Legall 2011
Legall 2011
Legall 2011
c EDP Sciences, SFODF, 2011 www.orthodfr.org
DOI: 10.1051/orthodfr/2011115
MOTS CLÉS : RÉSUMÉ – Choisir le moment adéquat pour initier un traitement d’orthodontie est
Recherche clinique
Classe III squelettique / une question essentielle qui reste des plus controversées actuellement. Particuliè-
Traitement précoce / rement face à des dysmorphies de classe III, un certain consensus existe quant au
Croissance moment et au type d’appareil à mettre en œuvre afin d’obtenir la correction des pa-
thologies présentes. L’approche orthopédique réalisée en période de croissance doit
se limiter au sujet qui s’inscrit dans un schéma non héréditaire. Elle débute en phase
de denture temporaire ou de denture mixte, la prévention et l’interception en font par-
tie. Les moyens mis en œuvre doivent soit empêcher l’apparition d’une dysmorphose
soit être un acte thérapeutique simple permettant d’obtenir une correction partielle ou
totale d’une dysmorphose et d’empêcher son aggravation. Si la malocclusion s’ins-
crit en période adolescente, un traitement orthodontique avec appareil multi-bague,
basé sur le mécanisme des compensations, assurera une occlusion équilibrée. Dans
le cas contraire, si la malocclusion est trop sévère, il sera alors nécessaire de repor-
ter la décision thérapeutique pour qu’elle s’inscrive dans une approche combinée
orthodontico-chirurgicale. Le but de ce travail est de décrire les différents plans de
traitement et appareils, en fonction de l’âge et du diagnostic initial. La gestion de la
malocclusion de classe III reste encore actuellement un défi pour l’orthodontiste.
KEYWORDS: ABSTRACT – Early treatment of Class III malocclusion. Optimum treatment tim-
Class III malocclusion / ing for orthodontic problems continues to be one of the more controversial topics in
Early treatment / orthodontics. Especially regarding the correction of Class III malocclusion, there is
Growth little consensus as to proper timing or methods for correcting these problems. The
orthopedic approach for growth modification is usually limited to children with growth
remaining subjected to non hereditary pattern. If the skeletal malocclusion is within
the range of an orthodontic treatment, fixed orthodontic appliances with dentoalveo-
lar compensation mechanism can achieve a normal occlusion. Otherwise in patients
with a severe skeletal discrepancy, it will be necessary to consider a combined sur-
gical and orthodontic approach. The purpose of this study was to describe treatment
planning according to the age and to the initial diagnosis. The management of skele-
tal Class III malocclusion is still a challenge to orthodontists especially because of
relapse due to the late growth of the mandible.
Recherche clinique
maxillaires. L’arc vestibulaire doit être mis au
moins à 1 mm en avant de la face vestibulaire des
dents pour permettre l’expansion du prémaxil-
laire. L’arc palatin est ajusté au collet des dents
en suivant la forme d’arcade.
– Une gouttière rigide et collée sur les dents des
secteurs latéraux. Elle est munie de deux crochets
Figure 2
antérieurs et peut comporter un disjoncteur pala-
Masque à tige médiane (
c A. Salvadori).
tin dans les cas d’expansion à réaliser. Elle permet
la suppression des interférences occlusales.
durée de port est de 14 h/jour. La force utile est celle
qui s’oppose à l’avancée de la mandibule : 200 à 300 3.2.2.2. Masque facial à appui fronto-mentonnier
g par côté suffisent chez le jeune enfant.
Actuellement, tous les auteurs sont unanimes Il existe deux types de masques : un à cadre et un
pour reconnaître que la fronde mentonnière ne doit à tige médiane (Fig. 2). Ils permettent d’exercer des
pas être utilisée en présence d’un déficit maxillaire. tractions à direction postéro-antérieure à partir de
L’indication majeure est une anomalie squelet- l’ancrage intra-oral par l’intermédiaire d’élastiques.
tique de classe III avec une prognathie mandibu-
laire légère à modérée et un maxillaire relativement 3.2.2.3. Force développée par les élastiques
normal. Les élastiques seront mis en charge de chaque
Le praticien peut lui-même réaliser la fronde côté et sont d’environ de 200 g de chaque côté pour
mentonnière en utilisant une bande élastique d’en- un enfant de 5 ans. S’il s’agit d’un enfant plus âgé, on
viron 25 cm de long et 4 cm de large. La souplesse adaptera la force en l’augmentant.
de l’élastique permet une très bonne adaptation au
niveau du menton et une très bonne stabilité [3].
3.2.2.4. Temps de traitement
Les effets de la fronde mentonnière sont le frei-
nage de la croissance mandibulaire, la fermeture de La durée d’application est de 12 h/24 h. La di-
l’angle goniaque et la « verticalisation » de la direc- rection de traction est dirigée d’arrière en avant et
tion de croissance. de haut en bas (30◦ par rapport au plan d’occlu-
sion) pour éviter une rotation anti-horaire du maxil-
laire, diminuant ainsi le recouvrement. À l’opposé,
3.2.2. Les tractions postéro-antérieures
dans les cas de forte supraclusie où l’on souhaite
sur le maxillaire par le masque facial
diminuer le recouvrement, une force de traction ap-
de Delaire (Fig. 2)
pliquée au niveau de l’arcade maxillaire est combi-
Imaginé en 1969 par Delaire [3] et mis au point née à une rotation maxillaire antérieure anti-horaire
avec la collaboration de Verdon [14], ce procédé a ré- concomitante et favorise ainsi la correction de la mal-
volutionné le traitement et le pronostic des classes III occlusion.
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Les contrôles s’effectuent toutes les 6 à 8 semaines la fois les dimensions sagittales et transversales. On
et une réévaluation est nécessaire par téléradiogra- assiste à une endognathie maxillaire associée à une
phie de profil à la fin du traitement et au moment de rétrognathie maxillaire. Dans ces cas, un dispositif
l’éruption des incisives centrales supérieures perma- d’expansion maxillaire est associé au masque ortho-
nentes. Une hypercorrection du déplacement maxil- pédique de protraction maxillaire. Cependant, cette
laire sera toujours recherchée et l’enfant sera suivi expansion ne devra pas être systématique car, dans
jusqu’à la fin de sa croissance. Il faut vérifier la nor- de nombreux cas, l’endognathie apparente résulte du
malisation des postures et des fonctions pendant et décalage sagittal des arcades. C’est pour cela qu’avant
après le traitement. La langue doit avoir une posture de décider d’une expansion maxillaire, il faut simu-
haute, la déglutition doit être secondaire et surtout la ler, à l’aide des moulages, la correction de la classe
ventilation doit être nasale. La mastication doit être III. Cela permettra d’évaluer la nécessité ou non de
unilatérale, alternée et équilibrée. Le traitement sera faire de l’expansion.
d’autant plus long qu’il a été commencé tard. Le dispositif d’expansion maxillaire est un dis-
Recherche clinique
Figure 3
Bandeau d’Eschler en position correcte (fil 9/10e ou
a
10/10 mm). Vue de profil (
c A. Salvadori).
Recherche clinique
d’autre part, permettre le meulage progressif de la
résine d’arrière en avant pour diriger la mandibule
vers l’arrière en position de confort, c’est-à-dire en
recherchant la dimension verticale minimum d’oc-
clusion (selon la loi de hauteur minimale de Planas
[8]).
Le bandeau d’Eschler doit être épais pour pouvoir
maintenir la rétrusion forcée de la mandibule. Il doit
impérativement se situer le plus gingival possible
afin de se rapprocher du centre de résistance des
incisives pour ne pas entraîner leur linguo-version. b
Dans le même souci, il doit également se prolonger Figure 4
en distal des canines mandibulaires pour augmenter Téléradiographies de profil mettant en évidence le mode
la zone d’appui antérieure (Fig. 3). d’action de l’appareil. (a) En occlusion d’intercuspidie maxi-
male (OIM). (b) En rétropulsion (c A. Salvadori).
Figure 6
Vue endo-buccale de profil droit (
c A. Salvadori).
Recherche clinique
Figure 5
Vue exo-buccale de profil droit (
c A. Salvadori).
Recherche clinique
Figure 10
Téléradiographie de profil de fin d’interception (
c
A. Salvadori).
Figure 11
Signes exo-buccaux et endo-buccaux d’un patient présentant un proglissement mandibulaire en occlusion de convenance (a) et
(b), et en position de repos (c) et (d) (
c M. Le Gall).
Figure 13
ELN de Bonnet [6]. Vue en bouche (
c Deroze).
Recherche clinique
et sagittale médiane, papillaire, rétro-incisive. Elle lui
assure un premier point d’appui solide de déglutition
secondaire.
Le toboggan antérieur bloque la route motrice
linguale antérieure par privation du contact avec les
b
lèvres. Le verrouillage buccal antérieur n’est plus as-
Figure 12 suré par la langue mais par les lèvres, permettant
(a) Incisives maxillaires avant traitement. (b) Arc de base une élongation labiale et encourageant une ventila-
mandibulaire pour linguo-verser les quatre incisives infé-
rieures (c M. Le Gall).
tion nasale.
Les parois latérales du tunnel bloquent la route
motrice linguale latérale par privation de l’environ-
4.4. Plan incliné
nement tactile jugal.
Dans les cas de proglissement, ce système permet
de vestibuler les incisives maxillaires en linguoclu-
sion ou de lingualer les incisives mandibulaires. 4.5.2. Mode d’action
Les dysfonctions linguales, aussi bien en posture
4.5. Enveloppe linguale nocturne de Bonnet [2] qu’en fonction, aggravent ou établissent un grand
Bonnet [6] propose un appareil appelé « enve- nombre de dysmorphoses avec un retentissement
loppe linguale nocturne » (ELN) pour éduquer la aussi bien sagittal que vertical et transversal. L’ELN,
langue vers une motricité « secondaire » qui s’adapte de par sa fonction de rempart, face aux conduites
au cadre anatomique pré-corrigé. La langue devient motrices inadaptées, permet de faire cesser les forces
alors l’appareil orthopédique naturel de la cavité déformantes.
buccale et de la face. Si l’ELN a pour vocation de permettre le redémar-
La mise en place de l’ELN réalise une pré- rage, puis l’adaptation plastique du « programme câ-
correction de l’espace de fonctionnement lingual, blé moteur inné » de déglutition secondaire, il a la
agissant directement sur les fonctions : la langue capacité, par son architecture (à distance des procès
modifie sa motricité. L’évolution sensorimotrice ainsi alvéolaires) et sa limitation de durée de port, d’auto-
suscitée est à l’origine des modifications de la pos- riser les corrections morphologiques secondaires aux
ture, de la fonction, et finalement du volume appa- normalisations fonctionnelles posturales.
rent de la langue. La normalisation morphogénétique
des structures se produit secondairement et sponta-
4.5.3. Mode d’utilisation
nément.
L’utilisation de l’ELN ne pose pas de problème
4.5.1. Description (Fig. 13) particulier, si ce n’est l’obligation de respecter une
L’ouverture sélective antérieure réalise pour finesse de l’épaisseur des parois ainsi qu’un parfait
la langue une cible tactile, palatine antérieure, poli de la résine.
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Recherche clinique
ventilation nasale avant de rééduquer la fonction lin- stabilité ou non du traitement orthopédique précoce.
guale. En effet, la ventilation orale induit une posi- Le traitement précoce, d’une durée effective d’un an,
tion basse de la langue pour faciliter le flux aérien. a été conduit par deux phases orthopédiques succes-
L’apprentissage de la ventilation nasale doit être sives :
accompagné de celle du moucher, c’est-à-dire de ne
– une phase d’expansion maxillaire à l’aide d’un
comprimer qu’une narine pendant que l’autre laisse
disjoncteur dans les cas d’endognathie associée ;
passer les mucosités. L’enfant devant moucher alter-
– une phase orthopédique par une force postéro-
nativement et successivement chacune de ses fosses
antérieure de type masque facial de Delaire [3]
nasales.
sur ancrage dentaire de type double arc de
L’éducation ventilatoire trouve ses principales in-
Theuveny.
dications chez :
Deux variables céphalométriques sont d’un grand
– les enfants adénoïdiens qui conservent l’habitude intérêt puisqu’elles interviennent dans la détermina-
de respirer par la bouche après ablation des vé- tion du succès d’un traitement précoce :
gétations ;
– les enfants qui, sans réels obstacles respiratoires, – L’angle de la base du crâne, NSBa et la longueur
ont un faciès adénoïdien avec narines étroites, de la partie antérieure de la base du crâne, soit
dos rond, musculature déficiente et bouche ou- SN. En effet, l’angle de la base du crâne serait
verte en permanence avec la langue en position plus faible dans les cas d’orthopédie échec par
antérieure et basse, pour dégager leur carrefour augmentation de la flexion de la base du crâne.
pharyngé, pour pouvoir prendre l’oxygène néces- La longueur de la partie antérieure de la base
saire [12]. du crâne soit SN serait plus importante dans les
cas de succès (66 mm) que dans les cas d’échec
(63 mm).
5.4. Autres attitudes préventives – Deux variables céphalométriques de la position
Il faut modifier les « comportements familiaux » : des incisives supérieures sont des déterminants
obligatoires à examiner avant la décision d’un
– Coucher les enfants sur le côté [13] pour éviter la traitement précoce : l’angle inter-incisif I/i et son
position ventrale qui favorise la ventilation orale. corollaire l’angle I/F apparaissent comme des élé-
– Modifier les comportements alimentaires. En ef- ments indispensables à la prise de décision thé-
fet, l’introduction progressive d’aliments de plus rapeutique. On constate une augmentation dans
en plus durs dans l’alimentation déclenche des les cas d’échec (I/F # 116◦ ) comparativement à la
mouvements de propulsion et de latéralité indis- moyenne de 112◦ pour les cas de succès orthopé-
pensables à la construction d’une occlusion dy- dique. Une vestibulo-version des incisives serait
namique et à l’ajustement maxillo-mandibulaire. un signe prédictif de récidive du traitement. De
Cela conduit également à l’abandon de la même, un angle inter-incisif ouvert, de moyenne
« déglutition-succion » ou déglutition primaire. 135◦ , serait plus favorable pour un traitement
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précoce qu’un angle fermé de 128◦ , qui serait un L’utilité d’une phase de traitement pendant la pé-
paramètre d’échec thérapeutique. riode juvénile est donc justifiée lorsqu’elle a pour but
d’intercepter une anomalie, c’est une phase préven-
6.2. Facteurs cliniques tive visant le plus souvent à raccourcir une éventuelle
seconde partie de traitement.
Au cours d’une présentation devant l’American
La période juvénile semble correspondre à l’âge
Association of Orthodontists en 1981, Turpin a pro-
idéal pour un début de traitement des classes III
posé une liste de facteurs favorables et défavorables
squelettiques, si la coopération de l’enfant le permet
destinée à guider les orthodontistes au moment de
et si la classe III est d’origine maxillaire.
prendre la décision d’intercepter ou non une maloc-
Dans l’avenir, il serait souhaitable d’orienter nos
clusion de classe III en développement.
recherches pour dépister les patients justifiant ces
Facteurs favorables :
types de traitements précoces et ceux pour qui ces
– Type facial hypodivergent ; traitements n’aboutiraient pas à des résultats conve-
Recherche clinique