HTA Chez L'enfant Et L'adolescent
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www.elsevier.com/locate/emcaa
Hypertension artérielle
chez l’enfant et l’adolescent
Hypertension in children and adolescents
J.-L. André
Néphrologie pédiatrique, CHU de Nancy, Hôpital d’Enfants, rue du Morvan,
54511 Vandœuvre-Lès-Nancy cedex, France
MOTS CLÉS Résumé L’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant et de l’adolescent doit être mieux
Pression artérielle ; dépistée par la mesure systématique de la pression artérielle lors de tout examen clinique
Hypertension pédiatrique. Plusieurs particularités caractérisent l’HTA de l’enfant : l’utilisation d’un
artérielle ; brassard adapté et la répétition des mesures est indispensable ; l’évolution des chiffres
Enfant ;
avec l’âge et le développement somatique nécessitent la référence à des valeurs établies
Risque
cardiovasculaire en fonction du sexe, et de la taille ; la définition de seuils d’HTA est graduée pour
distinguer l’hypertension limite de l’hypertension confirmée ou sévère. La mesure
ambulatoire de la pression artérielle peut faciliter la détection de l’hypertension limite et
le suivi du traitement. Le recueil très précis des données cliniques conditionne le
diagnostic de l’hypertension primitive ou secondaire. Les signes de retentissement sur les
organes cibles et la notion de contexte de facteurs de risque cardiovasculaire, personnel
ou familial, sont systématiquement pris en compte. L’hypertension limite pourrait être
une expression précoce dès l’enfance de l’HTA primitive ou essentielle de l’adulte.
L’hypertension confirmée ou sévère chez l’enfant est le plus souvent secondaire. Les
investigations d’abord non invasives sont guidées individuellement en fonction de l’orien-
tation clinique. Une affection rénale ou rénovasculaire est l’étiologie la plus fréquente.
Une atteinte endocrinienne ou une coarctation de l’aorte peuvent aussi parfois être en
cause parmi d’autres diagnostics. Un traitement médicamenteux doit être utilisé rapide-
ment chez les enfants symptomatiques ou porteurs d’une hypertension sévère, relayé par
le traitement de la cause s’il est possible. Les mesures hygiénodiététiques et en
particulier la réduction de l’excès pondéral sont toujours la première étape du traitement
dans l’hypertension limite.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
1762-6137/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcaa.2005.07.008
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 479
La mesure est effectuée au repos depuis au moins Niveau tensionnel, pression artérielle
5 minutes et en position allongée ou assise, au ambulatoire
membre supérieur reposant sur un support (bras
droit de préférence en raison de l’asymétrie obser- La variabilité intra-individuelle pose le problème,
vée en cas de coarctation aortique). La méthode de comme chez l’adulte, de la reproductibilité des
référence classique est la méthode auscultatoire mesures. Elle impose leur répétition, dans l’instant
utilisant un manomètre à mercure. Un manomètre et dans le temps, pour évaluer le niveau tensionnel.
anéroïde le remplace maintenant le plus souvent en On a pu montrer que la neutralisation de la réaction
raison de l’éviction du mercure pour des raisons d’alerte nécessitait environ 8 minutes avec des
environnementales. La PA diastolique (PAD) est écarts de l’ordre de 12 mmHg sur la PAS et de
définie par la disparition des bruits.4–6 La largeur du 8 mmHg sur la PAD entre la première et la huitième
brassard est le facteur le plus important de varia- minute, temps où est atteint le plateau du niveau
bilité des résultats : il doit être adapté au bras de tensionnel stable de repos.12–14 On sait par ailleurs
l’enfant de manière à couvrir les deux tiers de sa que la prévalence de l’HTA dans une population
longueur entre l’acromion et l’olécrane, soit sensi- diminue lorsque l’évaluation tensionnelle est répé-
blement 40 % de sa circonférence. L’utilisation d’un tée.13 La mesure du niveau tensionnel d’effort
brassard trop étroit majore artificiellement les n’est plus guère pratiquée que dans le cadre de
480 J.-L. André
Figure 1 Pression artérielle des garçons et des filles de 4 à 18 ans en fonction de la taille. Étude de Nancy et seuils de l’hypertension
artérielle (HTA) (Société de néphrologie pédiatrique).
l’évaluation des capacités sportives. La mesure de la puberté. Parmi les nombreuses études épidémio-
la PA en ambulatoire avec un enregistrement pen- logiques maintenant disponibles, on peut citer aux
dant 24 heures est maintenant pratiquée chez les États-Unis celle dite de la Task Force on Blood
enfants. Difficilement applicable avant l’âge de Pressure in Children, qui rassemble les données
6 ans, elle requiert les mêmes impératifs de choix mesurées dans plusieurs centres et plusieurs eth-
de brassard que la mesure au repos. L’automesure nies.20 Cette étude vient de faire l’objet d’une
en milieu familial, après une formation précise et quatrième révision confirmant une pondération des
avec un appareil homologué permet aussi la multi- valeurs recensées en fonction de la taille pour l’âge
plication des mesures dans le milieu habituel en sous forme de tables.4 En France, l’étude effectuée
permettant de neutraliser l’effet « blouse blan- à Nancy concernant 17 067 enfants âgés de 4 à
che ». Ces deux approches sont intéressantes dans 18 ans a été retenue par la Société de néphrologie
les cas d’HTA limite ou labile et pour l’évaluation pédiatrique.21,22 Les valeurs fréquentes observées
de l’efficacité d’un traitement. Leur mise en œu- sont exprimées sous forme de graphiques de per-
vre et l’interprétation des résultats requièrent une centiles en référence à la taille pour chaque sexe
équipe spécialisée dans le domaine de l’HTA pédia- (Fig. 1). Ses résultats sont intégrés dans une étude
trique.4,14–19 européenne regroupant 28 043 enfants.23 Chez les
nouveau-nés, la PAS augmente surtout au cours du
premier mois d’une valeur moyenne de l’ordre de
75 ± 9 mmHg jusqu’à 90 ± 10 mmHg puis évolue
Pression artérielle normale peu jusqu’à l’âge de 4 ans.4,24,25 La PAD est sensi-
blement stable de 40 à 50 ± 10 mmHg. Les valeurs
Valeurs fréquentes de référence fréquentes de la PA ambulatoire chez l’enfant ont
été publiées plus récemment, avec référence à la
La PA augmente avec l’âge et la croissance, et de taille et comparaison des valeurs de jour et de
manière plus importante chez le garçon à partir de nuit.15–18
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 481
Tableau 1 Valeurs repères de la PA (médiane et seuil de l’HTA) en fonction de la taille (cm) et correspondance des âges
(moyenne ± 2 écarts types [ET]) pour la taille.
Garçons
PA systolique PA diastolique Âge pour la taille
Taille (cm) médiane HTA médiane HTA moyen ± 2 ET
100 96 119 52 72 3,7 3-5
110 100 121 55 74 5,2 4-7
120 104 124 57 75 7 5,5-9
130 106 127 58 76 9 7-11
140 108 130 59 77 11 9-13,9
150 112 133 59 78 12,6 10,7-14,8
160 117 140 60 82 14 12,2-16,3
170 123 147 63 84 15,6 13,3-
180 126 153 65 86 - 14,6-
Filles
Taille (cm) médiane HTA médiane HTA moyen ± 2 ET
100 93 115 52 72 4 3-5,2
110 97 117 55 74 5,5 4,5-7
120 100 120 57 75 7,2 6-9
130 103 125 59 76 9 7,5-11
140 107 128 60 77 11 9-12,5
150 111 133 61 78 12,3 10,3-
160 115 137 63 80 15 12,5-
170 117 140 65 83 - -
• HTA de stade 1 : entre le 95e percentile et le 99e diagnostique précise est ensuite guidée par les
percentile + 5 mmHg ; résultats de ces premières investigations et selon le
• HTA de stade 2 : PA > 99e percentile + 5 mmHg. niveau d’HTA observé.
La comparaison entre ces options de définition
montre que la classification française pourrait
conduire à sous-estimer l’incidence de l’HTA ou la Conduite à tenir
classification américaine à la surestimer. Le Ta-
Première évaluation : caractère sympto-
bleau 1 propose des valeurs repères de la PA mé-
matique et orientation étiologique éven-
diane et du seuil de l’HTA. En pratique, la confir-
tuelle
mation de la PA par la répétition des mesures, et
Anamnèse : prématurité, notion familiale
leur suivi, sont nécessaires dans tous les cas pour
d’HTA, de pathologie vasculaire ou rénale, mo-
classer les patients. La conduite à tenir ne peut pas
des de vie, diététique, activité physique, som-
être codifiée uniquement en fonction des chiffres,
meil, céphalées, trouble visuels, fatigabilité
mais doit aussi tenir compte des signes cliniques, de
Examen clinique : pondérosité, souffle vas-
l’environnement familial et de l’existence éven-
culaire, fémorales palpables, signes cutanés
tuelle de facteurs de risque vasculaire associés.
Dosages sanguins : créatinine, ionogramme,
acide urique, glucose, cholestérol, triglycérides
Évaluation de l’HTA
Dosages urinaires : protéinurie ou microalbu-
minurie, cytologie, électrolytes
Les modalités d’exploration et de prise en charge
Échographie rénale ± échodoppler des artè-
sont nuancées et graduées. Elles apprécient le ca-
res rénales et de l’aorte
ractère symptomatique ou non de l’HTA et visent à
± échographie cardiaque et examen ophtal-
estimer la gravité potentielle immédiate ou diffé-
mologique
rée. Le recours à la mesure de la PA en ambulatoire
± rénine et aldostérone plasmatique, et caté-
peut contribuer à mieux préciser la classe d’HTA et
cholamines urinaires
l’orientation entre HTA primitive et secondaire :
une charge de la PAS nocturne supérieure à 50 % et
de la PAD diurne supérieure à 25 % serait significa- Hypertension artérielle-limite,
tivement en faveur d’une HTA secondaire.19 asymptomatique
L’anamnèse et une première phase d’investiga-
tions explorent à la fois le retentissement et les La difficulté dans ces circonstances est de ne pas
orientations étiologiques éventuelles. La démarche méconnaître une éventuelle HTA secondaire débu-
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 483
• les glomérulopathies aiguës ou chroniques (30 à sécrétion de rénine sont exceptionnelles et de dia-
40 %) ; elles s’accompagnent d’une surcharge gnostic difficile.
volémique, d’une protéinurie abondante, d’une
hématurie et souvent d’une insuffisance rénale. Autres causes rares
Il s’agit des néphroses corticorésistantes et des Elles ont une origine neurologique (encéphalite,
glomérulonéphrites prolifératives sévères, pri- hypertension intracrânienne, dysautonomie, syn-
mitives ou secondaires : néphropathies à immu- drome de Guillain et Barré), métabolique (hyper-
noglobulines A, lupus érythémateux disséminé, calcémie, porphyrie) ou médicamenteuse (cortico-
vascularites, glomérulopathies membranoproli- thérapie, ciclosporine, hypervitaminose D, vaso-
fératives ; leur diagnostic est précisé par les constricteurs, amphétamines).
tests immunologiques et par la ponction-biopsie
rénale ; Particularités du nourrisson
• les séquelles de syndrome urémohémolytique (6 La coarctation de l’aorte, la polykystose sont les
à 14 %) ; principales étiologies. La thrombose de l’artère
• les reins cicatriciels (15 à 30 %) ; il s’agit de rénale, après pose de cathéter ombilical ou déshy-
lésions secondaires à des épisodes de pyélo- dratation sévère sont rares.11
néphrites, eux-mêmes liés fréquemment à un
reflux vésicorénal ; Hypertension artérielle primitive, essentielle
• les atteintes rénovasculaires (8 à 12 %) ;45 une Sa fréquence semble augmenter avec l’âge, et dif-
sténose peut concerner le tronc de l’artère ré- fère beaucoup selon les séries publiées. Elle corres-
nale ou ses branches ; elle est liée à une dyspla- pond plus souvent à une HTA-limite survenant chez
sie fibromusculaire ou peut s’intégrer à une un enfant obèse ou ayant une histoire familiale
affection générale ; les affections en cause peu- d’HTA ou de pathologie cardiovasculaire. La règle
vent être une maladie de Recklinghausen, une chez l’enfant en présence d’une HTA confirmée et
maladie d’Ehlers-Danlos, un pseudoxanthome en l’absence de notion familiale nette, est de ne
élastique, un syndrome de Williams-Beuren, une retenir cette éventualité qu’après une recherche
artérite de Takayashu ; étiologique particulièrement minutieuse.
• les polykystoses rénales et autres atteintes pa-
renchymateuses malformatives sont en cause
dans 5 à 10 % des cas ; chez l’enfant, la forme à Traitement de l’hypertension artérielle
transmission autosomique récessive est la plus
fréquente, bien que de rares formes dominantes
chez l’enfant
à révélation précoce puissent aussi être à l’ori-
gine de l’HTA ; Traitement non pharmacologique
• la transplantation rénale, l’insuffisance rénale
chronique à un stade avancé sont des causes à Les conseils hygiénodiététiques habituels concer-
part, faciles à diagnostiquer par leur contexte et nent d’abord la correction et la prévention de toute
de mécanisme multiple, vasculaire, parenchy- surcharge pondérale, puis la modération des ap-
mateux ou liées aux traitements (corticoïdes, ports sodés. L’activité physique et sportive régu-
ciclosporine, tacrolimus). lière, l’abstention du tabagisme sont également
conseillées. On s’efforcera d’obtenir le suivi de la
PA et de ces conseils d’autant plus que la notion
Causes endocriniennes d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, no-
Rapportées avec une fréquence de 1 à 8 %, elles tamment familiaux, sont présents. L’efficacité de
sont surtout représentées par le phéochromocy- la réduction de l’obésité a été démontrée non
tome. Le diagnostic est affirmé par les dosages seulement sur l’HTA mais aussi sur la sensibilité au
spécifiques des catécholamines urinaires, et en sel et sur la diminution d’autres facteurs de risque
particulier de la noradrénaline et de la norméta- vasculaire tels que les dyslipémies ou l’hyperinsuli-
drénaline. Les autres causes endocriniennes sont nisme.46 En l’absence de symptômes, de signes de
rares et l’on peut citer les hyperaldostéronismes retentissement et d’anomalies lors de la première
suppressibles par la dexaméthasone, les défauts phase d’investigations, le recours à un traitement
enzymatiques de la stéroïdogenèse (déficit en médicamenteux n’est pas justifié dans un premier
11 bêta-hydroxylase et pseudohermaphrodisme de temps. Sa persistance au-delà de 6 mois ou l’évolu-
la fille ou le déficit en 17-alpha-hydroxylase avec tion vers une HTA confirmée peut faire envisager la
pseudohermaphrodisme chez le garçon), les syn- prescription de médications antihypertensives à
dromes de Liddle et de Cushing. Les tumeurs à doses progressives.3,4,40,47
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 487
ceptions, ne sont pas adaptés aux besoins des indication rénale. Si la tolérance de l’HTA est
très jeunes enfants. En pratique, ceci conduit critique, le recours à la nifédipine ou parfois au
les pédiatres à une prescription relativement labétalol injectable associé au furosémide est
restreinte de médications « classiques ». Le nécessaire. Ce n’est qu’en cas d’HTA rebelle
choix repose sur une bonne expérience du ma- avec manifestations viscérales majeures que
niement des posologies adaptées à l’enfant et l’on utilise les vasodilatateurs d’action directe
une bonne connaissance des effets secondai- tels que la prazosine ou le minoxidil.4
res.49–52 Les Tableaux 3 et 4 présentent une sélec-
tion non limitative des médicaments le plus cou- Dans les HTA chroniques, les diurétiques peuvent
ramment utilisés en pédiatrie dans le cadre de être utiles dans les néphropathies avec rétention
l’HTA confirmée et dans le cadre des crises hyper- hydrosodée. Les antihypertenseurs le plus habituel-
tensives avec les posologies habituellement préco- lement employés sont les IEC en l’absence de
nisées. contre-indication (hyperkaliémie, sténose serrée
Les HTA immédiatement menaçantes doivent de l’artère rénale), les inhibiteurs calciques ou les
être prises en charge en milieu spécialisé. On a bêtabloquants, avec éventuellement des associa-
recours préférentiellement aux inhibiteurs des tions entre eux. La présentation de l’acébutolol en
canaux calciques (nifédipine ou nicardipine) ou solution, disponible dans les pharmacies hospitaliè-
bien aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion res, peut être utile chez les jeunes enfants. Quel-
(IEC) par voie orale dans un premier temps. ques études rapportant l’utilisation chez l’enfant
L’utilisation de la nicardipine est contre- des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine
indiquée chez le nourrisson et la posologie des sont maintenant disponibles.53 Le phéochromocy-
IEC doit être progressive après s’être assuré de tome est une indication au recours préférentiel au
l’absence d’hyperkaliémie ou de contre- labétalol ou à la prazosine.
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