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Résumé
Abstract
67. Elena de Vogeleer, Doctorante, Institut TELECOM, TELECOM Ecole de Management, [email protected]
68. Denis Lescop, Maître de conférence, Institut TELECOM, TELECOM Ecole de Management, [email protected]
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même en est affecté : ce n’est pas une institution qui émerge spontanément. Les
marchés naissent, convergent ou disparaissent au gré du processus d’exploration
et surtout au gré de l’intention stratégique de certaines entreprises. En ce sens, le
marché n’apparaît plus comme le lieu de rencontre d’une offre ou d’une demande
mais comme un outil au service de la stratégie d’entreprise : le comportement
de certaines entreprises va ainsi influencer, structurer l’environnement dans
lequel elles évoluent. Les règles du jeu concurrentiel changent. Avoir une forte
position concurrentielle ne signifie pas nécessairement être doté d’une puissance
économique remarquable sur un marché. C’est avant tout être au-delà du marché.
Pour prendre une image, le pouvoir dans une vente aux enchères n’est pas dans
les mains de celui qui gagne mais dans celles de celui qui pilote : le commissaire-
priseur.
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demand, etc. ”. Pour lui, les échecs de marchés renvoient à l’idée que certaines
institutions de marchés sont incapables de soutenir les activités économiques
désirables ou d’arrêter celles qui sont devenues obsolètes. Plus tard, Williamson
(1975) reprend cet argument et conçoit trois conditions qui, seules ou combinées,
entraînent l’existence d’échecs de marché :
1. La rationalité limitée des acteurs économiques (condition 1) : dans des
environnements incertains ou complexes, les acteurs économiques prennent
de mauvaises décisions en raison de leur incompréhension de la situation ou
de leur aversion vis-à-vis du risque. Par exemple, un manager va adopter une
posture conservatrice face à l’incertitude alors qu’un comportement agressif
aurait permis d’améliorer la situation de l’entreprise. La rationalité limitée du
consommateur s’exprime par son inaptitude à appréhender dans leur totalité
des environnements comportant un grand nombre d’acteurs économiques et
donc un grand nombre de transactions possibles. Cette inaptitude conduit le
consommateur à commettre des erreurs lors de ses choix, voire à ne pas choisir,
ce qui entraîne des inefficacités des marchés.
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Dans ce cas, des groupes d’agents économiques (par exemple des acheteurs
ou des vendeurs) ne parviennent pas à interagir en raison d’une organisation
inopérante du marché alors que leur interaction serait fructueuse. Ce phénomène
peut traverser les marchés et les industries. Le manque d’information ou l’incapacité
des agents économiques à appréhender correctement leur environnement global
conduisent également à des échecs de plus haut niveau du système économique.
Les agents économiques n’ont alors pas conscience de l’existence d’opportunités
en dehors de leur marché de prédilection. Ce second type d’échecs a conduit à
l’émergence de la notion de marchés dits multi-faces (Armstrong, 2006 ; Rochet
et Tirole, 2003, 2006). On parle ainsi indifféremment de faces de marchés, de
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Les marchés évoluent. Les entreprises les plus dynamiques du début du siècle
dernier ne sont pas celles d’aujourd’hui. L’histoire économique nous montre que
les marchés se créent, évoluent, se transforment entraînant des mouvements de
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Reste à savoir comment créer un marché. Pour se faire, il nous faut revenir à la
source : Qu’est-ce qu’un marché ? De nombreuses définitions existent. Un marché
s’entend toujours comme un lieu (physique ou virtuel) où des offreurs proposent
des produits ou services à des demandeurs, c’est-à-dire des agents économiques
intéressés. Dans son étude thématique de 2001, le Conseil de la concurrence,
chargé de veiller au bon fonctionnement des marchés en France, propose une
définition plus pratique du concept de marché : “ Le marché, au sens où l’entend le
droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et
la demande pour un produit ou un service spécifique. En théorie, sur un marché,
les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui
peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu’il y en a plusieurs, ce qui implique
que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres. À l’inverse,
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Les plateformes vont exécuter deux fonctions de base pour se rendre attractives
(Boudreau et Hagiu, 2009 ; Hagiu, 2009) :
-- la diminution des asymétries d’information pré-transactionnelles :
coûts de recherches de l’information pertinente pour interagir, recherche
de l’agent économique avec qui interagir, négociation, etc.
-- la diminution des coûts joints de la transaction : coûts post-
transactionnels, garanties des termes de l’échange, sécurisation des
paiements, logistique de distribution, etc.
Ces deux fonctions garantissent aux agents économiques une diminution des
coûts liés à l’interaction, ce qui constitue bien un premier élément d’attractivité.
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E-POST:
-Visualisation
Banques
Clients -Stockage
-Paiements sécurisés Grands Facturiers (Eau,
Gaz, Electricité, Impôts,
-Consultation de etc.)
comptes
-Services de rappels…
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Consommateurs
Amazon Oui Non
Marchands affiliés
Oui Consommateurs
App Stores (Apple) Oui (application Grandes marques
publicitaires) Développeurs
Consommateurs
Centre commercial Oui Oui Grandes marques
Magasins
Acheteurs
EBay Oui Non
Vendeurs
Google Internautes
Non Oui
(moteur de recherche) Publicitaires
Internautes
Pages Jaunes Non Oui
Entreprises
Acheteurs
Vendeurs
pap.fr (Site d’annonces
Oui Non Locataires
immobilières)
Propriétaires
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Dans le premier cas, la plateforme élabore une charte de qualité et de bon usage
des outils mis à disposition, ou établit un mécanisme de certification. Le 14 février
1999, NTT Docomo lance sous le nom i-mode un ensemble de services Internet
sur téléphone mobile. I-mode permet notamment la consultation de sites web et
l’accès à une messagerie via un téléphone mobile. Très tôt, NTT Docomo se rend
compte que sa plateforme d’Internet Mobile ne peut fonctionner que si les sites
web consultés par ses clients sont adaptés à la taille de l’écran et aux capacités
techniques de son réseau et de ses terminaux mobiles. Un mauvais calibrage des
sites web pourrait décevoir les clients et les dissuader d’utiliser l’Internet Mobile
(qui à l’époque présentait des sources de revenus considérables). NTT Docomo
va donc développer un système de certification assurant au consommateur que
les sites web certifiés pourront être utilisés sans désagréments sur l’ensemble de
ses terminaux mobiles. NTT Docomo prend en charge le processus de certification
mais n’intervient pas en tant que fournisseur de services sur sa propre plateforme.
Une fois certifié, les sites ont accès au portail de l’i-mode. Le système demeure
ouvert puisque les clients de NTT Docomo accèdent également au site non
certifié. Cette stratégie de certification a permis à NTT Docomo de lancer avec
succès l’Internet Mobile au Japon : en août 1999 (6 mois après son lancement)
l’i-mode compte 1 millions d’abonnés ; en août 2000, 10 millions ; fin 2009, 48
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millions pour 95000 sites certifiés. L’i-mode a été plus qu’une nouvelle source
de profit dans l’industrie mature du mobile au Japon. Il a redéfini les contours
et la structure du marché en rendant possible l’avènement de l’Internet Mobile.
China Mobile a suivi une stratégie identique lors du déploiement de sa plateforme
mobile Monternet en Chine en novembre 2000 (Jing et Xiong-Jian, 2011).
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La clé de résolution des problèmes d’agence requiert une action sur différents
leviers. Tout d’abord, le détenteur de plateforme doit rendre son système
transparent de façon à pouvoir détecter rapidement les actions nuisibles de
certains agents. Meetic a par exemple mis en œuvre une politique acharnée
d’éradication des réseaux de prostitutions sur son site web. L’interopérabilité des
systèmes de développement et la mise en place de droit de propriété par le
détenteur de plateforme peuvent s’avérer utiles. En effet, l’interopérabilité assure
une diffusion rapide et efficace des nouveautés dans le système. Par ailleurs,
la gestion des droits de propriété (ouverture ou gestion stricte) permet d’éviter
des fuites trop faciles hors du système. De grands acteurs comme Google
emploient des stratégies plus radicales de rachats ou de partenariats serrés
avec des éléments potentiellement dangereux (PME, start ups). Le détenteur de
plateforme peut aussi s’arranger pour maintenir ses partenaires dans un état de
non maturité : empêcher ses partenaires de grossir garantit une protection forte
contre les problèmes d’agence. Au surplus, le maintien des partenaires dans un
état juvénile renforce la diversité du système et donc sa productivité.
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Conclusion
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