Prise en Charge de L'asymétrie Faciale PDF
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Chapitre
Prise en charge
de l'asymtrie faciale
F. Disant, C. Fuchsmann
Plan du chapitre
L'ostodistraction en orthopdie
240
240
241
243
Technique opratoire
243
245
246
Complications de l'ostodistraction
mandibulaire
247
Biomodlisation de la distraction
osseuse mandibulaire
247
L'ostodistraction en orthopdie
Les premires distractions ont t ralises en orthopdie
sur des os longs afin d'allonger les membres infrieurs trop
courts de personnes de petite taille ou de corriger une
ingalit de longueur.
L'ide d'allonger un cal osseux fracturaire par traction
mcanique a t dcrite par Codivilla qui, en 1905, a ralis la premire distraction osseuse d'un fmur trop court
[1]. Par la suite, plusieurs auteurs (Ombredanne, 1913;
Putti, 1926 [2]; Abbott, 1927 [3]) ont entrepris avec plus
ou moins de succs des allongements extemporans ou
progressifs. Mais la technique fut dlaisse du fait du taux
lev de complications mcaniques (fractures, ossification
incomplte, dsaxation secondaire).
partir de 1950, Ilizarov, isol en Sibrie, dveloppe un
moyen de correction des dformations, malformations,
ingalits de longueur et perte de substance des membres
grce une mthode fonde sur l'utilisation de manuvres lentes et progressives, respectueuses de la fonction et
de la vascularisation osseuse l'aide d'un fixateur externe
muni de broches en croix et d'anneaux : c'est le principe
de l'effet de stress en tension [4,5]. Il perfectionne l'intervention et dfinit les principes fondamentaux qui vont
permettre la diminution des complications. En fait, les travaux d'Ilizarov n'ont t publis en France qu' partir de
1984, date laquelle mergent les premires rgles de l'ostodistraction dfinissant : le dlai prliminaire respecter
(phase de latence), le rythme optimal de l'longation, et la
dure de contention finale (phase de consolidation) pour
garantir une bonne stabilit mcanique de l'os noform.
Actuellement, en orthopdie, des distracteurs centromdullaires ont t mis au point et tendent remplacer les
distracteurs externes.
Ostodistraction applique
la mandibule et ses volutions
Avant l'avnement de l'ostodistraction mandibulaire chez
l'homme, les patients souffrant d'hypoplasie mandibulaire
congnitale ou de perte de substance osseuse mandibulaire
pouvaient bnficier d'une interposition de greffon osseux.
Mais cette technique ncessitait deux sites opratoires et sa
morbidit tait non ngligeable.
En 1972, Snyder etal. [6] appliquent avec succs le principe de la distraction une mandibule de chien; l'valuation radiologique de l'os noform tait satisfaisante au
terme de 6 semaines de contention. Le concept a ensuite
240
Fig.17.1
Distracteur externe multidirectionnel.
tion pour amliorer la prcision de la correction morphologique [18]. Ce vecteur n'tait alors considr que dans un
plan sagittal et ne tenait pas compte d'une dformation dans
le plan frontal (varus) de la branche montante. Ce calcul ne
s'appliquait donc qu'aux distracteurs bidirectionnels et tait
inadapt aux distracteurs multiplans de McCarthy.
Les recherches actuelles portent sur la simulation et la
modlisation propratoire dans les trois plans de l'espace
grce aux progrs conjoints de l'imagerie et des logiciels
informatiques.
Principes de l'ostogense
pardistraction
Rgles dcrites par Ilizarov
L'ide de l'ostogense par distraction avait sduit plusieurs orthopdistes avant Ilizarov, mais ceux-ci se sont
heurts des complications mcaniques (fractures, ossifications incompltes, dsaxations secondaires) par dfaut
de rgles techniques prcises sur les moyens de contention
et sur le rythme de l'allongement.
C'est en 1956 qu'Ilizarov dcrivit les premires rgles
biologiques de l'effet stress en tension [4,5] :
l une prservation maximale de la moelle osseuse et de
la vascularisation priosseuse en ralisant une corticotomie
avec ostoclasie;
Fig.17.2
Les diffrents types de distraction.
Plusieurs tudes prliminaires histologiques d'ostodistraction sur les os longs ont mis en vidence deux mcanismes
d'ostogense :
l ossification intramembraneuse, dcrite par Aronson etal.
[20]. Au cours de ce type d'ostogense, il n'existe pas de
tissu cartilagineux pralable. Ce mcanisme est prdominant au cours de l'ostodistraction des os longs;
l ossification enchondrale, dcrite par Delloye et al. et
Kojimoto et al. [21]. L'ossification se produit secondairement dans une structure cartilagineuse. Il est noter que la
synthse de tissu cartilagineux est favorise par une contention instable.
Chronologie de l'ostogense
Karp et al. [9] ont tudi le mcanisme histologique de
l'ostogense dans l'ostodistraction mandibulaire chez le
chien : l'exprience a port sur dix chiens ayant eu une corticotomie unilatrale suivie d'une distraction de 20 mm au
rythme de 1 mm par jour, puis une contention de la mandibule par fixateur externe durant 6 semaines. Ils ont tudi
l'histologie osseuse J10 (milieu de la distraction), J20 (fin
de la distraction), J34, J48 et J76 (respectivement 14, 28 et
56 jours aprs la fin de la distraction).
Les donnes chronologiques suivantes ont t rapportes :
l lors de l'initiation de la distraction, un tissu fibreux (compos de collagne et de fibroblastes) apparat entre les
deux extrmits de la corticotomie, avec une orientation
longitudinale;
l au 10e jour de la distraction, est observ un dbut d'ossification aux deux extrmits, volution centripte.
Macroscopiquement, elle se prsente comme deux spicules orients dans le sens de la distraction;
l au 14e jour aprs distraction, apparaissent une phase de
remodelage osseux et une calcification trabculaire, o il existe
une activit aussi bien ostoblastique qu'ostoclastique;
l au 28e jour aprs distraction, sont observes une augmentation de la densit osseuse dans le territoire cortical,
une continuit osseuse entre les deux extrmits de la corticotomie, et des traves osseuses dans une direction moins
longitudinale que dans les phases prcdentes.
Fig.17.3
Classification des stades des microsomies hmifaciales selon Pruzanski.
Technique opratoire
Ostotomie et mise en place
dudistracteur
Dans le cas d'une distraction externe, l'ostotomie peut
tre ralise par voie transcutane [10], ou par voie vestibulaire [13,14]. Lorsque la distraction est endobuccale, la voie
d'abord de l'ostotomie est vestibulojugale.
L'intervention se droule sous anesthsie gnrale.
L'intubation peut se rvler difficile et ncessiter l'utilisation
du fibroscope. Elle doit tre nasotrachale.
l Aprs infiltration de la muqueuse la xylocane adrnaline, une incision vestibulojugale est ralise depuis la
deuxime prmolaire jusqu'au col du condyle.
l La dissection sous-prioste est ralise et permet l'abord
de la branche montante de la mandibule sur toute sa face
externe.
l Le trait d'ostotomie est repr selon les prvisions effectues sur les radiographies et lors de la planification sur le
scanner tridimensionnel. Le positionnement du distracteur
est vrifi par rapport au futur trait d'ostotomie.
l Les broches sont positionnes par voie transcutane de
faon bicorticale en contrlant leur bon positionnement
par rapport au trait d'ostotomie (figure17.4).
l L'ostotomie (figure17.5) peut tre bicorticale (McCarthy,
Perrot) ou unicorticale, laissant alors intact la corticale
interne qui se fracturera secondairement en bois vert [14,15].
l L'appareillage est positionn sur les broches et mis en
place le long de la face externe de la mandibule. Son bon
Fig.17.4
Photographie montrant l'incision vestibulaire gauche et la mise en
place des deux premires fiches percutanes.
243
Fig.17.5
A. Photographie montrant la disposition des 4 fiches de part et d'autre de l'ostotomie. B, C. Photographies en fin d'intervention.
Phase de distraction
La dure de la phase de distraction est dtermine par la
taille du vecteur de distraction qui a t calcule en pr
opratoire. La distraction est effectue au rythme de 1 mm
par jour. En cas de distraction unidirectionnelle, les activations peuvent tre ralises par les parents. La distraction
sera cependant ventuellement modifie en cours, en fonction de l'aspect morphologique de la mandibule surveill
par des consultations rgulires.
chaque consultation sont nots : la tolrance de l'appareillage, la douleur, l'alimentation, les ractions locales et
gnrales, l'examen du nerf dentaire infrieur homolatral,
l'articul et l'occlusion dentaire, l'ouverture buccale, et tout
incident survenu au cours de la distraction.
Fig.17.6
Phase de stabilisation.
Phase de contention
La contention postdistraction est de dure variable en
fonction des quipes, pouvant aller de 6 12 semaines de
stabilisation. Pensler etal. [12] retirent le distracteur aprs
une moyenne de 5 semaines, avec des extrmes allant de
19jours (pour une longation de 21 mm) 55 jours (pour
une longation de 23 mm). La qualit de la corticalisation
du rgnrat peut tre apprcie par une surveillance chographique, ce qui permettrait l'ablation du distracteur le
plus tt possible en toute scurit (figure17.6).
244
Fig.17.7
Cicatrices 15 jours aprs ablation du distracteur.
Ablation de l'ensemble
del'appareillage
Traitement fonctionnel
orthodontique
Chirurgie orthognatique
Plus qu'une alternative, la chirurgie orthognatique reprsente un complment la distraction dans cette indication [27]. En effet, l'ostodistraction est ralise prcocement, mais est souvent insuffisante en cas d'hypoplasie
mandibulaire importante ou du fait de la poursuite de
la croissance mandibulaire de faon asymtrique. Par
ailleurs, un geste sur le maxillaire suprieur est frquemment ncessaire (ostotomie de type Lefort I) pour viter
un gap vertical sur l'articul et permettre une meilleure
symtrisation du massif facial (drotation) (figures 17.8
et17.9).
245
Rsultat esthtique
Cutan. La ranon cicatricielle cutane est minime grce
aux distracteurs endobuccaux, ne ncessitant qu'une
voie d'abord transjugale punctiforme. Le rsultat cutan
est cependant moins bon avec les appareils distracteurs
externes.
l Tgumentaire. Le rsultat esthtique sur les parties molles
est intressant : la remise en fonction immdiate des muscles masticateurs permet aux tguments de retrouver une
trophicit normale. Fisher etal. ont en effet observ histologiquement une adaptation musculaire en perdistraction
par hypertrophie du muscle digastrique.
l Osseux. Chez l'enfant de moins de 10 ans, il a t observ
une acclration spontane de la croissance du maxillaire
suprieur du ct de la distraction mandibulaire, permettant une fermeture de la bance occlusale et une symtrisation du massif facial. Chez l'adulte, une ostotomie de type
hmi-Lefort I du ct de la distraction permet d'induire
une ostogense simultane du maxillaire suprieur en
cours de distraction mandibulaire [14]. Cependant, cette
technique accrot la morbidit du geste, car elle ncessite
un blocage intermaxillaire associ.
l
Fig.17.8
Chirurgie bimaxillaire avec gnioplastie de recentrage.
Intrt et rsultats
de l'ostodistraction
dans le traitement des
hypoplasies mandibulaires
L'intrt de l'ostodistraction porte sur les points suivants.
l Il existe une faible morbidit.
l Les risques de neurapraxie du nerf dentaire infrieur sont
moindres par rapport aux techniques d'interposition de
greffon osseux.
l Un seul site opratoire est ncessaire (absence de prise de
greffon osseux).
l Il n'y a pas de ncessit de blocage intermaxillaire
et la remise en fonction des muscles masticateurs est
immdiate.
Rsultat fonctionnel
Biomcanique. La qualit biomcanique du rgnrat
osseux tudie un an aprs ostodistraction est semblable au tissu osseux normal [19].
l Articul dentaire. Les rsultats fonctionnels sur l'articul
dentaire restent souvent imprcis. En effet, l'absence de
blocage intermaxillaire et le caractre alatoire de la direction de l'longation avec les distracteurs monodirectionl
Fig.17.9
Photographies et radiographies de face avant et aprs chirurgie bimaxillaire chez une patiente prsentant une atrophie hmifaciale droite
prcdemment distracte.
246
Adaptabilit de la correction
morphologique
Complications neurologiques
Complications
del'ostodistraction
mandibulaire
Complications mcaniques
Ces complications peuvent tre lies une dtrioration de
l'appareil distracteur, chaque modle prsentant un type de
fragilit propre : les distracteurs externes sont plus sujets
aux traumatismes. Les distracteurs endobuccaux de type
Diner-Vasquez prsentent un risque non ngligeable de
rupture de la tige [26].
Les accidents mcaniques osseux sont plus rares, mais
graves. Il peut s'agir d'une consolidation prcoce (en cas de
corticotomie incomplte ou de rythme trop lent d'allongement), ou de pseudarthrose (rsultant d'un dfaut de
stabilit du montage, plus frquent dans les longations
bi- ou trifocales).
moyen terme, en postdistraction, une dformation
voire une rupture du cal osseux peut survenir, notamment
en cas d'ablation prmature du distracteur.
plus long terme, une contraction du cal peut tre
observe, se traduisant cliniquement par une rcidive partielle ou complte de la dformation initiale. C'est favoris
par une instabilit de l'articul dentaire en fin de distraction.
Ainsi, de nombreux auteurs prconisent des soins orthodontiques postopratoires pour stabiliser l'articul final,
garantissant ainsi la prennit du rsultat obtenu. Certains
auteurs prconisent une hypercorrection des dformations.
Complications infectieuses
Les infections ostitiques sont rares mais graves, imposant
une antibiothrapie intraveineuse adapte l'antibiogramme et bonne pntration osseuse. Les complica-
Biomodlisation de la distraction
osseuse mandibulaire
Strolithographie
Il s'agit d'une technique de prototypage rapide inspire des
procds utiliss dans l'industrie automobile. Elle permet
de reproduire de manire conforme une pice complexe
par photopolymrisation d'une rsine. Le principe de cette
reproduction est un empilement de plan par plan des fentres osseuses partir des planches tomodensitomtriques,
permettant une reproduction en rsine du massif facial du
patient.
L'intrt de ce principe est double :
l il permet une analyse morphologique de cette reproduction anatomique dans les trois plans de l'espace en considrant le dficit de hauteur du ramus, l'angle mandibulaire et
le varus de la branche montante;
l il permet en outre de simuler la distraction et de dterminer la position optimale des broches, de l'ostotomie, et les
caractristiques du vecteur.
247
Fig.17.10
Modlisation numrise tridimensionnelle d'un enfant de 3 ans prsentant une microsomie hmifaciale gauche : vue de face (A),
vue infrieure (B), profil gauche (C) et profil droit (D).
Modlisation numrise
Les progrs de l'imagerie tridimensionnelle permettent,
partir d'acquisitions tomodensitomtriques et aprs reconstruction, de visualiser l'ensemble du crne et de la face.
La reconstruction tridimensionnelle va permettre une
analyse cphalomtrique prcise ayant pour but de quantifier les dysmorphoses d'un patient atteint de malformation
crniofaciale dans les trois plans de l'espace (figure17.10).
Les donnes tridimensionnelles pourront tre exploites
des fins chirurgicales pour simuler une intervention ou
une distraction osseuse. Diverses techniques de traitement
d'image et de reconstruction existent et ne donnent pas
toutes le mme rsultat. Il est difficile d'allier dans un mme
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logiciel une mthode de reconstruction 3D fine un systme de mesure, le tout dans un repre cphalomtrique.
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