
de son auteur, ce qui est le propre de la psychologie, ni à des facteurs
physiologiques mais à des facteurs culturels ou à des appartenances de
classes sociales qui permettent, par exemple, d'en expliquer soit la
spontanéité, les éclats ou, au contraire la retenue ou le contrôle : on rit aux
cuisines, on sourit au salon, dit le dicton. Dans cette perspective, la sociologie
est une pensée de la compréhension de la complexité du monde, qui se définit
par une méthode qui autorise à prendre pour point de départ de sa réflexion à
peu près n’importe quel élément de la réalité sociale, aussi insignifiant,
prosaïque ou futile puisse-t-il paraître, dès lors que la méthode sociologique va
restituer cet élément dans la totalité de ses relations signifiantes. En corollaire,

2
Michel De Coster, Bernadette Bawin-Legros, Marc Poncelet, Introduction à la sociologie, op-cit.
3
Ibid.

2
l’objet de la sociologie ne peut être circonscrit aux individus, aux groupes ou
aux collectivités humaines, ni davantage aux actions ou aux choses elles-mêmes,
mais bien plutôt à la logique sociale qui sous-tend ces actions, à la manière
dont ces choses sont reliées entre elles, dans le contexte d’une totalité que le
sociologue tient pour signifiante. Ici, on ne cherche pas à cerner l’objet de la
sociologie mais sa nature contextuelle et relationnelle. Car la sociologie est
perçue, dans cette perspective, comme une discipline globalisante qui consiste à
contextualiser les processus d’interactions sociales, c’est-à-dire à reconstituer
tout le réseau de relations, manifestes ou souterraines, matérielles ou mentales,
qui lie les choses et les personnes entre elles. De fait, qu’est-ce qu’une science,
dit Paul Veyne4, sinon la détermination d’invariants qui permettent de
retrouver la diversité des phénomènes, c’est-à-dire la recherche d’invariants
permettant de rendre compte de situations régulières.

Globalement, si Durkheim croit pouvoir définir la sociologie par son objet, le


fait social, même s’il avait conscience que l’étude de fait social relevait
également d’autres disciplines comme l’histoire, la géographie, l’anthropologie,
l’économie…etc, aujourd’hui, on met souvent au premier plan la méthode.
Désormais, ce champ disciplinaire se définit plutôt par un certain type de
questionnement, un certain point de vue sur l’objet, une certaine posture du
savantet non par l’objet qu’il étudie. Car, il est indéniable que la sociologie
moderne s’oriente vers une conception moins domaniale de son
objetlorsqu’elle prétend s’intéresser à n’importe quel processus humain mais
d’un point de vue particulier. C’est ce point de vue ou cette perspective qui
définit son originalité. Certes, il advient que, compte tenu de la perspective
adoptée, un secteur de l’activité humaine soit privilégié, ce qui n’enlève rien à
l’idée qu’il faut renoncer à une conception territoriale de la science.

4
Veyne Paul, 1976, L’inventaire des différences, Paris, Le Seuil.
2
Toutefois, s’il est particulièrement utile pour les étudiants du premier semestre
d’avoir déjà une première idée des grands domaines de la sociologie, en
privilégiant l’étendue plutôt que la profondeur, nous cherchons à mettre en
lumière, en guise d’esquisse, les fondements de l’approche sociologique.

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