Notre Père

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Notre Père

Le Notre Père est une prière chrétienne à Dieu considéré comme le père
des hommes. Il s'agit de la prière la plus répandue parmi les chrétiens, car, Fichier audio
d'après le Nouveau Testament, elle a été enseignée par Jésus-Christ lui-
même à ses apôtres. Le texte se trouve, avec quelques variantes, dans les
évangiles selon Matthieuet selon Luc.

Prononcée par les catholiques et les orthodoxes en particulier durant


chaque célébration eucharistique, par les anglicans pendant les offices
divins, par les protestants luthériens et réformés à chaque culte, cette
prière, appelée parfois « oraison dominicale », est, avec le sacrement du
baptême, ce qui unit le plus fermement les différentes traditions
chrétiennes, ce qui explique qu'elle est dite lors des assemblées
œcuméniques.

Selon le Nouveau Testament, Jésus, en réponse à une question des apôtres


sur la façon de prier, leur a déclaré : « Quand vous priez, dites : “Notre
Père…” ». Les évangiles selon Matthieu (6: 9-13) et Luc (11: 2-4) en
fournissent le texte avec quelques différences. En Matthieu, la prière, qui
est mentionnée dans le contexte du Sermon sur la montagne, comprend
sept versets ; en Luc, elle n'en comprend que cinq.

Le « Notre Père » se compose de deux parties. Il présente au début des


points communs avec le Kaddish juif (prière de sanctification du Nom de
Dieu), puis s'en écarte en reprenant des extraits d'autres textes juifs.
Pater Noster

Sommaire
Le texte Le Notre Père chanté en chant grégorien.

Origines
Les sources juives
Le Nouveau Testament
Lieu et datation
Les deux versions

Les versions liturgiques


Théologie
Analyse détaillée
Première partie
Deuxième partie
Le pain quotidien
Le pardon des offenses
La tentation
La délivrance
La doxologie finale
Linguistique comparée
Musique
Notes et références
Notes
Références
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
Liens externes

Le texte
En français, le texte de la version actuelle (depuis le3 décembre 2017) est le suivant :

Notre Père, qui es aux cieux,


que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.
Amen

Origines

Les sources juives


Le Notre Père est inspiré en grande partie de plusieurs prières juives, en particulier le Kaddish et la Amida, et d'autres textes juifs
1, 2
existant au temps de Jésus de Nazareth .
Dans l'Ancien Testament comme dans la tradition orale du judaïsme, Dieu est le « Père » des hommes, notamment dans la Torah
(« Vous êtes les fils de l’Éternel votre Dieu », Dt 14:1) et chez les prophètes : « Dieu te dit : je veux te faire une place parmi mes
3
enfants. Tu m’appelleras : mon Père, et tu ne t’éloigneras plus de moi » (Jr 3:20) . Ce « Père qui est au ciel » est invoqué dans les
bénédictions qui précèdent leShema Israël : « Notre Père, notre Roi, enseigne-nous ta doctrine », avec la formule : « Notre Père, Père
3
miséricordieux » . Dans la Amida, prière dite trois fois par jour tout au long de l'année, Dieu est appelé « Père » à deux reprises :
3
« Fais-nous revenir, notre Père, vers la Torah », et : « Pardonne-nous, notre Père, car nous avons péché contre toi. »
4
Le Kaddish, prière de sanctification, unit le « Nom » de Dieu et son « Règne » dans les deux premières demandes . Ces deux
demandes, « Que soit magnifié et sanctifié Son grand Nom » et « Qu'il fasse régner Son Règne », correspondent aux deux premières
5
demandes du Notre Père (« Que ton règne vienne » et « Que ton nom soit sanctifié »).

Même si le Kaddish et le Notre Père montrent des similitudes indéniables, les deux prières sont différentes, dans la mesure où le
6
Kaddish ne peut être prononcé qu'en présence d'un minyan, car il est destiné à sanctifier Dieu publiquement , alors que le Notre Père
7
peut être dit en privé . En revanche, la demande du Notre Père concernant le pardon des fautes (ou « dettes », ou « offenses », en
3
fonction des traductions) est proche de la Amida : « Pardonne-nous, notre Père, car nous avons péché » . La notion de dette renvoie à
3
un mot araméen, langue du temps de Jésus, qui désigne à la fois une dette, une obligation et plus largement une faute ou un péché .
Dans la tradition juive, celui qui a péché ne peut implorer le pardon de Dieu que s'il a préalablement demandé pardon à son
3
prochain .

Le Nouveau Testament

Lieu et datation

Le Notre Père est originellement rédigé en grec, dans le Nouveau Testament, et s'intitule Κυριακή προσευχή. Traduit ensuite en latin,
il a pour titre son incipit, Pater Noster, qui a donné le substantif français « patenôtre ». La tradition chrétienne associe cette prière au
mont de l'Ascension, àJérusalem, où Jésus l'aurait enseignée à ses disciples.

Les deux versions initiales du Notre Père se trouvent dans les évangiles selon Matthieu (Mt 6,9-13) et selon Luc (Lc 11,1-4). Ces
8
deux textes ont été rédigés par deux auteurs différents mais vers la même époque, c'est-à-dire entre l'année 70 et l'année 85.

Aucun texte équivalent n'existe dans l'Évangile selon Marc, qui est le plus ancien des quatre évangiles canoniques, ce qui amène les
9
exégètes à supposer que le Notre Père fait partie de laSource Q , un recueil de paroles de Jésus. Celle-ci a été fixée par écrit, en grec,
10
entre les années 40 et l'an 70, et est donc antérieure à l'Évangile selon Marc .

Les deux versions

Le texte de Matthieu 6:9-13, qui se situe à la fin du Sermon sur la montagne, est le
suivant : « Voici donc comment vous devez prier : Notre Père qui es aux cieux ! Que
ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre
comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; pardonne-nous nos
offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous
induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c’est à toi qu’appartiennent,
11
dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen ! »

Le texte de Luc 11:1-4 est le suivant : « Jésus priait un jour en un certain lieu.
Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier,
comme Jean l’a enseigné à ses disciples. Il leur dit : Quand vous priez, dites : Père !
Que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne. Donne-nous chaque jour notre
pain quotidien ; pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous pardonnons à Le Sermon sur la montagne, par Fra
11 Angelico.
quiconque nous offense ; et ne nous induis pas ententation . »
La question de savoir laquelle de ces deux versions est la plus proche des paroles prononcées par Jésus se pose en termes de critique
textuelle, discipline exégétique et philologique qui repose sur plusieurs principes. L'une de ses règles de base, la lectio brevior,
consiste à donner la préférence à la version courte d'un manuscrit plutôt qu'à sa version longue parce que les copistes ont plutôt
12
tendance à ajouter qu'à supprimer . Pour Hans Conzelmann, la version la plus brève, celle de Luc, semble la plus probable, quitte à
12
ce qu'elle ait « été complétée par la suite dans plusieurs manuscrits pour la faire correspondre à celle de Matthieu » . La doxologie
finale (« Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles ») suit la même logique : elle
n'aurait pas été coupée si elle avait été présente depuis le début, et son ajout dans le texte semble dû à un usage liturgique plus
12
tardif .

Les versions liturgiques


Le texte de base utilisé par l'ensemble des Églises est Matthieu6: 9-13.

Jusqu'au concile Vatican II, la liturgie catholique utilise le Notre Père en latin, c'est-
à-dire le Pater Noster tiré de la Vulgate. En français, pour la prière en dehors des
offices, les catholiques se servent alors d'une version utilisant le vouvoiement,
n1
proche de la traduction du chanoineCrampon (1923) .

En 1966, à la suite du concile Vatican II, la version française du Missel romain est
adoptée par l'Église catholique et le Conseil œcuménique des Églises pour l'espace
francophone. La sixième demande de la prière est : « Et ne nous soumets pas à la
tentation ». Cependant, Dieu n’étant pas tentateur, une telle formulation suscite des
débats théologiques. Cette version reste cependant en usage dans le catholicisme
pendant un demi-siècle, jusqu'au 2 décembre 2017.

Depuis 1966 les nombreuses traductions francophones de la Bible et des évangiles


cherchent à se rapprocher du texte grec, certaines présentent même le texte grec face
13, 14 Plaque du carmel du Pater Noster, à
à la traduction . Dans ce mouvement, au terme d'un travail œcuménique,
Jérusalem.
l'Association épiscopale liturgique pour les pays francophones publie une nouvelle
traduction en français de la Bible liturgique approuvée le 12 juillet 2013 par le
15, 16
Vatican ; celle-ci introduit une variante du Notre Père par rapport à la version de 1966 : la phrase « Et ne nous soumets pas à la
2, 17
tentation » est remplacée par « Et ne nous laisse pas entrer en tentation » .

Le 3 décembre 2017, premier dimanche de l'Avent, cette nouvelle version entre en vigueur.

L'Église protestante unie de France s'appuyant sur les travaux réalisés, recommande cette traduction également lors d'un synode
18
national dès le 8 mai 2016 tout en respectant l'usage des pratiquants .

D'autres traductions de Mt 6:9-13 sont connues dans le monde francophone, en particulier chez les protestants celle de Louis Segond
n2
dans la version de 1910 .

Théologie
Le Notre Père a pour thème l'entrée dans le Royaume.

Analyse détaillée

Première partie
La première partie, qui commence par l'invocation à Dieu le Père, se poursuit par
trois demandes émises à la deuxième personne du singulier en grec. Elles se
19
succèdent sans liaison. Pour certains, il s'agit de la prière originelle de Jésus . Leur
20
caractère eschatologique est généralement admis .

Icône du Notre Père, Russie, XVIIe


siècle.

Prononciation Traduction
Original grec Translittération Traduction latine
liturgique « œcuménique »
Πάτερ ἡμῶν ὁ ἐν τοῖς Páter hêmỗn ho en Pater imone o en Pater noster qui es Notre Père, qui es
οὐρανοῖς toîs ouranoîs dis ouranis in cælis aux Cieux,

19
La prière commence par l'invocation de Dieu :« Notre Père, qui es aux cieux » .

Prononciation Traduction
Original grec Translittération Traduction latine
liturgique « œcuménique »
ἁγιασθήτω τὸ hagiasthếtô tò hayiasthito to Sanctificetur nomen Que ton nom soit
ὄνομά σου· ónoma sou· onoma sou, tuum ; sanctifié,

La demande « Que ton Nom soit sanctifié » est une demande faite à l'impératif aoriste passif, appelé aussi passif divin ou passif
21
royal : il permet d'éviter de parler de Dieu de façon directe .

Le fait de parler du « nom » de Dieu est une formule déjà utilisée dans l’Ancien Testament afin de parler de Dieu dans le Livre des
Nombres (chapitre 20, verset 12), dans le Lévitique (22, 32), Livre d'Ézéchiel (38, 25). Elle met en relief l'interdiction de prononcer
22
le nom de Dieu « YHWH » .

La demande de sanctification a pour objectif de reconnaître et annoncer la sainteté de Dieu. Cette sanctification du nom de Dieu est
déjà présente dans l'Ancien Testament à travers les Trisagion du Livre d'Isaïe (Chapitre 6, 3) : « Ils se criaient l'un à l'autre ces
23, 24
paroles : “Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre.” » .

Prononciation Traduction
Original grec Translittération Traduction latine
liturgique « œcuménique »
ἐλθέτω ἡ βασιλεία elthétô hê basileía Adveniat regnum
eltheto i vassilia sou, Que ton règne vienne,
σου· sou· tuum ;

Ici Jésus montre que ses disciples doivent prier pour la venue du royaume des cieux, le thème central de sa prédication (« Il faut aussi
que j'annonce aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu ; car c'est pour cela que j'ai été envoyé »Luc
- 4:43)
Prononciation Traduction Traduction
Original grec Translittération
liturgique latine « œcuménique »
γενηθήτω τὸ θέλημά genêthếthô tò thélêma yenithito to thélima Fiat voluntas
Que ta volonté soit faite
σου, sou, sou, tua

La demande « Que ta volonté soit faite » provient de l'évangile de Matthieu seulement.

Prononciation Traduction Traduction


Original grec Translittération
liturgique latine « œcuménique »
ὡς ἐν οὐρανῷ καὶ ἐπὶ hôs en ouranỗi kaì epì os èn ourano kai sicut in cælo et Sur la terre comme au
τῆς γῆς· tễs gễs· epi tis yis. in terra. ciel.

Les trois propositions précédentes présentent en grec à la fois une rime interne to, et une rime finale sou, ce qui souligne leur
parallélisme. De ce fait, « au ciel comme sur la terre » s’applique aux trois propositions précédentes : la sanctification du nom de
Dieu, la venue du royaume, et la volonté de Dieu.

Le texte grec ἐπὶ τῆς γῆς est celui utilisé par la liturgie grecque orthodoxe. Le texte du Nouveau Testament dans ses éditions usuelles
est ἐπὶ γῆς.

Deuxième partie
La deuxième partie du Notre Père est constituée de demandes énoncées à la première personne du pluriel ; chacune d'elles est
25
composée de deux éléments. Elles sont liées par une conjonction de coordination . Les demandes en « nous » répondent à la requête
26
des disciples dans le récit évangélique précédent le Notre Père : « Seigneur, apprends-nous à prier » (Évangile de Luc 11,1) . Ces
27
trois dernières demandes relèvent d'un enseignement à un petit groupe, celui des disciples, et appellent à un déchiffrement . Leur
interprétation et leur traduction seront plus discutées que pour les trois premières demandes. Leur nature semble se rapporter plus,
20
selon certains exégètes, à la vie quotidienne qu'à une portée eschatologique .

Le pain quotidien

Prononciation Traduction
Original grec Translittération Traduction latine
liturgique « œcuménique »
τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν tòn árton hêmỗn tòn Tone artone imone tone Panem nostrum Donne-nous
ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν epioúsion dòs hêmîn epioussione dhos imine quotidianum da aujourd’hui notre
σήμερον· sếmeron· simérone. nobis hodie, pain de ce jour,

La traduction de ἐπιούσιον est variable en français. La traduction œcuménique et liturgique rend cet adjectif par « de ce jour » ; la
traduction catholique traditionnelle était « quotidien » ou « de chaque jour ». Enfin certaines communautés orthodoxes le traduisent
par « substantiel » ou « surnaturel ».

Dans la version de l'évangile selon Matthieu de la Vulgate, on lit « panem nostrum supersubstantialem da nobis hodie » (Mt 6,11),
tandis que, dans la version de l'évangile selon Luc, on trouve « panem nostrum cotidianum da nobis hodie ». Or les adjectifs
supersubstantialis et cotidianus traduisent tous deux le grec epiousios (grec moderne : επιούσιος), terme pour lequel
supersubstantiel est plus exact.

Le terme ἐπιούσιος est un néologisme qui ne se trouve que dans le Pater et dont la signification n'est pas assurée. Étymologiquement,
il correspond au français « sur-substantiel, super-substantiel ». Le second élément de ce composé (-ousios) est celui qui figure dans
homo-ousia, mot employé par le concile de Nicée pour expliquer que le Fils est « consubstantiel » au Père.

Certaines Bibles publiées dans la mouvance de l'humanisme chrétien ou du protestantisme traduisent par « supersubstantiel » (par ex.
Lyon, Nicolas Petit, 1549).
Le pardon des offenses

Prononciation Traduction Traduction


Original grec Translittération
liturgique latine « œcuménique »
καὶ ἄφες ἡμῖν τὰ kaì áphes hêmîn tà kai aphès imine ta et dimitte nobis Pardonne-nous nos
ὀφειλήματα ἡμῶν, opheilếmata hêmỗn, ophilimata imone, debita nostra offenses
sicut et nos
ὡς καὶ ἡμεῖς hôs kaì hêmeîs os kai imis Comme nous pardonnons
dimittimus
ἀφίεμεν τοῖς aphíemen toîs aphiémène tis aussi à ceux qui nous ont
debitoribus
ὀφειλέταις ἡμῶν· opheilétais hêmỗn· ophilétais imone. offensés,
nostris

Le texte latin, correspondant à la majorité des manuscrits grecs, dit littéralement « Remets-nous nos dettes, comme nous les
remettons aussi à nos débiteurs ». Le texte œcuménique, inspiré d'autres manuscrits grecs, dit « Pardonne-nous nos offenses, comme
nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». D'autres langues ont aussi choisi de s'écarter du texte latin. La traduction
orthodoxe est plus fidèle au texte grec, « Et remets-nous nos dettes comme nous remettons à nos débiteurs. »
15
La traduction officielle catholique publiée par l'Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones en 2013 est
« Remets-nous de nos dettes, comme nous-même nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. »

Le texte grec ἀφίεμεν (au présent) est ici celui de la liturgie ; le texte rapporté par l'évangile est ἀφήκαμεν (au parfait, « nous avons
pardonné »).

La tentation

Prononciation Traduction
Original grec Translittération Traduction « œcuménique »
liturgique latine
Et ne nous soumets pas à la
καὶ μὴ εἰσενέγκῃς kaì mề eisenégkêis kai mi et ne nos tentation
ἡμᾶς εἰς hêmâs eis issénènguis imas inducas in à partir de 3 décembre 2017 : Et ne
πειρασμόν, peirasmón, is pirasmone, tentationem nous laisse pas entrer en
28
tentation

En latin, la formule « Et ne nos inducas in tentationem » signifie littéralement : « Et ne nous induis pas en tentation ». La phrase était
traduite de manière variée : « ne nous soumets pas à l’épreuve » pour les orthodoxes, « ne nous laissez pas succomber à la tentation »
dans la traduction traditionnelle.

La traduction de cette formule dans la liturgie par « ne nous soumets pas à la tentation » est un sujet de débat chez certains
29
catholiques depuis le dernier concile et la traduction liturgique officielle à laquelle il a conduit. La traduction latine est une
traduction littérale du grec : inducas, comme εἰσενέγκῃς, veut dire « conduire dans, faire entrer », donc littéralement « Ne nous fais
pas entrer dans la tentation ». De ce point de vue, la formule œcuménique est donc une traduction correcte. Cependant, Dieu n’est pas
tentateur, c'est le démon qui veut et peut faire « entrer dans la tentation ». « Que personne ne dise, lorsqu'il est tenté : C'est Dieu qui
me tente ; car Dieu ne peut être tenté par le mal, et lui-même ne tente personne » (Jacques 1:13).

La délivrance

Prononciation Traduction Traduction


Original grec Translittération
liturgique latine « œcuménique »
ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ allà rhûsai hêmâs apò alla rhissai imas apo sed libera nos Mais délivre-nous
τοῦ πονηροῦ· toû ponêroû· tou ponirou. a malo. du mal.

Cette demande provient de l'évangile de Matthieu seulement.


Même lorsqu'ils utilisent la version dite « œcuménique », de nombreux Orthodoxes disent souvent « Mais délivre-nous du Malin »
plutôt que « Mais délivre-nous du mal ». En ce cas, πονηροῦ n'est pas pris dans son acception d'idée abstraite (le mal) mais en tant
qu'adjectif substantivé : libère-nous du méchant, du mauvais, c’est-à-dire du Malin, de Satan.

Dans la règle de saint Benoît fixée vers 530, Benoît de Nursie demandait aux moines de n'exécuter du « Pater noster » à haute voix
que la dernière partie « sed libera nos a malo », sauf pendant la célébration dominicale présidée par le Supérieur. Toutefois selon saint
30
Benoît, cette dernière est réservée de sorte que tous s'unissent afin de répondre (chapitre XIII) . Comme cette tradition se conserve
encore lors de la messe dans la forme tridentine du rite romain, les fidèles ne chantent ou récitent que la dernière. Dans un certain
nombre de monastères aussi, cette injonction est toujours respectée.

La doxologie finale
La doxologie finale « Car c'est à Toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles », absente des
manuscrits du Nouveau Testament et ne figurant qu'en note dans la version standard révisée, fut ajoutée à la prière dès les premiers
31
temps de l'Église. En effet son emploi est attesté par la version de la prière figurant dans la Didachè , bref manuel probablement
destiné aux nouveaux convertis qu'on date en général de la fin duIer ou du début du IIe siècle.

Elle n'apparaît que dans quatre des manuscrits connus de la Vetus Latina, et seulement deux fois de manière complète. La Vulgate ne
la mentionne pas, ce qui est conforme aux éditions critiques du grec.

Cette formule n'a jamais été rattachée au Pater dans la liturgie romaine. Elle a bien été introduite, après 1969, dans la messe de rite
romain, mais reste séparée du Pater par l'embolisme « Libera nos, quaesumus… » (« délivre-nous de tout mal Seigneur, et donne la
paix à notre temps… »), récité par le prêtre seul, qui prolonge la dernière demande (« délivre-nous du mal »). L'ensemble se conclut
par la doxologie, récitée par l'assemblée tout entière.

Les protestants considèrent généralement que la doxologie est partie intégrante du Notre Père.

Linguistique comparée
Le Notre Père a été l'un des premiers textes traduits en de nombreuses
e
langues, bien avant la Bible complète. Depuis le XVI siècle, des
recueils de traductions de la prière ont souvent été utilisés à des fins de
linguistique comparée.

Le premier de ces recueils, avec 22 langues, fut Mithridates de


differentis linguis de Conrad Gessner (1555). L'idée de Gessner
(recueillir des traductions de la prière) fut reprise par des auteurs du
e
XVII siècle, dont Hieronymus Megiser (en) (1603) et Georg Pistorius
(1621). Thomas Lüdeken publia en 1680 un recueil de 83 versions,
dont trois en langues philosophiques fictives. En 1703, Psalmanazar, le
prétendu « Formosan » qui fit fortune à Londres, publia sa version
personnelle du Notre Père dans la langue « formosane » dont il était Europa Polyglotta, in Synopsis Universae
n3
l'unique locuteur - et l'inventeur . Philologiae (1741). La carte reproduit le premier
verset du Notre Père dans 33 différentes langues
En 1700, le recueil de Lüdeken fut réédité par B. Mottus sous le titre d'Europe.
Oratio dominica plus centum linguis versionibus aut characteribus
reddita et expressa, puis une deuxième édition révisée fut publiée en
1715 par John Chamberlain. Cette édition de 1715 fut utilisée par Gottfried Hensel (en) dans son Synopsis Universae Philologiae
(1741) pour compiler des « cartes géographiques et polyglottes » où le début de la prière était représenté dans la zone du pays
32
correspondant à la langue.Johann Ulrich Kraus (en) a également publié une collection de plus de 100 versions .

En 1806 et 1817, Johann Christoph Adelunget Johann Severin Vater publièrent la prière dans près de cinq cents langues et dialectes.
Musique
La première mise en musique dont on ait conservé la trace appartient au chant
grégorien. Parmi les adaptations les plus connues en français, on trouve deux
transcriptions — depuis des versions originales en slavon — de Nikolaï Rimski-
33
Korsakov et de Nicolas Kedroff, les versions de Xavier Darasse , de Maurice
Duruflé, d'André Caplet, les prières pour chant, harpe et quatuor à cordes. Le choral
pour orgue Vater unser im Himmelreich de Georg Böhm au tout début du XVIIIe siècle
a été repris ensuite parJean-Sébastien Bach, dont Böhm fut un des précurseurs nord-
allemands.

Au XXe siècle, plusieurs compositeurs ont écrit la musique du Notre Père pour les
services liturgiques interconfessionnels du dialogue interreligieux, dont John Serry
34
Sr (1915-2003) ou Maxime Kovalevsky (1903-1988) pour la liturgie orthodoxe.

Notes et références
The Lord's Prayer (Le Pater Noster),
par James Tissot, Brooklyn Museum.
Notes

1. Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié.
Que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre
comme au ciel.
Donnez-nous aujourd'hui le pain nécessaire à notre subsistance.
Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons les leurs à
ceux qui nous doivent.
Et ne nous laissez point succomber à la tentation, mais délivrez-
nous du mal.

2. Notre Père qui es aux cieux !


Que ton nom soit sanctifié;
que ton règne vienne;
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien ;
pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous
pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal.
Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la
puissance et la gloire. Amen !

3. Le Notre Père de Psalmanazar se présente ainsi : «Amy Pornio dan


chin Ornio vicy, Gnayjorhe sai Lory, Eyfodere sai Bagalin, jorhe sai
domion apo chin Ornio, kay chin Badi eyen, Amy khatsada nadakchion
toye ant nadayi, kay Radonaye ant amy Sochin, apo ant radonern amy
Sochiakhin, bagne ant kau chin malaboski, ali abinaye ant tuen
Broskacy, kens sai vie Bagalin, kay Fary, kay Barhaniaan chinania
sendabey. Amien. »

Références
1. MarcPhilonenko 2001, p. 41..
2. Jean-Marie Guénois, «Notre Père : les fidèles ne seront plus «soumis» à la tentation», Le Figaro,
16 novembre 2017 (lire en ligne (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/11/15/01016-20171115ARTFIG00378-no
tre-pereles-fideles-ne-seront-plus-soumis-a-la-tentation.php)), article payant.
3. Colette Kessler, « Les racines du Notre Père chrétien dans les prières juives »(http://www.cirdic.fr/index.php/2017/1
1/27/les-racines-du-notre-pere-chretien-dans-les-prieres-juives-2/) , revue Sens 1992 n°9/10, document duCirdic,
2017, réédité le 15 novembre 2017(http://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/vivre-sa-foi-a-tous-les-ages/relationsj
udaisme/448943-sources-juives-pere/)par la Conférence des évêques de France.
4. MarcPhilonenko 2001, p. 42..
5. MarcPhilonenko 2001, p. 46..
6. « Kaddish explanation »(http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Judaism/kaddish.html), Jewish Virtual Library.
7. MarcPhilonenko 2001, p. 47..
8. Le Nouveau Testament commenté, sous la dir. de Camille Focant et Daniel Marguerat, Bayard, Labor et Fides, 2012,
p.247.
9. Farmer, William R., The Gospel of Jesus: The Pastoral Relevance of the Synoptic Problem(https://books.google.co
m/books?id=KkO4qzxHrsEC&pg=PA49), Westminster John Knox Press(1994), p. 49, (ISBN 978-0-664-25514-5).
10. Daniel Marguerat (dir.), « Le problème synoptique », inIntroduction au Nouveau Testament : Son histoire, son
écriture, sa théologie, Labor et Fides, 2008(ISBN 978-2-8309-1289-0), p. 44-45.
11. Traduction de Louis Segond, 1910.
12. Hans Conzelmann et Andreas Lindemann,Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999
(ISBN 2-8309-0943-7), p. 68-69.
13. (grc + fr) Soeur Jeanne d'Arc OP, MATHIEU : Texte grec et traduction française en regard, Paris, Desclée
De Brouwer, coll. « Les Belles Lettres »,1987, 199 p. (ISBN 2-251-32022-9).
14. (grc + fr) !J.N. Darby, Nouveau Testament français-grec, 2004, 530 p. (lire en ligne (http://bible.free.fr/archives/
bible/NT%20JND%20Interlin%C3%A9aire.pdf) ).
15. « Evangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu» (http://www.aelf.org/bible/Mt/6), Bible, sur Association épiscopale
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16. L'Église revoit le texte du « Notre Père », article sur le site du Figaro, écrit par Jean-Marie Guénois, publié le
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17. « Notre Père : les versions se succèdent…», La Croix, 27 novembre 2017 (lire en ligne (https://www.la-croix.com/Rel
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18. « Décision relative au Notre-Père – EPUdF – Synode national de Nancy , 2016 » (http://www.catholique-nancy.fr/docu
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20. MarcPhilonenko 2001, p. 40..
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27. MarcPhilonenko 2001, p. 39..
28. Leichte Änderung bei Vaterunser auf Französisch. (http://katholisch.de/aktuelles/aktuelle-artikel/leichte-anderung-bei-
vaterunser-auf-franzosisch)katholisch.de, 1er juin 2017, consulté le 2 juin 2017 (allemand).
29. Mgr André-Mutien Léonard, Père, que ton règne vienne, Éd. de l’Emmanuel, 1998, 180 p.
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34. The Library of Congress USA.The Lord's Prayer, Compositeur: John Serry Sr., 2 Septembre 1992 #PAU 1-665-838.

Voir aussi

Articles connexes Sur les autres projets Wikimedia :

Notre Père, sur Wikimedia Commons


Gloire à Dieu
Confiteor Notre Père, sur le Wiktionnaire
Symbole des apôtres
Notre Père, sur Wikisource
Je vous salue Marie
Baba Yetu, mise en musique du Notre Père en swahili
par Christopher Tin et thème principal de Sid Meier's
Civilization IV.
Basilique du Pater Noster

Bibliographie
La littérature très abondante à laquelle le « Notre Père » a donné lieu depuis les premiers temps du christianisme a fait l'objet dans les
années 1980 du répertoire suivant, où les références sont classées dans l'ordre alphabétique des auteurs. Deux volumes ont été publiés
jusqu'ici :

Monica Dorneich, Vaterunser-Bibliographie = The Lord’s Prayer : a bibliography , Freiburg im Breisgau, Herder
(coll. « Veröffentlichungen der Stiftung Oratio Dominica »), 1982(ISBN 3-451-19752-9) [de l'Antiquité à 1982.
Concerne aussi la mise en musique du « Notre Père » de la Renaissance au 20e siècle].
Monica Dorneich, Vaterunser-Bibliographie. Neue Folge= The Lord’s Prayer : a bibliography, Freiburg im
Breisgau, Herder (coll. « Veröffentlichungen der Stiftung Oratio Dominica »), 1987 [paru en 1988]
(ISBN 3-451-21253-6) [compléments et mise à jour jusqu'à 1988].

Christian Amphoux, « Histoire de quelques variantes : leNotre Père », Le Monde de la Bible, no 113, septembre-
octobre 1998, p. 85-86.
Leonardo Boff, Le « Notre Père » : une prière de libération intégrale
, coll. Théologies, Paris, Éd. du Cerf, 1988,
167 p.
Jean Carmignac, Recherches sur le « Notre Père », Paris, Letouzey & Ané, 1969, 608 p.
David Clark, The « Lord's Prayer » : origins and early interpretations(Studia traditionis theologiae), Turnhout,
Brepols, 2016, XI-258 p.(ISBN 978-2-503-56537-8).
David Clark, On earth as in heaven : the « Lord's Prayer » from Jewish prayer to Christian ritual , Minneapolis,
Fortress Press, 2017, XX-224 p.(ISBN 978-1-5064-1438-6).
Conférence des évêques de France, La Prière du Notre Père : un regard renouvelé , Bayard/Cerf/Mame, 2017,
128 p.
Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999
(ISBN 2-8309-0943-7).
Camille Focant et Daniel Marguerat (dir.), Le Nouveau Testament commenté, Bayard/Labor et Fides, 2012, 4e éd.
(ISBN 978-2-227-48708-6).
Marcel Jousse, « Les formules targoumiques duPater dans le milieu ethnique palestinien' »,L'Ethnographie,
no 42, 1944, p. 4-51.
André-Mutien Léonard, « Père, que ton règne vienne ! » : dix rencontres sur Dieu, le Père de Jésus et notre Père ,
coll. Bonnes nouvelles, Éd. de l’Emmanuel, 1998, 183 p.
Frédéric Louzeau, La prière du mendiant : l'itinéraire spirituel du « Notre Père ,»coll. Collège des Bernardins.
Cahier no 107, Paris, Éd. Parole et Silence, 2013, 151 p.
Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau Testament : son histoire, son écriture, sa théologie, Labor et
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Daniel Marguerat, Jésus et Matthieu : à la recherche du Jésus de l'histoire , Labor et Fides/Bayard, 2016
(ISBN 978-2-8309-1589-1).
Louis Pernot, Le « Notre Père », abrégé de tout l'Évangile : une théologie pour aujourd'hui , Versailles, Éd. de
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Marc Philonenko, Le « Notre Père » : de la prière de Jésus à la prière des disciples , Paris, Gallimard (coll.
« Bibliothèque des histoires »), 2001, 206 p.(ISBN 2-07-076122-3).
Jean Zumstein, « Notre Père » : la prière de Jésus au cœur de notre vie , Poliez-le-Grand, Éd. du Moulin, 2001, 92
p (ISBN 2-88469-006-9). A fait l'objet d'une 2e éd. revue et augmentée :« Notre Père » : la prière de Jésus pour
revisiter notre quotidien, Bière, Cabédita (coll. « Parole en liberté »), 2015, 91 p.(ISBN 978-2-88295-738-2).

Liens externes
Notices d'autorité : Fichier d’autorité international virtuel• Bibliothèque nationale de France(données) •
Système universitaire de documentation• Bibliothèque du Congrès• Gemeinsame Normdatei•
Bibliothèque nationale d’Espagne• Autorités Canadiana • WorldCat
« Les racines du Notre Père chrétien dans les prières juives ,»par Colette Kessler, revue Sens 1992 n°9/10,
document du Cirdic, 2017, réédité le 15 novembre 2017par la Conférence des évêques de France
Ressources sur le Notre Père, par Louis Pernot
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