Géographie de L'environnement-2017

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Édouard Véronique Marie-Anne Élise

DE BÉLIZAL FOURAULT-CAUËT GERMAINE TEMPLE-BOYER

GÉOGRAPHIE DE
L’ENVIRONNEMENT

cours

études de cas

entraînements

méthodes commentées

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Tous les corrigés et des ressources complémentaires
sont disponibles en ligne à l’adresse :
http://armand-colin.com/ean/9782200616304
Illustration de couverture : Parc américain de Yellowstone.
Photo © Marie-Anne Germaine
Graphisme : Yves Tremblay
Cartographie : Légendes cartographie

© Armand Colin, 2017


Armand Colin est une marque de Dunod Éditeur,
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN : 978-2-200-61630-4

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Table des matières

Penser en géographe 9

Portail Géographie : mode d’emploi 12

Introduction à la géographie de l’environnement 15

Les questions à se poser 15

Objectifs de connaissance 22

Lectures conseillées 23

Notions à maîtriser 24

Chapitre 1 L’environnement et ses ressources 27

I. Les ressources naturelles 28


1. Des provenances diverses 28
2. Des rythmes de renouvellement contrastés 32
II. L’exploitation des ressources 34
1. Les enjeux de l’exploitation 34
2. La dégradation des ressources renouvelables 35
3. L’épuisement des réserves de ressources non renouvelables 40
4. Des ressources qui suscitent des conflits 44
III. Concilier développement et gestion des ressources 45
1. L’inégale répartition des ressources 45
2. Vers un développement plus économe et respectueux ? 48
Conclusion 51

■ À retenir 52
■ Entraînement 53
Étude de cas L’Allemagne, un modèle de transition énergétique ? 54

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Chapitre 2 Les sociétés face aux risques 61

I. Les aléas, à la source du danger 62


1. Les aléas « naturels » 62
2. Les aléas anthropiques 63
3. Penser au-delà de la distinction physique/anthropique 64
II. La vulnérabilité comme facteur essentiel de risque 66
1. Éléments de définition d’une notion complexe 67
2. Les facteurs de vulnérabilité 69
3. Vulnérabilité et résilience 70
III. Gérer les risques et les crises : outils et acteurs 73
1. La catastrophe n’est pas inéluctable 74
2. Les actions et les outils 74
3. Les acteurs de la gestion 77
Conclusion 79

■ À retenir 80
■ Entraînement 81
Étude de cas Les inondations en France méditerranéenne en 2015 82

Chapitre 3 Le paysage des géographes 87

I. Le paysage des géographes 88


1. Des approches naturalistes
aux approches environnementalistes 88
2. Le paysage, une image 91
3. Les représentations du paysage :
la géographie sociale et culturelle 93
II. Le paysage, un hybride de nature et de culture 95
1. Le paysage comme construction :
les trajectoires des paysages 96
2. Une notion indissociable de la dimension esthétique
et d’une échelle de valeur 97
III. Le paysage comme ressource 99
1. La mise en valeur des paysages 99
2. La dégradation des paysages : banalisation et uniformisation 101
IV. Les politiques publiques en faveur des paysages 103
1. La protection des « beaux » paysages 103
2. La reconnaissance des paysages « ordinaires » 104
Conclusion 107

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■ À retenir 108
■ Entraînement 109
Étude de cas La fermeture des paysages : entre évolutions
des pratiques agricoles et perceptions de l’environnement 110

Chapitre 4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques 115

I. Que signifie protéger l’environnement ? 116


1. Préservation versus conservation 116
2. Temps, lieux et paradigmes successifs : la protection
de la nature comme construction collective complexe 117
3. Diversité des démarches entreprises au cœur des espaces
protégés : exclure, restaurer, patrimonialiser 118
4. Peut-on encore parler de protection de la « nature » ? 119
II. La protection de l’environnement :
objectifs, territoires et acteurs 119
1. Les objectifs 119
2. Des zones protégées aux réseaux de protection,
des hauts lieux à l’environnement ordinaire 123
3. Les acteurs 124
III. La protection spatialisée de l’environnement,
objet de conflits 125
1. La délimitation difficile des périmètres de protection 125
2. Les conflits entre mise en valeur et protection 127
3. Concertation, participation : vers une nouvelle gouvernance
de l’environnement à l’échelle locale ? 128
IV. La biodiversité : l’apparition d’un indicateur
pour la protection des milieux sur le devant
de la scène mondiale 129
1. Définir la biodiversité 129
2. La biodiversité en questions 131
Conclusion 133

■ À retenir 134
■ Entraînement 135
Étude de cas Les enjeux d’aménagement et de gestion
du Parc national des Calanques 136

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Chapitre 5 Un défi environnemental planétaire :
le changement climatique 143

I. De la variabilité climatique passée


au changement climatique contemporain 144
1. Une machine climatique complexe 144
2. Des approches pluri-disciplinaires pour mesurer
les variabilités climatiques 146
3. Les causes des variations climatiques 148
II. Du changement climatique aux changements globaux 152
1. La petite histoire de l’anthropisation
dans la grande histoire climatique 152
2. Le réchauffement contemporain 154
3. Des conséquences déjà manifestes
sur les milieux et les sociétés 156
III. Le climat de demain 160
1. Les scénarios du futur : modèles et prospectives 160
2. Le changement global, entre certitude et incertitude 161
Conclusion 163

■ À retenir 164
■ Entraînement 165
Étude de cas L’Arctique face au changement climatique :
crise environnementale ou aubaine locale ? 166

Chapitre 6 Répondre aux changements environnementaux :


débats et enjeux 173

I. La prise de conscience de l’existence de menaces


globales et l’émergence d’un débat scientifique 174
1. Du monde fini à la crise globale 174
2. L’environnement global en débats : la notion d’Anthropocène 175
II. Vers une gouvernance mondiale de l’environnement ? 179
1. La scène onusienne du traitement des questions
environnementales 179
2. Un problème transnational :
l’asymétrie géopolitique Nord/Sud 183
3. L’émergence de nouveaux acteurs 185
4. Formes et limites d’une gouvernance internationale 186
III. Du global au local : territorialiser les politiques
environnementales 187
1. Des politiques « top-down » 187

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2. Territorialiser les politiques environnementales en redonnant
du pouvoir au local 188
3. Où est le local ? 189
Conclusion 191

■ À retenir 192
■ Entraînement 193
Étude de cas La réduction des émissions de CO2, un enjeu global 194

Chapitre 7 Le développement durable :


des discours à l’opérationnel 199

I. Le développement durable, une approche novatrice ? 200


1. Une double solidarité 200
2. Une notion systémique pour penser la complexité du monde 200
3. Vers une nouvelle gouvernance? 202
II. Le développement durable,
entre projet global et actions locales 202
1. La construction globale d’un horizon commun 202
2. Une injonction à « penser global mais agir local » 203
3. Le développement durable, au cœur de l’aménagement
opérationnel local ? 203
III. La durabilité en questions 205
1. Sous un vocable commun, des objectifs, des méthodes
et des mesures divergents 205
2. Le développement durable comme paravent ? 206
3. Les dysfonctionnements fréquents du jeu d’acteurs 208
4. Une absence de réponse géographique
aux enjeux du développement durable 208
Conclusion 213

■ À retenir 214
■ Entraînement 215
Étude de cas Les écoquartiers, l’exemple de Dunkerque 216

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MÉTHODES
La dissertation 223
Qu’est-ce qu’une dissertation ? 223
Objectifs et enjeux de la dissertation 223
Les étapes de la dissertation 224
L’organisation formelle de la dissertation 226
Application Les risques liés aux aléas naturels sur les littoraux français
(DROM-COM inclus) 228

Le commentaire de carte topographique 235


Qu’est-ce qu’une carte topographique ? 235
Lire une carte topographique 235
Les étapes du commentaire de carte topographique 236
Application Extrait de la carte IGN 3532 ET Les Arcs-La Plagne 238

Le croquis de synthèse 244


Qu’est-ce qu’un croquis de synthèse ? 244
Règles de base du croquis en géographie 244
Grands principes de sémiologie graphique 244
Les étapes de réalisation d’un croquis 245
Application Croquis d’interprétation de la carte IGN 3532 ET
Les Arcs-La Plagne 247

Le commentaire de paysage 250


Qu’est-ce qu’un commentaire de paysage ? 250
Les étapes du commentaire de paysage 250
Application Un paysage agricole d’Asie du Sud-Est 253

Le schéma fléché 257


Qu’est-ce qu’un schéma fléché ? 257
Les étapes de réalisation du schéma fléché 259
Application Le Sahel face à la sécheresse et à la désertification 261

Le commentaire de statistiques 267


Qu’est-ce qu’un commentaire de statistiques ? 267
Les étapes du commentaire de statistiques 267
Application Les usages de l’eau en Poitou-Charentes 270

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Penser
en géographe

La collection Portail s’adresse à tous ceux et celles qui souhaitent se


familiariser avec la géographie. Elle ne propose pas une vision exhaustive
de la discipline mais des clés pour l’acquisition d’un questionnement,
d’un vocabulaire, de connaissances et de méthodes spécifiques.

Penser en géographe
Le premier objectif de la collection est de permettre au lecteur de se saisir
de la démarche géographique.

3 paradigmes disciplinaires
De façon très schématique, et donc forcément très caricaturale, on peut
distinguer trois moments de la discipline :
■ Un premier temps où la géographie se définit comme une étude des
relations homme/milieu. Cette géographie dite « classique » ou vida-
lienne se marque notamment par la séparation entre géographies
physique et humaine. Elle privilégie une démarche descriptive et
« idiographique », c’est-à-dire fondée sur l’étude du particulier, sans
pour autant renoncer au général.
■ Un deuxième temps où une partie de la géographie se renouvelle
autour du « tournant spatial ». La géographie abandonne ses fonde-
ments naturalistes pour devenir une science sociale à part entière. Son
objet devient l’espace géographique, c’est-à-dire l’espace en tant qu’il

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Géographie de l’environnement

est organisé par les sociétés. La démarche est hypothético-déductive


et nomothétique (recherche de lois générales).
■ Un dernier temps est celui du territoire, c’est-à-dire l’espace en tant
qu’il est approprié par les sociétés, les groupes, les individus. Cette
appropriation pouvant être politique et/ou subjective. Avec le terri-
toire, la géographie devient politique et humaniste (elle prend en
compte le vécu, le perçu, les pratiques, l’identité, les individus).
Loin d’être étanches, ces trois « paradigmes » disciplinaires se
chevauchent, se complètent et empruntent l’un à l’autre. Ils partagent
en réalité un questionnement commun. La géographie étudie in fine la
spatialité, la dimension spatiale des sociétés et des faits sociaux.

Le questionnement de base en géographie


De façon là encore très schématique, on peut résumer en quatre grandes
questions le questionnement géographique.
1. Quoi ? Identifier l’objet en observant des cas concrets.
2. Où ? Localiser l’objet en le repérant dans le temps et l’espace.
3. Pourquoi ici et pas ailleurs ? Saisir la singularité de l’objet à partir de
la différenciation spatiale, comparer.
4. Pourquoi et comment ? Expliquer.

Les réflexes du géographe


Ce questionnement de base s’accompagne d’un certain nombre de
réflexes.
1. Combiner les échelles d’observation et d’analyse : c’est l’approche
multi-scalaire, qui implique de mobiliser plusieurs échelles spatiales
(locale, régionale, nationale, continentale, mondiale) et temporelles
(temps long, temps court, etc.).
2. Observer l’interaction entre les échelles : c’est l’approche trans-
scalaire, rendue indispensable par la globalisation de certains
processus (par exemple, comprendre comment le local est dans le
global et réciproquement).
3. Opérer un va-et-vient constant entre le général et le particulier. Tout
raisonnement géographique doit s’appuyer sur des exemples concrets

10

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Penser en géographe

spatialisés. Inversement, chaque cas particulier, aussi singulier soit-il,


doit être mis en regard d’autres cas et être analysé à partir de concepts
et de notions qui permettent une montée en généralité.
4. Apporter une attention particulière aux « acteurs », c’est-à-dire aux
personnes, aux groupes, aux institutions qui agissent sur, et grâce, à
l’espace géographique.
Le changement d’échelle et le lien général particulier permettent de
nuancer les explications.

Comment utiliser chaque volume ?


Chaque volume de la collection peut se lire indépendamment et en regard
des autres. De même, au sein de chaque volume, les parties et chapitres
peuvent être utilisés séparément, tout en se répondant.
■ L’INTRODUCTION pose les notions fondamentales et les question-
nements de base. Le vocabulaire et les problématiques peuvent être
mis en regard des programmes du secondaire.
■ Les chapitres de COURS apportent les connaissances de base sur les
thématiques propres au domaine. Le cours insiste sur les définitions des
termes, les problématiques et les exemples localisés. Il se conclut par une
page d’entraînement pour vérifier la bonne acquisition des connais-
sances et par une étude de cas qui mobilise l’analyse de documents
géographiques. La bibliographie permet à chacun d’aller plus loin.
■ La partie MÉTHODES reprend les éléments du cours à travers des
exercices-types. Elle permet d’appliquer le cours à des cas concrets.
Elle fournit également des méthodologies pour chaque exercice. Les
méthodes sont identiques pour tous les volumes, leurs applications
commentées étant ensuite adaptées aux objets et exigences de chaque
branche disciplinaire.
■ Les corrigés des exercices d’entraînement et des ressources complé-
mentaires sont disponibles en ligne sur le site :
http://armand-colin.com/ean/9782200616304
Magali REGHEZZA-ZITT
Directrice de collection

11

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Portail Géographie :
INTRODUCTION

Présentation des grandes Objectifs de connaissances Définitions de toutes


problématiques du sujet à acquérir pour chaque chapitre les notions à maîtriser

Géographie de l’environnement Géographie de l’environnement

Introduction Objectifs de connaissances Notions à maîtriser


Aménité : ensemble des attributs (environnementaux, paysagers, infrastruc

à la géographie
Chapitre 1 Définir et localiser les ressources naturelles renouvelables
turels, etc.) qui rendent un lieu agréable. Les aménités jouent une place
et non renouvelables.
croissante dans les décisions d’implantation des acteurs sur un espace donné.
Identifier les enjeux soulevés par les modes d’exploitation
des ressources. Anthropisation : action de transformation des milieux physiques par les acti

de l’environnement Chapitre 2
Comprendre le lien entre développement et gestion des ressources.

Définir et bien individualiser aléas, enjeux, vulnérabilité, risques,


vités des sociétés.
Conflit d’usage : divergence de représentations et d’usages entre acteurs d’un
catastrophes et crises. même territoire pouvant provoquer des tensions.
Comprendre le rôle essentiel de la vulnérabilité et identifier ses formes
Développement : amélioration des conditions de vie d’une société (éducation,
et ses origines.
Identifier les temporalités, les acteurs et les outils employés
moyens économiques et financiers, santé, sécurité, services de base).
pour réduire les risques et gérer les crises. Durabilité : perspective de développement qui peut répondre aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les
Chapitre 3 Comprendre que le paysage est une notion culturelle. leurs. Elle invite à penser à parts égales les dimensions environnementale,
Montrer la variabilité des formes d’un même paysage
économique et sociale du développement.
à partir de la notion de trajectoire.
Les questions à se poser Expliquer en quoi le paysage est une ressource. Écosystème : terme développé par Tansley en 1935 qui définit le système
qui combine en une seule unité à la fois les organismes vivants (biocénose)
n Comment appréhender les relations entre l’homme et l’environnement entre risques Chapitre 4 Définir les modes de protection de l’environnement. et leur environnement physique non vivant (abiotique comme l’eau ou le
et ressources ? Montrer en quoi la protection de l’environnement est variable relief), que l’on appelle le biotope. Parler d’écosystème signifie que l’on
dans le temps et dans l’espace. insiste sur les interactions entre les composantes de cet ensemble.
n Quels dispositifs sont mis en place pour protéger l’environnement ?
Expliquer en quoi la protection produit des conflits.
n Comment sont décidées les politiques environnementales globales ? Comment Définir la biodiversité. Géosystème : le géosystème modélise les interactions sociétés-milieux à
articuler leur application, du global au local ? différentes échelles en s’intéressant à leurs aspects physiques et culturels
Chapitre 5 Expliquer les causes de changements climatiques sur Terre (associé à la notion de paysage, notamment).
n En quoi l’environnement soulève-t-il des questions d’ordre géopolitique ? et en montrer les différentes échelles spatiales et temporelles.
Définir adaptation et atténuation en montrant les stratégies
Gouvernance : ensemble des processus et des institutions qui participent de la
n Quels sont les mécanismes des changements environnementaux en cours à diffé-
développées par les sociétés. gestion politique d’une société, sans être restreints aux canaux décisionnels
rentes échelles ?
classiques (tel le gouvernement) : y sont donc associés la société civile, les
Chapitre 6 Comprendre la prise de conscience de la crise globale. experts, les ONG, etc.
Définir la notion d’Anthropocène et en exposer les limites.
Inégalité environnementale : fait que les individus et groupes sociaux ne sont
Nature et environnement en géographie : Expliquer l’émergence de la gestion globale de l’environnement.
pas égaux vis-à vis de l’exposition aux nuisances et aux risques environne
Montrer les atouts et les freins de cette gouvernance mondiale.
une distinction nécessaire mentaux et ne disposent pas du même accès aux ressources et aux aménités
Chapitre 7 Définir le développement durable et en expliquer l’importance
environnementales.
Une place longtemps importante dans les politiques environnementales mondiales. Patrimoine : désigne un héritage matériel ou immatériel dont la valeur est
Montrer les problèmes d’échelles et de gouvernance que pose reconnue par une société. Un patrimoine a vocation à être transmis, et
On appelle « environnement » en géographie l’ensemble des relations la durabilité.
nécessite ainsi d’être préservé. Le patrimoine dit « naturel » concerne essen
entre l’homme et les milieux physiques (parfois appelés milieux « natu- tiellement des paysages remarquables et/ou des écosystèmes fragiles souvent
rels ») à différentes échelles d’espace et de temps. L’environnement ne se menacés de disparition.
limite donc pas à la seule « nature », même si celle-ci a longtemps tenu Paysage : désigne l’espace vu par un observateur. Le paysage s’appréhende
une place prédominante en géographie. donc dans sa matérialité (nommer ce que l’on voit) et dans sa subjectivité

15 22 24

COURS

Document commenté Introduction du chapitre Cours structuré


en ouverture de chapitre et annonce du plan du cours avec des conseils,
des renvois
L’environnement et des définitions
Géographie de l’environnement
CHAPITRE

1 et ses ressources I. Les ressources naturelles


Il existe plusieurs manières de classifier les ressources naturelles. Deux
sont privilégiées ici : par le milieu de provenance et par le rythme de
régénération des ressources.
en marge
1. Des provenances diverses
Les ressources sont situées dans différentes sphères de la Terre.

PLAN DU CHAPITRE Les « ressources naturelles » désignent l’ensemble des ■ Les ressources de la lithosphère (sous-sol)
I. Les ressources naturelles matières minérales et biologiques qui présentent une utilité pour Le sous-sol renferme de nombreuses matières premières. La répartition
II. L’exploitation les sociétés humaines. Leur usage évolue en fonction des innova- des ressources dans la lithosphère renvoie à l’histoire géologique de la
des ressources tions techniques qui entraînent le développement de nouveaux Terre. Le sous-sol est constitué de roches qui sont exploitées dans des
II. Concilier développement besoins et ouvrent des possibilités d’exploitation. La notion de carrières, pour la construction notamment. Le granite, certains calcaires
et gestion des ressources ressource est donc relative à une société et à un moment. (meulière, tuffeau), le marbre fournissent des pierres de taille renom
Conclusion mées. L’argile est plutôt utilisée pour fabriquer des briques. Les matériaux
Étudier les ressources naturelles en géographie consiste à s’in-
de l’habitat expriment ainsi visuellement les liens unissant une société à
ÉTUDE DE CAS terroger sur les relations que les sociétés, dans un territoire et à une son environnement physique.
L’Allemagne, un modèle époque donnés, nouent avec leur environnement. Une répartition
de transition énergétique ? par milieux de provenance permet de les classifier et de présenter Les ressources minières (minéraux, métaux) sont exploitées depuis
Ne pas confondre !
leur origine et leur rythme de renouvellement. l’apparition de la métallurgie (fer, cuivre, étain…). Elles recouvrent
– Un minéral est un des
composants des roches.
une grande diversité de métaux – inoxydables (chrome), précieux (or,
L’exploitation des ressources par les sociétés humaines peut argent), non ferreux (cuivre, aluminium) – et de minéraux qui sont
– Un minerai est une
aussi conduire à une dégradation quantitative et/ou qualitative roche dans laquelle utilisés dans le cadre d’applications diverses (électroniques notamment).
de celles-ci, voire à leur épuisement. Ces dégradations amènent l’homme peut extraire
Le sous-sol renferme aussi des combustibles fossiles : le charbon, le
à dresser un état des lieux des stratégies d’adaptation mises en des minéraux utiles.
gaz naturel et le pétrole se sont constitués il y a plusieurs centaines de
œuvre par les sociétés pour concilier la poursuite de leur dévelop- millions d’années. Ils sont issus de la décomposition de la matière orga
Photo © Jean Bourguignon. pement économique et la préservation des ressources ou rejeter le nique (animale ou végétale) enfouie dans le sous-sol dans lequel elle a été
Face à l’épuisement des réserves de pétrole, une alternative a été trouvée dans la développement comme le proposent les modèles de décroissance. piégée et s’est amassée, se retrouvant sous l’accumulation des sédiments
production d’agro-carburants. Ils sont censés être neutres en termes de bilan carbone pour former des gisements.
puisque l’émission de CO2 est compensée par l’absorption au cours de la croissance
des plantes utilisées (canne à sucre, betterave, colza…). En réalité, la production des Les gisements de pétrole et de gaz naturel (que l’on appelle des hydro
agro-carburants consomme beaucoup d’énergie et tend à causer le défrichement de carbures) proviennent de l’accumulation du plancton dans l’océan, les
vastes zones boisées pour les transformer en terres cultivées, ce qui diminue au final lagunes et les deltas. Le charbon résulte de la décomposition de végétaux
la capacité de stockage du carbone. Les agro-carburants ne permettent donc pas de terrestres ou d’eau douce. La pression, la température et les micro-or
lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Ils sont par ailleurs respon- ganismes participent à la transformation de cette matière organique en
sables d’un renforcement de l’insécurité alimentaire dans les pays en développement. hydrocarbures (composés d’hydrogène et de carbone). L’extraction des
combustibles fossiles est localisée : mine souterraine ou à ciel ouvert
(charbon) et forages (pétrole, gaz).

26 28
27

Géographie de l’environnement
ENTRAÎNEMENT

Éléments essentiels À RETENIR Tester ses connaissances


Corrigés en ligne

Exercice de validation
du cours à retenir n On distingue deux grandes catégories de ressources naturelles selon le rythme de
régénération de celles-ci : les ressources fossiles (hydrocarbures notamment) ne
peuvent être renouvelées à l’échelle humaine tandis que les ressources renou-
1. Complétez le tableau ci-dessous en indiquant pour chaque type de ressource
énergétique dans quelle famille elle se situe et quels sont ses avantages
et ses inconvénients.
des connaissances
velables se reconstituent à condition que leur consommation soit raisonnable. 2. Définissez ensuite à quelle échelle (locale ou globale) les avantages
n L’accès aux ressources est très inégal du fait de la répartition géographique de et inconvénients de ces différentes ressources se positionnent.
celles-ci. Énergie
Énergie
n L’exploitation des ressources naturelles constitue un enjeu stratégique car celles-ci Ressources renouvelable Avantages Inconvénients
non renouvelable
(voire inépuisable)
sont vitales pour le développement des activités des sociétés. Elle génère donc

Questions
fréquemment des conflits (entre amont et aval par exemple pour la maîtrise de l’eau Pétrole
d’un cours d’eau). L’importance des hydrocarbures est même à l’origine de guerres. Éolien

n Face au constat d’épuisement des réserves, deux stratégies s’opposent. D’un Solaire

sur document
côté, la technologie doit permettre d’identifier de nouveaux stocks et de développer Biomasse
des techniques innovantes d’extraction. D’un autre côté, la transition écologique Charbon
prône l’adoption de pratiques plus respectueuses de l’environnement et économes
Nucléaire
pour préserver les ressources.

Questions sur document


NOTIONS CLÉS
n Conflit d’usage POUR ALLER PLUS LOIN Disponibilité en eau et production de neige
n Déforestation Sur les énergies :

Notions à mobiliser
Remplissage des retenues
n Épuisement Barré B., Mérenne-Schoumaker B., 2011, Atlas des énergies mondiales.
des réserves Un développement équitable et propre est-il possible ? Paris, Autrement. Débits
n Inégalités Sur l’exploitation des ressources de l’océan Arctique : « L’océan Arctique : l’ul
environnementales Régime des eaux de surface

Renvoi à la méthode
time frontière ? » (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/
n Pollutions, FrontDoc5.htm). Régime des sources
nuisances, risques
Sens de lecture

Sur l’exploitation des gaz de schiste : la bande dessinée Énergies extrêmes de


n Ressources Lapoix S. et Blancou D., chez Futuropolis (2014) et le documentaire Gasland

commentée
S O N D J F M A M J J A S
fossiles de Fox J. (2002).
n Ressources
renouvelables/ Sur l’eau :
Vacances Vacances de
épuisables Blanchon D., 2013, L’Atlas de l’eau, Paris, Autrement. d’hiver février/printemps Vacances
d’été
n Transition Hellier E. et al., 2009, La France. La ressource en eau, Paris, Armand Colin, Besoins en eau potable (en relation avec la période touristique) 1. Quels sont les enjeux qui pèsent
écologique coll. « U ».
Production de neige de culture sur la ressource en eau en montagne
Sur les forêts, les sols et la biodiversité : Arnoult P., Simon L., 2007, 57 % 40 % au fil de l’année ?
3%
Géographie de l’environnement, Paris, Belin.
S O N D J F M A M J J A S 2. Quels conflits d’usages potentiels
caractéristiques de cette ressource
Période de besoins en neige de culture
pouvez-vous identifier ?

Lectures complémentaires
Source : d’après MARNÉZY A., 2008, « Les barrages alpins »,
Revue de géographie alpine, n° 96 (1).

 Voir Méthode p. XX.

52

pour aller plus loin 53

12

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mode d’emploi
Géographie de l’environnement
Présentation,
localisation
1 L’environnement et ses ressources

et commentaire de l’ensemble
Présentation des documents
L’Allemagne, un modèle de transition énergétique ?
■ Doc. 1 Histogramme produit à partir de données officielles sur la produc

ÉTUDE DE CAS

ÉTUDE DE CAS
Doc. 1 Production d’électricité en Allemagne tion d’électricité en Allemagne. Présente l’évolution relative (en %) des

documentaire
par source entre 1990 et 2014 différentes sources d’énergie, fossiles et renouvelables entre 1990 et 2014.
■ Doc. 2 La carte et la photographie permettent de situer le site d’extraction
100 %
de lignite de Garzweiller. Le lignite est exploité à ciel ouvert à l’aide d’exca
vatrices à proximité immédiate des zones habitées.

Étude de cas constituée 75 %


■ Doc. 3 Récit d’un militant écologiste ayant participé à une action de protes

tation contre l’extraction de charbon à ciel ouvert sur la mine de Garzweiler.

de plusieurs documents 50 % Localisation


L’Allemagne dispose de nombreux bassins de charbon principalement situés
à l’est, dans le centre et surtout à l’ouest dans la Ruhr (baie de Cologne)
25 % où se situe la mine de Garzweiler. Ces bassins coïncident avec des régions
industrielles fortement peuplées. Le doc. 3 montre bien la proximité de la
mine avec les surfaces habitées. L’autoroute matérialise la limite entre la
0 ville à droite et le site minier à gauche.
1990 1995 2000 2005 2010

Autres énergies Nucléaire Objectifs de l’étude de cas


renouvelables Gaz
Solaire L’analyse des documents proposés dans le corpus vise à appréhender :
Charbon, lignite
Biomasse – les stratégies politiques de la France et de l’Allemagne en termes d’appro
Hydraulique
visionnement en énergie ;
Éolienne
– les conséquences écologiques et socio-économiques immédiates et locales
de l’abandon du nucléaire ;
– les difficultés à mener une véritable transition énergétique pour lutter
Allemagne en 2013 France en 2013
contre le réchauffement climatique.
Biomasse 8 %
Hydraulique 14 %
Autres 12 % Autres 4 % Commentaire
Biomasse 1 %
Hydraulique 3 %
Charbon Charbon 4 % Ce corpus témoigne de la diversité des choix énergétiques de deux pays
46 % Gaz 3 %
Nucléaire 15 %
Nucléaire
Pétrole 1 %
développés voisins et illustre les difficultés à assumer une sortie du nucléaire
73 %
et à engager une véritable transition énergétique.
Pétrole 1 %
Gaz 15 % I. Les choix énergétiques de l’Allemagne
¡ Le document 1 permet d’analyser le bouquet énergétique de la France
Source : AG Energiebilanzen et de l’Allemagne. En 2013, les deux pays ont principalement recours aux
(Groupe de travail officiel des principales entreprises allemandes de l’énergie énergies fossiles pour produire leur électricité : 77 % en Allemagne et 82 %
et des principaux instituts de recherche sur l’énergie depuis 1971).
en France. En Allemagne, la production d’électricité repose avant tout sur

57
54

MÉTHODES

Présentation de chaque
grand exercice Conseils et erreurs à éviter
La dissertation Méthodes La dissertation La dissertation

La dissertation Conseils et erreurs à éviter !


Un exercice de dissertation conduit souvent aux erreurs suivantes :
Structure schématique d’une dissertation
• Les étoiles indiquent un saut de ligne qui permet de délimiter visuellement les trois temps de la dissertation.
Les traits en biais indiquent un retour à la ligne (sans saut de ligne donc) qui peut être accompagné d’un alinéa.
• Faire une leçon. Dans une dissertation, il est demandé à l’étudiant d’avoir un • Une bonne dissertation doit être bien équilibrée : les parties du développement doivent être de longueur identique.
avis (une thèse) sur le sujet proposé : il doit donc trancher entre plusieurs inter- Idéalement, l’introduction et la conclusion sont également de même longueur (il ne faut donc pas négliger la conclusion
Qu’est-ce qu’une dissertation ? prétations et défendre cette opinion grâce à des exemples argumentés. La simple
qui permet de répondre à la problématique présentée en introduction).

La dissertation est un exercice de raisonnement très codifié par lequel récitation de connaissances ou une présentation descriptive sans argumentation Entrée en matière / Accroche
l’enseignant mesure la capacité d’un étudiant à identifier un objet de sont donc à éviter.
Introduction

Définition des termes du sujet /


réflexion, à sélectionner les informations les plus pertinentes et à les • Le hors-sujet. Le hors-sujet consiste en un glissement vers un thème qui n’est
Problématisation /
Phrase de problématique
articuler dans une démonstration convaincante.

Méthodologie
pas au centre de l’intitulé proposé. Cela ne veut pas dire que ce thème n’est
Annonce du plan
pas intéressant, mais ce n’est pas celui qu’on attend étant donné le sujet proposé
à la réflexion. Le hors-sujet découle souvent d’une volonté de vouloir écrire tout ***
Objectifs et enjeux de la dissertation [Option 1] [Option 2]
ce que l’on sait sur un sujet, sans hiérarchiser ses connaissances en fonction de

pas à pas
Tout commence avec un intitulé de dissertation, dont la formulation leur pertinence pour le sujet donné. Phrase d’introduction de partie Phrase d’introduction de partie
Première partie

est plus ou moins détaillée, qui invite à réfléchir sur une région, un Première sous-partie Première sous-partie
type de territoire, un processus ou encore une notion géographique. Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
De cet intitulé, l’étudiant doit dégager un questionnement à partir duquel Troisième sous-partie Troisième sous-partie
Les étapes de la dissertation
il va établir une démonstration argumentée, appuyée par des exemples Phrase de conclusion de partie *
précis. Le premier enjeu d’une dissertation est ainsi de transformer l’in Suivre avec rigueur les étapes suivantes devrait permettre d’éviter les * Phrases de transition
titulé en problème, une question qui va constituer le fil directeur de l’ar erreurs récurrentes.
gumentation : c’est la problématique. Il est ensuite attendu de l’étudiant Phrase d’introduction de partie *
Deuxième partie
Développement

qu’il réponde au problème posé par une série d’arguments qui découlent 1. Lire le sujet et l’analyser précisément Première sous-partie Première sous-partie

Se poser les questions suivantes : quels sont les mots utilisés dans l’inti Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
les uns des autres. Le raisonnement doit ainsi conduire à la formulation
tulé ? S’agit-il de notions de géographie ? Dans ce cas, commencer par Troisième sous-partie Troisième sous-partie
d’une thèse en réponse à la problématique de départ.
Phrase de conclusion de partie
Une bonne dissertation doit par conséquent convaincre le lecteur que chercher la ou les définitions. S’agit-il de mots du langage courant (ex. : *

la thèse défendue est logique. La force de l’argumentation dépend de crise, permanences, mutations…) ? Dans ce cas, chercher les défini * Phrases de transition

la capacité à structurer les étapes de la démonstration. Pour cela, il faut tions, voir si elles permettent de mobiliser des notions géographiques.
Phrase d’introduction de partie *
réfléchir plus particulièrement à l’enchaînement des arguments, via
Troisième partie

S’interroger sur les espaces géographiques et les périodes temporelles Première sous-partie Première sous-partie
les transitions. Elles sont essentielles car elles explicitent les liens de concernés par l’intitulé du sujet. Il faut bien cerner les bornes spatiales Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
cause, de conséquence, d’opposition, les paradoxes. et chronologiques : parfois, il ne faut pas hésiter à dire qu’elles posent Troisième sous-partie Troisième sous-partie
Exemples d’intitulés de dissertation problème et qu’elles vont varier en fonction du sens qu’on donne à Phrase de conclusion de partie Phrase de conclusion de partie
– • Villes et campagnes en France telle ou telle notion.
***
Problématique

• L’organisation spatiale de la métropole parisienne Porter une attention particulière à l’emploi du singulier ou du pluriel,
explicite

Conclusion

Reformulation/synthèse de ce qui a été dit dans le développement


• Rôle et place des villes frontalières dans le système urbain nord-américain qui modifie la portée des notions. Le pluriel invite à questionner la
• Les quartiers informels dans les villes du Sud : territoires de la pauvreté diversité d’un fait ou d’un objet géographique alors que le singulier Ouverture/mise en perspective
ou moteurs de l’urbanisation ? oriente la réflexion vers le général.
+ • La mondialisation entraîne-t elle une recomposition spatiale des villes ? Schéma © Pascale Nédélec, 2016.

223 224 227

La dissertation
Méthodes La dissertation

Application APPLICATION Les risques liés aux aléas naturels


sur les littoraux français (DROM-COM inclus)
[1. L’importance des aléas hydroclimatiques]
La diversité des littoraux du territoire français démultiplie les possibilités
de processus physiques pouvant représenter des menaces.
Chaque paragraphe
commence par
une phrase qui

de la méthode
expose clairement
On distingue d’abord des aléas hydroclimatiques menaçant les litto l’argument défendu.
 Les titres [Introduction]
entre crochets raux exposés aux flux océaniques. Il s’agit dans ce cas essentiellement des
ne doivent pas figurer Avec plus de 7 000 km de linéaire côtier, la France métropolitaine et
courants perturbés d’ouest sur le littoral atlantique de France métropoli
dans la copie. les principaux DROM-COM possèdent un domaine littoral particuliè
taine, ou les tempêtes sur les côtes orientales « au vent » des îles tropicales
rement étendu dans la totalité des zones bioclimatiques du globe. On
des DROM-COM. Les événements plus intenses comme les cyclones
Définition des termes entend par « littoral » l’interface entre domaine maritime et terrestre, dont
balayent les littoraux des Caraïbes et de la Réunion à la fin de l’été.
du sujet l’extension est fixée juridiquement, notamment dans le cadre des PLU
Pour les en France (la loi Littoral interdit la construction sur une bande de 100 m Les aléas hydroclimatiques se manifestent par des vents violents
dissertations de longueur depuis le trait de côte). La variété des influences marines et (> 150 km/h) et des pluies soutenues (jusqu’à plus d’une centaine de mm Le développement
de concours, météorologiques et des contextes géodynamiques représente des sources de l’argument
une accroche
de précipitations en 1 heure). La dépression atmosphérique à l’origine des
se fonde sur des
faisant référence de dangers divers. Ces aléas naturels peuvent frapper des espaces qui sont, tempêtes provoque en plus une remontée locale de la mer de quelques termes précis.
à un événement dans l’ensemble, parmi les plus densément occupés du territoire national. mètres voire plus d’un mètre, que l’on appelle une surcote. Combinée à
d’actualité, La question des risques liés aux aléas naturels sur les littoraux français une marée haute, elle peut provoquer des dégâts importants.
une référence
scientifique
(DROM-COM inclus) invite ainsi à analyser et à discuter la place de ces L’exemple en
aléas naturels dans la production des risques.
Dans le cas de la tempête Xynthia survenue à la fin du mois de géographie est
ou culturelle
février 2010 sur le littoral du sud de la Vendée et des Charentes, ce ne sont systématiquement
Dans quelle mesure les aléas naturels ne sont-ils qu’un élément de pas ses caractères météorologiques qui ont été dangereux, mais plutôt les localisé, situé dans
Problématique compréhension des risques sur les littoraux français, lesquels sont le temps. Il est
surcotes que la tempête a provoquées (jusqu’à + 1,5 m à La Rochelle). Elles également quantifié
affectés par des dynamiques territoriales inégalement adaptées aux aléas ? ont été responsables de submersions marines qui ont inondé plusieurs le plus précisément
La première partie présentera les littoraux comme des espaces menacés communes et tué 47 personnes. possible.

Annonce du plan
par de nombreux aléas naturels, et, ce, à plusieurs échelles. Une deuxième
partie insistera sur l’importance des enjeux et de la vulnérabilité. La troisième
partie proposera plusieurs types de littoraux à risque, en fonction des aléas
[2. Le danger lié aux aléas géomorphologiques
et géodynamiques]
Saisonniers et réguliers, les aléas hydroclimatiques ne doivent pas faire
Conseils et commentaires
en marge
qui les menacent, du degré d’exposition des enjeux et de leur vulnérabilité.
oublier l’existence d’autres sources de danger sur les littoraux français. Les
[I. Des phénomènes dangereux à différentes échelles] menaces géomorphologiques liées à l’instabilité des falaises vives (Pays
de Caux en Normandie) fragilisées par le sapement de leur base par les
Chaque partie Les littoraux, exposés à des aléas naturels saisonniers ou non selon leurs
débute par vagues, mais aussi par le gel et par l’infiltration des eaux précipitées, se
caractéristiques physiques, sont des espaces à risques à plusieurs échelles
une phrase de traduisent par une érosion très rapide de la côte (20 cm par an dans le
présentation. d’espace et de temps. La variabilité spatiale et temporelle est essentielle
car elle montre que le risque dépend avant tout de l’occupation et de la Pays de Caux). Les aléas géodynamiques tels que les tsunamis ne sont pas
fréquentation des littoraux, bien plus que des seuls aléas. à ignorer en Méditerranée, dans les Caraïbes mais aussi à la Réunion et
à Mayotte où des surcotes de 2 à 4 m ont été relevées lors des tsunamis
survenus en Indonésie en 2004 et 2009.
Les littoraux sont aussi concernés par les aléas provenant de l’intérieur
des terres : en 1902, la ville de Saint-Pierre a été dévastée par les coulées

228 229

13

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INTRODUCTION

LES QUESTIONS À SE POSER 15

OBJECTIFS DE CONNAISSANCE 22

LECTURES CONSEILLÉES 23

NOTIONS À MAÎTRISER 24

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Introduction
à la géographie
de l’environnement

Les questions à se poser

n Comment appréhender les relations entre l’homme et l’environnement entre


risques et ressources ?
n Quels dispositifs sont mis en place pour protéger l’environnement ?

n Comment sont décidées les politiques environnementales globales ? Comment


articuler leur application, du global au local ?
n En quoi l’environnement soulève-t-il des questions d’ordre géopolitique ?

n Quels sont les mécanismes des changements environnementaux en cours


à différentes échelles ?

Nature et environnement en géographie :


une distinction nécessaire
Une place longtemps importante
On appelle « environnement » en géographie l’ensemble des relations
entre l’homme et les milieux physiques (parfois appelés milieux « natu-
rels ») à différentes échelles d’espace et de temps. L’environnement ne se
limite donc pas à la seule « nature », même si celle-ci a longtemps tenu
une place prédominante en géographie.

15

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Géographie de l’environnement

Les premiers géographes étaient ceux qui observaient, dénommaient


et classifiaient les reliefs, les cours d’eau, la végétation, avant de s’inté-
resser au peuplement et à la mise en valeur de territoires pensés d’abord
comme des espaces « naturels ». La place de la nature en géographie a
ainsi été fondamentale : support incontournable des tableaux régio-
naux instaurés par Paul Vidal de la Blache (1845-1918) au début du
xxe siècle, elle est d’abord prétexte à des monographies savantes où le
géographe se révèle naturaliste, géologue et botaniste. S’est constitué
ainsi un ensemble de savoirs propres à décrire et à expliquer le climat,
l’histoire des formes du relief et la répartition des êtres vivants : il s’agit de
la géographie physique. La nature est devenue, dans la première moitié
du xxe siècle, un objet d’étude à part entière en géographie, aussi bien
dans les recherches que dans l’enseignement scolaire.
Toutefois, l’ambition naturaliste de la géographie est remise
en question au tournant des années 1960 et 1970, et la géographie
physique perd la suprématie qu’elle occupait jusqu’alors. Son approche
méthodologique, souvent perçue comme déterministe au sens où elle
subordonnait une étude « humaine » (peuplement, habitat, activités) à
la description du milieu « naturel », est contestée. Le recentrage de la
discipline sur les sociétés a ainsi obligé à repenser la place de la nature
au sein d’une géographie qui s’est affirmée comme science sociale. On
passe donc d’une nature perçue comme préexistante aux hommes à
un environnement qui est en fait produit par l’interaction entre milieu
physique et sociétés.
La géographie de l’environnement dépasse donc la seule idée de
nature, et s’est constituée comme une science sociale hybride, au croi-
sement des données physiques dites « naturelles » et des données sociales,
économiques et politiques, au-delà du clivage entre géographie physique
et géographie humaine. La nature n’y existe plus pour elle-même, mais,
au contraire, en tant qu’espace produit, représenté par les sociétés et
interagissant avec ces dernières. Depuis les années 1980, les recherches
 Les termes surlignés sur les paysages ou les risques ont valorisé l’hybridation entre approche
sont définis dans
les « Notions maîtriser »
humaine et approche naturaliste en géographie pour comprendre les
p. 24-25. rapports entre l’homme et les milieux.
L’environnement ne peut donc se penser en dehors des sociétés. La
notion d’Anthropocène, qui a émergé dans les débats scientifiques et
les discours médiatiques depuis les années 2000, pose l’idée que leur

16

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Introduction à la géographie de l’environnement

développement a des conséquences sur le fonctionnement physique de


la Terre à l’échelle globale. Cette notion, encore très discutée, traduit
néanmoins l’idée que les relations unissant les hommes à l’environne-
ment sont au cœur des débats actuels.

Des milieux « naturels » ?


La pertinence du milieu naturel en géographie mérite alors d’être posée :
existe-t-il sur Terre des «espaces naturels» en dehors des sociétés? Dans la
pensée occidentale, par exemple, cette idée s’est manifestée autour de l’op-
position «nature-culture» d’inspiration biblique: le jardin d’Éden, monde
parfait dans lequel l’homme et la femme uniques reçoivent ce que la nature
produit sans intervention de leur part. Cette opposition a été réactivée
à l’époque moderne par les multiples découvertes de cultures lointaines,
jugées moins avancées. Les Européens ont cru y voir des preuves qu’il
existait des sociétés à l’état naturel, non corrompues par la culture.
Mais cet « état de nature » pose problème. D’abord, parce que l’ori-
gine du peuplement des différentes régions est loin d’être établi avec
certitude partout ; ensuite, parce que la variabilité climatique de la Terre,
associée au changement de formes des continents et des océans au cours
des périodes géologiques, a modifié considérablement le fonctionne-
ment de la planète. Quel état initial faudrait-il, dès lors, retenir ? La
Terre « chaude » de l’ère mésozoïque (– 250 millions d’années jusqu’à
– 65 millions d’années), ou la Terre « froide » du début du Quaternaire
(commencé il y a environ 2,6 millions d’années) ? La « nature » suppose
ainsi une normalité qui n’a pas de sens en soi, tant sont variables les
conditions bioclimatiques et géologiques terrestres.

L’environnement :
un objet géographique
La géographie de l’environnement n’est donc pas une géographie physique.
Elle envisage les territoires à partir des interactions entre les hommes et les
milieux qui les entourent, à toutes les échelles, depuis le niveau local et de
l’individu jusqu’aux défis planétaires et à leur gouvernance mondialisée.
Elle se nourrit de toutes les tendances de la géographie.

17

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Géographie de l’environnement

Les dimensions spatiales de l’environnement :


échelles, limites, discontinuités
L’environnement s’inscrit dans l’espace et dans le temps : il n’est pas le
même partout et n’a pas été identique au cours du temps. Cette varia-
bilité, c’est-à-dire cette capacité à changer en fonction de l’endroit et de
l’époque, nécessite donc de l’étudier à différentes échelles spatiales et
temporelles.
Spatialement, cela pose avant tout la question de la dimension de
l’environnement, que l’on peut considérer à l’échelle locale (cadre de
vie immédiat des sociétés, dans des contextes bien particuliers : espaces
urbains, espaces ruraux, régions industrielles, versants de montagne,
littoraux), à l’échelle régionale (grandes régions bioclimatiques, par
exemple), mais aussi à l’échelle globale (réchauffement climatique actuel).
Les limites entre grandes régions et entre environnements locaux
doivent être prises en compte. La rupture nette entre un boisement et
une clairière (la lisière), ou au contraire la transition plus floue entre
des ensembles plus grands comme une grande agglomération et l’espace
rural, montrent que l’environnement est marqué par des discontinuités.
L’approche géographique leur donne justement toute leur place en cher-
chant à les expliquer en termes physiques et sociaux.
La géographie s’intéresse aussi aux différentes échelles tempo-
relles de l’environnement. Sur un pas de temps court, les géographes
peuvent caractériser la répartition actuelle d’une ressource, ou mesurer
les risques existant sur un territoire. Sur un temps plus long, la géo-
archéologie cherche à reconstituer l’évolution des environnements depuis
plusieurs milliers d’années. On peut ainsi retracer en parallèle l’histoire
d’un peuplement et les évolutions associées de son milieu, comme, par
exemple, l’importance des feux et de l’élevage dans la constitution des
formes végétales actuelles du bassin méditerranéen.

Enjeux politiques et géopolitiques de l’environnement


La mise en valeur de l’environnement nécessite des prises de décision et
des arbitrages entre les acteurs d’un territoire. États, collectivités locales,
associations, médias, entreprises privées, populations peuvent avoir des
visions différentes de la manière dont l’environnement peut être valorisé.
Des concertations sont organisées lors de certains grands travaux d’amé-
nagement, comme dans le projet de parc éolien en Baie de Saint-Brieuc

18

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Introduction à la géographie de l’environnement

(Côtes-d’Armor) à la fin de l’été 2016. Dans certains cas, les divergences


d’opinion donnent lieu à des affrontements plus ou moins violents et
médiatisés que l’on appelle des conflits d’usage (protection de la faune
sauvage à Yellowstone aux États-Unis).
La gestion politique de l’environnement s’exerce aussi à l’échelle
mondiale, à travers les décisions prises au niveau international par les
institutions de l’ONU lors de grandes conférences comme la COP21
à Paris (2015). Ces dernières, sous l’apparent consensus qu’elles font
émerger, expriment les grands rapports de force de la géopolitique
mondiale. La réduction de l’émission du CO2 est souvent critiquée par
les « pays du Sud » qui la ressentent comme une limite imposée par les
pays du Nord à leur développement.

Une nécessaire approche culturelle de l’environnement


Si l’environnement est source de conflits, c’est qu’il est au cœur de repré-
sentations individuelles et collectives qui lui donnent une valeur, qui
n’est pas la même partout. L’approche culturelle permet d’intégrer ces
représentations à partir d’images (artistiques ou non) et de discours.
Les géographes se sont emparés de la notion de paysage, qui joue sur la
relation entre l’environnement tel qu’il est vu et perçu, et la signification,
la valeur, que peuvent lui donner les individus et les sociétés. La notion
de paysage, notamment, insiste sur ce double aspect matériel et senso-
riel de l’environnement : le paysage n’existe que par la signification que
lui donne la société ou l’individu qui le regarde. Le géographe doit donc
s’intéresser aux représentations qu’ont les sociétés pour comprendre
comment elles construisent leur rapport à l’environnement.
Les discours sur l’environnement sont eux aussi à appréhender, prin-
cipalement parce qu’ils se sont imposés dans la sphère publique depuis
quelques décennies autour du thème de la protection. Il ne s’agit plus
d’un sujet réservé aux scientifiques et aux partis politiques, au moins
dans les pays développés. Les populations se sont très largement saisies
des problèmes environnementaux actuels, et contribuent à les relayer
très largement sur les réseaux sociaux. L’environnement est entré dans
la sphère privée : les individus sont appelés à agir quotidiennement à leur
échelle. Les entreprises reprennent ce discours général de protection et
cherchent à montrer qu’elles y contribuent.

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Géographie de l’environnement

La géographie de l’environnement
fonctionne comme un système
L’environnement est défini comme un objet complexe au cœur de rela-
tions et d’interactions multiples entre milieux et sociétés. On parle donc,
en géographie, de système : l’ensemble des éléments forme un tout. De fait,
à l’analyse descriptive se substitue une démarche qui envisage ensemble
les interactions entre les éléments constitutifs des territoires étudiés. On
appelle cela l’approche systémique : elle permet de comprendre les inter-
actions entre les éléments hétérogènes qui constituent l’environnement.

Environnement, déterminisme et adaptation


La conception systémique de l’environnement permet d’éviter l’écueil
du déterminisme. Placer les sociétés en lien avec les milieux empêche
de supposer un lien hiérarchique entre eux, qui voudrait que les milieux
influencent nécessairement le développement. Au contraire, chaque
société a développé ses propres mises en valeur, créant des environne-
ments pouvant être très différents sur des milieux pourtant physiquement
proches. Les sociétés s’adaptent à leur environnement. Cela montre bien
qu’il n’y a pas de déterminant naturel.
Malgré tout, la capacité d’adaptation n’est pas uniforme. Certaines
sociétés occupent des espaces géologiquement instables ou exposés à
des phénomènes hydrologiques ou climatiques intenses, sans forcément
avoir les moyens de s’en protéger. L’environnement peut donc repré-
senter un risque, dont la réponse demeure fortement liée au contexte
social, économique et politique.

Les sociétés dans leur environnement :


assurer la durabilité d’un système fragile
L’environnement est exploité en fonction des potentialités qu’il offre
aux sociétés : on parle notamment des ressources naturelles comme le
bois, la faune sauvage ou les minerais. Depuis la fin du xxe siècle s’est
imposée l’idée que les modes de consommation intenses des ressources
depuis l’industrialisation menacent leur renouvellement. La nécessité de
préserver les ressources fait donc partie intégrante des grands objectifs
environnementaux fixés par la communauté internationale. Cela a même
été l’un des éléments fondateurs de la notion de développement durable,

20

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Introduction à la géographie de l’environnement

qui évoque la nécessité de «répondre aux besoins du présent sans compro-


mettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs »
(rapport Brundtland, 1987). Proposer un mode de gestion des ressources
qui n’empêche pas leur renouvellement participe d’une conception de
l’environnement comme un monde fini, comme une planète dont la
surface ne peut s’étendre, alors que la population y augmente. Il paraît
nécessaire de préserver les ressources naturelles dans un contexte de crise
pour limiter le déséquilibre du système entre les sociétés et les milieux.

Les défis environnementaux


La géographie de l’environnement doit, enfin, tenir compte des défis
actuels. L’impact des sociétés semble effectivement avoir pris une
dimension mondiale et irréversible. Le contexte actuel, marqué par le
réchauffement climatique, est caractérisé par l’idée d’un dysfonction-
nement global de la Terre. La hausse des températures et les scénarios
d’évolution associés, la disparition des glaciers continentaux, la réduction
de la biodiversité sont autant d’indices de la crise globale en cours. Les
images des catastrophes sont diffusées mondialement par les médias et
les réseaux sociaux depuis quelques années, ce qui accentue considéra-
blement l’impression de menace.
Les sociétés sont inégalement exposées à ces menaces: l’environnement
est un puissant révélateur des disparités entre individus. La justice envi-
ronnementale permet d’envisager les inégalités sociales et économiques
à partir du rapport des sociétés à leur environnement, comme l’accès
aux ressources, l’exposition aux nuisances, ou la qualité du cadre de vie.
Transversales à l’ensemble des savoirs géographiques, les questions
environnementales révèlent des enjeux sociétaux très actuels qui touchent
à la question des ressources, des risques, du développement, de la protec-
tion, dans un contexte de changement global qui invite à considérer de
concert l’échelle locale et l’échelle mondiale.
Le présent ouvrage cherche à rendre compte de cette richesse de
la géographie de l’environnement et invite les étudiants à penser la
complexité des relations hommes-milieux. La démarche associe plusieurs
échelles de réflexion : de la dimension locale et régionale de l’exploitation
des ressources et des risques, aux grands enjeux globaux du dévelop-
pement durable et du système planétaire anthropisé, devenu source de
préoccupation politique et scientifique.

21

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Géographie de l’environnement

Objectifs de connaissances

Chapitre 1 o Définir et localiser les ressources naturelles renouvelables


et non renouvelables.
o Identifier les enjeux soulevés par les modes d’exploitation
des ressources.
o Comprendre le lien entre développement et gestion des ressources.

Chapitre 2 o Définir et bien individualiser aléas, enjeux, vulnérabilité, risques,


catastrophes et crises.
o Comprendre le rôle essentiel de la vulnérabilité et identifier ses formes
et ses origines.
o Identifier les temporalités, les acteurs et les outils employés
pour réduire les risques et gérer les crises.

Chapitre 3 o Comprendre que le paysage est une notion culturelle.


o Montrer la variabilité des formes d’un même paysage
à partir de la notion de trajectoire.
o Expliquer en quoi le paysage est une ressource.

Chapitre 4 o Définir les modes de protection de l’environnement.


o Montrer en quoi la protection de l’environnement est variable
dans le temps et dans l’espace.
o Expliquer en quoi la protection produit des conflits.
o Définir la biodiversité.

Chapitre 5 o Expliquer les causes de changements climatiques sur Terre


et en montrer les différentes échelles spatiales et temporelles.
o Définir adaptation et atténuation en montrant les stratégies
développées par les sociétés.

Chapitre 6 o Comprendre la prise de conscience de la crise globale.


o Définir la notion d’Anthropocène et en exposer les limites.
o Expliquer l’émergence de la gestion globale de l’environnement.
o Montrer les atouts et les freins de cette gouvernance mondiale.

Chapitre 7 o Définir le développement durable et en expliquer l’importance


dans les politiques environnementales mondiales.
o Montrer les problèmes d’échelles et de gouvernance que pose
la durabilité.

22

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Introduction à la géographie de l’environnement

Lectures conseillées
Arnould P., Simon L., 2007, Géographie de l’environnement, Paris, Belin,
coll. « Atouts géographie ».
Aykut S., Dahan A., 2015, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations
internationales, Paris, Presses de Sciences Po.
Beltrando G., 2011, Les climats. Processus, variabilité et risques, Paris, Armand
Colin, coll. « U ».
Blanchon D., 2010, « L’eau, une ressource menacée », La Documentation
photographique, n° 8078.
Blanchon D., 2012, Atlas mondial de l’eau, Paris, Autrement.
Chauveau L., 2004, Petit atlas des risques écologiques, Paris, Larousse.
Dauphiné A., Provitolo D., 2013, Risques et catastrophes. Observer, spatia-
liser, comprendre, gérer, Paris, Armand Colin, coll. « U ».
Demangeot J., 2010, Les milieux « naturels » du globe, Paris, Armand Colin,
coll. « U ».
Denhez F., 2009, Atlas du changement climatique : du global au local, changer
les comportements, Paris, Autrement.
Depraz S., 2008, Géographie des espaces naturels protégés, Paris, Armand Colin,
coll. « U ».
Desailly F., Vergnolle-Mainar C., 2005, Environnement et sociétés – Territoires,
risques, développement, éducation, Toulouse, Canopé CRDP Toulouse.
Gunnell Y., 2009, Écologie et société, Paris, Armand Colin, coll. « U ».
Laslaz L., 2013, Atlas mondial des espaces protégés, Paris, Autrement.
Leone F., Meschinet de Richemond, Vinet F., 2010, Aléas naturels et gestion
des risques, Paris, PUF, coll. « Licence ».
Mélières M.-A., Maréchal C., 2010, Climat et société : climats passés, passage
de l’homme, climat futur : repères essentiels, Paris, SCEREN.
Merenne-Schoumaker B., 2013, Atlas mondial des matières premières, Paris,
Autrement.
Périgord M., Donadieu P., Barraud R., 2012, Le paysage, entre natures et
cultures, Paris, Amand Colin.
Tsayem-Demaze M., 2011, Géopolitique du développement durable : les
États face aux problèmes environnementaux internationaux, Rennes, PUR,
coll. « Didact Géographie ».
Veyret Y., 2005, Le développement durable : approches plurielles, Paris, Hatier,
coll. « Initial ».
Veyret Y., 2011, Dictionnaire de l’environnement, Paris, Armand Colin.
Veyret Y., Ciattoni A., 2011, Géo-environnement, Paris, Armand Colin.

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N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 23 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

Notions à maîtriser
Aménité: ensemble des attributs (environnementaux, paysagers, infrastructu-
rels, etc.) qui rendent un lieu agréable. Les aménités ont une place croissante
dans les décisions d’implantation des acteurs sur un espace donné.
Anthropisation : action de transformation des milieux physiques par les acti-
vités des sociétés.
Conflit d’usage : divergence de représentations et d’usages entre acteurs d’un
même territoire pouvant provoquer des tensions.
Développement : amélioration des conditions de vie d’une société (éducation,
moyens économiques et financiers, santé, sécurité, services de base).
Durabilité : perspective de développement qui peut répondre aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les
leurs. Elle invite à penser à parts égales les dimensions environnementale,
économique et sociale du développement.
Écosystème : terme développé par Tansley en 1935 qui définit le système
qui combine en une seule unité à la fois les organismes vivants (biocénose)
et leur environnement physique non vivant (abiotique comme l’eau ou le
relief), que l’on appelle le biotope. Parler d’écosystème signifie que l’on
insiste sur les interactions entre les composantes de cet ensemble.
Géosystème : le géosystème modélise les interactions sociétés-milieux
à différentes échelles en s’intéressant à leurs aspects physiques et culturels
(il est associé à la notion de paysage, notamment).
Gouvernance : ensemble des processus et des institutions qui participent de la
gestion politique d’une société, sans être restreints aux canaux décisionnels
classiques (tel le gouvernement) : y sont donc associés la société civile, les
experts, les ONG, etc.
Inégalité environnementale : fait que les individus et groupes sociaux ne sont
pas égaux vis-à-vis de l’exposition aux nuisances et aux risques environne-
mentaux et ne disposent pas du même accès aux ressources et aux aménités
environnementales.
Patrimoine : désigne un héritage matériel ou immatériel dont la valeur est
reconnue par une société. Un patrimoine a vocation à être transmis, et
nécessite ainsi d’être préservé. Le patrimoine dit « naturel » concerne essen-
tiellement des paysages remarquables et/ou des écosystèmes fragiles souvent
menacés de disparition.
Paysage : désigne l’espace vu par un observateur. Le paysage s’appréhende
donc dans sa matérialité (nommer ce que l’on voit) et dans sa subjectivité

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Introduction à la géographie de l’environnement

(exprimer ce qu’il évoque pour chaque individu). La notion de paysage


montre que l’environnement est très lié aux représentations.
Pollution : altération physique et/ou chimique subi par un milieu physique
à la suite de rejets industriels et de l’accumulation des déchets. La pollution
peut se diffuser loin de sa source d’émission : nuage radioactif, pluies acides,
particules toxiques dans les cours d’eau, continent de plastique formé par
accumulation des déchets transportés par les courants marins.
Préservation et conservation de l’environnement : préserver l’environnement
nécessite d’exclure les sociétés des milieux, vus comme des espaces naturels
à protéger en empêchant leur exploitation. Conserver l’environnement, en
revanche, n’interdit pas les sociétés d’accéder et d’exploiter les milieux, alors
gérés de manière rationnelle pour éviter leur dégradation.
Réchauffement climatique : augmentation de la température moyenne à la
surface de la Terre. Le climat terrestre a connu une perpétuelle alternance
entre phases chaudes et phases froides. Toutefois, la très rapide hausse des
températures depuis la fin du xixe siècle, associée à une augmentation de la
concentration du CO2 dans l’atmosphère, est un phénomène qui inquiète la
communauté internationale. L’augmentation de l’anthropisation du monde
en serait une cause majeure.
Représentation : image de la réalité qu’un individu ou un groupe produit.
Une représentation possède une dimension matérielle (le support de cette
image) et une dimension immatérielle, idéelle, qui traduit le message que
l’image véhicule. Appréhender les représentations en géographie, c’est
chercher à comprendre la valeur qu’un individu ou une société accorde
à un territoire.
Résilience : capacité d’un système à absorber les perturbations pour pouvoir
se relever et reprendre son fonctionnement. En géographie des risques, la
résilience cherche à comprendre comment les sociétés se remettent des crises
et des catastrophes à différentes échelles d’espace et de temps.
Ressource : ensemble des matières minérales et biologiques qui présentent
une utilité pour les sociétés humaines.
Risque : un territoire en situation de risque est caractérisé par des enjeux
vulnérables exposés à une menace naturelle ou technologique plus ou moins
probable. Un risque élevé laisse craindre une catastrophe.
Système : fonctionnement interactif des différents éléments constitutifs
d’un territoire, des milieux physiques aux sociétés. La réflexion systémique
permet de caractériser la complexité des rapports milieux-sociétés et d’en
comprendre les éventuels déséquilibres.

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p Dessin © Jean Bourguignon.

Face à l’épuisement des réserves de pétrole, une alternative a été trouvée dans la
production d’agro-carburants. Ils sont censés être neutres en termes de bilan carbone
puisque l’émission de CO2 est compensée par l’absorption au cours de la croissance
des plantes utilisées (canne à sucre, betterave, colza…). En réalité, la production des
agro-carburants consomme beaucoup d’énergie et tend à causer le défrichement de
vastes zones boisées pour les transformer en terres cultivées, ce qui diminue au final
la capacité de stockage du carbone. Les agro-carburants ne permettent donc pas de
lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Ils sont par ailleurs respon-
sables d’un renforcement de l’insécurité alimentaire dans les pays en développement.

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CHAPITRE
L’environnement
1 et ses ressources

PLAN DU CHAPITRE Les « ressources naturelles » désignent l’ensemble des


I. Les ressources naturelles matières minérales et biologiques qui présentent une utilité pour
II. L’exploitation les sociétés humaines. Leur usage évolue en fonction des innova-
des ressources tions techniques qui entraînent le développement de nouveaux
III. Concilier développement besoins et ouvrent des possibilités d’exploitation. La notion de
et gestion des ressources ressource est donc relative à une société et à un moment.
Conclusion
Étudier les ressources naturelles en géographie consiste à s’in-
ÉTUDE DE CAS terroger sur les relations que les sociétés, dans un territoire et à une
L’Allemagne, un modèle époque donnés, nouent avec leur environnement. Une répartition
de transition énergétique ? par milieux de provenance permet de les classifier et de présenter
leur origine et leur rythme de renouvellement.
L’exploitation des ressources par les sociétés humaines peut
aussi conduire à une dégradation quantitative et/ou qualitative
de celles-ci, voire à leur épuisement. Ces dégradations amènent
à dresser un état des lieux des stratégies d’adaptation mises en
œuvre par les sociétés pour concilier la poursuite de leur dévelop-
pement économique et la préservation des ressources ou rejeter le
développement comme le proposent les modèles de décroissance.

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Géographie de l’environnement

I. Les ressources naturelles


Il existe plusieurs manières de classifier les ressources naturelles. Deux
sont privilégiées ici : par le milieu de provenance et par le rythme de
régénération des ressources.

1. Des provenances diverses


Les ressources sont situées dans différentes sphères de la Terre.

■ Les ressources de la lithosphère (sous-sol)


Le sous-sol renferme de nombreuses matières premières. La répartition
des ressources dans la lithosphère renvoie à l’histoire géologique de la
Terre. Le sous-sol est constitué de roches qui sont exploitées dans des
carrières, pour la construction notamment. Le granite, certains calcaires
(meulière, tuffeau), le marbre fournissent des pierres de taille renom-
mées. L’argile est plutôt utilisée pour fabriquer des briques. Les matériaux
de l’habitat expriment ainsi visuellement les liens unissant une société à
son environnement physique.
Les ressources minières (minéraux, métaux) sont exploitées depuis
l’apparition de la métallurgie (fer, cuivre, étain…). Elles recouvrent
une grande diversité de métaux – inoxydables (chrome), précieux (or,
Ne pas confondre ! argent), non ferreux (cuivre, aluminium) – et de minéraux qui sont
– Un minéral est un des utilisés dans le cadre d’applications diverses (électroniques notamment).
composants des roches.
– Un minerai est une Le sous-sol renferme aussi des combustibles fossiles : le charbon, le
roche dans laquelle gaz naturel et le pétrole se sont constitués il y a plusieurs centaines de
l’homme peut extraire millions d’années. Ils sont issus de la décomposition de la matière orga-
des minéraux utiles.
nique (animale ou végétale) enfouie dans le sous-sol dans lequel elle a été
piégée et s’est amassée, se retrouvant sous l’accumulation des sédiments
pour former des gisements.
Les gisements de pétrole et de gaz naturel (que l’on appelle des hydro-
carbures) proviennent de l’accumulation du plancton dans l’océan, les
lagunes et les deltas. Le charbon résulte de la décomposition de végétaux
terrestres ou d’eau douce. La pression, la température et les micro-
organismes participent à la transformation de cette matière organique
en hydrocarbures (composés d’hydrogène et de carbone). L’extraction
des combustibles fossiles est localisée : mine souterraine ou à ciel
ouvert (charbon) et forages (pétrole, gaz).

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1 L’environnement et ses ressources

Définitions

❯ Lithosphère : partie superficielle de la Terre composée de deux couches terrestres


superposées : la croûte (océanique ou continentale) et le manteau supérieur rigide.
❯ Gisement : portion de l’écorce terrestre où se trouvent accumulées des
substances minérales utiles (charbons, minerais, hydrocarbures…).
❯ Fission : division d’un noyau atomique instable en deux noyaux. Elle libère des
neutrons et dégage une énergie très importante : 1 g d’uranium 235 libère autant
d’énergie que plusieurs tonnes de charbon.

L’uranium, utilisé dans l’industrie nucléaire, constitue, lui, une


matière première fissile. Il est enfoui dans le sous-sol, dans les terrains
granitiques et sédimentaires surtout. C’est un métal lourd radioactif.
Abondant, ses principaux gisements sont situés en Australie, au
Kazakhstan, en Russie et au Canada.

Tableau 1.1 Comparaison des différentes ressources énergétiques


Émission de CO2
Équipement
en kg équivalent
pour produire Réserves estimées
carbone par tonne
1 000 MW d’énergie  Mégawatt.
équivalent pétrole (Tep)

2 à 5 centrales
Charbon 1 123 Environ 100 ans
thermiques

40/50 ans,
Pétrole 840
plus avec pétrole profond

2 à 5 centrales 60/80 ans, double


Gaz naturel 700
thermiques avec gaz de schiste

Non mesurable
Bois 7 (replantée)
(forte dispersion)

Environ 100 ans


(avec uranium enrichi),
1 réacteur REP  Réacteur à eau
Nucléaire 19 plus longtemps
1 000 MW pressurisée
avec surgénérateur,
illimité avec fusion (type le plus répandu).

Illimité (mais variations


Hydraulique 3 à 5 gros barrages 13
saisonnières)

3 000 éoliennes
Illimité
Éolien terrestres, 32
(mais intermittent)
1 500 en mer

5 à 6 millions de
Illimité
Photovoltaïque m² de panneaux 316
(mais intermittent)
photovoltaïques

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Géographie de l’environnement

■ Les ressources de l’hydrosphère


La surface de la Terre est recouverte à plus de 70 % d’eau. Cela représente
un volume d’environ 1,2 milliard de km3. L’eau douce ne représente
toutefois que 2,5 % de toute l’eau de la planète. Une grande partie de
 Voir Chapitre 6. cette eau est par ailleurs stockée dans la cryosphère (l’eau solidifiée sous
forme de glace : glaciers, inlandsis, couverture neigeuse permanente) pour
 On parle aussi de nappe environ 70 % et dans le sol pour environ 22 % (nappes souterraines).
aquifère pour désigner l’eau Seule une infime partie est donc disponible pour les activités humaines :
souterraine contenue
dans les interstices il s’agit des eaux de surface (lacs, cours d’eau).
ou les fissures d’une roche
du sous-sol.
Fig. 1.1 Le cycle de l’eau
Transfert de la vapeur d’eau

Précipitations Précipitations Ruissellement de surface Précipitations


9 000 km3 110 000 km3 Évapo- 42 6000 km3 458 000 km3
transpiration
Évaporation 65 200 km3
9 000 km3
a t ion
ltr Évaporation
Infi
502 800 km3
Zones
endoréiques

Circulation souterraine
12 0000 km3
Mers et océans

Précipitations Évaporation
* L’épaisseur des flèches est proportionnelle au volume
d’eau qu’elles représentent.

Source : ONU, 2006 ; Académie des sciences, 2006.

La quantité d’eau disponible varie dans le temps, au fil des saisons,


mais aussi dans l’espace selon la latitude et la continentalité. La combi-
naison des précipitations et des températures détermine le régime des cours
d’eau, c’est-à-dire les variations du volume d’eau écoulé en une seconde
à un endroit donné de la rivière (débit). On distingue les périodes d’aug-
mentation du débit (les crues, pouvant mener à des inondations si les
cours d’eau sortent de leur lit) des périodes de réduction du débit (l’étiage).
En climats océanique et méditerranéen, c’est pendant l’été que se produit
l’étiage car les températures augmentent, et donc l’évaporation également.

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1 L’environnement et ses ressources

Dans les milieux tropicaux où les pluies varient considérablement pendant


l’année, les cours d’eau ont des régimes contrastés, correspondant à l’alter-
nance entre saison sèche et saison humide. Les rivières montagnardes ou  Voir Entraînement p. 53.
des hautes latitudes connaissent un débit réduit en hiver du fait du stockage
de l’eau sous forme de neige ou de glace, puis des écoulements importants
lors de la fonte au printemps. L’eau n’est donc pas forcément disponible
au moment où les besoins (eau potable, irrigation…) sont les plus forts.
Définitions

❯ Latitude : distance angulaire qui sépare un point sur la Terre de l’équateur


(exprimée en degrés de – 90 ° vers le sud à + 90 ° vers le nord).
❯ Continentalité : ensemble des caractères climatiques déterminés par
l’affaiblissement des influences maritimes vers l’intérieur d’un continent.

■ Les ressources de l’atmosphère


Le Soleil émet un rayonnement qui atteint la surface de la Terre après avoir
traversé son atmosphère. Le bilan radiatif du système Terre/atmosphère  Voir Chapitre 5.
montre régionalement des zones excédentaires (entre 30° de latitude N et
30° de latitude S) et déficitaires (les zones au-delà). Ce déséquilibre produit
des transferts d’énergie via les mouvements de l’atmosphère (vents) et des
océans (courants). Le rayonnement solaire est donc à l’origine du cycle Le saviez-vous ?
de l’eau (évaporation des surfaces terrestres et des océans, précipitations) Il existe plusieurs
grandes zones
et de la circulation atmosphérique.
climatiques à la surface
Le rayonnement solaire fournit par ailleurs l’énergie nécessaire à la de la Terre : deux zones
froides (pôles),
photosynthèse, c’est-à-dire au processus de formation de matière par les une zone chaude
végétaux par absorption de l’énergie solaire récupérée par les feuilles. autour de l’équateur
Il s’agit donc d’un élément essentiel dans la production des ressources et deux zones
tempérées entre deux.
naturelles. Le vent et le soleil constituent également des ressources pour
produire de l’énergie.

■ Les ressources de la biosphère


D’autres produits, issus du vivant, sont tirés directement du sol, de l’air,
des eaux douces et de la mer. Il s’agit de la biomasse. Cette dernière La biomasse désigne
englobe la végétation et les animaux. L’intégration de l’ensemble des la masse totale de matière
vivante animale ou végétale
matières végétales aux « ressources naturelles » fait cependant débat car (par unité de surface)
les produits issus de l’agriculture ou de la sylviculture ne sont pas des présente dans l’écosystème.
produits bruts : ils sont en effet cultivés par les hommes. Par ailleurs,

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Géographie de l’environnement

depuis les années 1980, face à la disparition concomitante d’habitats


comme les forêts primaires (non transformées par l’homme) et de
nombreuses espèces de faune et de flore, la communauté internationale
 Voir Chapitre 4. s’inquiète de la perte de biodiversité. Celle-ci englobe trois échelles :
les espèces, les gènes et les écosystèmes. Il s’agit donc d’une approche
 Voir Chapitre 4. débordant la seule question des ressources naturelles.
Si les ressources sont tirées du sol, les sols eux-mêmes constituent
une ressource naturelle. Les sols sont la partie superficielle de la croûte
terrestre résultant de la transformation de la lithosphère sous l’action
de l’atmosphère, de la biosphère et de l’hydrosphère : ce sont donc des
espaces d’échanges (on parle alors d’interfaces). Ils fournissent à la
biomasse un support et des substances nutritives indispensables. Les
sols présentent des potentialités distinctes selon la nature du substrat
sur lequel ils se développent, le climat, la topographie (altération des
L’humus est l’horizon sols le long d’une pente) et les apports organiques (humus) fournis par
superficiel (la couche les plantes et animaux. Les sols sont le plus souvent classifiés selon les
supérieure) du sol, résultant
de la décomposition zones climatiques. Dans les terres arides, ils sont pauvres en humus en
de la matière organique. raison de l’insuffisance de la végétation. Dans la toundra, ils sont gorgés
d’eau ou gelés : ce sont des tourbes. Les sols bruns des forêts tempérées,
ou les sols noirs des prairies d’Europe centrale (appelés tchernozioms),
très riches en humus, constituent d’excellentes terres agricoles.
Parmi les ressources naturelles, certaines sont qualifiées de secon-
daires car leur utilisation nécessite une transformation par l’homme :
l’eau qui n’est parfois potable qu’après un processus de purification ou
encore l’ensemble des produits issus de l’agriculture.

2. Des rythmes de renouvellement contrastés


Les ressources naturelles ne disposent pas de la même capacité de régé-
nération : elles ne se reconstituent pas à la même vitesse.

■ Les ressources renouvelables,


épuisables et non épuisables
Sont considérées comme renouvelables les ressources dont le stock se
régénère à l’échelle d’une vie humaine. Leur production se réalise sur
un temps court (croissance de la végétation par exemple) ou bien elles
se renouvellent en permanence comme l’énergie solaire et ses dérivées.

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1 L’environnement et ses ressources

Les ressources dites renouvelables sont : l’eau, le rayonnement solaire


et la biomasse. Elles fournissent par ailleurs de l’énergie renouvelable :
énergie hydraulique (force de l’eau), énergie marémotrice (force de l’at-
traction de la lune attirant les marées), énergie éolienne (force du vent),
énergie hydrolienne (force des vagues) et énergie de la biomasse (fournie
par la végétation). L’utilisation de ces ressources ou de ces différentes
forces pour produire de l’énergie (panneaux photovoltaïques, barrages,  Voir Tableau p. 29.
éoliennes, hydroliennes offshore…) ne réduit en rien le potentiel naturel.
On pourra même parler de « ressources inépuisables » car elles sont
capables de se régénérer en permanence.
Les ressources biologiques qui sont constituées par les commu-
nautés vivantes exploitées par l’homme (sols, forêts, pâturages,
pêcheries maritimes, biodiversité) se renouvellent par reproduction.
Leur stock peut s’épuiser si le rythme de prélèvement devient supérieur
à celui de régénération. Une exploitation trop importante révèle la
fragilité de ces ressources. On parle alors de ressources renouvelables
mais épuisables.

■ Les ressources non renouvelables


Une ressource naturelle est qualifiée de non renouvelable lorsque le
temps nécessaire à sa création dépasse largement le temps d’une vie
humaine. Les combustibles fossiles comme les métaux, les minéraux
et les roches en sont une bonne illustration puisqu’ils se forment à un
rythme très lent. Il faut plusieurs millions d’années pour constituer ces
réserves. Les ressources non renouvelables se distinguent par un stock
de réserve fini. L’épuisement des réserves est donc inéluctable.
La consommation des sources d’énergies fossiles a augmenté à un
rythme soutenu, bien supérieur à celui de la production, depuis la révo-
lution industrielle. Par exemple, la consommation de pétrole a connu
une forte croissance avec le développement de l’automobile au début
du xxe siècle, puis du transport aérien : la consommation mondiale est
ainsi passée de 10 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) à plus de
500 millions Tep au milieu du xxe siècle pour dépasser les 3 500 millions
Tep au début des années 2000.
Les ressources non renouvelables ne concernent pas que les hydrocar-
bures, mais aussi l’eau. L’eau est une ressource renouvelable à l’échelle
de la planète grâce au cycle de l’eau, mais, localement, elle peut ne

33

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Géographie de l’environnement

pas être renouvelable. Ainsi, les grandes nappes d’eau fossiles situées
dans le sous-sol du Sahara libyen et égyptien s’épuisent considérable-
ment depuis quelques décennies. On dit que ces nappes d’eau sont
« fossiles » car elles sont héritées d’une ancienne période où le Sahara
était moins aride. Leur renouvellement n’est donc plus possible à l’heure
actuelle : ponctionnées par les sociétés, elles sont appelées à disparaître.
Indispensables à l’économie, les ressources non renouvelables sont stra-
tégiques et font l’objet de nombreux conflits et tensions.

II. L’exploitation des ressources


Les ressources naturelles sont soumises à des pressions croissantes liées
au développement des activités humaines depuis l’invention de l’agri-
culture au Néolithique, il y a environ 10 000 ans, puis des révolutions
industrielles survenues depuis le xviiie siècle en Europe occidentale, aux
États-Unis et au Japon.

1. Les enjeux de l’exploitation


L’exploitation des ressources suppose le déploiement d’un ensemble de
techniques visant à les détecter, les récupérer, les transformer puis à
les diffuser. Grâce aux progrès scientifiques, les sociétés sont capables
d’aller récupérer les matières premières dans des endroits auparavant
inaccessibles. Les mines de charbon se développent en Europe à la fin
du xviiie siècle suite à la première révolution industrielle.
Aujourd’hui, des plates-formes offshore peuvent récupérer le pétrole
et le gaz à plusieurs milliers de mètres de profondeur. De nouveaux
sous-marins sont construits pour explorer le fond des océans : la Chine
a ainsi lancé en 2011 le sous-marin Jiāolóng Hào capable d’emmener
3 passagers à plus de 7 000 mètres de profondeur. Cette prouesse lui
permet de se positionner comme un leader de l’exploration des nouvelles
ressources à exploiter.
L’exploitation des ressources s’accompagne donc d’un coût technique
croissant : celui-ci renforce les inégalités entre les pays qui ne disposent
ni des mêmes ressources initiales ni des mêmes capacités économiques
et technologiques pour les extraire et les valoriser.

34

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1 L’environnement et ses ressources

L’exploitation des ressources naturelles soulève donc de nombreuses


questions géographiques. Celles-ci renvoient à des enjeux d’ordre géo-
politique (coopération ou compétition entre les pays pour la maîtrise
des richesses naturelles) mais aussi à des questions environnementales.
Extraire des ressources et les transformer induit de fait des risques de Le saviez-vous ?
dégradation et d’épuisement des stocks. Selon la FAO, une forêt
caractérise un espace
boisé (plantations
2. La dégradation des ressources renouvelables exclues) d’au moins
0,5 ha, composé
Le progrès technique provoque une croissance économique sans précé- d’arbres d’au moins
5 m de hauteur à
dent qui permet de répondre aux besoins de la croissance démographique ; maturité avec un taux
mais il a aussi des impacts sur l’environnement et les populations. de couvrement d’au
moins 10 %.
■ La déforestation et ses impacts
Avant l’invention de l’agriculture, les hommes collectaient leur alimen-
tation directement dans la nature par prélèvement (chasse, pêche) ou
par cueillette (graminées, racines, légumineuses, fruits). Ces groupes
de chasseurs-cueilleurs avaient un impact mineur sur l’environne-
ment : leur outillage était simple et le stockage n’existait peu ou pas.
Ces groupes de faible densité et nomades se déplaçaient à l’intérieur de
vastes territoires. L’apparition de l’agriculture et de l’élevage a marqué Ne pas confondre !
les premières étapes de la domestication de leur environnement. Les – Le défrichement est
hommes ont ainsi sélectionné les espèces qu’ils ont élevées et culti- l’opération volontaire
consistant à supprimer
vées, et se sont sédentarisés. Les couverts végétaux ont été transformés
les espaces boisés
par des défrichements progressifs et les surfaces cultivées ont bientôt généralement pour
remplacé la forêt. Ce processus a par exemple conduit à la diminution mettre en valeur
des taux de boisement en Europe de l’Ouest suite à plusieurs siècles de agricole le sol.
– La déforestation
défrichement et de mise en valeur agricole.
désigne la régression
Si les massifs forestiers européens sont actuellement stabilisés, voire ou la disparition des
espaces forestiers.
en extension, et en grande partie protégés, ce sont les taïgas sibériennes et
les forêts tropicales qui sont aujourd’hui menacées par la déforestation.
Ce terme recouvre une réalité multiple et son évaluation est particuliè-
rement complexe puisque les définitions de la forêt et les outils de sa
caractérisation sont hétérogènes. Il est donc important de replacer l’évo-
lution des surfaces forestières dans une chronologie longue qui montre Les géographes P. Arnould
et L. Simon ont montré
que la superficie des forêts varie en fonction des variations climatiques, la complexité des notions
des causes naturelles (feux, parasites…) et des interventions humaines . de déforestation.

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Géographie de l’environnement

Certains pays sont cependant marqués par une régression notable de


la forêt (Cambodge, Guinée).
La déforestation a des conséquences environnementales multiples.
Le défrichement de surfaces boisées provoque d’abord une perte de
biodiversité par suppression des écosystèmes en place. La disparition du
couvert forestier appauvrit les sols qui ne sont plus protégés ni alimentés
en apports organiques. Cela peut se traduire par l’augmentation des
processus de ruissellement et une érosion des sols, notamment sur les
surfaces en pente (mouvements de terrain). La déforestation modifie
également les équilibres climatiques à l’échelle locale et planétaire.
La végétation participe activement au cycle de l’eau : par l’éva-
potranspiration, la végétation vaporise l’eau que son système racinaire
puise dans le sol. La suppression de la végétation se traduit par une
diminution de l’humidité à l’échelle locale (augmentation des surfaces
sèches, réchauffement de l’air) et des apports pluviométriques à une
échelle plus large. La déforestation joue aussi un rôle dans le réchauf-
fement climatique : les feux de forêts émettent du CO2. La régénération
naturelle de la végétation participe par ailleurs à la fixation du CO2 :
une diminution du couvert forestier fait donc craindre un déséquilibre
 Voir Chapitre 5. dans le bilan carbone.
Les pratiques des sociétés sont aujourd’hui dénoncées comme les
causes de la disparition des forêts tropicales. Les conséquences du
La taïga désigne la forêt commerce des bois tropicaux ne représentent qu’un quart du marché
boréale que l’on trouve international du bois. Les forêts boréales sont aussi concernées : si la taïga
du Canada à la Sibérie
aux hautes latitudes.
scandinave est bien protégée par une sylviculture (gestion des forêts)
Caractérisée par le froid efficace, ce n’est pas le cas de la taïga sibérienne pillée ou des forêts
et des sols pauvres, gelés canadiennes. Les opinions publiques sont cependant désormais sensi-
et engorgés, cette forêt
bilisées aux conséquences de coupes hasardeuses (d’où la multiplication
immense renferme un faible
nombre d’essences (épicéa, des processus de certification, garants de la bonne gestion des forêts
sapin, pin et mélèze). exploitées : FSC, PEFC, etc.).
Définitions

❯ FSC : Forest Stewardship Council ou Conseil pour la bonne gestion des forêts,
organisation mondiale vouée à la promotion de la gestion responsable des forêts
dans le monde entier.
❯ PEFC : Program for the Endorsement of Forest Certification ou Programme de
reconnaissance des certifications forestières pour une gestion durable des forêts.

36

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1 L’environnement et ses ressources

Fig. 1.2 Les conséquences de la déforestation

La forêt favorise la pédogénèse et stabilise les sols sur les versants.

Élevage
Cultures
Alluvions fines

Développement de activités agricoles après défrichage :


début d’érosion et perte de fertilité

Broussailles
Graminées et buissons
Alluvions grossières
Essarts
Alluvions fines

Abandon des parcelles et érosion des pentes :


les alluvions grossières se déposent en fond de vallée ; pédogénèse très réduite
Source : d’après POMEL S. et SALMON J.-N., 1998, La déforestation dans le monde tropical,
Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux.

37

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Géographie de l’environnement

L’importance des coupes pour le bois-énergie (bois de chauffe),


souvent mal encadrées, est par ailleurs un problème réel dans nombre
de pays (en Afrique de l’Ouest notamment). Les espaces forestiers
régressent surtout du fait de l’extension des terres agricoles depuis les
années 1990 mais aussi de l’urbanisation en Amérique centrale et du
Sud. La déforestation peut être liée à une agriculture vivrière au Laos
ou à Madagascar par exemple où l’agriculture sur brûlis est dénoncée. Il
s’agit d’une agriculture itinérante : après quelques années de culture, la
parcelle est abandonnée et la forêt se reconstitue. Toutefois, tant que la
densité de population demeure suffisamment faible pour permettre des
temps de recrû forestier longs (au minimum 15 ans), la forêt et la fertilité
des sols se reconstituent.
Dans les pays en développement, la déforestation est rendue spec-
taculaire par la multiplication des fronts pionniers particulièrement
impressionnants en Amazonie. La mise en culture se traduit par des
défrichements massifs associés au développement de productions
commerciales : le soja et le maïs en Amazonie brésilienne, l’huile de
palme en Indonésie, les plantations d’hévéas en Malaisie ou au Laos. En
Amérique latine, l’élevage extensif provoque le défrichement de vastes
surfaces forestières pour produire de la viande. La forêt est donc remplacée
par des cultures commerciales mono-spécifiques privant les populations
locales des ressources qu’elles y collectaient. La suppression et la dégra-
dation des espaces forestiers ont aussi des conséquences écologiques
à une échelle globale.

■ Les impacts sur l’environnement


de l’exploitation des énergies fossiles
La croissance démographique et l’élévation du confort domestique et de
la mobilité des populations ont très fortement augmenté la consomma-
tion énergétique à l’échelle mondiale : celle-ci a été multipliée par 6 depuis
1950. Les combustibles fossiles assurent aujourd’hui plus de 80 % de ces
besoins. Or, leur exploitation a des conséquences environnementales
 Voir Méthode négatives à toutes les échelles.
du schéma fléché p. 257.
À l’échelle locale, elle bouleverse l’organisation des paysages (mines à
ciel ouvert, forte densité de plateformes de forage, de bassins de stockage
des déchets, des routes d’accès et autres infrastructures). Elle génère des
nuisances sonores et atmosphériques (transports, chantiers) pour les

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1 L’environnement et ses ressources

écosystèmes et les riverains lorsque ces derniers ne sont pas simplement


évacués. La santé des populations peut être mise en danger par la pollu-
tion des sols, de l’eau et de l’atmosphère induite par ces activités, comme
cela est par exemple dénoncé pour les gaz de schiste par la société  Voir Focus p. 43.
civile. On peut évoquer en France la marée noire de l’Erika en 1999 ou
celle plus récente de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2010
dans le golfe du Mexique.
À l’échelle internationale, l’acheminement des hydrocarbures
comporte lui aussi des risques pour l’environnement, maritime et côtier
en particulier, comme l’illustrent les fréquents épisodes de marées noires
et de dégazages en mer . L’utilisation massive des énergies fossiles a  Voir Chapitre 2.
par ailleurs un impact direct sur le réchauffement climatique global. La
combustion des énergies fossiles dans les centrales thermiques ou les
moteurs des véhicules participe depuis plus d’un siècle à l’émission de
gaz à effet de serre.
Définitions

❯ Gaz de schiste : hydrocarbures non conventionnels qui nécessitent des techniques


d’extraction lourdes.
❯ Effet de serre : mécanisme naturel qui provoque l’accumulation de chaleur dans
les basses couches de l’atmosphère.

Le charbon, le pétrole et le gaz naturel, dans une moindre mesure,


émettent lors de leur combustion du dioxyde de carbone (ou CO2)
qui aggrave ce phénomène, provoquant une augmentation des tempé-
ratures. La combustion du bois de chauffe auquel ont recours de
nombreuses populations dans les pays pauvres participe également
à ce phénomène. Les émissions annuelles de CO2 ont plus que doublé
depuis 1990. Elles ont augmenté de 170 % entre 1990 et 2007 en Chine,  Voir Chapitre 5.
premier producteur et consommateur de charbon.
Le charbon et le pétrole contiennent par ailleurs une proportion
non négligeable de soufre. Sa combustion dégage un gaz qui se trans-
forme dans l’atmosphère en acide sulfurique ; celui-ci, transporté sur
de longues distances par la circulation atmosphérique, est responsable
des pluies acides participant à la dégradation des forêts.

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Géographie de l’environnement

FOCUS Les conséquences de la surpêche


Le poisson représente 10 % des protéines consommées par l’homme. De
5 millions de tonnes en 1990, la pêche a atteint près de 100 millions au début
du XXIe siècle, les chalutiers-usines permettant de capturer plusieurs tonnes par
jour. La stagnation depuis les années 1990 du volume de pêche témoigne de
l’épuisement de cette ressource.
Au XIXe siècle, la ressource halieutique se raréfiant, les pêcheurs français déve-
loppent la pêche hauturière (en haute mer) et la pêche à la morue au large de
Terre-Neuve. Au XXe siècle, les navires-usines conduisent à exploiter des zones
plus nombreuses et plus profondes. Seulement, les chaluts endommagent les
écosystèmes et environ un quart des poissons prélevés sont rejetés morts car
ils ne correspondent pas aux espèces souhaitées, entraînant des répercussions
sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.
En mer du Nord, le thon rouge commence à être pêché au début du XXe siècle.
Des conserveries s’installent sur les côtes scandinaves et les captures augmen-
tent. La demande en thon augmente dans la seconde moitié du XXe siècle au
Japon. Pour faire face à l’effondrement rapide de l’espèce, des quotas inter-
disent la capture de spécimens de taille inférieure à 30 kg pour assurer la
reproduction. On estime qu’au-delà de 15 000 tonnes de prises le renouvelle-
ment du stock n’est plus assuré. Or, le volume pêché est actuellement estimé
à 50 000 tonnes.
La mise en place d’une réglementation efficace est rendue difficile par les
enjeux économiques et alimentaires. D’autres solutions se développent comme
l’aquaculture. Cette alternative produit près de 30 millions de tonnes de pois-
sons d’élevage mais induit un impact sur l’environnement (pollution du fait des
traitements préventifs, solution très consommatrice en alimentation).

3. L’épuisement des réserves


de ressources non renouvelables
Outre la dégradation de l’environnement occasionnée par l’exploitation
des ressources, un des principaux enjeux contemporains concerne la
diminution des ressources naturelles disponibles alors que les besoins
des êtres humains, plus nombreux et plus consommateurs, continuent
d’augmenter.

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1 L’environnement et ses ressources

■ La notion de réserve
Les ressources non renouvelables se caractérisent par des stocks dispo-
nibles finis. Il faut différencier les ressources (ensemble des gisements y
compris non encore découverts ou non économiquement rentables) des
réserves (ressources identifiées et dont l’exploitation est économique-
ment rentable). Les ressources sont présentes en grande quantité sur la
planète, mais, comme pour l’eau, la part exploitable est réduite.
La notion de réserve évolue sans cesse dans le temps en fonction du
cours des ressources, qu’il s’agisse des hydrocarbures ou des métaux : ce
cours détermine la rentabilité du développement de nouveaux gisements
et des progrès techniques qui permettent d’en identifier de nouveaux, de
développer d’autres moyens d’extraction ou de perfectionner les moyens
existants afin de limiter leur impact sur l’environnement. L’évaluation
des réserves est rendue complexe car elle dépend aussi des stratégies
économiques et politiques des États et des compagnies.
Trois types de réserves sont distingués :
– Les réserves prouvées sont les quantités d’hydrocarbures qui ont une
probabilité de récupération supérieure à 90 % dans les conditions La probabilité de
économiques et technologiques du moment. récupération indique le
caractère plus ou moins
– Les réserves probables sont les quantités d’hydrocarbures dont l’exis- vraisemblable d’extraction
tence est démontrée mais dont l’exploitation dépend du coût que les des volumes estimés.
consommateurs sont prêts à payer : leur probabilité de récupération
est estimée entre 50 et 90 %.
– Les réserves possibles ont une probabilité de récupération inférieure
à 10 %.
Pour le pétrole, l’estimation des réserves prouvées indique l’équiva-
lent d’une quarantaine d’années de production si l’on conserve le rythme
actuel de production, tandis que les réserves de gaz naturel corres-
pondent à la production de plus de 60 ans. Si une augmentation des
prix peut justifier le recours à de nouvelles technologies plus coûteuses,
il semble bien que le fameux peack oil, défini dans les années 1970, soit Le peak oil désigne
bientôt atteint. le moment où la production
de pétrole atteindra
un plafond et commencera
son déclin du fait
de l’épuisement
des réserves mondiales.

41

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Géographie de l’environnement

Fig. 1.3 Les réserves d’hydrocarbures dans le monde

57
17
5
167,8
1,6
13,7 EX-URSS
9,1
10
EUROPE
164
76,2
AMÉRIQUE DU NORD 102,9
0,9
MOYEN-ORIENT
16,2
14,7 5,7
17,5 172,8
21,3 ASIE-OCÉANIE
AFRIQUE
8
27
10
AMÉRIQUE LATINE

I. Ressources identifiées d’uranium II. Réserves d’hydrocarbures prouvées


par pays (en milliards de TEP, par régions en janv. 2010)
importantes faibles Gaz naturel
fortes inexistantes Pétrole brut
moyennes Charbon

Source : BARRÉ B.et MÉRENNE-SCHOUMAKER B., 2011, Atlas des énergies mondiales,
Paris, Autrement.

■ Les nouveaux gisements : l’ultime frontière


Face au constat de l’épuisement des réserves, de nouveaux gisements
sont convoités. Les progrès techniques permettent de repousser sans
cesse les limites et d’envisager l’extraction de ressources jusque-là
inaccessibles. Plusieurs nouvelles ressources sont ainsi exploitées au
début des années 2000 : les prix du pétrole et du gaz sont alors élevés
dans un contexte où la production stagne tandis que la demande
ne cesse de croître. Ces prix élevés ont permis aux compagnies de
lancer de nouvelles explorations pour exploiter notamment les gaz de
schiste et sables bitumineux en Amérique du Nord ou encore dans le
sous-sol arctique.
La fonte des glaces en Arctique constitue un autre exemple de nouvelle
 Voir Étude de cas frontière à la fois technique et géographique. La réduction de la banquise
du Chapitre 5 p. 166.
ouvre de nouvelles routes maritimes et provoque des tensions géo-
politiques importantes car d’importants gisements sont contenus dans
le sous-sol.

42

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1 L’environnement et ses ressources

L’espace arctique devient depuis les années 2000 un « eldorado »


Attention !
polaire. Les forages dans le Grand Nord se sont révélés envisageables
Ces chiffres sont en
économiquement lorsque le baril de pétrole a franchi les 50 dollars, et réalité faux : d’une
sont géopolitiquement intéressants quand on sait combien la situation part, parce qu’il est
de certains pays producteurs, comme l’Irak ou le Nigeria, complique réellement difficile
d’évaluer ces gisements
l’accès aux ressources. Les compagnies se disputent l’exploitation de et, d’autre part, parce
ces ressources qui représenteraient 13 % des réserves non découvertes que les acteurs ont
de pétrole (soit 3 ans de consommation mondiale) et 30 % des réserves tout intérêt à en faire
des instruments de
de gaz (soit 6 ans de consommation mondiale) mais aussi des stocks de variation des cours
charbon et de métaux rares. (sous-évaluation de la
ressource pour faire
monter les prix et
inversement).
FOCUS L’exploitation des hydrocarbures
non conventionnels
Traditionnellement, les compagnies exploitent des hydrocarbures occupant les
interstices d’une roche poreuse et perméable (réservoir). Ils sont emprisonnés
entre la roche mère et une roche imperméable (couverture) et extraits via
des puits. Des méthodes dites « non conventionnelles » sont développées pour
extraire les hydrocarbures piégés dans la roche mère ou concentrés dans des
roches réservoirs peu perméables. Par exemple, le gaz de schiste exploité à
grande échelle en Amérique du Nord depuis les années 2000 requiert un forage
non vertical et le recours à la fracturation hydraulique. La fracturation hydraulique
consiste à injecter
Outre leur coût élevé, ces techniques sont controversées du fait de leurs
à haute pression un fluide
impacts sur l’environnement. La consommation d’eau générée par la fractu- afin de créer des fissures
ration hydraulique crée de forts conflits d’usage dans des régions soumises à artificielles au travers
la sécheresse comme le Texas. Le gaz échappé et les fluides de fracturation desquelles le gaz va pouvoir
se déplacer en direction
sont susceptibles de contaminer les nappes phréatiques. L’injection d’eau du puits de production.
dans la roche provoque des séismes. Pionniers dans l’exploitation des gaz de
schiste, les États-Unis sont depuis 2014 en passe d’être indépendants sur le
plan énergétique.
Les conséquences environnementales de cette exploitation sont largement
débattues : la France a, elle, interdit la fracturation hydraulique.

Cette ruée vers les ressources de l’Arctique comporte un certain nombre


de risques environnementaux puisque l’exploitation nécessite d’utiliser
la fracturation horizontale afin d’exploiter les gisements offshore depuis

43

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Géographie de l’environnement

des puits installés sur la côte. La profondeur des gisements, l’éloignement


des côtes et les conditions climatiques (icebergs à la dérive, englacement
pendant une grande partie de l’année) constituent des conditions parti-
culièrement difficiles d’exploitation.
Les nodules polymétalliques constituent un autre exemple de
ressources de plus en plus convoitées dont regorgent les fonds océa-
niques. Ce sont des concrétions de roche formées selon un processus
d’environ 3 millions d’années autour d’un noyau : principalement
composés de manganèse, ils contiennent dans des proportions infé-
rieures à 1 % du nickel, du cuivre et du cobalt. Ce sont des minéraux
particulièrement stratégiques car ils sont très mal répartis sur la planète
et très fortement utilisés dans le cadre de l’industrie électronique. Les
nodules polymétalliques recouvrent les plaines abyssales de tous les
océans, en particulier le Pacifique. Ils sont situés à des profondeurs de
3 000 à 6 000 mètres.
Des premières tentatives d’exploitation ont été menées au cours des
années 1970 et 1980. Celles-ci ont bouleversé les écosystèmes aquatiques
dont on sait aujourd’hui qu’ils abritent une riche biodiversité : la récu-
pération des nodules a en effet produit un panache de sédiments qui a
recouvert les fonds océaniques. Ces conséquences ont conduit à mettre
en place une réglementation plus stricte visant à une meilleure prise en
compte de l’environnement.

4. Des ressources qui suscitent des conflits


L’exploitation des ressources épuisables, des hydrocarbures en particu-
lier, constitue un enjeu géopolitique fort. De nombreux conflits sont
liés à l’inégalité des conditions d’accès aux ressources naturelles. Ces
tensions peuvent être internes à un pays ou bien faire intervenir des pays
distincts. L’exemple des ressources maritimes (hydrocarbures offshore,
La territorialisation poissons…) illustre le processus de territorialisation qui accompagne
consiste en une l’exploitation des produits naturels. Un droit international de la mer
appropriation d’un espace.
Celle-ci peut être juridique s’est mis en place tout au long du xxe siècle en relation avec la multipli-
et économique (propriété) cation des revendications territoriales sur les mers.
ou symbolique (sentiment
d’appartenance). Depuis 1982, les États côtiers jouissent d’une zone économique exclu-
sive (ZEE) : un espace maritime de 200 milles marins (environ 370 km)

44

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1 L’environnement et ses ressources

depuis les côtes sur lequel ils exercent des droits souverains en matière
d’exploration et d’usages des ressources de l’eau, du fond de la mer et
du sous-sol. Au-delà, dans les eaux internationales (64 % des océans),
la liberté prévaut. Il s’agit de protéger les ressources des pays côtiers
vis-à-vis de pays riches dont les capacités à se déplacer pour exploiter
des ressources lointaines ont largement augmenté.
La découverte de nouveaux gisements dans l’océan Arctique suscite
par ailleurs des conflits entre les cinq États voisins du pôle Nord (Russie,
États-Unis, Canada, Norvège et Danemark) : chacun cherche à étendre
son domaine de souveraineté sur le sous-sol arguant de l’extension
du plateau continental au-delà de la limite des 200 milles marins. Le plateau continental
Seulement, les nouveaux tracés des ZEE révèlent des superpositions : est un critère géologique :
les pays demandeurs
les États côtiers doivent donc négocier leurs frontières, ce qui n’est guère doivent prouver que la
aisé (mer de Chine méridionale, Caraïbes, Méditerranée). plateforme continentale
se prolonge en mer. Ils
devront ensuite, le cas
échéant, négocier avec les
III.Concilier développement pays voisins les frontières
communes.
et gestion des ressources
L’exploitation des ressources naturelles pose donc la question des moyens
de satisfaire les besoins de l’ensemble de la population, sans compro-
mettre le maintien et la qualité des ressources pour l’avenir.  Voir Chapitre 7.

1. L’inégale répartition des ressources


La gestion des ressources naturelles constitue une question éminemment
géographique puisque celles-ci ne sont pas réparties de manière égale
à la surface de la Terre alors que l’ensemble des populations partagent
des besoins communs pour assurer leur développement. Il y a donc
un déséquilibre entre la disponibilité des ressources et la demande.
Cette situation engendre des conflits d’ordre géopolitique mais aussi des
inégalités environnementales à toutes les échelles.

45

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Géographie de l’environnement

■ Inégalités environnementales
La répartition géographique des ressources dépend de l’histoire géolo-
gique de la Terre et des conditions climatiques, cette répartition créant
des inégalités fortes entre les régions du globe.
Par exemple, plus d’un milliard de personnes ne bénéficie pas d’un
accès minimum à une eau salubre. En moyenne, le volume d’eau dispo-
nible par personne et par an, évalué à 6 500 m3, couvre l’ensemble des
besoins de l’humanité. Seulement, derrière cette moyenne se cachent
de fortes disparités. L’inégale répartition de l’eau crée des situations de
pénurie dans certaines régions où ce volume annuel par personne est
inférieur à 1 000 m3 : il y a alors une insécurité hydrique puisque les
besoins ne peuvent être couverts. Quelques pays disposent de ressources
très abondantes (Brésil, 45 000 m3/hab/an ; Canada, 90 000) tandis que
d’autres ont des ressources quasi nulles (Koweït, 7). Ces écarts masquent
des inégalités à l’intérieur des pays selon la proximité au réseau hydro-
graphique ou à des nappes souterraines et les contrastes climatiques.
Comme la distribution des ressources n’est souvent pas en adéqua-
tion avec celle des besoins, les sociétés ont développé des stratégies pour
assurer des transferts entre les lieux de production et de consomma-
tion. Un réseau dense de canaux et d’aqueducs permet de détourner le
volume d’eau qui circule dans les fleuves ou de distribuer l’eau accu-
mulée à l’amont de grands barrages afin d’assurer des échanges à travers
le monde. De nombreux projets de coopération existent par exemple entre
les deux rives de la Méditerranée. Ces flux génèrent des devises impor-
tantes entre les pays importateurs et exportateurs. Cependant, l’accès à ces
transferts nécessite des moyens techniques et financiers dont un certain
nombre de pays ne dispose pas. Si les pays peu dotés sont aussi bien
des pays développés que des pays pauvres (Singapour, Burkina Faso) et
inversement (Nouvelle-Zélande, Laos), les capacités des pays à accéder
à la ressource sont très inégales. L’ouest des États-Unis parvient avec
d’importants investissements financiers et une forte capacité technique à
résoudre la pénurie d’eau tandis que de nombreux pays africains peinent
à mobiliser la ressource.
Outre les effets désastreux que ces dispositifs peuvent avoir sur
l’environnement, la mobilisation des ressources comporte des enjeux
géopolitiques. Certaines populations peuvent être privées de l’accès à

46

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1 L’environnement et ses ressources

une ressource par ailleurs abondante, soit parce qu’elles n’ont pas les
moyens techniques de l’identifier et de l’exploiter, soit parce qu’on leur
en interdit l’accès. Sur les fleuves transfrontaliers, une ponction trop forte
en amont ou la pollution de la ressource provoquent des tensions : une
concurrence s’exerce sur les prélèvements en eau entre les populations
localisées à l’amont (Soudan sur le Nil, Californie pour le Colorado) et
celles de l’aval (Égypte pour le Nil, Mexique pour le Colorado). Les mêmes
écarts peuvent être observés pour les autres ressources.

Indépendance, autosuffisance et souveraineté


D’un point de vue géopolitique, plusieurs notions permettent de qualifier la situa-
tion d’un pays (mais aussi d’un individu ou d’une communauté) vis-à-vis de ses
ressources. Celles-ci sont notamment utilisées pour qualifier la situation d’un pays
du point de vue énergétique ou encore alimentaire.
Ainsi, l’indépendance qualifie la situation des pays qui n’ont pas besoin d’importer
des ressources naturelles pour satisfaire leurs besoins car ils sont suffisamment
pourvus.
L’autosuffisance se définit comme la capacité d’un pays à subvenir à ses propres
besoins. On parle par exemple d’autosuffisance alimentaire lorsque la production
agricole nationale permet de nourrir la population.
En corollaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la souveraineté des
peuples sur les ressources naturelles détermine le droit de chaque État d’utiliser,
d’exploiter et de disposer des richesses naturelles présentes sur son territoire.
Inscrite dans le droit international, cette règle proposée par l’ONU en 1962
accompagne le processus de décolonisation.

■ Les énergies renouvelables


Le développement des énergies renouvelables constitue une solution
pour ne plus dépendre des ressources non renouvelables, mais aussi pour
limiter l’exploitation des ressources dégageant de grandes quantités de gaz
à effet de serre. L’Union européenne a inscrit dans son « Action Climat »
des objectifs plus ambitieux : réduction d’au moins 40 % des émissions de
gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, proportion d’au moins
27 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale. La
part des énergies renouvelables était de 24 % en 2013 avec d’importants

47

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Géographie de l’environnement

écarts selon les pays : la France apparaît en 16e position, en dessous de la


moyenne des 28 (14 % seulement). Le gouvernement français s’est cepen-
dant engagé à atteindre 20 % d’énergies renouvelables d’ici 2020, puis
27 % d’ici 2030.
Ces sources d’énergie restent locales. Qu’il s’agisse de la biomasse
(valorisation des déchets et du bois), de l’hydraulique, de l’éolien,
de la géothermie ou du photovoltaïque, toutes ces formes d’énergie
présentent un caractère dispersé. Elles forment de petites unités qui
vont être organisées en filières locales pour approvisionner les foyers
de consommateurs. Il n’y a pas de transport sur de longues distances
de l’énergie. Si les inconvénients majeurs des énergies fossiles relèvent
 Voir Chapitres 6 et 7 sur de l’échelle planétaire – contribution au réchauffement climatique –,
ces questions d’articulation les oppositions à l’installation des énergies renouvelables s’ancrent à
entre problème global
et solutions locales. une échelle locale. Les éoliennes font l’objet de débats en raison des
nuisances sonores et visuelles qu’elles apportent aux riverains. La dégra-
dation du paysage est souvent convoquée par les opposants. Les énergies
renouvelables donnent lieu à d’autres critiques : le caractère intermittent
(soleil, vent), le recyclage des matériaux (notamment panneaux photo-
voltaïques et batteries).

2. Vers un développement
plus économe et respectueux ?
Face au constat de l’épuisement des réserves et des impacts sur l’envi-
ronnement de l’exploitation massive des ressources, plusieurs stratégies
s’affrontent.

■ Le progrès technique comme solution


Une première stratégie est de considérer que le progrès technique va
fournir de nouvelles solutions : les innovations permettent de s’affran-
chir des limites existantes. L’énergie est considérée comme le moteur
de la croissance économique. Le charbon a été au cœur de la première
révolution industrielle, le pétrole a permis de développer les transports
et de nouvelles industries tandis que l’énergie nucléaire assure une part
croissante des besoins depuis 1950. Dans ce contexte, il n’est pas envi-
sagé de renoncer à la croissance : le développement est dépendant de
l’énergie qui constitue un enjeu stratégique (revenus importants, enjeux

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1 L’environnement et ses ressources

géopolitiques). Le développement va donc passer par l’exploitation de


nouvelles réserves pétrolières (grands fonds, pôles…). La frontière est
repoussée grâce au progrès technique.
De nombreux aménagements ont ainsi permis de dépasser les situa-
tions de pénurie en eau. La construction de barrages permet de stocker
l’eau durant les périodes de forts apports (en hiver par exemple ou au
printemps à la fonte des neiges dans les régions caractérisées par un
régime nival) et de la redistribuer pendant les périodes de sécheresse.
Les régions arides ont recours à des transferts d’eau. Le barrage d’As-
souan construit sur le Nil dans les années 1960-1970 est l’infrastructure
indispensable à la valorisation agricole d’une vaste région désertique :
l’irrigation permet de répondre aux besoins alimentaires de la population.
Marquée par de longues sécheresses, la Californie a, elle, également déve-
loppé des équipements d’ampleur pour acheminer l’eau des montagnes
de la Sierra Nevada vers les lieux de consommation : barrages, réservoirs,
stations de pompage et canaux d’irrigation sont les conditions du succès
de l’agriculture californienne.
Par ailleurs, ces équipements modifient les équilibres écologiques
(rétention des sédiments, érosion du littoral, modification des écosys-
tèmes, obstacle à la migration des poissons par exemple pour les barrages).
Une autre technologie innovante consiste à transformer l’eau salée via
des usines de désalinisation. Plusieurs d’entre elles existent au Moyen-
Orient mais aussi aux États-Unis. Très consommatrices en énergie et
coûteuses, ces usines offrent de nouvelles perspectives pour approvi-
sionner les régions côtières.

■ La transition énergétique
et la gestion raisonnée des ressources
À l’inverse, une autre position est de considérer qu’un changement de
cap s’impose et que le statu quo constitue une impasse. Le double constat
de l’épuisement des réserves et d’un certain nombre de problèmes écolo-
giques, dont en particulier l’érosion de la biodiversité et le réchauffement
climatique, conduit à considérer que la croissance ne peut se poursuivre
au même rythme ou tout du moins selon les mêmes modalités. Les solu-
tions prônées sont de diminuer la consommation afin de préserver les
ressources, d’adopter des modes de développement plus respectueux
de l’environnement et de promouvoir d’autres sources d’énergie. Cela

49

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 49 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

renvoie à la transition écologique : il s’agit de promouvoir un nouveau


modèle de croissance moins prédateur pour l’environnement.
De nombreuses initiatives sont adoptées pour réduire par exemple
l’usage de produits polluants (pesticides, engrais…) dans l’agriculture
comme dans la gestion des espaces verts et jardins privés. Les agriculteurs
sont encouragés à adopter certaines pratiques (comme la fauche tardive)
pour favoriser le maintien de la biodiversité et le système de paiements
pour services environnementaux tend à se développer dans les pays du
Sud. Ce mécanisme de compensation repose sur le versement d’incitatifs
en contrepartie de l’adoption de pratiques protégeant la ressource. Au
Kenya, le projet Malewa récompense les agriculteurs qui mettent en
place des pratiques antiérosives et ne cultivent plus les terres riveraines
afin de diminuer la sédimentation du lac Naivasha, supposément liée à
l’érosion des sols agricoles.
 Voir Chapitre 4. Malgré la mise en place d’espaces protégés et le renforcement de la
réglementation s’appliquant à l’ensemble des territoires, le développe-
ment actuel se poursuit avec une exploitation plus ou moins raisonnée
des ressources. La décroissance constitue une vision plus radicale du
changement à opérer pour préserver les ressources naturelles puisqu’elle
amène à envisager la croissance économique comme représentant une
source de nuisances plus que de bienfaits pour l’humanité.
 Voir Chapitre 6. La transition énergétique est le passage du système énergétique
actuel utilisant des ressources non renouvelables vers un bouquet
énergétique basé principalement sur des ressources renouvelables. Elle
consiste à encourager une politique énergétique moins orientée par la
demande et la production centralisée d’énergie mais davantage par l’offre
et la production décentralisée. Les consommations énergétiques doivent
Le principe d’efficacité être plus raisonnées (principe de sobriété) et plus efficientes (principe
vise à minimiser la d’efficacité). Les économies d’énergie sont encouragées (rénovation
consommation d’énergie
pour un service rendu
thermique des constructions, nouvelles normes et progrès technologique
identique (on informe pour des motorisations plus propres et l’équipement de filtres à particules,
par exemple les changement des comportements pour réduire la consommation…).
consommateurs des
matériels électroménagers Enfin, cette approche prône un recours croissant à des ressources
plus ou moins efficients renouvelables pour produire de l’énergie.
en termes de consommation
d’énergie).

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1 L’environnement et ses ressources

Conclusion
La notion de ressource naturelle comporte une dimension sociale : il
s’agit de « l’adéquation entre la ressource naturellement disponible en
un lieu donné, et les moyens humains pour la rendre utilisable à un
moment et en un endroit précis, aussi bien en bénéficiant de sa présence
in situ, dans le milieu naturel, qu’en la prélevant et en l’acheminant vers
les lieux de consommation » (Hellier et al., 2009).
Au-delà du volume existant, il faut prendre en considération la qualité
de la ressource et les conditions techniques, économiques et sociales qui
permettent de la rendre accessible et maîtrisable. Dans de nombreux cas,
l’exploitation des ressources naturelles soulève de réels enjeux environ-
nementaux et géopolitiques.

51

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n On distingue deux grandes catégories de ressources naturelles selon le rythme de
régénération de celles-ci : les ressources fossiles (hydrocarbures notamment) ne
peuvent être renouvelées à l’échelle humaine tandis que les ressources renou-
velables se reconstituent à condition que leur consommation soit raisonnable.
n L’accès aux ressources est très inégal du fait de la répartition géographique de
celles-ci.
n L’exploitation des ressources naturelles constitue un enjeu stratégique car celles-ci
sont vitales pour le développement des activités des sociétés. Elle génère donc
fréquemment des conflits (entre amont et aval par exemple pour la maîtrise de l’eau
d’un cours d’eau). L’importance des hydrocarbures est même à l’origine de guerres.
n Face au constat d’épuisement des réserves, deux stratégies s’opposent. D’un
côté, la technologie doit permettre d’identifier de nouveaux stocks et de développer
des techniques innovantes d’extraction. D’un autre côté, la transition écologique
prône l’adoption de pratiques plus respectueuses de l’environnement et économes
pour préserver les ressources.

POUR ALLER PLUS LOIN


NOTIONS CLÉS
Sur les énergies :
n Conflit d’usage
n Déforestation Barré B., Mérenne-Schoumaker B., 2011, Atlas des énergies mondiales.
n Épuisement Un développement équitable et propre est-il possible ? Paris, Autrement.
des réserves Sur l’exploitation des ressources de l’océan Arctique : « L’océan Arctique : l’ul-
n Inégalités time frontière ? » (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/frontier/
environnementales FrontDoc5.htm).
n Pollutions, Sur l’exploitation des gaz de schiste : la bande dessinée Énergies extrêmes de
nuisances, risques Lapoix S. et Blancou D., chez Futuropolis (2014) et le documentaire Gasland
n Ressources de Fox J. (2002).
fossiles Sur l’eau :
n Ressources Blanchon D., 2013, L’Atlas de l’eau, Paris, Autrement.
renouvelables/
Hellier E. et al., 2009, La France. La ressource en eau, Paris, Armand Colin,
épuisables
coll. « U ».
n Transition
Sur les forêts, les sols et la biodiversité : Arnoult P., Simon L., 2007,
écologique
Géographie de l’environnement, Paris, Belin.

52

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 52 05/05/2017 16:12


ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
1. Complétez le tableau ci-dessous en indiquant pour chaque type de ressource
énergétique dans quelle famille elle se situe et quels sont ses avantages
et ses inconvénients.
2. Définissez ensuite à quelle échelle (locale ou globale) les avantages
et inconvénients de ces différentes ressources se positionnent.
Énergie
Énergie
Ressources renouvelable Avantages Inconvénients
non renouvelable
(voire inépuisable)
Pétrole
Éolien
Solaire
Biomasse
Charbon
Nucléaire

Questions sur document

Disponibilité en eau et production de neige


Remplissage des retenues

Débits

Régime des eaux de surface

Régime des sources


Sens de lecture

S O N D J F M A M J J A S

Vacances Vacances de
d’hiver février/printemps Vacances
d’été
Besoins en eau potable (en relation avec la période touristique) 1. Quels sont les enjeux qui pèsent
Production de neige de culture sur la ressource en eau en montagne
57 % 40 %
3% au fil de l’année ?
S O N D J F M A M J J A S 2. Quels conflits d’usages potentiels
caractéristiques de cette ressource
Période de besoins en neige de culture
pouvez-vous identifier ?
Source : d’après MARNÉZY A., 2008, « Les barrages alpins »,
Revue de géographie alpine, n° 96 (1).

 Voir Méthodes p. 261, 270.

53

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Géographie de l’environnement

L’Allemagne, un modèle de transition énergétique ?


ÉTUDE DE CAS

Doc. 1 Production d’électricité en Allemagne


par source entre 1990 et 2014
100 %

75 %

50 %

25 %

0
1990 1995 2000 2005 2010

Autres énergies Nucléaire


renouvelables Gaz
Solaire Charbon, lignite
Biomasse
Hydraulique
Éolienne

Allemagne en 2013 France en 2013


Biomasse 8 %
Hydraulique 14 %
Autres 12 % Autres 4 %
Biomasse 1 %
Hydraulique 3 % Charbon 4 %
Charbon
46 % Nucléaire Gaz 3 %
Nucléaire 15 % Pétrole 1 %
73 %
Pétrole 1 %
Gaz 15 %

Source : AG Energiebilanzen
(Groupe de travail officiel des principales entreprises allemandes de l’énergie
et des principaux instituts de recherche sur l’énergie depuis 1971).

54

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 54 05/05/2017 16:12


1 L’environnement et ses ressources

Doc. 2 Le site de Garzweiler dans la Ruhr : plan des différentes


phases d’exploitation et photographie du site

ÉTUDE DE CAS
A61
A46
Jüchen Mine
N
Hochneukirch
Extension
Wanlo
de la mine
Venrath
Holz Villages
Keyenberg
menacés

2006
Kuckum Borschemich
2006 Date
Otzenrath d’extension
201
Beverath
7
2025

Spenrath
20
35 Lützerath
Pesch TAGEBAU
GARZWEILER
Holzweiler
Immerath

Katzem Jackerath
2044
4
A4
A6
1

2 km

Source : eigene Grafit.

Photo © Ullstein Bild/Getty-images.

55

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 55 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

Doc. 3 Article de W. Maurin, salarié d’Attac France,


qui a pris part à l’action « Ende Gelände »
ÉTUDE DE CAS

« Plus de 1 000 personnes ont mis à l’arrêt durant une journée entière la gigantesque
mine de charbon de Garzweiler, dans l’ouest de l’Allemagne, ce week-end. Cette action
de désobéissance civile visait à dénoncer l’exploitation des mines de charbon dans
la région, qui constituent les principales sources d’émission de dioxyde de carbone
en Europe.
Cette action d’envergure a été organisée samedi 15 août par “Ende Gelände” (“C’est
fini”), une coalition d’associations, d’ONG ou encore de partis politiques – allemands
pour l’essentiel – opposés à l’exploitation du nucléaire et des énergies fossiles. Elle
a été menée à l’issue de neuf jours de débats, de formations et d’ateliers au sein du
“camp climatique” mis en place à Lützerath, une localité située à quelques kilomètres
de la mine de Garzweiler.
Exploité depuis 1983, le site de Garzweiler est une mine de lignite à ciel ouvert, un
type de charbon très présent en Europe. L’Allemagne est d’ailleurs le premier producteur
mondial de lignite, qu’elle brûle essentiellement pour produire de l’électricité. La mine
est exploitée par la filiale RWE Power. […]
On s’est ensuite dirigés vers le village de Borschemich, mais il était bloqué, donc on
a dû couper à travers champs. C’est un village-fantôme, qui doit être rasé prochai-
nement – de même que d’autres localités comme Immerath dans le cadre du projet
d’extension de la mine, appelé Garzweiler II. Du coup, à Borschemich, tous les édifices
sont murés, tout est fermé…
Le but de notre action était de dénoncer le gouffre existant entre les discours des
politiques – notamment à l’approche de la Conférence sur le climat à Paris – et leurs
actes. On ne peut pas lutter contre le réchauffement climatique, tout en exploitant le
charbon ou encore le gaz et le pétrole de schiste. En Allemagne, les autorités et les
industriels disent que le charbon est une énergie de “transition”, permettant de pallier
la sortie du nucléaire [prévue en 2022, NDLR]. Mais c’est une énergie du passé ! On a
donc voulu montrer que les citoyens pouvaient agir face à l’inaction politique dans le
domaine du réchauffement climatique. »
Source : Les Observateurs, sur le site de France 24, 18 août 2015,
« Un millier d’activistes paralysent une immense mine de charbon en Allemagne » [en ligne]
(http://observers.france24.com/fr/20150818-allemagne-garzweiler-desobeissance-civile-
activistes-mine-charbon-lignite-pollution).

 Le lignite est un type de charbon. Plus tendre et plus friable, il est enfoui dans les couches
sédimentaires récentes facilement accessibles. Sa faible maturité en fait un charbon de faible
pouvoir calorifique. Il est majoritairement utilisé dans les centrales thermiques.

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1 L’environnement et ses ressources

Présentation des documents


Doc. 1 Histogramme produit à partir de données officielles sur la produc-

ÉTUDE DE CAS

tion d’électricité en Allemagne. Présente l’évolution relative (en %) des


différentes sources d’énergie, fossiles et renouvelables entre 1990 et 2014.
■ Doc. 2 La carte et la photographie permettent de situer le site d’extraction

de lignite de Garzweiller. Le lignite est exploité à ciel ouvert à l’aide d’exca-


vatrices à proximité immédiate des zones habitées.
■ Doc. 3 Récit d’un militant écologiste ayant participé à une action de protes-

tation contre l’extraction de charbon à ciel ouvert sur la mine de Garzweiler.

Localisation
L’Allemagne dispose de nombreux bassins de charbon principalement situés
à l’est, dans le centre et surtout à l’ouest dans la Ruhr (baie de Cologne)
où se situe la mine de Garzweiler. Ces bassins coïncident avec des régions
industrielles fortement peuplées. Le doc. 2 montre bien la proximité de la
mine avec les surfaces habitées. L’autoroute matérialise la limite entre la
ville à droite et le site minier à gauche.

Objectifs de l’étude de cas


L’analyse des documents proposés dans le corpus vise à appréhender :
– les stratégies politiques de la France et de l’Allemagne en termes d’appro-
visionnement en énergie ;
– les conséquences écologiques et socio-économiques immédiates et locales
de l’abandon du nucléaire ;
– les difficultés à mener une véritable transition énergétique pour lutter
contre le réchauffement climatique.

Commentaire
Ce corpus témoigne de la diversité des choix énergétiques de deux pays
développés voisins et illustre les difficultés à assumer une sortie du nucléaire
et à engager une véritable transition énergétique.
I. Les choix énergétiques de l’Allemagne
¡ Le doc. 1 permet d’analyser le bouquet énergétique de la France et de
l’Allemagne. En 2013, les deux pays ont principalement recours aux éner-
gies fossiles pour produire leur électricité : 77 % en Allemagne et 82 % en
France.

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Géographie de l’environnement

¡ En Allemagne, la production d’électricité repose avant tout sur l’utilisation


du charbon (près de la moitié) tandis que la France privilégie le nucléaire
ÉTUDE DE CAS

(près des 3/4). La part des énergies renouvelables est plus importante en
Allemagne (23 % contre 19 % en France) et aussi plus diversifiée (majori-
tairement hydraulique en France).
¡ Pour la France, ce chiffre est plus élevé que les 14 % évoqués dans le
cours. Il s’agit en effet de la part d’énergie renouvelable utilisée pour la
production d’électricité (excluant les transports).
¡ Depuis les années 1990, la part du nucléaire a diminué au profit des éner-
gies renouvelables en Allemagne (doc. 1). Il s’agit d’une application du
Il est plus principe de prévention : éviter le risque de catastrophe en cas d’accident.
juste de parler ¡ Ce choix engage le pays vers une transition énergétique. Cependant, la
de principe de
prévention (que sortie du nucléaire n’est pas directement compensée par le développement
de précaution) des énergies renouvelables : la mise en œuvre de ces unités locales néces-
car le risque site du temps. Le doc. 1 montre que l’abandon du nucléaire entraîne un
nucléaire est un fort recours au charbon dont l’Allemagne dispose de réserves importantes
risque avéré.
contrairement à la France.
II. Les conséquences écologiques et socio-économiques
de l’exploitation du lignite
¡ La mine de Garzweiler est située près de Cologne dans la Ruhr, région
industrielle parmi les plus peuplées d’Allemagne. L’exploitation du lignite
se fait à l’emplacement de villages.
¡ Le site de Garzweiler est une mine à ciel ouvert (doc. 2) : le lignite est
un type de charbon situé à faible profondeur facile à extraire. L’extraction
occupe de vastes surfaces exploitées selon plusieurs phases successives. Des
excavatrices mettent à jour les gisements de surface en creusant progressi-
vement des gradins.
¡ Il s’agit d’une exploitation gourmande en espace qui fait table rase du
paysage totalement détruit durant la phase d’exploitation. Il peut être
réhabilité ensuite. L’exploitation entraîne également des conséquences sur
l’environnement local : la suppression des écosystèmes en place (perte de
biodiversité, perturbation des écoulements hydrographiques et du niveau
des nappes, etc.).
¡ Cela implique par ailleurs des conséquences sociales : le déplacement des
populations habitantes. L’extension de la mine se traduit par la suppression
de villages au fur et à mesure de l’ouverture de concessions vers l’Est (doc. 2).

58

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1 L’environnement et ses ressources

III. Une transition énergétique difficile


¡ Les militants écologistes dénoncent ces conséquences par des mani-

ÉTUDE DE CAS
festations sur le terrain visant à perturber l’activité minière et à alerter
les élus et la société civile (doc. 3). Outre les conséquences sociales, cette
opposition met en avant les effets néfastes sur l’environnement de la sortie
du nucléaire.
¡ Les militants écologistes mettent en avant les conséquences à long terme et
à l’échelle mondiale des choix énergétiques. Le recours croissant au charbon
pour compenser le renoncement au nucléaire contribue à augmenter la
production de gaz à effet de serre et donc à renforcer le réchauffement
climatique. Il s’agit d’une situation paradoxale. Ces militants plaident au
contraire pour une meilleure promotion des énergies renouvelables.
Conclusion
La situation de l’Allemagne illustre les difficultés de la transition énergétique.
La France, dépourvue de ressources en charbon, a, elle, fait le choix de déve-
lopper la filière nucléaire qui suscite des protestations tout aussi vives de la
part des militants écologistes. Outre les impacts immédiats (évacuation de
populations et dégradation de l’environnement), l’exploitation des mines de
charbon à ciel ouvert pose à plus long terme la question de la conversion de
ces sites, de superficie importante, une fois le gisement épuisé. L’Allemagne
comme le nord de la France présentent des exemples divers de transforma-
tion allant de la remise en état du site d’extraction à sa reconversion vers
les usages récréatifs ou à sa valorisation au titre de patrimoine (classement
à l’UNESCO).

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p Photo © kariochi/Fotolia.com.

En mars 2011, une vague de tsunami, déclenchée par un séisme survenu au large
de l’île de Honshu (Japon), détruit la digue protégeant la centrale de Fukushima et
commence à inonder le site industriel. Le tsunami a coupé l’alimentation électrique
assurant le refroidissement des réacteurs nucléaires, conduisant à leur fusion et à une
contamination radioactive très étendue. Un risque ne dépend pas que d’un processus
aléatoire : il est produit par les sociétés et résulte de leur exposition et de leur vulné-
rabilité. Les sociétés peuvent créer ou aggraver les aléas naturels ou technologiques.

60

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CHAPITRE
Les sociétés
2 face aux risques

PLAN DU CHAPITRE En géographie, le risque est une situation caractérisée par la


I. Les aléas : présence d’enjeux (population, patrimoine, réseaux…) plus ou
à la source du danger moins fragiles (vulnérabilité), exposés à une source de danger
II. La vulnérabilité comme aléatoire (aléa). Le risque est produit par les sociétés qui créent ou
facteur essentiel de risque aggravent des menaces par leurs activités et leurs interactions avec
III. Gérer les risques et les crises : leur environnement. Elles s’exposent ainsi plus ou moins volontai-
outils et acteurs
rement à ces menaces. Enfin, elles présentent des formes de fragilité
ÉTUDE DE CAS qui les rendent vulnérables, susceptibles de subir des dommages.
Les inondations en France Le risque est également construit et perçu par les sociétés : cela leur
méditerranéenne en 2015 permet de se préparer et de prévenir les catastrophes.
Par conséquent, étudier le risque suppose de combiner trois
facteurs : l’aléa, l’exposition des enjeux et la vulnérabilité, qui
possèdent chacun une dimension sociale et spatiale. C’est raisonner
de manière multifactorielle, en prenant en compte des explications
politiques, historiques, physiques…
Les échelles ne sont pas à négliger, et notamment les échelles
spatiales. Le risque présente une dimension politique et géopo-
litique qui suppose de s’intéresser à toutes les dimensions des
territoires et à leurs acteurs, de la population menacée localement
aux institutions pouvant les protéger. L’échelle temporelle, enfin,
est à mobiliser : le risque n’est pas le même au cours du temps, il
varie au cours de l’histoire, peut changer en fonction des saisons
ou des moments de la journée.
La nécessité de prendre en compte les échelles spatiales, acteurs
et temporalités des territoires font que le risque est un objet d’étude
mobilisant tous les champs de la géographie.

61

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Géographie de l’environnement

I. Les aléas :
à la source du danger
Si le risque ne se réduit pas aux aléas, ces derniers doivent être cepen-
dant connus dans la diversité des formes qu’ils peuvent prendre. Leur
origine est dite « naturelle » quand il s’agit de processus biophysiques.
Pour des processus directement liés aux activités des sociétés (industries,
économie…), on parlera d’aléas d’origine anthropique.
Dans tous les cas, les aléas sont caractérisés en fonction de leur inten-
sité (c’est-à-dire l’ampleur du processus, son importance) et de leur
fréquence (surviennent-ils régulièrement, souvent, rarement). Dans la
plupart des cas, la fréquence est inversement proportionnelle à l’inten-
sité : plus un aléa est intense, moins il est fréquent.

1. Les aléas « naturels »


Il s’agit de phénomènes déclenchés par le fonctionnement biophysique
de l’espace étudié. La connaissance des processus qui les provoquent
est nécessaire pour bien comprendre l’origine et les manifestations du
danger. Leur intensité est mesurée selon la quantité d’énergie libérée et
la dimension de l’espace affecté. Il existe des échelles adaptées à chaque
grand type de processus : l’échelle de Richter mesure la magnitude des
séismes ; l’indice d’explosivité volcanique (VEI) ; l’échelle de Saffir-
Simpson la force des cyclones.
On a pris l’habitude de mettre le « naturel » entre guillemets pour
rappeler que, du fait de l’anthropisation des milieux, certains aléas sont
aggravés, voire produits, par les aménagements des sociétés. Par exemple,
l’imperméabilisation des sols urbains augmente le ruissellement en cas
de pluie torrentielle et aggrave les crues et les inondations.
Les aléas « naturels » n’ont donc de vraiment naturel que le nom.

62

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2 Les sociétés face aux risques

Tableau 2.1 Typologie des principaux aléas naturels


FAMILLE D’ALÉAS PROCESSUS DOMMAGES POSSIBLES

Séismes Destructions, blessures

Aléas géodynamiques Tsunamis Destructions, décès


Liés à l’activité tectonique
du globe terrestre : Incendies
Éruptions volcaniques
leur localisation est donc très (coulées de lave, flux Ensevelissement
largement associée aux limites pyroclastiques ou « nuées
des plaques tectoniques. ardentes », chutes de cendres, Blessures mortelles
projections)
Ravage des cultures

Extrêmes thermiques
Blessures mortelles
(canicules, grands froids)

Ravage des cultures, famines


Aléas hydroclimatiques Sécheresse
et disettes, décès
Liés à la variabilité
du climat, aux relations Précipitations abondantes Destructions,
océans-atmosphères (pluie, grêle, neige) coupures de réseau
et aux dynamiques
des bassins-versants Vent fort (tornades, cyclones, Destructions,
tempêtes) ravage des cultures

Destructions,
Crues/Inondations
décès par noyades

Aléas géomorphologiques
Liés à la gravité
Mouvements de terrains
et à la teneur du sol
(éboulements, glissements,
en eau, qui déterminent Destruction, blessures
laves torrentielles,
des processus plus
avalanches)
ou moins long et plus
ou moins massifs

Aléas biologiques Épidémies et épizooties Décès, disparition du bétail


Agents infectieux et insectes
pouvant menacer la santé
des groupes, et affecter Invasion de nuisibles Destruction des cultures
leur bétail et leur culture

2. Les aléas anthropiques


On regroupe sous le terme d’aléas anthropiques l’ensemble des menaces
créées par les sociétés.
Les aléas technologiques sont liés à des activités incluant du matériel
dangereux d’origine technique. Ils peuvent avoir des effets thermiques
(combustion, explosion), mécaniques (surpression, onde de choc) ou

63

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Géographie de l’environnement

toxiques. Par extension, on inclut dans ces risques les défaillances des
systèmes socio-techniques (pannes, dysfonctionnement des réseaux,
virus informatiques, etc.). Ces aléas résultent donc des progrès techniques
d’une société. Parmi les aléas technologiques, on distingue les aléas indus-
triels qui ont été mis en évidence par des accidents survenus depuis les
années 1980 (fuite de dioxine dans une usine chimique à Seveso en Italie
en 1976, fuite de gaz mortel à Bhopal en Inde en 1984, explosion de
l’usine chimique AZF à Toulouse en 2001…). Les aléas liés aux activités
nucléaires constituent également une forme d’aléa technologique parti-
culier, souvent classé dans les aléas industriels.
Font également partie des aléas anthropiques tout dysfonctionnement
économique et sociétal pouvant représenter des dangers susceptibles de
menacer une population donnée : crise économique, faillite, chômage.
Les conflits sont Les conflits et tensions géopolitiques peuvent également être considérés
d’échelle variable : comme des aléas anthropiques.
l’insécurité politique peut
concerner une ville, Les aléas anthropiques réunissent ainsi sous un même vocable des
un État, et peut être processus variés et très différents les uns des autres en termes d’intensités,
quotidienne (attentats isolés
ou coordonnés) ou jouer d’échelles et de conséquences.
sur une longue période
(conflit israélo-palestinien).
3. Penser au-delà de la distinction
physique/anthropique

■ Les aléas sanitaires


Un aléa sanitaire désigne un processus de contamination pouvant
prendre une extension spatiale de dimension variée et portant atteinte
Le saviez-vous ? à la santé d’un individu. Il peut s’agir de processus biologiques : infec-
Les deux espèces
responsables des
tions virales (dengue, chikungunya) et parasitoses tropicales (paludisme)
maladies tropicales transmises par certains moustiques, qui peuvent s’avérer mortelles si
sont l’Aedes Aegypti l’accès aux soins demeure lacunaire. Certaines épidémies ont une
(dengue, chikungunya, extension mondiale, qu’il s’agisse d’épisodes ponctuels (souche H1N1
zika) et l’anophèle
(paludisme).
responsable de la grippe A en 2009, grippe aviaire…) ou de pandémies
durables (VIH). La diffusion est majoritairement liée aux modes de vie
des sociétés, à leur concentration et à leurs mouvements. Si l’on prend
le cas de l’épidémie due au virus zika, on voit que la maladie, apparue au
Brésil en 2015, s’est diffusée sur tout le continent américain et aux îles
du Pacifique en 2016, puis à l’Europe et l’Asie. Le risque est bel et bien
produit par les sociétés.

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2 Les sociétés face aux risques

Certains aléas sanitaires sont des conséquences des activités anthro-


piques. C’est le cas des pollutions, qui affectent la santé des populations,
augmentent la prévalence de certaines maladies, tout en portant atteinte
aux milieux biophysiques. La contamination par des polluants le long de
certains grands fleuves, comme le mercure dans le Rio Beni (Amazonie
bolivienne), est ainsi liée aux activités humaines. La forte exposition des
populations s’explique par les liens qui les unissent à leur environnement,
en particulier au fleuve.

■ Les chaînes d’aléas


Les aléas ne sont pas cloisonnés de manière étanche : bien au contraire,
un phénomène peut en induire d’autres. On peut songer à des glis-
sements de terrain ayant déclenché des tsunamis (vallée d’Agaete en
Grande Canarie il y a plusieurs dizaines de milliers d’années) ou des
séismes ayant provoqué des avalanches (séismes du Népal d’avril 2015).
Ce sont des enchaînements d’aléas. Les chaînes d’aléas ne s’observent
pas que parmi les processus physiques mais concernent également des
infrastructures dont l’endommagement en cascade peut représenter
d’autres dangers pour les populations. Il peut donc y avoir des aléas
naturels qui déclenchent ensuite des aléas anthropiques.

Les effets dominos

Les effets dominos sont présentés par Damienne Provitolo dans son étude sur PROVITOLO D., 2005,
les chaînes de catastrophes urbaines (2005). Elle développe notamment l’idée « Un exemple d’effets de
dominos : la panique dans
qu’un aléa d’origine naturelle, par exemple un tremblement de terre, provoque les catastrophes urbaines »,
un aléa dérivé (rupture de digue), entraînant du coup un troisième aléa (inon- Cybergeo : European Journal
dation), pouvant enfin dégénérer en aléa technologique si une implantation of Geography, Systèmes,
Modélisation, Géostatistiques,
industrielle, une centrale, est touchée. Un aléa survient donc rarement de manière document 328 (http://
isolée. Surtout, ses effets directs peuvent induire d’autres conséquences très cybergeo.revues.org/2991).
destructrices.
Une excellente illustration de ce dernier cas s’est produite en mars 2011, lors-
qu’un séisme survenu au large de la région du Tōhoku au nord-est d’Honsh–u
(Japon) a induit un tsunami qui a coupé l’alimentation électrique assurant le
refroidissement des réacteurs nucléaires de la centrale de Fukushima, conduisant
à leur fusion et à une contamination radioactive très étendue.

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Géographie de l’environnement

■ De l’aléa au risque
L’aléa est donc une source de danger qui menace une société et son
territoire. Toutefois, l’aléa n’est pas synonyme de risque : certains aléas
 Voir Chapitre 1. comme la neige ou l’inondation ont été transformés en ressources par
des sociétés. La neige est ainsi devenue « l’or blanc » des stations de ski
tandis que l’inondation dépose des limons fertilisant les sols. De plus, des
aléas différents peuvent induire des risques identiques. Les retombées de
cendres d’une éruption volcanique dans des puits, le matériel chimique
libéré par un accident industriel dans une rivière ou encore la contami-
nation bactérienne d’un point d’eau sont des aléas différents, mais tous
à l’origine de risques sanitaires pour les sociétés.
La notion de risque est donc plus englobante que celle de l’aléa et
oblige à prendre en compte les populations et les territoires concernés :
c’est leur vulnérabilité qui déterminera la valeur du risque. Un aléa qui
survient dans une zone non peuplée ne représente en effet aucun risque.

II. La vulnérabilité comme facteur


essentiel de risque
La capacité d’endommagement des aléas n’est pas uniquement liée à leur
intensité, car des événements de même puissance ont des conséquences
Le saviez-vous ? très différentes. Un séisme de magnitude 7,3 à Haïti survenu en 2010 a
O’KEEFE et al., dans provoqué la mort de 230 000 personnes, tandis qu’un séisme de magni-
leur article fondateur tude 8,3 au Chili en 2015 a fait 14 victimes. Cette opposition caricaturale
« Taking the naturalness
out of natural
a l’avantage de montrer qu’il existe d’autres facteurs qui expliquent la
disasters » (avril 1976, transformation d’un aléa en catastrophe.
Nature, 260) remettent
en cause le risque La nature des enjeux, leur degré d’exposition ou encore leur capacité
« naturel ». L’origine à résister aux effets des aléas, expliquent autant (voire plus) les situations
des catastrophes serait de risque que l’aléa. La notion de vulnérabilité est ainsi peu à peu devenue
à chercher dans les
dysfonctionnements
primordiale en géographie des risques, et a permis d’en réintroduire
sociaux et les dimensions sociales et spatiales. Si les aléas révèlent les dimensions
économiques qui biophysiques des territoires et les rapports que les sociétés entretiennent
fragilisent les sociétés. à leur environnement « naturel », la vulnérabilité reflète l’ensemble des
fragilités d’un territoire donné.

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2 Les sociétés face aux risques

Comprendre les risques, c’est donc aussi, sinon surtout, tenter de


comprendre la vulnérabilité des enjeux exposés : pour un aléa similaire,
le risque n’est pas le même partout et à toutes les époques car la vulné-
rabilité varie.

1. Éléments de définition d’une notion complexe

■ La vulnérabilité comme fragilité physique


La vulnérabilité des sociétés et de leurs territoires désigne leur fragilité,
selon leur capacité à subir des dommages causés par un aléa : est vulné-
rable ce qui sera endommagé ; est invulnérable ce qui ne le sera pas.
Il existe donc une vulnérabilité physique qui mesure les blessures
que peuvent subir les personnes, mais aussi l’endommagement du bâti et Ne pas confondre !
des infrastructures face à la force exercée par les aléas. On peut chercher à La vulnérabilité d’un
enjeu ne doit pas
rendre le moins fragile possible ces bâtiments : les normes parasismiques, être confondue avec
par exemple, permettent d’absorber et de répartir les vibrations induites son exposition à un
par un séisme, et donc de limiter l’effet dommageable de l’aléa sur un aléa ; tout élément
exposé n’est pas de
bâtiment. L’impact de l’aléa est d’ailleurs aussi fonction de sa nature et fait vulnérable. Par
de son intensité. ailleurs, on peut être
endommagé sans être
On considère donc que la vulnérabilité physique est spécifique à directement exposé. Les
certains processus. Un individu immunisé contre certaines maladies processus de diffusion
grâce à la vaccination ou à une contamination ancienne reste vulnérable des aléas et les effets
à d’autres maladies. dominos sont à l’origine
de dommages indirects.

■ La vulnérabilité sociale comme incapacité à faire face


On appelle « capacité à faire face » l’ensemble des réponses apportées par
une société confrontée à un aléa. La menace n’a pas la même portée selon
que cette société a les moyens de supporter les effets de l’aléa ou non,
dans le but de se protéger. Une société qui n’est pas capable d’assurer le
maintien de sa cohésion sociale et de ses moyens de subsistance écono-
mique dans la vie de tous les jours est ainsi dans l’incapacité de faire face
à un événement aléatoire potentiellement dommageable.
C’est à travers cette (in)capacité à faire face que l’on peut caracté-
riser le degré de vulnérabilité d’une société donnée. Sont fortement
vulnérables les sociétés qui ne peuvent pas se protéger pour des
raisons économiques, institutionnelles, géopolitiques ou culturelles.

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Géographie de l’environnement

De même, les sociétés qui ne possèdent pas de dispositifs de prévention,


de préparation, d’information, sont plus vulnérables que les autres.
La vulnérabilité comme incapacité à faire face s’étudie à plusieurs
échelles sociales : on peut observer la population dans son ensemble ou
bien une partie de cette population (groupes, minorités, individus). La
vulnérabilité sociale nécessite une étude à des échelles suffisamment fines
pour débusquer les inégalités : tout le monde n’a pas les moyens de se
protéger.
Il est donc nécessaire de travailler à des échelles très fines, en prenant
en compte des pas de temps longs, pour comprendre les nombreux
facteurs qui expliquent la vulnérabilité.

Quartiers riches et quartiers pauvres face aux aléas :


le cas de La Nouvelle-Orléans
La pauvreté et le mal-développement sont souvent des facteurs de vulnérabilité
visibles à l’échelle d’une agglomération. Lors du passage du cyclone Katrina
à La Nouvelle-Orléans (Louisiane, États-Unis) en 2005, les populations
les plus pauvres, économiquement marginalisées, sont restées prisonnières
dans la ville.
Si les quartiers les plus riches, situés sur des terres poldérisées en bordure du
lac Pontchartrain, ont été les plus gravement inondés, ce sont ces mêmes popu-
lations les plus aisées qui ont eu le plus de facilité à reconstruire leur maison
ou à partir refaire leur vie ailleurs. Si la vulnérabilité physique du bâti était plus
importante, la vulnérabilité sociale de ces classes moyennes et aisées sur le
long terme s’est révélée bien plus faible.
À l’inverse, les populations habitant les territoires urbains les plus pauvres sont
celles qui ont le plus souffert des inondations car elles n’avaient pas les moyens
de faire face aux inondations et à la paralysie urbaine qui a bloqué la Nouvelle-
Orléans pendant plusieurs jours. La catastrophe a ainsi été produite par les
dysfonctionnements urbains sociaux et spatiaux de La Nouvelle-Orléans.

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2 Les sociétés face aux risques

2. Les facteurs de vulnérabilité

■ Les facteurs de vulnérabilité sont multiples


Le principal facteur de vulnérabilité physique est un défaut d’adapta-
tion du bâti. Ainsi, un habitat constitué de maisons basses et fragiles
dans une zone exposée à des tsunamis (Sumatra Nord, par exemple)
est inadapté et donc vulnérable. Cette fragilité est aggravée par le
non-respect des contraintes d’exposition (maisons bâties dans des
zones théoriquement inconstructibles).
La vulnérabilité sociale des populations est accrue par des compor-
tements liés à un manque d’information et de préparation. Ces
comportements se mettent en place en amont des crises mais s’expri-
ment au moment où l’aléa survient. Par exemple, le refus d’évacuer est
un facteur important de décès : la peur de perdre ses biens, le manque
de confiance dans les autorités, l’absence de coordination des moyens
de la protection civile expliquent que des populations, malgré le danger,
n’évacuent pas. De fait, on voit qu’il existe derrière ces comportements
volontiers qualifiés d’« inadaptés » des causes sous-jacentes, organisa-
tionnelles, sociales et politiques, qui expliquent la décision des individus
et des comportements qui semblent a priori irrationnels ou dangereux.
Dans le même ordre d’idée, les inégalités économiques sont des facteurs
majeurs de vulnérabilité. Les plus pauvres sont souvent les plus vulné-
rables car ils n’ont pas accès à l’information, aux soins, aux secours, au
pouvoir politique. Leur comportement est souvent dicté par l’arbitrage
entre plusieurs risques.
La vulnérabilité sociale est également fortement liée à des facteurs
cognitifs, liés à l’expérience de chacun et aux représentations sociales du
monde. Lorsqu’un événement de grande ampleur est gardé en mémoire
par les sociétés locales, il imprègne ensuite les mentalités et permet de
sensibiliser au danger les individus. Certaines communautés se sont habi-
tuées à vivre avec des aléas qui peuvent les menacer et ont adapté leurs
pratiques et leurs comportements au risque. Elles ont développé une
culture du risque. Par ce terme, on désigne le rapport que les individus
entretiennent au risque et la façon dont ils se préparent à la catastrophe. D’ERCOLE R. et RANÇON J-.P.,

Inversement, la méconnaissance des aléas et des dangers est un facteur 1994, « La future éruption
de la montagne Pelée :
majeur de vulnérabilité. Une enquête réalisée dans les années 1990 risque et représentations »,
à la montagne Pelée en Martinique avait ainsi révélé que beaucoup Mappemonde, n° 4, p. 31-36.

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Géographie de l’environnement

d’habitants craignaient des coulées de lave, aléa éruptif très médiatisé,


alors que celles-ci sont rares sur ce volcan. En revanche, ils ignoraient
 Voir Tableau p. 63. l’importance des coulées pyroclastiques ou « nuées ardentes », beaucoup
plus probables et meurtrières.

■ La nécessité d’une approche systémique


La vulnérabilité des individus, des sociétés et des territoires tient par
conséquent aussi bien à des facteurs biophysiques et techniques qu’aux
organisations politiques et sociales, aux structures familiales, à l’âge des
individus, aux rapports de domination genrées, à l’appartenance ethnique
ou encore à des croyances religieuses. Tous ces éléments expliquent
des cultures du risque différentes selon les époques et les territoires et
entraînent des comportements plus ou moins appropriés.
La multiplicité des facteurs biophysiques, techniques, sociaux, écono-
miques, financiers, culturels, politiques, environnementaux ne peut être
saisie que dans une perspective englobante : en effet, ces facteurs s’in-
fluencent les uns les autres. Il convient donc d’adopter une approche
L’approche systémique systémique de la vulnérabilité afin de prendre en compte l’intrica-
consiste à associer tion des différents facteurs, de rendre compte de leur complexité et de
ensemble les
éléments sociaux, comprendre les dysfonctionnements.
économiques, financiers,
culturels, politiques,
La recherche des facteurs de vulnérabilité d’une société et d’un
environnementaux d’un territoire donnés s’apparente donc à un travail de diagnostic territo-
territoire pour montrer rial à plusieurs échelles qui est au cœur des pratiques des géographes.
comment ils interagissent.
Une société, son territoire et son environnement fonctionnent toujours
en système : les interactions au sein de ce système expliquent les risques
et les catastrophes.

3. Vulnérabilité et résilience

■ La notion de résilience en géographie des risques


On appelle résilience la capacité d’un système (technique, productif,
territorial, etc.) à absorber les perturbations provoquées par un aléa et à
se relever du choc subi. La résilience suppose donc une continuité : est
résilient le système qui se maintient dans le temps. La résilience exige
donc une certaine stabilité de ce système pour qu’il soit capable de ne pas
rompre et s’effondrer, et pour qu’il puisse se reconstruire et se rétablir

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2 Les sociétés face aux risques

en cas de destruction, en retrouvant son état initial ou un état différent,


parfois meilleur, en tout cas acceptable. La vulnérabilité et la résilience
sont deux processus distincts, mais sont néanmoins liées.

FOCUS Le volcan Merapi


En Indonésie, sur l’île de Java, le volcan Merapi produit, à la suite de ses érup-
tions, des lahars fréquents (430 ont été dénombrés dans 17 rivières depuis
2010). Un lahar désigne une coulée de débris volcaniques, formée par de l’eau
(amenée par les précipitations de mousson) qui entraîne le long des rivières du
volcan le matériel cendreux et les blocs déposés par les éruptions.
Les lahars représentent un danger pour les habitants des basses pentes
peuplées du volcan : outre le risque de blessures mortelles, les lahars ont un
fort potentiel destructif (860 maisons détruites en six mois, des dizaines de
ponts emportés). La vulnérabilité du bâti exposé est très élevée. En revanche,
les populations sont bien préparées et sont capables d’adopter des compor-
tements qui assurent leur sécurité. Un réseau de surveillance des rivières et
d’alertes et une forte entraide communautaire montrent que les populations
locales ont appris à vivre avec les lahars qui les menacent. Le risque est assez
maîtrisé dans les villages.
Le sable volcanique et les blocs de lave laissés par les lahars dans les rivières
constituent une ressource pour les populations, qui les vendent en tant que
matériaux de construction. Cette activité permet de transformer l’aléa en
ressource : le risque devient bénéfice. Après l’éruption de 2010, les personnes
momentanément sans travail ont pu conserver une activité rémunérée, et
apporter du matériel pour reconstruire les maisons. Les populations sont ainsi
capables à très court terme de mobiliser les ressources sociales et politiques
pour assurer le maintien de leurs activités et la reconstruction de leurs villages.
Cette résilience élevée leur permet de s’adapter très vite et peut contribuer à
réduire leur vulnérabilité.
Toutefois, l’intensification de l’activité extractive déséquilibre le système terri-
torial : de nouvelles populations arrivent, la ressource s’épuise tandis que
l’extraction provoque des dommages environnementaux qui menacent les
activités agricoles. Sur le long terme, c’est donc la vulnérabilité du territoire
qui s’accroît.

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Géographie de l’environnement

Photo 2.1 La vie au pied du volcan Merapi

Photo © Édouard de Bélizal, 2013.


L’exploitation des blocs et sables volcaniques permet aux populations résidant sur le volcan Merapi de transformer
les aléas en ressource.

■ Les limites de la notion de résilience


Étymologiquement, résilience vient du latin « resilio », qui signifie « bond
en arrière ». La résilience peut être entendue au départ comme un retour
à l’état antérieur, initial. Une première difficulté se pose alors, car, dans
un tel cas de figure, le système retrouvant son fonctionnement d’avant
la crise reproduirait la situation de danger : être résilient, serait-ce donc
reproduire indéfiniment les mêmes schémas de risque au prétexte qu’il
faut reconstruire et repartir ? Le problème posé alors par la résilience
serait donc la conservation des facteurs de vulnérabilité, réactivés après
chaque crise. C’est le cas des villes reconstruites à l’identique après avoir
été détruites par des séismes ou des éruptions volcaniques : Saint-Pierre
de la Martinique par exemple, rasée par l’éruption de la montagne Pelée
en 1902, a été reconstruite dans le sillage des coulées pyroclastiques
qui l’avaient démolie. Les vestiges des anciens quartiers démolis sont le
témoignage de cette menace qui pèse toujours sur cette ville.

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2 Les sociétés face aux risques

Une autre difficulté est de savoir à quel « état initial » on fait réfé-
rence : les systèmes spatiaux ne sont jamais en état d’équilibre stable. Ils
changent en permanence même s’ils conservent leur identité. Le choix de
cet état initial est d’abord un choix politique, qui traduit l’expression d’un
pouvoir sur un territoire. Il n’est pas neutre : il permet souvent d’exclure
les éléments jugés « indésirables » par certains groupes.
La reconstruction de la Nouvelle-Orléans après Katrina illustre ce
phénomène puisqu’elle a conduit à l’exclusion des plus pauvres et des
marginaux.

La vulnérabilité, facteur essentiel des risques


Comprendre les risques, c’est donc avant tout expliquer ce qui fragilise les sociétés
et leur territoire face à un aléa. Les facteurs de vulnérabilité sont multiples et sont
souvent à rechercher dans l’approche systémique des sociétés et des territoires
exposés. Raisonner en système, c’est voir aussi comment l’ensemble de ces
éléments qui interagissent ensemble sont capables de se maintenir dans le temps,
en dépit des perturbations. Quand un système est justement perturbé par un aléa,
c’est la crise, voire la catastrophe : pour en réduire les effets, une gestion adaptée
doit être mise en œuvre.

III.Gérer les risques et les crises :


outils et acteurs
La gestion des risques recouvre l’ensemble des dispositions prises pour
protéger les populations et les territoires exposés et les renforcer face
aux aléas qui peuvent les menacer. Il s’agit d’aménagements structurels
(digues, constructions parasismiques, routes d’évacuation…) mais aussi
de mesures visant à informer (signalisation, campagnes de prévention,
exercices de simulation) et à limiter la vulnérabilité des populations,
notamment aux minorités et aux couches plus démunies.
La gestion de crise, elle, désigne l’ensemble des décisions à prendre
lorsque survient l’aléa pour organiser les secours, coordonner les évacua-
tions et communiquer auprès des populations concernées pour limiter
les dommages. La gestion des risques et des crises contribue donc à la
prévention des catastrophes, c’est-à-dire à empêcher ces dernières de se
produire.

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Géographie de l’environnement

1. La catastrophe n’est pas inéluctable


Il ne faut pas confondre crise et catastrophe. La crise désigne un événe-
ment bref mais pouvant avoir des répercussions sur une longue durée et
sur un espace plus vaste, causant une rupture allant de quelques heures
à plusieurs semaines dans le fonctionnement d’une communauté et
d’un espace donnés. La crise touche donc une population nombreuse,
et soulève des problèmes économiques et politiques importants.
La catastrophe, elle, a des conséquences beaucoup plus graves sur
le fonctionnement d’une société et d’un espace donnés : ces derniers
peuvent mettre plusieurs années à s’en remettre. L’extension d’une catas-
trophe peut être mondiale : le tsunami de 2004 en Asie du Sud-Est a
tué aussi bien les populations des littoraux de l’océan Indien que des
touristes venus du monde entier. De plus, la médiatisation croissante des
événements, comme celle du tsunami de 2011 au Japon filmé en temps
réel et retransmis sur les chaînes de télévision du monde entier, fait que
directement ou indirectement, ce sont des millions de personnes qui sont
Politiques : renforcement touchées. Les conséquences humaines d’une catastrophe sont politiques,
du séparatisme au nord de économiques, sociales.
Sumatra (Indonésie) après
le tsunami de 2004.
Économiques : fermeture
de la moitié de l’île 2. Les actions et les outils
antillaise de Montserrat
Les actions possibles se déclinent en trois catégories : la prévention en
depuis la reprise d’activité
du volcan Soufriere Hills amont, qui revient à connaître et anticiper les dommages possibles, à
en 1997. agir sur les composantes du risque pour les réduire ou les supprimer
Sociaux : migration et à préparer l’action de gestion ; la gestion de crise proprement dite ;
forcée de plusieurs milliers
d’habitants – réfugiés
et la phase de gestion post-crise, qui s’apparente le plus souvent à la
climatiques des Kiribati, reconstruction.
dans le Pacifique Sud.
Les outils se déclinent en : travaux scientifiques pour la connaissance,
la prévision, l’alerte ; en moyens techniques pour l’atténuation des aléas,
la protection des populations ou encore le renforcement du bâti ; et en
dispositions juridiques pour l’information, la sensibilisation, le contrôle
de l’exposition, la préparation des acteurs.
Les géosciences
regroupent l’ensemble des En lien avec les géosciences, le géographe est capable de fournir
disciplines des sciences une information spatialisée sur les espaces exposés aux aléas en fonc-
de la Terre : géologie,
tion de leur intensité, afin de poser un diagnostic aidant à la prévention
géochimie, géophysique,
sédimentologie, des risques. Les relevés de terrain (niveaux de crue, analyse des dépôts
vulcanologie… laissés par des tsunamis ou des tempêtes, repérages des mouvements de

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2 Les sociétés face aux risques

terrain…) s’accompagnent désormais de puissants outils informatiques


permettant de modéliser le déroulement d’un aléa, et donc d’en prévoir
les éventuelles conséquences. Ces modèles s’appuient le plus souvent
sur des cartes à très haute résolution permettant de reproduire le plus
finement possible les aspérités du terrain étudié (altitude, couverture
végétale, etc.). Le risque ne se limitant pas à l’aléa, le géographe peut
acquérir d’autres données spatiales relatives aux enjeux exposés, à leur
vulnérabilité, pour produire des cartes de risques grâce à des systèmes
d’informations géographiques qui peuvent superposer et combiner
plusieurs couches d’informations.

Tableau 2.2 Actions et outils de la gestion des risques et des crises


Action Définition Catégorie Outils

Mitigation
Anticiper la manière dont
Carte d’aléas (extension La mitigation est l’action
(atténuation) Prévention de la zone affectée en fonction de réduire, voire
un aléa pourra se produire
de l’aléa de l’intensité) d’éradiquer, l’aléa.
Délimiter des zones Carte du zonage des zones
Réduction inconstructibles dans les exposées (type PPRN ou PPRT en
Prévention
de l’exposition espaces exposés à des France) ; documents d’information
aléas fréquents et outils juridiques (réglementation)

Renforcer les sociétés face Diagnostic territorial en amont


aux aléas (accès aux pour cibler les causes de
Réduction
ressources, connaissance vulnérabilité et cartographier
de la Prévention
des aléas, adaptation les secteurs les plus fragiles ;
vulnérabilité
du bâti et des ingénierie, actions sociales,
comportements…) simulations

Mobilisation de l’aide Équipes disponibles (cellules


Secours sociale, financière, Gestion de crise) appuyées sur
d’urgence médicale, pour limiter les de crise des réseaux de communication
impacts d’un aléa et de transports opérationnels

Système d’alerte opérationnel


Mise à l’abri des avec signal connu de la population
Alerte populations une fois Gestion (en France : sirènes) ;
et évacuation dépassé un certain seuil de de crise capacité de transport suffisante,
danger (intensité d’aléa) centres d’accueil équipés
et sûrs

Réparation des dommages Kits de reconstruction (ONU, ONG)


et reprise progressive pour accélérer le relogement ;
Gestion
de la vie quotidienne, fonds nécessaires (indemnités)
Reconstruction après
sur place ou dans des et moyens humains pour engager
la crise
espaces plus éloignés des travaux structurels (réparation,
des sources de danger protection)

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Géographie de l’environnement

Les données historiques, les représentations et perceptions du risque,


sont également des informations à intégrer à ce véritable travail de
diagnostic, constitutif d’une solide connaissance sur laquelle pourra
s’adosser la prévention des risques.

Quelques exemples de gestion des risques


• Préparation : L’exercice « EU Sequana 2016 » a simulé une crue majeure de
la Seine en région parisienne. Pendant deux semaines, les responsables poli-
tiques d’Île-de-France, les forces de l’ordre, des scientifiques et des experts se
sont mobilisés autour d’un scénario prévoyant une inondation catastrophique.
La population n’a pas été oubliée. L’événement a bénéficié d’une importante
couverture médiatique, et a focalisé l’attention sur un risque majeur pour la
métropole parisienne.
• Réglementation : En France, il existe des documents d’information pour la
population (Document d’information communal sur les risques majeurs) et des
plans de gestion à l’usage des maires (Plan communal de sauvegarde). Depuis
1995 existent également des Plans de prévention des risques naturels (PPRN)
ou technologiques (PPRT) qui réglementent l’urbanisation dans les espaces
exposés aux aléas. On distingue trois catégories : les zones inconstructibles, les
zones constructibles sous conditions et les zones constructibles sans conditions.
Les inondations provoquées par la tempête Xynthia en 2010 à La Faute-sur-Mer
(Vendée) ont causé la mort de 29 personnes vivant dans une zone théoriquement
inconstructible. La responsabilité du maire a ainsi été directement engagée et a
fait l’objet d’un procès médiatisé.
 Voir Focus p. 78. • Gestion de crise : en Colombie autour du volcan Nevado del Ruiz, les lahars
provoqués par l’éruption de 1985 ont entièrement détruit le village d’Armero,
faisant près de 25 000 morts, à cause d’un signal d’alerte fautif, contradictoire,
et l’absence totale de sensibilisation de la population qui n’était pas avertie des
menaces encourues.
• Reconstruction : Katmandou, au Népal, a été détruite en 1934 lors du séisme du
Bihar (magnitude 8), mais reconstruite ensuite rapidement. Emblème du patrimoine
urbain népalais, la tour Dharhara a été rebâtie à l’identique. Le séisme d’avril 2015
(magnitude 7,8) a également frappé Katmandou, qui n’a pas pu se doter d’habitats
parasismiques, et est restée très vulnérable aux séismes : ces deux épisodes ont
chacun provoqué la mort d’au moins 8 000 personnes. La tour Dharhara s’est
effondrée de nouveau en 2015, mais devrait être reconstruite fin 2017.

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2 Les sociétés face aux risques

3. Les acteurs de la gestion


La gestion des risques et des catastrophes fait intervenir de nombreux
acteurs publics et privés, institutionnels ou informels.

■ Les acteurs publics et institutionnels


À l’échelle internationale, les grandes organisations internationales sous
tutelle de l’ONU comme l’UNISDR (Organisation des Nations unies
pour la réduction des risques de catastrophes) ont pour mission de
définir les orientations des politiques de prévention des catastrophes et
de donner des recommandations. Leur action est impulsée et médiatisée
à partir de grandes conférences réunissant les Nations unies (Yokohama
en 1994, Kobé en 2005, Sendai en 2015). Il s’agit d’abord de pouvoir
renforcer la prévention, notamment en apportant une réflexion sur
les populations à risque, dans l’optique de réduire leur vulnérabilité
(pauvreté, handicap par exemple) et de renforcer leur résilience. Elles
peuvent aussi commissionner des agences en charge de l’aide à la recons-
truction (International Recovery Platform).
Les grandes organisations internationales ont également pour
objectif d’organiser les levées de fonds et les actions humanitaires en cas
d’événement d’ampleur mondiale (tsunami de 2004 dans l’océan Indien,
séisme d’Haïti en 2010, tsunami au Japon en 2011). Elles interviennent
donc aussi bien dans la réduction des risques (prévention, reconstruc-
tion) que dans la gestion de crise.
Aux échelles nationales et locales, les principaux acteurs sont
les gouvernements et les populations locales. La responsabilité des
premiers est d’assurer la sécurité des seconds, avec l’appui des forces
de l’ordre, des services de sécurité civile et des ONG. En France, la Une ONG est une
gestion des risques est assurée par plusieurs ministères (ministère de organisation non
gouvernementale qui
l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer ; ministère de la Santé ; correspond à une
ministère de l’Éducation nationale…), mais ce sont les maires qui, association à but non
à l’échelle locale, celle de la commune, sont responsables de la sécu- lucratif, d’intérêt public,
qui ne relève ni de
rité de leurs administrés : ils doivent les informer régulièrement des l’État ni d’institutions
dangers existants, et veillent à l’application des dispositifs opération- internationales.
nels et à la gestion de crise. Ils sont aidés par les services d’ordre
(protection civile et armée).

77

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Géographie de l’environnement

■ Les acteurs privés


Participent également à la réduction des risques et à la gestion des crises
les acteurs privés en charge du fonctionnement des territoires, notam-
ment les entreprises de transports. La RATP et les opérateurs du réseau
de transport en Île-de-France sont ainsi des acteurs incontournables de
la réduction des risques et de la gestion de crise, dans la mesure où le
fonctionnement d’une métropole comme Paris dépend de l’efficacité de
la mise en réseau de ses territoires.
Les manques à gagner induits par les crises et les catastrophes peuvent,
du reste, être indemnisés par les assureurs, qui sont justement chargés de
couvrir les dommages subis par leurs clients. Cela nécessite la présence
d’experts, dont la mission est d’évaluer l’origine et l’ampleur des dégâts,
et donc de calculer le montant de l’indemnité. Un tel marché du risque
oblige les grandes compagnies d’assurance à elles-mêmes s’assurer pour
pouvoir honorer leurs contrats en cas de catastrophe : c’est notamment
le travail des réassureurs.

FOCUS Acteurs publics, acteurs privés


et enjeux financiers d’une gestion de crise :
le cas de l’Eyjafjöll (2010)
Pendant l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll en avril 2010, les autorités de
régulation aéronautique ont convenablement joué leur rôle d’informateur par le
biais des METARs (METeorological Airport Reports), en application d’une recom-
mandation ancienne de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale)
permettant d’informer les compagnies et leurs pilotes.
En revanche, cette crise a révélé un manque de coordination des autorités
européennes entre elles, et des carences de communication face à la diffusion
d’un nuage potentiellement dangereux pour la circulation aérienne. Plusieurs
dizaines d’aéroports ont été fermés pendant plusieurs jours, des centaines de
milliers de vols ont été annulés, touchant des millions de voyageurs.
Cet événement a coûté au total 5 milliards de dollars, avec des pertes financières
des compagnies aériennes et d’assurances qui sont montées à 200 millions
d’euros par jour, ce qui a fait de cet événement une catastrophe financière
sans précédent pour ce type d’aléa.

78

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2 Les sociétés face aux risques

Conclusion
Un risque ne doit surtout pas être confondu avec un aléa : un séisme, un
cyclone ou une inondation ne sont dangereux qu’à partir du moment
où ils peuvent affecter des populations et leurs biens. En géographie, le
risque désigne effectivement la présence, sur un espace, d’enjeux vulné-
rables menacés par un aléa. Plus la potentialité de victimes et de dégâts
est élevée, plus on dit que le risque est fort. Le risque n’existe donc pas
en dehors des sociétés qui les produisent (exposition) et les construisent
(perception et gestion). Les géographes ont donc une approche multi-
factorielle et systémique des risques, permettant de prendre en compte la
complexité du territoire étudié et d’y identifier et expliquer les éléments
vulnérables.
Les géographes s’intéressent de plus en plus à la gestion des crises et à
la reconstruction post-catastrophe, en particulier à travers les questions
d’aménagement et de résilience des systèmes unissant les sociétés à leur
territoire. La géographie apporte ici une approche spatialisée et territo-
rialisée qui puise dans toutes les branches et les courants de la discipline.

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n En fonction de l’intensité de l’aléa et des capacités à faire face de la société
exposée, il existe un risque de crise ou de catastrophe pour le territoire considéré.
Le risque n’est donc pas l’aléa mais la gravité des conséquences que cet aléa
peut avoir à différentes échelles d’espace et de temps.
n La vulnérabilité est une composante essentielle du risque. Les difficultés du
quotidien expliquent largement les crises et les catastrophes car ce sont elles qui
affaiblissent les sociétés et les individus exposés. Réduire le risque, c’est connaître
les aléas et en réduire les effets quand ils surviennent, mais c’est aussi chercher
à réduire la vulnérabilité des populations et des territoires menacés.
n De nombreux acteurs s’investissent dans la gestion des risques et des crises.
Ils interviennent à différentes échelles et échelons administratifs à l’aide de diffé-
rents outils. Leur mise en œuvre est toujours soumise à des contextes sociaux,
politiques et économiques, à différentes échelles, qui peuvent entraver ou bien
conforter leur efficacité.

POUR ALLER PLUS LOIN


Dauphiné A., Provitolo D., 2013, Risques et catastrophes. Observer, spatia-
NOTIONS CLÉS liser, comprendre, gérer, Paris, Armand Colin, coll. « U ».
n Risque Djament-Tran G., Reghezza-Zitt M., 2012, Résiliences urbaines, les villes
n Aléa face aux catastrophes, Paris, Le Manuscrit.
n Vulnérabilité Leone F., Meschinet de Richemond N., Vinet F., 2010, Aléas naturels et
n Crise/Catastrophe gestion des risques, Paris, PUF, coll. « Licence ».
n Acteurs
Reghezza-Zitt M., 2016. « Des hommes et des risques, menaces locales,
n Résilience
menaces globales », La Documentation photographique, n° 8113.

80

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ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances

Marginalisation, vulnérabilité et catastrophe


« Les inégalités sociales se transforment souvent en inégalités vis-à-vis des dangers
présentés par le milieu naturel. […] Les catastrophes frappent ainsi plus souvent les
individus aux ressources financières limitées et fragiles […] qui limitent la protection
contre les aléas naturels (localisation du domicile, type d’habitat, connaissance des
moyens de protection). Marginalisation et vulnérabilité résultent également d’une
protection sociale inadéquate […], de ressources naturelles dégradées et de réseaux 1. Relevez dans le texte les
notions principales de
de relations et de solidarité réduits. […] Ceci explique pourquoi des millions d’individus
géographie des risques
s’installent consciemment dans des zones menacées auparavant évitées au regard
et donnez-en une
de leur dangerosité. En effet, la menace d’une crue saisonnière ou d’une éruption définition.
volcanique décennale pèse moins lourd que la faim quotidienne quand il s’agit de
2. Expliquez le lien
décider du choix de son domicile. »
proposé par GAILLARD et al.
Source : GAILLARD J.-C. et al., 2010, « Alternatives pour une réduction durable des risques de
catastrophe », Human Geography, n° 3, p. 66-88.
entre marginalisation
et vulnérabilité.

Questions sur document

Urbanisation et vulnérabilité face aux inondations


à La Nouvelle-Orléans (Louisiane, États-Unis)
Zones urbanisées : 1. Identifiez les facteurs de
vulnérabilité de l’espace
N
Lac Pontchartrain avant 1900
urbain de La Nouvelle-
entre 1900 et 1950 Orléans.
2 après 1950, 2. Montrez le lien
par assèchement
P r o fi l t o p

des wetlands entre urbanisation


Quartier historique
et inondations
1
du French Quarter à la Nouvelle-Orléans.
ograp

2 Quartier des classes


h iq u e

moyennes
Zones inondées
1 où plus de 50 %
des habitants sont
des Africains-Américains

Profil topographique
Source : d’après PEINTURIER E.,
de la Nouvelle-Orléans
Sud Nord 2015, « Risques littoraux et
Mississippi Lac aménagement en Louisiane : les
pi
M is sissip
mètres Pontchartrain
9 défis d’un territoire insoutenable ? »,
6 1 GéoConfluences.
3 2
5 km 0
-3
 Voir Méthode p. 228.

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Géographie de l’environnement

Les inondations en France méditerranéenne en 2015


ÉTUDE DE CAS

Doc. 1 Des précipitations exceptionnelles


« Samedi 3 octobre entre 20 heures et 22 heures, les zones proches du littoral de l’ouest
des Alpes-Maritimes ont été frappées par une ligne d’orages très violents, extrêmement
pluvieux, brefs et localisés. À Cannes, Météo-France a relevé 107 mm de précipita-
tions entre 20 heures et 21 heures, 174 mm au total entre 20 heures et 22 heures (la
normale pour un mois d’octobre étant de 130 mm). […] On a ainsi relevé 74 mm à
Tanneron, dont 37 mm entre 19 heures et 20 heures. […]
Les cumuls de précipitations horaires maximaux observés jusqu’alors (entre 40 et
60 mm/h) ont été instantanément et largement dépassés. Outre le record de pluie en
1 heure à Cannes (107 mm entre 20 heures et 21 heures), des intensités records de
précipitations ont également été observées à Antibes et Nice, avec 74 mm entre 21 et
22 heures. La commune de Mandelieu-la-Napoule a, quant à elle, enregistré un cumul
de 152 mm en 2 heures, dont 99 mm entre 20 heures et 21 heures. […]
Si de tels cumuls sont parfois observés dans cette zone, ils le sont en général sur
des durées plus importantes. La brutalité et la brièveté du phénomène confèrent un
caractère exceptionnel à cet épisode. »
Source : Météo-France, 2015.

Doc. 2 Un bilan dramatique


«Les sinistrés poursuivent, lundi 5 octobre, le laborieux nettoyage des maisons et des rues
de la Côte d’Azur, après le déluge et les coulées de boue qui ont frappé le littoral ce lundi
en fin de journée, le bilan est passé à 20 morts selon la préfecture. […] Les équipes
de secours ont procédé, durant “toute la soirée et jusque tard dans la nuit”, à près de
1 000 interventions et vingt-trois hélitreuillages, selon le ministère de l’Intérieur. […]
Toujours à l’œuvre lundi, les équipes d’ERDF tenteront de ramener le courant aux
neuf mille foyers qui en sont toujours privés. Les zones les plus affectées sont situées
“au-dessus de la marina de Cannes, avec sept mille clients privés d’électricité”, et
“autour de l’aéroport de Cannes, avec mille cinq cents clients privés d’électricité”,
a précisé le gestionnaire du réseau. Quinze écoles, un collège et un lycée resteront
fermés. La SNCF tentera de faire circuler quelques trains, avec la “priorité aux trans-
ports du quotidien, utilisés tous les jours par plusieurs milliers de voyageurs”, et les
TGV Paris-Nice s’arrêteront à Toulon.
Un gros travail logistique doit aussi se poursuivre sur le réseau routier, et pas moins
de cent spécialistes de la forêt, des forestiers-sapeurs du conseil départemental des
Alpes-Maritimes, seront à l’œuvre dès 9 heures pour enlever les embâcles, des enchevê-
trements de végétaux et de détritus qui menacent d’emporter quatre ponts sur la Brague.»
Source : « Inondations dans les Alpes-Maritimes : un bilan provisoire de 20 morts », Le Monde,
5 octobre 2015.(disponible sur : www.lemonde.fr/societe/article/2015/10/05/pluies-dans-les-alpes-
maritimes-les-recherches-de-quatre-disparus-se-poursuivent_4782314_3224.html).

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2 Les sociétés face aux risques

Doc. 3 Les zones inondables à Mandelieu-La-Napoule

ÉTUDE DE CAS
Source : Extrait du DICRIM de Mandelieu-la-Napoule.

Présentation des documents


■ Doc. 1 Bulletin d’information Météo-France, source scientifique officielle

(Météo-France est responsable des seuils d’alerte), relatant le fonctionne-


ment météorologique des pluies du samedi 3 octobre dans la région de
Cannes. L’intensité de ces précipitations (quantité de pluie tombée en
1 heure) est mesurée.
■ Doc. 2 Article de presse du quotidien Le Monde, paru 2 jours après les

orages. Ceux-ci ont causé des inondations et des coulées de boue dont les
dommages sont localisés, quantifiés et caractérisés : le nombre de victimes
et les impacts sur les réseaux ont provoqué une crise.

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N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 83 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

Le DICRIM, ■Doc. 3 DICRIM adressé par la mairie à sa population, contenant :


document
d’information
– une carte localisant par à-plats colorés la valeur du risque d’inondation ;
ÉTUDE DE CAS

communal sur le bâti est représenté en figurés ponctuels ;


les risques – une information sur les cours d’eau susceptibles de déborder, accompa-
majeurs, conçu gnée d’un rappel de la réglementation (Plan de prévention des risques,
en 1990, recense
les mesures PPR) et des acteurs locaux (Syndicat intercommunal de la Siagne et ses
de sauvegarde affluents, SISA – fondé en 1997, il a pour objet statutaire de lutter contre
répondant aux les inondations. ) ;
risques naturels
– un rappel du fonctionnement d’une inondation. (L’augmentation du débit
et technologiques
majeurs sur le de la rivière fait déborder la rivière depuis le lit mineur vers le lit majeur.)
territoire de la
commune.
Localisation
L’étude est centrée sur l’agglomération de Cannes, localisée sur le pour-
tour de la baie de la Napoule, appartenant au littoral touristique de la
Méditerranée française. À l’automne, cette partie du bassin méditerranéen
connaît de violents orages. L’intensité des précipitations provoque des inon-
dations intenses, étant donné que les bassins versants sont très cloisonnés
et aux pentes prononcées. Les écoulements torrentiels qui s’y forment sont
dommageables et susceptibles de représenter un risque dans la mesure où
le littoral est très densément peuplé.

Objectifs de l’étude de cas


Ces trois documents permettent de mettre en évidence :
– la source de danger a priori « naturelle » (inondation, coulée de boue)
(doc. 1 et 2) ;
– des enjeux élevés (population dense) et une exposition importante
(doc. 3) ;
– de forts dommages, ce qui laisse supposer une vulnérabilité élevée
(doc. 2) ;
– les mécanismes de la gestion de crise : détection de l’aléa, levée des seuils
d’alerte, organisation immédiate des plans d’urgence (doc. 1, 2 et 3).
Il s’agit donc de réfléchir aux facteurs expliquant cette crise, en mettant
l’accent sur la vulnérabilité du territoire du littoral méditerranéen aux
inondations, provoquant une situation de risque saisonnier élevé.

84

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 84 05/05/2017 16:12


2 Les sociétés face aux risques

Commentaire

ÉTUDE DE CAS
I. Un aléa prévisible mais de forte intensité
■ Le doc. 1 précise que 174 mm sont tombés entre 20 heures et 22 heures.

De telles quantités sont à l’origine de crues et d’inondation dont le déclen-


chement est quasi-immédiat, ceci pour des raisons naturelles (forte pente),
mais aussi à cause de la bétonisation d’un territoire densément peuplé. On
parle de crues-éclairs qui font déborder les cours d’eau très rapidement après
les précipitations et produisent des écoulements torrentiels dévastateurs.
■ Les aléas ne sont donc pas entièrement naturels : ils sont aggravés par les

aménagements. La caractérisation de l’aléa ne se limite pas à la fréquence


de l’événement : il est aussi défini par l’intensité. En effet, les valeurs totales
moyennes de précipitations mensuelles pour octobre (130 mm) ont été
dépassées en quelques heures seulement (107 mm à Cannes entre 20 heures
et 21 heures).
II. Un territoire exposé et vulnérable
■ Le doc. 2 dresse un bilan quantifié des inondations, en insistant sur les

victimes (20 morts) et les ruptures de réseau. On comprend qu’il s’agit d’un
territoire à forts enjeux (doc. 3). Le DICRIM rappelle que cette frange litto-
rale est fortement exposée aux inondations. Ces enjeux sont vulnérables, leur
faiblesse est liée ici à la manière dont les populations font face à l’aléa. Le
doc. 2 explique que 7 personnes ont péri dans leur parking ; il faut éviter de
se faire piéger et veiller à se faire repérer le plus vite par les secours (doc. 3).
■ Les coupures de réseau peuvent également avoir des impacts sur des

populations moins directement exposées aux aléas, mais reliées au réseau


électrique (9 000 foyers sans électricité deux jours après les orages). Outre les
voies ferrées et les lignes électriques, d’autres enjeux (bâtiments scolaires)  Il faut réutiliser
doivent rester fermés. Les conséquences dépassent donc l’échelle locale des le vocabulaire de
chaque notion.
événements pour prendre une dimension régionale, voire nationale : c’est
le propre de la crise.
■ Les acteurs mobilisés sont de fait très nombreux. On distingue d’abord les

acteurs publics, dont le rôle présenté dans les documents est avant tout celui  La géographie
de la gestion de crise : bulletin de Météo-France et seuils d’alerte (doc. 1), est toujours
incarnée dans
organisation des équipes de secours (doc. 2). les acteurs
■ En termes de gestion des risques, le doc. 3 rappelle que les élus municipaux qui prennent
ont pour responsabilité d’assurer la sécurité de leurs concitoyens, à travers la les décisions
à différentes
diffusion de documents de prévention. Enfin, les acteurs privés ne sont pas échelles.
à négliger, car ce sont eux qui sont responsables de la réparation du réseau
électrique (ERDF mentionnée au doc. 2). Leur action permet de faciliter la
reconstruction, et donc le processus de résilience.

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N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 85 05/05/2017 16:12


p À gauche, photo © Alessandro Calzolaro/Fotolia.com.

L’image des paysages de Normandie, véhiculée par les cartes postales ou les produits
du terroir (comme ici à droite sur cette boîte de camembert), met en avant des pommiers
en fleurs sous lesquels paissent des vaches, des prairies verdoyantes entourées de
haies bocagères et des chaumières à pans de bois. Ces motifs emblématiques (ou
archétypes) sont une ressource permettant de donner une identité au territoire et de
le différencier. Il s’agit en réalité d’une image idéalisée fondée sur une réalité maté-
rielle en partie révolue et en décalage avec l’évolution des activités qui façonnent ces
paysages, comme les remembrements agricoles ou les constructions pavillonnaires.

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CHAPITRE
Le paysage
3 des géographes

PLAN DU CHAPITRE La première occurrence du terme paysage en français


I. Le paysage des géographes remonte au xvie siècle : il désigne une « représentation peinte du
II. Le paysage, un hybride monde réel ». Simultanément apparaissent les termes «Landschaft »
de nature et de culture en Allemagne (défini à la fois comme une représentation picturale
III. Le paysage comme ressource d’un pays et le gouvernement d’un territoire par une société) et
IV. Les politiques publiques « paesaggio » en Italie (qui renvoie à ce que l’on voit d’un pays).
en faveur des paysages La notion de paysage est donc étroitement liée à l’art pictural et
intègre dès son apparition une connotation esthétique forte.
ÉTUDE DE CAS
La fermeture des paysages : Fréquemment employé dans le langage courant, le mot
entre évolutions des pratiques « paysage » exprime d’abord la visibilité du monde. Il désigne une
agricoles et perceptions partie de l’espace terrestre appréhendée par un observateur. Le
de l’environnement
paysage met en relation un objet (la dimension matérielle d’une
étendue géographique que l’on peut décrire et observer) et un sujet
(un individu ou un groupe d’individus qui observe(nt) cet espace).
Il revêt donc deux dimensions : un aspect matériel que le géographe
peut décrire afin de rendre compte de l’organisation des formes
(relief) et des éléments (bâti, végétation, infrastructures) dans l’es-
pace, et un aspect idéel (ou subjectif) puisque chaque individu
apprécie à sa manière la qualité d’un même paysage.
Ce chapitre vise à présenter la place de cette notion en
géographie, les trajectoires des paysages et l’évolution de leur
représentation par les sociétés occidentales, la valorisation des
paysages comme ressources et les outils contemporains de gestion
des paysages.

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Géographie de l’environnement

I. Le paysage des géographes


Résultat visible des interactions entre les actions de l’homme et de la
nature sur un support physique donné (relief, nature du sol, hydrogra-
phie), le paysage est une notion centrale en géographie.
Sa description, sur le terrain ou à partir de documents notamment
photographiques, constitue une entrée traditionnelle et privilégiée
pour rendre compte de l’organisation des objets et usages dans l’espace,
des dynamiques passées ou en cours mais également de la sensibilité
des sociétés à leur environnement. Les géographes ont développé des
approches multiples du paysage qui s’appuient sur des méthodologies
spécifiques.

1. Des approches naturalistes


aux approches environnementalistes
Les géographes naturalistes du xixe siècle, tel Alexandre von Humboldt,
s’appuient sur une observation précise du paysage (inventaire et classi-
fication des espèces, mesure précise des phénomènes) pour montrer les
interactions des actions humaines avec les phénomènes géologiques,
météorologiques ou biologiques.
La géographie classique s’intéresse, elle, aux relations homme-milieu.
Elle s’appuie sur des monographies réalisées sur des terrains d’étude de
taille modeste. Décrire un paysage, grâce à des croquis puis des photo-
graphies, permet de caractériser l’organisation des éléments relevant de
la nature (relief, réseau hydrographique, végétation) et celle des aména-
gements humains (bâti, routes, activités agricoles et industrielles) dans
l’espace. L’aspect matériel du paysage est donc mis en avant.
L’objet de la géographie est au xixe siècle de dépeindre la « face de
la Terre » (Pinchemel), plus ou moins artificialisée selon les espaces
étudiés. Fondée sur l’observation et la comparaison, la géographie clas-
sique cherche ainsi à expliquer la diversité des paysages. Les paysages
expriment les potentialités « naturelles » des milieux et la manière dont
elles ont été mises en valeur par les sociétés.

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3 Le paysage des géographes

FOCUS Le croquis de paysage :


exercice géographique par excellence
Le croquis de paysage réalisé sur le terrain consiste à repérer les lignes de  Voir Méthode p. 250.
force organisant la topographie puis à décomposer les différents éléments
constituant la singularité d’un paysage. Ici, Paul Vidal de la Blache a repré-
senté le versant nord de la vallée de la Bléone à l’aval de Digne : il isole un
« ancien village fortifié » et un « hameau fortifié » sur les sommets occupés par
des « pâtures nues », dessine des oliviers et les « petites villas jusqu’à tiers
de côte » sur les pentes tandis qu’il indique des « petits prés avec fruitiers et
jardins », la « route » et le « chemin de fer » au premier plan.

Le versant nord de la vallée de la Bléone à l’aval de Digne,


croquis de Paul Vidal de La Blache, 1892

Source : carnet n° 15, p. 54, 14 avril 1892, Bibliothèque de l’Institut de géographie de Paris
(https://mediterranee.revues.org/104).

À partir des années 1960, le paysage devient un objet à part entière en


géographie notamment grâce aux travaux des biogéographes. Georges La biogéographie
Bertrand (biogéographe toulousain) considère que « le paysage est, sur s’intéresse à la répartition
du vivant à la surface
une certaine portion d’espace, le résultat de la combinaison dynamique, de la Terre.
donc instable, d’éléments physiques, biologiques et anthropiques qui,
en réagissant dialectiquement les uns sur les autres, font du paysage un
ensemble unique et indissociable ».

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Géographie de l’environnement

Les années 1970 rompent avec les approches naturalistes. Georges


Bertrand recentre le paysage comme un produit social qu’il consi-
dère comme hybride puisque ce dernier se situe à l’interface entre des
éléments naturels et des processus économiques et culturels invisibles.
Pour rendre compte de la dimension sociale du paysage, il propose
de s’intéresser aux actions et perceptions qui, dans un groupe social
défini et un espace donné, produisent le paysage : il parle de « système
de production ». Il s’agit de prendre en compte les activités humaines
telles que l’agriculture, la foresterie ou plus largement l’aménagement
du territoire, et leurs déterminants, qui participent au façonnement des
formes matérielles du paysage.

Tableau 3.1 Le système GTP (Géosystème Territoire Paysage) de Georges Bertrand


Source Entrée naturaliste Géosystème

Le géosystème correspond à une entrée naturaliste. L’espace est envisagé comme


« source » naturelle. Il s’agit de rendre compte de l’ensemble des éléments biophy-
siques plus ou moins anthropisés (on parle de nature artefact) qui caractérisent
un espace donné. Par exemple, le fonctionnement d’une forêt se comprend par
la nature des sols, du climat mais aussi les modes de gestion pratiqués par les
sociétés.

Ressource Entrée socio-économique Territoire

Le territoire correspond à une entrée socio-économique. L’espace est envisagé


comme une « ressource » pour les sociétés. Il s’agit de rendre compte de l’utilisation
de l’espace par les sociétés. Par exemple, la forêt est utilisée par son propriétaire
qui tire des revenus de la vente du bois.

Ressourcement Entrée socio-culturelle Paysage

Le paysage correspond à une entrée socio-culturelle. L’espace est considéré


comme fournissant un « ressourcement » aux sociétés. Il s’agit de rendre compte des
représentations qu’un groupe d’individus se fait d’un espace donné. Par exemple, la
forêt de Fontainebleau est un lieu de contemplation et de loisirs pour les citadins ;
elle a fait l’objet de représentations picturales au XIXe siècle.

Dans les années 1990, G. Bertrand propose d’associer trois notions différentes mais proches – le géosystème, le territoire et le paysage – dans le système
GTP. Ce cadre permet d’appréhender l’environnement dans sa complexité en associant trois dimensions qui permettent de mêler approches naturaliste
(géosystème), socio-économique (territoire) et culturelle (paysage).

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3 Le paysage des géographes

2. Le paysage, une image


Dans les années 1980, d’autres géographes abordent le paysage avant
tout comme une image. Pour Thierry Brossard et Jean-Claude Wieber
de l’École de Besançon, le paysage est un « signe » : c’est l’apparence
visible des combinaisons d’objets produits par des systèmes de forces
(naturelles ou anthropiques) en action. C’est également un « spectacle »
que le géographe va s’efforcer de décrire de manière objective avec un
vocabulaire approprié. Enfin, cette combinaison d’objets est perçue par
un (des) spectateur(s).
Ces géographes analysent le rapport entre la part objective du paysage
(les objets réels qui le composent inventoriés, sur une photographie
par exemple) et la part subjective (les images que les observateurs en
perçoivent). Pour cela, ils ont proposé dans les années 1970 une approche:
le complexe paysager de l’École de Besançon. Celui-ci se compose de trois
sous-systèmes :
– le sous-système producteur du paysage composé d’éléments biotiques,
abiotiques et anthropiques en interactions ; Ne pas confondre !
Les éléments biotiques
– le sous-système d’utilisateurs : il s’agit selon eux des « créations de relèvent du vivant : il
l’œil et de l’esprit », c’est-à-dire les paysages vus et appréhendés par s’agit de la végétation
et de la faune. Les
les individus selon leurs critères esthétiques et culturels ; éléments abiotiques
correspondent, eux,
– le sous-système du paysage visible, qui se place entre les deux précé- aux éléments non
dents : il s’agit des combinaisons d’objets résultants des interactions vivants tels que les
du sous-système producteur avant que celles-ci soient perçues. minéraux. Les éléments
anthropiques relèvent
L’École de Besançon a développé des approches quantitatives et des aménagements
objectives pour réaliser des cartographies des paysages. Les photo- et activités humaines
(maisons, agriculture,
graphies aériennes sont ainsi mobilisées pour inventorier les objets routes…).
observés et mesurer leur place. L’analyse de photographies horizontales
permet d’examiner les conditions de vision et de visibilité (les cônes de
vue, c’est-à-dire le paysage révélé à partir d’un point de vue). Il s’agit
de révéler l’organisation des éléments de paysages s’offrant à la vue de
spectateurs.

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Géographie de l’environnement

FOCUS Des photographies aériennes


et images satellites aux cartes d’unités paysagères
Bien que n’offrant qu’une vue du dessus, les photographies aériennes four-
nissent des informations très utiles pour caractériser les paysages. Elles
permettent de qualifier l’occupation du sol. La vue verticale facilite le repérage
de l’agencement des éléments du paysage (bâti, forêt, etc.) et permet de
délimiter et décrire des unités paysagères comme cela a été fait en Bretagne.
Dans l’Atlas des paysages de Bretagne, 38 unités paysagères ont été distin-
guées à partir du traitement d’images satellites.

Les ensembles paysagers en Bretagne

Voir l’article de BOURGET E.


et LE DU L. dans la revue
Norois en 2010 (https://norois.
revues.org/3399) ainsi que
le livret réalisé par le Conseil
régional de Bretagne
sur les paysages : Source : BOURGET E. et LE DU L., 2010 .
www.bretagne.bzh.

92

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 92 05/05/2017 16:12


3 Le paysage des géographes

3. Les représentations du paysage :


la géographie sociale et culturelle
À partir des années 1970, plusieurs géographes spécialistes de géogra-
phie humaine s’intéressent à la manière dont le paysage est perçu par
les individus ou les groupes sociaux . Cette fois, c’est la dimension On peut citer les travaux
subjective du paysage qui retient leur attention. Les individus (habi- d’Armand Frémont, d’Augustin
Berque ou encore d’Yves
tants, agriculteurs, touristes…) qui habitent et/ou observent un paysage Luginbühl.
sont interrogés à travers des enquêtes (entretiens, questionnaires) qui
révèlent à quel point le paysage est perçu à travers les sens.
Si l’appréhension du paysage est avant tout visuelle, plusieurs travaux
mettent également en évidence l’importance des sons, des odeurs mais
aussi du toucher dans la manière dont les individus apprécient un
paysage : le paysage agit sur l’appareil neuro-sensitif et provoque des
sensations et des sentiments. Chaque expérience est éminemment person-
nelle et il existe autant de paysages que de regards portés sur celui-ci.
L’appréhension du paysage s’ancre également sur des références
collectives. Ce sont les représentations sociales. Il s’agit d’une lecture
intellectuelle et interprétative du réel conditionné pour chaque individu
par sa personnalité, sa culture et le contexte dans lequel il évolue. Selon
le géographe Yves Luginbühl, les représentations sociales du paysage
mobilisent plusieurs échelles : globale, locale et individuelle :
– L’échelle globale renvoie aux « modèles paysagers » partagés par l’en- Les modèles paysagers
semble d’une société. Il s’agit de références culturelles construites au désignent les manières de
voir le monde et les valeurs
fil de l’histoire en fonction des rapports entre les sociétés et la nature ; attribuées au paysage.
celles-ci sont véhiculées par les médias (peinture, littérature, photogra-
phie, cinéma). Ainsi, la sensibilité à l’environnement qui marque la fin
du xxe siècle a introduit un goût pour les paysages de grande nature
non aménagés par l’homme, abusivement qualifiés de « sauvages » ou
« naturels ». Y. Luginbühl le qualifie de modèle pittoresque écologique.
– L’échelle locale correspond à la mémoire sociale des lieux et aux
cultures locales (par exemple, l’attachement au paysage passé des
mines dans le nord de la France).
– L’échelle individuelle désigne l’expérience paysagère personnelle de
chacun et sa mémoire intime : elle revêt donc une grande diversité.
Ces trois échelles sont parfois contradictoires.

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Géographie de l’environnement

Fig. 3.1 Percevoir les paysages : l’exemple de la chaîne des Puys

+
+ +
+
+ +
+ +
+ + +
+
+ + + +
+ + +
+ +
+ +
+ + + +
+
I. L’espace vu par les producteurs laitiers + +
Sans valeur Bon mais loin
II. L’espace vu par les naturalistes
Difficile à exploiter Très bon
Sans valeur
Contraintes
surmontables Biotope intéressant
Biotope original
Biotope exceptionnel
+
+ +
+
+ + + III. L’espace vu par les touristes
+
+ + + + Sans valeur Pittoresque
+ Original Exceptionnel
+ +

Source : d’après Y. MICHELIN, 1996, Les jardins de Vulcain, Paris, Éditions de la MSH.
La physionomie du paysage est ici représentée par des blocs diagrammes schématiques. Chacun d’entre eux donne à voir la diversité
des qualificatifs et registres de valeurs sur lesquels s’appuient les producteurs laitiers, les naturalistes et les touristes pour appréhender
ce même paysage. Les pentes des volcans constituent des espaces d’intérêt pour les naturalistes et touristes tandis que les éleveurs
les délaissent, préférant des terres plus faciles à exploiter et/ou moins éloignées.

Le paysage est donc « un arrangement d’objets visibles perçu par un


sujet à travers ses propres filtres, ses propres humeurs, ses propres fins »
BRUNET R. et al., Les mots (Brunet, 1992 ). La compréhension de ces filtres apparaît d’autant plus
de la géographie, dictionnaire essentielle qu’ils pèsent lourd dans les processus décisionnels. Augustin
critique, Reclus, 1992.
Berque résume cette idée à travers cette phrase : « Les sociétés perçoivent
leur environnement en fonction des aménagements qu’elles en font, et
elles l’aménagent en fonction de la perception qu’elles en ont. » Les codes
de valeurs et les sensibilités dépendent des relations que les groupes

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3 Le paysage des géographes

d’acteurs – agriculteurs, touristes, habitants, gestionnaires… – entre-


tiennent avec leur environnement.
Il est important de noter que le présent chapitre propose une vision
occidentale de la notion de paysage. Le rapport à l’environnement, et
donc au paysage, est différent dans d’autres civilisations. Les rapports des
sociétés à leur environnement diffèrent profondément entre l’Occident et
l’Orient par exemple. Dans ses travaux conduits en Amazonie, Philippe
Descola a également démontré que l’opposition entre nature et culture,
très prégnante en Occident, n’est pas universelle, témoignant là aussi de
la diversité des regards portés sur les paysages.

La dimension mythologique du paysage


Certains motifs paysagers font l’objet de représentations spécifiques. C’est le cas
de la montagne, par définition visible de loin et constituant un point de repère et
souvent marqueur de l’identité des territoires. Dans la mythologie, elle constitue
la demeure des dieux et des êtres surnaturels (Olympe, Parnasse, volcans médi-
terranéens) ou encore le centre du monde (mont Meru chez les hindouistes). Lieu
peu accessible et dangereux, la montagne a longtemps rebuté et effrayé avant
de devenir un espace d’exploits (dès le XVIIIe siècle en Europe occidentale) puis de
jeu avec l’essor des sports d’hiver (accélération notable dans les années 1960).
À l’inverse, océans, gouffres et grottes invisibles sont le monde des divinités infer-
nales ou souterraines (Hadès, Déméter). Ce sont des lieux inquiétants, repaires
de créatures infernales (entrée des enfers romains) ou tanières d’animaux marins
improbables (longtemps figurés dans les représentations des océans).
Le paysage, dans sa perception, explique la complexité du monde et reflète une
cosmogonie propre à chaque culture.

Un palimpseste est un
parchemin manuscrit dont
II. Le paysage, un hybride on a effacé la première
écriture afin de réécrire
de nature et de culture par-dessus. On peut
deviner, sous le nouveau
Le paysage peut se définir comme un véritable palimpseste car il texte, les traces de l’ancien.
présente la « caractéristique de conserver des caractères hérités d’usages Un palimpseste suppose
donc une série d’apports
anciens » comme l’écrit Annie Antoine (L’agriculture en Europe occi- qui s’ajoutent les uns aux
dentale à l’époque moderne, Paris, Belin, 2000). Une lecture attentive du autres, en intégrant les
paysage permet ainsi d’identifier les traces visibles (châteaux, haies) et héritages du passé.

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Géographie de l’environnement

imperceptibles (réseau viaire, parcellaire) du passé, utiles à la compréhen-


sion de l’organisation actuelle des paysages. Les représentations évoluent
elles aussi au fil du temps. Le paysage n’est donc pas un objet d’étude
figé. Prendre en compte sa dimension temporelle permet de mieux
comprendre les enjeux contemporains. Les formes héritées d’usages
passés posent de nombreuses questions : doit-on les conserver (patri-
monialisation), les reconvertir, les abandonner, les supprimer ?

1. Le paysage comme construction :


les trajectoires des paysages
En collaboration avec d’autres disciplines – l’histoire, l’archéologie et les
sciences des paléoenvironnements –, les géographes se sont intéressés
à reconstituer la trajectoire des paysages sur le temps long. Les travaux
consacrés à l’histoire des interactions hommes-milieux ont affirmé ce
positionnement en proposant le concept d’anthroposystème. Celui-ci
met en avant la coévolution des systèmes naturels et des systèmes sociaux
au fil du temps. L’anthroposystème inclut l’écosystème plus ou moins
Le sociosystème est anthropisé et le sociosystème comme partie intégrante. Le préfixe choisi
un système dont le centre souligne le rôle déterminant des sociétés humaines dans l’évolution de
et la société.
ce système hybride : le paysage n’est pas naturel, il est la résultante de
l’action des sociétés qui aménagent et utilisent leur environnement.
Plusieurs sources et méthodes ont été mobilisées pour reconsti-
tuer de manière diachronique la dimension matérielle des paysages.
Les paysages sont reconstitués selon des pas de temps historiques à
partir des sources écrites, notamment les cartes, permettant d’iden-
tifier les réseaux viaires, les lieux d’habitats, le parcellaire agricole ou
l’occupation du sol. L’analyse des archives du sol, telles que les pollens,
L’archélogie du paysage charbons de bois, restes animaux et sédiments, permet de remonter
cherche à restituer
l’évolution des paysages
jusqu’aux premières transformations des paysages naturels par les
en relation avec les groupes sociétés humaines depuis le Néolithique il y a 10 000 ans.
culturels qui y ont vécu.
L’ouvrage La géoarchéologie La reconstitution de la trajectoire de la dimension matérielle du
française au XXIe siècle paysage produit parfois une véritable archéologie du paysage. Celle-ci
(CNRS éditions, 2015), permet de renseigner le rôle des activités de production, l’évolution des
dirigé par N. CARCAUD agrosystèmes et de l’ensemble des activités socio-économiques dans les
et G. ARNAUD-FASSETTA propose
un panorama de la recherche paysages dont nous avons hérité. Elle permet également de réfléchir à la
française dans le domaine. manière dont les populations ont appréhendé leur milieu et leur paysage.

96

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3 Le paysage des géographes

2. Une notion indissociable de la dimension


esthétique et d’une échelle de valeur
■ De la campagne maîtrisée, symbole de prospérité…
La peinture occidentale livre une chronologie instructive sur l’évolution
des valeurs portées par les contemporains sur leur environnement. L’art
médiéval est quasi exclusivement tourné vers des sujets religieux, reflet
d’un monde dont les principes explicatifs se trouvent dans les textes
sacrés. Puis le paysage devient un genre autonome : il cesse d’être le
simple décor de scènes bibliques ou historiques. Les premières repré-
sentations laïques de la nature peintes au Moyen Âge mettent en valeur
une campagne maîtrisée. Symbolisée par des scènes de travaux agricoles,
celle-ci procure la prospérité.

Le paysage, un sujet d’inspiration artistique


La fresque d’A. Lorenzetti peinte à Sienne au XIVe siècle, intitulée Allégorie du bon
et du mauvais gouvernement, est un exemple d’utilisation picturale du paysage
pour délivrer un message politique : elle oppose une campagne toscane syno-
nyme de sécurité et de richesse garantie par un gouvernement respectant les
vertus nécessaires à la vie en société (justice, paix…) à la désolation de friches
et de scènes de pillages résultant d’un gouvernement marqué par la fraude, la
trahison et l’avarice.
Les enluminures des frères de Limbourg (Les très riches heures du duc de Berry),
peintes vers 1440, constituent un autre exemple de modèle de gouvernance
de la campagne. Ces œuvres ont été réalisées dans un contexte de tensions
alimentaires. Elles montrent l’urgence de garantir la sécurité alimentaire d’une
population en croissance en mettant en valeur les terres.

L’affirmation du paysage dans la peinture coïncide avec le dévelop-


pement d’activités profanes (commerce, finances) et l’émergence d’élites
urbaines qui commencent à investir dans l’agriculture. L’amélioration
de la connaissance scientifique de la nature s’accompagne de capacités
techniques nouvelles pour l’aménager. De nouvelles terres sont ainsi
conquises pour l’agriculture (pentes aménagées en terrasses, marécages
drainés, landes défrichées, secteurs irrigués) et les innovations agro-
nomiques permettent d’intensifier les rendements progressivement
jusqu’au xviiie siècle. Les paysages valorisés, les « beaux » paysages,

97

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Géographie de l’environnement

sont alors ceux de la campagne ordonnée et productive. Les polders en


Hollande ou le bocage anglais sont synonymes du développement de
l’élevage tandis que les paysages difficiles à valoriser, comme les landes
ou les marais, sont disqualifiés car inutiles, voire effrayants, (cas de
la haute montagne). La vision dominante est utilitaire et rationnelle :
le paysage est évalué selon sa productivité et sa fonctionnalité dans la
culture occidentale.

■ … à l’affirmation d’une demande sociale


vis-à-vis des paysages « remarquables »
D’autres regards sur le paysage se développent à partir du xviiie siècle
en Angleterre et en Allemagne d’abord. Le romantisme se diffuse au
cours du xixe siècle en Europe et propose un nouveau rapport, plus
sensible, à la nature. Les artistes, J.-J. Rousseau ou C. D. Friedrich par
exemple, rendent compte de leur expérience individuelle du paysage en
tant qu’objet esthétique. Ils s’intéressent à l’immensité et au caractère
infini de la nature et se tournent vers des paysages plus tourmentés,
et jusque-là délaissés, comme le littoral ou la montagne. De nouveaux
modèles paysagers s’affirment, le sublime et le pittoresque (inspiré du
monde rural), qui vont imprégner la société tout entière.
De nouvelles pratiques voient le jour : elles sont d’abord réservées
aux élites. Les jeunes des plus hautes classes de la société européenne
effectuent un long voyage, le Grand Tour (xvi-xviiie siècles), durant
lequel ils visitent des grands sites de ruines et des paysages naturels qui
vont marquer l’imaginaire des voyageurs. Les peintures de Claude Gellée,
dit Le Lorrain, expriment un monde urbain en ruines repris par une
« nature » toute-puissante.
Cet intérêt se développe aussi, alors que le monde urbain gagne du
terrain et que la révolution industrielle, suivie de la révolution agricole,
a transformé les paysages depuis le xviiie siècle et de manière accélérée
dans la seconde moitié du xxe siècle. Depuis les années 1970, l’intérêt pour
les paysages est également empreint de préoccupations environnemen-
tales. Le regard sur la modernité a profondément changé : on s’efforce
par exemple d’enterrer les lignes électriques alors que celles-ci s’affi-
chaient avec fierté sur les cartes postales et affiches électorales jusqu’en
1965 et 1981. Des recommandations sont formulées pour mieux inté-
grer les nouvelles constructions (hangars agricoles, bâtiments des zones

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3 Le paysage des géographes

d’activités ou commerciales, infrastructures routières) : on a d’abord


cherché à les masquer derrière des haies végétales alors que le choix
de matériaux et de styles architecturaux plus qualitatifs est aujourd’hui
encouragé pour respecter l’identité des lieux.

III. Le paysage comme ressource


Le paysage constitue une véritable ressource territoriale utilisée comme
vecteur potentiel de développement local. Si l’attractivité des paysages
est l’un des principaux moteurs du tourisme, elle stimule aussi d’autres
activités.

1. La mise en valeur des paysages


À la fin du xixe siècle, l’«excursionnisme» marque les débuts des pratiques
de loisirs de la bourgeoisie urbaine : les stations thermales, balnéaires et
de montagne, deviennent le lieu d’excursions et de pratiques sportives
renversant l’image associée à ces espaces, craints jusque-là. Le développe-
ment de l’automobile facilite les déplacements. Les paysages spectaculaires
deviennent objet d’intérêt pour les sensations qu’ils procurent. Créé en
1890, le Touring Club de France participe ainsi pendant un siècle à la Le saviez-vous ?
promotion des beaux paysages (installation de panneaux de signalisation En 1963, l’État lance
routière, goudronnage des routes, édition de guides) que les touristes le plan Racine pour
développer le littoral
devenus plus nombreux avec l’instauration des congés payés en 1936 en méditerranéen : outre
France, puis l’augmentation des temps de loisirs, visitent en masse. la démoustication, il
soutient de grandes
L’augmentation des flux touristiques a des répercussions très infrastructures
concrètes sur la dimension matérielle des paysages. Dans la seconde d’hébergement.
moitié du xxe siècle, des aménagements touristiques lourds se déve- Entre 1964 et 1977,
les plans Neige visent
loppent sur les littoraux (côte Languedocienne par exemple) ou en la création de stations
montagne (création de stations de ski ex nihilo) et les infrastructures de sports d’hiver. Ces
de transport se multiplient, participant à la modification des paysages stations ex-nihilo sont
aujourd’hui décriées.
ruraux. La multiplication des complexes hôteliers le long des côtes des
destinations balnéaires sur le pourtour de la Méditerranée a par exemple
profondément bouleversé les paysages littoraux devenus moins attractifs.
Le maintien des qualités paysagères est aujourd’hui rendu difficile par la
surfréquentation de certains sites.

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Géographie de l’environnement

L’exemple du tourisme montre que le paysage peut donc être


« consommé » par celui qui l’utilise, qu’il s’agisse de la contemplation
ou de la visite d’un lieu ou bien de la pratique de loisirs récréatifs de
pleine nature par exemple.
À partir des années 1980, de nombreuses initiatives locales
témoignent d’un recentrage sur les ressources territoriales. Les qualités
paysagères sont alors mobilisées pour exprimer l’identité singulière
d’un lieu (attractivité résidentielle et touristique), de produits (promo-
tion des productions agricoles et du terroir) et ainsi se démarquer des
régions voisines. Le paysage est progressivement reconnu comme un
vecteur de développement local par les régions rurales restées à l’écart
de la croissance économique et de la modernisation qui découvrent
qu’elles sont riches d’un patrimoine singulier à valoriser (création de
circuits : route des vins, route des moulins…). La reconnaissance de la
spécificité des ressources locales s’inscrit souvent dans des démarches
de labellisation qu’illustre par exemple le classement des vignobles de
Saint-Émilion (France), Tokaj (Hongrie) ou Cinque Terre (Italie) au
patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit de se distinguer pour définir
l’authenticité du produit promu.
Cette valorisation peut aussi renvoyer à des enjeux identitaires,
comme dans l’exemple du parc national de Yellowstone.

Yellowstone : un paysage préservé pour le tourisme


et l’identité nationale états-unienne
La création du Parc national de Yellowstone aux États-Unis en 1872 vise non
seulement à préserver des paysages « naturels » mais aussi un site renfermant
des paysages exceptionnels qui vont faire très vite l’objet d’une mise en tourisme.
Située dans les Rocheuses, la vaste région du Yellowstone constitue une étape
stratégique sur la route vers le Pacifique. La Northern Pacific Railway a mis en
place la seconde ligne transcontinentale des États-Unis reliant les Grands Lacs au
Pacifique mais aussi financé l’expédition Washburn qui a découvert la région de
Yellowstone en 1870. Le paysage se trouve très vite sur les affiches de promotion
de la compagnie ferroviaire qui aménage une halte touristique au cœur du parc.
Les parcs américains sont avant tout des lieux touristiques (près de 2,5 millions de
visiteurs/an à Yellowstone). Outre le caractère grandiose des paysages, leur attrac-
tivité repose aussi sur une dimension identitaire : les paysages préservés de l’Ouest
américain sont des témoins de l’histoire des colons et du mythe de la frontière.

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3 Le paysage des géographes

2. La dégradation des paysages :


banalisation et uniformisation
La seconde moitié du xxe siècle est marquée par des transformations
importantes des paysages ruraux dans l’ensemble du monde occidental
qui vont susciter une demande sociale vis-à-vis de la préservation de La demande sociale
paysages diversifiés et de qualité. On observe un décalage entre le rythme caractérise les attentes
des populations.
d’évolution matérielle des paysages et les aspirations des habitants.
Cette demande sociale s’appuie sur une sensibilité accrue des citoyens
vis-à-vis de la qualité de leur cadre de vie et leur environnement mais
elle est néanmoins très difficile à qualifier du fait de l’hétérogénéité des
représentations.

■ La mécanisation agricole
L’agriculture s’est profondément modernisée depuis les années 1950. La Le bocage désigne
le paysage rural formé
mécanisation a entraîné une réorganisation profonde du terroir agri- par des parcelles agricoles
cole. Dans les régions de bocage, comme le nord-ouest de la France, dont les limites sont
des remembrements ont été organisés. Ces opérations d’aménagement marquées par des haies
végétales.
foncier visaient à réorganiser le parcellaire pour faciliter l’exploitation.
Les parcelles de petite taille ont été regroupées pour rationaliser l’utili-
Le parcellaire désigne
sation des sols. Les remembrements ont souvent été accompagnés de le découpage des parcelles
l’arrachage de haies, du comblement des chemins creux et des arbres agricoles.
complantés devenus inutiles, voire contraignants, dans le cadre de l’agri-
culture productiviste. La modernisation agricole a également modifié la
physionomie du bâti : des bâtiments modernes ont vu le jour tandis que
les anciens, devenus inadaptés, étaient abandonnés ou reconvertis en
résidences secondaires. La généralisation de l’agriculture productiviste a
favorisé l’uniformisation des paysages par la création de vastes blocs de
cultures dans les régions de plaine comme le bassin parisien.
À l’inverse, dans les régions aux potentialités agronomiques moins
favorables, des terres sont abandonnées. La SAU couvre aujourd’hui La surface agricole utile
un peu plus de la moitié du territoire français (29 millions d’hectares) (SAU) désigne la superficie
utilisée par les agriculteurs
contre 36 millions d’hectares vers 1880. Dans les régions de montagne pour la production agricole.
comme le Massif central, les sols les plus maigres et les pentes les plus Elle regroupe tous les types
fortes qui avaient été aménagées en terrasses pour subvenir aux besoins de terres (arables, vignes,
surface en herbe…).
alimentaires sont délaissés. L’augmentation des rendements permet
d’abandonner les terres les moins productives. À l’image du déclin

101

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Géographie de l’environnement

de la population active agricole, la part de l’agriculture diminue dans


le paysage. Suite à l’abandon des pratiques culturales, une végétation
arbustive puis arborée, s’installe spontanément : c’est l’enfrichement. La
déprise agricole entraîne l’apparition de friches. Celles-ci font l’objet
d’une image négative car elles représentent l’arrêt de la mise en valeur
des terres. La politique de « gel des terres » mise en œuvre par l’Union
européenne dans les années 1990 pour lutter contre la surproduction a
suscité une crainte quant à la fermeture des paysages.
Définitions

❯ Déprise agricole : abandon durable de l’activité agricole (culture ou élevage).


❯ Friche : parcelle ou bâtiment qui n’est plus utilisé (ou cultivé) et qui cesse d’être
entretenu (friches industrielle, agricole par exemple).

■ La périurbanisation
La périurbanisation constitue le second facteur majeur de transformation
des paysages dans la seconde moitié du xxe siècle. À partir des Trente
Glorieuses, de nombreux ménages ont quitté les centres-villes pour
résider dans une maison individuelle, disposer d’un jardin et profiter
d’un cadre de vie jugé plus favorable. La standardisation des méthodes de
construction et la facilitation du crédit ont favorisé l’accès à la propriété
encouragé par les pouvoirs publics. Un anneau pavillonnaire a alors vu
le jour autour des villes de toutes tailles ; aux États-Unis notamment, ces
espaces dits « suburbains » prennent des extensions très vastes.
De nouveaux paysages constituent alors le cadre de vie d’une grande
partie de la population : les paysages périurbains. Composés de lotisse-
ments pavillonnaires plus ou moins denses mais aussi de zones d’activités
Conceptualisée et de commerces et d’échangeurs routiers reliant les habitants à la ville, ces
par l’écologie du paysage,
la fragmentation décrit
paysages sont pointés du doigt par les médias et les praticiens de l’amé-
les phénomènes de nagement. Ils sont le symbole des dynamiques de l’extension de la ville
morcellement de l’espace (« étalement urbain ») et de la diffusion de l’habitat de plus en plus loin
(artificialisation des sols,
création d’infrastructures
des centres urbains historiques. Les paysages périurbains sont associés à
de transport, etc.) l’artificialisation croissante des sols ou encore la consommation des terres
qui contraignent le agricoles et naturelles (fragmentation des habitats, érosion de la biodiver-
déplacement des espèces.
sité). Ils participent en effet à la banalisation des paysages mais revêtent
Voir BUREL F. et BAUDRY J.,
2003, Écologie du Paysage en réalité une grande diversité (densité variable d’habitations, intégration
de Paris, Tec & Doc. plus ou moins forte du paysage rural antérieur, mixité des fonctions…).

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3 Le paysage des géographes

IV. Les politiques publiques


en faveur des paysages
Utilisé comme ressource et objet de transformations rapides et profondes
depuis la seconde moitié du xxe siècle, le paysage fait l’objet d’une atten-
tion croissante de la part des pouvoirs publics. Il s’agit de préserver la
qualité des paysages les plus renommés puis de ceux reconnus comme
attractifs. La notion fait également référence à un projet politique et
économique de mise en valeur des territoires . LUGINBÜHL, 2011.

1. La protection des « beaux » paysages


Le constat d’abandon d’un certain nombre de sites et les conséquences
d’une fréquentation croissante des hauts lieux touristiques suscitent une
prise de conscience progressive par la société de la valeur patrimoniale Le saviez-vous ?
des paysages dits « remarquables ». Alors que les monuments historiques En 2014, les
« beaux paysages »
(châteaux, édifices religieux) bénéficient d’une loi visant leur protection représentaient 4 %
depuis 1887, la loi du 21 avril 1906 (dont la forme définitive est la loi du du territoire national :
2 mai 1930) marque l’élargissement du patrimoine aux paysages. Cette 2 700 sites classés
(1 026 342 ha) et plus
loi vise le maintien en l’état de tous les « monuments naturels et sites dont de 4 000 sites inscrits
la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, (1 500 000 ha).
historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ».
Deux niveaux de protection se distinguent : l’inscription pour les
sites d’intérêt régional et le classement, plus restrictif, pour les sites d’in-
térêt national. L’objectif est de préserver ces sites de toute atteinte. Il
s’agit aussi bien de sites ponctuels (points de vue, cascades) que de sites
couvrant de vastes surfaces (île de Bréhat, massif du Mont-Blanc, forêt de
Fontainebleau, gorges du Tarn). En 1943, la protection des monuments
historiques intègre les abords : un périmètre de 500 mètres est ajouté. Il
s’agit de contrôler les transformations à l’intérieur du champ de visibilité.
Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, d’autres mesures tendent à
renforcer la protection des paysages remarquables même si elles ne citent
pas spécifiquement la notion de paysage. La création des parcs natio-
naux en 1960 participe à la protection des paysages exceptionnels des
montagnes alpines et pyrénéennes, du littoral méditerranéen ainsi que
des territoires outre-mer. Le littoral bénéficie par ailleurs de la création

103

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Géographie de l’environnement

en 1973 du Conservatoire du Littoral qui vise à préserver le linéaire côtier


(1 500 km de rivages, soit 13 % du linéaire, sont aujourd’hui concernés).
En 1985-1986, les lois Montagne et Littoral renforcent la protection des
territoires emblématiques de haute montagne et de bords de mer.
Ces lois ont pour objet de concilier développement et protection dans
 Voir Chapitre 4. des territoires spécifiques : il s’agit notamment d’encadrer l’urbanisation
de ces zones afin d’éviter les opérations massives réalisées sur la côte
languedocienne ou les stations de ski créées ex-nihilo qui ont pu défigurer
les paysages. Les opérations Grands Sites visent, elles, à assurer la conser-
vation des sites classés au titre de la loi de 1930 qui constituent des hauts
lieux touristiques (pointe du Raz, pont du Gard, cirque de Gavarnie…).
Le tourisme de masse menace l’intégrité de ces sites : il s’agit de réguler
la très forte fréquentation afin de préserver l’attrait du site. Pour cela, des
actions de reconquête paysagère sont menées et des solutions sont mises
en œuvre pour encadrer la fréquentation (stationnements à distance,
régulation des flux…).
À l’échelle mondiale, l’UNESCO labellise depuis 1972 des sites présen-
tant une valeur universelle exceptionnelle justifiant leur inscription sur la
liste du patrimoine mondial (ou patrimoine de l’humanité). Initialement,
les sites catalogués relèvent du patrimoine naturel : les premiers sont par
exemple le parc de Nahanni et de Yellowstone en Amérique du Nord.
Depuis 1992, l’UNESCO intègre également des biens culturels définis
comme des « œuvres conjuguées de l’être humain et de la nature, ils
expriment une longue et intime relation des peuples avec leur environ-
nement » : le Val de Loire a été intégré au patrimoine mondial à ce titre.

2. La reconnaissance des paysages « ordinaires »


Le qualificatif « ordinaire » ne doit pas être appréhendé de manière péjo-
rative. Les paysages ordinaires désignent par défaut les paysages qui ne
sont pas exceptionnels ou remarquables.

■ À l’échelle nationale (en France)


Jusque dans les années 1960, ce sont des logiques protectrices qui
guident la politique du paysage. Des politiques régulatrices vont ensuite
voir le jour. Elles visent à encadrer les évolutions du paysage. Il s’agit par

104

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3 Le paysage des géographes

exemple des règlements d’urbanisme (PLU, SDAU) qui, depuis 1967,


visent à maîtriser l’urbanisation. En 1979, la loi relative à la publicité
légifère sur les entrées de villes : elle a en réalité une efficacité très limitée.
Finalement, en 1993, paraît la loi sur la protection et la mise en valeur
des paysages, dite loi Paysage. Elle modifie les dispositions législatives
en matière d’enquête d’utilité publique en obligeant à une meilleure
concertation autour des projets d’aménagement. Elle oblige à intégrer
dans les dépôts de permis de construire une étude de l’insertion des
constructions dans l’environnement et de leur impact visuel dans le but
de préserver la qualité paysagère des campagnes lors des opérations de
remembrement par exemple ou des abords de villes lors de la création
de rocades ou de zones d’activités.
Définitions

❯ Plan local d’urbanisme (PLU) : anciennement « plan d’occupation du sol »


(POS), le PLU détermine à l’échelle communale les espaces constructibles et non
constructibles et définit les règles d’urbanisme.
❯ Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) : document fixant
les règles d’urbanisme opposables aux tiers à l’échelle supra-communale. Il est
aujourd’hui remplacé par les SCoT (schéma de cohérence territorial).

La loi Paysage étend les ZPPAUP (zones de protection du patrimoine


architectural, urbain et paysager) mises en œuvre pour protéger des quar-
tiers et des sites à valeur esthétique ou historique. Depuis 2015, elles
sont remplacées par les aires de mise en valeur de l’architecture et du
patrimoine (AVAP).
La loi Paysage impulse la mise en œuvre d’un certain nombre d’outils,
volontaires, en faveur d’une meilleure prise en compte des paysages. Elle
marque ainsi un glissement d’une analyse des grands paysages, des grands
sites touristiques vers le « tout » paysage. Depuis les années 2000, la France
s’est doté d’atlas de paysage : réalisés à l’échelle départementale ou Il est possible de consulter
régionale, ce sont des outils de connaissance proposant un état des lieux sur le site du ministère de
l’Environnement la méthode
(identification d’unités paysagères) et un inventaire des enjeux (dyna- des atlas de paysage ainsi
mique et tendances prospectives). L’action sur les paysages s’appuie, elle, que plusieurs atlas de
paysages. Richement illustrés,
sur la rédaction de plans de paysage le plus souvent à l’échelle intercom- ces derniers constituent des
munale. Il s’agit d’une démarche volontariste d’une collectivité qui vise à documents utiles à consulter.
fixer des objectifs et un programme d’actions en termes de paysage pour
un territoire. Lancés dans les années 1990, ils s’appuient sur une démarche

105

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Géographie de l’environnement

partagée et concertée visant à définir un projet de territoire permettant


la mise en valeur et la maîtrise de l’évolution des paysages.

■ À l’échelle européenne
La Convention européenne du paysage proclamée à Florence en 2000
par le Conseil de l’Europe est entrée en vigueur en France en 2006. Elle
définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par
les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels
et/ou humains et de leurs interrelations ». Il est affirmé qu’il constitue
« partout un élément important de la qualité de vie des populations : dans
les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires dégradés
comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquables
comme dans ceux du quotidien ».
Comme la loi Paysage de 1993, la Convention européenne du paysage
ne s’intéresse pas qu’aux seuls paysages remarquables mais vise le main-
tien de la qualité des paysages qualifiés d’ordinaires car ces derniers
participent au bien-être des populations et à la qualité de leur cadre de
vie. Le texte de la Convention européenne du paysage « rompt avec au
moins un siècle de conception protectionniste du paysage pour l’élargir
aux paysages du quotidien et dépasser le simple cadre des paysages
LUGINBÜHL Y., 2007, remarquables », comme l’explique Y. Luginbühl .
« Pour un paysage de
paysage », Économie rurale, Alors que la banalisation des paysages est dénoncée et que le contexte
n° 297-298, p. 23-37. de mondialisation renforce les volontés de se démarquer et de retrouver
une identité, l’objectif est de « préserver durablement la diversité des
paysages ». Il s’agit d’accompagner l’évolution des paysages. Pour cela,
trois types d’actions sont distingués :
– La protection correspond à des actions de conservation visant le main-
tien des traits distinctifs d’un paysage caractérisé par une forte valeur
patrimoniale.
– La gestion vise à guider et harmoniser les transformations paysagères
induites par les évolutions des activités humaines.
– Enfin, l’aménagement comporte une dimension prospective corres-
pondant à la création de paysages. Les politiques publiques en faveur
du paysage visent de plus en plus à prendre en compte les attentes des
populations afin de déterminer les objectifs de qualité en concertation
avec les habitants.

106

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3 Le paysage des géographes

Conclusion
Le paysage est donc un objet central en géographie car il permet de
questionner les relations des hommes à leur environnement, avec l’idée
d’une trajectoire : le paysage change de forme au cours du temps selon
les usages que font les sociétés de leur environnement. Cette question
peut être abordée via la description des formes matérielles et leurs
transformations au fil du temps. Elle peut également être renseignée à
travers l’étude des regards portés sur elles par les sociétés. Il s’agit donc
d’un concept transversal en géographie et qui mobilise aussi les savoirs
d’autres disciplines. La double dimension, objective et sensible, et le
caractère éminemment mobile et hybride du paysage font de celui-ci un
outil de médiation particulièrement pertinent dans le cadre de l’essor des
démarches participatives, puisqu’il peut être utilisé comme support de
dialogue entre élus, habitants et spécialistes s’interrogeant sur le devenir
d’un territoire.
Le paysage est le résultat non intentionnel des activités d’une société
à un moment donné. Les transformations récentes ont modifié la confi-
guration matérielle des paysages avec l’apparition de nouveaux types
paysagers tels que les paysages constitués de lotissements pavillonnaires,
de voies rapides et de zones commerciales. Comme les paysages agricoles
banalisés, ces formes nouvelles ne coïncident pas avec les canons esthé-
tiques de notre société. Les politiques publiques visent à mieux prendre
en charge la dimension paysagère guidant le façonnement des paysages :
l’apparition de nouveaux paysages et la transformation, ou la dégrada-
tion voire la disparition de paysages appréciés sont pourtant le reflet de
l’évolution des sociétés.

107

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n Le paysage est une notion hybride : il désigne le produit, visible et éminemment
mobile, des interactions entre des faits de nature et de société. Il désigne par
ailleurs à la fois la réalité matérielle que le géographe peut décrire mais aussi la
dimension sensible liée aux représentations multiples que chaque individu se fait
d’un même paysage.
n À l’interface entre la nature et les hommes, les paysages se transforment sans
cesse au fil du temps. Il est possible de retracer la trajectoire des paysages à partir
de différentes sources et de les relier aux grandes étapes de mutation des activités
anthropiques.
n Le paysage fait l’objet d’une demande sociale croissante, la population réclamant
un cadre de vie de qualité. Cependant, la réglementation à l’œuvre aujourd’hui
cible avant tout les paysages dits remarquables qu’il s’agit de conserver en l’état.
La préservation de la qualité et de la diversité des paysages, qualifiés d’ordinaires,
est plus difficile à mettre en œuvre.

NOTIONS CLÉS POUR ALLER PLUS LOIN


n Demande sociale Pour consulter la méthode de réalisation des atlas: www.developpement-durable.
n Géosystème gouv.fr/IMG/pdf/Methode_Atlas_des_paysages_2015-francais_version_web_
n Paysage cle7f9e61.pdf
n Paysage ordinaire Sur la construction des représentations sociales du paysage en France et en
n Représentation Europe : Luginbühl Y., 2011, La mise en scène du monde, Paris, CNRS Éditions.
sociale Sur les approches historiques du paysage :
n Standardisation/
Michelin Y., 1995, Les jardins de Vulcain, Paris, Éditions de la MSH.
banalisation
du paysage Donadieu P., Périgord M., Barraud R., 2012, Le paysage : entre natures et
cultures, Paris, Armand Colin.

108

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ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
En prenant l’exemple de la forêt de Fontainebleau, reliez les rubriques ci-dessous :
Aspects du paysage Éléments du paysage Système associé

Flore, faune, biomasse, biodiversité,


Paysage « cadre de vie »
grès, climat…
Sociosystème
Peintres de Barbizon, chaos rocheux,
Paysage « nature »
site classé…

Propriétaire foncier, ONF,


Paysage « héritage »
plans de gestion, Natura 2000…
Écosystème
Domaine de chasse royale,
Paysage « territoire »
histoire géologique…

Sentiers balisés, escalade, renommée


Paysage « ressource »
touristique, exploitation du bois…
Géosystème
Pratiques récréatives, fréquentation,
Paysage « esthétique »
lieu public, souvenirs…

Questions sur document


1. Quelles mesures
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Protection de nature y sa
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1930 : Loi sur la protection lis
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des sites naturels nt  Voir Méthodes p. 247, 253.
1913 : Loi de protection ce
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des sites naturels s tio
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109

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Géographie de l’environnement

La fermeture des paysages : entre évolutions


ÉTUDE DE CAS

des pratiques agricoles et perceptions de l’environnement

Doc. 1 Muhlbach sur Bruche au début du XXe siècle


et en 2005

Source : Le paysage, c’est l’affaire de tous, 20 années d’actions paysagères en Haute-Bruche,


communauté de communes de la Haute-Bruche.

Doc. 2 « Qu’entend-on par fermeture du paysage ? »


« Largement véhiculé par les médias, les pouvoirs publics et les scientifiques, approprié,
semble-t-il, par la société, le phénomène des friches et de la fermeture des paysages
devient, du milieu des années 1980 au début des années 1990, quasi philosophique…
la peur de la nature, la peur de ne plus maîtriser notre environnement : “Le désert vert,
voilà ce qui nous est prédit, en provenance des sources les plus diverses, monde agri-
cole et citadins confondus. C’est la panique ! Des terres sans hommes qui produisent
des avalanches, des incendies, la fin du paysage et celle de la nature par la même
occasion”. Le catastrophisme est alors décliné sur tous les plans, dans un conflit où
s’opposent deux conceptions de la nature.
D’un côté, les tenants d’une nature humanisée, pour qui domine le désir de maîtriser
non seulement la nature, mais tout l’espace, sont de loin les plus nombreux. […]
Cette disparition de l’homme nuirait alors à la diversité écologique, la fermeture du
paysage entraînant un déséquilibre entre les dynamiques spontanées et humaines :
“le lien social se distend, risque de rompre, et la dynamique anthropique va de plus

110

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3 Le paysage des géographes

en plus laisser libre cours à la dynamique de la végétation, dont l’effet risque d’être
d’abord l’homogénéisation du milieu, et en conséquence une réduction de la diversité

ÉTUDE DE CAS
biologique” (Blandin, 1996) […] frisant “l’horreur écologique”.
Économiquement, ensuite, la fermeture des paysages nuirait directement au dévelop-
pement local par dégradation du cadre de vie. […]
Sur les plans esthétiques et sensibles, enfin, les impacts peuvent être liés aux boise-
ments autant qu’à la friche. […]
De l’autre côté, les tenants d’une “nature naturelle” élèvent la voix en faveur des
dynamiques naturelles ou, au moins, pour envisager une cohabitation. […] D’autres
insistent, d’une part, sur la chance offerte à la société de retrouver un idéal de “nature
‘naturelle’” et, d’autre part, sur la nécessité de redonner sa place à la nature. […]
F. Terrasson, particulièrement, dénonce la « peur de la nature » et ce qu’il estime être
un faux débat, puisque, selon lui, “ce n’est pas la friche qui menace l’agriculture, mais
l’incohérence des politiques internationales. Arrêtons d’opposer la nature et l’exploi-
tation agricole et réinventons un vieux mot ringard qui par bonheur est encore pour
quelque temps encore au Petit Larousse. Vive la friche : vive le paysan !” »
Source : LE FLOCH S. et DEVANNE S., 2003, « Qu’entend-on par fermeture du paysage ? »,
Cemagref, ministère de l’Écologie et du Développement durable.

Doc. 3 Avantages et inconvénients de la proximité forestière


selon les habitants du plateau des Millevaches,
des Maures et des Vosges du Nord
Les points positifs
Agrément paysager
Ombre portée
Camouflage, isolement
Patrimoine familial, financier
Ressourcement
Animaux sauvages
Autres
Aucun point positif
Pas de réponse
Les points négatifs
Ombre portée
Vue bouchée
Risques
Débroussaillement
Animaux sauvages
Autres
Aucun point négatif
Pas de réponse
0 10 20 30 40 50 60 70 %

Source : LABRUE C., 2009, L’enfermement des habitations par la forêt, thèse de doctorat.

111

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Géographie de l’environnement

Présentation des documents


Doc. 1 Deux photographies prises au même endroit à Mulbach dans
ÉTUDE DE CAS

les Vosges au début du xxe siècle et un siècle plus tard.


■ Doc. 2 Histogrammes extraits de la thèse de C. Labrue qui a interrogé les habi-

tants de régions de moyennes montagnes en France (plateau de Millevaches,


Maures, Vosges du Nord) sur leur perception des paysages forestiers.
■ Doc. 3 Extrait d’un rapport réalisé par le Cemagref en 2003 sur la notion

de fermeture du paysage.

Localisation
Les documents traitent des régions de moyenne montagne française qui ont
subi une déprise rurale au cours de la seconde moitié du xxe siècle.

Objectifs de l’étude de cas


Il s’agit :
– de décrire le processus de fermeture des paysages ;
– d’observer comment ces paysages sont perçus par les populations.

Commentaire
Ce corpus invite à s’interroger parallèlement sur les processus de transforma-
tions des paysages dont l’évolution des activités des sociétés est responsable
(abandon des pratiques agricoles ici) et sur les représentations suscitées par
ces nouveaux paysages.
I. Le processus de fermeture du paysage
Le doc. 1 invite à une analyse des transformations du paysage de Mulbach.
Sur l’image la plus ancienne, le premier plan est occupé par des paysans
occupés à faucher une parcelle de prairie complantée de pommiers. Le village
se distingue au second plan par le clocher de son église et la cheminée d’une
usine. À l’arrière-plan, le versant est occupé par des parcelles agricoles de
petite taille dominées par des reliefs boisés. Ce paysage est le produit d’une
activité agricole tournée vers l’élevage. Sur l’image de droite, le bourg s’est
densifié et étendu au détriment de l’espace agricole. Du fait de l’abandon
des pratiques culturales, une végétation s’est spontanément développée
remplaçant les prairies par des friches puis des bois. En d’autres endroits,
les prairies ont été remplacées par des plantations permettant de valoriser
un patrimoine foncier (doc. 2). Le paysage s’est fermé.

112

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3 Le paysage des géographes

II. Des représentations contradictoires de la friche


Le doc. 3 révèle que les habitants ont une vision complexe des espaces boisés.

ÉTUDE DE CAS
Ceux-ci procurent des aménités mais aussi des désagréments. Tout semble
une question d’équilibre. La forêt participe à l’intérêt paysager du site et
permet de s’isoler des voisins mais elle peut nuire en bouchant les vues. Elle
apporte l’ombre recherchée dans les jardins situés sur les versants exposés au
soleil mais celle-ci devient pénalisante sur les versants non exposés au soleil.
Elle constitue un refuge pour les animaux sauvages mais on craint aussi que
les broussailles abritent des nuisibles ou que des incendies se propagent. Les
représentations sont donc multiples et contradictoires.
III. La remise en cause du maintien systématique de paysages ouverts
¡ Malgré l’ambiguïté des représentations, des actions sont mises en place
pour « rouvrir » ces paysages. Celles-ci consistent en des chantiers de
débroussaillage ou la mise en œuvre de mesures agro-pastorales visant à réta-
blir le pâturage. Le maintien d’habitats ouverts vise également à préserver la
biodiversité supposée plus forte que dans des espaces en friches ou boisées.
¡ Le doc. 2 révèle d’autres stratégies. Deux visions s’opposent : d’un côté,
les défenseurs d’une nature anthropisée et, de l’autre, ceux prônant une
nature « naturelle ». Leurs arguments se fondent à la fois sur des critères
économiques, écologiques et esthétiques. Les premiers voient en la friche le
symbole de la perte de vitalité économique des campagnes et la diminution
de la maîtrise de l’homme sur la nature. Ils plaident pour des milieux ouverts.
À l’inverse, d’autres militent pour laisser la végétation spontanée évoluer
sans contraintes. En réaction à l’intensification de l’agriculture et à l’arti-
ficialisation croissante des paysages, d’autres mettent en avant l’intérêt de
préserver des espaces de « nature » dans lesquels les processus biophysiques
évolueraient librement. Il s’agit de reconquérir des espaces à haut niveau de
naturalité correspondant à l’imaginaire du sauvage . Voir BARRAUD
R. et PÉRIGORD M.,
Conclusion 2013, « L’Europe
ensauvagée :
Présentée comme un problème paysager à résoudre, la fermeture du paysage émergence d’une
est controversée. Cet exemple illustre le décalage entre le rythme de trans- nouvelle forme de
formation des paysages sur le terrain, fonction de l’évolution des usages parimonalisation
de la nature »,
des sociétés, et celui des représentations des individus. Le rejet de la friche L’Espace
témoigne de la difficulté à accepter les mutations induites par la moderni- géographique,
sation agricole. Cet exemple révèle la coexistence de regards variés sur un n° 3, vol. 42.
même paysage. Ces représentations se traduisent dans l’action publique
puisque des programmes sont menés depuis les années 1980 pour maintenir
des paysages ouverts tandis que les associations naturalistes promeuvent
depuis les années 2000 la libre évolution (c’est-à-dire la non-gestion).

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p Photo © Véronique Fourault-Cauët.

Le Parc national de Nairobi (à droite) est un espace protégé né en 1946. Cernés par
la croissance de la capitale kenyane, ces paysages de savanes sont au contact direct
de la ville, et menacés par l’artificialisation. La route, en construction, empiète sur le
parc avec l’accord du gouvernement, qui entend développer les infrastructures pour
décongestionner la métropole. Le parc est enclos au sens propre sur tout son tracé nord.
Il reste ouvert au sud pour maintenir des corridors de migration de la faune sauvage
avec les plaines plus au sud, mais pour combien de temps ?

114

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CHAPITRE
Protéger
4 l’environnement,
enjeux
géographiques
PLAN DU CHAPITRE Les enjeux de protection des milieux sont connus de
I. Que signifie protéger longue date, et les textes sur ces questions sont anciens (J. Muir,
l’environnement ? G. P. Marsh aux États-Unis, É. Reclus en France au xixe siècle).
II. La protection Si les préoccupations environnementales font aujourd’hui figure
de l’environnement : d’évidence, cette reconnaissance a été lente, et les lectures qui sont
objectifs, territoires et acteurs
faites de l’exigence de protection sont multiples.
III. La protection spatialisée
de l’environnement, Cette diversité tient tout d’abord au sens assigné à la protection :
objet de conflits
est-elle un instrument de préservation stricte du vivant, ou bien
IV. La biodiversité :
de gestion raisonnable des ressources indispensables aux sociétés ?
l’apparition d’un indicateur
pour la protection Concrètement ensuite, la protection des milieux se matérialise
des milieux sur le devant tantôt par des mesures sectorielles, tantôt par la définition d’es-
de la scène mondiale paces aux réglementations spécifiques.
ÉTUDE DE CAS C’est surtout par l’analyse des formes et enjeux de ces espaces
Les enjeux d’aménagement de protection que les géographes abordent ces questions. Il s’agit
et de gestion du Parc national alors non seulement de comprendre les caractéristiques spécifiques
des Calanques du milieu protégé, mais aussi les enjeux sociétaux qui expliquent,
autant que la rareté des espèces présentes, la forme et le degré de
protection choisis. Toute protection induisant des restrictions
d’usage, mais aussi des pratiques spécifiques – scientifiques, touris-
tiques, économiques, etc. –, les conflits nés de ces mesures parmi
les acteurs concernés constituent un objet d’analyse privilégié pour
les géographes.
Protéger l’environnement, c’est donc le mettre à l’abri de
certains usages pouvant en menacer le fonctionnement écologique.
Mais il s’agit aussi parfois de le valoriser à travers, par exemple, la
création de parcours et de pratiques touristiques adaptés.

115

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Géographie de l’environnement

I. Que signifie protéger l’environnement?


1. Préservation versus conservation
Derrière le mouvement global de protection se cachent des appréhen-
sions diverses du rapport des sociétés aux milieux biophysiques, et aux
enjeux de leur protection. Les milieux et espèces ont souvent bénéficié
de mesures de protection en tant que ressources, dont la gestion devait
être précautionneuse.
Mais d’autres éléments expliquent l’emploi de ces mesures : valeur
esthétique et patrimoniale des lieux, ou encore valeur intrinsèque des
populations animales et végétales dans une optique écologique plus
radicale.
Deux lectures divergentes ont très vite structuré discours et pratiques
de protection, d’abord en Amérique du Nord, puis dans le reste du
monde. On distingue ces approches par les termes de préservationnisme
et de conservationnisme.
Le préservationnisme, porté à ses débuts par des personnalités comme
J. Muir aux États-Unis, entend favoriser une protection maximale de
l’environnement, qui suppose l’exclusion des sociétés des espaces
protégés. C’est la prise de conscience de la dégradation intense des
forêts étatsuniennes, dans un contexte de valorisation romantique de
la dimension sublime de la nature, qui pousse Muir à promouvoir cette
approche rigoureuse de la protection, interdisant toute forme d’exploi-
tation du milieu.
Celle-ci se distingue de l’approche conservationniste d’un Gifford
Pinchot, chef du service des forêts des États-Unis en 1905, qui envi-
sage a contrario l’environnement – et notamment les forêts – comme
ressource pour les sociétés. La conservation est alors comprise comme
une politique de « gestion avisée » et de maintien de la ressource
(Depraz, 2008), et non pour protéger une « nature » idéalisée. Elle ne
passe pas par une interdiction totale des usages de l’environnement par
les sociétés.

116

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

2. Temps, lieux et paradigmes successifs :


la protection de la nature
comme construction collective complexe
Ces options philosophiques fondent toujours pour partie des politiques
de protection parfois divergentes entre elles, et qui se sont enrichies au
fil du temps. Elles révèlent des rapports fondamentalement différents
à la « nature » de la part de leurs promoteurs. On peut ainsi distinguer
plusieurs paradigmes pour comprendre les manières très différentes Un paradigme désigne
dont s’effectue la protection de l’environnement depuis 150 ans (Rodary, l’ensemble des éléments
qui forment un champ
2003 ; Depraz, 2008). d’interprétation d’une
réalité en un temps donné.
À l’origine de la protection d’espaces comme le parc américain
Le terme de paradigme
Yellowstone, on peut évoquer un « paradigme naturaliste sensible » : scientifique a été employé
la protection repose sur la reconnaissance d’une « nature » sublime qu’il par l’historien des sciences
faudrait protéger pour la contemplation, la récréation, et en tant que Thomas Kuhn pour définir
l’ensemble des croyances,
composante du rapport identitaire au territoire. valeurs et techniques
qui sont partagées par
Lui succède un « paradigme radical » qui insiste quant à lui sur la
les membres d’une
valeur propre de la nature, indépendamment des besoins anthropiques, et communauté scientifique,
sur la nécessité de tenir certains lieux à l’écart des sociétés. Cette approche dans une période de
est confortée par l’émergence de l’écologie comme science au xxe siècle. consensus théorique.

Enfin, à partir des années 1970, un « paradigme intégrateur » fait son


apparition, reposant sur la volonté de protéger les milieux en prenant
en compte les usages et attentes des populations, mêlant ainsi exigences
écologiques et sociales. Cette approche, qui répond explicitement aux
Objectifs du développement durable  , fait aujourd’hui à son tour  Voir Chapitre 6.
l’objet de remises en question partielles, les échecs de plusieurs expé-
riences intégratrices débouchant parfois localement sur « un retour des
barrières ».
Ainsi donc, chaque espace protégé doit être appréhendé comme une
construction sociale très dépendante de son contexte d’apparition : il
sera fonction de la vision dominante de la protection au moment de sa
création, et du contexte culturel et géographique local.

117

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Géographie de l’environnement

3. Diversité des démarches entreprises


au cœur des espaces protégés :
exclure, restaurer, patrimonialiser
Les conséquences concrètes de ces approches divergentes en matière
de protection de l’environnement sont importantes : suivant l’approche
privilégiée, le choix sera fait de laisser les milieux à leurs propres dyna-
miques, en n’intervenant en aucun cas ; de « restaurer les écosystèmes »
en intervenant de manière plus ou moins lourde, ou encore de privilégier
le maintien des usages traditionnels du milieu par les sociétés.
Ces approches posent question à divers égards : l’exclusion de toute
forme d’action anthropique sur le milieu (ce qui a pu être mis en place
à Yellowstone au début du xxe siècle, ou que l’on peut observer dans
les réserves intégrales françaises) induit d’importantes modifications
paysagères et fonctionnelles, aux conséquences parfois négatives. En
effet, le caractère largement anthropisé des écosystèmes débouche sur
leur modification profonde en cas de disparition des usages.
Ainsi, on a pu observer la transformation d’écosystèmes de tour-
bières – protégées en tant que telles – suite à la disparition de l’élevage
dans la zone protégée. De même, le laisser-faire écologique longtemps
pratiqué à Yellowstone a débouché sur d’importantes perturbations :
incendie majeur de 1988 ou surpopulation de cerfs, entraînant à son tour
la disparition d’espèces végétales comme le tremble (Gunnell, 2009).
La restauration écologique, parfois qualifiée de manière ambiguë de
« renaturation », pose de mêmes questions quant à l’existence d’un état
de référence qui constituerait le point de retour souhaité des politiques
entreprises : puisque les milieux évoluent sans cesse, comment choisir
celui qu’il convient de « restaurer » ? Il s’agit donc d’une patrimoniali-
sation de la nature, c’est-à-dire d’une construction sociale collective qui
désigne ce qui mérite d’être conservé et transmis.
Dès lors, il convient de s’interroger sur les choix effectués, alors
même qu’ils ne sont souvent pas explicites. Par ailleurs, compte tenu
du degré de modification des milieux, revendiquer une restauration des
milieux dans l’état précédant leur usage anthropique apparaît largement
illusoire.

118

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

4. Peut-on encore parler


de protection de la « nature » ?
Le principe de la protection de la « nature » repose sur l’idée d’une parti-
tion entre deux réalités d’ordres différents : la « nature » d’une part, qui
relèverait de tout ce qui est extérieur aux sociétés, la « culture » d’autre
part, qui relèverait d’une autre catégorie.
Cette partition, souvent vue comme l’héritage de la modernité,
c’est-à-dire des conceptions philosophiques héritées de la Renaissance
en Occident, est aujourd’hui largement remise en question par des
travaux qui démontrent que cette partition n’a pas de sens dans
nombre de parties du globe, et ne rend pas compte de l’hybridité réelle
du monde. S’il pouvait apparaître pertinent aux sociétés des xixe et
xxe siècles de protéger une entité, la « nature », pensée comme fonda-
mentalement extérieure, en interdisant ou en limitant les contacts
de la société avec celle-ci, la mise en évidence des porosités entre ces
catégories interroge fortement sur les modalités possibles de protec-  Ce dont rend compte
la notion d’Anthropocène,
tion de l’environnement. voir Chapitre 6 p. 176.

II. La protection de l’environnement :


objectifs, territoires et acteurs
La multiplication des espaces identifiés et appropriés comme des « terri-
toires de nature » correspond en réalité à des objectifs très divers, et
parfois fort contradictoires, entre rêve de protection des écosystèmes et
Le développement local
instrument de développement local. désigne un processus
d’enrichissement d’un
territoire autour des
1. Les objectifs ressources présentes
et d’initiatives d’acteurs
Les choix en matière de protection de la nature ont beaucoup varié au locaux.
fil du temps et des lieux, tant par leurs paradigmes fondateurs que par
les orientations législatives adoptées à telle ou telle période. Les histoires
nationales ont façonné des rapports très spécifiques à l’environnement,
qui débouchent sur des traitements différenciés, y compris en utilisant
un même terme.

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Géographie de l’environnement

Ainsi, le parc national est une forme de protection spatialisée des


écosystèmes qui existe aujourd’hui dans un très grand nombre de pays.
Mais derrière un terme commun, et une définition internationale portée
UICN (Union internationale par l’UICN – « Vastes espaces naturels ou peu transformés mis en place
pour la conservation de pour protéger des processus écologiques à grande échelle, mais aussi
la nature) : organisation
non gouvernementale
espèces et écosystèmes caractéristiques du parc, qui offrent aussi des
internationale fondée en possibilités de visite à des fins spirituelles, scientifiques, éducatives,
1948 et consacrée à la récréatives, qui soient compatibles avec l’environnement et les cultures
protection de la nature.
locales » –, les parcs nationaux se caractérisent par une grande diversité
de formes, d’histoires, de degrés de protection, et d’objectifs. Il s’agit
parfois d’une forme très atténuée de protection des milieux, au bénéfice
d’une approche touristique (c’est le cas au Brésil ou au Royaume-Uni),
et en d’autres lieux d’une tentative de sanctuarisation des écosystèmes
(c’est notamment le cas en Suède).
En outre, les objectifs dévolus à chaque parc ont pu évoluer au fil du
temps : par exemple, le parc de Yellowstone fut créé en 1872 en partie
pour permettre la visite et la récréation dans un haut lieu de l’identité
étatsunienne alors en cours d’élaboration ; il fut ensuite géré davantage
suivant les principes et objectifs de l’écologie radicale ; aujourd’hui, il
constitue un territoire touristique majeur.
La situation des pays en développement est particulièrement intéres-
FAO : organisation sante, parce que les tensions entre développement humain et protection
des Nations unies des écosystèmes sont très vives, mais aussi parce qu’un grand nombre
pour l’alimentation et d’acteurs extérieurs y sont intervenus (empires coloniaux) ou y inter-
l’agriculture. Elle produit
des statistiques mondiales
viennent encore (ONG internationales). Or, les ONG et institutions
sur ces questions, et, internationales telles que la FAO ou la Banque mondiale ont tantôt
surtout, fournit une conditionné leurs financements à l’élaboration de formes de protection
assistance technique aux très strictes des milieux (au risque de repousser au loin les habitants et
pays en développement.
de remettre en question leurs modes de subsistance), tantôt promue des
projets dits intégrés, qui avaient pour objectif d’associer les populations
Banque mondiale : concernées par les territoires de protection à leur gestion, et d’assurer
créée en 1944,
organe de l’ONU leur développement.
qui finance des projets
Des pays comme Madagascar ont ainsi connu de véritables renver-
de développement
à travers le monde. sements des politiques de protection de la nature. D’abord marquée par
une politique de conservation très stricte dans le cadre de la première
phase du Plan national d’action environnementale (1990-1995), l’île a
ensuite connu une inflexion forte des politiques menées, en impliquant

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

les communautés locales dans la gestion agro-forestière. Plus large-


ment, les tenants d’une approche intégrée ont fait valoir au début des
années 2000 que la conservation sans le développement des populations
locales n’était guère envisageable, et suscitait des dégradations majeures
(braconnages, destructions, surexploitation des zones laissées libres).
Néanmoins, les approches intégrées ont parfois obtenu des résultats
mitigés, d’où un retour local à des démarches plus excluantes.
Ainsi donc, l’environnement a pu être tantôt perçu comme un
élément à protéger avec force contre les usages abusifs des sociétés,
tantôt considéré comme une aménité à valoriser. Les dernières décen- Par « aménité », l’OCDE
nies ont notamment été marquées par une volonté de protection aux entend « les attributs,
naturels ou façonnés par
objectifs multiples, incluant non seulement la protection des milieux, l’homme, liés à un espace
mais également leur exploitation. Ce glissement n’a cependant fait ou à un territoire et qui
disparaître ni les différences structurelles entre espaces protégés ni les le différencient d’autres
territoires qui en sont
formes de préservation plus rigoureuse des milieux. dépourvus ». C’est donc
un ensemble d’éléments
contribuant à l’agrément
d’un lieu.
FOCUS Les espaces protégés
Le cas français est révélateur des tendances antagonistes de la protection de
la nature. Elle peut être très stricte (réserves biologiques, cœur de PN) ou (très)
peu : les PNR sont des instruments de développement durable des territoires,
associés à une image de qualité environnementale mais sans réel potentiel
de contrainte. Les objectifs de ces espaces ont varié dans le temps : les parcs
nationaux créés en 1960 reposaient sur un principe de sanctuarisation (de la
zone centrale).
La réforme de 2006 fait évoluer ces parcs et leur aire d’adhésion vers des
objectifs de développement local. Plus la contrainte est forte, plus il est difficile
pour les acteurs publics de l’imposer sur de vastes superficies. La géographie
de la protection fluctue aussi : les formes strictes sont souvent éloignées des
espaces les plus peuplés ; les moins contraignantes sont localisées de manière
plus diverse. Le tableau montre la multiplicité des formes de protection (en
fonction d’espèces, de types de territoires, d’objectifs), leur caractère inégale-
ment restrictif, et, de manière quasi inversement proportionnelle, les surfaces
concernées.

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Géographie de l’environnement

Surface Échelle
Type d’espaces Nombre
(en km²) de référence
Zone humide
41 36 333 Internationale
(convention de Ramsar)
Réserve de biosphère (UNESCO) 12 40 956 Internationale
Zone de protection spéciale
(ZPS) – directive « Oiseaux » 392 78 889 Européenne
(Natura 2000)
Site d’intérêt communautaire
(SIC)/zone spéciale
de conservation (ZSC) – 1 362 75 054 Européenne
directive « Habitats »
(Natura 2000)
Parc national 10 54 315
dont Cœur**
(« Zone centrale » avant la loi 25 605
modificative de 2006) Nationale
dont Aire optimale d’adhésion
(« Zone périphérique » 28 710
avant 2006)
Réserve naturelle nationale 166 28 539 Nationale
Réserve naturelle de Corse 6 838 Nationale
Réserve naturelle régionale 135 355 Nationale
Arrêté préfectoral
834 1 892 Nationale
de protection de biotope
Réserve nationale de chasse
10 383 Nationale
et de faune sauvage
Réserve biologique 245 1 731 Nationale
Site classé 2 443 9 340 Nationale
Domaine d’intervention
724 1 624 Nationale
du Conservatoire du Littoral
Site des Conservatoires
2 884 1 597 Nationale
d’espaces naturels
Espace naturel sensible (ENS) nd nd Nationale
Parc naturel marin 6 121 065 Nationale
Parc naturel régional 51 87 903 Nationale

Source : d’après ministère de l’Écologie, validité des données


au 20 février 2015, sauf sites des CEN (1er janvier 2014),
ZPS et SIC/ZSC (09/2014), sites classés (1er janvier 2008).
Réserve nationale des TAAF exclue.
Les formes de protection fortes sont surlignées.

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

2. Des zones protégées aux réseaux


de protection, des hauts lieux
à l’environnement ordinaire
La géographie interroge beaucoup les types d’espaces et formes spatiales
de la protection de la nature qui se sont développés au fil du temps.
Celle-ci s’est d’abord structurée autour de la délimitation de zones de
restriction d’usage, voire d’exclusion de toute présence humaine. Ces
espaces d’exception l’étaient également par les caractéristiques des lieux
protégés : paysages symboliques, habitats d’espèces rares et embléma-
tiques, etc. Yellowstone (États-Unis) et ses geysers, le Serengeti (Kenya)
parcouru par les « Big Five », la Vanoise et le bouquetin constituent sans Les Big Five sont les
nul doute des hauts lieux de l’imaginaire collectif de l’environnement. 5 espèces autrefois
convoitées par les
Plusieurs éléments ont ensuite convergé pour ne plus limiter les poli- chasseurs lors des safaris
tiques de protection de la nature à ce type d’espaces rares et remarquables en Afrique, et aujourd’hui
menacées, bien qu’elles
à divers égards. Tout d’abord, la reconnaissance progressive des usages soient des supports
antérieurs et présents de la zone protégée par les sociétés (agriculture, touristiques pour les parcs :
tourisme, etc.) a contribué en bien des lieux à ouvrir ces espaces, et à ne lion, léopard, éléphant,
rhinocéros, buffle.
plus les considérer comme une « forteresse » ou une « île » à séparer à tout
prix du reste du territoire.
Des sciences comme l’écologie du paysage, qui partage celui-ci
en éléments « matrices », « taches » et « corridors », dont la composi-
tion, la taille et la disposition influent sur les espèces présentes, ont
contribué à mettre en évidence l’importance des flux de populations
et les formes spatiales susceptibles de les porter. La matrice est alors
considérée comme la structure dominante du paysage. S’en distinguent
des taches, aux caractéristiques paysagères et fonctionnelles différentes.
Enfin, les corridors sont des éléments linéaires permettant la circulation
des espèces entre deux habitats.
Ces démarches ont pu notamment contribuer à la valorisation de la
notion de « corridor » comme élément important des dynamiques des
populations.
Du point de vue de la gestion des espaces protégés, cela s’est traduit
par une attention croissante aux réseaux, aux cheminements de telle ou
telle espèce d’un vaste espace homogène à l’autre. La philosophie de la
protection de la nature s’en est vue modifiée, privilégiant de plus en plus
les connexions entre espaces protégés, voire la constitution de réseaux.

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Géographie de l’environnement

Le cas de Natura 2000 à l’échelle européenne en est une illustra-


tion, tout comme les Trames vertes et bleues en France. Celles-ci
constituent depuis le Grenelle de 2007 un outil d’aménagement
du territoire censé privilégier les connexions écologiques dans les
projets d’aménagement et d’urbanisme. Plus récemment, le rôle des
« matrices » a également été revalorisé dans les politiques de protection.
Les différents acteurs concernés (ONG, pouvoirs publics, acteurs
locaux, etc.) ont pris dans les dernières années la mesure de l’enjeu terri-
torial que constitue tout espace protégé. Parce qu’il est approprié, l’espace
ne peut être sanctuarisé sans susciter de difficultés majeures. Dès lors,
plusieurs voies, de la plus autoritaire à la plus ouverte, ont été explorées
pour répondre à cet enjeu.

Natura 2000, ou la constitution


d’une échelle européenne de protection de la nature ?
Natura 2000 est un réseau de protection établi au sein de l’Union européenne,
sur la base de deux directives, Oiseaux (1979) et Habitats (1992). Il s’agit de
constituer un ensemble de sites dans l’Union européenne afin de protéger les
espaces fréquentés par les oiseaux, notamment les migrateurs qui traversent
le continent, ainsi que les habitats naturels d’espèces de la faune ou de la flore
« d’intérêt communautaire ».
Natura 2000 a fait l’objet de nombreuses contestations, notamment en France,
lors de sa création. Le fait que cette protection laisse une large place à la contrac-
tualisation avec les acteurs locaux, et permette le maintien de nombre d’activités
antérieures a fini par permettre son acceptation. Il convient de noter que chaque
pays dispose de ses propres critères, d’où une géographie très contrastée d’un
pays à l’autre.

3. Les acteurs
On entend par gouvernance l’ensemble des processus et des institutions
qui participent de la gestion politique d’une société, sans être restreints
aux canaux décisionnels classiques (tel le gouvernement) : société civile,
 Voir Introduction. experts, ONG, etc. La gouvernance des espaces protégés a considé-
rablement évolué ces dernières décennies. En effet, le constat d’une
opposition systématique des populations à la création de parcs, qui font

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

de fait primer les intérêts nationaux ou internationaux sur les intérêts


locaux, a débouché sur une redéfinition des principes et modalités de
gestion de nombreux espaces protégés.
Depuis la fin des années 1970, les politiques de conservation de la
nature ont pris davantage en charge les enjeux sociaux associés aux
espaces protégés. La concertation entre acteurs devient progressive-
ment un préalable à la constitution des espaces protégés, même si elle
ne garantit en rien leur acceptation par les populations. Les activités
préexistantes sont mieux prises en compte et les acteurs locaux non natu-
ralistes davantage intégrés à la gestion des espaces protégés. À l’échelle
internationale, le congrès de Durban en 2003 a instauré un principe
de subsidiarité dans la gestion des parcs : c’est l’échelon politique le
plus local qui doit être privilégié. De multiples essais de gestion locale,
voire communautaire, ont été effectués à partir des années 1990, afin
de redonner aux populations locales une voix dans la gestion de leur
territoire : ce fut le cas à Madagascar, en Côte d’Ivoire ou en Tanzanie
par exemple. Pour autant, ces procédures qui entendent permettre une
gestion des biens communs ne sont pas exemptes de difficultés.

III. La protection spatialisée


de l’environnement, objet de conflits
Délimiter l’espace en fonction de considérations environnementales est un
acte lourd de conséquences. Il induit, en effet, dans le cadre des politiques
de la nature, la mise en place de formes de privation d’usage du sol, plus
ou moins marquées, pour les populations locales, au nom d’un intérêt
supérieur. La conflictualité potentielle d’une telle démarche est évidente.

1. La difficile délimitation
des périmètres de protection
Ainsi l’acceptation des espaces protégés apparaît inversement propor-
tionnelle à la proximité du parc : les habitants directement concernés
sont le plus souvent farouchement opposés au parc, tandis que ceux
qui bénéficient de la proximité du parc sans en subir les contraintes y

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Géographie de l’environnement

sont plus structurellement favorables. S. Depraz (2008) évoque ainsi un


« cratère d’acceptance », manifestation spatiale de ce gradient du refus
(au cœur des espaces protégés) à leur acceptation pleine et entière (en
périphérie).
Par conséquent, la délimitation des zones protégées constitue un
enjeu et bien souvent un temps de conflit marqué entre acteurs de
la conservation et acteurs locaux. Les tracés parfois biscornus d’une
protection en disent long sur les contestations apparues lors de la déli-
mitation du terrain protégé.
Sauf exception, la diminution des droits d’usage des populations,
voire leur éviction des zones protégées, suscite des conflits parfois
violents. Ainsi, les parcs nationaux d’Amérique du Nord mis en place
à la fin du xixe siècle ont-ils été marqués par l’éviction immédiate ou
graduelle des populations amérindiennes. Plus récemment, la Cour
suprême indienne a autorisé en 1996 l’éviction des populations des
bidonvilles et des populations tribales habitant le parc Sanjay Gandhi,
au cœur de Mumbai. Si cette expulsion n’a pas eu lieu à ce jour, les
populations concernées sont aujourd’hui habitantes d’un parc au sein
duquel elles subissent nombre d’interdictions (chasse, pêche, coupes
de bois, etc.).
L’argument environnemental peut être utilisé pour favoriser une
population au détriment d’une autre : le parc national marocain du
Toukbal a été mis en place en 1942 sous administration coloniale
au bénéfice du Club Alpin français, et au détriment des populations
montagnardes locales. Des manifestations accompagnent souvent la
création des espaces protégés, et rappellent l’enchevêtrement des enjeux
biophysiques et sociaux à prendre en considération.
La nature même de la protection territorialisée des milieux inter-
roge en outre sur l’aménagement possible des territoires limitrophes.
Le principe d’une coupure spatiale de la protection se heurte en effet à
plusieurs éléments. La juxtaposition d’un espace protégé et d’un espace
qui ne l’est pas pose question du point de vue des écosystèmes : la faune
traverse souvent ces limites symboliques et administratives, comme le
rappellent les corridors migratoires entre le parc national de Nairobi et
les plaines d’Athei-Kapithi situées plus au sud du Kenya. À l’inverse, les
multiples cimenteries et autres stations d’épuration en bordure nord-est

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

de ce parc ne vont pas sans poser question sur les pollutions multiples
dont peut souffrir l’espace protégé. Les interdictions d’usage peuvent
en outre induire une surexploitation des espaces à proximité par le
report des activités sur les espaces adjacents.
Ainsi, la pression des activités de pêche peut-elle être accentuée en
bordure des espaces protégés : c’est ce que l’on observe aux alentours
de nombre d’aires maritimes protégées comme celle du banc d’Arguin
au large de la Mauritanie, l’État mauritanien favorisant par ailleurs la
pêche locale et étrangère dans ses eaux territoriales . MAGRIN G. et al., 2011,
« Des réserves de nature aux
territoires de la biodiversité »,
Annales de Géographie,
2. Les conflits entre mise en valeur et protection n° 651, p. 485-507.

La définition de l’UICN rappelle que les espaces protégés font coha-


biter plusieurs fonctions, parfois de manière délicate. L’équilibre
entre objectif de protection des milieux et mise en valeur économique
constitue la principale gageure de nombre de parcs. La difficile coha-
bitation entre activités agricoles et protection de l’environnement
constitue un enjeu majeur pour les espaces protégés : on peut ainsi
évoquer le pâturage conduit par les éleveurs masaï, devenu illégal
au sein du parc de Nairobi et avec lequel les gestionnaires doivent
composer au quotidien. Les prélèvements de bois sont également un
enjeu important dans nombre de zones protégées.
La pression touristique exercée sur certains espaces qui ont acquis
un statut de protection constitue aussi un enjeu majeur de gestion. La
fréquentation massive d’un parc comme celui de Yosemite aux États-
Unis – environ 4 millions de visiteurs par an – ne va pas sans poser
question du point de vue de la protection des écosystèmes : comment
canaliser les flux de touristes ? Ne pas trop perturber la faune et la
flore ? Des conflits plus originaux peuvent apparaître : c’est le cas avec
les activités d’orpaillage en Guyane française, ou du fait de la culture
et du trafic de drogues observés dans les parcs frontaliers canadiens et
étatsuniens. Ces dernières activités présentent des nuisances pour la
protection de l’environnement (pollution des eaux, déforestation, etc.)
d’autant plus difficiles à limiter qu’elles impliquent des acteurs qui ne
participent pas à la gestion officielle des zones protégées.

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Géographie de l’environnement

3. Concertation, participation :
vers une nouvelle gouvernance
de l’environnement à l’échelle locale ?
Les dernières décennies ont été marquées par une inflexion progressive
du paradigme de la protection, de manière générale plus favorable à
l’intégration croissante des acteurs locaux. La définition des contours
des espaces protégés, qui font souvent l’objet de tractations âpres entre
 Voir Étude de cas p. 136. experts, pouvoirs publics et acteurs locaux sont la première manifes-
tation de ces tentatives d’organisation d’une nouvelle gouvernance de
ces zones.
Les critères de définition, souvent donnés par des acteurs « experts »,
peuvent ainsi être remis en question : le choix contesté d’une espèce de
référence, la (non)-conformité à des contours administratifs sont des
arguments souvent évoqués par les opposants aux espaces protégés. Les
contours du parc national de la Vanoise témoignent ainsi de décou-
pages discutables d’un point de vue naturaliste : ce n’est ni l’altitude ni
la présence de glaciers ou d’espèces qui rendent cohérentes les limites
 Voir Méthodes du cœur de parc. Il en va de même pour le parc national de Guyane.
du commentaire
de carte topographique
Ces limites illustrent en réalité une négociation difficile au cas par
p. 235 et du croquis cas entre l’État et des acteurs locaux soucieux de préserver certaines
de synthèse p. 244. pratiques telles la chasse ou la sylviculture. Les tergiversations multiples
observées lors de la phase d’élaboration du projet de parc national de
Guyane entre 1995 et 2007 sont révélatrices en creux des enjeux liés
à la présence des populations autochtones, mais aussi aux activités
 Voir Entraînement p. 135. d’orpaillage dans la région.
Dans le cas français, la ratification (depuis 2006) d’une charte par
les communes acceptant d’intégrer l’aire d’adhésion des parcs natio-
naux témoigne de la contractualisation croissante des politiques de
protection de la nature. L’État et les gestionnaires des espaces protégés
cherchent ainsi à impliquer davantage les acteurs locaux concernés. À
défaut d’une participation toujours active des populations, la concerta-
tion, entendue comme « construction collective de visions, d’objectifs,
de projets communs, en vue d’agir ou de décider ensemble, qui repose
sur un dialogue coopératif entre plusieurs parties prenantes » (Beuret)
s’impose comme processus souhaitable des politiques de protection
de la nature.

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

IV. La biodiversité : l’apparition


d’un indicateur pour la protection
des milieux sur le devant
de la scène mondiale
La conservation de la nature ne se réduit pas à la question de la biodiver-
sité : elle est bien antérieure à la diffusion du terme, dont les premières
occurrences remontent à 1985 . Néanmoins, la biodiversité a bénéficié BLANDIN P., 2014,
d’une reconnaissance internationale depuis une trentaine d’années qui « La diversité du vivant avant
(et après) la biodiversité :
lui a assuré une place centrale au sein des politiques de conservation. repères historiques et
La multiplication des textes internationaux autour de cette thématique, épistémologiques », in
CASSETA E. et DELORD J. (dir.),
l’émergence et la structuration d’acteurs spécialisés dans la conserva- La biodiversité. Enjeux
tion de la biodiversité, parmi lesquels les ONG internationales jouent un philosophiques, éthiques
grand rôle , en font le fer-de-lance des actions de protection aujourd’hui et scientifiques, Paris,
Editions Matériologiques.
entreprises. On peut citer la Convention sur la diversité biologique en
1992. Celle-ci, à l’initiative des associations écologistes, s’éloigne finale- DUMOULIN KERVRAN D., RODARY
ment beaucoup de leurs souhaits en mettant fin à la possibilité de libre E., 2005, « Les ONG et le
secteur mondialisé de la
prospection sur des ressources susceptibles d’être par la suite brevetées. conservation », in Représenter
Comment expliquer le succès politique de cette thématique ? Quelles en la nature. ONG et biodiversité,
sont les limites ? Paris, Presse de l’IRD.

La biodiversité est un terme récent, qui a connu une diffusion fulgu-


rante dans la sphère scientifique et auprès du grand public. Il a permis
une prise de conscience de la dégradation des écosystèmes à l’échelle
globale, mais de nombreuses ambiguïtés persistent.

1. Définir la biodiversité
Née sous la plume de W. Rosen, et surtout popularisée par les travaux
d’E. Wilson , sociobiologiste, la notion de biodiversité s’est diffusée de WILSON E. O., 1988,
manière globale, dans l’opinion publique et parmi les décideurs poli- Biodiversity, Washington,
National Academy Press.
tiques, avec une grande rapidité, pour plusieurs raisons.
Étymologiquement, le terme fait référence à la diversité du vivant.
Mais, derrière son apparente simplicité, il cache de nombreuses ambi-
guïtés et questionnements. De quelle biodiversité parle-t-on ? On peut
tout à la fois l’envisager à partir de la diversité des individus, dont le

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Géographie de l’environnement

patrimoine génétique est varié, mais aussi de la diversité spécifique,


c’est-à-dire du nombre d’espèces présentes, voire de la diversité des
écosystèmes.
Ce succès s’explique en partie par le caractère utilement « fourre-tout »
du terme de biodiversité, qui a permis tout à la fois au grand public de se
saisir des enjeux liés au vivant, mais aussi aux scientifiques de développer
des définitions multiples permettant d’évaluer l’évolution du vivant à
diverses échelles et sur des pas de temps très variables. Pour le grand
public, le terme bénéficie à la fois d’une image de scientificité, et constitue
aussi un mot intelligible pour dire son attachement aux diverses formes
de vie sur Terre.
Le succès de la biodiversité tient aussi à une conjoncture spécifique.
Le terme s’est en effet diffusé en parallèle de l’affirmation du changement
 Voir Chapitres 5 et 6. climatique global, et de ses lourdes conséquences, autour d’une lecture
critique, voire catastrophiste, de l’évolution de la diversité du vivant. La
diminution de la biodiversité spécifique a en effet largement mobilisé les
discours environnementalistes durant ces dernières années, au point de
recourir parfois à l’expression de « Sixième Extinction ». La disparition
annoncée d’espèces emblématiques, notamment de mammifères clai-
rement identifiables par les opinions publiques (dauphin du Yang Tsé,
loup de Tasmanie, etc.), a contribué à la perception d’une crise majeure
du vivant au risque d’un certain nombre d’approximations.
L’affirmation patrimoniale de la biodiversité, c’est-à-dire l’idée qu’il
s’agit d’un bien dont la valeur justifie sa transmission aux générations
futures, a également joué en faveur de sa construction en objet poli-
tique. Il en a découlé une forte mobilisation des opinions publiques,
entretenue par les ONG, qui y ont puisé la justification de politiques
de protection environnementale jusqu’alors moins mobilisatrices. En
Voir le programme
outre, l’affirmation d’une valeur de la biodiversité s’est accompagnée
« Business and Biodiversity » de sa reconnaissance rapide dans le champ économique, comme en
de l’UICN (2003) ou le TEEB témoignent nombre de réflexions internationales .
(The Economics of Ecosystems
and Biodiversity), porté par le Ainsi, l’apparition et la diffusion du terme de biodiversité ont large-
Programme des Nations unies
pour l’environnement ment contribué à revivifier les politiques de conservation de la nature,
(2008-2010). mais plusieurs questions de fond demeurent.

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

2. La biodiversité en questions
D’un point de vue théorique tout d’abord, au sein même de la commu-
nauté scientifique, les mesures de la biodiversité ne touchent ni les
mêmes objets ni les mêmes échelles, et l’articulation de ces travaux est
loin d’être évidente. Les recherches se multiplient suivant des hypothèses
et modèles concurrents, ce qui contribue à atomiser la notion dans le
champ scientifique. Autrement dit, si les scientifiques sont parvenus à
intéresser les autres acteurs de l’environnement à la diversité du vivant,
ils peinent aujourd’hui à en proposer une lecture cohérente, tant les
présupposés des recherches et les résultats diffèrent.
De manière très prosaïque, le décompte de la biodiversité pose des
questions non négligeables : que compter ? Gènes, espèces ou écosys-
tèmes ? Plus encore, doit-on privilégier certaines espèces dites rares – et
si oui, à quel titre, suivant quels critères ? – ou tenter d’appréhender toute
la biodiversité dite ordinaire, au risque d’un trop-plein d’information ?
Si l’on réfléchit à l’articulation entre biodiversité et politiques de
conservation de la nature, des interrogations émergent également quant
au rôle des sociétés. Le rapport de cause à effet entre évolution de la
biodiversité et action anthropique est plus complexe qu’il n’y paraît.
La pression anthropique contribue manifestement à la disparition d’es-
pèces, mais l’évaluation de leur rythme d’extinction demeure délicate en
l’absence d’un inventaire complet du vivant peuplant la planète. Surtout,
suivant l’approche de la biodiversité choisie, les lectures peuvent différer :
ainsi, la disparition de certaines espèces de corail peut être corrélée
à l’action anthropique, mais le rapport entre dégradation globale du
milieu corallien et pression des sociétés est moins direct.
En outre, certaines espèces peuvent disparaître des territoires
lorsque ceux-ci sont abandonnés par les sociétés qui les exploitaient
de longue date : c’est l’une des problématiques majeures de l’abandon
des montagnes pastorales européennes, désertées par les troupeaux,
oiseaux et autres animaux qui profitaient des pelouses entretenues par
les cheptels.

131

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Géographie de l’environnement

FOCUS La biodiversité ordinaire


Les premiers travaux portant sur la biodiversité se sont surtout focalisés sur des
formes rares du vivant, à la fois en raison de leur valeur symbolique, et des
menaces qui pèsent de manière visible sur quelques espèces et écosystèmes
emblématiques. Pour autant, la biodiversité ordinaire est progressivement
devenu un enjeu scientifique et politique. Les services écosystémiques rendus
par ces espèces ordinaires, et l’attachement que leur porte les populations ont
contribué à cette prise en compte nouvelle. Ainsi, la raréfaction des abeilles
est-elle devenue ces dernières années un enjeu politique important du fait de
ses conséquences agricoles, paysagères, environnementales.
D’un point de vue scientifique, l’émergence de ce souci de la biodiversité
ordinaire s’est accompagnée du rôle croissant de la société civile dans la
production de connaissances sur cette forme de diversité du vivant. En effet,
des organismes de recherche ou des espaces protégés à travers le monde entier
font appel aux volontaires pour le recensement d’espèces aisément identifiables
et connues des habitants. Par exemple, le parc national de Tijuca de Rio de
Janeiro promeut un travail de comptage des oiseaux par les citoyens locaux,
tandis qu’en France, le Muséum national d’histoire naturelle a développé depuis
20 ans un programme important de « science citoyenne », faisant appel aux
observateurs volontaires pour recenser les oiseaux des jardins. « Vigie Nature »
– c’est son nom – repose donc sur l’engagement de bénévoles non spécia-
listes, encadrés par des associations, qui permettent de constituer des bases
de données considérables des populations animales ou végétales présentes
et de leurs mouvements. Cette tendance, observée un peu partout dans le
monde, illustre la place croissante des préoccupations environnementales dans
les opinions publiques.
D’un point de vue spatial, changer de regard sur la biodiversité ordinaire a
contribué à faire sortir les politiques de protection du vivant des seules zones
protégées, et contribué à la généralisation des préoccupations écologiques
dans l’ensemble des démarches d’aménagement du territoire. On peut à cet
égard dresser un parallèle avec l’évolution législative concernant les paysages
évoquée au chapitre 3.

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

La diffusion massive du terme de biodiversité a donc eu plusieurs


conséquences :
– Le discours sur la biodiversité a conforté de manière générale les poli-
tiques environnementales, et notamment à l’échelle globale.
– Parler de biodiversité met en évidence la complexité du rôle des sociétés
dans l’évolution du vivant : si les pressions anthropiques sont large-
ment facteur de dégradation, il faut se garder de tout systématisme.
Comme le rappellent P. Marty et J. Lepart (2006) : « La nature était en MARTY P. et LEPART J., 2006,
principe exclusive des activités humaines, la biodiversité ne l’est pas. » Le « La Mauritanie et la mer : et si
le pétrole aidait à mieux gérer
succès de la notion s’accompagne de fait d’une inflexion de la plupart des l’insécurité écologique ? »,
politiques de conservation vers moins de sanctuarisation des écosystèmes Nature Sciences Sociétés,
n° 19, p. 245-255.
face à l’action des sociétés.

Conclusion
On le voit, la protection de la nature répond par des exclusions terri-
toriales plus ou moins fortes à des intérêts collectifs, nationaux, voire
globaux, souvent aux dépens des intérêts immédiats des utilisateurs
traditionnels des lieux concernés.
Protéger la biodiversité au travers d’une gestion spécifique sur certains
espaces s’explique par l’idée que ces lieux jouent un rôle majeur dans le
fonctionnement des écosystèmes (parce qu’ils recèlent d’importantes
populations endémiques, parce qu’ils constituent un lieu important Les populations
pour les populations animales – nidification, migration, etc.). Mais deux endémiques ne sont
présentes que sur un
interrogations majeures en découlent : sur quelles bases scientifiques territoire restreint ;
délimiter ces espaces ? Comment penser les inévitables interactions avec le koala n’est,
les zones non protégées ? par exemple, présent
qu’en Australie.

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n Les politiques de protection de l’environnement se sont diffusées à l’échelle du
globe au cours du XXe siècle.
n Cette reconnaissance globale de la nécessité de protection de l’environnement ne
doit pas occulter la diversité des approches. Lorsque la volonté de protection est
forte, elle débouche sur des espaces protégés très excluants ; lorsqu’elle entend
surtout gérer la ressource, elle induit moins de contraintes sur l’usage des territoires.
n Les espaces protégés sont des enjeux géographiques forts, car ils font primer un
intérêt supérieur sur l’intérêt local : les conflits sont donc nombreux avec les popu-
lations locales.
n Suivant les périodes, les approches scientifiques et politiques de la protection ont
changé. Depuis les années 1990, c’est l’approche intégrée qui a prévalu, cher-
chant à repenser les usages et la gestion des espaces protégés sans exclure les
populations locales.

POUR ALLER PLUS LOIN


NOTIONS CLÉS Depraz S., 2008, Géographie des espaces naturels protégés, Paris, Armand Colin,
n Conflit coll. « U ».
n Développement Gunnell Y., 2009, Écologie et société, Paris, Armand Colin, coll. « U ».
durable Hutton J., Willams A. M., Murombedzi J.-C., 2005, “Back to barriers?
n Exclusion Changing narratives in biodiversity conservation”, Forum for Development
n Patrimonialisation Studies, vol. 32, n° 2, p. 341-370.
n Préservationnisme/ Laslaz L. et al., 2012, Atlas mondial des espaces protégés, Paris, Autrement.
conservationnisme Laslaz L., 2004, Vanoise, 40 ans de parc national. Bilan et Perspectives, Paris,
n Territoire L’Harmattan.
de protection
Rodary E., Castellanet C., Rossi G., 2004, Conservation de la nature et
de la nature
développement, l’intégration impossible ? Paris, Karthala.

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ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
Intérêt écologique

Protection faible Protection forte


Intérêt culturel et identitaire

1. Complétez le graphique en positionnant les termes suivants :


préservationnisme/conservationnisme.
2. Faites également apparaître les approches privilégiées par les différents pays en
matière de parc national (suivant les périodes le cas échéant), en fonction de ce
qui est évoqué dans le cours : États-Unis fin XIXe/États-Unis début XXe siècle/Brésil
XXIe siècle/France 1960/France 2006

Questions sur document


Le parc amazonien de Guyane française
2004 2007
N N
Cayenne Cayenne
GUYANE (Fr.) OCÉAN GUYANE (Fr.) OCÉAN
ATLANTIQUE ATLANTIQUE

SURINAME SURINAME

BRÉSIL
BRÉSIL
100 km 100 km

Parc amazonien de Guyane Zone de droits d’usage collectifs


Proposition de parc national Commune n’ayant pas statué sur le zonage (2004)
Proposition des associations naturalistes (juin 2004) Communes souhaitant leur intégration complète
Proposition de la profession minière dans la zone de protection forte
Zone d’accès libre proposée par les chefs coutumiers Cœur du parc 2007
du Haut-Maroni (2004) Zone de libre adhésion
Source : TSAYEM DEMAZE M., « Le parc amazonien de Guyane française : un exemple du difficile compromis entre protection de la nature
et développement », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], document 416 (http://cybergeo.revues.org/17203).

1. Décrivez et analysez les différentes propositions de contours du Parc national


de Guyane à partir de ces croquis.
2. Quels sont les acteurs en présence lors des négociations ?
3. Comment expliquer la volonté de protection forte de certaines communes ?  Voir Méthode p. 238.

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Géographie de l’environnement

Les enjeux d’aménagement et de gestion


ÉTUDE DE CAS

du Parc national des Calanques

Doc. 1 « Les calanques, Parc national “à la marseillaise” »


Une calanque
est une vallée « Quelle “engatse” (prise de tête, en marseillais) ! […]
profonde creusée [L]es partisans comme [l]es adversaires [du parc national] sont amoureux des
dans des roches Calanques et se battent, disent-ils, pour les sauver. Tous ne parlent, avec la même
calcaires, et
ennoyée par suite passion, que de préservation, citant l’aigle de Bonelli, l’oursin diadème, le mérou ou
d’une remontée le molosse de Cestoni (une chauve-souris de 40 cm d’envergure), côté animal, les
du niveau herbiers de Posidonie ou les genêts de Lobel, sans oublier les savoureuses asperges
de la mer. En sauvages pour le végétal.
Méditerranée, les
Le nouveau parc s’étend sur plus de 150 000 hectares, dont 51 800 de “cœur de
calanques sont
apparues lors de parc” (43 500 en mer), auxquels s’applique une réglementation contraignante. Ils
la transgression englobent les sites, mythiques pour les grimpeurs et les randonneurs, de Sormiou,
versilienne. Morgiou, Port-Pin, En-Vau, Port-Miou. Les 106 300 hectares de zones adjacentes, dont
8 300 hectares sur terre appelés « aire optimale d’adhésion », nécessiteront l’adhésion
des municipalités et feront l’objet d’une politique contractuelle de développement
durable, avec une charte, entre le parc national et les communes.
Le premier parc national “périurbain”, aux portes de Marseille, deuxième ville de France
avec ses 800 000 habitants, intègre même certains de ses quartiers. Une équation
difficile à résoudre, dans un dossier très politique […].
Si les partisans du parc fêtent le décret tant attendu, certains regrettent les dérogations
permettant le maintien de nombreuses activités dans le parc. Ou dénoncent les inco-
hérences dans le tracé qui exclut certaines zones ou certains quartiers pour, disent-ils,
« préserver des amis ».
En face, entre fausses rumeurs, vrais fantasmes et craintes avérées, les représentants
des pêcheurs, des cabanoniers, des chasseurs, des plongeurs, des plaisanciers, des
grimpeurs, etc., craignent de perdre leur liberté. François Semeriva, 66 ans, chargé de la
Société civile immobilière Marie de Sormiou, propriétaire d’une grande part des terrains
où sont construits les 127 cabanons de la calanque, résume : “Il n’y a pas plus respec-
tueux de l’environnement que nous. Les Calanques, on les a toujours soignées, alors
que la création du parc va attirer des millions de personnes et qu’avec les nouveaux
règlements, les cabanoniers seront traités comme les touristes.”
Certains dénoncent les projets immobiliers qui, selon eux, vont fleurir aux portes du parc.
D’autres rappellent les pollutions en mer (rejet de boues rouges au large, égouts de
Marseille se jetant dans la mer, décharge à ciel ouvert de La Ciotat, en plein cœur de parc).
Les fêtes des cabanons seraient interdites, comme les courses nautiques dans la rade.
“On va interdire les palmes des plongeurs pour ne pas déranger les micro-organismes,

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

mais les ‘promène-couillons’ (bateaux pour touristes) restent autorisés”, s’étrangle


Claude Leloustre, de la Société nautique de Marseille.

ÉTUDE DE CAS
Pour tenter de les rassurer, on leur a souvent dit que “le parc ne changerait rien”.
Pourquoi en créer un, alors ? se demandent-ils. De fait, nombre d’activités seront
soumises à autorisation du directeur du parc (ou de son conseil d’administration).
Alors, les opposants ne baissent pas les bras et vont attaquer le décret devant le Conseil
d’État. Le parc existe sur le papier, pas encore dans les Calanques. »
Source : Le Monde, 19 avril 2012 (disponible sur : www.lemonde.fr/planete/article/2012/04/19/
les-calanques-parc-national-a-la-marseillaise_1687918_3244.html#4okd6Hxcw3i5tLvo.99).

Doc. 2 Carte des périmètres du Parc national


des Calanques (PNC)

Source : www.calanques-parcnational.fr/fr/mediatheque/cartotheque

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Géographie de l’environnement

Doc. 3 Dépliant de présentation d’un projet de rénovation urbaine


à Marseille en 2013
ÉTUDE DE CAS

Source : www.marseille-renovation-urbaine.fr/uploads/media/GPV-Depliant-Mazargues-Mai2013.pdf

Présentation des documents


■ Doc. 1 Extrait du quotidien national Le Monde, exposant les positions

divergentes de plusieurs groupes d’acteurs locaux face à la création du Parc


national des Calanques, tout en rappelant ses enjeux institutionnels.
■ Doc. 2 Carte de zonage, diffusée sur le site Internet du parc, qui en

expose les périmètres officiels. Elle détaille les règlements qui s’imposent
très concrètement aux visiteurs, sur terre comme en mer : interdiction
des appareils sonores qui perturbent la faune ou des prélèvements en
mer, etc.

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

■ Doc. 3 Entre plan masse et perspective architecturale, document émanant


du Groupement d’intérêt public « Marseille Rénovation Urbaine », c’est-

ÉTUDE DE CAS
à-dire de l’organisme en charge de la mise en place locale de la politique de
rénovation urbaine portée à l’échelle nationale par l’ANRU (Agence natio-
nale pour la rénovation urbaine). Il présente un projet de rénovation urbaine
au contact du parc national.
Ces documents répondent à des motivations différentes : représenter et
diffuser les contours légaux du parc (doc. 1), exposer et analyser les conflits
qui y sont liés (doc. 2). La dernière figure participe d’un dossier de présenta-
tion – et de promotion – d’un projet d’urbanisme complexe, au sein duquel
le parc national joue un rôle réel mais non central.

Localisation
Créé en 2012, le Parc national des Calanques est l’un des parcs de « nouvelle
génération », postérieur à la loi de 2006. De ce fait, par sa localisation – au
contact immédiat de l’agglomération marseillaise –, par la définition de ses
« vocations » qui autorisent certaines pratiques anciennes des populations,
il constitue un exemple intéressant d’espace protégé aux enjeux de gestion
particulièrement complexes.

Objectifs de l’étude de cas


Ces documents permettent :
– d’analyser les enjeux d’aménagement nouveaux liés aux politiques de
protection de l’environnement en France ;
– d’évaluer la nature de la prise en compte de l’environnement dans les
politiques urbaines.

Commentaire
Deux axes de lecture peuvent se dégager à l’analyse de ces trois documents :
– La géographie du Parc national des Calanques est le premier élément à
décrypter. Les docs 1, 2 et 3 exposent les zonages internes du parc et les
contraintes qui y sont associées. Les limites du parc constituent un second
point d’analyse : le doc. 1 permet d’appréhender le contact entre le parc
et l’agglomération marseillaise, tandis que le doc. 3 permet de le saisir à
l’échelle locale.
– Les conflits, ouverts ou non, induits par le parc national apparaissent
dans le corpus. Le doc. 2 insiste sur les frictions liées aux réglementations

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Géographie de l’environnement

contraignantes de l’espace protégé, notamment en son cœur. Le doc. 3


permet de comprendre les enjeux sociaux liés à l’utilisation du parc dans
ÉTUDE DE CAS

un projet urbanistique : en quoi le parc national devient-il un instrument


des politiques urbaines ?
I. Décrire les contours du Parc national des Calanques
¡ Le PNC couvre une vaste portion du littoral des Bouches-du-Rhône
(doc. 1). Le parc (cœur terrestre et aire d’adhésion, cœur marin et aire
maritime adjacente) s’étend sur 1 524 km², ce qui apparaît assez impor-
tant, surtout au regard des pressions foncières qui s’exercent sur le littoral
méditerranéen.
¡ Mais une analyse détaillée conduit à nuancer ce constat : en effet, ce sont
les zones de faible contrainte (aire d’adhésion et aire maritime adjacente)
qui constituent la majorité de cette surface. Les cœurs terrestre et marin ne
représentent qu’un tiers de l’ensemble. En outre, le caractère fragmenté du
cœur terrestre peut compliquer la gestion de la biodiversité. Les différentes
réglementations mentionnées sur la carte font apparaître la modestie des
contraintes, y compris en cœur de parc : la chasse n’est par exemple interdite
que sur une partie du cœur terrestre. Enfin, les contours rectilignes des zones
maritimes montrent combien il est difficile de fixer une limite suivant des
principes écosystémiques ; le choix de limites continues et droites permet en
revanche de faciliter la connaissance de ces bordures par les acteurs locaux.
¡ Au total, les contours et réglementations associées au PNC témoignent de
la nouvelle philosophie des parcs nationaux français depuis 2006. Il s’agit
de créer un espace protégé, mais sans exclure la population de ce territoire.
Il en découle une protection moindre que dans les premières expériences
de parcs nationaux établis en France.
II. Analyser les situations conflictuelles qui découlent de ce zonage
¡ La création d’un parc national sur un espace aussi densément peuplé ne
va pas sans heurts. De fortes oppositions sont apparues lors de la créa-
tion du parc (doc. 2) ; elles portent sur les réglementations mises en place,
qui compromettent une partie des usages anciens des Calanques par les
habitants. Le conflit s’est surtout cristallisé autour des cabanons, petites
constructions implantées de longue date au fond des Calanques, et qui
abritent les pratiques récréatives de nombre de familles marseillaises. Ces
dernières ont perçu le projet comme une remise en cause de leur occupation
des lieux, et risquant d’aggraver une pression touristique qu’ils critiquent.
¡ Les contours du parc sont eux aussi l’objet de critiques. Ils apparaissent
paradoxalement, aussi contestés par les partisans du parc que par ses

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4 Protéger l’environnement, enjeux géographiques

détracteurs. En effet, les uns lisent le tracé du parc national comme un


exercice d’évitement des quartiers et propriétés les plus susceptibles de

ÉTUDE DE CAS
protester contre sa création ; les autres, comme une contrainte imposée
sans justification. L’absence de critères naturalistes consensuels fait donc
cruellement défaut.
III. Le parc national, instrument performant d’aménagement du territoire ?
¡ Le parc national est un outil d’aménagement du territoire ; il reflète une
politique volontariste de protection de la nature au sein de l’espace national.
Cependant, son objectif fondamental a varié au fil du temps. Initialement
associés à une volonté de sanctuarisation des milieux, les parcs nationaux
français ont évolué dans leur géographie et leur structure pour devenir, en
partie, des outils de développement local.
¡ De ce point de vue, l’utilisation faite par la métropole marseillaise et
l’ANRU de la proximité du Parc national des Calanques est assez révélatrice.
Le doc. 3 met en évidence le rôle assigné à l’espace protégé dans le projet
métropolitain. Le parc est présenté comme une aménité majeure, propice à
l’arrivée de populations moins défavorisées que celles présentes jusqu’alors
dans le quartier du Baou de Sormiou. Le parc serait donc un outil, au même
titre que la rénovation architecturale du quartier, de la politique de mixité
sociale promue par l’État et la métropole.
¡ Par ailleurs, le développement d’activités touristiques autour du parc
national est ici revendiqué : l’espace protégé est donc aussi instrument de
développement local, notamment dans son aire d’adhésion.
¡ Pour autant, la bonne gestion des aménités est complexe : trouver un
juste équilibre entre protection et développement touristique est délicat.
De même, le risque d’une gentrification de l’espace, qui se traduirait par Gentrification :
l’éviction des plus modestes, est réel. Enfin, la multiplication des acteurs, et éviction de
catégories
la recherche croissante de leur consentement dans une optique de concer- populaires
tation et de contractualisation, notamment autour de la charte du parc, d’habitants
peuvent déboucher sur des refus. C’est ainsi que l’aire optimale d’adhésion présentes en
(doc. 1) ne correspond pas à l’aire finalement retenue : plusieurs communes un lieu par une
population plus
dont le développement est plus périurbain que touristique ont refusé d’ad-
aisée par le
hérer au projet. jeu du marché
immobilier.
Conclusion Les aménités
Le Parc national des Calanques illustre les nouveaux enjeux posés par la loi environnementales
contribuent
de 2006. La recherche de consensus dans la définition d’un projet commun
largement à
de territoire est désormais la règle pour les parcs nationaux, mais ne va pas ce phénomène.
sans susciter des oppositions et des blocages.

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p Brise-glace en direction du passage du Nord-Est
© SeppFriedhuber/Getty-images.

Difficile d’appréhender des environnements en mutation au travers d’une photogra-


phie. La fonte de la banquise peut être perçue comme une aubaine locale, ouvrant
de nouvelles voies commerciales dans l’Arctique ou comme une catastrophe globale,
accentuant l’élévation du niveau marin. Le changement climatique sera ce qu’en feront
les sociétés.

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CHAPITRE
Un défi
5 environnemental
planétaire :
le changement
climatique
PLAN DU CHAPITRE La question de la mutation des environnements s’est
I. De la variabilité climatique
immiscée dans toutes les sphères de la société (sociale, médiatique,
passée au changement politique, économique, financière, scientifique) à travers la notion
climatique contemporain de changement climatique, largement documentée par le GIEC
II. Du changement climatique (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
aux changements globaux Le changement climatique est devenu un problème environne-
III. Le climat de demain mental majeur pour la planète. Il est d’ailleurs important de bien
distinguer le réchauffement climatique du changement climatique,
ÉTUDE DE CAS le réchauffement étant l’une des causes du changement climatique.
L’Arctique face Les transformations qui en découlent semblent menacer l’avenir
au changement climatique : des sociétés en déséquilibrant l’ensemble de l’environnement.
crise environnementale
ou aubaine locale ? Face au changement climatique, le géographe s’intéresse plus
particulièrement aux rôles des héritages naturels et historiques.
Il s’attache à analyser les réponses et les capacités d’adaptation
des sociétés qui peuvent être différenciées dans l’espace et dans le
temps. En effet, il est important de bien repérer les jeux d’échelle
spatiale, un réchauffement climatique global pouvant se traduire
localement par une baisse thermique, ainsi que les jeux d’échelle
temporelle, la hausse moyenne des températures actuelles n’in-
terdisant pas des périodes de refroidissement. Il convient donc de
saisir les multiples enjeux géographiques que cache la globalité de
ce changement dans une approche multiscalaire (intégrant diffé-
rentes échelles d’analyse), propre à la géographie.
Ce chapitre vise à comprendre le fonctionnement du système
climatique selon différentes échelles spatiales et temporelles
en analysant le rôle des sociétés dans ces changements passés,
actuels et futurs.

143

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Géographie de l’environnement

I. De la variabilité climatique
passée au changement climatique
contemporain
Le changement climatique désigne une variation statistiquement signifi-
Ne pas confondre !
cative de l’état moyen du climat. La Convention-cadre des Nations unies
– Le temps est une
situation atmosphérique sur le changement climatique (CCNUCC) fait une distinction entre la
à un moment et un lieu « variabilité climatique » et le « changement climatique » proprement
déterminé, étudié dit : la première, appréhendée à des échelles de temps longues, est due à
par la météorologie.
des causes naturelles, comme en témoigne l’histoire passée du climat ; le
– Le climat
est l’ensemble second, saisi à des échelles de temps plus brèves et plus récentes, peut être
des conditions attribué aux activités humaines contemporaines qui altèrent la compo-
atmosphériques
sition de l’atmosphère et l’équilibre de la biosphère.
moyennes
caractéristiques
d’un espace donné,
déterminé par 1. Une machine climatique complexe
l’accumulation de
données sur une longue Le fonctionnement du climat est l’une des clés de compréhension de la
période.
mutation des environnements passés, actuels et à venir. À une échelle
globale, le système climatique est régi par l’énergie solaire qui se répartit
inégalement dans l’espace, du fait de la sphéricité de la Terre (qui déter-
mine la zonalité climatique : latitudes tropicale, tempérée et polaire), et
dans le temps du fait de l’inclinaison de son axe de rotation (qui caracté-
rise la saisonnalité). Il repose sur un bilan radiatif terrestre à l’équilibre,
c’est-à-dire nul, correspondant à la somme des apports d’énergie solaire
absorbée et des pertes radiatives émises (rayonnement infrarouge).
Différents mécanismes interviennent dans l’établissement de cet
Ne pas confondre ! équilibre, en particulier l’effet de serre atmosphérique permettant de
Un forçage radiatif stabiliser la température moyenne annuelle de la Terre. En effet, parmi
positif tend à les différents gaz qui composent les couches de l’atmosphère, les gaz
réchauffer le système à effet de serre (GES) influent fortement sur les échanges d’énergie. Il
(plus d’énergie reçue
qu’émise), alors qu’un s’agit notamment de la vapeur d’eau (H2O), du gaz carbonique (CO2),
forçage radiatif négatif du méthane (CH4) et de l’oxyde nitreux ou protoxyde d’azote (N2O).
va dans le sens d’un
refroidissement (plus La « machine climatique » forme ainsi un système extrêmement
d’énergie perdue que complexe dont les éléments (atmosphère, hydrosphère, surface terrestre,
reçue).
biosphère ainsi que les sociétés humaines) sont en perpétuelle interaction.

144

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Elle évolue dans le temps sous l’effet de dynamiques internes, mais aussi
à cause de contraintes extérieures telles que les dynamiques astrono-
miques (activité solaire, paramètres orbitaux de la Terre, collisions avec
des astéroïdes ou des comètes…). Période postglaciaire
actuelle, marquée par un
Depuis l’Holocène et la généralisation et l’intensification de l’an- réchauffement climatique
thropisation (agriculture, industrialisation, consommation…), la ayant débuté il y a
composition de l’atmosphère se modifie par enrichissement en CO2. 12 000 ans. L’Holocène
coïncide avec l’avènement
On parle de « forçage » pour désigner les perturbations dans l’équilibre
du Mésolithique, marqué
énergétique de la Terre. Le forçage climatique ou radiatif désigne la par l’expansion rapide de
différence entre l’énergie radiative reçue et l’énergie radiative émise l’espèce humaine.
par un système climatique donné.

Fig. 5.1 L’effet de serre dans le bilan radiatif


Soleil 1) Le rayonnement solaire
passe à travers l’atmosphère

2) Une partie du rayonnement 7) Une partie du rayonnement


solaire est réfléchi par 20 216
342 (40) (195) infrarouge passe à travers l’atmosphère
l’atmosphère et la surface et se perd dans l’espace
terrestre
17 89 3) Rayonnement
(30) (77) solaire absorbé 8) Une partie du rayonnement infrarouge
par l’artmosphère est absorbée et ré-émise par l’atmosphère.
le conséquence directe en est le réchauffement
75 de la surface terrestre et de la troposphère :
(67) c’est l’effet de serre
325
(361)

4) Rayonnement
Surface terrestre solaire entrant

5) L’énergie solaire
est absorbée par 345 76 17
161 la surface terrestre 277
(390) (78) (24)
(168) et la réchauffe… (324)
6) …elle est ensuite convertie 9) Échanges d’énergie non radiatifs,
Échanges en chaleur, renvoyant l’émission issus de changement d’état de l’eau
Radiatifs Convectifs d’un rayonnement longues ondes (chaleur latente) et du réchauffement
(infrarouges) vers l’atmosphère de l’atmosphère par le sol (chaleur
sensible)

Ces valeurs sont obtenues à partir des observations au sol.


Solaire Infrarouges Chaleur Chaleur
Les chiffres entre parenthèses sont des évaluations par satellite,
latente sensible
avec un coefficient d’émission d’IR fixé à 1.
Sources : d’après Philippe Rekacewicz, 2002 ;
BELTRAND G., 2011, Les climats, Paris, Armand Colin.

145

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Géographie de l’environnement

Définitions
❯ Variabilité : changement de caractéristiques physiques et chimiques d’un
phénomène en fonction de l’espace et du temps. Le climat change au cours
d’une année (saisons), en fonction de la latitude mais a aussi fortement évolué
au cours de l’histoire de la Terre.
❯ Effet de serre : phénomène naturel important pour la survie de la planète car
permettant d’avoir une température moyenne sur Terre de 15 °C (soit 395 °C)
contre – 18 °C si cet effet n’existait pas.
❯ Énergie radiative ou rayonnante : énergie transmise par le Soleil, par exemple,
Le Petit Âge glaciaire
désigne une période sous forme de lumière visible et de rayonnement infrarouge.
particulièrement froide
(refroidissement net de Les variations climatiques se réalisent à des échelles de durée et d’am-
l’ordre de 1,5 °C en été en
Suisse), caractérisée par
plitude très variables. Par exemple, malgré le fait de s’inscrire depuis
une pluviométrie soutenue 10 000 ans dans la période interglaciaire de l’Holocène (période de
et par des hivers très réchauffement), l’Europe du Nord a connu, à l’échelle séculaire, une
rudes en Europe, comme
période de refroidissement du xvie au xixe siècle, qualifiée de Petit Âge
l’illustrent les peintures
hivernales de Brueghel glaciaire. L’approche multiscalaire est donc fondamentale pour saisir
l’Ancien. toute la complexité du système climatique.

Le saviez-vous ? 2. Des approches pluri-disciplinaires


Le radiocarbone pour mesurer les variabilités climatiques
(carbone 14) est une
méthode de datation Les outils d’investigation pour dater et caractériser les environnements
absolue couramment passés sont tributaires de l’échelle temporelle considérée. La reconstitu-
utilisée. L’année 1950
est devenue l’année
tion de la variation climatique reste inachevée, avec une précision qui
de référence de cette se réduit au fur et à mesure que l’on remonte dans le temps. On peut
datation, suivie distinguer trois niveaux d’échelles : l’échelle paléoclimatique, de l’ordre
de « B.P. » pour du million d’années pour les périodes les plus anciennes ; l’échelle histo-
Before Present.
Par exemple, la période rique de l’ordre du millénaire ou du siècle ; enfin, l’échelle instrumentale,
de l’Holocène débute de l’ordre de la dizaine d’années couvrant la période la plus récente.
il y a 10 000 ans BP !
■ Des paléoenvironnements aux archives historiques
Il est possible de dater les événements climatiques de deux manières.
La datation relative permet de situer un événement par rapport à un
La statigraphie désigne autre grâce à la stratigraphie. La datation absolue vise, elle, à obtenir
la succession des couches l’âge le plus précis possible en années : elle s’appuie sur les recherches
rocheuses permettant
de retracer l’histoire
historiques pour les temps les plus récents et des méthodes fondées sur
géologique d’un l’activité radioactive de certains éléments chimiques pour les temps
espace donné. plus anciens.

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Les paléoenvironnements désignent l’ensemble des conditions physico-


chimiques et biologiques des milieux naturels passés. Un support d’en-
registrement paléoenvironnemental est constitué par tout ce qui est
susceptible d’être modifié par le climat et qui peut garder la trace de cette
modification. Ces supports peuvent ainsi être considérés comme de véri-
tables archives de l’évolution du climat terrestre, de natures très diverses,
soit historiques, soit physico-chimiques, soit biologiques, permettant Le saviez-vous ?
également de reconstituer l’histoire des paysages végétaux. Les informations
fournies par les
Ces environnements des temps anciens sont analysés à l’aide de diffé- chroniques sur les
rents indicateurs issus d’études stratigraphiques, géomorphologiques et dates des moissons
de bio-indicateurs, tels que les traces de la faune et de la flore passées qui ou des vendanges par
ont pu être piégées dans des milieux enregistreurs (tourbières, coraux, exemple indiquent que
l’apogée de l’Empire
sédiments lacustres…), constituant des archives continentales, à des pas romain a correspondu à
de temps très divers. Elle intègre à la fois des disciplines issues de la un optimum climatique
paléoécologie (la palynologie, par exemple, étudie des pollens ; l’anthra- (période chaude),
tandis que les XVIIe
cologie s’intéresse aux charbons de bois ; la dendrochronologie analyse
et XVIIIe siècles ont
les cernes de croissance des arbres), de la géoarchéologie et des sciences correspondu à une
sociales (l’archéologie, l’histoire et la géographie). période plus froide.

Deux indicateurs, fondés sur l’évolution du rapport des isotopes de


l’oxygène au cours du temps, ont particulièrement révolutionné, à partir
des années 1960, la compréhension des environnements du passé. Les
archives océaniques retracent l’évolution du volume des glaces stoc-
kées sur les continents sur des millions d’années. Les archives glaciaires
permettent de reconstituer l’évolution de l’atmosphère sur près de
800 000 ans. Enfin, les archives archéologiques et historiques (gravures,
peintures, écrits…) sont des sources précieuses, bien que complexes à
interpréter, pour saisir les environnements passés inscrits dans la période
historique. Les annales historiques, d’après J. Beauchamp, permettent
de reconstituer approximativement les grandes variations climatiques
jusqu’aux années 400 av. J.-C. environ, soit 2350 B.P. BP (Before Present)
prend comme référence
le présent daté en 1950
■ Les mesures contemporaines et av. J.-C. (avant Jésus-Christ,
À ces preuves indirectes, s’ajoutent dans la deuxième moitié du xixe siècle en anglais Before Christ, B.C.)
faisant référence à l’an 1
(période dite « instrumentale »), des mesures directes réalisées avec des
du calendrier grégorien,
instruments normalisés issus de réseaux de stations météorologiques. année supposée
Ces données directes permettent d’enregistrer l’évolution des para- de la naissance du Christ.
mètres climatiques afin d’extraire des tendances au réchauffement après
vérifications et corrections, sans pour autant être exemptes de critiques.

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Géographie de l’environnement

En effet, le géographe saisit bien la difficulté à donner des indicateurs


Le saviez-vous ? d’un changement climatique planétaire, à partir d’un réseau de stations
Le centre d’une
agglomération est plus
inégalement réparties dans l’espace (quasiment pas de stations d’ob-
chaud (+ 1 à + 2 °C) servation dans les océans qui représentent les trois-quarts de la surface
que la périphérie : terrestre, concentration des stations dans les pays développés ; mesures
concentration trop récentes pour la plupart des pays en développement) et de diffé-
d’industries, de
chauffages et de
rentes qualités. Enfin, la critique majeure est l’urbanisation croissante
moteurs ; beaucoup de des sites de mesures : ceux-ci subissent une hausse locale des tempéra-
surfaces sombres qui tures due également à l’îlot de chaleur urbain.
retiennent la chaleur ;
peu d’espaces verts
pour adoucir les 3. Les causes des variations climatiques
températures.
Les facteurs affectant la variation climatique ne s’inscrivent pas toujours
dans la même temporalité et peuvent être de différents ordres. On peut
distinguer les causes externes au système Terre, tels que les facteurs
astronomiques et les causes internes (qu’elles soient d’origine géodyna-
mique ou anthropique). Ces divers facteurs, présentés plus haut comme
des « forçages », agissent sur le système climatique. Ils peuvent perturber
son état d’équilibre et modifier son bilan radiatif.

Fig. 5.2 Les causes des variations climatiques


Échelle des temps en années de - 100 millions d’années (108) à nos jours (10-1)
108 107 106 105 104 1000 100 10 1 10-1

Variations du soleil

Variations de l’orbite terrestre Forçages astronomiques

Dérive des continents


Forçages géodynamiques
Formation des montagnes, niveau marin

Poussières volcaniques

Atmosphère-Océan-Cryosphère
Causes intrinsèques
Atmosphère-Océan
Atmosphère

Activités humaines, pollutions, combustions de carbone, utilisation des sols

Cycle E.N.S.O
Glaciations Dansgaard-Oeschger/Heinrich Saisons
géodynamique N.A.O

108 107 106 105 104 1 000 100 10 1 10-1

Source : d’après DELMAS R., CHAUZY S., VERSTRAETE J.-M., FERRÉ H., 2007, Atmosphère, océan et climat, Paris, Belin.

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

■ Les forçages astronomiques


L’énergie solaire, qualifiée de constante solaire, est quasiment la seule
source d’énergie disponible pour réchauffer la Terre ; une baisse
d’émission solaire entraîne donc mécaniquement une diminution des
températures moyennes. Les variations de la constante solaire sont en
partie reliées au nombre de tâches solaires et se manifestent selon diffé-
rents cycles. Outre les variations de l’activité solaire, les autres causes
d’origine astronomique responsables de fluctuations entre périodes
chaudes et périodes froides sont la révolution de la Terre autour du Soleil
– celle-ci modifie les conditions d’exposition – et les bilans radiatifs du
climat terrestre à divers pas de temps.
On peut distinguer :
– des cycles longs liés à trois facteurs orbitaux comme les glaciations de Les trois facteurs sont :
Milankovitch, du nom de celui qui les a définies dans les années 1920; (1) la déformation de
l’orbite terrestre, dite
– des cycles à période intermédiaire, comme les événements Dansgaard- l’excentricité de l’écliptique
(100 000 ans), (2) le
Oeschger (modification temporaire des vents et courants marins de
changement de l’inclinaison
l’hémisphère nord liées à une réduction brutale des calottes glaciaires); de l’axe des pôles, dit
l’obliquité (41 000 ans)
– des cycles à courte période comme l’ENSO (acronyme des termes et (3) la précession des
El Niño et Southern Oscillation – oscillation australe) ou le NAO équinoxes, lent changement
(acronyme anglais de l’Oscillation Nord-Atlantique), qui perturbent de direction de l’axe
de rotation terrestre
les caractéristiques des saisons pendant quelques mois. Ainsi, l’indice
(20 000 ans).
positif du NAO dans les décennies 1980 et 1990 a eu pour conséquence
des hivers plus doux et humides sur la majorité du continent Nord-
Ouest de l’Europe.

■ Les forçages géodynamiques


Les variations climatiques internes sont également dues à des méca-
nismes liés à l’activité dynamique de la Terre (ou géodynamique). Les
mouvements des plaques tectoniques reconfigurent la répartition des
continents et des océans, ainsi que leur position en latitude, changeant L’albédo est la fraction
fortement l’albédo terrestre. Les courants océaniques et atmosphériques de l’énergie solaire qui
est réfléchie vers l’espace.
qui redistribuent l’énergie solaire sont ainsi amenés à circuler différem- Sa valeur est comprise entre
ment, modifiant l’ensemble du système climatique. La surrection des 0 et 1. Plus une surface
chaînes de montagnes (orogenèse) peut également avoir une incidence est réfléchissante, plus son
albédo est élevé (exemple
importante sur les conditions climatiques. D’abord localement, car les de la neige avec un albédo
parties les plus élevées sont plus froides et souvent plus arrosées, mais de 0,87).

149

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Géographie de l’environnement

aussi aux échelles régionales et mondiales en faisant obstacle à la circu-


lation atmosphérique.
Quant aux éruptions volcaniques, en projetant dans l’atmosphère
Les aérosols sont un de grandes quantités d’aérosols et de gaz (SO2, CO2), elles modifient
ensemble de particules l’état atmosphérique, en interceptant une part du rayonnement solaire
solides ou liquides en
suspension dans l’air. incident et en le renvoyant vers l’espace. Cela a pour conséquence de
baisser durant quelques mois, voire quelques années, la température
moyenne à la surface de la Terre. À l’inverse, l’émission par les volcans
de gaz à effet de serre (dont le dioxyde de carbone) peut entraîner un
léger réchauffement.

FOCUS Les volcans et le climat


Une équipe internationale pluridisciplinaire de chercheurs géographes, volcano-
logues, géophysiciens, géochimistes et historiens a récemment démontré qu’une
éruption volcanique survenue au Samalas sur l’île de Lombok en Indonésie, en
1257 après J.-C., avait modifié le climat en Europe occidentale.
Sur la base de relevés de terrain (répartition, composition et épaisseur des
différents types de dépôts laissés par l’éruption ; études de la morphologie du
volcan), d’interprétation de documents historiques (chroniques locales, archives
européennes), les chercheurs, coordonnés par le géographe français Franck
Lavigne, ont pu reconstituer le déroulement et l’intensité de cette éruption, qui
fut identifiée comme la plus importante de la période historique.
La comparaison avec des cendres emprisonnées dans les glaces polaires a
révélé que les aérosols du Samalas se sont largement répandus sur l’ensemble
de la Terre. Les archives européennes, elles, ont permis d’associer cet épisode
éruptif avec un dérèglement momentané du climat régional.
Ce cas n’est pas isolé : l’éruption fissurale du volcan islandais Laki en 1783 a
déréglé le climat d’Europe occidentale et y a détruit les récoltes, aggravant les
famines. En 1809, une éruption (dont on ignore encore le volcan d’origine)
a refroidi les températures sur l’ensemble de la Terre, et favorisé l’expansion
d’épidémies (typhus). Il existe donc un lien entre les éruptions volcaniques et le
climat. On parle de « volcanisme de trapps », du nom des plateaux basaltiques
massifs que produisent, pendant des milliers d’années, ces coulées de lave
très abondantes.

150

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Les effets des éruptions explosives intenses se produisent rapidement après


l’éruption, peuvent durer quelques semaines à plusieurs années, puis se
résorbent. En revanche, les éruptions effusives (coulées de lave) très abon-
dantes, se produisant sur de très longues périodes (milliers d’années), injectent
plus progressivement de très grandes quantités de gaz dans l’atmosphère, ce
qui a pour effet de modifier bien plus durablement le climat.
Certains géophysiciens pensent que de telles périodes de recrudescence
d’activité volcanique effusive peuvent avoir été en partie responsables des
grandes extinctions de masse survenues au cours des dernières 500 millions
d’années. Le saviez-vous ?
Aujourd’hui, la forêt
contient 53 % du
carbone stocké par les
■ Les forçages anthropiques écosystèmes terrestres.
Le cycle du carbone (un des principaux éléments de la matière orga-
nique) est important pour le système climatique car il régule deux gaz
à effet de serre fondamentaux : le dioxyde de carbone et le méthane. La
biosphère marine et continentale absorbe le CO2, présent sous forme
dissoute dans les océans et sous forme gazeuse dans l’atmosphère lors
 Voir Chapitre 1.
de la photosynthèse.
On parle aussi de « puits de carbone », réservoirs qui captent et  Les principaux réservoirs
stockent le carbone atmosphérique, car la biosphère réduit la teneur en sont les océans et la
biosphère, en particulier
CO2 de l’atmosphère en le stockant naturellement. Le carbone est ensuite les forêts. Cette notion est
soit rejeté dans l’air ou dans l’eau par la respiration des végétaux, soit apparue avec l’ère industrielle,
dès lors que le cycle du
stocké plus ou moins longtemps dans les sols et les fonds marins. Or, les carbone a été modifié par la
activités industrielles conduisent à une consommation importante des déforestation et la combustion
stocks de carbone, qui se traduit entre autres par l’utilisation massive fossile.
des combustibles fossiles. Ceci provoque une croissance considérable
des rejets de CO2 dans l’atmosphère.
De plus, les changements notables d’occupation du sol, en particulier
la déforestation, ont réduit fortement les puits de carbone. Ces pertur-
bations du cycle naturel du carbone participent ainsi à l’augmentation
de l’effet de serre. Ce surcroît de gaz à effet de serre dans l’atmosphère
constitue l’effet de serre dit « additionnel » ou « anthropique ».

151

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Géographie de l’environnement

II. Du changement climatique


aux changements globaux
Par changements globaux, on entend couramment les changements
climatiques qui affectent le système Terre dans son ensemble, auxquels
Les changements s’ajoutent les changements d’affectation du sol à large échelle spatiale,
d’affectation désignent qui participent également à la modification du climat. En 2014, la défo-
l’utilisation humaine
d’un espace dans un
restation reste encore importante, avec 13 millions d’hectares de forêts
but précis (agriculture, détruits dans le monde, principalement aux basses latitudes, ce qui n’est
urbanisation…). Les pas sans conséquence localement pour l’équilibre des milieux et globa-
changements d’affectation lement sur le cycle du carbone. L’adjectif « global » insiste sur le fait que
des sols modifient les
propriétés de la surface du
son étendue géographique est mondiale, affectant l’ensemble du vivant
sol, comme la déforestation. et les sociétés habitant le globe.

1. La petite histoire de l’anthropisation


dans la grande histoire climatique
■ L’environnement des temps géologiques
Les grandes divisions des temps géologiques, ou « ères », correspondent à
des événements géologiques et climatiques majeurs, qualifiés de « crise ».
Ces événements ont entraîné l’apparition ou la disparition de groupes
entiers d’organismes vivants.
Le Protérozoïque Après le Protérozoïque, trois grandes ères subdivisent les temps
est la dernière période géologiques. De ces périodes, Alain Godard et Martine Tabeaud (2009)
du Précambrien, datée
retiennent schématiquement une série d’alternances de deux modes de
de – 2,5 milliards d’années
à – 542 millions d’années. fonctionnement du système climatique terrestre : l’un plutôt chaud et
humide, marqué par la dissociation des continents et l’extension des océans
qui facilite les transferts d’énergie égalisant les températures ; l’autre plus
froid, plus sec et plus contrasté, marqué par le regroupement de vastes
unités continentales.
On observe ainsi les grandes tendances suivantes :
– au Paléozoïque (ère primaire : – 570 à 240 millions d’années) : climat
aux températures supérieures à celles d’aujourd’hui mais ponctué de
deux longues phases glaciaires ;
– au Mésozoïque (ère secondaire: – 245 à – 65 millions d’années): malgré
quelques inflexions, climat globalement chaud à très chaud. Le crétacé

152

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

(145 Ma BP à 65 Ma BP) est une période de relative stabilité climatique


qui se déroule dans un contexte climatique plus chaud que l’actuel (les
estimations sont de l’ordre d’une dizaine de degrés de plus) ;
– au Cénozoïque (ère tertiaire : – 65 millions d’années à 2 millions d’an-
nées) : refroidissement tendant vers les températures actuelles.

Fig. 5.3 Évolution de la biosphère et de la géosphère


au cours des temps géologiques
Nombre de familles
5
600
1 2 3
400
4 Faune moderne
200 Faune paléozoïque
1 440 MA Première extinction
Faune cambrienne
0 (85 % des espèces marines
disparaissent)
Jurassique
Ordovicien

Carbonifère
Cambrien

Dévonien

Permien

Tertiaire
Crétacé
Silurien

2 370 MA Deuxième extinction


Trias

(75 % des espèces disparaissent


500 400 300 200 100 0 MA dont les récifs ; il ne reste qu’une
famille de tribolites)
Paléozoïque Mésozoïque Cénozoïque
3 250 MA Troisième extinction
Climat
(95 % des espèces touchées :
chaud chaud chaud
les trilobites disparaissent)
4 200 MA Quatrième extinction
glaciaire glaciaire (75 % des espèces disparaissent,
essentiellement des êtres vivants marins :
Niveau marin cératites, nautiloïdes, poissons…)
5 65 MA Cinquième extinction
(65 % des espèces disparaissent :
dinausaures, ammonites, plancton)

Source : TARDY Y. et ROQUIN C., 1998, Dérive de continents, paléoclimats et altérations tropicales, BRGM, Orléans.
La courbe générale de la biodiversité (en a) montre l’évolution des faunes cambrienne, paléozoïque et moderne et les grandes crises biologiques
(numérotées de 1 à 5) les affectant. Elle est corrélée aux variations générales du climat (en b), du niveau marin (en c) et de la vitesse d’expansion des
dorsales océaniques (en d).

■ L’environnement du Quaternaire à nos jours


Il y a 2,6 millions d’années environ débute le Quaternaire qui se carac-
térise par une série d’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires,
associées à des régressions (diminution du niveau marin) et des transgres-
sions (augmentation du niveau marin), et par l’apparition de l’homme
et des sociétés.
Après un dernier cycle glaciaire (désigné « Würm » en Europe),
qui atteint son maximum il y a 21 000 ans, commence l’époque holocène

153

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Géographie de l’environnement

Le saviez-vous ? (à partir de 10 000 BP). Elle correspond à un interglaciaire, c’est-à-dire


Il y a 8 000 ans, le à un réchauffement se traduisant par un retrait rapide des glaces, la
Sahara se couvre remontée du niveau de la mer et l’expansion de zones forestières. Les
de végétation et de sociétés s’organisent et se sédentarisent, adoptant l’agriculture et l’éle-
multiples lacs s’y
forment, permettant vage. La période historique commence.
l’établissement de
grands herbivores,
Dans le dernier millénaire, on peut distinguer entre le ix e et le
suivis de chasseurs- xive siècle en Europe une période de léger réchauffement, qualifiée d’op-
cueilleurs. Le retour timum climatique médiéval à laquelle succède une période plus froide,
du désert, entre
du xvie au ixe siècle, le Petit Âge glaciaire.
– 3000 et – 1000,
contraint les hommes
à migrer sur les rives
du Nil, à l’origine de la
2. Le réchauffement contemporain
civilisation égyptienne. Le réchauffement contemporain est généralement considéré et présenté
comme issu de l’utilisation des combustibles fossiles, débutée avec l’exploi-
tation du charbon et accentuée avec l’exploitation des hydrocarbures au
xxe siècle. Certains scientifiques évoquent même le début d’une nouvelle
période géologique, l’Anthropocène, débutant avec l’industrie et faisant
de l’homme un agent majeur de l’évolution du climat planétaire. Cette
dénomination reste encore largement débattue.
 Voir Doc. 1 p. 166. Les données statistiques couvrant le xxe siècle présentent une hausse
des températures moyennes globales de 0,7 °C. Mais cette moyenne ne
doit pas cacher des disparités dans l’espace et des irrégularités dans le
temps. La hausse des températures moyennes est plus marquée sur les
continents que sur les océans, avec une sensibilité de l’hémisphère nord
plus forte que l’hémisphère sud. Si le réchauffement est très marqué de
1910 à 1940, il s’infléchit entre les années 1940 et 1970, pour reprendre à
la hausse jusqu’à nos jours, la tendance à l’augmentation de la température
moyenne avoisinant les 0,2 °C par décennie pour cette dernière période.
D’ailleurs, cette période d’infléchissement a sûrement contribué d’après
ppm : partie par million, soit Claude Kergomard (2010) à retarder la prise de conscience du change-
390 molécules de CO2 pour
un million de molécules ment climatique.
d’air « pur ». Représente L’augmentation de la teneur en dioxyde de carbone (CO2) est ainsi
un forçage d’environ
+ 1,6 W.m-2. passée de 280 ppm à l’ère pré-industrielle à plus de 390 ppm et le méthane
de 715 à près de 1 780 ppb actuellement. Au total, l’effet des différents
ppb : partie par milliard.
Correspond à un forçage de gaz à effet de serre représente un forçage de près de 3 W.m-2 qui explique
l’ordre de 0,4 à 0,5 W.m-2 au moins partiellement le réchauffement observé. Enfin, l’inertie clima-
(IPCC, 2007a). tique et la longévité des gaz à effet de serre dans l’atmosphère expliquent

154

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 154 05/05/2017 16:12


5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Fig. 5.4 Évolution de la composition atmosphérique en CO2


Concentration en CO2, en parties par million (ppm)

2100 700
hypothèse pessimiste 680
660
640
620
2100
600
hypothèse optimiste
580
560
540
2050 520
500
480
460
2030 440
Seuil de concentration critique
400 à 450 ppm 420
2016 400
380 380
360 360
340 340
320 320
300 Niveau maximal de concentration en CO2 au cours des 420 000 dernières années 300
280 280
260 260
240 240
220 220
200 200
180 180
Ère glaciaire Ère glaciaire Ère glaciaire Ère glaciaire
160 160

400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0

Source : REKACEWICZ P., « Changements climatiques : le grand tournant »,


Le Monde diplomatique, 4 décembre 2009.

Fig. 5.5 Cycle du méthane et évolution des températures


CH4 en ppb
2015 1750
Évolution des températures, en °C 1835 ppb
Concentration du méthane CH4, 1500
en parties par milliard (ppb)
°C 1250
8
1000
4
Température actuelle 750
0
500
-4

-8 250

0
400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 Présent

155

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Géographie de l’environnement

que leur pouvoir réchauffant se prolongera dans les périodes futures.


Ce potentiel de réchauffement global (PRG) est un moyen simple de
comparer les différents gaz à effet de serre qui influencent le système
climatique. Il se base sur leurs propriétés radiatives et leur durée de vie.
Au regard des variations climatiques passées, le changement clima-
tique contemporain apparaît atypique par sa rapidité et son ampleur : la
vitesse moyenne du réchauffement est supérieure à tout ce qui a pu se
produire, avec une élévation de température jamais atteinte depuis plus
de 2 millions d’années, tandis que les teneurs actuelles de l’atmosphère
en CO2 et en méthane sont sans équivalents depuis au moins 420 000 ans.

Tableau 5.1 Caractéristiques de deux gaz à effet de serre


Durée Contribution
Sources principales Puits principaux
de vie à l’effet de serre

CO2 Combustibles fossiles


Océans,
(Dioxyde de 15 ans (80 %), Combustion 55 %
biosphère
carbone végétale (20 %)

Ruminants et insectes
CH4
10 ans (30 %), rizières et zones Sols 16 %
(méthane)
marécageuses (50 %)…

3. Des conséquences déjà manifestes


sur les milieux et les sociétés
À la hausse contemporaine des températures s’ajoute l’observation des
nombreuses modifications de l’environnement résultant du change-
ment climatique en cours. Les conséquences directes du changement
climatique ne sont pas homogènes selon les latitudes et les expositions,
marquant différemment les territoires et les milieux. Une même cause
à l’échelle globale n’entraîne pas nécessairement les mêmes effets loca-
lement du fait de la diversité et de la singularité des environnements,
d’autres facteurs locaux pouvant interagir, comme la nature de la végé-
tation, la configuration topographique, les activités anthropiques…
Les espaces les plus sensibles à ces changements actuels sont les
milieux semi-arides et les milieux froids. Parmi les conséquences les plus
marquantes se trouve l’évolution de la cryosphère (couverture neigeuse,
pergélisol, glaciers, calottes, banquises, icebergs…), dont les obser-
vations concordent pour signaler la régression généralisée de celle-ci. À

156

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

titre d’exemple, la banquise arctique a perdu près de 45 % de sa superficie


et 80 % de son volume depuis 1979 et l’épaisseur des glaciers alpins a
diminué d’1 m/an depuis le début du siècle (d’après le GIEC).  Voir Étude de cas p. 166.
Définitions

❯ Pergélisol (ou permafrost) : sous-sol gelé en permanence (au moins pendant


deux ans) situé dans les régions de hautes altitudes, arctiques et antarctiques.
❯ Banquise (ou glace de mer) : étendue d’eau de mer gelée en permanence ou
de façon saisonnière.
❯ Calotte glaciaire : glacier d’eau douce très étendu, s’écoulant dans différentes
directions sur un socle rocheux. S’il est suffisamment vaste (plus de 50 000 km2),
il s’agit d’un inlandsis.
❯ Iceberg : Bloc de glace d’eau douce de grande taille, flottant et dérivant à la
surface de la mer, issu de la désagrégation des plates-formes de glace flottantes,
aux marges des calottes glaciaires.

L’augmentation du niveau marin moyen est, malgré une variabilité


assez marquée dans le temps et dans l’espace, l’un des aspects les moins
contestables du changement climatique en cours. L’augmentation de
l’ordre de 1 à 3 mm/an observée durant le xxe siècle est due à la fusion des
glaces et à la dilatation thermique du volume des eaux océaniques. Les  L’augmentation de la
température moyenne
eaux de surface se réchauffent (à l’exception de l’Antarctique) et l’aug-
terrestre entraîne la hausse
mentation du CO2 atmosphérique provoque une pénétration de celui-ci de la température des eaux,
dans la masse des eaux océaniques qui s’accompagne d’une acidification provoquant une expansion de
la couche océanique des mille
progressive des eaux, fragilisant, voire détruisant, les milieux marins. premiers mètres de 15,6 cm
au cours du dernier siècle.
Les effets du réchauffement global sur la biosphère sont multiples et
s’observent déjà par l’enregistrement du mouvement de milliers d’espèces
animales et végétales vers les plus hautes latitudes et une remontée en  Voir Chapitre 4.
altitude. Selon les biologistes, un réchauffement de 1 °C se traduit par un
La fragmentation d’un
déplacement des aires de répartition des espèces vers le nord de 180 km écosystème est son
(et de 150 m en altitude) en moyenne. Le raccourcissement de la période morcellement en lieux
hivernale engendre un démarrage plus précoce du cycle annuel de la plus petits et isolés, tandis
que la compétition est la
végétation, provoquant des dysfonctionnements dans les écosystèmes. rivalité entre espèces pour
Déplacement des aires de répartition, modification des cycles de vie, l’accès aux ressources. Ils
accroissement du risque d’extinction de certaines espèces vulnérables, ont des effets négatifs à
et réorganisation des interactions entre les espèces (fragmentation des long terme non seulement
sur la biodiversité des
écosystèmes, compétition interespèces) sont les principales conséquences écosystèmes mais aussi sur
de la hausse des températures. leur fonctionnement.

157

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 157 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

Fig. 5.6 La cryosphère


2 km
Atmosphère Plateforme
Neige de glace flottante
Glacier

Iceberg
Pergélisol 1 000 km
1 000 km
ou permafrost

3 km
100 m
Banquise
1m 2m 200 m Inlandsis

1 km
1 000 km
Continent Océan
3 000 km

Neige

Rivière et lac glaciaire

Banquise
Glaciers et calottes glaciaires
Pergélisol (ou permafrost)
Marges d’inlandsis Glace flottante Inlandsis

heure jour mois année siècle millénaire

Source : « Understanding Earths’s frozen regions », site de la NASA (http://ice.nasa.gov/aboutCryosphere/).

Les scientifiques évoquent aujourd’hui l’hypothèse d’une sixième


extinction, exprimant l’idée d’un phénomène de disparition massive des
espèces en cours, à la suite des cinq grandes crises d’extinction anté-
 Voir Chapitre 4. rieures, tant il semble que la sixième crise de la biodiversité frappe par
son amplitude et sa rapidité et par le fait que ces causes sont grandement
liées aux activités humaines. Celle-ci concerne principalement les grands
mammifères et les oiseaux et se caractérise par des taux d’extinction cent
à mille fois supérieurs aux taux d’extinction moyens du vivant et cent
fois supérieurs à ceux qui ont prévalu aux cours des crises précédentes.
Un autre effet du réchauffement global est l’augmentation des niveaux
de CO2 dans l’atmosphère qui, à court terme et localement, peut avoir
des effets bénéfiques sur la végétation lui permettant de se développer
plus vite et mieux. En particulier est observée l’augmentation des rende-
ments agricoles de blé et de riz aux latitudes moyennes, ainsi que de la
hauteur des arbres (les chênes du centre de la France ont gagné 10 m de
haut depuis 1900). Mais l’augmentation de la productivité végétale et des
rendements agricoles reste un fait local, accentuant les inégalités dans la
répartition des régions productives.

158

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 158 05/05/2017 16:12


5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Fig. 5.7 Variations des températures à l’échelle du globe


et des continents
EUROPE

Anomalies de températures (°C)


AMÉRIQUE DU NORD ASIE
1
Anomalies de températures (°C)

Anomalies de températures (°C)


0,5
1 1
0
0,5 0,5

0 0
1900 1950 2000

1900 1950 2000 1900 1950 2000

AFRIQUE
AMÉRIQUE DU SUD Anomalies de températures (°C)
Anomalies de températures (°C)

1 AUSTRALIE

Anomalies de températures (°C)


1
0,5
0,5 1
0
0 0,5

1900 1950 2000 0


1900 1950 2000

1900 1950 2000


ENSEMBLE DU GLOBE TERRES ÉMERGÉES OCÉANS
Anomalies de températures (°C)

Modèles intégrant
1 1 1 les forçages seulement
0,5 0,5 0,5 Modèles intégrant
0 0 0 les forçages naturels
et anthropiques

1900 1950 2000 1900 1950 2000 1900 1950 2000 Observations

Source : IPCC, 2013, Changements climatiques 2013 - Les éléments scientifiques,


contribution du Groupe de travail I au cinquième rapport d’évaluation du GIEC
(www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SummaryVolume_FINAL_FRENCH.pdf).

Les changements globaux observés et à venir se traduiront essen-


tiellement par l’amplification des aléas déjà existants pour les sociétés,  Voir Chapitre 2.
les événements hydro-climatiques extrêmes (sécheresses, inondations,
cyclones) tendant, par exemple, à devenir plus intenses et plus fréquents.
De plus, la remontée du niveau marin menace près de la moitié de la
population mondiale qui vit à moins de 100 km de la côte au début du
xxie siècle, tandis que la fonte de la banquise en Arctique, en ouvrant de
nouvelles voies de communication, peut apparaître comme une nouvelle
opportunité économique et géopolitique.  Voir Étude de cas p. 166.

159

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Géographie de l’environnement

III. Le climat de demain


Si la réalité des changements climatiques observés depuis un siècle est
 Cette réalité peut toutefois de moins en moins mise en doute et si la responsabilité des activités
être remise en question par
humaines dans les changements observés est aussi difficilement contes-
des chercheurs « climato-
sceptiques » qui rappellent table, reste à savoir l’ampleur que prendra ce changement dans les années,
que la complexité du décennies et siècles à venir, les choix que feront les sociétés pour y faire
système climatique interdit
d’associer une seule cause au face et les coûts que ces réponses entraîneront.
réchauffement. Ils contestent
aussi l’aspect dogmatique et
essentiellement indiscutable
du réchauffement climatique.
1. Les scénarios du futur : modèles et prospectives
La simulation du climat futur repose depuis les années 2000 sur quatre
éléments bien distincts : des scénarios d’évolution des émissions de
gaz à effet de serre ; des scénarios de « forçage radiatif » ; des scénarios
climatiques fondés sur des modèles de climat, combinant l’ensemble
des paramètres en interaction susceptibles de jouer dans le système
climatique ; des scénarios socio-économiques reposant sur des gradients
d’évolution des sociétés et prenant en compte les évolutions démogra-
phiques, socio-économiques, technologiques et politiques possibles.
Tous les scénarios potentiels d’émissions prévoient une augmentation
des concentrations de CO2, une élévation de la température moyenne
mondiale et du niveau de la mer au cours du xxie siècle.

Tableau 5.1 Les différents scénarios d’émission de GES


et leurs conséquences
Projections Estimations Estimations Estimations Estimations
issues des en 1995 en 2001 en 2007 en 2014
rapports du GIEC (par rapport (par rapport (par rapport (par rapport
pour 2100 à 1990) à 1990) à 1980-1999) à 1986-2005)

Hausse + 1,5 °C + 1,1 °C + 0,3 °C


+ 1 °C à 3,5 °C
des T° moyenne à 5,8 °C à 6,4 °C à 4,8 °C

Élévation du
+ 0,15 à 0,95 m + 0,08 à 0,88 m + 0,18 à 0,59 m + 0,26 à 0,98 m
niveau de la mer

Concentration
600 à
de CO2 dans 500 ppm 540 à 970 ppm 55 à 1 500 ppm
1 550 ppm
l’atmosphère

Source : notre-planete.info, d’après GIEC, 1995-2014.

160

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 160 05/05/2017 16:12


5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Il faut rappeler que les scénarios élaborés n’ont bien évidemment


aucun caractère déterministe : ils correspondent à une formalisation
statistique des dynamiques environnementales futures et illustrent une
partie de la diversité des choix qui s’offrent aux sociétés. Ils relèvent de la
prospective qui, en géographie, consiste à explorer les futurs possibles en
germe dans la situation actuelle d’un territoire, pour aider à déterminer
des futurs souhaitables et à identifier les moyens à mettre en œuvre pour
les atteindre.

Qu’est-ce que la prospective ?


Le néologisme « prospective » est créé par G. Berger en 1957. Il exprime le regard
porté vers l’avenir par opposition au terme « rétrospective » qui regarde vers le
passé. Il ne faut pas confondre la prospective qui consiste à élaborer des scénarios
futurs possibles sur la base de l’analyse des données disponibles actuelles ou
passées avec la prédiction ou la prévision, qui consiste à décrire l’avenir, soit sur
une base déterministe, soit sur une base statistique.

Si la validité des modèles à l’échelle planétaire est avérée, la démarche


prospective en géographie conduit à s’interroger sur sa pertinence
spatiale et temporelle et sur sa véritable capacité à intégrer des données
socio-économiques. Faire le lien entre le diagnostic du changement
global et les phénomènes observés localement ou prendre en compte
la variabilité dans le temps et l’espace des phénomènes climatiques et
leurs incidences sur l’environnement, sont autant d’éléments auquel un
géographe doit s’attacher.

2. Le changement global,
entre certitude et incertitude
La prise de conscience de la réalité d’un changement climatique d’origine
humaine a d’abord été le fait de la communauté scientifique internatio-
nale, avec la création en 1988 du GIEC.  Voir Chapitre 6.

Ce changement est clairement passé ces trente dernières années du


statut d’hypothèse vraisemblable à celui de certitude largement confirmée
par l’accélération de la hausse de la température globale, de la fonte des
glaces et de la hausse du niveau marin. Les incertitudes restent cependant

161

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 161 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

importantes pour qualifier et préciser l’ampleur, l’évolution et les inci-


dences du changement global dans le futur, et ce pour plusieurs raisons.
Une première source d’incertitude est liée, d’une part, au principe
même de la modélisation, la construction d’un modèle s’accompagnant
nécessairement d’une simplification et d’une certaine partialisa-
tion du système ; d’autre part, aux techniques de mesures et à leurs
représentations.
Une autre source d’incertitude importante vient de la non-connais-
sance du fonctionnement détaillé du système climatique (restent de
nombreuses données inconnues concernant les cycles de l’eau et du
carbone notamment) à laquelle s’ajoute l’imprévisibilité du devenir des
sociétés et de leurs choix.
Par prudence, les travaux du GIEC indiquent dans la mesure du
possible la part de l’incertitude associée à la conception des modèles.
Il est impossible de tout prendre en compte : un modèle ne peut pas
représenter toutes les parties du système climatique. Toute simplifica-
tion entraîne ainsi des imprécisions de la réalité. Des erreurs peuvent
être dues aux appareils de mesure : pannes, mauvais positionnement ou
calibrage… À cela s’ajoutent des biais liés aux changements technolo-
giques : par exemple, la résolution spatiale des projections climatiques
globales est de l’ordre de 300 km en 2007 ; en 2013, elle est de 150 km.
Comprendre les limites des modèles et intégrer la part importante
d’inconnues scientifiques liées au système climatique et à sa variabilité
ne signifie pas pour autant tomber dans le scepticisme quant à la réalité
du changement global actuel. Ce dernier dépendra avant tout du forçage
radiatif lié aux concentrations de gaz à effet de serre atteint d’ici la fin
du siècle, invitant les sociétés à agir en conséquence.
Il s’agit dans un premier temps de lutter contre le réchauffement
climatique global, en diminuant les sources d’émission de gaz à effet de
serre, responsable en grande partie de la hausse. On parle alors d’atténua-
tion (mitigation en anglais). La réduction de la hausse de la température
La CCNUCC est la à 2 °C, fixée par la CCNUCC, passe par la maîtrise des émissions nettes
Convention-cadre des de gaz à effet de serre, en stoppant la croissance des émissions pour
Nations unies sur les
changements climatiques.
2020 et en réduisant les émissions nettes mondiales de moitié d’ici 2050
(par rapport à celles de 1990) pour que ces dernières soient quasiment
nulles au cours de la seconde moitié du xxie siècle. Cela signifie une
transformation considérable des économies et des politiques mondiales,

162

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

qui passe par la transition énergétique ou encore le développement  Voir Chapitre 1.


durable. Mais, compte tenu de l’inertie climatique, la seule solution de  Voir Chapitre 7.
l’atténuation risque de ne pas suffire.
Depuis le quatrième rapport du GIEC en 2007, une autre réponse est
mise en avant : une réponse sociale, économique et spatiale aux chan-
gements. Il s’agit de trouver et d’adopter de nouvelles pratiques afin de
s’ajuster à un futur climat probablement plus chaud, en réduisant les
effets néfastes et en exploitant les opportunités bénéfiques. On parle
alors d’adaptation qui consiste à réduire la vulnérabilité et à accroître la
résilience des sociétés. Les politiques d’adaptation ont ainsi pour objectif
de limiter les conséquences du changement climatique et d’en supporter
les transformations, en anticipant et en réduisant leurs impacts attendus
et en profitant des opportunités potentielles.

Conclusion
Il est important de rappeler que la plus grande inconnue dans les processus
des changements globaux est indéniablement la capacité des sociétés à
évoluer. Face à ces changements, les sociétés se trouvent à un moment
décisif et difficile de leur histoire : elles sont impuissantes à maîtriser
totalement les effets de ces changements futurs, tout en étant, peut-être,
à même d’en infléchir les processus. L’avenir est incertain, tant la situa-
tion dans laquelle se trouvent les sociétés est inédite. Mais il apparaît fort
probable qu’à l’avenir plus le changement s’éloignera de l’état actuel du
système climatique, plus grand sera le risque d’atteindre un seuil critique,
au-delà duquel le système tendra vers des modifications extrêmes, diffici-
lement prévisibles et, sans doute, irréversibles. Reste à savoir le rôle que
prendront les sociétés dans ce long processus, rôle qui commence par la
prise de conscience globale de ce changement planétaire.

163

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n Le changement climatique actuel s’inscrit dans une dynamique temporelle
longue, marquée par des périodes froides (les glaciations) et des périodes de
réchauffement (interglaciations). La période contemporaine de réchauffement
correspond à un épisode interglaciaire, l’Holocène, d’une période de glaciation
quaternaire.
n Si ces changements peuvent être qualifiés de globaux, car ils affectent l’ensemble
de la Terre et la biosphère, il est important de saisir pour un géographe les dispa-
rités spatiales et temporelles marquant les territoires à des échelles régionales
et locales.
n Il convient de replacer les sociétés au cœur des changements climatiques, dans la
mesure où l’ampleur de ces derniers dépend de la capacité des sociétés à agir,
en s’adaptant et/ou en atténuant les processus.

POUR ALLER PLUS LOIN


Beltrando G., 2007, Les climats. Processus, variabilité et risques, Paris, Armand
Colin, coll. « U ».
Denhez F., 2009. Atlas du changement climatique : Du global au local, change
les comportements, Paris, Autrement.
GIEC : www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
Godard A., André M.-F., 1999, Les milieux polaires, Paris, Armand Colin,
coll. « U ».
Godard A., Tabeaud M., 2009, Les climats : Mécanismes, variabilités, réparti-
NOTIONS CLÉS tion, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus ».
n Adaptation Kergomard C., 2007, « L’Arctique face au changement climatique », Annales
n Atténuation de géographie, 1, n° 653, p. 3-22.
n Bilan radiatif Mélières M.-A., Maréchal C., 2010. Climat et société : climats passés, passage
n Changement de l’homme, climat futur : repères essentiels, Paris, SCEREN.
climatique Vigneau J.-P., 2008, Climatologie, Paris, Armand Colin, coll. « Campus ».
n Effet de serre
Site Internet Notre planète info : www.notre-planete.info/terre/climatologie_
n Variabilité
meteo/changement-climatique.php

164

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 164 05/05/2017 16:12


ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
Complétez le texte avec les termes de la liste ci-dessous (certains ne sont pas à
utiliser) : forçages externes – variation – périodes – cycles solaires – anthropiques –
activité humaine – changement climatique – variabilité climatique – réduire – renforcer
– attendu – conséquences – effets préjudiciables.

Les changements climatiques désignent une ---------- de l’état du climat qui peut être identifiée par des
changements affectant la moyenne et/ou la variabilité de ses propriétés, persistant pendant de longues
---------, généralement des décennies ou plus. Les changements climatiques peuvent être la conséquence
de processus naturels internes ou de -------- tels que : les modulations des ---------, les éruptions volcaniques
et les changements ------------- persistants de la composition de l’atmosphère ou de l’utilisation des terres.
On notera que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC),
dans son Article 1, définit le changement climatique comme étant : « des changements de climat qui sont
attribués directement ou indirectement à une ---------- altérant la composition de l’atmosphère mondiale et
qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables. » La
CCNUCC établit ainsi une distinction entre le --------- qui peut être attribué aux activités humaines altérant la
composition de l’atmosphère, et la ------------ due à des causes naturelles.
Source : IPCC 2014.

Questions sur document


1. Quel espace
géographique est
illustré sur ce dessin ?
2. Quel est le contexte
environnemental
décrit ?
3. Quels enjeux ce dessin
soulève-t-il ?
4. Expliquez le point
de vue adopté ici.

Dessin © Kal, États-Unis, paru dans le Courrier international.

 Voir Méthode p. 261.

165

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Géographie de l’environnement

L’Arctique face au changement climatique :


ÉTUDE DE CAS

crise environnementale ou aubaine locale ?

Doc. 1 Effet de zoom sur les variations climatiques quaternaires


Température moyenne du globe (°C)
a
Chaud

Froid
Secondaire Tertiaire Quarternaire

180 150 135 100 65 58 36 25 13 1,8 1 Millions d’années (BP)

b Dernier interglaciaire
Température en °C

0
Interglaciaire
−2 actuel
−4
−6

1000 800 600 400 200 Milliers d’années (BP)


c
4 Interglaciaire Interglaciaire actuel
Température en °C

2 (holocène)
0
−2
−4
−6
−8
− 10
160 140 120 100 80 60 40 20 0 Milliers d’années (BP)

d
2
Température en °C

Maximum Holocène
0
« Petit Âge »
−2 glaciaire
−4 Dryas récent

18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Milliers d’années (BP)

e 2016
1°C au-dessus du siècle dernier
Température en °C

0,5

1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020

Sources : MAYER N., 2 novembre 2016, « Réchauffement climatique : fonte record de la banquise arctique
166 en 2016 », Futura sciences [En ligne] ; GODARD A. et ANDRÉ M.-F., 1993, Les milieux polaires, Paris, Armand Colin.

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 166 05/05/2017 16:12


5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Doc. 2 Observations au Spitzberg

ÉTUDE DE CAS
« Aux confins du pôle Nord, Spitzberg, sentinelle du réchauffement climatique
Sous l’effet du réchauffement, le sol gelé libère notamment du méthane, l’un des gaz
à effet de serre qui entretiennent le cycle infernal du dérèglement climatique. […] Les
données collectées depuis vingt ans livrent une première conclusion : la température
moyenne de l’air de Ny-Alesund a augmenté de 1,7 °C. Un chiffre très élevé au regard
des 0,8 °C de hausse du thermomètre terrestre depuis l’ère pré-industrielle. « Ce qui
se passe ici interagit sur les masses d’air de toute la planète et sur la distribution de
l’énergie océanique. On ne peut pas prendre le risque d’une catastrophe planétaire,
il faut agir », implore le chercheur italien.
[…] “Pour construire les scénarios climatiques, on a besoin de données scientifiques
établies sur le temps long », rappelle l’ingénieur suisse […]. Mais les glaciers qui
bordent le fjord présentent déjà des stigmates inquiétants”. “Ils ont un rythme de fonte
plus élevé qu’ailleurs, observe Doug Benn. Ce processus d’écoulement commence
à atteindre la banquise du Groenland, mettant en jeu des élévations de plusieurs
mètres du niveau de la mer. […] Les glaciers envoient une réponse irréfutable aux
climatosceptiques” !
“Entre le début et la fin de la séquence enregistrée en 2014, la langue a reculé de
300 mètres, pour un glacier qui avance d’environ 700 mètres par an, observe Heidi
Sevestre […]. Cela représente 1 kilomètre de glace perdue en une saison.” […]
Première femme élue maire de Longyerabyen en 2011, cette ancienne universitaire
prône le maintien d’une activité minière dans l’archipel, arguant que les progrès techno-
logiques permettront bientôt de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Un discours
bien accueilli dans une ville où 40 % de la population vit directement ou indirectement
du charbon, au sein d’une région arctique qui recèlerait 13 % des réserves mondiales
de pétrole et 30 % des ressources en gaz.
[…] “Avec le réchauffement, c’est devenu un endroit ouvert, riche en poissons, attractif
pour ses hydrocarbures. Mais réfléchit-on suffisamment à ces bouleversements?” s’in-
terroge le chef de la base scientifique britannique. “Cette fragilité se ressent surtout
l’été, quand la toundra est exposée, quand les paquebots croisent à l’entrée du fjord.”
Avec la fonte du glacier de Blomstrand, la Baie du roi doit faire face à une nouvelle
menace : l’essor du tourisme de masse. »
Source : Le Monde. Consulté le 17 février 2017 (disponible sur www.lemonde.fr/planete/
visuel/2015/07/18/aux-confins-du-pole-nord-spitzberg-sentinelle-du-rechauffement-
climatique_4684111_3244.html#C8cB0VUwc4KsYXth.99).

167

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Géographie de l’environnement

Doc. 3 Carte de l’Arctique


ÉTUDE DE CAS

Océan Pacifique

Alaska Route du Nord


(ÉTATS-UNIS)

Alaska
Nord

Beaufort
Mackenzie RUSSIE
Passage
Nord-Ouest Bassin de
Sverdrup
Churchill Océan Glacial
Sibérie
Arctique
Occidentale

CANADA Thulé
Svalbard
(NORVÈGE)
Mer de
Barents
Groenland
(DANEMARK) Timan
Péchora

ISLANDE FINLANDE
SUÈDE
Route Atlantique Nord Hammerfest
Svalis
NORVÈGE
Océan Atlantique

I. Ressources énergétiques II. Réduction de la banquise


(situation moyenne en septembre)
Réserves connues de pétrole Routes maritimes
et de gaz, zones en cours utilisables en permanence Au début des années 2000
de prospection à échéance de 10 ou 15 ans
si le réchauffement climatique Entre 2010 et 2030
Extraction de pétrole et de gaz
persiste et que la calotte glaciaire Entre 2040 et 2060
Extraction minière continue de reculer
Entre 2070 et 2090
Oléoducs et gazoduc existants
Oléoducs et gazoduc en projet III. Réduction du permafrost
Principales marées noires Extension au début des années 2000
ou ruptures d’oléoducs Extension prévue vers 2100
(> 50 000 tonnes de pétrole)

Source : « L’Arctique : une zone symbolisant l’ère de l’anthropisation », L’ère du temps, 2013 [En ligne]
(http://danslredutemps.blogspot.fr/2013/03/larctique-une-zone-symbolisant-lere-de.html).

168

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

Présentation des documents


Doc. 1 Série de graphiques présentant la variabilité des températures

ÉTUDE DE CAS

moyenne en Arctique pendant le Quaternaire avec un emboîtement d’échelle


temporelle.
■ Doc. 2 Extrait d’un dossier du monde intitulé « Aux confins du pôle

Nord, Spitzberg, sentinelle du réchauffement climatique », en ligne depuis


juillet 2015.
■ Doc. 3 Carte de l’Arctique présentant les ressources énergétiques, les routes

maritimes ainsi que les simulations de la réduction du pergélisol et de la


banquise d’ici 2090.

Localisation
Cette étude de cas traite de l’espace arctique, situé au-delà du cercle polaire
septentrional, sur lequel le changement climatique actuel est particulière-
ment significatif, avec une évolution perceptible des modifications imputées
au réchauffement.

Objectifs de l’étude de cas


Ces documents permettent de comprendre :
– la variabilité climatique selon différentes échelles temporelles (doc. 1) ;
– l’effet du réchauffement climatique actuel sur l’espace arctique (doc. 2 et 3);
– les conséquences écologiques et géopolitiques possibles du retrait des
glaces de l’Arctique (doc. 2 et 3).

Commentaire
À travers ces documents, il s’agit de qualifier les changements environ-
nementaux causés par le réchauffement contemporain des températures
dans l’espace arctique et de réfléchir aux diverses implications que cela peut
induire pour les sociétés et l’environnement, tant à une échelle régionale
que mondiale.
0
I. La variabilité climatique
¡ Le premier graphe du doc. 1 met en évidence une détérioration progres-
gne] sive du climat terrestre au cours de l’ère tertiaire, qui se prolonge dans  Ce refroidissement
ml). permettra la formation
le Quaternaire par une période de glaciation. À une autre échelle, celle du vers 2,5-3 Ma
millier d’années (graphe b), la période froide du Quaternaire est marquée du grand inlandsis
par une succession de cycle glaciaire et interglaciaire. Au sein de la dernière arctique.

169

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Géographie de l’environnement

période de refroidissement (graphe c) sont mises en évidence des varia-


tions brutales du climat, qualifiées d’événements de Dansgaard-Oeschger.
ÉTUDE DE CAS

Une tendance forte au radoucissement climatique (graphe d) s’affirme vers


13 000 BP (graphe d), brutalement interrompue par un retour du froid vers
11 000 BP (dryas récent). À partir de 10 000 BP, les températures remontent
marquant le début de l’interglaciaire actuel (l’Holocène).
¡ Relativement stable, le climat de l’Holocène subit néanmoins des fluctua-
tions mineures (réchauffement vers 5 000 BP, dit « optimum atlantique » et
 Ce réchauffement vers 800-1 200 AD dit « optimum viking ») qui se traduisent dans l’Arctique
favorisa l’expansion par un recul des glaces, une remontée de la végétation en altitude et en lati-
Viking dans
l’Atlantique Nord. tude. On peut évoquer aussi les périodes de refroidissement, comme celle
du Petit Âge glaciaire (xive-xixe siècles), marquée par l’extension maximale
des glaciers arctiques. Depuis le début du xxe siècle est mesuré un radoucis-
sement climatique, qui s’accentue dans les années 1950 pour dépasser 1 °C
actuellement (graphe e).
¡ C’est donc à différentes échelles spatio-temporelles qu’il convient d’envi-
sager les variations climatiques actuelles.
II. Les manifestations physiques du changement climatique en Arctique
¡ Depuis les années 2000, on peut observer un recul manifeste de la banquise
en surface, qui devrait se poursuivre dans les décennies futures (doc. 3). Les
observations soulignent que la fonte estivale des glaces est de plus en plus
forte, se traduisant par un retrait important des glaces dans l’Arctique, avec
l’exemple d’une langue glaciaire de Longyearbyen qui a reculé de 300 mètres
en 2014, au lieu d’une avance de 700 m.
¡ L’autre manifestation de ce réchauffement climatique est la dégradation
du permafrost ou pergélisol (doc. 2). L’action du gel se réduit en intensité
et en durée, du fait du réchauffement provoquant une régression de l’exten-
sion des sols gelés. En ce sens, la cryosphère est un indicateur significatif
du changement climatique, subissant des modifications importantes (forte
diminution de la glace de mer arctique ; rétrécissement continu des glaciers ;
diminution du sol gelé de saison).
III. Les conséquences de la fonte de l’Arctique
pour les sociétés et l’environnement
¡ Le recul des glaces et du pergélisol rend plus facile et accessible à
moindre coût l’exploitation des hydrocarbures, libérant en particulier de
nouvelles zones pour l’exploitation offshore, et l’extraction des minerais que
renferme l’espace arctique. En outre, le recul des glaces libère de nouvelles
voies de navigation, permettant l’ouverture de nouvelles routes maritimes,

170

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5 Un défi environnemental planétaire : le changement climatique

tels les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est (doc. 3). Cela raccourcirait


les distances entre l’Europe et l’Asie ou entre la côte Est des États-Unis et

ÉTUDE DE CAS
l’Asie avec, pour corollaire, une durée de transit réduite et des économies
de coût de fonctionnement. Enfin, l’espace arctique en devenant de plus
en plus accessible rend possible le développement du tourisme « de masse »
(doc. 2), ce qui n’est pas sans conséquence pour la préservation des milieux
naturels.
¡ Les changements environnementaux observés dans l’Arctique peuvent
aussi avoir une influence globale sur l’environnement (doc. 2). La fonte
des glaces risque d’accélérer l’élévation du niveau marin, et, à mesure que
le réchauffement s’intensifie, davantage de gaz à effet de serre pourraient
être libérés dans l’atmosphère suite au dégel du pergélisol.
Conclusion
Le réchauffement climatique constitue un défi régional majeur pour l’Arc-
tique mais également global pour l’ensemble de la planète. Les changements
environnementaux induits présentent à la fois des risques mais aussi des
opportunités pour l’espace arctique.

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p Photo : COP 21, Le Bourget, 30/11/2015 © Frédéric Legrand-COMEO/Shutterstock.com.

Fin 2015, Paris accueille 150 chefs d’État pour la 21e Conférence des Parties (COP),
qui désigne la réunion annuelle de la Conférence des Nations unies sur le changement
climatique. Très médiatisée, cette conférence illustre la prise en compte de l’environne-
ment à l’échelle globale. Le changement climatique symbolise les effets des sociétés
sur l’environnement et est devenu un sujet de préoccupation international. Paris comme
lieu de discussion et de décision mondial montre cette difficile articulation des échelles,
du global au local, dans la gestion de l’environnement.

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CHAPITRE
Répondre
6 aux changements
environnementaux :
débats et enjeux
PLAN DU CHAPITRE
I. La prise de conscience Face aux mutations environnementales d’ordre plané-
de l’existence de menaces taire, l’échelle mondiale semble de plus en plus probante, au
globales et l’émergence
d’un débat scientifique moins pour impulser des concepts et des outils partagés par tous.
II. Vers une gouvernance La médiatisation des catastrophes comme l’accident nucléaire
mondiale de de Fukushima, provoqué par un tsunami en 2011, du réchauf-
l’environnement ? fement climatique ou des alertes lancées face à la réduction de la
III. Du global au local : biodiversité font prendre conscience aux opinions publiques de
territorialiser les politiques
environnementales
l’existence de menaces globales. Cette idée de crise globale découle
du constat que le fonctionnement physique de la planète a été
ÉTUDE DE CAS profondément bouleversé par les sociétés. Au-delà du débat scien-
La réduction des émissions tifique qui accompagne l’émergence de la notion d’Anthropocène
de CO2, un enjeu global pour penser une planète entièrement anthropisée et transformée,
l’identification de menaces globales appelle une gestion mondiale
pour décider, collectivement, des mesures à prendre. Depuis la
fin des années 1940, c’est l’ONU qui s’est imposée comme scène
internationale privilégiée des politiques environnementales, avec
une mise à l’agenda qui s’est accélérée depuis les années 1970.
Répondre aux changements environnementaux est donc avant
tout une question géopolitique, qui pose la question d’une gouver-
nance internationale dans un cadre onusien. En outre, la portée
opérationnelle de ces politiques environnementales soulève beau-
coup de questions, notamment dans le passage du niveau mondial
à l’échelle locale (entendue à la fois comme échelle régionale, natio-
nale, et des territoires/communautés).
Quelle est la bonne échelle d’action, entre un niveau mondial
marqué par les rivalités géopolitiques et les niveaux locaux ?

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Géographie de l’environnement

I. La prise de conscience de l’existence


de menaces globales et l’émergence
d’un débat scientifique

1. Du monde fini à la crise globale


Depuis la fin du xixe siècle, la protection de l’environnement a principa-
lement été caractérisée par la création de parcs dans les pays de culture
anglo-saxonne (États-Unis, Canada, Australie, colonies britanniques).
Ces initiatives demeuraient circonscrites à un territoire strictement déli-
mité, placé en dehors des grands centres des sociétés.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la prise en compte
de l’environnement s’élargit et change d’échelle, passant progressivement
du territoire local à préserver, à la planète entière conçue comme un
système à l’équilibre fragile.

■ La prise de conscience d’un monde fini


Cette idée est notamment développée en 1948 par William Vogt et
Fairfield Osborn, qui prophétisent une future catastrophe environne-
mentale mondiale. Les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord,
lancés dans l’industrialisation productiviste depuis la fin du xixe siècle,
puis dans le consumérisme triomphant de la prospérité économique
d’après-guerre (les Trente Glorieuses), commencent à entrevoir les
limites de leur mode de vie. À l’idée d’une action humaine et d’un progrès
sans entraves succède désormais celle d’un monde fini, c’est-à-dire d’une
planète aux ressources limitées, qu’il faut préserver non seulement pour
continuer à se développer mais aussi pour sauvegarder l’espèce humaine.
L’un des indices de cette prise de conscience de la fragilité d’un envi-
ronnement pensé à l’échelle planétaire est la création, en octobre 1948,
de l’Union internationale pour la protection de la nature (UIPN,
aujourd’hui appelée Union internationale pour la conservation de la
nature). Son texte fondateur présente l’environnement comme un réser-
voir de ressources dont il faut protéger le renouvellement pour garantir
la pérennité des sociétés.

174

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

■ La crise globale
L’idée de crise environnementale globale signifie deux choses :
– D’une part, cette crise prend une dimension qui s’étend à l’ensemble
du monde. Elle est donc d’échelle mondiale. S’impose la représentation
d’une planète en pleine mutation environnementale. Les conséquences
de ces changements sont largement négatives et se ressentent partout
sur le globe . Voir le documentaire primé
Chasing Ice de James Balog
– D’autre part, parler de crise globale signifie qu’il existe des perturba- (2012), qui représente les
effets locaux du changement
tions qui affectent le système Terre dans son ensemble et qui peuvent climatique global en montrant
représenter un danger pour l’ensemble des sociétés de la planète et, la fonte des glaciers
au-delà, de l’ensemble du monde. Le terme global désigne donc le en timelapse.

caractère systémique des perturbations : atmosphère, hydrosphère,


lithosphère, mais aussi et surtout biosphère, sont menacées par le désé-
quilibre qu’engendrent les sociétés.
La prise de conscience de la crise environnementale globale se
manifeste par la mobilisation croissante des opinions publiques :
renouvellement des ressources, exposition aux risques, raréfaction de la
biodiversité, réchauffement climatique sont des thématiques largement
diffusées par les médias et réappropriées par les sociétés. Les images
spectaculaires de certains documentaires ou films catastrophes nour-
rissent l’idée d’une Terre fragile, menacée et, de fait, devenue menaçante.
La médiatisation des grandes catastrophes, pourvoyeuses d’images fortes,
participe aussi de cette représentation. Les images des tsunamis de 2004 Pour le géographe Michel
Lussault, le tsunami de 2004
en Asie du Sud-Est ou bien de Fukushima au Japon en 2011 ont été est l’un des révélateurs d’une
largement diffusées et commentées. Le fait que des touristes européens société dont l’espace de
aient été tués en 2004 ou que la pollution nucléaire se répande dans le référence est maintenant
« le monde ». Lire le début
Pacifique en 2011 donne à ces catastrophes une ampleur mondiale. de L’homme spatial, Paris,
Le Seuil, 2007.

2. L’environnement global en débats :


la notion d’Anthropocène
Les crises environnementales globales, dont les impacts sont de mieux en
mieux connus et mesurés, amènent certains chercheurs à questionner  Voir Chapitre 5.
le poids des sociétés sur leur environnement. La notion d’Anthropo-
cène, encore très discutée, est le témoin de ces interrogations actuelles
sur l’environnement global et de la perception de la crise qu’il traverse.

175

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Géographie de l’environnement

■ Origine et définition
Le concept d’Anthropocène La notion d’Anthropocène a été inventée par le chimiste et prix Nobel
a donné lieu à un colloque Paul J. Crutzen au début des années 2000. Même si sa définition et son
réunissant sociologues,
géologues, philosophes application font toujours débat dans les sciences environnementales
et historiens des sciences et sociales, ce concept s’est répandu et son usage est de plus en plus
au Collège de France en fréquent. L’Anthropocène renvoie au fait que les êtres humains dans leur
novembre 2015. La plupart ensemble seraient devenus une force géologique agissant sur la planète
des conférences sont
visibles en ligne. Terre de façon globale. « Être entré dans l’Anthropocène » signifie que
le poids des sociétés dans l’environnement est devenu si important que,
désormais, ce dernier a commencé à changer de manière irréversible à
l’échelle planétaire.
Selon Paul Crutzen, les impacts des sociétés sur l’environnement sont
détectables depuis la fin du xviiie siècle, d’après les bulles d’air emprison-
nées dans les glaces polaires. C’est à partir de ce moment que les sociétés
n’ont cessé de se développer en utilisant massivement les ressources natu-
 Voir Chapitres 1 et 6. relles, notamment les énergies fossiles, et sont ainsi devenues des acteurs
majeurs de l’environnement.

Ères et époques géologiques :


quelle place pour l’Anthropocène ?
Nous sommes actuellement dans l’ère cénozoïque, période du « Quaternaire »,
époque « Holocène ». Le Quaternaire commence il y a environ 2,6 millions d’an-
 Voir Chapitre 5. nées, et sa première époque s’appelle le « Pléistocène ». Les géologues l’ont
arrêtée à la fin de la dernière glaciation il y a environ 10 000 ans. L’époque
actuelle est caractérisée par le développement des civilisations qui ont bénéficié
du réchauffement interglaciaire.
La proposition de Paul Crutzen est de créer un système de division climatique de
l’histoire géologique de la Terre en créant une nouvelle époque, dont le climat
serait influencé par les sociétés : l’Anthropocène. Avant lui, d’autres tentatives
avaient été proposées : pendant la Seconde Révolution industrielle en Europe
occidentale, l’Italien Stoppani évoquait « l’Ère Anthropozoïque », succédant au
Cénozoïque. Le géochimiste Vladimir Vernadsky, au début du XXe siècle, crée
l’idée que la biosphère, perçue et modifiée par l’esprit humain, est devenue la
« noosphère » (du grec noüs, « l’esprit »).
On est passé, au XXe siècle, d’une conception de la Terre comme une nature exté-
rieure à l’homme à l’idée d’un système-Terre complexe, façonné par les sociétés
(B. Latour).

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

L’Anthropocène renvoie à l’idée que la planète n’est plus un système


naturel, mais, au contraire, un système très largement anthropisé. Les
impacts anthropiques ne sont plus seulement locaux et régionaux, mais
touchent désormais la planète entière. L’impact des sociétés sur les
milieux ne s’observe plus seulement là où elles vivent, mais se transmet
à une échelle globale et peut toucher des sociétés plus lointaines. C’est
ce changement de nature et d’échelle que l’Anthropocène veut définir.

■ Une notion discutée


L’Anthropocène ne fait pas consensus parmi les scientifiques, notam-
ment chez les géologues. L’Union internationale des sciences géologiques
(IGUS) définit, en effet, la subdivision des ères géologiques selon des
critères précis : géologiques, biostratigraphiques, physico-chimiques.
Le début de l’Anthropocène, daté de l’industrialisation par Crutzen,
est parfois situé plus en amont dans l’histoire des sociétés. Même si les
impacts anthropiques sont restés modérés avant l’industrialisation, et ont
surtout joué à des échelles locales, voire régionales, on peut être tenté
de faire débuter l’Anthropocène à partir du moment où des groupes
humains ont commencé à transformer l’environnement. Or, tradition-
nellement, les unités géologiques sont distinguées à partir de « clous
d’or », qui sont des marques globales de changements environnementaux
planétaires, apparaissant comme des transitions remarquables dans la
stratigraphie.
Les aspects plus climatiques que géologiques de l’Anthropocène
en rendent les manifestations difficiles à repérer, et l’absence de clou
d’or incontestable empêche donc l’Union internationale des sciences
géologiques de statuer unanimement sur l’existence et l’origine de l’An-
thropocène. En 2016, la recommandation d’intégrer l’Anthropocène à
l’échelle des temps géologiques a été validée, mais elle devra encore être
approuvée par plusieurs instances pour être définitivement adoptée par
les géologues.
La définition de l’Anthropocène soulève non seulement un débat sur
son origine et sa signification géologique, mais aussi sur sa définition et ce
qu’elle révèle. La racine étymologique « anthropos » souligne un caractère
universel assez contesté, dans la mesure où l’humanité entière n’est pas
également responsable des changements globaux. Ceux-ci sont souvent

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Géographie de l’environnement

 Pour d’autres chercheurs, perçus comme la conséquence de la modernité occidentale et de ses


comme l’anthropologue
Bruno Latour, l’Anthropocène
corollaires sociaux et économiques (domination coloniale, capitalisme,
ne se pense pas en termes de industrialisation), responsables d’inégalités et de dégradations. Concept
modernité. Au contraire, c’est discuté, concept en cours de délimitation et de définition, l’Anthropocène
même la manifestation du fait
que « nous n’avons jamais été traduit néanmoins l’idée de la crise environnementale globale, qui appelle
modernes » (selon le titre de une réflexion et une coopération, globales elles aussi.
son essai paru en 1991).
Au-delà des débats scientifiques qui caractérisent cette prise de
conscience, une gouvernance mondiale de l’environnement a émergé,
mais elle demeure partagée entre la décision des traités et leur applica-
tion, compte tenu des difficultés opérationnelles et géopolitiques.

Rechercher les « clous d’or » pouvant marquer


le début de l’Anthropocène
Les travaux des géographes anglais Simon Lewis et Mark Maslin, parus
en 2015 dans la revue Nature, cherchent à délimiter plus précisément le
début de l’Anthropocène. Ils discutent notamment de possibles « clous
d’or » anthropiques. Les premiers feux (Pléistocène), l’extinction massive
de la mégafaune continentale (fin du Pléistocène – les mammouths,
par exemple, adaptés aux frimas des périodes glaciaires), les origines et diffusion
de l’agriculture (Holocène) ne constituent pas des points de départ suffisants pour
l’Anthropocène.
En revanche, la confrontation de l’Ancien Monde et du Nouveau Monde à partir du
XVe siècle semble avoir été le catalyseur de plusieurs réactions pouvant représenter
un clou d’or potentiel : l’arrivée des Européens en Amérique a abouti à un fort
déclin démographique (guerres, maladies) qui a, en contrepartie, fait diminuer
les quantités de CO2 atmosphérique en l’espace de 50 ans.
Un grand nombre d’espèces végétales et animales ont été transportées de leur
continent d’origine pour se développer ailleurs, le commerce devient mondial
et les populations connectées : la date de 1610 est ainsi retenue pour marquer
ce changement majeur, et donc le début possible de l’Anthropocène. Une autre
date proposée est 1964, au moment de l’apogée des expériences d’explosions
nucléaires sur Terre.
Dans l’idée de donner une vraie existence géologique à l’Anthropocène,
il faudrait donc faire de l’Holocène le dernier étage du Pléistocène. Le Quaternaire
comprendrait alors deux époques : le Pléistocène et l’Anthropocène.

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

II. Vers une gouvernance mondiale


de l’environnement ?
La gouvernance caractérise l’ensemble des acteurs (privés, publics) et des
dispositifs (règlements, traités, etc.) mis en œuvre afin de garantir une
gestion optimale. La coordination et la concertation entre les acteurs et
outils concernés en sont les principes fondamentaux.
La gouvernance ne se réduit pas au gouvernement et aux institutions
politiques, mais est beaucoup plus large et concerne les associations, les
ONG, les entreprises ou encore la population. Le terme de gouvernance
indique que, au-delà d’une simple gestion internationale de l’environ-
nement planétaire, les menaces et crises environnementales globales
appellent de nouvelles formes de coordination, de négociation, de prises
de décisions et doivent intégrer les différents acteurs et les différents
niveaux d’action et d’intervention. Mais, dans un monde marqué par
la division entre des États-nations aux intérêts souvent contradictoires
et d’inégale puissance, la gouvernance de l’environnement global, qui
suppose à la fois une vision d’échelle mondiale et des actions transna-
tionales, pose problème. Quels en sont les acteurs, quelles en sont les
arènes de décision, quelles en sont les échelles d’interventions ?

1. La scène onusienne du traitement


des questions environnementales
L’ONU est la scène privilégiée du traitement des questions environnemen-
tales à l’échelle mondiale. Elle réunit des acteurs variés, qu’il s’agisse des
États-membres ou des institutions spécialisées (PNUE, UNESCO, etc.).
La mise à l’agenda international de l’environnement à l’ONU s’est
faite progressivement depuis les années 1950. La logique dominante
est celle de la « conservation », c’est-à-dire une protection raisonnée et  Voir Chapitre 4.
adaptée des ressources qui, à l’inverse de la « préservation », synonyme
de « mise sous cloche », autorise leur exploitation et le développement
qui en découle. Les politiques environnementales de l’ONU ont ainsi
été très tôt orientées vers l’association étroite entre environnement et
développement.

179

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Géographie de l’environnement

Les orientations des politiques environnementales sont définies lors


de conférences (ou sommets) qui se réunissent tous les dix ans depuis
1972. Elles ont été prolongées et négociées lors des Conférences des
Parties, qui se réunissent tous les ans depuis 1994, et peuvent enfin
aboutir à des protocoles.
La première conférence mondiale sur l’environnement a été orga-
nisée en 1972 à Stockholm par l’ONU (Conférence des Nations unies sur
 Voir Chapitre 5. l’environnement humain), dans un contexte où émergeait, à la fin des
années 1960, une contestation grandissante du mode de vie occidental
fondé sur la croissance et la consommation. Les problèmes de pollution
se généralisaient et appelaient une action intergouvernementale qui a
été l’un des axes de réflexion de cette conférence. Celle-ci marque un
moment important de la conception globale de l’environnement et de la
coopération des États. Elle pose les jalons d’une réflexion collective sur
la nécessité de prendre en compte la planète dans le développement des
sociétés. L’image planétaire est du reste au cœur de cette conférence, qui
a été nommée « Sommet de la Terre ».
Si le sommet suivant (Nairobi, en 1982) n’a pas marqué les esprits, le
Sommet de la Terre de Rio (1992) et celui de Johannesburg (2002) ont eu
plus de retentissement médiatique. Le Sommet de Rio a notamment porté
sur le devant de la scène internationale le principe de développement
durable pour le xxie siècle, qui a été au centre des sommets suivants. Le
programme Action 21 (ou Agenda 21) y a été défini, avec 2 500 proposi-
tions qui ont ensuite pu être déclinées en agendas 21 locaux. Rio a aussi
abouti à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement clima-
tique (CCNUCC), qui se réunit tous les ans sous le nom de Conférence
des Parties (COP) depuis 1994, puis à la Convention-cadre sur la diversité
biologique (CDB) et à celle sur la lutte contre la désertification (CLD).
D’autres conférences ont lieu sur des thématiques précises : par
exemple, la conférence sur la biosphère, réalisée sous l’égide de
l’UNESCO à Paris en 1968. Les COP sont aujourd’hui les plus célèbres
de ces conférences. Leurs réunions, plus fréquentes que les Sommets de
la Terre, ont pour but de réviser les objectifs à atteindre et de favoriser
les rencontres et négociations régulières entre parties. Les COP comptent
195 membres : ce sont les États qui ont signé la CCNUCC. Elles sont à
 Voir Étude de cas p. 194. l’origine d’accords globaux comme le Protocole de Kyoto (signé en
1997 et entré en vigueur en 2005) ou les Accords de Paris (2015). Ces

180

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

accords sont le fruit de discussions complexes, qui rendent difficile la


signature de traités internationaux réellement satisfaisants. De fait, le
Protocole de Kyoto, élaboré lors de la COP3 en 1997, n’a pas été ratifié
par l’intégralité des parties.
En conclusion, si les sommets et les conférences délimitent les grands
objectifs de la politique environnementale mondiale, le consensus reste
souvent difficile. Outre les objectifs propres à chaque État, les tensions
que les inégalités de puissance et de développement peuvent soulever
donnent au traitement des questions environnementales une réelle
portée géopolitique.

FOCUS Un exemple de gouvernance mondiale


de l’environnement : la COP21
et les Accords de Paris (décembre 2015)
En décembre 2015, les 195 participants à la COP21 réunis à Paris signent les
Accords de Paris. Ces derniers prévoient notamment la limitation urgente du
réchauffement climatique à moins de 2 °C, en plafonnant les émissions de
GES (gaz à effet de serre), l’idée étant qu’elles soient compensées par les puits
naturels absorbant le carbone comme les océans. La baisse des émissions de
GES s’appelle l’atténuation (ou mitigation).
Une aide de 100 milliards de dollars pour les pays en développement est
décidée selon le principe de « responsabilité différenciée » face au changement
climatique. Les petits États archipélagiques du Pacifique, faibles émetteurs en
GES mais pourtant victimes directes des effets de la montée du niveau des
océans, ont été des membres actifs des négociations, et ont demandé à ce
que soit annoncée une tentative de limitation de l’élévation des températures
à 1,5 °C.
La ville de Paris est devenue le lieu temporaire, mais exemplaire, de la gestion
mondiale de l’environnement. La médiatisation de la COP21 en a fait effecti-
vement un événement mondial de réflexion sur le climat et les changements
environnementaux, insistant beaucoup sur la nécessité de prendre en compte
ces problèmes à l’échelle globale. Malgré tout, de nombreuses critiques ont été
émises : le cadre reste trop peu contraignant, et il semble encore impossible de
limiter à +1,5 °C l’augmentation maximale des températures.

181

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Géographie de l’environnement

Fig. 6.1 Les acteurs de la COP21

Source : BOYER M. et BELLANGER É., « Infographie : qui fait quoi lors de la COP21 ? »,
Le Monde, article du 30 novembre 2015 (www.lemonde.fr/planete/infographie/2015/11/30/
infographie-qui-fait-quoi-lors-de-la-cop21_4820699_3244.html).

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

2. Un problème transnational :
l’asymétrie géopolitique Nord/Sud
Les questions environnementales amènent, dans leur traitement sur la
scène internationale, un certain nombre d’enjeux géopolitiques s’expli-
quant par l’asymétrie pouvant exister dans les négociations.
Les inégalités de développement peuvent limiter le consensus. Il s’agit
notamment de l’idée que tous les pays du monde n’ont pas participé et
ne contribuent pas pareillement aux émissions de GES. Les pays ancien-
nement industrialisés sont accusés d’être responsables du changement
climatique global par les pays en voie de développement et les pays
émergents. Ils auraient donc une dette envers ces derniers : ils se sont
développés en ponctionnant les ressources de ces pays (colonisation) et
restent les principaux émetteurs de GES par individu alors même que les
pays en développement sont souvent les premières victimes des impacts
du réchauffement global.
Les États développés pointent à l’inverse la consommation des
ressources et les émissions exponentielles des pays des Suds, notamment
des émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Celle-ci reste faible
rapportée aux individus (ces États sont très peuplés), mais sont majeures
en valeur absolue. La Chine est, par exemple, devenue le premier émet-
teur mondial de GES en valeur absolue.
Lors de la COP16 à Cancún au Mexique en 2010, les pays développés
devaient s’engager à verser 30 milliards de dollars aux PMA (pays moins
avancés) avant 2012. Ce genre de financement s’appelle un « fast start »,
pour accompagner les pays moins avancés dans leur transition énergé-
tique vers des alternatives moins polluantes.
Il s’agit aussi d’aider les pays en développement frappés par des cala-
mités climatiques alors qu’ils ne contribuent que peu au changement
global (atolls des Kiribati dans le Pacifique équatorial). Le principe de
responsabilité différenciée invite donc à considérer un positionnement
différent entre pays face à l’environnement global et pose des questions
de justice et d’équité environnementales. À la COP21, l’idée de « respon-
sabilités communes mais différenciées », définie dans la CCNUCC,
a été répétée.

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Géographie de l’environnement

L’opposition géopolitique Nord/Sud est ainsi particulièrement


sensible dans les questions d’environnement, et se cristallise autour du
développement. On observe des stratégies de regroupements d’États
pour tenter de peser dans les discussions. Par exemple, au Sommet de
Rio en 1992, des États insulaires en développement, exposés aux aléas
naturels, vulnérables par isolement, manquant de structures sociales et
de ressources, se sont constitués comme un groupe. Appelés Petits États
insulaires en développement (PEID), ils regroupent une cinquantaine de
membres localisés dans les Caraïbes (Haïti), le Pacifique (Kiribati) ou
l’océan Indien (Seychelles).
Les pays émergents cherchent quant à eux à jouer un rôle de porte-pa-
role des pays du Sud dans les négociations internationales. Lors de la
COP15 à Copenhague en 2009, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la
Chine se sont constitués en un groupe appelé BASIC, formé à partir de
leurs initiales anglaises. Leur objectif commun était de faire pression sur
les pays développés pour qu’ils reconnaissent leur responsabilité dans le
changement climatique et pour adapter le Protocole de Kyoto aux pays
en développement.
Les conférences environnementales apparaissent donc comme des
arènes internationales, où les rapports de force demeurent inégaux et
où la prise en compte mondiale de l’environnement dépend, tout en les
révélant, des enjeux géopolitiques actuels.

La justice environnementale
La notion de justice environnementale propose de présenter les inégalités sociales
au prisme de l’environnement. Elles se traduisent par des défauts d’accès aux
ressources, une exposition inégale aux nuisances, et une inégale possibilité
d’amélioration du cadre de vie.
Le rapport des sociétés à leur environnement révèle donc de réelles inégalités
territoriales. Celles-ci s’observent à toutes les échelles, qu’il s’agisse d’une agglo-
mération ou d’une région (exclusion de population lors de la délimitation d’un parc
naturel, par exemple) ou bien de la planète entière. Les aménités et nuisances
environnementales sont des révélateurs des inégalités socio-spatiales.

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

3. L’émergence de nouveaux acteurs


Outre les États réunis dans le cadre des institutions onusiennes, d’autres
acteurs participent à la gestion de l’environnement global.
Les scientifiques sont principalement représentés par le GIEC (Groupe
Le saviez-vous ?
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) depuis 1988.
Les Sea Shepherds,
C’est grâce à ses expertises sur les concentrations en CO2 et ses scéna- par exemple, se
rios sur le réchauffement climatique que se sont fondées les conférences sont distingués dans
mondiales. de nombreuses
affaires d’abordage
Les ONG sont également des acteurs essentiels de la gouvernance et de violences sur
transnationale de l’environnement : 1 500 ONG étaient présentes des équipages de
baleiniers, ayant
au Sommet de la Terre de Rio en 1992. Outre leur participation aux conduit à l’interdiction
conférences, les ONG contribuent aussi à la diffusion de l’information de l’ONG dans certains
environnementale et à la médiatisation des changements à l’œuvre pays comme la
(WWF). Certaines sont reconnues pour leur action radicale, justifiant Namibie.
la violence de leurs procédés par la nécessité de se faire entendre et de
défendre une situation d’urgence.

Les scénarios du GIEC


En 2014 a été publié le cinquième rapport du GIEC (le premier ayant été publié
en 1990). Il est constitué de trois volumes :
1. La mesure du changement climatique (réchauffement, élévation du niveau des
mers…), dont l’influence anthropique est clairement établie.
2. Vulnérabilité et risques liés au changement climatique, avec possibilités d’in-
tervention pour s’adapter au changement.
3. Urgence d’intervention : dispositions à respecter pour ne pas dépasser une
hausse de 2 °C en moyenne et pour limiter le « dérèglement » climatique.
Au total, ce sont 851 experts dont 35 Français qui ont contribué à l’élaboration de
ce cinquième rapport, contre 97 pour le premier rapport (1990).

Les acteurs privés ne sont pas à négliger non plus : certaines grandes
multinationales n’hésitent pas à mettre en avant leur respect de l’envi-
ronnement, à la fois comme argument publicitaire, mais aussi comme
preuve d’une certaine moralité.

185

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Géographie de l’environnement

Enfin, les populations ne sont pas à oublier. Les lanceurs d’alerte


parviennent, grâce aux médias et aux réseaux sociaux, à diffuser large-
ment un message. L’interdiction du chalutage en eau profonde (capture
de poissons à plus de 800 mètres) décidée en juin 2016 par les institutions
www.penelope-jolicoeur. européennes doit beaucoup à la bande dessinée de Pénélope Bagieu ,
com/2013/11/prends-cinq-
minutes-et-signe-copain-.html
massivement diffusée en ligne et qui a permis de soutenir une pétition
de l’ONG Bloom.

4. Formes et limites
d’une gouvernance internationale
En l’absence d’un gouvernement mondial, la gouvernance de l’envi-
ronnement global se heurte à la complexité des systèmes d’acteurs, aux
rapports de forces asymétriques ou encore aux obstacles juridiques et
administratifs.
Les réticences des uns et les contestations des autres freinent l’ef-
ficacité de la réponse globale aux changements environnementaux.
L’Arabie saoudite, pendant la COP21, a par exemple refusé que l’extrac-
tion d’hydrocarbures soit mentionnée comme participant aux émissions
de gaz à effet de serre. Signataires du Protocole de Kyoto, les États-
Unis ne l’ont cependant pas ratifié, ce qui les dédouane des exigences
de limitations des GES. Ils craignent effectivement que le respect des
engagements de ce Protocole ne conduise à affaiblir leur économie, dans
un contexte de crise.
Leur voisin nord-américain, le Canada a quant à lui décidé d’exploiter
les hydrocarbures non conventionnels, comme les sables bitumineux,
dont on récupère du pétrole dans le bassin de la rivière Athabasca en
Alberta. Cette activité, appelée à faire du Canada l’un des principaux
producteurs mondiaux de gaz et de pétrole (40 % de la production est
exportée vers les États-Unis), représente un réel moteur économique
pour la province de l’Alberta : ses grandes villes Calgary et Edmonton ont
ainsi connu des taux de croissance annuelle de plus de 10 % entre 2001
et 2006. Le coût environnemental de l’exploitation des hydrocarbures
 Voir Chapitre 1. non conventionnels demeure cependant élevé, et empêche désormais
le Canada d’honorer les engagements du Protocole de Kyoto.
La visibilité médiatique de ces négociations internationales demeure
également très inégale et sporadique, collant à l’actualité des conférences

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

et aux calendriers politiques nationaux. Les conférences ne revêtent pas la


même portée en fonction du contexte. Il est particulièrement révélateur
de noter que la COP21, accueillie à Paris en 2015, a fait l’objet d’une vaste
campagne médiatique alors que la COP22 au Maroc en 2016 n’a été qu’à
peine évoquée dans les médias français. La visibilité des acteurs et des
initiatives n’est donc pas la même, et contribue à affaiblir la cohésion
d’ensemble de cette gouvernance de l’environnement global.

III. Du global au local : territorialiser


les politiques environnementales
L’articulation entre les prises de décision à l’échelle globale et leur décli-
naison locale pose problème. Rendre opérationnelles les politiques
environnementales, c’est définir la « bonne échelle d’action » : comment
assurer localement les nécessaires transferts de responsabilités et de
moyens ?

1. Des politiques « top-down »


La procédure de déploiement des politiques environnementales décidées
à l’échelle internationale est caractérisée par une structure hiérarchique
verticale appelée « top-down », dans la mesure où l’impulsion vient du
haut pour se communiquer ensuite progressivement aux échelons les plus
bas. Un tel fonctionnement se rapproche de l’injonction, ce qui risque
d’être normatif et inadapté aux contextes locaux.
En ce sens, les politiques environnementales peinent à être réellement
appropriées par les communautés locales. Par exemple, la délimitation
des parcs naturels, qui répond souvent à une injonction de protection
de la biodiversité à l’échelle internationale, a des conséquences parfois
néfastes sur les populations locales. Celles-ci sont parfois expulsées de
leurs terres devenues territoire protégé par des institutions extérieures.
En Ouganda, par exemple, les Twa ont été déplacés hors de leurs forêts au
début des années 1990 lorsque celles-ci sont devenues Parc national de la
forêt impénétrable de Bwindi et Parc national des gorilles de Mgahinga,
gérés par des institutions comme la Banque mondiale et l’UNESCO.

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Géographie de l’environnement

Désormais, les Twa sont installés aux limites de leur ancien territoire,
dans d’insalubres camps de fortune.

2. Territorialiser les politiques environnementales


en redonnant du pouvoir au local
Pouvoir appliquer à l’échelle locale les décisions prises lors des confé-
rences internationales nécessite d’effectuer des arbitrages entre acteurs à
l’échelle des territoires. Les opérations de concertation entre acteurs sont
désormais répandues pour limiter l’effet d’injonction qui peut cristalliser
des conflits.
En baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), le projet d’installation d’une
soixantaine d’éoliennes d’ici 2020 se heurte par exemple à l’opposition
des pêcheurs de coquilles Saint-Jacques, des habitants mais aussi des
acteurs de l’activité touristique dans les stations balnéaires de la baie
(St-Quay-Portrieux, Val-André, Erquy…). Une enquête publique a donc
été organisée à la fin de l’été 2016 pour tenter de concerter les différents
acteurs du territoire de la baie de Saint-Brieuc et pour permettre aux
différents acteurs locaux de faire entendre leur voix.
Redonner du pouvoir au local peut aider à territorialiser les politiques
environnementales, c’est-à-dire à faire en sorte que les communautés
locales puissent se les approprier pour leur donner du sens, et non
seulement les subir. L’inverse d’une politique « top-down » s’appelle
« bottom-up ». Cela signifie que l’impulsion provient du bas de la
hiérarchie, et remonte progressivement vers le haut, qui peut ensuite en
assurer l’application. Ce système participatif est souvent perçu comme
plus adapté aux communautés locales, dans la mesure où elles sont en
charge de l’initiative de décision : elles ne reçoivent plus de directives
externes, mais sont responsables de leurs propres choix.
Ce mode de gestion recentré sur les communautés locales est de plus
en plus mis en exergue par les politiques environnementales internatio-
nales, mais demeure encore embryonnaire. Si on peut y voir une volonté
démocratique d’impliquer les populations ou de respecter les savoir-faire
locaux, on peut à l’inverse pointer le transfert de coûts et de responsa-
bilité, y compris morale, vers les populations, souvent dominées, ce qui
exonère les dominants (États, industriels, groupes) de leur responsabilité.

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

La démarche bottom-up nécessite souvent un très solide encadre-


ment, y compris financier, pour accompagner l’émergence des décisions
locales. Les ONG sont souvent les interlocuteurs privilégiés des commu-
nautés locales pour les aider à s’approprier les dispositifs de décision qui
commencent à être mis en œuvre.
On observe désormais une très grande quantité d’initiatives locales.
Les démarches participatives se multiplient dans le domaine de la protec-
tion de zones biologiques remarquables, de la réduction des risques, de la
promotion d’une transition écologique ou de la mise en œuvre du déve-
loppement durable. Toutefois, la majeure partie des actions proviennent
des échelons internationaux et nationaux, qui sont aussi pourvoyeurs des
financements nécessaires.

3. Où est le local ?
La grande question dans l’application locale des politiques environne-
mentales internationales est précisément celle de ce niveau local qui
reste encore bien difficile à définir précisément. L’Agenda 21, mis en
œuvre dès la conférence de Rio en 1992, définit par exemple les princi-
paux objectifs à remplir en termes de développement durable pour le  Voir Chapitre 7.
xxie siècle. Les 14 chapitres de sa deuxième section sont consacrés à la
protection et à la gestion de l’environnement comme éléments essen-
tiels du développement, concernant la « protection de l’atmosphère »,
la « gestion des écosystèmes fragiles », ou encore la « préservation de la
diversité écologique ». Le texte de base invite explicitement les collecti-
vités locales à adapter à leur niveau la démarche de l’Agenda 21, à partir
d’un programme élaboré collectivement. On observe ainsi, en France ou
ailleurs, la création d’agendas 21 intégrés aux politiques d’aménagement
du territoire.
Par exemple, la mise en place de l’intercommunalité (association de
plusieurs communes dans l’optique, entre autres, de mutualiser leurs
services) s’accompagne d’un « agenda 21 » qui permet de valoriser la
prise en compte de l’environnement dans la gestion de l’eau ou le traite-
ment des déchets. On trouve même des approches plus locales, comme la
réalisation d’agendas 21 à l’échelle d’une classe pour initier les élèves aux
débats et aux projets environnementaux. Cette éducation est nécessaire
si on veut pleinement valoriser l’efficacité de la concertation locale et

189

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Géographie de l’environnement

l’émergence de décisions « bottom-up » : les politiques environnementales


insistent aussi sur l’individu.
L’idée que la réduction du changement global commence par l’effort
Le saviez-vous ?
personnel est très largement véhiculée par les grandes étapes médiatisées
Dans les de la prise de conscience mondiale des enjeux environnementaux (trou
années 1970 a été mis de la couche d’ozone, réduction de la biodiversité, déforestation, gaz à
en place le principe effet de serre…). Les préoccupations environnementales sont entrées
« pollueur-payeur »,
qui veut que tout
dans le quotidien des habitants des pays développés. Les calculs des
responsable d’une dépenses carbone individuelles, que ce soit à l’année ou à la journée,
activité polluante sont par exemple proposés sous forme d’applications téléphoniques,
prenne en compte dans mais sont aussi mentionnés lors de l’achat de billets de transport. Le
ses coûts de production
le prix de la prévention coût énergétique des logements est clairement indiqué et entre dans
et de la lutte contre les négociations immobilières. Les ménages sont invités à recycler leurs
la pollution. déchets et bénéficient de crédits d’impôt pour rendre leur logement
plus écologique.

Taxe carbone et marchés du carbone


Cette conception d’une dette environnementale des sociétés se chiffre aussi en
argent : c’est le principe de la taxe carbone, qui vise à concrétiser par une sanction
financière l’émission des GES et, notamment, le CO2. Fixée autour d’une trentaine
d’euros la tonne en France, cette taxe est mise en place dans de nombreux pays
Le Grenelle de européens. Prévue à la suite du Grenelle de l’Environnement, puis momenta-
l’Environnement (octobre nément abandonnée, la taxe carbone a finalement été adoptée en 2013.
2007) est une rencontre
associant acteurs politiques, Les exonérations sont encore nombreuses, notamment dans l’industrie des trans-
ONG et entreprises. Il avait ports. Malgré tout, la création d’une fiscalité du carbone rend ce GES beaucoup
pour objectif de renforcer
plus concret : il a désormais un coût, et peut même animer des « marchés du
l’action environnementale
du gouvernement français carbone ». Les émetteurs ayant dépassé un quota imposé se voient dans l’obli-
autour de la préservation gation de payer la différence dont ils sont débiteurs. Inversement, les émetteurs
de la biodiversité, de la ayant réussi à produire moins que leur quota sont créditeurs et peuvent vendre
réduction de la pollution et
leur quota résiduel.
du développement durable.
Le marché du carbone anime ainsi des réseaux d’échanges complexes, qui
dessinent une géographie environnementale fondée sur la monétarisation du
CO2 comme mode de calcul du coût environnemental.

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

Conclusion
L’environnement imprègne désormais tous les espaces, du local au global.
Il est devenu un élément essentiel de l’aménagement et du développe-
ment des territoires. Si les grandes décisions collectives ne sont pas à
ignorer, il faut insister sur le fait que leur efficacité dépend avant tout de
leur application aux échelles nationales et infra-nationales.
La gouvernance de l’environnement global apparaît particulièrement
complexe, compte tenu des acteurs et enjeux multiples qui sont réunis. Le
vernis du consensus masque de réels enjeux géopolitiques et des conflits
qui expriment des rapports de force à toutes les échelles : entre pays déve-
loppés et pays en développement, mais aussi entre usagers d’un même
territoire. La valorisation de l’échelle locale et des pratiques individuelles
apparaît aujourd’hui comme une solution encouragée et valorisée pour
permettre aux communautés de s’approprier les directives données par
les politiques environnementales internationales. Cependant, elle est
loin d’aller de soi.

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n La mise à l’agenda international des questions environnementales correspond à
une progressive prise de conscience que la planète possède des ressources
limitées qu’il faut pouvoir préserver pour assurer la survie et le bien-être de tous.
n L’idée d’une crise environnementale globale a amené l’émergence d’un débat sur
la notion d’Anthropocène, nom que certains scientifiques, intellectuels et journa-
listes veulent donner à la période géologique actuelle marquée par l’anthropisation
complète de la planète.
n La gestion de la crise globale nécessite une réponse internationale, qui se
fait dans le cadre privilégié de l’ONU et se matérialise par des sommets et des
conférences qui signent des accords. D’autres acteurs ne sont pas à négliger
(communauté scientifique, médias, ONG, population…).
n L’apparent consensus mondial sur les questions environnementales ne doit pas
occulter les enjeux géopolitiques qui traversent les négociations : le droit au
développement et les regroupements de pays traduisent l’asymétrie des rapports
de force qui marque les grandes réunions.
n Le passage du global au local soulève de nombreuses questions d’adaptation et
de transferts de compétences pour que les communautés puissent s’approprier
les différentes politiques.
NOTIONS CLÉS
n Global et local
n Sommet
POUR ALLER PLUS LOIN
de la Terre
n Conférence Aykut S., Dahan A., 2015, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations inter-
des Parties nationales, Paris, Presses de Sciences Po.
n Environnement Bonneuil C., Fressoz J.-B., 2013, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’his-
global toire et nous, Paris, Le Seuil.
n Gouvernance Sur l’Anthropocène :
mondiale Cycle de conférences au Collège de France à l’automne 2015 (vidéos disponibles
n Démarches top- en ligne : www.fondationecolo.org/l-anthropocene/video)
down et bottom-up Texte de l’Accord de Paris sur le climat : http://unfccc.int/resource/docs/2015/
n Territorialisation cop21/fre/l09r01f.pdf
des politiques Aux échelles régionales: consulter les agendas 21 français (www.agenda21france.
environnementales
org/)

192

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ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
Définissez puis utilisez les mots suivants pour compléter le texte :
GES – pays développés – pays en développement – atténuation – carbone –
COP21– développement durable – Copenhague – adaptation

L’accord international devait d’abord traiter, de façon équilibrée, de … – c’est-à-dire des efforts de baisse
des émissions de … – et de l’… des sociétés aux dérèglements climatiques déjà existants.
L’objectif de la … était de bâtir une « alliance de Paris pour le climat », qui permette de contenir l’élévation
de la température moyenne de la planète en dessous de 2 °C d’ici 2100 et d’adapter nos sociétés aux
dérèglements existants. […]
Autre objectif essentiel visé à Paris : la mobilisation de 100 milliards de dollars par an par les …, de source
publique et privée, à partir de 2020. Cet engagement, formulé lors de la conférence sur le climat de … en
2009, devait permettre aux … de lutter contre le dérèglement climatique tout en favorisant un … et juste.
Une partie de ces financements transitera par le Fonds vert pour le climat, dont la première capitalisation a
atteint 10,2 milliards de dollars, dont près d’un milliard abondé par la France. Plus largement, la Conférence
de Paris a permis d’adresser aux acteurs économiques et financiers les signaux nécessaires à la réorientation
de leurs investissements, afin d’engager la transition vers des économies bas …
Source : « Accord de Paris, agenda des solutions : ce qu’il faut retenir de la COP21 », ministère de l’Environnement, de
l’Énergie et de la Mer, novembre 2015. www.developpement-durable.gouv.fr/Accord-de-Paris-Agenda-des.html

Questions sur document


1. Identifiez à qui s’adresse
ce document.
2. Expliquez le message
qu’il veut faire passer.
3. Que révèle ce document
sur la gouvernance
mondiale de
l’environnement ?

Source : Flyer produit à l’occasion de l’Année internationale des petits États insulaires en  Voir Méthode p. 247.
développement par l’ONU en 2014.(www.un.org/fr/events/islands2014/img/getinvolved/card_5.jpg).

193

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Géographie de l’environnement

La réduction des émissions de CO2, un enjeu global


ÉTUDE DE CAS

Doc. 1 Températures globales et CO2


depuis les années 1880

400

14,8
380

360
14,5

Concentration de CO2 (en ppm)


Température globale en °C

340

14,2
320

Concentration de CO2 (en ppm) 300


13,9

280

260
1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000

Source : NOAA
(National Oceanic and Atmospheric Administration).

Doc. 2 Extraits de l’Accord de Paris (COP21)


« Article 2
1. Le présent Accord […] vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des chan-
gements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre
la pauvreté, notamment en :
a. Contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous
de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour
limiter l’élévation des températures à 1,5 °C […].
b. Renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements clima-
tiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible
émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production
alimentaire.

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

Article 4

ÉTUDE DE CAS
1. En vue d’atteindre l’objectif de température à long terme énoncé à l’article 2, les
parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de
serre dans les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage
de temps pour les pays en développement parties, et à opérer des réductions rapide-
ment […] sur la base de l’équité, et dans le contexte du développement durable et de
la lutte contre la pauvreté […].
2. Les pays développés parties continuent de montrer la voie en assumant des objectifs
de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l’économie. […]
Article 9
1. La fourniture de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre
entre l’adaptation et l’atténuation, en tenant compte des stratégies impulsées par
les pays et des priorités et besoins des pays en développement parties, notamment
de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements
climatiques et dont les capacités sont très insuffisantes comme les pays les moins
avancés, et les Petits États insulaires en développement, eu égard à la nécessité de
prévoir des ressources d’origine publique et sous forme de dons pour l’adaptation. »

Doc. 3 Les objectifs du Protocole de Kyoto pour 2012


ISLANDE
+ 10 %
RUSSIE
CANADA 0%
6%

ÉTATS-UNIS
7% objectif global
Europe des 15
8%
(Nouveaux
membres de l’UE
8 %,
sauf Malte
et Chypre
dispensés)

AUSTRALIE
+8%

NOUVELLE-
ZÉLANDE
0%

« Parties annexe 1 » de la convention Pays récemment admis au sein des Parties annexe 1
pour lesquelles l’objectif 2012 dont l’objectif n’a pas été défini
d’émission de gaz à effet de serre est : Pays industrialisés n’ayant pas ratifié
atteint le Protocole de Kyoto
n’est pas atteint Autre pays n’ayant pas ratifié le Protocole de Kyoto
pays déchargé d’objectif CANADA Pays s’étant retiré du Protocole de Kyoto

Source : CNUCC.

195

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Géographie de l’environnement

Présentation des documents


Doc. 1 Diagramme de l’évolution des températures globales (en degrés
ÉTUDE DE CAS

 La conversion Fahrenheit) en bâtons et courbe de la concentration atmosphérique en CO2.


degrés Fahrenheit/
■ Doc. 2 Extrait de l’Accord de Paris, proposant des objectifs d’actions interna-
Celsius est :
T °F = 1,8T°C + 32 tionales sur la réduction des températures et des GES dans un souci d’équité.
T °C = (T°F – 32)/1,8. ■ Doc. 3 Carte extraite d’un article paru en décembre 2009 dans Le Monde

diplomatique, lors de la COP15 représentant l’engagement de réduction


de gaz à effet de serre pour 2012 pris dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Localisation
Enjeu environnemental mondial : la réduction des gaz à effet de serre (ou
« atténuation ») pour limiter le réchauffement global. Le Protocole de Kyoto
en a fait son objectif depuis les années 1990 et la 21e Conférence des Parties
réunie à Paris en 2015 en a répété l’urgence.

Objectifs de l’étude de cas


Ces documents permettent de comprendre :
En analyse
de diagramme, – la relation entre l’augmentation de la concentration de CO2 et l’augmen-
on regarde tation des températures terrestres (doc. 1) ;
en priorité : – la prise de conscience de ce changement global nécessitant la participa-
la distribution
des données, tion, régulièrement révisée, de tous les pays (doc. 1, 2 et 3) ;
l’allure générale – les déséquilibres entre parties (doc. 2 et 3). Plus précisément, le doc. 2
(croissante, pose directement la question de l’adaptation.
décroissante,
constante).
On repère les pics Commentaire
et les creux,
on les relève Il s’agit de réfléchir sur l’action globale en matière d’environnement, sur
et on en donne ses objectifs et ses moyens d’action, et sur les problèmes de déséquilibre
la valeur sans et d’asymétrie que peut poser la gestion concertée de la réduction du CO2.
oublier les unités.
On les interprète. I. Objectifs et moyens d’action de la gestion globale de l’environnement
¡ Le doc. 1 témoigne de l’élévation des températures depuis l’industrialisa-
tion : la distribution des bâtons montre un gain de + 0,9 °C, accéléré depuis
 Cela signifie que 1960-1970. Les bâtons sont répartis autour de la ligne représentant la tempé-
pour un volume rature moyenne avant l’industrialisation. On repère ainsi d’autant mieux
atmosphérique d’un les années « chaudes » des années « froides », lesquelles ont cessé à partir
million de m3,
on trouvera des années 1980. La courbe de concentration du CO2 est croissante depuis
100 m3 de CO2. les débuts de l’industrialisation : + 100 ppm entre 1880 et 2010. L’origine

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6 Répondre aux changements environnementaux : débats et enjeux

anthropique de cette augmentation est vraisemblable, puisque la croissance


de la courbe est aisément corrélée à l’anthropisation globale de la planète.

ÉTUDE DE CAS
¡ C’est sur cette émission croissante de CO2 que les objectifs planétaires de
gestion de l’environnement se focalisent (atténuation). Si le CO2 est indis-
pensable à la vie (photosynthèse) et au fonctionnement de l’effet de serre,
il faut limiter son augmentation préoccupante.
¡ Les mauvais résultats du Protocole de Kyoto (doc. 2) amènent à repenser
l’action collective globale. Les Accords de Paris en 2015 cherchent à plani-
fier l’action, sans précision quantitative. En revanche, le propos insiste sur
la nécessité de s’adapter, dans une optique de résilience : l’objectif est de
chercher des voies de développement dans un contexte de changements
inéluctables. On n’est donc plus dans l’empêchement, mais au contraire dans
l’accompagnement du changement dont il faut limiter la portée. Apparaît
l’idée d’une trajectoire de développement cohérente avec la situation
socio-économique des parties : pays développés et pays en développement
sont séparés dans leurs objectifs.
II. Concilier les échelles de décision et les disparités de développement
¡ Le doc. 3 traduit l’inégale réussite des engagements pris dans le cadre
du Protocole de Kyoto pour l’année 2012. L’Allemagne s’était par exemple
engagée à réduire ses émissions de 21 %. D’autres pays étaient autorisés à
les augmenter : +15 % pour l’Espagne. Quelques rares pays sont parvenus à
honorer leurs prévisions d’émissions de GES.
¡ Le doc. 3 illustre l’effort porté par les pays les plus riches, dédouanant
momentanément les pays en développement. Si la responsabilité environ-
nementale des pays développés induit toujours une nette césure envers les
pays en développement, clairement sensible dans la plupart des articles de
l’Accord de Paris, la participation des pays plus pauvres est quand même
assurée (art. 9). Par ailleurs, la question de l’adaptation est posée en termes
plus précis pour les pays en développement exposés aux aléas climatiques
et en situation de risque élevé. La participation de tous est requise, avec,
en fond, des transferts financiers des plus riches vers les plus pauvres pour
assurer l’équité de l’effort environnemental.
¡ Le doc. 3 est à nuancer : la Chine n’est pas indiquée, alors qu’elle est  Elle est, en 2011,
désormais un acteur majeur des politiques environnementales globales. le premier émetteur
mondial de CO2
Le texte de l’Accord de Paris maintient ainsi l’asymétrie géopolitique déjà (9 millions de t),
remarquable dans le Protocole de Kyoto, et rend palpable cet aspect de la devant les États-
complexité de l’environnement dit « global » : comment équilibrer un effort Unis.
entre acteurs si hétérogènes ?

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p Dessin © Calvi. Dessin paru le site « 4D3 Encyclopédie du Développement Durable ».

Un constat, deux approches : face à l’épuisement de la Terre, les personnages de


cette caricature utilisent le même vocabulaire, celui du développement durable,
pour des orientations opposées. Le premier propose de restreindre la consommation
des ressources pour protéger l’environnement, tandis que le second veut continuer
à l’exploiter, considérant que c’est la mise en valeur qui résoudra techniquement
les problématiques environnementales. Éthiques bio-centrée et éco-centrée sont ici
représentées, avec des lectures antagonistes de ce qu’est le développement durable.

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CHAPITRE
Le développement
7 durable :
des discours
à l’opérationnel
PLAN DU CHAPITRE L’expression «développement durable» a été popularisée
I. Le développement durable, en 1987 par le rapport intitulé « Notre avenir à tous », rédigé par la
une approche novatrice ? Premier ministre de Norvège, Madame Gro Harlem Brundtland.
II. Le développement durable, Elle connaît une diffusion majeure à l’échelle internationale, à
entre projet global et actions compter du Sommet de la Terre de Rio en 1992, et participe à un
locales
consensus mondial de façade sur les questions environnementales
III. La durabilité en questions
évoquées au chapitre 6. Le développement durable y est défini
ÉTUDE DE CAS comme ayant pour objectif de « répondre aux besoins du présent
Les écoquartiers, sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de
l’exemple de Dunkerque satisfaire les leurs ».
Le terme de développement durable entend concilier trois
objectifs : la croissance économique, le développement social et la
préservation de l’environnement. D’un point de vue théorique, le
développement durable est censé tenir ensemble, à égalité, ces trois
objectifs. Graphiquement, le développement durable est souvent
représenté comme l’intersection de trois sphères symbolisent les
enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Dans quelle mesure aborder le développement durable suivant
une approche géographique peut-il aider à en comprendre les
enjeux et les limites théoriques et opérationnels ? En quoi cette
notion, élaborée à l’échelle internationale afin de proposer une
perspective de résolution aux grands problèmes globaux, nous
oblige-t-elle à nous interroger sur la place des territoires ?

199

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Géographie de l’environnement

I. Le développement durable,
une approche novatrice ?
Le développement durable a pour objectif de « répondre aux besoins du
présent sans compromettre la possibilité par les générations à venir de
satisfaire les leurs ». Au-delà de cette formule bien connue, la notion de
développement durable appelle plusieurs commentaires.

1. Une double solidarité


Tout d’abord, le développement durable implique une double solidarité,
« verticale » entre les générations (il s’agit donc de penser la solidarité dans
le temps), et « horizontale » à l’égard des plus démunis du moment (ce qui
confère au développement durable une dimension géographique). Il faut
noter que le terme de « durable » est la traduction en français du terme
sustainable. Or, cette traduction insiste sur la dimension temporelle de
la démarche, alors que l’expression anglaise initiale faisait davantage
L’adjectif « soutenable » référence à la construction de projets soutenables, tant dans le temps
évoque plus précisément que dans l’espace.
le souci de ne pas épuiser
une ressource limitée. Cette ambiguïté dans la langue française a conduit à la qualification
de nombreuses initiatives comme étant « durables » du seul fait de leur
durée, ce qui peut poser question. En effet, la durée d’un projet ne préjuge
en rien de sa pertinence ; par ailleurs, la durabilité d’un projet tient à la
capacité d’adaptation permanente des acteurs qui le portent, et non à la
fixation une fois pour toutes d’un objectif donné.

2. Une notion systémique


pour penser la complexité du monde
Le développement durable permet d’aborder un grand nombre de
 Voir Chapitre 2. thématiques suivant une approche systémique et transversale, comme
le rappelle le schéma ci-dessous, largement diffusé tant dans les sphères
scolaires que dans les discours opérationnels. En pensant ensemble
les sphères économique, sociale et environnementale, les acteurs sont
amenés à prendre en compte les articulations, voire les interactions, entre
ces différentes composantes.

200

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

Fig. 7.1 Le développement durable,


au croisement de trois considérations

ENVIRONNEMENT

vivable viable

durable

SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
équitable

Sources : ONU, 2006 ; Académie des sciences, 2006.

Par exemple, penser l’évolution climatique au prisme du déve-  Voir Chapitre 2.


loppement durable suppose de réfléchir à la fois à l’évolution de la
production industrielle pour limiter la dégradation de l’atmosphère, mais
aussi aux conséquences sociales de ces évolutions : quel avenir pour les
populations des pays en développement, dont la croissance repose en
partie aujourd’hui sur un modèle polluant ? De même, penser l’agri-
culture suivant une problématique de durabilité invite à réfléchir aux
implications environnementales (pollution, ou à l’inverse, soutien à la
biodiversité), économiques (rentabilité des exploitations) et sociales
(niveau de vie des populations agricoles, liens sociaux plus ou moins Le saviez-vous ?
forts entre producteurs et consommateurs). Plus d’1,5 million de
personnes ont été
Ce type d’articulation, même simpliste, peut aider à saisir la complexité déplacées lors de la
construction du barrage
des enjeux de chaque question, au risque de faire apparaître parfois des
des Trois-Gorges sur
paradoxes : il est, par exemple, des formes d’énergies renouvelables qui ne le fleuve Yang Tsé en
sont guère durables par ce qu’elles induisent socialement : déplacement Chine (mis en service
des populations dans le cas des grands barrages, ou encore renchérisse- en 2009 après 15 ans
de travaux).
ment du prix des céréales dans les pays qui ont fait le choix de développer
les bio-éthanols (Mexique ou Brésil, par exemple).

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Géographie de l’environnement

3. Vers une nouvelle gouvernance ?


À l’objectif d’équilibre entre dimensions économique, sociale et envi-
ronnementale s’ajoute une seconde ambition, celle de la gouvernance.
L’élaboration du développement durable comme objectif s’est accom-
pagnée d’une réflexion sur les modalités de participation des acteurs.
L’information des acteurs, leur participation, et la mise en place de
processus de concertation sont désormais présentées comme indispen-
sables pour pouvoir parler de développement durable.

II. Le développement durable,


entre projet global et actions locales
1. La construction globale d’un horizon commun
 Voir Chapitre 4. À l’instar de la biodiversité, le développement durable compte parmi
les notions qui ont connu une diffusion majeure dans les trois dernières
décennies à l’échelle internationale. L’adoption de l’Agenda 21 lors du
Sommet de la Terre à Rio en 1992, qui recense 2 500 recommandations
pour le xxie siècle, est l’un des premiers jalons de cette diffusion. La
plupart des accords internationaux sur le climat (Protocole de Kyoto en
1997 par exemple) ou sur la biodiversité s’inscrivent en outre clairement
dans cette logique. L’article 2 du Protocole de Kyoto débute, par exemple,
ainsi : « Chacune des Parties, […] pour s’acquitter de ses engagements
chiffrés en matière de limitation et de réduction […], de façon à promou-
voir le développement durable, applique […] ».
Au-delà des textes centrés sur l’environnement, plusieurs accords
économiques et politiques internationaux ont cette ambition : les traités
d’Amsterdam (1997) et de Lisbonne (2007) évoquent par exemple
explicitement le développement durable comme objectif de l’Union
européenne.
C’est donc d’abord et avant tout sur la scène internationale, par le
biais de grands accords internationaux, que le terme de développement
durable a été défini et s’est progressivement imposé comme un objectif
décliné par la suite à diverses échelles et partout dans le monde.

202

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

2. Une injonction à « penser global


mais agir local »
Si la formule « Think Global, Act Local » est bien antérieure à celle de
développement durable – on en attribue la paternité à Patrick Geddes,  Patrick Geddes est
un penseur écossais
au début du xxe siècle –, elle y a été largement associée. L’échelle locale
(1854-1932), tout à la fois
apparaît en effet centrale dans la concrétisation des politiques de déve- biologiste, sociologue et
loppement durable, et ce pour plusieurs raisons. urbaniste, qui s’intéressa
à l’articulation entre
– Fondamentalement, c’est l’échelle locale qui permet la plus grande urbanisme et écologie,
aux méthodes d’éducation
mobilisation des populations, qui peuvent au contraire se sentir peu ou encore aux causalités
concernées par de grands objectifs à l’échelle globale, en apparence à l’œuvre dans l’espace.
abstraits. Il est plus facile d’impliquer les acteurs dans la gestion de Son influence intellectuelle
fut grande.
leurs déchets quotidiens que dans des gestes destinés à « sauver la
planète » de manière très vague.
– En outre, l’exigence de bonne gouvernance peut paraître plus aisée
à mettre en place localement : concertation et participation se vivent
d’abord à l’échelle des territoires de vie et de leurs enjeux.
– Enfin, la complexité des liens établis entre enjeux sociaux, environne-
mentaux et économiques est telle qu’il semble bien difficile de la saisir
à une échelle globale : penser ensemble tous ces éléments ne semble
guère possible que sur des territoires restreints, dont les acteurs et les
enjeux sont bien connus.
Comme le rappelle Jacques Theys [2002], c’est seulement à l’échelle
locale que les enjeux sociaux parviennent à être pris en compte de manière
effective. Aucun grand accord international en la matière n’existe, car
l’hétérogénéité des législations et des pratiques rend difficilement envi-
sageable un consensus sur ce point entre les acteurs internationaux.

3. Le développement durable,
au cœur de l’aménagement opérationnel local?
Conséquence de cette reconnaissance, le développement durable est
désormais largement intégré aux documents opérationnels d’aména-
gement. C’est ainsi qu’en France les plans locaux d’urbanisme (PLU)
et les schémas de cohérence territoriale (SCoT), mis en place par la loi
« Solidarité et renouvellement urbain » en 2000, comportent désormais

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Géographie de l’environnement

de manière impérative un projet d’aménagement et de développement


durable (PADD). C’est un document politique qui expose les orientations
prises pour les années à venir, et oblige donc à réfléchir à l’échelle locale
 Voir Chapitre 3. à ces articulations nouvelles.
Ce document accompagne le rapport de diagnostic de la situation
existante et le règlement qui découle des orientations choisies dans le
cadre du PADD. Tous les secteurs mobilisent désormais la notion dans
leurs documents opérationnels, et ce un peu partout dans le monde :
on peut ainsi citer le cas espagnol où existent tout à la fois des Planes
de Desarrollo Sostenible (« plan de développement durable ») pour les
espaces protégés et des Planes de Sostenibilidad (« plan de durabilité »)
pour les infrastructures.
Le développement de projets opérationnels peut également se
faire suivant des modalités contractuelles : les agendas 21 locaux, qui
constituent des documents établis à l’échelle (inter)communale, dépar-
tementale, par « pays », ou régionale par des acteurs volontaires, se sont
ainsi multipliés en France depuis une quinzaine d’années.
En 2013, l’administration française ne recensait pas moins de
1 017 collectivités engagées dans ce type de démarches, soit au total près
de 8 600 communes, et près de 50 % de la population (en excluant les
initiatives régionales et départementales, qui aboutiraient à considérer
que la quasi-totalité de la population est concernée par ces démarches).
Le développement durable est aussi intégré dans les politiques secto-
rielles, et plus encore dans nombre de projets d’aménagement locaux,
y compris autour d’une thématique précise. Le développement durable
est ainsi explicitement posé comme objectif des chartes forestières de
territoire (CFT), document d’orientation créé en amont de la loi fores-
tière de 2001. Chaque charte repose sur l’initiative des acteurs locaux de
la forêt (propriétaires, élus, parcs éventuels, etc.), et doit permettre de
définir une gestion durable locale des territoires forestiers considérés.
Nombre de secteurs connaissent une évolution similaire.

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

III. La durabilité en questions


1. Sous un vocable commun, des objectifs,
des méthodes et des mesures divergents
■ Des objectifs centraux divergents
Comme le rappelle la caricature en introduction, le développement
durable désigne sous une même expression des orientations longtemps
restées fondamentalement divergentes. Pour certains, le développement
durable s’entend comme une légère inflexion d’objectifs qui restent
centrés sur la croissance économique. Pour d’autres, c’est une manière
d’orienter les discours et les actes prioritairement en faveur de l’environ-
nement. Enfin, d’autres encore le lisent comme une obligation nouvelle
d’intégrer les préoccupations sociales à la définition des objectifs écono-
miques et des politiques de protection de la nature.
L’usage du préfixe « éco » dans nombre de projets d’aménagement
maintient d’ailleurs souvent une certaine ambiguïté : citons par exemple
le cas de l’opération d’intérêt national (OIN) de la plaine du Var centrée
autour de la volonté de développer une « éco-vallée » qui peut tout autant
être comprise comme un axe économique que comme un territoire dédié
à l’environnement. De même, on peut opposer les partisans d’une dura-
bilité forte, qui interdit toute altération du capital naturel, et les tenants
d’une durabilité faible, qui repose sur l’idée d’une substitution entre le
capital créé et le capital naturel utilisé. Le capital naturel désigne
les ressources naturelles
Bref, le terme ne lève pas un certain nombre d’ambiguïtés, au risque mobilisées dans le
processus de production.
d’employer un même vocabulaire pour des objectifs en réalité distincts,
voire opposés.

■ Des méthodes multiples, voire contestées


La désignation concrète d’un objectif de durabilité ne résout en effet pas
toutes les difficultés. Comme l’explique C. Emelianoff (2007), il existe de
multiples manières de penser la ville durable, entre la ville autosuffisante,
la ville compacte, la ville payant ses rejets sous forme de droits à polluer,
ou encore la ville équitable du point de vue de ses prélèvements et rejets.
De ces approches découlent des actions concrètes différentes, voire anta-
gonistes, entre politiques de densification du bâti et volonté de maintenir

205

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Géographie de l’environnement

des terrains agricoles par exemple. Deux villes peuvent donc se dire
« durables » en proposant des mesures fondamentalement différentes.
Le renversement des regards sur les espaces périurbains en quelques
années exprime bien ces contradictions : présentés longtemps comme
la négation de la durabilité (du fait des coûts de transports, de la fragi-
lité économique des ménages et de la pollution induite), ils font l’objet
d’une récente requalification au nom de la même durabilité (présence
d’espaces verts nombreux, absence d’îlot de chaleur contrairement à la
ville-centre, appropriation progressive des lieux par les habitants sont
alors mis en avant).

■ Des indicateurs problématiques


Au-delà des objectifs se pose la question de l’évaluation et des indica-
teurs choisis pour mesurer, évaluer les politiques de durabilité. Plusieurs
problèmes se posent pour l’évaluation. Il s’agit en effet de mesurer à la
fois les évolutions de chaque « sphère » mais aussi leur articulation plus
ou moins réussie. Les premières tentatives de mesure du développement
durable en France et dans l’Union européenne se sont soldées par le
recours à un trop grand nombre d’indicateurs : en 2005, Eurostat, l’or-
ganisme en charge des statistiques à l’échelle de l’Union européenne, ne
propose pas moins de 155 indicateurs à son commanditaire. De même,
en France, la stratégie nationale de développement durable 2010-2013
contenait quatre indicateurs de contexte, 15 indicateurs « phare », et
jusqu’à 35 indicateurs de second niveau.
En outre, même en se limitant à ces indicateurs phares, les tentatives
de mesure sont rendues délicates par l’hétérogénéité des éléments sélec-
tionnés : les mesures recueillies portent à la fois sur les sorties précoces du
système scolaire, les émissions de gaz à effet de serre par secteur, l’espé-
rance de vie en bonne santé, l’indice d’abondance des oiseaux communs
ou encore l’aide publique au développement. Difficile dès lors de dégager
une vision claire de la durabilité de l’espace analysé.

2. Le développement durable comme paravent ?


L’expression « développement durable » peut être dévoyée de son
sens initial au profit d’un objectif qui n’intègre en réalité que peu des
autres préoccupations en théorie saisies par la notion. Le terme de

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

« greenwashing » désigne les politiques d’entreprises et de territoires qui


mettent en avant une durabilité en réalité assez contestable, parce que
faisant peu de cas des dimensions environnementales et sociales pour-
tant mises en avant vis-à-vis des consommateurs et des habitants. Les
politiques entreprises au nom de la durabilité se limitent alors à des
annonces non suivies d’effet.
De nombreuses critiques se sont élevées contre les discours sur le
« développement durable », entendus comme une forme de propagande
masquant difficilement le maintien d’un objectif très prioritairement
tourné vers la production matérielle. La caricature proposée en ouver-
ture du chapitre illustre l’assimilation par nombre d’acteurs militants
(écologiques et économiques) du développement durable à des discours
idéologiques discutables.
Une autre critique, moins radicale mais souvent portée aux discours
de durabilité, tient à la faiblesse des articulations établies entre les sphères
environnementale, sociale et économique. Nombre de documents,
notamment de documents d’urbanisme, se contentent de rassembler
des axes préexistants, souvent déséquilibrés les uns par rapport aux
autres, voire divergents, autour d’un objectif affiché de durabilité. Les
agendas 21 locaux présentent souvent ce type de difficulté, rassem-
blant bien souvent une série d’actions hétérogènes, non convergentes,
et souvent préalables à ce projet.
Même lorsque les acteurs cherchent réellement à établir une politique
transversale, la tradition d’analyse sectorielle l’emporte encore souvent.
C’est ainsi que nombre de PLU constituent davantage une juxtaposition
des diagnostics dressés par les différents services techniques en charge
de l’urbanisme, des transports, de l’environnement, etc., qu’une analyse
transversale et partagée.
De même, la cartographie des PADD se borne bien souvent à
juxtaposer des éléments jugés relevant de la sphère environnementale
(comme les espaces verts), des éléments associés à la dimension sociale du
territoire (par exemple, le parc de logements sociaux) et des éléments dits
« économiques » (industries, commerces), sans autre forme de réflexion
transversale. Une telle accumulation ne rend pas compte de la nécessaire
approche systémique et donc dynamique du développement durable,
lequel se comprend dans les interrelations qui associent ces différentes
sphères.

207

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 207 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

3. Les dysfonctionnements fréquents


du jeu d’acteurs
On a insisté sur le fait qu’une bonne gouvernance constitue un élément
fondamental dans les caractéristiques de durabilité. Pour autant, les
processus de participation des acteurs présentent aujourd’hui des diffi-
cultés non négligeables.
Certes, les traditions nationales diffèrent en la matière, et il est vrai
que les sociétés anglo-saxonnes sont davantage au fait des procédures
d’enquête publique et de participation des acteurs. Pour autant, des diffi-
cultés structurelles sont également présentes, et non négligeables : faible
implication des acteurs locaux, confiscation de la parole par quelques
groupes d’acteurs formés et aguerris aux discussions de ce type, faible
impact de la discussion sur la prise de décision finale, et déception des
personnes initialement mobilisées. Ainsi donc, l’exigence de renouvel-
lement de la gouvernance posée comme nécessaire pour parvenir à un
développement durable semble souvent compromise par le dysfonction-
nement des processus participatifs.
Certains auteurs considèrent ces difficultés comme temporaires et
liées à un temps d’apprentissage nécessaire des acteurs, d’autres les
jugeant pérennes et difficiles à faire disparaître.

4. Une absence de réponse géographique


aux enjeux du développement durable
Si l’articulation entre global et local du développement durable n’est pas
souvent discutée, elle apparaît pourtant très problématique. Le principe du
« penser global, agir local » ne donne en effet guère de détails sur la nature
de l’articulation entre ces deux échelles de référence, et leur compatibi-
lité avec la réalité des territoires. On pourrait penser de manière simple
 C’est-à-dire dans que cette articulation fonctionne suivant un principe homothétique : une
laquelle une même
figure, multipliée à l’infini,
action, menée à l’échelle locale de manière identique, contribuerait alors
contribue à l’élaboration de à un grand objectif commun : en réduisant les émissions de gaz à effet de
la même figure dans des serre dans telle commune, on contribuerait à leur diminution globale.
proportions supérieures.
À titre d’illustration, un
Pourtant, la réalité apparaît bien plus complexe, et se plie difficilement à
chou romanesco peut être cette vision fractale du monde. Il y a plusieurs raisons à cela.
décomposé à l’infini en une
série de figures identiques Tout d’abord, il est des situations où l’intérêt local et l’intérêt global
d’échelles variables. sont clairement divergents. Le cas des forêts est à cet égard exemplaire :

208

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

en certaines régions de France où les taux de boisement avoisinent les


70 %, la plantation de superficies supplémentaires en bois ne saurait
relever d’une politique de développement durable. Dans certaines zones
de l’arrière-pays provençal, trouver un usage à ces vastes superficies
boisées de faible qualité nées de la déprise rurale et de faible qualité
est déjà une gageure ; il n’y a guère de sens à ajouter des forêts supplé-
mentaires à ces paysages déjà en cours de fermeture. Mais, à l’échelle Le saviez-vous ?
mondiale, la déforestation est une réalité contre laquelle toute politique Développées au
siècle, les politiques
XIXe
de développement durable entend s’élever. Comment articuler, dans ces hygiénistes entendaient
conditions, ces conceptions de la forêt durable, tout aussi justes, mais promouvoir l’hygiène
divergentes entre échelle mondiale et locale ? publique par des
dispositions médicales,
De la même manière, l’inadaptation des principes de la charte d’Aal- architecturales,
borg à certaines situations locales révèle des intérêts divergents. Ainsi, la sociales, etc.

sortie des politiques hygiénistes héritées du xixe siècle, compréhensible


dans l’environnement européen, au nom d’objectifs de restauration
écologique et de renforcement du lien entre habitants et milieux, mérite
a minima des adaptations. Dans des contextes tropicaux, la réappari-
tion de l’eau à ciel ouvert en ville peut induire un risque sanitaire élevé
avec la recrudescence probable de moustiques. Dans des agglomérations
marquées par une forte mobilité des populations, et une connaissance
inversement proportionnelle des risques liées localement à l’eau, ces
approches posent également question.
Définitions

❯ Déprise rurale : diminution des hommes et des activités en zone rurale.


Elle se traduit visuellement par l’enfrichement des anciennes terres agricoles.
❯ Restauration écologique : fait de favoriser la reconstitution d’écosystèmes
dégradés, notamment par la destruction d’aménagements qui avaient contribué
à leur artificialisation. Des réseaux d’eau urbains sont ainsi ramenés à la surface
après avoir été masqués dans les réseaux d’égouts.

En outre, l’injonction qui est faite aux acteurs locaux de mener à bien
localement une politique dont les « grands objectifs » ont été pensés à
l’échelle globale est parfois mal vécue, et source d’une absence d’impli-
cation, voire d’oppositions locales fortes. L’exemple des politiques de
la nature, qui opposent un intérêt d’échelle supérieure, nationale, voire
internationale, à des usages locaux, est aussi révélateur des limites du  Voir Chapitre 4.
« penser global, agir local ».

209

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Géographie de l’environnement

FOCUS La charte d’Aalborg


La charte d’Aalborg, adoptée en 1994 par un ensemble de villes européennes,
entend renverser les principes de la charte d’Athènes, rédigée quant à elle en
1933 sous l’égide du Corbusier, et dans une volonté de définition de la « ville
 C’est-à-dire fondée sur fonctionnelle ». La charte d’Aalborg pose le développement durable comme
l’idée d’un partage spatial principe central de leur réflexion et de leurs objectifs d’aménagement. Reposant
de la ville suivant quatre
fonctions (habiter, travailler, sur la base d’une signature volontaire, la charte d’Aalborg s’affiche comme « un
circuler, se recréer). tournant urbanistique » (Emelianoff, 2007), qui se traduit concrètement par une
modification sensible des projets d’urbanisme. Le tableau suivant, extrait lui
aussi des travaux de C. Emelianoff, montre bien combien l’exigence affichée
de durabilité peut avoir des transcriptions locales à rebours de soixante ans de
pratiques d’aménagement et d’urbanisme.

Charte d’Athènes (1933) Charte d’Aalborg (1994)

Attitude patrimoniale
Principe de la table rase
Partir de l’existant et le mettre en valeur

Abstraction de l’architecture par rapport


Insertion du bâti dans un environnement
au contexte environnant (historique,
multidimensionnel
géographique, culturel, écologique)
Diversité architecturale
Style international

Mixité fonctionnelle
Zonage
et politiques transversales

Réduction de la mobilité contrainte


Fluidification de la circulation
Reconquête de la voirie
Séparation des circulations
par tous les modes de transport

Urbanisme d’experts Urbanisme participatif


Géométrisation et rationalisation de la ville Singularité des réponses

Source : d’après EMELIANOFF C., 2002, « La notion de ville durable dans le contexte européen :
quelques éléments de cadrage », Cahiers français, n° 306.

Cette initiative est particulièrement intéressante, tant par ses contours que
par ses limites. Parce que le développement durable global se joue largement
dans les villes – celles-ci concentrant une part majeure de la consommation
d’énergie fossile par exemple – et parce que ces initiatives offrent une visibilité
positive aux espaces concernés, les autorités urbaines et métropolitaines se
sont saisies de manière volontariste de ces questions. On sort donc d’une
approche réglementaire, imposée, de l’action publique.

210

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 210 05/05/2017 16:12


7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

Par ailleurs, la tension entre global et local est bien perceptible : est affirmée
dans la charte d’Aalborg la prééminence des réponses singulières et locales,
mais au service d’une démarche et d’un enjeu commun. Comment articuler
ces deux tendances ? Enfin, les difficultés concrètes de mise en œuvre transpa-
raissent rapidement : comment établir des politiques transversales et bâtir des
espaces mixtes alors que les structures administratives et la ville préexistante
sont dominées par la sectorisation fonctionnelle et le zonage ? Le zonage est l’affectation
d’une fonction précise
à un espace donné dans
les documents d’urbanisme
En outre, l’analyse géographique des politiques de développement notamment.
durable laisse apparaître des formes de durabilité dite « importée ».
Autrement dit, le territoire considéré peut s’afficher comme durable,
mais c’est en réalité au détriment d’un autre territoire, voisin ou non.
À l’échelle des États, nombre de politiques relèvent de cette durabilité
en trompe-l’œil. Ainsi, l’Allemagne des années 1980 a beaucoup exporté
ses déchets hors de ses frontières, façonnant l’image d’un pays limitant au
maximum la présence de déchets non recyclés sur son territoire. Mais la
France n’est pas en reste : le démantèlement hors des frontières françaises
du porte-avions Clemenceau entre 2003 et 2010 s’est soldé par une série
de rocambolesques pérégrinations entre la France, le Royaume-Uni et
l’Inde, de nombreuses associations écologistes s’élevant contre un désa-
miantage du navire exposant les populations d’un pays en développement
ou polluant les eaux internationales.
À une échelle plus fine, les politiques de limitation de la voiture
au bénéfice des transports en commun, établies dans de nombreuses
villes-centres des agglomérations, font l’objet de critiques en raison du
report de trafic engendré sur les communes limitrophes, souvent sans
concertation avec celles-ci. S’ajoute à l’argument environnemental une
critique sociale : ce sont en effet les banlieues et espaces périurbains, qui,
dans le cas français, ne regroupent pas les populations les plus favorisées,
qui sont alors pénalisées. On parle alors d’injustice environnementale,  Voir Chapitre 6.
dans la mesure où les populations les plus fragiles sont aussi davantage
sujettes à des risques et des nuisances que les plus fortunés parviennent
à contourner.
De même, la plupart des expériences d’écoquartiers menées dans
nombre de métropoles européennes conduit à des questionnements

211

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 211 05/05/2017 16:12


Géographie de l’environnement

quant à leurs conséquences sociales. Ces projets reposant sur des


exigences écologiques fortes en matière de construction (bâtiments
basse consommation, espaces végétalisés, etc.), souvent développés sur
d’anciennes friches industrielles qui constituaient des espaces dispo-
nibles, débouchent souvent à terme sur l’éviction des populations
« déjà-là » auparavant, et sur la gentrification de ces quartiers populaires.
De tels constats ont pu être dressés à Manchester autour du quartier
New Islington ou à Neuchâtel (Suisse) dans le quartier Ecoparc, déve-
loppé sur une ancienne friche industrielle.
Enfin, la nature même de la durabilité est structurellement amenée
à changer suivant les échelles choisies. À l’échelle mondiale, des formes
de compensation sont envisageables, et l’idée d’une durabilité forte,
sans perte globale de la ressource, semble possible. Localement, c’est
plus compliqué : difficile en effet d’envisager des compensations de
natures multiples sur des territoires restreints. Ceci oriente davantage
les politiques mises en place vers une durabilité faible, qui ne se fixe
pas pour objectif le maintien coûte que coûte d’un certain niveau de
capital naturel.

Les écoquartiers
Si l’on s’en réfère au label mis en place par le ministère français de l’Environ-
nement, un écoquartier « est un projet d’aménagement urbain qui respecte les
principes du développement durable tout en s’adaptant aux caractéristiques de
son territoire ». Les termes foisonnent depuis quelques années pour décrire la
multiplication des projets localisés de quartiers durables à l’échelle du globe :
éco-districts, quartiers durables citoyens, quartiers basse consommation, quartiers
verts, etc.
Cette variété sémantique s’explique par la diversité des lectures qui peut être faite
de ces quartiers, et plus encore de leurs priorités. S’agit-il de promouvoir la mixité
sociale et la participation avant tout – ce que laissent par exemple entendre les
textes récents du ministère français du Logement – ou de faire vivre des solutions
BBC : bâtiments basse innovantes en matière de construction (bâtiments BBC, HQE, etc.), le tout dans
consommation. une optique plus nettement écologique de limitation de la consommation de
HQE : haute qualité
environnementale.
matériaux et de rejets carbonés ?

212

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

Conclusion
Tout un discours s’est donc structuré autour de la notion de développe-
ment durable en quelques décennies. Élaboré à l’échelle internationale, il
a gagné les échelons décisionnels les plus locaux, et ce dans la plupart des
pays du globe. Pour autant, la diffusion massive de la notion ne signifie
pas qu’elle ne conserve pas des zones d’ombre et inconnues : le terme est
loin d’être accepté par l’ensemble des acteurs, et les exigences de gouver-
nance (participation, valorisation des acteurs locaux, etc.) associées à la
notion s’avèrent parfois difficiles à satisfaire.
Les géographes insistent surtout sur deux points. D’une part, si les
objectifs globaux sont connus, leurs modalités locales de réalisation ne
sauraient être identiques partout. Il semble dès lors difficile de proposer
un modèle unique de territoire ou de secteur d’activité durable. D’autre
part, la durabilité d’un territoire ne saurait être réalisée au détriment
d’un autre : or, la solidarité géographique entre pays riches et pauvres,
ou à une échelle plus fine entre espaces ruraux et urbains, littoraux et
arrière-pays, quartiers « écologiques » et ensemble de l’agglomération,
etc., n’est que rarement pensée par des acteurs locaux focalisés sur leur
espace de compétence.

213

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Géographie de l’environnement

À RETENIR
n Le développement durable, permettant de « répondre aux besoins du présent sans
compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs »,
est devenu l’horizon de nombre de politiques internationales et nationales.
n La notion ne fait pas l’unanimité, les acteurs les plus engagés considérant qu’elle
permet un affichage plus transversal et consensuel des projets, mais sans modifi-
cation profonde des objectifs.
n Des écueils apparaissent dans l’articulation entre échelle globale du constat et
échelle locale des actions. Les politiques engagées en un lieu peuvent reporter les
nuisances sur d’autres territoires, ce qui constitue une injustice environnementale.
n La durabilité d’un territoire n’est pas nécessairement celle d’un autre : l’absence
d’un modèle unique de gestion durable apparaît.
n La gouvernance est centrale mais délicate : la participation active des popu-
lations locales et le souci de transversalité des experts (élus, techniciens, etc.)
sont nécessaires.

POUR ALLER PLUS LOIN


Barré R., Lavoux T., Piveteau V., 2015, Un demi-siècle d’environnement entre
science, politique et prospective, Paris, Quae.
Développement durable et territoires : https:/developpementdurable.revues.org
Emelianoff C., 2007, « La ville durable : l’hypothèse d’un tournant urbanistique
en Europe », L’Information géographique, n° 3, vol. 71, p. 48-65.
NOTIONS CLÉS L’Information géographique, 2007, numéro thématique « Développement
n Développement durable », vol. 71, n° 3.
durable Mancebo F., 2010, Le développement durable, Paris, Armand Colin,
n Gouvernance Theys J., 2002, « L’approche territoriale du “développement durable”, condi-
n Durabilité forte, tion d’une prise en compte de sa dimension sociale », Développement durable
durabilité faible et territoires (http://developpementdurable.revues.org/1475).
n Agenda 21 Veyret Y., 2007, Le développement durable, Paris, Sedes.
n Écoquartier Veyret Y., Le Goix R., 2011, Atlas des villes durables, Paris, Autrement.

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ENTRAÎNEMENT
Corrigés en ligne
Tester ses connaissances
Complétez la légende du schéma ci-contre avec les termes suivants :
importée – homothétique – incompatibles

Une relation ……………………………


entre échelle globale et échelle locale :
penser global, agir locale

Entre projets locaux, des formes


de durabilité ………………

Des formes de durabilité ……………… :


quand la durabilité d’un territoire
se fait au détriment d’autres espaces

Questions sur document


Cette capture d’une carte interactive localise les adhérents de l’ICLEI (International Council for Local
Environmental Initiatives), c’est-à-dire de l’association fondée sous le parrainage des Nations unies en 1990
pour promouvoir les actions locales en faveur de la durabilité et les transferts d’expérience en la matière.

Source : www.iclei.org/iclei-members/iclei-members.html

1. Décrivez et analysez l’implantation des membres de cette association.

2. Qu’en déduire sur la diffusion des démarches de développement durable ?

215

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Géographie de l’environnement

Les écoquartiers, l’exemple de Dunkerque


ÉTUDE DE CAS

Doc. 1 « Dunkerque : le quartier du Grand Large


face à ses réalités »
« Ce mardi soir, les habitants du Grand Large (et de Neptune) sont invités à une première
réunion des fabriques d’initiatives locales. Les motifs de grogne sont légion dans cet
écoquartier qui, depuis sa naissance en 2009, a du mal à trouver son rythme de croi-
sière. Le point avec des habitants.
Le stationnement
Les voitures mal garées sur les trottoirs sont légion au Grand Large. L’idéal de l’écoquar-
tier conçu pour n’accueillir qu’une voiture par foyer est loin. “Personne n’a expliqué le
fonctionnement du quartier aux nouveaux habitants”, constate Anna Feugueure, vice-pré-
sidente du comité citoyen […]. “Et vu le prix des appartements, en location ou à la vente,
il faut travailler à deux, et donc avoir deux voitures”, renchérit Yves Colaert, le président.
Le manque de stationnement est une revendication récurrente. […]
L’environnement
Là où une jolie jachère fleurie pourrait faire l’affaire, la verdure est représentée par…
des mauvaises herbes : “On ne demande pas des espaces verts au cordeau, mais au
moins un petit coup de tondeuse pour que ce soit propre. On nous avait dit qu’il fallait
patienter deux ou trois ans avec les travaux, mais là, ça fait cinq ans”, se plaignent des
« anciens » du Grand Large. “Les friches deviennent des décharges.”
“Tout le monde doit faire des efforts”, constatent les représentants du comité, qui
souhaitent que les bailleurs sociaux mettent “un référent par résidence”.
Les sacs-poubelle éventrés au pied des containers à ordures enterrés ne sont pas non
plus du plus bel effet. La faute à un manque de civisme, mais aussi d’explication sur le
fonctionnement du quartier, ainsi que de… corbeilles à déchets, jugent-ils.
L’accès au quartier
Depuis deux ans, les bus ne passent plus au cœur du Grand Large mais s’arrêtent à
L’Escale. Certains habitants ne seraient pas contre une navette, comme celle qui dessert
le quartier vers la digue et Malo, l’été.
Pour désenclaver le quartier, certains demandent aussi la construction du pont du Grand
Large, un projet pour l’instant mis en stand-by.
Les aménagements
Les commerces se font attendre […]. Le comité citoyen propose encore la création d’un
city stade ou d’un espace sportif en extérieur sur une friche, et une réflexion « avec les
habitants sur l’aménagement du parc urbain ».
Fabriques d’initiatives locales Neptune – Grand Large, ce mardi, à 18 h 30 à l’auberge
de jeunesse L’Escale. Ouvert à tous. Accueil pour les 3-12 ans. »
Source : La Voix du Nord, 8 juin 2015 (disponible sur : www.lavoixdunord.fr/archive/recup%3A%25
2Fregion%252Fdunkerque-le-quartier-du-grand-large-face-a-ses-realites-ia17b47588n2874237).

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

Doc. 2 Des non-dits normatifs des écoquartiers

ÉTUDE DE CAS
« En adoptant une […] vision cohésive et hygiéniste du quartier, cette approche systé-
mique transforme premièrement toute pratique imprévue en action déviante, alors
même que les contraintes quotidiennes liées à ce modèle durable porté par les acteurs
publics n’ont pas été publicisées par les bailleurs et les promoteurs, qui rencontraient
des problèmes de commercialisation.
Deuxièmement, elle intègre un ensemble de flux originaires de cet espace très diver-
sifiés (ventilation naturelle assistée, tri sélectif, stationnement, mixité, récupération
des eaux pluviales, espaces partagés, chauffage urbain…) et difficilement compa-
rables. Alors même qu’elle minimise dans le même temps les flux qui le traversent,
et notamment les parcours biographiques, résidentiels et quotidiens, le contexte
socio-économique local, etc.
Troisièmement, elle évacue la conception et les concepteurs qui ont mis en place ce
“système”, mais n’omet pas d’y insérer en revanche des habitants qui ne maîtrisent
pourtant ni les choix retenus ni l’incertitude sur leur dénouement au quotidien.
Enfin, si la “forme” urbaine, en termes d’usage et de peuplement est novatrice, la
gestion se résume de fait à un dialogue classique entre des habitants atomisés et des
autorités centralisées, qu’il s’agisse de bailleurs ou de syndics privés.
Installé dans une mixité imposée et ne possédant aucun levier décisionnel partagé,
chacun n’a d’autorité pleine ou relative que sur son logement, ce qui pénalise toute
gestion collective de l’espace, alors que celle-ci semble indispensable compte tenu
des fondements du projet et des tensions qu’ils devraient probablement engendrer,
notamment en termes de séparation privé/public. »
Source : BOISSONADE J., « Le développement durable face à ses épreuves.
Les enjeux pragmatiques des écoquartiers »,
Espaces et sociétés, 4, n° 147, p. 57-75
(disponible sur : https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00710803/document).

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Géographie de l’environnement

Doc. 3 Plaquette de présentation du quartier Grand Large


ÉTUDE DE CAS

Source : www.ville-dunkerque.fr/fileadmin/user_upload/Grands-projets/2011/2011-GdLarge.pdf

Présentation des documents


■ Doc. 1 Extrait d’un article de presse paru dans le quotidien régional
La Voix du Nord, qui expose les griefs des habitants réunis en conseil de
quartier face à la conception de l’écoquartier.
■ Doc. 2 Extrait d’un article scientifique portant sur le quartier Grand

Large. L’auteur met en évidence plusieurs difficultés générales de la mise


en pratique des principes du développement durable.
■ Doc. 3 Extrait d’une plaquette de présentation du quartier diffusée par la

ville. Sont exposés les innovations techniques exploitées dans la construc-


tion des habitats du quartier et les principes sous-jacents à ces éléments
matériels.
Ces trois documents répondent à différentes motivations : promotion du
quartier (doc. 3), état des lieux des avis des habitants (doc. 1), analyse plus
globale des ressorts du mécontentement enregistré (doc. 2). Il ne faut pas
perdre de vue que les documents 2 et 3 sont des extraits qui ne rendent pas
compte de l’intégralité des arguments développés par leurs auteurs.

218

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

Localisation
¡ Dunkerque, située dans les Hauts-de-France, est une ville portuaire,

ÉTUDE DE CAS
accueillant historiquement des chantiers navals. Les friches se multiplient
à leur disparition (1989), et déstructurent un tissu urbain jusqu’alors large-
ment tourné vers la mer et les activités associées.
¡ Face à la crise économique et territoriale induite par l’abandon des acti-
vités navales, les projets se succèdent pour restructurer la zone. Un projet
d’écoquartier, baptisé Grand Large, a progressivement été mis en place, et les
premiers habitants ont pu éprouver au quotidien les principes de fonction-
nement et l’architecture de cet ensemble qui se veut résolument innovant
en matière de durabilité.

Objectifs de l’étude de cas


L’étude du quartier du Grand Large de Dunkerque, largement appuyée sur
les travaux de J. Boissonade, permet une analyse des enjeux et limites des
initiatives que constituent les écoquartiers. Les différents documents invitent
à deux niveaux distincts d’analyse et à leur confrontation :
– Tout d’abord, quelles sont les caractéristiques concrètes et les contraintes
de ce quartier ? Le doc. 3 évoque les grands axes architecturaux et fonc-
tionnels du projet, tandis que le doc. 1 expose les raisons concrètes de
mécontentement des habitants.
– Ensuite, que peut-on en déduire quant à la mise en pratique des principes
du développement durable ? Peut-on généraliser à partir de cette étude
de cas ?

Commentaire
Du projet à la réalité, quels écarts peut-on mesurer ici ? Dans quelle mesure
sont-ils révélateurs de difficultés plus générales de mise en pratique des
principes du développement durable ?
I. L’écoquartier Grand Large : quelles ambitions ?
¡ L’analyse des documents dessine les contours de ce projet local de déve-
loppement durable. On relève dans ce projet d’écoquartier la grande place
accordée à la dimension architecturale, et aux implications techniques des
choix architecturaux effectués. La plaquette (doc. 3) insiste fortement sur
le caractère innovant des constructions, notamment d’un point de vue
environnemental. Les bâtiments se veulent en effet vertueux aussi bien
du point de vue de la consommation énergétique (chauffage urbain qui

219

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Géographie de l’environnement

récupère la chaleur issue de l’usine Arcelor Mittal à proximité ; panneaux


solaires ; travaux d’isolation) que de la ressource en eau (récupération des
ÉTUDE DE CAS

eaux pluviales pour les usages collectifs).


¡ L’importance accordée aux jardins, espaces verts, toitures végétalisées,
contribue à la qualité environnementale du quartier. La référence à la maison
de quartier et à l’ensemble des espaces publics permet aussi d’insister sur
la dimension sociale et l’ambition collective du projet. On relève l’emploi
d’un registre de discours très technique qui se veut porteur des principes
de la durabilité dans un territoire souvent perçu comme sinistré. Certains
éléments sont en revanche à peine évoqués : la plaquette annonce juste une
« collecte des déchets par conteneurs enterrés », et non l’absence de ramas-
sage des ordures.
II. Difficultés concrètes
¡ L’article de la Voix du Nord, publié en 2015, liste les récriminations
des habitants du quartier après quelques mois sur place. Les principales
critiques sont, tout d’abord, la faible urbanité de ce nouvel espace de vie, sans
commerces, transports en commun ni infrastructures sportives suffisants
pour répondre aux besoins des habitants. L’absence de gestion des espaces
verts dans la phase de construction intermédiaire est également mal vécue
par les habitants, qui lisent la présence des mauvaises herbes comme le signe
d’une absence d’entretien du territoire par la ville.
¡ Par ailleurs, les principes établis au cœur même du projet d’écoquartier
posent problème pour beaucoup : la pénurie volontairement organisée de
places de parking cristallise toutes les critiques de résidents, souvent proprié-
taires de deux véhicules, et opposés à l’idée de garer leur voiture à l’extérieur
du quartier. De même, l’absence de collecte des déchets au nom du tri et d’un
stockage en conteneurs enterrés débouche sur des décharges sauvages de la
part d’habitants non préparés aux contraintes induites par cette démarche
environnementale.
¡ La gouvernance connaît également des difficultés : plusieurs entités sont
évoquées (fabriques d’initiatives locales, comité citoyen, etc.), et laissent
apparaître des groupements multiples, multiformes, ainsi qu’une difficulté
générale de l’ensemble des acteurs à discuter des enjeux du quartier dans
un cadre institutionnel pertinent.
III. Analyse des écueils locaux de la durabilité
¡ Le doc. 2 permet d’analyser les raisons de ce hiatus entre projet et réali-
sation. Autour de l’étude de ce cas précis, le scientifique met en évidence
la place implicite conférée aux habitants dans le bon fonctionnement de ce

220

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7 Le développement durable : des discours à l’opérationnel

quartier, dont les seuls aspects techniques ont été pensés et mis en exergue
par les promoteurs du projet (architectes, municipalité). La difficulté des

ÉTUDE DE CAS
nouveaux habitants à intégrer les contraintes induites par ces innovations,
essentiellement environnementales, contribue à leur mécontentement.
¡ Un jeu défavorable de temporalités est également perceptible : le carac-
tère inachevé du projet, perceptible dans le paysage comme dans l’offre de
services, donne aux habitants l’impression d’une carence de gestion de la
part des acteurs responsables (doc. 1). En outre, l’absence de dialogue entre
promoteurs du projet, instances gestionnaires « habituelles » des parcs de
logements et habitants n’est pas sans impact sur la dégradation des percep-
tions du lieu (doc. 1 et 2).
¡ On relèvera aussi l’absence quasi totale de réflexion sur la dimension
économique du projet : si celui-ci avait pour objectif de faire disparaître du
tissu urbain les anciennes friches, il ne s’est pas accompagné d’un projet de
développement spécifique. Les commerces et activités n’ont pas été pensés
comme prioritaires, alors qu’ils sont nécessaires à l’appropriation territoriale
du lieu.
Conclusion
¡ Au total, la prééminence donnée à deux sphères du développement durable
(sociale – par la diversité annoncée des offres de logements – mais surtout
environnementale) débouche sur un projet en partie déséquilibré. Dans les
faits, le projet s’appuie sur nombre d’innovations techniques, notamment
en matière environnementale (doc. 3), difficiles à mettre en œuvre faute
d’une réflexion suffisante sur la gouvernance novatrice rendue nécessaire
par de telles démarches et qui repose beaucoup sur les actions individuelles
dans un projet collectif. D’autres critiques apparaissent de manière allusive :
le tarif élevé des loyers (doc. 1) et le type de logements privilégiés (triplex)
peuvent traduire une certaine gentrification des lieux, à rebours de l’ambi-
tion affichée d’un quartier offrant une réelle mixité sociale.

221

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MÉTHODES

LA DISSERTATION 223

LE COMMENTAIRE DE CARTE TOPOGRAPHIQUE 235

LE CROQUIS DE SYNTHÈSE 244

LE COMMENTAIRE DE PAYSAGE 250

LE SCHÉMA FLÉCHÉ 257

LE COMMENTAIRE DE STATISTIQUES 267

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La dissertation

La dissertation
Qu’est-ce qu’une dissertation ?
La dissertation est un exercice de raisonnement très codifié par lequel
l’enseignant mesure la capacité d’un étudiant à identifier un objet de
réflexion, à sélectionner les informations les plus pertinentes et à les
articuler dans une démonstration convaincante.

Objectifs et enjeux de la dissertation


§ Tout commence avec un intitulé de dissertation, dont la formulation
est plus ou moins détaillée, qui invite à réfléchir sur une région, un
type de territoire, un processus ou encore une notion géographique.
§ De cet intitulé, l’étudiant doit dégager un questionnement à partir duquel
il va établir une démonstration argumentée, appuyée par des exemples
précis. Le premier enjeu d’une dissertation est ainsi de transformer l’in-
titulé en problème, une question qui va constituer le fil directeur de l’ar-
gumentation : c’est la problématique. Il est ensuite attendu de l’étudiant
qu’il réponde au problème posé par une série d’arguments qui découlent
les uns des autres. Le raisonnement doit ainsi conduire à la formulation
d’une thèse en réponse à la problématique de départ.
§ Une bonne dissertation doit par conséquent convaincre le lecteur que
la thèse défendue est logique. La force de l’argumentation dépend de
la capacité à structurer les étapes de la démonstration. Pour cela, il faut
réfléchir plus particulièrement à l’enchaînement des arguments, via
les transitions. Elles sont essentielles car elles explicitent les liens de
cause, de conséquence, d’opposition, les paradoxes.
Exemples d’intitulés de dissertation
– • Villes et campagnes en France
Problématique

• L’organisation spatiale de la métropole parisienne


explicite

• Rôle et place des villes frontalières dans le système urbain nord-américain


• Les quartiers informels dans les villes du Sud : territoires de la pauvreté
ou moteurs de l’urbanisation ?
+ • La mondialisation entraîne-t-elle une recomposition spatiale des villes ?

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Méthodes La dissertation

Conseils et erreurs à éviter !


Un exercice de dissertation conduit souvent aux erreurs suivantes :
• Faire une leçon. Dans une dissertation, il est demandé à l’étudiant d’avoir un
avis (une thèse) sur le sujet proposé : il doit donc trancher entre plusieurs inter-
prétations et défendre cette opinion grâce à des exemples argumentés. La simple
récitation de connaissances ou une présentation descriptive sans argumentation
sont donc à éviter.
• Le hors-sujet. Le hors-sujet consiste en un glissement vers un thème qui n’est
pas au centre de l’intitulé proposé. Cela ne veut pas dire que ce thème n’est
pas intéressant, mais ce n’est pas celui qu’on attend étant donné le sujet proposé
à la réflexion. Le hors-sujet découle souvent d’une volonté de vouloir écrire tout
ce que l’on sait sur un sujet, sans hiérarchiser ses connaissances en fonction de
leur pertinence pour le sujet donné.

Les étapes de la dissertation


Suivre avec rigueur les étapes suivantes devrait permettre d’éviter les
erreurs récurrentes.

1. Lire le sujet et l’analyser précisément


§ Se poser les questions suivantes : quels sont les mots utilisés dans l’inti-
tulé ? S’agit-il de notions de géographie ? Dans ce cas, commencer par
chercher la ou les définitions. S’agit-il de mots du langage courant (ex. :
crise, permanences, mutations…) ? Dans ce cas, chercher les défini-
tions, voir si elles permettent de mobiliser des notions géographiques.
§ S’interroger sur les espaces géographiques et les périodes temporelles
concernés par l’intitulé du sujet. Il faut bien cerner les bornes spatiales
et chronologiques : parfois, il ne faut pas hésiter à dire qu’elles posent
problème et qu’elles vont varier en fonction du sens qu’on donne à
telle ou telle notion.
§ Porter une attention particulière à l’emploi du singulier ou du pluriel,
qui modifie la portée des notions. Le pluriel invite à questionner la
diversité d’un fait ou d’un objet géographique alors que le singulier
oriente la réflexion vers le général.

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La dissertation

§ Déterminer ensuite les relations entre les termes du sujet : c’est souvent
de ces relations qu’émerge la problématique. Dans les formulations
les moins détaillées, l’ordre des mots, les coordinations et les préposi-
tions sont autant d’indices qui permettent d’expliciter les liens sous-
entendus entre les termes du sujet.
§ Par exemple, un sujet intitulé « Les villes européennes » doit être ana-
lysé différemment d’un sujet « Les villes en Europe ». Le premier
invite à réfléchir à la singularité des villes européennes (par rapport
aux autres villes dans le monde), alors que le second oriente davantage
vers les notions d’organisation spatiale et de répartition des villes dans
le territoire européen.

2. Lister toutes les questions soulevées par l’intitulé


Il existe un certain nombre de questions qui peuvent faciliter l’élabo-
ration de la problématique : Où ? Pourquoi là et pas ailleurs ? Depuis
quand ? Comment ? Avec quelles conséquences spatiales ? Quels
sont les acteurs concernés ? Quels processus et notions de géographie
permettent d’expliquer les processus étudiés ? Quels exemples peuvent
être mobilisés sur ce sujet ?...

3. Élaborer une problématique


§ La problématique est le fil conducteur de la dissertation. C’est une La formulation
question « cachée » dans l’intitulé à laquelle le devoir va s’attacher de la problématique
à répondre. La problématique s’exprime en une phrase qui présente de est un moment clé de la
dissertation puisqu’elle
façon synthétique le questionnement et non en une série de questions permet de présenter de fa-
juxtaposées. çon concise et hiérarchisée
les enjeux soulevés
§ Pour élaborer la problématique, on peut procéder en deux temps : par l’intitulé.
– Dans un premier temps, dégager un problème sous-jacent à l’inti-
tulé : une contradiction, un paradoxe, qui découle de la confronta-
tion des termes. Si l’on reprend le sujet « Les villes européennes »,
on note par exemple qu’on a d’un côté une notion, la ville euro-
péenne, qui semble suggérer un modèle universel de ville et, de
l’autre, un pluriel qui insiste sur la diversité. Il y a donc une tension
entre le général et le particulier.

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Méthodes La dissertation

– Dans un second temps, formuler une question qui va servir de


colonne vertébrale à l’argumentation : par exemple, en quoi les villes
européennes se distinguent-elles des autres villes dans le monde de
sorte qu’on peut effectivement dégager une spécificité de ces villes ?

4. Élaborer un plan
Une fois formulée la problématique, l’étudiant peut construire le plan
qui doit apporter des éléments de réponse successifs à la question qu’il
vient de poser. Il est déconseillé de construire son plan avant la problé-
matique : sans idée précise de la question à laquelle on veut répondre,
on risque de proposer un catalogue d’informations qui ne s’enchaînent
pas les unes aux autres et donc de passer à côté de la démonstration
argumentée attendue.

5. Rédiger le devoir
§ Comme dans tout exercice de rédaction, il faut soigner la précision de
l’expression et la maîtrise du vocabulaire géographique. Les notions
de géographie ne sont pas substituables les unes aux autres : la rigueur
dans l’utilisation des termes, la capacité à les mobiliser au bon endroit,
la faculté à les définir est essentielle.
§ Il faut aussi faire attention à la construction des phrases (syntaxe), au
respect des règles de grammaire et toujours se relire pour éviter les
fautes d’orthographe (y compris sur les noms de lieux).

L’organisation formelle de la dissertation

§ La dissertation est formellement très codifiée et il faut en respecter


strictement les règles. Toute dissertation doit être divisée en trois
temps : l’introduction, le développement et la conclusion. Chacun de
 Voir Schéma ci-contre. ces temps est à son tour subdivisé selon une organisation stricte. Ces
règles sont communes à tous les enseignants et ne peuvent être consi-
dérées comme accessoires.
§ En fonction du temps alloué, le développement peut être allégé (les
grandes parties ne contenant qu’une seule sous-partie par exemple).

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La dissertation

Structure schématique d’une dissertation


• Les étoiles indiquent un saut de ligne qui permet de délimiter visuellement les trois temps de la dissertation.
Les traits en biais indiquent un retour à la ligne (sans saut de ligne donc) qui peut être accompagné d’un alinéa.
• Une bonne dissertation doit être bien équilibrée : les parties du développement doivent être de longueur identique.
Idéalement, l’introduction et la conclusion sont également de même longueur (il ne faut donc pas négliger la conclusion
qui permet de répondre à la problématique présentée en introduction).

Entrée en matière / Accroche


Introduction

Définition des termes du sujet /


Problématisation /
Phrase de problématique
Annonce du plan

***
[Option 1] [Option 2]

Phrase d’introduction de partie Phrase d’introduction de partie


Première partie

Première sous-partie Première sous-partie


Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
Troisième sous-partie Troisième sous-partie
Phrase de conclusion de partie *

* Phrases de transition

Phrase d’introduction de partie *


Deuxième partie
Développement

Première sous-partie Première sous-partie


Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
Troisième sous-partie Troisième sous-partie
Phrase de conclusion de partie *

* Phrases de transition

Phrase d’introduction de partie *


Troisième partie

Première sous-partie Première sous-partie


Deuxième sous-partie Deuxième sous-partie
Troisième sous-partie Troisième sous-partie
Phrase de conclusion de partie Phrase de conclusion de partie

***
Conclusion

Reformulation/synthèse de ce qui a été dit dans le développement

Ouverture/mise en perspective

Schéma © Pascale Nédélec, 2016.

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Méthodes La dissertation

APPLICATION Les risques liés aux aléas naturels


sur les littoraux français (DROM-COM inclus)

 Les titres [Introduction]


entre crochets
ne doivent pas figurer Avec plus de 7 000 km de linéaire côtier, la France métropolitaine et
dans la copie. les principaux DROM-COM possèdent un domaine littoral particuliè-
rement étendu dans la totalité des zones bioclimatiques du globe. On
Définition des termes entend par « littoral » l’interface entre domaine maritime et terrestre, dont
du sujet l’extension est fixée juridiquement, notamment dans le cadre des PLU
en France (la loi Littoral interdit la construction sur une bande de 100 m
de longueur depuis le trait de côte). La variété des influences marines et
Pour les dissertations de météorologiques et des contextes géodynamiques représente des sources
concours, une accroche
faisant référence à un
de dangers divers. Ces aléas naturels peuvent frapper des espaces qui sont,
événement d’actualité, dans l’ensemble, parmi les plus densément occupés du territoire national.
une référence La question des risques liés aux aléas naturels sur les littoraux français
scientifique ou culturelle (DROM-COM inclus) invite ainsi à analyser et à discuter la place de ces
aléas naturels dans la production des risques.
Dans quelle mesure les aléas naturels ne sont-ils qu’un élément de
Problématique compréhension des risques sur les littoraux français, lesquels sont
affectés par des dynamiques territoriales inégalement adaptées aux aléas ?
La première partie présentera les littoraux comme des espaces menacés
par de nombreux aléas naturels, et, ce, à plusieurs échelles. Une deuxième
Annonce du plan partie insistera sur l’importance des enjeux et de la vulnérabilité. La troisième
partie proposera plusieurs types de littoraux à risque, en fonction des aléas
qui les menacent, du degré d’exposition des enjeux et de leur vulnérabilité.

[I. Des phénomènes dangereux à différentes échelles]


Chaque partie Les littoraux, exposés à des aléas naturels saisonniers ou non selon leurs
débute par
caractéristiques physiques, sont des espaces à risques à plusieurs échelles
une phrase de
présentation. d’espace et de temps. La variabilité spatiale et temporelle est essentielle
car elle montre que le risque dépend avant tout de l’occupation et de la
fréquentation des littoraux, bien plus que des seuls aléas.

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La dissertation

[1. L’importance des aléas hydroclimatiques] Chaque paragraphe


La diversité des littoraux du territoire français démultiplie les possibilités commence par
une phrase qui
de processus physiques pouvant représenter des menaces.
expose clairement
On distingue d’abord des aléas hydroclimatiques menaçant les litto- l’argument défendu.
raux exposés aux flux océaniques. Il s’agit dans ce cas essentiellement des
courants perturbés d’ouest sur le littoral atlantique de France métropoli-
taine, ou les tempêtes sur les côtes orientales « au vent » des îles tropicales
des DROM-COM. Les événements plus intenses comme les cyclones
balayent les littoraux des Caraïbes et de la Réunion à la fin de l’été.
Les aléas hydroclimatiques se manifestent par des vents violents
(> 150 km/h) et des pluies soutenues (jusqu’à plus d’une centaine de mm Le développement
de précipitations en 1 heure). La dépression atmosphérique à l’origine des de l’argument
se fonde sur des
tempêtes provoque en plus une remontée locale de la mer de quelques termes précis.
mètres voire plus d’un mètre, que l’on appelle une surcote. Combinée à
une marée haute, elle peut provoquer des dégâts importants.
L’exemple en
Dans le cas de la tempête Xynthia survenue à la fin du mois de géographie est
février 2010 sur le littoral du sud de la Vendée et des Charentes, ce ne sont systématiquement
pas ses caractères météorologiques qui ont été dangereux, mais plutôt les localisé, situé dans
le temps. Il est
surcotes que la tempête a provoquées (jusqu’à + 1,5 m à La Rochelle). Elles également quantifié
ont été responsables de submersions marines qui ont inondé plusieurs le plus précisément
communes et tué 47 personnes. possible.

[2. Le danger lié aux aléas géomorphologiques


et géodynamiques]
Saisonniers et réguliers, les aléas hydroclimatiques ne doivent pas faire
oublier l’existence d’autres sources de danger sur les littoraux français. Les
menaces géomorphologiques liées à l’instabilité des falaises vives (Pays
de Caux en Normandie) fragilisées par le sapement de leur base par les
vagues, mais aussi par le gel et par l’infiltration des eaux précipitées, se
traduisent par une érosion très rapide de la côte (20 cm par an dans le
Pays de Caux). Les aléas géodynamiques tels que les tsunamis ne sont pas
à ignorer en Méditerranée, dans les Caraïbes mais aussi à la Réunion et
à Mayotte où des surcotes de 2 à 4 m ont été relevées lors des tsunamis
survenus en Indonésie en 2004 et 2009.
Les littoraux sont aussi concernés par les aléas provenant de l’intérieur
des terres : en 1902, la ville de Saint-Pierre a été dévastée par les coulées

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Méthodes La dissertation

pyroclastiques émises par la montagne Pelée. Suite à cette catastrophe


qui a coûté la vie à près de 30 000 personnes, la capitale de la Martinique
a été déplacée plus au sud, à Fort-de-France.

[3. La question des échelles spatiales :


différents niveaux de danger]
L’occurrence de ces aléas nécessite de considérer différentes échelles
spatiales. Au niveau local, les plages sont des espaces à risques quotidiens.
Les requins ont ainsi représenté un danger médiatisé sur les plages de
la Réunion : entre mars 2010 et août 2013, 10 attaques de requins dont
4 mortelles ont été signalées sur la côte occidentale de l’île, dans le péri-
mètre d’une réserve marine. Il en a résulté un classement de cette partie
de l’île comme zone dangereuse.
Au-delà du risque local, affectant essentiellement des individus
isolés, les aléas hydroclimatiques frappent un linéaire littoral beaucoup
plus vaste, et peuvent provoquer des crises, voire des catastrophes. Les
conséquences de la tempête Xynthia sur le littoral vendéen et charen-
tais se chiffrent à plusieurs centaines de milliers d’euros pour la pêche
et les entreprises conchylicoles. Quant aux exploitations agricoles
de l’arrière-pays inondé par les submersions marines (40 000 ha en
Charente-Maritime), elles ont subi de très importantes pertes sur le long
terme. L’exemple montre bien la diffusion spatiale de la crise, depuis le
littoral jusqu’à ses espaces contigus. Dans le cas des îles tropicales des
DROM-COM, c’est l’intégralité du territoire insulaire qui peut ainsi être
touchée (cyclone Hugo en 1989 à la Guadeloupe ; épidémies – chikun-
gunya à la Réunion en 2005 et 2006, zika en Polynésie en 2016).
Les aléas sur les littoraux sont de natures variées et y produisent des
Conclusion partielle
et transition
menaces d’importance variable pouvant mettre en danger les enjeux
localisés sur les littoraux.

[II. Espaces convoités, espaces exposés :


production du risque et vulnérabilité]
La littoralisation des activités a fait des côtes des espaces stratégiques très
densément peuplés. Les tentatives d’y limiter les effets des aléas natu-
rels existent mais sont parfois contre-productives, la culture du risque
demeurant encore lacunaire. La vulnérabilité y est donc singulièrement
élevée.

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La dissertation

[1. Des enjeux toujours plus nombreux]


Le peuplement des littoraux s’est accéléré depuis la seconde partie du
xxe siècle, dans un double mouvement de littoralisation des popula-
tions et des activités ainsi que d’accroissement de l’offre touristique.
L’attractivité des littoraux se comprend, d’une part, par la nécessité de se
greffer aux flux d’échanges mondialisés utilisant prioritairement les mers
et les océans. D’autre part, il s’agit de bénéficier des aménités qu’offre la
proximité de la mer, et qui alimentent une mobilité originale: l’héliotro-
pisme. L’urbanisation de la Côte d’Azur est ainsi continue de Marseille
jusqu’à la frontière italienne, et les densités de population y dépassent
le millier d’habitants au km2 sur des littoraux parfois très exigus, pincés
entre les montagnes et la mer.
À ces enjeux permanents s’ajoutent les touristes : la Côte d’Azur
accueille 11 millions de personnes par an, essentiellement pendant
l’été. Le phénomène s’observe aussi sur le littoral atlantique (sud de la
Bretagne, estuaire de la Loire, Vendée et Charentes et leurs îles, plages
d’Aquitaine). Les stations intégrées du Roussillon et du Languedoc, telles
que La Grande-Motte ou Saint-Cyprien, sont exemplaires de la densi-
fication des enjeux touristiques depuis les années 1960. Elles ont été
construites sur les cordons sableux de côtes basses et humides restées
longtemps marginales, les lagunes accueillant désormais des marinas.
Dans les DROM-COM, c’est aussi sur les littoraux que se concentrent
les principaux centres urbains, les aéroports et les stations balnéaires,
comme sur la côte méridionale de la Grande-Terre de Guadeloupe, de
Pointe-à-Pître jusqu’à Sainte-Anne. Tous ces espaces stratégiques repré-
sentent autant d’enjeux à protéger face aux aléas naturels.

[2. Les faiblesses des mesures de prévention des risques]


L’aménagement des espaces littoraux oblige à construire des ouvrages de
protection dont l’efficacité est parfois remise en question. Ces mesures
qualifiées de structurelles sont d’abord utilisées pour se défendre contre les
marées et les submersions, et prennent la forme de remblais et de digues.
Pour lutter contre l’érosion des plages, des épis sont créés perpendicu-
lairement au littoral vers la mer, pour capter les sédiments transportés par
les courants. Efficaces à court terme, ces aménagements peuvent montrer
leurs limites, de deux manières différentes. D’abord parce qu’ils peuvent
être inadaptés à des aléas dont l’intensité avait été sous-estimée : au nord

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Méthodes La dissertation

de la Pointe de l’Aiguillon, plusieurs digues ont cédé en 2010 sous l’action


de la surcote renforcée par la haute mer et de la houle entraînée par le
vent. D’autre part, les aménagements protecteurs peuvent augmenter les
risques sur les littoraux au lieu de les protéger. Les épis disposés le long
du littoral languedocien permettent effectivement aux communes qui
les ont installés d’engraisser leurs plages, mais, ce faisant, elles privent
les communes en aval des sédiments qu’elles captent artificiellement.
Le risque est donc amplifié par les sociétés et leurs aménagements :
ceux-ci peuvent renforcer l’impact des aléas naturels sur les littoraux,
territoires encore inégalement protégés.

[3. Comportements et pratiques inadaptées]


Les mesures structurelles sont complétées par des obligations régle-
mentaires, prévues notamment par la loi Littoral de 1986 qui empêche
la construction sur une bande de 100 m depuis le trait de côte. Cette
 Plan de prévention disposition réglementaire s’accompagne de PPR, établis à l’échelle des
des risques communes. Cependant, l’application de la loi demeure difficile, dans la
mesure où les élus peuvent décider de lotir des zones exposées où résident
des populations mal informées. Le danger sur les espaces littoraux est
effectivement renforcé par une culture du risque parfois défaillante,
pouvant transformer une crise en catastrophe lorsque les réactions sont
inadaptées.
La méconnaissance des fonctionnements biophysiques des milieux
« Xynthia : leçons d’une
littoraux peut amener des comportements dangereux : Chauveau et al.
catastrophe » (https:// (2011) , dans leur article sur la tempête Xynthia, dénoncent une « absence
cybergeo.revues.org/23763). criante du risque », sensible notamment dans le retard d’application
 Plan de prévention des PPRI (lesquels du reste demeurent peu associés aux menaces de
des risques d’inondation submersion sur les littoraux). Par ailleurs, les maisons sont construites de
plain-pied, alors qu’il faudrait plutôt des habitations disposant d’un étage
muni d’une pièce de survie en cas d’inondation. L’absence d’information
et la faible récurrence des épisodes catastrophiques sur les littoraux ont
entretenu une mauvaise représentation du risque et révélé des dysfonc-
tionnements majeurs dans les comportements publics et individuels.
Espaces à forts enjeux, densément peuplés et anthropisés, les littoraux
sont des espaces très vulnérables. Toutefois, les problèmes d’exposition
et de vulnérabilité sont variables au cours du temps, et plusieurs nuances
se distinguent.

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La dissertation

[III. Plusieurs types de littoraux à risque]


Les types d’espace distingués ici sont déterminés à partir du nombre
d’aléas pouvant affecter ces espaces, des enjeux et de leur degré d’expo-
sition, de leur vulnérabilité.

[1. Les littoraux à haut risque]


Ce premier type regroupe les littoraux les plus dangereux du littoral
français, caractérisés par des aléas de tous types, une exposition majeure
et des enjeux vulnérables. Il s’agit essentiellement des littoraux médi-
terranéens et ceux des côtes au vent des DROM-COM insulaires. La
population y est nombreuse et dense, notamment en période d’affluence
touristique, et est exposée à des aléas hydroclimatiques géodynamiques et
géomorphologiques (risques de tsunami sur la Côte d’Azur, submersions
marines sur le littoral languedocien, cyclones sur les îles tropicales…),
auxquels elle n’est pas préparée. Les vulnérabilités sociales et écono-
miques peuvent y être très fortes, notamment à Mayotte ou dans certaines
îles des archipels éloignés de Polynésie.
Dans le cas des DROM-COM, les endommagements des potentia-
lités environnementales (barrière de corail, mangroves) contribuent à
renforcer la vulnérabilité des riverains – leur environnement résistant
de moins en moins bien à des aléas peut-être plus intenses.

[2. Des littoraux de plus en plus occupés et mal protégés]


L’urbanisation mal contrôlée depuis quelques années sur des littoraux
exposés aux flux atlantiques révèle de nouveaux espaces à risques, notam-
ment sur le littoral atlantique (Vendée, Charentes). Les littoraux très
industrialisés soulèvent un autre type de risque : l’effet domino provoqué
par l’enchaînement d’un aléa naturel suivi d’un accident industriel (pollu-
tion). Ces risques existent donc autour des grandes ZIP (Dunkerque,
Le Havre, Fos), sans oublier les littoraux jouxtant les routes maritimes.
Les naufrages des pétroliers, notamment en hiver sur les routes les plus
dangereuses comme au large de la Bretagne, peuvent dégénérer en marée
noire sur plusieurs dizaines de km de littoral (Erika en 1999, au large de
Belle-Île-en-Mer).

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Méthodes La dissertation

[3. Des littoraux marqués


par les changements environnementaux]
Un troisième type est ainsi caractérisé par la vulnérabilité même du
littoral face aux influences maritimes, où le danger, permanent, est
suspecté d’être renforcé par les changements environnementaux actuels.
Outre le recul des falaises de Normandie, on peut songer aux côtes basses
sableuses caractérisées par une forte dynamique régressive. Il s’agit des
longues plages des Landes et des îles atlantiques (Oléron), ainsi que des
côtes basses d’Occitanie. On peut aussi ajouter dans cette catégorie les
atolls des Tuamotu en Polynésie, qui sont composés d’un anneau récifal
corallien très bas (quelques mètres d’altitude seulement), particulière-
ment sensible aux houles et aux submersions. La remontée du niveau
marin laisse craindre une accélération de l’érosion, localement renforcée
par des épis et par des extractions de sable, qui expose davantage les
habitants des atolls aux autres aléas plus saisonniers (houles, cyclones).

[Conclusion]
La question des risques sur les littoraux français ne dépend donc pas
seulement de l’occurrence d’aléas d’origine naturelle plus ou moins
Conclusion fréquents. Le danger provient avant tout de la présence de nombreux
qui répond
enjeux exposés et vulnérables, face à des aléas de natures variées. On
à la problématique
observe ainsi des situations contrastées qui invitent à individualiser
certains littoraux potentiellement plus dangereux que d’autres.
Espaces exposés, environnements fragiles, les littoraux illustrent la
production du risque par les sociétés : l’attractivité d’un espace et les
ressources qu’il prodigue excèdent la perception de la menace et fixent
les populations.

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Le commentaire de carte topographique

Le commentaire
de carte
topographique

Qu’est-ce qu’une carte topographique ?


La carte topographique représente une portion d’espace de manière
détaillée et rigoureuse, mais elle est le fruit de choix (objets, figurés…).
En France, on utilise surtout les cartes de l’Institut géographique national
(IGN).
L’OBJET « CARTE TOPOGRAPHIQUE »
Une carte topographique de l’IGN est constituée de différents éléments :
– la carte elle-même occupe l’essentiel de la feuille ; La feuille est le terme
– un extrait de la légende de l’IGN réunit les éléments pertinents pour l’espace utilisé pour désigner
représenté ; l’ensemble de la page.
– un encart présente les métadonnées (date de parution, date des données,
projection…) ;
La couverture de la carte est également riche d’informations :
– le titre correspond à la ville la plus peuplée et éventuellement à un site d’intérêt
touristique ;
– le numéro permet de situer la carte dans la couverture de la France ;
– un carton de localisation permet de situer l’espace dans un ensemble plus
large, par rapport aux principales villes ou aux massifs ;
– une photographie montre en général un élément touristique de la carte.

Lire une carte topographique


§ Sur une carte, l’espace est représenté à plat, par l’intermédiaire d’une
projection et à une certaine échelle. La plus courante étant l’échelle La projection est l’opération
1/25 000 (cartes TOP 25). Cette échelle permet de couvrir la France mathématique par laquelle
on représente l’espace
en 2 000 cartes. Les cartes TOP25 sont éditées à destination des ran- terrestre (sphérique) sur un
donneurs et des touristes : les éléments touristiques y sont donc sur- plan, en cherchant à mini-
représentés. miser les déformations.

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Méthodes Le commentaire de carte topographique

§ L’altitude est notée sur la carte :


– par des courbes de niveau : lignes de couleur bistre (brun-orangé) qui
relient entre eux tous les points de même altitude. Elles sont équi-
distantes (séparées par la même distance, souvent 10 ou 20 m). En
mer, les profondeurs sont indiquées par des lignes bleues, les iso-
bathes.
– par des points côtés qui indiquent l’altitude d’un point donné.
§ L’estompage, ombre grisée venant d’un point de lumière fictif au nord-
ouest de la carte, permet de faire ressortir visuellement le relief.

Les échelles
L’échelle est le rapport entre la mesure relevée sur le terrain et la mesure de la
même portion d’espace reportée sur la carte. Elle peut s’écrire :
– Sous forme de fraction : 1/25 000 ou 1 : 25 000.
Attention !
– Sous forme graphique :
En géographie, on parle de 0 500 1 000 km
petite échelle à l’échelle
mondiale et de grande L’échelle étant une fraction, une échelle 1/100 000e (qui représente une portion
échelle à l’échelle locale. d’espace plus grande) est plus petite qu’une échelle 1/25 000e (qui représente
une portion d’espace plus petite, mais de manière plus précise).
Sur une carte au 1/25 000e, 1 cm sur la carte équivaut à 250 m sur le terrain.

Les étapes du commentaire de carte topographique

1. Contextualiser et décrire
§ Repérer le nom, le numéro, la date, l’échelle et le type de carte.
Situation : ensembles
administratifs (région, § Décrire la situation de l’espace représenté en le localisant par rap-
département), espaces port à des ensembles plus vastes. Donner un ordre de grandeur des
proches (grandes villes, distances.
grands éléments de
relief…), axes de com- § Décrire le site (surtout pour une ville), c’est-à-dire la topographie à une
munication (voies d’eau,
autoroutes…) ou autres
échelle locale (relief, présence d’un cours d’eau…). Les sites peuvent
éléments significatifs (proxi- être associés à une fonction : sites défensifs sur un promontoire par
mité d’une frontière…). exemple.

236

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Le commentaire de carte topographique

2. Repérer les principaux éléments


Du général au particulier :
– les grands ensembles physiques (massifs montagneux, plaines, cours
d’eau…) et leurs caractéristiques : altitude, hydrologie… ;
– les principales villes, le réseau urbain et sa hiérarchie ;
– l’organisation par les grands axes de communication ;
– la mise en valeur (agriculture, industrie, habitation…) ;
– les caractéristiques de chaque sous-ensemble : la présence de haies
et d’habitat dispersé est caractéristique du bocage, de nombreux
silos témoignent d’une activité céréalicole, de petites unités d’habi-
tation séparées forment un quartier pavillonnaire…

3. Rédiger un commentaire
§ Il suit une démarche proche de la dissertation ou du commentaire Il n’existe pas de
de documents. Il repose sur une lecture problématisée de la carte et plan « type » pour un
commentaire de cartes.
sur la description, avec un vocabulaire précis, de l’espace concerné. Il Toutefois, lorsque la feuille
contient : présente plusieurs types
d’espaces bien différents
– une introduction qui identifie la carte, décrit la situation et le site, par leur topographie et
fait apparaître les principaux thèmes et propose une problématique ; leur mise en valeur, il est
– un développement organisé en plusieurs parties ; possible de faire de chacun
d’eux une partie. Lorsque
– une conclusion qui récapitule les principales observations et qui plusieurs thèmes peuvent
répond à la problématique. être relevés sur la carte,
le plan thématique est
§ Il est possible de réaliser un croquis de synthèse faisant ressortir les également possible.
principaux types d’espaces, leur organisation et les activités de manière
simplifiée. Il doit obéir aux règles de la sémiologie graphique.

Conseils et erreurs à éviter !


• Réciter des connaissances sur l’espace concerné sans les appuyer sur des
observations précises de la carte.
• Faire des relevés de détails sur la carte sans les exploiter.
• Chercher à être exhaustif dans la description de la carte.

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Méthodes Le commentaire de carte topographique

APPLICATION Extrait de la carte IGN 3532 ET


Les Arcs-La Plagne

Document

Source : extrait de la carte IGN TOP 25 Les Arcs-La Plagne (3532 ET).

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Le commentaire de carte topographique

Commentaire
Le territoire représenté sur la carte topographique des Arcs-La Plagne
(TOP 25 3532 ET) est emblématique de la haute montagne (que l’on
considère celle-ci en fonction d’un seuil altitudinal – en général au-delà
de 2 000 m –, d’un critère biogéographique – la limite supérieure de la
forêt –, ou suivant les usages anthropiques spécifiques qui y sont déve-
loppés) et de ses enjeux environnementaux et d’aménagement. Figurant
le cœur du massif de la Vanoise, l’un des massifs cristallins internes des
Alpes françaises (nommé ainsi compte tenu de la nature des roches le
composant : granit, quartzite, gneiss…, et de sa position dans l’ensemble
alpin), ainsi que l’extrémité du Beaufortain au nord-ouest, séparés par
la vallée de la Tarentaise (au fond de laquelle coule l’Isère), cette carte
met en évidence des usages très concurrents de l’espace. Dans quelle
mesure cette région témoigne-t-elle d’un renversement des regards et
des pratiques sur la haute montagne, entre relégation et revalorisation
des sommets dans les dernières décennies ?

I. Le domaine de la haute montagne


1. Une combinaison extrême d’altitude et de pente
De l’altitude et de la pente : cette définition minimale de la montagne Aucune étude de
détail du sous-sol
s’exprime ici de manière nette. La frontière réunit au sud-est des sommets – en l’occurrence
d’altitudes considérables (aiguille de la Grande Sassière, 3 747 m), mais marqué par une
c’est au centre de la carte que l’on observe les principaux pics, comme grande complexité
lithologique et
le mont Pourri (3 779 m). Les dénivellations contribuent à façonner un
tectonique – n’est
paysage marqué par des arêtes vives, et des pentes dépassant souvent les attendue en
40 %. Le calcul de % de pente se calcule ainsi : (altitude de départ – altitude l’absence de la
d’arrivée)/distance (en mètres). Une pente de 40 % correspond à un angle carte géologique.
En revanche, les
d’inclinaison topographique de 22° environ. Ce type de calcul constitue modelés, bien
une valeur ajoutée dans un commentaire de cartes. visibles sur la carte
topographique,
Au total, se dessine un massif de haute montagne, structuré autour doivent
de chaînons aux lignes de faîte d’orientations multiples, qui traduisent impérativement
la complexité structurale de la région. être étudiés.

2. Des paysages façonnés par les glaces


La carte présente de nombreux glaciers (de la Sassière, du Geay, etc.) que
l’on repère par des courbes de niveau bleues. Si leur taille est variable

239

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Méthodes Le commentaire de carte topographique

(à peine 200 m pour le glacier inférieur des Balmes, mais près de 2 km


pour le glacier sud de la Gurraz), leur orientation l’est moins, la plupart
étant situés sur les ubacs, c’est-à-dire les versants exposés au nord, moins
ensoleillés, permettant un meilleur maintien de la glace. Ces glaciers
régressent, voire disparaissent, entre 1980 et 2009 du fait du réchauffe-
ment climatique (ex. de l’ancien glacier de l’Argentière).
L’érosion glaciaire dessine des modelés spécifiques, d’autant plus
visibles que les glaciers ont disparu. On peut observer des cirques
glaciaires, amphithéâtres de roche creusés par l’action du glacier au
sud-ouest de la pointe des Plates des Chamois, ou au contact de la
frontière italienne. Au fond des cirques se nichent parfois des lacs de
surcreusement glaciaire (le lac Noir), qui exploitent les creux réalisés par
le glacier. Les matériaux arrachés à la paroi par les glaciers constituent
des moraines. Elles se déposent lors du retrait du glacier et sont en partie
repérables sur la carte par de petits points noirs. C’est par exemple le cas
au nord-ouest de l’aiguille Grive (anciennes moraines frontales déposées
par le glacier aujourd’hui disparu). La fonte des glaces a aussi contribué
au fil du temps à la constitution de cônes de déjection importants
(cf. le Grand Nant).

3. Des risques spécifiques


Ces caractéristiques induisent un certain nombre d’aléas à l’origine de
risques. La digue paravalanche construite au-dessus de Tignes-le-Lac
illustre l’acuité de ces problématiques, notamment pour les stations
touristiques. De même, l’absence de construction à proximité des prin-
cipaux cours d’eau et sur les cônes de déjection peut s’expliquer par la
connaissance du risque élevé d’inondation et la volonté d’occuper une
zone exposée.
L’originalité de ce milieu de haute montagne transparaît donc autour
des contraintes liées à l’altitude, à la pente et au froid. Mais contrainte
ne signifie pas nécessairement handicap. Il s’agit de caractéristiques
qui contribuent aux modèles de développement de la région sans les
déterminer.

240

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Le commentaire de carte topographique

II. Des modèles de développement territorial


spécifiques à la haute montagne
Les paysages de la région des Arcs illustrent la succession de modèles de
mise en valeur dont a bénéficié la haute montagne, et leur organisation
très spécifique.

1. Le modèle agro-sylvo-pastoral,
ou l’exploitation des complémentarités de la montagne
La mise en valeur traditionnelle de la montagne repose sur l’exploitation
complémentaire dans l’espace et dans le temps des différents terrains.
Deux logiques principales organisent le territoire étudié : l’étagement et
l’exposition.
On entend par étagement l’implantation de la végétation et des acti-
vités en fonction de l’altitude le long des flancs d’une montagne. Les
étages sont souvent moins tranchés que ne le laissent supposer des
représentations schématiques, mais n’en demeurent pas moins centraux
ici. Hormis quelques vergers et vignes en situation de microclimat favo-
rable, le fond de vallée est réservé à l’élevage hivernal et au fourrage,
tandis que les premières zones au-delà de la limite supérieure de la
forêt sont pâturées l’été, d’où leur nom d’estives. Les bâtiments d’alti-
tude isolés (chalets, granges) étaient des habitats temporaires pour les
bergers accompagnant les troupeaux de bovins, dont le lait peut être
utilisé pour la production du fromage AOP de Beaufort. Entre ces deux
territoires d’élevage, la forêt, quoique difficile d’accès, est exploitée
(cf. les scieries). Les toponymes révèlent combien l’étagement et son
exploitation sont intégrés au territoire vécu des habitants (« x d’en bas »
et « x d’en haut »).
L’exposition contrastée des versants structure également beaucoup
l’espace montagnard. Suivant les cas, c’est l’exposition au vent et aux
précipitations (milieu tropical notamment) ou au soleil (adret, ubac) qui
joue le plus. Dans le cas présent, ce sont bien les contrastes d’ensoleil-
lement qui jouent un rôle majeur : les versants ensoleillés, tournés vers
le sud, appelés adrets, sont souvent déboisés pour le pâturage des bêtes,
tandis que les ubacs, déjà évoqués, sont largement utilisés à des fins
sylvicoles, avant d’être mis en tourisme du fait d’une durée supérieure
de leur enneigement.

241

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 241 05/05/2017 16:12


Méthodes Le commentaire de carte topographique

2. La mise en tourisme progressive des étages de la montagne


On peut retracer le développement de « l’or blanc » par le développe-
ment progressif des stations de ski depuis les premières pentes jusqu’aux
plus hautes altitudes. La montée en altitude s’est accompagnée d’une
évolution du modèle architectural et de financement. Les stations les
plus anciennes et les plus basses, dites « de première génération », se
sont développées à partir de noyaux villageois préexistants, tandis que
les stations de 2e et 3e générations ont été construites ex nihilo, suivant
les bases de l’urbanisme collectif des années 1960-1970 (exemple des
Arcs). Les pistes, surtout tracées sur les ubacs, convergent vers un espace
central (la « grenouillère ») qui rassemble de nombreux immeubles
abritant commerces, logements et parkings. Les critiques portées à ce
type d’architecture ont débouché sur un dernier modèle de station,
de « 4e génération », qui réexploite les archétypes de l’architecture de
montagne (chalets individuels) en contrebas des implantations précé-
dentes (exemple de Sainte-Foy Tarentaise).

3. Des remises en question


Les chalets en ruine et les broussailles témoignent des difficultés de
l’élevage extensif : les zones qui avaient été défrichées pour permettre
l’installation des alpages retournent progressivement à la forêt.
La succession des modèles de stations de ski illustre la fragilité du
développement touristique : si ces équipements emploient une large
partie de la population, ils sont soumis aux fluctuations de la clientèle
(crise économique, évolution de la demande sociale, etc.), alors même
que les investissements (télésièges, téléskis, etc.) sont considérables.

III. Enjeux et conflits : la montagne,


entre protection et développement
La région des Arcs est aujourd’hui tiraillée entre exigence de protection
des milieux remarquables et mise en valeur, notamment touristique, de
ces hautes altitudes.

1. Une protection stricte au cœur du premier


Parc national français
La région abrite le Parc national de la Vanoise (PNV), instauré en 1963,
au nom de l’effort de sanctuarisation des écosystèmes. Comme tous les

242

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 242 05/05/2017 16:12


Le commentaire de carte topographique

parcs nationaux français, la Vanoise comprend une zone de « cœur »,  Voir Chapitre 4.
dans laquelle les contraintes portées à l’activité sont maximales (pas de
véhicules motorisés, pas de chasse, etc.) pour préserver un écosystème
remarquable. Le cœur de parc (correspondant à la « zone centrale » des
cartes antérieures à la loi de 2006), en l’espèce non habité de manière
pérenne, se distingue de l’aire d’adhésion qui l’entoure. La mention de
« portes » du parc illustre la volonté de contrôle de cet espace.

2. Des conflits majeurs


Les contours de la zone de cœur ne semblent répondre à aucune logique
naturaliste : incluant ou non les glaciers, souvent au-delà de la zone fores-
tière mais pas toujours, etc. Ces contours biscornus révèlent en réalité
les compromis effectués pour résoudre les conflits apparus dès 1963.  Voir Chapitre 4.
De même, l’éloignement de la station de Tignes du cœur de parc s’ex-
plique par la volonté de préserver les intérêts touristiques de la région.
Aujourd’hui encore, la proximité entre les installations électriques du
barrage ou les pistes de ski et le cœur du parc semble problématique.

3. Des tentatives de compromis


entre protection et développement
La carte de 2009 représente l’« aire maximale d’adhésion », c’est-à-dire
l’ensemble des communes susceptibles de ratifier la charte du parc et
d’accepter ainsi de participer à un espace de moindre contrainte, mais
au sein du PNV. Cette aire abrite la plupart des stations de ski citées.
La carte illustre les évolutions de la politique de protection de la nature
en France depuis les années 1960 : s’il s’agissait alors de soustraire des
écosystèmes remarquables à l’influence des sociétés, la redéfinition en
2006 des parcs nationaux oriente leur philosophie davantage vers un
développement local durable.
Pour autant, l’opposition au parc de la grande majorité des maires de
l’aire optimale d’adhésion, rendue visible par le rejet de la charte en 2015,
illustre la difficulté de conciliation entre des usages fondamentalement
différents du territoire de montagne.  Le commentaire
est accompagné d’un croquis.
Voir p. 248.

243

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 243 05/05/2017 16:12


Méthodes Le croquis de synthèse

Le croquis
de synthèse
Qu’est-ce qu’un croquis de synthèse ?
Le croquis de synthèse résume de manière graphique et spatialisée les
principales informations sur un thème donné. Il peut également être uti-
lisé pour simplifier une carte topographique. Les objectifs du croquis sont :
– de résumer des informations de manière spatialisée ;
– de faire ressortir les grandes lignes de l’organisation d’un espace.

Règles de base du croquis en géographie


§ Il constitue une démonstration en soi, et doit donc être problématisé.
§ Il est un discours graphique, qui doit répondre aux règles du langage
cartographique, c’est-à-dire de la sémiologie graphique.
§ Sa lisibilité est essentielle : il doit être conçu et réalisé avec soin, en
veillant à lui accorder suffisamment d’espace (une page entière) et sa
légende doit être visible en même temps.

Grands principes de sémiologie graphique


§ Il existe trois grands types de figurés :
– les figurés surfaciques (ou zonaux) permettent de représenter un
élément sur un espace étendu (à-plats de couleurs ou hachures) ;
– les figurés ponctuels permettent de représenter un lieu ou un élé-
ment localisé (points dont la forme, la taille et la couleur peuvent
varier selon l’intensité du phénomène ;
– les figurés linéaires permettent de représenter un mouvement ou
une infrastructure (traits pleins ou pointillés, flèches).
§ Un phénomène est représenté par un figuré et un seul. Les couleurs
chaudes traduisent les valeurs positives, les couleurs froides les
valeurs négatives.

244

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Le croquis de synthèse

Les étapes de réalisation d’un croquis


1. Analyser le sujet et trouver un titre problématisé.
2. Concevoir et ordonner la légende.
3. Réaliser la carte en superposant les à-plats de couleur, puis les élé-
ments ponctuels, puis linéaires.
4. La nomenclature est toujours écrite à l’horizontale, sauf pour les cours
d’eau et les chaînes de montagne (en suivant le cours de l’eau ou
la ligne de crête).
5. Placer l’échelle et l’orientation.

MATÉRIEL NÉCESSAIRE
– Crayon à papier, gomme et taille-crayons.
– Crayons de couleur permettant de réaliser des camaïeux (plusieurs tons de vert
et de bleu par exemple).
– Feutres fins.
– Stylos de différentes couleurs.
– Règle graduée.
– Normographe (ou trace-formes) contenant les formes de base (cercle, carré,
triangle, polygone…) dans plusieurs tailles.

Conseils et erreurs à éviter !


• Chercher à représenter des éléments qui ne sont pas lisibles à l’échelle de la
carte.
• Utiliser le même figuré pour plusieurs types d’éléments ou différents figurés
pour le même type d’élément.
• Rechercher l’exhaustivité sans tenir compte de la problématique.

245

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Méthodes Le croquis de synthèse

Trame schématique à suivre


lors de la réalisation d’un croquis

Titre général Q Q
du croquis :
indique la localisation
et utilise au moins l’un T Orientation : le plus
des mots clés du sujet souvent au même
Jamais de croquis muet !!! endroit que l’échelle
(= toujours indiquer (même si possible de
Cadre : W W l’indiquer dans un coin
pour délimiter quelques toponymes)
en haut du dessin)
visuellement l’espace
du dessin (et l’espace T Y Échelle : selon
concerné par l’échelle) la convention de
Y présentation,toujours
dans un coin bas
Titres des parties : E E I. ........................................................................ du dessin
expriment les argu-
ments de la démons-
tration, qui reprennent R U U Légendes des figurés :
le(s) notion(s) clés montrer l’apport de cette
annoncées dans le titre information factuelle
général pour la démonstration
E II. ....................................................................... générale

Figurés R R I I Respecter la
progressivité : de
l’information la plus
générale à la plus
E III. ...................................................................... particulière, de la
plus centrale à la plus
anecdoctique
R O
O Les figurés doivent
démontrer l’argument
P annoncé dans le titre
P Respecter la cohérence entre figuré et légende : de partie.
si figuré ponctuel, information ponctuelle
Exemples : Aéroport Zone aéroportuaire
En vert : les éléments OBLIGATOIRES pour tous les croquis.
Schéma © Pascale Nédelec, 2016.

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Le croquis de synthèse

APPLICATION Croquis d’interprétation


de la carte IGN 3532 ET
Les Arcs-La Plagne

L’exercice s’appuie sur le commentaire de la carte IGN 3532 ET


Les Arcs-La Plagne au 1/25 000e. La difficulté principale réside dans  Voir p. 226.
la capacité à produire une véritable démarche analytique qui ne soit
pas un simple décalque des informations représentées sur la carte.
La démarche nécessite de déterminer une problématique précise
à laquelle le croquis fournira une réponse graphique.

Définir la problématique
Dans le cas présent, la question principale à soulever est celle de la multi-
plicité des usages des environnements de la haute montagne, aussi bien
protégés dans des parcs et des réserves qu’exploités à des fins agricoles
ou touristiques.

Formaliser graphiquement la problématique


Le croquis va devoir insister sur cette variété, et donc jouer sur les possi-
bilités de superposition des figurés surfaciques : ainsi seront visualisés
les espaces où deux logiques s’affrontent :
– La trame perpendiculaire au cœur du croquis met bien cette situation
en avant (aire d’adhésion du PNN confrontée aux grands domaines
skiables).
– La superposition de tous les types de figurés (linéaire, surfacique et
ponctuel) révèle les multiples usages de cette montagne.

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Méthodes Le croquis de synthèse

Les usages contrastés d’un environnement de haute montagne :


l’exemple de la Vanoise

LA ROZIÈRE
MONTVALEZAN
BOURG-SAINT-MAURICE

ITALIE
AIME LES ARCS

MÂCOT-
LA-PLAGNE

LA PLAGNE

TIGNES

5 km

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Le croquis de synthèse

Légende

I. LE MASSIF DE LA VANOISE : DES PAYSAGES REMARQUABLES (ET DES ESPACES PROTÉGÉS...)

La haute montagne Cœur du Parc national


de la Vanoise
Principaux glaciers
Aire d’adhésion optimale
Principaux sommets > 3 000 m
Réserves naturelles

II. … EXPLOITÉS DE MANIÈRE CONTRASTÉE…

Haute montagne Potentiel espace


Stations de ski
frontalière, isolée de conflit d’usage
Domaines skiables
Complémentarité
des terroirs

III. … ET ORGANISÉS AUTOUR DE LA VALLÉE DE LA TARENTAISE

Vallée de la Tarentaise Ville > 6 000 habitants

Principal axe de communication Ville > 1 000 habitants

Routes en lacets reliant les Implantation industrielle


stations de ski à la vallée Vignes et vergers

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Méthodes Le commentaire de paysage

Le commentaire
de paysage
Qu’est-ce qu’un commentaire de paysage ?
§ Le commentaire de paysage consiste à restituer les observations réalisées
sur le terrain ou à partir d’une photographie (ou d’autres documents)
 Il s’agit d’objets matériels sous la forme d’une description organisée accompagnée idéalement
(arbre isolé ou pavillon par d’un croquis. Il s’agit de décrire de manière fine l’organisation des formes
exemple) qui participent au
du paysage en commençant par sa structure ou ossature dépendante
caractère d’un paysage par
leur arrangement et leur du relief puis d’identifier l’ensemble des motifs élémentaires (qui
signification culturelle. composent une scène unique).
§ Cet exercice requiert de mobiliser un vocabulaire approprié.
§ Une synthèse est rédigée afin de mettre en relation les différentes
observations ayant permis de distinguer plusieurs unités paysa-
Une unité paysagère gères caractérisées par une topographie singulière et un arrangement
désigne une partie de d’éléments. Une lecture attentive du paysage doit permettre de faire
territoire présentant une
certaine homogénéité. ressortir les enjeux propres à chaque espace étudié puisque certains
éléments révèlent des dynamiques.

Les étapes du commentaire de paysage

1. Décrire le document
§ Préciser s’il s’agit d’une photographie (oblique, verticale, aérienne ou
au sol) ou bien d’une représentation picturale.
§ Si l’information est connue, mentionner la date (année) mais aussi
la saison du document car certains paysages, comme les paysages
agricoles ou touristiques par exemple, présentent des physionomies
changeantes.
§ Identifier le point de vue choisi par l’auteur du document pour définir
d’où la photographie a été prise et situer le paysage dans un espace
plus vaste.

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Le commentaire de paysage

2. Nommer les éléments du paysage


§ Inventorier l’organisation des éléments présents sur l’image en dis-
tinguant et nommant précisément les objets identifiés. Cette étape s’ap-
puie d’abord sur la topographie (lignes de force, repérage des grandes
masses). Il s’agit en fait de rendre compte de l’ossature du paysage.
§ Observer la répartition des éléments d’occupation du sol dans l’es-
pace. Chaque paysage résulte de la combinaison d’objets élémentaires.
Porteurs d’information, ces derniers peuvent être organisés autour de
grandes catégories telles que la végétation (surfaces boisées, surfaces
en herbe, absence…), le bâti (habitations, usines, édifices religieux,
infrastructures routières…), en fonction des activités productrices
associées telles que l’agriculture (parcellaire, type de culture…) ou les
transports (routes, ponts…) par exemple. Ces catégories doivent aider
à construire une lecture géographique organisée du paysage.
§ On peut ici s’aider avec un tableau dans lequel on va lister pour chaque
plan de l’image les différents éléments repérés. Il s’agit d’un outil ana-
lytique utile pour lire le paysage qu’il faudra ensuite utiliser pour
recomposer les caractéristiques de chaque unité paysagère.

3. Analyser et interpréter
§ Commenter sous la forme d’une synthèse organisée. Celle-ci consiste
à expliciter les spécificités de chaque unité de paysage aussi bien du
point de vue de leur répartition vis-à-vis de la topographie des lieux
que de leur agencement interne.
§ Prendre du recul pour rendre compte de la manière dont ces objets
s’agencent les uns par rapport aux autres et pour identifier les dyna-
miques repérées. Certaines composantes du paysage témoignent de
tendances (évolution des pratiques agricoles, aménagement en cours,
abandon d’infrastructures, etc.) qu’il faut expliquer à l’aide de ses
connaissances. La dimension esthétique du paysage doit être prise en
compte et replacée dans son contexte : œuvre d’art, affiche de promo-
tion touristique, photographie amateur.

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Méthodes Le commentaire de paysage

4. Réaliser un croquis interprétatif


Réaliser un croquis visant à délimiter des secteurs homogènes, ou
unités paysagères, sur l’espace étudié. Ces unités partagent la même
physionomie paysagère : chacun se caractérise par un agencement dis-
tinct d’objets élémentaires. Les limites entre deux unités peuvent être
nettes ou bien floues. Le croquis s’accompagne d’une légende explicite
 Voir Méthode du croquis et structurée.
de synthèse p. 244.

Conseils et erreurs à éviter !


• Un des éléments clefs du croquis de paysage repose sur la maîtrise d’un voca-
bulaire précis et adéquat.
• La réussite du croquis nécessite d’opérer des allers-retours entre les échelles
d’observation : le croquis ne doit pas consister en un décalque exhaustif
des éléments observés mais bien proposer une représentation synthétique tandis
que la légende fera référence à l’arrangement des objets élémentaires dans
chacune des unités paysagères.

252

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Le commentaire de paysage

APPLICATION Un paysage agricole d’Asie du Sud-Est

Rivière de la Nam Ha et abords du village de Nalan Neua


Document
(Luang Namtha, Laos)

Photo © Marie-Anne Germaine, novembre 2016.

Présentation
La photographie ci-dessus présente un paysage agricole typique des
régions de montagnes tropicales d’Asie du Sud-Est. Elle a été prise en
novembre 2016 dans le nord du Laos soit après la saison des pluies, pendant
la période de récolte du riz qui constitue la principale production agricole
locale. Les lignes directrices sont imposées par la topographie de la vallée
de la rivière Nam Ha. On repère facilement trois plans sur cette photogra-
phie prise depuis le versant situé en rive gauche de la rivière : (1) la rivière
Nam Ha, (2) le fond de vallée rizicole et (3) les versants de montagne.

253

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Méthodes Le commentaire de paysage

Analyse préalable
Ces catégories
sont à définir pour Plans de l’image
ou Topographie Végétation naturelle Végétation
chaque type de (ossature ou spontanée liée à l’agriculture
Éléments construits
paysage : elles du paysage)
peuvent changer.
Aucun
Végétation spontanée
au bord de la rivière (mais l’eau de
la rivière peut être
La végétation spontanée 1. La rivière Arbres plus hauts sur le Aucun
utilisée pour alimenter
borde les berges versant de rive gauche
les productions
d’un cours d’eau. (1er plan) : ripisylve
agricoles)

Constructions
dispersées sur pilotis
Parcellaire agricole
avec matériaux
Végétation plus dense (petites surfaces
végétaux (bambous,
suivant un linéaire laniérées).
feuillages) et
2. Le fond de vallée à droite de l’image Riz récolté (jaune)
modernes (tôles)
et la terrasse rizicole (ripisylve le long d’un et non collecté (vert
Réseau de diguettes
affluent provenant clair)
matérialisant les
du versant) Zone de battage du riz
canaux d’irrigation
(couleur plus claire)
alimentant les casiers
rizicoles

Forêt dense
3. Les versants Parcelles cultivées Quelques
Friches d’âges
de montagne et récoltées (jaune) constructions isolées
différents

Commentaire
La rivière Nam Ha se jette dans la rivière Nam Tha quelques kilomètres
en aval. C’est une rivière d’environ 10 mètres de large. Elle est séparée
du fond de vallée par une berge bordée d’une végétation spontanée
composée d’herbes et de buissons ainsi que d’arbres en rive gauche. On
appelle ripisylve la végétation rivulaire qui longe une rivière.
Le fond de vallée est plat. Il s’étire de la rivière Nam Ha au pied du
versant de montagne sur une largeur d’environ 300 mètres. Il est occupé
par des parcelles agricoles précisément découpées. Leurs limites sont
nettement visibles. Il s’agit en fait du réseau géométrique de diguettes qui
révèle l’aménagement de casiers irrigués. C’est donc un paysage de rizi-
culture qui occupe le fond de vallée. À l’exception de trois ensembles de
parcelles qui se détachent par leur coloris vert, les casiers viennent d’être
récoltés. Ces derniers ne sont pas totalement à nu : on devine qu’il reste

254

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Le commentaire de paysage

au sol les chaumes (ou tiges) de riz qui apparaissent de couleur foncée.
Les taches plus claires matérialisent les aires de battage : les gerbes de
riz sont disposées sur le sol propre (les chaumes sont coupés) et battues
à la main pour extraire les grains des panicules. Plusieurs constructions
modestes sont dispersées dans les champs. Il s’agit de constructions en
matériaux végétaux utilisés par les villageois pendant les différentes
étapes de la production du riz. Elles permettent aux paysans de résider
dans les champs éloignés du village, pendant la saison des pluies entre
juin et octobre principalement pour assurer la préparation des casiers
(labour, repiquage), surveiller la croissance du riz (sarclage, entretien
du réseau d’irrigation, surveillance des prédateurs) puis la récolte.
Les versants de la montagne présentent une physionomie plus hété-
rogène. Les limites entre les éléments paysagers sont aussi plus floues.
Une partie des versants est recouverte par une forêt dense apparais-
sant avec une teinte plus foncée. Ces parties boisées les plus anciennes
occupent notamment le fond de vallée d’un affluent rejoignant la Nam
Ha. On repère à l’inverse des surfaces presque à nu sur les versants. Il
s’agit de parcelles cultivées en agriculture pluviale. Sur les pentes, les
villageois n’ont pas aménagé de système d’irrigation. La parcelle n’est
pas immergée dans l’eau : la culture du riz dépend des apports pluvio-
métriques de la saison des pluies.
Cette culture est itinérante : chaque parcelle n’est cultivée qu’une
année (parfois deux), puis elle est abandonnée en jachère afin que la
fertilité du sol se reconstitue. Cette pratique, appelée abattis-brûlis,
consiste à défricher une parcelle de forêt (plus ou moins ancienne) puis
à brûler les débris végétaux. Il s’agit d’une agriculture extensive à long
cycle : la forêt se régénère sur une période de 20 ans, passant d’un stade
de friche herbacée à un stade de friche arborée jeune puis mature, avant
d’être de nouveau défrichée.
Pour ne pas épuiser la fertilité des sols et la forêt, de vastes surfaces
sont nécessaires afin de conserver des révolutions longues. Ce système
n’est tenable qu’avec de faibles densités de populations. Ce type de mise
en valeur agricole explique la mosaïque paysagère qui caractérise les Pour approfondir, lire
DUCOURTIEUX O., 2009, Du riz
versants sur lesquels alternent des parcelles récoltées récemment, de
et des arbres, Paris, Karthala.
jeunes friches herbacées et arborées, des forêts secondaires reconstituées
et des forêts plus denses sur les sommets.

255

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 255 05/05/2017 16:12


Méthodes Le commentaire de paysage

Croquis interprétatif

I. UN VERSANT DE MONTAGNE II. UN FOND DE VALLÉE RIZICOLE


PRÉSENTANT UNE MOSAÏQUE IRRIGUÉE
DE BOIS, FRICHES ET CULTURES Digues et canaux d’irrigation
Parcelle cultivée délimitant les casiers rizicoles
Friche herbacée Casier récolté
Friche arborée jeune Casier non récolté
Boisements secondaires Aire de battage
Boisements denses Construction
Construction Végétation spontanée
III. LA RIVIÈRE NAM HA
Rivière
Ripisylve (végétation rivulaire)

256

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 256 05/05/2017 16:12


Le schéma fléché

Le schéma fléché
Qu’est-ce qu’un schéma fléché ?
§ Un schéma fléché est la représentation de tous les éléments constitu-
tifs d’un processus, qu’il faut hiérarchiser et associer en montrant les
relations qui les unissent. Il peut s’agir d’une chaîne de décisions et
d’actions (acteurs : institutions, organisations, individus…) mais aussi
du fonctionnement d’un territoire (échelles spatiales et temporelles,
aspects physiques, caractéristiques sociales et économiques, enjeux
politiques, culturels…).
§ On peut structurer de plusieurs manières ce type de schéma :
– Une organisation arborescente, représente très bien l’enchaîne-
ment d’une structure très hiérarchique, comme un organigramme
d’acteurs.
– Une organisation linéaire horizontale ou verticale, elle, est souvent
utilisée pour schématiser le déroulement d’un processus depuis ses
causes jusqu’à ses conséquences.
– Une organisation circulaire est plus adaptée à un phénomène
fonctionnant comme une boucle, particulièrement à l’approche sys-
témique. Ce cas de figure est utile pour représenter l’équilibre ou le
déséquilibre d’un territoire : on parle alors de rétroactions (on iden-
tifie un « cercle vertueux » ou un « cercle vicieux » sur le territoire
étudié).
§ L’objectif est donc de répondre à une problématique précise en
schématisant la progression du raisonnement, qui doit indiquer
un point de départ et un point d’arrivée. Le schéma fléché suppose
de remettre dans le bon ordre les différents éléments envisagés,
et ensuite de symboliser leurs relations par des flèches. Celles-ci
peuvent représenter des causalités simples. Les doubles-flèches
symbolisent des interactions (influences réciproques).

257

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Méthodes Le schéma fléché

Exemple d’organigramme : hiérarchie des acteurs et du processus décisionnel


de la gestion de l’eau dans l’Atlas marocain au cours du temps

Avant 1996 Depuis 1996


Maroc Allemagne Maroc Allemagne
Ministère de l’Agriculture Ministère fédéral Ministère de l’Agriculture, Ministère fédéral
et de la Réforme Agraire (MARA) de la Coopération économique du Développement Rural et de la Coopération économique
et du Développement (BMZ) des Pêches Maritimes (MADRPM) et du Développement (BMZ)

Comité de pilotage
Direction des Eaux et Forêts
et de la Conservation des Sols Agence de Coopération
(DEFCS) technique (GTZ) Ministère Délégué Chargé Agence de Coopération
des Eaux et Forêts (MDCF) technique (GTZ)

Circonscription
Régionale de Meknès Direction Régionale des Eaux et
Forêts du Moyen Atlas (DREF/MA)

Direction Provinciale de
l’Agriculture Khénifra (DPA) Direction Provinciale de
l’Agriculture Khénifra (DPA)

Autres Services Service des Eaux et


de la DPA Forêts (SEF)
Services Cellule
de la DPA du POS
Cellule
du POS
Communes
Communes rurales
rurales
Réseau des
aide-vulgarisateurs/trices

Population Population

Relation tutélaire ou d’influence forte


Relation d’influence et/ou d’échanges faible ou absente
Relation d’échanges participatifs

Source : EL JIHAD M.-D., 2010, « Les difficultés de gestion des ressources “naturelles” et de développement rural dans un milieu anthropisé :
l’expérience du Projet Oued Srou (Maroc central) », Norois
[En ligne], 216|2010/3, mis en ligne le 1er décembre 2012, consulté le 15 février 2017.

Exemple de schéma fléché linéaire,


illustrant un processus d’enchaînement d’aléas

Rupture Incendie
de la canalisation
Tremblement Dégâts
de terre
Effondrement
de bâtiments

Source : PROVITOLO D., 2005, « Un exemple d’effets de dominos : la panique dans les catastrophes urbaines »,
Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], document 328,
mis en ligne le 29 novembre 2005, consulté le 15 février 2017.

258

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 258 05/05/2017 16:12


Le schéma fléché

Exemple de schéma fléché circulaire,


illustrant une boucle de rétroaction
Le système punjabi

Paysannerie
moyenne Capacité d’investir

Surplus agricoles Pouvoir d’achat Industrie

Mécanisation Énergie

Irrigation

Urbanisation
Eaux
du seuil
Himalaya

Source : François Durand-Dastès © http://geoconfluences.ens-lyon.fr.

Les étapes de réalisation du schéma fléché


Réussir un schéma fléché, c’est d’abord réunir toute l’information dis-
ponible pour n’oublier aucun élément.
§ Lire attentivement le sujet et relever les informations que contiennent
les documents. Il faut commencer par bien cerner le territoire étu-
dié, d’abord en le délimitant très précisément dans l’espace et dans le
temps.
§ Identifier les différents éléments de ce territoire, les regrouper thé-
matiquement puis ensuite les analyser et les hiérarchiser les uns par
rapport aux autres. Cette étape permet de comprendre le problème
qui est posé sur le territoire étudié et que le schéma doit représenter.
Les échelles spatiales et temporelles peuvent être explicitement repré-
sentées pour montrer les nuances spatiales d’un processus et/ou son
évolution au cours du temps.

259

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 259 05/05/2017 16:12


Méthodes Le schéma fléché

Conseils et erreurs à éviter !


• Les relations entre les éléments sont toujours orientées et symbolisées par
des flèches, lesquelles peuvent être explicitées par une courte mention (dépend
de, influe sur, interagit avec, provoque, accélère, ralentit, etc.).
• Pour améliorer la lisibilité du schéma, on peut le diviser en différents sous-
ensembles thématiques ou spatiaux. Les éléments de même nature peuvent
aussi être colorés de manière identique. Une légende doit être associée pour
expliquer le code couleur adopté.
• La réalisation d’un schéma fléché nécessite l’usage d’un vocabulaire rigou-
reux pour identifier et représenter le processus.
• La lisibilité est essentielle : la réalisation doit tenir sur une seule page et être
la plus claire possible pour que la fluidité du raisonnement puisse être facilement
suivie.

260

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 260 05/05/2017 16:12


Le schéma fléché

APPLICATION Le Sahel face à la sécheresse


et à la désertification

Doc. 1 Le Sahel  D’un point de vue


climatique, le Sahel est défini
comme un espace compris
entre les isohyètes 200 et
600 mm, formant une bande
latitudinale comprenant six
pays d’Afrique de l’Ouest.
La saison des pluies
ne dépasse pas trois
mois et les précipitations sont
irrégulières
d’une année sur l’autre.
MAURITANIE
MALI NIGER
mm TCHAD
200 SOUDAN

SÉNÉGAL 600
mm
GAMBIE BURKINA
FASSO
GUINÉE-
BISSAU TOGO NIGERIA
CÔTE BÉNIN
D’IVOIRE RÉP.
GHANA CENTRAFRICAINE
CAMEROUN

Bioclimat
Hyper-aride
(< 50 mm/an, P/ETP < 0,03)
Aride
(50 à 150 mm/an, 0,03 < P/ETP < 0,20)
Années
Semi-aride 2 humides
(150 à 600 mm/an, 0,20 < P/ETP < 0,50)
1
Indice de pluie

Sec subhumide
(600 à 800 mm/an, 0,50 < P/ETP < 0,75) 0
Isohyètes (mm/an) –1
Années
Délimitation de la région –2 sèches
sahélienne 1950 1960 1970 1980 1990 2000
P/ETP permet de calculer l’indice d’aridité bioclimatique (précipitation/évapotranspiration potentielle).

Source : Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire.

261

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 261 05/05/2017 16:12


Méthodes Le schéma fléché

Doc. 2 L’ampleur de la désertification au Soudan


« La croissance démographique et les progrès techniques du XXe siècle n’ont pas
été sans dégrader la couverture végétale : la population soudanaise est passée de
2 millions en 1898 à 28 en 1998. La pression humaine et animale s’est traduite de
diverses façons sur l’environnement.
[…] La couverture végétale une fois décapée pour faire place aux cultures de sorgho
ou de mil, la terre est laissée à nu après la récolte : la mince pellicule de terre arable
ayant perdu toute structure à la suite des labours est vite emportée par le vent […].
L’agriculture mécanisée […] a des effets au moins aussi désastreux, par ses déboise-
ments méthodiques, ses labours profonds, son souci de rentabilité maximale à court
terme qui exclut toute jachère.
Le bétail a crû au même rythme que la population, et il se trouve confronté à l’extension
des cultures qui le prive des meilleurs pâturages : il est donc repoussé vers les terres
marginales. La consommation de bois de feu et de construction est aussi responsable
de cette désertification aréolaire. Les villes, outre leur besoin domestique en charbon
de bois, doivent alimenter leurs boulangeries et leurs fours à briques en grosses pièces
qu’elles vont chercher de plus en plus loin. »
Source : LAVERGNE Marc (dir.), 1989, Le Soudan contemporain,
Paris © Éditions Karthala.

Doc. 3 Les défis de la désertification


« La désertification est l’un des plus grands défis environnementaux et un frein majeur
à la satisfaction des besoins élémentaires des populations en zones arides. Le plus
souvent, elle est associée à un certain nombre de manifestations physiques et socio-
économiques telles que l’ensablement, l’avancée du désert, l’érosion et la dégradation
des sols, la déforestation, le déclin de la productivité biologique des terres, la croissance
démographique, l’utilisation inappropriée des technologies. […]
Quant à la sécheresse, elle désigne le phénomène naturel qui se produit lorsque les
précipitations ont été sensiblement inférieures aux niveaux normalement enregistrés
et qui entraîne de graves déséquilibres hydrologiques préjudiciables aux systèmes de
production des ressources en terres. Dans la zone circum-saharienne, la sécheresse
est l’un des impacts les plus importants des variabilités climatiques, elle constitue
également un facteur aggravant à long terme de la désertification et de tout son cortège
de problèmes socio-économiques. […] Alors que la problématique des variabilités et
changements climatiques est abordée selon une perspective de long terme, la déser-
tification est, elle, injustement appréhendée sur le court terme. […]

262

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 262 05/05/2017 16:12


Le schéma fléché

Sur le plan socioéconomique, il existe une relation sociale fort complexe entre chan-
gements climatiques, désertification et diversité biologique. […] Ils se manifestent
notamment par la baisse des rendements agricoles, le faible retour sur investissement,
la destruction des villages et des habitats, les pertes en vies humaines, la destruction
des espaces culturaux, les pertes matérielles, les déplacements des populations, et
les pertes du cheptel. […]
La désertification provoque des tensions sur l’utilisation des terres, des migrations et
la désagrégation des tissus sociaux. »
Source : AL HAMNDOU Dorsouma et REQUIER-DESJARDINS Mélanie, 2008,
« Variabilité climatique, désertification et biodiversité en Afrique :
s’adapter, une approche intégrée », VertigO [En ligne], vol. 8, n° 1, avril.

Définir le cadre géographique du processus


et une problématique
L’objectif est de montrer que le Sahel est un espace fragile soumis aux
processus de désertification. D’un point de vue climatique, le Sahel est
défini comme une zone comprise entre les isohyètes 200 et 600 mm,
formant une bande latitudinale comprenant six pays d’Afrique de
l’Ouest. La saison des pluies ne dépasse pas trois mois et les précipitations
sont irrégulières d’une année sur l’autre. Le travail consiste à expliquer
le processus de la désertification dans une région spécifique, le Sahel,
défini comme un espace de transition entre le désert saharien, au nord,
et la zone soudanienne, au sud (Es-Sahel en arabe signifie littéralement
« rivage » ou « bordure »).
Quelles sont les causes qui génèrent la désertification ? Quelles consé-
Problématique
quences peut-on également mettre en évidence ?

Distinguer et classer les informations Ne pas confondre !


issues des divers documents
Sécheresse et
L’élaboration d’un schéma nécessite de sélectionner dans les documents désertification, la
les informations essentielles. sécheresse étant une
cause aggravante
Que peut-on retenir des documents suivants ? Il est conseillé de classer de la désertification.
les informations extraites des documents à l’aide d’un tableau.

263

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 263 05/05/2017 16:12


Méthodes Le schéma fléché

Climat semi-aride, avec une période sèche dominante, variabilité climatique importante
Doc. 1
avec de longues périodes de sécheresse

Relever Croissance démographique forte, progrès technique, dégradation du couvert végétal,


les informations Doc. 2 modification de l’agriculture, intensification et modernisation, érosion, extension
des documents du pâturage, croissance du cheptel, consommation du bois de chauffe

Dégradation des terres, déforestation, sécheresse, migration, pertes humaines,


Doc. 3
baisse des rendements

Après avoir identifié et sélectionné les informations importantes, il


faut les regrouper en grands thèmes. Dans le cas de la désertification, on
peut identifier des éléments liés à des processus naturels et d’autres liés à
des phénomènes anthropiques. Également, il est possible de séparer ceux
qui relèvent des causes et ceux qui relèvent des conséquences.

Causes Conséquences

Réduction du couvert végétal,


Regrouper Phénomènes naturels Variabilité climatique, sécheresse
érosion
et hiérarchiser
les informations Surexploitation des ressources,
Phénomènes Croissance démographique,
réduction des rendements, famine,
anthropiques modernisation agricole
migration, conflits

Formaliser graphiquement le schéma explicatif


Dans le cas présent a été choisie une organisation linéaire verticale,
Choisir le type permettant de bien décomposer le déroulement du processus de déser-
de schéma tification, partant de ses causes, à la fois naturelles et anthropiques,
jusqu’aux conséquences, également multiples.
La région du Sahel correspond à un climat semi-aride, avec une longue
période sèche. Cette région a connu également des périodes de sécheresse
prolongées, survenues dans les années 1970 et 1980, qui ont fragilisé à la
fois le milieu naturel et les sociétés fondées sur une agriculture pluviale
et sur le pastoralisme. La variabilité des sécheresses peut être également
accentuée dans un contexte de changement climatique.
La surexploitation désigne Dans le même temps, on peut observer une augmentation de la popu-
le stade où un prélèvement lation sahélienne, qui a pour conséquence d’accroître la pression sur le
excessif de la ressource
dépasse sa capacité milieu, en particulier du fait de l’intensification agricole et pastorale.
de renouvellement. La conséquence de cette pression est une surexploitation de la ressource

264

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 264 05/05/2017 16:12


Le schéma fléché

pastorale (surcharge) et une modification des pratiques agricoles qui


se traduit par l’intensification agricole et pastorale et un changement
d’affectation des sols. La surexploitation des ressources fragilise le milieu
naturel, voire provoque des processus de dégradation, comme la dété-
rioration des pâturages et l’appauvrissement des sols.
L’accroissement démographique entraîne aussi une extension de
l’urbanisation et s’accompagne de l’augmentation du prélèvement de
ressources énergétiques telles que le bois de chauffe, accentuant la défo-
restation et engendrant des pollutions diverses. C’est bien la combinaison
des facteurs naturels et anthropiques qui est à l’origine du processus de
désertification. La conséquence de ces divers facteurs est l’aggravation
des processus de dégradation des sols, comme l’érosion et la réduction
de la capacité de renouvellement de la végétation. Cela provoque une
baisse de la productivité agricole et pastorale, responsable sur le long
terme du processus de désertification.
Ainsi, la désertification résulte de modes d’exploitation et de gestion
des terres inappropriés dans le contexte de milieu fragile et contraint
que représente le Sahel. Les conséquences de la désertification sur les
sociétés sahéliennes se manifestent par une destruction des milieux
naturels, une aggravation de l’insécurité alimentaire, et plus largement
de la pauvreté, pouvant entraîner localement des famines. Cela peut se
traduire également par des phénomènes de migrations des populations
et d’aggravation des conflits sur les ressources naturelles.

265

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Méthodes Le schéma fléché

Schéma fléché

Climat semi-aride Sociétés sahéliennes fondées


Changement SAHEL sur l’agriculture pluviale
(période sèche prononcée)
climatique et le pastoralisme

Variabilité climatique Accroissement démographique

Sécheresse Modification de l’agriculture Accroissement de la demande Urbanisation


prolongée énergétique
Progrès technique
Prélèvement de bois Concentration de
Explotation Intensification Intensification de chauffe la population
de terre de l’élevage de l’agriculture
inappropriée pluviale
Déforestation Dégradation
Pratiques environnementale
Augmentation
de la charge agricoles
pastorale inadaptées Pollution
Réduction
du couvert Détérioration Appauvrissement
végétal des pâturages des sol

Aggravation de l’érosion des sols Migrations Fonciers


et réduction de la productivité végétale
Aggravation Ressources
Diminution de la productivité agricole et pastorale des conflits naturelles
(sol, eau,
DÉSERTIFICATION (temps long) végétation)

Destruction de
milieux naturels

Insécurité alimentaire Aggravation de la pauvreté, de la famine

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Le commentaire de statistiques

Le commentaire
de statistiques
Qu’est-ce qu’un commentaire de statistiques ?
§ Un tableau de statistiques est un ensemble de cases rangées en lignes
et en colonnes, contenant des données chiffrées. Le commentaire de
statistiques consiste à lire les données présentées dans le tableau, à ana-
lyser le tableau en sélectionnant les informations les plus significatives,
et à construire un commentaire organisé et argumenté de ce tableau.
§ En statistiques, la « population » désigne l’ensemble étudié (qu’il s’agisse
d’êtres humains ou d’objets mesurés). Le « caractère » ou « variable » est
le critère (quantitatif ou qualitatif) choisi pour étudier cette population.
Le caractère a plusieurs « modalités », correspondant aux différentes
valeurs ou aux différents états que peut prendre le caractère.
§ Les tableaux à une entrée portent sur un seul caractère d’une popu-
lation ; les tableaux à double entrée présentent simultanément deux
caractères d’une population, l’un en ligne, l’autre en colonne.

Les étapes du commentaire de statistiques

1. Lire attentivement le tableau


§ Lire le titre du tableau pour identifier le(s) thème(s) traité(s).
§ Lire les titres des lignes et des colonnes pour identifier les caractères
et les modalités étudiés.
§ Identifier la source et la date du document.
§ Identifier les unités dans lesquelles le tableau est exprimé.
§ Repérer les éventuelles informations complémentaires (en note autour
du tableau), indiquant par exemple que les données ne portent que sur
un échantillon, ou encore que certaines données sont non disponibles
(N.D.).

267

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 267 05/05/2017 16:12


Méthodes Le commentaire de statistiques

§ Identifier les autres informations importantes pour lire le tableau :


totaux (en ligne ou en colonne), moyennes, séries chronologiques, etc.

2. Analyser le tableau
§ Faire ressortir l’idée générale et la tendance dominante résultant de
l’ensemble du tableau. Identifier dans le tableau, à partir du titre, des
intitulés des lignes et des colonnes, et des chiffres les plus évidents,
le(s) caractère(s) et modalité(s) dominant(es). Puis, étudier les infor-
mations plus spécifiques.
§ Faire des calculs : ainsi, lorsqu’il s’agit de valeurs absolues, il peut être
utile, en confrontant ces valeurs aux totaux, de calculer des pourcentages.
§ Interpréter : faire des liens entre les variables étudiées ; mobiliser les
connaissances sur la question ; expliquer les tendances générales (ou
minoritaires mais significatives) ; formuler des hypothèses ; porter un
regard critique sur les informations.

3. Commenter le tableau
§ Rédiger un commentaire organisé du tableau statistique, en partant
du général pour aller vers le particulier, et en organisant les interpré-
tations effectuées précédemment.
§ Bien hiérarchiser les informations, afin de montrer que le tableau a
été non seulement compris, mais aussi traité et analysé.
§ Accompagner éventuellement le commentaire d’un graphique pour-
représenter les informations traitées et faire ressortir les idées impor-
tantes tirées de l’analyse du tableau.

Conseils et erreurs à éviter !


• Attention aux erreurs de calcul ! Bien distinguer les données absolues (en
chiffres bruts) des données relatives (taux, proportions, indices, etc.) ; vérifier si
les données sont exprimées en milliers ou en millions ; les coefficients multipli-
cateurs ne s’additionnent pas, ils se multiplient ; etc.
• Le commentaire doit se fonder sur du vocabulaire précis. Ainsi, ne pas dire que
telle variable « évolue », ce verbe étant trop imprécis.

268

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 268 05/05/2017 16:12


Le commentaire de statistiques

APPLICATION Les usages de l’eau en Poitou-Charentes

Tableau 1 Volumes d’eau prélevés en 2014 en France


métropolitaine et en Nouvelle-Aquitaine
France métropolitaine
Nouvelle-Aquitaine (millions de m3)
(milliards de m3)
Les différents
Eaux de Eaux Eaux Eaux
usages TOTAL TOTAL
surface souterraines de surface souterraines
de l’eau
Alimentation
1,9 35,2 % 3,5 64,8 % 5,4 102,7 21 % 388,5 79 % 491,2
en eau potable
Usage industriel 1,7 60,7 % 1,1 39,3 % 2,8 133,5 75 % 44,5 25 % 178
Usage agricole 1,9 65,5 % 1 34,5 % 2,9 136,5 30 % 315,4 70 % 451,9
Production
18,8 100 % 0 0% 18,8 105 100 % 0 0% 105
d’énergie
Tous usages 24,3 81,3 % 5,6 18,7 % 29,9 477,7 39 % 748,3 61 % 1 226
Tous usages hors
5,5 49,6 % 5,6 50,4 % 11,1 372,7 33 % 748,3 67 % 1 121
énergie
Sources : Agences de l’Eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne, EDF, SOeS. Traitement : ORE.

Tableau 2 Volumes d’eau prélevés en Poitou-Charentes


(millions de m3)
2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Eaux
15,6 15,6 16,6 15,0 9,1 8,5 9,2 8,1 7,7 7,9 7,9
Usage industriel

de surface
Eaux
9,4 9,3 8,9 9,4 6,6 5,3 5,5 5,9 6,1 5,5 5,4
souterraines
Retenues 1,0 1,0 1,0 1,0 1,1 1,0 0,9 1,2 1,8 1,7 1,5
Total 26,0 26,0 26,5 25,4 16,9 14,7 15,6 15,2 15,6 15,1 14,8
Eaux
53,5 52,8 50,0 48,8 54,7 54,0 50,8 59,4 34,3 24,8 25,1
de surface
en eau potable
Alimentation

Eaux
94,7 88,8 89,0 84,8 77,4 81,5 81,9 75,2 100,1 106,3 104,2
souterraines
Retenues 17,6 7,4 9,4 9,7 10,2 17,4 17,1 16,4 10,6 10,5 11,3
Total 165,8 149,0 148,4 143,4 142,3 152,9 149,8 151,0 145,0 141,5 140,5
Eaux
48,3 27,0 37,6 25,1 37,8 41,4 42,0 26,7 38,1 35,3 23,7
de surface
Usage agricole

Eaux
164,6 112,1 134,1 88,1 113,8 126,0 124,1 107,9 113,6 106,2 72,6
souterraines
Retenues 31,5 27,3 30,3 20,6 24,3 29,4 29,3 31,3 28,8 28,1 16,7
Total 244,4 166,4 201,9 133,7 175,9 196,7 195,4 165,9 180,6 169,6 113,0

269

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 269 05/05/2017 16:12


Méthodes Le commentaire de statistiques

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014
Eaux
113,2 101,2 108,1 98,6 116,0 106,2 110,4 102,3 91,4 98,8 105,0
de surface

Production
d’énergie
Eaux
0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
souterraines
Retenues 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Total 113,2 101,2 108,1 98,6 116,0 106,2 110,4 102,3 91,4 98,8 105,0
Eaux
230,6 196,6 212,3 187,6 217,7 210,0 212,4 196,6 171,5 166,8 161,7
de surface
Prélèvements
tous usages

Eaux
268,8 210,3 232,0 182,2 197,8 212,7 211,4 188,9 219,8 217,9 182,2
souterraines
Retenues 50,0 35,7 40,7 31,2 35,6 47,8 47,3 48,9 41,2 40,3 29,5
Total 549,4 442,6 485,0 401,1 451,1 470,4 471,1 434,5 432,5 424,9 373,3
Données source : Agences de l’eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne. Traitement : ORE.
Les données sont issues des déclarations faites au titre de la redevance pour prélèvement de la ressource
en eau (fixée pour un certain seuil de volume annuel prélevé). Les données ne sont donc pas exhaustives
et comportent des estimations.

Présentation des documents


Les données statistiques présentées s’organisent en deux tableaux issus
Identifier les sources
des agences de l’eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne.
Le tableau 1 présente les volumes d’eau prélevés en 2014 en Nouvelle-
Identifier les
unités de mesures. Aquitaine, avec comme unité de mesure le million de m3 et ceux prélevés
Attention, ce ne sont en France en 2014 avec comme unité de mesure le milliard de m3. Il
pas les mêmes entre s’agit de données absolues, accompagnées de données relatives en pour-
les deux tableaux.
centages. Les volumes d’eau prélevés sont distribués en fonction des
grands secteurs d’activité ayant l’usage de la ressource hydrique. La
ressource hydrique est également subdivisée en fonction de la nature de
la ressource, soit issue des eaux de surface (canal, cours d’eau naturel,
nappe alluviale, retenue alimentée par un forage en nappe alluviale,
retenue collinaire, retenue alimentée par un prélèvement effectué dans
un cours d’eau), soit issue des eaux souterraines (nappe profonde, source,
retenue alimentée par forage en nappe profonde, retenue alimentée par
une source).
Le tableau 2 reprend les informations statistiques présentées
Lire attentivement dans le tableau 1, si ce n’est que les données ne concernent plus que
les lignes et les
colonnnes
l’ancienne région française de Poitou-Charentes. Ce tableau offre une
série diachronique des volumes d’eau prélevés de 2004 à 2014.

270

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 270 05/05/2017 16:12


Le commentaire de statistiques

Analyse
En région Nouvelle-Aquitaine (doc. 1), les prélèvements en eau, tous
usages confondus, s’élèvent à 1,2 milliard de m3. Il est plus pertinent
de calculer la part en pourcentages que représentent les volumes d’eau Faire des calculs pour
faciliter l’analyse
prélevés par secteur d’activité. Avec 491,2 millions de m3 prélevés, la part
des volumes prélevés pour les besoins en eau potable se monte à 40 %.
Viennent ensuite les prélèvements agricoles, évalués à 451,9 millions Hiérarchiser
de m3, soit 36 %. Le secteur industriel et le secteur de production d’énergie les informations :
prélèvent des quantités d’eau plus faibles : 178 millions de m3 (14,5 % des plus grandes
valeurs aux plus
du volume total) et 105 millions de m 3 (8,5 % du volume prélevé) petites
respectivement.
Au regard de la nature de la ressource hydrique, il apparaît que les
prélèvements se font majoritairement dans les eaux souterraines, à
hauteur de 61 %, mais cela cache de grandes disparités selon les secteurs,
les eaux de surface étant majoritairement prélevées pour les usages
industriels (75 %) et pour la production d’énergie (100 %), alors que
l’alimentation en eau potable (79 %) et l’agriculture (70 %) sont majori-
tairement assurées grâce aux eaux souterraines.
Il est possible de comparer avec la situation nationale en ayant au
Toujours convertir
préalable converti les valeurs absolues en valeurs relatives. À l’échelle des valeurs absolues
nationale, c’est le secteur de la production de l’énergie qui prélève la plus en valeurs relatives
grande part de la ressource hydrique (62 %). pour comparer

L’analyse du tableau 2 permet de connaître la situation des prélè-


vements pour l’ancienne région de Poitou-Charentes et son évolution
depuis 2004. En 2014, les prélèvements d’eau en Poitou-Charentes
représentent 373 millions de m3 (31 % des prélèvements totaux de la
région Nouvelle-Aquitaine). La tendance des prélèvements en eau tous
usages confondus est à la baisse, passant de 549 millions de m3 en 2004 à
373 millions de m3 en 2014. La répartition de ces prélèvements selon l’ori- Faire ressortir
la tendance
gine (eaux de surface et eaux souterraines) est à peu près équivalente tous dominante
usages confondus (50 %/50 %), mais elle varie nettement selon les usages :
l’industrie et le secteur de production d’énergie utilisent essentiellement
de l’eau de surface, alors que les secteurs agricole et de l’alimentation en
eau potable prélèvent majoritairement les eaux souterraines (respective-
ment 64 % et 74 % en 2014). En 2014, 38 % sont consacrés à l’alimentation
en eau potable (140 millions de m3).

271

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 271 05/05/2017 16:12


Méthodes Le commentaire de statistiques

Ces prélèvements se sont stabilisés ces dernières années autour des


140/150 millions de m3, mais leur part relative a augmenté (30 % des
prélèvements en 2004). Les prélèvements agricoles représentent 30 %
du total prélevé (113 millions de m3). L’évolution de ces prélèvements
est très fluctuante d’une année à l’autre car ils sont très dépendants des
Proposer situations pluviométriques, plus ou moins favorables, même si on peut
des interprétations observer un recul relatif de la part des prélèvements agricoles depuis
2004, où ils représentaient 45 % des prélèvements. Les prélèvements des
activités industrielles représentent 4 % (15 millions de m3).
On observe une diminution régulière des volumes prélevés de ce
secteur depuis 2004, même si sa part relative reste équivalente. Les prélè-
vements liés à la production d’énergie ont une part importante dans la
répartition des prélèvements, représentant 28 % (105 millions de m3) ;
ils sont stables dans le temps en volume, mais sont en augmentation
au regard de leur part relative dans les prélèvements totaux (seulement
20 % en 2004).

Commentaire
Des prélèvements sont effectués dans les eaux de surface et les eaux
souterraines pour satisfaire les usages domestiques, les besoins des acti-
vités industrielles et agricoles ainsi que de production d’énergie. En 2014,
Organiser 29,9 milliards de m3 d’eau ont ainsi été prélevés en France. L’alimentation
le commentaire en d’eau potable a utilisé 5,4 milliards de m3, soit environ 18 % du total
allant du général
prélevé. L’industrie et l’irrigation occasionnent des prélèvements compa-
(situation nationale)
au particulier rables, autour de 3 milliards de m3. Le secteur de l’énergie prélève quant
(situation régionale) à lui 18,8 milliards de m3 (près de 63 % du total prélevé). Ces prélève-
ments se font en majorité dans les eaux de surface (81 %), sauf pour l’eau
potable pour laquelle le recours aux eaux souterraines est fréquent, étant
généralement de meilleure qualité.
En région Poitou-Charentes, les prélèvements sont préférentiel-
lement réalisés dans les eaux souterraines à hauteur de 67 %. Cette
particularité par rapport à la moyenne nationale s’explique par des
problèmes de qualité des eaux de surface. Ces dix dernières années, la
tendance des prélèvements pour ces différents usages est à la baisse.
Cette évolution reste toutefois très dépendante des conditions clima-
tiques et des pratiques de production, notamment agricoles. La situation

272

N5209_Geographie-environnementale_5e.indd 272 05/05/2017 16:12


Le commentaire de statistiques

de 2014 apparaît exceptionnelle puisque c’est la première année sur


la période étudiée que les prélèvements agricoles sont inférieurs aux
prélèvements pour l’eau potable. En effet, le Poitou-Charentes est une
région agricole où le secteur des grandes cultures (céréales, oléagineux)
est puissant et où l’irrigation se pratique sur de grandes surfaces de
production.
On peut faire l’hypothèse que la diminution régulière des volumes
prélevés du secteur industriel depuis 2004 est due à l’amélioration des
techniques de prélèvement mais aussi à une baisse de l’activité. Les
prélèvements liés à la production d’énergie sont le fait de la centrale
nucléaire de Civaux.

Graphiques proposés pour le Poitou-Charentes

Répartition des prélèvements Répartition des prélèvements Évolution des prélèvements


par usage en 2014 par origine selon les usages en 2014 par usage
%
4% 100 100 %
Millions de m3
850
26 % 31 %
80
750
Usage agricole
63 %
28 % 30 % 60
650
40 74 % 69 %
550

20 37 %
450
Alimentation et eau potable
38 % 0
350
Eaux de Eaux Usage industriel
surface souterraines 250

Alimentation et eau potable Alimentation et eau potable 150


Production d’énergie

Usage agricole Usage agricole


50
Production d’énergie Production d’énergie
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
14
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20
20

Usage industriel Usage industriel

Accompagner
le commentaire
de graphiques

273

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Index

INDEX
A consommation 145
COP 172, 180
acteur 11, 18, 22, 61, 73, 77, 78, 115, 119, 124,
128, 179, 185, 200, 202, 203, 207, 208, 213 COP3 181
adaptation 20, 22, 27, 69, 163, 192, 200 COP15 184
Agenda 21 180, 189, 202, 204, 207 COP16 183
agriculture 31, 32, 34, 35, 38, 90, 97, 101, 102, COP21 19, 181, 182, 183, 186, 187
145, 154, 201 crise 21, 22, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 152, 158,
aléa 22, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 73, 75, 173, 174, 175
79, 80, 159, 184 cryosphère 30, 156, 158
Allemagne 54, 87, 98, 211
D
aménagement 18, 49, 79, 90, 101, 102, 105, 106,
124, 136, 191, 203, 204, 205 dégradation 27, 35, 48, 101, 129, 201
Anthropocène 16, 22, 154, 173, 175, 176, 177, développement 17, 19, 20, 21, 22, 24, 26, 27, 38,
178, 192 45, 48, 99, 104, 119, 120, 148, 179, 183, 184, 191,
anthroposystème 96 199, 201
Arctique 42, 45, 142, 159, 166
E
atmosphère 31, 32, 144, 175, 201
atténuation 22, 74, 162, 181 eau 30, 31, 33, 36, 45, 46, 47, 49, 52
écologie 102, 117, 120, 123
B effet de serre 144, 145, 151, 156
bilan radiatif 31, 144, 145, 148 énergie fossile 33, 38, 48, 176, 210
biodiversité 21, 22, 32, 129, 131, 133, 158, 173, énergie renouvelable 33, 47, 201
175, 187, 202 épuisement 26, 27, 33, 40, 48
biosphère 31, 32, 144, 151, 153, 157, 164, 175,
180 F
FAO 120
C forçage 145, 148, 149, 151, 160
calanque 136 forêt 32, 35, 36, 39, 90, 116, 151, 204, 208
Calanques 136 friche 97, 102, 212
carbone 26, 28, 29, 36, 151, 190
catastrophe 22, 61, 66, 70, 73, 74, 77, 80, 173 G
Chine 39, 183, 184, 201 gaz à effet de serre 39, 47, 144, 150, 151, 154,
CO2 19, 145, 150, 151, 154, 155, 157, 158, 160, 156, 160, 162, 181, 186, 206, 208
194 géopolitique 15, 18, 19, 42, 44, 47, 49, 51, 61, 64,
concertation 18, 105, 106, 125, 128, 179, 188, 159, 173, 178, 181, 183, 184, 191
202, 203 gouvernance 17

275

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Géographie de l’environnement

H O
hybride 95, 96 ONG 75, 120, 124, 129, 130, 179, 185, 189
hydrocarbure 28, 33, 39, 41, 42, 43, 44, 52, 154, ONU 19, 75, 77, 120, 173, 179, 180
186
hydrosphère 30, 32, 144, 175 P
parc naturel 122, 184, 187
I
participation 203
Indonésie 38, 71, 74, 150 périurbanisation 102
industrialisation 20, 145, 174, 177, 178 politique 15, 18, 19, 21, 22, 50, 61, 74, 103, 104,
inégalité 21, 24, 34, 44, 46, 68, 69, 158, 178, 183, 106, 117, 120, 125, 130, 133, 163, 173, 179, 180,
184 187, 188, 203, 205, 206, 207, 209, 210
protection 19, 21, 22, 75, 103, 104, 105, 106, 115,
J 116, 117, 118, 119, 123, 124, 125, 129, 133, 134,
Japon 34, 40, 60, 65, 74, 77, 175 174, 179, 187, 189, 205
Protocole de Kyoto 180, 181, 184, 186, 195, 202
K
Q
Kenya 50, 123, 126
kenyane 114 Quaternaire 17, 153, 166, 176, 178

L R
Laos 38, 46, 253 réparation 75
lithosphère 28, 32, 175 restauration 118, 209
littoral 49, 99, 103, 104 risque 21

M T
milieu 9, 15, 17, 20, 27, 28, 31, 51, 62, 65, 88, 96, tempête Xynthia 76, 229, 230, 232
115, 116, 117, 118, 121, 127, 129, 152, 156, 177 tourisme 99, 100, 104
montagne 95, 98, 101, 104 transition énergétique 49, 50, 54, 163, 183

N U
Natura 2000 124 urbanisation 38, 76, 104, 105, 148
nature 15, 88, 90, 93, 95, 98, 108, 116, 117, 119,
124, 129, 133, 174 V
vulnérabilité 22, 60, 61, 66, 67, 69, 70, 73, 80

276

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Avec les contributions de :
Éloïse Libourel (méthodes du croquis de synthèse
et du commentaire de carte topographique)
Pascale Nédélec (méthode de la dissertation)
Christophe Quéva (méthode du commentaire de statistiques)

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