Acte I, scène 1. Cléarque, Lisandre, Florestor. Le prince est vêtu en simple cavalier. CLEARQUE J'arrivai dans Messine, et vins voir cette cour. Ce fut-là, que ce dieu triompha de mon âme ; En ce lieu je brûlai de ma première flamme ; Je...
moreActe I, scène 1. Cléarque, Lisandre, Florestor. Le prince est vêtu en simple cavalier. CLEARQUE J'arrivai dans Messine, et vins voir cette cour. Ce fut-là, que ce dieu triompha de mon âme ; En ce lieu je brûlai de ma première flamme ; Je me laissai surprendre aux charmes d'un beau teint ; Mon oeil en fut touché, mon coeur en fut atteint ; J'en souffris à l'instant la douce tyrannie ; Et pour tout dire enfin, j'osai voir Argenie. Je la vis, et l'aimai ; car au même moment, Qui fit que je la vis, je me fis voir amant. Mon âme à son abord fut bien peu défendue ; Et malgré ma raison la place fut rendue, Aussitôt que cet oeil, qui peut tout enflammer, Par un de ses regards eut daigné me sommer. Je fus cent fois tenté d'une ardeur violente, Qui me sollicitait d'accoster Poliante, De lui dire mon nom, et le mal que j'avais ; Mais toujours la raison me retenait la voix, Et me représentait le pouvoir de mon père : Mais comme vous savez que tout amant espère, Je crus que son désir seconderait le mien, Et qu'il m'était permis d'aspirer à ce bien. Comme en effet, dès lors je quittai la Sicile ; Et le lui proposant, je le trouvai facile ; Il approuva mon choix, en loua la grandeur, Et ne refusa rien à mes voeux pleins d'ardeur. Au contraire, aussitôt pour finir mon martyre, Il dépêche un des siens, comme je le désire, Pour demander l'infante, à ce roi malheureux : Voici le premier coup de mon sort rigoureux. Car soit que Poliante eut reçu quelque oracle, Qui fut à cet hymen un invisible obstacle ; Ou soit que son esprit eût quelque autre raison, Qui vint de ma personne, ou touchât ma maison ; Ou que le seul caprice autorisât sa haine ; Ce cruel se moqua d'une espérance vaine, Et sachant le dessein de notre ambassadeur, Il ne lui répondit qu'en termes de froideur, Et ne lui donna point d'audience publique. Altomire sensible, et qu'un outrage pique, Quelque soin que je prisse à le faire changer, Jura de le punir, et de se bien venger. Aussitôt il équipe une puissante flotte, Et mettant notre route en la main du pilote, Il s'embarque, et je suis malgré moi ses vaisseaux, Que le vent favorise, et qui fendent les eaux. Poliante averti qu'il se forme un orage, Se résout de l'attendre, et ne perd point courage ; Va toujours côtoyant la Sicile en ses bords,