HTA Chez L'enfant Et L'adolescent

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EMC-Cardiologie Angéiologie 2 (2005) 478–490

www.elsevier.com/locate/emcaa

Hypertension artérielle
chez l’enfant et l’adolescent
Hypertension in children and adolescents
J.-L. André
Néphrologie pédiatrique, CHU de Nancy, Hôpital d’Enfants, rue du Morvan,
54511 Vandœuvre-Lès-Nancy cedex, France

MOTS CLÉS Résumé L’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant et de l’adolescent doit être mieux
Pression artérielle ; dépistée par la mesure systématique de la pression artérielle lors de tout examen clinique
Hypertension pédiatrique. Plusieurs particularités caractérisent l’HTA de l’enfant : l’utilisation d’un
artérielle ; brassard adapté et la répétition des mesures est indispensable ; l’évolution des chiffres
Enfant ;
avec l’âge et le développement somatique nécessitent la référence à des valeurs établies
Risque
cardiovasculaire en fonction du sexe, et de la taille ; la définition de seuils d’HTA est graduée pour
distinguer l’hypertension limite de l’hypertension confirmée ou sévère. La mesure
ambulatoire de la pression artérielle peut faciliter la détection de l’hypertension limite et
le suivi du traitement. Le recueil très précis des données cliniques conditionne le
diagnostic de l’hypertension primitive ou secondaire. Les signes de retentissement sur les
organes cibles et la notion de contexte de facteurs de risque cardiovasculaire, personnel
ou familial, sont systématiquement pris en compte. L’hypertension limite pourrait être
une expression précoce dès l’enfance de l’HTA primitive ou essentielle de l’adulte.
L’hypertension confirmée ou sévère chez l’enfant est le plus souvent secondaire. Les
investigations d’abord non invasives sont guidées individuellement en fonction de l’orien-
tation clinique. Une affection rénale ou rénovasculaire est l’étiologie la plus fréquente.
Une atteinte endocrinienne ou une coarctation de l’aorte peuvent aussi parfois être en
cause parmi d’autres diagnostics. Un traitement médicamenteux doit être utilisé rapide-
ment chez les enfants symptomatiques ou porteurs d’une hypertension sévère, relayé par
le traitement de la cause s’il est possible. Les mesures hygiénodiététiques et en
particulier la réduction de l’excès pondéral sont toujours la première étape du traitement
dans l’hypertension limite.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Hypertension is an under-recognized clinical entity in children. Blood pressure


Blood pressure; (BP) assessment should be one of the routine examinations in childhood and adolescence.
Hypertension; Many particular features characterize hypertension in children: optimal BP determination
Child; in children requires the use of an appropriately sized cuff and BP measurement must be
Cardiovascular risk repeated for confirmation. The definition of hypertension is based on the normative
distribution of BP in healthy children according to gender, height and age. It is graded to
distinguish mild hypertension from confirmed or severe hypertension. Ambulatory BP
monitoring may facilitate detection of borderline hypertension and treatment monito-
ring. Careful clinical assessment is the key for identifying predisposition to primary adult

Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. André).

1762-6137/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emcaa.2005.07.008
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 479

hypertension or secondary causes. Target organ abnormalities, additional cardiovascular


risk factors and comorbidities have to be taken into account. High BP in childhood and
primary hypertension have to be considered as risk factors for cardiovascular disease in
early adulthood. Secondary hypertension is common in children with confirmed or severe
hypertension and screening test should be individualized for each child. Renal or reno-
vascular causes concern a majority of children but aortic coarctation or endocrine
diseases can also be found. Symptomatic children and patients with severe hypertension
require antihypertensive drug therapy. Lifestyle modifications including diet exercise and
reduction of overweight remain the basic principles of the treatment in mild hyperten-
sion.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction chiffres dans des proportions pouvant dépasser


12 mmHg et, inversement, l’usage d’un brassard
La mesure de la pression artérielle (PA) doit être trop large minore les résultats.5,6 On doit donc
effectuée lors de tout examen clinique d’un enfant disposer de plusieurs brassards permettant un choix
de plus de 3 ans ou d’un adolescent. Sa motivation approprié. Le stéthoscope placé en regard de l’ar-
traditionnelle est le diagnostic précoce et le traite- tère humérale ne doit pas être comprimé par le
ment des formes secondaires de l’hypertension ar- brassard. La mesure au membre inférieur ne peut
térielle (HTA). En présence de chiffres tensionnels être utilisée pour prédire la PA du membre supé-
franchement élevés, une étiologie est souvent mise rieur.7 Son intérêt est limité au monitorage de
en évidence chez l’enfant. Les causes rénales sont variations de la PA en réanimation, lorsque les
les plus fréquentes. Un autre aspect est la prise en membres supérieurs sont inaccessibles. La méthode
considération d’une élévation modérée des chiffres automatique oscillométrique est maintenant très
tensionnels ou d’une HTA limite asymptomatique. couramment utilisée. Elle permet plus facilement
Une cause est alors rarement trouvée. Sa prise en des séries de mesures répétées mais ne dispense
charge s’intègre alors dans une démarche préven- pas du choix d’un brassard approprié et d’un calme
tive du risque de morbidité cardiovasculaire à l’âge minimal. La pression artérielle systolique (PAS) et
la PAD sont calculées par des algorithmes. Les
adulte.1–4
résultats peuvent différer sensiblement entre les
appareils.4,6,8,9 Un étalonnage régulier par compa-
raison avec la méthode de référence est néces-
Modalités de mesure saire. Cette méthode est cependant particulière-
ment commode et pratiquement indispensable
Mesure conventionnelle : tension artérielle chez les nourrissons ou les plus jeunes enfants et
de repos dans les unités de soins intensifs.10,11

La mesure est effectuée au repos depuis au moins Niveau tensionnel, pression artérielle
5 minutes et en position allongée ou assise, au ambulatoire
membre supérieur reposant sur un support (bras
droit de préférence en raison de l’asymétrie obser- La variabilité intra-individuelle pose le problème,
vée en cas de coarctation aortique). La méthode de comme chez l’adulte, de la reproductibilité des
référence classique est la méthode auscultatoire mesures. Elle impose leur répétition, dans l’instant
utilisant un manomètre à mercure. Un manomètre et dans le temps, pour évaluer le niveau tensionnel.
anéroïde le remplace maintenant le plus souvent en On a pu montrer que la neutralisation de la réaction
raison de l’éviction du mercure pour des raisons d’alerte nécessitait environ 8 minutes avec des
environnementales. La PA diastolique (PAD) est écarts de l’ordre de 12 mmHg sur la PAS et de
définie par la disparition des bruits.4–6 La largeur du 8 mmHg sur la PAD entre la première et la huitième
brassard est le facteur le plus important de varia- minute, temps où est atteint le plateau du niveau
bilité des résultats : il doit être adapté au bras de tensionnel stable de repos.12–14 On sait par ailleurs
l’enfant de manière à couvrir les deux tiers de sa que la prévalence de l’HTA dans une population
longueur entre l’acromion et l’olécrane, soit sensi- diminue lorsque l’évaluation tensionnelle est répé-
blement 40 % de sa circonférence. L’utilisation d’un tée.13 La mesure du niveau tensionnel d’effort
brassard trop étroit majore artificiellement les n’est plus guère pratiquée que dans le cadre de
480 J.-L. André

Figure 1 Pression artérielle des garçons et des filles de 4 à 18 ans en fonction de la taille. Étude de Nancy et seuils de l’hypertension
artérielle (HTA) (Société de néphrologie pédiatrique).

l’évaluation des capacités sportives. La mesure de la puberté. Parmi les nombreuses études épidémio-
la PA en ambulatoire avec un enregistrement pen- logiques maintenant disponibles, on peut citer aux
dant 24 heures est maintenant pratiquée chez les États-Unis celle dite de la Task Force on Blood
enfants. Difficilement applicable avant l’âge de Pressure in Children, qui rassemble les données
6 ans, elle requiert les mêmes impératifs de choix mesurées dans plusieurs centres et plusieurs eth-
de brassard que la mesure au repos. L’automesure nies.20 Cette étude vient de faire l’objet d’une
en milieu familial, après une formation précise et quatrième révision confirmant une pondération des
avec un appareil homologué permet aussi la multi- valeurs recensées en fonction de la taille pour l’âge
plication des mesures dans le milieu habituel en sous forme de tables.4 En France, l’étude effectuée
permettant de neutraliser l’effet « blouse blan- à Nancy concernant 17 067 enfants âgés de 4 à
che ». Ces deux approches sont intéressantes dans 18 ans a été retenue par la Société de néphrologie
les cas d’HTA limite ou labile et pour l’évaluation pédiatrique.21,22 Les valeurs fréquentes observées
de l’efficacité d’un traitement. Leur mise en œu- sont exprimées sous forme de graphiques de per-
vre et l’interprétation des résultats requièrent une centiles en référence à la taille pour chaque sexe
équipe spécialisée dans le domaine de l’HTA pédia- (Fig. 1). Ses résultats sont intégrés dans une étude
trique.4,14–19 européenne regroupant 28 043 enfants.23 Chez les
nouveau-nés, la PAS augmente surtout au cours du
premier mois d’une valeur moyenne de l’ordre de
75 ± 9 mmHg jusqu’à 90 ± 10 mmHg puis évolue
Pression artérielle normale peu jusqu’à l’âge de 4 ans.4,24,25 La PAD est sensi-
blement stable de 40 à 50 ± 10 mmHg. Les valeurs
Valeurs fréquentes de référence fréquentes de la PA ambulatoire chez l’enfant ont
été publiées plus récemment, avec référence à la
La PA augmente avec l’âge et la croissance, et de taille et comparaison des valeurs de jour et de
manière plus importante chez le garçon à partir de nuit.15–18
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 481

Facteurs associés à la pression artérielle ciée à une insulinorésistance et une hyperlipé-


mie.32,33 Enfin, une association avec des troubles
Croissance et maturation pubertaire, du sommeil (ronflement, apnée du sommeil) a été
composantes du poids rapportée, en particulier lors de la coexistence
La PA évolue chez l’enfant avec le développement d’une surcharge pondérale.34
somatique au cours des 2 premières décennies de la
vie. Il existe une corrélation plus étroite entre la PA
et la taille qu’entre la PA et l’âge et surtout, à âge Diagnostic de l’hypertension artérielle
égal, il persiste une liaison significative entre la PA de l’enfant
et la taille alors qu’à taille égale, il n’y a plus de
corrélation entre la PA et l’âge.4,6,21 Ceci justifie Définition de l’HTA
l’intérêt de préférer les systèmes de description de
la PA en fonction de la taille plutôt qu’en fonction La limite entre l’HTA et la pression normale est
de l’âge. La corrélation entre la PA et le poids est arbitraire. Selon les auteurs, les enfants considérés
retrouvée chez l’enfant comme chez l’adulte, mais comme hypertendus sont ceux dont la TA dépasse
la signification de cette liaison doit être nuancée : deux déviations standards au-dessus de la
celle-ci augmente considérablement chez le garçon moyenne, le niveau du 95e percentile ou du 97,5e
au moment de la puberté qui coïncide avec l’aug- percentile.1,2,4,22,23 Il est nécessaire d’utiliser la
mentation de la masse musculaire. L’examen clini- même méthode de mesure que celle employée pour
que et l’utilisation d’indices de pondérosité per- l’établissement des normes auxquelles on se ré-
mettent d’évaluer la nature d’un surpoids éventuel fère. Celle-ci doit porter sur une population sensi-
chez l’adolescent.1,26–28 blement similaire sur le plan ethnique et environ-
nemental. Dans le cadre de la Société française de
Ressemblance familiale néphrologie pédiatrique, la définition et la classifi-
Il existe une liaison significative entre la PA des cation suivantes ont été proposées depuis 1980.22
parents et celle de leurs enfants et plus nette Sont qualifiés d’hypertendus les enfants dont les
encore entre la PA des enfants d’une même fra- PAS et/ou PAD, mesurées à au moins trois reprises
trie.1 L’hérédité et l’environnement sont très intri- espacées, sont supérieures au niveau du 97,5e per-
qués dans ce phénomène d’agrégation familiale. centile des valeurs en référence à la taille et au
Les études réalisées dans des familles comportant sexe, établies à Nancy.21 Pour ne pas médicaliser à
des jumeaux mono- ou dizygotes ou des familles tort, mais aussi afin de ne pas négliger une hyper-
comportant à la fois des enfants naturels et des tension signifiant un risque à terme ou permettant
enfants adoptés sont en faveur d’une prédomi- le diagnostic d’une affection causale, trois niveaux
nance de la composante génétique. Les études d’HTA sont distingués :
génétiques explorent maintenant les différents sys- • HTA limite ou modérée : entre le 97,5e percen-
tèmes associés à la régulation de la PA.29,30 Leur tile et ce niveau plus 10 mmHg ;
intérêt pratique serait de pouvoir déterminer les • HTA confirmée : 97,5e percentile + 10 et <
sujets ayant une prédisposition génétique à déve- + 30 mmHg ;
lopper une HTA, en particulier dans certaines cir- • HTA immédiatement menaçante : 97,5e percen-
constances d’environnement. La mise en évidence tile + 30 mmHg.
d’une corrélation entre insulinémie de jeûne, obé- Des abaques tenant compte de ces seuils de
sité et HTA, associée à une sensibilité au sodium ou définition sont proposés pour chaque sexe permet-
à une hyperréactivité vasculaire, réversible avec la tant également de tracer la tendance au cours de la
maîtrise de la surcharge pondérale, illustre ces croissance. Pour les enfants de 2 à 4 ans, on peut
nouveaux axes d’étude.27,31 Ces associations peu- retenir les mêmes critères en se référant aux en-
vent être intriquées avec les facteurs de risque fants de 95 cm. Pour les enfants de moins de 2 ans,
potentiel de survenue de comorbidités à impact l’HTA confirmée peut être définie par des valeurs
vasculaire tels que le diabète de type 2. de 115/70 mmHg à condition que ces chiffres soient
mesurés dans d’excellentes conditions de calme.
Autres facteurs Chez le nouveau-né, les chiffres de 95/65 mmHg
L’ambiance de vie, les habitudes de consommation sont souvent retenus comme seuils d’HTA.11,24,25
sodée, la personnalité ou le profil psychologique, Le quatrième rapport de l’étude américaine4 a
peuvent aussi, bien que faiblement, être liés à la révisé ses niveaux de définition de l’HTA en distin-
PA. Le développement fœtal pourrait aussi avoir guant :
une influence : une liaison inverse avec le poids de • préhypertension : entre le 95e et le 99e percen-
naissance a été montrée récemment, parfois asso- tile ou si la PA dépasse 120/80 mmHg ;
482 J.-L. André

Tableau 1 Valeurs repères de la PA (médiane et seuil de l’HTA) en fonction de la taille (cm) et correspondance des âges
(moyenne ± 2 écarts types [ET]) pour la taille.
Garçons
PA systolique PA diastolique Âge pour la taille
Taille (cm) médiane HTA médiane HTA moyen ± 2 ET
100 96 119 52 72 3,7 3-5
110 100 121 55 74 5,2 4-7
120 104 124 57 75 7 5,5-9
130 106 127 58 76 9 7-11
140 108 130 59 77 11 9-13,9
150 112 133 59 78 12,6 10,7-14,8
160 117 140 60 82 14 12,2-16,3
170 123 147 63 84 15,6 13,3-
180 126 153 65 86 - 14,6-
Filles
Taille (cm) médiane HTA médiane HTA moyen ± 2 ET
100 93 115 52 72 4 3-5,2
110 97 117 55 74 5,5 4,5-7
120 100 120 57 75 7,2 6-9
130 103 125 59 76 9 7,5-11
140 107 128 60 77 11 9-12,5
150 111 133 61 78 12,3 10,3-
160 115 137 63 80 15 12,5-
170 117 140 65 83 - -

• HTA de stade 1 : entre le 95e percentile et le 99e diagnostique précise est ensuite guidée par les
percentile + 5 mmHg ; résultats de ces premières investigations et selon le
• HTA de stade 2 : PA > 99e percentile + 5 mmHg. niveau d’HTA observé.
La comparaison entre ces options de définition
montre que la classification française pourrait
conduire à sous-estimer l’incidence de l’HTA ou la Conduite à tenir
classification américaine à la surestimer. Le Ta-
Première évaluation : caractère sympto-
bleau 1 propose des valeurs repères de la PA mé-
matique et orientation étiologique éven-
diane et du seuil de l’HTA. En pratique, la confir-
tuelle
mation de la PA par la répétition des mesures, et
Anamnèse : prématurité, notion familiale
leur suivi, sont nécessaires dans tous les cas pour
d’HTA, de pathologie vasculaire ou rénale, mo-
classer les patients. La conduite à tenir ne peut pas
des de vie, diététique, activité physique, som-
être codifiée uniquement en fonction des chiffres,
meil, céphalées, trouble visuels, fatigabilité
mais doit aussi tenir compte des signes cliniques, de
Examen clinique : pondérosité, souffle vas-
l’environnement familial et de l’existence éven-
culaire, fémorales palpables, signes cutanés
tuelle de facteurs de risque vasculaire associés.
Dosages sanguins : créatinine, ionogramme,
acide urique, glucose, cholestérol, triglycérides
Évaluation de l’HTA
Dosages urinaires : protéinurie ou microalbu-
minurie, cytologie, électrolytes
Les modalités d’exploration et de prise en charge
Échographie rénale ± échodoppler des artè-
sont nuancées et graduées. Elles apprécient le ca-
res rénales et de l’aorte
ractère symptomatique ou non de l’HTA et visent à
± échographie cardiaque et examen ophtal-
estimer la gravité potentielle immédiate ou diffé-
mologique
rée. Le recours à la mesure de la PA en ambulatoire
± rénine et aldostérone plasmatique, et caté-
peut contribuer à mieux préciser la classe d’HTA et
cholamines urinaires
l’orientation entre HTA primitive et secondaire :
une charge de la PAS nocturne supérieure à 50 % et
de la PAD diurne supérieure à 25 % serait significa- Hypertension artérielle-limite,
tivement en faveur d’une HTA secondaire.19 asymptomatique
L’anamnèse et une première phase d’investiga-
tions explorent à la fois le retentissement et les La difficulté dans ces circonstances est de ne pas
orientations étiologiques éventuelles. La démarche méconnaître une éventuelle HTA secondaire débu-
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 483

tante et d’estimer le risque de survenue d’une le diagnostic. L’interrogatoire et l’examen clinique


future HTA de l’adulte. Cette catégorie d’HTA collectent tout élément évoquant une prédisposi-
s’apparente à l’HTA essentielle modérée de tion personnelle ou familiale de risque vasculaire
l’adulte. L’expérience montre que, dans la majo- ou orientant vers une étiologie ou un impact orga-
rité des cas, l’enfant est asymptomatique et que, nique : antécédents familiaux d’HTA, d’obésité, de
souvent, aucune étiologie n’est retrouvée. En rai- pathologie cardiovasculaire ou rénale, de diabète
son de la variabilité même de la PA, de la diversité de type II ; antécédents personnels, en particulier
des critères de définition retenus selon les études, uronéphrologiques, médicaments reçus, signes cli-
la fréquence de l’HTA-limite est difficile à appré- niques. L’environnement et le mode de vie sont
hender et dépend des critères de définition rete- également colligés. Les examens complémentaires
nus. Elle se situerait entre 1 et 3 % au premier sont limités à des examens simples non invasifs.
examen pour ne plus être que de l’ordre de 0,8 à 3 % Une échographie vérifie l’intégrité rénale. Le bilan
lorsque les mesures sont répétées quelques semai- lipidique, éventuellement la mesure de la tolé-
nes plus tard.13 rance au glucose peuvent être suivis en cas d’obé-
sité associée ou d’antécédent de diabète. Plus ré-
Signification prédictive
cemment, l’intérêt de l’exploration des troubles du
La question primordiale est de savoir si une valeur sommeil, et particulièrement l’apnée du sommeil,
élevée de la PA observée dans l’enfance permet de a été rapporté chez des enfants en surpoids et
prévoir, avec une fiabilité suffisante, la survenue hypertendus34 et aussi chez les enfants à faible
d’une HTA à l’âge adulte. On dispose maintenant de poids de naissance.32 L’un et l’autre impliqueraient
nombreuses études longitudinales évaluant le phé- une augmentation du risque vasculaire chez
nomène de cheminement tensionnel.12,35–37 Les l’adulte. Le dépistage et le suivi d’impact sur les
coefficients de corrélation entre les chiffres ten- organes-cibles complètent ces investigations.
sionnels initiaux et ceux observés 5 et 10 ans plus Un suivi simple mais régulier de la TA, fait par le
tard sont de l’ordre de 0,2 à 0,4 à 5 ans et de 0,13 à médecin traitant, est effectué en association aux
0,4 à 10 ans pour la PAS et légèrement inférieurs mesures hygiénodiététiques. Une réévaluation est
pour la PAD.12 Selon les études, l’estimation de la proposée dans l’année (Fig. 2). En cas d’HTA symp-
proportion d’enfants dont la PA initialement élevée tomatique, de signes d’impact organique ou en cas
est demeurée à ce niveau plusieurs années plus tard de persistance de l’élévation tensionnelle, une se-
ou à l’âge adulte, varie de 15 à 40 %. Ce chiffre conde vague d’investigations plus complètes sont
dépend de l’âge de la mesure initiale, de la durée préconisées telles que celles proposées pour l’HTA
du suivi, de la fréquence des mesures intermédiai- confirmée. Elles guideront le recours éventuel à un
res, du seuil initial retenu, des modalités de traite- traitement médicamenteux.
ment statistique des données (correction ou non de
la liaison de la PA à l’âge ou à la taille). Il ne permet
pas d’identifier avec une sensibilité certaine les HTA confirmée et HTA immédiatement
enfants qui auront une HTA ultérieure. menaçante
La valeur prédictive de la tendance du niveau en
percentile de la PA au cours de l’enfance a aussi été Ces catégories d’HTA ont une signification à la fois
soulignée : une liaison entre la pente de la PA et la de risque plus ou moins imminent parfois vital et de
pente des indices de surcharge pondérale confirme maladie organique sous-jacente. Chez l’enfant, el-
l’importance des paramètres somatiques dans l’ap- les sont souvent symptomatiques et secondaires à
préciation du niveau tensionnel.35 La prédiction de une étiologie précise. Le bilan de retentissement et
la nocivité de l’HTA-limite est également discutée. la recherche approfondie d’une cause sont la règle.
Il a été rapporté une relation significative entre la Les investigations et le traitement sont entrepris
raideur vasculaire observée chez les jeunes adultes sans délai dans le cas d’HTA dite immédiatement
et la PA observée dans l’enfance, justifiant l’inté- menaçante (Fig. 3).
rêt porté pour l’HTA modérée de l’enfant.38 On doit
donc être particulièrement attentif à un contexte
Symptômes de découverte et expression
de comorbidité personnelle ou familiale associée et
un suivi régulier de ces enfants est justifié. clinique

Attitude pratique Ils sont liés à l’affection en cause où aux consé-


quences de l’HTA. Les signes souvent évoqués sont
En présence d’une HTA-limite, les mesures sont les céphalées, les troubles sensoriels subjectifs
répétées dans de bonnes conditions pour affirmer (vertiges, bourdonnements d’oreille, gêne vi-
484 J.-L. André

Figure 2 Arbre décisionnel : hypertension artérielle-limite asymptomatique.

Figure 3 Arbre décisionnel : hypertension artérielle confirmée.


Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 485

suelle), une symptomatologie digestive (anorexie,


Tableau 2 Étiologies de l’hypertension artérielle.
vomissements, douleurs abdominales), une polyu-
Causes rénales
ropolydipsie, une stagnation staturopondérale.
Atteinte parenchymateuse
D’autres signes plus rares, tels que la paralysie
Insuffisance rénale chronique
faciale ou l’épistaxis, ont aussi été mentionnés. Transplantation rénale
Parfois c’est une complication grave qui peut être Glomérulopathies
révélatrice : convulsions, coma, diminution brutale Rein cicatriciel (reflux, pyélonéphrite)
de l’acuité visuelle, défaillance cardiaque, Syndrome urémohémolytique
encéphalopathie hypertensive, hémorragie céré- Polykystose
brale. Actuellement, l’HTA devrait être découverte Hydronéphrose bloquée
avant ces symptômes par la mesure plus systémati- Tumeurs (néphroblastome)
que de la PA. En période néonatale et chez le Atteinte rénovasculaire
Sténose de l’artère rénale
nourrisson, l’HTA peut être latente, manifestée par
- Dysplasie fibromusculaire
un défaut de croissance, des signes trompeurs tels - Syndrome de Williams-Beuren
que des troubles digestifs ou des troubles vasomo- - Maladie de Takayasu
teurs ou peut se révéler brutalement par des com- Lésions vasculaires multiples
plications aiguës cardiaques ou neurologiques. Dans - Élastopathie calcifiante diffuse
d’autres cas, ce sont les signes spécifiques de l’af- - Neurofibromatose
fection causale qui font découvrir l’HTA. Il n’existe - Panartérite
pas toujours une relation stricte entre le niveau Thrombose de l’artère rénale
d’élévation de la PA et la sévérité des signes. La Causes endocriniennes
Phéochromocytome
manifestation la plus redoutable de l’HTA élevée
Hyperplasie surrénalienne par déficit enzymatique
est la survenue d’une HTA maligne avec une
Hyperaldostéronisme primaire
encéphalopathie hypertensive, des crises convulsi- Syndrome de Cushing
ves et/ou un déficit neurologique et éventuelle- Causes vasculaires
ment une insuffisance rénale. Coarctation et hypoplasie de l’aorte
Angiodysplasie
Investigations Causes neurologiques
Encéphalite
Elles précisent le retentissement et recherchent HTA intracrânienne
Dysautonomie familiale
une étiologie. L’échocardiographie peut mettre en
Causes métaboliques
évidence une hypertrophie ventriculaire gauche
Hypercalcémie
parfois sous-estimée cliniquement. Sa fréquence Porphyrie
pourrait atteindre 35 % des enfants ou adolescents Causes médicamenteuses et exogènes
hypertendus non traités.39 L’examen ophtalmologi- Corticothérapie
que évalue l’œdème papillaire éventuel, souvent Vitamine D
retardé. Le bilan neurologique avec élec- Vasoconstricteurs
troencéphalogramme et éventuellement une tomo- Ciclosporine
densitométrie ou une imagerie par résonance ma- Amphétamine
gnétique (IRM) sont demandés facilement en cas de Réglisse
signe neurologique. L’exploration rénale concerne
à la fois l’évaluation du retentissement et la re- dans les veines rénales ne sont entrepris qu’en vue
cherche de l’étiologie de l’HTA. Les explorations d’un traitement étiologique endovasculaire ou chi-
étiologiques sont guidées par les données de rurgical.44
l’anamnèse, de l’examen clinique et des investiga-
tions de la première phase d’examens. Après avoir Étiologies
éliminé cliniquement l’éventualité d’une coarcta-
tion de l’aorte, la seconde phase d’investigations Les étiologies et leur fréquence rapportées varient,
est sélective.3,4,40 Elle recherche en priorité les dans les publications, selon le mode de recrute-
causes rénales et endocriniennes, avant d’envisa- ment spécialisé ou non (pédiatrie générale, né-
ger les causes plus rares. Les nouvelles techniques phrologie, cardiologie) et selon l’âge (Ta-
d’imagerie maintenant utilisables chez l’enfant bleau 2).3,40
(échodoppler couleur, tomographie spiralée, angio-
graphie par résonance magnétique nucléaire) per- Causes rénales et rénovasculaires
mettent une approche beaucoup moins inva- Elles sont les plus fréquentes (67 à 80 %).
sive.41–43 L’angiographie et les dosages de la rénine Parmi celles-ci sont dénombrées :
486 J.-L. André

• les glomérulopathies aiguës ou chroniques (30 à sécrétion de rénine sont exceptionnelles et de dia-
40 %) ; elles s’accompagnent d’une surcharge gnostic difficile.
volémique, d’une protéinurie abondante, d’une
hématurie et souvent d’une insuffisance rénale. Autres causes rares
Il s’agit des néphroses corticorésistantes et des Elles ont une origine neurologique (encéphalite,
glomérulonéphrites prolifératives sévères, pri- hypertension intracrânienne, dysautonomie, syn-
mitives ou secondaires : néphropathies à immu- drome de Guillain et Barré), métabolique (hyper-
noglobulines A, lupus érythémateux disséminé, calcémie, porphyrie) ou médicamenteuse (cortico-
vascularites, glomérulopathies membranoproli- thérapie, ciclosporine, hypervitaminose D, vaso-
fératives ; leur diagnostic est précisé par les constricteurs, amphétamines).
tests immunologiques et par la ponction-biopsie
rénale ; Particularités du nourrisson
• les séquelles de syndrome urémohémolytique (6 La coarctation de l’aorte, la polykystose sont les
à 14 %) ; principales étiologies. La thrombose de l’artère
• les reins cicatriciels (15 à 30 %) ; il s’agit de rénale, après pose de cathéter ombilical ou déshy-
lésions secondaires à des épisodes de pyélo- dratation sévère sont rares.11
néphrites, eux-mêmes liés fréquemment à un
reflux vésicorénal ; Hypertension artérielle primitive, essentielle
• les atteintes rénovasculaires (8 à 12 %) ;45 une Sa fréquence semble augmenter avec l’âge, et dif-
sténose peut concerner le tronc de l’artère ré- fère beaucoup selon les séries publiées. Elle corres-
nale ou ses branches ; elle est liée à une dyspla- pond plus souvent à une HTA-limite survenant chez
sie fibromusculaire ou peut s’intégrer à une un enfant obèse ou ayant une histoire familiale
affection générale ; les affections en cause peu- d’HTA ou de pathologie cardiovasculaire. La règle
vent être une maladie de Recklinghausen, une chez l’enfant en présence d’une HTA confirmée et
maladie d’Ehlers-Danlos, un pseudoxanthome en l’absence de notion familiale nette, est de ne
élastique, un syndrome de Williams-Beuren, une retenir cette éventualité qu’après une recherche
artérite de Takayashu ; étiologique particulièrement minutieuse.
• les polykystoses rénales et autres atteintes pa-
renchymateuses malformatives sont en cause
dans 5 à 10 % des cas ; chez l’enfant, la forme à Traitement de l’hypertension artérielle
transmission autosomique récessive est la plus
fréquente, bien que de rares formes dominantes
chez l’enfant
à révélation précoce puissent aussi être à l’ori-
gine de l’HTA ; Traitement non pharmacologique
• la transplantation rénale, l’insuffisance rénale
chronique à un stade avancé sont des causes à Les conseils hygiénodiététiques habituels concer-
part, faciles à diagnostiquer par leur contexte et nent d’abord la correction et la prévention de toute
de mécanisme multiple, vasculaire, parenchy- surcharge pondérale, puis la modération des ap-
mateux ou liées aux traitements (corticoïdes, ports sodés. L’activité physique et sportive régu-
ciclosporine, tacrolimus). lière, l’abstention du tabagisme sont également
conseillées. On s’efforcera d’obtenir le suivi de la
PA et de ces conseils d’autant plus que la notion
Causes endocriniennes d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, no-
Rapportées avec une fréquence de 1 à 8 %, elles tamment familiaux, sont présents. L’efficacité de
sont surtout représentées par le phéochromocy- la réduction de l’obésité a été démontrée non
tome. Le diagnostic est affirmé par les dosages seulement sur l’HTA mais aussi sur la sensibilité au
spécifiques des catécholamines urinaires, et en sel et sur la diminution d’autres facteurs de risque
particulier de la noradrénaline et de la norméta- vasculaire tels que les dyslipémies ou l’hyperinsuli-
drénaline. Les autres causes endocriniennes sont nisme.46 En l’absence de symptômes, de signes de
rares et l’on peut citer les hyperaldostéronismes retentissement et d’anomalies lors de la première
suppressibles par la dexaméthasone, les défauts phase d’investigations, le recours à un traitement
enzymatiques de la stéroïdogenèse (déficit en médicamenteux n’est pas justifié dans un premier
11 bêta-hydroxylase et pseudohermaphrodisme de temps. Sa persistance au-delà de 6 mois ou l’évolu-
la fille ou le déficit en 17-alpha-hydroxylase avec tion vers une HTA confirmée peut faire envisager la
pseudohermaphrodisme chez le garçon), les syn- prescription de médications antihypertensives à
dromes de Liddle et de Cushing. Les tumeurs à doses progressives.3,4,40,47
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 487

Traitement étiologique jeune. Cependant, les progrès acquis dans le do-


maine des drogues antihypertensives n’autorisent
Une action directe sur le mécanisme de l’HTA pas les gestes aléatoires.
est à privilégier chaque fois que cela est possi-
ble avec des chances d’efficacité suffisantes et Traitement médicamenteux
sous réserve d’une évaluation soigneuse du ris-
que encouru.41,48 Une angioplastie endoluminale La restriction des apports sodés reste un préa-
transcutanée permet de corriger un certain nombre lable habituel dans les cas d’HTA sévère. Le
de sténoses, en particulier liées à une dysplasie choix des médicaments se heurte en pédiatrie à
fibromusculaire. Un traitement chirurgical peut un double problème : la plupart des spécialités
consister en une correction des sténoses vasculaires n’ont pas fait l’objet d’une demande d’autori-
rénales, en une néphrectomie d’un rein dystrophi- sation de mise sur le marché (AMM) pour l’indi-
que ou cicatriciel unilatéral et peu fonctionnel, en cation pédiatrique en raison de la lourdeur et du
une exérèse de tumeurs surrénales, ou de phéo- coût des procédures d’expérimentation et
chromocytome. Les avantages d’une guérison défi- d’autorisation. La présentation galénique et le
nitive de l’HTA sont incontestables chez le sujet dosage des comprimés, sauf pour de rares ex-

Tableau 3 Médicaments utilisés dans l’hypertension artérielle de l’enfant et de l’adolescent.


Classe Nom, Posologie mg/kg Nb prises/j Effets secondaires
présentation initiale max./j particularités
Diurétiques
Furosémide* Lasilix® 20 mg et 0,5-1 10 2-6 ototoxicité, hypercalciurie,
solut. buv. néphrocalcinose, hypokaliémie
10 mg/ml
Hydrochlorothiazide* Esidrex® 25 mg 0,5-1 3 2-3 hypokaliémie, hyperuricémie
Spironolactone* Aldactone® 25 mg 0,5-1 4 1 hyperkaliémie, gynécomastie
Bêtabloquants
Acébutolol* Sectral® 200 mg et 3 15 2-3 Insuffisance cardiaque, brady-
solut. buv. cardie ± bronchospasme
40 mg/ml
Aténolol Ténormine® 50 et 1 2 2-3 id.
100 mg
Labétalol Trandate® 200 mg 3 15 2-3 alpha- et bêtabloquants
Inhibiteurs calciques
Nifédipine* Adalate® 10 mg 0,25-0,5 1 4-6 Contre-indications : nourrisson,
Adalate LP® 20 mg tachycardie, flush, céphalées,
Chronadalate® 0,25 2-3 2-3 œdème prétibial, hypertrophie
30 mg gingivale
Nicardipine* Loxen® 20 mg 0,25 2-3 2-3
Amlodipine Amlor® 5 mg 0,1 0,5 2-3
Inhibiteurs de l’enzyme
de conversion
Captopril* Lopril® Captolane® 0,1 (N.né : 3 2-3 toux, hyperkaliémie, insuffi-
25-50 mg 0,01) sance rénale si déplétion sodée
ou sténose de l’artère rénale
Énalapril* Rénitec® 5 et 0,05 (N.né) 0,75 1-2 id.
20 mg
Ramipril Triatec® 1,25 – 0,05 0,3 1 id.
2,5 et 5 mg
Alphabloquant
Prazosine Minipress® 1 et Hypotension orthostatique
5 mg
Alpress® LP 0,01-0,1 0,5 3
Antagoniste des récep- Contre-indication si grossesse
teurs de l’angiotensine éventuelle
Losartan Cozaar® 50 mg 0,7 mg 1,4 1 hyperkaliémie, insuffisance
rénale
Irbesartan Aprovel® 75 mg si > 6 ans 1 id.
75-150 mg/j
* Spécialités ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) mentionnant une utilisation pédiatrique.
488 J.-L. André

ceptions, ne sont pas adaptés aux besoins des indication rénale. Si la tolérance de l’HTA est
très jeunes enfants. En pratique, ceci conduit critique, le recours à la nifédipine ou parfois au
les pédiatres à une prescription relativement labétalol injectable associé au furosémide est
restreinte de médications « classiques ». Le nécessaire. Ce n’est qu’en cas d’HTA rebelle
choix repose sur une bonne expérience du ma- avec manifestations viscérales majeures que
niement des posologies adaptées à l’enfant et l’on utilise les vasodilatateurs d’action directe
une bonne connaissance des effets secondai- tels que la prazosine ou le minoxidil.4
res.49–52 Les Tableaux 3 et 4 présentent une sélec-
tion non limitative des médicaments le plus cou- Dans les HTA chroniques, les diurétiques peuvent
ramment utilisés en pédiatrie dans le cadre de être utiles dans les néphropathies avec rétention
l’HTA confirmée et dans le cadre des crises hyper- hydrosodée. Les antihypertenseurs le plus habituel-
tensives avec les posologies habituellement préco- lement employés sont les IEC en l’absence de
nisées. contre-indication (hyperkaliémie, sténose serrée
Les HTA immédiatement menaçantes doivent de l’artère rénale), les inhibiteurs calciques ou les
être prises en charge en milieu spécialisé. On a bêtabloquants, avec éventuellement des associa-
recours préférentiellement aux inhibiteurs des tions entre eux. La présentation de l’acébutolol en
canaux calciques (nifédipine ou nicardipine) ou solution, disponible dans les pharmacies hospitaliè-
bien aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion res, peut être utile chez les jeunes enfants. Quel-
(IEC) par voie orale dans un premier temps. ques études rapportant l’utilisation chez l’enfant
L’utilisation de la nicardipine est contre- des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine
indiquée chez le nourrisson et la posologie des sont maintenant disponibles.53 Le phéochromocy-
IEC doit être progressive après s’être assuré de tome est une indication au recours préférentiel au
l’absence d’hyperkaliémie ou de contre- labétalol ou à la prazosine.

Tableau 4 Médications utilisées dans les crises hypertensives de l’enfant et de l’adolescent.


Classe et nom® Présentation Voie Posologie Délai Durée Effets
(initiale et secondaires,
maxi) particularités
Furosémide Comp. 20-40 mg Orale ou i.v. 1à <1h 2-3 h Hypokaliémie,
(Lasilix®) ou amp. 20 mg jusque 3 mg/kg/24 h ototoxicité,
10 mg/kg/24 h céphalées, cal-
ciurie
Nifédipine (Ada- Capsules de 5 et Sublinguale 0,25 - 1 mg/kg 5-30 min 3-6 h Contre-indiqué
late®) 10 mg orale 0,5 - 2 mg/kg 1h 6 à 12 h nourrisson
(LP 20 et Chro- formes retard Relais possible
nadalate 30 mg)
Énalapril Comp. 5 et orale 0,05 (n.né) à 15-30 min 6-8 h Hyperkaliémie
20 mg 0,75 mg/kg
Nicardipine Amp. 10 mg intraveineuse 2 mg/m2 10 à 20 30 min 6h Céphalées,
(Loxen®) lg/kg en 10 min tachycardie,
ou perfusion flush
continue 0,5 à 3
lg/kg/min
Labétalol (Tran- Amp. 100 mg intraveineuse Bolus : 5 min 3h Hypotension,
date®) 0,2 mg/kg en bradycardie, bloc
1 min renouve- auriculoventricu-
lable ap. 10 min laire, nausées,
ou perfusion bronchospasme
0,25 à
1 mg/kg/h
Urapidil (Eupres- Amp. 25 mg intraveineuse 0,8 - 2 mg/kg/h 1-3 h Céphalées, verti-
syl®) entretien ges
0,87 mg/kg/h
Prazosine (Mini- Comp. 1 et orale 0,01- <1h 8-12 h Hypotension
press®, Alpress®) 5 mg 0,05 mg/kg/prise
0,1-0,7 mg/kg/j
Minoxidil (Lono- Comp. 5 et orale 0,2-1 mg/kg 1-2 h 12-24 h Hypotension,
ten®) 10 mg montée progres-
sive de la posolo-
gie par 3 jours
Hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent 489

On s’attache dans tous les cas, notamment chez Références


le nouveau-né et chez le nourrisson, à obtenir un
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