Com Et Qualiticien Bivi
Com Et Qualiticien Bivi
Com Et Qualiticien Bivi
J’ai acquis la conviction que la fonction qualité est devenue un important vecteur de
changement de l’entreprise, c’est-à-dire une fonction chargée de développer sa capacité à
s’adapter aux évolutions de son environnement.
Le (la) qualiticien(ne) des origines[1], qui était surtout un (une) technicien(ne), est devenu un
(une) spécialiste du management des organisations. Il (elle) connaît l’entreprise et ses
mécanismes économiques, techniques, humains. Il (elle) sait qu’une organisation doit être
structurée en fonction des risques qu’elle court à un horizon rapproché et à long terme. Il
(elle) est au courant de l’existence de toutes les méthodes et outils du management de la
qualité, de la sécurité, de la santé, de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), de
l’excellence. Il (elle) a la vision du futur (en tout cas celle de son patron).
Hélas, toutes ces merveilleuses qualités ne sont pas suffisantes pour assurer sa fonction (sa
vocation, devrais-je dire) avec la plus grande efficacité. Il est une qualité entre toutes qui est
nécessaire, précieuse, pratique, essentielle, indispensable, décisive, vitale et pour tout dire
obligatoire : j’ai nommé la communication, ou plutôt la capacité à bien communiquer.
– il travaille pour le futur en incitant ses collègues de travail de tous les niveaux
hiérarchiques et de tous les métiers à adapter leurs pratiques aux évolutions de
l’environnement socioéconomique. Il est l’agent du changement ;
– il travaille pour le présent en mettant de l’huile dans les rouages de son entreprise.
Cette facette de l’activité quotidienne du qualiticien m’a été confirmée lors d’un séminaire
organisé par La Poste, au cours duquel un participant avait déclaré que l’essentiel de son
travail était de mettre de l’huile dans les rouages. Il avait annoncé à la cantonade qu’il se
considérait comme une burette, ce qui avait bien fait rire ses collègues du moment qui,
d’ailleurs, l’avaient par la suite affublé de ce surnom.
Que ce soit pour le présent ou le futur, son action quotidienne est de faire changer les
pratiques de ses petits camarades, et j’inclus les managers dans cette appellation générique.
Il doit s’ingénier à faire adopter de nouvelles méthodes en rapport avec les évolutions de
notre monde environnant. Il doit veiller à ce que nous nous adaptions aux nouvelles
réglementations, aux nouvelles technologies de notre métier et aux nouvelles technologies
de l’information. Il doit veiller à ce que nous écoutions nos clients et répondions aux
évolutions de ces attentes.
Il doit veiller à ce que nous ajustions en permanence nos pratiques aux modèles qui nous
font travailler (la réglementation en cours, les exigences actuelles des clients, les contraintes
environnementales ou de santé et de sécurité des personnels, etc.). Il doit veiller à ce que
nous travaillions au plus juste, sans en faire trop ni pas assez, afin d’utiliser nos ressources
humaines et matérielles de manière optimisée.
Lorsque nous travaillons, nous avons le nez dans le guidon et nous n’avons pas toujours une
vue globale du fonctionnement efficace de notre organisation. Il est nécessaire qu’un
membre de la communauté veille à l’efficacité et à l’efficience recherchées. Le qualiticien
s’assure que des analyses de situations et de résultats sont réalisées ça et là dans le cadre du
travail quotidien, et il s’assure que des actions sont mises en œuvre à la suite de ces analyses.
Donc, le qualiticien s’assure que les analyses de routine sont réalisées comme prévu. Par
exemple que les dysfonctionnements, problèmes et non-conformités diverses sont bien
enregistrés dans tous les processus et dans toutes les fonctions avec un niveau quantitatif
satisfaisant. Ou que les clients sont consultés de manière méthodologique afin que l’on
connaisse leur perception de la qualité de nos prestations et de notre organisation. Ou
encore que les performances de tous les processus font bien l’objet d’analyse ainsi que de
traitement des risques, et également de revues régulières et circonstanciées : par exemple
que les résultats des audits internes sont disséqués pour en tirer des informations
synthétiques sur nos points forts et nos points faibles, que les personnels tiennent compte
des attentes des clients internes, etc.
Puis le qualiticien s’assure que des actions sont engagées pour corriger les dérives le cas
échéant. Leur tâche est de vérifier (quel vilain mot) que tout un chacun lève de temps en
temps le nez de son propre guidon pour s’assurer qu’il roule toujours dans la bonne direction
et, dans le cas contraire, qu’il rectifie sa trajectoire en conséquence.
Les actions correctives sont mises en œuvre par les pilotes et responsables divers : rappelez-
vous que le qualiticien n’est pas sur terre pour faire, mais pour faire faire. Avant d’être un
grand communicant, il lui faut d’abord être un affreux donneur d’ordres. Par exemple pour
faire en sorte que des améliorations soient réalisées afin que les clients soient encore un peu
plus satisfaits de travailler avec nous, ou que les écarts entre les prévisions de performance
des processus et la réalité fassent l’objet de réflexions et de remise en cause des pratiques
ou des modèles.
Très souvent, la pression du quotidien empêche nos collègues de consacrer un peu de temps
à ces analyses et à ces actions d’amélioration de routine. Nous devons veiller à ce que cela ne
se produise pas trop en encourageant les intéressés, en les aidant au besoin (sans faire à leur
place), en arbitrant les conflits d’intérêts qui ne peuvent manquer de se produire de temps à
autre.
J’ai abordé la mission du qualiticien pour le présent. Il faut également parler du futur, de la
nécessité d’inciter les autres au changement. Nous ne travaillerons pas dans cinq ans comme
aujourd’hui. Nous aurons certainement des technologies et des contraintes nouvelles. La
mondialisation nous demandera d’innover en permanence dans tous les domaines. La RSE
soutenue par son guide, le référentiel NF ISO 26000, exigera que l’on reconsidère nos manies
et nos habitudes. Le changement se prépare à l’avance.
Le qualiticien doit en conséquence s’assurer que son organisme surveille son environnement.
Il doit s’assurer que cette veille s’effectue dans les domaines majeurs comme la technologie,
la réglementation, la concurrence, les marchés, l’environnement, la santé et la sécurité, etc.
Il utilisera les possibilités du Web pour effectuer ces opérations de veille (et il les fera utiliser
par les responsables intéressés) ainsi que les réseaux sociaux, là où s’expriment désormais
les clients et les usagers. Il essaiera d’identifier les nouveaux outils nécessaires, les
contraintes à prendre en compte, les évolutions probables de son milieu environnant qui
change de plus en plus rapidement. Puis il convaincra son patron de cette nécessité.
En général, son manager, qui a le nez au vent, sent également ces choses-là et les grandes
orientations stratégiques seront déterminées avec pertinence et intelligence. Le qualiticien
devra en conséquence veiller à ce que les orientations se traduisent en objectifs et en actions
concrètes afin que le discours se transforme en faits tangibles de progrès.
Il ne s’agit pas de nommer quelques données de sortie et quelques données d’entrée dans
une matrice quelconque pour faire plaisir à l’auditeur tierce partie qui vient de temps en
temps et que l’avenir et la pérennité de l’entreprise n’empêchent pas de dormir. Il s’agit de
modéliser les relations entre les composantes de l’organisation et de donner des règles de
fonctionnement simples, par exemple de type clients-fournisseurs en interne. Il s’agit de
veiller à ce que tous les liens entre les composantes de l’organisation soient visibles et que
les règles soient appliquées.
Voici un conte africain (inventé de toutes pièces) sur la nécessité de disposer d’interactions
efficaces dans un monde changeant et dangereux.
Une gazelle boit dans une mare. Son processus « digestion » fonctionne efficacement.
Parfois, elle active son processus « muscles » pour relever la tête et son processus « vision »
pour observer le paysage environnant. C’est une gazelle qui vit dans un parc naturel dans
lequel les prédateurs sont confortablement nourris par les administrateurs et ne sont pas
foncièrement dangereux. Cette gazelle a néanmoins toujours pris soin de la compétence de
ses processus afin qu’ils soient en parfait état pour plaire à ses clients visiteurs. Ses muscles
sont puissants, sa vision est excellente, sa digestion parfaite.
Puis les années passent et, les clients se raréfiant, la direction du parc décide de moins
s’impliquer dans les affaires des animaux et de laisser la nature suivre son cours.
L’environnement naturel de la famille gazelle change. Il devient dangereux. Les prédateurs
affamés viennent parfois de très loin pour trouver à manger.
Un jour, la gazelle rencontre une congénère qui fuit un parc naturel devenu invivable de par
la présence de trop nombreux dangers. Elle est stressée, toujours sur le qui-vive, et peut-être
un peu moins athlétique que sa sœur. Les deux gazelles papotent au bord de l’eau quand
soudain, un lion apparaît à la lisière de la forêt proche. Les deux ruminants l’aperçoivent en
même temps.
Vous aurez compris le message : il devient plus important aujourd’hui de bien communiquer
que d’être compétent. Bien entendu, avoir les deux serait idéal, mais la compétence seule
n’est plus suffisante dans un monde où il faut aller vite, répondre rapidement aux demandes
et résoudre encore plus rapidement les problèmes.
C’est le problème majeur du qualiticien si, par hasard (mais c’est très fréquent), son patron
n’est pas convaincu de la nécessité d’un management orienté client avec un guide de type NF
EN ISO 9001. Il faut avouer à la décharge des managers que la qualité ne leur a pas toujours
été présentée sous son meilleur profil. Parfois, lorsque je faisais des audits « tierce partie »
pour un grand organisme dont je tairai le nom, je m’amusais à poser des questions qui
fâchent. Par exemple, je demandais au personnel ce que lui avait apporté une certification
ISO 9001 (qu’est-ce qui avait changé dans sa manière de travailler) et on me répondait :
« Rien, à part le fait de remplir des paperasses. »
Réponse : « Rien (à part peut-être une certaine garantie de qualité et encore, car auparavant,
nous faisions déjà très attention – qu’est-ce que vous croyez, qu’on vous a attendu pour faire
du travail sérieux ?) ! »
Cette digression est destinée à confirmer l’absence quasi générale d’intérêt des managers
pour la qualité (on va dire pour la norme NF EN ISO 9001).
Le premier travail du qualiticien (certes le plus difficile, mais qui va ensuite lui faciliter
grandement la vie) est de convaincre son patron du bien-fondé du référentiel. Toutefois, il lui
faut d’abord évacuer de son vocabulaire tous les gros mots relatifs au management de la
qualité. Ne parlez pas à votre patron avec des mots qu’il ne connaît pas tels que « revues de
direction », « responsabilités de la direction », « politiques qualité » et autres « objectifs »,
« planification des objectifs qualité », etc. N’utilisez pas de termes qu’il confondra avec
d’autres comme « audits internes » ou « processus ».
Parlez son langage, celui du pragmatisme et de l’argent : qu’est-ce que la qualité apportera
aux clients et les amènera à nous acheter encore plus de nos produits ? Qu’est-ce que la
qualité va générer comme économies de toutes natures ? Comment la qualité bien expliquée
peut-elle améliorer la motivation et la responsabilité des personnels ? Comment tout cela
peut-il se mesurer à travers des indicateurs pertinents qui s’intègrent parfaitement dans les
tableaux de bord de l’entreprise ? Bref, comment votre patron va-t-il faire plus de profits,
avoir plus de voix aux prochaines élections ou mener une belle carrière dans une collectivité
ou dans un service de l’État en pratiquant un management de la qualité ?
C’est une tâche moins rude que la précédente lorsque cette dernière a été menée à bien.
Quand le qualiticien a le soutien de sa hiérarchie, comme on dit, il « joue sur du velours ».
Les réticences viennent le plus souvent de la prise de conscience d’une certaine transparence
dans les résultats et dans la mesure de la performance. Cela peut parfois constituer des
problèmes pour les leaders ou les pilotes qui ne travaillent pas aussi bien qu’ils le
prétendent. Lorsque ces freins ou ces obstacles se présentent, l’aide de la hiérarchie est
capitale, car certains principes d’organisation doivent être imposés. Par exemple, le principe
de la mesure des performances (de manière pertinente, s’entend). Ou le principe de
l’amélioration bien dosée. Il s’agit en fait d’imposer l’approche basique du cycle PDCA [3], celui
de « la roue de l’intelligence », qui consiste à demander à tout un chacun de planifier les
résultats attendus dans le domaine d’activités dont il a la charge (le processus), de mesurer
les résultats obtenus et d’engager des actions correctives en cas d’écart entre prévisions et
réalisations. Bien entendu, les résultats attendus (et obtenus) doivent être exprimés de
manière à y intégrer la qualité, comme l’exige la dernière version de la norme NF EN ISO
9001. Il faut intégrer la qualité dans les métiers et dans la stratégie de l’organisme.
Le rôle d’un qualiticien est d’abord d’aider à mettre en place le principe de Deming (nécessité
d’avoir des modèles externes : nous travaillons tous pour les autres – clients, réglementation,
etc. –, de comparer les résultats de ses activités aux modèles externes, de tirer profit de cette
comparaison pour ajuster nos pratiques et nous adapter aux évolutions de cet
environnement extérieur).
En résumé, nos organisations ont toutes pour vocation de produire des biens et des services
pour nos contemporains, qu’ils s’appellent clients ou usagers. Nous devons réaliser ces
prestations de manière efficace et efficiente car ce sont eux qui nous paient de manière
directe (espèces, chèques, etc.) ou indirecte (impôts et taxes). Nous devons donc en
permanence planifier notre travail pour répondre au plus juste (de manière économique) aux
attentes de notre environnement (client, réglementation, éthique, etc.). Nous devons en
permanence nous assurer que nous sommes en phase avec ces attentes en comparant ce
que nous faisons à ce que nous devions faire. Et nous devons en permanence rectifier nos
pratiques pour les ajuster et nous adapter aux variations de nos contraintes externes.
Le rôle d’un qualiticien est ensuite d’aider à faire fonctionner la roue de manière efficace. Il
existe de nombreuses manières de le faire, dont la plus utile est sans aucun doute l’audit
interne de management.
La communication sera bonne lorsque le qualiticien aura fait comprendre à ses collègues
leaders et pilotes qu’il est là pour véritablement les aider, c’est-à-dire leur donner les
moyens de mesurer et d’améliorer leurs performances en permanence.
2.3 Mettre en place et faire fonctionner un système efficace d’interrelations entre les
entités de son organisme
Le conte de la gazelle et du lion doit en principe nous sensibiliser à la nécessité d’être réactif
aux situations imprévues qui se produisent de plus en plus souvent. Cette réactivité dépend
de la qualité et de la rapidité des transmissions entre les individus et entre les composantes
de l’organisation. Nous ne savons pas communiquer entre nous. Disons plutôt que nous
n’avons pas de pratiques de communication comme nous pouvons disposer de pratiques de
travail. Un des rôles majeurs du qualiticien est donc d’installer ces modèles. Une solution qui
s’appuie sur un principe simple et une logique de fonctionnement en processus est la
suivante.
Notre organisme est constitué d’un ensemble de sous-systèmes que l’on a dénommés
« processus ». Nous pourrions les appeler différemment et cela ne changerait rien à
l’organisation communicante à mettre en place. Les organismes qui n’ont pas cette culture
processus peuvent appliquer les règles qui suivent sur les services ou les fonctions. Cela
marche pareillement. Chaque processus fait travailler ses ressources pour produire de la
valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée se matérialise par le biais des données de sortie qu’il
fabrique. Les données de sorties d’un processus peuvent prendre plusieurs formes. Elles
peuvent être des objets (des pièces fabriquées, des chèques traités, etc.) ou des services
(rapport d’analyse, plan directeur, etc.) ou bien encore de l’information formelle ou non
(note de service, réponse à une demande, etc.) ou même des demandes ou des décisions. Le
référentiel ISO nous met sur une piste intéressante en matière de communication en nous
révélant qu’une donnée de sortie est très souvent une donnée d’entrée dans un autre
processus. Nous nous en doutions un peu, mais nous n’avions pas saisi l’importance d’une
telle affirmation.
Bref, si les sorties tangibles bien que parfois immatérielles des processus sont des entrées
d’autres processus, toutes ces relations ne constituent-elles pas des liens de communication
entre les composantes de notre organisation ?
Le travail est donc à moitié fait. Le qualiticien doit convaincre les pilotes de processus de
matérialiser ces liens en les identifiant. Chaque pilote doit établir la liste exhaustive de ses
données de sortie (tout au moins celles qui contribuent à la fabrication des produits et
services) et la liste exhaustive des utilisateurs de ces données de sortie (les processus qui
sont au bout des fils qui sortent de chez lui). L’autre moitié du travail consistera à rendre
efficace et à améliorer le passage d’un processus à l’autre. Il suffit pour cela d’instaurer entre
les processus une règle de fonctionnement de type client-fournisseur en interne. Chaque
processus doit demander à ses clients ses attentes en matière de qualité pour chacune des
données de sortie et satisfaire à ces attentes comme le fait n’importe quel commerçant
sensé et avisé s’il veut conserver ses clients (« Je vous l’enveloppe ? », « Je vous le coupe en
tranches ? »).
Il ne s’agit pas ici d’évoquer les relations humaines dans ce qu’elles ont de difficile et de
complexe. Je ne suis qu’un pauvre technicien cartésien et les subtilités des relations
humaines échappent largement à mes compétences. Il s’agit d’évoquer modestement des
règles organisationnelles qui seront le socle de la communication en espérant que cela
constituera une base favorable à la mise en œuvre des principes humains de communication
(l’écoute, le respect, la reconnaissance, etc.).
La première chose à retenir (que nous connaissons tous intuitivement mais que nous avons
un mal de chien à appliquer) est que chacun d’entre nous est par nature hostile à ce qui vient
de l’extérieur. Si nous voulons que les autres changent leurs pratiques, il ne suffit pas de leur
dire que ce qu’ils font est insuffisant, incorrect, inutile, etc. Il s’agit de leur faire prendre
conscience que ce changement est capital pour leur propre intérêt ainsi que pour exercer
leur activité et atteindre les objectifs qui leur ont été assignés. Nous pouvons établir un
parallèle entre l’attitude communicante des qualiticiens et celle des auditeurs internes
(fonction qu’ils occupent d’ailleurs très souvent).
Le comportement d’un auditeur est identique à celui d’un qualiticien dans l’exercice de ses
fonctions. Un auditeur gagne lorsque son client (l’audité) gagne aussi. Autrement dit, il ne
faut jamais expliquer à un audité que sa pratique n’est pas conforme à tel ou tel modèle car,
ce faisant, nous le dévalorisons. Nous démontrons que cet audité (qui est souvent un
manager) est soit incompétent (il ne connaît pas les modèles et référentiels qu’il doit mettre
en œuvre), soit négligent (il les connaît mais ne les fait pas appliquer), soit idiot (il n’a pas été
capable de cacher ce qui n’est pas conforme aux modèles). Dans tous les cas, la conclusion
d’un audit se solde par une critique et un dénigrement du responsable audité malgré toutes
les fioritures que l’on peut placer autour des conclusions de l’audit.
La technique consiste à faire prendre conscience au vis-à-vis que sa pratique n’est plus
adaptée aux circonstances et qu’il doit en changer. Cette perception de la nécessité de
changer doit venir de lui et non pas de moi. Je peux arriver à cette situation par des
techniques de questionnement simples pour comprendre sa situation et son travail, ses
objectifs, sa manière de les atteindre, etc. En apprenant ce qu’il fait et comment il le fait, je
lui permets de prendre du recul sur sa tâche et sur sa mission et de mettre en évidence des
incohérences. Cette prise de conscience, lorsqu’elle s’opère, génère automatiquement une
modification des pratiques.
Je raccourcis pour l’exemple, car une discussion sur ce sujet peut prendre un peu plus que
trois minutes d’échanges et cela ne marche pas à tous les coups.
3 Le profil du qualiticien
Le qualiticien est beau. Je l’ai déjà affirmé un peu plus haut. Il est grand, il est très costaud, il
est très intelligent. Il protège son entreprise contre les méchants, ceux qui à l’intérieur
produisent des rebuts ou gaspillent les ressources, ceux qui à l’extérieur travaillent moins
bien et moins cher et qui essaient de lui piquer ses clients. Il coiffe ses cheveux en arrière et
une petite mèche rebelle retombe sur son front large et haut. Lorsqu’il travaille, il porte un
costume composé d’un justaucorps bleu sur lequel il a passé un slip rouge assorti à ses
bottes. Il arbore sur sa poitrine un grand S jaune. Vous vous êtes reconnu, j’espère ?
Hormis ces qualités naturelles que tout qualiticien possède de naissance, il est important
qu’il fasse montre d’autres aptitudes. C’est avant tout un entraîneur, c’est-à-dire quelqu’un
qui ne cherche pas à travailler plus vite et mieux que les autres, mais qui essaie de faire en
sorte que chacun évolue. Pour cela, son métier de base n’est pas celui de son entreprise, car
il ne doit pas donner de leçon aux autres. Il n’est pas un expert technique. Il ne doit pas se
mettre en situation de concurrence technique avec les autres. Son domaine d’intervention
n’est pas la technique, c’est la relation et la cohérence des équipes qu’il doit animer, et il doit
animer toutes les équipes dans tous les processus.
Le qualiticien n’est pas un prédateur. Il a une vision du futur et des buts à atteindre. Il est
l’agent du changement et de l’intelligence collective car il aide son organisation à être
efficace, efficiente et à s’adapter en permanence à l’évolution de son environnement
socioéconomique.
Il sait d’où il faut partir et où il faut arriver (s’il y a un point d’arrivée). Il est capable
d’emprunter plusieurs chemins en fonction des difficultés du terrain et des impondérables de
la route. Il sait s’adapter aux habitudes des équipes, à leur culture. Il sait changer de cible si
cela est nécessaire. Il pratique couramment la planification et il partage cette passion avec
les autres.
Un entraîneur est quelqu’un qui sait que les compétences personnelles ne sont pas
suffisantes pour travailler dans un milieu où l’on doit être réactif et efficace. Il essaie de faire
changer ou d’écarter les individus qui ne sont jamais d’accord, qui font la gueule pour un oui
et surtout pour un non, qui ne partagent rien, qui travaillent seuls dans leur coin, qui ne
parlent pas aux collègues, qui ne donnent jamais un coup de main et ne prononcent jamais
un encouragement ni une gentillesse, qui ne sont jamais disponibles, qui trouvent que ce
qu’on leur fait faire est toujours le plus sale boulot, qui pensent que les tâches qu’on leur
confie ne sont pas à la hauteur de leurs vastes compétences, qui ne vont jamais chercher du
café pour les camarades de bureau, qui râlent après tout et rien, qui ne restent jamais aux
pots parce qu’ils partent juste à l’heure, qui arrivent aussi juste à l’heure, qui pensent être
mal payés alors que les autres le sont trop, qui estiment que cela irait mieux avec un autre
chef, qui déclarent que le matériel est inadapté et insuffisant, qui s’exclament que ce n’est
pas de leur faute s’il y a un problème, qu’ils le savaient et qu’ils l’avaient bien dit, qui
tombent souvent malades pendant les vacances scolaires, qui savent tout, qui n’ont pas le
temps, qui expliquent pourquoi la nouvelle organisation ne peut pas fonctionner, qui
pensent que les jeunes sont des bons à rien et que les vieux sont dépassés, en bref, les casse-
pieds.
En vrac, voici quelques caractéristiques qui seront les bienvenues chez un qualiticien :
– le bon sens : le qualiticien pose toujours les questions qui font mouche (à quoi cela
sert ? combien cela coûte-t-il ? quel est le risque si… ? qui utilise cela ? quelle action
avons-nous prise après cette analyse ?) ;
– la générosité : le qualiticien met les autres en avant et les valorise. C’est un trait de
caractère que l’on souhaiterait trouver chez tous les managers, les leaders et les
pilotes ;
Il n’existe pas de liste type des compétences que doit maîtriser un qualiticien. En revanche, il
est possible de citer quatre connaissances qui me semblent fondamentales à posséder. Ce
sont les suivantes.
o 3.3.3 La communication
Certains individus sont naturellement doués et je ne doute pas que les qualiticiens
fassent partie de cette catégorie de personnes. Cependant, il n’est jamais inutile de
développer ses dons naturels en apprenant ou en perfectionnant quelques bases et
quelques outils pragmatiques. Il faudra cependant se méfier des méthodes simplistes
qui affirment par exemple que les psychorigides sont toujours maigres et pâles avec
de grandes oreilles et que les leaders charismatiques ont des mâchoires
proéminentes et des yeux perçants enfoncés sous d’épais sourcils.
Il n’est pas interdit d’apprendre à écouter, à poser des questions qui ne fâchent pas,
à aller vers l’intérêt de l’autre, à harmoniser nos objectifs et les siens, ni de connaître
quelques bases pratiques de l’AT (analyse transactionnelle) et de la PNL
(programmation neurolinguistique). Il y a certes d’autres techniques ou disciplines
tout aussi sérieuses, mais mes maigres compétences en la matière ne m’autorisent
pas à en établir une liste exhaustive.
Le terme « management » est si vaste que c’est devenu un vrai fourre-tout dans
lequel on range tout ce qui n’est pas classable de manière simple ailleurs. Un
qualiticien n’est pas un dirigeant. Ce n’est a priori pas un décideur. Cela ne signifie
pas qu’il ne décide rien du tout, mais son rôle est plutôt celui d’un orienteur. Il
détecte les besoins et apporte des pistes de solutions. Par exemple, en ce qui
concerne les outils, il informera un service de production de la possibilité de mettre
en place des techniques statistiques pour maîtriser la dispersion de ses fabrications.
Il connaîtra suffisamment les principes et les bases de cette méthode pour y
intéresser les responsables concernés et leur montrer l’intérêt de l’adopter. Par
exemple, en ce qui concerne le management, il aura conscience de l’importance de
mesurer de manière pertinente les performances de son organisation et de chacun
de ses processus. Il saura aider et conseiller les responsables dans le choix de leur
tableau de bord et de leurs indicateurs. Il saura démontrer l’incohérence des
objectifs de différentes fonctions le cas échéant.
Son véritable rôle est de contribuer, en tant que numéro un, à l’élaboration d’une
organisation qualité performante (c’est-à-dire efficace et efficiente).
Un des changements fondamentaux amenés par cette dernière version de l’ISO 9001 est une
moindre importance accordée aux systèmes documentaires qui étaient auparavant considérés
comme la base du management de la qualité. Ne disait-on pas à une époque, pas si reculée que cela,
que la qualité consistait à écrire ce que l’on fait et à faire ce que l’on a écrit ? Voici ce qu’on apprend
dans le référentiel NF EN ISO 9000 qui traite des principes du management de la qualité et du
vocabulaire, référentiel mis à jour en 2015.
NF EN ISO 9000:2015
Un organisme axé sur la qualité favorise une culture se traduisant par un comportement, des
attitudes, des activités et des processus qui fournissent de la valeur par la satisfaction des
besoins et attentes des clients et autres parties intéressées pertinentes […].
Le rôle de communicant du responsable qualité, qui était déjà primordial dans les années passées,
est devenu de ce fait absolument incontournable. C’est à lui, de par ses contacts en face à face avec
le personnel, de convaincre tout un chacun de la nécessité d’adopter des comportements de
fournisseurs cherchant la satisfaction de ses clients internes.
À ce propos, cette locution de « client interne » apparaît, elle aussi, dans la dernière version 2015. Ce
n’est pas une exigence (pas encore), mais le fait qu’on évoque cette notion de client interne nous
met sur la voie du type d’attitude que nous devons adopter. Chacun d’entre nous est au service du
client, qu’il soit externe (cela, nous le faisons déjà) ou interne. Et là, il y a encore du pain sur la
planche.
De la même façon qu'il semble difficile de satisfaire ses clients si ses salariés ne le sont pas, il
est ardu de bien communiquer avec ses clients si l'on ne communique pas en premier lieu
avec ses salariés.
NF ISO 9004:2000
La direction doit s'assurer que les responsabilités et autorités sont définies et communiquées
au sein de l'organisme.
La réussite de la démarche qualité ne dépend pas seulement des dirigeants ou du service des
ressources humaines, mais de toute l'entreprise. Une communication réussie dépend donc
de la politique et des moyens mis à disposition pour diffuser les informations au sein de
l'organisation. La communication doit être claire, réaliste et supportée par des données et
des faits. Les dirigeants doivent être conscients que, sans elle, la qualité peut être plus
inquiétante que mobilisatrice d'énergie pour leur personnel.
La communication est une mission importante des ressources humaines, d'autant plus
qu'elle a deux rôles à jouer dans le cadre de la qualité. D'abord, faciliter la période de
changement qui accompagne le passage à la qualité, ensuite aider les salariés à résoudre les
problèmes et prendre des initiatives à partir des faits.
NF ISO 9004:2000
Si une démarche qualité devient urgente devant la complexité croissante de la mission des
services ressources humaines (RH), la réussite de cette évolution de l'organisation et des
modes de gestion qu'elle engendre demande la participation active de tous les salariés de
l'entreprise. Pourtant, inutile de se leurrer, dès qu'il y a nouveauté, et ce peu importe la
durée des séances de sensibilisation, il y a résistance de la part des salariés : c'est humain.
Or, la réussite du projet qualité repose entièrement sur l'engagement des salariés, d'une part
pour la mener à son terme et d'autre part pour la faire vivre.
Le premier résultat que doit atteindre une bonne communication est de rassurer les
salariés quant à la suite des événements. En effet, faire évoluer le service des
ressources humaines et les pratiques de management en utilisant une démarche
qualité entraîne de nombreux changements dans la vie quotidienne qui peuvent
inquiéter les salariés.
Peu importe que cette newsletter soit réalisée par une agence de communication et
imprimée en quadrichromie ou en interne avec les moyens du bord et photocopiée.
Quels que soient les moyens, ce bulletin doit suivre deux règles :
Avoir son nom, voir sa photo dans un document institutionnel agit sur le sentiment
de reconnaissance. Ce moyen de communication renforce la confiance des salariés
dans leur entreprise car ils sentent que celle-ci est capable d'apprécier leurs
compétences à leur juste valeur.
Toute l'entreprise est concernée par ce bulletin mensuel : les salariés d'abord, qui
sont les lecteurs privilégiés, les managers ensuite qui écrivent les articles sur les
membres de leur équipe qui le méritent, et la direction enfin qui utilise ce moyen
pour communiquer la stratégie choisie.
o 2.2.2 Le management
C'est aux managers, ayant la confiance et l'ascendant sur leurs collaborateurs (enfin,
c'est à souhaiter !), qu'il revient de rassurer les salariés concernant le devenir de leur
emploi et de leur développement personnel. Il faut qu'ils expliquent
individuellement aux membres de leur équipe ce que la qualité va améliorer dans le
contenu de l'emploi et la gestion des carrières.
2.3 Ne pas brûler les étapes
o 2.3.1 Écouter
La première étape est de prendre en compte les inquiétudes de ses salariés. Sur la
base de tables rondes ou de retours d'information du terrain transmis par les
managers, le service des ressources humaines formule des réponses aux inquiétudes
des salariés. Il est possible de réunir l'ensemble des salariés pour leur donner ainsi
l'occasion de poser des questions auxquelles le dirigeant, le responsable qualité et le
DRH répondront.
o 2.3.2 Rassurer
La réponse aux objections doit être instantanée et individualisée ; chaque salarié doit
comprendre les avantages dont il bénéficiera et les efforts qu'il devra fournir en
travaillant dans une structure « ISO ». Il s'agira d'insister sur les points suivants :
Sur le chemin devant aboutir à la connaissance des enjeux et des actions à mener
dans le cadre de la qualité, nombreux seront les salariés qui auront déjà leur idée sur
la question et qui y verront un piège tendu par leur employeur. Autant dire que de
nombreuses rumeurs vont aller bon train dans les couloirs de l'entreprise. L'entretien
d'évaluation peut par exemple être perçu comme un moyen de mettre en place un
plan de licenciement ou un plan de mobilité ou comme l'obligation d'évoluer et de
changer de métier contre sa volonté.
Dès que l'on touche au fonctionnement humain et aux moyens de contrôle des
ressources humaines, tous les salariés, quel que soit leur niveau de compétences,
peuvent se sentir visés en raison d'un changement dont ils ne maîtrisent pas toutes
les variables. Prenez bien garde à ne jamais laisser les bruits se répandre au sein de
votre entreprise. Ils risqueraient de passer hors de votre contrôle et vous vous
exposeriez à un projet, sinon mort-né, au minimum gelé pendant le temps nécessaire
au déblocage d'une telle situation. Afin de faciliter la compréhension de tous,
dirigeants et service des ressources humaines doivent rester simples, clairs, précis et
fermes dans leurs propos.
Il est essentiel que chaque salarié soit encouragé à donner son avis et ses idées
d'amélioration et à avoir une part de responsabilité dans la mise en place de cette
amélioration. Pour cela, l'entreprise doit non seulement savoir créer un lien de
confiance suffisamment solide avec ses salariés (en allant jusqu'au bout de la
démarche qualité et non en faisant naître de faux espoirs), mais également leur
donner la capacité de prendre du recul sur leur emploi afin de réfléchir aux
possibilités d'amélioration envisageables.
Cette capacité à prendre du recul doit être renforcée par deux conditions :
Rien de neuf : si le patron n'est pas considéré comme un voleur, c'est que c'est un
menteur ! Il s'agit donc d'être prêt à répondre à toutes les questions que les salariés
se posent. Oui, ils retireront de grandes choses de la qualité mais, non, cela ne se
fera pas sans leur implication. Ou encore, oui l'emploi est intéressant mais non, il n'y
a pas que des bons côtés ! Inutile de camoufler certaines réalités, même par
omission ; c'est certes un bon moyen pour expédier bien loin le « problème », mais
c'est aussi le meilleur moyen pour qu'il revienne plus vite et plus fort, tel un
boomerang !
En donnant les détails et le plan que suivra la mise en place de la démarche qualité,
les managers doivent rencontrer régulièrement les membres de leur équipe afin
d'être toujours sûr que chacun a compris ce qu'il retirera de la qualité et ce qui est
attendu de lui.
Le terme de communication, déjà abondamment utilisé dans cet ouvrage, l'est tout
autant dans le couple de normes NF EN ISO 9001:2000 et NF EN ISO 9004:2000. La
seule communication par panneaux d'affichage ne suffit bien évidemment pas à
satisfaire l'exigence normative. Cette communication doit passer par des rencontres
en face à face, des entretiens individuels ou en groupe afin de s'assurer que les
membres de l'entreprise sont bien conscients de l'importance de leur travail et de la
réalisation de ce travail selon un comportement qualité.
La démarche qualité des ressources humaines suit un ordre précis qu'il convient de
présenter aux salariés (analyse de poste, description de fonction, rencontre avec les
partenaires sociaux, etc.) ainsi que les personnes responsables de leur mise en
œuvre.
Les gains qui seront obtenus par le personnel sont à lister et à définir : réponse aux
exigences légitimes, meilleur suivi des compétences, création d'un plan de formation
individuel et collectif, rapprochement de la rémunération et de la performance, etc.
La communication doit faire l'objet d'un processus à part entière et ne pas s'arrêter à
la présentation de la démarche qualité. Les circuits de circulation de l'information
doivent être identifiés et des formations à la communication dispensées si nécessaire
à l'ensemble des managers qui devront baser leur leadership sur une culture du
« feedback ». Cette communication consiste par exemple à tenir les salariés informés
des compétences nécessaires pour tenir un emploi, des objectifs à atteindre et du
pourcentage de réalisation leur permettant de savoir à tout moment où ils en sont.