L'Armorial de Guillaume Revel
Châteaux, villes et bourgs du forez au XVe siècle
Pierre-Yves Laffont (dir.)
DOI : 10.4000/books.alpara.2910
Éditeur : Alpara
Année d'édition : 2011
Date de mise en ligne : 24 mars 2017
Collection : DARA
ISBN électronique : 9782916125527
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782916125053
Nombre de pages : 502
Référence électronique
LAFFONT, Pierre-Yves (dir.). L'Armorial de Guillaume Revel : Châteaux, villes et bourgs du forez au XVe
siècle. Nouvelle édition [en ligne]. Lyon : Alpara, 2011 (généré le 30 avril 2019). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/alpara/2910>. ISBN : 9782916125527. DOI : 10.4000/
books.alpara.2910.
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© Alpara, 2011
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1
Au milieu du
XVe siècle,
le héraut d’armes Guillaume Revel entreprend, à la demande du duc de
Bourbon Charles Ier, de rassembler en un recueil les armoiries de familles nobles d’Auvergne, du
Bourbonnais et du Forez. Mais le parti original du manuscrit (Bnf, ms fr 22297) est d’avoir inclus
des vignettes peintes reproduisant des vues réalistes et détaillées des chefs-lieux de seigneuries
(châteaux, villes, villages, prieurés fortifiés…) relevant de la suzeraineté des ducs de Bourbon.
Ce nouveau volume de la collection des DARA, fruit d’un travail collectif, est consacré à la section
forézienne de l’armorial de Guillaume Revel. Les auteurs, tant dans la partie introductive que
dans les monographies consacrées aux cinquante quatre sites figurés dans le recueil, ont pris le
parti de faire sa place à l’arrière-plan historique et archivistique, ce qui leur permet d’aborder
une histoire du paysage et de son évolution à partir d’une description critique des vignettes.
Ainsi circule-t-on, dans un va-et-vient continu, servi par une présentation homogénéisée, entre
les données historiques ou archéologiques, la lecture et l’interprétation des plans cadastraux, les
études d’archéologie du bâti, et l’analyse comparée des vignettes. Ces illustrations constituent un
jalon important dans l’histoire de la représentation du paysage, non seulement en France, mais
aussi dans toute l’Europe occidentale. Ce ne sont pas des images « muettes », car leurs auteurs
ont choisi l’angle de « prise de vue » qui pouvait servir au mieux le rendu du château ou de la
ville. L’architecture militaire y est l’élément le plus diversement illustré – alors que l’habitat civil,
protégé par les fortifications du castrum ou de la ville, ne bénéficie pas de la même précision,
tant les formes architecturales ont fait l’objet d’une simplification et d’une représentation
généralement stéréotypée. Mais c’est aussi l’histoire de la genèse des villes du Forez qui
transparaît au bon observateur. La présence des étendards du duc de Bourbon sur les tours,
comme l’insistance à exagérer les proportions des bâtiments seigneuriaux, nous avertissent aussi
de la valeur symbolique de ces vues qui renvoient au pouvoir dominant, commanditaire de cet
inventaire.
2
SOMMAIRE
Préfaces
Pierre Soubelet, Jean-Jack Queyranne et Bernard Bonne
Remerciements
Liste des contributeurs au présent ouvrage
Introduction
Pierre-Yves Laffont
Chapitre 1. Le manuscrit dans son contexte
Claude Colombet-Lasseigne, Emmanuel De Boos, Pierre-Yves Laffont, Christophe Mathevot et Olivier Mattéoni
1.1. Le manuscrit de l’armorial : description, conditions de réalisation, commanditaires et
datation
1.2. Le comté de Forez au XV e siècle : entre crises et renouveau
Chapitre 2. Noblesse et héraldique foréziennes
Emmanuel De Boos
2.1. La noblesse forézienne au milieu du XV e siècle au miroir de l'Armorial
2.2. L’héraldique forézienne de l’Armorial
Chapitre 3. La fortification en Forez au Moyen Âge et l’Armorial de Guillaume Revel
Christophe Mathevot
3.1. Naissance et premier essor des châteaux en Forez et en roannais
3.2. Les XIIIe et XIVe siècles : « du plein âge castral » à la guerre de Cent Ans
3.3. Les fortifications foréziennes au temps de l’Armorial
Monographies
Encadrés
Montbrison
Christophe Mathevot
437. La ville et chatiau de Monbrison en la compté de ForesDépartement : Loire ; canton :
Montbrison ; commune : Montbrison
Lavieu
Pierre-Yves Laffont
438. Le chatiau de La VieuDépartement : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ; commune :
Lavieu
Cervières
Franck Brechon
439. La ville et chatiau de CerviereDépartement : Loire ; canton : Noirétable ; commune :
Cervières
Saint-Germain-Laval
Emmanuel De Boos et Chantal Delomier
440. La ville et chatiau de Saint Germain de LavalDépartement : Loire ; canton : SaintGermain-Laval ; commune : Saint-Germain-Laval
3
Marcilly-le-Châtel
Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
441. Marcillieu le chatiauDépartement : Loire ; canton : Boën ; commune : Marcilly-le-Châtel
Saint-Just-en-Chevalet
Christophe Bouillon et Clément Mottin
442. Saint Just en ChevalletDépartement : Loire ; canton : Saint-Just-en-Chevalet ; commune :
Saint-Just-en-Chevalet
Bussy-Albieux
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
443. Le chatiau et ville de Bussy La PoileDépartement : Loire ; Canton : Boën ; Commune :
Bussy-Albieux
Souternon
Chantal Delomier
444. Le chatiau de SautrenonDépartement : Loire ; canton : Saint-Germain-Laval ; commune :
Souternon
Cleppé
Franck Brechon et Chantal Delomier
445. Le chatiau de ClappierDépartement : Loire ; canton : Boen ; commune : Cleppé
Néronde
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
446. La ville et chatiau de NerondeDépartement : Loire ; canton : Néronde ; commune : Néronde
Donzy
Christophe Mathevot
447. Le chatiau et ville de DonsyDépartement : Loire ; canton : Feurs ; commune : Salt-en-Donzy
Panissières
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
448. La ville de Saint Jehan de PanassieresDépartement : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Panissières
Feurs
Paul Valette
449. La ville de Feurs. Département : Loire ; canton : Feurs ; commune : Feurs
Sury-le-Bois
Paul Valette
450. Le chatiau de Sury le BoysDépartement : Loire ; canton : Feurs ; commune : Valeille
Marclopt
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
451. Le chatiau de MarcloDépartement : Loire ; canton : Feurs ; commune : Marclopt
Chambéon
Pierre-Yves Laffont
452. Le chatiau de Chanbeon (Chambéon) Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Chambéon
Bellegarde
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
453. La ville et chatiau de BellegardeDépartement : Loire ; Canton : Saint-Galmier ; commune :
Bellegarde-en-Forez
4
Saint-Galmier
Chantal Delomier
454. Le chatiau et ville de Saint GalmierDépartement : Loire ; canton et commune : SaintGalmier
Teillières
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
455. Teillieres soubz Sainct GalmierDépartement : Loire ; canton et commune : Saint-Galmier
Saint-Héand
Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
456. Le chatiau de Saint TeonDépartement : Loire ; canton : Saint-Héand ; commune : SaintHéand
Fontanès
Franck Brechon et Chantal Delomier
457. Le chatiau de FonteneesDépartement : Loire ; canton : Saint-Héand ; commune : Fontanès
La Tour-en-Jarez
Pierre-Yves Laffont
458. La ville et tour d’AngeresDépartement : Loire ; canton : Saint-Héand ; commune : La Touren-Jarez
Ravoire
Emmanuel De Boos et Pierre-Yves Laffont
459. Le chatiau de RavoireDépartement : ? ; canton : ? ; commune : ?
La Fouillouse
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
460. Le chatiau de La FouleuseDépartement : Loire ; canton : Saint-Héand : commune : La
Fouillouse
Saint-Victor-sur-Loire
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
461. Le chatiau de Saint VictourDépartement : Loire ; canton et commune : Saint-Étienne
Saint-Rambert-en-Forez
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
462. La ville du Pont Saint RambertDépartement : Loire ; canton et commune : Saint-Just-SaintRambert
Sury-le-Comtal
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
463. Le chatiau et ville de Suri le ContalDépartement : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Sury-le-Comtal
Saint-Marcellin
Franck Brechon, Chantal Delomier, Axelle Journaix et Catherine Salardon
464. Le chatiau et ville de Saint Marcelin le PuyDépartement : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Saint-Marcellin-en-Forez
Saint-Romain-le-Puy
Pierre-Yves Laffont
465. Le chatiau de Saint Romain le PuyDépartement : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Saint-Romain-le-Puy
Monsupt
Franck Brechon
466. Le chatiau de MonceuDépartement : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ; commune :
Saint-Georges-Haute-Ville
5
Saint-Bonnet-Le-Château
Franck Brechon et Catherine Salardon
471. La ville et chatiau de Saint BonnetDépartement : Loire ; canton : Saint-Bonnet-leChâteau ; commune : Saint-Bonnet-le-Château
Rozier-Côtes-d’Aurec
Pierre-Yves Laffont
472. Le chatiau de RouzieresDépartement : Loire ; canton : Saint-Bonnet-le-Château ;
commune : Rozier-Côtes-d’Aurec
Marols
Franck Brechon et Catherine Salardon
473. Le chatiau de MarouxDépartement : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ; commune :
Marols
Châtelneuf
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
474. L (sic) chatiau neufDépartement : Loire ; canton : Saint-Georges-en-Couzan ; commune :
Châtelneuf
Essertines
Franck Brechon
475. Le chatiau d’IssartinesDépartement : Loire ; canton : Montbrison ; commune : Essertinesen-Châtelneuf
Champdieu
Franck Brechon et Anne-Christine Ferrand
476. Le chatiau de ChandieuDépartement : Loire ; canton : Montbrison ; commune : Champdieu
La Bouteresse
Franck Brechon
477. Le chatiau de La BouteresseDépartement : Loire ; canton : Boen ; commune : SainteAgathe-la-Bouteresse
Saint-Maurice-sur-Loire
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
478. La ville et chatiau de Saint MoryzeDépartement : Loire ; canton : Roanne ; commune :
Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire
Villerest
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
479. Le chatiau de VillairesDépartement : Loire ; canton : Roanne ; commune : Villerest
Saint-Haon-le-Châtel
Franck Brechon et Frédéric Buffard
480. La ville et chatiau de SainctanDépartement : Loire ; commune et canton : Saint-Haon-leChâtel
Roanne
Jean Poncet et Franck Brechon
481. La ville de RouanneDépartement : Loire ; canton : Roanne ; commune : Roanne
Le Crozet
Pierre-Yves Laffont
482. La ville et chatiau du CrouzetDépartement : Loire ; canton : La Pacaudière ; commune : Le
Crozet
6
Renaison
Chantal Delomier
483. Le chatiau de ReneysonDépartement : Loire ; canton : Saint-Haon-le-Châtel ; commune :
Renaison
Pouilly-les-Nonains
Chantal Delomier et Violette Blanc
484. Le chatiau de PoullyDépartement : Loire ; canton : Roanne ; commune Pouilly-les-Nonains
L’Aubépin
Chantal Delomier, Emmanuel De Boos et Pierre-Yves Laffont
485. Le chatiau de LaubespinDépartement : Rhône ; canton : Saint-Symphorien-sur-Coise ;
commune : Larajasse
La Bénisson-Dieu
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
487. L’abaye de La Benisson DieuDépartement : Loire ; canton : Roanne ; commune : La
Bénisson-Dieu
Valbenoîte
Franck Brechon et Chantal Delomier
488. L’abaye de VaubenoytDépartement : Loire ; commune et canton : Saint-Étienne
Pommiers ?
Chantal Delomier
489. Le prioré de PommierDépartement : Loire ? ; canton : Saint-Germain-Laval ? ; commune :
Pommiers-en-Forez ?
Montverdun
Christian Le Barrier
490. Le prioré de MontvardunDépartement : Loire ; canton : Boën ; commune : Montverdun
Estivareilles
Franck Brechon et Chantal Delomier
491. Le prioré d’EztivaleilhesDépartement : Loire ; canton : Saint-Bonnet-le-Château ;
commune : Estivareilles
Le Prieuré
Pierre Marcoux et Pierre-Yves Laffont
492. Le prioréDépartement : Loire ? : canton : Boën ? ; commune : L’Hôpital-sous-Rochefort ?
Couzan
Christophe Mathevot
493. Le chasteau de CouzantDépartement : Loire ; canton : Saint-Georges-en-Couzan ;
commune : Sail-sous-Couzan
Chalain-d’Uzore
Franck Brechon et Chantal Delomier
494. Le chasteau d’IzoyreDépartement : Loire ; canton : Montbrison ; commune : Chalaind’Uzore
7
Nervieux ?
Pierre-Yves Laffont
495. Le chasteau de NervieDépartement : Loire ; canton : Feurs ; commune : Nervieux ?
Sources et bibliographie
Abréviations
Répertoires
Crédits photographiques et des illustrations
Résumés
8
Préfaces
Pierre Soubelet, Jean-Jack Queyranne et Bernard Bonne
1
La persévérance des archéologues et chercheurs du département de la Loire et du Service
régional de l’archéologie de Rhône-Alpes a eu raison des obstacles qui depuis 18 années
retardaient la mise en commun des travaux suscités par l’étude de la partie forézienne de
l’Armorial de Guillaume Revel. Dès l’origine le Département de la Loire avait saisi l’intérêt
public de ce projet, qui s’incarne aujourd’hui dans cet ouvrage mis à la disposition des
historiens, des archéologues, mais aussi d’un lectorat curieux d’un patrimoine inscrit
dans un territoire encore largement rural.
2
Cet armorial avait été, à l’extrême fin du Moyen Âge, le fruit d’une commande
« publique », celle d’un prince, Charles Ier, duc de Bourbon, auquel appartenait alors le
comté de Forez. C’est donc, à plusieurs titres, « une photographie » de la société
aristocratique provinciale que révèle le catalogue des armoiries lignagères qui sont mises
en rapport avec les sites — châteaux, villes ou villages fortifiés – correspondant aux
possessions et territoires qui relevaient des liens du système seigneurial et de
l’administration comtale.
3
Les auteurs de cet ouvrage, en commentant les illustrations de l’Armorial, nous
entraînent dans une visite de plus de 50 sites foréziens, des sites qui comptent
aujourd’hui encore sur une carte du département de la Loire. Ils ont mis l’accent sur les
vues qui représentent les bourgs et les villes, dans leur état remanié après les derniers
troubles militaires de la fin de la guerre de Cent Ans. Ainsi se dessine devant nous une
phase de l’histoire du paysage ; celle d’un habitat groupé autour du château, chef-lieu
d’une seigneurie, ou autour d’une antique église paroissiale et protégé par une ou
plusieurs enceintes fortifiées. D’une notice à l’autre, on imagine la démarche du
dessinateur ; il avait arpenté les grands chemins de communication, et, après avoir choisi
un poste d’observation privilégié, un angle de prise de vue favorable, allait, par un jeu de
conventions graphiques subordonné à la réalité des architectures et des monuments
observés, donner une vue symbolique de tel château, de telle tour seigneuriale ou
résidence officielle (les étendards du duc de Bourbon les signalent), de telle fortification
nouvelle, reflet d’une période d’insécurité ; quant à l’habitat civil, il est représenté sous la
forme de maisons aux contours stéréotypés, regroupées tantôt de façon confuse, tantôt
de façon plus organisée en fonction de la voirie ou des dénivellations naturelles à
9
l’intérieur du castrum ou d’un faubourg. Ne sont pas négligés les éléments
topographiques : une position stratégique le long d’une voie de commerce, la proximité
d’un pont sur la Loire, la topographie accidentée d’un site perché. Rarement toutefois les
activités humaines sont-elles évoquées.
4
Un autre avantage apporté par les auteurs à ce volet de l’histoire du Forez c’est le parti
suivi dans chacune des notices de confronter les vignettes de l’Armorial avec l’état
archéologique actuel des sites et l’analyse des plans parcellaires du début du XIXe siècle.
Cette méthode pluridisciplinaire fait ressortir la fragilité du patrimoine architectural
exposé aux évolutions historiques de nos sociétés.
Pierre Soubelet,
Préfet de la Loire
5
Notre collectivité, depuis plusieurs années, accompagne l’Association de Liaison pour le
Patrimoine et l’archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne (ALPARA) dans la publication
d’ouvrages thématiques regroupés sous la collection des « Documents d’Archéologie en
Rhône-Alpes et en Auvergne » (DARA). Si notre Région a montré tant de fidélité et
d’enthousiasme dans ce partenariat, c’est parce qu’elle est consciente de la qualité et de
l’utilité du travail réalisé par l’association.
6
Notre région est riche de sa diversité. Cela peut résonner comme une évidence mais avant
tout comme une certitude. Cette diversité est naturelle et humaine, elle est aussi
historique et patrimoniale. On pense bien sûr à la ville de Lyon, dont le site historique a
été inscrit sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO, à la grotte Chauvet, dont
l’espace de restitution verra bientôt le jour, à l’héritage laissé par des architectes comme
Le Corbusier ou Tony Garnier. Mais le patrimoine rhônalpin ne se limite pas à ces
exemples les plus fameux, loin de là, et cet ouvrage vient nous en donner une belle
illustration.
7
Bien avant que Zola ne porte son regard sur ses paysages laborieux, avant même
qu’Honoré d’Urfé en ait fait un haut lieu pastoral avec son Astrée, Guillaume Revel, grâce
à son Armorial, avait légué une exceptionnelle représentation du Forez. L’ouvrage que
vous tenez entre vos mains s’appuie largement sur l’œuvre du héraut d’armes du duc de
Bourbon, Charles Ier. L’Armorial est un manuscrit à peinture du XVème siècle considéré
comme un document de référence dans les domaines de l’héraldique et de l’histoire de la
représentation de l’espace (habitats, peuplement, topographie). La lecture qui est en est
faite ici constitue à mes yeux un véritable trésor pour la connaissance de notre région et
plus particulièrement de sa partie la plus occidentale.
8
Je veux remercier tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce 35ème numéro de la
collection des « Documents d’Archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne », et notamment
Pierre-Yves Laffont qui en a assuré la direction. Je sais que sa publication est
l’aboutissement d’un long chemin et il en est d’autant plus précieux. Je vous en souhaite à
toutes et à tous une très bonne lecture.
Jean-Jack Queyranne,
Président de la Région Rhône-Alpes,
Député du Rhône,
Ancien Ministre
9
Depuis plusieurs années, le Conseil général de la Loire soutient la recherche
archéologique et sa valorisation. À ce titre, les travaux de recherche autour de l’Armorial
de Guillaume Revel ont bénéficié de l’aide financière du Conseil général. Nombreuses sont
10
les personnes qui au sein d’associations, d’établissements publics ou d’institutions, ont
contribué bénévolement ou professionnellement à ces travaux. Qu’ils en soient tous
vivement remerciés.
10
Aujourd’hui, les châteaux, villes et villages représentés dans l’Armorial de Revel
s’inscrivent non seulement dans le quotidien de nombreux Ligériens, mais marquent
aussi, comme autant de lieux emblématiques, les paysages variés de la Loire. Ces sites
sont investis par diverses activités humaines : promenade en famille, visite par les publics
scolaires, animations festives et culturelles, découverte des produits du terroir, ateliers
d’artistes et d’artisans d’art, culture viticole… Soucieux de la valorisation et du
développement de ces sites, le Conseil général les accompagne en leur proposant
notamment la démarche « Villages de caractère ».
11
C’est dans un village représenté par Guillaume Revel qu’une « Maison de l’Armorial » a
été créée. Cet espace muséographique évoque, à partir de l’Armorial de Revel, la vie du
Forez au XVe siècle à travers l’architecture, les paysages et l’organisation politique. Cette
« Maison » est installée dans l’Hôtel de Bouthéon à Saint-Marcellin-en-Forez.
12
Puisse la publication « l’Armorial de Guillaume Revel : châteaux, villes et bourgs du Forez
au XVe siècle » être au service de la valorisation et de l’animation du territoire ligérien et
donner l’envie au lecteur de venir découvrir ou redécouvrir les richesses du département
de la Loire.
Bernard Bonne,
Président du Conseil général de la Loire
11
Remerciements
1
Il nous est, bien sûr, agréable de remercier ici les auteurs, dont la liste suit, mais aussi
tous ceux et toutes celles qui ont contribué directement ou indirectement à la publication
de cet ouvrage.
2
Il convient en premier lieu de remercier Vincent Guichard et la Fédération des groupes de
recherches archéologiques de la Loire (FRAL) qui sont à l’origine (aujourd’hui très
lointaine...) du projet et qui ont su, notamment grâce à Vincent Georges (secrétaire de la
FRAL), relancer celui-ci alors qu’il était tombé en déshérence.
3
Nous tenons aussi à remercier le président de la FRAL, Jean-Claude Litaudon, ainsi que
son trésorier, Jean-Antoine Hamm, pour leur soutien financier sans faille durant la
préparation du manuscrit. L’aide financière du Conseil général de la Loire à la FRAL, lors
des diverses étapes du projet et dès l’origine de celui-ci, a été déterminante. Que Laurent
Barnachon, responsable des aides au patrimoine, qui s’est particulièrement investi dans
ce dossier, soit ici remercié. Le Service régional de l’Archéologie (SRA) de Rhône-Alpes en
la personne de sa conservatrice régionale, Anne Le Bot-Helly, et de Marie-Agnès GaidonBunuel, alors ingénieure d’étude, a toujours soutenu cette entreprise, de même que
l’Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) par la mise à disposition
temporaire de Chantal Delomier.
4
Mais ce livre doit aussi d’exister matériellement à Véronique Bardel et Marie-Noëlle
Baudrand (dessinatrices en archéologie), à François Dumoulin (SRA Rhône-Alpes), à
Francis Bertin (UMR 6566 CReAAH), auxquels on doit de nombreuses illustrations de ce
volume, à René Goguey, qui a réalisé les photographies aériennes accompagnant les
monographies, à la Société de la Diana à Montbrison qui a aimablement mis à disposition
sa copie de l’Armorial.
5
Il doit encore d’exister aux étudiants de l’université Rennes 2 qui ont contribué
efficacement à la mise en forme du texte ou à la réalisation de certaines photographies :
Lucie Jeanneret (doctorante en Archéologie médiévale et allocataire de recherches), Yves
Morice (docteur en Histoire), Clément Mottin (professeur certifié, étudiant de Master 2).
De même, Micheline Petiot, lorsqu’elle avait la responsabilité de la bibliothèque du musée
Déchelette de Roanne, s’est toujours montrée d’une très grande disponibilité et a ouvert
sans compter le fonds documentaire. Monique Le Nézet-Célestin (Inrap) nous a aussi
12
permis d’accéder aisément à la documentation réunie lors de la fouille qu’elle a dirigée à
Roanne, place Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, en 2004.
6
Enfin, nous remercions très vivement Louis Blanchard, Elise Boucharlat et Vincente
Voisin, avec qui travailler est toujours un plaisir…
13
Liste des contributeurs au présent
ouvrage
1
Ont notamment contribué à ce volume (par ordre alphabétique) :
Violette BLANC ;
Christophe BOUILLON (doctorant en histoire, chargé de cours à l’université Rennes 2) ;
Franck BRECHON (docteur en histoire médiévale, président du Parc naturel régional des
Monts d’Ardèche) ;
Frédéric BUFFARD (étudiant à l’université Clermont 2) ;
Claude COLOMBET-LASSEIGNE (docteur en histoire médiévale, CERHI-université de SaintÉtienne) ;
Emmanuel DE BOOS (docteur en histoire médiévale) ;
Chantal DELOMIER (responsable scientifique à l’INRAP-UMR 5138) ;
Anne-Christine FERRAND (animatrice de l’architecture et du patrimoine du Forez) ;
Axelle JOURNAIX (bibliothécaire au musée Joseph Déchelette à Roanne) ;
Pierre-Yves LAFFONT (maître de conférences, université Rennes 2-UMR 6566 CReAAH) ;
Christian LE BARRIER (responsable scientifique à l’INRAP) ;
Pierre MARCOUX (Fédération des groupes de recherches archéologiques du département
de la Loire - FRAL) ;
Christophe MATHEVOT (Société de la Diana, doctorant en histoire et archéologie
médiévales à l’université Lumière-Lyon 2) ;
Olivier MATTÉONI (professeur, université Paris1 Panthéon-Sorbonne, LAMOP-UMR 8589) ;
Clément MOTTIN (professeur certifié d’histoire et géographie) ;
Jean PONCET (FRAL) ;
Catherine SALARDON (chef d’établissement de l’Écomusée du Haut-Beaujolais) ;
Paul VALETTE (FRAL).
14
Introduction
Pierre-Yves Laffont
1
Dans le fonds des Manuscrits français, sous le n° 22297, la Bibliothèque nationale de
France conserve un exceptionnel manuscrit à peintures sur parchemin du milieu du XVe
siècle appelé communément « Armorial de Guillaume Revel »1. La particularité de cet
Armorial, commandé au milieu du XVe siècle par le duc de Bourbon, Charles I er, à son
héraut d’armes Guillaume Revel, est, au-delà de son intérêt héraldique, le choix du
commanditaire et de l’auteur de faire figurer sous forme de vignettes peintes de grande
taille une représentation détaillée des châteaux, villes et villages fortifiés, abbayes et
prieurés fortifiés relevant alors de la seigneurie des ducs de Bourbon en Auvergne, dans le
Bourbonnais et en Forez2, province qui nous intéresse plus particulièrement ici. Ce
manuscrit qui ne possède pas d’équivalent en Europe (si ce n’est le Livro das fortalezas du
portugais Duarte de Armas, du tout début du XVIe siècle 3), a été très souvent mis à
contribution par les historiens et les archéologues médiévistes4, notamment les
castellologues. Mais ce manuscrit et les sites qu’ils présentent restaient à ce jour
incomplètement publiés, particulièrement du point de vue des données archéologiques.
En effet, en 1973, Gabriel Fournier, alors professeur à l’université de Clermont-Ferrand,
publiait un ouvrage intitulé Châteaux, villages et villes d’Auvergne au XV e siècle d’après
l’Armorial de Guillaume Revel, dans lequel il reproduisait les vignettes de cet Armorial
concernant l’Auvergne et le Bourbonnais, reproductions (en noir et blanc
malheureusement, mais il s’agissait de standards courants d’édition à l’époque…)
assorties d’une présentation des données historiques et archéologiques alors connues
pour chaque site. Bien que de très grande qualité pour l’époque, l’ouvrage est
malheureusement aujourd’hui un peu daté dans sa forme éditoriale et dans les
informations qu’il contient. Surtout, il excluait de fait plus de 50 sites appartenant aux
possessions foréziennes des ducs de Bourbon. Si l’on excepte quelques articles 5 et la
publication partielle de la fouille du site d’Essertines (p. 475 de l’Armorial) 6, la seconde
publication importante pour l’Armorial de Guillaume Revel est l’imposant ouvrage
d’Emmanuel De Boos, L’Armorial d’Auvergne, Bourbonnois et Forestz de Guillaume Revel, paru
en 1998 et issu d’une thèse universitaire. Toutefois, cet ouvrage se caractérisait par une
orientation essentiellement héraldique et si chaque site (tant en Auvergne qu’en Forez)
faisait bien l’objet d’une notice archéologique, celle-ci restait généralement succincte.
15
Dans le même temps, dès 1993, comprenant l’intérêt du manuscrit pour l’histoire et
l’archéologie du Forez médiéval, Vincent Guichard7 et la Fédération des groupes de
Recherche Archéologique de la Loire (FRAL), soutenus financièrement par le conseil
général de la Loire, lançaient un projet ambitieux de publication des sites foréziens de
l’Armorial de Guillaume Revel, placé, à l’origine, sous la coordination scientifique du
Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévale (université Lumière-Lyon
2). S’inspirant du travail de Gabriel Fournier pour l’Auvergne, chaque notice de site (54 au
total) devait comporter un état des lieux, des informations issues des archives, une
description de la vignette du manuscrit et, enfin, une comparaison de celle-ci avec les
parcellaires des XIXe et XX e siècles et les vestiges archéologiques visibles ou connus.
Malheureusement, après divers déboires, ce projet, qui mobilisait alors plus d’une dizaine
de chercheurs fut progressivement abandonné. Toutefois, en 2005, la FRAL, et derrière
celle-ci le conseil général de la Loire, qui avait financé dès l’origine le projet, ainsi que le
Service régional de l’archéologie de Rhône-Alpes, ont souhaité relancer ce travail afin de
parvenir – plus de 15 ans après son lancement…– à la sortie de l’ouvrage attendu. C’est
aujourd’hui chose faite !
2
Il convient maintenant de rappeler rapidement ce que l’on sait du manuscrit de
Guillaume Revel. L’objet premier de ce fort recueil de plus de 500 pages, dont on verra
qu’il nous est parvenu incomplet, est comme pour tout armorial d’enregistrer des
armoiries. De ce point de vue l’Armorial de Guillaume de Revel s’inscrit dans une
tradition alors déjà longue8, même s’il montre d’un point de vue héraldique des
caractéristiques tout à fait particulières. En premier lieu, il concerne un territoire réduit,
en cherchant toutefois l’exhaustivité à l’intérieur de celui-ci. De plus, il désigne
nommément des individus et pas seulement des lignages. Enfin, outre les armoiries (pour
540 familles différentes des domaines des ducs de Bourbon ce qui en fait ainsi une source
de premier ordre en matière d’héraldique médiévale), il nous livre, ce qui est peu
commun, cimiers et cris9. Mais l’Armorial de Guillaume Revel présente surtout une
particularité fondamentale sans précédent : il s’agit de la représentation topographique
des chefs-lieux de seigneurie dont relevaient les fiefs tenus des ducs de Bourbon par les
lignages figurant dans l’Armorial. Dans le projet initial, chaque chef-lieu de seigneurie
recensé devait sans doute faire l’objet d’une telle vue, mais ce plan trop ambitieux n’a été
que partiellement réalisé et l’ouvrage nous est parvenu inachevé : nombre de chefs-lieux
sont restés non illustrés, certaines vignettes sont encore à l’état d’ébauche plus ou moins
avancée10, voire de simples esquisses sur papier collées a posteriori sur des feuilles de
parchemin (c’est le cas des neuf dernières vignettes foréziennes) et il manque aussi divers
chefs-lieux de châtellenie11. Le nombre important d’écus vides montre de même l’état
d’inachèvement du travail. Néanmoins, même dans cette version incomplète, l’Armorial
de Guillaume Revel contient plus d’une centaine de vues : 47 pour l’Auvergne (la première
représentant l’abbaye de Saint-Pourçain-sur-Sioule et la petite ville qu’elle a
agglomérée) ; 1 pour le Bourbonnais (en l’occurrence, sa capitale Moulins) et, enfin, 54
pour le Forez (la capitale du comté, Montbrison, ouvrant cette série). Celles-ci, bien que
certaines soient relativement sommaires, forment la plus importante collection de vues
topographiques du manuscrit. Il importe de souligner que si ces vues présentent un
intérêt majeur pour l’histoire de l’architecture militaire et des formes d’habitat au XVe
siècle (cf. infra), elles offrent aussi un grand intérêt en histoire de l’art et, notamment, en
histoire de la représentation des espaces et des paysages. L’Armorial de Guillaume Revel
est, en effet, un jalon important dans le développement du concept de paysage
16
topographique en Europe occidentale au XVe siècle (De Boos, 1998), avec d’autres
manuscrits contemporains comme le bréviaire de Louis de Guyenne, du Maître de
Boucicaut (1414), les Très Riches Heures du duc de Berry des frères de Limbourg (vers
1413-1416 et complétées vers 1440-1450 par Barthélemy d’Eyck) ou encore les vues de
Paris de Jean Fouquet des Heures d’Étienne Chevalier et des Grandes Chroniques de France
(vers 1450-1460). En cela, les illustrateurs principaux de l’Armorial préfigurent les
travaux des ingénieurs topographes de la période suivante, comme, par exemple, Ercole
Negro ou encore Jean de Beins, à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle12. Même
si toutefois, il est clair, comme le montrent les nombreuses anomalies de représentation,
que la fonction des vues de l’Armorial n’est pas de représenter exactement ce que voit
l’œil de l’observateur mais de rassembler dans un même dessin différentes informations
jugées indispensables d’un point de vue symbolique au commanditaire de l’œuvre,
qu’elles soient topographiques ou architecturales13.
3
Il faut noter qu’aux vignettes s’ajoute la représentation de divers personnages (en couple
généralement) formant une généalogie illustrée du duc Charles Ier (1401-1456),
commanditaire et dédicataire du manuscrit, du roi Louis IX (et de son épouse Marguerite
de Provence) jusqu’à Jean Ier, duc de Bourbon (1380-1434) et père de Charles Ier. Plus loin
dans le manuscrit, et resté à l’état de simple dessin au trait, figurent justement Charles I er
et sa femme, Agnès de Bourgogne. Celui-ci, duc de Bourbon de 1434 à 1456, est un parent
et un proche du roi de France Charles VII, tenant l’apanage de Bourbon qui comprenait
alors, depuis les années 1420, le duché d’Auvergne et le comté de Clermont 14, le duché de
Bourbonnais15 et le comté de Forez 16, ainsi que quelques seigneuries plus secondaires
réparties un peu partout dans le royaume (avec notamment dans le sud-est de celui-ci,
aux portes du Forez, les Dombes et le Beaujolais). S’ajoutent, enfin, les représentations de
deux dédicataires postérieurs du volume : un pape, non identifié avec certitude17, et le roi
de France Charles VII.
4
Si, traditionnellement dans l’historiographie, cet Armorial est attribué à Guillaume Revel,
héraut d’armes du duc Charles Ier, qui signe une introduction de deux pages en tête du
volume et dont on ne sait malheureusement rien (cf. infra O. Mattéoni), en réalité, on ne
peut lui attribuer seul tout le travail… En effet, quatre illustrateurs différents, avec deux
auteurs principaux, un troisième pour les esquisses sur feuillets de papier collés à la fin
du codex et, enfin, un quatrième pour les représentations des ancêtres de Charles I er,
semblent être intervenus18 et, du point de vue de l’illustration du volume, Guillaume
Revel s’est sans doute contenté de coordonner le travail. La question de l’auteur ou des
auteurs de l’Armorial s’avère donc au final plus complexe qu’il n’y paraît au premier
abord. Il en va de même de la datation du manuscrit ; elle aussi a été l’objet de divers
débats, mais cette question apparaît finalement sans réel objet… Effectivement, la
réalisation de l’ouvrage, qui nous est de toute façon parvenu inachevé comme nous
l’avons expliqué précédemment, s’étend sur une longue période. On ne peut donc lui
attribuer une date précise. L’étude héraldique montre que la collecte des données a
commencé avant 1450, sans doute dans les années 1440 et s’est étendue jusque vers 1459 19
. L’introduction a, elle, été rédigée après 1456 et la mort de Charles Ier mais avant 1461 et
la mort du roi Charles VII, auquel Guillaume Revel dédie aussi son travail. Pour résumer,
les informations que contient l’Armorial, tant du point de vue héraldique que du point de
vue des sites représentés, appartiennent donc aux années 1440-1450 sans que l’on puisse
être plus précis. Et lorsque certains détails des vignettes foréziennes peuvent être croisés
avec des informations issues des archives et précisément datées (cf. par exemple,
17
Montverdun ou L’Hôpital-sous-Rochefort), on retombe dans le même intervalle
chronologique de ces deux décennies centrales du XVe siècle.
5
Au-delà de l’intérêt pour l’héraldique et pour l’histoire de la représentation des espaces,
évoqué ci-dessus, les vignettes de l’Armorial de Guillaume Revel présentent évidemment
un intérêt majeur, qui a déjà été mis en lumière par divers chercheurs précédemment,
pour de nombreux champs de l’histoire et de l’archéologie du Moyen Âge. Cela est
particulièrement vrai pour les vignettes foréziennes, ce que souhaiterait démontrer le
présent ouvrage. On songera, en premier lieu, à l’histoire des formes d’habitat et à
l’histoire de l’occupation du sol. On rencontre ainsi dans l’Armorial des habitats castraux
et des habitats ecclésiaux, parfois d’origine antique (Feurs) ; des villes et des villages et
leurs faubourgs ; des habitats dispersés. L’histoire du peuplement ou encore l’histoire de
l’essor urbain y trouvent ici une abondante matière, qu’en son temps Étienne Fournial
avait déjà su mettre à contribution en s’appuyant sur les riches archives foréziennes et
notamment sur les terriers (Fournial, 1967). L’histoire du paysage20 y trouve même, plus
marginalement, son compte puisque l’Armorial nous donne parfois à voir des parcelles
agricoles, dont le plessis qui les enclôt est finement représenté. L’Armorial de Guillaume
Revel offre ainsi pour de nombreux sites, malgré parfois des biais dans les représentations
liées aux conditions intellectuelles et culturelles du temps (questions de perspective et
d’échelle notamment), leur toute première représentation, et généralement la seule avant
le plan cadastral du début du XIXe siècle... Et l’étude fine de chaque site menée ici,
associant les données des sources écrites, l’étude des parcellaires anciens et celle des
vestiges encore en élévation, montre globalement la grande fiabilité des vignettes de
l’Armorial, voire même parfois le souci du détail de celles-ci. Elles peuvent donc être assez
largement considérées comme une « photographie » des sites au milieu du XVe siècle.
6
Autre apport fondamental de l’Armorial : l’histoire de la fortification et de l’architecture
militaire. Châteaux et maisons fortes y côtoient abbayes et prieurés fortifiés, enceintes
urbaines et villageoises. Au-delà sans doute d’un certain nombre de stéréotypes (les
ouvertures de tir par exemple), les vignettes de l’Armorial nous permettent de dresser un
tableau général de ce qu’est la fortification au milieu du XVe siècle. On y sent à la fois le
poids du passé, avec par exemple ces tours maîtresses et leur chemise qui évoquent
indéniablement les XIIe ou les XIII e siècles (cf. Saint-Maurice-sur-Loire, Essertines, La
Tour-en-Jarez…), et le poids considérable des travaux de fortification menés à partir des
années 1360 et jusqu’au milieu du XVe siècle dans le contexte de la guerre de Cent Ans.
Ces travaux ont modifié avec une ampleur exceptionnelle – on ne le dira jamais assez – le
paysage des fortifications : amplifiant celles-ci (les premières extensions urbaines sont
désormais encloses par de vastes enceintes ; les églises deviennent des forteresses…), les
modernisant aussi (les ouvertures de tir adaptées aux armes à feu sont devenues la règle
lorsque l’Armorial est mise en page…). Mais la précipitation engendrée par les menaces
récurrentes des routiers et autres Tards-Venus durant les décennies qui s’étendent entre
1350 et 1440 est aussi nettement perceptible : des échiffes de bois innombrables et des
palissades (comme à La Bénisson-Dieu) complètent très souvent des fortifications de
pierre jugées alors insuffisantes21. Toutefois, la précipitation n’est sans doute pas seule à
entraîner un recours si large au bois dans la fortification, il faut y voir aussi là la
fréquente réticence, partout mise en évidence dans le royaume de France, des
communautés d’habitants à financer des travaux qui coûtent très chers.
7
L’Armorial s’avère aussi une source de premier plan dans l’histoire de la maison : qu’il
s’agisse de maisons paysannes, de maisons villageoises ou urbaines, de maisons nobles.
18
Certes, les stéréotypes sont à l’évidence nombreux et la majeure partie des maisons, tant
rurales qu’urbaines, que montre le manuscrit dans ses pages foréziennes répond au
modèle d’une maison-bloc à un étage avec, en règle générale, une porte et une fenêtre à
meneaux sur le mur pignon, deux fenêtres plus petites sur le mur gouttereau et, sur le
toit à deux pentes, couvert en tuiles, une cheminée à mitre. Toutefois, il faut se garder de
considérer comme sans intérêt pour l’histoire de l’habitat ces maisons standardisées, en
effet, celles-ci sont assurément révélatrices de ce que sont alors les caractéristiques
générales des maisons de la majeure partie de la population dans la région. Il est, à ce
titre, révélateur de mettre l’accent sur la question des cheminées. Si l’immense majorité
des maisons possèdent une cheminée à mitre avec une souche cylindrique, quelques
cheminées à souche quadrangulaire sont aussi bien visibles et elles appartiennent toutes
à des résidences aristocratiques. S’opposent là, au travers d’une distinction sociale,
archaïsme et modernité de l’architecture. Dans le cas des maisons urbaines, la présence
d’un ouvroir au rez-de-chaussée de certaines d’entre elles éclaire leur fonction
marchande, de même que la présence d’une tourelle d’escalier indique des habitats
socialement plus prestigieux. Mais c’est peut-être dans le domaine de l’histoire de la
maison noble que l’apport de l’Armorial s’avère le plus important ; on ne peut manquer
ici de faire allusion à la maison de Teillières, près de Saint-Galmier, acquise par les comtes
de Forez dans les années 1330 et qui deviendra une de leur résidence favorite. La vignette,
qui semble au regard des autres données disponibles d’une grande fidélité, nous offre
ainsi l’image de ces résidences rurales de plaisance dont les grands de l’aristocratie se
dotent de plus en plus fréquemment durant les deux derniers siècles du Moyen Âge.
8
Mais, pour conclure, il est bien évident que nous n’avons fait là qu’ouvrir quelques pistes
22
, les 54 monographies qui forment le cœur du présent livre susciteront, nous l’espérons
et c’est là leur principale ambition, de nombreuses études nouvelles. La matière de
l’Armorial dit de Guillaume Revel est loin d’être épuisée…
NOTES
1. Sur l’histoire de ce manuscrit, cf. infra E. De Boos et P.-Y. Laffont, encart p. 41.
2. Le comté de Forez entre dans le patrimoine des ducs de Bourbon en 1372 à la mort du comte
Jean II.
3. Duarte de Armas, Livro das fortalezas : fac-simile do ms. 159 da Casa Forte do Arquivo Nacional da
Torre do Tombo, Lisbonne, Archivo Nacional da Torre do Tombo / INAPA, Colecção História da
Cultura Portuguesa, 1997 (2e édition, révisée).
4. Ainsi la vignette de Montaigut-le-Blanc en Auvergne (Armorial, p. 308) orne-t-elle la
couverture du célèbre ouvrage de J. Chapelot et de R. Fossier, Le village et la maison au Moyen Âge,
paru en 1980 (Paris, Hachette). De même, tout récemment, celle de Panissières figure aussi en
couverture de l'Atlas de l'histoire de France, vol. I : La France médiévale : IX e-XVe siècles (O.
Guyotjeannin, G. Balavoine, Paris, Autrement, 2010).
5. Cf. par exemple : Piponnier, 1992 ; Lacroix, 2003.
6. Piponnier, 1993.
7. Aujourd’hui directeur du Centre archéologique européen du Mont-Beuvray.
19
8. Sur les armoriaux médiévaux, cf. notamment : Wagner, 1956 ; Pastoureau, 1979 ; Holtz, Loyau,
Pastoureau, 1998 et Schnerb B. (dir.), Le héraut, figure européenne (XIV e-XVe siècles), Villeneuved’Ascq, université Charles-de-Gaulle-Lille 3, N° spécial de la Revue du Nord, 2006.
9. Pour plus de détails sur tout cela, cf. infra E. De Boos.
10. L’exécution est plus ou moins poussée suivant les cas avec une grande variété des points de
vue adoptés et des différences dans le rendu des détails. Les vues sont le plus souvent restées à
l’état de dessins à l’encre noire avec juste quelques rehauts de couleur, mais cet état ne
constituait qu’une étape provisoire, car quelques représentations font l’objet d’un traitement
pictural plus poussé, citons ainsi les beaux exemples foréziens de Montbrison ou de Saint-Justen-Chevalet.
11. La Chambre, Le Verdier, Vernay, Virigneu, Châtelus, Chalmazel...
12. Cf. notamment : Dainville F. de, Le Dauphiné et ses confins vus par l'ingénieur d’Henri IV, Jean de
Beins, Paris-Genève, Droz-CNRS, 1968.
13. Cf. par exemple, infra, l’analyse détaillée de la vue de Saint-Just-en-Chevalet.
14. Soit tout ou partie des actuels départements du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute-Loire.
15. Soit tout ou partie des actuels départements de l’Allier et du Cher.
16. Soit tout ou partie des actuels départements de la Loire et de la Haute-Loire.
17. Il s’agit soit de Calixte III (1455-1458), soit de Pie II (1458-1464).
18. Le premier des deux artistes principaux affectionne les vues plongeantes, les détails des
particularités des toitures. Il a travaillé sur l’Auvergne et le Bourbonnais, mais aussi sur le Forez.
On lui doit les vues des principales agglomérations représentées : Saint-Pourçain, Montferrand et
Clermont, Thiers, Moulins, Montbrison et Feurs. Le second des artistes principaux a travaillé
seulement sur l’Auvergne, où il a réalisé la plus grande partie des vues. Il montre une conception
des paysages beaucoup plus moderne que l’autre illustrateur. Les sites sont toujours vus comme à
ras du sol avec une horizontalité marquée et animés par une présence humaine ou animale. À ces
deux artistes, il faut peut-être aussi attribuer la partie proprement héraldique (blasons, cimiers)
ainsi que la représentation du couple ducal avec Charles Ier, du couple royal ainsi que du pape.
19. Cf. infra la contribution d’Emmanuel De Boos au présent volume.
20. Et peut-être même, mais de façon anecdotique au paléoenvironnement. Que l’on songe, en
effet, à la représentation d’un saumon dans la Loire sur la vignette de Saint-Victor-sur-Loire (p.
461 de l’Armorial cf. infra p. 258). La présence des saumons dans la partie amont de la Loire est
malheureusement désormais aujourd’hui très marginale...
21. Sur la place du bois dans les fortifications représentées sur les vignettes de l’Armorial, cf.
Lacroix, 2003.
22. On pourrait y ajouter notamment l’étude de l’architecture religieuse…
20
Chapitre 1. Le manuscrit dans son
contexte
Claude Colombet-Lasseigne, Emmanuel De Boos, Pierre-Yves Laffont,
Christophe Mathevot et Olivier Mattéoni
1.1. Le manuscrit de l’armorial : description,
conditions de réalisation, commanditaires et datation
1.1.1. Description générale du manuscrit
1.1.1.1. Codicologie
1
L’Armorial de Guillaume Revel est conservé à la Bibliothèque nationale de France,
Département des manuscrits, dans la collection des manuscrits Français sous la cote fr.
222971. Classé en réserve en 1900, il est actuellement retiré de la consultation.
21
Fig. 1 - Le duché d’Auvergne, le duché de Bourbonnais et le comté de Forez au XVe siècle (replacés
dans les limites de la France actuelle).
2
Le manuscrit se présente comme un fort volume de 90 mm d’épaisseur, relié en maroquin
rouge (fig. 2). Le dos est à six nerfs très apparents et le deuxième entre-nerf est marqué
du titre : « ARMORIAL/D’AUVERGNE/BOURBONOIS/& FORETS ». Les six autres entre-nerfs sont
décorés, dans les angles, de motifs en dentelle, délimitant un losange rempli de deux G
adossés et entrelacés, entourés de quatre lionceaux, marque des livres reliés pour le
bibliophile et érudit Roger de Gaignières. Les plats, nus, de 36 x 29 cm et 1 cm d’épaisseur,
sont seulement ornés d’une fine dentelle sur l’épaisseur des cartons. Les trois tranches
sont dorées ; la tranchefile de tête a disparu ; celle de queue est à deux rouleaux, pékinée
de soies blanches et bleues. Les gardes sont faites d’un très beau papier mauve, orné de
rinceaux et de sujets de chasse dorés : lièvres, cerfs courants et arrêtés, chamois,
chasseurs et chiens. Il porte la signature : « Boas. Ulrichim. Augspurg ».
22
Fig. 2 - Vue du manuscrit de l’Armorial et de sa couverture de maroquin rouge.
3
L’ouvrage lui-même compte 253 feuillets de beau parchemin, fin et blanc2 ; formées de
peaux entières pliées en deux et coupées au format, certaines pages conservent parfois en
partie les contours de ces peaux3. Les 31 cahiers du volume ne sont pas formés d’un
nombre uniforme de feuillets. Le relieur semble avoir employé alternativement des
cahiers de huit et de dix feuillets, mais ce système est appliqué sans rigueur. En outre,
plusieurs feuillets indépendants ont été annexés à certains cahiers, au début et à la fin du
volume4. On y retrouve les grandes articulations du volume : après un départ confus, fait
de nombreux ajouts, l’Auvergne commence réellement au troisième cahier, puis le
Bourbonnais au vingt-deuxième cahier et le Forez au vingt-sixième5, une page blanche
séparant chaque chapitre. Le manuscrit n’est pas folioté, mais paginé ; il n’est pas facile
de dater cette pagination, qui n’est probablement pas du XVe siècle. On peut seulement
dire qu’elle n’est pas postérieure à la fin du XVIIe siècle.
1.1.1.2. Plan et contenu de l’ouvrage
4
Après les trois pages du texte d’introduction, le manuscrit commence par une série de
portraits (p. 6-22). Il est ensuite divisé en trois parties, correspondant chacune à l’une des
trois provinces formant les possessions centrales des ducs de Bourbon : l’Auvergne
(Armorial, p. 34-364)6, le Bourbonnais (Armorial, p. 365-433) et le Forez (Armorial,
p. 434-495), qui nous intéresse plus particulièrement ici (fig. 1).
5
Les trois premières pages du volume sont consacrées à un texte d’introduction, où
Guillaume Revel présente son ouvrage, en hommage au roi Charles VII, et qu’une main
moderne a chapeauté d’un titre sans conséquence : « Registre d’armes », repris des
dernières lignes de ce texte (fig. 3). Le texte se déroule sur deux colonnes de quarantecinq lignes7. Une grande initiale ornée remplace les vingt-deux premières lignes dans la
23
première colonne : il s’agit d’un grand A rouge-orangé, à décors dorés, placé sur un fond
quadrillé d’or et de rose-violet, diapré de blanc. Les contours, rose-violets, sont ornés de
fleurettes à petits rinceaux noirs et à baies d’or. L’écriture du texte est une cursive
calligraphique, ou petite bâtarde, d’une assez belle main, qui n’atteint pas pourtant
l’élégance des textes écrits en bâtarde pour le duc de Bourgogne. Les initiales sont
relevées à l’encre rouge sur la première page et jaune sur les deux suivantes. Le texte est
également émaillé de pieds-de-mouches rouges.
Fig. 3 - La première page du propos introductif de l’Armorial (Bnf, fr. 22297, p. 1).
6
L’écrit en lui-même ne se distingue guère des introductions à plusieurs armoriaux et
traités de blason, alourdies par de nombreuses digressions et citations latines. Il importe
toutefois de ne pas rejeter ce texte en bloc... Ainsi, les premières lignes donnent le nom de
l’auteur et la dédicace : « A la louange de Dieu le tout puissant et de vostre saincte magesté royal,
Charles, par la grace de Dieu septieme, roy des François, tres invincible et triumphant, Guillaume
Revel, aultrement dit en vostre service Auvergne, hunble et obeissant herault … ». Un peu plus
loin, le héraut présente le plan de son ouvrage : Si ay par vostre commandement fait un petit
abregé d’armes tymberisees avec leurs cris et noms d’aulcuns nobles, tant d’Eglise que de seculiers,
des duchiés et pays d’Auvergne et de Bourbonnois, conté de Fourestz, France, Bourgogne et aultres
pays comme chouse tres afferant a mon office d’augmenter, garder et exaltere l’antiquité et
honneur de leurs noblesses par l’usaige et exercice du mestier d’armes, auquel suis etabli par vous
et tres noble et exellant prince monseigneur Charles duc de Bourbonnois et d’Auvergne, a memoire
et souvenance duquel et de la strenue prouesse8 ay fait ce present abregé et acumulation des
dessusdictes armes appartenens a des subgies et vassaux à cause des diz pais. Des vostres, j’ay fait
depeindre toutes les villes, chasteaulx et forteresses ainsi com pourra veoir par ordonnance.
Lesquelles combien que ne soient si richement pourtraictes ne les armes… Toutes voies me suis
emploié d’approcher et joindre à raison le plus que ay peü en exersant mondit office. Vient
ensuite un long passage où Revel donne une interprétation symbolique des armes du roi
24
et du duc de Bourbon9. Il apporte enfin une conclusion assez confuse, où il fait part de son
intention de : faire extrait et registre des armes de tous les nobles es dessusdiz, car, ceux qui ont
ete inscrits dans les anciens livres d’armes, le furent en desordre ; d’autres ont ete oublies ou encore
meprises : de leur petite seigneurie. Il ajoute donc : mais pour ce que mon office n’affiert 10 point
avoir prospection des personnes, n’avoir11 regard à leurs richesses ou infelicité, desirant de tous les
dessusdis nobles faire perpetuelle recordation12 en signe d’obeissance, honneur et service que ma
petite personne leur desire faire ; et exhibe, ay compillé ce present livre appellé Registre d’Armes...
7
Après ce texte, vient une série de portraits : tout d’abord une généalogie figurée de la
lignée des princes de Bourbon depuis saint Louis jusqu’à Jean Ier (fig. 4) ; ensuite un
portrait du pape, accompagné de quatre écus ; enfin (Armorial, p. 22), une représentation
du roi Charles V et de sa femme (fig. 5).
Fig. 4 - Le duc de Bourbon Jean Ier et sa femme Marie de Berry (Bnf, fr. 22297, p. 17).
25
Fig. 5 - Le roi de France Charles V et sa femme Jeanne de Bourbon (Bnf, fr. 22297, p. 22).
8
La généalogie figurée et armoriée ne faisait pas, à l’origine, partie intégrante de l’œuvre.
Les pages 5-20, où elle est peinte, forment un cahier indépendant ajouté à l’ensemble. Les
feuillets étaient d’un format inférieur à celui du volume et il a fallu les augmenter de
petites marges de parchemin pour harmoniser le volume. On remarque aussi qu’en plus
de la pagination normale de l’armorial, d’autres chiffres apparaissent, montrant que ces
pages ont fait partie d’un autre ensemble. Le style des miniatures, enfin, est fort différent
de celui des portraits du pape, du roi et de la reine, du duc Charles Ier et de la duchesse de
Bourbon (Armorial, p. 33) (fig. 6). Ces derniers, tracés d’une plume d’une remarquable
finesse, sont d’un dessin excellent. Les figures des pages 6-17, cernées de gros traits,
montrent au contraire une facture assez maladroite.
26
Fig. 6 - Le duc de Bourbon Charles Ier et sa femme Agnès de Bourgogne (Bnf, fr. 22297, p. 33).
9
Les figurines ducales semblent approximativement de la même époque que les peintures
de l’Armorial ; peut-être sont-elles légèrement antérieures, puisque la généalogie, qui
aurait dû comprendre le portrait de Charles Ier, s’arrête en effet à son père, Jean Ier, mort
en 1433. Il est malheureusement impossible de dire si cette partie a été incorporée dès
l’origine au manuscrit, ou s’il s’agit d’un ajout postérieur13. Toutes ces peintures ont été
regardées jusqu’à présent comme des portraits purement conventionnels. Toutefois, le
visage du gisant de Louis II, duc de Bourbon, conservé dans l’église prieurale de Souvigny
14
et fait du vivant du prince, présente une certaine ressemblance avec la miniature de la
page 15 ; mais cette parenté est peut-être fortuite. Les tombeaux des ducs du XIVe siècle,
placés dans l’église des Jacobins de la rue Saint-Jacques à Paris, détruits à la fin du XVIII e
siècle, auraient pu fournir des éléments de comparaison. Les riches vêtements armoriés
que portent tous ces personnages n’étaient pas utilisés quotidiennement, d’autant que
l’habitude de faire ainsi broder ses armoiries sur ses vêtements était une mode
abandonnée depuis le début du XIVe siècle. Toutefois, les peintres avaient conservé cette
coutume, comme on le voit par exemple sur le polyptyque de l’église prieurale d’Ambierle
(Soultrait, 1879, t. I, p. 214-216 ; Reure, 1897), qui permettait de faire figurer les armes du
commanditaire d’une peinture sans y placer artificiellement un ou plusieurs écus.
10
En revanche, les portraits qui figurent sur les pages 21 et 22 et ceux de la page 33 ont été,
eux, prévus pour l’Armorial et c’est probablement leur présence qui a provoqué l’idée
d’ajouter aussi la collection précédente. Ces portraits sont ceux du pape, du roi Charles
VII et de la reine Marie d’Anjou, et ceux du duc Charles Ier et de la duchesse, Agnès de
Bourgogne. D’un dessin très fin, les portraits des pages 21 et 22 ont malheureusement été
coloriés sans nuance d’une épaisse couche de bleu opaque, qui oblitère la plupart des
détails. Ce coloriage n’est peut-être pas contemporain de la rédaction de l’Armorial, non
plus que l’or qui orne le fond de la niche papale, plus brillant et poli que dans le reste du
27
manuscrit. Les figures de la page 33, représentant le duc et la duchesse de Bourbon, ne
sont pas coloriées ; il semble bien, et c’est là l’opinion de Gabriel Fournier (Fournier,
1973a, p. 1), que ces dernières soient de véritables portraits. Le titre de cette page, en
particulier la capitale relevée de très fines diaprures mauves, est tout à fait soigné. On y
retrouve la même graphie que dans les titres des pages suivantes.
11
Le but de l’Armorial était de donner les armes de toute la noblesse d’Auvergne, de
Bourbonnais et de Forez, en précisant le lieu où leurs possesseurs étaient habitués.
Duchés et comté ont été divisés en de nombreuses entités territoriales, villes, villages,
châteaux ou simples maisons nobles, correspondant le plus souvent à des centres de
pouvoir, et une page fut consacrée à chacune d’elle15. Les portraits du couple royal et ceux
du couple ducal encadrent une dizaine de pages formant une partie indépendante,
consacrée aux fiefs du roi enclavés à l’intérieur des possessions des ducs. Ces fiefs étaient
fréquemment le siège d’un bailliage : Cusset en Bourbonnais, Montferrand en BasseAuvergne et Aurillac pour les Montagnes d’Auvergne étaient les plus importants ; mais
Usson, puissante forteresse expressément retenue par le roi lors de la rétrocession de
l’Auvergne au duc de Bourbon en 1425, avait également un bailli.
12
Ainsi, l’armorial lui-même ne commence-t-il que page 34. L’Auvergne y est introduite par
trois pages où sont peintes les armes des grands vassaux, auxquels sont mêlés quelques
personnages de rang plus modeste, comme les Tournemire-La Tour, les La Mothe ou les
Besse, et un bourguignon isolé, Hugues Portier (De Boos, 1998, n° 76). Puis après la page
consacrée à Riom, capitale du duché d’Auvergne, sont cités les fiefs relevant directement
des ducs (Armorial, p. 41-52). La suite est consacrée aux territoires tenus par les grands
vassaux du prince et quatre groupes de fiefs y sont particulièrement mis en évidence par
l’ajout, dans l’angle supérieur gauche de chaque page, d’une bannière aux armes de leur
seigneur. Ce sont : le comté de Montpensier (Armorial, p. 53-60) et la baronnie de
Mercœur grossie du Dauphiné d’Auvergne (Armorial, p. 61-70), ensembles relevant de
Louis de Bourbon, comte de Montpensier, frère de Charles Ier ; les fiefs de l’évêque de
Clermont, alors Louis de Comborn (Armorial, p. 71-78) ; enfin, la baronnie de La Tour
augmentée du comté d’Auvergne (Armorial, p. 79-86), aux mains de Bertrand de La Tour,
comte d’Auvergne et de Boulogne (De Boos, 1998, nos 15 et 48).
13
Les autres fiefs, relevant de vassaux moins importants, sont ensuite cités dans un ordre
tel qu’il est bien difficile de déterminer quel critère a présidé à leur classement. L’auteur
ne semble avoir pris en compte, ni la taille ou l’importance des fiefs, ni leur position
géographique les uns par rapport aux autres. Autant qu’on puisse le voir,
l’ordonnancement semble avoir été effectué selon le rang du possesseur de la terre, mais
l’ordre des cahiers tel qu’on peut l’observer aujourd’hui n’est peut-être pas celui prévu
par Guillaume Revel : l’énumération des fiefs « ordinaires » est brusquement interrompue
par une série homogène de fiefs ecclésiastiques (Armorial, p. 115-153), suivie des fiefs de
la vicomté de Murat16 et de la baronnie de Ravel 17, qui sembleraient logiquement devoir
trouver place à la suite des cinq grands groupes de fiefs des pages 41-86.
14
La partie bourbonnaise commence page 365, laquelle aurait dû porter, comme l’indique
son titre, une représentation du duc Jean II (1456-1488) qui n’a pas été réalisée. Il
convient de remarquer que cette partie ne commence pas par Moulins, mais par Bourbonl’Archambault, qui donna son nom au duché, suivi de Souvigny, qui fut la résidence
principale des sires et des ducs avant d’être supplantée dans cette fonction par Moulins.
Ce ne fut d’ailleurs qu’avec Charles Ier, qui y résida jusqu’à sa mort, que Moulins put être
considérée comme la « capitale » du duché. Le héraut énumère ensuite les villes et
28
seigneuries ayant le statut de châtellenies, l’une des divisions administratives du duché
(Armorial, p. 366-388), ainsi que quelques fiefs importants18, puis les fiefs n’appartenant
pas directement au duc, groupés selon leurs possesseurs.
15
La partie forézienne (Armorial, p. 434-495) semble assez proche en apparence de la partie
bourbonnaise, mais présente, à l’étude, de notables différences. À de rares exceptions
près, tous les lieux cités dans ce chapitre appartenaient au duc, qui les avait reçus de son
aïeule Anne Dauphine, comtesse de Forez, et les fiefs tenus par ses vassaux n’apparaissent
pas (fig. 7). Le chapitre est introduit par une page intitulée Le conté de Fourestz, où sont
regroupés un certain nombre de vassaux importants, et par la page consacrée à la capitale
du comté, Montbrison (fig. 8). Ensuite, le manuscrit semble suivre, plus ou moins
fidèlement, une sorte de circuit qui englobe tout d’abord les sites établis dans le nord des
monts du Forez (de Saint-Just-en-Chevalet à Marcilly), puis les sites de la plaine du Forez
et de ses abords (de Bussy à Saint-Victor-sur-Loire), puis ensuite les sites du sud des
monts du Forez (de Rozier-Côtes-d’Aurec à Châtelneuf) et, enfin, ceux du Roannais. Cet
« itinéraire » est sans doute plus lié à la mise en page définitive du codex qu’à un
quelconque cheminement sur le terrain des illustrateurs. Les vignettes inachevées (p.
487-495) correspondent, elles, à des sites dispersés dans tout le territoire du comté. Ces
pages ont reçu des feuillets de papier collés de manière assez grossière. Ces feuillets ne
portent que de sommaires croquis des châteaux objets de la page où ils sont collés ; il
s’agit peut-être de brouillons préparés sur le terrain et que l’artiste n’a pas eu le temps de
recopier. Ce qui donnerait une idée de la façon dont ont été réalisées la plupart des vues
du manuscrit.
Fig. 7 - Carte des sites présents dans la partie forézienne de l’Armorial de Guillaume Revel.
16
Les dernières pages du volume (Armorial, p. 497-504) sont blanches à l’exception d’un
titre ; les localités nommées là appartiennent toutes à l’ensemble formé par le Beaujolais
et la Dombes, rattaché à l’état bourbonnais sous le duc Louis II et sa femme Anne
29
Dauphine en 1400 et 1401, à la suite du testament rédigé en leur faveur par le dernier sire
de Beaujeu, Édouard II (1374-1400) et de l’achat des seigneuries de Dombes que possédait
Humbert, sire de Thoire et Villars. Ces mentions, parfois peu lisibles, sont d’une main
différente de celles que l’on rencontre dans le reste du manuscrit et il est possible qu’il
s’agisse là d’un ajout tardif.
Fig. 8 - La page introduisant les vignettes foréziennes : le conté de Fourestz (Bnf, fr. 22297, p. 434).
1.1.1.3. Composition des pages (fig. 9)
17
Guillaume Revel a apporté le plus grand soin à la composition des pages de son manuscrit.
Les pages sont organisées de façon à être indépendantes les unes des autres. Chacune
devait comporter un titre désignant l’entité territoriale concernée, le plus souvent un
fief, une miniature représentant la ville, le village, le château ou la simple maison forte,
constituant le chef-lieu du fief en question, puis les armoiries des personnages
possessionnés dans le ressort de celui-ci. Il pouvait s’agir des armes du seigneur du lieu,
comme Guichard Poudras (n° 801), seigneur de Souternon, (p. 444), ou Jacques Filhet (n
° 836), seigneur du Crozet, (p. 482), en partie avec le duc. Mais en Forez, la plupart des
lieux cités étaient entre les mains du duc et les armoiries peintes dans chaque page sont
celles de vassaux du ressort du fief dont il est question ; les armoiries identifiées décrites
à la suite de l’étude de chaque site permettent, mieux que de nombreux exemples, de
constater l’étroitesse de la relation entre les armoiries et le lieu où elles sont citées. Pour
cette raison, un des personnages apparaît même deux fois : Jean dit Ploton du Vernet est
nommé une première fois (n° 781) dans la page intitulée Le comté de Forez (p. 434), puis
une seconde fois (n° 828) dans celle consacrée à Monsupt, à cause de sa seigneurie de La
Garde, à Saint-Thomas-La-Garde, au nord du puy de Monsupt.
30
Fig. 9 - Armoiries, cris et cimiers dans l’Armorial de Guillaume Revel : l’exemple de Canvinet / Calvinet
(Bnf, fr. 22297, p. 44).
18
Le titre de chaque page est écrit, dans les parties auvergnate et bourbonnaise, à l’aide
d’une belle minuscule très étirée en hauteur, ce qui la rend parfois difficile à lire. Les
noms ne sont que rarement abrégés et Sohurac19 fait exception, avec une abréviation
rare, qui est peut-être une pédanterie. Les majuscules sont peintes en rouge ou en bleu ;
certaines sont ornées de rinceaux mauves à antennes, finement dessinés (voir, par
exemple, Armorial, p. 100, 353, 368-378...). Un tel décor aurait probablement dû orner
toutes les initiales, mais il manque dans bien des cas. Par ailleurs, de nombreux titres sont
totalement dépourvus de majuscules (voir, par exemple, Armorial, p. 392-411) ; l’initiale
est alors généralement indiquée par une petite minuscule cursive, que le calligraphe
aurait fait disparaître avant de peindre la lettre définitive. Il arrive également que la
majuscule apparaisse seule, sans le titre (Armorial, p. 130-134...). En ce cas, le titre est
souvent inscrit en petits caractères cursifs en bas de la page (ainsi p. 118, 120, 122, 123,
126, 130...), mais dans de nombreuses pages le titre est entièrement omis.
19
Dans la partie forézienne, la graphie des titres est plus simple et s’apparente à la bâtarde
utilisée pour le texte d’introduction, avec toutefois des lettres d’un format bien supérieur.
Les majuscules sont ici écrites de la même main que les titres ; elles ont parfois été
rognées par le relieur (Armorial, p. 440), ce qui n’est pas le cas en Auvergne et
Bourbonnais.
20
Chaque page du manuscrit aurait dû être ornée dans sa partie supérieure d’une
représentation de l’agglomération ou du château traité, mais à peine un cinquième de ces
dessins a été réalisé ; de plus, ils sont très inégalement répartis. La partie forézienne est la
plus achevée, avec 54 dessins20, puis vient l’Auvergne, avec 4621 et enfin le Bourbonnais,
avec un seul22. Ces vues de villes, de bourgs ou de châteaux ont fait la célébrité de ce
manuscrit ; leur fidélité au modèle est inégale, mais généralement remarquable et elles
31
sont assurément parmi les premières représentations réalistes de monuments que l’on
connaisse en histoire de l’art. Pourtant, il faut bien percevoir que dans l’esprit de l’auteur,
elles ne sont qu’un décor de l’ouvrage et un complément à l’objet même de son travail, le
recensement des armoiries de la noblesse des trois provinces...
21
Le nombre d’écus figurant sur chaque page varie de deux à trente. Ils sont disposés selon
des formes géométriques destinées à les présenter harmonieusement. Malheureusement,
une main plus récente a ajouté dans toute la première moitié du livre, de la page 43 à la
page 263, des formes d’écus supplémentaires qui ruinent ces efforts de mise en page. Ces
ajouts, dont aucun n’a été utilisé, sont aisément reconnaissables : le trait de plume est
plus gras et les formes sont malhabiles et stéréotypées ; de plus, ils sont disposés sans
ordre. On doit donc faire abstraction de ces ajouts malheureux pour faire une étude de la
mise en page. Néanmoins, il est intéressant de noter que ces compléments montrent qu’à
une époque, difficile à déterminer toutefois à l’aide de ce seul indice, le projet a été fait,
non seulement de terminer l’ouvrage, mais encore de l’augmenter dans des proportions
importantes.
22
La disposition des écus dans chaque page est fonction de leur nombre : plus le nombre des
écus dans une page est élevé, plus leur disposition est simple. Entre douze et trente écus
par page, ceux-ci sont simplement alignés, les casques venant combler les vides
interstitiels (Armorial, p. 366, 378, 380...). Entre deux et onze écus, leur répartition est
plus élaborée. Il existe ainsi cinq façons différentes de placer quatre écus. En dehors du
Forez, on ne trouve d’écus posés à plomb que p. 23 et p. 131 ; dans ces deux cas, il
s’agissait de mettre en valeur l’écu ainsi posé, puisque ce sont ceux du duc de Bourbon
lui-même (n° 16) et de l’abbaye d’Aurillac (n° 292). Dans la partie forézienne, en revanche,
il s’agit simplement de rendre symétrique une composition des pages particulière à ce
chapitre et, si l’une de ces armoiries est bien celle d’un grand personnage, Armand de La
Roue (n° 770), rien d’autre ne légitime dans les autres cas cette position particulière. Tous
les autres écus de l’armorial sont, eux, penchés et tournés symétriquement les uns vers
les autres, de façon à les présenter avec élégance.
23
Chaque écu est entouré d’un phylactère aux enroulements assez simples dans la partie
bourbonnaise et plus contournés en Auvergne et Forez. Ces banderoles sont destinées à
recevoir le prénom et le nom, généralement suivi du cri, du possesseur des armoiries
qu’elles entourent. Ceux-ci sont le plus souvent écrits à l’encre noire, mais l’encre rouge a
également été utilisée. Le nom a malheureusement été omis dans de nombreux cas ; 101
écus (soit 12,5 % du total) sont ainsi restés anonymes23, dont huit pour la partie
forézienne Guillaume Revel avait prévu de citer un nombre d’armoiries bien supérieur à
celui que nous connaissons aujourd’hui24 et avait, à cet effet, préparé de nombreuses
formes d’écus qui sont finalement restées inutilisées.
24
Le manuscrit compte un grand nombre de formes d’écus : 3154. Le héraut en avait prévu
2305 ; la main plus tardive en a ajouté 846 dans la partie auvergnate. Les écus sont ainsi
répartis : en Auvergne, 2258 (1412 + 846 ajouts) : en Bourbonnais, 708 ; en Forez, 188. Seuls
792 d’entre eux ont été peints : 410 pour l’Auvergne (soit une utilisation de 29 %, ou si l’on
compte aussi les ajouts, 18 %) ; 310 pour le Bourbonnais (soit 43 %) et 72 pour le Forez
(38 %). Au total, 25 % seulement des formes préparées ont été utilisées.
25
L’Armorial de Guillaume Revel est l’un des seuls, en France, au XVe siècle, à donner le
cimier des armoiries qu’il cite. Ceci est d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’un armorial
méridional et que les cimiers n’ont pas au sud de la Loire l’importance qui est la leur dans
les pays septentrionaux. Tous les écus ne sont pas cimés et beaucoup sont timbrés d’un
32
simple heaume. En revanche, on ne trouve pas de cimier sans écu, même si la relation
entre l’écu et son cimier est parfois difficile à établir comme page 369 (Moulins) ou page
434 (comté de Forez). En effet, si la plupart du temps les écus, décalés en quinconce,
laissent leur place aux timbres, les écus disposés en colonne n’offrent pas cette
possibilité ; les cimiers sont alors placés dans les vides laissés entre les écus et non audessus d’eux. Certains timbres sont même placés sous l’écu qu’ils accompagnent. Les écus
ecclésiastiques ne sont pas cimés25 ; l’insigne de leur fonction, crosse ou bâton, est placé
derrière l’écu (Prinet 1911 p. 21-41 ; Heim, 1949). Ces armoiries ecclésiastiques sont au
nombre de 49 (6 % du total) ; les écus sans cimier représentent 269 cas (34 %) et les écus
cimés 474 (60 %).
1.1.2. Les conditions de réalisation du manuscrit
1.1.2.1. L’auteur : Guillaume Revel
26
Contrairement à bien des armoriaux du Moyen Âge, ce manuscrit est signé par son
auteur, Guillaume Revel, héraut d’Auvergne. Mais si on connaît bien la vie de certains
hérauts comme Claes Heinen, Gilles Le Bouvier (fig. 10) ou Jean Le Fèvre de Saint-Rémy,
on ne sait malheureusement rien de celle de Guillaume Revel, sinon qu’il fut l’un des
hérauts du duc Charles Ier de Bourbon (cf. p. 42-43).
Fig. 10 - Extrait de l’Armorial de Gilles Le Bouvier, dit héraut Berry, 1454-1458 (Bnf, fr. 4985, f° 64).
1.1.2.2. La documentation
27
Les travaux récents sur l’héraldique du Moyen Âge divisent aujourd’hui la production des
hérauts d’armes26 en deux genres principaux, les rôles d’armes occasionnels et les
armoriaux généraux. Les rôles occasionnels étaient des documents préparés très
rapidement, en quelques jours, parfois même en une seule journée, à l’occasion d’un
33
événement précis, levée d’ost, tournoi, départ d’un voyage princier... Ils étaient ensuite
mis au net27. Lorsque l’événement qui les a suscités est identifié, ces rôles sont alors bien
datés et les armes qu’ils contiennent sont des documents fiables, car rassemblées sur le
terrain. À l’opposé, les armoriaux généraux, appelés aussi provinciaux en raison de leur
classement par marches d’armes, sont de vastes compilations, augmentées peu à peu par
l’auteur au cours de sa vie, de ses voyages et selon les livres d’armes qu’il a pu être amené
à connaître. Il est beaucoup plus difficile de les dater avec précision et les armes ainsi
rassemblées sont souvent peintes ou décrites de façon incertaine28.
28
L’armorial de Guillaume Revel semble tenir un peu de ces deux méthodes distinctes.
Comme les armoriaux généraux, il vise à l’exhaustivité et il semble avoir été rédigé sur
une période assez longue (environ une génération) ; comme les rôles occasionnels, il
recense des armoiries relevées directement sur le terrain. C’est pourquoi la méthode de
rédaction de cet armorial serait plutôt à rapprocher d’une pratique dont on n’a guère
d’exemple sur le continent et qui fut surtout illustrée par les hérauts d’armes anglais,
celle de la visitation héraldique. Il s’agissait d’enquêtes menées de façon rigoureuse sur
un territoire généralement restreint, dans le but d’en répertorier les armoiries29. Les
enquêtes de Revel ne semblent pas, néanmoins, avoir eu un caractère aussi systématique
que celui des visitations à l’anglaise. Le héraut profita sans doute plutôt,
pragmatiquement, de certains rassemblements pour collecter sa matière. Il est ainsi
significatif que près de la moitié des seigneurs bourbonnais dont il cite les armes ait
rendu l’hommage au duc Charles entre 1442 et 1445. Revel a pu profiter ici de la présence
effective des vassaux en question pour se renseigner, à moins qu’il ne se soit contenté de
consulter les chartes scellées attestant leurs hommages.
29
Il est difficile de préciser si Guillaume Revel a mené seul ce travail d’enquête ou s’il s’est
adjoint les services de poursuivants d’armes30 et d’informateurs. Autant qu’on puisse le
voir, il semble qu’il a dû effectuer seul la plupart de ses enquêtes, tout en bénéficiant de
relais sur place. On ne peut que remarquer, en effet, que plus on s’éloigne de Moulins, où
résidait la cour ducale et où travaillait probablement le héraut, plus la densité
géographique des armes diminue. La Haute-Auvergne est ainsi le parent pauvre de ce
travail, alors que le Bourbonnais est traité de façon beaucoup plus fouillée. On peut aussi
noter, en Haute-Auvergne, que les environs de Saint-Flour sont mieux couverts que les
autres parties de ce pays ; Revel y avait probablement un informateur. En ce qui concerne
le chapitre consacré au Forez, on constate que le comté est traité de façon moyenne,
mieux que la Haute-Auvergne, mais beaucoup moins bien que le Bourbonnais ; malgré
certaines lacunes qui s’expliquent mal, la plupart des armoiries que l’on s’attendrait à
trouver là sont citées, mais on n’y voit pas les précieuses informations sur les armes des
petites familles que révèle le chapitre consacré au Bourbonnais.
1.1.2.3. La réalisation matérielle : écriture et illustrations
30
On connaît bien aujourd’hui la façon de composer un livre manuscrit au Moyen Âge. Il ne
s’agissait pas d’un travail solitaire, mais d’une œuvre d’atelier, où chaque compagnon
avait une tâche bien précise. Plus le livre était luxueux, plus le nombre des intervenants
était important. Le manuscrit de Revel étant resté inachevé, le processus de sa
composition apparaît plus nettement que s’il avait été terminé.
31
Trois personnes ont participé au travail d’écriture. Un scribe professionnel a été chargé
de rédiger le texte d’introduction et toutes les notices inscrites sur les phylactères
34
entourant les écus. Ce travail a dû être fait en suivant : il est bien uni et on ne constate
pas de variantes dues à des interruptions ou à des compléments. Quelques erreurs sont
d’ailleurs significatives, telles que la répétition du nom « Gomin de Morau » pour deux
notices successives (nos 274 et 275), ou la confusion dans la notice concernant « Odrès de
La Varenne » (n° 559), incluant une partie de celle de « Louis Chastenoys » (n° 560). C’est
sans doute le même scribe qui s’est chargé de la rédaction des titres des pages dans la
partie consacrée au Forez. Par contre, dans les parties auvergnate et bourbonnaise, les
titres ont été confiés à un autre scribe, dont la graphie élancée et très élégante est plus
savante. Ensuite, il a laissé la place à un troisième spécialiste, qui a été chargé de peindre
les initiales de couleur. Ces deux scribes devaient travailler de concert, puisque l’on
trouve par séries des initiales solitaires et des titres sans lettrine. En ce qui concerne les
vues de châteaux et d’agglomérations, on reconnait la main de plusieurs peintres : deux
pour l’Auvergne-Bourbonnais et un pour le Forez.
32
Le premier semble avoir été plus particulièrement chargé des localités importantes, telles
que Moulins, Clermont, Usson ou Saint-Pourçain (fig. 11). Ses vues sont généralement
synthétiques et il s’attache à la représentation des monuments principaux et des
caractéristiques vernaculaires (formes des toits et modes de couverture, etc.). En
revanche, il traite de façon stéréotypée les bâtiments annexes et la plupart des détails. Il
traite rapidement le paysage environnant et le dessin des arbres, auxquels il donne une
forme de champignons coniques est caractéristique.
Fig. 11 - La ville de Moulins en Bourbonnais (Bnf, fr. 22297, p. 369).
33
Le second peintre a produit des vues beaucoup plus réalistes (Siorat, Bourassol, Vodable,
Champeix...) (fig. 12) ; il a reproduit ce qu’il avait sous les yeux, y compris les parties
ruinées, avec une grande sûreté de main et un réel don d’observation. En revanche, il ne
fait qu’esquisser le paysage où étaient implantés les bâtiments, lorsqu’il n’est pas
complètement absent.
35
Fig. 12 - Le château de Champeix en Auvergne (Bnf, fr. 22297, p. 59).
34
Quant au peintre chargé du Forez, il possède un style proche de celui du premier, mais ses
dessins sont plus schématiques et il semble avoir commis des erreurs en recopiant les
croquis relevés sur le terrain ; il se distingue également par une plus grande attention
portée aux paysages environnants, qui dans certains cas sont mêmes traités de façon plus
exacte que les bâtiments eux-mêmes (Marcilly, Teillières, Saint-Victor-sur-Loire, SaintMaurice-sur-Loire). Pourtant, il n’hésite pas à torturer ces paysages afin de faire entrer
dans ses vignettes des éléments qu’il juge important de montrer, comme à Feurs, où le
prieuré de Randans et la Loire qui le borde sont ramenés au premier plan, alors que leur
place réelle se trouverait à gauche de la vue, mais en dehors du champ31.
35
Enfin, trois peintres vraisemblablement différents des précédents ont été chargés de la
partie héraldique. Tous les écus ont été peints par le même personnage, à la main
caractéristique : sèche, assez souvent maladroite, elle possède de nombreux traits
archaïsants, comme la façon de représenter les lions selon un schéma vertical et non
oblique, comme c’était devenu la règle au XVe siècle. Il traite sommairement les détails et
tous les petits meubles, étoiles, coquilles, merlettes ou trèfles. On est évidemment tenté
de voir là la main de Guillaume Revel lui-même : il semble en effet logique que le héraut
se soit réservé ce travail technique et réclamant des connaissances particulières. On peut
remarquer à l’appui de cette thèse que l’Armorial comporte peu d’erreurs graves et qu’il
s’agit visiblement d’un travail de spécialiste. La critique contemporaine dénie pourtant de
plus en plus aux hérauts une quelconque intervention dans la réalisation matérielle des
armoriaux figurés, réservant celle-ci à des peintres professionnels32. C’est donc peut-être
à un peintre professionnel, qu’a été confié le soin de réaliser les écus, comme cela a été le
cas pour les phylactères, les casques et leurs cimiers ; ainsi Guillaume Revel serait
seulement le maître d’ouvrage, sans intervention sur la réalisation strictement matérielle
de celui-ci.
36
36
Le peintre des écus n’est pas intervenu dans le dessin des casques avec leurs cimiers et
des phylactères. La plupart d’entre eux ont été dessinés par un excellent artiste, dont la
manière a ensuite été reprise par un autre peintre, de moindre talent, à la main
facilement reconnaissable. Le peintre principal possédait un métier très sûr : son dessin
est toujours net, au trait fin et souple et il utilise des couleurs transparentes permettant
les dégradés de teintes. Il fait preuve d’un remarquable sens de la composition et rares
sont les cimiers parfaitement semblables. On peut citer pour le Forez quelques exemples
de cette sûreté de main : la dame des armes d’Arnould Vernin (n° 776), le lévrier assis des
armes de Jacques de Thorigny (n° 805), qui fait face à la tête de lévrier de celles de Jean de
Flachat-Chenevoux (n° 806). Ce style rapide et net est beaucoup plus moderne et
naturaliste que celui du peintre des écus. L’écart se remarque particulièrement lorsque
cimier et écu représentent le même meuble. Cet artiste principal a été ensuite relayé par
un autre peintre, moins habile, qui dans un souci d’unité du manuscrit s’est efforcé de
copier son style, sans vraiment y parvenir. Ses dessins sont plus appuyés et manquent de
finesse et d’élégance, ses compositions sont classiques et assez monotones. La couleur
qu’il utilise est généralement opaque et masque les rares détails. Cette main apparaît
moins souvent que la première, soit en complément de celle-ci, soit au début de l’ouvrage.
Dans la partie forézienne, elle ne semble guère intervenir que p. 442, pour les cimiers de
Pierre d’Urfé (n° 795) et de Jean Raybe (n° 796), et peut-être p. 443, pour celui d’Antoine
de Sugny (n° 800).
1.1.2.4. Commanditaire(s) et dédicataire(s)
37
Une grande partie des armoriaux médiévaux que l’on connaît étaient de simples
documents destinés à faciliter le travail des hérauts eux-mêmes, ce qui explique le peu de
soin avec lequel, lorsqu’ils sont figurés, ils ont été réalisés. Au contraire, l’armorial de
Guillaume Revel est un objet de luxe, exécuté selon un plan original, par de véritables
artisans-libraires et destiné à un grand personnage, qui en a passé commande.
L’introduction destinée à faire connaître son nom est pourtant un texte confus et ambigu,
qui lais se planer un doute sur l’identité du véritable commanditaire de l’ouvrage.
L’auteur, dans les premières lignes, dédie son travail au roi Charles VII très invincible et
triomphant. Immédiatement après, il se nomme Guillaume Revel, aultrement dit en vostre
service, Auvergne, humble et obéissant herault et, après une des digressions dont il est
coutumier, il explique : Si ay par vostre commandement fait ung petit abrégé d’armes... et tente
ainsi d’affirmer que le dédicataire royal est aussi le commanditaire de l’œuvre, au ser vice
duquel il se trouve. Mais il semble que la situation ait été moins simple que Revel ne le
montre de prime abord, puisqu’il poursuit en précisant dans la même longue phrase qu’il
a été établi dans son office du mestier d’armes par vous [le roi] et tres noble et excellant prince
monseigneur Charles duc de Bourbonnais et d’Auvergne, a mémoire et souvenance duquel et de la
strenue promesse ay fait ce present abregé... Dès lors on comprend mieux que l’Armorial ne
soit consacré qu’aux domaines du duc de Bourbon ; si Charles VII avait été le
commanditaire d’un travail de cette ampleur, le sujet en aurait été le domaine royal et
non celui d’un prince apanagiste où le roi ne possédait que quelques places stratégiques.
Au moment où Revel rédige sa préface, le duc Charles est déjà mort (1456) puisque le livre
est fait à sa mémoire et souvenance et c’est vraisemblablement ce qui explique la dédicace
au roi. La plupart du temps, les jeunes princes conservaient leur propre maison lorsqu’ils
succédaient à leur père et Guillaume Revel dut se trouver inemployé lorsque Jean II
devint duc de Bourbon. Obligé de se trouver un nouveau maître, il ambitionnait
37
probablement un office auprès du roi et la dédicace à Charles VII peut alors être
considérée comme une sorte de lettre d’introduction et une flatterie envers un employeur
potentiel. On ignore si le héraut parvint à ses fins, mais le livre, lui, malgré la dédicace,
entra dans la bibliothèque des ducs de Bourbon. Il n’a malheureusement pas été possible
de retrouver trace d’un payement de ce manuscrit, dans les comptes ducaux, comme dans
ceux du roi.
1.1.3. La datation du manuscrit
38
Les problèmes que pose la datation des armoriaux du Moyen Âge sont complexes.
Lorsqu’un armorial a été rédigé pour une circonstance particulière – tournoi, levée d’ost,
siège de forteresse, etc. – la date de sa composition est généralement connue ; mais dans
les autres cas, il est rarement possible d’obtenir mieux qu’une « fourchette » de dates.
Différentes méthodes de datation ont été élaborées, qui ont donné parfois des résultats
décevants33. La meilleure consiste sans doute à tenter de dater tous les écus recensés dans
l’armorial afin d’établir à partir de là une date moyenne. L’identification de chaque écu
est susceptible d’apporter divers renseignements : dates de naissance, mariage ou décès,
de nomination à un office civil ou ecclésiastique, de vente ou d’acquisition de biens... ;
d’autres documents annexes peuvent indirectement fournir de précieuses informations.
39
Dans le cas de l’Armorial et de ses miniatures architecturales, les dates attestées de
travaux (construction de rempart villageois ou urbain par exemple) peuvent aussi
contribuer à éclairer la chronologie du document. Toutefois, malgré cela, les dates
déduites de toutes ces sources ne sont jamais définitives et peuvent toujours être remises
en question à la suite de la découverte de documents nouveaux. Dans l’introduction de
son Histoire généalogique de la Maison d’Auvergne 34, Étienne Baluze cite l’armorial de
Guillaume Revel et le date d’environ 1450 ; plus tard, dom Coll, dans son Nobiliaire
d’Auvergne35, reprend cette date à son compte et cite même le manuscrit sous le nom d’«
Armorial de 1450 ». Elle n’a pas été remise en question depuis par les différents
compilateurs de ces ouvrages et, à la lumière des recherches qui ont été l’objet du présent
travail, la date de 1450 déduite par Baluze apparaît bien comme une sorte de pivot :
Bertrand de La Tour, seigneur d’Olliergues (n° 22) est mort cette année-là, ainsi que
plusieurs autres personnages, comme Guillaume du Gibertès (n° 177) ou Renaud de TocyBazerne (n° 459)... C’est aussi vers 1450 que le fief d’Anteroches passa des seigneurs Du
Chambon à la famille Traverse ; or, Antoine du Chambon (n° 239) a toujours pour cri le
nom de cette seigneurie « Antreroches » et il possédait certainement encore ce fief au
moment où Revel a introduit son écu dans l’armorial. On est ainsi assuré, puisque ces
personnages figurent dans l’armorial, que celui-ci a été commencé avant 1450.
40
À l’inverse, d’autres dates peuvent servir de butoir pour l’achèvement de l’ouvrage ou
plutôt de son abandon puisqu’il n’a pas été terminé. Le héraut Auvergne précise en effet
dans son introduction que ce travail est dédié à la mémoire du duc Charles I er de
Bourbon ; le prince étant décédé en 1456, il convient de placer après cette date la
rédaction de l’introduction. Trois ecclésiastiques entrés en fonction après cette date
figurent également dans l’armorial : Charles de Bourbon (n° 494), déjà archevêque de
Lyon en 1444 et futur cardinal en 1476, devient en 1457, à la mort de dom Godefroy
Chollet, prieur de Souvigny. La même année, Hugues de Rochedragon (n° 294) est élu abbé
de la puissante abbaye d’Aurillac. Enfin, en 1459, Raymond de Marcenat (n° 18) prend la
tête de l’abbaye de Mozat et en entreprend la restauration.
38
41
Il est donc possible de dire, en considérant ces données, que Guillaume Revel a commencé
la rédaction de son armorial avant 1450 et qu’il ne l’a abandonné qu’après 1459. Mais ces
dates restent floues et ne permettent pas de dire à quel moment le manuscrit a été mis au
propre, ni de préciser quand les enquêtes héraldiques ont été faites. On a vu plus haut que
Guillaume Revel avait pu utiliser les cérémonies organisées à l’occasion de la prestation
d’hommage de nombreux vassaux bourbonnais entre 1442 et 1445 pour rédiger certaines
pages de son armorial. Si ce qui reste une hypothèse se vérifiait, il faudrait alors avancer
de quelques années les débuts du travail du héraut. De la même façon, il conviendrait
peut-être de retarder la date de l’abandon jusqu’au moment de la mort de Charles VII, en
1461. La mort du roi, à qui le livre avait été finalement dédié, a dû porter un coup d’arrêt
définitif à sa composition.
1.2. Le comté de Forez au XVe siècle : entre crises et
renouveau
42
Au milieu du XVe siècle, lorsque Guillaume Revel entreprend la réalisation d’un armorial
représentant les fiefs, villes ou châteaux implantés sur les possessions du duc de Bourbon
ainsi que les armoiries de toutes les familles nobles y résidant, le Forez est depuis près
d’un siècle partie intégrante du duché de Bourbon. Mais son histoire propre commence
bien avant (fig. 13).
1.2.1. Bref rappel historique : le comté de Forez entre indépendance
et sujétion
1.2.1.1. Aspects politiques
43
Petit espace situé dans le centre de la France, entre Auvergne à l’ouest, Bourbonnais et
Beaujolais au nord, Lyonnais à l’est, Velay et Vivarais au sud et correspondant
grossièrement à l’actuel département de la Loire, le comté de Forez apparaît dans les
textes dès le Xe siècle (Fournial, 1952, p. 221-252). Pagus, comitatus ou ager Forensis, il fait
alors partie intégrante du pagus Lugdunensis et n’est qu’une formation fictive sans réalité
politique. Il faut attendre l’accord de 1173, marquant la fin du conflit entre l’Église de
Lyon et les comtes de Lyon, pour que le comté de Forez naisse officiellement en tant que
structure politique, cet accord consacrant définitivement la division de l’ancien comté de
Lyon en deux entités distinctes : celle du Forez et celle du Lyonnais. Il s’agit d’un partage
d’influence, l’Église abandonnant au comte tout ce qu’elle possède au-delà de la Loire et
en-deçà jusqu’à une limite à peu près déterminée par les monts du Lyonnais (Chartes du
Forez, n° 4)36.
44
Les deux siècles suivants sont tout entiers consacrés à l’affermissement de l’autorité
comtale : achats ou inféodations d’hommages qui entraînent la plupart des seigneuries
allodiales dans la mouvance comtale, châteaux devenus jurables ou rendables au comte,
droits sur les terres de la plupart des établissements ecclésiastiques. Au milieu du XIV e
siècle, le comte de Forez reçoit l’hommage de près de 300 vassaux, du plus grand seigneur
ligérien au modeste habitant des bourgs37, et participe activement à la vie du royaume
comme en témoignent les nombreuses participations comtales dans la lutte contre les
Anglais aux côtés de Philippe de Valois ou des grands seigneurs du royaume38.
39
45
C’est avec la mort de Jean II, en 1372, que s’éteint la dernière lignée des comtes de Forez,
et l’indépendance politique du comté, celui-ci entrant désormais dans la mouvance
bourbonnaise39. Mais si, en cette fin de siècle, Louis II, duc de Bourbon vient
régulièrement en Forez, recevoir en personne l’hommage des seigneurs foréziens40 ou
faire renouveler certains terriers (ADL, B 2034), c’est néanmoins Anne Dauphine, son
épouse, qui dirige ordinairement le comté, depuis le château de Cleppé où elle réside,
nommant entre autres aux principaux offices ordinaires. À partir de 1410, elle en devient
la seule administratrice, renouvelant régulièrement le personnel administratif ou
s’occupant de fondations pieuses41. À sa mort, en 141742, le comté est définitivement
rattaché au duché de Bourbonnais et est géré comme les autres annexions bourbonnaises,
c’est-à-dire en conservant dans une large mesure ses « particularités institutionnelles »
(Mattéoni, 1998, p. 152).
1.2.1.2. Organisation administrative
46
Hormis quelques aménagements concernant l’administration judiciaire (Mattéoni, 1998,
p. 150-151), cette nouvelle sujétion n’entraîne sur le plan administratif que des
modifications assez limitées, ayant pour objet de rapprocher les institutions des
nouveaux territoires acquis de celles existant dans le duché de Bourbon, ou de pallier
l’éloignement du pouvoir central ; le duc, au cours de ses brefs séjours43, ne pouvant
contrôler de près l’administration forézienne comme le faisaient les anciens comtes, doit
déléguer une partie de ses pouvoirs et s’entourer d’un personnel et d’organismes sur
lesquels il peut se reposer. Aux organes centraux de gouvernement, simples mais bien
rodés, hérités de la période comtale – chambre des comptes de Forez créée en 1317 sur le
modèle de la Chambre des comptes royale, conseil du comte, cour de Forez – se sont
ajouté à la fin du XIVe siècle, deux nouvelles institutions : tout d’abord, à partir de 1375,
les « Trois États du pays de Forez », calqués sur les états provinciaux existant déjà en
Auvergne par exemple, rouage de l’administration fonctionnant de manière irrégulière et
se réunissant sur convocation du duc lorsque celui-ci a besoin du consentement des
populations pour faire accepter des impositions extraordinaires devenant au fil des ans
de plus en plus régulières. C’est ensuite, vers 1380, le « Conseil de Forez », composé d’un
lieutenant du duc, d’un bailli, d’un juge et de quelques hauts officiers, et dont le rôle est
de fait de gouverner le comté.
47
L’administration centrale, témoin de la puissance ducale, doit être relayée au niveau
local. La structure de base en est le mandement ou châtellenie – appellation couramment
utilisée par les historiens quoique le terme n’apparaisse que très rarement dans les textes
de l’époque (Excoffon, 2007, p. 107-122) –, espace plus ou moins vaste dominé par un
château. Les plus anciennes apparaissent dès le XIIe siècle et leur développement se fait
parallèlement à celui du comté. Au XVe siècle, le Forez compte une quarantaine de
châtellenies et de prévôtés, un peu moins qu’au siècle précédent (fig. 13), leur nombre
étant légèrement fluctuant (Mattéoni, 1998, p. 110). Cet espace de pouvoir s’organise donc
autour du château, symbole de la puissance ducale. Il n’est, pour s’en convaincre, que de
regarder les représentations qu’en a faites Guillaume Revel, sur lesquelles flotte
fièrement l’étendard du duc de Bourbon. Ces châteaux ont, dans leur grande majorité,
connu des travaux de réfection dans le dernier tiers du XIVe siècle. Au début du XV e
siècle, d’autres réparations sont faites, après que Denis de Beaumont, bailli, ou ses
hommes, eurent fait le tour du comté pour étudier l’état des châteaux et autres
fortifications qui paraissent souvent en bien mauvais état. En 1403, le château du Verdier,
40
qui tombait en ruines, est réparé et fortifié (ADL, B 1168, f° 58 v° sq). Au même moment,
les châteaux de Saint-Maurice, Donzy, sont réparés ainsi que la tour de celui de SaintJust-en-Chevalet (ADL, B 1170, f° 43 v° ; ADL, B 1963, f° 183 v° ; ADL, B 1990, f° 219 v°-220 v
° ; ADL, B 1991, f° 11 v° - 12). En 1411, les comptes du prévôt de Saint-Victor mentionnent
en dépenses l’achat de bois necessaires a la fortification du chastel, puis quelques années plus
tard c’est au donjon d’être réparé (ADL, B 1993, f° 19 v°-22, f° 161) ; en 1412, on fait des
travaux à la tour de Virigneux, lesquel estoient necessaire pour la fortification (ADL, B 2000, f°
15 - comptes de 1410-1426). De même, à Saint-Héand où est levée une nouvelle taille pour
la réparation du château (ADL, B Supp 422, f° 65 ; ADL, B 1988, f° 52 v°). À partir de 1415,
c’est au donjon du château de Néronde d’être réparé, puis en 1420, un devis est fait au
sujet des réparations à réaliser au château de Cleppé (ADL, B 1978, f° 28 v°-29, f° 52, f° 101
v°, f° 124, f° 187 v° ; AN, P 14022, n° 1328).
Fig. 13 - Carte des châtellenies comtales en Forez au XVe siècle.
48
Mais les forteresses comtales ne sont pas les seules à bénéficier de réparations. On voit
ainsi le seigneur de Poncins mentionner à plusieurs reprises au début du XVe siècle des
dépenses occasionnées par la réparation de son château. De même certains villages ou
édifices religieux s’entourent de murailles. L’Armorial de Guillaume Revel présente ainsi
cinq établissements ecclésiastiques fortifiés dont deux, les abbayes de Valbenoîte et de la
Bénisson-Dieu, reçoivent une enceinte à la suite des troubles. En 1409, le duc octroie à
frère Guillaume de Boisvair le privilège de faire fortifier le prieuré de Rozier et d’obliger à
sa garde les habitants du lieu (Bernard, 1835, t. II, p. 10). Le prieuré de Pommiers avait
déjà une enceinte, mais celle-ci fut restaurée après 1429, le prieuré ayant été ravagé par
une bande de routiers. En 1410, les habitants de Chirassimont et le prieur et couvent de
Saint- Irénée de Lyon, leurs seigneurs, demandent l’autorisation de fortifier leur église
paroissiale (Diana, 1885-1886).
41
49
Les villes font de même, et ce, dès le dernier tiers du XIVe siècle. Le mouvement se
poursuit au début du siècle suivant. Un acte du début du XVe siècle signale la présence
d’une forteresse à Boën, infra muros et clausuram fortalicii Boenci et un autre, un peu plus
tardif, mentionne l’existence de remparts (ADL, 54 J 9 et 54 J 11). Montbrison aussi,
demeurée sans enceinte depuis l’incendie de 1359, et de nouveau en partie détruite en
1422, se clôt. En 1441, le duc de Bourbon apprécie l’achèvement des fortifications,
augmentant le ressort de la ville de 100 feux (ADL, B 2047). À Saint-Étienne, à SaintGermain-Laval aussi, l’érection de murailles est décidée (ADL, B 2065). Parallèlement,
certains villages font de même. À Saint-Marcellin une deuxième enceinte est érigée au
début du XVe siècle, ce dont témoigne le terrier rénové au milieu de ce même siècle (ADL,
B 2075). Puis en 1439, les habitants de l’Hôpital-sous-Rochefort obtiennent la permission
de clore de murailles leur village.
50
C’est donc cette situation en partie nouvelle que représente l’Armorial de Guillaume
Revel, où les édifices restaurés ont vu leurs fonctions militaires réaffirmées. En témoigne
la multiplicité de structures défensives représentées : murailles, barbacanes, tours
crénelées, fossés, enceintes... Toutefois, au XVe siècle, ces châteaux ne sont plus
seulement des forteresses militaires où se réfugie la population en cas de danger, ce sont
aussi des résidences, seigneuriales ou ducales, occupées au moins épisodiquement pour
certains d’entre elles (Piponnier, 1992)44, de manière beaucoup plus continue pour
d’autres comme Cleppé ou Sury-le-Bois où résident successivement Anne Dauphine, puis
Marie de Berry.
51
Au XVe siècle, chaque mandement est aux mains d’un châtelain nommé par le pouvoir
comtal dont il est à la fois le représentant politique, relais local de l’administration
centrale, et seigneurial. Il est impossible de séparer dans les compétences châtelaines ce
qui relève de sa fonction politique de ce qui relève de sa fonction seigneuriale. Officier
noble choisi par le comte, fréquemment déplacé, un même châtelain peut officier dans
deux châtellenies voisines45. Le châtelain assure des fonctions qui sont celles de tout
délégué seigneurial, à la fois politiques, judiciaires, administratives et financières. Ainsi,
quoique leur seigneur direct fusse le duc-comte, l’interlocuteur privilégié des tenanciers
ou des justiciables est bien le châtelain dont les compétences et les pouvoirs sont vastes et
divers. Mais progressivement, sous le double effet de la spécialisation des tâches et du
personnel, de la non-résidence accrue des châtelains, le poids de ces derniers dans la
seigneurie tend à diminuer au profit du prévôt, homme à tout faire de la seigneurie. Ses
compétences, d’abord financières, sont en réalité multiples. Receveur, régisseur, le prévôt
assiste en outre le châtelain dans toutes ses fonctions : il tient souvent le papier du greffe,
il est juge suppléant (ADL, B 1167), il participe à la police, à l’exécution des exploits de
justice. C’est dans ce cadre qu’évolue consciemment la totalité de la population soumise
au pouvoir ducal. « Pour l’homme du XVe siècle, pour n’importe quel sujet du duc de
Bourbon, l’appartenance à telle ou telle châtellenie était parfaitement connue », signale
Olivier Mattéoni (Mattéoni, 1998, p. 113). Il en est de même en Forez, où les limites des
châtellenies sont clairement connues des justiciables. Des marqueurs physiques,
topographiques, ou autres, sont parfaitement identifiables et reconnaissables (ColombetLasseigne, 2007).
52
Néanmoins, si vers 1450, date de réalisation de l’Armorial de Guillaume Revel, le Forez
n’est plus qu’une composante de l’État bourbonnais, sur lequel Charles Ier, duc de
Bourbon étend son pouvoir, il serait abusif d’imaginer un espace entièrement soumis à
l’autorité ducale. Les châtellenies sont ainsi truffées d’enclaves, plus ou moins vastes, aux
42
mains de seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, et aux portes desquelles s’arrête le pouvoir
ducal (Colombet-Lasseigne, 2007).
1.2.2. Le comté de Forez dans la tourmente
1.2.2.1. Le Forez entre guerres et pestilences
53
Comme l’ensemble du royaume, le comté de Forez est, au début du XVe siècle, en proie
aux désordres orchestrés par le conflit mettant aux prises Français et Anglais depuis plus
d’un demi-siècle. Si sa localisation géographique le tient à l’écart des grandes opérations
militaires opposant les belligérants puis leurs alliés, il n’est, en revanche, pas exempt de
ses répercussions indirectes. Il est ainsi particulièrement touché par le brigandage dont le
Massif central a sans doute supporté les coups les plus durs en raison de son relief
propice. La seconde moitié du siècle précédent a vu le passage sur les terres foréziennes
des « routiers » – surnommés « tard-venus » en Forez, Lyonnais et régions avoisinantes,
quoique les textes de l’époque n’utilisent jamais ces appellations (Colombet-Lasseigne,
2008) –, ces mercenaires en rupture de ban qui se retrouvent sans emploi ni revenu après
la signature du traité de Brétigny et se constituent en bandes de plusieurs centaines
d’hommes vivant sur le pays. Trois vagues majeures d’incursion se sont succédé entre
1360 et 1390, concernant peu ou prou la totalité du comté de Forez. Lors de la première,
entre 1360 et 1365, des compagnies de routiers sont signalées sur tous les pourtours du
comté. La seconde, qui ne vise le comté que de manière intermittente entre 1375 et 1383,
se concentre plus particulièrement sur sa moitié occidentale. La troisième vague, la
dernière mais aussi la plus importante, composée de bandes venues d’Auvergne qu’elles
ont accepté de quitter moyennant finances, menace à nouveau le Forez entre 1387 et 1391
(Reure, 1895).
54
Face à ces incursions, le pouvoir répond de manière variable : restauration des édifices de
défense, levée de troupes et grandes chevauchées, créations de capitaineries – structures
de défense de proximité regroupant autour d’un château une petite troupe d’hommes –,
puis, avec l’entrée du comté de Forez dans la mouvance bourbonnaise, mise en place
d’une nouvelle tactique défensive consistant dans le maintien de garnisons plus étoffées
sur les frontières du comté (Colombet-Lasseigne, 2008). Au lieu de disperser les gens
d’armes en petits groupes localisés autour des châteaux, comme c’était le cas auparavant
avec les capitaineries, Pierre de Norry, lieutenant général du duc, organise deux groupes
défensifs, basés sur les frontières occidentales du comté. L’efficacité de ce procédé semble
réelle. S’il n’empêche pas des incursions sporadiques à l’intérieur du comté – la présence
d’ennemis à Saint-Rambert, Bellegarde, Villemontais ou Saint-Maurice-en-Roannais en
témoigne... –, il permet cependant de limiter les dégâts. Le rattachement du comté au
duché de Bourbon a donc pour effet de rendre plus efficace la lutte contre l’ennemi. Le
Forez ne bascule pas dans l’anarchie guerrière durant ces sombres années.
55
Puis pendant près de trois décennies, le Forez connaît une période de paix relative, avant
de redevenir, à partir de la décennie 1410 terrain d’opérations, malgré la politique
d’abstinence de guerre avec la Bourgogne à laquelle se livrent Anne Dauphine puis Marie
de Berry. Jusqu’aux années 1430, le Forez et ses campagnes sont parcourus par des
troupes de gens d’armes relevant pour la plupart du Dauphin et dont les méfaits sont
parfois aussi importants que ceux commis par les bandes de routiers, et que les registres
de justice mentionnent incidemment. On les signale à Firminy et à Saint-Victor au début
de l’année 1414, puis en 1418-1419, à Saint-Héand et environs à la fin de l’année 1415, à
43
Néronde en décembre 1419, puis de nouveau entre 1421 et 1423, à Virigneux, à la limite
du Lyonnais, au début de l’année 1423, deux ans plus tard sur la frontière orientale du
comté, puis à l’Étrat au début de l’année 1428 et à Sorbiers en 1431 où l’on signale encore
le passage de gens d’armes. Au nord du comté aussi le danger bourguignon demeure. En
1418, la région de Charlieu, sur la frontière septentrionale du comté, est ravagée (ADL, B
1993, f° 54 et f° 158 v° ; ADL, B Supp, 422, f° 63 v° ; ADL, B 1978, f° 120 v° et 144 v° ; ADL, B
2000, f° 115 ; ADL, B 1978, f° 190). Si la signature du traité d’Arras en 1435 met
provisoirement fin au conflit, elle laisse des soldats sans embauche et sans solde. Ces
écorcheurs qui ne diffèrent guère dans leur pratique des gens d’armes qu’ils étaient
auparavant, vivent eux aussi sur le pays et leur présence en Forez continue à être signalée
au moins jusqu’en 1450, à tel point que certaines communautés d’habitants obtiennent
annulation de leur contribution aux aides levées sur le pays de Forez alors que d’autres
reçoivent permission de se clore (ADL, B 1952, f° 4).
56
Ainsi, plus que victime de la guerre elle-même, le Forez est, pendant près d’un siècle, en
butte au passage de ces bandes armées qui parcourent épisodiquement le comté, et dont
la présence, quoique numériquement restreinte, n’est pas indolore pour l’espace forézien
et ses habitants. Par le climat d’insécurité qu’elles installent à demeure, par les
dévastations qu’elles engendrent, par l’incertitude du lendemain qu’elles sous-tendent,
plus que par les coupes sombres qu’elles opèrent dans la population, elles désorganisent
parfois durablement la vie économique et sociale du plat pays, contraignant
périodiquement les populations à fuir, à réduire ou abandonner provisoirement leurs
activités, mais aussi à subir des prélèvements fiscaux devenant au fil du temps de plus en
plus habituels et réguliers. Fruits de la conjoncture, elles aggravent ainsi le malaise des
populations déjà durement éprouvées par la présence endémique des épidémies. Car, à
l’image de ce que connaît l’ensemble – ou presque – du royaume, le Forez est entré à
partir du milieu du XIVe siècle et pour de nombreuses décennies dans l’ère des
« mortalités ».
57
Entre 1348, date de la première incursion de la peste en Forez et le milieu du XVe siècle,
au moins une année sur trois est marquée par une mortalité accrue, que l’étude
testamentaire permet de percevoir, mais qui n’est pas due qu’aux seules récurrences
pesteuses. Disettes, dysenterie, et autres épidémies ont aussi leur part de responsabilité,
dans une conjoncture défavorable que l’on constate assez généralement dans tout le
royaume de France46. Après deux pics majeurs en 1348-1349 puis en 1361, qui ont vu le
nombre d’enregistrements testamentaires s’envoler et le Forez perdre entre le quart et le
tiers de sa population, l’intensité des crises mais non leur fréquence se modère. Le fléau
paraît désormais installé de manière endémique et réapparaît dès que des conditions
propices se manifestent, comme en 1371-1376, 1391, 1395 et surtout 1399-1400 47.
Néanmoins, si les épidémies se poursuivent au siècle suivant, selon des périodicités
presque immuables – les années 1409-1412, 1419-1420, 1433-1434, 1439 48 enregistrant une
recrudescence testamentaire –, elles n’ont plus le caractère novateur et sans doute
dévastateur qu’elles avaient un demi-siècle auparavant. Les disettes, les épidémies sont
devenues si habituelles que leur réalité tend à s’estomper des mémoires et leur évocation
à disparaître des actes49. Les textes les signalent désormais à peine, mais ce n’est peut-être
là qu’une carence des sources. Elles n’apparaissent plus désormais que comme une gêne,
importante certes, conduisant parfois à l’arrêt de toute vie sociale ou économique
pendant quelques semaines ou quelques mois. Leurs ravages semblent aussi de moindre
ampleur tant numériquement que spatialement. D’abord parce que les plus faibles,
44
vieillards et enfants, ont disparu en masse dès les premières épidémies. Ensuite et surtout
parce qu’il semble que les populations aient désormais appris à composer avec elles et à
savoir comment s’en protéger. La fuite hors de la ville en cas d’épidémie est une pratique
qui se répand au moins parmi ceux qui ont la possibilité de trouver refuge ailleurs 50.
Parallèlement, les pestilences concentrent désormais leurs effets sur un espace
circonscrit : en 1418, l’est du comté est particulièrement touché. L’année suivante c’est la
partie centrale de la plaine du Forez qui paie le plus lourd tribut, puis, une décennie et
demie plus tard, le nord-ouest du comté est à son tour fortement frappé (ColombetLasseigne, 2006, p. 107-109). On n’assiste plus à l’effet ricochet qui avait marqué les
premières épidémies, peut-être parce que la vie économique et les échanges qu’elle soustendait se sont ralentis, privant la peste de l’un de ses vecteurs de propagation essentiel.
1.2.2.2. Le poids de la conjoncture économique
58
Une conjoncture économique défavorable vient encore alourdir encore un peu plus le
fardeau qu’ont à supporter des populations déjà largement éprouvées. Au poids des
différentes impositions tant royales que ducales ou seigneuriales, qui se multiplient au fil
des décennies parallèlement à la poursuite des opérations guerrières, se surajoutent les
effets des remuements monétaires qui reviennent régulièrement. Une nouvelle période
particulièrement sombre pour les rentiers du sol mais aussi pour l’ensemble de la
population se dessine à partir de 1417, et qui voit la monnaie se dévaluer
considérablement au point d’être désormais dénommée monnaie faible par opposition à
l’ancienne. À Néronde, le prévôt énonce ses comptes pour les années 1422-1423 dans deux
monnaies différentes :... 158 L. 11 s. 3 d. ob. t. in bona monete, somma incluso debito anni
computato super in debilite monete... (ADL, B 1978, f° 139, f° 241... ; ADL, B 2000).
59
Les répercussions de ce contexte de crises, commun à l’ensemble du monde occidental,
sont d’abord économiques et sociales. Si le Forez présente une situation qui n’est guère
florissante, elle est sans doute cependant meilleure que celle constatée en nombre
d’autres espaces. Sur le plan démographique, le Forez s’est vidé, et il ne compte plus au
début du XVe siècle que la moitié des habitants qu’il dénombrait cinquante ans
auparavant, à l’instar de ce que l’on constate aussi dans le reste du royaume, véritable
hécatombe démographique que tous les textes mentionnent et que l’étude de sources
indirectes, tels les terriers ou les testaments, vient confirmer. Dès les années 1360-1370, le
vide est fait. Les feux se sont largement dépeuplés. Le tiers, peut-être la moitié de leurs
membres, a d’ores et déjà disparu. Les récurrences postérieures continuent l’épuration
démographique mais leurs effets s’amoindrissent au fil du temps. Au tournant du siècle,
l’étiage démographique est sans doute atteint. À l’aube du XVe siècle, à un Forez plein a
succédé un Forez vide, quoique des signes de reprise démographique, même s’ils sont
ténus et parfois rapidement démentis, se manifestent déjà.
60
Le tableau que l’on peut peindre de la situation économique en Forez en ce début du XVe
siècle n’est guère plus réjouissant. Sur le plan économique comme sur le plan
démographique précédemment évoqué, le premier quart du XVe siècle voit le Forez
atteindre son point d’étiage. Mais la similitude s’arrête là. En effet, alors que la déprise
démographique est brutale, immédiate et profonde, la situation économique se dégrade
plus lentement et plus tardivement, pour atteindre son point le plus bas aux alentours des
années 1430. Cette évolution est sans nul doute à mettre en relation avec la situation
foncière et productive observée en Forez dans le même temps, car, dans cet espace
essentiellement rural où les villes, à l’exception de Montbrison, ne sont rien d’autres que
45
des bourgs plus ou moins modestes – l’Armorial de Guillaume Revel en témoigne
largement – les habitants sont à une écrasante majorité des ruraux vivant des revenus de
la terre. Or la déprise foncière ne s’est manifestée que très progressivement. Alors que
dès le milieu de la décennie 1360, la population forézienne a été largement décimée par
les épidémies, l’occupation foncière demeure alors encore à un niveau proche de ce
qu’elle était auparavant. Ainsi, aux lendemains de la peste noire, les terres vacantes sont
peu nombreuses, et rapidement reprises par les tenanciers survivants. Car ceux-ci
souvent en situation de pénurie foncière reprennent, dans un premier temps au moins,
« jusqu’à plus soif », les terres laissées vacantes par les décès successifs. Mais
progressivement cette capacité de reprise foncière va s’amenuisant et les mentions de
biens vacants se multiplient à partir de la fin du XIVe siècle et plus encore dans les deux
premières décennies du XVe. Les feux, de moins en moins nombreux et de moins en moins
peuplés, ne peuvent plus absorber les vacants fonciers toujours plus abondants. La
déprise foncière demeure néanmoins au final plus modérée que la déprise humaine, de
l’ordre de 20 % en moyenne, quoique des différences notoires selon les seigneuries,
espaces, types de culture ou de substrats fonciers soient à souligner.
61
Aucun aspect de la vie économique n’est épargné. La production connaît une baisse
progressive, que l’on peut percevoir mais non quantifier précisément, trop d’éléments
parasites entrant en ligne de compte. L’analyse des fermes des dîmes laisse entrevoir une
chute de la production de céréales et de vin à la fin du XIVe et au début du XVe siècle, de
l’ordre du cinquième environ, alors que dans le même temps celle de foin augmente
sensiblement, concurremment à la mise en herbe de nombreuses parcelles autrefois
cultivées.
62
L’étude des redevances en nature versées par les tenanciers tend, pour sa part, à
accréditer un recul plus important, qui au début du XVe siècle, se situe en moyenne
autour de 25 %, avec des différences très variables selon le type de produits et d’une
seigneurie à l’autre. Ainsi alors que certaines seigneuries n’accusent qu’une baisse
modérée de leurs revenus, telles que celle de Saint-Germain-Laval, d’autres voient leurs
revenus s’étioler plus fortement (Moingt par exemple). Ce mouvement se poursuit au
moins jusqu’aux années 1430. À Chambéon, à Saint-Victor-sur-Loire, les sources
disponibles montrent que la situation continue de se dégrader51.
63
Les échanges aussi ralentissent, allant parfois jusqu’à s’arrêter complètement en période
de grande mortalité. Parallèlement, l’insécurité née de l’état de guerre larvée que connaît
le comté entraîne une désorganisation de la vie économique dont souffrent en premier
lieu les bourgs et leurs habitants et par ricochet le plat pays. Les marchands hésitent à
s’aventurer sur des territoires parcourus par des bandes malfaisantes. Les revenus issus
de l’affermage des péages sont de plus en plus faibles lorsqu’ils ne sont pas tout
simplement inexistants, ces derniers n’ayant pas trouvé preneurs. À Cleppé, le péage
dudit lieu n’est affermé que très épisodiquement entre 1397 et 1417 et à des sommes de
plus en plus faibles. Le port résiste un peu mieux mais les revenus qu’il procure
demeurent toutefois très irréguliers (ADL, B 1914). À Saint-Just-en-Chevalet, Feurs,
Cervières et Saint-Galmier, les revenus des leydes, péages et fours, non dissociés dans les
registres de compte et témoins pour les deux premiers de l’état des échanges, présentent
une évolution similaire. Le marasme constaté se poursuit au moins jusqu’aux années
1410. La première décennie du XVe siècle est même pire que la précédente, et la légère
reprise constatée à Saint-Galmier et à Feurs entre 1408 et 1417 ne permet pas de
retrouver le niveau des années 1388-1397 alors que les revenus des châtellenies de Saint-
46
Just-en-Chevalet et de Cervières continuent de s’étioler. À partir des années 1420, une
amélioration assez nette semble se dessiner, dont nous ne pouvons dire si elle sera
durable (Colombet-Lasseigne, 2006, p. 210).
64
Conséquence de l’appauvrissement général, les legs testamentaires se réduisent et les
ponts en sont les premières victimes. Mal entretenus, ils tombent en ruine ou ne sont pas
réparés après les méfaits d’une crue. Les routes connaissent un sort semblable (fig. 14).
Les unes comme les autres traduisent aussi de manière manifeste l’effondrement du
commerce, que confirment des mentions relevées au hasard des actes. En 1424-1425, les
péages et bans de Saint-Martin-d’Estreaux ne rapportent rien : pour ce que pour la guerre
nul n’y a mis et durant ledit temps n’y est passé marchant, qu’on puisse savoir (Fournial, 1967,
p. 478). Une décennie plus tard, on retrouve encore les mêmes lamentations (ADL, B 2008,
f° 7). Les seigneurs voient ainsi leurs revenus s’étioler, revenus banaux mais aussi revenus
fonciers, alors que les charges potentielles augmentent. Mais les seigneurs ne sont pas les
seules victimes. Des indicateurs multiformes laissent apparaître, de manière souvent
indirecte, l’état de résignation mais aussi d’indigence dans lequel se trouve l’ensemble de
la population. Les audienciers de justice mais aussi les registres de comptes font, quant à
eux, allusion de manière récurrente et répétitive à la pauvreté et au dénuement d’une
partie d’entre elle – à Saint-Maurice-en-Roannais près de la moitié des prévenus est
qualifiée de pauvres entre 1400 et 1409 –, que ce soit individuellement (habitants dans
l’incapacité à payer les amendes ou les émoluments auxquels ils sont soumis et préférant
parfois prendre la fuite) ou collectivement (en octobre 1439, un procès oppose les
habitants de trois paroisses du Roannais au receveur des aides, lesquels déclarent ne
pouvoir payer la contribution demandée car ils sont poures gens […] et ont […] soustenu de
grans pertes a cause de la guerre […] sont si apovriz qu’ils ne pevent plus et sont tres fort diminuez
... : Neufbourg, 1923-1925). Face à cette indigence le pouvoir doit d’ailleurs souvent faire
preuve de tolérance, en réduisant le montant de certains droits ou impositions, voire en
en faisant quitus. Cette nouvelle dégradation du niveau de vie des populations qui se
manifeste dès les premières années du XVe siècle, après une légère embellie dans la
dernière décennie du siècle précédent, s’explique par le retournement de tendance déjà
évoqué : la guerre est de nouveau aux portes du Forez, les ponctions fiscales se
multiplient alors même que la reprise démographique déjà sous-jacente incite peut être
les seigneurs à octroyer plus chichement des modérations de charges. D’ailleurs, c’est
durant ces années 1430 que se manifestent pour la première fois en Forez des émeutes
populaires nées de la misère. Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique de noter que le
nombre d’affaires portées devant les justices seigneuriales et ayant pour motifs le vol ou
la fraude tend à croître. Car toutes ces difficultés rencontrées ou traversées influent
forcément sur le comportement des populations. Peur, agressivité, violence physique ou
verbale, insoumission voire rébellion, ésotérisme se manifestent sporadiquement sans
pour autant devenir omniprésents.
47
Fig. 14 - Cartographie du réseau routier en Forez à la fin du Moyen Âge.
65
L’appauvrissement est donc général et le comté est dans un triste état. On ne compte plus
les mentions de récoltes pillées, brûlées ou détruites, de villes ou de bâtiments religieux
ou laïcs saccagés, de maisons ou autres constructions en mauvais état. À Saint-Bonnet-leChâteau, c’est le four qui est en ruine vers 1415-1425 (ADL, B 2061, f° 68-68 v°, 86 v°) ; à
Cleppé, village de la plaine du Forez, ce sont les maisons du comte sises à proximité du
château qui, en 1420, sont en ruyne et peril […] par deffault de bon fondement ; à SaintRomain-le-Puy, un long procès oppose à partir de 1433 le prieur du lieu au comte de
Forez-duc de Bourbon afin de savoir à qui incombent les réparations à effectuer, les
troupes de Rodrigue de Villandandro ayant pénétré dans la bassecour du prieuré,
brutalisé et dépouillé les hommes venus s’y réfugier (ADL, H 25/4). Les édifices religieux
sont dans un état tout aussi pitoyable et on ne compte plus les cures, églises, prieurés qui
menacent ruine : dans les montagnes du Soir, les églises de Saint-Georges-en-Couzan,
Sainte-Foy-en-Bussy, Saint-Jean-la-Vêtre, Saint-Nizier-de-Fornas, menacent de
s’effondrer.
66
Au final, la situation n’est guère fameuse, se rapprochant de celle enregistrée dans les
régions environnantes, Lyonnais et Auvergne notamment. Malgré tout, le Forez est dans
une situation bien en deçà de celle, désastreuse, constatée en de nombreuses autres
régions, notamment du nord de la Loire.
1.2.3. Le temps de la reconstruction
1.2.3.1. L’Armorial de Guillaume Revel, témoin du renouveau
67
C’est donc dans ce contexte de difficultés persistantes, de crises récurrentes, de marasme
voire de délabrement économique, de vide humain, de crise sociale, de reprises bien
souvent aussi ténues qu’aussitôt avortées que s’inscrit l’Armorial de Guillaume Revel.
48
Réalisé vers 1450 à la demande du duc de Bourbon soucieux de posséder un état des lieux
de ses possessions défensives, il occulte bien évidemment la plupart de ces réalités.
Centré sur l’état des places-fortes et autres forteresses ducales, il n’a pas pour objet de
traduire l’état économique et social dans lequel se situe le Forez et ne permet guère de le
déceler au travers de ses vignettes colorées qui donne bien souvent du Forez une image
riante. Néanmoins, si aucune d’entre elles ne présente de maisons en ruine, de champs
dévastés... c’est peut-être aussi le signe que le contexte est en train de changer et que le
Forez entre dans une ère nouvelle, celle de la reconstruction, que d’autres indicateurs
viennent par ailleurs confirmer. En effet, il est manifeste que cette commande ducale
s’inscrit pour le Forez dans une période charnière qui voit celui-ci basculer, après un
siècle de difficultés, communes à l’ensemble du royaume mais peut-être moins
prégnantes en Forez qu’en d’autres espaces, dans l’ère de la reconstruction durable, après
maintes tentatives aussitôt avortées. C’est ce qui ressort de l’étude de divers indicateurs,
fonciers, économiques ou autres, tant quantitatifs que qualitatifs et notamment du
décompte du nombre d’actes conservés qui enregistre une augmentation sensible à partir
de cette décennie, signe d’une reconstruction qui, à défaut d’être totale, semble au moins
s’inscrire dans la durée (Colombet-Lasseigne, 2006, p. 284 sq). C’est aussi ce qu’il ressort de
la lecture de ces mêmes actes, où les mentions de biens réaccensés, de terres remises en
culture, de maisons reconstruites, d’enfants plus nombreux se multiplient à partir du
milieu du XVe siècle.
1.2.3.2 Le retour des hommes
68
Ce changement est perceptible en premier lieu sur le plan humain. Vers 1450, la logique
démographique s’est totalement inversée, quoique le Forez soit encore loin d’avoir
retrouvé la situation démographique qui était la sienne un siècle auparavant. L’étude du
coefficient familial (nombre d’enfants vivant par famille, recensé à travers l’étude des
testaments), mais aussi du nombre de feux, montre indiscutablement que le Forez est, au
milieu du XVe siècle, dans une situation de très nette reprise démographique. Alors que le
nombre d’enfants par foyer, qui se situait aux alentours de 2 jusqu’à la décennie
1340-1350, avait chuté brutalement pour atteindre son niveau le plus bas entre 1350 et
1380 (en moyenne 1,35 enfant par foyer entre 1351 et 1380) puis conservé un faible niveau
durant le premier tiers du XVe siècle malgré une remontée chaotique et non exempte de
rechutes, il retrouve aux alentours de 1440 son niveau d’avant-crises (autour de 2,5
enfants par foyer), puis dépasse largement ce nombre à partir des années 1450 (près de 3
enfants par couple). Consécutivement, mais avec une génération de décalage, le nombre
de feux augmente également. L’étude des rôles d’imposition, mais aussi le dénombrement
des répondants dans les terriers prouve que, quels que soient les espaces, les feux sont,
vers 1450, plus nombreux que ce qu’ils étaient à la fin du siècle précédent, considéré
arbitrairement comme le point d’étiage démographique et fiscal. De grandes différences
dans la vigueur de la reprise sont néanmoins perceptibles, notamment entre le quart sudouest du Forez et le reste de l’espace forézien, en raison d’un net développement des
communautés familiales dans la partie occidentale du comté. Mais dans tous les cas, cette
restauration est loin d’être totale. Au milieu du XVe siècle, s’il y a reconstruction, il n’y a
pas restauration. L’état fiscal d’avant les crises n’est jamais retrouvé. D’après nos
estimations, le déficit par rapport à l’immédiat avant-crises est encore au minimum de
l’ordre d’un bon tiers au milieu du XVe siècle dans les campagnes foréziennes et parfois
bien supérieur, malgré une reprise parfois vigoureuse. Vers 1450, la densité forézienne
49
serait donc de l’ordre de 3,15 feux par km2, inférieure de plus de moitié à celle estimée en
132852. À titre de comparaison, René Germain a chiffré pour trois châtellenies
bourbonnaises cette densité à 4,1 feux par km ² à la fin du XVe siècle, soit des valeurs
légèrement supérieures qui ne viennent que traduire spatialement la plus grande vitalité
démographique du Bourbonnais, pour des époques identiques. (Germain, 1987, p. 94). Il
faudra attendre la fin du XVe siècle pour que la récupération humaine soit totale. Ce
constat d’une récupération humaine encore très partielle au milieu du XVe siècle est
corroboré par deux documents portant sur deux échelles spatiales très différentes. En
1459, lorsque Damas de Saint-Symphorien, rend hommage au comte de Forez pour sa
seigneurie de Chamousset, sise dans les monts du Lyonnais, il cite 28 tenanciers. En 1337,
cette même seigneurie comptait 50 tenanciers53. Baisse sensiblement comparable à celle
enregistrée à l’échelle du comté. Au milieu du XVe siècle, un document précieux signale
que le nombre des feux par nom et surnom du païs de Fourez et de Roennois, des ressors dudit
Forez, cuilly selon les impostz par les esleuz dudit Fourez l’an mil IIII c LV, et y a environ XII m feux
(ADL, B 1839, f° 298 v°)54. Or, celui-ci pouvait être de l’ordre de 18 000 à 20 000 en 1280,
autour de 24 à 27 000 en 132855.
1.2.3.3. La restauration économique
69
Cette reprise démographique a pour corollaire une restauration économique. Là aussi, la
décennie 1450 marque un tournant. Multiforme, chaotique, évoluant au gré des crises et
des accalmies, celle-ci passe d’abord par une remise en culture des sols, dans un espace où
la quasi-totalité de la population vivant des fruits de la terre, l’économie est
essentiellement agraire. Cette récupération foncière, décelable à travers l’étude des actes
d’abénévis conservés, est maximale durant les années 1440-1460 (Colombet-Lasseigne,
2006, p. 286-288). Les terriers de ces années-là confirment, dans une large mesure, ces
constats. Ainsi, au milieu du XVe siècle, si les biens vacants existent encore, ils ne sont
plus que marginaux. Dans la seigneurie de Saint-Germain-Laval, par exemple, le terrier
rénové en 1460 signale encore 21 biens vacants, mais exclusivement composés de maisons
et surtout de places vacantes dans les fossés du château. À Saint-Marcellin aucune tenure
vacante n’est plus mentionnée, et seulement trois tenanciers, soit moins de 1,5 % des
répondants, citent des terres encore vacantes, certaines en confins et relevant d’autres
seigneurs (ADL, B 2066 ; ADL, B 2073 ; ADL, B2075 ; ADL, B2062) 56. Les autres seigneuries
présentent des caractéristiques similaires. Mais recul des vacants ne signifie pas
obligatoirement remise en culture des biens ou de tous les biens. Ainsi, alors que les
tenures ou les parcelles encore vacantes ont quasiment disparu des terriers, les mentions
de biens dits hermes (en friche) sont encore nombreuses au milieu du XV e siècle, et
concernent essentiellement des parcelles autrefois plantées de vignes, lesquelles
nécessitent une main-d’œuvre abondante, laquelle fait encore largement défaut.
Néanmoins, il est indéniable que, vers 1450, la réappropriation du terroir est déjà
largement entamée, voire même ponctuellement achevée et se traduit logiquement par
une hausse de la production. L’étude des fermes des dîmes céréalières montre, malgré les
lacunes de la documentation, que si en 1420, la reprise n’est que balbutiante, en 1470, elle
est globalement terminée. Le montant des fermes des dîmes a, en moyenne, été multiplié
par trois (Colombet-Lasseigne, 2006, p. 380). Entre les deux dates, le décrochage s’est
opéré, comme s’était effectué durant ces mêmes décennies le plus gros de la récupération
foncière et humaine. À cette hausse de la production répond une amélioration de la
situation économique. Quoique là encore l’apogée économique atteint dans le premier
50
tiers du XIVe siècle soit loin d’être retrouvé, quoique les échanges aient dans l’ensemble
encore bien du mal à reprendre (Fournial, 1967, p. 481), même si l’activité commerciale, à
Roanne en tout cas, semble repartir à partir du deuxième tiers du XVe siècle, quoique les
sources fussent souvent parcellaires, il est indéniable que les années 1450 voient le Forez
entrer dans l’ère de la reprise, plus ou moins manifeste et virulente selon les espaces.
L’étude des revenus de la châtellenie comtale de Saint-Galmier, pour laquelle nous
possédons des séries de compte à divers intervalles entre 1400 et 1460, montre ainsi un
net redressement de sa situation. Vers 1460, les revenus de cette châtellenie, hors
revenus des fermes muables pour lesquels les indications chiffrées sont absentes, sont
très supérieurs à ceux perçus durant les années 1403-1404 (+ 77,57 %). Il y a
indéniablement reprise économique. Ils sont même près de deux fois supérieurs à ceux
perçus dans les années 1434-1436, années marquées par des difficultés conjoncturelles
très importantes que signale d’ailleurs le prévôt. La reconstruction financière ne
commence donc sans doute guère avant le milieu du XVe siècle, mais est en revanche très
rapide. La réalisation de l’Armorial s’inscrit donc, au moins en ce qui concerne le Forez,
dans cette dynamique positive.
70
Cette reconstruction a pour pendant et manifestation concrète une remise en état des
infrastructures. L’élément le plus tangible de cette restauration matérielle est la
réparation et plus encore l’édification de maisons sur des plateas devenues vacantes,
comme à Saint-Germain-Laval, où au moins seize maisons sont signalées comme étant
reconstruites. Les bâtiments en ruine sont d’ailleurs trop singulièrement et
systématiquement absents des vignettes de l’Armorial pour ne pas être considérés comme
un élément probant de cet état de fait. Les instruments banaux, détruits ou tombant en
ruine, enregistrent eux aussi une évolution identique. Plus largement, tous les édifices
participent et bénéficient de ce mouvement de restauration. La visite pastorale de 1469,
ordonnée par Charles de Bourbon, archevêque de Lyon et conduite par Étienne de la
Chassaigne accompagné de plusieurs auxiliaires, présente des églises et des cures
reconstruites ou en cours de restauration, au moins en ce qui concerne le gros œuvre.
Même les croix participent de ce renouvellement général (AN, Ms latin, 5529).
71
À ce raffermissement de la situation économique répond une amélioration progressive du
sort des populations rurales. Au milieu du XVe siècle, un faisceau d’indices tend à montrer
que la pauvreté recule. Le nombre de mentions de justiciables en état de pauvreté dans
les registres d’assises de deux châtellenies foréziennes, Saint-Maurice-en-Roannais (ADL,
B 1170, B 1171, B 1172) et La Tour-en-Jarez (ADL, B 1189, B 1190), commence à décroître de
manière significative à partir des années 1435. Dans celle de Saint-Maurice-en-Roannais,
ils représentaient près de la moitié des condamnés vers 1400, mais seulement un tiers un
demi-siècle plus tard. Les remises de « compositions » (amendes), nombreuses au début
du XVe siècle, tendent elles à disparaître. À Saint-Galmier, les remises de compositions
ont porté sur près de 20 % des amendes prononcées durant les années 1403-1404 ; mais
aucune remise n’est signalée en 1434-1436, ni en 1458-1460.
72
L’état des églises paroissiales, déjà évoqué, en nette amélioration, est aussi un bon témoin
de la situation économique des populations. Il témoigne, en effet, « non seulement de la
ferveur de la population qui la fréquente, mais aussi des capacités matérielles de ceux qui
ont la charge de son entretien » (Guilbert, 1991).
73
C’est donc dans ce contexte, à l’interface de deux époques, que s’inscrit la réalisation de
l’Armorial. Néanmoins, si le contexte est indubitablement en mutation, si le Forez est
définitivement en passe de basculer dans l’après-crise, ce n’est pas un nouvel espace qui
51
est en train de prendre corps. C’est au contraire un Forez largement immuable que
dépeignent magnifiquement les vignettes de l’Armorial.
L’histoire du manuscrit de l’Armorial
(Emmanuel De Boos)
On sait peu de chose sur l’histoire du manuscrit de Guillaume Revel. Le document
lui-même n’apporte aucun élément exploitable, la reliure a été refaite au XVIIe siècle
et les éventuelles marques de propriété antérieures en ont alors été supprimées.
Les premiers possesseurs du manuscrit furent les ducs de Bourbon, successeurs de
Charles Ier ; il était alors conservé dans la librairie du château de Moulins, sous la
rubrique « Le livre d’armes des pays de Bourbonnois et d’Auvergne », lorsque Pierre
Anthoine, en présence du libraire ducal, le chanoine Mathieu Espinette, en a établi
un inventaire détaillé, le 19 septembre 15231. Pierre Anthoine, conseiller du roi en
son Grand conseil, avait été commis un mois auparavant, pour dresser cet inventaire
à la suite de la mise sous séquestre, de l’ensemble des biens du duc Charles III. Ce
séquestre avait poussé le duc et connétable à porter l’hommage de ses possessions à
Charles-Quint, déjà son suzerain pour les Dombes, ce qui rendit effective la
confiscation. Dès lors, les livres de la bibliothèque ducale connurent des fortunes
diverses : une partie resta au château de Moulins et nombre d’entre eux disparurent
lors de l’incendie qui détruisit aussi une partie des archives ducales à la fin du XVI e
siècle ; Louise de Savoie s’empara de certains autres ; la princesse de La Roche-surYon, sœur de Charles III, parvint, assez tard, à se faire aussi rendre quelques
ouvrages. Enfin, une partie encore fut dispersée : les volumes furent vendus ou volés
ou encore détruits au cours du XVIe siècle. On ignore à peu près tout du destin de
l’Armorial durant cette période. Une tradition, non vérifiée, veut qu’il ait appartenu
un temps à la bibliothèque de l’un des couvents de Clermont. Puis les copies qui ont
été faites du manuscrit au XVIIe siècle donnent une idée de sa localisation à cette
époque, mais nous livrent des informations contradictoires : en 1646, il n’était plus
dans la librairie du château de Moulins, puisqu’une des copies appartenant à Roger
de Gaignières précise qu’à cette date, l’Armorial se trouvait entre les mains de
Messieurs de Bt et de My (De Boos, 1998, p. 22). Il n’a pas été possible, malgré d’ardentes
recherches, d’identifier ces personnages aux noms trop abrégés. Un quart de siècle
plus tard, l’une des copies dues à Jean du Bouchet, historiographe du roi, précisait
qu’elle avait été tiré[e] sur l’original qui etoit a la Chambre des Comptes a Paris, l’an 1670...
II semble donc bien que le manuscrit avait déjà intégré à ce moment une
bibliothèque à caractère public et on peut même se demander s’il n’était pas
conservé là depuis le XVIe siècle, englobé dans la masse des archives du château de
Moulins, puis qu’une partie de celles-ci avait été déposée sous François I er, pour
examen, à la Chambre des Comptes de Paris.
Pourtant, Gaignières, qui avait fait exécuter plusieurs autres copies de l’armorial de
Guillaume Revel, ce qui prouvait l’intérêt que l’érudit portait à ce document, parvint
à acheter le manuscrit ; mais il ne nous a laissé aucune trace de sa transaction et la
date d’acquisition, et même le nom du précédent possesseur, sont inconnus. On peut
supposer que cet achat fut assez tardif, puisque l’ouvrage portait le numéro 2806 et
dernier du catalogue des manuscrits de sa bibliothèque. Ce fut lui qui fit exécuter la
reliure actuelle du manuscrit, orné sur le dos de son chiffre. Enfin, à la mort de Roger
de Gaignières, le manuscrit entra, avec l’ensemble de sa bibliothèque, à la
Bibliothèque Royale, noyau originel de l’actuelle Bibliothèque nationale de France.
52
Guillaume Revel, héraut d’armes
(Olivier Mattéoni)
De Guillaume Revel, l’histoire a retenu peu de choses. Les seuls renseignements que
l’on possède sur le personnage proviennent du prologue de son armorial2. Guillaume
Revel s’y intitule Auvergne et s’y présente comme humble et obeïssant herault de
Charles VII, qualifié de tres invincible et triumfant, auquel il dédie son recueil,
précisant que ce dernier a été composé à la demande du roi (Armorial, p. 1). Mais le
prologue indique aussi que Revel a été establi pour exercer le mestier d’armes par tres
noble et excellant prince, monseigneur Charles, duc de Bourbonnois et d’Auvergne, a memoire
et souvenance duquel et de la strenue promesse il a fait ce present abregé et accumulation
des dessus dictes armes. Si ces données peuvent paraître contradictoires3, il convient
d’admettre, dans le sillage d’Emmanuel de Boos, que Guillaume Revel a d’abord été
héraut d’armes de Charles Ier de Bourbon, en qui on doit voir le commanditaire de
l’ouvrage. À la mort de celui-ci, en 1456, le recueil n’était pas terminé. Guillaume
Revel l’aurait alors dédié à Charles VII, sans toutefois l’achever (De Boos, 1998, p. 22).
Confier la rédaction d’un tel ouvrage à un héraut d’armes n’a rien de surprenant. Dès
leur apparition au XIIe siècle, les hérauts ont été étroitement liés au monde de la
chevalerie et de la noblesse. Leur fonction était d’identifier les armoiries des
combattants sur les champs de bataille et lors des tournois. Présents dans
l’entourage des princes à partir du XIVe siècle, ils y sont attestés en nombre après
1400 (Paravicini, 2006, p. 467-490 ; Schnerb, 2006, p. 529-555). Il est vrai que leur
champ d’action s’est alors élargi à l’encadrement des cérémonies princières (entrées
royales, funérailles, baptêmes, joutes, pas d’armes), à l’activité diplomatique et aux
missions de messagerie. En temps de guerre, les hérauts d’armes étaient sollicités
pour porter les lettres de défi, protégés par l’immunité qu’on leur reconnaissait. Ils
avaient parfois en charge la proclamation des trêves et des paix, la délivrance des
sauf-conduits, la préparation des rencontres entre belligérants4.
Compte tenu de ces nombreuses responsabilités, on ne s’étonne guère du haut
niveau de culture atteint par certains d’entre eux. Que l’on songe à Jean Le Fèvre de
Saint-Rémy, héraut de Philippe Le Bon et de la Toison d’Or, qui a rédigé plusieurs
ouvrages, dont une Chronique et deux traités d’armoirie (Lefèvre, 1992a ; Chronique
de Jean Le Fèvre). Que l’on songe à Gilles le Bouvier, dit le héraut Berry, auteur d’un
armorial, d’un Livre de la description des pays et de Chroniques du roi Charles VII
(Courteault, 1979 ; De Boos, 1995), ou encore au héraut Bavière, historien lui aussi,
actif dans l’entourage des comtes de Hollande au début du XVe siècle (VerbijSchillings, 2006). À côté, Guillaume Revel ne fait aucunement pâle figure. La lecture
de son prologue révèle un homme cultivé, capable de citer des extraits d’œuvres ou
des maximes d’Ovide, Boèce, Sénèque, Cicéron. Les saintes Écritures, le livre du
prophète Isaïe, de même que le Digeste et les Authentiques ne sont pas méconnus de
lui, qui évoque par ailleurs le Roman d’Alexandre et le Livre des Proverbes. Une telle
richesse des citations est là pour servir une cause : le prologue se veut en partie une
réflexion sur le gouvernement du prince. Après avoir rappelé brièvement comment
il avait procédé pour dresser son armorial (j’ay fait depeindre toutes les villes, chasteaulx
et forteresses), Revel développe une série de remarques sur le roi, dont il dit qu’il a sur
tous aultres princes, pouvoir et preheminence. Le roi doit être, écrit-il, comme le ciel juste
et loyaulx sans avoir tristesse d’avarice, ne convoitise de pecunes, lesquelles sont à l’origine
de la destruction de pluseurs royaumes. Il doit mectre hors de [sa] noble personne toute
53
cruaulté et tyrannie. Alléguant un passage du deuxième livre de la Consolation de Boèce
(Si quidem avaricia semper odiosos, claros largitas facit5), Revel voit dans l’avarice, qui fait
l’omme haïr, la mère de tous les péchés. Dissertant ensuite sur les fleurs de lis d’or qui
ornent les armes du roi, Auvergne explique que l’or, entre tous les metaux, est tres noble
et vertueux. Il est revêtu de trois attributs, dont le bon prince doit estre garny : chaleur,
substance et resplendisseur. La chaleur, c’est d’abord l’amour de Dieu qui estably [t] les
empires et conferme les royaumes. Le prince doit estre preux et hardi en temps de guerre
pour deffendre ses subgiez et reluire de vertus, […] prudence et bonne vie afin de cultiver la
justice, fondement du bon gouvernement. Il lui incombe ensuite d’assurer la
substance, c’est-à-dire la subsistance de ses sujets. Revel écrit que le roi a pour
mission de se pourvoir de blés et vins en temps convenable affin que, s’il advient le temps de
famine et d’indigence, il puisse secourir a son peuple et subvenir aux cités et villes en temps.
Pour ce faire, il lui est recommandé d’avoir ses greniers et publier par son royaume les
grains et fromens. Enfin, à l’image de l’or qui, entre tous les aultres metaulx, est tres sourt
et ne fait gueres resonance, le roi ne doit gueres parler si n’est quant est necessité.
Invoquant le Regime des princes et l’Épître de saint Jacques6, Revel fait de l’écoute une
qualité royale. Il soutient toutefois qu’un sage roi ne doit pas se laisser bercer par les
hommes qui parlent plusieurs langues, car il y a là matière à confusion, et cause de
guerres et de divisions.
On le voit : le propos, en sa partie centrale, déborde largement la simple
présentation de l’Armorial. Il se veut plus ambitieux. Comment expliquer un tel parti
pris ? La fin du prologue semble livrer une clé d’interprétation. Guillaume Revel
insiste sur les similitudes qui existent entre les armes du duc Charles I er et celles de
Charles VII : par ce rapprochement, il entend faire participer les Bourbons de
l’honneur royal. La proximité des armes, expose-t-il, doit être source de paix entre
les deux lignages. Citant le Livre d’amytié de Cicéron (nichil turpius est quam bellum
gerere cum quo familiariter vixeris7), dont la traduction française a été commandée à
Laurent de Premierfait par l’aïeul de Charles de Bourbon, le duc Louis II8, il déclare :
laide chouse est princes si prouchains s’esmouvoir par diçencion et batailhes. Semblable
affirmation a une portée politique. Ne s’agit-il pas de fournir un récit qui gomme les
tensions ayant marqué les rapports entre Charles de Bourbon et Charles VII au temps
de la Praguerie, en 1440 ? Dans cette tentative, Revel défend que, si vengence et
obviacion le duc de Bourbon et ses nobles predeccesseurs ont perpétrées, ce fut contre
ceulx qui vouloient maculer et offendre le noble champt des fleur[s] de lis, à savoir les
anciens ennemys de ce royaume. Au total, Revel dessine des relations entre le duc et
Charles VII une image apaisée. Peut-être est-ce une façon pour lui de mieux se faire
apprécier du roi dont il attend alors quelques faveurs. Il n’empêche : cette image est
le reflet d’une conception politique, celle d’une royauté où les parents du roi avec
leur noblesse ont toute leur place dans le gouvernement du royaume. Or l’Armorial,
en identifiant nobles et vassaux du duc de Bourbon, en décrivant leurs armes et en
rappelant leurs « cris », contribue à les distinguer et à les situer dans l’ordre
hiérarchique de la société. Il œuvre à l’exaltation de leur honneur qui ne vaut que
par le prince auquel ils sont liés et dévoués9. C’est aussi à cette lecture qu’invite
l’ouvrage de Guillaume Revel.
La copie de l’Armorial de Guillaume Revel à la Société de la Diana de
Montbrison
54
(Emmanuel De Boos, Pierre-Yves Laffont)
L’armorial de Guillaume Revel n’a fait l’objet d’aucune copie ancienne et les hérauts
et héraldistes ne l’ont pas utilisé avant le XVIIe siècle. On peut donc penser que le
manuscrit resta en sommeil pendant plus d’un siècle. À partir du milieu du XVII e
siècle apparaissent quelques copies, toutes fragmentaires, et les érudits,
principalement locaux, commencent à exploiter le document, d’abord au point de
vue héraldique et généalogique, puis, surtout depuis le milieu du XIXe siècle, sur le
plan archéologique.
Parmi ces copies, une intéresse plus particulièrement le Forez, il s’agit d’un
manuscrit conservé (non coté)10 à Montbrison, à la bibliothèque de la Société de la
Diana et intitulée sur le dos du volume « Guillaume Revel – Armorial du Forez ».
Cette copie fut commandée en 1865 au peintre et photographe stéphanois François
Chéri-Rousseau par le duc de Persigny, qui en fit don à la Société de la Diana, dont il
était l’un des fondateurs. Il s’agit d’un luxueux volume manuscrit, relié en maroquin
noir, orné sur les deux plats de l’ex-libris de la Diana frappé à l’or et entouré d’un
décor assez lourd. Contrairement à l’original, les tranches ne sont pas dorées. La
copie s’est rapprochée le plus possible du manuscrit original ; pourtant, les pages ne
sont reproduites que sur le seul recto des feuillets et non recto-verso.
Le peintre Chéri-Rousseau, qui a achevé son travail en 1866-1867, a utilisé des feuilles
de parchemin qui lui permettaient de rendre au mieux l’aspect du manuscrit ; ces
feuillets sont plus réguliers que dans l’original, en format comme en finesse et
blancheur. Les dessins ont visiblement été calqués sur le manuscrit même. Pour
preuve, on remarque, p. 44711, l’omission de toute la partie gauche de la vue, coupée
bien droit et correspondant certainement au bord de la feuille de calque taillée un
peu court, et surtout, p. 494, l’inversion complète de la page : dans l’original celle-ci
n’est pas titrée et lors de la mise au propre, manquant de repères pour resituer sa
composition, le copiste a placé son calque à l’envers.
L’usage du calque a permis la réalisation d’une copie relativement fidèle à l’original.
On constate toutefois quelques erreurs de mise en page par rapport au manuscrit
original : ainsi Cervières et Saint-Germain-Laval qui occupent respectivement les
p. 439 et 440 du manuscrit de la BNF ont été intervertis et occupent les p. 440 et 439
du manuscrit de la Diana. De même, la p. 464 n’est pas à sa place et se trouve entre
les p. 466 et 471. Toutes les pages blanches ou seulement occupées par des formes
d’écus vides ont été supprimées (fig. 15, 16). On remarque également quelques
omissions (formes d’écus vides, archères sur certains remparts, petit pont de
planches...) ou quelques erreurs (comme une meurtrière devenue porte sur une des
tours de l’enceinte du castrum de Bellegarde...) (fig. 17, 18). Par ailleurs, certains
titres ont été mal lus et transformés (Néronde p. 466 est devenu Nervieux dans le
manuscrit de la Diana, de même Marols p. 473 est devenu Marcoux et Villerest p. 479
est devenu Villard). Enfin, les dernières pages du manuscrit, composées de feuillets
d’album collés sur les parchemins, sont ici reproduites sans signaler la différence de
matière. François Chéri-Rousseau a même embelli les dessins assez grossiers de cette
partie pour les rendre plus conformes à l’ensemble. C’est là le plus grave défaut de
cette copie, qui dans son ensemble est bonne ; bien que limitée au seul Forez, elle est
sans conteste celle qui rend le mieux compte de l’aspect comme du contenu de
l’original.
55
Fig. 15 - Le château de Montsupt sur le manuscrit original de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr.
22297, p. 466).
Fig. 16 - Le château de Montsupt sur la copie de l’Armorial de Guillaume Revel conservée à la Société
de la Diana à Montbrison.
56
Fig. 17 - L’abbaye de Valbenoîte sur la copie de l’Armorial de Guillaume Revel conservée à la Société de
la Diana à Montbrison.
Fig. 18 - L’abbaye de Valbenoîte sur le manuscrit original de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr.
22297, p. 488).
57
NOTES
1. Anciennement Fonds Gaignières 28060. Le manuscrit de l’Armorial de Guillaume Revel, au
centre de cet ouvrage, sera désormais désigné simplement par le mot : Armorial, suivi des pages
concernées.
2. Soit 506 pages de 35 x 28,5 cm.
3. Voir Armorial, p. 117-118, 213-214…
4. La formation des cahiers n’est pas toujours facile à discerner ; au début du volume, des feuillets
ajoutés viennent embrouiller l’observation et leur comptage fiable ne pourrait être fait que par le
démontage du volume. Voici la disposition de ces cahiers, telle qu’on a pu l’observer, avec entre
parenthèse, le nombre de feuillets : page 0 (1 feuillet ajouté) ; 1-2 ; 3-4 ; 5-20 (8 ; cahier remargé) ;
21-32 (cahier composite) ; 33-34, joint au suivant 35-54 (10 + 1) ; 55-70 (8) ; 71-94 (12) ; 95-114 (10) ;
115-130 (8) ; 131-150 (10) ; 151-166 (8) ; 167-186 (10) ; 187-202 (8) ; 203-222 (10) ; 223-238 (8) ;
239-258 (10) ; 259-274 (8) ; 275-294 (10) ; 295-314 (10) ; 315-326 (6) ; 327-342 (8) ; 343-358 (8) ;
359-362 (2) ; 363-378 (8) ; 379-394 (8) ; 395-414 (10) ; 415-434 (10) ; 435-450 (8) ; 451-466 (8) ;
467-490 (12) ; 491-500 (4 + 1 feuillet collé) ; 501-504 (2) ; 505-506, feuillet de garde, ajouté au
dernier cahier. On compte, en outre, vingt-une pages blanches : il s’agit des pages 4, 5, 9, 10, 12,
14, 16, 18, 20, 347, 348, 357, 359-361, 436, 486, 496, 497, 505, 506.
5. On notera que la page intitulée « le conté de Fourestz » (Armorial, p. 434) se trouve à la fin du
dernier cahier consacré au Bourbonnais : les armoiries de cette page appartiennent à des
personnages qui ne pouvaient trouver facilement place dans la suite de ce chapitre forézien. Il
s’agit par conséquent d’un complément qui joue un rôle de soupape.
6. À l’intérieur de cette partie, les possessions royales ont été placées au début (p. 27-32).
7. Justification : 22 x 40 cm. La page 1 ne compte que 44 lignes.
8. C’est-à-dire de son indomptable prouesse ; l’adjectif strenueux , d’un emploi rare, signifiait
brave, vaillant, habile.
9. Un grand chapitre est destiné, à travers cette explication symbolique, à maudire l’avarice et à
exalter ainsi la générosité du monarque. L’allusion y manque un peu de finesse...
10. Ne s’engage point à…
11. Ni d’avoir…
12. Souvenir.
13. Je suis assez tenté d’y voir un ajout tardif ; les chiffres correspondant aux paginations
d’origine paraissent, en effet, plutôt d’époque moderne.
14. Un moulage de ce très beau tombeau est exposé à Paris au musée des Monuments Français.
15. Deux dans le seul cas de Bourbon-l’Archambault (Armorial, p. 366 et 367).
16. À Renaud II de Murat (De Boos, 1998, n° 390).
17. À André de Chauvigny (De Boos, 1998, n° 49).
18. Il ne semble pas en effet, que Varennes (Armorial, p. 374), Charroux (Armorial, p. 376), Escolle
(Armorial, p. 379) et Chevagnes (Armorial, p. 385) aient jamais été sièges de châtellenie.
19. Voir (Armorial, p. 349), l’abréviation indiquant le son « ur ». À ce propos, on renvoie à
Fournier, 1973a, p. 29-30.
20. Pour 61 pages, soit 89 % d’entre elles.
21. Pour 342 pages, soit 13,4 % d’entre elles.
22. En effet, bien qu’actuellement situés dans le département de l’Allier, Saint-Pourçain
(Armorial, p. 27) et Ébreuil (Armorial, p. 118) faisaient partie au Moyen Âge de l’Auvergne.
58
23. Il n’a été possible de donner une identification, qui n’est souvent qu’une approche imprécise,
que pour 48 d’entre eux...
24. Auxquelles il convient d’ajouter 34 bannières et les vêtements armoriés des 12 personnages
de la généalogie des ducs de Bourbon.
25. Même si un ou deux écus ecclésiastiques ont pu être, par erreur, timbrés d’un heaume.
26. Sur la fonction et la production des hérauts d’armes, cf. : Von Berchem, 1972 ; Wagner, 1956 ;
Adam-Even, 1957 ; Pastoureau, 1979, p. 61-62. Le récent colloque organisé par l’université Charles
de Gaulle-Lille III donne sur le statut et le travail des hérauts d’armes une vision renouvelée (cf.
Schnerb, 2006).
27. L’archétype de ces rôles occasionnels est probablement le rôle d’armes Bigot, composé à
l’occasion de la campagne menée par Charles, comte d’Anjou, en Hainaut, au printemps 1254
(Adam-Even, 1949 ; Nussard, 1985).
28. L’armorial d’Urfé (Paris, BNF, fr. 32753) est très représentatif de ces armoriaux généraux : il
recense de très nombreuses armoiries, mais compte beaucoup d’erreurs ; connu seulement par
des copies, échelonnées du XVe au XVIII e siècle, il est difficile à dater. L’armorial Bergshamtnar
(Archives d’État de Suède, non coté), principalement composé de copies des armoriaux Gelre et
Lyncenich, avec des ajouts de provenance inconnue, est un document du même type.
29. Par exemple, la visitation héraldique du Pays de Caux (vers 1415, alors que la Normandie était
soumise à l’occupation anglaise), dont la minute est conservée à Londres, College of Arms, ms 19
(cf. Fécamp, 2002).
30. Ce grade était inférieur à celui de héraut ; ce dernier était lui-même un grade inférieur à celui
de roi d’armes. Mais ces distinctions n’avaient pas le caractère rigide et administratif qui
caractérise aujourd’hui nos grades militaires.
31. Pour de plus amples détails sur la place des miniatures architecturales de l’Armorial dans
l’histoire de la représentation des espaces et des paysages et dans le développement du concept
de paysage topographique en Europe occidentale au XVe siècle, cf. De Boos, 1998, p. 58-65.
32. Cf. une riche bibliographie sur le sujet dans Schnerb, 2006 et plus particulièrement dans
Paravicini, 2006.
33. Cf. Pastoureau (M.), Les armoiries, Turnhout, Brepols, 1976, p. 43-44 et idem, « L’héraldique au
service de la codicologie », dans Codicologia, fasc. 4, Leiden, 1978, p. 68-78.
34. Paris, chez A. Dezallier, 1708, 2 vol.
35. BMU Clermont-Ferrand, ms 556.
36. Pour une présentation détaillée de l’historique du comté de Forez on pourra se reporter à
Dufour, 1946, p. XVIII-XXVI.
37. Voir la liste des fiefs de Jean Ier (1278-1333) et leur localisation dans Faure, 1997, p. 25-78.
38. Le comte est présent à la chevauchée d’Aiguilhon, menée par le duc de Normandie (De la
Mure, 1860-1897, preuve n° 98ter). Il reçoit de Philippe VI 140 livres pour ses gages dans cette
guerre (De la Mure, 1860-1897, t. I, p. 402, note 1). Voir aussi Viallard, 1987, p. 203-215.
39. Pour une présentation plus détaillée du rattachement du comté de Forez au duché de
Bourbon, voir Colombet-Lasseigne, 2001, p. 27-33.
40. Un exemple parmi d’autres, témoignant de la présence régulière du duc de Bourbon en
Forez : aveu reçu le 6 novembre 1387 à Montbrison (AN, P 14022, n° 1318).
41. ADL, B supp., 2, années 1411-1428 : comptes tenus pour la duchesse de Bourbon (actes
concernant les périodes d’administration d’Anne-Dauphine puis de Marie de Berry). AN P14011, n
° 1051 ; AN, P 14001, n° 904 ; AN, P 13782, n° 3067 ; AN, P13592, n° 739... : quelques actes parmi les
plus significatifs de l’administration personnelle du comté de Forez par Anne Dauphine, datés du
Forez.
42. Mentionnée dans le terrier Brunelli de Saint-Bonnet-le-Château.
43. Voir les terriers renouvelés sous la période ducale où le duc est stipulé absent.
44. Voir aussi Charbonnier, 1992, pour l’Auvergne.
59
45. Exemples dans Bnf, ms latin, 10034.
46. Dans le Cambrésis, pourtant fort éloigné du Forez, en Lyonnais aussi, ont été mises en
évidence des périodicités fort comparables (Neveux, 1968 ; Leroy-Ladurie, 2002, p. 34).
47. Pour une présentation détaillée des événements, se reporter à Colombet-Lasseigne, 2006, p.
99 sq.
48. Seule la raréfaction des sources pour les années postérieures nous empêche de poursuivre
cette sombre énumération.
49. Dans une déposition, un sergent raconte qu’en septembre 1439, allant d’Essumain à Trémas, il
porta deux ou trois enfants qui décédèrent. Il est tout à fait symptomatique de noter
l’imprécision quant au nombre d’enfants morts (cité par Fournial, 1967, p. 468).
50. En 1419, E. de La Grange, chancelier de Forez, s’absente de Montbrison entre le 7 et le 29
septembre propter mortalitatem (cité par Fournial, 1967, p. 466). En octobre 1440, É. Podii ,
bourgeois de Saint-Haon-le-Châtel teste, atteint de la peste, après avoir pourtant quitté la ville où
l’épidémie sévissait, pour se réfugier in loco campestri, videlicet in domo grangie (sic) (ADL, B 1896, f°
161).
51. Pour une analyse approfondie de l’évolution économique en Forez aux XIV e-XVe siècles, se
reporter à Colombet-Lasseigne, 2006, p. 190-227.
52. En 1328, nous avons estimé la densité forézienne à approximativement 7,1 feux par km²,
densité assez élevée, comparable à celle calculée par Pierre Charbonnier pour l’Auvergne
occidentale au même moment (7,63 feux) mais légèrement supérieure à celle d’autres régions du
Massif central, au relief peut-être plus contraignant, ou à celle du Dauphiné (Colombet-Lasseigne,
2006, p. 87).
53. Fournial, 1967, p. 346, cite un autre exemple dont le résultat est concordant : acquise en juin
1260 par Simon du Fesc, la seigneurie de Goincet sur Poncins comprend alors 25 tenanciers. En
1451, cette même seigneurie compte 13 justiciables (Archives de la Diana, 1 F 42, 185, n° 1, p. 3-14
et 34-39).
54. Mentionné par Luillier, 1860, p. 662. « Cette enquête a probablement été faite pour la levée
d’un fouage décidé par les Trois États. Le 12 mars 1455 des lettres du duc de Bourbon furent
délivrées à Villefranche pour imposer le don de 1 200 écus faits par les États de Dombes »
(Fournial, Gutton, 1987, article n° 52).
55. D’après nos calculs, effectués à partir des indications fournies par Ferdinand Lot dans « L'état
des paroisses et des feux de 1328 », Bibliothèque de l'École des chartes, t. 90, 1929, p. 51-107.
56. Classé de manière erronée dans la châtellenie de Saint-Bonnet-le-Château.
NOTES DE FIN
1. Cet inventaire est conservé à la Bnf (Dupuy, 488, f° 210-219 v°). Cf. De Boos, 1998, p. 22.
2. Le prologue est édité dans De Boos 1998, p. 76-78 (t. 2 : Atlas et planches).
3. On souffre ici de l’absence de comptes de l’Hôtel de Charles I er et de son trésorier général pour
nous renseigner sur le service de Revel dans la maison de Bourbon. Les riches archives
bourguignonnes livrent l’identité de quelques hérauts d’armes bourbonnais attestés à l’occasion
de visites et de déplacements auprès du duc de Bourgogne, mais elles ne mentionnent pas
Guillaume Revel. Dans les années 1438-1444, deux de ces hérauts ont pour nom « Clermont » et
« Valois » (Arch. dép. Nord, B 1963, f° 179 v° ; B 1966, f° 222 ; B1969, f° 267 ; B 1975, f° 121 ; B 1978,
60
fi 212 v° et 221). Renseignements et références dus à G. -X. Blary, auteur de Une figure de l’autorité.
L’office d’armes à la cour de Bourgogne (1404-1467), mémoire de master 2, université Charles-deGaulle-Lille 3, 2006, que je remercie infiniment.
4. Pour une bonne présentation des prérogatives du héraut d’armes, se reporter aux travaux de
G. Melville, notamment « “Un bel office”. Zum Heroldswesen in der spätmittelalterlichen Welt
des Adels, der Höfe und der Fürsten », dans P. Moraw (dir.), Deutscher Königshof, Hoftag und
Reichstag im späteren Mittelalter (12. -15. Jahrundert), Stuttgart, 2002, p. 291-321 et « Der Brief des
Wappenkönigs Calabre. Sieben Auskünfte über Amt, Aufgaben und Selbstverständnis
spätmittelalterlicher Herolde (mit Édition des Textes) », Majestas, 3, 1995, p. 69-116. Voir aussi le
numéro spécial de la Revue du Nord (Schnerb B., dir., Le héraut, figure européenne (XIV e -XVe siècles),
Villeneuve-d’Ascq, université Charles-de-Gaulle-Lille 3, 2006), en particulier les articles de W.
Paravicini (Paravicini, 2006, avec une bibliographie complète), de G. Melville (Melville, 2006), de
T. Hiltmann (Hiltmann, 2006), de B. Schnerb (Schnerb, 2006), de A. -B. Spitzbarth (Spitzbarth,
2006).
5. Boèce, De consolatione philosophiæ, Lib. II, V, 4.
6. Dit que l’omme doit estre tres prompt d’entendre et tres tardif a parler (Épître de saint Jacques, 1, 19).
7. Cicéron, De amicitia , XXI, 77. On ne peut exclure que Revel emprunte cette phrase, non
directement au De amicitia, mais aux Sentences de Publilius Syrus, florilégiste contemporain de
Cicéron. On conserve de ce dernier un recueil de sentences connu au Moyen Âge. Or, la sentence
129 est justement : Turpius nihil est quam cum eo bellum gerere, cum quo familiariter vixeris
(information fournie par Stéphane Gioanni, à qui j’adresse mes vifs remerciements).
8. Commencée au plus tard en 1410 à la demande de Louis II de Bourbon, la traduction du De
amicitia est achevée le
9. Guillaume Revel est parfaitement conscient de son rôle lorsqu’il écrit : Si ay par vostre
commandement fait ung petit abregé d’armes tymberisees avec leurs cris et noms d’aulcuns nobles, tant
d’eglize que de seculiers, des duchiés et pays d’Auvergne et de Bourbonnoiz, conté de Fourestz, France,
Bourgogne et aultres pays comme chouse tres afferant a mon office d’augmenter a garder et exaltere
l’antiquité et honneur de leurs noblesses par usaige et exercice du mestier d’armes... (Armorial, p. 1). Ce
passage confirme que le prologue a bien été rédigé après la mort de Charles I er de Bourbon. La
mention de la France et de la Bourgogne – ce qui peut surprendre pour cette dernière –
s’explique par la dédicace à Charles VII.
10. Un fac-similé photographique de celui-ci, réalisé en 1990, est consultable à la bibliothèque de
la Diana à la cote : « vitrine 20, rayon 5 ».
11. Le manuscrit de la Société de la Diana reprend la pagination du manuscrit original de la Bnf.
61
Chapitre 2. Noblesse et héraldique
foréziennes
Emmanuel De Boos
2.1. La noblesse forézienne au milieu du XVe siècle au
miroir de l'Armorial
1
L’état d’inachèvement que l’on a pu noter au cours de l’examen matériel de l’Armorial
apparaît tout aussi nettement dans l’étude du contenu effectif du document. Pourtant, tel
qu’il nous est parvenu, il présente encore un vif intérêt, en raison des informations que
cet armorial apporte au chercheur contemporain, qu’il lui serait difficile de trouver
ailleurs. Si, donc, l’inachèvement de l’Armorial ne rend pas possible certaines
observations1 et s’il est susceptible d’en fausser d’autres2, il serait pourtant regrettable de
se priver des renseignements originaux qu’une étude prudente pourrait retirer de ce
manuscrit unique. Il offre ainsi une liste de la noblesse forézienne au milieu du XVe siècle,
qui n’est pas une réunion artificielle et a posteriori mais contemporaine des individus
qu’elle cite ; il permet d’autre part une étude héraldique de ce comté qu’aucun autre
document ne permettrait d’envisager avec cette précision. L’étude qui suit porte
essentiellement sur le chapitre de l’Armorial consacré au Forez, mais on a tenu à ne pas le
couper trop de l’ensemble dont il est tiré, et ceci d’autant moins qu’il est possible de faire
grâce à cela d’utiles comparaisons avec les duchés voisins, placés comme le Forez sous la
suzeraineté du duc de Bourbon3. De même, lorsque cela est possible, il est fait référence
au royaume de France ou au reste de la chrétienté d’Occident.
2
L’armorial de Guillaume Revel, bien que lacunaire, offre un bon état de la société
aristocratique dans les états gouvernés par le duc Charles Ier de Bourbon4 ; il s’agit là, en
effet, d’une liste faite sur le vif, à l’époque où vivaient les personnages qui y sont cités. En
cela, l’Armorial s’apparente aux montres et, pour le Forez, on peut le rapprocher de la
liste des nobles qui, un siècle auparavant, avaient pris part aux ligues nobiliaires formées
peu après la mort du roi Philippe IV le Bel5. Afin de tenter de faire un bilan social des
personnages recensés dans l’Armorial, ceux-ci ont été classés en cinq catégories : la haute
62
noblesse, la noblesse chevaleresque, la moyenne noblesse, la petite noblesse et enfin, la
bourgeoisie. Inévitablement, certains des choix réalisés ont été subjectifs, mais les
critères de classification ont été les suivants : pour la noblesse chevaleresque, le renom
ancien de la famille, la possession de plusieurs fiefs dont au moins un doté d’un château
important et enfin des alliances en rapport avec l’illustration de la famille. De même, on a
considéré qu’appartenaient à la moyenne noblesse les personnages qui possédaient un
petit château ou une maison forte6 et un ou plusieurs fiefs permettant de l’entretenir en
bon état. Quant à la bourgeoisie, elle comprend de petits officiers ducaux, juristes ou
percepteurs, ou des urbains, exerçant souvent des professions commerciales ou
financières ; il faut noter pourtant que la plupart des bourgeois dont Guillaume cite les
armes étaient qualifiés nobles, soit qu’ils eussent été anoblis, soit – et c’est le cas le plus
fréquent – qu’ils possédassent un ou plusieurs fiefs nobles. Il est important de préciser
que ce classement ne vaut qu’à l’intérieur du document étudié et à l’échelon ducal ; si on
voulait le transposer à celui du royaume, bien des personnages dont il est l’objet
descendraient dans la catégorie inférieure.
3
Les grands feudataires sont peu nombreux dans l’armorial, et la partie consacrée au Forez
n’en compte même aucun, puisque même le seigneur de Couzan, Eustache de Lévis (n° 769
7
), principal baron du comté, ne peut être classé ainsi. La noblesse chevaleresque n’est
guère représentée que par sept personnages, Eustache de Lévis, qui apparaît une fois pour
lui-même et une fois pour ses seigneuries dépendant de Couzan (n° 769 et n° 837) 8 ;
Armand de La Roue (n° 770), dont les biens montagnards étaient localisés tant en Forez
qu’en Auvergne ; Louis de Saint-Priest (n° 772) ; Artaud de Saint-Germain (n° 773) ;
Guillaume d’Albon (n° 782), appartenant à une branche de la famille des anciens dauphins
de Viennois possessionnée depuis plusieurs siècles en Forez ; Jean Le Paillard d’Urfé (n
° 790), dont tous les biens, fort importants, étaient situés hors du comté ; et enfin, son
frère (ou demi-frère ?) aîné, Pierre d’Urfé (n° 795). Ces quelques personnages sont à la fois
plus riches et moins nombreux qu’au début du XIVe siècle, à l’époque des ligues
nobiliaires ; c’est que tous ont recueilli au moins un héritage important provenant de
l’extinction d’une lignée d’un rang égal ou supérieur à la leur. Désormais, à moins d’avoir
la certitude de pouvoir mettre la main sur une riche succession forézienne, les membres
de ces familles recherchent leurs alliances en dehors du comté, en Auvergne ou en
Dauphiné. On peut noter que seuls les Lévis et les Urfé parviendront à se perpétuer au
siècle suivant, les autres connaissant l’extinction ou la ruine. Ils ne dédaignent pas
l’exercice de charges ducales importantes : Louis de Saint-Priest est premier chambellan
du duc de Bourbon et Artaud de Saint-Germain, bailli de Forez et châtelain de
Montbrison. Les Urfé accèdent, eux, aux charges royales : ainsi, Jean Le Paillard est bailli
royal du Velay, mais son frère aîné fait une bien plus belle carrière, puisque, déjà
conseiller et chambellan du roi, il reçoit une des plus belles sénéchaussées de France,
celle de Beaucaire et de Nîmes et devient Grand écuyer de France.
4
Les personnages appartenant à la moyenne noblesse sont mieux représentés, puisqu’on
en compte 29 ; presque tous ceux qu’on s’attendrait à trouver dans une telle liste y sont
cités et c’est là la catégorie la mieux traitée par le héraut. C’était aussi la plus facile à
réaliser. Un certain nombre de ces nobles possédaient des charges ducales : chambellan
du duc (Jacques du Vernet, n° 815), maîtres des Eaux et Forêts du comté (Antoine
d’Angirieu, n° 818 ; Bertrand de Bouthéon, n° 827), capitaines-châtelains (Jean de Lavieu,
n° 774 ; Louis de La Bastie, n° 826 ; Bertrand de Bouthéon, n° 827), ou officiers militaires
(comme Jean Raybe, n° 796, qui participa à presque toutes les opérations militaires où
63
s’impliqua le duc de Bourbon) ; d’autres étaient dotés de bénéfices ecclésiastiques (Jean de
Serrières, abbé de Valbenoîte, n° 820 ; Briant de Saint-Priest, prieur d’Estivareilles, n
° 768 ; N. de Vitry de Lalière, prieur de Gumières, n° 785 ; Giraud de Thélis, prieur de
Randans, n° 812). Ces offices les mettaient en contact régulier avec la cour ducale où le
héraut a ainsi pu voir leurs sceaux ou les rencontrer. La plupart des autres appartenaient
à des familles déjà anciennes, qui se trouvaient autrefois dans la vassalité directe des
comtes de Forez et les ancêtres d’une quinzaine d’entre eux9 avaient pris part aux ligues
nobiliaires de 1314-1315. Certains de ces lignages, tels les Lavieu (n° 774, n° 823), les Raybe
(n° 796) ou les Rochebaron (n° 829), connaissaient d’ailleurs à cette époque une situation
plus enviable qu’au milieu du XVe et se trouvaient alors en parité avec les lignages de
notre catégorie supérieure. Des politiques matrimoniales moins heureuses, les frais
occasionnés par les guerres franco-anglaises, l’érosion monétaire, les partages
successoraux, avaient mis à mal des fortunes pourtant établies. À l’inverse, quelques
familles se trouvaient en cours d’élévation, comme les Talaru (n° 775), qui venaient de
recueillir l’héritage des Marcilly de Chalmazel10, les La Merlée (n° 789), les Augerolles (n
° 834) ou, surtout, les Filhet (n° 836), qui, encore bourgeois parvenus en 1314 et
représentés aux ligues nobiliaires par un vieillard récemment adoubé11, s’élèvent, grâce à
une alliance avec la sœur du cardinal de La Grange et une habile stratégie d’acquisition de
terres, jusqu’à la prospérité au cours du XVIe siècle. Quant aux autres familles, elles se
contentaient souvent de se maintenir sans gloire à leur rang, voire de végéter, et ce n’est
qu’au siècle suivant que se décidera leur fortune ou leur décrépitude.
5
La moyenne noblesse forézienne, malgré la désaffection croissante et générale pour la
chevalerie, ne dédaignait pas entièrement de se faire adouber : parmi les 26 laïcs qu’elle
compte ici, 12 sont dits chevaliers, même si la cérémonie était souvent tardive, comme
pour Bertrand de Bouthéon (n° 827), officier ducal12 né avec le siècle et adoubé en 1457.
Pour les autres personnages, on remarque l’abandon progressif de la qualification de
donzeau / damoiseau (7 cas), générale au siècle précédent pour les non-chevaliers, au
profit de celle d’écuyer (7 cas), jugée plus reluisante, puisqu’elle permettait de sousentendre un début d’accession à la chevalerie. Enfin, on peut noter dans cette moyenne
noblesse une relative abondance d’éléments extérieurs au comté : certains étaient
installés en Forez depuis longtemps, comme les Montagny (n° 779) ou les Thélis (n° 812),
mais d’autres étaient des immigrés de plus fraîche date, comme l’abbé de Valbenoîte, Jean
de Serrières (n° 820), les Vitry de Lalière (n° 785) ou Guichard Poudras de Rochefort (n
° 801).
6
Le chapitre forézien de l’Armorial ne compte guère que 20 personnages appartenant à la
petite noblesse, représentant un pourcentage de 31,2 %. C’est là un chiffre très inférieur à
celui de la petite noblesse auvergnate, 47,2 %, et surtout bourbonnaise, 52 %. Guillaume
Revel n’a probablement pas eu le temps ou la possibilité, ici, de pousser suffisamment son
enquête pour atteindre cette couche de la population noble moins facilement accessible
que la moyenne noblesse et la noblesse chevaleresque, alors qu’en ce qui concerne ces
deux dernières catégories13 il semblait avoir en revanche presque terminé son travail. On
ne voit qu’un seul petit noble exercer une charge administrative, celle de capitaine-jugechâtelain de Sury-le-Comtal, détenue par Louis de La Bastie (n° 826) ; il est aussi, avec
Ploton du Vernet (n° 781 et 828), l’un des deux seuls chevaliers. Pour les 16 autres laïcs,
on ne trouve que quatre fois la qualification d’écuyer, alors que huit sont encore dits
donzeaux, deux personnages ne sont pas qualifiés ; enfin, trois autres n’ont pu être
suffisamment identifiés et leur état reste inconnu. Certains de ces personnages
64
appartenaient à des lignages anciens, comme Jean de Lavieu (n° 822), Ploton du Vernet (n
° 781 et 828), Artaud de Saint-Maurice (n° 830), Bérault et Louis de La Bastie (n° 777 et
826), Guichard de Salamar (n° 807) ou Garin Letous (n° 786) et les ancêtres de ces derniers
avaient été signataires des ligues nobiliaires. Il convient pourtant de préciser que Jean de
Lavieu et Guichard de Salamar sont les représentants de branches défavorisées de
familles appartenant plutôt à la moyenne noblesse et que Ploton du Vernet est cité ici du
vivant de son père Jacques (n° 815). Les autres sont de noblesse plus récente, ne
remontant guère avant le début du XIVe siècle, et ne parviendront jamais à sortir du rang,
à l’exception de François de Bonnevie (n° 831) dont la famille existe encore. Tous ces
lignages, anciens ou récents, disparaîtront avant le début du XVIIe siècle, par simple
extinction, ou par dérogeance, comme dans le cas des Vernoil (n° 804).
7
La bourgeoisie n’avait pas vraiment droit de cité dans l’Armorial. Dans son introduction,
le héraut n’en faisait nulle mention et il embrassait sans doute le préjugé d’un certain
nombre de ses confrères qui, pour rehausser le lustre de leur profession, désiraient voir
réserver l’usage des armoiries à la seule noblesse, ce qui n’a jamais correspondu aux
coutumes plus libérales en usage en France14. Aussi, les cinq personnages foréziens de ce
groupe restreint se trouvaient-ils en marge de la noblesse comme de la bourgeoisie :
Humbert de La Bessée (n° 798), échevin de Villefranche, en Beaujolais, était écuyer et Jean
de Flachat (n° 806), fils d’un notaire royal de Riverie, damoiseau. Les trois laïcs
possédaient aussi de modestes fiefs. En revanche, les deux religieux étaient pourvus de
deux des plus beaux bénéfices du comté : Jacques Robertet (n° 825), originaire de
Montbrison, était prieur de Saint-Rambert et Hugues Tavernier (n° 835), d’une famille de
Saint-Haon-le-Châtel, était abbé de La Bénisson-Dieu. Il est vrai que tous deux
appartenaient à de riches familles. On peut noter que deux des cinq familles citées ici, les
Du Chevalard et les La Bessée, faisaient partie de la bourgeoisie de Saint-Étienne et, qu’en
dehors de la citation de son seigneur, Jean Durgel de Saint-Priest (n° 821), c’est là l’unique
mention dans l’armorial de l’actuelle préfecture de la Loire.
2.2. L’héraldique forézienne de l’Armorial
8
Les remarques qui viennent d’être faites sur le statut social de la noblesse du Forez
peuvent être utilement complétées par d’autres sur les armoiries, puisque c’était là l’objet
même du travail du héraut. Sur le plan strictement héraldique, son ouvrage présente
d’ailleurs des caractéristiques qui le distinguent nettement des autres armoriaux de la
même époque, comme l’armorial de Gilles Le Bouvier ou l’armorial Bergshammar. Il est
consacré à un territoire géographique restreint et strictement défini ; il tente d’être
exhaustif dans sa matière ; il précise le prénom des personnages qu’il cite, avec les
brisures de leurs armes et les cimiers qui les accompagnent. Ce n’est que rarement le cas
des armoriaux contemporains lesquels sont le plus souvent des armoriaux généraux qui
ne fournissent que le seul nom de la famille et les armes sans brisures ni cimiers. La
bonne qualité du travail de Guillaume Revel permet de l’utiliser pour des études
d’héraldique comparée ; cette discipline encore nouvelle offre à l’historien de riches
possibilités en permettant l’étude des phénomènes de mode et de goût. Elle s’appuie sur
l’étude statistique des armoiries recensées d’après les armoriaux, les sceaux ou les
monuments. Afin de pouvoir utiliser à titre de comparaison les chiffres obtenus par
Michel Pastoureau (Pastoureau, 1979, p. 117-119, tableaux) dans son dépouillement de
douze mille armoiries médiévales européennes et publiées dans son Traité d’héraldique, on
65
s’est efforcé d’utiliser la même méthode préparatoire : élimination des armoiries
douteuses ou incomplètes et des doubles, de celles des cadets n’ayant pas formé branche ;
à l’inverse, intégration de chaque quartier des armoiries écartelées ou parties, sauf
lorsqu’ils apparaissent déjà ailleurs ; enfin, seuls les éléments pertinents du contenu des
armoiries ont été retenus et il n’a pas été tenu compte des petites brisures15, des griffes ou
langues des animaux, etc. Ce travail de filtrage une fois achevé, on arrive pour le Forez à
un total de 61 armoiries différentes, qui a servi de base à toutes les remarques qui suivent,
à l’exception de celles concernant les brisures, pour lesquelles elles ne pouvaient
s’appliquer. Naturellement, le nombre d’armoiries étudiées ici pour le seul Forez
constituant un groupe moins abondant que l’ensemble de celles de l’armorial entier, les
résultats obtenus seront parfois différents de ceux qui apparaissent dans mon étude
générale de l’Armorial.
9
L’étude de la fréquence d’utilisation des émaux montre dès l’abord une différence entre le
Forez et l’ensemble des états centraux du duc de Bourbon et rapproche le comté du reste
de l’Europe : la couleur la plus utilisée n’est pas l’argent (Revel 55 %)16, mais le gueules
(Forez 59 %), chiffre proche de celui de l’Europe (Europe 61 %). Il faut également
remarquer que l’or (Forez 56 %) est plus utilisé que l’argent (Forez 49 %), à l’inverse de la
situation générale : or (Revel 49 % ; Europe 42 %) et argent (Revel 55 % ; Europe 48 %) ; en
cela, le Forez se place plutôt dans la moyenne du groupe de l’héraldique de la France
méridionale, où l’or est plus largement utilisé que l’argent. L’observation des autres
couleurs montre là aussi des pourcentages assez proches de ceux de l’Europe entière. Seul
l’azur arrive à un chiffre bien différent : Forez 39 % et Europe 23 %, mais on se trouve là
dans le cadre du mouvement général d’augmentation de l’azur au détriment de la couleur
gueules que l’on observe partout en Europe et surtout en France au cours des XVe et XVIe
siècles (Pastoureau, 1979, p. 116-121). Il faut également remarquer la fréquence du sinople
(Forez 8 %), dont le pourcentage se place très au-dessus de la moyenne (Europe 2 %).
L’abondance de la flore dans les armoiries foréziennes explique en partie cette vogue,
mais pas uniquement ; on y trouve le sinople dans toutes les fonctions d’une couleur à
part entière et cet usage persiste à l’époque moderne. On se doit de noter aussi l’absence
de l’hermine, qui s’oppose à un fort usage de l’autre fourrure héraldique, le vair (Forez
5 %) ; ce pourcentage, qui se situe au-dessus du chiffre européen (3 %), s’explique
difficilement et on ne peut que constater que cet usage n’a pas été poursuivi à l’époque
moderne, puisque sur les quelques 3 600 armoiries que rassemble L. P. Gras dans son
Armorial du Forez, seules 13 d’entre elles comportent du vair (soit 0,36 %). Le nombre des
armoiries constituant la partie forézienne de l’armorial est un peu trop faible pour qu’on
puisse étudier de façon fouillée les combinaisons de couleurs entre elles. On se contentera
de dire qu’il n’y a pas parmi elles d’écu monochrome ; que les écus bichromes sont au
nombre de 42 (68,8 %), les écus trichromes, 16 (26,2 %) et les écus polychromes, 4 (6,5 %).
La forte proportion d’écus trichromes est normale pour un pays qui appartient plutôt à la
France méridionale, où, dès le XIIIe siècle, la proportion de ces armoiries dépassait les
20 %. La règle des émaux, qui veut qu’on ne puisse placer une figure de métal (or ou
argent) sur un champ de métal, ni une figure de couleur (azur, gueules, sable, sinople) sur
un champ de couleur (Pastoureau, 1979, p. 108-109), est relativement bien observée, mais
deux armoiries dérogent pourtant à cette règle : celle des Chenevoux (nos 803, 806 17) et
celle des Poudras (n° 801). Cette tendance à utiliser les combinaisons contre nature est
bien sûr moins forte qu’elle ne l’est en Auvergne et Bourbonnais, mais on sent que
l’influence des deux duchés (De Boos, 1998, p. 57) se fait pourtant sentir dans le comté.
66
10
Une grande partie des armoiries peintes dans le manuscrit de Revel est constituée de
combinaisons ou de figures à caractère géométrique, formées de traits diversement tracés
et combinés, délimitant des surfaces aux couleurs opposées : elles entrent dans la
composition de 41 armoiries. La faune est représentée dans 16 écus ; les petits meubles
héraldiques (étoiles, billertes, mouchetures d’hermine, etc.) dans 10 écus ; la flore dans 4 ;
les objets divers dans 2 seulement. Un grand nombre de ces armoiries (environ 30 %) est
composé de l’association de deux figures différentes, rarement plus ; les petits meubles
héraldiques, entre autres, ne sont que rarement utilisés seuls. Plusieurs pièces
géométriques sont utilisées de façon à peu près égale : la fasce (9 fois), la bande (8), le chef
(6), la croix (6). Les bandes sont chargées de petits meubles, sauf dans le cas, fréquent, où
elles sont engrêlées (4 fois), et ne sont jamais employées en nombre. En revanche, les
fasces sont utilisées de façon plus variée ; assez peu souvent seule et droite, leurs bords
peuvent être fuselés, ondes ou vivres. On les trouve aussi en nombre. Quant aux chefs, on
peut remarquer que le champ au-dessus duquel ils sont placés est toujours plain ; lorsqu’il
est nécessaire de mettre une brisure sur ces armoiries, elle trouve donc naturellement sa
place sur ce champ vide de figure. Les simples croix sont peu nombreuses (2) et on
préfère les employer engrêlées ou surtout ancrées, mais sans que leur proportion
approche celle du Bourbonnais. Enfin, il est important de noter la totale absence d’une
des pièces les plus employées de l’héraldique auvergnate et bourbonnaise, le chevron. On
s’explique mal cette carence, qui n’existe plus à l’époque moderne, où l’Armorial du Forez
de Gras nous montre une situation très semblable à celle du reste de la France. Les petits
meubles héraldiques ne sont que rarement utilisés seuls et accompagnent tous un autre
meuble plus important. Leur catalogue est peu abondant : fleurs de lis, étoiles,
mouchetures d’hermine, billettes, molettes et besants ou tourteaux, mais on y trouve les
plus courants. Le catalogue de la faune est encore plus étroitement limité, puisqu’il ne
compte que trois espèces : le lion (9 fois), l’aigle (2 fois) et la merlette (4 et 1 corneille).
Cette pauvreté du bestiaire est compensée par une certaine richesse de la flore : on y
trouve des arbres secs, chênes, couronnes de feuillage. Les végétaux entrent ainsi dans
6,5 % des armoiries, alors que la moyenne européenne est inférieure à 5 %. Autant que
l’état actuel de la recherche permet de le voir, ce trait semble d’ailleurs commun à toute
la France centrale et méridionale. Les objets sont rares : deux outils seulement, des
marteaux (n° 833) et des feuilles de scie (n° 820), dans des armes portées par les
représentants de deux familles originaires d’Auvergne.
11
Une des règles importantes de l’héraldique au Moyen Âge était qu’un individu déterminé
ne pouvait porter la même armoirie qu’un autre ; cette règle avait été définie dans le but
de reconnaître sans ambiguïté un personnage donné lorsqu’il était armé pour le combat
et que son visage était masqué par son heaume. Lorsque deux personnes appartenant à la
même famille désiraient arborer l’armoirie propre à leur lignage, il fallait pour respecter
cette règle que l’un d’eux introduisît dans cette armoirie une marque personnelle, dite
« brisure », qui le distinguât de l’aîné de la branche aînée de sa famille, appelé « chef
d’armes », seul habilité à la porter « pleine », c’est-à-dire sans aucun ajout. Cette règle,
qui connut son plein emploi aux XIIIe et XIVe siècles, commençait progressivement à être
abandonnée au XVe siècle ; de plus en plus, les brisures étaient ressenties comme des
marques dévalorisantes, ce qu’elles n’étaient pas à l’origine18. Pourtant, sur les douze
foréziens de l’Armorial ne possédant pas la qualité de chef d’armes19, dix portaient des
brisures dans leurs armoiries. Les deux personnages qui ne brisaient pas étaient Louis de
Bouthéon (n° 108) et Jean le Paillard d’Urfé, lesquels négligeaient probablement la règle
67
en raison du fait que tous deux n’étaient pas possessionnés en Forez. En apparence, donc,
presque tous ceux qui devraient porter une brisure en raison de leur rang à l’intérieur de
leur lignage obéissaient à la règle. Mais il ne faut pas négliger le fait que l’Armorial est,
pour le Forez, très inachevé : si le héraut avait fait apparaître les nombreux petits nobles
dont on connaît l’existence par d’autres documents, les résultats auraient certainement
été différents.
12
Le mode de brisure le plus courant était l’ajout d’un meuble, soit un petit meuble
héraldique, étoiles (Jean de Lavieu, n° 774, Ploton du Vernet, nos 781 et 828) ou
moucheture d’hermine (Jean de Rochefort La Valette, n° 819), soit une pièce géométrique,
bordure (Jean Durgel de Saint-Priest, n° 821), lambel (Jean Charsala de Sainte-Colombe, n
° 778), bâton (Louis de La Bastie, n° 826), chevron engrêlé (Guillaume de Laire, n° 780).
Louis Vernin (n° 816) se contentait, lui, de placer ses armoiries aux 1 et 4 d’un écu
écartelé portant aux 2 et 3 les armoiries d’une alliance non identifiées ; mais l’écartelure
n’était pas vraiment20 un moyen orthodoxe de briser. Enfin, deux personnages brisaient
en portant des armes totalement différentes de celles de leur chef d’armes. Dans les deux
cas, il ne s’agissait d’ailleurs pas de changement d’armoiries au sens propre, mais de
conservation des armes anciennes de la famille ; en effet, les branches aînées des Raybe
comme des Lavieu avaient adopté les armes de leurs fiefs principaux lorsqu’ils en eurent
pris possession : celui d’Urfé pour les Raybe et celui de Feugerolles pour les Lavieu. Les
armes ainsi laissées vacantes par le non-usage de la branche aînée furent alors adoptées
par des cadets, mais elles n’en étaient pas moins des armes brisées, puisqu’elles étaient
différentes de celles portées effectivement par le chef d’armes.
13
L’un des éléments remarquables de l’armorial de Guillaume Revel est certainement
l’indication des cimiers de nombreuses armoiries, d’autant plus qu’il a eu la possibilité
d’en confier l’exécution à un excellent peintre, lequel a su parfaitement rendre la variété,
la fantaisie et l’humour de ces ornements extérieurs des armes (Le cimier, 1990 ; en
particulier de Boos, 1990). Dans son Traité d’héraldique, Michel Pastoureau dit, en effet, à
propos des cimiers :
« Le problème majeur quand on étudie les cimiers est de savoir s’ils ont été choisis
par ceux qui les portaient au tournoi ou qui en timbraient leurs armes, ou bien par
les artistes qui ont gravé les sceaux et peint les armoriaux. Il y a une telle variété,
une telle fantaisie, un tel humour même dans les cimiers médiévaux, qu’il est
permis de se demander s’ils ne furent pas exclusivement des enjolivements
graphiques. D’autant que beaucoup d’entre eux se présentent comme des
constructions élaborées, lourdes, fragiles, déséquilibrées, qu’il aurait été impossible
de porter réellement sur un casque » (Pastoureau, 1979, p. 208).
14
Les armoiries dotées de cimiers sont un peu moins nombreuses dans le chapitre consacré
au Forez que dans le reste de l’Armorial ; seuls 35 des 60 personnages ayant la capacité de
placer un cimier au-dessus de leurs armes en sont pourvus. Avant de faire quelques
remarques sur ces cimiers foréziens, il convient de préciser que le groupe qu’il forme est
moins cohérent que celui des armoiries : il n’existe pas de règle présidant à la
composition des cimiers ; leurs couleurs sont généralement décoratives et reprennent les
couleurs naturelles ou plus rarement celles de l’écu qu’ils accompagnent et il n’en a pas
été tenu compte ici.
15
Une étude pour savoir si Guillaume Revel indiquait bien les cimiers réellement arborés
par les personnages dont il donnait les armes ou s’il se permettait de placer là des
ornements de son invention n’a pas pu être menée à bien sur la seule partie consacrée au
Forez, mais on a pu démontrer ailleurs (De Boos, 1998, p. 62) que, dans l’ensemble de son
68
armorial, le héraut reproduisait bien les cimiers portés effectivement par les personnages
qu’il citait, et ceci non seulement pour la noblesse chevaleresque, mais aussi pour la
petite noblesse. Il est donc permis de penser que ce qui est valable pour l’Auvergne et le
Bourbonnais, l’est aussi pour le Forez. Le catalogue des figures entrant dans la
composition des cimiers était en Forez très différent de celui des figures de l’écu. Cela
tient en partie au fait que l’héraldique du comté était majoritairement composée de
figures géométriques, en deux dimensions et nécessitant l’usage de deux plans colorés
contrastés, alors que le cimier exigeait des figures en trois dimensions et libres dans
l’espace. Par exemple, si un lion peint sur un écu peut sans difficultés être adapté à un
cimier en lui restituant son épaisseur, il n’en va pas de même pour une fasce, qui ne
saurait avoir d’existence que disposée sur une surface. D’autre part, le système des
cimiers étant beaucoup plus souple que celui des simples armoiries, il a pu servir de
soupape à des modes ou des habitudes nouvelles qu’il n’était pas possible de faire figurer
ailleurs. Ainsi, alors que la faune est mal représentée dans les écus eux-mêmes, elle est en
écrasante majorité dans les cimiers, puisque trente cimiers sont à composante animalière,
avec un catalogue varié, intégrant à la fois des animaux très courants comme le lion (9
fois), le lévrier (4 + 1 chien), le cygne (4) ou le cerf (1), et des espèces moins
conventionnelles, le bar, la chèvre, la cigogne (2), le coq (2), le dragon, le faucon (2), le
griffon (2), le renard ou le sanglier (2). Ces animaux sont presque tous représentés réduits
à la tête et au col, avec parfois une patte levée ; seuls sont peints entiers la cigogne de
Perrotin de La Roche La Liègue (n° 814), le faucon de Jacques de Rochefort La Valette (n
° 809), le lévrier assis de Jacques de Thorigny (n° 805) et le sanglier passant de Guillaume
d’Albon (n° 782). Certaines des têtes et cols d’animaux apparaissent aussi en
accompagnement du vol (4 fois), figure typique des cimiers, composée de deux ailes
d’oiseau stylisées et dressées, lequel n’est ici jamais employé sans accompagnement. En
dehors des animaux, seules les figures humaines sont représentées de façon significative :
un buste de more (n° 811), un buste de dame (n° 776) et une représentation de saint
Jacques en buste, vêtu en pèlerin (n° 836), alors qu’elles n’apparaissent nullement dans les
écus21. À l’inverse, on remarque la totale absence des végétaux, alors qu’ils étaient
relativement abondants parmi les meubles de l’écu. Enfin, un seul objet, un tortil de
chevalier posé en forme de roue, sur la tranche (n° 800), et deux plumets, cimiers des
deux Urfé, viennent compléter cet ensemble. Il est possible également de risquer
quelques remarques sur l’utilisation héraldique de certains cimiers. On peut relever le
cimier parlant de Roland de La Merlée, dit Le Mastin, qui portait un chien ou mâtin sur
son heaume et noter qu’il n’est pas parlant avec le nom du personnage, mais avec son
surnom. Jacques Filhet fait, lui, référence à son nom de baptême et place son saint patron
en cimier. Enfin, deux autres sont probablement des cimiers allusifs : la hure, cimier de
Jean de Sainte-Colombe (n° 778), dont le nom était Charsala, ce qui signifie Chair-Salée, et
le cerf, cimier d’Antoine du Bois (n° 791), qui fait allusion aux bois du cerf autant qu’aux
habitudes sylvestres de cet animal.
16
Les cimiers dessinés dans l’armorial furent-ils réellement portés sur un casque de joute
par les personnages qui en timbraient leurs armes ? On peut vraisemblablement répondre
par la négative. D’une part, les tournois et jeux guerriers semblent avoir été rares dans la
région concernée et les occasions de porter un timbre, réduites. D’autre part, la
proportion de cimiers invraisemblables (les animaux représentés complets, le tortil, les
personnages) est suffisamment importante pour qu’il ne s’agisse là que d’ornements
purement graphiques, certes utilisés de façon régulière et même parfois héréditaire par
leurs possesseurs (les La Roue ou les Urfé, par exemple), mais uniquement comme décor
69
extérieur des armoiries. Ces usages entraient d’ailleurs dans le cadre plus général des
coutumes héraldiques de la France méridionale, qui utilisait beaucoup moins largement
les cimiers qu’on ne le faisait dans la France du Nord.
NOTES
1. Il n’est pas possible, dans ces conditions, de tirer quelque conclusion que ce soit sur les
personnages qui n’apparaissent pas dans le manuscrit.
2. En particulier les statistiques portant sur l’héraldique ; à cause de cela, celles présentées plus
loin ne sont que relatives.
3. On se permet de renvoyer ici à De Boos, 1998, p. 55-64.
4. Sur les « états centraux » du duc Charles Ier, cf. Leguai, 1969.
5. Étudiées par Perroy, 1960.
6. En Bourbonnais, « hôtel fort » ou simplement « hôtel ».
7. La numérotation utilisée renvoie à De Boos, 1998.
8. Qui lui venaient de sa femme, Alice de Couzan, dernière de son nom, héritière de son père, de
sa mère et de son frère.
9. Les nos 768, 774, 775 [2 fois], 779, 784, 796, 808, 815, 821, 823, 827, 829, 834, 836.
10. Lesquels apparaissaient parmi les signataires des ligues nobiliaires, n° 38 de la liste de Perroy,
1977.
11. En 1311 ; n° 28 de la liste de Perroy, 1977.
12. Mais il est vrai très désargenté...
13. Compte tenu du fait que la population générale du Forez était moins importante que celle de
l’Auvergne et du Bourbonnais.
14. En France, dans les pays voisins du Rhin, en Italie, l’adoption d’armoiries n’était limitée que
par l’obligation de ne pas léser les droits antérieurs d’un autre personnage et cette limitation
était elle-même fort souple. En Grande-Bretagne, le droit d’usage des armoiries fut, dès la fin du
XVe siècle, soumis au contrôle royal, par le biais du College of Arms, mais sans pour autant
limiter cet usage à la seule noblesse.
15. Sur le système des brisures, voir plus loin.
16. Les pourcentages exposés ici atteignent un total supérieur à 200 %, puisqu’un tiers environ
des armoiries comptent plus de deux couleurs.
17. La numérotation utilisée renvoie à De Boos, 1998.
18. Sur les brisures, on ne peut mieux faire que de renvoyer à Brisures, 1988.
19. On réintroduit ici le fils de Bertrand de Bouthéon, Louis, seigneur de Lavaur, n° 108, cité, à
cause de cette modeste seigneurie auvergnate, dans la page consacrée à Thiers.
20. Pour des raisons un peu longues à exposer ici.
21. Ces têtes placées au-dessus de la tête avaient certainement pour but « magique » de rehausser
la taille du porteur, ce qui explique sans doute la faveur dont elles jouissaient.
70
Chapitre 3. La fortification en Forez
au Moyen Âge et l’Armorial de
Guillaume Revel
Christophe Mathevot
3.1. Naissance et premier essor des châteaux en Forez
et en roannais
1
À la fin des temps carolingiens, Forez et Roannais font encore partie du comté de Lyon et
couvrent l’ouest du diocèse du même nom. L’autorité publique est alors aux mains de
comtes qui éprouvent de grandes difficultés à assurer cohésion et stabilité sur l’ensemble
du pagus. Dès le milieu du Xe siècle, s’opposent archevêques, comtes, grandes abbayes et
puissantes familles, entraînant un morcellement progressif de ce vaste territoire 1. Au
cours des XIe et XII e siècles, une trentaine de lignages se distinguent par la possession –
généralement allodiale – d’un ou plusieurs châteaux (Ganivet, 2005a, p. 65 sq). Il faut
attendre la fin du XIIe siècle pour que se dessinent les contours de grandes principautés :
l’Église de Lyon, les sires de Beaujeu, les comtes de Savoie et de Forez. La plupart des
espaces castraux représentés sur l’armorial de Guillaume Revel sont nés lors de ces luttes,
entre les Xe et XIIe siècles.
3.1.1. Le premier âge castral (Xe siècle)
2
Les investigations archéologiques en cours permettent d’isoler quelques mottes castrales,
mais leur étude reste encore à entreprendre. Seuls les textes du Xe siècle nous permettent
d’aborder le château à cette époque, toutefois les documents sont peu nombreux et issus
d’une documentation ecclésiastique longtemps décriée par les historiens2 (fig. 19).
71
Fig. 19 - Peuplement, dépendances monastiques et châteaux à l’ouest du pagus de Lyon au X
siècle.
e
3
Les sources évoquent seulement deux sites castraux aux abords de Feurs (Randans et Salt,
en ruine au début du XIe siècle 3) et Ambierle en Roannais. Ce faible éclairage pose la
question de l’existence d’autres castra , notamment à Saint-Romain-le-Puy (Mathevot,
2005) ou à Marcilly (Ganivet, 2009)4. La question des origines de Salt et de Randans n’est
pas résolue ; elle semble à mettre en rapport avec la défense de Feurs, encore occupé
durant le haut Moyen Âge5. Ces sites pourraient participer à la sécurité du vicus, le long de
l’ancienne voie d’Aquitaine reliant le Lyonnais à l’Auvergne. La position topographique
peu favorable et la superficie restreinte de Salt plaident pour une fortification de
bâtiments antiques liée à un danger imminent. Le vicus altimédiéval de Moingt aurait
également pu être mis en défense, dans ce cas il faudrait alors reconsidérer les origines de
Montbrison...6
4
Au début du XIe siècle, Salt est la propriété d’une famille de haut rang, sans doute
détentrice d’une part de l’autorité publique en Forez dès le Xe siècle : les Girin. Les
héritiers de cette famille possèdent encore des droits à Randans au XIIe siècle ; leurs
ancêtres pourraient donc aussi être à l’origine de ce château et avoir œuvré7 à la défense
du vicus de Feurs. Ce lien étroit entre la haute aristocratie et les espaces castraux se
retrouve également en Roannais, où l’on relève l’éphémère mention du château
d’Ambierle en 9608, sans doute usurpé par un certain Hugues, membre de la plus haute
aristocratie lyonnaise, qui préside des assemblées de boni homines et officie dans les
châteaux d’Oingt vers 970 et de Riottiers vers 972 (Cluny, nos 356, 696, 1272). Si, durant les
temps carolingiens, l’érection de fortifications est un monopole régalien, l’aristocratie
accapare progressivement ce droit, là où l’autorité comtale est vacante. Or, en Forez, les
chartes ne nous indiquent la tenue d’aucun plaid comtal au Xe siècle. Face à ce vide, les
aristocrates locaux semblent tenir le premier rôle.
72
3.1.2. L’enchâtellement seigneurial : XIe siècle – Premier tiers du XIIe
siècle
5
L’absence du pouvoir comtal laisse donc libre champ aux aristocrates qui doivent
cependant composer avec les puissantes abbayes, en particulier Savigny qui étend sa
mouvance des monts du Lyonnais jusqu’en bord de Loire et bientôt au-delà9 (fig. 20).
L’étude des implantations monastiques et aristocratiques aux environs de Panissières au
Xe siècle révèle un système de précaire ou de viager entre l’aristocratie locale et cette
abbaye. Cet équilibre trouve ses limites sous l’abbatiat d’Hugues (984-1007), ce qui est
révélateur de la montée en puissance des ambitions des Girin et des Calvi (qui seront leurs
héritiers), devenus maîtres de la commende de Panissières à laquelle ils ne renonceront
que vers 1020 (Cartulaire de Savigny, n° 653). Sans doute à la suite de ce coup d’éclat,
l’archevêque de Lyon les contraint-il à remettre à l’abbaye des terres alors détenues en
bénéfice, se situant dans la vallée de la Brévenne jusqu’à Savigny même (Cartulaire de
Savigny, n° 428). C’est à cette époque que les Girin remettent généreusement les ruines du
château de Salt à l’abbaye (Cartulaire de Savigny, n° 654), le château seigneurial de Donzy
semblant d’ores et déjà bâti...
Fig. 20 - Enchâtellement à l’ouest du pagus de Lyon vers 1130, d’après les sources archivistiques.
6
D’autres puissantes familles, souvent « étrangères » au Forez, y conduisent une politique
expansionniste, érigeant de véritables principautés. Leur puissance repose sur leur
capacité à se doter d’un siège de pouvoir privé permettant d’asseoir leur autorité sur une
terre : le château. En Forez et en Roannais, quatre familles jouent un rôle capital dans
l’implantation castrale : les Roanne, les Le Blanc, les Beaujeu et les Semur (Perroy, 1966b).
Les Le Blanc, vicomtes de Mâcon, poussent vers l’ouest et étendent leur domination en
Roannais sur Crozet (Chartes du Forez, n° 31) et Noailly (Cluny, n° 76) et s’attribuent la
73
garde du prieuré d’Ambierle (Cluny, n° 4272). Ils bousculent ainsi les Roanne implantés à
Roanne et à Saint-Maurice et sans doute à Bussy. Face à cette menace, le comte décide
probablement de financer la construction de Saint-Haon où il possèdera un vaste domaine
géré par un viguier au début du XIIe siècle (Cartulaire de Marcigny, n° 254 ; Chartes du
Forez, n° 1286). Quant aux Beaujeu, ils étendent leur domination sur Chamousset, Ouches,
Villerest, Lay, Saint-Priest-la-Roche, Perreux, peut-être Donzy (Michaud, 1863, p. 67) et
assurément Néronde10, dont les seigneurs sont prêts à accueillir et entretenir « 200 à 300
chevaliers du sire deux à trois fois l’an » (Galle, Guigue, 1903, t. I, page 194) 11. Les Semur
[en Brionnais] et leur compagnie vassalique ont été également très actifs dans les monts
du Forez12. À l’aube de l’an mil, une branche cadette de cette famille s’est implantée et a
fait souche à Couzan sous le nom de Damas (Ganivet, 1993-1994 ; Mathevot, 2005). Ils y
bâtissent un donjon, comme peut-être aussi à Saint-Just-en-Chevalet, et avancent dans la
région de Briennon (Cartulaire de Marcigny, nos 3 et 290). Ce sont des membres de leur
entourage (les Raybe) qui bâtiront Urfé vers 1130 (Perroy, 1966-1968, p. 254-268). Ces
châteaux privés, construits sur une proéminence la plupart du temps vierge de toute
occupation antérieure et à l’écart des anciens centres, contrôlent une route et
développent un noyau de peuplement.
3.1.3. L’enchâtellement comtal
7
Les comtes n’apparaissent que bien tardivement en possession de châteaux en Forez (fig.
21). La construction de celui de Montbrison ne serait pas antérieure à 1075 et liée aux
luttes entre comtes et archevêques de Lyon13. Au début du XIIe siècle sont énumérées
quatorze vigueries sur l’ensemble du comté (Chartes du Forez, n° 1286). Cinq se situent en
Lyonnais, deux en Velay et sept en Forez et Roannais (Montbrison, Sury, La Place,
Cottance, Cleppé, Saint-Haon et Saligny). Le domaine comtal se résume alors à une
douzaine de seigneuries, gérées par des viguiers et des clavaires souvent héréditaires 14.
Même si plusieurs châteaux semblent déjà bâtis sur ces domaines – Montbrison, SaintHaon, Sury (Chartes du Forez, n° 1288, n. 3) et sans doute Cleppé (Ganivet, 2002,
p. 255-280) –, la base de l’administration locale demeure encore la viguerie. Cinq
décennies de guerre sous le règne du comte de Lyon Guy II vont profondément modifier
les choses et imposer le château. Un conflit majeur oppose alors le comte à l’archevêque
entre 1158 et 1173. Il a pour déclencheur la fameuse bulle d’or de 1157 (Gallia Christiana, t.
IV, instr., col. 17) par laquelle l’empereur Frédéric Barberousse concède à l’archevêque les
droits souverains dans la ville de Lyon et la partie du diocèse en-deçà de la Saône.
S’appuyant alors sur ses vassaux et leurs châteaux15, Guy II inflige une sévère défaite
militaire à l’archevêque (Vita sancti Anthelmi, Acta Sanctorum, Jun., t. V, c. II, p. 231). Mais le
sire de Beaujeu et les comtes de Mâcon et de Chalon, prenant le parti impérial, s’allient à
l’archevêque de Lyon, lèvent une armée et pillent la Bresse (Gesta Frederici imperatoris, liber
II, dans Monumenta Germaniæ Historica, t. XX, p. 407 ; Martin, 1905, n° 605 ; Pacaut, 1967,
p. 148 ; Fournier, 1884, p. 26-34). L’empereur Barberousse tente d’asseoir militairement
son autorité par la construction d’une forteresse « aux confins de l’empire », mais le
comte l’en déloge16. La confusion règne en Lyonnais. L’abbé de Cluny réclame
l’intervention du roi Louis VII pour mettre fin aux déprédations des castellani et milites
(Chartes du Forez, n° 918)17. Esseulé, le comte de Lyon cherche aussi appui auprès du roi
qui se rend à Montbrison en 1163 (Chartes du Forez, n° 1564)18. En 1167, Guy II lui rend
hommage de ses châteaux de Montbrison, Monsupt, Montarcher, Saint-Chamond, La
Tour-en-Jarez et Chamousset. En retour, le roi lui accorde en augment de fief les droits
74
royaux sur les châteaux de Marcilly, Donzy, Cleppé, Saint-Priest, Lavieu et Saint-Romain
(Chartes du Forez, n° 1563). La montée en puissance du parti royal impose à tous un modus
vivendi. Un accord est conclu en 1167 entre le comte et les clercs de l’Église de Lyon 19 et de
nouvelles tractations aboutissent à une convention : c’est le traité de 1173 qui scinde
l’ancien comté de Lyon en deux (Chartes du Forez, n° 4).
Fig. 21 - Mouvances castrales en 1198, d’après les sources archivistiques.
8
Chacun chez eux, comte de Forez et archevêque, peuvent dès lors se consacrer à la mise
au pas des puissances laïques ou ecclésiastiques qui menacent leur autorité respective.
Une nouvelle guerre (dont le déroulement nous échappe) éclate et se solde par une sévère
défaite du sire de Beaujeu face au comte en 118920. Assiégé dans son château de Pouilly-leChâtel, Humbert III est contraint d’abandonner la quasi-totalité de ses châteaux à l’ouest
de la Saône. De leur côté, les archevêques obtiennent des Beaujeu les châteaux de
Varennes et de Bully (Cartulaire de Beaujeu, append. n° VII, p. 48-49) et, en 1198 n-s
(Baluze, 1682, t. II, p. 117-124), ils mettent au pas l’abbaye de Savigny, la brûlent ainsi que
ses châteaux de L’Arbresle, Saint-Bel et Montrottier (Cartulaire de Savigny, introduction,
p. XCVII-XCVIII-1204).
9
En Forez, le pouvoir comtal est désormais puissamment implanté grâce à la maîtrise de
nombreux châteaux nouvellement bâtis ou inféodés21. Mais gardons-nous d’y voir un
réseau de châtellenies comtales homogènes tant les situations sont diverses. Il s’agit la
plupart du temps d’une extension de suzeraineté. Le comte n’a encore qu’une autorité
théorique sur les châteaux dont l’hommage a été acquis et son administration n’y pénètre
pas. Dans un souci de fidélisation, leurs puissants détenteurs sont intégrés aux organes de
gouvernement et cet entourage tend à se transformer en une véritable cour permanente à
la fin du règne de Guy II22. Quand ils le pourront, les comtes n’hésiteront pas à racheter
directement la seigneurie châtelaine de leurs vassaux, mais l’entreprise sera longue et
opportuniste23. L’embryon d’un système de châtellenies comtales existe pourtant dès
75
l’extrême fin du XIIe siècle. Guy II tente alors d’imposer un contrôle militaire et
administratif en nommant des agents révocables. Si à Montbrison, un viguier est encore
cité en 1194, un châtelain le remplace dès 119824. Pour les vigueries encore inféodées, les
comtes devront saisir, là aussi, l’occasion favorable de racheter cens et revenus 25. Ainsi
est-il difficile d’évoquer un modèle spécifique de châtellenie comtale forézienne, tout au
plus peut-on cerner une entreprise en marche avec des situations diverses et où les droits
s’imbriquent de façon complexe26.
3.2. Les XIIIe et XIVe siècles : « du plein âge castral » à
la guerre de Cent Ans
3.2.1. Fixation du maillage castral et création de maisons fortes
(XIIIe-XIVe siècles)
10
Les luttes territoriales entre Forez et Beaujeu perdurent jusque durant la décennie 1220.
Les sires de Beaujeu obtiennent finalement en 1222 un traité qui leur permet de récupérer
leurs terres au sud de Beaujeu (Chartes du Forez, n° 36). L’expansion forézienne se porte
alors en Roannais, en Thiernois et dans le Pilat rhodanien, mais la grande majorité des
châteaux ont alors déjà été bâtis. Il ne s’agit dès lors plus que d’une lutte pour imposer
leur suzeraineté. La paix entre Forez et Beaujolais stabilise les mouvances territoriales
des deux puissances. Guy IV et Humbert de Beaujeu transigent encore en 1229 sur
quelques possessions et abordent la question des fortifications. Sur les terres frontalières,
il ne sera possible d’établir aucune fortification ou « bâtiment fort » de bois ou de pierre
ou quelque construction qui s’en rapprocherait27. Le terme de « bâtiment fort » trahit
l’émergence d’un nouveau type de fortification. Le maillage castral structurant le
territoire ne laissant désormais que très peu de place pour la création de nouveaux
châteaux, ce sont essentiellement des maisons fortes qui voient le jour. Tout en étant
jurables et rendables, elles exercent un contrôle sur un territoire donné, mais ne
possèdent pas tous les droits de la seigneurie châtelaine, notamment en matière de
justice. Les premières mentions de maisons fortes foréziennes remontent à la décennie
1230. En 1231, en vertu d’un probable service rendu, le comte de Forez donne à son « aimé
et fidèle » Arnaud de Marcilly la permission de bâtir une maison forte in territorio de
Chalmazel… quod de feudo nostro est (Charte du Forez, n° 1057). Avant 1239, Arthaud de
Sury, miles, se voit concédé les mêmes prérogatives sur des terres comtales à Marcoux
(Chartes du Forez, n° 1604)28. Dans les deux cas, le comte concède des terres mais
conserve la haute justice du lieu. Ces créations ont pour double objectif d’asseoir
socialement des fidèles mais aussi de les impliquer localement dans le contrôle du
territoire.
11
Quelques décennies plus tard, la qualité de « maison forte » semble accordée à des
possessions d’origine non comtales. Ce sont souvent de simples maisons ou granges que
l’on fortifie, comme c’est le cas à La Salle, avouée comme grange au comte en 1263 mais
citée « forte » en 129229. Autour de Montbrison, la maison de Fauris (commune de
Savigneux) devient également « forte » entre 1247 et 1285 (Barban, 1885, p. 478). Cette
qualité n’est pas immuable et le destin des maisons fortes est varié. La maison du Palais
(Feurs) qualifiée de « forte » en 1292 n’est plus que simple domus dès 1329 (Chartes du
Forez, n° 265, note 2). L’érection d’une maison forte et sa pérennité semblent strictement
assujettis à l’accord du comte qui en détient l’hommage, contrairement au Dauphiné
76
voisin où tous les sujets peuvent, en théorie, ériger une maison forte sur leur terre et en
disposer pro libido voluntatis30.
12
Cas relativement rare, la maison forte peut évoluer en château. Le cas de Chalmazel est
encore éclairant. Dès la création de la maison forte, son détenteur se lance dans une
politique d’acquisition foncière. La haute justice lui semble accordée vers 1248, date à
laquelle il est qualifié de seigneur du lieu et reçoit les hommages de petits vassaux 31. En
1260, Chalmazel est bien cité comme chatel et non plus comme maison forte (Chartes du
Forez, n° 903, [60]). Le mandement est connu dès 1286 (Chartes du Forez, n° 513).
L’exemple du château et de la famille Verdier, issue d’une famille de paysans fieffés, est
encore plus révélateur. Nous trouvons tout d’abord traces d’un Guillaume du Verdier se
distinguant vraisemblablement auprès du comte lors des guerres Forez-Beaujeu (Dupont,
1957 ; Troncy, 1958). Son fils, sergent royal à Charlieu, se lance dans une politique active
d’acquisition foncière (Chartes du Forez, nos 577 et 578). Il rend hommage de sa grangia du
Verdier en 1296 (Chartes du Forez, n° 579). Devenu bailli royal des provinces de Velay,
Vivarais et Gévaudan dès 1300, Guillaume obtient toute la justice à Cordelles ainsi que la
permission de construere seu edificare infra dictam parrochiam [...] fortalicium seu fortalicia,
turrim seu turres, muros, fossata seu muralem habitum cum crenellis pro ipsius Guillemi libito
voluntatis... En cas d’édification d’un castrum, fortalicium..., vel domum fortem, turrim...,
Guillaume s’engage à le tenir jurable et rendable (Chartes du Forez, n° 597). Dès cette
concession, Guillaume bâtit un castrum et se qualifie de seigneur du Verdier tout en
poursuivant ses acquisitions foncières autour de la paroisse (Chartes du Forez, nos 48, 467,
598). Ses revenus approchent les 200 livres tournois (revenus d’une seigneurie forézienne
de premier ordre !). Cette ascension sociale tourne court : Le Verdier est saisie en 1335 à
cause d’une sombre histoire de détournement et érigé en châtellenie comtale ! Signalons
un dernier cas de mutation de maison forte en château à Saint-Agathe, paroisse où la
famille de Barge est établie depuis le XIIIe siècle (Chartes du Forez, n° 197). Il faut
attendre 1312 pour que la justice du lieu leur soit concédée par le comte de Forez, sans
doute pour service rendu (AN, P 490, n° 253). Pierre de Barges est alors qualifié de dominus
domus et fortalicium Sancte Agathe supra Lignon et la concession s’exerce in [...]
mandamentum, territorium, pertinentias, fines et jura domus seu castri Sancte Agathe. Son fils
évoque dès 1315 le castrum suum de Sancte Agate cum toto mandamento territorio et omnia
juridictione... dicti castri pertinent (ADL, B 1851, f° 128-129 ; AN, P 490, n° 253). On serait ainsi
tenté de croire que l’obtention de la pleine justice transforme de fait domus et fortalicium
en castrum . Si peu de châteaux se créent, peu disparaissent également. Nous ne
connaissons que le cas du château de Nervieux et de la maison forte de Foris minés et
démolis en 1350 sur requête des consuls de Lyon et arrêt royal (Vachez, 1877). Leur
possesseur, le seigneur de Roussillon, percevait des taxes jugées injustes qui pénalisaient
tout le commerce lyonnais...
13
Entre 1230 et 1350, les châteaux foréziens n’ont pas connu de guerre et leur rôle est
devenu essentiellement social. La fonction défensive du château est reléguée en arrièreplan. Le château peut même échoir à des bourgeois en quête de reconnaissance sociale et
soucieux de leur investissement. Dès 1291, un bourgeois de Montbrison reconnaît jurable
et rendable le château de Grézieux (Chartes du Forez, n° 374)32. Il avait acheté quelque
temps auparavant (1277) la seigneurie voisine de Champs sur laquelle sera aussi fortifiée
une maison entre 1333 et 1345 (Chartes du Forez, n° 1066 et n° 1076, note 2). En 1358, Jean
du Cros, bourgeois enrichi, achète encore les châteaux de Crémeaux, Jullieu et Précieux
moyennant la somme considérable de 1 500 livres tournois (Perroy 1977, t. I, p. 264). Dans
77
la foulée, entre 1358 et 1362, il achète au comte la maison forte de Curraise avec ses
dépendances et en rend hommage33.
3.2.2. Insécurité et remise en défense des châteaux foréziens
(seconde moitié du XIVe siècle)
14
Mais la paix n’est jamais éternelle... Si les premières batailles de la guerre de Cent Ans ne
touchent pas le Forez, des bandes à la solde des Anglais pénètrent toutefois le comté dès
1357. À la stupeur générale, Montbrison est pillée et incendiée en 1359. S’en suit un chaos
épouvantable et une absence totale d’ordre public, aggravé par la mort du comte et d’un
grand nombre de chevaliers foréziens lors de la bataille de Brignais en 1362 (Guigue, 1886,
p. 72-73). Quelques exemples suffisent à illustrer ce contexte surréaliste. Vers 1357, le
prieur de l’Hôpital-sous-Rochefort enlève la femme d’un sergent royal. Ce dernier avec
ses gens de garnison alerent... en armes, ou lieu de Rochefort, et environ le point du jour, entrerent
par huis et fenestres et eschelles…, lequel n’est pas fort et la prindre ledit prieur en sa chambre
couchiez et plusieurs de ses biens, lequel et ses dits biens ils emmenerent oudit chastel de Joux... et
la le garderent en prison ; ils le libèrent contre rançon (AN, JJ 111, f° 145 p. 290). Pendant ce
temps, d’autres s’adonnent à des guerres privées. Un différend oppose les maisons de
Mites de Chevrières et de Roussillon pendant près de douze ans (1363-1375) durant
lesquels leurs sbires continuèrent… a courir sur les terres l’ung de l’autre, faysants infinis
maulx et dommages, prenants les hommes prisonniers, les composants et mectants a rançon,
emmenants bestiaulx et transportants les biens de lieu en l’autre, abbatants et mettans par terre
maisons et aultres édifices, prophanants les eglises et emportants d’icelles les calices, reliquaires et
aultres joyaux.. (Poidebard, 1936). Pour se venger d’insultes, en 1366, un nobliau forézien
avec quelques mercenaires s’attaque à une maison forte rurale, il se transporta devant
l’hostel ou chastel qu’il a audit lieu de Suigny... par force d’armes [avec ses hommes] entrerent
dedans ledit chastel... et des biens et vivres en icelluy prindrent... et avecques ce firent si grand feu
pour eulz chauffer en une dez chambres dudit chastel que le feu si print... et oultre,... abatirent une
partie de la forteresse dudit chastel...(AN, JJ 97, f° 116, p. 451) 34. Les fortifications castrales
sont tombées en désuétude et le château ne remplit plus sa fonction défensive. Quelques
pillards suffisent à enlever le château forézien de Marcilly en 1366, le château de Lay en
Beaujolais en 1368 (Guigue, 1886, p. 168-174). Les rares villes fortifiées au XIII e siècle,
comme Rive-de-Gier, sont saccagées par les bandes armées en 1362. Anse, en Lyonnais, est
prise en 1364 (Vachez, 1885, p. 17).
15
Pressentant le danger dès 1355, le comte de Forez avait anticipé le désastre : il avait ainsi
commis un visiteur pour décider des réparations à faire à ses châteaux et hôtels (Fournial,
1967, p. 341). Mais rien n’est fait avant la décennie 1360. Il faut attendre également 1367
pour que le roi Charles V ordonne la mise en défense de ses propres terres et nomme des
visiteurs pour l’entretien des forteresses35. En Forez, de hâtives réparations sont attestées
aux châteaux de La Fouillouse (1366), de Bussy (1368), de Feurs (1370), de Bellegarde
(1384) et on fait retraire les populations dans les places fortes 36. Neuf villes foréziennes se
closent dès la décennie 1360-1370 (Fournial, 1967, p. 446)37. Quelques maisons d’église
s’emmuraillent également : les prieurés d’Estivareilles avant 1362, de Saint-Romain-enJarez en 1367, l’abbaye de Valbenoîte en 137338 ou de Saint-Dier (Auvergne) en 1379
(ADHL, 1 H 109, n° 10). C’est sans doute aussi le cas à Marols et à Champdieu qui se
fortifient probablement à cette époque bien qu’aucun texte ne l’atteste. Les
établissements religieux demeurent des cibles de choix pour les pillards : la visite
78
pastorale de 1378-1379 nous révèle une majorité d’établissements paroissiaux en ruines
(Merle, 1937).
16
Parallèlement aux travaux de fortification, les principales places fortes sont dotées d’une
petite garnison permanente sous le commandement d’un capitaine. En 1363, un capitaine
gagé est chargé de gardare castra domini comitis en terre de Roannais (Fournial, Gutton
1987, t. I, p. 69). Ces coûteuses mesures d’exception sont supprimées au fur et à mesure
que le danger s’éloigne. Les moyens en homme sont dérisoires : en 1387, pour contenir
une nouvelle incursion de bandes armées basées en Auvergne, l’on dépêche sur la frontière
de Saint-Bonnet… jusque Cervieres seulement quatre hommes pour fair umbre et coleur de
frontiere (Fournial, Gutton 1987, t. I, p. 85). Il faut attendre 1389, pour que l’on voit le
pouvoir royal soutenir le comté de Forez. Le roi octroie finalement 60 lances à la garde
des états du duc de Bourbon, sur ceux-ci 20 sont accordées aux Foréziens (Fournial,
Gutton 1987, t. I, p. 105). En 1390, le duc de Bourbon reçoit la moitié des aides royales a
cause des reparations a faire dans ses villes et chasteaux de Forez. Un conseil de guerre se tient
aussitôt à Feurs afin de pourveoir a la garde et sehureté du pais, la ville construisant ses
remparts depuis 1387 (Broutin, 1867b, p. 71 ; Fournial, Gutton 1987, t. I, p. 169 et
p. 98-110 ; Monicat, 1928). Tous ces efforts réussissent tant bien que mal à éviter le pire et
contribuent à une paix relative jusque vers 1415, à peine le temps d’une génération...
3.3. Les fortifications foréziennes au temps de
l’Armorial
3.3.1. Guerre, chevauchées et insécurité chronique
17
Le Forez connaît une paix « théorique » durant la première moitié du XVe siècle et n’est
pas le théâtre d’opérations militaires majeures. Il est à l’écart des grandes batailles qui
affligent le royaume de France, dominé par un conseil de régence ou s’affrontent
Orléanistes et Bourguignons sur fond de guerre avec l’Angleterre. À la fin de sa vie, le duc
Louis II de Bourbon et sa femme Anne, comtesse de Forez, sont pourtant contraint de
rallier le camp des Orléanistes, suite à des attaques de troupes savoyardes téléguidées par
les Bourguignons sur le Beaujolais et la Dombes en 140939. Devant faire face à l’invasion, la
noblesse forézienne et bourbonnaise est réunie à Thoissey et libère le Beaujolais. A la tête
de 4 000 chevaux, Louis II porte la guerre jusqu’en Bugey, mais le Forez demeure à l’écart
(Steyert, 1895-1939, t. II, p. 580). À la mort de Louis II en 1410, sa veuve Anne Dauphine se
retire dans le château de Cleppé et conserve le Forez, le Beaujolais et le comté de Thiers
jusqu’à sa mort en 1417. Ses terres sont des proies tentantes pour le parti bourguignon, et
c’est une nouvelle fois le Beaujolais que convoite le duc de Bourgogne en assiégeant
Villefranche en 1412. Le Forez sert de base arrière aux troupes de la noblesse
bourbonnaise et forézienne qui opèrent une jonction au château de Donzy (Steyert,
1895-1939, t. II, p. 583). Le Beaujolais est reconquis et une trêve signée. Marie de Berry,
qui succède à Anne à la tête du Forez en 1417, prolonge les trêves40. L’insécurité gagne les
provinces voisines. Le Lyonnais se prépare à la guerre. Un capitaine general es pays de
Lyonnais et Masconnais... pour defendre Lyon contre les menees du duc de Bourgogne est nommé
41
et une visite des forteresses aussitôt entreprise en 1417 42. La paix est très fragile et le
Velay s’embrase. Le seigneur forézien Érail de Rochebaron, devenu proche du duc de
Bourgogne Jean sans Peur, attaque Chazay-d’Azergues en Lyonnais et tente de prendre Le
Puy qu’il assiège en vain (Chroniques de Estienne Médicis, t. I, p. 236-237 et 243). Le sire
79
de Salnove lui vient en renfort avec 1 500 cavaliers savoyards et incendie Montbrison sur
son passage en 1422 (De La Mure 1860-1897, t. II, p. 139 ; Arnaud, 1816, t. I, p. 241). Cette
agression suscite une violente et prompte réaction. Traqués et battus par les troupes du
sénéchal de Lyon, les Bourguignons s’enfuient. Les terres de Rochebaron sont
confisquées. En novembre de la même année, la duchesse signe un nouveau traité avec le
duc de Bourgogne, espérant arrêter certaines entreprises qui ont esté fettes... qui pourroient
estre cause de l’introduction de ladite guerre et de la destruction des subgiez desdits pais (De La
Mure 1860-1897, t. II, p. 139). La trêve sera respectée. Absence de guerre ne signifie
pourtant pas la paix : les conflits encerclent le Forez, le transit de gens d’armes est une
calamité et la situation sociale est explosive43.
3.3.2. Les faiblesses du système de fortification
18
L’insécurité est donc constante. La nécessité des fortifications s’impose à tous : aux duccomtes pour protéger leurs intérêts territoriaux, aux nobles pour garder leur rang social,
aux maisons d’église pour protéger leurs biens, aux bourgeois et aux paysans pour sauver
leurs vie. L’insécurité du XIVe siècle et des premières décennies du XV e siècle avait, dans
un premier temps, engendré la restauration de fortifications déjà existantes. Cette
politique de « colmatage » va perdurer jusque vers la décennie 1430. En 1392, les
habitants de Montbrison reçoivent encore des aides pour la réparation de leur château
qui ne protège pourtant pas le bourg (ADL, B 1975, fi 9 v° et 10). Seules neufs villes
foréziennes sont alors pourvues de murailles : ce sont essentiellement des petites
agglomérations ou des villes couvrant les frontières. Les plus gros centres urbains
foréziens demeurent ouverts. En 1403 a lieu une visite générale des fortifications
comtales par le bailli. On se contente encore de réparer et d’entretenir à moindre coût Le
Verdier, Poncins, Saint-Maurice, Saint-Just-en-Chevalet et Donzy (Fournial, 1967, p. 341).
Anne Dauphine continue à colmater les brèches après 1410 (ADL B 1978, f° 52 ; B 1988, f°
109 v° ; B 200, fi 65 v° et 85 v°) : Saint-Héand, Virigneux et Saint-Victor en 1412, BourgArgental en 1415 (ADL, B 1988, f° 17 v° ; B 2000, f° 15 ; B 1993, f° 22 v° ; Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 4995). Les créations de nouvelles fortifications, bien qu’un peu plus
fréquentes, demeurent limitées à des maisons d’église ou à des intérêts seigneuriaux
privés. Les établissements religieux qui n’ont pas été fortifiés au XIVe siècle vont se clore.
En décembre 1409, Guillaume de Boisvair obtient l’accord du duc pour fortifier le bourg et
le prieuré de Rozier et contraint les habitants à monter la garde (De La Mure, 1860-1897, t.
II, p. 98). Une autorisation comtale est aussi donnée au prieuré de Chirassimont en 1410 et
la chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez semble fortifiée un peu avant 141044. Comme le
duc-comte, les seigneurs foréziens s’attèlent à l’entretien de leurs fortifications. Hugues
Damas, seigneur de Couzan, dote son château d’une nouvelle enceinte dès 140845. Les
comptes du seigneur de Poncins révèlent plusieurs travaux au début du XVe siècle
(Colombet-Lasseigne, 2006, p. 259). De simples maisons seigneuriales en profitent aussi
pour s’ériger en forteresse. Un peu avant 1410, Amé Vert, bailli de Forez, reçoit
l’autorisation de fortifier sa maison de Chenereilles et depuis ledit octroy, a icellui exposant
tellement procedé à l’ediffice et fortiffications dudict lieu et fait fossoier tout autour, en telle
maniere qu’il est à present fort et deffensable (Colombet-Lasseigne, 2006, p. 260). D’autres
seigneurs de moindre envergure ne s’embarrassent pas d’autorisation. Vers 1420, le
seigneur de Marcoux érige sa maison en forteresse sans accord préalable46. Il est accusé
une quinzaine d’années plus tard par le procureur de Forez de travaux de fortification au
préjudice des droits et prérogatives du duc (Diana, 1 E7, n° 439). Guichard aurait fortiffié et
80
faict plusieurs bastimens en signe de forteresse. Pour sa défense, il prétend n’avoir fait que
reparer et redresser ung peu de chose qui estoit destruit. La sanction est loin d’être sévère :
Guichard pourra conserver sa forteresse et n’aura qu’une amende à payer. Il obtient
même le droit de plus avant fortifier se bon lui semble, de fossez, paliz, pont leveiz, murailles,
tour, creneaulz, eschiffes et toutes autres choses asservans a forteresse et pour fortiffication
pourveu qu’il la sera garder a ses despens...
19
La réparation des châteaux comtaux et la mise en défense de places privées ne satisfont
cependant pas les populations rurales et urbaines qui subissent de plein fouet le passage
des troupes. Dans la plupart des cas, les habitants du plat pays ou des villes peuvent
certes se retraire dans la forteresse la plus proche, mais leurs biens sont souvent détruits
ou volés. Seules les élites locales sont autorisées à s’installer à demeure dans les enceintes
castrales qui leur servent de véritable coffre-fort47. L’impôt sur les fortifications touche
pourtant l’ensemble de la population, en conformité avec les chartes de franchises
concédées aux XIIIe et XIVe siècles48. Ces inégalités contribuent à un climat social explosif.
La révolte gronde et l’ordre social (censé apporter protection aux plus faibles) est remis
en cause. Des bandes organisées de paysans détroussent les marchands, s’attaquent aux
maisons fortes. Les riches commerçants de Lyon fomentent de sanglantes répressions et
les révoltes sont matées par les troupes du sénéchal de Lyon et de la duchesse-comtesse
de Forez. Un des chefs mutins déclarera avant d’être massacré : ilz estoient d’enctention de
destruyre toute noblesse, après les prestres, excepté en chacune paroisse ung, et puis aprez tous
bourgoiz, marchans, gens de conseil et autres notables des bonnes villes... (Caillet, 1909,
p. 234-326). Panissières est pris d’assaut le 7 juin 1422 pour avoir abrité des révoltés. Mais
les troubles perdurent. Des chroniqueurs racontent que depuis environ l’an 1425 jusque a
1431, certaines communes s’eleverent es comtez de Masconnois et de Forest contre les gens d’eglise
et la noblesse... les mutinez et les rebelles furent mis en vaul de route, escartez comme perdriaux, et
d’autant qu’on en trouvoit, autant on en tuoit... (Saint-Julien de Balleure, 1581, p. 176). C’est
sans doute à l’occasion de ces événements qu’est détruit et pillé Saint-Romain-le-Puy par
l’armée de Rodrigue de Villandro (Quicherat, 1879, p. 6 et 257). Lamure signale, qu’en
1431, furent tailles en piece par la noblesse forezienne certaines troupes de bandits (De La Mure,
1860-1897, t. II, p. 146-147). La répression aussi sanglante soit-elle ne suffit pas à calmer le
malaise social, il est temps de répondre aux exigences sécuritaires de toute la population.
3.3.3. Vers une fortification des communautés urbaines et
villageoises
20
D’après les franchises urbaines délivrées aux XIIIe et XIV e siècles, la plupart des bourgs
foréziens étaient dotés de prérogatives en matière de défense. Les consuls pouvaient, avec
l’approbation du comte, élaborer des règlements pour la garde et les fortifications et
lever un impôt pour cela. Ces prérogatives semblent toutefois avoir été peu usitées. Il est
pourtant probable que dès le XIIIe siècle, certaines fortifications urbaines aient vu le jour
comme à Saint-Marcellin. Signalons qu’en Lyonnais voisin, une vaste entreprise de
fortification des bourgs et des villæ a été entreprise par l’archevêque Renaud de Forez dès
le premier quart du XIIIe siècle (Obituarium Lugdunensis Ecclesiæ, p. 132-140). En Forez, le
mouvement de clôture des bourgs n’est connu qu’à partir du milieu du XIVe siècle et ne
prendra une ampleur inégalée que durant la décennie 1430. Une vingtaine d’années plus
tard, l’écrasante majorité des fortifications représentées sur l’Armorial de Guillaume
Revel est de type communautaire. Montbrison donne l’exemple en 1428. Le projet de
81
fortifier la capitale du Forez remonte au temps du duc Louis II qui, séjournant sur place,
envisageait une clôture urbaine un peu avant 1410 (Troubat, 2003, p. 657). L’enceinte du
bourg de Saint-Romain-le-Puy est bâtie ou rebâtie par le prieur en 1434 (Carcel, Parron,
Reynaud 1992, p. 16.). Puis c’est le tour de Boën (1434), d’Arthun (1438), de l’Hôpital-sousRochefort et du bourg auvergnat voisin d’Ambert (1439), de Saint-Germain-Laval (vers
1440), de Moingt (avant 1441), de Saint-Étienne (1435 ou 1444), de l’Hôpital-le-Grand
(1445)49. Le mouvement concerne aussi des communautés villageoises qui obtiennent des
franchises ou se voient charger de prérogatives défensives. En 1423, les habitants du
bourg auvergnat de Champeix obtiennent une franchise qui leur accorde la gestion de
l’enceinte du bourg qui jusque-là n’était qu’une annexe du château seigneurial (Fournier,
1973, p. 39). En 1452, Louis Mareschal sollicite et obtient l’autorisation de clore la place
d’Apinac dépendant du château de Leignec. On y construit une basse court forte et aménage
fosses, portaux, tournelles, pont leveiz... pourvu que lesdits habitants du lieu d’Appinat et les
retrayans en celui-ci en seront tenus faire guet et garde... (Thiollier, 1898). De façon générale,
l’initiative émane des communautés qui voient croître leurs responsabilités collectives.
Ainsi, les bourgs qui n’ont pas reçu de franchises sont dotés de lettres de consulat
destinées à créer ou entériner un semblant d’autonomie urbaine, comme à Saint-Rambert
en 1441 ou à Cervières en 1476 (Durand, 1887 ; De La Mure, 1860-1897, t. III 3, preuves
supplémentaires, p. 84-85).
21
Le processus de fortification communautaire est cependant très réglementé et ne se fait
qu’avec l’accord du seigneur dominant. Il existe des étapes obligées : supplique, visite,
décision du seigneur en son conseil, autorisation et règlement. À Chirassimont, en juillet
1410, les habitants et le prieur du lieu, excédés par le passage de bandes armées, voient
leur bourg déserté par les marchands. Ils réclament par supplique de pouvoir fortifier
l’église paroissiale (pour des questions de coût, ils n’envisagent pas de clore le bourg).
Leurs arguments portent essentiellement sur l’absence de fortification à une lieue à la
ronde. Le duc Louis II envoie alors son bailli pour enquêter. Divers témoins sont réunis
(chevaliers et écuyers de localités voisines, prêtre, paroissiens…) qui unanimement
reconnaissent l’utilité de fortifier. Compte rendu est fait au duc qui, en son conseil,
accorde l’autorisation. Sous la conduite du prieur, les habitants auront la charge de
l’entretien et de la garde de la fortification50. La licence de fortifier accordée, les
préparatifs et la réalisation sont également réglementés en détail : un cadre est donné
aux questions de financement, d’expropriation, de déplacement des marchés, de
propriété des fortifications et des fossés. À Montbrison en 1428, il est stipulé que ces
questions seront abordées par des commissions composées de conseillers techniques
(gens de métier), de consuls de la ville (qui donnent un avis), de commissaires du duc (qui
rendent ordonnance).
22
Le coût de la construction demeure l’affaire des demandeurs. Chaque composante de la
communauté urbaine est mise à contribution. Ainsi des portions de murailles sont à la
charge des maisons d’église si le tracé passe sur leur terre : à Montbrison, le chapitre de
l’église collégiale prend à sa charge toute la clôture sud de la ville. Pour le reste de
l’enceinte, les consuls sont chargés de lever une taille à répartir entre les habitants. Le
comte ne prend en charge qu’une infime portion de l’enceinte (celle de l’hôpital), mais il
contribue financièrement à l’entreprise globale à hauteur de 10 000 livres tournois et,
surtout, il exempte les habitants de toute imposition pendant le temps de la construction
et les dix ans qui suivent. La propriété, les droits et les devoirs de chacun sur l’enceinte ou
une portion de celle-ci, sont strictement définis pour éviter toute contestation. Toujours à
82
Montbrison, la moitié des fossés appartient à la communauté, avec l’usufruit, proffits et
revenus des pescheries a la communauté pour aider a maintenir a toujours la fortification, l’autre
moitié des fossés, étant creusée sur le territoire du chapitre de l’église collégiale,
appartiendra aux religieux, mais les revenus des pêcheries seront aussi affectés à
l’entretien de l’enceinte. Ces droits sont jalousement gardés, comme nous le montre le
procès entre les habitants d’Aubière en Auvergne voisine et leur seigneur à propos de la
propriété des fossés du bourg et le droit d’y pêcher en 1454 (Fournier, 1973, p. 63).
Consuls ou syndics sont garants de l’entretien des fortifications comme le sont les
retrayants dans les châteaux. En cas de manquement des redevants, le seigneur peut
intenter une procédure judiciaire. Si, en 1410, le seigneur de Couzan est en procès contre
les habitants de Palognieux qui ne s’acquittent pas de leur devoir de réparation du
château seigneurial de Couzan (Diana, 1 E4, n° 77), c’est contre les consuls de la ville de
Boën qu’il se retourne en 1467 pour défaut d’entretien des fortifications urbaines (Dulac,
1887, p. 13 ; Mathevot, 2002).
23
Il faut également aussi se préoccuper de la défense active. Sur ses terres, le seigneur
s’attache à préserver et à faire valoir son droit de garde et de capitainage. Ce sont des
engagements contractuels strictement codifiés et rappelés par écrit dans les terriers, mais
sujets à modifications ou à aménagements51. En 1441, l’obligation de payer les gages du
capitaine-châtelain de Thiers est remplacée par celle de faire chaque jour six guets au
château (Titres de la maison ducale de Bourbon, t. II, n° 5671). En cas de vente d’une terre,
l’assujettissement au droit de garde du lieu est expressément rappelé pour éviter tout
conflit (Diana, 1 E4, n° 81). Des procédures judiciaires sont parfois engagées, comme c’est
le cas entre le seigneur d’Olliergue et celui de la Faye en 1463. L’affaire réglée, les subjects
de la Faye vinrent en armes et bastons pour garder ledit chasteau52. Les communautés
villageoises ou urbaines n’échappent pas à la règle : elles sont assujetties à la garde de
leur fortification. En 1434, les habitants de Montbrison sont néanmoins dispensés
temporairement de garde, assurée par les hommes du duc, eu égard aux lourdes dépenses
consenties par ces mêmes habitants pour la clôture. Mais dès 1442, l’importance de la
place impose que l’on augmente de 100 feux le mandement afin de pourvoir à la garde.
Les habitants sont toutefois dispensés de l’arrière-ban (Ferret, 1990, p. 521 et 525).
3.3.4. D’imposantes fortifications communautaires
24
La construction de ces clôtures communautaires en Forez est une entreprise humaine,
militaire et financière considérable qui demeure encore assez méconnue. En l’état de la
recherche, la place de la documentation archivistique et iconographique demeure
essentielle. Quelques rares documents sont révélateurs comme l’adjudication de la
démolition des remparts de Montbrison en 1793, où l’on estime l’enceinte à 27 000 m3 de
pierre (Ferret, 1990, p. 523) ! La plupart des textes n’abordent cependant pas la
constitution physique des réalisations. Le plus précieux d’entre eux (la charte de clôture
de Montbrison) précise simplement que la muraille devra avoir quatre pieds d’épaisseur
pour sa base (1,20 m) et qu’elle sera bâtie de chaux, pierre et arenne. Ce minimum de
recommandations techniques ne règle pas les questions de hauteur des murailles, de
largeur et de profondeur des fossés, du système de porterie et de défense : le tout est-il
laissé à l’appréciation des consuls ? Sont-ils assistés de spécialistes de la fortification ou
est-ce les ducs de Bourbon qui imposent un système défensif éprouvé ? La question
demeure entière. Les cadastres napoléoniens nous permettent encore d’estimer le
déploiement des enceintes. La fortification de Montbrison est de loin la plus
83
impressionnante, elle s’étire sur près de 2 200 m. Mais les autres demeurent imposantes :
Saint-Galmier (environ 1 200 m), Saint-Rambert (environ 1 000 m), Saint-Bonnet-leChâteau et Feurs (environ 850 m), Boën (environ 730 m)... Ces chiffres donnent la mesure
du travail énorme qu’il a fallu accomplir et de l’organisation du chantier en termes de
main d’œuvre, d’approvisionnement en matériaux et de temps de réalisation. À Boën et à
Montbrison, les travaux s’échelonnent sur une dizaine d’années. À Saint-Germain-Laval,
la construction débutée vers 1440 a vraisemblablement été suspendue pour que le duc
ordonne encore l’achèvement du travail en 1485... (Fournial, 1967, p. 452). D’autres
sources archivistiques pourraient sans doute apporter des éléments de compréhension,
mais seul l’Armorial de Guillaume Revel permet d’aborder le détail et la globalité de ces
constructions titanesques.
25
Les représentations de l’Armorial, qui globalement sont fiables, laissent apparaître une
certaine homogénéité des systèmes défensifs communautaires. Seules les vignettes de
Saint-Romain-le-Puy et d’Essertines révèlent un simple mur d’enceinte dépourvu de
crénelage, de tours et d’un système de porterie. L’écrasante majorité des représentations
nous livre une conception beaucoup plus élaborée. La présence de fossés n’est pas
systématique, seule la moitié des fortifications urbaines en est dotée. Quand cela est
possible, le fossé est mis en eau, pour servir tant à la défense qu’à la pisciculture. Des
tours flanquent les courtines à un rythme régulier et, quand ce n’est pas le cas, des
échiffes de bois jouent ce rôle (Saint-Galmier, Saint-Maurice...). La plupart de ces tours
présentent une forme circulaire. Les observations de terrains permettent de préciser
qu’elles sont souvent ouvertes à la gorge, ce qui permet une économie de matériaux et
une utilisation à sens unique de ces dernières (Donzy, Feurs, Boën...). Un modèle unique
d’ouvertures de tir, très stylisé, est représenté sur les tours et parfois les courtines. Sa
forme évoque une archère-canonnière en croix avec étriers et plaide pour la mixité de
l’armement défensif associant armes de jet traditionnelles et armes à feu. Le système de
porterie repose souvent sur des tours-porches rectangulaires hourdées et/ou dotées de
bretèches, ou, plus rarement, sur des portes monumentales directement ouvertes dans la
courtine et flanquées d’une ou deux tours et qui forment parfois de véritables châtelets
(Le Crozet, Sury-le-Comtal). On note parfois la présence de barbacanes. Ces éléments
sont-ils liés au développement et aux progrès de l’artillerie ? On peut en douter. Même si
certains de ces ouvrages avancés se développent au-delà des fossés (Feurs, Sury-le-Bois),
la plupart sont plaqués aux portes et demeurent de taille modeste (pour les plus élaborés
et les plus grands : Saint-Maurice, Néronde, Donzy, Panissières). De plus, ce système ne
semble pas généralisé : les portes de l’enceinte urbaine de Montbrison construites durant
la décennie 1430 n’en sont pas dotées.
26
Il subsiste encore aujourd’hui bien des interrogations sur ces enceintes communautaires
qui s’imposent comme un élément caractéristique majeur du paysage urbain ou villageois
au temps de Guillaume Revel. Jusqu’à une époque récente, elles ont contribué à modeler
le développement des villes foréziennes qui conservent encore aujourd’hui leur tracé
dans le parcellaire. Une partie non négligeable de ces enceintes a su résister aux
transformations modernes et aux coups de boutoir de promoteurs immobiliers ou de
municipalités peu soucieuses de leur patrimoine53. Si quelques opérations d’archéologie
préventive ont déjà permis et permettront encore à l’avenir de recueillir des bribes
d’information au gré des prescriptions, une étude globale de terrain est encore possible à
l’échelle du Forez mais elle demeure à entreprendre...
84
NOTES
1. Phénomène récurrent en Gaule (Lemarignier, 1951, p. 401 sq).
2. Il s’agit pour l’essentiel du cartulaire de Savigny dont l’authenticité fut attaquée violement par
le comte de Neufbourg, mais que les travaux récents de Pierre Ganivet ont réhabilité (Chartes du
Forez, t. XVIII, 1 et 2 ; Ganivet, 2000).
3. Salt (commune de Salt-en-Donzy) se situe à 5 km à l’est de Feurs. Randans (commune de Feurs)
se trouve au sud-ouest de l’actuelle ville de Feurs, en bordure de Loire.
4. L’auteur émet l’hypothèse intéressante d’une famille potentiellement détentrice de Marcilly
dès la fin du Xe siècle.
5. La question de l’occupation de Feurs à la fin de l’Antiquité et durant le haut Moyen Âge nourrit
un vaste débat. Au Xe siècle, Feurs est cité comme burgus et vicus (Cartulaire de Savigny, n os 72 et
241), on y trouve un pont pour franchir la Loire (ibidem, nos 72, 290, 437), un marché (ibidem, nos
128, 335), une église dédiée à saint Baudèle (ibidem, n° 247) et une autre dédiée à la Vierge (ibidem,
n° 819). Pour le détail, cf. Ganivet, 2002.
6. Simple hypothèse de travail. Sur le détail de ce point, je renvoie à la notice du présent ouvrage
consacrée à Montbrison. Outre Feurs, les deux autres centres de peuplement majeurs en Forez et
Roannais sont Roanne et Moingt. Ils sont à l’origine de la diffusion du christianisme à l’ouest du
diocèse de Lyon. Cf., ci-joint, la carte réalisée d’après l’analyse critique des mentions des
cartulaires de Savigny et de Cluny (fig. 19). Pour le détail et le choix des sites retenus sur la carte,
cf. Mathevot, 2008.
7. Pour plus de détails sur le premier âge castral, cf. Mathevot, 2005.
8. ... pro emendatione castelli quod fuit ad Amberta... (Cluny, n° 1321).
9. À Pinay en 930 : ... ecclesia in honore Sanctae Mariæ [...] in pago Forense [...] in quæ dicitur Pinetus...
(Cartulaire de Savigny, n° 31).
10. Perroy, 1966-1968. Saint-Maurice (1018/1037 : quod beneficium est in Rodonensi, subtus castellum
Sancti Mauritii ; Cartulaire de Savigny, n° 711), Néronde (1091 : Hilisiardus miles de castello quod
vocatur Nigra Unda ; Cluny, n° 3660) et Crozet (1080, Chartes du Forez, n° 1286, n. 8). Première
mention de Saint-Haon en 1128 seulement (Cartulaire de Marcigny, n° 254). Sur le détail des
acquisitions des Beaujeu, cf. Aubret, 1988, t. I, p. 278-285 et t. II, p. 193.
11. Cela donne un aperçu de la puissance des moyens mis en œuvre !
12. La présence allodiale de ces familiers au sein même des castra jusqu’au XIII e siècle met
clairement en évidence une stratégie de chasement répondant aux exigences d’une occupation
permanente, seule garante des intérêts des maîtres du castrum.
13. L’occupation comtale pourrait être plus ancienne. Cf. dans ce même ouvrage la notice relative
à Montbrison.
14. Le comte Guy II se plaint de l’incurie de ses clavaires (incuria clavigerorum suorum) à acquitter
les redevances dues à l’Hôtel-Dieu de Montbrison (Chartes du Forez, n° 1286, p. 10).
15. Le château d’Yzeron, tenu par un vassal du comte, est le théâtre des premiers évènements.
Considéré comme « un clou fiché dans les yeux de la cité de Lyon », il est alors assiégé par
l’archevêque. Par une subtile manœuvre, le comte prend les assiégeants à revers et leur inflige
une lourde défaite (Acta Sanctorum, Aug., t. II, p. 654).
16. Renaud de Dassel, chancelier de Barberousse, revenant d’Italie, parcourt la région et, pour
rendre confiance aux Impériaux, fait entreprendre la construction d’un château sur les confins
du royaume. Le comte de Forez disperse les ouvriers qui y travaillaient. Le fait est connu par une
lettre du pape Alexandre III à Louis VII du 30 juillet 1164 (Chartes du Forez, n° 917).
85
17. Le roi conduit une expédition en Bourgogne (juin 1166) pour mettre un terme aux
turbulences du comte de Chalon et rallier temporairement les Beaujeu (Luchaire, 1885, n° 524 ;
Luchaire, 1902, t. III, p. 71).
18. L’éditeur date cette visite de circa 1171 (cf. note 1). La date de 1171 ne paraît toutefois pas
acceptable. Comme le pense Paul Fournier (Fournier, 1884, p. 28), le passage de Louis VII à
Montbrison doit se situer en août ou septembre 1163 et se justifie par le déroulement des
événements en Auvergne.
19. Cf. Epistolæ Joannis Saresberiensis, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XVI, p.
578.
20. La Charte du Forez n° 13 ne possède aucune autre indication chronologique que « mardi
avant la Toussaint ». Elle est postérieure à la mort d’Humbert le Jeune (1189) et antérieure à celle
de son père Humbert III (1192), fait que les auteurs n’ont pas ignoré puisqu’ils l’ont prudemment
datée de 1188-1192. Il nous semble cependant possible d’affiner. Hugues de Foudras (témoin de
l’acte) se trouve dans l’ost du roi à Messine en décembre 1190 (Vachez, 1875, p. 42). Or, l’armée
royale avait quitté Vézelay le 4 juillet et était arrivé à Messine le 16 septembre 1190 et à SaintJean-d’Acre le 20 avril 1191. La ville prise, Philippe Auguste repart le 2 août 1191, laissant son
armée au duc de Bourgogne qui participe à la suite des évènements jusqu’en septembre 1192
(Grousset, 1936, p. 9-120). Un retour pour la Toussaint 1192 est impossible, le traité ne peut donc
dater que du mardi avant la Toussaint 1189, le 31 octobre.
21. Cervières fut bâti par le comte en 1180 (Chartes du Forez, n° 303). Mais d’autres châteaux sont
hommagés au comte comme Rochefort en 1180 (Chartes du Forez, n° 303), Cuzieu en 1190
(Chartes du Forez, n° 12) et sans doute Donzy bien avant.
22. Les listes de témoins qui assistent aux arbitrages qu’il rend mentionnent entre autres : G.
Charbonnel (seigneur de Cuzieu), G. de Saint-Bonnet (seigneur de Saint-Bonnet, Leignec,
Montacher), Otmar de Vernoil (détenteur de droits dans les châteaux de Saint-Galmier,
Chevrières, Châtelus, Écotay, Moingt, Montbrison, Champs, Gadastein et Essertines) ou encore
Pons de Saint-Priest... (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 23 ; Chartes du Forez, n os 21, 15,
16, 8, 306). En 1197, est mentionnée pour la première fois la cour du comte Guy II : curia Guigonis
comitis (Chartes du Forez, n° 1569).
23. Par exemple Saint-Bonnet en 1291 (Chartes du Forez, n° 528).
24. Janvier 1194 : Bonitus vicarius (Chartes du Forez, n° 1298) ; 1198 : Cuconelli... castellanum
Montebrei (Chartes du Forez, n° 306) ; 1206 : Petrus Boci, castellanus Montisbrisonis (Chartes du Forez,
n° 1314).
25. À Crozet (acquis en 1220), est encore mentionné un cellérier en 1236 (Chartes du Forez, n° 31
et n° 1380, art. 26). À Saint-Just-en-Chevalet (acquis vers 1248), le comte trouve un prévôt
héréditaire à qui il rachète ses droits en 1257 (Chartes du Forez, n° 619).
26. Aux XIV e et XV e siècles, de nombreux conflits de délimitation de mandement subsistent
encore (Excoffon, 2007). Nous ajouterons aux exemples de l’auteur, celui de Couzan dont le
seigneur est encore en conflit avec le seigneur de Chalmazel pour la justice de certains lieux
entre 1367 et 1396 et avec les ducs de Bourbon en 1400 (Diana, 1 E4, nos 94, 71 et 73).
27. Chartes du Forez, n° 50 : ... in predictis villis... mandamentis... fortaliciam vel bastimente forte,
ligneum vel lapideum, vel aliqua que pertineant ad fortaliciam vel ad aliquod bastimente forte facere non
possit.
28. Le fils de cet Arthaud, reprend en fief jurable et rendable la maison forte de Marcoux en 1239.
L’acte stipule que Marcoux échut à son père en vertu d’un échange avec le comte.
29. La Salle (commune de Feurs). Chartes du Forez, n° 123 : domus sive grangia de la Sala. Chartes
du Forez, n° 1544 : domum suam et fortalicium de La Sala versus Randans, cum grangia et omnibus
domibus, fossatis, piscaturis, colomberio, ripperiis et garennis pertinentibus ad eandem domum de La Sala
et cum aliis juribus, pertinenciis dicte domus... Citée comme domus fortis en 1415 (AN, P 493, n° 1041)
et en 1443 (Diana, 6 F, n° 765, VII).
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30. Confirmation des privilèges accordés aux habitants du Dauphiné en 1367 : (15) voluit... quod
quicumque subditi Delphinatus... possint et sibi liceat, in quacumque parte Delphinatus... in re sua
propria... facere domos fortes pro libido voluntatis... En cas de vente ou d’hommage de celle-ci, le
dauphin se réserve néanmoins un droit de préemption (Ordonnances des rois de France, t. V, p.
42).
31. L’inventaire des archives de la maison de Talaru (Bibliothèque de la Diana, manuscrit 1867)
nous livre quelques actes d’acquisition de terres et de remises en fief à Jean de Marcilly, mais
également d’acquisition des dîmes de Saint-Just-en-Bas (1248) et de Chalmazel (1264). Ces actes,
datés entre 1245 et 1264, ne le qualifient de seigneur de Chalmazel qu’à partir de 1248.
32. Commune de Grézieux-le-Fromental.
33. Archives municipales de Montbrison, fonds ancien, pièce n° 11. Son fils devient maître d’hôtel
de la comtesse en 1388 et son petit-fils est adoubé (Chartes du Forez, n° 753, note 13).
34. Maison forte de Sugny (cne de Nervieux).
35. Le comté d’Auvergne et le Mâconnais voisins sont des possessions royales depuis le XIII e
siècle, le Lyonnais est rattaché à la couronne en 1312, le Dauphiné en 1349. Le roi ordonne que
l’on travaille aux fortifications et que l’on y mette de l’artillerie et des vivres. Les fortifications
qui ne pourront être mises en état seront abattues. Les habitants du pays pourront se retirer
dans les villes et châteaux avec leurs biens sans que l’on ne puisse exiger d’eux aucun droit (
Ordonnance faite en consequence d’une assemblee des estats generaux tenuë à Chartres, Sens le 19 juillet
1367, éditée dans Ordonnances des rois de France, t. V, p. 14).
36. Accord passé le 9 juin 1370 entre Louis de Bourbon, curateur de Jean, comte de Forez, d’une
part, et l’abbé de Cluny, d’autre part, au sujet du guet et de la participation des habitants de
Pouilly aux réparations au château de Feurs (Inventaire des titres du comté de Forez, t. I, p. 310 ;
ADL, B 1959, f° 8 v° ; Fournial, 1967, p. 341).
37. La première mention connue est celle de la construction d’une simple palissade de bois à
Néronde en 1364, Crozet, Saint-Haon, Saint-Rambert, Saint-Galmier, Saint-Bonnet-le-Château,
Sury-le-Comtal, Villerest (vers 1376), La Fouillouse en 1366. L’Auvergne voisine s’emmuraille
aussi : comme à Saint-Pourçain en 1363 (Fournier, 1973, p. 113).
38. ... prioratus Estivallellis fortis et defensabilis... dictus prioratus et ecclesia vel fortalicium ejusdem...
partem dicti fortalicii incendio dirruerunt... (AN, JJ 91, f° 161). En 1367, le prieur de Saint-Romain-enJarez oblige les habitants du mandement à travailler aux réparations des murailles du bourg et à
fortifier (Vachez, 1885, p. 87). Une supplique est envoyée à Jeanne de Bourbon, comtesse de
Forez, qui autorise Valbenoîte à se fortifier en 1373 (Diana, 6 F 789).
39. Louis II est maître du Beaujolais depuis 1400. Peu de temps après, en 1402, il acquiert du
dernier sire de Thoire et de Villars, Trévoux, Ambérieux et le Chastelard, moyennant 30 000
francs d’or.
40. Anne Dauphine, morte en 1417. Le Forez passe aux mains de son fils le duc Jean I er. Mais ce
dernier est prisonnier des Anglais depuis la bataille d’Azincourt en 1415. Marie de Berry, sa
femme, administre ses biens (De La Mure 1860-1897, t. II, p. 133).
41. Gilbert de La Fayette est nommé à ce titre et entre à Lyon le 1er mai 1417 (Mémoires et
documents de la Diana, t. IV, 1877, p. 75).
42. Procès-verbal de visite des forteresses du Lyonnais du 6 novembre 1417 fait par André
Chevrier, citoyen de Lyon et commissaire nommé par le bailli de Mâcon en exécution des lettres
de Charles VI du 31 août précédent (Archives historiques et statistiques du département du Rhône, t. V,
1827, p. 31).
43. Le dauphin Charles se rend à Lyon en janvier 1420 avec des troupes qui franchissent la Loire à
Pinay, à Roanne et à Saint-Rambert (De La Mure 1860-1897, t. II, p. 136). En 1429, le maître des
étangs accompagné d’un contrôleur et de quatre hommes s’apprêtaient à pêcher dans l’étang
d’Uzore mais n’oserent de peur des gens d’armes que lors estoient a Pommiers et a la Sauveté (ADL, B
1896, f° 58 v° ; B 1950, f° 163).
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44. Dès avant 1410, elle est qualifiée de forteresse de Saincte Croix de l’ordre des Chartreux
(Guichenon, 1650, p. 234).
45. Cf. dans cet ouvrage la notice consacrée au site de Couzan.
46. La maison de Marcoux est à l’origine une possession comtale remise à Arthaud de Sury en
1239 (Charte du Forez, n° 1604). La justice demeure comtale sur le fief jusqu’en 1350 (Chartes du
Forez, n° 337 ; Diana, 1 E7, n° 20). Il aura donc fallu 200 ans aux seigneurs du lieu pour imposer
une maison forte assortie de droit de justice.
47. Nous pourrions multiplier les exemples. Qu’elles soient comtales ou seigneuriales, ce sont les
maisons d’église, les nobles et les riches marchands qui ont ce privilège. En 1449, les curés de
Palognieux et de Trelins, (localités dépourvues de fortifications) détiennent une maison au sein
du château seigneurial de Couzan, ils y stockent les cierges et biens précieux (ADL, B 1901, f° 113).
48. En 1388, Pierre d’Angérieu, capitaine châtelain de Couzan, est chargé de vérifier la bonne
utilisation des tailliis et collectis per ipsos consules levatis et impositis ab hominibus dicte ville de Boenco
racione reparacionis fortalicii de Boenco. Il s’agit bien d’une maison forte seigneuriale avouée au
comte et non pas d’une fortification communautaire (Mathevot, 2002).
49. Pour Boën : cf. Mathevot, 2002 ; pour Ambert, cf. Grivel, 1852 ; pour Saint-Germain-Laval : cf.
Fournial, 1967, p. 452. À Moingt, la fortification urbaine semble ancienne mais les études de
Christian Le Barrier ont aussi mis en évidence une importante campagne de renforcement au XV e
siècle avec l’adjonction de tours ouvertes percées d’archères (cf. C. Le Barrier, Rapport, SRA
Rhône-Alpes, 1992). Le terrier du doyenné de Moingt évoque le castrum sive burgus de Moingt en
1441, signe d’une fortification urbaine opérationnelle (Diana, terrier du doyenné de Moingt, signé
Conchis, 1443). Pour Saint-Étienne, un manuscrit de 1806 évoque des lettres patentes datées de
1444 (Diana, V6 r4, Manuscrit Granjon, p. 208).
50. Ledit lieu de Cherassimont si soloit estre un grant villaige, bien publes, ou habitoient plusieurs gens de
divers mestiers, marchans et autres. Par les guerres qui ont ete le temps passé dans ce royaume, et aussi les
grans passaiges de gens [d’armes] … est comme tout desert et inherme devenu. Se porroit repeupler,
meilleure et remectre sus, s’ilz avoient [aucun] petit retrait de forteresse pour sauver et retraire eulz et
leurs biens, qu’ils ne fussent ainsy gastez par lesdits passaiges et [illisible] qui porroient estre comme
autrefois ont esté. Qu’il vous plaise, ces choses considérées et qu’ilz sont assez loing de forteresse voysine ou
bonnement ils se puissent retraire sans grant peril et dommaige, pour la longueur du chemin, ouctroyer
auxdits suppliants qu’ils [puissent] et leur loyse fortiffier leur esglize parrochial, ou quel a desja pour la
construction d’icelle bon et bel commencement et avantaige, et po [ur ce] plus aysement et legirement et a
moins de coust se porra faire ; et ycelle garnir environ de chaffaulx, bertraches, galeries [et autres] a ce
necessaires en la meilleur maniere et ainsi que fere le porront l’un peu après l’autre, selon leur aysance de
leur povretez ; et [pour ce] leur donner vos lettres de congié et licence et telles qu’il appartiendra ; afin que
par le moyen dudit prouchain retrait en ladite esglise, [ledit lieu] se puisse peupler et multiplier de
marchans gens de mestier et autres gens, et revenir un bon et gros villaige, si comme estre soloit (Diana, 1
E2, n° 36 et n° 264). L’église est aujourd’hui détruite, mais elle possédait encore en 1888 une tour
carrée voûtée.
51. Les seigneurs ont tendance à envisager ce droit comme une source de revenu en remplaçant
le service par l’impôt. Ceci entraîne de vaines réactions du pouvoir royal. Des ordonnances non
entérinées (1373 et 1489) prévoyaient que les assujettis seraient libres de faire le guet et la garde
en personne au lieu de payer une imposition et qu’ils ne seraient plus tenus à aucune garde si
leur château était détruit (cf. Jean Bouhier, Les Coutumes du Duché de Bourgogne, avec les anciennes
coutumes, tant générales, que locales, de la même province, non encore imprimées et les observations de M.
Bouhier, Dijon, chez Arnauld Jean-Baptiste Augé, 1742, t. 1, p. 844).
52. Inventaire des archives de la maison de Talaru, p. 123 (manuscrit 1867 de la Bibliothèque de
la Diana).
53. Nous aurons la délicatesse de ne pas citer de noms... Fort heureusement les mentalités
changent et l’intérêt pour le patrimoine et sa conservation va grandissant.
88
Monographies
89
Encadrés
NOTE DE L'AUTEUR
Nota bene :
La pagination renvoie au manuscrit de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, ms Français
22297).
La numérotation des armoiries renvoie à l’ouvrage d’Emmanuel de Boos, L’Armorial
d’Auvergne, Bourbonnois et Forestz de Guillaume Revel, Nonette, Éditions Créer, 1998.
Fig. 22 - La vignette introduisant la partie forézienne de l’Armorial de Guillaume Revel
(Bnf, fr. 22297, p. 434).
90
Page 434
LE CONTE DE FOURESTZ
Étude héraldique (fig. 22)
768.
cinq points d’azur équipollés à quatre d’or – l’écu posé sur un bâton de prieur.
Briant de Saint-Priest, prieur d’Estivareilles, fils de Guy de Saint-Priest et de
Philiberte de Mello. Encore mineur en 1416 lorsque son père, par testament, lui
léguait vingt livres de rente et le destinait à l’Église, il entra ensuite au prieuré
d’Estivareilles ; il en prit la tête avant 1451, date à laquelle il transigeait avec Louis de
Saint-Priest dit Maréchal d’Apinac (cf. infra n° 772 p. 74), à propos de leurs droits
respectifs de garde et de justice sur Estivareilles.
• Philocarité, 5.
• Deveille, 1924, p. 89-94, p. 100-102 ; Perroy, 1977, t. I, p. 291-292.
769. Hutasse de Levis crie Levis
d’or à la croix ancrée de gueules – cimier : une tête et col de lion couronné.
Eustache de Lévis, chevalier, fils cadet de Philippe de Lévis, seigneur de Roche-enRégnier, et d’Alix, dame de Quélus. Il épousa en 1425 Alice de Couzan, fille d’Hugues
de Damas, seigneur de Couzan, et d’Isabelle de Damas du Plessis, dernière de son
nom et héritière de son frère Guy de Damas (mort en 1424). Elle lui apporta les trois
forteresses de Couzan, Boën et Chalain-d’Uzore, les fiefs de Sauvain, Nervieu, Mably,
Arthun, ainsi que de grosses censives à Saint-Haon, Roanne et dans le Roannais, le
tout constituant encore, malgré de nombreuses aliénations aux générations
précédentes, la plus grosse fortune du Forez. Eustache reprit le nom et les armes de
la famille de son épouse, mais ses descendants portèrent le plus souvent les armes
Couzan aux 2 et 3 d’un écu écartelé aux 1 et 4 des armes Lévis (d’or à trois chevrons
de sable). Ce sont ces armes écartelées qui figurent sur les sceaux et sont sculptées
dans l’église Notre-Dame de Montbrison, à Couzan, Chalain-d’Uzore, Chandieu, etc.
• Sceaux : Roman P., Orig. 6374-6379.
• De Boos, 1995, 219, 377 ; Raneke, 1975, 2348 ; Philocarité, 4.
• Bétencourt, 1867, t. III, p. 40 ; Soultrait, 1890, t. II, p. 65 ; Gras, 1874, p. 155 ; Perroy,
1977, t. I, p. 280-282 ; Courteault, 1979, table.
770. Armant de La Roue crie La Roue
fascé d’or et d’azur – cimier : un griffon issant.
Armand de La Roue (1379-1452), chevalier, fils de Pierre, dit Goyet de La Roue, et
d’Isabelle, dite Belonde de Langeac. Il épousa en premières noces Isabelle de
Chalencon, puis, en 1423, Jeanne de Tournon. Possessionné en Forez, en Auvergne,
en Velay et en Vivarais, il était seigneur de La Roue, Montpeloux, Aurec, La Chapelle,
Usson-en-Forez, Saint-Anthème, Dunières, Empurany et, en partie, de Montarcher et
Lespinasse. En 1447, il transigea avec Charles Ier, duc de Bourbon, sur les limites des
seigneuries de La Roue et Montpeloux. Il embrassa le parti bourguignon, moins,
semble-t-il, par conviction politique que par opposition à la famille de Polignac (De
Boos, 1998, n° 397), qui tenait dans la région le parti armagnac.
• Sceaux : Demay, 1885-1886, 7994 ; De Bosredon, 1895, 645.
• Frise de la salle héraldique de la Diana (5, suivant la numérotation de Gras, 1874) ;
91
De Boos, 1995, 417.
• Bétencourt, 1867, t. IV, p. 54 ; Bouillet, 1846-1847, t V, p. 459-465 ; Titres de la
maison ducale de Bourbon, nos 5805 et 6492 ; Gras, 1874, p. 230 ; Remacle, 1941-1943,
t. II, col. 532-533, 552 ; Perroy, 1977, t. II, p. 714-715.
771. Gorge de Chaugy
écartelé d’or et de gueules.
Georges de Chaugy (mort en 1461), chevalier, fils aîné de Jean, seigneur de Chaugy
(mort en 1443), et de Guillemette de Montaigu-le-Blin. Il était seigneur de Chaugy,
Urbise et Le Verger. Sa famille avait porté le nom de Miglet jusqu’au milieu du XIVe
siècle, puis adopté le nom de sa principale seigneurie. Ses fils héritèrent les biens de
son frère cadet, Michel de Chaugy (mort en 1480), seigneur de Roussillon, dont la
carrière fut toute bourguignonne : premier maître d’hôtel de Philippe le Bon,
conseiller et chambellan du duc, gruyer de Bourgogne de 1461 à 1463 ; en 1466, il fit
peindre par un artiste flamand le polyptyque d’Ambierle, où il est représenté en
armure, vêtu d’un tabard écartelé de Chaugy et de Montaigu-le-Blin (De Boos, 1998, n
os
526 et 535), en compagnie de son père, qui portait, lui, une cotte aux pleines armes
de sa maison. Dans le Philocarité, le cimier de Chaugy est un lion issant.
• Sceau : Roman, 1909, 2815.
• De Boos, 1995, 458 ; Philocarité, 35.
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 240 ; Soultrait, 1879, t. I, p. 214-216 (avec une description
du polyptyque d’Ambierle) ; Gras, 1874, p. 68 ; Chazeault, 1876, p. 51, 52, 102, 172,
199 ; Perroy, 1977, t. II, p. 547.
772. Loys de Saint Priet crie Saint Priet
Écartelé : aux 1 et 4, contre-écartelé d’argent et d’azur (Saint-Priest) ; aux 2 et 3, d’argent au
lion de gueules, armé et lampassé d’azur ; à la bordure de sable semée de besants (17) d’or
(Apinac).
Louis de Saint-Priest, dit Maréchal d’Apinac (mort en 1472), chevalier, fils de Jean de
Saint-Priest, dit Le Petit Maréchal, et d’Isabelle de Polargues. Il épousa en 1426
Germaine Durgel de Saint-Priest, fille de Jean Durgel de Saint-Priest et de
Guillemette de Mello, puis, en secondes noces, Louise de Joyeuse. Il était seigneur
d’Apinac, Saint-Marcellin, Sury-le-Bois, Jullien, Le Colombier. En 1446, il occupait la
charge de premier chambellan du duc de Bourbon. La bordure de sable besantée d’or
n’entoure généralement que les seuls deuxième et troisième quartiers. Il s’agit sans
doute ici d’une simple erreur du peintre.
• Sceaux : Roman, 1909, 4184 sq.
• Ars., ms 4802, f° 70 ; Raneke, 1975, 2274 ; Philocarité, 5, 11.
• Bouillet, 1846-1847, t. IV, p. 40-41 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 5786,
4967, 6076, 6507 ; Gras, 1874, p. 210 ; Chazeault, 1876, p. 63, 151, 169, 170, 185, 201 ;
Perroy, 1977, t. II, p. 517, 785.
773. Artaut de Saint Germen crie Saint Germen
de gueules à la fasce d’argent accompagnée de six merlettes du même – cimier : une tête et col
de lion dans un vol.
Artaud VII (selon la numérotation de Perroy, 1977) de Saint-Germain (1413-1494),
chevalier, fils aîné d’Artaud VI de Saint-Germain et de Louise d’Apchon. Il épousa en
1428 Marie Vert (morte après 1478), fille d’Amé Vert de Chenereilles (mort en 1455),
92
bailli de Forez, et de Louise Vert, dame de Fauris. Elle lui apporta Veauche,
Chenereilles et Tortorel. Il était de son chef seigneur de Montrond (voir Armorial
p. 440), Rochetaillée, Chambost et Boisset. À la mort de son beau-père, il lui succéda
dans les charges de bailli de Forez et de châtelain comtal de Montbrison.
• Sceau : De Bosredon, 1895, 860.
• Philocarité, 8.
• Bétencourt, 1867, t. IV, p. 70 ; Bouillet, 1846-1847, t. VI, p, 51-52 ; Soultrait, 1890, t.
II, p. 187 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 6344, 6492 ; Gras, 1874, p. 124 ;
Remacle, 1941-1943, t. II, col. 216, 360-361 ; Perroy, 1977, t. II, p. 744-745.
774. Johan de Lavieu crie Lavieu
de gueules à l’étoile d’azur, posée en pointe, au chef de vair – cimier : une tête et col de lion
couronné.
Jean de Lavieu (mort avant 1478), chevalier, second fils d’Édouard de LavieuFeugerolles et de Marguerite Dauphine de Saint-Ilpize. II épousa en 1445 Marguerite
de Balzac. Seigneur d’Écotay, Rochefort et Roche-la-Molière, il fut châtelain du
Roannais, puis de Néronde en 1458. Il survécut à son neveu Charles de LavieuFeugerolles, fils de Jacques de Lavieu (cf. infra n° 823 p. 264), et hérita ses biens ; mais
il n’eut pas de postérité et les possessions des Lavieu furent alors partagées entre les
Lévis-Couzan (cf. supra n° 769 p. 72) et les Talaru-Chalmazel (cf. infra n° 775).
• Sceau : De Bosredon, 1895, 660.
• Philocarité, 2 ; Vallet de Viriville, 1866, suppl., n° 1840.
• Bétencourt, 1867, t. III, p. 34 ; Bouillet, 1846-1847, t III, p. 386-388 ; Gras, 1874,
p. 153 ; Perroy, 1977, t. I, p. 443-446.
775. Anne de Taleru crie Taleru
de sable semé de molettes d’or, au lion du même, armé et lampassé de gueules.
Annet de Talaru-Chalmazel (mort en 1460), chevalier, fils de Jean de Talaru, seigneur
de Chalmazel. Il épousa en 1422 Alice de Lavieu, dont il n’eut pas d’enfant, puis en
1435 Claudine de Langeac. Il était seigneur de Chalmazel, La Grange, La Ferrière,
Noailly, Saint-Médard, Chalain-le-Comtal. Jean de Talaru (mort vers 1415) avait
hérité tous les biens de son oncle maternel, Antoine de Marcilly, seigneur de
Chalmazel (mort en 1372), à condition de reprendre le nom et les armes de Marcilly.
Cette clause ne fut que partiellement respectée, puisque Jean se contenta d’ajouter à
son nom celui de la principale seigneurie des Marcilly. En revanche, il abandonna les
armes familiales (parti d’or et d’azur, à la bande de gueules brochant) qu’il eût été
contraint de briser, pour celles de Marcilly, que l’on peut voir sculptées et peintes au
château de Chalmazel.
• Ars., ms 4802, f° 70 ; Raneke, 1975, 2304 ; Philocarité, 38.
• Gras, 1874, p. 162, 243 ; Perroy, 1977, t II, p. 857-859.
776. Arnoul Varnin crie Varnin
de gueules à trois croisettes recroisettées au pied fiché d’or, au chef d’argent chargé d’une
fasce ondée d’azur – cimier : une dame issant, coiffée d’un hennin.
Arnould Vernin, damoiseau, fils de N. Vernin et de N. de Dorat. Il épousa Marie de
Lavault. Il était seigneur de Crémeaux et Dorat.
• Ars., ms 4802, f° 69 v° ; Philocarité, 24.
• Gras, 1874, p. 262 ; Remacle, 1941-1943, t. I, col. 641.
93
777. Berault de La Bastie dit Varoul crie La Bastie
d’or à la croix ancrée de sable.
Béraud de La Bastie, écuyer, fils d’un premier lit de Pierre de La Bastie, seigneur de
Magneu, écuyer d’Anne Dauphine, duchesse de Bourbon. Il hérita en 1444, à la mort
de son père, la censive de Magneu ; en effet, bien que se disant seigneurs de Magneu,
cette famille n’avait pas de droits sur le château, ni sur la justice du lieu. Il ne semble
pas avoir eu de postérité. Il était le frère de Louis de La Bastie (cf. infra n° 826 p. 283).
• Frise de la salle héraldique de la Diana.
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 70 ; Gras, 1874, p. 24 ; Perroy, 1977, t. I, p. 113.
778. Johan de Sainte Colonbe crie Charsalees
écartelé d’or et d’azur ; au lambel de gueules brochant sur le tout – cimier : une hure.
Jean Charsala (Chair-Salée) de Sainte-Colombe, chevalier, fils de Jocerand Charsala
de Sainte-Colombe et de Marguerite de Polargues. Il épousa Jeanne de Bonnefont,
fille et héritière des Bonnefont d’Aix, qui lui apporta la terre de Bonvert ou Bauvert,
à Mably en Roannais. Bien que l’aîné, il n’hérita pas de son père le fief de SainteColombe, mais celui de Saint-Priest-la-Roche, dont il prit le nom. Cette seigneurie
était le patrimoine de Catherine Charsala de Saint-Priest, dernière de la branche
aînée, femme de Guillard de Sainte-Colombe et mère de Jocerand. Il faut remarquer
que bien que sa branche fût désormais l’aînée et que lui-même fût l’héritier du nom
et des biens de la branche aînée, Jehan Charsala portait toujours le lambel des
Sainte-Colombe.
• Ars., ms 4802, f° 69 ; Philocarité, 5.
• Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 4991, 6497 ; Gras, 1874, p. 79 ; Perroy,
1977, t. I, p. 213-214.
779. Loys de Montanie crie Montaigny
d’azur au lion d’or, armé et lampassé de gueules, au bâton de gueules – cimier : une tête et col
de coq.
Louis de Montagny, damoiseau, fils d’Antoine de Montagny, seigneur de Magneu et
d’Estaingt. Il était seigneur de Montagny, La Raffinière et Magneu, dont il rendit
hommage au duc de Bourbon en 1448 et 1468. La famille de Montagny, originaire du
Lyonnais, s’était fixée en Forez au cours du XIIIe siècle.
• Douët d’Arcq, 1859, 1420.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, table ; Perroy, 1977, t. II, p. 570-571.
780. Guillaume de Layre crie Layre
d’argent au lion de gueules, armé et lampassé d’azur ; au chevron engrêlé d’azur brochant sur
le tout – cimier : un cygne issant.
Guillaume de Laire, damoiseau ; fils de Jean II de Laire, seigneur de Cornillon (cf. infra
n° 824 p. 264), et de N. de Valens. Il était seigneur de Laire, Cornillon, Les Cornets et
Cuzieu.
• Sceau : Roman, 1909, 6148.
• De Boos, 1995, 383, 420 ; Philocarité, 12.
• Gras, 1874, p. 149 ; Remacle, 1941-1943, t. I, col. 571, 897.
781. Ploton du Varnay crie Le Varnay
94
d’azur à l’étoile d’or, au chef échiqueté de gueules et d’or – cimier : une tête et col de renard.
Jean, dit Ploton ou Plotard, du Vernet ou du Vernay, chevalier, fils de Jacques du
Vernet (cf. infra n° 815 p. 219) et d’Anne de Peyra. Il épousa en 1437 Dauphine du
Chef. Il était seigneur de Salles-lès-Feurs, puis, à la mort de son père, de La Garde.
Cette famille, issue de la riche bourgeoisie de Montbrison et anoblie au début du XIVe
siècle, n’avait pas de rapport avec la famille chevaleresque du Vernay, avec laquelle
elle a été parfois confondue.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. II, p. 352-354 ; Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 5234 ; Gras, 1874, p. 261.
782. Guillaume d’Albon
de sable à la croix d’or – cimier : un sanglier passant.
Guillaume d’Albon (1418-1488), chevalier, fils de Jean d’Albon, dit de Lespinasse
(mort en 1442), et de Guillemette de Laire, dame de Cerzieu. Il épousa en 1436 Marie
de La Palisse, dame de Chazeuil, fille aînée d’Antoine de La Palisse, dernier de son
nom, et d’Annette de Chouvigny. Il hérita les biens de son oncle Guichard d’Albon,
frère aîné de Jean, mort sans enfant ; il reçut d’autre part de son père les biens de la
famille de Lespinasse, à l’exception de Saint-André, qui échut à son fils, Gilet d’Albon.
Il était seigneur de Saint-Forgeux, Curys, Ouches, Saint-Marcel et Cerzieu.
• Sceaux : De Bosredon, 1895, 338 ; Roman, 1909, 103-108.
• Ars., ms 4802, f° 69 ; Philocarité, 13.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. II, p. 139-140 et 142-143 ; De SainteMarie, t. VII, p. 194-203 ; Bétencourt, 1867, t. I, p. 8 ; Gras, 1874, p. 3 ; Tricou,
1965-1976, t. I, p. 36.
783.
losange d’or et d’azur, au chef de gueules – l’écu posé sur un bâton de prieur.
Membre non identifié de la famille du Chevalard, qui portait ces mêmes armes. On
peut retrouver celles-ci sculptées à Essertines, Saint-Romain, Rozier-Côtes-d’Aurec.
• Gras, 1874, p. 72.
Quatre écus vides.
95
Montbrison
Christophe Mathevot
437. La ville et chatiau de Monbrison en la compté de
Fores
Département : Loire ; canton : Montbrison ; commune :
Montbrison
Le contexte archéologique et l’apport des sources écrites
1
L’actuel bourg de Montbrison semble vierge de tout vestige antique, hormis la découverte
d’un cippe1 qui rend tout au plus probable la proximité d’une voie desservant Moingt,
important vicus gallo-romain distant d’à peine deux km 2. Cette proximité incita les
historiens du XVIIe siècle à croire en l’origine gallo-romaine de Montbrison, où selon eux
s’élevaient déjà un temple à la déesse Brison, un palais, un lieu de justice et un château 3.
La première mention de Montbrison ne remonte cependant qu’au troisième quart du IXe
siècle. Le chorévêque Audin4 remet au chapitre de l’église Saint-Étienne de Lyon deux
vignes et un moulin situés apud Montembrisonem (Obituaire de la province de Lyon, t. I,
« Obituaire de l’Église Primatiale »)5. La précocité exceptionnelle de cet acte dans la
documentation forézienne n’est hélas pas suffisante pour attester de l’existence d’un
quelconque établissement comtal sur la butte basaltique. S’agit-il des prémices d’un
noyau de peuplement6 ? On apprend, vers 1096, l’existence d’un castellum et la création
récente d’un hôpital par le comte Guillaume l’Ancien7. Quelques années plus tard,
Montbrison est cité en tête des vigueries comtales. Rien ne permet de dater, ni
d’envisager les origines et le développement de cette implantation comtale qui apparaît
brutalement dans la documentation. L’hypothèse défendue par les historiens, à la suite
des travaux d’Étienne Fournial, repose sur le contexte politico-militaire agité des années
1070-1080 : Montbrison serait une création du comte Artaud II repoussé à l’ouest du
comté par l’archevêque de Lyon (Fournial, 1967, p. 36). Il n’est cependant pas prouvé que
ce comte soit l’instigateur du castellum. La présence comtale semble ancienne aux abords
de Montbrison, dans le vicus de Moingt. L’église Saint-Julien (Moingt), jadis remise en fief
96
aux comtes per multa tempora, est alors restituée en 1096 par le comte Guillaume l’Ancien
partant en croisade8. Le vicus, dont l’existence altimédiévale est attestée, fut donc entre
les mains des comtes9. Contrôlant Moingt, ils auraient très bien pu susciter le castellum de
Montbrison afin de mettre en défense10 le vicus, à moins qu’il ne s’agisse plus vénalement
d’asseoir leur autorité sur ce fief. Le château comtal n’est en tout cas pas érigé sur les
terres de Moingt11, peut-être par impossibilité de fortifier sur les terres de l’Église de
Lyon. Montbrison est donc née en marge, peut-être, comme le pensait Étienne Fournial,
sur le territoire de Savigneux dont l’église est à peine distante d’un kilomètre (Fournial,
1992, p. 335-345). Mais l’origine de Savigneux est tout aussi obscure que celle de
Montbrison12. Aussi résignons-nous au silence des origines... Il semble qu’il y ait plusieurs
chapelles à Montbrison dès 111613. Le chanoine De La Mure écrit en 1674 (De La Mure,
1674, p. 6, 18, 202) : ... ayant en son château de Montbrison une église d’ancienneté dédiée à Dieu
en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints, il [le comte Guillaume] a voulu
édifier auprès de cette église une infirmerie ou maison d’hospitalité qu’il fondoit en l’honneur et
sous le nom de cette même Vierge et de tous les saints. L’église aurait été détruite par Guy IV à
la réserve d’une chapelle dédiée à saint Pierre qu’il conserva, mais à la place de cette vieille église
dédiée en l’honneur de la sainte Vierge, il érigea et fonda… l’église collégiale Notre-Dame
d’Espérance... à laquelle il donna les reliques qui estoient en l’autre et spécialement celle de saint
Aubrin14, à la mémoire duquel fut depuis bâtie une chapelle dans ledit château. Les édifices les
plus anciens seraient les chapelles Sainte-Marie et Saint-Pierre [le Vieux] 15. Cette dernière
s’apparente à une chapelle castrale16 et Sainte-Marie paraît contemporaine de la création
de l’hôpital17. La proximité du Grand Chemin de Forez18 semble suffisamment attractive
pour qu’un marché soit implanté à Montbrison avant 1160 (Chartes du Forez, n° 1286) et
que le roi Louis VII assiste à une messe dans l’église de La Madeleine en 1163 19.
Montbrison s’impose comme capitale des comtes après la permutatio de 1173 avec
l’archevêque de Lyon (Chartes du Forez, n° 4). Désormais installé sur place avec son
entourage, le comte Guy II devient un acteur important du développement urbain. C’est
sans doute à cette époque que sont aménagés un canal près de la source du Vizézy, pour
gonfler le cours de la rivière, ainsi qu’un second ouvrage qui conduit les eaux au pied de
la butte castrale20. Guy II suscite également l’installation des Hospitaliers qui fondent la
commanderie Saint-Jean vers 1180 (Chartes du Forez, nos 301, 305, 1295, 1572), peut-être
dans l’espoir d’établir une nouvelle paroisse au sud-est du château21. Vaine tentative,
puisque c’est la paroisse Saint-André (Chartes du Forez, nos 1307, note 4, et n° 1320, note
4), proche du Vizézy, qui naît (avant 1201). Guy II regarde désormais au sud et investit les
terres de l’église de Moingt, dépendance du prieuré de Savigneux. Une léproserie (1198)
est créée entre Moingt et Montbrison (Chartes du Forez, n° 306). L’Hôtel-Dieu est
transféré outre Vizézy vers 1200 et une chapelle dédiée à Saint-Anne y est bâtie (Chartes
du Forez, n° 1594, note 4). Guy IV poursuit l’extension urbaine au sud et fonde l’église
collégiale Notre-Dame22 en 1223, le couvent des Pénitentes en 1230 (Broutin, 1874, t. 1,
p. 80)23. Ces créations provoquent des heurts avec le prieur de Savigneux qui obtient du
pape, en 1231 (Chartes du Forez, n° 612), l’interdiction de construire église ou cimetière
sur ses terres24. Mais Montbrison se déploie bel et bien sur la paroisse de Moingt et des
ponts sont jetés sur le Vizézy25. Fréquenté par marchands et pèlerins, le bourg est actif et
peuplé. On voit apparaître plusieurs familles bourgeoises bien installées, preuve qu’une
élite urbaine s’y développe. Il est question d’une charte de franchise dès 1223 (Chartes du
Forez, n° 1344). Outre les droits concédés aux habitants, le projet de construction d’une
seconde enceinte castrale est évoqué dans le texte26. Son achèvement ne semble effectif
qu’au milieu du XIIIe siècle (Fournial, 1967, p. 43). L’enceinte est ouverte de trois portes : à
97
l’ouest, « le Portail » jouxte la tour de la Barrière (1258), la « porte de l’archiprêtre »
donne au sud et celle de Savigneux au nord (Fournial, 1967, p. 45). Un nouveau noyau de
peuplement se développe au sud du château, le bourg Mauvoisin (1251). La ville s’étend
également à l’ouest où s’établit un réseau de rues parallèles au Grand Chemin. Les
nouveaux établissements religieux ne trouvent guère de place que dans des zones
marginales : les Cordeliers s’installent à l’ouest du bourg vers 124027 et les Antonins
érigent un hôpital proche de l’église de La Madeleine avant 125828. L’accroissement urbain
est tel que le transfert hors du château de l’église Saint-Pierre est décidé un peu avant
1258 et que les églises Saint-André (Chartes du Forez, nos 948, 965, 971, 718, 513) et de La
Madeleine (Chartes du Forez, nos 718, 513, 597) sont agrandies. Le Vizézy devient le
nouveau cœur de la ville. Sur ses berges, le cloître Notre-Dame se garnit de maisons de
chanoines mais aussi d’un hôtel où réside désormais le comte. Une délocalisation et une
spécialisation du marché contribuent à la création de nouveaux espaces de commerce le
long de la rivière : la savaterie, la corroierie, la saunerie, la tupinerie, le marché au grain,
la boucherie « neuve ». Du début du XIIIe au début du XIVe siècle, l’étendue du territoire
urbanisé a décuplé. Le centre politique n’est plus le château mais l’hôtel comtal situé au
chevet de l’église collégiale. On y aménage une grande salle pour recevoir les États de
Forez : sous une monumentale voûte ogivale en bois près de 1970 blasons sont
probablement peints au début du XIVe siècle 29. La chambre des comptes nouvellement
créée s’y installe en 1317. La chancellerie, construite à proximité, est mentionnée dès
1312 et les grands officiers ne tardent pas à rechercher ce voisinage30. C’est à cette époque
que les comtes aménagent également un hôtel « champêtre », un clos de plusieurs
hectares avec fauconnerie et parc à daims, le tout au sud de la ville31. Si les premiers
épisodes de la guerre de Cent Ans se sont déroulés loin du Forez, la défaite de Poitiers
(1356) va avoir de lourdes conséquences financières et militaires pour le comté et sa
capitale. En 1357, le roi impose aux Foréziens (ployant déjà sous la fiscalité comtale et
seigneuriale) une participation financière à « l’effort de guerre ». La venue des
commissaires royaux à Montbrison en 1358 provoque une révolte et ces derniers se voient
violemment éconduits. La guerre devient hélas une réalité tangible, lorsqu’en 1359 les
bandes armées de Robert Knolles incendient le bourg (Guigues, 1886, p. 36). Montbrison
est encore visitée par Seguin de Badefol un peu avant 1365 (AN P 14023, n° 1394). Les
déprédations sont importantes, Montbrison ressemble alors à un champ de ruines.
Nombre d’habitations n’ont pas été rebâties durant la seconde moitié du XIVe siècle et les
mentions de « mures » sont nombreuses dans tout le bourg (ADL, B 1864, f i 42, 75 ; B 1865, f
i
35, 59 v°, 78 ; B 1866, f° 55 v° ; B 1867, f i 1, 2, 9 v°, 19 v° ; B 1873, f° 54v° ; B 1873, f° 90 v° ; B
1875, f° 34 ; B 2002, fi 9, 10, 11, 129 ; Chartes du Forez, n° 1192, note 10). La maison des
Pénitentes est détruite, leur communauté dissoute et leurs biens remis au chapitre de la
collégiale en 1362 (Renon, 1847, p. 45). L’administration comtale souffre également. La
chancellerie est à l’abandon, Anne Dauphine en fait adjuger les ruines en 1412
considérant qu’il n’y a siege, ne habitation, aucune court, passé cinquante ans [...] que depuis que
la [...] ville fu destruicte de feu par les Anglois (AN, P 1402 2, n° 1297). L’on s’active surtout à la
réparation et l’entretien des fortifications castrales. En 1366, le comte autorise les consuls
à lever une imposition sur les habitants pour doter le château d’un pont-levis (ADL, B
1909, f° 27). En 1382 (Fournial, 1967), des réparations sont effectuées au donjon et, en
1392, est levée une aide pour la reparation des murs du chastel (Fournial, 1967, p. 341).
Parallèlement, les comtes réorganisent l’ost. L’office de capitaine, attaché au
commandement d’une garnison, est d’abord créé dans les zones frontières puis à
Montbrison même en 1365 et 1373 (BNF, lat. 10034, f° 61 ; Fournial, 1967, p. 338). La
98
chancellerie se replie désormais infra castrum dans l’ancien cellier comtal qu’elle partage
avec le juge qui y tient ses assises et la chambre des comptes s’installe dans le donjon (AN,
P 492, n° 586). Les notables montbrisonnais se mettent à l’abri au sein de l’enceinte
castrale dans leur maison de novo facto (ADL, B 1865, f° 25 ; B 1867, f° 1 ; B 1875, f° 34 ; B
1876, f° 13 v°). Il en est de même pour les chanoines et les Cordeliers qui s’installent avec
leur trésor près du cellier comtal (Renon, 1847, p. 83 ; Bernard, 1835, t. 1, p. 325 et 339). Le
château, déserté il y a une centaine d’années, devient surpeuplé. Ne pouvant sans doute
plus faire face à la densité d’occupation castrale, une nouvelle chambre des comptes et
une prison sont construites en 1383 à l’extérieur de l’enceinte mais près de la porte (ADL,
B 1866, f° 23 v°, 44 v° ; B 1875, f° 34 ; AN P 492 n° 587 et P 1402 3, n° 1405 ; Fournial, Gonon,
1967, [32]). Les bâtiments sont construits avec les pierres de bâtiments urbains en ruine.
Hors du château et de ses abords, on signale des dons pour la reconstruction du clocher
de Saint-André dès 1360 (ADL, B 1864, fi 42, 51, 60, 75). Les legs se multiplient aussi pour
l’église Saint-Pierre. En 1377, les Antonins obtiennent même l’autorisation de bâtir une
église pour leur commanderie32. Le couvent ruiné des Cordeliers n’est réédifié qu’en 1395,
date à laquelle le duc remet aux religieux 50 livres tournois pour convertir au bastiment et
couverture de leur eglise (ADL, B 1865, f i 35, 59 v°, 78, 133 ; B 1867, f i 1, 9 v°, 19 v° ; B 1869, f i
52, 53 ; B 1926, f° 15 v°). Un problème de taille subsiste : le bourg est dépourvu de
fortifications. C’est aux ducs de Bourbon, nouveaux maîtres du Forez33, que Montbrison
doit sa fortification urbaine. La clôture est envisagée par le duc Louis « voyant que la ville
s’était remise et grandement réédifiée » (Ferret, 1990, p. 521), mais abandonnée après sa
mort (1410) car sans doute jugée trop coûteuse. Aussi Montbrison est encore saccagée par
des troupes bourguignonnes en 1422 (Steyert, 1895-1939, t. II, p. 593). On se borne à
réparer le donjon en 1423-1424 (Fournial, 1967, p. 449). Il faut attendre 1428 pour que la
duchesse Marie de Berry autorise les habitants à lancer les travaux et creuser des douves.
Le tracé de l’enceinte est décidé par le comte-duc, assisté de quatre prudhommes, et le
déplacement des marchés « de plusieurs denrées » est programmé34. Des douves sont
creusées, alimentées par un béal et empoissonnées. Les travaux semblent terminés en
1437 (ADL, B 1895, f° 236 v°). En 1438, le duc Charles affirme que : par le moyen de la
fortification de ladicte ville que de nouvel a esté tout a neuf moult somptueusement close et
fortifiee... ladicte ville est de present mieux publee d’habitans et plus frequentee de survenens que
ne souloit... (AN, P 1378 2, n° 3081, f° 5 bis). Les habitants ont financé une partie des
fortifications en échange d’exemption d’impositions et les maisons d’église ont aussi été
lourdement mises à contribution. Les Cordeliers ont vendu une maison et engagé leurs
calices et les meubles les plus précieux de leur sacristie35. Les chanoines éprouvent aussi
des difficultés à terminer le chantier de l’église collégiale36 ; le poids du chantier pesant
lourdement sur les finances du chapitre. Une supplique envoyée au duc de Bourbon en
1442 est très explicite : « Par le fait des ravages des guerres et de diverses calamités qui se
sont produites..., le doyen de ladite église et son chapitre se sont trouvés dans la
nécessité, pour la conservation dudit lieu [le bourg], pour en compléter et consolider les
murailles, pour y creuser des fossés, et y établir des ouvrages de défense, de dépenser des
quantités d’argent, et de plus le campanile s’est complètement écroulé, entraînant ses
cloches, par le fait d’un incendie accidentel... » (Relave, 1906, p. 43). En réponse, le duc
Charles de Bourbon commet dès 1443 (Renon, 1847, p. 143) le bailli de Forez pour aider à
trouver des matériaux afin d’achever la construction du grand portail et des deux tours
servant de clochers. Auguste Bernard nous apprend que les travaux en étaient arrivés au
portail en 1459 (Bernard, 1835, t. 2, p. 56). En remerciement, l’église est dès lors placée
sous le vocable de Notre-Dame-d’Espérance, en rappel de la devise et de la magnanimité
99
des Bourbons. L’église est consacrée en 1466 (Renon, 1847, p. 146). L’évolution de
l’armement et les guerres civiles de la seconde moitié du XVIe siècle vont contribuer à
l’obsolescence du système défensif et à la destruction du château. Les lourds sacrifices des
Montbrisonnais n’auront pas évité le sac de la ville en 1562. Les troupes protestantes du
baron des Adrets percent une brèche dans l’enceinte en cinq heures avec seulement trois
pièces d’artillerie. S’ensuit un massacre épouvantable accompagné d’incendies, de
pillages et profanations de tombes... Bastion catholique et ligueur, Montbrison fait l’objet
de plusieurs tentatives de siège. En 1590 on renforce les fortifications et l’on met en
défense au mieux les abords : la commanderie Saint-Antoine est même démolie afin d’y
dresser une batterie pour battre les courtines. Le château, qui perd son donjon, touché
par la foudre en 1582, est démantelé complètement quelque temps après sur ordre
d’Henri IV (Ferret, 1991, p. 619). Il sert ensuite de carrière, ainsi les Visitandines
reçoivent-elles en 1646 le droit « de faire tirer de la pierre en la motte et château de
Montbrison » pour bâtir leur couvent (Broutin, 1874, t. 2, p. 231). Montbrison joue
néanmoins son rôle de capitale de province et conserve ses douves et fortifications
urbaines jusqu’à la Révolution. La ville perd définitivement ses remparts en 1792 :
« Quand Lyon se détermina à soutenir un siège, les Montbrisonnais épousèrent ses
intérêts. Ils réparèrent les brèches que le temps avait faict à leurs remparts. Le proconsul
Javogues prend possession de la cité qui s’était défendue pendant un mois. Par son ordre
les murs sont renversés... Contre son intention Javogues rendit un service important à ses
concitoyens. La hauteur des murs empêchait dans les rues la circulation de l’air, les eaux
fétides qui croupissaient dans les fossés profonds saturaient l’atmosphère de miasmes
putrides... M. Lachèze maire... a faict déblayer ces amas de ruines qui attristaient les
regards, combler les fossés, planter des avenues qui rendent notre ville une des plus
salubre et agréable du département... »37.
La représentation de l’Armorial
2
La vignette de Montbrison ouvre la série des vues foréziennes (fig. 23). La capitale du
comté a fait l’objet d’un travail soigné, d’un dessin précis et d’une mise en couleur totale.
La représentation est organisée autour de deux ensembles : le castrum et le bourg, vus
depuis le sud-est et replacés dans leur contexte topographique. Les derniers contreforts
des monts du Forez sont représentés à l’ouest avec le débouché de la vallée du Vizézy
dans la plaine du Forez. Il se prolonge dans la plaine pour aboutir sur une butte sur
laquelle le château est érigé. À l’ouest du bourg, au pied des monts du Forez et dans la
vallée du Vizézy, sont figurés deux moulins (simples bâtiments barlongs à étage et
couverts à deux pans) équipés d’une roue à aube verticale en bois mue par l’eau d’un bief
dont le cours est parallèle à la rivière. Un chemin descend de la vallée, au sud du bief. Il
enjambe les eaux par une planche située à proximité de l’enceinte puis se dirige au nord
où il n’est plus figuré. Le parcours urbain des eaux n’est pas visible, mais après avoir
franchi la ville en traversant l’enceinte, elles se déversent dans les douves est à proximité
de ce qui semble être deux écluses ou un pont canal maçonné. Plusieurs biefs prennent
ensuite naissance et semblent alimenter au moins un moulin où n’est figurée aucune roue
à aube. Le château comprend deux enceintes. Le premier ensemble sommital est composé
d’un grand bâtiment barlong à au moins deux niveaux, charpenté à quatre pans, couvert
d’ardoises et largement ouvert de fenêtres à traverse et meneau. On distingue au niveau
inférieur et à l’est un petit appentis accolé à l’édifice. Deux tours carrées couvertes en
ardoises se dressent au nord-ouest et nord-est du bâtiment. À l’ouest, la tour la plus haute
100
est crénelée et surmontée d’un lanternon en bois également couvert d’ardoises. L’autre
est hourdée et surmontée d’un étendard aux armes des Bourbons. Les deux tours sont
dotées de deux mâchicoulis sur chaque face visible. Ils reposent sur des arcatures naissant
au pied des constructions. Cet ensemble est clos d’une enceinte rectangulaire crénelée
sans tour et surplombant la seconde enceinte castrale. Celle-ci se déploie de façon ovoïde
autour de la butte. Les courtines crénelées sont percées de meurtrières à leur base et
flanquées d’au moins deux tours carrées crénelées également ouvertes de meurtrières. La
tour de la Barrière, circulaire, représentée exagérément haute, s’élève à l’ouest de
l’enceinte. Cette dernière, à la base talutée et ouverte d’une meurtrière, est surmontée
d’un hourdage et d’un toit conique en tuiles avec l’étendard aux trois fleurs de lys d’or. À
l’intérieur de la seconde enceinte, une quinzaine de logis s’organisent d’une façon
complexe. L’enceinte urbaine prend appui sur celle du château puis se déploie en
direction du sud, traverse le Vizézy puis oblique à l’ouest et remonte au nord où aucune
jonction avec l’enceinte castrale ne peut être figurée étant donné le point de vue. Les
douves de l’enceinte urbaine sont visibles au sud du Vizézy et se prolongent en direction
de la butte, coté est. Elles disparaissent ensuite au pied de la butte où sont figurés les
fossés secs du château. Le relief interdit ici la mise en eau des fossés dont l’escarpe et la
contre-escarpe sont nettement mises en évidence par le dessinateur. La partie ouest
demeure masquée et ne peut dévoiler l’étendue des douves. L’enceinte urbaine est figurée
par des courtines aveugles, crénelées, avec chemin de ronde sommital. Une vingtaine de
tours circulaires crénelées et non couvertes flanquent la fortification et sont percées à
leur base de trois meurtrières, axiales et latérales. Seules les portes sud et ouest sont
visibles. La porte de Moingt (sud) est encadrée par deux tours circulaires et dotée d’une
bretèche crénelée. L’on franchit les douves par un simple pont de bois sans système de
levée. La porte des Chaînes (ouest), représentée vue de l’intérieur, ouvre l’ouest de
l’enceinte. Egalement encadrée par deux tours, elle est aussi surmontée d’une bretèche
crénelée qui permet une mise en défense intra-muros. Extra-muros, à quelques pas des
douves, un mur non crénelé épouse le tracé des fortifications. Il est ouvert de cinq portes
en bois (un système défensif avancé ?). La disposition des logis révèle en négatif le réseau
de voierie et la trame urbaine. L’axe nord/sud observable depuis la tour de la Barrière
jusqu’à l’église collégiale Notre-Dame semble structurant. De part et d’autre de l’axe, les
îlots se déploient en de larges bandes orientées est/ouest. La plupart des logis figurés
dans le bourg est stéréotypée : plan barlong, toiture à deux pans en tuiles, fenêtres à
traverse et meneau, cheminée à mitre, le tout sur deux niveaux. Seules quelques tours
d’escaliers carrées ou circulaires semblent émerger dans la partie sud-ouest du bourg.
Peut-être distingue-t-on également un four accolé au pignon d’un logis, à l’est du chevet
de l’église Saint-André. Il pourrait s’agir du Four Neuf localisé dans cette zone par Étienne
Fournial (Fournial, 1967, p. 50)38. Les principales maisons d’église de Montbrison bordent
l’axe principal. Au sud, l’église collégiale Notre-Dame y paraît comme inachevée et
hétérogène. Son clocher en bois crénelé et couvert à quatre pans est surmonté d’un
dauphin d’or, symbolisant la fondation comtale de 1223. Cette tour est ouverte de baies à
croisillon et meneau sur au moins deux niveaux. La nef à trois travées (épaulée par trois
arcs-boutants) est couverte en tuile et représentée plus haute que le chœur ouvert de
baies en plein cintre et doté de contreforts. Plus au nord dans le bourg, un haut clocher
carré surmonté d’arcatures et d’une couverture à quatre pans en ardoise semble
appartenir à l’église Saint-André. Il est nettement dissocié de la nef et du chœur avec
contreforts. La chapelle des Cordeliers est également figurée à l’ouest du bourg. L’édifice
revêt l’aspect d’une simple nef à toiture à deux pans couverte de tuiles se terminant par
101
un chevet semi-circulaire. Le bâtiment est épaulé par des contreforts et ouvert de baies
en plein cintre portant des vitraux. Un singulier clocher s’élève au niveau du chœur. Doté
d’un crénelage, il est surmonté d’une flèche très élancée surmontée d’une girouette dorée
en forme de volatile. La chapelle est ceinte d’un mur de clôture ouvert de deux portes à
l’est et à l’ouest. Au nord, quelques bâtiments représentés de façon exagérément
importante pourraient appartenir au cloître. L’unique bâtiment comtal identifiable du
bourg est à hauteur du château, face à la tour de la Barrière. C’est un bâtiment barlong
dont le pignon donne sur l’axe de circulation nord/sud. L’édifice se déploie sur quatre
niveaux dont un sous-comble identifiable grâce à deux lucarnes ouvertes de fenêtres à
meneaux. Une tour octogonale accolée semble assurer l’accès aux étages par l’ouest. Elle
est hourdée, couverte en ardoise, et surmontée de la bannière des comtes de Forez, de
gueules au dauphin d’or, attestant de la fonction officielle du bâtiment.
Fig. 23 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel : la ville et chatiau de Monbrison en la
compté de Fores (Bnf, fr. 22297, p. 437).
Les données archéologiques et le parcellaire
3
Montbrison n’a fait l’objet d’aucune étude archéologique globale mais a connu quelques
opérations d’archéologie préventive. Les apports de ces interventions ponctuelles
demeurant partiels, il faut puiser des compléments dans le détail des archives et
l’iconographie39 pour appréhender les éléments constitutifs de la vignette. Pour faciliter
cette étude, une carte a également été produite (fig. 29). Les moulins représentés à
l’ouest du bourg confirment la pérennité de cette activité hydraulique attestée dans cette
zone dès la première mention de Montbrison, au IXe siècle. Au moins trois moulins,
plusieurs émouloirs ainsi qu’un bief, existent encore ici au milieu du XVe siècle. Le bief
d’amenée d’eau débute à la grande écluse d’Estiallet40 puis alimente en cascade les
moulins à blé de Roer ou Moulin Rouge (1405), de Beauregard et de Chassaing (1461) 41.
102
Leurs prises d’eau se font sur un grand béal destiné à l’alimentation des douves mais aussi
au service de la ville pour l’evacuation et netoyement des immundices estans emmy les rues,
lavement et expurgation des cloaques et sentines de ceste ville aussi pour le service des serves et
pescheures42. Toujours à l’ouest, et à proximité des moulins, le pont de bois figuré est
probablement le pont de la Vieille Boucherie (pontem Macellis veteris) signalé dans cette
zone en 140543. Il est cependant impossible que cet ouvrage puisse enjamber
simultanément bief et rivière distants d’environ 50 m. L’imprécision du traitement ne
nuit pas à l’information que véhicule la vignette pour cette zone : à partir du chemin
reliant Écotay à Montbrison (par la porte d’Écotay), on pouvait franchir le Vizézy et se
diriger au nord sans entrer dans le bourg. La vignette ne dévoile pas le détail de la
pénétration du Vizézy et du bief à travers l’enceinte qui empruntent deux voies
distinctes. Le bief, comblé au moins depuis le début du XVIIIe siècle44, est appréhendable
par quelques textes qui nous permettent de localiser son tracé. En 1473, le canal pénètre
dans le bourg par une conduite aménagée sous une tour. De là, ses eaux rejoignent la rue
de la Cordonnerie puis descendent la rue Pré Comtal45. Le canal principal se divise en
plusieurs et diverses branches et canaulz […] et enlevez en diverses places de la ville par plusieurs
thonz et canaultz en nombre presque infiniz... ; plus précisément, suyvant la sommite dudit
couvent des Cordeliers et tendant droict auz arches de la viehle boucherie 46. Ce grand béal,
appelé également « Cannard », disperse ensuite ses eaux au dessoubz le chastel au fosse de
Sainct Jehan et passe à travers les murailles par un simple trou (Diana, fonds Brassart n
° 5187, archives Dupuy de Quérézieux, n° 1363b, daté de circa 1560 et n° 1367 daté de
1542). Le Vizézy entre dans le bourg par la porte des Chaînes. La « mère rivière » sert
d’égout. Elle passe par le millieu et au meilheur de la ville sur laquelle y a maisons et quatre
pontz, les latrines desquelles maisons sont respondantes sur ladicte riviere et les immundices
evacues par les eaux passans par ladicte riviere et non par aultres (Diana, fonds Brassart n
° 5187, archives Dupuy de Querézieux n° 1358). Les eaux du Vizézy et du béal ne se
mélangeaient pas, les unes servant de vivier à poisson et les autres d’égout. Le pont-canal
que l’on voit au sortir du bourg (à l’est) sur la vignette suggère cette distinction. Les
textes attestent que les eaux des douves étaient utilisées à l’arrosage des prés voisins 47.
Les eaux sortant du pont-canal semblent être ensuite le point de départ d’un réseau de
biefs destinés à alimenter ce qui pourrait être une nouvelle série de moulins en cascade.
C’est en tout cas ici que sont établis la commanderie hospitalière de Saint-Jean-des-Prés (
fig. 29, n° 5) et son moulin depuis le milieu du XIIe siècle48. Cet ensemble n’est pourtant
pas figuré sur la vignette tout comme le chemin qui le relie au bourg en passant par la
porte dite de Saint-Jean. Sans doute faut-il y voir un manque de place dans le format du
support plus qu’un oubli.
103
Fig. 24 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 25 - Vue aérienne du site dans les années 1990, détail : le château.
104
Fig. 26 - Vue de Montbrison en 1732 (Bibliothèque de la Société de la Diana).
Légende du plan (il ne s'agit pas de la transcription littérale mais d'une synthèse du
texte) :
2- Chemin de Précieux (strata publica en 1229). Limite septentrionale de la juridiction de
Moingt 3, 4, 5 - Rivière de Vizézy. Limite septentrionale de la juridiction de Moingt
20 - Rue de Moingt à Montbrison
22 - Le Chapeau Rouge
23 - Porte de Moingt
24 - Rue de Moingt, de la porte au pont Saint-Anne
25 - Hôpital et église Saint-Anne
26 - Église collégiale Notre-Dame
27 - Cloître avec les maisons canoniales formant une enceinte
28, 29, 30 - Portes du cloître
31 - Pont Notre-Dame
32 - Rue des Prêtres
33 - Petit pont qui va du marché à la rue des Prêtres
34 - Quartier de la porcherie
35 - Porte d'Écotay, dans laquelle sont gravées les armes du chapitre
4
Le système des fortifications urbaines est représenté assez fidèlement dans ses grandes
lignes. Bien que détruit en totalité il est encore appréhendable grâce aux cadastres, aux
plans anciens et aux photographies aériennes (fig. 24, 25, 26, 28). L’enceinte urbaine a
fait l’objet d’études archivistiques et a pu être observée partiellement dès la fin du XIXe
siècle (Jannesson, 1891 ; Ferret, 1990 ; Ferret, 1991 ; Kuntz, Vicard, 2004a) 49. La
fortification, qui se développe sur 2180 m, est flanquée de 47 tours et ouverte de sept
portes : au nord, la porte de la Madeleine ; à l’ouest celles de la Croix, des Chaînes et
d’Écotay ; au sud celle de Moingt ; à l’est celle de Saint-Jean et, enfin, ouvrant la seconde
enceinte du château celle de Savigneux. Si la porte de Moingt est bien figurée au sud, la
porte d’Écotay n’apparait pas sur la vignette, elle n’était peut-être pas encore aménagée50.
Les tours apparaissent crénelées chez Revel et chez Martellange (fig. 27), mais elles ne le
sont plus sur le plan de 1732 (fig. 27). Victor Janesson a pu observer les vestiges d’une
tour dans le jardin de l’hôpital à la fin du XIXe siècle et atteste d’un crénelage et
d’ouvertures de tir ébrasées (Jannesson, 1891, p. 11)51. Les différents plans évoquent des
demi-tours d’environ 7 à 8 m de diamètre. Quant au mur doublant l’enceinte urbaine dans
sa partie sud et sud-est, ce pourrait-être la contribution des paysans alentours à la mise
105
en défense52. Les grands monuments ecclésiastiques du bourg sont correctement localisés
sur la vignette qui ne figure cependant pas l’église Saint-Pierre53 (fig. 29, n° 8), celle de la
Madeleine (fig. 29, n° 11) et la commanderie des Antonins (fig. 29, n° 12) 54. Il ne s’agit
pas là d’omissions, les édifices ne sont tout simplement pas visibles depuis l’angle choisi
par le dessinateur ou débordent du format de la composition. L’Hôtel-Dieu et sa chapelle (
fig. 29, n° 3) ont par contre échappé au dessinateur55. Les autres bâtiments sont
aujourd’hui pour la plupart fortement remaniés ou détruits. L’église collégiale NotreDame (fig. 29, n° 1) fait exception. C’est aujourd’hui un bâtiment imposant de 67 m de
long, 33 m de large et dont les clefs de voûtes de la nef majeure sont à plus de 20 m du sol.
Il n’a jamais fait l’objet d’études de bâti détaillées56. Outre les chapelles latérales
aménagées à la fin du XVe siècle et au XVI e siècle, le monument actuel diffère de la
vignette par la présence de travées de nefs supplémentaires, de deux tours maçonnées
(dont une inachevée) et d’un portail. Ces agrandissements sont le résultat de travaux
réalisés par le chapitre entre 1443 et 1466 grâce au soutien des ducs de Bourbon. La
vignette figure encore un clocher en bois qui semble être plus une construction
provisoire en rapport avec l’incendie du clocher de 1442 qu’un échafaudage57. La vignette
semble antérieure à 1459, date à laquelle les travaux se concentrent sur le portail, là où
Revel figure encore un large espace vide. L’église Saint-André (fig. 29, n° 6) a été
totalement détruite à la fin du XVIIIe siècle. Elle figure encore sur la vue cavalière de 1732
avec, comme sur la vignette de l’Armorial, un clocher distinct de la nef58. Une telle
architecture suscite nombre d’interrogations. Comment expliquer une telle dissociation ?
S’agit-il du clocher reconstruit en 1360, peut-être en vue d’un programme architectural
ambitieux visant à agrandir Saint-André, et qui n’a jamais été achevé ? Ceci n’a en tout
cas jamais attiré l’attention des visiteurs ecclésiastiques, ni des historiens locaux 59. Le clos
des Cordeliers (fig. 29, n° 7) a subi d’importants remaniements et aménagements
modernes. Seuls subsistent le cloître et la chapelle60, qui a perdu son « aiguille française »
61
. Cet élément de la toiture aurait pu être financé par les ducs de Bourbon en 1395.
L’élévation sud de la chapelle (nettement visible sur la vignette) ne présente aucun accès
à l’édifice. Or, le bâtiment actuel est ouvert d’une arcature ogivale qui, selon Fodéré, fut
percée par Jean de Bourbon en 1464 (Fodéré, 1619, p. 484). La vignette serait donc
antérieure à cette réalisation. Les édifices comtaux ont presque tous disparus. Il ne reste
malheureusement aujourd’hui rien de la Chambre des Comptes (fig. 29, n° 10) édifiée
dans le bourg en 1383 et visible sur la vignette à proximité immédiate de la seconde
enceinte castrale et de la tour de la Barrière62. Ce bâtiment est délaissé par
l’administration comtale dès 147363. De l’ensemble comtal situé au chevet de l’église
collégiale (fig. 29, n° 2), seule la salle des États de Forez (la Salle de la Diana) est parvenue
jusqu’à nous. Le bâtiment est pourtant très discret sur la vignette et n’a reçu aucun
traitement visuel le différenciant de l’habitat bourgeois. Il aurait pu échapper au
dessinateur car sa façade en pisé n’a rien d’exceptionnel64. Son utilisation devait être
occasionnelle et l’ancien hôtel comtal étant ruiné, le dessinateur a sans doute choisi de ne
pas le mettre en évidence65. L’approche archéologique du château comtal n’est pas aisée :
le donjon (fig. 29, n° 9) est détruit, ses bâtiments démantelés puis noyés sous des tonnes
de remblais au XIXe siècle et les enceintes ont été consolidées et aménagées en murs de
soutènement. Ces terrassements considérables expliquent la rareté du mobilier médiéval
exhumé lors des sondages archéologiques qui ont été initiés par Jean-Michel Poisson dans
les années 1980 (Poisson, 1980 ; Cherblanc, Poisson, 1984). Dans les années 1990, deux
sondages mettent en évidence la première enceinte directement aménagée sur la roche
(Blin, Guichard, 1991 ; Lavendhomme, 1998a ; Lavendhomme, 1998b). La seconde enceinte
106
castrale n’a été qu’effleurée lors d’une étude sur le couvent des Visitandines (Delomier,
Rebiscoul, 1999 ; Rahatsötz, 2000). Il subsiste un tronçon lisible de la partie est de cette
fortification le long de l’actuel boulevard Duguet. On y voit encore au moins trois tours
semi-circulaires ouvertes de meurtrières en forme de louche. Ces tours s’apparentent à
celles de l’enceinte urbaine mais diffèrent de la représentation de l’Armorial qui les
représente rectangulaires. S’agit-il de travaux postérieurs à la représentation ? La charte
de clôture de 1428 stipule en tout cas que la fortification urbaine doit simplement joindre
la muraille du château et non la reprendre (Ferret, 1990, p. 518). Il faut attendre 2006
pour qu’une opération préventive permette d’envisager l’occupation de l’est de la
première enceinte castrale66. La fouille a permis de mettre en évidence l’aménagement
d’une plateforme sommitale avec une épaisse couche de remblais datée du XIIIe siècle. Y
succède une fonderie de cloche (XIVe siècle) en rapport avec l’un des édifices religieux de
la butte. Ces installations disparaissent avec d’importants réaménagements de l’enceinte
qui se voit dotée d’une tour carrée et d’un bâtiment rectangulaire (au mur épais de 1,80
m) à proximité. La tour la plus haute du château, figurée sur la vignette avec un imposant
bâtiment adjacent, pourraient leur correspondre. Un nouveau bâtiment rectangulaire (18
m x 8 m) est aménagé contre la tour au XVe siècle, c’est sans doute la chambre des
comptes (1473)67.
Fig. 27 – Vue de Montbrison par Martellange, 1611 (Bnf, département des Estampes, recueil
Ub 9a).
107
Fig. 28 – Extrait de la carte de Montbrison à Bellegarde, 1775 (Archives de la Société de la
Diana, 1 C 09).
108
Fig. 29 – Plan de Montbrison à la fin du Moyen Âge, réalisé d’après la vue de 1732, la carte de 1775, le
cadastre de 1809 et diverses sources archivistiques.
1. Cloître et église collégiale Notre-Dame (1223)
2. Hôtel comtal (XIIIe siècle)
3. Hôtel Dieu et chapelle Sainte-Anne (début du XIIIe siècle)
4. Chapelle des Pénitentes (XIIIe siècle)
5. Commanderie hospitalière Saint-Jean et moulin (c. 1180)
6. Église Saint-André (début du XIIIe siècle)
7. Clos et chapelle des Cordeliers (1240)
8. Église Saint-Pierre (XIIIe siècle)
9. Hôpital et chapelle Sainte-Marie ( ?), cellier comtal, chancellerie (XIVe sièc Chambre des comptes
(1473)
10. Chambre des Comptes (1383), localisation probable
11. Église de La Madeleine (XIIe siècle)
12. Commanderie des Antonins (avant 1258)
13. Chancellerie (début du XIVe siècle), localisation probable
14. Chapelle Saint-Aubrin (XIIIe siècle)
15. Donjon, localisation probable
16. Moulin « rouge » (1405)
5
Montbrison fait partie de ces villes nées d’un noyau castral dont l’origine est sans doute
liée à la proximité du vicus de Moingt, mais aussi à sa situation le long d’un axe majeur de
communication. Le développement de celui-ci au XIIe siècle ainsi que l’affirmation du rôle
de capitale politique à la fin du même siècle sont les moteurs de l’essor urbain. Églises,
couvents mais aussi bâtiments comtaux vont ainsi voir le jour. L’abondance relative de la
documentation archivistique nous permet de mettre en évidence très nettement ces
phases de développement mais aussi de replis aux XIVe et XV e siècles. Les trop rares
opérations archéologiques combinées aux chartes et à la documentation iconographique
permettent de restituer l’image d’un bourg castral très proche de celui représenté sur la
vignette de l’Armorial, réalisée probablement avant 1459. Rien ne permet cependant de
localiser les activités commerciales ou artisanales sauf peut-être la représentation d’un
four. Quand cela était possible, le dessinateur a représenté églises et couvents, mais les
omissions observées tendent à prouver que ce n’était pas son objectif premier.
109
Topographie, fortifications, accès et trame urbaine sont par contre correctement figurés.
Ceci permettait sans doute à l’utilisateur de la vignette de planifier entrée et circulation
dans le bourg. Le traitement de détail des édifices comtaux alors en activité autorisait
également une localisation et une identification précise des principaux sièges de
pouvoirs. N’étaient-ce pas là les objectifs de la représentation ?
Page 437
LA VILLE ET CHATIAU DE MONBRISON + EN LA COMPTE DE FORES
Étude héraldique
784. Estienne de Barges crie Barges
écartelé : aux 1 et 4, palé d’or et de gueules ; aux 2 et 3, d’azur plain – cimier : une tête et col de
lion.
Étienne de Barges (mort en 1476), écuyer, fils de François de Barges, seigneur de
Merlieu, et de Catherine de Veauche. Il épousa N. Alizon, dame de Vaures. Héritier
en 1466 de son frère aîné Jean, il était seigneur de Merlieu, Écotay, Saint-Bonnet-leCourreau et Vinols. Il appartenait à une branche de la famille Piney qui avait relevé
au XIVe siècle le nom et les armes de Barges de Sainte-Agathe. Il existe de
nombreuses représentations de ces armes, ou écartelées, comme ici, ou parties : au 1,
palé d’or et de gueules ; au 2, d’azur plain. Il semble que cette forme soit la plus
ancienne.
• Frise de la salle héraldique de la Diana (3, suivant la numérotation de Gras, 1874).
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 62-63 ; Gras, 1874, p. 20 ; Tricou, 1965-1976, t. II, p. 55 ;
Perroy, 1977, t. II, p. 607.
Cinq écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Cippe conservé au musée de la Diana à Montbrison et présentant des traces manifestes de
remploi qui laissent penser qu’il pourrait ne pas être en place.
2. L’agglomération gallo-romaine de Moingt – qui fait partie aujourd’hui de la commune de
Montbrison – a livré les vestiges d’un théâtre, d’un ensemble cultuel et thermal, des bâtiments
publics et d’habitations luxueuses (Lavendhomme, 1997, p. 133 sq).
3. Fodéré, 1619, p. 471. La Mure fait de Montbrison le Mediolanum de la Table de Peutinger (De La
Mure, 1674, p. 50-59). Aucune trace d’édifice monumental gallo-romain n’a jamais été
découverte.
4. S’agit-il de saint Aubrin, patron de la ville ? Lamure rapporte la tradition de l’évêque lyonnais
saint Aubrin né et mort à Montbrison au Ve siècle (De La Mure, 1674, p. 268). Or Montbrison
n’existait pas au Ve siècle et aucun évêque de ce nom n’apparaît dans les textes.
5. Selon Pierre Ganivet, il s’agirait plutôt d’un transfert de la mense de l’archevêque à celle du
chapitre que de biens propres (Ganivet, 2000, p. 225). Les vignes dénommées de Rubra Terra et de
110
Cruce sont localisées par É. Perroy aux environs du faubourg de La Croix où le toponyme Terre
Rouge est resté (Fournial, 1967, p. 33).
6. Étienne Fournial y voit les signes d’un « petit hameau » et présume fortement de l’existence de
l’église de la Madeleine proche des donations (Fournial, 1967, p. 33). Nous resterons cependant
prudents : elle n’est pas citée comme repère, malgré sa proximité éventuelle, on lui préfère la
butte.
7. Cette donation est rappelée dans une notice de circa 1160, connue par une copie de 1292-1293
(Chartes du Forez, n° 1286).
8. Chartes du Forez, n° 1 : ... ecclesiam Sancti Juliani Antiocencis... in vico qui Modonnium dicitur...
L’archevêque remet aussitôt Moingt entre les mains de l’abbé de La Chaise-Dieu.
9. Moingt pourrait être le siège d’une de ces églises baptismales créées par les évêques dans les
vici aux premiers temps de la diffusion du christianisme. La présence, proche de Saint-Julien,
d’une seconde église dédiée à saint Jean-Baptiste évoque un baptistère. L’église n’existe plus
aujourd’hui. Un texte de 1116 cite « les églises » de Moingt (Chartes du Forez, n° 1285). É. Perroy
(Perroy, 1966b) qui ne croit qu’en l’existence d’une seule église à Moingt semble ne pas avoir eu
connaissance du texte de de La Mure qui cite l’église Saint-Julien tombant en ruine : ont été
transférés les fonts baptismaux en celle de Saint-Jean-Baptiste audit lieu, ancienne église de confrérie de ce
saint dans laquelle repose la sainte relique de l’once (Bibl. mun. Montbrison, ms de la Mure, t. II, f° 15),
pourtant cité par V. Durand (Durand, 1893-1894, p. 123). Le plan de Montbrison de 1732
(Bibliothèque de la Diana), qui figure également Moingt, représente très nettement une église
proche de Saint-Julien. À Saint-Julien, un sarcophage trapézoïdal attesterait d’une occupation
mérovingienne et des sépultures d’une occupation carolingienne (Baud, 1990).
10. Les castra de Salt (avant 1020) et de Randans (circa 950), situés également le long d’un axe
majeur, semblent en tout cas jouer ce rôle pour Feurs.
11. Moingt s’étend jusqu’au Vizézy, élément naturel bornant, et vient lécher la butte castrale.
Cette frontière est sans doute ancienne et pourrait expliquer le soin du chorévêque Audin à
dénombrer les maigres possessions de son église au-delà de la rivière. La rivière est en tout cas
limite paroissiale en 1223 (Chartes du Forez, n° 1343). Confirmation de cette limite sur le plan de
1732 de la bibliothèque de la Diana (fig. 3).
12. Existait-il déjà une église à Savigneux lors de la création du castellum ? L’église et le prieuré
furent-ils créés après la remise du fief de Moingt à l’abbaye de La Chaise-Dieu ? La remise de fief à
La Chaise-Dieu se fait-elle en raison de la présence casadéenne à Savigneux ? Cf. Perroy, 1966.
13. Chartes du Forez, n° 1285 cite les chapelles de Montbrison sans plus de précision.
14. Selon Broutin, la translation se fait en 1230 (Broutin, 1874, t. 2, p. 306).
15. La chapelle Saint-Aubrin et l’église collégiale sont plus « tardives » et sont du fait du comte
Guy IV, donc du XIIIe siècle.
16. Fournial, Gonon, 1967, p. 10 : ... la tour sus Saint Père le Viel... Livre des nouvelles de Jean Puy
(archives du château d’Écotay) :... le 13 octobre 1539, tumba la chapelle du donjon appelee Saint Pierre le
Vieux...
17. De La Mure interprète volontairement mal la charte du Forez, n° 1286 à laquelle il eut accès.
Le document ne mentionne aucune église préexistant à l’hôpital. Selon lui, la chapelle de la
Vierge remonte au premier temps du christianisme et fut édifiée « sur les ruines du temple de la
déesse Brison », il est cependant plus probable que cette fondation accompagne celle de l’hôpital
vers 1096. L’existence de la chapelle ne semble pas douteuse : De La Mure cite plus loin un texte
de 1201 faisant état de constructions prope ecclesiam B. Mariæ in castro Montisbrisonis. Il mentionne
également la translation des reliques depuis la chapelle jusqu’à la collégiale, d’après le livre des
registres de la collégiale (qu’il appelle le Speculum).
18. Axe nord-sud qui prend son essor au XIIe siècle (Fournial, 1967, p. 137).
19. ... in ecclesia Sanctæ Mariæ Magdalenæ extra villam... (Cartulaire de Savigny, introduction, p.
XCII, note 2 ; Chartes du Forez, n° 1564 : l’éditeur date l’acte de circa 1171). Le passage de Louis
111
VII à Montbrison doit se situer cependant en 1163, date justifiée par la présence du roi en
Auvergne. C’est la première mention de cette église.
20. Fournial et d’autres à sa suite attribuent ces travaux à Guy IV (Fournial, 1967, p. 43-44).
Pourtant un document est évocateur (Chartes du Forez, n° 1307) : en 1201, Guy III rappelle que
son père avait remis à l’abbaye de La Bénisson-Dieu le domaine de La Regardière (Saint-Bonnetle-Coureau) sauf le chemin qui suit le cours de l’eau dérivé (aqua sparse). Ce béal de dérivation,
long de 4,5 km, détourne les eaux de La Planche dans le Vizézy. Un acte de 1220 signale
l’existence du béal lors de la création de la commanderie des Hospitaliers qui reçurent
permission d’y prendre l’eau pour faire un moulin (Chartes du Forez, n° 1331).
21. Un cimetière y est créé en 1194 (Chartes du Forez, n° 1298).
22. Fodéré, et Renon à sa suite, évoquent une construction sur pilotis à cause de la nature
marécageuse du terrain (Fodéré, 1619, p. 475 ; Renon, 1847, p. 3). L’étude géomorphologique
récente d’un îlot voisin rend ceci probable (Bocquet, 2005, p. 11). La collégiale a vocation à
devenir une véritable école d’administration. Les treize chanoines du chapitre sont chargés de
cette mission. Dispensés de résidence, s’ils sont aux études, ils peuvent se former dans les
meilleures universités d’Europe dont celle de Bologne, célèbre pour son enseignement du droit
romain (Chartes du Forez, nos 1343, 1348, 1583, 1369, 1588, 1370).
23. Établissement doté de rentes assises sur les domaines comtaux de Chambéon et de SaintMarcellin (Chartes du Forez nos 1373, 1374).
24. Les trois « chapelles paroissiales » montbrisonnaises de Saint-Pierre, La Madeleine et SaintAndré relèvent de la collation du prieur de Savigneux (Chartes du Forez, n° 901). Les
établissements ne posséderont ni fonts baptismaux, ni cimetières jusqu’au XV e siècle (Relave,
1906, p. 43-44). Les desservants de l’hôpital de Montbrison et de la léproserie de Moingt doivent
« fidélité » au prieuré mais le comte demeure collateur. Chartes du Forez n° 989 : nos G. comes
Forensis ad quem spectat collatio dicti hospitalis... Les établissements ne relevant pas du prieuré
(commanderie hospitalière et église collégiale) possèdent des cimetières, mais ont un droit de
sépulture strictement limité pour ne pas rogner le casuel de Savigneux.
25. Fournial, 1967, p. 46 : pont de l’Hôpital (1251), de Notre-Dame (1249).
26. Collecte pro firmando castro.
27. Fondation attribuée aux Lavieu. Fodéré évoque une première mention en 1254 (Fodéré, 1619,
p. 473), Broutin évoque un texte de 1237 (Broutin, 1874, p. 93) mais Fournial précise 1240
(Fournial, 1967, p. 46). Leur église est consacrée en 1272, le cimetière béni en 1275 (Chartes du
Forez, n° 998) et le cloître réalisé en 1282 (Fodéré, 1619, p. 472, 483).
28. Broutin annonce 1278 (Broutin, 1874, p. 373). Mais les Antonins son citées avant 1258 (Chartes
du Forez, n° 948).
29. Cette salle est aujourd’hui connue sous le nom de Salle héraldique de la Diana. Les héraldistes
n’étant pas d’accord, sa date d’aménagement reste à préciser (Mathevot, 2004).
30. Fournial, 1967, p. 50 : « La chancellerie était un bâtiment à un étage bâti proche du pont
Notre-Dame en façade sur le marché. Au rez-de-chaussée, étaient installés les bancs des notaires.
Au premier étage, siégeait le tribunal du juge de Forez » (AN, P 1402 2, n° 1299 ; ADL, B1903, f° 34 ;
B 1904, f° 11 v° ; B 2001, f° 76 v° ; B 1851, f° 47 ; B 1861, f° 86 v° ; B 1862, f° 87 v°).
31. Un jeu de paume y sera même bâti en 1479 (Joulin, 1891 ; Barban, 1876).
32. En 1377, les Antonins avaient reçu permission de Savigneux d’édifier une église, d’établir un
cimetière et d’exercer certaines fonctions curiales (Broutin, 1874, t. 1, p. 20 ; t. 2, p. 376).
33. Sur le passage du Forez aux Bourbon, cf. Colombet-Lasseigne, 2001.
34. Il s’agit, entre autre, de la boucherie : le pont de la vieille boucherie est signalé à l’ouest,
proche des moulins en 1405 (Diana, Brassart n° 5187, archives Dupuy de Quérézieux, n° 1366a).
35. La vente est faite aux enchères. Celui qui proposa de construire le plus de toises de muraille
pour les religieux l’emporta ! Mais les 45 toises ne suffirent pas d’où l’engagement des calices
dont les habitants de Montbrison donnent quittance en 1431 (Fodéré, 1619, p. 474).
112
36. La construction avait débuté en 1223, mais en 1370 les travaux étaient encore loin d’être
achevés puisque le comte Guy VII donne dans son testament cent francs pour l’augment du chœur
d’icelle esglise. En 1396, on agrandit encore le vaisseau qui est couvert en 1406 (Renon, 1847, p. 93,
116).
37. Cf. le manuscrit Granjon (1806) à la Bibliothèque de la Diana, V6, R4, f° 195.
38. Il y en avait au moins trois en 1489 selon de La Mure : celui de La Barrière, celui de La
Cordonnerie et celui du Marché (De La Mure, 1860-1897, t. 3, p. 292).
39. Essentiellement : une vue de Montbrison du père Martellange datée de 1611 (fig. 2 ; Bnf,
département des Estampes, recueil Ub 9a) ; un plan cavalier de 1732 (fig. 3 ; plan exposé à la
bibliothèque de la Diana et édité dans Renon, 1847, p. 291) ; un plan de Montbrison de 1773 (édité
dans Ferret, 1990, p. 500-501) ; une carte de Montbrison à Bellegarde de 1775 (fig. 4 ; Diana, 1 C
09) et le plan cadastral de 1809.
40. ... beal prenant sa source a la mere riviere de Vizezy a l’endroit de la grande escluse de Setiallet…
(Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de Querézieux, n° 1363c, daté de circa 1560).
41. En 1405, abénévis à Jean Verdier, charpentier, d’une prise d’eau au gour Guichard et d’une
place versus pontem Macelli veteris pour y établir un émouloir le long du Vizézy qui sera
transformé en moulin en 1407 (Diana, fonds Dupuy Querézieux n° 1366a et b). En 1425, abénévis à
Étienne Chassaing d’une prise d’eau subtus molendimun Roer et de l’esmolour Roberti Troton pour y
établir un émouloir qui sera transformé en 1461 en moulin à blé, en connexion avec le bief du
moulin de Belliregardi et situé juxta ortum Fratrum Minorum (Diana, fonds Brassart n° 5187,
archives Dupuy de Quérézieux, n° 1366c et d). En 1494, on y rencontre encore l’émouloir qui fut à
un coutelier et le lieu est dit La Roery (Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de
Quérézieux, n° 1353).
42. Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de Quérézieux, n° 1363b (daté de circa 1560).
43. Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de Querézieux, n° 1366a.
44. Il n’est pas représenté sur le plan de 1732.
45. En 1473, Mathieu Geoffroy est autorisé à une prise d’eau pour les services d’un bassin à
poisson. Les eaux proviennent a ripparia Visesie et labentium infra villam Montisbrisonis medio seu
conducte bealis seu alvei existentis infra dictam villam quo dicte aque fluunt et labuntur a molendino Roer
Claudii Baronati et intrant dictam villam per foramen seu conductum existens in turri quadam existens in
clausura dicte ville Montisbrisonis et inde fluunt per dictum beale seu alveum usque ad magnam carrieram
Cordoanerie ipsius ville, et etiam prisiam aquarum descenditum in carriera publica nuncupata carriera
Prati Comtal in quocumque loco descendant et labantur pro replendo ponendo et conducendo in quadam
piscatura dicti Mathei quem facere entendit… (Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de
Quérézieux, n° 1366f).
46. Circa 1560 (Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de Quérézieux, n° 1363c). Arches :
les arches ou tout aultres choses servant a la garde du poysson, estans lesdites arches en grande quantité et
apertenant a plusieurs desd. habitants.
47. En 1463, le prieur de Savigneux reçoit abénévis des eaux du fossé du château pour arroser un
pré situé juxta magnum iter quod itur de Montbrisone apud Savignacum et aliud iter qod itur de Sancto
Johanne versus molendium Martini du Mollein… (Diana, fonds Brassart n° 5187, archives Dupuy de
Quérézieux, n° 1366e).
48. Des sondages archéologiques ont été réalisés dans la chapelle en 2006 par Laurent d’Agostino
(rapport d’opération consultable au SRA Rhône-Alpes).
49. L’enceinte, large de 1,90 m, a été dégagée ici sur près de 5 m (Kuntz, Vicard 2004b).
50. La charte de 1428 stipule que le chapitre pourra faire pratiquer une porte pour aller à leur
possession d’Écotay. Ce n’est donc pas une obligation et elle a pu être réalisée plus tard (Ferret,
1990, p. 516).
51. L’enceinte était large de 1,85 à 2,00 m.
113
52. Les particuliers joignant les remparts, se faisant aider par leur voisins, construisirent [l’enceinte
urbaine] en face de leur maison, les habitants des campagnes se chargèrent de la partie qui devait régner
le long du fossé appelé le Jeu de Paume, on voyait la manière dont avait été construits les pans de mur que
chaque bourg avait élevé, on aurait pu les compter (manuscrit Granjon, 1806, Bibliothèque de la
Diana, V6, R4, f° 193-194). Le Jeu de Paume n’est autre que l’hôtel champêtre des comtes de Forez,
au sud du bourg, à proximité immédiate du mur figuré sur la vignette.
53. Église totalement reconstruite en 1873 (Broutin, 1874, t. 2, p. 320).
54. Édifices aujourd’hui détruits.
55. La chapelle (aujourd’hui temple réformé) existe toujours mais elle n’a malheureusement pas
encore fait l’objet d’une étude de bâti.
56. Signalons une approche intéressante qui permet d’envisager les grandes phases de
construction dans C. Palmier, L’église collégiale Notre-Dame d’Espérance de Montbrison (Loire), dossier
de Licence, Université Lyon II, 1999.
57. Son emplacement ne correspond pas avec celui de la tour sud actuelle. Il semble que les
substructions maçonnées de ce « clocher primitif » aient été mises au jour en 1885. Elles furent
découvertes deux travées de nef après le chœur, dans une chapelle où La Mure situe le « vieux
clocher », et donc en conformité avec la vue de Revel (Brassart, 1924, p. 143).
58. E. Brassart a eu l’occasion de reconnaître les substructions de l’église Saint-André et a
constaté que, « à divers âges, plusieurs églises y avaient été successivement superposées »
(Relave, 1906).
59. La visite pastorale de 1378 mentionne bien que les quatre prêtres de Saint-André vivent en
concubinage et passent leur temps à la taverne, mais ne donne aucun état des bâtiments
montbrisonnais (Merle, 1937, p. 224)... Idem pour les visites de 1469 (AN, ms Latin 5529, f° 137), de
1613 (Visites pastorales du diocèse de Lyon, t. 1, visites de 1613-1614) et de 1662 (ADR, 1 G 52).
60. L’ensemble est aujourd’hui aménagé en hôtel de ville, bibliothèque municipale, office de
Tourisme et salle des fêtes.
61. La description que fait le père Fodéré de cette chapelle en 1616, correspond avec la vignette.
Il cite le clocher « couvert en chef-d’œuvre de maçonnerie d’une aiguille française » (Fodéré,
1619, p. 479). Un incendie aurait ruiné la toiture en 1751 (Bernard, 1835, t. 1, p. 147).
62. Les comptes de construction situent la chambre « juste la tour du Portal » (Fournial, Gonon,
1967, [32]). É. Fournial pense tout d’abord qu’il s’agit d’un emplacement à l’intérieur de l’enceinte
castrale (Fournial, 1964, p. 94) puis demeure plus vague et situe simplement le bâtiment proche
de la tour de la Barrière (Fournial, 1967, p. 442). Notre bâtiment est bien au pied de la tour. E. De
Boos y voit le siège du bailliage de Forez, sans justificatif toutefois (De Boos, 1998, p. 445).
63. La chambre des comptes va une nouvelle fois déménager pour réintégrer le château. Un
nouveau bâtiment, intégrant la salle des archives, sera édifié à la place du cellier comtal (De La
Mure, 1860-1897, t. II, p. 297 ; ADL, B 1839, f° 4).
64. La façade est bien plus impressionnante aujourd’hui car reconstruite dans le style
néogothique en 1860.
65. De passage à Montbrison en 1478, le duc de Bourbon loge dans l’hôtel d’un chanoine
(Bernard, 1835, t. 2, p. 66).
66. Je remercie ici Michel Goy (INRAP) qui m’a communiqué ses résultats.
67. Les sources précisent que la chambre des comptes s’installe à la place du cellier comtal (De La
Mure, 1860-1897, t. II, p. 297 ; ADL, B 1839, f° 4).
114
Lavieu
Pierre-Yves Laffont
438. Le chatiau de La Vieu
Département : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ;
commune : Lavieu
L’apport des sources écrites
1
Lavieu apparaît pour la première fois dans une bulle du pape Eugène III, du 26 février
1153, adressée à Guichard, abbé d’Ainay à Lyon, par laquelle il confirme à son monastère
le patronage d’un certain nombre d’églises dont celle de Lavieu (Cartulaire d’Ainay, t. I, n
° 34). Dédiée à saint Jacques le Majeur, elle figure dans le pouillé du diocèse de Lyon de
1225 ; le prieur de Saint-Romain-le-Puy, dépendance de l’abbaye d’Ainay, est alors
collateur de la cure (Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon, p. 5). En 1167, le comte
de Forez, Guy, reçoit en augment de fief du roi Louis VII les droits régaliens dans les
châteaux de Marcilly, Donzy, Cleppé, Saint-Priest, Lavieu et Saint-Romain (Chartes du
Forez, n° 1563)1. On ne connaît aucune famille aristocratique liée au château de Lavieu,
qui semble déjà être au comte de Forez au milieu du XIIe siècle. En effet, contrairement à
ce qu’avance l’historiographie ancienne, la famille de Lavieu ne semble pas liée au
château du même nom. Celle-ci paraît originaire du Lyonnais et aucun de ses membres
n’est attesté comme seigneur du château de Lavieu : à partir de 1324, seul le hasard d’un
échange amène certains Lavieu à Écotay, château voisin2. Pour tout le XIIIe siècle, les
mentions du castrum et de la villa de Lavieu sont relativement nombreuses. En décembre
1250, Jean Garin, de Monsau, domicellus, et sa femme, vendent divers biens au prieuré de
Saint-Romain-le-Puy, dont un cens en seigle sur la terre de Chatelville située dans la
paroisse de Lavieu (Chartes du Forez, n° 456). À l’occasion d’une transaction passée au
mois de juillet 1265, entre Roland de La Bâtie, chanoine de Montbrison, et le prieur de
Saint-Romain-le-Puy, le castrum de Laviaco est mentionné dans les limites d’un domaine
sur lequel le prieur accorde un cens de 20 sous (Chartes du Forez, n° 476). En 1272,
Aymone, femme de Guillemet Ronnin et fille de feu Aymonet de Fontanès, cède à son mari
tous les biens provenant de sa dot, situés à Fontanès, Saint-Héand, Grammont, etc. En
115
échange, il lui cède tous ses droits dans la villa de Bussy dans le mandement de Lavieu
(Chartes du Forez, n° 162). En 1297, Guichard de Says, domicellus, reconnaît tenir en fief
lige du comte de Forez ses rentes in villa castri et infra castrum de Laviaco (Chartes du Forez,
n° 443). Le XIVe siècle nous livre, comme le XIIIe siècle, toute une série de textes. Au mois
de novembre 1317, est dressé un procès-verbal des limites des seigneuries de La Roue et
de Montpeloux, appartenant à Bertrand, seigneur de La Roue, et celles de Châtelneuf,
Écotay, Lavieu, etc . appartenant au comte de Forez (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 1465). Le 20 octobre 1330, Dinot de La Bâtie vend au comte de Forez, pour 500
livres viennoises, sa maison située « auprès » du château de Lavieu (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 1932). En 1349, une sentence arbitrale est rendue entre le
précepteur des maisons de Saint-Jean-de-Jérusalem de Chazelles, de Montbrison et de
Verrières et le châtelain de Lavieu, représentant le comte de Forez, au sujet de l’érection
d’un pilori au pont de la Crusille et de la juridiction que chacune des parties prétendait
avoir sur les manses de Chassagneu et de Sauvazon (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 2538). À la fin du XIVe siècle, les officiers du duc de Bourbon en Forez
ordonnent au prévôt de Lavieu de saisir diverses rentes situées à Lavieu et usurpées par le
seigneur de La Roue (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3535). Dans son testament,
établi en juillet 1239, le comte de Forez Guy IV lègue 50 sous à sa chapelle de Montbrison,
à percevoir dans le mandement de Lavieu (Chartes du Forez, n° 1386). Par la suite, les
nombreux anniversaires fondés par les comtes de Forez, puis par les ducs de Bourbon,
dans la collégiale Notre-Dame de Montbrison seront de même assis sur les revenus de la
châtellenie de Lavieu3. À partir des années 1240, se succèdent les mentions de châtelains,
prévôts ou sergents de Lavieu au service des comtes de Forez : en 1248, Brunel Vallier est
châtelain de Lavieu (Chartes du Forez, nos 1070 et 1202) ; en 1310, Renaud de Langes, est
châtelain de Lavieu, ainsi que de Sury-le-Comtal, Saint-Bonnet-le-Château, Monsupt,
Marols et Saint-Marcellin (Chartes du Forez, n° 1677, note 1) ; le 11 juin 1316, Simon de
Careisieu est nommé prévôt de Lavieu ; le 23 juin de la même année, Poncet de
Fontferrières devient châtelain de Lavieu (De La Mure 1860-1897, t. I, p. 350 note n° 1) ; le
6 mars 1334, c’est au tour de Robert Vernin ; le 9 juin de la même année, Guyonet Barbier
est nommé sergent de Lavieu et de Monsupt (De La Mure 1860-1897, t. I, p. 397 note n° 1) 4.
2
Enfin, un terrier de la châtellenie de Lavieu dressé en 1394-1395 (ADL, B 2034), nous
donne quelques indications topographiques sur le site lui-même avec la reconnaissance
de Jean Fournier pour sa maison à Lavieu et pour une cartonnée de terre, située subtus
portam magnam, juxta iter quo itur de ecclesia beati Jacobi apud Montembrisonem ex borea ; celle
de Pierre Gay, pour un jardin près du colombier, une demenchée de terre près du puits au
nord, une demenchée de terre près de la route du marché à la grande porte du castrum ;
ou encore celle de Jean Sole, pour une demenchée de terre près de la route qui va du
castrum de Lavieu à Châtelville.
3
À la fin du XVIIe siècle, il ne reste déjà plus grand-chose du château et du castrum de
Lavieu. Lors de l’état des lieux général des châteaux foréziens, réalisé à la fin des années
1660 et au début des années 1670, celui-ci apparaît comme tout à fait ruiné. Il ne subsiste
alors plus, outre les éboulis et les pierriers, que les vestiges d’une grande enceinte arasée
et de deux tours appartenant à celle-ci (De La Mure 1860-1897, t. I, p. 37). Le curé du lieu
déclare aux enquêteurs que le château a été démoli sur ordre du roi Henri IV et du
gouverneur de la province du Forez, le château servant alors de repaire aux diverses
bandes armées, catholiques ou protestantes (De La Mure 1860-1897, t. I, p. 41) 5. Au début
du XXe siècle, lors de la rédaction des « Châteaux historiques du Forez », Émile Salomon
116
constate qu’il ne demeure plus guère du château « qu’un débris de donjon et un bâtiment
du XVe siècle ». L’illustrateur de l’ouvrage, G. Jourda de Vaux, nous livre d’ailleurs un
dessin, peu clair, de ces vestiges (Salomon, 1916-1926, t. I, Lavieu).
La représentation de l’Armorial
4
La représentation de l’Armorial de Guillaume Revel montre un site classique dans son
développement et aisé dans son analyse (fig. 30). Le château proprement dit, qui se
résume en fait à une tour maîtresse quadrangulaire, occupe le centre du site ; l’habitat
castral, clos d’une enceinte, s’est développé autour de celui-ci. L’ensemble est vu depuis le
sud-est. Le donjon est un haut bâtiment à quatre niveaux, vraisemblablement carré,
couronné de créneaux. Deux faces sont visibles, présentant chacune quatre ouvertures. À
l’ouest, sont matérialisées, au niveau supérieur, deux baies à meneaux et traverses et, à
un niveau inférieur, deux fenêtres à simple traverse ; à l’est, apparaissent deux petites
ouvertures quadrangulaires que surmontent deux baies à simple traverse. Toutes
évoquent la fin du Moyen Âge ; cependant la représentation, généralement très
standardisée, des ouvertures les rend de fait assez indatables. Une bannière aux armes
des ducs de Bourbon (trois lys d’or) trône sur le toit. Le donjon, probablement en raison
de sa valeur symbolique, paraît nettement surdimensionné par rapport aux autres
constructions. Une large enceinte crénelée, de forme ovalaire, enserre l’habitat castral. Il
ne semble pas y avoir de fossé. Cette enceinte est cantonnée de plus d’une douzaine de
tours, de hauteur variée. Ces tours sont circulaires, crénelées, sans ouverture, et percées
d’au moins deux ouvertures de tir à leur base. La muraille du bourg comporte deux portes
couvertes d’un arc en plein cintre. L’une, à l’est, prend place dans une haute et étroite
tour-porte carrée, munie de deux ouvertures de tir à sa base. Elle possède des
mâchicoulis, sous lesquels s’ouvre, au sud, une minuscule fenêtre quadrangulaire. La tour
est couverte d’une toiture à quatre pans, que surmonte une bannière ornée du dauphin
des comtes de Forez. Il s’agit vraisemblablement de la porta magna des textes. À l’ouest, la
porte est ménagée directement dans le rempart ; une petite barbacane quadrangulaire,
percée d’ouvertures de tir, mais non crénelée et s’ouvrant au sud sur une large porte
rectangulaire, la précède.
117
Fig. 30 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 438) : le chatiau de
Lavieu.
5
L’habitat castral présente une occupation dense, près d’une trentaine de maisons y sont
figurées ; la représentation de celles-ci reflète une grande standardisation. Elles
possèdent, en règle générale, une porte et une fenêtre à meneaux sur le mur pignon, deux
fenêtres plus petites sur le mur gouttereau et, sur le toit à deux pentes, une cheminée à
souche cylindrique, d’un type classique à la fin du Moyen Âge. Aucun édifice ne se
distingue particulièrement par ses dimensions ou par sa forme. Il est à noter que l’église
n’est pas visible, peut-être est-ce dû à sa situation très en arrière du donjon, à l’est.
Toutefois, les illustrateurs de l’Armorial ne se soucient habituellement guère de
perspective ou de proportion et matérialisent, quel que soit leur emplacement, les
édifices remarquables ; l’église est alors probablement peu significative dans le paysage.
Hors de l’enceinte, au sud, se développe un important faubourg bordant la route qui
démarre de la Grande porte et se dirige vers le sud. Enfin, si la représentation du bâti est,
généralement, assez standardisée, on remarquera les efforts réalisés par l’artiste pour
rendre le relief et la topographie du site.
Les données archéologiques et le parcellaire
6
Le château de Lavieu occupe un pointement basaltique, aux pentes vives. Comme
l’indique l’Armorial, aucun fossé ne paraît avoir entouré le site, qui utilise uniquement le
relief, naturellement escarpé, pour sa défense (fig. 31, 32, 33). Au sommet du tertre, un
important affleurement du substrat forme une petite plate-forme sur laquelle devait
s’élever la tour maîtresse quadrangulaire, dont il ne subsiste aujourd’hui plus rien (fig. 34
). Dans l’ensemble, les vestiges médiévaux sont quasi inexistants : l’enceinte, elle-même,
déjà très arasée à la fin du XVIIe siècle, a totalement disparu. À l’ouest, seul un chicot de
maçonnerie, en basalte et granit, est encore visible6 (fig. 35). À l’est, un peu au-delà de
118
l’église, un mur apparaît dans une coupe et, sur le flanc nord du tertre, émerge à peine le
sommet d’un puits, qui est peut-être à lier à des mentions de la fin du XIVe siècle. Enfin,
d’importantes anomalies topographiques, des tessons de céramique et de nombreux
éclats de tuiles sur le chemin ceinturant le site, marquent aussi la présence ancienne du
château. Aucune des constructions présentes aujourd’hui sur les flancs sud et ouest du
relief ne montre d’élévations médiévales. À l’exception de l’église, rien ne semble, au vu
des élévations extérieures, remonter au-delà des XVIIe -XVIII e siècles. L’église est en
partie médiévale et date des XIIe -XV e siècles pour les phases de construction les plus
anciennes (fig. 36). Deux chapiteaux encadrant le portail pourraient être du XI e siècle (
fig. 37). L’église, située au nord-est de la plate-forme sommitale, en bordure du tracé de
l’enceinte, est manifestement, à l’origine, une chapelle castrale devenue progressivement
église paroissiale. L’étude du parcellaire n’apporte que peu de renseignement à la
connaissance du site. Une grande parcelle et quelques parcelles secondaires, formant un
espace grossièrement circulaire, d’environ 120-130 m de diamètre, nous donnent les
limites générales du castrum et l’emprise au sol de l’habitat castral et de son enceinte. Une
grande entaille triangulaire dans le parcellaire, au sud-est de l’enceinte, paraît marquer
l’emplacement de la tour-porte visible sur la représentation de l’Armorial. Dans l’axe de
cette échancrure se dessine un chemin, presque disparu aujourd’hui, qui correspond à la
route figurant sur l’Armorial. La présence de la seconde porte, à l’ouest, se laisse plus
difficilement deviner.
Fig. 31 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
119
Fig. 32 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 33 - Vue d’ensemble du site.
120
Fig. 34 - Vue de la plate-forme du château.
7
Si pour un certain nombre de sites, il est possible de démontrer que les illustrations de
l’Armorial de Guillaume Revel présentent une grande exactitude, il y a, pour le château de
Lavieu, un contraste saisissant entre la vignette de l’Armorial, représentant un gros
donjon carré dominant un important habitat castral, ceint d’une vaste enceinte circulaire
renforcée d’un grand nombre de tours, et les vestiges actuels qui se limitent à quelques
rares pans de murs. Même si le château de Lavieu a eu, peut-être plus que d’autres, à subir
les assauts du temps et des hommes, il suffit de regarder la topographie actuelle des lieux
pour se rendre compte que le castrum représenté sur l’Armorial a des proportions qui
dépassent largement les possibilités de l’endroit. Ceci, joint au fait que la représentation
est, dans l’ensemble, très standardisée, laisse supposer que lors de l’exécution de
l’Armorial, le site était déjà dégradé, obligeant le dessinateur à extrapoler pour donner
une représentation du site conforme à l’esprit général et au prestige de l’Armorial 7.
121
Fig. 35 - Vestiges des maçonneries du château.
Fig. 36 - L’église Saint-Jacques.
122
Fig. 37 - Portail de l’église Saint-Jacques.
Page 438
LE CHATIAU DE LAVIEU
Étude héraldique
785. Le prieur de Goumieres avoy de Laliere
d’azur au lion d’argent – l’écu posé sur un bâton de prieur.
Personnage non identifié de la famille de Vitry de Lalière (De Boos, 1998, n os 26 et
706). Le prieuré de Gumières avait été fondé vers la fin du Xe siècle par le prieur
Amblard, sur un chemin de pèlerinage. Son histoire est mal documentée.
786. Garin Lautous crie Loutous
de gueules au lion d’or, couronné d’argent, accompagné en chef de trois aiglettes d’or,
couronnées d’argent, membrées de sable – cimier : une tête et col de lion.
Garin Letous (ou Lotous, Lothous), damoiseau, fils de Lambert Letous, seigneur
d’Ailly et Le Rousset. Il hérita ces fiefs et en rendit hommage au duc de Bourbon en
1441 et 1458. Les armes de cette famille sont sculptées dans l’église de Soleymieux et
sur les voussures du portail de l’église de Saint-Jean-Soleymieux.
• Gras, 1874, p. 152 ; Perroy, 1977, t. I, p. 461.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
123
NOTES
1. Le roi Charles VIII confirme, en mai 1494, à Pierre II, duc de Bourbon, les droits régaliens
accordés par son prédécesseur, Louis VII, sur divers châteaux dont celui de Lavieu (De La Mure,
1860-1897, t. II, p. 219).
2. Cf. une mise au point sur ce sujet dans Perroy, 1977, t. I, p. 416-417.
3. 18 juin 1270 : testament du comte Renaud, qui fonde, notamment, un anniversaire dans l’église
Notre-Dame de Montbrison de 10 livres viennoises à prendre dans le mandement de Lavieu
(Chartes du Forez, n° 1485). La duchesse de Bourbon fonde, le 9 septembre 1415, un anniversaire
dans l’église Notre-Dame de Montbrison, à prendre sur les revenus de la châtellenie de Lavieu (De
La Mure, 1860-1897, t. II, p. 115).
4. Pour les années suivantes, voir De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 397 sq.
5. Le château serait démoli en 1611 (Gardes, Houssel, 1985, p. 434-436).
6. Il s’agit probablement de la maçonnerie évoquée par É. Salomon (cf. supra) ; mais aucune trace
du bâtiment du XVe siècle !
7. Il est bien évidemment possible d’imaginer que l’artiste ne se soit que peu rendu sur place et
que son dessin soit, en fait, un travail d’atelier, réalisé après coup, à partir d’un mauvais croquis.
Toutefois, un certain nombre de détails, ainsi que des comparaisons avec la qualité des
représentations pour des sites voisins de Lavieu, permettent d’affirmer que l’auteur de la
vignette a bel et bien travaillé sur place, tout en restituant arbitrairement les éléments trop
dégradés du site.
124
Cervières
Franck Brechon
439. La ville et chatiau de Cerviere
Département : Loire ; canton : Noirétable ; commune :
Cervières1
L’apport des sources écrites
1
Le site de Cervières apparaît pour la première fois dans la documentation en 1173 lors de
la transaction conclue entre l’archevêque de Lyon et le comte de Forez. Les deux parties
fixent les limites de leurs domaines : l’Église de Lyon abandonne alors au comte tous ses
droits au-delà de la Loire, d’Urfé à Cervières et de Cervières à Thiers (Chartes du Forez, n
° 4). Le château de Cervières apparaît explicitement dans les textes avec son mandement
vers 1180. Cette année-là, Hugues de Rochefort rend hommage au comte de Forez Guy II
pour divers fiefs, dont tout ce qu’il possédait dans le mandement de Cervières et à SaintJulien-la-Vêtre. Il est précisé que cet acte fut fait anno quo dominus G. comes Forisii castrum
Cervarii cepit edificare (Chartes du Forez, n° 303). Il a été avancé que le château existait déjà
en 1173 et que l’hommage de 1180 ne garde la trace que de travaux de réfection et non
d’une véritable première construction (Fournial, 1967, p. 26). Cela nous paraît toutefois
peu probable dans la mesure où le partage de 1173 mentionne explicitement les châteaux
de Rochefort et de Saint-Romain. Pourquoi celui de Cervières aurait-il été oublié ? En
outre, la mention de la construction en 1180 est très précise. Par la suite, le château de
Cervières apparaît encore à plusieurs reprises au milieu du XIIIe siècle. Ainsi, en 1248, le
comte Guy V donne au couvent de Bonneval une rente de six setiers de seigle, qu’il sera
tenu d’acquitter à la Saint Michel sur le grenier du lieu de Cervières (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 295A). La même année, le comte de Forez donne à l’abbaye de La
Bénisson-Dieu cent sous forts à prendre sur le cens de Cervières pour l’achat de poissons
pour le Carême (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 280).
2
Le mandement de Cervières, en dehors de la première mention en 1180, n’apparaît plus
explicitement jusqu’en 1250, 1265 et 1268, années où trois transactions nous renseignent
125
sur son existence (Chartes du Forez, nos 1074, 1099, 144). Relevant initialement du
bailliage royal d’Auvergne, le comte obtient en 1292 que la châtellenie de Cervières, ainsi
que celle de Saint-Bonnet-le-Château, soient transférées au ressort du bailliage de Mâcon,
à l’image de tous ses autres domaines (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 900 et
901) ; décision confirmée par Philippe le Bel, puis par Louis X (Titres de la maison ducale
de Bourbon, nos 1370, 1389). En 1316, le comte Jean rend hommage au roi pour le château
de Cervières, ainsi que pour ceux de Thiers, Saint-Bonnet-le-Château, Monsupt,
Montarchier et La Tour-en-Jarez ; hommage renouvelé en 1362 par Rainaud de Forez,
oncle et curateur du comte de Forez (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 1420,
2856). Au début du XIVe siècle, Cervières est inféodé et en 1326, Hugues de Mauvoisin
rend hommage au comte pour tout le mandement de Cervières, le château et ses
dépendances, ainsi que la justice haute et moyenne (ADL, B 2001). En 1382, Cervières
figure au procès-verbal de la prise de possession du comté de Forez par le duc de Bourbon
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3508).
3
Le pouillé de 1225 mentionne la capella de Cerveiri qui paraît alors être une dépendance de
l’église des Salles, cette dernière relevant du prieuré clunisien de Noirétable (Pouillés de
la province ecclésiastique de Lyon, p. 8). Placée sous le vocable de sainte Foy, la chapelle
de Cervières ne semble, même à la fin du Moyen Âge, pas avoir été érigée au rang d’église
paroissiale, les droits de sépulture restant attachés à l’église paroissiale des Salles
(Dufour, 1946, p. 133). En 1614, l’église Sainte-Foy est devenue paroissiale, mais elle
demeure une annexe de celle des Salles (Dufour, 1946, p. 133).
4
Dès le XIIIe siècle, un habitat castral important se structure autour du château, que la
documentation différencie nettement de la villa, qui se développe ensuite, tirant sans
doute profit de la position du site le long de la route de Thiers par la vallée de la Durolle.
Un marché est ainsi mentionné à Cervières en 1287, signe de l’importance au moins locale
du lieu (Chartes du Forez, n° 759), et une halle y est construite à la fin du XIII e siècle
(Fournial, 1967, p. 77). La documentation de la fin du XIIIe siècle laisse apparaître le nom
de quelques habitants qui reconnaissent tenir des biens in castro Cerverie, comme par
exemple Jeannin Adoba (Chartes du Forez, n° 276), qui y possède deux maisons. En 1294,
nous savons que le comte tient un étang subtus villam et castrum de Cerveria, duquel sort un
ruisseau faisant tourner le moulin de Royon (Chartes du Forez, n° 929). Un terrier de
reconnaissance de 1311 en faveur du comte de Forez (ADL B 2019) nous apporte de
nombreux renseignements concernant le castrum et la villa de Cervières, ainsi que sur sa
population, alors estimée entre 600 et 800 habitants2. Le terrier mentionne la présence à
Cervières de 39 marchands, tant autochtones que forains, tenant 54 bancs au marché ;
l’origine géographique de la population marchande laisse apparaître une nette
prédominance de l’Auvergne sur le reste du Forez. À côté du marché lui-même, le terrier
mentionne aussi un mazel d’une demi-douzaine de bancs. Y figurent aussi deux moulins à
foulons, les draps de Cervières étant manifestement appréciés en Auvergne et transitant
vers cette région par Thiers.
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de l’Armorial montre le site vu depuis le sud-ouest (fig. 38). Les trois éléments
constitutifs principaux de celui-ci figurent nettement sur le dessin et peuvent aisément
être individualisés.
126
Fig. 38 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 439) : la ville et
chatiau de Cerviere.
6
Le château lui-même, en position dominante à gauche de la vignette, se présente pour
l’essentiel sous la forme d’un haut donjon circulaire percé d’ouvertures de grande taille.
Immédiatement au sud du donjon et englobant celui-ci, se développe un corps de
bâtiment massif appuyé sur l’angle nord-est de la courtine du château. L’accès à ce
bâtiment se fait par une porte située sur la face tournée vers le dessinateur (ouest ?) et
surmontée d’une bretèche. Son toit principal, qui semble à quatre pans, est couvert de
tuiles et surmonté de trois ou quatre cheminées au moins. Deux fenêtres superposées sur
la face sud laissent penser que ce bâtiment avait au total trois niveaux. L’enceinte du
château présente un plan grossièrement quadrangulaire. Elle est cantonnée de sept tours
circulaires, dont au moins trois aux angles nord-ouest, sud-ouest et sud-est. Une
quatrième semble se trouver à l’angle nord-est, une au centre de la face est et deux sur la
face nord. Les deux tours des angles nord-est et nord-ouest sont manifestement plus
élevées. L’accès à l’enceinte du château se fait par une porte percée au centre de la
courtine sud, porte elle-même surmontée d’une bretèche assez similaire à celle du
bâtiment central.
7
L’habitat castral est établi immédiatement au sud du château. Il prend la forme d’une
excroissance bordée de remparts sans tour, sauf sur son flanc est où sont dessinées deux
petites tours circulaires. Une première porte est très visible sur le côté sud du bourg. La
seconde, peu visible du fait de la perspective choisie par l’artiste, se laisse juste deviner à
son angle sud-est. Un élément surprend toutefois : l’habitat castral se subdivise en deux
parties, l’une globalement quadrangulaire au sud-est est totalement vide, le sol étant
peint du même vert que les arbres, ce qui laisse supposer une absence de constructions.
En revanche, la partie ouest du bourg est occupée par un semis serré de huit ou neuf
maisons ; son angle nord-ouest est toutefois également vide. En outre, sur le dessin,
127
l’enceinte du bourg castral n’est pas de la même hauteur à l’est et à l’ouest, ce qui laisse
supposer que ce sont deux enceintes différentes. Une courtine semble même peut-être les
séparer. Doit-on y voir une erreur du dessinateur ou plutôt la marque de deux
accroissements successifs du bourg ? La vignette seule ne permet pas de répondre mais
elle soulève le problème.
8
La « ville » se développe au pied du bourg, toujours plus au sud et plus bas vers la vallée.
Dans les proportions que lui a assignées l’artiste, elle couvre presque autant de surface
que l’ensemble du castrum. De forme globalement ovoïde, elle est close d’un mur continu
cantonné de douze tours circulaires (ou semi-circulaires comme le laisse penser la vue
interne de celles de la face est). Cette enceinte est percée de trois portes : une à l’ouest,
une à son extrémité sud et enfin, la dernière, à l’est. Les portes ouest et sud présentent un
caractère monumental que n’ont pas les portes du bourg castral. Elles sont encadrées
chacune de deux tours plus hautes que les autres et surmontées de mâchicoulis. Nous ne
voyons rien des caractères architecturaux de la porte de la face est puisqu’elle est
largement masquée par la perspective qui place le clocher de l’église devant elle.
L’ensemble de l’espace enclos par les remparts de la ville est densément occupé par le bâti
dans lequel ne se distingue toutefois aucun édifice laïc particulier. Seule l’église qui
occupe la partie centrale de la « ville » est à remarquer. Assez imposante, elle présente un
plan simple sans transept, à chevet semi-circulaire. Elle est surmontée d’un clocher carré
à deux étages de baies. Rien n’est représenté des environs immédiats de Cervières ; seuls
figurent sur le dessin quelques arbres et la route du Forez à Thiers. Cette dernière entre
dans la ville par la porte ouest et ressort par la porte sud.
Les données archéologiques et le parcellaire
9
Le plan cadastral du XIXe siècle permet de situer assez précisément les trois ensembles
constitutifs du site de Cervières, que l’on trouve à la fois mentionnés dans les textes et
figurés sur la vignette de l’Armorial : le château, le bourg et la ville. Le château forme un
vaste ensemble ovalaire au nord du site. Il n’en subsiste toutefois aucun élément visible (
fig. 39), et seule son emprise au sol est encore lisible sur le plan cadastral (fig. 40). Les
textes, associés à la lecture de la topographie et du parcellaire, apportent toutefois
quelques maigres éléments de restitution. Ainsi, au centre de la plate-forme castrale une
proéminence de grandes dimensions, sans doute en majeure partie d’origine naturelle
mais certainement remaniée, s’apparente à une motte (fig. 41, 42). Cette dernière est
mentionnée en 1311, date à laquelle les habitants de la châtellenie doivent des jours de
corvées pro mota castri (ADL, B 2019, f° 57). Sur cette motte de plan globalement
quadrangulaire subsiste encore un angle de mur au sud-ouest, alors que deux murs
parallèles et quelques marches d’escaliers sont visibles à l’est. Ces vestiges sont toutefois
trop ténus pour qu’il soit possible d’en faire une analyse. Pour finir, une excavation
quadrangulaire se dessine au nord de la motte, marquant peut-être l’emplacement d’un
bâtiment. Le terrier de 1311 mentionne l’existence d’une posterulam perçant les muros
cortine castri Cerverie, qui peut sans doute être identifiée avec la porte nord du château
(ADL, B 2019, f° 77) (fig. 40, n° 1). Nettement visible dans le parcellaire, elle peut
correspondre aux deux éminences supportant des maçonneries qui encadrent la route
immédiatement au nord du château. Au sud, le château ouvrait sur le bourg par la porte
dite des Combes (Fournial, 1967, p. 75) (fig. 40, n° 3).
128
Fig. 39 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 40 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
129
Fig. 41 – Vue générale du site vers le nord. À gauche, le relief portant le château.
Fig. 42 – Détail de la plate-forme sommitale et des vestiges du château.
10
Le tracé général du bourg castral, étendu au pied du château, sur le flanc sud de l’éperon
qui supporte ce dernier, est lui aussi nettement visible sur le plan cadastral,. Sa
morphologie, jointe à l’examen de la vignette de l’Armorial, laisse penser qu’il s’est
développé en deux temps. Dans un premier temps, un ensemble s’est établi
immédiatement au sud du château. Il est délimité par une enceinte de forme globalement
sub-rectangulaire percée de deux portes : la porte de la Barre à l’est et la porte de la
Barrière du Bourg (Fournial, 1967, p. 735), cette dernière étant très bien représentée sur
la vignette. Cette première enceinte est curieusement représentée vide sur la vignette de
l’Armorial alors que le parcellaire s’y organise autour de trois rues principales : deux
130
perpendiculaires à la pente rayonnant depuis le château et une établie parallèlement à
celle-ci en bas du bourg. Pourquoi cette partie du bourg est-elle vide sur la représentation
de l’Armorial ? Doit-on penser qu’au milieu du XVe siècle, ce secteur de Cervières était
déserté, la population, au plus bas de la dépression démographique, n’occupant alors plus
que la « ville », près de la route ? Dans un second temps, le bourg s’agrandit vers l’est, et
une petite couronne occupe alors l’angle laissé vacant au sud-est, entre le château et le
noyau d’habitat initial. La limite entre les deux ensembles du bourg est nette dans le
parcellaire et de plus, l’illustration de l’Armorial montre ces deux parties du bourg bien
individualisées par un rempart qui les sépare en se refermant sur le château. Cette
seconde partie du bourg se structure autour d’un axe unique, qui monte vers le château
perpendiculairement à la pente. Si la chronologie relative de ces deux enceintes
successives est très nette dans le parcellaire et ne pose pas de problème de lecture, il est
difficile de leur assigner une datation absolue. Étienne Fournial émet l’hypothèse que
l’habitat primitif ait été fortifié dans les années 1225-1230 alors que le conflit avec
Beaujeu n’était pas encore déclaré.
11
Le quartier dit de « la Ville », bien identifié dans les textes et sur la vignette, se développe
le long de la route du Forez à l’Auvergne et a attiré l’habitat et les activités commerciales.
Les rues des Farges et de Puy Mayol, où passe la route, constituent l’axe principal de la
ville (fig. 40). Outre la porte de la Barre, commune à la ville et au bourg, deux portes
permettent le passage de celui-ci : la Porte de Puy Magnol (fig. 43, 44) à l’est et celle des
Farges (fig. 45) à l’ouest. Sur la vignette, elles apparaissent flanquées de deux tours
chacune et surmontées de mâchicoulis. Sur le terrain, il ne subsiste de la porte des Farges
que la tour sud et le clavelage de l’arc brisé qui la couvrait. Il en est de même pour la
Porte de Puy Magnol, où seule la tour sud est conservée ainsi que le clavelage de deux
arcs brisés supportant la voûte qui couvrait la porte. Dans les deux cas, les tours ont été
arasées à 4 ou 5 m de hauteur. Sur le flanc est de l’enceinte de la ville subsiste encore une
tour semi-circulaire conservée jusqu’au sommet de son élévation ; elle a été percée
anciennement d’une fenêtre à meneau simple. Entre les portes des Farges et de Puy
Magnol, la vignette représente quatre tours dont on peut penser qu’elles se trouvaient au
débouché des quatre rues visibles dans le parcellaire conduisant au rempart, mais plus
rien n’en subsiste en élévation.
131
Fig. 43 – Entrée occidentale du site à l’extrémité de la rue du Puy Magnol (vue du nord).
Fig. 44 – Vestiges de la porte dite de Bise ou du Puy Magnol.
132
Fig. 45 – Vestiges de la porte des Farges.
12
L’église Sainte-Foy, qui est au cœur de la ville, est un édifice à une nef de trois travées,
doublée au sud d’un collatéral très étroit (fig. 40, n° 9, fig. 47). Seule une travée forme un
petit transept. Trois chapelles latérales, sans doute seigneuriales, s’ouvrent au sud, deux
au nord et une à l’ouest, en position très saillante. La nef et les chapelles sont couvertes
de voûtes d’ogives à nervures moulurées et à clés pendantes à l’exception de la première
chapelle sud, par laquelle on entre, qui est couverte d’une voûte d’arêtes. Le chœur est
orné de quatre colonnettes avec chapiteaux, peut-être du XIIIe siècle, mais l’ensemble
évoque plus le XIVe siècle avec des remaniements postérieurs. Le chevet plat est percé de
trois baies gothiques, la baie centrale à remplage évoquant elle aussi le XIVe siècle.
13
Plusieurs constructions anciennes subsistent à Cervières (fig. 48, 49), surtout le long de la
rue montant vers le marché. En face de l’église se trouve un grand bâtiment à quatre
niveaux couvrant un passage voûté (fig. 46). Au rez-de-chaussée, il présente des arcades
en arcs surbaissés et aux étages des grandes baies moulurées à bases prismatiques et à
linteaux droits. Par contre, le long de la rue du Puy-Mayol, les maisons anciennes sont
rares, une subsiste toutefois près de la porte du même nom. Dans la rue des Porcheries,
plusieurs maisons anciennes présentent des arcs en accolade, des bases de piédroits
prismatiques et des arcs en anses de panier. Dans l’ensemble, les éléments datant
conservés permettent de penser que le bâti ancien visible aujourd’hui est pour l’essentiel
des XVe et XVIe siècles, donc contemporain ou presque de l’Armorial (fig. 40, n° 1).
133
Fig. 46 – Maison dite de l’Auditorium, vue du sud.
Fig. 47 – L’église Sainte-Foy, façade ouest et clocher.
134
Fig. 48 – Maison médiévale au croisement de la rue des Farges et d’une ruelle descendant
vers le chemin des Fascines.
Fig. 49 – Tour d’escalier en vis d’une maison médiévale parcelle 78.
14
Le site de Cervières est particulièrement intéressant du fait de son développement urbain
tardimédiéval, au contact de la route d’Auvergne qui constitue un stimulus économique
certain à compter du milieu du XIIIe siècle. Topographiquement, l’importance de la route
dans la structuration de l’habitat est nette, cette dernière devenant un facteur
135
d’urbanisme à part entière. De ce point de vue, Cervières s’apparente à de nombreux
autres sites implantés en secteur de montagne au bord d’une route et qui connaissent un
développement grâce à cette dernière, comme par exemple Pradelles, en Vivarais voisin
(Laffont, 2004), ou plus proche, Thiers. La représentation de l’Armorial offre une vision
très fidèle des éléments constitutifs du site : le château apparaît nettement, les deux états
du bourg castral également, et la ville occupe tout le bas de l’éperon. Les portes que la
perspective choisie permettait de représenter sont correctement positionnées, de même
que les tours subsistantes. Toutefois, une erreur de perspective a conduit le dessinateur à
raccourcir artificiellement la distance séparant la porte des Farges du château, de sorte
qu’il n’a pu placer la ou les tours qui devaient s’y trouver. De même, si les enceintes ainsi
que les rues semblent correctement représentées, ce n’est pas le cas du bâti urbain qui est
très stéréotypé et ne correspond pas aux vestiges encore observables actuellement.
Page 439
LA VILLE ET CHATIAU DE CERVIERE
Étude héraldique
787. Le prieur de Nerestable
d’azur lion ailé d’or, armé et lampassé de gueules – l’écu posé sur un bâton de prieur.
Armoiries non identifiées. Le prieuré clunisien de Noirétable avait été fondé au XI e
siècle ; mais depuis le milieu du XIVe siècle il était en décadence et ses bâtiments
partiellement ruinés, aussi l’abbé de Cluny en décida-t-il la suppression en 1507.
788.
d’argent au chêne de sinople, fruité d’or.
Membre de la famille du Bois (cf. infra n° 791).
789. Roullant Mastin crie Mastin
de gueules à la bande d’or chargée de trois corneilles de sable, becquées et membrées de
gueules – cimier : une tête et col de chien.
Roland de La Merlée, dit Mastin ou Le Mastin (mort avant 1466), écuyer.
Probablement fils de Roland de La Merlée ; il épousa d’abord en 1445 Marguerite
Durgel, dame de Villeneuve, fille d’Hugonnet Durgel, puis en 1462, Annette de
Rochedragon. Il était seigneur de La Merlée, où ses armoiries se voient sculptées, et
par sa première femme, de Villeneuve. Une branche de cette famille était solidement
établie en Auvergne où, bien alliée aux Murols et aux La Rochebriant, elle possédait
alors les fiefs de Bellîme, Le Broc et Chambon.
• Philocarité, 34.
• Gras, 1874, p. 166; Salomon, 1916, 1922, 1926, t. I, p. 207-208, p. 413; Remacle,
1941-1943, t. I, col. 155, 276, 357.
790. Jehan d’Hulphe crie Hulphe
de vair au chef de gueules – cimier : une touffe de plumes d’azur et de gueules, d’où sort une
longue plume de gueules.
Jean, dit Le Paillard d’Urfé, chevalier. Il épousa Jeanne de Clermont-Lodève.
Conseiller et chambellan du roi, il fut bailli royal du Velay en 1478. Baron d’Aurouse
et de Tinières et seigneur de La Molière. Selon É. Perroy, il serait un fils bâtard
d’Arnoul d’Urfé, dit Paillard, mais cette opinion n’est peut-être pas fondée : dans les
136
textes où il apparaît, il n’est pas qualifié tel ; il reprend le surnom de son père ; et
surtout ses armes ne sont pas brisées, ce qui était beaucoup plus rare pour les
bâtards que pour les cadets. Jean devait donc être plutôt un fils cadet d’Arnoul d’Urfé
et d’Isabelle de Blot (cf. infra n° 795).
• Sceaux : Demay, 1885-1886, 9139-9142.
• De Boos, 1995, 421 ; Philocarité, 10, 22.
• Bouillet, 1846-1847, t. VI, p. 432-433 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 4967 ; Gras, 1874, p. 254 ; Remacle, 1941-1943, t. II, p. 112-113 ; Perroy, 1977, t. II,
p. 626.
791. Antoine du Bos crie Le Bos
d’argent au chêne de sinople, fruité d’or – cimier : une tête et col de cerf de gueules, ramée
d’azur.
Personnage non identifié de la famille du Bois ou du Bost, qui possédait les fiefs du
Bost-Neulize et de Villechaize.
• Gras, 1874, p. 40.
Un écu vide.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Dans la copie de l’Armorial conservée à la Diana, la page de Cervières est, de façon erronée,
numérotée 440.
2. Les renseignements tirés du terrier de 1311 sont issus de Fournial, 1967, p. 75-78.
137
Saint-Germain-Laval
Emmanuel De Boos et Chantal Delomier
440. La ville et chatiau de Saint Germain de Laval
Département : Loire ; canton : Saint-Germain-Laval ;
commune : Saint-Germain-Laval
Le contexte archéologique et l’apport des sources écrites
1
Dans un contexte d’occupation antique attestée mais diffuse, un premier noyau d’habitat
groupé autour de l’église Saint-Germain-le-Vieux, au moins d’origine mérovingienne, a
sans doute précédé le castrum de Saint-Germain-Laval (Lavendhomme, 1997, p. 194).
Celui-ci est mentionné pour la première fois en 1183 dans une bulle du pape Lucius III
confirmant à l’abbaye lyonnaise de l’Île-Barbe la possession de la chapelle castrale dédiée
à la Madeleine (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. I, p. 119).
2
Les seigneurs de Saint-Germain-Laval, quant à eux, ne sont connus que depuis le milieu
du XIIIe siècle et dès cette époque le castrum de Saint-Germain est partagé de façon
inégale entre deux possesseurs. La part la moins importante est alors entre les mains de la
famille de Saint-Germain. Le premier personnage connu de cette famille, Artaud, concède,
pour la part qu’il en avait, une charte de franchises aux habitants de la ville en 1250
(Chartes du Forez, n° 1424). Un demi-siècle plus tard, en 1302, son petit-fils, Artaud III de
Saint-Germain, réalise un fructueux échange avec le comte de Forez Jean Ier. Il cède à ce
dernier sa part du château, ville et mande ment de Saint-Germain-Laval, sauf une maison
tenue en fief dans le château, et il reçoit en échange le château et la seigneurie de
Montrond et des parts de la seigneurie d’Essertines. Les Saint-Germain se contentent d’un
prévôt pour représenter leurs intérêts. L’autre part de la coseigneurie comprend la
majeure partie du château et de la ville et un châtelain y réside. Avant 1244, elle est tenue
par le comte de Forez, mais à ce moment Guy V est contraint de l’abandonner en
règlement d’hoirie à son cousin, Guillaume de Baffie dit le Jeune, fils de Guillaume de
Baffie le Vieux et d’Éléonore de Forez, fille du comte Guy III (Chartes du Forez, nos 903,
926). Deux ans avant Artaud de Saint-Germain, en 1248, Guillaume octroie une charte aux
138
habitants de Saint-Germain pour la part dépendant de lui (Chartes du Forez, n° 1415).
Toutefois, il meurt peu après, vers 1250, sans postérité. À la suite du décès de Guillaume
de Baffie, sa part de la coseigneurie de Saint-Germain-Laval passe entre les mains de
plusieurs lignages (vivarois notamment, comme les Beaudiner et les Crussol) avant
d’échoir finalement entre les mains du comte de Forez Guy VII, qui la rachète en 1344
(avec divers droits sur Saint-Just-en-Chevalet) pour la somme de 5100 florins (Chartes du
Forez, n° 536). Le comte, déjà possesseur depuis 1302 de la part des Saint-Germain, réalise
ainsi l’unité du fief et en devient l’unique seigneur. Saint-Germain suit dès lors le sort du
comté de Forez.
3
Au XIIIe siècle, les habitants de Saint-Germain tirent leurs ressources des foires, de la
vigne et du pèlerinage à Notre-Dame de Laval. La ville s’étend alors largement en dehors
de l’enceinte castrale en deux quartiers : le Grand faubourg au sud et le faubourg NotreDame à l’ouest. La ville s’est ensuite développée en direction de l’est, où la pente était
moins forte, et une église – Saint-André – y est construite au XIVe siècle. Étienne Fournial
estime à 2500 le nombre des habitants de la ville au début de ce siècle et un terrier daté de
1351 (ADL, B 2230) montre la ville alors entièrement bâtie et « le château protégé par une
enceinte de 300 m de long et percé de deux portes : au sud-est la Grande porte ou Porte de
la Barre, au nord-ouest, la Poterne, proche de la chapelle de la Madeleine » (Fournial,
1967, p. 72). Des comptes mentionnent, entre 1389 et 1390, de nombreux travaux exécutés
pour le renforcement des défenses du château et du bourg castral : reconstruction
(partielle ou totale ?) d’un nouveau donjon (ADL, B 2064, fi 19, 29, 30 v°), remise en état de
l’enceinte, bouchage de « la Petite porte » (ADL, B 2230) ou « Porte de la chapelle » (ADL, B
2064), creusement et approfondissement de fossés, ou encore démolition de plusieurs
maisons. De nombreuses mentions dans des terriers à la fin du XIVe siècle et au XVe siècle
nous donnent des indications sur la topographie urbaine du site. Ainsi, entre 1388 et 1400,
Jodard, sergent de Saint-Germain-Laval, reconnaît devoir des cens au comte pour sa
maison sise infra portam dicti castri juxta murum vinteni et torcular domini castri et supra
carrieram publicam ; comme d’autres tenanciers pour une maison juxta vallata sive fossata
castri dicti loci ou encore pour une maison supra aulam domini comitis Forensi vocata de
Gaudemar (ADL, B 2064). Entre 1461 et 1468, des tenanciers reconnaissent devoir des cens
au duc de Bourbon sur un cellier situé juxta turrim de La Pipière, sur une maison située ante
barrieram castri Sancti Germani, ou encore sur une autre maison sise juxta portam novam
dicti castri ex vento (ADL, B 2066).
4
Il ne semble pas que l’on ait vu la nécessité d’entourer les faubourgs d’une enceinte avant
le milieu du XVe siècle. Toutefois, à la suite de l’occupation de la ville par des routiers au
service du dauphin, le futur Louis XI, dans le contexte de la Praguerie, les consuls de la
ville obtiennent en 1441 du duc de Bourbon Charles Ier l’autorisation d’entreprendre une
nouvelle enceinte. Cependant, malgré l’appui financier du duc, les travaux avancent
lentement et le duc Jean Ier est obligé de faire lever un impôt sur la population de la
châtellenie et de réorganiser le chantier. Toutefois, vers 1485, le nouveau rempart est
achevé (De Boos, 1998, p. 455-456).
5
En 1527, Saint-Germain-Laval est une des possessions du connétable de Bourbon
confisquées par arrêt du Parlement de Paris et remises en apanage à Louise de Savoie. Le
château est ensuite légué à François Ier en 1530, pour être finalement rasé en 1590 sur les
ordres du consulat lyonnais. Au XVIIe siècle, trois arrêts du Conseil prescrivent des visites
« des châteaux, maisons, fermes, moulins, halles, palais, auditoires, conciergeries, étangs
139
et autres bâtiments ». En 1667, le site relève du petit nombre de « châteaux qui
conservent des locaux utilisables ». Il est ainsi décrit :
... nous estant portes a l’endroit le plus elevé de ladicte ville de Sainct Germain,
nous y avons trouvé une enceinte quarree de haultes murailles de soixante piedz de
largeur a chaque face, dont le costé du portail est presque tout demoly et en ruine,
ne restant mesme que cinq ou six pierres dudict portail, dans laquelle enceinte l’on
nos a dit avoir esté autrefois le chasteau de ladicte ville appartenant a sa Majesté et,
y estant entré, nous avons vu a main gauche une petitte chambre basse et voltee, a
rez de chaulcee sinon du costé d’un petit jardin ou elle est enterree de la haulteur
de quatre a cinq piedz, ladicte chambre longue de douze piedz et large de huict,
n’ayant aultre jour que par une petitte ouverture quy est dans la porte, etant
beaucoup humide et toute la muraille mouillee du costé du jardin, servant ladicte
voute de chambre criminelle et estant ainsi appellee au derrier de laquelle est une
autre voulte de pareille longueur et larjeur quy n’a aultre ouverture, entrée ny jour
que par un troul grillé de fer au halt de ladicte voulte. En face du portail dudit
chasteau est une petite chambre basse a rez de chaulcee du costé de la cour et
enterree des aultre costes de la profondeur de cinq ou six piedz, n’ayant aucun jour
que par un petit trou à la porte, que l’on nous dit estre la prison civille, (…),
menacant ruine, au dessus de laquelle prison est la chambre du concierge (…) en
mauvais estat. A costé de la chambre du concierge, est une salle servant d’auditoire
pour l’exercice de la justice longue de quarante cinq piedz sur dix huict de large
quy menace ruyne de toutte part (…) et mesme toute la face du costé du portail du
chasteau entierement desmolie du haut en bas (…) en dessous de laquelle salle il y a
un appartement bas a rez de chaulcée entrouvert de tout costé et menacant ruine...
(cité dans Viallard, 1992, p. 39-40).
6
Une autre visite, effectuée en mars 1685, donne l’état de la seigneurie pour Jacques de la
Chaise d’Aix, nouveau seigneur de Saint-Germain (ADL, B 2202). On relève, à côté du
donjon, la maison ou salle Godemar, puis le pressoir et le cellier du comte : l’auditoire est
une vaste salle de 20 m par 16 m, dont l’accès se fait, ainsi qu’aux greniers qui la
surmontent, par une tourelle d’escalier surmontée par une horloge abritée par un petit
dôme. À la suite, sont les prisons civiles et criminelles.
La représentation de l’Armorial, les vestiges archéologiques et le
parcellaire
7
Le dessinateur a représenté le site de Saint-Germain vu en direction du nord depuis la
pente opposée de la vallée de l’Aix, dont la ligne, semée de quelques arbres, occupe le
premier plan (fig. 50). Afin de représenter l’église Saint-André, à droite, il a été forcé de
comprimer la forme de la ville, qui affecte celle d’un ovale allongé, plus large à l’ouest et
plus long à l’est ; le château, au nord, forme sur le rempart une saillie qui n’apparaît pas
ici.
140
Fig. 50 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 440) : la ville et
chatiau de Saint Germain de Laval.
8
Le château est le noyau de la ville : il est constitué d’une simple enceinte ovoïde, non
flanquée, mais défendue aux deux extrémités par deux tours maîtresses quadrangulaires,
de hauteur inégale, reflet de la partition ancienne de la seigneurie (fig. 51). À l’origine,
ces deux tours étaient construites sur le même modèle, mais au cours du XIVe siècle, tout
en conservant la construction primitive, la surface du donjon principal, ancienne
possession des Baffie, a été doublée et sa hauteur augmentée. Au XVe siècle, il est
surmonté d’une galerie de bois servant de hourd et d’un toit à quatre pentes. Il ne reste
aujourd’hui que peu de chose des ajouts du XIVe siècle, alors que la tour primitive,
construite en petits moellons de lave, avec des chaînages d’angle appareillés en granit, est
bien conservée sur plusieurs mètres de hauteur (fig. 52). Les murs du XIVe siècle, moins
épais, sont bâtis en moyen appareil de granit et de lave et les entourages des ouvertures
qui subsistent sont appareillés avec soin. Le hideux crénelage actuel date du XXe siècle,
ainsi que le château d’eau voisin. Le donjon principal est celui qui, attaché à la part des
Baffie sur Saint-Germain, est racheté par le comte Guy VII à leurs héritiers en 1344 et il
est raisonnable d’attribuer à ce comte la réalisation de son agrandissement, qui affirmait
ainsi sa prise de possession de l’ensemble de la seigneurie. Le grand donjon est joint par
une simple courtine crénelée au second donjon, qui est jusqu’en 1302 celui des SaintGermain. Il est, comme l’autre, surmonté d’un hourd et couvert d’un toit à faible pente.
Au XVIIe siècle, cette tour a été transformée en clocher pour l’église de la Madeleine,
ancienne chapelle castrale presqu’entièrement reconstruite à cette époque et encore
remaniée au cours des siècles suivants (fig. 54). À cette occasion, sa position a été
déplacée vers le nord, afin que la tour-clocher puisse se trouver dans son axe. Cette tour
est alors abaissée et couverte d’un vaste toit en carène ; ses ouvertures sont aussi
transformées afin de les ajuster à leur nouvel usage.
141
Fig. 51 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 52 - Vestiges de l’ancien château et de sa tour maîtresse. L’ensemble est extrêmement
hétérogène et montre de très nombreux remaniements, parfois récents (comme le
crénelage).
9
Derrière le donjon des Baffie, à gauche, se trouve une grande maison éclairée sur au
moins deux niveaux par des fenêtres à meneaux. Elle est occupée depuis le XIVe siècle par
l’auditoire comtal, mais elle servait sans doute auparavant de logis seigneurial. Il n’en
142
reste rien aujourd’hui. En revanche, la maison située à droite de ce même donjon est
partiellement conservée. Son état actuel ne permet pas d’avancer une date précise, mais il
semble que certaines parties puissent être datées du XIIIe siècle. Il s’agissait de l’hôtel
d’une riche famille de la bourgeoisie de Saint-Germain, les Godemar. Les autres maisons
occupent sans ordre tout l’espace délimité par les enceintes. Le dessinateur a pourtant
esquissé quelques rues ; la seule identifiable, toutefois, étant la rue du Four qui va du
castrum primitif à la Grande Porte, la seule visible ici. Cette porte est surmontée d’une
bretèche et encadrée de deux tours. Au début du XVIe siècle, l’enceinte de la ville compte
deux autres portes : au nord-ouest la porte Notre-Dame et, au sud, la porte Neuve. Il
semble que le dessinateur ait anticipé sur l’achèvement de l’enceinte, qui n’est guère
terminée avant 1485 ; les travaux, pourtant, devaient être suffisamment avancés pour
qu’il pût en donner une idée exacte. Les tours, rondes, sont reliées entre elles par des
courtines dotées à l’intérieur d’un chemin de ronde. Ces murailles, mises à mal au cours
des guerres religieuses de la fin du XVIe et du début du XVII e siècle, sont tombées peu à
peu en ruines, mais on en suit encore sans peine le tracé dans les caves des maisons
construites sur son emplacement. Une seule tour est encore visible au nord, en sur plomb
de la rue Neuve (fig. 53).
Fig. 53 - Tour de flanquement (fin XIVe-XVe siècle ?) sur le tracé de l’enceinte primitive du
castrum, au nord-est de celle-ci, en surplomb de la rue Neuve.
143
Fig. 54 - Clocher de la chapelle de la Madeleine. Celle-ci est aujourd’hui en grande partie
d’époque moderne.
10
La grande enceinte du XVe siècle laisse sans défense à l’ouest, un faubourg établi en
direction de l’église Notre-Dame de Laval, et, à l’est, un autre faubourg, plus important,
comprenant l’église Saint-André (fig. 55). L’emplacement excentré de celle-ci avait fait
l’objet d’une vive polémique au moment de son implantation au XIVe siècle. Il s’agit d’un
vaste édifice à une seule nef, couverte de voûtes sur croisées d’ogives, surmontées d’un
clocher carré à deux étages, au-dessus du chœur. D’abusives restaurations lui ont fait
perdre au XIXe siècle une partie de son intérêt.
144
Fig. 55 - Façade occidentale de l’église Saint-André. Cet édifice, actuellement très
composite, présente des éléments allant du XVe au XIXe siècle.
Page 440
LA VILLE ET CHATIAU DE SAINT GERMAIN DE LAVAL
Étude héraldique
792. Pierre de Leschalier crie Leschalier
d’or au sautoir de gueules.
Pierre de Leschelier, écuyer, seigneur de Vernoille, il en rendit hommage en 1441.
• Bétencourt, 1867, t. III, p. 37 ; Gras, 1874, p. 102.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
145
Marcilly-le-Châtel
Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
441. Marcillieu le chatiau
Département : Loire ; canton : Boën ; commune :
Marcilly-le-Châtel
L’apport des sources écrites
1
Le terroir de Marcilly présente diverses traces d’occupation de l’Âge du Fer et de l’époque
antique. Sur le site même du château auraient été découverts des artefacts antiques au
XIXe siècle (Lavendhomme, 1997, p. 131).
2
Le toponyme Marcilly apparaît pour la première fois en 970 ; il désigne alors une villa
(Cartulaire de Savigny, t. I, p. 64). Le castrum Marcilliaci est mentionné en 1010 puis en
1060 (idem, p. 307 et p. 384). On ne sait rien des seigneurs de Marcilly avant 1167, date à
laquelle le comte de Forez Guy reçoit (reprend ?) en augment de fief du roi Louis VII les
droits régaliens dans les châteaux de Marcilly, Donzy, Cleppé, Saint-Priest, Lavieu et
Saint-Romain (Chartes du Forez, n° 1563). Il est toutefois vraisemblable que Marcilly soit
une fondation comtale. En 1277, un codicille au premier testament du comte Guy VI
assigne comme douaire à sa femme des revenus à prendre sur les châteaux de Chambéon,
Sury-le-Comtal, Saint-Marcellin, Marcilly, Néronde et Bussy (Chartes du Forez, n° 1501).
Du point de vue religieux, le château relevait de l’église Saint-Cyr, dépendance de
l’abbaye de Savigny, attestée dès les années 1080 (Cartulaire de Savigny, t. I, p. 400), mais
sans doute d’origine altimédiévale comme le laisse supposer son vocable.
3
Marcilly est une des principales forteresses des comtes de Forez, sur laquelle ils vont
s’appuyer pour assurer la soumission de la noblesse du comté. Bien que situé à proximité
de la branche occidentale du « Chemin de Forez », le château n’entraîne pas le
développement d’une agglomération importante et l’habitat né autour du château restera
modeste. Toutefois, après d’importants travaux, le château devient, dans la première
moitié du XVe siècle, la résidence favorite de la duchesse de Bourbon Anne Dauphine
lorsqu’elle établit ses habitudes en Forez après la mort du duc Louis II. Ces travaux, dont
146
on ignore l’étendue précise1, avaient été rendus nécessaires par les dommages que subit
le château durant la guerre de Cent Ans (De Boos, 1998, p. 458). Celle-ci semble, en effet,
avoir été funeste pour le château de Marcilly : en 1367, les routiers de Bernard de la Salle
et de Bertucat d’Albret pénètrent en Forez, prennent Marcilly et s’y installent. Dix ans
plus tard, des bandes anglaises venues d’Auvergne occupent encore Marcilly (Fournial,
1967, p. 329-330). Après les incursions des routiers, les tailles extraordinaires se
multiplient et, en 1376, un fouage de 2 francs par feu est levé pro redemptione castri
Marcilliaci (Fournial, 1967, p. 365). Au XVI e siècle, le château n’est guère entretenu et il
menace ruine. Il semble pourtant que c’est à cette époque que l’on y construit une
chapelle dédiée à sainte Anne, épargnée lors de la démolition du site ordonnée par
Richelieu. À la fin du XVIIe siècle, il ne reste de Marcilly que
quelques masures eboulees de la cloture d’iceluy et plusieurs pierres du batiment dudit
chateau et cloture et une petite chapelle batie sur quelques fondements desdites murailles
sous le vocable de sainte Anne (cité dans Viallard 1992, p. 35-42 ; ADL, B 2201, f° 59 v°
et B 2202, fi 19-20).
4
Après sa destruction, le château est concédé à la famille de Saint-Hilaire qui fait bâtir au
pied des ruines une demeure de plaisance appelée « la Césarde ». Vers 1870, les vestiges
de Marcilly sont acquis par Hyppolyte de Sauzéa-Monteille, propriétaire de mines dans la
région de Saint-Étienne. Celui-ci entreprend alors de relever les ruines du château, il
meurt toutefois presque ruiné avant d’être parvenu au terme de son projet (De Boos,
1998, p. 458). Ces travaux désordonnés, ainsi que l’ouverture de plusieurs carrières aux
flancs de la butte qui porte le château, ont entièrement bouleversé le site et rendent
aujourd’hui son interprétation très difficile.
La représentation de l’Armorial
5
Le site de Marcilly est approximativement représenté depuis la plaine à l’est, en direction
des monts du Forez à l’ouest (fig. 56). Le dessinateur s’est installé, une première fois, en
contrebas du château de manière à englober dans son champ de vision, à la fois l’église (à
laquelle il impose une torsion particulière), le village, deux petits hameaux, le château
lui-même et le paysage environnant. Les nombreux détails qui émaillent le dessin
prouvent qu’il a effectué de nombreux déplacements pour se rapprocher du château et de
deux édifices extérieurs qui l’intéressaient particulièrement : l’église et une grange à
toiture de chaume placée en bas et à droite du dessin. Le relief apparaît particulièrement
bien rendu : le château est placé sur une éminence avec, à gauche de celui-ci, un mont qui
semble plus bas en raison de la perspective mais qui en réalité est plus élevé. Le
dessinateur s’est appliqué à restituer le relief rocheux, qui apparaît très accidenté en
certains points précis et notamment sur le socle du château où les parois abruptes sont
rendues par des pentes accusées et noircies à coups de plume et des rochers « drapés » de
manière serrée. Le relief heurté se poursuit de part et d’autre de la porte d’accès à la
courtine basse où la voie semble taillée dans le roc. Le ruisseau de la Goutte des Brosses
s’insinue entre ces deux reliefs pour aboutir au hameau de La Brandisse, où existait un
hôpital attesté dès le début du XIIIe siècle (Chartes du Forez, n° 605). Si la topographie et
le relief apparaissent comme des éléments marquants du dessin de Marcilly, celui-ci livre
aussi des détails pertinents sur le couvert végétal et sa répartition : ainsi les feuillus
s’étendent aux alentours du site et les résineux apparaissent en arrière-plan sur le relief
montagneux.
147
Fig. 56 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 441) : Marcillieu le
chatiau.
6
Le réseau viaire à proximité du site est aussi rendu avec attention. Une extrémité de pont
apparaît en bas à gauche du dessin et le chemin qui en est issu conduit directement au
bourg en franchissant un dénivelé marqué sur le dessin par des ondulations rocheuses.
Une deuxième voie d’accès serpente vers l’entrée du château, en venant du nord. Le tracé,
horizontal et aplani, au bas de la représentation, amorce un virage en épingle à cheveux
au-devant du porche de l’église et se poursuit en oblique en haut, vers un carrefour placé
en contrebas de l’entrée de la courtine extérieure du château. Un autre chemin vient
enfin s’aboucher en ce point de rencontre et un ultime accès conduit vers la porte de la
courtine. À ce stade de la description de la vignette, et pour compléter l’interprétation
proposée par E. De Boos (De Boos, 1998, p. 458) qui suggère que le dessin de l’église SaintCyr révèle une erreur du dessinateur, nous proposons de voir plutôt une intervention
délibérée de l’illustrateur. Celui-ci aurait en effet privilégié la représentation de l’église
au détriment de son orientation. Le dessinateur, qui a en effet « retourné » l’église, s’est
rapproché de l’édifice pour le dessiner avec un soin tout particulier. Une paroi haute et
étroite forme le mur pignon ouest ; la porte, surmontée d’un arc en plein cintre, est
ouverte. Au-dessus, un oculus est lui-même coiffé d’un solin de toiture à deux pentes
reprenant les contours de la toiture du vaisseau central. Le clocher-peigne est ouvert par
deux baies d’où surgissent deux grosses cloches qui semblent battre à la volée. Les deux
travées de la nef, éclairées par deux petites baies hautes, se poursuivent par deux parois
arrondies représentant l’absidiole et l’abside centrale. Ce plan, très simple, recoupe les
résultats des recherches archéologiques effectuées dans l’église et le prieuré ; ces deux
travées auraient été reconstruites aux XVe-XVIe siècles lors de l’édification du prieuré
Saint-Cyr. Seul le chevet reste roman et la première travée occidentale date du XIXe siècle
2.
148
7
Quatre zones d’habitat groupé apparaissent, très nettement identifiées dans le dessin ;
trois aux alentours du château et une à l’intérieur. Un ensemble de maisons s’appuie
contre la courtine basse en contrebas du château, quelques toitures émergent en bas
d’une pente très marquée. Un petit lotissement composé de cinq maisons s’est implanté
de part et d’autre du carrefour placé à proximité de la porte du château ; un village se
développe autour de l’église ; et, enfin, trois bâtiments, dont l’un est couvert de chaume,
s’alignent le long du chemin principal conduisant au village puis au château. La vaste
construction à toiture de chaume constitue un exemple unique dans la partie forézienne
de l’Armorial, car l’entrait, le poinçon et les arbalétriers de la charpente sont dessinés
avec précision. Les deux petites fenêtres évoquent davantage une grange qu’un logis
d’habitation ; l’absence de cheminée et l’étroitesse des baies, qui sont sans meneau ni
traverse, vont aussi dans le sens d’une telle interprétation.
8
Installé au sommet d’une butte bien marquée par des pentes abruptes et des plis rocheux,
le château de Marcilly se décompose selon un modèle castral assez classique : un donjon
carré ceinturé d’une chemise, elle-même entourée d’une courtine basse polygonale
enserrant des maisons. Les caractères du donjon, comptant deux étages ouverts chacun
par une baie, sommé de hourds et recouvert d’une toiture à quatre pentes, conduisent à le
comparer aux tours maîtresses de Donzy et de Fontanès. Celles de Souternon et de LaTour-en-Jarez présentent deux petites variantes, l’une dans la toiture et l’autre dans la
répartition des baies. D’autres tours comme celles de Châteauneuf et de Villerest
s’écartent de ce modèle par l’absence de hourds. La Fouillouse, Roanne et l’Aubépin s’en
distinguent également par la taille ou la hauteur. À Marcilly, un lanternon crénelé
ponctue le sommet de la toiture, lanternon que l’on retrouve strictement identique sur
les toitures des donjons de Roanne et de Renaison par exemple.
9
Une chemise quadrangulaire, protégée aux angles par des échauguettes sur consoles,
enserre la partie sommitale du site castral. Le donjon, décalé vers l’arrière de la plateforme, semble accolé à la paroi nord de la courtine et des toitures émergent des hautes
courtines, marquant ainsi la présence d’édifices seigneuriaux. Ce type d’enceinte
géométrique, à quatre côtés munis aux angles d’échauguettes sur consoles, se retrouve à
Monsupt, où ces tourelles possèdent des meurtrières, et se rapproche également de celle
de Saint-Marcellin-en-Forez, bien que l’emprise de l’enceinte castrale y soit infiniment
plus vaste. La chemise est percée en son centre d’une tour-porte carrée, couronnée de
hourds. La porte montre la présence d’une feuillure pour la herse.
10
En contrebas du château, dans la basse-cour, se développe une zone d’habitat aisément
interprétable par l’émergence des parties hautes des pignons et des murs gouttereaux de
maisons, comportant fenêtres à meneaux et traverses, cheminées et toits de tuiles.
Réparti en bas de pente, cet habitat castral est ceinturé par une enceinte polygonale
confortée par des tours circulaires (deux) et carrées (deux), toutes crénelées et protégées
par de petits toits de tuiles. Un chemin de ronde crénelé parcourt la partie sommitale des
courtines, alors que la base de l’enveloppe défensive (courtines et tours) est percée de
meurtrières-canonnières à double empattement. Six étendards, sans doute aux armes des
ducs de Bourbon (les armes aux trois fleurs de lys sont clairement identifiables dans un
seul cas), flottent au sommet des tours. La porte d’entrée de l’enceinte basse est conforme
à un schéma fréquemment rencontré : elle est surmontée d’un arc en plein cintre et
entaillée d’une engravure de herse. Une grosse bretèche crénelée, placée en surplomb sur
deux rangs de mâchicoulis sur consoles, assure la défense de l’entrée en association avec
une tour carrée placée à proximité immédiate.
149
Les données archéologiques et le parcellaire
11
Le site castral est placé sur une éminence à 577 m d’altitude, sur un des contreforts des
monts du Forez qui offre un vaste champ de vision sur la partie centrale de la plaine (fig.
57, 59). Le dessin de l’Armorial présente une topographie très accidentée, mais celle-ci
est aujourd’hui très atténuée, ayant été inlassablement gommée depuis la démolition du
château par les déblaiements, aplanissements et aménagements successifs de la plateforme castrale. Au sud-ouest, à gauche du château sur la vignette, un mont légèrement
plus élevé (altitude : 601 m) participe à une ligne de crête assez plate, aisément praticable,
qui se développe à l’arrière du château en dessinant une vaste zone ouverte, facile à
surveiller. Il est naturellement impossible d’attester de la fixité des chemins depuis le
Moyen Âge, surtout dans ce type de dessin qui offre une image assez schématique de leurs
tracés. Cependant, les grandes orientations et directions des axes de cheminement
restent sensiblement superposables, si l’on excepte les défauts de perspective, avec celles
de la voierie actuelle. Les voies d’accès sont tracées avec soin pour ce qui concerne leur
profil et leur destination : pont, pentes ou espaces plans, virages, croisements et entrées
de portes constituent les points d’ancrages de ces itinéraires. Les divers cartes et plans
cadastraux reflètent bien ces tracés (fig. 58). L’un venant de Brandisse, franchit le pont
en direction du village et de l’église, artificiellement retournée sur le dessin, puis monte
vers le château en le contournant par l’est en direction de Marcoux. Le carrefour loti
existe encore, puis la rampe d’accès à la porte de l’habitat castral se perd dans une zone
aujourd’hui boisée et broussailleuse.
Fig. 57 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
150
Fig. 58 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 59 - Vue générale du site : au premier plan, le village et l’église Saint-Cyr, au second
plan, le château.
12
L’implantation précise des deux enveloppes castrales – celle du château et celle de son
habitat subordonné – pose toutefois un gros problème d’orientation cardinale en raison
151
de l’absence de vestiges sur le terrain. On ne peut malheureusement pas exclure que le
dessinateur ait effectué un retournement de tout ou partie des enceintes comme il l’a fait
pour l’église afin de restituer les informations qui lui semblaient impératives. Le plan
cadastral napoléonien offre un vide « sidéral » à l’emplacement du château ; cet espace,
segmenté en deux parcelles (90 et 101), ne contient, en effet, pas la moindre trace de bâti.
On peut donc légitimement penser que le château était alors dans un état de ruine
extrêmement avancé et largement recouvert par la végétation. Le cadastre actuel, quant à
lui, livre les contours du site fortifié, aujourd’hui occupé par une volerie, à laquelle on
accède par l’ouest. Ce tracé n’est autre que celui de l’enceinte de l’habitat castral, qui
correspond à l’enceinte basse de la vignette de l’Armorial. Cette interprétation est
incontestable malgré l’indigence des arguments disponibles. Les preuves se réduisent, en
effet, à peu de choses : des données topographiques, la persistance d’une partie du réseau
viaire et le maintien en place de quelques maçonneries résiduelles. Cependant, d’après les
prospections de terrain, il semble plausible de restituer l’entrée du site castral à
proximité immédiate de la grosse tour bâtie au XIXe siècle au sud-est, c’est-à-dire à
l’opposé de l’entrée actuelle. Comme nous l’avons souligné dans l’introduction historique
de cette notice, une très grande partie du château a été reconstruite après 1870 par
Hyppolyte de Sauzéa-Monteille, qui s’intéressait particulièrement à la portion orientale
de l’enceinte, seule partie du château visible de la plaine du Forez. Grâce à cette
obsession, quelques dizaines de mètres de courtines et les parties basses des trois tours
ouest et nord ont miraculeusement échappé aux coups de pioche du « restaurateur » (fig.
60, 61). Ainsi trois meurtrières restent en place dans les tours ouest de l’enceinte castrale
(fig. 62). L’utilisation de granit pour les piédroits des meurtrières ou pour les linteaux des
entrées de trous de boulin sur la face interne de la courtine peut être considérée comme
un marqueur des maçonneries médiévales conservées. Après confrontation avec les
documents cadastraux, les deux puissantes tours rondes érigées par H. de SauzéaMonteille (fig. 63) remplacent à l’évidence les tours quadrangulaires appliquées contre le
segment oriental de la courtine qui accueillait également l’entrée du castrum.
Fig. 60 - Vue partielle du front ouest de l’enceinte de l’habitat castral et d’une des tours
de flanquement semi-circulaires. On notera la présence de très nombreuses reprises
dans les maçonneries.
152
Fig. 61 - Vue de détail d’une des tours de flanquement semi-circulaires du front ouest.
Celle-ci montre encore des ouvertures de tir en place.
Fig. 62 - Vue de détail d’une des ouvertures de tir du front ouest. Il s’agit d’une étroite
embrasure verticale percée en son centre après coup d’une ouverture pour arme à feu.
153
Fig. 63 - Une des deux puissantes tours bâties à la fin du XIXe siècle sur la face orientale
du site, face à la plaine du Forez, par Hyppolyte de Sauzéa-Monteille.
13
L’analyse devient plus complexe pour ce qui concerne le château proprement dit. Il
s’avère toutefois que l’emprise au sol de la chemise quadrangulaire subsiste ainsi que
quelques très rares élévations. Le contour de celle-ci, qui s’estompe au rythme des
éboulements et reconstructions successives, apparaît de manière plus précise sur les
photographies aériennes que sur le terrain. Néanmoins, il semble peut-être possible
d’identifier l’ébauche d’une, voire de deux échauguettes aux angles sud-est et nord-est de
la chemise. Une incertitude subsiste concernant la position de la porte d’entrée du
château au Moyen Âge. Sur le dessin de l’Armorial, elle prend place à la base d’une tour
carrée construite au centre du segment méridional de la chemise (même s’il reste de
toute façon assez périlleux d’établir des orientations cardinales précises à partir de la
seule observation de la vignette...). Il n’en subsiste toutefois aucune trace aujourd’hui.
Aurait-elle pu être à la place de l’accès bâti au XIXe siècle par H. de Sauzéa-Monteille à
l’ouest ? Dans ce cas le dessinateur aurait également « retourné » l’enceinte, comme il l’a
fait pour l’église. Enfin, de même, l’emplacement du donjon, absolument invisible
aujourd’hui sur un terrain drastiquement remanié, reste encore plus hypothétique et
nous ne saurions nous aventurer à oser une proposition sérieuse.
14
Au final, la confrontation des informations livrées par la vignette avec les observations de
terrain permet de proposer une hypothèse concernant les méthodes de travail du
dessinateur. La distorsion infligée à l’église témoigne, en effet, des déplacements
successifs de l’illustrateur. Une première station en contrebas du site, sur le chemin
reliant le village au lieu-dit La Côte par exemple, lui permet d’embrasser la totalité du
site, de marquer les contours topographiques essentiels : reliefs, voies d’accès et cours
d’eau ainsi que les principaux habitats et les profils des enceintes et des organes de
défense (donjon, tours et courtines). Dans un site comme Marcilly, il convient de
154
s’éloigner de 500 m au minimum pour embrasser le paysage restitué sur la vignette ; or, à
cette distance, il est absolument impossible de distinguer des éléments comme les
meurtrières, hourds, guettes et crénelages. Les approches et déplacements aux alentours
du site semblent donc ici attestés. Ceci apparaît d’autant plus certain que, outre le
château, l’artiste concentre son intérêt sur deux édifices dont il s’est approché très près
afin d’en restituer les détails avec une minutie qui n’a rien à voir avec les objectifs qui lui
étaient impartis, même si les églises sont en général représentées dans l’Armorial avec un
grand souci du détail. Lors de nos prospections de terrain dans le cadre de cette
publication, nous avons parfois constaté des artifices de dessin consistant en des
rotations de quelques degrés ou des retournements de certaines composantes de
l’illustration. C’est le cas à Marcilly, avec certitude pour l’église et peut-être aussi pour
l’emplacement de l’entrée du château. Les causes de ces positionnements « décalés »
semblent multiples et pourraient être imputables à un souci de l’artiste de restituer un
maximum de détails sur le dessin, associé au choix d’offrir la lisibilité de la partie au
détriment de son emplacement exact.
Page 441
MARCILLIEU LE CHATIAU
Étude héraldique
793. Loys Bec crie Bec
de sable à la bande d’argent chargée de trois mouchetures d’hermine de gueules, posées dans
le sens de la bande.
Louis Bec ou Bech, damoiseau, fils de Guillaume Bec. Il était seigneur de La Garde,
Coutelas et Laye ; il en rend hommage au duc-comte et au sire de Beaujeu en 1441.
Les armes qu’il portait semblent spécifiques à la branche des seigneurs de Coutelas.
• Sceau : Roman, 1909, 1199 (les étoiles qu’a lues Roman sont, en fait, des
mouchetures d’hermine).
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 86 ; Gras, 1874, p. 28 ; Tricou, 1965-1976, t. II, p. 125.
794. Guistard
d’or au lion de gueules.
Famille non identifiée.
Huit écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. En 1382, on construit une tour au château de Marcilly (Fournial, 1967, p. 341 ; ADL, B 2003, f° 4
v°).
2. Renseignements Christian Le Barrier (INRAP).
155
Saint-Just-en-Chevalet
Christophe Bouillon et Clément Mottin
442. Saint Just en Chevallet
Département : Loire ; canton : Saint-Just-en-Chevalet ;
commune : Saint-Just-en-Chevalet
L’apport de la documentation ancienne
1
Les premières mentions de Saint-Just-en-Chevalet remontent à la fin du XIe siècle. L’église
Saint-Just (de Sancto Justo in Chivallet) apparaît dans la pancarte du droit de cire et
d’encens dû à l’Église de Lyon, datée de la fin du XIe siècle (Cartulaire de Savigny, t. 2,
p. 1056). La châtellenie de Saint-Just-en-Chevalet est ensuite mentionnée dans un acte de
11281. Il semble donc exister sur le site au moins dès la fin du XIe siècle, à la fois un
château et une église dédiée à Saint-Just. É. Fournial fait de celle-ci le noyau de
peuplement primitif autour d’un carrefour routier, appelé « Le Trève », mais cette
hypothèse est très discutable car ce carrefour ne présente aucun intérêt topographique et
encore moins hydraulique si on se réfère aux demandes incessantes des habitants de ce
quartier jusqu’à la fin du XIXe siècle pour qu’on leur amène l’eau 2. Le bilan des critères
habituels favorables à la création d’une agglomération est donc ici très faible, alors que
d’autres emplacements sur lesquels des vestiges archéologiques ont été observés et
décrits au XIXe par l’archéologue Vincent Durand méritent d’être cités : des objets
romains ont notamment été découverts à l’important hameau dit « Les Rivières » et des
substructions au village de « La Châtre » (Prajoux, 1893). Malheureusement, s’il subsiste
encore quelques traces de ce dernier site, elles sont désormais sous les racines des sapins
qui ont recouvert ces plateaux autrefois nus. Enfin, le lieu de « La Conche », près du
castrum médiéval, pourrait être situé au croisement de deux voies antiques (Canard,
1961). Saint-Just-en-Chevalet apparaît, en effet, bien comme un village-carrefour où une
voie reliant la Loire aux rives de l’Allier est coupée par une route reliant le Grand Chemin
de Forez à l’un des axes de passage entre Lyon et l’Auvergne (Fournial, 1967, p. 32). Si
l’origine de Saint-Just-en-Chevalet est très antérieure à la présence du château, il apparaît
néanmoins évident que le site se développe à partir du XIIIe siècle grâce à l’implication
156
des comtes de Forez. En effet, Saint-Just connaît au moment où elle devient le centre
d’une châtellenie comtale importante, l’essor qui distribuera les grandes lignes de
l’urbanisation actuelle. Toutefois, le château de Saint-Just ne semble devenir la possession
des comtes de Forez qu’aux alentours des années 1230. En effet, celui-ci est absent des
traités de paix entre les comtes et les seigneurs de Beaujeu des années 1190 et 1222
(Chartes du Forez, nos 13 et 36), alors que d’autres châteaux des deux parties dans cette
région sont eux évoqués, comme le château d’Urfé. En 1239, le comte Guy IV assigne, dans
son premier testament, une rente de 50 sous à prendre sur la cense de Saint-Just (De La
Mure, 1860-1897, t. 3, p. 51) ; cela prouverait, selon Édouard Perroy (Perroy, 1966-1968,
p. 254-268), l’acquisition du château de Saint-Just par les comtes entre 1222 et 1239.
Notons toutefois la présence d’un acte antérieur qui évoque dès 1199 des droits des
comtes de Forez sur Saint-Just puisque le comte Guigue vend alors à Humbert, prieur de
Saint-Rambert, la moitié de la dîme de Saint-Just-en-Chevalet pour 300 sous de Lyon et
promet de le garantir contre tout empêchement (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 34). Ce document apparaît isolé ; cependant, il peut laisser supposer que le comte de
Forez était alors déjà seigneur de Saint-Just. De plus, la possession du château de SaintJust lui aurait sans nul doute permis de « faire pièce » à Urfé, possession des Beaujeu... Il
est donc tout à fait probable que les comtes de Forez aient acquis le château de Saint-Just
avant le début du XIIIe siècle – sans que l’on sache d’ailleurs de qui 3 – mais qu’ils ne
l’occupent réellement qu’après 1222. Les comtes rachètent aussi, à partir du milieu du XIII
e
siècle, divers droits à Saint-Just tenus par des seigneurs secondaires. Ainsi en 1257, le
comte Guy V prend possession d’un four banal, dans la maison d’un chevalier de SaintJust, Geoffroy de Lespinasse (Chartes du Forez, n° 631). Plus important, la même année, il
récupère les droits héréditaires du prévôt des anciens seigneurs (Chartes du Forez, n
° 630). Parallèlement, le comte obtient les aveux directs de nombreux vassaux du château
et concède des parcelles à bâtir afin de dynamiser le bourg castral. Ces reconnaissances,
regroupées dans une liste des vassaux du comte de Forez (Chartes du Forez, n° 903) 4, nous
apprennent la possession par divers chevaliers – comme Guillaume d’Augerolles, les
chevaliers Chatard de Lumenet, Hugues de Beaune, Hugues et Guillaume de Grézolles, ou
encore Chatard le Chantois par exemple – de maisons dans le castrum de Saint-Just
(Chartes du Forez, nos 29, 57, 112, 138, 178). Ainsi, il semble qu’il y ait un peuplement
progressif du castrum après 1250. À l’extérieur, le développement de l’habitat se
concentre principalement (Fournial, 1967, p. 67) autour de la place de « La Conche » bien
que celle-ci soit seulement citée à partir du terrier de 1339 (ADL, B 2072). Ce terrier est
primordial car il permet d’établir la topographie de Saint-Just au début du XIVe siècle. Le
château, entouré d’une muraille, domine l’ensemble ; il est pourvu de fossés :
lo byal de Concha et lo byal del Vylan5.
2
Une seule porte est évoquée dans ce terrier, ce qui indiquerait sauf omission du rédacteur
que le château ne possédait alors qu’une seule issue : celle qui permet d’accéder au
castrum depuis la place de « La Conche ». En revanche, dans les terriers de 1446-1449
(ADL, B 2072), « la Petite porte du château » est évoquée. Cette dernière qui se trouve à
l’opposé de la première issue, se devine encore par les traces du chemin usuel à quelques
dizaines de mètres au sud-ouest de la grande maison dite « de Meaux ». L’intérieur du
castrum abritait la maison du comte, sa grange, le four banal, mais également une dizaine
d’autres habitations comme évoqué ci-dessus (Fournial, 1967, p. 78). Deux pôles d’habitat
se développent : la villa castri et la villa ecclesiæ. La première se distribue dans un faubourg
au nord-est du castrum autour de la place de « La Conche » et bénéficie de la dynamique
157
de peuplement initiée par les comtes de Forez dans le castrum. Le faubourg de « La
Conche » comprend, toujours selon É. Fournial, 72 maisons ainsi que plusieurs loges de
marchands ; des boucheries sont ainsi par exemple attestées. Ce faubourg possède à la fois
un marché aux grains, et un marché, lo marchiel, sur la place des foires, la platea
nundinarum6. Les marchés sont attestés à Saint-Just-en-Chevalet dès 1289, notamment par
l’utilisation du terme de logia correspondant, comme pour Néronde, aux loges des
commerçants participant aux marchés (Chartes du Forez, n° 850). Au sud-ouest, en
revanche, la villa ecclesiæ semble dans le même temps peu évoluer. Elle reste un noyau de
peuplement mineur groupé autour du carrefour du Trève, de l’église Saint-Thibaud et des
bâtiments conventuels du prieuré éponyme. Les abords du chemin reliant le faubourg de
« La Conche » et l’habitat ecclésial paraissent de même très peu habités au début du XIVe
siècle. À cette date, Saint-Just-en-Chevalet compterait au total quatre à cinq cent
habitants (Fournial, 1967, p. 78-79).
3
Dès la fin du XIIIe siècle, différents lieux de culte coexistent à Saint-Just-en-Chevalet ;
ainsi le testament d’un particulier, Jean Le Mercier, nous fait part de l’existence de deux
églises en 1289 :
... Do et lego pauperibus Sancti Justi et duabus ecclesiis ejusdem loci... (ADL, B 1850, f° 116 ;
Chartes du Forez, n° 850).
4
Cependant, l’absence de vocable ne permet pas de les identifier clairement. Il pourrait
s’agir de la chapelle Notre-Dame du castrum et de l’église Saint-Just mentionnée dès le XI e
siècle (cf. supra) et sans doute d’origine altimédiévale ; mais se pose aussi la question de
l’église Saint-Thibaud attestée au moins dès le milieu du XIVe siècle. Selon l’abbé Canard,
la chapelle Notre-Dame est antérieure à la fin du XIIIe siècle et un culte public et vivace y
est alors déjà développé (Canard, 1961). En revanche, pour Étienne Fournial, la
construction de cette chapelle ne daterait que du début du XIVe siècle (Fournial, 1967,
p. 67). Quelques sources intéressantes permettent de préciser cette date. Ainsi, à son
décès en 1342, Guillaume de Génétines, petit seigneur local, lègue aux sanctuaires
mariaux locaux : Notre-Dame du Puy, Notre-Dame de Laval (à Saint-Germain-Laval),
Notre-Dame de l’Hermitage, Notre-Dame de Noirétable. Il ne mentionne pas Notre-Dame
de Saint-Just mais lègue au luminaire de la paroisse comme il le fait pour ceux de SaintRomain-d’Urfé, sa paroisse natale, Champoly et Saint-Marcel-d’Urfé (ADL, B 1857). Dans
son testament de 1361, Marguerite de Villechaize, de la paroisse de Néronde, fait un legs
pour la chapelle Notre-Dame du château de Saint-Just-en-Chevalet (ADL, B 1865). On peut
donc supposer que la construction de la chapelle Notre-Dame du castrum est comprise
entre 1342 et 1361, intervalle de 19 ans qui sépare l’acte de Guillaume de Génétines du
legs de Marguerite de Villechaize.
5
Pour revenir à cette notion de « double église » plusieurs explications sont envisageables :
dans le testament de Jean Le Mercier, la seconde église est peut-être simplement la
chapelle primitive du castrum probablement plus petite mais construite au même endroit
que l’actuelle chapelle Notre-Dame, qui a été elle-même modifiée à de nombreuses
reprises comme le démontrent les phasages identifiables dans la maçonnerie7, confusion
après tout possible par un particulier probablement peu préoccupé par la subtilité
statutaire différenciant les deux lieux de culte (chapelle castrale et église paroissiale).
Quid alors de la première église : s’agit-il de l’église primitive du lieu portant le vocable de
Saint-Just et qui serait bien antérieure à Saint-Thibaud ? Ou bien Saint-Just et SaintThibaud ne sont-elles qu’une simple et même église dont le vocable aurait été modifié par
les moines de Saint-Rigaud lorsqu’ils installent un prieuré à Saint-Just-en-Chevalet peut-
158
être à la fin du XIIe siècle (Canard, 1961, p. 336 ; Fournial, 1967, p. 32) ? Ce qui validerait
l’idée que la seconde église citée soit la chapelle du castrum. Admettons, mais cela
signifierait que cette église prieurale était ouverte aux paroissiens qui assistaient bien
aux offices quelque part et pas forcément dans la chapelle castrale... Ce postulat est-il
défendable vis-à-vis de la règle de saint Benoît censée être appliquée si le prieuré dépend
bien de Saint-Rigaud ? On peut se poser la question, à moins que l’établissement prieural
sur ce site soit si peu important que la cohabitation entre moines et population soit
envisageable. Mais une dernière explication peut être évoquée. Si on admet que Jean Le
Mercier connaissait parfaitement la distinction entre chapelle castrale « privative » et
église paroissiale, il validerait donc bien l’existence simultanée de deux églises en plus de
la chapelle : l’ancienne église Saint-Just et celle appelée à lui succéder à savoir SaintThibaud. Si cette dernière hypothèse était exacte, Saint-Just-en-Chevalet présenterait la
particularité d’avoir connu deux fois dans son histoire la présence simultanée de deux
églises paroissiales puisque lorsque l’église actuelle a été consacrée le 4 septembre 1892,
Saint-Thibaud qui ne servait plus au culte pour des raisons de sécurité, a perduré quelque
temps avant d’être livrée aux démolisseurs en 18957 ! Il nous manque toutefois des
éléments pour trancher ce débat définitivement puisque l’église Saint-Thibaud n’est
attestée qu’en 1353 :
... ecclesia Beati Tibaldi de Sancto Justo (ADL, B 1862, f° 31).
6
Cette église est située à l’intérieur du cimetière paroissial comme le montre deux actes du
début du XVe siècle mentionnant le
cymenterium ecclesiæ parochialis videlicet apud Sanctum Theobaldum (ADL, B 1879, f° 3
et ADL, B 1898).
7
Lors de la visite de l’archevêque de Lyon en 1379, le prieuré Saint-Thibaud est déjà à
l’abandon (Merle, 1937, p. 331) mais cela n’empêche pas que l’église Saint-Thibaud ait
encore pu être ouverte au culte, d’autant qu’au cours des siècles à venir, une longue suite
de travaux de consolidation et de procès entre fabriciens, municipalité et architectes
avérée dans les sources depuis le XVIIIe siècle, aboutira à la fin du XIXe siècle à une ultime
procédure devant la Cour de Cassation ; ce qui témoigne que l’insalubrité chronique de
l’édifice (cf. infra) n’a pas empêché son usage jusqu’au dernier moment. Notons enfin la
présence d’un hôpital à Saint-Just-en-Chevalet au XVe siècle (ADL, B 2072).
La vignette de l’Armorial
8
Saint-Just-en-Chevalet est représenté dans un paysage vallonné vu théoriquement depuis
le sud-est (fig. 64). Avant d’analyser la vignette, nos yeux d’observateurs du XXI e siècle
doivent intégrer divers codes et autres conventions de représentation propres aux
imagiers du XVe siècle. Comme pour beaucoup d’autres sites représentés dans l’Armorial,
la représentation de Saint-Just-en-Chevalet est composite : elle intègre dans une vue
générale, dont l’origine supposée du point de vue peut être approchée par différentes
méthodes, des détails qui ne peuvent en aucun cas être visibles depuis le point de dessin
théorique obtenu pour cette vue générale si on se réfère aux lois intangibles de la
perspective. Un simple exemple suffit à éclairer ce point. Lorsque l’on tente de cadrer
avec un appareil photo la vignette de l’Armorial, il faut un zoom pour rassembler deux
conditions : conserver les angles de vue divisant la composition (castrum / aula comitis /
chapelle Notre-Dame / Saint-Thibaud)... et avoir les pieds posés par terre car sans zoom
et en respectant le cadrage, on se retrouve à cinquante mètres en l’air au-dessus d’un
159
fond de vallée ! Pire, si on se trouve au point de visée théorique qui se situe à environ 920
m du site, le sol y est plus bas de 20 m que la base de l’enceinte médiévale. Or, en
supposant que les murailles mesurent au moins 6 m de hauteur, on se retrouve donc 26 m
plus bas et à 920 m du haut de la muraille, ce qui interdit de voir la quasi-totalité des
maisons du castrum dont la plupart sont très basses et, qui plus est, pour un bon tiers
d’entre elles, construites dans le fond d’une dépression encore visible dans une partie du
castrum, variation de relief qui n’apparaît d’ailleurs pas sur la vignette... Si on se place
dans la perspective, il manque aussi l’arrière-plan des montagnes, probablement non
représenté pour faire ressortir le site castral. Il faut donc considérer que le croquis
général positionne approximativement les différents bâtiments à leurs emplacements et
écarts angulaires respectifs, en sachant que ces derniers ont probablement été détaillés
sur le terrain grâce à des croquis rapprochés pour être insérés ultérieurement et en
atelier dans la vue générale, ce qui pourrait expliquer certaines erreurs évoquées par la
suite.
Fig. 64 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 442) : Saint Just en
Chevallet.
9
Le site est divisé entre le château, le faubourg de « La Conche » et le village ecclésial
autour de l’église paroissiale Saint-Thibaud, qui forment donc les éléments structurants
du dessin. Le château et la chapelle Notre-Dame sont au sommet d’un promontoire – le
« Pez comtal »8 – qui domine le ruisseau du Ban. Le château est protégé par une enceinte.
Celle-ci présente suivant un axe nord-est, une forme géométrique ovoïde tout à fait
cohérente avec la réalité observable du terrain : le gros côté de l’œuf se situe vers le nordest, du côté de l’actuelle entrée principale. L’enceinte s’affine vers la petite porte ouverte
au sud qui est surmontée du second étendard, ce qui laisse penser qu’elle épousait
logiquement la forme du relief. Cela expliquerait les renfoncements ou irrégularités de la
muraille que l’illustrateur de l’Armorial a représentés, avec toutefois une première
aberration au niveau de la « Petite porte » : le retour d’angle de la muraille ne correspond
160
à aucune inflexion de la courbe de niveau sur laquelle semblent posées les fondations de
la muraille et une anomalie apparaît aussi au niveau de la « Grande porte » entre le dessin
et ce que nous croyons en être les vestiges (cf. infra). Cette enceinte, comme la majorité de
celles de l’Armorial, est crénelée et percée d’ouvertures de tir sur sa partie basse. Celles-ci
sont, là encore, caractéristiques de l’Armorial, puisque ce sont des archères modifiées afin
de pouvoir accueillir des armes à feu de petit calibre. L’enceinte est flanquée par au moins
trois échauguettes crénelées et trois tours circulaires couvertes d’une plate-forme
crénelée qu’il est impossible de positionner précisément dans un repère cardinal compte
tenu de la déformation délibérée de la représentation. Enfin, une haute tour-porte
quadrangulaire accueille l’entrée principale du site ouverte à l’époque vers l’est. Cette
tour domine par sa hauteur le reste de l’enceinte. Elle est surmontée d’un hourd de bois,
lui-même coiffé d’un toit à faible pente. Deux ouvertures rectangulaires sur les façades
sud et est, mais pas au même niveau, nous montrent la présence d’au moins deux étages.
10
À l’intérieur de l’enceinte, on remarque un bâtiment qui domine les autres par ses
dimensions. Ce bâtiment à deux étages plus un comble possède deux cheminées et quatre
fenêtres. Il s’agit sans aucun doute de l’aula comitis. Près de celle-ci se trouve la chapelle
Notre-Dame. Cette dernière est ici représentée avec un clocher-mur percé d’une rosace et
muni de quatre cloches. L’observation attentive de la vignette nous révèle une autre
anomalie : l’axe de la nef de la chapelle Notre-Dame est parallèle à l’axe principal nord-est
de l’aula comitis, lui-même cohérent par rapport à la vue générale et à la position
supposée de l’enceinte si on suit le relief. Or, on remarquera que le clocher-mur qui
devrait respecter la perspective et se trouver dans le même plan que le pignon visible de
l’aula comitis par rapport à la nef qu’il est censé fermer, semble nous faire face (il serait
exposé au sud-est). En observant de plus près puis en se rendant sur place, on s’aperçoit
que le clocher-mur est à sa place mais que la nef est du mauvais côté et dessinée avec une
erreur de perspective : elle devrait se trouver entre le clocher-mur et la tour de l’entrée
principale et son axe devrait être parallèle à celui de la maison qui se trouve à cet endroit
de la vignette soit sud-est. Cette erreur prouve qu’il faut être prudent et se reporter au
terrain autant qu’on le peut : la chapelle Notre-Dame est, en effet, construite sur une
protubérance rocheuse qui a déterminé son axe nord-ouest/sud-est conforme au passage
à la représentation du clocher-mur de l’Armorial ; il s’agirait donc bien d’une erreur de
perspective, commune à l’époque et qu’on trouve jusque dans les manuels d’ingénieurs
souvent fâchés avec l’art difficile des lignes fuyantes… Si on considère donc le clochermur comme correctement géoréférencé par rapport au terrain et à la vue globale, ce qui
semble être le cas à quelques degrés près, on s’aperçoit que l’axe de l’aile principale de
l’actuelle maison « de Meaux », construite à la fin du XVIIIe siècle 9 en lieu et place de
l’ancien château et toujours confondu avec l’auditoire/prison dans les ouvrages consultés
10, conserve l’orientation de l’aula comitis visible sur la vignette.
11
Enfin, l’enceinte accueille un très grand nombre d’habitations. On peut en dénombrer
environ 25, ce qui apparaît plausible au regard des données textuelles. Aucune de ces
maisons ne se démarque réellement ; toutes sont similaires, reprenant les canons de
représentation utilisés pour tout l’Armorial. Ces maisons sont petites, percées de fenêtres
et quasiment toutes pourvues d’une cheminée conique à mitre. Rappelons pour mémoire
que l’illustrateur ne pouvait voir en raison de sa position aucune des maisons, puisque
situé à distance respectable des murailles et en contrebas de ces dernières ! C’est aussi
sans doute pour cela qu’elles sont stéréotypées ! Il peut s’agir des maisons que les vassaux
du comte de Forez possédaient à l’intérieur même du castrum. Aucune rue ou place n’est
161
visible à l’intérieur de celui-ci. Dans un de ses ouvrages (Canard 1961), l’abbé Canard
établit un plan du castrum au XVI e siècle avec 13 maisons particulières et une quinzaine
d’autres bâtiments. Il nomme deux rues11 et indique les propriétaires des maisons. Il est
malheureusement impossible d’identifier sa source mais les noms cités appartiennent à
l’histoire locale et/ou figurent dans les registres paroissiaux.
12
Au pied de la muraille, le long du seul chemin menant au château, est représenté un
faubourg qui, on l’a vu, se développait autour de l’actuelle place de « La Conche ». Il
comporte une dizaine de bâtiments. L’un d’entre eux se distingue par la tour
rectangulaire qui l’accompagne, sans qu’on puisse l’identifier ou lui donner une fonction
particulière12. Les maisons sont tout à fait similaires à celles figurant à l’intérieur du
château. Aucun étal de marchand, aucun ouvroir n’est ici visible, pas plus que
d’éventuelles parcelles en culture. Le relief est assez bien représenté par rapport à
l’existant si ce n’est que l’arrière-plan montagneux n’apparaît pas pour les raisons déjà
évoquées mais de plus, si la perspective de la vue générale avait été respectée, SaintThibaud aurait dû se trouver quasiment au niveau de « La Conche » ce qui prouve bien le
caractère composite de l’assemblage des trois sites – castrum, « Conche » et faubourg
Saint-Thibaud – et donne une indication très forte de la philosophie de l’Armorial de
Revel en terme d’objectifs : celui-ci n’a définitivement pas pour fonction de représenter
exactement ce que verrait l’œil de l’observateur, mais de rassembler dans un même
dessin différentes informations topographiques, défensives, urbaines, sociales et
religieuses afin de restituer sur une seule vignette divers renseignements, dont on peut
penser qu’ils aient été sinon l’objet d’un « cahier des charges » initial, au moins jugés
comme utiles au commanditaire de l’œuvre...
13
La villa ecclesiæ s’organise autour de l’église Saint-Thibaud qui est le seul bâtiment
remarquable de ce noyau d’habitat. Celle-ci présente une nef à quatre travées et semble
se terminer par une abside. Toutefois, en observant attentivement la vignette, la toiture
de la nef semble plutôt se terminer par une croupe classique dont les deux arêtiers sont
bien visibles, sauf que l’égout du toit semble très légèrement courbe – et c’est le seul de la
vignette – ce qui est curieux car à moins de supposer que les architectes de l’église aient
donné un peu d’arc au chevet pour créer un effet de structure plus esthétique et
compliqué à construire qu’efficace, il est plus raisonnable de pencher pour une simple
erreur de représentation de l’égout qui devrait apparaître rectiligne et caractériser un
chevet plat. Il faut noter le mur pignon qui dépasse du toit en bâtière de la nef et qui
ressemble fortement, à la pente et aux contreforts près, à celui dessiné vers 1870 par le
peintre Armand Charnay sur la seule représentation de l’église Saint-Thibaud qui soit
parvenue jusqu’à nous (cf. infra). Son clocher est doté d’une flèche relativement élevée. Il
s’agit probablement du clocher initial précédant celui qui défrayera la vie locale pendant
plus d’un siècle13. L’ensemble apparaît plutôt bien proportionné. Aucune maison ne se
distingue ici, leur morphologie reprenant les critères communs des maisons de
l’Armorial. Remarquons, là encore, l’absence totale de représentation de parcelle en
culture et terminons en évoquant la présence de deux maisons occupant le fond de la
vallée et d’une petite tour près de l’angle sud du château. Il est difficile d’accorder à cette
dernière une fonction militaire, puisqu’elle ne comporte pas d’ouverture liée à cet usage,
mais il est possible qu’il s’agisse d’une tour de guet surplombant la vallée14.
162
Le parcellaire et les vestiges archéologiques
14
Le parcellaire napoléonien conserve encore la disposition générale du site global de SaintJust-en-Chevalet à l’époque médiévale. Le tracé de l’enceinte du castrum est, lui,
identifiable sur les plans cadastraux, ancien ou nouveau, à quelques singularités près (fig.
66). On retrouve très bien la forme ovoïde que l’Armorial a représentée, suivant en cela la
topographie du mamelon rocheux formé par le « Pez comtal ». En revanche, l’enceinte
n’offre aujourd’hui que très peu de vestiges (fig. 65) et les plus visibles – ou plutôt
supposés tels – ont été à l’origine d’erreurs d’interprétations reproduites avec beaucoup
d’application par les historiens s’étant intéressés à l’histoire de Saint-Just-en-Chevalet au
cours des siècles derniers. Lorsque l’on pénètre aujourd’hui dans le castrum, la tentation
est grande de penser qu’au moment où l’on passe sous quelques vestiges d’une ancienne
porte, on franchit l’entrée de l’ancienne muraille (fig. 67). Tentation d’autant plus
grande, qu’on longe un imposant bâtiment au très bel appareil de maçonnerie et qu’il
serait facile de prendre pour les restes de l’enceinte médiévale voire de l’ancien château...
Mais il faut éviter ce piège car la « porte » actuelle n’est en aucun cas la « Grande porte »
appelée « Porte du château » dans certaines sources (ADL, B 2072) et visible sur l’armorial
de Revel ; l’abbé Canard a fait la même erreur sur son plan du XVIe siècle déjà évoqué.
L’enceinte, et donc l’ancienne porte, étaient en fait beaucoup plus basses que les vestiges
actuels de la supposée entrée ; la muraille d’alors englobe les premières maisons visibles
aujourd’hui entre l’entrée « actuelle » et la place de « La Conche ». Observons la vignette :
on distingue bien l’écart entre la muraille et l’aula comitis à gauche de la porte principale
lorsqu’on pénètre dans le castrum, écart qui se retrouve sur le terrain si l’on considère,
comme expliqué plus haut, que le marquis de Simiane a fait construire l’actuelle maison
« de Meaux » à l’emplacement du vieux château qui ne peut donc être l’imposant
bâtiment qu’on longe actuellement... qui lui se trouve à notre droite par rapport à
l’entrée actuelle. De même, la « Grande porte » représentée sur la vignette est très à
droite de la chapelle Notre-Dame, or de l’endroit où a été réalisé le croquis global, si
l’ancienne « Grande porte » devait être à la position de l’entrée actuelle, on ne verrait pas
la chapelle ! On voit bien sur les photos aériennes le contour de la muraille côté
« Conche » et on comprend que le bâtiment qui présente ce bel appareil, et qui est
toujours pris à tort pour l’ancien château, n’est autre que l’ancien auditoire/prison15,
construit très postérieurement mais lui aussi très en retrait de l’ancienne muraille (fig.
68). Les tours de flanquement circulaires n’ont, elles, laissé aucune trace, que ce soit sur
le cadastre ou sur le terrain. Un pan de mur subsiste encore aujourd’hui sur l’ancienne
courtine ouest de l’enceinte, mais son état d’extrême délabrement rend très difficile son
interprétation (fig. 70). Son appareil beaucoup plus commun confirme cependant
l’absence de rapport entre la maçonnerie médiévale assez grossière de l’enceinte et celle
postérieure et plus raffinée16 de l’auditoire/prison.
163
Fig. 65 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 66 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
164
Fig. 67 - La « fausse grande porte » du castrum. Vue intérieure.
Fig. 68 - L’auditoire/prison.
15
À l’intérieur de l’enceinte se trouve encore la chapelle Notre-Dame (fig. 69). Il s’agit d’un
petit édifice de granit, à nef et à travée uniques. L’abside est renforcée de contreforts. Le
tout évoque une construction du XIVe siècle. On distingue parfaitement trois phases
d’agrandissement : l’abside actuelle a été rajoutée ainsi que les quelques mètres la
précédant lorsque l’on va vers le sud-est. Le clocher-mur représenté sur la vignette a
165
toutes les chances d’avoir été démoli au moment de cet agrandissement. Des fouilles
permettraient probablement d’en retrouver les fondations, qui ne devaient toutefois pas
être profondes car la chapelle repose sur un banc rocheux. On remarque ensuite l’ajout
du bas-côté puis l’agrandissement incluant la nouvelle façade nord-ouest et le clocher qui
datent du XIXe siècle. En revanche, il ne subsiste plus sur le site – et c’est déjà le cas sur le
plan cadastral du XIXe siècle – que la maison de Simiane puis de Meaux évoquée plus
haut. Toutefois, une maison de facture ancienne située du côté de la « Petite porte »
pourrait peut-être correspondre à une des maisons dessinées dans l’Armorial et évoquées
dans les sources médiévales...
Fig. 69 - Vue de la chapelle Notre-Dame. Face sud.
166
Fig. 70 - Pan de courtine ruinée à l’ouest du castrum.
16
Le meilleur moyen de comprendre la distribution du site est de recourir aux
photographies aériennes qui mettent bien en valeur le tracé de l’enceinte ainsi que
l’emplacement des vestiges des bâtiments médiévaux. Ces mêmes photographies
permettent également de compléter les informations du cadastre napoléonien, afin
d’éclairer les vestiges encore visibles du faubourg de « La Conche ». Ce plan nous montre
qu’une cinquantaine de parcelles s’organisent autour de cette place, parcelles plutôt
petites, formant un îlot d’habitats typique du Moyen Âge. Un espace apparaît libre au
nord-est de la place, à quelques mètres de l’actuelle fontaine puisqu’il s’agit simplement
de traverser la nouvelle route qui mène vers Roanne et qui a amputé cet espace d’environ
8 m lors de son tracé. Nous sommes alors sur la place du marché médiéval sise au départ
de la montée qui va vers le lieu-dit « Chez Thomasson » et qui n’est plus utilisée depuis le
XIXe siècle. Quant au champ de foire, il est localisé ailleurs, comme expliqué
précédemment. Malgré les restaurations, les vestiges actuels et notamment les trop rares
maisons à pans de bois qui ont échappé aux enduits en ciment permettent d’avoir une
idée précise de l’aspect que pouvait prendre cette place au XVe siècle. L’organisation de
cet espace semble avoir été planifiée (Fournial, 1967, p. 67), les parcelles apparaissant
géométriquement disposées, c’est de moins en moins vrai au fur et à mesure qu’on
s’éloigne du castrum et de son faubourg. Certaines constructions du faubourg de La
Conche présentent encore des éléments de réemploi dont certains appartiennent
probablement à la phase ultime du château. Il est probable que les matériaux de la petite
chapelle de Lormet17, lieu de culte peut-être médiéval, qui n’est pas visible sur la vignette
de l’Armorial mais qui figure encore sur le cadastre napoléonien, aient aussi pu fournir
certaines pierres taillées. Une colonne encastrée dans un actuel garage, à gauche en
montant vers la porte actuelle, est supposée provenir de ce petit bâtiment religieux selon
la tradition orale.
167
17
Le troisième pôle d’habitat de Saint-Just-en-Chevalet, concentré autour du carrefour du
« Trève », est aujourd’hui totalement modifié par rapport à ce qu’il pouvait être au Moyen
Âge ou même à l’époque moderne. Aucun élément ne semble plus ancien que le XVIIIe
siècle. Une maison située à une quarantaine de mètres à partir de la fourche qui sépare la
route de Vichy du chemin de « Chez Buisson » porte une intéressante statue de chimère
placée à bonne hauteur et un linteau daté. Cette maison figure d’ailleurs sur le cadastre
napoléonien. Tout ou presque fut reconstruit « durant ce siècle » en raison de l’essor
industriel (Gardes, Houssel, 1984). En revanche et en dépit des différents changements
survenus entre les XVe et XIX e siècles, le cadastre napoléonien conserve globalement la
distribution du site : on y perçoit très bien la concentration des constructions autour du
carrefour du « Trève » et de l’église paroissiale Saint-Thibaud, ainsi que l’expansion de la
villa ecclesiæ vers la villa castri par le « chemin du château à l’église » (ADL, B 2072). Les
rives de ce chemin ne sont pas encore totalement construites au XIXe siècle, ce qui
montre la lenteur du processus qui correspond toujours à l’espace laissé libre à cet
endroit par l’Armorial.
18
Saint-Just-en-Chevalet apparaît comme un site forézien important mais pas de premier
ordre, malgré le rôle des comtes dans son essor. Il offre un modèle de développement très
clair autour de trois pôles : un castrum, un faubourg à la porte principale de celui-ci (la
villa castri des textes) et un habitat ecclésial autour de la vieille église Saint-Just devenue,
aux réserves évoquées près, Saint-Thibaud (la villa ecclesiæ). Cette analyse, qu’autorisent
les textes médiévaux et l’étude du parcellaire ancien, est conforme à l’image qu’offre la
vignette de l’armorial à condition d’affecter à cette dernière les corrections géométriques
et descriptives évoquées au cours de cette étude.
Page 442 SAINT JUST EN CHEVALLET
Étude héraldique
795. Pierre d’Ulphe crie Ulphe
de vair chef de gueules – cimier : une touffe de plumes d’azur et de gueules, d’où sort une
longue plume de gueules.
Pierre d’Urfé (mort en 1508), chevalier, fils d’Arnoul d’Urfé, dit Paillard, et d’Isabelle
de Blot. Il épousa Antoinette de Beauvau. Il participa, en 1465, à la Ligue du Bien
Public, mais contrairement au duc de Bourbon, Jean II, il refusa de se soumettre à
Louis XI. Il ne rentra en grâce qu’en 1483, par la faveur de Pierre de Beaujeu, qui lui
fit restituer ses biens confisqués. Il fut alors fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel,
grand écuyer de France, conseiller et chambellan du roi. De 1484 à 1491, il fut
sénéchal de Beaucaire et de Nîmes, puis, en 1504, bailli de Forez. À la fin de sa vie, il
prit encore part aux guerres d’Italie, sous Charles VIII. Il était seigneur d’Urfé,
Rochefort, La Bastie, Bussy, Souternon, Saint-Just-en-Chevalet, Saint-Thurin. La
maison d’Urfé était la branche aînée de la famille Raybe (cf. infra n° 796). Ces
seigneurs d’Urfé avaient abandonné au XIIIe siècle leur nom patronymique et leurs
armes d’origine, pour prendre ceux de leur fief principal. On possède de lui un sceau,
qui ne montre malheureusement pas de cimier. Le sceau de son père en est, lui,
pourvu : il s’agit d’une tête et col de lévrier, cimier que l’on retrouve sur certains
monuments héraldiques parmi ses descendants, jusqu’à la fin du XVIe siècle. Le
panache peint ici n’est donc probablement qu’un élément décoratif.
• Sceaux : Demay, 1885-1886, 9139-9142.
• De Boos, 1995, 421 ; Philocarité, 10, 22.
168
• AN, X 1/C 108, pièce 23 ; Bouillet, 1846-1847, t. VI, p, 432-433 ; La Faige, de La
Boutresse, 1896-1932, t. I, p. 204 ; Gras, 1874, p. 254 ; Perroy, 1977, t II, p. 626 ;
Courteault, 1979, p. 43, n. 3.
796. Jehan Raybe crie Raybe
de sable semé de billettes d’argent, au lion du même, armé et lampassé d’or – cimier : un lion
issant d’une queue de paon.
Jean Raybe (mort en 1475), chevalier, fils d’Eustache Raybe (mort en 1450), seigneur
de Saint-Marcel, et de Marguerite de Tinières. Il prit part à la Ligue du Bien Public et
fut fait prisonnier à la bataille de Montlhéry (1465). Il mourut, sans alliance, durant
les guerres contre la Bourgogne. Il était seigneur de Saint-Marcel, qui échut à son
cousin, Antoine dit Le Galeys Raybe, seigneur du Charrouil, qui continua la lignée. La
branche cadette de la famille Raybe conserva beaucoup plus longtemps le nom
patronymique que la branche aînée d’Urfé (cf. supra n° 795). Elle portait également
les armes anciennes de la famille. Au XVIIe siècle, cependant, les Raybe avaient
supprimé le semé de billettes. Le Philocarité donne les mêmes armes qu’ici, avec
pour cimier un dragon issant.
• Philocarité, 19.
• Bétencourt, 1867, t. IV, p. 8 ; Bouillet, 1846-1847, t. V, p. 222-224 ; Gras, 1874, p. 3 ;
Perroy, 1977, t. II, p. 636-637.
797. André de La Perrouse
coupé de quatre traits, qui font cinq quartiers : aux 1 et 4, d’azur à la fasce vivrée d’argent ; au
2, de sable à deux besants d’or ; au 3, d’argent plain (vide) ; au 5, d’argent au tourteau de
gueules.
André de La Peyrouse (mort entre 1490 et 1500), écuyer, fils de Jean de La Peyrouse.
Ce cadet d’une famille originaire de Verneuil-en-Bourbonnais, épousa Philippe du
Bost, fille d’Antoine du Bost et de Catherine de Montmorillon ; elle lui apporta le fief
de Trémolin, qu’elle hérita vers 1463 de son oncle Jean de Trémolin. Il était aussi, de
son chef, seigneur d’Audrier. Salomon lui attribue d’autres armes, d’or au sautoir de
sable, qui sont en fait celles d’une famille auvergnate. Les armes peintes ici, brisées
par rapport à des armes pleines inconnues, ont peut-être été mal comprises par le
héraut.
• Bétencourt, 1867, t. III, p. 190,196 ; Bouillet, 1846-1847, t V, p. 108-109 ; Salomon,
1916, 1922, 1926, t. II, p. 385-386.
Emmanuel De Boos
169
NOTES
1. Eldiart, veuve d’Artaud de Saint-Haon, prenant le voile, donne tous les biens provenant de son
héritage paternel dans la châtellenie de Saint-Just et dans la paroisse de Saint-Martin-de-Lestrat
(Cartulaire de Marcigny, n° 254).
2. Ceux-ci sont obligés de monter à « La Conche » pour s’en procurer, cf. de nombreuses
délibérations municipales sur la question (Arch. mun. Saint-Just-en-Chevalet).
3. L’acte de 1128 précédemment cité donnant toutefois peut-être une piste.
4. Cette liste est dressée vers 1316, mais d’après un rôle et un registre eux-mêmes dressés vers
1260.
5. Les locuteurs de patois locaux ne possèdent pas ce mot dans leur vocabulaire, mais on peut
sans grand risque traduire simplement par « fossé côté Conche » pour lo byal de Concha et « fossé
côté vallée » pour lo byal del Vylan.
6. Il faut noter que la place du marché n’était pas contiguë au champ de foire. Dans la mémoire
collective, la place du marché ancien correspond à la placette située à une dizaine de mètres de la
fontaine de « La Conche » au départ de la route pentue qui mène au lieu-dit « Chez Thomasson »,
alors que l’actuel marché est désormais place du Trève à l’emplacement du cimetière, qui
entourait l’ancienne église Saint-Thibaud, et de l’église elle-même. Le champ de foire ancien, lui
aussi désigné sans équivoque par la mémoire collective et par l’abbé Canard qui s’en fait l’écho
(Canard, 1961), se trouve à une petite centaine de mètres à l’est de l’actuelle place de « La
Conche » et s’établissait donc sur une ou plusieurs parcelles de forte pente. Il est situé
exactement à flanc de coteaux entre l’actuel chemin qui mène vers « Chez Thomasson » et
l’ancienne route de Roanne (« Le Grand Chemin ») qui se nomme actuellement « Chemin du
Forez » et débute « place du centre », qui n’a rien à voir avec le centre actuel ! Une sente à droite
du chemin qui monte vers « Chez Thomasson » est encore nommée aujourd’hui « montée du
Champ de foire ». Il faut, enfin, citer la croix « du Champ de foire » au milieu de cet espace
curieusement resté vide. Il y a encore 8 foires à Saint-Just-en-Chevalet en 1832. On trouve les
tarifs des « bancs de foire » par catégories désignées de forains dans la délibération du 8 octobre
1843 (Arch. mun. Saint-Just-en-Chevalet, délibérations municipales).
7. Un certain Sieur Charasse (Arch. mun. Saint-Just-en-Chevalet, délibérations municipales du 19
mai 1895).
8. Il faut noter que l’abbé Canard, qui a beaucoup écrit sur l’histoire locale, a été élevé dans
l’environnement patoisant de Saint-Romain-d’Urfé (Oc), différent de celui de Saint-Just-enChevalet (Oil), ce qui explique pourquoi il écrit toujours Pey dans ses différents ouvrages.
9. En 1766, le marquis Antoine-Louis-Hector de Simiane, ancien officier de gendarmerie, se porte
acquéreur des terres, du château et de la chapelle Notre-Dame. Le vieux château étant devenu
inhabitable, Monsieur de Simiane fait édifier à son emplacement la grande maison actuelle (en
forme de L). En 1781, ses enfants revendent à Monsieur Antoine de Meaux, lieutenant général de
la ville de Montbrison, tout ce qui a été adjugé par leur père par l’arrêté du 26 août 1766.
10. Cf. infra.
11. Rue du Chaudron et rue de la Grande porte à la Petite porte.
12. Les observations sur place n’apportent aucun indice sur la présence de vestiges de cette tour
carrée, mais elle peut avoir été arasée et constituer les murs d’un bâtiment actuel
postérieurement enduit.
13. La première mention d’agrandissement de l’église figure dans les délibérations du 28
septembre 1833 (Arch. mun. Saint-Just-en-Chevalet). En 1837, le nouveau clocher, construit après
170
une absence de plus d’un siècle, menace de s’effondrer et doit être démoli quelques semaines
après sa construction ! En 1867, toujours pas de clocher : ... depuis trente ans que le clocher de cette
église a été démoli par mesure de prudence et que depuis lors les cloches ont été suspendues à des poteaux,
lesquels maintenant tombent de vétusté, étant constamment exposés au mauvais temps... (cf. le tableau
d’Armand Charnay, conservé au musée de Charlieu, qui représente vers 1870 le marguillier du
lieu sonnant une des deux cloches suspendues à cette improbable charpente). L’église sera
démolie en 1895, sans avoir retrouvé son clocher…
14. Ces tours de guet, distinctes du château et destinées à la surveillance d’espace invisible depuis
le château principal, se développent dans la seconde moitié du XIV e siècle dans le contexte de la
guerre de Cent ans. Cf. les exemples de Balazuc ou de Saint-Montan dans le Vivarais proche
(Laffont, 2004).
15. Les délibérations du conseil municipal indiquent le 28 juillet 1806 qu’a été prise la décision
d’enfermer « dans la plus haute chambre de la prison » Benoît Durelle, cabaretier au bourg,
devenu subitement fou, qui voulait tuer le receveur des impôts ; il sera « nourri par ses proches »
(Arch. mun. Saint-Just-en-Chevalet). Les mêmes délibérations indiquent en date du 12 mars 1809
que le conseil alloue à Monsieur de Meaux le loyer d’un local « qui a servi de tous temps de prison
et de dépôt pour les prisonniers du gouvernement transférés journellement de Roanne à Thiers
et de Thiers à Roanne et qui n’est d’aucune utilité pour le canton puisque depuis plus de trois ans
[la date coïncide, donc on parle bien de l’auditoire/prison] l’on n’y a déposé aucun prisonnier ».
16. Raffinée est ici à prendre dans le sens d’un qualificatif du niveau de la construction et en
aucun cas comme un repère chronologique : preuve en est des constructions « raffinées » mais
très antérieures des murs en petit appareil commises par les maçons romains.
17. La date de construction de cet oratoire ou petite chapelle nous est inconnue mais cet
édifice est cité aux XVIIe et XVIII e siècles, notamment lorsque les autorités tentent de
contenir sur Saint-Just-en-Chevalet, les hordes de pèlerins habitués à une transhumance
multiséculaire de quatre jours vers La Madeleine de la Chalme, ermitage isolé, où la
vénération des croyants semble s’accommoder de la présence de « marchands du
temple » qui apportent la logistique sur ce plateau désertique au moment de ce qui
constitue une date importante du calendrier religieux local. Les autorités religieuses
s’accommoderont toutefois de moins en moins de ce mélange des genres et surtout des
débordements charnels inévitables, lorsque les pèlerins doivent dormir en rase campagne
dans une promiscuité peu conforme aux règles de la foi... Mais Lormet n’arrivera jamais à
prendre la place qu’on lui destinait et les deux sites disparaîtront quasi simultanément, à
la suite pour le plus important des deux, de péripéties cléricales et administratives dont
les sources ne sont pas avares.
171
Bussy-Albieux
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
443. Le chatiau et ville de Bussy La Poile
Département : Loire ; Canton : Boën ; Commune :
Bussy-Albieux
L’apport des sources écrites
1
Dès 1046 est mentionnée l’ecclesia beati Martini quæ est infra castrum Buseti attestant ainsi
indirectement de l’existence du château (Cartulaire de Savigny, t. I, p. 378). Ce dernier
disparaît ensuite de la documentation jusqu’au début du XIIIe siècle. Il fait dès lors,
jusqu’à la fin du Moyen Âge, l’objet de multiples transactions. Ainsi, en 1221, Hugues et
Geoffroy de Saint-Maurice cèdent au comte de Forez Guy IV le château de Saint-Maurice
et ses dépendances en échange du château et du mandement de Bussy, tel qu’un certain
Otmar les tenait (Chartes du Forez, n° 35). Mais le comte de Forez reprend possession de
Bussy dès 1243. À cette date, Geoffroy de Saint-Maurice donne à Guy V le château de
Bussy et ses dépendances, ainsi que tout ce qu’il possédait à Roanne et en Roannais. Il se
réserve toutefois l’usufruit de Bussy et de la moitié de ses terres du Roannais et stipule
que dans le cas où l’un de ses héritiers légitimes vivrait jusqu’à 14 ans les biens donnés lui
reviendront, ce dernier devant alors rembourser au comte les 400 livres reçues en
compensation de la donation (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 235). À partir de
1268, un long conflit s’engage au sujet de la possession du château de Bussy, le comte Guy
V l’ayant légué par testament aux enfants de Hugues de Châtillon. Dans un premier
temps, Renaud, frère du défunt comte, approuve ce legs puis se rétracte et refuse la
cession du château de Bussy, ce qui occasionne un long procès devant le bailli de Mâcon.
À l’issue de la procédure, la volonté du défunt est enfin exaucée et le château est
finalement concédé à Guillaume de Jaligny, héritier du légataire ; celui-ci devant
percevoir, en outre, du comte les arriérés des revenus de la seigneurie (Chartes du Forez,
n° 1176). Toutefois, en 1269, Érard de Lisiniis, chanoine d’Auxerre, prononce une sentence
arbitrale entre les deux parties qui attribue au comte Renaud le château de Bussy et ses
dépendances, en échange de quoi le comte versera une pension annuelle de 240 livres
172
viennois à Guillaume de Jaligny (Chartes du Forez, n° 149). Le château de Bussy fait donc
retour au comte par cette transaction, ratifiée la même année par Guillaume de Jaligny,
qui se soumet à l’autorité des évêques d’Auxerre et d’Autun pour son application (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 489). Le roi Louis IX ratifie à son tour peu après la
sentence arbitrale (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 490). En 1274, nous
retrouvons Guillaume de Jaligny qui donne quittance au comte d’un versement de 120
livres, dues en application de l’accord conclu entre eux (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 578). En 1308, le château de Bussy fait encore l’objet d’une transaction,
lorsque Guillaume de Thiers, damoiseau, renouvelle l’échange qu’il avait fait avec le
comte de Forez du château de Thiers et de plusieurs autres : le comte, afin de lui enlever
tout sujet de se plaindre, ajoute à ce qu’il apporte la moitié de Saint-Germain-Laval et le
castrum de Bussy (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1212). Dès 1320, un litige
survient à ce sujet. Le comte, prétendant avoir dépensé plus de 10 000 livres pour prendre
possession de Thiers, en exige le remboursement par Brunissent, fille de Guillaume de
Thiers, et par sa veuve Agnès de Maymont. Pour renoncer à ses prétentions, le comte
accepte finalement que Brunissent et sa mère lui cèdent tous leurs droits sur les castra de
Saint-Maurice, de Châtelus, de Bussy et de Saint-Germain-Laval, le comte devant en
complément leur verser 5 500 livres tournois (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1578)1. Par la suite, en 1324, à l’occasion du mariage de Reynaud, fils du comte de Forez
Jean, avec Marguerite de Savoie, le comte assigne à son fils une rente de 2 000 livres
tournois assise sur plusieurs châteaux et mandements dont celui de Bussy (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 1324). La même année, le comte Jean établit son testament
et remet Bussy à son fils Reynaud (ADL, B 1842). Enfin, pour finir, en 1437, le duc de
Bourbon échange avec Paillard, seigneur d’Urfé, la seigneurie de Bussy et la moitié de
celle de Souternon. Le seigneur d’Urfé lui cède en contrepartie la seigneurie de La
Condemine, en Bourbonnais, ainsi qu’une quittance de 700 livres tournois dues à Paillard.
Il est toutefois convenu que si Paillard meurt sans héritier mâle, les terres de Bussy et de
Souternon feront retour au duc. Une mention au verso de l’acte, datée de 1438, indique
que l’accord est finalement resté sans suite, dans la mesure où le duc y était trompé de
plus de 8/10e (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 5553). Des difficultés d’exécution
sont, en effet, survenues (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 5555) et, en 1444,
Isabelle de Blot, veuve dudit Paillard, renonce à l’échange conclu précédemment (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 5732).
2
Le mandement de Bussy apparaît, quant à lui, pour la première fois en 1221,
lorsqu'Hugues et Geoffroy de Saint-Maurice reçoivent du comte Guy IV le château de
Bussy. La seconde mention date de 1238, alors que Geoffroy transige sur divers droits avec
les Hospitaliers de Verrières. À cette occasion, moyennant un don de 81 forts et une rente
annuelle de 2 sous et de 4 fromages, il concède aux Hospitaliers le droit exclusif de pâture
dans le mandement de Bussy (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 199 A). Ensuite, le
mandement est associé au château dans pratiquement toutes les transactions concernant
ce dernier jusqu’à la fin du Moyen Âge. Un châtelain est mentionné dès 1264 à Bussy dans
une transaction réglant les droits respectifs du comte Renaud de Forez et du prieur de
Pommiers, Étienne Sauvage. Il est prévu que le prieur aura pleine justice sur les paroisses
de Pommiers, Saint-Georges-de-Baroille, Baroille, Césay et Ailleu, les exécutions capitales
restant du ressort des châtelains de Bussy et de Nervieux (Chartes du Forez, n° 1096). En
1278, le grand prieur d’Auvergne des Hospitaliers se plaint de divers méfaits commis par
les gens du comte, dont Jean Adobat, châtelain de Bussy, qui a arrêté des hommes de
173
l’Hôpital ayant coupé des arbres appartenant au comte (Chartes du Forez, n° 677). Il faut,
en revanche, attendre 1368 pour voir apparaître un prévôt comtal à Bussy, date à laquelle
ce dernier obtient des lettres de rémission pour avoir participé à un coup de main contre
les gens du prieuré de l’Hôpital-sous-Rochefort, ceux-ci ayant refusé de participer aux
travaux de fortification du château de Bussy (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 3045). Le prévôt de Bussy apparaît encore en 1383 lorsqu’il contribue avec nombre
d’autres aux dépenses de l’hôtel du comte de Forez (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 3541) et, en 1390, lors de la mise en exploitation des mines de plomb de Bussy
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3797).
3
L’église paroissiale Saint-Martin, située dans le castrum de Bussy, est mentionnée pour la
première fois en 1046 (Cartulaire de Savigny, t. I, p. 378). Elle figure aussi dans le pouillé
du diocèse de Lyon de 1225 et c’est alors le prieur de Pommiers qui en est collateur
(Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon, p. 7). En 1046, l’ecclesia Sanctæ Marie et
Beati Baldomeri de Buxeto est remise à l’abbaye de Savigny qui y fonde un prieuré
(Cartulaire de Savigny, t. I, p. 378). Étienne Sauvage en est prieur en 1264 alors qu’il
transige avec le comte Renaud sur leurs droits de justice et de chasse respectifs (Chartes
du Forez, n° 1096). Mais le litige se poursuit et c’est alors Jean, nouveau prieur de Bussy,
qui transige avec le comte (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 410), l’accord
résultant de ces transactions étant ratifié en 1270 par Jacques, abbé de Savigny (Chartes
du Forez, n° 979). À la fin du Moyen Âge, plusieurs paroissiens de Bussy demandent à être
inhumés
in cimenterium ecclesie Beate Marie de Bussi (ADL, B 1871, f° 14 v°).
4
L’existence d’un habitat castral à Bussy n’est attestée qu’à partir de 1264 alors que Jean,
prieur de Bussy, transige avec le comte Renaud sur les droits de justice de Bussy. Le
prieur lui remet à cette occasion les maisons qu’il avait dans le castrum de Bussy. Le
village doit toutefois être déjà ancien et développé, puisque la communauté des habitants
de Bussy connaît par cet acte une reconnaissance implicite. En effet, il est prévu que le
ban des vendanges ne sera publié qu’avec l’assentiment de quatre probi homines de Bussy
(Chartes du Forez, n° 1097). Associés à ce bourg, un four ainsi qu’un moulin y sont
mentionnés en 1268 (Chartes du Forez, n° 141), puis encore en 1275 (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 589). En 1270, le prieur de Bussy rend à nouveau hommage au
comte pour des maisons sises infra castrum Buyssi (Chartes du Forez, n° 509). Dès 1290, la
villa de Bussy apparaît dans les textes (Chartes du Forez, n° 300). Sans doute faut-il voir
dans cette dernière l’extension de vaste surface qui entoure le castrum originel et
s’apparente à un bourg. Situé au bord de la branche occidentale du « chemin de France »,
l’extension du castrum de Bussy, appelée villa, vient s’agglomérer auprès de ce chemin qui
la traverse de part en part. Le terrier de Bussy de 1400 indique d’ailleurs une
plathea sita in villa de Bussi juxta iter Franciscum (ADL, B 2016).
5
Il faut d’ailleurs lier à la présence de cette route l’existence, au moins depuis le début du
XVe siècle, d’un hôpital à Bussy (Fournial, 1967, p. 139). Le même terrier de 1400 nous
apprend aussi que la ville est fermée par le murum vinteni qui est encore mentionné en
1437 (ADL, B 2209). Bussy semble avoir eu une importance locale à l’échelle des paroisses
environnantes, manifestée par l’existence d’un marché dès les années 1380 (Fournial,
1967, p. 158, 173) et par l’extension du village originel vers la route. Autre élément de
développement économique non négligeable, des mines de plomb sont exploitées à Bussy
à partir de 1390 (Fournial, 1967, p. 434).
174
La représentation de l’Armorial
6
La vignette de l’Armorial représente le château et le village de Bussy vus depuis l’ouest ;
elle offre une séparation très nette entre le castrum et la « ville » (fig. 71). Le castrum est
positionné au centre du dessin. Il se présente sous la forme d’une enceinte semi-circulaire
sur ses cotés sud et est mais formant deux pans rectilignes et perpendiculaires à l’ouest et
au nord. Cet ensemble est entouré d’un fossé, doublé d’un puissant rempart de terre, et
paraît posé sur un gros tertre tronconique. L’enceinte castrale est cantonnée de trois
tours et de deux échiffes posées en encorbellement sur le chemin de ronde, qui est très
visible sur la moitié sud-est de l’enceinte. La tour située au nord, la plus haute des trois, et
celle de l’angle sud ont un plan circulaire, tandis que la tour portière est carrée. Seule la
tour de l’angle sud est crénelée, celle du nord et celle de l’est étant surmontées de
mâchicoulis et de hourds. La tour occidentale, qui fait face au dessinateur, est une tourporte dotée de mâchicoulis. À l’examen de la vignette, elle constitue le seul accès au
castrum. Un pont en bois protégé par des palissades permet de traverser le fossé face à la
porte. À l’intérieur de l’enceinte du castrum, aucun château ou demeure de prestige n’est
visible. Tout l’espace clos par cette enceinte est occupé par l’église Saint-Martin, dite en
1046 intra catrum Buseti, et un semis serré d’une trentaine de maisons. Le terme de castrum
semble donc s’appliquer à l’enceinte qui clôt le bourg castral et non à un véritable
château stricto sensu. L’église Saint-Martin se présente sous la forme d’un petit et très
simple édifice, manifestement à nef unique, avec une façade surmontée d’un clocher-mur
et percée de deux baies. Le porche d’accès, couvert d’un arc en plein cintre, est surmonté
d’un oculus. Une distorsion du dessin permet de représenter à la fois le porche de l’église à
l’ouest et le mur gouttereau nord qui compte une ou deux travées et amorce un retour
semi-circulaire vers l’est. Les maisons qui occupent l’espace enclos sont toutes du même
style, très stéréotypées : constructions à un étage, couvertes d’un toit de tuiles à deux
pentes, présentant une fenêtre à meneau sur chaque pignon et deux ouvertures carrées
sur les gouttereaux. Elles sont toutes surmontées d’une cheminée à mitre.
175
Fig. 71 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 443) : le chatiau et ville
de Bussy La Poile.
7
Une grande enceinte entoure le pied du castrum et sans doute doit-on y voir les
fortifications de la villa mentionnées par les textes à la fin du Moyen Âge. Elle est flanquée
de plus de dix-huit tours rondes crénelées, toutes similaires, et percée de deux portes
cantonnées de tours semi-circulaires et surmontées de bretèches. L’une est sur la face
nord-ouest et l’autre sur la face sud-est : elles livrent passage au « Grand chemin de
France », le long duquel est venue s’établir la « ville ». Le ruisseau d’Argent qui passe au
pied du castrum est aussi représenté, même dans sa traversée de l’enceinte de la ville.
L’espace intérieur de celle-ci est très inégalement occupé. Globalement peu dense, le bâti
se resserre toutefois autour du chemin de France dans la partie ouest de l’enceinte. C’est
le seul secteur où les maisons sont aussi serrées que dans le castrum. Sans nul doute,
l’essor commercial lié à la route est à l’origine de ce regroupement.
8
Tout comme dans le castrum, les maisons de la ville apparaissent largement stéréotypées.
Seules quatre d’entre elles présentent de larges ouvertures en arc en anse de panier qui
pourrait correspondre à des ouvroirs, ce qui ne serait pas surprenant dans la partie
commerçante du bourg. Enfin, extra muros, on peut noter la présence au nord, le long de la
route, d’un petit faubourg aggloméré autour de l’église priorale Sainte-Marie. De plan très
simple, ce petit édifice de culte compte trois travées butant sur une abside semi
circulaire. Un clocher élevé et percé de doubles baies romanes sur chaque face se dresse
entre la première et la deuxième travée. Une petite corniche souligne l’appui des baies et
la partie sommitale de la tour campanaire pourrait avoir été garnie de créneaux. Un petit
toit plat surmonté d’une croix coiffe le tout. Cinq baies, séparées par des contreforts et
fermées par des vitraux, éclairent la nef et l’abside.
176
Les données archéologiques et le parcellaire
9
À défaut de vestiges, le recours au plan cadastral du XIXe siècle est impératif pour saisir
l’organisation du site au Moyen Âge. Ainsi, le plan du castrum, centré sur l’église SaintMartin, dont l’emplacement paraît inchangé bien qu’elle ait été rebâtie au XIXe siècle, est
très lisible dans le parcellaire napoléonien et correspond dans ses principaux traits à la
représentation qui en est faite dans l’Armorial (fig. 72, 73). Globalement ovalaire,
l’enceinte présente toutefois deux faces plus rectilignes à l’ouest et au nord ainsi que
représenté sur la vignette. Le parcellaire figure aussi les flancs du tertre qui portait le
château ainsi que le fossé, occupé depuis le XIXe siècle (au moins) par une rue. L’accès au
castrum se fait par une seule porte, comme sur la vignette de l’Armorial.
Fig. 72 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
177
Nota bene : les innombrables tours visibles sur l’Armorial ne peuvent être localisées, si
tant est qu’elles aient toutes existé...
Fig. 73 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
10
L’interprétation du parcellaire de la « ville », à la différence de celui du castrum, est bien
moins évidente. Sans doute faut-il y voir le résultat de la faible densité d’occupation
constatée sur la vignette de l’Armorial. Le tracé dans le parcellaire de l’enceinte du
vintain – la dernière enceinte, mentionnée au XVe siècle et représentée pentagonale sur
la vignette de l’Armorial – est assez net sur ses côtés nord, est et sud ; le flanc ouest
demeurant plus difficile à positionner. Malgré ces difficultés, cette enceinte se présente
globalement comme sur la vignette de l’Armorial qui en fournit un plan assez fidèle. Les
deux portes permettant l’accès à la ville sont facilement positionnables sur le plan
cadastral, à l’intersection du « Grand chemin de France » et du vintain. À l’intérieur de
celle-ci, le bâti s’organise autour de quatre rues. L’une, la principale est le « Grand chemin
de France », qui traverse le ruisseau d’Argent dans la ville comme sur la représentation de
l’Armorial. De celle-ci, part une rue perpendiculaire qui rejoint la porte du castrum et
deux rues parallèles au vintain.
11
Enfin, l’église Sainte-Marie, extra muros au Moyen Âge, est aujourd’hui la chapelle du
cimetière de Bussy. Cet édifice a été très remanié ; toutefois, les quelques éléments
médiévaux encore visibles montrent une très nette distorsion entre la représentation de
l’Armorial et ce que l’on peut restituer du plan et de l’architecture de cet édifice pour le
Moyen Âge. Se pose notamment la question de l’orientation de l’édifice et de l’existence
du haut clocher figurant sur la vignette.
12
L’Armorial de Guillaume Revel offre des informations essentielles sur le site de Bussy
aujourd’hui vierge de toutes traces du rempart castral et urbain. La topographie reste
178
l’élément actuel le plus évocateur et nombre de structures bâties (les enceintes et les
maisons) et d’espaces (la surface plane séparant les deux enceintes) ainsi que le réseau
viaire ou hydraulique s’éclairent grâce aux détails visibles sur la vignette. Le castrum luimême est bien représenté, sans château à proprement parler mais constitué d’une grande
enceinte enserrant l’église paroissiale Saint-Martin et l’habitat villageois. Seuls subsistent
d’un éventuel château primitif des indices topographiques ainsi que quelques fragments
de murs, qui laissent des traces dans le parcellaire et des vestiges épars sur le terrain. Le
tracé du vintain qui entoure la ville semble assez fidèlement représenté dans la vignette
médiévale comme en témoigne le parcellaire ancien et actuel. Le détail de l’architecture
de l’édifice de culte conservé pose toutefois problème, mais cette difficulté existe par
ailleurs dans d’autres vignettes de l’Armorial.
Page 443
LE CHATIAU ET VILLE DE BUSSY LA POILLE
Étude héraldique
798.
fascé de gueules et de sinople, au lion d’argent, armé et lampassé d’azur brochant sur le tout –
cimier : une tête et col de lévrier, au collier duquel pend une croisette pattée d’argent.
Il s’agissait peut-être de Humbert de La Bessée, écuyer, fils de Véran (?) de La Bessée.
Comme son père, il fut échevin de Villefranche, en Beaujolais. Il était seigneur de
Ronins et Branceloup. Cette famille portait depuis 1352 : fascé d’argent et de gueules,
au lion d’argent brochant sur le tout.
• De La Tour-Varan, 1854, p. 200-201 ; Gras, 1874, p. 33.
799. Denis du Chier crie Le Chier
écartelé : aux 1 et 4, de gueules à la bande d’argent chargée de deux mouchetures d’hermine
de sable posées dans le sens de la bande ; aux 2 et 3, palé de gueules et d’or, au chef d’azur
chargé de trois besants d’argent – cimier : une tête et col de lion.
Personnage non identifié d’une famille ambertoise ; il était sans doute un proche
parent, père ou frère, d’Antoine du Chier qui, en 1450, épousa Marie de Lavieu.
• Archives du château de Saint-Sandoux (déposées actuellement aux Archives
départementales du Puy-de-Dôme) ; Remacle, 1941-1943, t. I, col. 502.
800. Anthoine de Surgny crie Sugny
d’azur à la croix engrêlée d’or – cimier : un tortil d’azur et d’argent, posé sur sa tranche, dans
un vol.
Antoine de Sugny (mort en 1459), damoiseau, fils d’Aubert, dit Berthon de Sugny, et
de sa seconde femme, Artaude de Grandval, dame de La Barin. Il épousa Isabelle de
Montaigut (-le-Champaix). Il était seigneur de Sugny, La Gentilière, La Salle, La Barin,
et possédait un hôtel à Saint-Just-en-Chevalet. À la mort de sa femme, en 1449, il prit
l’habit des Frères mineurs de Montbrison. Dans le Philocarité, le cimier est un lion
issant dans un vol.
• Philocarité, 21.
• Bétencourt, 1867, t. IV, p. 115 ; Gras, 1874, p. 242 ; Perroy, 1977, t. II, p. 834-836.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
179
NOTES
1. Cette somme ne sera finalement payée qu’en 1327 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n°
1836).
180
Souternon
Chantal Delomier
444. Le chatiau de Sautrenon
Département : Loire ; canton : Saint-Germain-Laval ;
commune : Souternon
L’apport des sources écrites
1
L’obéance de Souternon apparaît dans le traité de 1173, comme limite orientale des biens
d’outre-Loire échangés par l’Église de Lyon avec le comte de Forez, lorsque l’archevêque
cède au comte tout ce qu’il possède au-delà de la Loire (ne se réservant que les rentes de
Saint-Jean-la-Vestre) :
... dominus archiepiscopus et Ecclesia concesserunt comiti quicquid ipsi vel alius nomine
eorum trans Ligerim possidebant, silicet obedientiam de Nerviaco et de Salternone … usque
Amionnem et usque Ulferiacum (Chartes du Forez, n° 4, p. 2).
2
L’échange ne touche ni les églises, ni les chapellenies qui restent à l’archevêque, et lors de
la compilation du pouillé de 1225, l’église paroissiale est à la nomination de Garin,
sénéchal du réfectoire du chapitre de Lyon, comme celles de Nervieux, Cezay, Ailleux et
Saint-Martin-la-Sauveté (Charte du Forez, n° 901, p 18). À la fin du XIIIe siècle, ce lieu de
culte reçoit évidemment des legs testamentaires dont celui d’Alice, veuve du chevalier
Pons de Pierrelatte (Chartes du Forez, n° 720). Un peu plus tard, en 1310, un autre
testament mentionne à Souternon deux églises sous les vocables de Saint-Jean et de SaintÉtienne (ADL, B 1851, f° 22 v°). Plus précisément, le vocable de l’église paroissiale est
Saint-Jean-Baptiste, comme l’indique un autre testament du XIVe siècle (ADL, 1858, f° 102
v°). Quant au vocable Saint-Étienne, il s’attacherait plutôt à une chapelle, comme semble
l’attester un article d’un terrier du milieu du XVe siècle1. On note encore la mention d’un
hôpital à Souternon à la fin du XIVe siècle2.
3
Le château de Souternon est probablement érigé, comme le château voisin de Grézolles,
vers le milieu du XIIIe siècle avec l’aide du comte de Forez dans le cadre de
l’aménagement des défenses septentrionales du Forez (De Boos, 1998). Selon Salomon, les
181
Savigny en auraient été seigneurs au XIIIe siècle, avant qu’il ne passe à Girin d’Amplepuis,
sénéchal de Beaucaire, l’un des exécuteurs testamentaires du comte Guy VI en 1278
(Salomon 1916-1926). Pourtant, le comte de Forez conservait la seigneurie de la paroisse,
au moins la haute justice sur l’ensemble et la moitié du château. Souternon était donc un
domaine comtal, concédé en fief à un fidèle, à charge pour lui d’y établir un château
destiné à surveiller non seulement les limites du Roannais, mais aussi Saint-GermainLaval, et dont Guy V avait dû se défaire, très à regret, pour désintéresser ses cousins
Baffie, en 12443. Girin d’Amplepuis laissa un fils, Étienne dit Glairon, qui mourut sans
postérité, et deux filles, Princesse et Alix. Souternon revint à Princesse, qui s’allia dans la
maison d’Achon d’Espeleu ; elle eut une fille, Sybille, et un fils, Raymon d’Achon. En 1311,
celui-ci était chanoine de Comminges lorsque le comte Jean Ier lui délaissa la moitié du
château de Souternon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1313), dont en 1337,
devenu évêque d’Auvergne, il renouvela l’hommage au comte Guy VII. À sa mort,
Souternon revint à son cousin Jean Foudras, fils de sa tante Alix d’Amplepuis et de
Perronin Foudras, chevalier originaire du Beaujolais. Jean Foudras mourut en 1362, captif
en Angleterre après la bataille de Poitiers, laissant sa femme Jeanne Boissonne
d’Augerolles tutrice de ses enfants mineurs. Peu après, celle-ci se remaria avec Jean Des
Combes, damoiseau de fraîche date, qui s’intitula seigneur de Souternon ; mais la
seigneurie revint à Antoine Foudras, également seigneur de Courcenay et de Contenson,
qui épousa en 1379 Jeanne de Varey, puis à leur fils Guichard, dit de Rochefort (De Boos,
1998). Mais Souternon était aussi un élément du patrimoine des comtes de Forez. En 1324,
lorsque le comte donne à son fils Renaud la succession de sa mère Alix de Viennois, à
l’occasion de son mariage avec Marguerite de Savoie, il en complète le revenu par deux
mille livres tournois de rente à prendre sur les châteaux et mandements de SaintGermain-Laval, Souternon, Bussy, Cleppé, Bellegarde et Le Fay (Titres de la maison ducale
de Bourbon, n° 1735). Cinq ans plus tard, Renaud de Forez prête hommage au comte pour
ces châteaux, en y ajoutant Rochebloine en Vivarais (ADL, B 2001). Après la mort du
comte Jean, une transaction entre le nouveau comte, Guy, et Renaud, son frère, règle en
1337 l’exécution du testament de leur père : les deux milles livres tournois de rente
assignées à Renaud restent effectivement assises sur les châteaux de Rochebloine,
Malleval, Le Fay, Bellegarde, Cleppé, Bussy, Souternon et sur la maison de La Voûte, mais
des restrictions touchent alors le château de Saint-Germain-Laval (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 2148). Pour renforcer leurs droits à Souternon, les comtes de Forez
achètent les droits du lignage de Crussol sur le lieu, à la suite de plusieurs transactions
dans les années 1343-1344 (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 2353, 2359, 2360).
Un siècle plus tard, en 1437, le duc de Bourbon, comte de Forez, remet à Paillart, seigneur
d’Urfé, sa terre et seigneurie de Bussy et la moitié de celle de Souternon, sous réserve de
foi et d’hommage contre des fonds et des droits en Bourbonnais, une quittance de sept
cents livres tournois et une promesse de restitution si Paillart mourait sans descendance
mâle. Finalement, cette proposition s’avérant fort désavantageuse pour le duc, elle se
solde par son annulation en 1438 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 5553) et en
1444, la veuve de Paillart, Isabelle de Blot, renonce définitivement à l’échange en son nom
et au nom de ses enfants (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 5732).
4
Souternon constituait un des maillons de la défense du Forez et les comtes semblent avoir
veillé à son bon fonctionnement ; ainsi, le duc Louis II y nomme un capitaine-châtelain en
1390, Guillaume Rajace. En 1440, au moment de la Praguerie, le duc Charles I er et le
dauphin Louis y placent des troupes qui ne sont pas utilisées et sont désarmées après la
paix de Cusset le 15 juillet 1440. Après avoir appartenu aux Urfé au XVIe siècle, Souternon
182
passe au siècle suivant au de La Chaize puis au XVIIIe siècle aux Sugny (De Boos, 1998 ;
archives privées Sugny).
5
Pour approcher au travers des sources écrites la topographie du bâti médiéval, il ne
subsiste qu’un terrier daté de 1447 (très proche chronologiquement donc de l’Armorial)
où les biens reconnus donnent quelques indications sur la répartition de l’habitat et leur
position intra ou extra muros. Ainsi lorsqu’un damoiseau, Pierre de Charbonnières,
reconnaît tenir une maison dans le castrum près du mur du vintain à l’ouest, de la
chapelle Saint-Étienne et de la tour au nord, on peut replacer son bien à l’extrémité nordouest de la parcelle 109. Le confront du mur du vintain à l’ouest ne pose aucun problème
de report sur la vignette et les plans cadastraux et la présence d’une tour au nord peut
être également confirmée par le dessin. Un autre bien est reconnu à proximité de la route
allant du cimetière ancien au four du lieu ; puis, un tenancier dit avoir une maison près
du chemin public et juxta secundam portam dicti castri, enfin, une rue est signalée, allant du
château à l’église (ADL, B 2088).
La représentation de l’Armorial
6
Le château et le village sont représentés en direction du sud-est, depuis un point
probablement situé près de la route menant à Saint-Polgues (fig. 74). Le dessinateur a
légèrement déplacé l’église vers la droite : même en tenant compte du fait que les
bâtiments du château n’avaient pas le même aspect qu’aujourd’hui, sa masse ne
permettait pas, depuis le point choisi, de distinguer aussi nettement ce sanctuaire (De
Boos, 1998). Le dessin apparaît très simple et marqué par trois ensembles majeurs
rapidement identifiables : un espace enclos, une église et un habitat extra muros.
Fig. 74 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 444) : le chatiau de
Sautrenon.
183
7
Au centre de l’image, s’élève, protégée par de très larges fossés, une haute enceinte
ovoïde. La base de celle-ci repose sur un plan incliné, que l’on peut, peut-être, interpréter
comme le glacis maçonné de l’escarpe. La morphologie de la tour portière qui s’implante
profondément dans cette structure appuierait cette hypothèse. La contre-escarpe du
fossé est sommée d’un mur bas jouant le rôle de braie. La hauteur du crénelage de
l’enceinte varie sur son tracé ; la partie étroite et haute comportant quatre créneaux, sur
le flanc ouest de l’enceinte, pourrait correspondre à la tour indiquée en confront nord de
la maison appartenant au damoiseau de Charbonnières et mentionnée ci-dessus. Une
échiffe flanque aussi l’enceinte à son angle sud-est. Le rempart semble s’ouvrir par une
porte unique qui s’inscrit dans une haute tour quadrangulaire surmontée de hourds
couverts d’un toit portant deux étendards aux armes des ducs de Bourbon. Une bretèche
défend en outre la porte, immédiatement au-dessous des hourds. Un pont à tablier
mobile, protégé d’une palissade le long de sa partie fixe, permettait de franchir le fossé. À
l’intérieur de l’enceinte se distinguent quelques maisons dont une dotée d’une tour
ronde, peut-être un escalier en vis. La présence de deux ouvertures de faibles dimensions
à proximité de la porte, de deux baies à traverse et de deux latrines, en encorbellement,
au sud-est, indiquent l’existence de bâtiments construits en appui contre la courtine. Un
très haut donjon carré émerge de l’enceinte. Il possède deux niveaux, percés de fenêtres à
meneaux sur la façade principale et d’ouvertures à simple traverse sur le côté occidental.
Cette tour maîtresse est sommée d’un hourd et couvert d’une toiture à quatre pans.
8
Hors les murs, autour d’un carrefour et le long d’un chemin, se développe un village d’une
douzaine de maisons dont la représentation correspond tout à fait au stéréotype des
maisons de l’Armorial. Un peu à l’écart du village se dresse l’église Saint-Jean-Baptiste. Il
s’agit d’un petit édifice comportant une nef à deux travées, une abside semi-circulaire et
un clocher-peigne à deux baies en façade. Les baies latérales du chœur et du clocher
paraissent romanes. La maison qui jouxte cette église au nord pourrait être le presbytère.
Les voies de communication sont particulièrement bien traitées ; elles sont soulignées par
un double trait de plume, dont le remplissage sépia foncé marque probablement
l’emplacement d’une haie tressée bordant les chemins. Ces axes sont d’ailleurs
superposables au cadastre ancien et au terrier du milieu du XVe siècle.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
9
Le tracé de l’enceinte du castrum de Souternon est aisément identifiable grâce au
parcellaire napoléonien, où elle prend un aspect sub-circulaire, et grâce aux vestiges en
élévation (fig. 75, 76). En effet, celle-ci est assez bien conservée, sauf sur sa face ouest où
elle a été démolie pour faire place à un long bâtiment de communs, perpendiculaire à
l’église. Une tour de flanquement existe encore au sud. Le carrefour placé en avant de la
porte sur la vignette se retrouve à l’identique sur le cadastre du XIXe siècle et sur le
cadastre actuel : c’est le point de convergence vers la D26 de différents chemins ruraux
venant de l’ouest, du nord et du sud. Il permet de localiser avec exactitude l’entrée
principale du site au Moyen Âge. La tour-porte figurant sur l’Armorial a été démolie mais
sa base est conservée et sert aujourd’hui de terrasse en avancée vers le bourg ; l’entrée
elle-même se fait désormais sur la façade sud par un portail datant du XIXe siècle (fig. 77
). Le fossé est encore visible sur tout le contour de la plate-forme sauf au nord, à
l’emplacement de la porte et à l’ouest, du côté de l’église, où l’espace se resserre jusqu’à
devenir plus étroit qu’il n’y paraît sur le dessin de l’Armorial (fig. 79, 80, 81). Au sud, un
184
très fort glacis conforte le mur de clôture. Il ceinturait probablement la totalité de
l’enceinte mais disparaît sous les remblais et la végétation.
Fig. 75 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 76 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
185
Fig. 77 - Le châtelet d’entrée actuel au sud.
Fig. 78 - Le donjon, face sud.
186
Fig. 79 - Le talutage de l’enceinte sud.
Fig. 80 - Tour de flanquement sur l’enceinte sud, talutage et fossé.
187
Fig. 81 - Tour de flanquement et emprise du fossé sur l’enceinte sud.
10
La restructuration du bâti à l’intérieur du castrum a épargné deux éléments médiévaux : le
donjon et une partie du corps de logis sud adossé au rempart. Le donjon quadrangulaire,
élément central de l’ensemble castral, est actuellement englobé dans le corps de logis
central, dont il occupe le quart sud-ouest (fig. 78). Son enveloppe extérieure est
intégralement conservée et les niveaux et les ouvertures correspondent
approximativement au dessin de l’Armorial. Les fenêtres à meneaux et traverses ont,
toutefois, été remplacées en 1850, par d’autres baies d’un modèle identique. Cependant,
pour ce détail, la vue de l’Armorial pourrait être fausse : le dessinateur aurait, semble-t-il,
retourné les faces du donjon afin d’en présenter les ouvertures principales dans l’axe de
l’entrée. En effet, à l’intérieur du donjon, sur le flanc oriental les fenêtres à simples
traverses existent toujours, bouchées et servant de placards ou utilisées comme portes
d’accès au corps de logis appliqué contre lui. Le donjon, divisé en quatre niveaux
desservis par un vaste escalier du XIXe siècle, a conservé une ouverture ancienne en plein
cintre sur sa face ouest, au rez-de-chaussée, marquant l’entrée basse de cette
construction. Cette ouverture s’implante directement sur le rocher qui affleure à cet
endroit. La parcelle placée à droite de l’entrée actuelle contient assez d’éléments
convergents pour y replacer une vaste cuisine au bas Moyen Âge. Une grande cheminée,
sans caractère décoratif (ni mouluration, ni blason central) mais contenant trois fours, est
appliquée contre le refend nord-sud de l’édifice ; un puits et un évier sous fenêtre
(remaniée) ouvrant au nord complètent ce dispositif à caractère culinaire. La partie
supérieure du bâtiment, entièrement reconstruite, ne livre aucune information
supplémentaire.
11
L’église Saint-Jean-Baptiste conserve des éléments médiévaux ; elle a toutefois été
agrandie, au XVIIIe et au XIXe siècle, par le prolongement de la nef, la construction d’un
188
nouveau clocher et de bas-côtés. La chapelle Saint-Étienne et l’hôpital attestés tous deux
au XIVe siècle ont totalement disparu.
12
À Souternon, un château est venu s’implanter, peut-être au XIIIe siècle, à proximité d’une
ou sans doute plutôt deux églises d’origine altimédiévale, Saint-Jean-Baptiste et SaintÉtienne. Les vestiges conservés ainsi que l’analyse du plan parcellaire du XIXe siècle
permettent d’affirmer la fiabilité générale de la représentation de l’Armorial.
Page 444
LE CHATIAU DE SAUTERNON
Étude héraldique
801. Guichard de Rochefort
de gueules à la fasce de sable, au chef d’argent.
Guichard Poudras, dit de Rochefort (mort après 1452), fils d’Antoine Poudras,
seigneur de Courcenay, et de Jeanne de Varey. Il épousa en 1424 Lionette de Salamar,
fille de Guillaume de Salamar, seigneur du Ressis, et d’Antoinette de Varennes. Il
était seigneur de Courcenay et de Souternon. Dans le Philocarité, ces armes sont
blasonnées d’azur à troys barres d’argent ; le terme « barres » signifiant ici fasces. À
l’époque moderne, les armes de Poudras étaient décrites fascé d’argent et d’azur.
Celles que portaient ici Guichard étaient, ou bien une version ancienne, ou une
brisure des armes de la branche aînée de sa famille demeurée en Beaujolais.
• Philocarité, 32.
• Gras, 1874, p. 115 ; Salomon, 1916, 1922, 1926, t. II, p. 371-373 ; Perroy, 1977, t. II,
p. 805-806.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Cf., infra, ADL, B 2088.
2. Mention de l’Ospitale de Sotreneon en 1390 (ADL, Inventaire sommaire de la série B, t. II, p. 186).
3. Voir, supra p. 109 et suivantes, la notice consacrée à Saint-Germain-Laval, p. 440 de l’Armorial.
189
Cleppé
Franck Brechon et Chantal Delomier
445. Le chatiau de Clappier
Département : Loire ; canton : Boen ; commune :
Cleppé
L’apport des sources écrites
1
Si Cleppé n’est attesté dans la documentation qu’à partir de 971 (Masures de l’abbaye
royale de l’Isle-Barbe, t. I, p. 65), le toponyme en -acum, tout comme les très nombreux
vestiges antiques découverts, témoigne d’une occupation dense dès le début de notre ère
(Lavendhomme, 1997, p. 86-88). L’église Saint-Martin, seulement attestée en 1225 (Chartes
du Forez, n° 901), mais dont le vocable laisse penser qu’elle peut être une fondation du
très haut Moyen Âge1, se trouve donc implantée au cœur d’un terroir fortement mis en
valeur dès les premiers siècles de notre ère. Elle possède d’ailleurs des droits paroissiaux
et un cimetière lui est associé ; il est attesté en 1379 (ADL, B 1871, f° 77 v°). L’importance
au moins relative de Cleppé à la fin du haut Moyen Âge est confirmée par la présence d’un
viguier comtal, attesté vers 1096, lorsque Guillaume de Forez institue une rente pour
l’hôpital de Montbrison, à payer par différents viguiers, dont celui de Cleppé (Chartes du
Forez, n° 1286).
2
Il faut attendre 1167 pour que le château apparaisse très explicitement dans la
documentation. Le roi Louis VII concède alors au comte de Forez les regalia sur divers
châteaux dont le castellum de Claypiaco (Chartes du Forez, n° 1563). Le château de Cleppé
est encore attesté en 1192, lorsque le comte promet de s’y constituer otage dans le
règlement d’une créance l’opposant à Guichard IV de Beaujeu (Chartes du Forez, n° 1567).
Jusqu’à la fin du Moyen Âge, le château de Cleppé demeure entre les mains des comtes de
Forez ; il n’est jamais inféodé, ni aliéné durablement. Il devient même une pièce maîtresse
parmi les fortifications comtales, les comtes y résidant fréquemment et attachant une
grande importance à sa possession. Par exemple, le comte Guy VI le concède par
testament à son épouse en 1275, mais il précise bien que le château fera retour au décès
190
de celle-ci dans le patrimoine comtal, et qu’elle en doit l’hommage à ses héritiers (Chartes
du Forez, n° 180). Quelques années après, en 1290, le castrum de Claypiaco est au centre de
l’augment de dot d’Isabelle de Forez, fille de Guy VI. Toutefois, afin de préserver la
possession de ce château et de ne pas le voir quitter le domaine comtal définitivement, il
est convenu que cet augment sera rendu à son frère si elle ou ses héritiers meurent sans
descendance. Il est aussi stipulé que si Cleppé sort pour une raison ou une autre du
patrimoine comtal, le comte se réserve un droit de réméré de 4 000 livres viennoises, ce
qui est considérable2. Le château de Cleppé est encore au centre des conventions
matrimoniales conclues en 1324 lors du mariage de Renaud de Forez et de Marguerite de
Savoie (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1735 ; ADL, B 1842). Résidence fréquente
des comtes depuis Jean Ier (Fournial, 1967, p. 363), Cleppé devient aussi la résidence
privilégiée d’Anne Dauphine au tournant des XIVe et XV e siècles (Broutin 1883, t. I,
p. 81-87) ; elle y meurt même le mardi 21 septembre 1417, comme l’atteste le compte des
dépenses de son hôtel :
Madame, dont Dieu ait l’ame, ala de vie à trepassement, a Cleppe (…) y estoit mademoiselle
de Bourbon et tout leur commun en leur compagnie (De Fréminville, 1905, t. 3, p. 33-34 ;
ADL, B 1948 et B 1949).
3
Cependant, les droits châtelains des comtes sont contestés par l’abbaye de l’Île-Barbe, au
nom de son prieuré de Saint-Bonnet sis dans le castrum. Ce conflit récurrent fait l’objet
d’une première tentative d’apaisement en 1248 par une transaction qui règle le partage
de ces droits entre les deux parties (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 293).
Pourtant le litige ressurgit deux ans plus tard (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 350) et encore de nombreuses fois jusqu’en 1478 (Titres de la maison ducale de Bourbon,
nos 6680 et 6681), comme en 1300 par exemple (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1032). Possession comtale, Cleppé devient aussi centre administratif et judiciaire, avec la
mise en place d’un châtelain, qui devient capitaine en 1386 (Fournial, 1967, p. 340), d’un
juge comtal (Fournial, 1967, p. 311) et d’un prévôt (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 3541). En 1167, il n’est encore question que du castellum de Cleppé, ce qui laisse penser,
sauf à considérer un abus de langage surprenant pour cette période où la précision
lexicologique est souvent de mise en la matière, que le château de Cleppé n’a pas encore
attiré d’habitat et qu’il ne s’agit donc alors encore que de la fortification seigneuriale à
proprement parler. Ce n’est que par la suite que le terme de castrum l’emporte, lorsqu’en
1202, des habitants sont signalés dans le castrum de Clepe (Chartes du Forez, n° 1575). Le
village castral connaît un développement modeste, n’accédant jamais au niveau d’autres
bourgs régionaux bien implantés comme Saint-Marcellin ou encore Saint-Bonnet-leChâteau. Tout au plus, une petite activité de traitement du chanvre s’y développe-t-elle
(Fournial, 1967, p. 412). La proximité immédiate de Feurs n’a pas permis un réel
développement urbain de ce castrum. Pourtant des marchés sont indirectement attestés à
Cleppé par la mention de la leyde qui y est perçue au XVe siècle (en 1421 : ADL, B 2008 ; en
1461 : Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 6163). La situation du mandement de
Cleppé, implanté sur le réseau routier, mais aussi en bordure de la Loire, justifie la
perception d’un péage attesté à partir de 1248 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 293). Parallèlement, un port, le portus Claypiaci, mentionné à plusieurs reprises à partir
de 1275 (Chartes du Forez, n° 180), permet de traverser la Loire. La ferme des revenus
muables de 1418 récapitule d’ailleurs l’ensemble de ces droits, leyde, péage et port, qui
sont alors concédés à Jean Million (ADL, B 1914).
4
Si l’église Saint-Martin est située hors des murs du castrum, comme nous l’avons déjà
expliqué, il n’en est pas de même pour l’église Saint-Bonnet et le prieuré qui lui est
191
associé. La question des origines de cette église, dont la possession est confirmée en 971 à
l’abbaye lyonnaise de l’Île-Barbe (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. I, p. 65) 3, et
de son prieuré mérite d’être posée. Même s’il n’en subsiste rien à l’heure actuelle, sa
situation au cœur même du castrum ne fait aucun doute. En effet, la documentation
mentionne à de très nombreuses reprises l’église Sancti Boniti infra castrum de Claypiaco
(ADL, B 1858, f° 1 v°), par opposition à Saint-Martin, qui est toujours mentionné sous la
forme Santi Martini Claypiaci. Il s’agit donc probablement d’un édifice d’origine castrale. Si
l’église Saint-Bonnet et son prieuré dépendent dès la fin du Xe siècle de l’Île-Barbe, il faut
attendre le début du XVe siècle pour apprendre que le prieuré est conventuel, puisqu’en
1414, trois moines, bénédictins, puis quatre, sont chargés de célébrer des offices en
mémoire du mari et des parents de la duchesse Anne de Bourbon (Titres de la maison
ducale de Bourbon, nos 4976 et 4991). Jamais durant le Moyen Âge cette église ne semble
avoir eu des droits paroissiaux complets, même si un cimetière lui est associé à partir de
1342 (ADL, B 1858, f° 1 v°).
La représentation de l’Armorial
5
Tel qu’il est représenté, vu depuis le sud, le site de Cleppé prend la forme d’une très
puissante place forte (fig. 82). Le château est ceint d’une muraille particulièrement haute
enserrant un espace ovoïde. Crénelée, cette enceinte est aussi cantonnée de nombreuses
tours très rapprochées, surtout à l’ouest. En effet, outre le donjon circulaire, qui est
implanté sur la muraille à l’ouest, trois tours rondes se situent à gauche de la tour
portière qui fait face au dessinateur, alors que la partie droite de l’enceinte apparaît
moins flanquée et seulement protégée par une large tour carrée. Trois autres tours
circulaires et crénelées surgissent de l’autre côté du site, seul leur sommet émergeant des
toitures. D’ouest en est (de gauche à droite sur l’illustration), les tours sont couronnées de
manières différentes. Le donjon est simplement couvert d’une terrasse, non crénelée, la
première tour de flanquement est munie de hourds, la suivante est crénelée et dépourvue
de hourds mais surmontée d’une guette, alors que la dernière est simplement crénelée.
Pour sa part, la vaste tour quadrangulaire placée à l’est de la porte est dotée de hourds.
Une échiffe est placée en encorbellement sur la courtine à l’arrière de l’enceinte (au nordest). L’extrémité ouest de l’enceinte est occupée par la tour maîtresse, haute construction
cylindrique, qui domine l’ensemble des autres constructions. Elle est dotée de quelques
ouvertures de tir et son niveau supérieur est probablement habitable, puisqu’il est éclairé
par une large baie à croisées. La seule porte visible de l’enceinte du château se situe face
au dessinateur, sur la face sud du rempart. Elle est protégée par une bretèche sur
mâchicoulis installée au sommet de la petite tour carrée dans laquelle le passage est
ménagé. Ce type de bretèche fendue d’une meurtrière bifide se retrouve à Donzy,
Fontanès, La Fouillouse, Saint-Bonnet, Marols, Châteauneuf et Champdieu. La tour-porte
est protégée par un système fortifié, composé d’une barbacane sommaire et d’un pontlevis à flèches enjambant un fossé en eau et aboutissant sur un étroit passage protégé par
des murets et disposant d’une banquette maçonnée.
192
Fig. 82 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 445) : le chatiau de
Clappier.
6
L’intérieur de l’enceinte est occupé par une église dont le clocher, carré et massif, émerge
en position centrale. Il est ouvert de deux ou trois baies, selon les faces. Quelques toitures
sont visibles dans l’espace clos, mais la hauteur des courtines interdit de préciser la forme
du bâti. Il apparaît toutefois stéréotypé et similaire à celui des autres vignettes, à
l’exception d’une imposante construction de plan rectangulaire qui se détache à l’est de
l’espace fortifié, à l’opposé du donjon. C’est la seule construction placée en appui sur la
courtine ; son toit particulièrement élevé, sa surface au sol et sa souche de cheminée
rectangulaire, très rare dans l’Armorial, permettent d’identifier à coup sûr un édifice
privilégié. Deux autres souches de cheminée du même type sont visibles en arrière-plan
dans ce secteur de la vignette sans que l’on sache à quel bâtiment les rattacher
précisément, elles indiquent quoi qu’il en soit la présence de bâtiments seigneuriaux.
7
Un petit faubourg d’une douzaine de maisons est installé au débouché du pont-levis ; il est
groupé autour d’une église cernée par un petit enclos bas, cas unique dans la partie
forézienne de l’Armorial. Modeste, cette église se présente comme une petite
construction probablement de style roman à une seule nef comptant deux travées
limitées par des contreforts. L’abside n’apparaît pas nettement en raison de la perspective
choisie par l’artiste, elle semble semi-circulaire et contrebutée par des contreforts.
Plusieurs ouvertures percent ses murs : un oculus est ménagé dans le pignon ouest, alors
que deux baies éclairent la nef et que deux portes à l’ouest et au sud permettent d’accéder
au bâtiment. Cet édifice est surmonté d’un petit clocher peigne en bâtière installé à la
limite de la nef et de l’abside. Le portail qui ouvre sur la façade ouest est précédé d’un
auvent de bois reposant sur quatre poteaux. On remarque une fois de plus le soin extrême
apporté au traitement de l’église hors les murs.
193
8
Face à l’église Saint-Martin, au-devant et à gauche de l’entrée du château, une maison
ordinaire comporte un petit appentis et un enclos. La fonction de cette construction reste
inconnue ; presbytère, recluserie ou tout autre logis particulier ayant une relation avec
l’église ? Enfin, la représentation d’un homme embarqué sur la Loire constitue avec celle
du dessin de Feurs les deux uniques représentations figurées animant les vignettes
foréziennes : ce sont deux pêcheurs jetant l’épervier sur des barques à fond plat
rigoureusement identiques. La berge de la rivière forme une gravière aisément
identifiable cernée par un couvert végétal assez dense réparti sur un terrain plat. Ce
décor soigné s’étale jusqu’à la base des murs de l’enceinte castrale, à l’est de la porte
d’entrée du castrum.
Les données archéologiques et le parcellaire
9
Malgré son importance passée, le site de Cleppé est intégralement détruit à l’exception du
donjon (fig. 85), aussi l’interprétation du parcellaire pose-t-elle de nombreuses questions
(fig. 84). Déjà en 1667,
il ne reste aucun bastiment dudict chasteau si ce n’est un bastiment du costé de vent que l’on
nous a dit servir de conciergerie et auditoire [qu’il] est tres necessaire de reparer pour en
eviter la ruine (...). Il reste de la closture dudict bourg du costé de soir environ trente thoises,
dans laquelle closture il y a trois tours et au bout d’icelle une haute tour ronde toute
découverte et en ruine (cité dans Viallard, 1992, p. 39).
10
Le château repose sur un plateau de forme grossièrement triangulaire situé à quelque
distance de la Loire qui coule à l’est, en contrebas du site (fig. 83). L’ensemble du plateau
présente un assez faible pendage d’ouest en est, ses flancs ayant manifestement été avivés
à l’ouest lors de l’établissement d’un fossé, partiellement comblé aujourd’hui mais encore
en eau en 1417 (ADL, B 1950, f° 48) (fig. 86). Il correspond au fossé représenté sur la
vignette de l’Armorial. Il ne reste presque aucun vestige des courtines visibles sur le
dessin. Tout au plus, une très faible longueur émerge-t-elle encore du sol de part et
d’autre du donjon. Il est donc impossible de confirmer par la prospection de terrain si le
nombre considérable de tours représenté sur la vignette correspond bien à la réalité. Seul
le donjon cylindrique est encore conservé en élévation et sa présence « résiduelle » offre
une vision très éloignée de la réalité médiévale. Correctement représenté et implanté sur
le dessin de l’Armorial, il s’agit d’une haute et étroite tour circulaire, dont le sommet
culmine à l’heure actuelle à une vingtaine de mètres de hauteur et qui présente un
diamètre de 7,40 m. C’est certainement « la haute tour » de 1667, qui, par son plan et sa
morphologie évoque une construction du XIIIe siècle. Par ailleurs, le grand bâtiment
visible sur la vignette à l’opposé du donjon, accolé à la courtine, peut s’apparenter à l’
hospicium comtal sur lequel des réparations sont effectuées en 1420 (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 5157), mais il n’en subsiste plus rien à l’heure actuelle, pas plus que
les prisons où des travaux sont entrepris presque en même temps (ADL, B 1971, f° 6-7). Le
prieuré Saint-Bonnet et les constructions civiles occupant l’intérieur du castrum ont
également totalement disparu. Tout au plus peut-on remarquer que le tracé parcellaire
du plateau sur lequel est implanté le château offre des disparités entre l’ouest et l’est. À
l’ouest, au pied du donjon, une vaste parcelle pentagonale semble épouser l’emplacement
d’une basse-cour, alors qu’à l’est, la zone apparaît très morcelée et pourrait témoigner de
la présence d’un lotissement encore en place peu avant la levée du cadastre napoléonien.
À l’extérieur de l’enceinte castrale, le paysage a évolué de manière différente et
aujourd’hui encore un petit muret délimite un enclos cimétérial autour de l’église
194
paroissiale Saint-Martin (fig. 87). De forme rectangulaire sur la vignette, il entoure
l’église en laissant peu d’espace libre et s’interrompt devant le porche protégé par un
édicule en bois reposant sur des poteaux et couvert d’un petit toit de tuiles. Le cadastre
napoléonien montre que le tracé rectiligne de la clôture enserre encore l’église à
proximité de la paroi nord et de l’abside. Si le segment méridional apparaît plus
accidenté, il semble cependant pérennisé à cette époque, contrairement au muret
occidental qui paraît absorbé par l’agrandissement de l’église. On le voit, la comparaison
avec les vestiges existants prend un sens et permet d’offrir quelques précisions. À
l’extérieur, l’examen attentif des murs gouttereaux nord et sud permet de voir une nette
rupture entre la deuxième et la troisième travée qui prouve l’ajout postérieur d’une
dernière travée occidentale. Ce coup de sabre s’avère particulièrement lisible sur la paroi
sud où l’arrachement du mur gouttereau reste apparent dans sa partie supérieure ; la
mise en place du contrefort s’avérait alors indispensable pour contenir le dévers de la
paroi tronquée. Le porche est placé dans un pignon chantourné composé, dans sa partie
haute, de petits blocs de granit taillés et réemployés pour certains. La morphologie de ces
ensembles permet de dater cette extension occidentale de la fin du XVIIe siècle ou du
début du XVIIIe siècle. En revanche, les deux premières travées de l’édifice relèvent
incontestablement de la fin du haut Moyen Âge. Les parois extérieures des murs
gouttereaux conservent en effet les vestiges des piédroits de quatre baies étroites placées
bien au-dessus des ouvertures actuelles (fig. 88). Ces petites ouvertures hautes, très
ébrasées à l’intérieur, coiffées de linteaux échancrés monolithes, apparaissent
fréquemment dans les premières constructions romanes du XIe siècle. Des baies de ce
type subsistent encore dans l’ancienne église paroissiale Saint-Julien de Pommiers-enForez (aujourd’hui désacralisée), dans la petite chapelle de Saint-Sulpice (Sainte-FoySaint-Sulpice), dans la façade sud du prieuré de Pouilly-les-Feurs et dans bien d’autres
lieux encore. Ces baies qui n’offraient qu’un éclairage médiocre n’apparaissent déjà plus
dans le dessin de l’Armorial. D’autres transformations ont modifié définitivement le profil
de l’édifice médiéval. Les murs gouttereaux ont été écrêtés lors de l’extension de l’église
comme le prouvent la disparition des parties hautes des baies primitives ainsi que le
maintien des ressauts placés à la base de la face occidentale du clocher. Cette paroi n’est
autre que l’ancien clocher-mur (dessiné dans la vignette de l’Armorial) érigé au-dessus du
chœur et englobé dans le beffroi actuel. L’agrandissement de l’église s’est accompagné, en
outre, d’un décaissement spectaculaire du sol qui a fait apparaître les fondations de
l’église sur son flanc méridional à la hauteur de la deuxième travée. Enfin, la couverture
de la nef semblait au XVe siècle composée de bardeaux et non pas de tuiles creuses comme
aujourd’hui.
195
Fig. 83 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 84 - Extrait du plan cadastral du début du XIXe siècle.
196
Fig. 85 - La tour maîtresse circulaire.
Fig. 86 - Vestiges des fossés de la plate-forme castrale.
197
Fig. 87 - Vue d’ensemble de l’église Saint-Martin.
Fig. 88 - Vue des baies romanes bouchées de l’église.
11
Du site de Cleppé, élément majeur du patrimoine des comtes de Forez aux XIII e et XIV e
siècles, ce qui explique sans doute l’évident surdimensionnement du castrum, il ne reste
aujourd’hui quasiment aucun élément bâti, exception faite de la tour maîtresse
cylindrique et de l’église Saint-Martin. Toutefois, la topographie d’ensemble du site, qui
198
correspond bien au rendu de la vignette, ainsi que quelques détails architecturaux
conservés permettent d’établir la grande fidélité de l’Armorial pour Cleppé et rendent
légitime l’utilisation de celui-ci pour restituer un site dont seule l’archéologie peut
désormais nous dire plus.
Page 445 LE CHATIAU DE CLAPPIER
Étude héraldique
802. Jehan de Bonver crie
coupé de gueules et d’or, au chêne de sinople brochant sur le tout.
Jean de Boisvair, écuyer, fils d’Artaud de Boisvair, seigneur du Boisson. Il appartenait
à une famille de juristes de Pouilly-les-Feurs et Néronde, agrégée vers 1355 à la
noblesse. Il était seigneur de Pélucieu et Boisvair.
• De Boos, 1995, 475.
• Steyert, 1860, p. 13 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 6180 ; Gras, 1874,
p. 33 ; Tricou, 1965-1976, t. III, p. 95 ; Perroy, 1977, t. II, p. 768.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Ce que quelques découvertes de mobilier du haut Moyen Âge et des sépultures antiques à
proximité même de l’église confirment partiellement (Lavendhomme, 1997, p. 87).
2. Le règlement de cette succession, eu égard au nombre élevé d’intervenants, a donné lieu à une
multiplication de documents complémentaires, cf. Chartes du Forez, n os 270, 293, 845, 846, 847,
1209, 1192.
3. ... ecclesia Sancti Bonniti in Claipiaco.
199
Néronde
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
446. La ville et chatiau de Neronde
Département : Loire ; canton : Néronde ; commune :
Néronde
L’apport des sources écrites
1
La première mention de Néronde date de 984 (Cartulaire Lyonnais, t. I, p. 21). Une charte
de Burchard, archevêque de Lyon, dénombrant les possessions de l’Église de Lyon, cite la
capella de Nigra unda (ou Nigrunda), comme devant à celle-ci une rente de 15 sous. Cette
chapelle pourrait correspondre à l’église Notre-Dame, située sur un piton rocheux au sud
du village actuel et dont les éléments les plus anciens remontent seulement au XII e siècle,
bien qu’elle soit sans doute d’origine altimédiévale (fig. 92). Cet édifice sera durant la
seconde moitié du Moyen Âge l’église paroissiale de Néronde (Thiollier, 1889), ainsi que le
siège d’un archiprêtré du diocèse de Lyon (Cartulaire de Savigny, t. 2, p. 1057). Le pouillé
de l’Église de Lyon de 1225 indique que l’église de Néronde était à la collation du prieur de
Pouilly-les-Feurs (Chartes du Forez, n° 901), toutefois, Étienne Fournial pense qu’il s’agitlà plutôt de l’église du castrum, Saint-Christophe, que de la chapelle Notre-Dame
(Fournial, 1967, p. 28).
2
La première mention du château de Néronde est beaucoup plus tardive : en 1091, un
certain Hilisiardus est dit
miles de castello de Nigra Unda (Cluny, t. V, p. 7).
3
Malgré une absence quasi-totale de documents fiables pour le XIIe siècle, comme le
rapporte Édouard Perroy (Perroy 1966b, p. 665-679), il semble que la seigneurie de
Néronde ait appartenu très tôt aux seigneurs de Beaujeu, dès avant 1137.
Malheureusement, ces informations sont uniquement connues par les notices d’un
manuscrit très douteux « La Belle de Beaujeu », aujourd’hui perdu1. Ce que l’on sait avec
certitude, c’est qu’en 1190 Humbert III de Beaujeu est contraint de céder au comte de
Forez Guy II une masse considérable de biens, en droits et fiefs, en Beaujolais, Lyonnais et
200
Forez, dont le château de Néronde tenu en fief par Hugues Damas (Chartes du Forez, n
° 13). Cet épisode est mentionné en 1222, lors d’un nouveau traité de paix entre le comte
Guy III et Guichard IV de Beaujeu, traité qui évoque à la fois le feoda Neironde mais aussi le
castrum Neironde (Chartes du Forez, n° 36). Dès 1236, est mentionné le mandement de
Néronde (Chartes du Forez, n° 1157), attestant qu’à cette date Néronde est déjà le siège
d’une châtellenie comtale. C’est aussi le siège d’une prévôté et de nombreux actes font
référence à celle-ci (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 1744, 3741 ; ADL, B 1917,
etc.). En 1260, le chatel de Neyronda est évoqué à plusieurs reprises pour les droits qu’y
possèdent des vassaux du comte (Chartes du Forez, n° 903).
4
Le château de Néronde agglomère probablement très rapidement un habitat, formant
ainsi un castrum au sens méridional du terme, englobant à la fois le château stricto sensu,
c’est-à-dire le donjon qui le domine et ses dépendances, mais également une première
couronne d’habitations. Dans les documents du dernier tiers du XIIIe siècle, plusieurs
maisons proches du château sont ainsi évoquées (Chartes du Forez, nos 170, 171, 190),
certaines semblant même se trouver à l’intérieur de la chemise. Dès 1275, sont attestés à
Néronde un four, un pressoir, une boulangerie et une boucherie, ce qui traduit un certain
développement du village castral (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 589). Étienne
Fournial estime d’ailleurs que le premier essor de cette « villette » se place dans les
années 1270-1280. L’évocation d’une charte de franchises dans divers textes aux alentours
de 1300, notamment dans un document où le domicellus Béraud de Versailleu avoue au
comte des droits infra franchesiam Nigreunde, renforce cette hypothèse (Chartes du Forez,
n° 595). Étienne Fournial pense cette possible charte de franchises, contemporaine de
celle de Crozet, en 1236, en notant la présence de Guy IV à Néronde en 1234 (Fournial,
196, p. 95). Cela en ferait une des villes comtales affranchies les plus précocement. Le
village qui se développe au nord du château s’entoure très tôt d’un système de défense
puisqu’une palissade de bois (dont l’actuelle « place du Palu » garde le souvenir) est
attestée dès 12362. Elle sera remplacée au XIVe siècle par une enceinte de pierre.
5
Les reconnaissances de la fin du XIVe siècle évoquent de nombreuses habitations dans
l’enceinte du castrum, mais également à l’extérieur de celui-ci. Elles forment un faubourg
à l’ouest de l’enceinte entre la porte principale et la rivière, où se situe un pont. Elles se
distribuent aussi aux alentours des portes dites del Palitz et del Gort. Cette organisation se
retrouve dans des abénévis du XVe siècle, à ceci près que les fossés du château semblent
alors utilisés par certaines parcelles (ADL, B 2055), ce qui ne semblait pas le cas
auparavant, même si leur proximité attirait les habitations. Enfin, c’est seulement au
début du XIVe siècle que l’on trouve les indices de la présence d’un marché 3 qui devait
néanmoins exister auparavant.
6
Le développement de cette « villette » et l’essor de la population qui l’accompagne
entraînent l’apparition d’un lieu de culte pour le castrum en complément de la vieille
chapelle Notre-Dame. La première mention explicite de l’église Saint-Christophe remonte
au début du XIVe siècle (ADL, B 1864), mais si l’on en croit la mention du pouillé cité cidessus celle-ci pourrait déjà exister en 1225. En 1274, un acte mentionne d’ailleurs une
maison située iuxta ecclesiam (Chartes du Forez, n° 171). Parallèlement à cette église intramuros, Néronde va disposer dès 1288 – ce qui témoigne de son relatif essor – d’un hôpital
sous le vocable de Saint-André (Fournial, 1967, p. 61 ; ADL, B 1353, B 1864).
201
La représentation de l’Armorial
7
La vignette de l’Armorial nous montre le site vu depuis le sud-ouest (fig. 89). Celui-ci est
établi sur une hauteur rocheuse surplombant le ruisseau du Chevenoux, dont on voit à
l’arrière-plan la profonde vallée ainsi que celle de son petit affluent. Le relief du site
semble très escarpé et de ce fait aucune trace de fossé n’est visible au pied des remparts.
Fig. 89 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 446) : la ville et
chatiau de Neronde.
8
On peut nettement distinguer trois grands ensembles dans cette représentation : le
château et son donjon, l’habitat castral qui lui est subordonné et son enceinte, et, enfin,
un faubourg extérieur. Le château domine l’ensemble du site, non seulement par la haute
taille de son donjon qui dépasse largement les autres monuments, mais également par sa
position topographique, puisque le château occupe le point le plus élevé du relief. Le
château présente un plan des plus simples : il est constitué d’une tour maîtresse circulaire
quasiment sans ouverture et sommée d’un mâchicoulis sous toiture associée à une étroite
chemise crénelée enserrant deux petits logis. C’est là un plan tout à fait classique pour de
très nombreux petits châteaux ruraux des XIe-XIIIe siècles dans le Massif central (Laffont,
2009). L’enceinte du bourg castral, crénelée et de forme ovalaire, vient se fermer contre le
donjon. Elle est flanquée de deux tours circulaires – au nord-est et à l’ouest – et d’une
tour quadrangulaire qui jouxte immédiatement la porte méridionale du castrum. Les tours
circulaires sont, comme il est habituel dans l’Armorial, couvertes d’une plate-forme
crénelée, alors que la tour quadrangulaire est couverte d’un toit à quatre pans et dispose
d’un hourd. Neuf échiffes, disposées régulièrement sur le sommet des courtines, viennent
pallier le faible nombre de tours de flanquement. Une dixième au nord, plus large que les
autres, pourrait jouer le rôle de bretèche au-dessus de la porte nord-ouest du castrum.
Toutes les échiffes, ainsi que la tour quadrangulaire et le donjon, portent des bannières
202
aux armes du duché de Bourbon ou du comté de Forez. Des quatre portes qui perçaient
cette enceinte, seule est visible la porte sud. Celle-ci présente un plan à la fois complexe
et curieux témoignant sans doute d’un aménagement en plusieurs temps. Alors que très
fréquemment les accès aux enceintes se font par des tours-portes quadrangulaires, ici la
tour et la porte existent bien toutes les deux mais sont dissociées. En effet, la tour jouxte
immédiatement la porte qui est une simple ouverture surmontée d’un arc en plein cintre.
En avant de celle-ci a été ménagée une petite barbacane constituée pour l’essentiel d’un
mur aveugle, bas, qui barre l’accès en suivant le relief. Une tourelle quadrangulaire
présentant un toit à pente unique complète ce dispositif, somme toute modeste.
L’intérieur de l’enceinte du castrum apparaît très densément occupé, près de trente
constructions s’y pressent. Parmi celles-ci se trouve l’église Saint-Christophe, établie au
pied même du château entre la chemise de celui-ci et le gros de l’habitat castral. Il s’agit
d’un édifice de taille modeste à nef unique présentant un clocher-mur à l’ouest. Le pignon
occidental est aussi percé d’une rosace. Toutes les maisons représentées dans l’enceinte
sont assez stéréotypées, à l’exception de l’une d’entre elles en face de l’église. Un peu plus
massive que les autres, elle possède une tourelle qui se dresse sur la partie la plus haute
du bâtiment. Est-ce là l’hôpital Saint-André ? L’ensemble de l’habitat intra-muros semble
structuré autour d’une rue et d’une place centrale. Cette dernière se situe au pied de
l’église, au milieu du village ; les principales rues venant des deux portes ou du château
s’y rejoignent. La démarcation nette entre le réseau de bâti civil très dense et l’espace
castral est remarquable.
9
Extra muros, au sud de l’enceinte, est représenté un faubourg assez important, qui
compte vingt-trois maisons regroupées autour d’un carrefour routier. Toutes les maisons
représentées ici sont aussi très stéréotypées, à l’exception de deux d’entre elles, au plus
près de la porte, qui montrent des ouvroirs. À l’ouest, figurent aussi deux bâtiments
isolés. Entre ces maisons et le faubourg, le dessinateur a représenté plusieurs parcelles
agricoles entourées de haies basses, peut-être des jardins.
Le parcellaire et les vestiges archéologiques
10
L’analyse du site de Néronde s’avère relativement aisée : en effet, le parcellaire
napoléonien conserve très nettement la disposition du village médiéval et des vestiges
parfois significatifs sont encore existants (fig. 90, 91).
203
Fig. 90 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 91 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
204
Fig. 92 - La chapelle Notre-Dame.
11
La grande enceinte du castrum est tout à fait visible sur le parcellaire, qu’il soit ancien ou
plus récent. Elle circonscrit un vaste espace ovoïdal dont le château occupait l’angle sud,
qui est également le point le plus élevé du site. Les deux tours circulaires qui la
flanquaient4, la « tour Coton » au nord-est (fig. 93) et la « tour des Œufs » à l’ouest (fig. 95
), sont conservées aujourd’hui. La documentation permet de situer peut-être leur
construction durant la première moitié du XVe siècle : la « tour Coton » serait la première
construite, vers 1425 (ADL, B 1978), tandis que l’actuelle « tour des Œufs », près de la
« porte du Gort », et dénommée « tour del Gort » ou « du Gort » dans les textes médiévaux
(ADL, B 1955, B 2071) pourrait avoir été bâtie un peu plus tardivement, vers 1450 (avant la
réalisation de l’Armorial en tout cas...). Au sud-ouest, un pan entier de l’enceinte nous est
parvenu intact (fig. 94). Il permet d’apprécier l’appareil des courtines et les ouvertures
qui les perçaient. En revanche, si le tracé de l’enceinte est parfaitement visible au nordest, près de la « tour Coton », peu de vestiges anciens y sont encore visibles ; tout semble
avoir été repris, sauf quelques rares ouvertures de tir ainsi qu’un très beau glacis.
205
Fig. 93 - Une des tours de l’enceinte du castrum au nord-est : la tour dite « tour Coton ».
Fig. 94 - Pan de courtine à l’ouest entre la « porte du Gort » et la « tour des Œufs ». Une
ouverture de tir est encore en place à la base du mur.
206
Fig. 95 - Une des tours de l’enceinte du castrum au sud-ouest : la tour dite « tour des
Œufs ».
12
Du château de Néronde, il ne reste que très peu de choses visibles aujourd’hui ; le donjon
notamment a totalement disparu. Le parcellaire napoléonien marque néanmoins une
forte distinction entre l’espace occupé par le village médiéval et l’ancien espace castral.
Le premier, situé plus au nord du site, apparaît très dense, très compact, parcouru par de
petites ruelles et concentrant des habitations très resserrées ; il présente un urbanisme
typiquement médiéval. En revanche, l’espace qui a été occupé par le château offre des
caractéristiques différentes. Le parcellaire y est beaucoup plus homogène avec des
parcelles plus massives, organisées autour d’un seul espace central vide. La démarcation
entre les deux pôles, castral et villageois, est nette et réelle et pourrait indiquer
l’emplacement de la chemise du château. Notons enfin que le secteur de l’ancien château,
même s’il est en partie occupé par la mairie, montre encore à l’ouest d’imposantes
maisons au moins d’époque moderne, l’une d’elles présentant même une fenêtre à
meneau et traverse (fig. 97, 98). Il est tout à fait possible que ces constructions aient
remplacé totalement ou partiellement des bâtiments ayant appartenu à l’ensemble
castral ; un pan de courtine de l’enceinte du château pourrait même encore subsister. Une
étude plus fine de cet espace en archéologie du bâti serait toutefois nécessaire pour aller
plus loin.
207
Fig. 96 - Poterne sud, face extérieure.
Fig. 97 - Vestiges à l’angle ouest de l’enceinte du château ?
208
Fig. 98 - Ce bâtiment avec une fenêtre à meneau et traverse, dans la rue centrale de
Néronde, pourrait être un des derniers vestiges du château.
13
Les textes ainsi que la documentation planimétrique et les vestiges bâtis conservés nous
permettent également de situer l’emplacement des différentes portes. Trois sont connues
par les sources anciennes : la magna porta, la « porte del Gort » et la « porte del Palitz » ou
« du Palu » (ADL B 1955, B 1978, B 2071), mais si l’on en croit le parcellaire napoléonien au
moins quatre portes différentes pouvaient permettre d’accéder à Néronde. Trois d’entre
elles étaient situées à l’extrémité nord du village, autour de la « place du Palud » ;
l’habitat se structure, en effet, le long des trois rues reliant ces portes à l’ancien château.
La quatrième était établie dans la courtine sud-ouest de l’enceinte au contact de la
chemise maçonnée. Il s’agit de la seule porte représentée dans l’Armorial ; il s’agit aussi
de la seule encore conservée en élévation aujourd’hui (fig. 96). Sa position en chicane par
rapport à l’emplacement supposé de la chemise du château, et beaucoup plus près qu’il
n’y paraît sur la vignette de l’Armorial, pourrait être liée à un système de barbacane
désormais disparu. Cette porte ouvrait le castrum sur le faubourg qui s’était développé sur
ses flancs et sur la place qui devait servir de marché (ADL B 1853, f° 78 ; Chartes du Forez,
n° 383). La « porte del Gort » et celle « del Palitz » semblent avoir été les deux plus petites
portes de la ville. En effet, en 1394 est cité
« le chemin allant de la petite porte du castrum dite del Gort à la petite porte dite del
Palitz » (ADL, Inventaire série B, B 2053).
14
Elles s’opposent par leur dénomination à la « Grande porte » ou à la « porte du Château »
(ADL B 2054 et B 2055).
15
Il convient de noter qu’il ne reste actuellement presque aucun vestige des deux bâtiments
principaux représentés par l’Armorial à l’intérieur de l’enceinte. En effet, du château,
rasé au XIXe siècle, il ne reste presque rien, on l’a vu. Il en va quasiment de même pour
l’ancienne église Saint-Christophe, dont il ne subsiste désormais que le porche roman,
209
réemployé sur le bas-côté sud de l’église actuelle. Saint-Christophe, agrandie en 1678, fut
remplacée par l’actuel ouvrage néo-gothique en 1867 (Gardes, Houssel, 1984).
Remarquons au passage que l’église médiévale n’était pas strictement orientée, mais
suivait plutôt un axe nord-ouest/sud-est, sans doute en raison de contraintes
topographiques.
16
À l’extérieur de l’enceinte, le parcellaire napoléonien ainsi que les sources anciennes,
montrent très clairement, comme sur la vignette de l’Armorial, le développement
d’habitats le long des différents axes routiers, qu’il s’agisse de la route menant du castrum
au pont enjambant le ruisseau du Riat ou de celle reliant le castrum à la chapelle NotreDame. On retrouve également, très justement représentées sur l’enluminure du XVe
siècle, les parcelles cultivées le long du ruisseau. Certains éléments d’architecture comme
des galeries de bois, des passages de latrines ou de très beaux colombages sont encore
visibles aujourd’hui. Ces maisons sont, selon un schéma typiquement médiéval, tout
comme l’habitat civil à l’intérieur de l’enceinte, très proches les unes des autres et
seulement séparées par d’étroits passages permettant l’accès aux jardins ou aux rues plus
importantes.
17
Le site de Néronde reprend un schéma bien connu de l’occupation du sol au Moyen Âge.
Un château s’implante en surplomb d’un terroir occupé durant le haut Moyen Âge et
développe un habitat groupé entraînant la création d’un nouveau lieu de culte (SaintChristophe) au détriment progressif d’un lieu de culte du haut Moyen Âge (Notre-Dame).
Le village castral de Néronde connaît dès les premières décennies du XIII e siècle un relatif
succès qui, facilité par une charte de franchises sans doute assez ancienne, lui permet
d’atteindre le stade de bourg notable et même de « villette » pour reprendre l’expression
d’Étienne Fournial. Les sources écrites, le plan parcellaire du XIXe siècle ainsi que les
vestiges conservés, non négligeables, se rejoignent pour confirmer la grande précision de
la représentation de l’Armorial, même si la disparition quasi totale du château et de
l’église médiévale tempère toutefois un peu ce constat.
Page 446
LA VILLE ET CHATIAU DE NERONDE
Étude héraldique
803. Fre[re] Jehan de Chenevous prior de Saint Aubin
d’azur à un arbre sec de gueules – l’écu pose sur un bâton de prieur.
Personnage non identifié de la famille de Chenevoux (cf. infra n° 806).
804. Artaud de Varnoille crie Varnoille
d’argent à la croix ancrée de gueules – cimier : un bar issant.
Artaud de Vernoil, damoiseau, fils de Louis de Vernoil. Il épousa en 1436 une fille de
Guichard de Châtelus. Il était seigneur de La Roche et, en partie, de Mizerieu.
• Gras, 1874, p. 262 ; Perroy, 1977, t. II, p. 927-928.
805. Jaques de Torenhi crie Tourenhi
parti d’or et de gueules, à la bande engrêlée d’azur brochant sur le tout – cimier : un lévrier
assis.
Jacques de Thorigny, ou Tholoigny (mort avant 1471), chevalier, fils de Philippe de
Thorigny et de Marguerite de Bouthéon. Il épousa Catherine de Veauche, fille de
210
Bertrand de Veauche, dit de Lavieu. Il était seigneur de Saint-Marcel et possédait un
hôtel à Saint-Galmier.
• Gras, 1874, p. 248 ; Perroy, 1977, t. II, p. 891-893.
806. Jehan de Chenevans crie Chenevous
d’azur à l’arbre sec de gueules – cimier : une tête et col de lévrier colleté d’une couronne.
Jean de Flachat, dit de Chenevoux, damoiseau, fils de Thomas Flachat, notaire royal à
Riverie, et d’Anne de Chenevoux. Celle-ci avait porté après 1422 à son mari les biens
de sa famille, qu’elle transmit à son fils qui reprit le nom et les armes de Chenevoux.
Il épousa Briande de Montfaucon, mais ne semble pas avoir formé une longue lignée,
puisqu’avant la fin du XVe siècle, Chenevoux était partagé entre les Flachat et les
Merle, seigneurs de Rébé. Gras appelle l’arbre qui forme ici le meuble de l’écu une
tige de chanvre sec. Les couleurs semblent avoir souvent varié.
• Gras, 1874, p. 71 ; Salomon, 1916, 1922, 1926, t. II, p. 108-109 ; Perroy, 1979, p. 151 et
p. 239.
807. Guischart de Salamar crie Salamar
coupé d’argent et de sable, à la bande engrêlée de l’un en l’autre – cimier : un cygne issant.
Guichard de Salamar (mort vers 1455), damoiseau, fils d’Humbert de Salamar,
seigneur de Salamar et du Cognier, et d’Alise du Cognier. Il épousa en 1423
Marguerite de Varennes. Il était seigneur de Néronde. Le Cognier revint à son frère
cadet, Bernard de Salamar, époux de Marguerite Aroud, et qui était peut-être le
possesseur des armoiries de la notice suivante.
• Raneke, 1975, 2301.
• Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 5288, 5567, 5845 ; Gras, 1874, p. 235 ;
Perroy, 1977, t. II, p. 802- 803.
808. Guichard Bonves crie Bonvers
coupé d’argent et de sable, à la bande engrêlée de l’un en l’autre - cimier : un cygne issant.
Ces armes ne sont pas celles de la famille de Boisvair (cf. supra n° 802), mais celles de
Salamar (cf. supra n° 807). Il pourrait s’agir ici du frère de Guichard de Salamar, ou
plutôt de son cousin, Albert de Salamar (mort en 1467). Celui-ci était fils de
Guillaume de Salamar, seigneur de Ressis, et d’Antoinette de Varennes et épousa en
1439 Marguerite de Bron. Seigneur de Ressis, La Fay, etc., il se trouvait dans une bien
meilleure situation pécuniaire que ses cousins de la branche aînée.
• Perroy, 1977, t. II, p. 805-806.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
211
NOTES
1. Il s’agirait de feuilles de parchemins utilisées comme couvertures et ayant servi auparavant à
consigner les acquêts opérés de la fin du XIe siècle jusqu’au milieu du XIIe siècle par les seigneurs
de Beaujeu. Cependant, pour Édouard Perroy, il semble peu assuré qu’un cartulaire seigneurial
ait existé à cette période alors que ce document nous est seulement connu par des analyses
fournies par un érudit du XVIIIe siècle, Louis Aubret (Aubret, 1868).
2. ... iuxta palicium de Nigraunda... (Chartes du Forez, n° 1157).
3. Mentions en 1321 et 1334, de logiis puis d’une « rue des Loges », qui désignent très
certainement les loges des commerçants participant aux marchés (ADL, B 1853, f° 78 ; Chartes du
Forez, n° 383).
4. Mentions en 1321 et 1334, de logiis puis d’une « rue des Loges », qui désignent très
certainement les loges des commerçant participant aux marchés (ADL, B 1853, f° 78 ; Chartes du
Forez, n° 383).
212
Donzy
Christophe Mathevot
447. Le chatiau et ville de Donsy
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune : Salten-Donzy
L’apport des sources écrites
1
Donzy apparaît dans la documentation dès le début du XIe siècle (Cartulaire de Savigny, n
° 415, circa 1000), mais il faut attendre 1086-1106 1 pour que soient clairement cités le
castrum et sa chapelle dédiée à saint Alban. C’est l’un des cinq espaces castraux émergeant
de la documentation forézienne pour le XIe siècle. Érigé à l’écart du bourg de Salt-enDonzy, il faut le dissocier du castellum de Salt cité en ruine dès avant 1018-1025 2 lors du
don à Savigny de l’église dédiée à saint Julien.
2
À Salt, une importante agglomération gallo-romaine comprenant un ensemble cultuel et
thermal ainsi qu’un théâtre ont été mis en évidence à l’emplacement du bourg actuel, à
proximité de l’église3. Desservi par la voie antique de Lyon à Saintes (via Feurs), ce site
semble avoir été occupé entre le Ier et le III e siècle après J.-C. Aucun élément ne nous
permet toutefois d’établir une continuité d’occupation jusqu’en 1018-1025 où sont
signalés le castellum et le burgus lors du don de l’ecclesia à Savigny. Cependant, l’étude
récente d’une partie du complexe monumental antique a entraîné la mise au jour de deux
sépultures altimédiévales et de reprises du bâti gallo-romain liées soit à l’érection du
castellum, soit à l’implantation priorale. Le castellum de Salt est la propriété d’un certain
Girin Calvus dont les ancêtres, présents aux abords de Feurs dès le X e siècle, possèdent
plusieurs villæ et mansi : il s’agit de riches alleutiers (Mathevot, 2005). L’espace castral de
Donzy est également en leur possession. Les Calvi s’y sont installés probablement au
tournant de l’an mil, après avoir laissé aux moines de Savigny le castellum ruiné de Salt.
Nous sommes en présence de l’unique cas de transfert castral avéré en Forez (Mathevot,
2005). Les Calvi, à la tête d’une importante compagnie vassalique (Perroy, 1956) font de
Donzy le siège de leur seigneurie qui s’étend aux environs et au sud de Feurs. Leur
213
influence est grande : Girin et Jarenton Calvi sont présents lors de la tenue d’un plaid
comtal à Cleppé au début du XIe siècle (Cluny, n° 2980) ; Girard Calvus est doyen du
chapitre de Lyon à la fin du XIe siècle (Cartulaire de Savigny, n° 829). Les Calvi sont encore
qualifiés de « proceres Donziaco castro » vers 1110-1130 (Cartulaire de Savigny, n° 906) 4.
Aussi, c’est sans doute l’indépendance et la puissance des Calvi qui ont incité les comtes de
Lyon à ériger le château voisin de Sury-le-Bois durant la première moitié du XIIe siècle5.
3
Cependant, Donzy échoit finalement au comte de Forez entre 1110 et 1167 (Chartes du
Forez, n° 1563) dans des circonstances qui nous échappent : sans doute une déshérence à
la suite de l’extinction des Calvi dont nous ne trouvons plus trace dans la documentation.
Devenu châtellenie comtale, son mandement est attesté lors de la permutatio de 1173
(Chartes du Forez, n° 4) et son ressort comprend encore au XIIIe siècle : Montchal,
Panissières, Essertines-en-Donzy, Jas, Salvizinet, Rozier-en-Donzy (en partie) et les parties
foréziennes de Violay et Villechenève (Perroy, 1966b, p. 692 ; Perroy, 1977, t. I, p. 169 ;
Merle, 1937, p. 509). Plusieurs miles rendent alors hommage au comte de Forez pour leur
domus et leurs biens situés dans le castrum et dans le bourg de Donzy, dont l’église est
devenue chef-lieu de paroisse dès avant 12256. En 1275 (Chartes du Forez, n° 180), le
testament de Guy VI fait de Donzy et de Cleppé le douaire de la comtesse Jeanne de
Montfort, sa femme ; le testament sera cependant ultérieurement désavoué7. Le castrum
parviendra tout de même entre les mains d’une comtesse : Jeanne de Bourbon. Suite à la
mort de son mari le comte Guy VII en 1358, cette dernière en a la pleine possession sa vie
durant après négociation avec son fils en 1362. Elle y établit alors son « séjour ordinaire »
jusqu’en 1376 (De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 448), date à laquelle elle lègue ses droits sur
le Forez à sa petite-fille Anne Dauphine, contre la jouissance du château de Cleppé. C’est
Donzy qu’Anne Dauphine choisit en 1412 pour établir le point de ralliement d’un corps
d’armée rassemblé pour libérer le Beaujolais attaqué par le parti bourguignon (De La
Mure, 1860-1897, t. II, p. 110, 126). Donzy, dont le bourg est sans doute fortifié depuis le
milieu du XIVe siècle 8, présente alors des caractéristiques défensives et une capacité
d’accueil de troupes suffisantes.
4
C’est également Donzy que le connétable Charles III de Bourbon aurait choisi pour se
retirer après avoir signé un accord à Montbrison avec le chambellan de Charles Quint
contre François Ier en 1523 9. Après la défection de ce dernier envers la couronne de
France, la seigneurie de Donzy est engagée au marchand lyonnais Nicolas Henrys en 1543.
« Le fort de Donzy » est encore tenu par une garnison armée en 1593 (Bernard, 1839,
p. 330, 333, 349) et sera pris d’assaut lors de l’un des nombreux épisodes armés que
connaît le Forez au temps de la Ligue. La paix revenue, le castrum demeure entre les mains
de son ancien capitaine châtelain, irréductible ligueur et coupable d’homicides aux yeux
de la justice. Ce dernier, ayant été entraîné hors des murailles de Donzy, sera capturé par
la ruse en 1598 (Broutin, 1883). Le château est finalement démantelé en 1603 sur demande
des habitants du bourg et sur ordre du roi. Au XVIIe siècle, la châtellenie est démembrée
et le château est alors en ruine (Viallard, 1992, p. 35-42). Le bourg, siège de l’ancienne
paroisse, abritera encore quelques habitations qui perdureront jusqu’au début du XXe
siècle.
La représentation de l’Armorial
5
Donzy fait partie des vignettes en couleur dont le dessin achevé est très précis tant sur les
éléments d’architecture que sur les formes du relief (fig. 99). L’ensemble est dessiné
214
depuis l’ouest, sans doute d’une colline voisine. Trois éléments d’architecture distincts y
sont représentés : un ensemble fortifié et deux faubourgs. De façon globale, la vignette
nous montre un site dominé par un fort relief rappelant que Donzy est établi sur les
derniers contreforts des monts du Lyonnais, dans la vallée de la Charpassonne, au
débouché de la plaine du Forez dans une zone peu boisée. L’ensemble fortifié comprend :
le château, le bourg et son église, ainsi qu’une zone « intermédiaire ». Le château est
dominé par une tour maîtresse rectangulaire ou carrée formant l’angle nord-est de son
enceinte. Celle-ci est percée de fenêtres à meneau, couronnée de hourds et coiffée d’une
toiture à quatre pans. Deux courtines non crénelées s’y appuient et se développent en
direction du sud. Leur jonction s’opère par un angle ouvert surmonté par une structure
en bois formant échauguette. À l’intérieur du château, un vaste corps de logis est adossé à
ces courtines percées ici par quatre baies en plein cintre. Le bâtiment est surmonté d’une
galerie ouverte supportant par ses piliers un toit à deux pans avec six cheminées. Une
tour semi-circulaire, surmontée de créneaux et de mâchicoulis, vient ensuite former
l’angle sud du château. L’angle de vue ne permet pas d’appréhender la clôture est : seule
une tour circulaire ou semi-circulaire semble former l’angle est du château.
Fig. 99 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 447) : le chatiau et ville
de Donsy.
6
Une seconde enceinte se développe à l’ouest sur une ligne parallèle aux courtines du
château. Elle ne présente que peu de parties crénelées : les toits à deux pans de cinq logis
adossés viennent prendre appui directement sur l’enceinte. Ces bâtiments disposent tous
de fenêtres à meneau ou à traverse ainsi que de cheminées et sont surmontés
d’échauguettes en bois rectangulaires ou carrées disposées à leurs angles saillants. La
partie sud de cette enceinte semble bornée par une tour rectangulaire surmontée de
hourds et d’un toit à quatre pans. La vue ne nous permet pas d’établir si une courtine
assure une jonction entre cette tour et l’enceinte castrale. Au nord-est, la jonction entre
215
cette deuxième enceinte et celle du château semble s’opérer au niveau de la tour
maîtresse.
7
Une troisième enceinte vient parfaire le système défensif et clore le bourg. Elle est
ouverte d’une tour-porche située à l’angle sud-ouest. Cette dernière, rectangulaire, est
surmontée d’une bretèche (ouverte d’une meurtrière) et couverte d’une toiture à quatre
pans en tuile supportée par un hourdage en bois formant galerie. Le dispositif de porterie
est complété par une barbacane maçonnée comportant des ouvertures de tir et dont
l’accès se situe dans l’axe de la porte. L’accès à la porte se fait via l’autre rive de la
Charpassonne en franchissant un pont de bois de facture simple. Ce cours d’eau borde
toute la partie ouest de l’enceinte qui est crénelée, ouverte de meurtrières et flanquée
d’une tour semi-circulaire. Une courtine se déploie ensuite à l’est de la tour, en direction
de la tour maîtresse, pour rejoindre la seconde enceinte. Une échauguette en bois semble
être établie à la jonction des deux enceintes et pourrait trahir la présence d’une poterne.
La partie sud de l’enceinte est beaucoup moins lisible. Elle semble partir de la tour-porche
pour rejoindre le chevet de l’église et ensuite obliquer au sud, de façon plus évidente, sous
la forme d’une courtine crénelée. Toujours crénelée, une nouvelle courtine se déploie en
direction de l’est, formant ainsi un angle droit surmonté d’une échauguette en bois
(poterne ?). La courtine est dotée d’un chemin de ronde donnant également accès à une
tour semi-circulaire venant clore le dispositif à l’est, sans qu’aucune jonction avec les
deux autres enceintes ne soit lisible.
8
Le bourg est organisé autour de deux pôles distincts, séparés par le cheminement
principal partant de la tour porche et débouchant au nord de l’église après avoir
contourné cette dernière. Le sud du bourg est marqué par la présence de l’église. Il s’agit
d’un simple édifice barlong surmonté d’un toit à deux pans et d’un clocher-mur en mitre
à deux arcatures romanes. Le mur gouttereau visible est ouvert de deux baies romanes.
On y observe la trame en losange de nervures de plomb à vitrail. Le mur pignon visible est
ouvert d’une porte romane surmontée d’un oculus circulaire également orné de vitraux.
Quelques logis avec cheminées se sont implantés en contrebas de l’église. Mais c’est dans
la partie sud du bourg que la densité d’habitat est la plus forte. On y rencontre une
vingtaine de maisons adossées à l’enceinte extérieure et qui sont dotées de cheminée et
de fenêtres à meneaux. Seul émerge un ensemble comprenant une tour carrée et deux
bâtiments dominant nettement le bourg et se déployant parallèlement à la seconde
enceinte. La tour, qui comporte au moins trois niveaux, est couverte d’un toit à quatre
pans et ouverte de fenêtres à meneaux dans les niveaux supérieurs, le rez-de-chaussée
demeurant aveugle. Un bâtiment vient s’y plaquer et se déploie également sur trois
niveaux et comporte une galerie en bois. Un dernier bâtiment non jointif est relié à ce
dernier par une galerie en bois dotée d’une cheminée qui semble prendre appui sur la
seconde enceinte.
9
Deux faubourgs se sont développés au sud-est et au sud-ouest du site castral. Le premier
est clairement lié à l’accès du bourg et se déploie autour d’une place triangulaire, le long
de la Charpassonne, à proximité du pont. Ce faubourg, qui compte une dizaine de
maisons, semble à vocation marchande comme l’atteste la présence d’arcatures situées au
rez-de-chaussée de plusieurs bâtiments. Le second faubourg compte également dix
maisons, toutes à deux niveaux et situées vraisemblablement le long de l’accès est du site.
216
Les données archéologiques et le parcellaire
10
Le site de Donzy est aujourd’hui recouvert d’une abondante végétation. Une vue de 1826 (
fig. 100) et un relevé établi sur l’ensemble du site (Mathevot, 2003-2004 ; fig. 101)
permettent cependant d’appréhender l’étendue et la nature des vestiges encore en place.
Donzy s’est développé sur un flanc de colline formant un cône elliptique tronqué
culminant à 390 m d’altitude et dont la pente est orientée au nord-ouest. Le site est borné
à l’ouest et au nord par la Charpassonne, à l’est par le sommet de l’éperon rocheux et au
sud par un petit affluent de la Charpassonne. L’espace total enserré par les fortifications
avoisine les 8 500 m2, l’enceinte sommitale protégeant 1 500 m2, le bourg et la partie
intermédiaire s’étendant chacun sur près de 3 500 m2.
Fig. 100 - Donzy en 1826.
217
Fig. 101 - Plan du site.
11
La partie sommitale du site repose sur une assiette granitique ceinte d’une
impressionnante muraille (fig. 102). L’aménagement interne de la haute-cour demeure
inconnu, seules deux structures arasées ont pu être mises en évidence au sud. La
construction de l’enceinte est homogène. L’ouvrage très soigné est réalisé en gros
moellons de granit rectangulaires (environ 45 x 25 cm pour 60 cm de profondeur) taillés
soigneusement et disposés en boutisse. L’appareillage très régulier est constitué d’assises
horizontales qui forment le parement interne et externe, la fourrure étant constituée
d’un dense remplissage de moellons grossiers de granit rose des monts du Lyonnais, le
tout lié par un mortier très chargé en chaux. L’épaisseur impressionnante des élévations
varie approximativement entre 1,80 et 2 m. Le parement a été fortement endommagé : la
majeure partie des élévations ne présente aujourd’hui plus que la fourrure. Aucune trace
de défense active n’a été relevée. L’enceinte est ouverte de larges baies romanes voûtées
(1,70 m d’ouverture) situées au premier niveau des courtines surplombant l’à-pic (à l’est)
et au second niveau des courtines les plus exposées (à l’ouest). Une porte (négatif d’un arc
en plein cintre) perce la courtine ouest, seul accès identifié à la haute-cour.
218
Fig. 102 - Vue aérienne de la haute cour en 1916 (collection privée).
12
L’enceinte intermédiaire, en partie détruite, vient doubler l’ouvrage défensif à l’ouest de
la haute-cour. Sa courtine ouest a pu être observée sur environ 70 m. Son épaisseur varie
entre 1,20 m et 1,25 m. Aucune jonction avec la haute-cour n’a pu être mise en évidence.
Les parties observables ont révélé une construction homogène reposant sur la roche et
constituée de moellons de granit gris et rosé de taille moyenne (entre 20 et 30 cm)
disposés en assises régulières et liés avec un mortier très chargé en chaux. Aucune porte,
ni tour n’ont pu être observées en l’état des recherches, seule une ouverture de tir (M5) a
été relevée (fig. 103). De facture simple, elle ne comporte aucune voûte, ni chaînage.
L’ébrasure est ouverte de 130 cm pour une fente de tir large de 10 cm. La hauteur de la
meurtrière est approximativement de 90 cm : la disparition du linteau en bois n’autorise
pas une mesure précise. Disposée en surplomb de la porte (P2) jouxtant l’église, elle
participe à la mise en défense de cet accès. La zone comprise entre les enceintes
intermédiaire et sommitale a été terrassée et ne présente que des empierrements liés à
l’exploitation agricole.
219
Fig. 103 - Ouverture de tir dans la courtine ouest de la seconde enceinte.
13
Le bourg s’est développé en contrebas, à l’ouest. Son enceinte n’est pas conservée en
totalité, seules subsistent de façon fragmentaire les courtines ouest et sud. Le système de
défense sud est en grande partie détruit. Il se déploie cependant de façon linéaire d’ouest
en est pour rejoindre le chevet de la chapelle qui participe à l’enceinte. Dominant la
partie basse du bourg, l’édifice, orienté au sud, est composé d’une travée de nef en partie
arasée, d’un chœur et d’une abside où subsiste une baie romane. L’édifice était voûté et
possédait encore il y a quelques années un clocher-mur à deux arcatures figuré sur la
vignette de l’Armorial (fig. 104). Une porte (P2), à l’arc surbaissé, de dimension réduite et
défendue par une bretèche est appuyée contre l’église, puis rejoint l’enceinte
intermédiaire à l’ouest. L’accès principal au bourg se fait cependant par une porte
monumentale (P1) située le long de la Chapassonne (fig. 105). L’ouvrage a été
postérieurement flanqué d’une tour circulaire munie de deux meurtrières, sur laquelle
prend appui un passage voûté dont il ne reste aujourd’hui qu’un arrachement.
220
Fig. 104 - La chapelle et son clocher-mur en 1945 (collection privée).
Fig. 105 - Porte de l’enceinte du bourg : élévation extérieure sud.
14
La partie la mieux conservée de l’enceinte du bourg se trouve à l’ouest et longe la rivière
Charpassonne sur plus de 50 m. Ce secteur a fait l’objet d’une étude partielle du bâti et de
trois sondages en préalable à des travaux de restauration réalisés en 2005 (MonnoyeurRoussel, 2005). Une tour à gorge (T3) forme son extrémité nord. Elle s’élève sur quatre
niveaux planchéiés dotés d’ouvertures de tirs axiales et latérales. Plus aucune trace de
l’enceinte ne subsiste au nord de la tour, mais deux sondages ont permis de retrouver le
221
tracé de la fortification qui oblique à l’est en suivant les courbes du relief, en parfaite
concordance avec la vignette de l’Armorial.
15
Au moins six logis ont pu être mis en évidence dans la partie basse du bourg castral (fig.
99 et 106). Ils sont pour la plupart ordonnés le long de deux axes nord-sud. Ces axes,
coupés d’une transversale, revêtent la forme de rampes soutenues par des murs en
pierres sèches qui convergent vers l’église (E4). Encore une fois, le réseau de circulation
proposé par la vignette est en adéquation avec les observations de terrain.
Fig. 106 - Porte et logis de la basse-cour au début du XXe siècle (collection privée).
16
Le site de Donzy est particulièrement intéressant du fait de son ancienneté, de sa position
frontière entre Forez, Beaujolais et Lyonnais et de l’importance du réseau défensif
déployé au XVe siècle. Si le castrum et sa chapelle sont attestés dès le XI e siècle, les
prestations de l’enceinte sommitale évoquent le XIIe siècle et celles du bourg les XIV e et
XVe siècles. Donzy est un bel exemple d’une implantation castrale d’origine seigneuriale
ayant suscité la création d’un bourg devenu paroissial puis fortifié. Force est de constater
que la vignette restitue une vision réaliste du site. L’environnement géomorphologique
représenté est en conformité avec la topographie actuelle, tout comme l’organisation
générale du bâti, très proche de celle observée sur le terrain. Seul l’angle de vue contribue
à une distorsion des proportions entre chaque partie de l’ensemble fortifié. Ainsi la zone
intermédiaire, très écrasée sur la vignette, s’étend sur une surface à peu près identique à
celle du bourg. Le bourg est sans doute la partie la mieux traitée par Revel : l’axe de
communication principal est parfaitement lisible sur le terrain, tout comme les deux
pôles structurant (l’église et l’ensemble tour-bâtiments). De façon générale, le réseau
défensif se déploie en conformité avec la représentation de la vignette. Seul diffère le
système de porterie de l’enceinte extérieure, mais les premières lectures d’élévations
attestent d’un remaniement important postérieur à la construction de la porte et donc
sans doute postérieur à la réalisation de la vignette. Dans le détail, la vue souffre de
222
quelques lacunes : la porte de l’enceinte supérieure ne figure pas sur la vignette, bien que
l’angle de vue du dessinateur le permette. L’état de conservation actuel du castrum n’a
également pas permis de mettre en évidence les tours de l’enceinte sommitale ainsi que la
tour maîtresse : sans doute faut-il y voir l’œuvre destructrice du début du XVIIe siècle
masquée par une abondante végétation interdisant un relevé précis des structures
arasées...
Page 447
LE CHATIAU ET VILLE DE DONSY
Étude héraldique
809. Jaques de Rochefort crie Rochefort
parti de vair et de gueules – cimier : un faucon.
Personnage non identifié ; il appartenait à la famille de Rochefort-La Valette (cf. infra
n° 819), dont il portait les armes pleines. Cette famille n’a été que succinctement
étudiée par Le Laboureur et a souvent été victime d’homonymies.
• Philocarité, 25.
810. Jehan Bonver
coupé de gueules et d’or, au chêne de sinople brochant sur le tout.
Jean de Boisvair, même personnage que infra n° 802.
811. Jehan de Jas crie Jas
d’azur à l’aigle d’argent, becquée et membres de gueules – cimier : un more issant.
Personnage non identifié de la famille de Jas, qui possédait le château de ce nom,
près de Donzy ; on voit plusieurs membres de cette famille rendre hommage au
comte jusqu’à la fin du XIVe siècle. La dernière héritière, Antoinette de Jas, porte le
château et la seigneurie de Jas à son mari Pierre de Flachat en 1564. Selon É. Perroy,
ce lignage était issu d’un bâtard supposé du comte Guy VI.
• Frise de la salle héraldique de la Diana (33, suivant la numérotation de Gras, 1874).
• Bétencourt, 1867, t. III, p. 8 ; Soultrait, 1890, t. II, p. 5 ; La Faige, de La Boutresse,
1896-1932, t. 1, p. 294 ; Gras, 1874, p. 142 ; Salomon, 1916, 1922, 1926, t. III,
p. 124-125 ; Perroy, 1977, t. II, p. 755.
Un écu vide.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. ... Ego, (...), Arnulfus Calvus, (...) Girini filius, (...), dono (...) ecclesiam Sancti Albani quæ dicitur capella
in Donziaco castro... (Cartulaire de Savigny, n° 829, 1086-1106).
223
2. ... ecclesiam Sancti Juliani quæ vocatur Sal, (...), et circuiti castelliquos jam vetustissimum fuit...
(Cartulaire de Savigny, n° 645).
3. Il n’est évidemment pas question ici de dresser un bilan de l’occupation antique (cf.
Lavendhomme, 1997).
4. Charte datée de 1110-1130 par Ganivet, 2005b.
5. Sury-le-Bois n’apparaît cependant dans la documentation qu’en 1218 (Chartes du Forez, n° 29).
6. Citons vers 1260 : Étienne de Saint-Jean, Arthaud de Saint-Germain, Guichard de Marzé
(Chartes du Forez, n° 903 [59], [87], [98]) et Mathieu de Talaru en 1297 (Chartes du Forez, n° 585).
L’église paroissiale de Donzy relève du prieur de Salt en 1225 (Chartes du Forez, n° 901).
7. Codicilles de 1277 et 1278 (Chartes du Forez, n° 1501, n° 1518 ; De La Mure 1860-1897, t. III, n°
78, 79).
8. En 1354, d’importantes sommes sont utilisées à la réparation du château (Mémoriaux de la
Chambre des Comptes, n° 1043).
9. De La Mure nous dit qu’il y aurait alors effectué des travaux de mise en défense (De La Mure
1860-1897, t. II, p. 713).
224
Panissières
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
448. La ville de Saint Jehan de Panassieres
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Panissières
L’apport des sources écrites
1
Aucune découverte archéologique significative n’est signalée à Panissières
(Lavendhomme, 1997). L’église Saint-Jean in Exartopetro est mentionnée pour la première
fois dans une charte de 919 (Cartulaire de Savigny, n° 6). Le territoire d’Exartopetro
correspond à une vicairie attestée par ailleurs (Cartulaire de Savigny, n° 524) et dont le
centre éponyme était sans doute Essertines-en-Donzy. Par la suite, un second texte, peutêtre du début du XIe siècle (mais cela est douteux...), indique que pour protéger l’abbaye
de Savigny de ses ennemis, l’abbé Hugues a fait construire un château dans la paroisse de
Saint-Martin de Periculis (Montrottier, Rhône). De ce château dépendent 12 églises
paroissiales dont celle de Sancti Johannis de Exarpetra (Cartulaire de Savigny, n° 430).
L’église Saint-Jean (en réalité Saint-Jean-Baptiste) de Panissières est donc dès le Xe siècle
une dépendance de l’abbaye de Savigny1. Elle figure ensuite au XIe siècle dans la Pancharte
du droit de cire et d’encens dû à l’Église de Lyon (Cartulaire de Savigny, t. 2, p. 1057) sous
l’appellation cette fois de Sancto Joanne Panicires. En 1127, est attestée la villa de Saint-Jean,
sans doute encore avec le sens carolingien de territoire (Cartulaire de Savigny, n° 916) et,
en 1128, une charte nous apprend que les droits paroissiaux de l’église Saint-Jean
s’étendent jusqu’à Noailly, actuelle commune de Violay (Cartulaire de Savigny, n° 917). La
mention de l’église Saint-Jean dès le tout début du Xe siècle, son vocable – saint JeanBaptiste – ainsi que l’extension géographique des droits paroissiaux de celle-ci laissent
supposer que nous sommes peut-être à Panissières en présence d’une église baptismale
du très haut Moyen Âge. À la fin du XIIIe siècle, sont mentionnées la villa et la parrochia
Sancti Johannis de Paniceres (Chartes du Forez, n os 1544, 1545) ; le terme « villa » étant à
interpréter cette fois dans le sens d’habitat groupé, de village. Parallèlement, émerge
alors des textes un lignage dit « de Saint-Jean » voire « de Saint-Jean-de-Panissières »
225
(Perroy, 1977, t. II, p. 753 sq), possessionné à Panissières et dans ses environs et peut-être
aussi, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, à Saint-Jean-la-Vêtre, loin du Lyonnais,
sur les confins de l’Auvergne. Il pourrait descendre d’un Étienne, viguier de Saint-Jeande-Panissières pour l’abbaye de Savigny, attesté dans les années 1120 lors d’un conflit
avec le prieur de Montrottier qui le contraint à renoncer à ses usurpations à Saint-Jean et
dans les environs. À partir de la fin du XIIIe siècle, ce lignage cède peu à peu ses droits sur
Panissières. Au profit de l’abbaye de Savigny tout d’abord : ainsi, en 1283, Hugues de
Saint-Jean, damoiseau, vend au prieur de Montrottier des rentes sur deux courtils de la
paroisse de Panissières. Mais aussi, et surtout, au profit des comtes de Forez qui, dès le
début du XIVe siècle, entreprennent par des transactions successives de s’installer à
Panissières. Ainsi en 1308, Girine de Saint-Jean, fille de feu Guillaume de Saint-Jean-dePanissières, et son frère Jean, moine d’Ainay, échangent avec le comte de Forez, Jean, leur
village et leur censive de Panissières contre d’autres rentes au même lieu. En 1310, le
même Jean de Saint-Jean vend au comte, pour trente livres viennoises, la moitié par
indivis de diverses maisons de Panissières (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 2170). En tout cas, après les années 1310, ce lignage ne possède plus rien ou presque à
Panissières, où dominent dès lors les moines de Savigny, par l’intermédiaire de leur
prieuré de Montrottier, et les comtes de Forez.
2
Il est probable que l’arrivée des comtes de Forez à Panissières a, dans une certaine
mesure, dynamisé la bourgade, même si le site est malaisément accessible au Moyen Âge,
car loin de toute route importante. Ainsi en 1391, les habitants du lieu obtiennent du
comte la concession d’un marché (Fournial, 1967). Cependant, malgré le développement
du lieu, Panissières n’est ni le centre d’une châtellenie comtale, ni le centre d’une
prévôté ; la paroisse et son bourg relevant au contraire de la châtellenie de Donzy (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 7901).
3
Les sources écrites ne permettent pas de dater la fortification du village, toutefois il est
vraisemblable que celle-ci a lieu à la fin du XIVe siècle ou dans la première moitié du
siècle suivant, Panissières prenant alors seulement l’aspect qui est le sien sur la vignette
de l’Armorial. En effet, il semble peu probable que ce site de moyenne importance ait
possédé d’importantes fortifications avant les troubles de la fin du Moyen Âge.
La description de l’Armorial
4
Le site est représenté vu en direction de l’est dans un paysage légèrement collinéen (fig.
107). Il paraît possible de distinguer trois grands ensembles structurants : l’église qui
domine largement le site avec son clocher-tour, le village et son enceinte rectangulaire
flanquée de plusieurs tours et, enfin, un petit faubourg à l’extérieur des murs.
226
Fig. 107 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 448) : la ville de Saint
Jehan de Panassieres.
5
L’église Saint-Jean est sans conteste l’élément principal de la vignette. L’illustrateur de
l’Armorial l’a placée au centre du village alors qu’en réalité celle-ci se situait dans l’angle
nord-est de l’enceinte. Si une erreur de perspective paraît peu probable, il semble en
revanche plus évident de traduire le mauvais emplacement de l’église dans l’Armorial par
la volonté claire d’en faire le centre symbolique du lieu. Cet aspect est renforcé par le
clocher surdimensionné dont est dotée l’église. Celui-ci, qui prend la forme d’une tour
carrée, massive et très haute par rapport aux autres bâtiments, est couvert par un toit à
faible pente surmonté d’une croix. Le clocher est également percé d’ouvertures plutôt
nombreuses et variées. Les plus hautes se situent juste sous la toiture et pourraient
évoquer des créneaux. Les secondes sont situées légèrement plus bas sur le clocher. Il
s’agit d’arcades à double ou triple baies selon les faces du clocher, reposant sur un
cordon. Enfin, sous ces arcades, se situent les dernières ouvertures, petites et
rectangulaires, que l’on retrouve là encore sur les deux faces visibles du clocher. La nef de
l’église dépasse en hauteur la plupart des autres bâtiments de la ville. Le sommet des
murs gouttereaux apparaît muni d’un puissant hourd qui semble faire tout le tour de
l’édifice. Le mur gouttereau sud apparaît percé de trois ouvertures, peut-être pourvues de
vitraux. Juste devant l’église, c’est-à-dire à l’ouest, l’illustrateur a représenté un bâtiment
plus massif que les autres et également muni d’un hourd. S’il apparaît plus petit que
l’église par ses dimensions, il est néanmoins évident qu’il s’agit là d’un bâtiment d’une
certaine importance, résidence seigneuriale ou logis prioral.
6
Ces deux monuments se trouvent donc dans la vignette au centre d’un ensemble
villageois. Celui-ci est lui-même entouré d’une enceinte qui apparaît très clairement
rectangulaire. Cette muraille, ponctuellement doublée d’un fossé (au sud notamment), est
crénelée et flanquée de plusieurs tours aux formes différentes. Les angles de la façade
227
méridionale sont flanqués chacun d’une tour circulaire couverte d’une plateforme
crénelée. L’Armorial représente également trois autres tours qui sont cette fois
quadrangulaires. La plus simple à décrire est sans aucun doute celle se situant sur la face
méridionale de l’enceinte. Elle est plus élevée que les deux tours circulaires, mais moins
que le clocher de l’église. Elle est surmontée par un hourd et couverte d’un toit à faible
pente. Une ouverture rectangulaire se situe juste sous le hourd, sur la face sud. Cette
haute tour portière protège l’entrée sud du bourg, accès principal au lieu. Elle est inclue
dans un système défensif relativement complexe, constitué d’un pont-levis et d’une
barbacane faisant châtelet. Au nord, l’accès est lui aussi défendu par une tour-porte
quadrangulaire et un pont-levis. Une dernière tour rectangulaire, également pourvue
d’un hourd, flanque cette même face nord de l’enceinte. Si E. De Boos (De Boos, 1998) en
fait la tour de défense de l’angle nord-est, il est intéressant de noter toutefois que
Guillaume Revel ne l’a clairement pas représentée sur cet angle mais bien sur la courtine
elle-même. Il faut noter la présence de nombreuses ouvertures de tir en partie basse des
courtines de l’enceinte villageoise. Elles semblent représenter des archères modifiées en
leur centre afin de pouvoir accueillir le canon d’une arme à feu. À l’intérieur de
l’enceinte, l’illustrateur de l’Armorial a figuré environ 25 maisons, de tailles diverses mais
d’architecture quasiment identique. Toutefois, outre la construction à hourds sans doute
seigneuriale évoquée ci-dessus, deux bâtiments se distinguent des autres par leur
représentation : plus grands, ils présentent aussi des ouvroirs. On notera encore que le
bâti civil intra-muros s’appuie largement sur les courtines de l’enceinte : en effet, de
nombreuses ouvertures, et notamment des fenêtres à meneau, percent les niveaux
supérieurs des remparts, plus particulièrement sur leur face ouest. Ce phénomène est
particulièrement spectaculaire dans l’angle nord-ouest où le pignon d’un bâtiment
surélève la muraille, faisant même disparaître le crénelage.
7
À l’extérieur de l’enceinte, la vignette de l’Armorial montre un faubourg, proche de
l’entrée sud du bourg, un habitat plus dispersé au nord, ainsi qu’un paysage agraire. Le
faubourg s’est développé le long de l’accès principal au bourg fortifié. Il est composé de
maisons semblables à celles représentées dans l’enceinte avec, parfois, quelques ouvroirs.
Guillaume Revel fait figurer onze maisons dans ce faubourg, auxquelles est adossé un
parcellaire laniéré typiquement médiéval, délimité par un plessis et une haie d’arbres.
L’intérieur des parcelles est lui-même divisé en plusieurs planches. Au nord, près de la
seconde entrée de la ville, d’autres maisons ont été représentées, trois au total, mais elles
témoignent d’un habitat plus dispersé. Ces maisons sont, là encore, typologiquement
identiques aux autres et elles s’adossent, elles aussi, à un parcellaire laniéré délimité par
un plessis et une haie d’arbres. Il est intéressant de remarquer que ce type de paysage
agraire ne se retrouve que dans une autre vignette, celle de Néronde (p. 154).
8
Pour terminer, notons l’importance des parcelles en plessis situées contre la face sud de
l’enceinte, dont l’aspect et la couleur pourraient en faire des prairies, par opposition aux
autres parcelles qui sont sans doute des terres labourées ou des jardins. Il convient
d’ajouter que cette face de l’enceinte semble la moins défendue, puisque seule une tour
d’angle circulaire et quelques ouvertures de tir la protègent alors que de nombreuses
fenêtres la percent. Cela pourrait notamment s’expliquer par la présence de ces prés,
plats et à découvert.
228
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
9
Quasiment aucun vestige ancien n’est conservé à Panissières. Le lieu, très largement
reconstruit au XIXe siècle grâce aux revenus de l’industrie textile (Gardes, Houssel, 1985),
a alors entièrement fait « peau neuve ». Une simple prospection permet de se rendre
compte que le bourg actuel n’a absolument plus rien de médiéval et qu’aucune trace
significative de cette période n’est visible (fig. 108). Cependant, le plan cadastral
napoléonien conserve encore parfaitement le parcellaire médiéval et toutes les structures
qui composaient le bourg au Moyen Âge y sont parfaitement lisibles (fig. 109).
Fig. 108 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
229
Fig. 109 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
10
Ainsi, l’enceinte, qui n’a laissé aucun vestige apparent, est très facilement lisible sur le
parcellaire ancien, notamment pour sa face sud, où se trouvait la porte d’entrée
principale, dont le cadastre napoléonien nous indique très clairement l’emplacement.
Aucune trace de la tour-porte n’apparaît toutefois plus aujourd’hui2. La courtine
méridionale est parfaitement lisible sur le plan cadastral du XIXe siècle. Cependant, là
encore, aucun vestige n’est apparent : seul le tracé des maisons bâties autour de la place
du Peuple, ayant méthodiquement repris celui de l’enceinte médiévale, nous permet de
clairement percevoir celle-ci. Les deux tours d’angle circulaires représentées sur
l’Armorial apparaissent aussi toutes les deux très nettement sur le cadastre ancien, mais
il n’en subsiste plus aucun vestige. Les faces ouest et est de l’enceinte villageoise sont
également très lisibles sur le plan cadastral du XIXe siècle. En revanche, le tracé de la
courtine est moins aisément repérable sur la face nord où, semble-t-il, le parcellaire a
évolué entre le XVe et le XIX e siècle. Néanmoins, les grandes lignes de l’ensemble se
perçoivent encore. On peut ainsi très clairement situer l’entrée nord du bourg qui est
figurée sur la vignette de l’Armorial. Deux autres accès au bourg semblent identifiables
sur le plan cadastral à l’est et à l’ouest. Toutefois, l’absence de mention écrite les
concernant, de vestige visible ainsi que leur non représentation sur l’Armorial, laissent
sceptiques sur leur existence au Moyen Âge. De même, si l’Armorial ne montre clairement
un fossé que sur la face méridionale de l’enceinte, le plan parcellaire laisse lui supposer
que tout le site en était entouré.
11
À l’intérieur de l’enceinte, l’église Saint-Jean-Baptiste occupe un large espace dans l’angle
nord-est. Mais, là encore, aucun vestige médiéval... l’église a été reconstruite au XIXe
siècle (Gardes, Houssel, 1985) et orientée nord-sud comme cela était alors courant. Seuls
deux arcs, semblant appartenir à l’église médiévale, pourraient encore marquer son
230
ancien emplacement. Néanmoins, le cadastre napoléonien, toujours très précieux, permet
d’identifier un édifice massif, comme celui représenté par Guillaume Revel, d’un plan
assez simple. Un bâtiment plus imposant que les autres se dessine dans le parcellaire
napoléonien à l’ouest de l’église ; il correspond peut-être à la résidence seigneuriale à
hourds visible sur l’Armorial. Toutefois, faute de vestiges, il est difficile d’en dire plus. Le
bourg apparaît structuré par un réseau de rues relativement bien ordonnées : la rue
principale que l’on aperçoit sur la vignette du XVe siècle apparaît très clairement sur le
cadastre et relie entre elles les deux portes sud et nord, en une quasi ligne droite
découpant la ville en deux. Un réseau de rues transversales dessert les différents
quartiers. Le relatif ordonnancement de la voirie et de la trame villageoise peut laisser
supposer une implication seigneuriale dans la mise en valeur du bourg.
12
À l’extérieur de l’enceinte, l’Armorial montre un faubourg d’une dizaine de maisons
alignées autour de la route principale. Celui-ci est parfaitement lisible sur le cadastre
napoléonien mais il ne semble pas, contrairement à ce qu’affirme E. De Boos dans sa
notice sur Panissières (De Boos, 1998), reprendre l’emplacement de l’actuelle place du
Peuple. Plusieurs arguments peuvent être avancés. Tout d’abord, le dessin de l’Armorial
représente des maisons décalées par rapport à l’enceinte, certaines possédant même des
parcelles cultivables que l’on retrouve sur le cadastre, alors que la place du Peuple est
clairement accolée à la courtine sur le cadastre napoléonien. De plus, la position supposée
du châtelet sur le cadastre est bien en avant par rapport à la place du Peuple, ce qui
imposerait à la route sortant de la ville un brusque retour en arrière pour emprunter
cette direction. Le dessin ne le montre pas. Enfin, la vignette décrit très bien des maisons
agglomérées autour de la route principale menant à la ville. Or, le relief très accentué de
Panissières, sur un axe est-ouest, ne semble pas faire de la place du Peuple un axe de
communication très praticable au Moyen Âge. En revanche, le prolongement de la rue
principale de Panissières, au sud dans l’axe de la porte ancienne et perpendiculairement à
la place du Peuple, correspond assurément au faubourg médiéval.
13
Panissières est une bourgade très secondaire dans le comté de Forez au Moyen Âge,
comme en témoigne sa tardive prise de possession par les comtes au XIVe siècle, qui n’y
établiront jamais de château stricto sensu (la légende médiévale de la vignette n’y fait pas
référence d’ailleurs). Ce modeste habitat ecclésial semble être né autour d’une possession
de l’abbaye de Savigny, très tôt mentionnée dans les sources écrites. L’histoire de
Panissières reste toutefois confuse et mal connue, en raison d’un cruel manque de
sources. Il est probable que l’essor du lieu se soit accéléré après la prise de possession par
les comtes de Forez et la fortification a dû intervenir dans les périodes instables de la fin
du XIVe et du début du XV e, comme pour nombre d’autres sites, mais là encore, aucune
source certaine ne vient confirmer ou infirmer cette hypothèse. Enfin, même s’il ne
subsiste quasiment aucun vestige médiéval à Panissières, l’analyse du parcellaire ancien
montre la grande fidélité de la vignette de l’Armorial, aussi bien dans la structuration
d’ensemble du site autour de l’église Saint-Jean-Baptiste que pour des détails plus ténus
comme la position des tours et des portes.
231
NOTES
1. Au XIII e siècle, l’église ne dépend pas directement de l’abbaye de Savigny, mais du prieuré de
Montrottier, lui-même possession de Savigny (ecclesia Sancti Johannis [de Paniceres] patro prior de
Montroter, Chartes du Forez, n° 901).
2. Sur l’Armorial, il est très clair qu’un système défensif conséquent, s’apparentant à un châtelet,
protégeait cette porte. Le parcellaire napoléonien montre encore la trace d’une petite tour
circulaire prise dans un ensemble de parcelles bâties immédiatement au sud-est de la place du
Peuple, à l’entrée du faubourg sud en venant de la ville et en regard immédiat de la porte. De
cette tourelle, il ne reste aujourd’hui qu’un arrondi de maçonnerie pris dans une habitation plus
tardive. Il serait tentant de voir ici la trace d’une des deux petites tours du châtelet d’entrée
figurant sur la vignette de l’Armorial. Toutefois, la tourelle conservée apparaît quand même
assez éloignée de l’enceinte ; de plus, elle est située au-delà du fossé, ce qui ne correspond pas à la
représentation du XVe siècle.
232
Feurs
Paul Valette
449. La ville de Feurs. Département : Loire ; canton :
Feurs ; commune : Feurs
Le contexte archéologique et historique
1
Un long silence, que l’archéologie ne parvient pas à éclairer totalement, recouvre la
destinée de l’antique Forum Segusiavorum durant tout le haut Moyen Âge. On peut
seulement affirmer que la civitas de Feurs décline, pour presque disparaître au III e siècle,
ne devenant jamais cité épiscopale (Lavendhomme, 1997, p. 96). Par la suite, tout au plus,
du mobilier archéologique datable des VIIe et IXe siècles a-t-il été mis au jour dans l’îlot de
la Boaterie, dans les ruines du forum (Valette, 1983). De même, des sépultures (dont
certaines en sarcophage), non datées mais appartenant selon toute vraisemblance à des
époques différentes, ont été observées à plusieurs reprises place Carnot, rue Mercière et
plus récemment rue P. Mollon. L’aire de dispersion de ces sépultures est relativement
vaste, ce qui, semble-t-il, ne permet pas de toutes les rattacher à l’église mentionnée au
XIIe siècle. Il est donc fort possible qu’un enclos funéraire lié à un lieu de culte du haut
Moyen Âge, non encore localisé, ait précédé l’urbanisation de ce secteur de la ville 1.
Malgré ces découvertes, il ne fait aucun doute que l’agglomération altimédiévale de Feurs,
même si toute forme de peuplement n’a pas disparu à la fin de l’Antiquité, n’est pas
importante. Il faut attendre la seconde moitié du Xe siècle pour qu’une agglomération
qualifiée de vicus ou de burgus réapparaisse. Ainsi, en 950, des biens sont mentionnés
entre Foronicus (Foro vicus ?) et le château de Randans (Cartulaire de Savigny, n° 5). En 958,
des biens sont localisés in burgo Forensi (Cartulaire de Savigny, n° 72) et en 980 d’autres
sont in confino ipsius vici qui vocatur Forus (Cartulaire de Savigny, n° 247), alors qu’apparaît
la
villa quæ dicitur Forus (Cartulaire de Savigny, n° 288).
2
Remarquons qu’il n’est pas encore question dans ces textes d’un habitat castral, les
appellatifs employés pour le désigner (vicus, villa) renvoyant à un habitat d’origine
233
antique ou ecclésiale et non à la présence d’un château, le terme de vicus renvoyant
probablement à l’origine antique du lieu.
3
Le château de Feurs n’est attesté que tardivement, à partir du milieu du XIIIe siècle,
lorsqu’en 1246, le comte Guy V acquiert pour 40 livres forts ce que possèdent Guy de
Montagny, domicellus, et sa femme Agnès, infra clausuram castri de Fori (Chartes du Forez, n
° 619). Plusieurs coseigneurs apparaissent alors dans la documentation et se partagent des
parts du château de Feurs avec le comte. Ce sont d’abord les Antoine, lignage de la région
de Montbrison éteint dès le milieu du XIIIe siècle (Perroy, 1977, p. 61-63), les Charettes,
modeste lignage de la région de Néronde (Perroy, 1977, p. 203-204), les Chauderon
(Perroy, 1977, t. I, p. 90), mais surtout la puissante famille d’Augerolles (Perroy, 1977, t. I,
p. 90). Ces derniers possèdent même leur part du château de Feurs à titre allodial jusqu’en
1248, lorsqu’ils la reprennent de Guy V qui leur cède alors ce qu’il possède dans le château
de Feurs (Chartes du Forez, n° 932). De ce fait, en 1260, Guillaume d’Augerolles figure
parmi les vassaux du comte pour ce qu’il possède à Feurs (Chartes du Forez, n° 903). Pour
finir, en 1295, le comte Jean Ier achète à Pierre d’Augerolles, domicellus, la moitié du
château de Feurs et de ses droits de justice pour la somme de 80 livres viennoises, ce qui
semble exclure cette famille de la coseigneurie (Chartes du Forez, n° 573). Jusqu’à une
date tardive, le comte n’est donc que partiellement seigneur de Feurs et son
administration ne s’y implante pas avant la fin du XIIe siècle, puisqu’en juillet 1239, le legs
fait aux moines de Randans par le comte Guy IV leur était payé à Bellegarde, ce qui
tendrait à prouver que le comte ne disposait pas alors à Feurs de châtelain ou de prévôt
(Chartes du Forez, n° 1386, n. 30). Il faut attendre le XIVe siècle pour que des listes de
châtelains et de prévôts assez complètes puissent être établies, signe de l’importance que
prennent alors ces fonctions sur les lieux (Perroy, 1948-1951). Le rôle de Feurs parmi les
seigneuries et les châteaux comtaux semble donc être réduit, malgré les origines antiques
de la place.
4
L’importance de Feurs est en fait économique, les revenus de cette châtellenie s’élevant à
des niveaux significatifs, comme en 1322 où ils atteignent près de 525 livres (Broutin,
1867, p. 108) et dans les années 1380 où ils culminent annuellement à plus de 606 livres
(ADL 42, B 1967). Les recettes provenant des « leydes, péages et four » en représentent
une grande part, confirmant en cela le rôle économique tenu alors par Feurs, comme
centre de foire en particulier. Les marchés de Feurs sont attestés depuis 1227, lorsque Guy
IV donne à l’abbaye de La Bénisson-Dieu une rente annuelle de 50 sous forts de Lyon à
percevoir in mercato nostro de Fuer (Fournial, 1967, p. 55-56 ; Chartes du Forez, n° 1359) et
dès 1248, les murailles du castrum initial sont débordées par un faubourg qui devient le
cœur de la ville tardimédiévale (Chartes du Forez, n° 83).
5
Le développement urbain de Feurs explique qu’un hôpital y soit implanté, celui-ci est
attesté à partir du début du XIVe siècle (Fournial, 1967, p. 148). D’après les registres de
comptes des travaux de fortification de 1388-1390, il devait occuper un emplacement
proche de la cure :
XXXIX teyzes dic l’enchant del mur de l’ospital en allant jusque el mur del ort de la cure de
Fuer (Comptes des murailles de Feurs, art. 39).
6
Le terrier de 1473-74 qualifie d’ailleurs une des portes de la ville de porte hospitalis,
ouvrant sur un nouveau faubourg (extra villam Fori in suburbio novo).
7
L’église paroissiale de Feurs, placée sous le vocable de Notre-Dame, est attestée depuis le
début du XIIe siècle. En 1101, l’archevêque de Lyon, Hugues de Die, fait donation à
l’abbaye de Savigny de l’ecclesia Beatæ Mariæ de Foro ainsi que de toutes ses dépendances
234
(Cartulaire de Savigny, n° 819). Le prieur de Randans, dépendant de Savigny, nommera le
curé de Feurs. Par la suite, cette église, ainsi que le cimetière qui l’entoure, apparaît de
nombreuses fois dans les testaments des XIVe et XVe siècles (ADL B 1854, B 1860, B 1862, B
1865, B 1881, B 1886, B 1892, B 1894). Le prieuré Saint-Martin-de-Randans est situé hors de
l’enceinte, à une courte distance au sud-ouest du bourg. Il occupe une éminence protégée
à l’ouest par la Loire et à l’est par un ruisseau. Une église quæ est constructa in honorem
Beati Petri apostoli est située in villa quæ dicitur Randani (Cartulaire de Savigny, n° 74). La
question de l’identification de cette dernière pose problème, puisque par la suite, l’église
priorale est placée sous les vocables de saint Martin et de saint Jean-Baptiste (Ganivet
2005b). On peut donc penser, sauf improbable et invérifiable changement de vocable, que
l’église Saint-Pierre est un autre édifice implanté dans la villa et n’ayant pas connu de
postérité au-delà du haut Moyen Âge. Doté de droits paroissiaux, un cimetière est associé
à l’église Saint-Martin, ainsi que nous le rappelle le testament de Johannin, fils de Pierre
Boyer, qui, en 1361, institue un legs à cette église et demande d’être inhumé
in ciminterio Beati Martini de Randans (ADL, B 1867).
8
L’église de Randans perd de son importance à la fin du Moyen Âge, et si un curé y est
encore attesté en 1423 (ADL, B 1894), entre 1447 et 1457, la cure de Randans est rattachée
à celle de Feurs (Duguet, 1880, p. 14). Il est tentant de penser que Saint-Martin-deRandans puisse être d’origine altimédiévale, remplissant alors peut-être des fonctions
baptismales et constituant l’une des multiples églises qui devait probablement entourer la
ville tardoantique. Une cella, à l’origine du prieuré conventuel, lui est associée à partir de
la fin du XIe siècle (Cartulaire de Savigny, n° 748). Un habitat est aussi aggloméré autour
de l’église de Randans, appelé villa vers 11212.
La représentation de l’Armorial
9
La figuration au premier plan à droite d’un cours d’eau, qu’il faut identifier avec la Loire 3,
laisse penser que la ville est vue depuis l’ouest, en direction des monts du Matin (fig. 110
). L’agglomération est enfermée dans une enceinte de forme grossièrement elliptique,
ceinte d’une courtine crénelée, précédée d’une escarpe d’une certaine ampleur dominant
un fossé dont le fond est rempli d’eau. Deux portes percent le flanc occidental de cette
muraille. Leur architecture est semblable : il s’agit de tours-porches quadrangulaires
surmontées de hourds et une bretèche surplombe celle de gauche. Un système élaboré de
double barbacane en assure la défense à l’extérieur. Un premier petit ouvrage est installé
directement sur l’escarpe. Il consiste en deux murs perpendiculaires au fossé, dont
certains sont percés d’archères, et qui protègent en fait le système de levage du pontlevis. Ce dernier relevé, ce petit espace constitue un ultime élément de défense de la
porte. Au-delà du fossé, une barbacane plus étendue, construction carrée aux murs non
crénelés, s’ouvre sur la campagne par un portail de bois figuré largement ouvert. On peut
distinguer des archères percées dans les murs de la barbacane de droite. À l’intérieur de
celle de gauche, qui semble plus avancée que celle de droite, une petite construction
correspond peut-être à un poste de péage, signe d’une certaine hiérarchie entre les accès
à la ville. À l’arrière-plan, sont visibles les parties supérieures de deux autres tours de
même aspect que les précédentes, ce qui permet de porter à quatre le nombre de portes
sur lesquelles flotte la bannière à fleurs de lys du duc de Bourbon. Douze tours, moins
élevées que les tours-porches, renforcent la courtine. De forme ronde, crénelées et
percées d’archères à leur base, elles sont régulièrement espacées par groupe de trois
235
entre les portes. À gauche, le dessin de l’une d’elles vue de profil pourrait laisser supposer
que ces tours étaient ouvertes à la gorge.
Fig. 110 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 449) : la ville de Feurs.
10
La ville de Feurs apparaît dépourvue de château stricto sensu et les seuls édifices qui
émergent du tissu urbain sont deux églises. Celle de gauche se caractérise par
l’importance de son clocher quadrangulaire surmonté de deux niveaux d’ouvertures. Le
porche d’entrée n’est pas visible. À droite, une seconde église, de dimensions plus
réduites, présente une architecture extérieure (succession de contreforts et de baies
vitrées) comparable à celle de l’autre édifice. Son clocher, moins imposant, comporte une
base à deux rangs d’ouvertures, surmontée d’une petite flèche.
11
L’espace enclos est saturé de constructions civiles qui s’organisent le long de rues bien
marquées sur le dessin. Seule la zone comprise à gauche, entre l’église et l’enceinte,
présente une disposition anarchique des maisons. L’axe le mieux marqué traverse le
bourg de façon quasi rectiligne et débouche sur la porte figurée au premier plan à gauche.
Il est bordé de maisons de taille diverse dont le mur pignon, en façade sur la rue, est percé
à l’étage d’une fenêtre à meneau et au rez-de-chaussée d’une porte et d’une grande
ouverture surmontée d’un arc en anse de panier. Peut-être faut-il voir dans cette dernière
la volonté de figurer des échoppes. Une autre rue comparable s’embranche sur la
précédente, passe devant l’église, et aboutit elle aussi à une porte. Un troisième
alignement de maisons est visible à droite, reliant lui aussi deux portes de l’enceinte. Une
double impression se dégage de cette représentation de Feurs : celle de l’existence d’un
puissant système défensif et celle d’un tissu urbain solidement structuré par un réseau de
rues qui ne sont que les parties « urbanisées » d’axes de circulation.
12
Deux des axes figurés sur l’Armorial se prolongent extra muros, au-delà du fossé. Deux
faubourgs, représentés par un double alignement de maisons identiques, se sont
développés le long de ces voies et traduisent ainsi leur importance. Également hors les
236
murs, et entre ces deux faubourgs, le dessin courbe des haies suggère la présence d’un
petit relief surplombant la Loire et qu’occupent des jardins ou champs, ainsi qu’un
ensemble de constructions.
13
À l’extérieur, quelques maisons s’appuient sur un édifice plus important : il s’agit du
prieuré de Randans et de son faubourg. Celui-ci est composé d’une enceinte crénelée de
forme carrée, non fossoyée et renforcée dans les angles par des échiffes. La façade
principale s’ouvre en direction de la Loire par une poterne et un portail que surmonte
une bretèche. De ce rempart émerge un clocher carré surmonté de deux étages
d’ouvertures et qui n’est pas sans rappeler, en plus petit, celui de l’église principale du
bourg. À quelque distance vers la droite se dresse une autre église plus petite, peut-être
une simple chapelle. Sa façade, que surmonte un clocher-mur à double arcade, s’ouvre
elle aussi face à la Loire par une porte et une fenêtre ronde. Un enclos quadrangulaire
(cimetière ?), établi entre l’église et la Loire, complète cet ensemble.
Les données archéologiques et le parcellaire
14
L’état de conservation des vestiges médiévaux de Feurs est très variable selon les
éléments. Si l’enceinte castrale est attestée à plusieurs reprises dans la seconde moitié du
XIIIe siècle4, de même que les fossata dicti castri (Chartes du Forez, n° 932), il n’en subsiste
aucun vestige et le parcellaire demeure muet à son sujet, preuve sans doute de sa
disparition précoce (fig. 111). Seuls demeurent deux noms de rues : la rue du Château
(aujourd’hui de la Boaterie) (fig. 112) nommée sur le plan du XVIIIe siècle 5, et l’impasse
du Château (disparu lors de l’aménagement de la place de la Boaterie en 1955). Il faudrait
donc situer le château à leur point de convergence, au nord-est du bourg médiéval, entre
l’hôtel particulier de la famille Gaudin et la tour de Grézieux. Une importante zone de
remblai repérée lors des fouilles de 1979 en bordure de la rue de la Boaterie, pouvant
correspondre à un fossé, accrédite cette hypothèse.
Fig. 111 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
237
Fig. 112 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIXe siècle) d’après le
parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de Guillaume Revel.
15
Heureusement, la documentation écrite comble partiellement les lacunes du terrain. On
peut penser que le château proprement dit n’occupait qu’une faible superficie, puisqu’en
1295, il n’y est question que d’une grange, une maison, un colombier et douze celliers
(Chartes du Forez, n° 573). La documentation du XIVe siècle ne modifie guère cette
impression. Si des maisons appartenant au comte occupaient une partie du château6, il
n’est pas fait allusion à un logis seigneurial proprement dit. Des réparations sont
certainement entreprises en 13707. Pourtant vingt ans plus tard, alors que s’édifie la
muraille urbaine, il faut lever une taille supplémentaire pour renforcer les murs, dont un
en pisé, et remettre en état le pont-levis tombé dans les fossés (ADL, B 1968) ce qui traduit
un probable état de vétusté. Le terrier de Feurs rénové en 1473-1474 par Gilbert Jurieu,
clerc, notaire et prévôt de Feurs, nous donne du château une vision un peu plus précise
(ADL, B 2030). L’exiguïté est toujours de mise puisqu’il n’existe que sept maisons à
l’intérieur de son enceinte qui s’ouvre vers l’extérieur par une seule porte (ADL, B 2030) 8.
Le système défensif a été réduit par le comblement d’au moins une partie des fossés
convertis en jardins abénévisés par le comte (ADL, B 2030)9. On sait aussi que des travaux
y sont entrepris au XVe siècle, puisqu’une nouvelle tour est construite en 1467 au coin du
château pour servir de prison au premier étage et d’archives au second10. Elle est sans
doute mentionnée dans le terrier de 1473-1474 sous le nom de « tour neuve » du château,
au midi.
16
Les sources concernant le château deviennent plus rares à partir du XVIe siècle. Au début
du XVIIe siècle, on trouve encore la mention d’une maison
au chasteau de Feurs confrontant du septentrion au portail dudit chasteau et du couchant a
la rue qui est au fond des fosses vieux (ADL, B 2215) 11.
17
Mais le château de Feurs ne figure pas, même parmi les édifices ruinés, dans les enquêtes
ordonnées par le pouvoir royal et conduites en 1666 et 1670 pour dresser l’état des biens
238
comtaux aliénés au siècle précédent : il a alors perdu toute importance et se trouve sans
doute dans un état de ruine avancé (Viallard, 1992).
18
L’examen du plan de Brissat et du cadastre de 1815 confirme la pérennité du tracé des
murailles urbaines. Ces dernières ont été édifiées à partir des années 1387-1388 pour
enclore l’extension urbaine, ainsi qu’en témoignent les comptes de leur construction
(Comptes des murailles de Feurs, p. 256-321), mais les travaux ne sont pas encore
terminés en 1394 lorsque Guillard de Sainte-Colombe est nommé capitaine de la place,
puisqu’il a en charge
« le gouvernement de l’ouvrage de la fortification de ladite ville que tenait naguere
Jean des Rues » (ADL, Inventaire de la série B, B 1966).
19
Le développé du rempart représenté en 1768 (environ 800 m) est d’ailleurs très proche
des 300 toises (environ 770 m) indiquées dans les comptes de construction de 1388-1390.
Cette enceinte, de forme grossièrement quadrangulaire, se développe pour l’essentiel au
sud-ouest du château, les anomalies de tracé, comme certains décrochements,
s’expliquant par l’intégration lors de la construction de vestiges de murs antiques (fig.
113). C’est le cas sur le flanc est, au nord de la tour de Grézieux, où le retour du rempart, à
angle droit, reprend des murs de la curie du forum qui conservaient alors des élévations
importantes (Duguet, 1880, p. 13). La même raison explique son tracé en baïonnette à
l’ouest de la porte du Palais. Ici c’est une partie des cryptoportiques qui a servi à asseoir le
rempart. À l’heure actuelle, un seul tronçon de l’enceinte est conservé en élévation, rue
Gambetta, alors que des travaux effectués en 1988 sur la place Drivet, en face de l’église,
ont permis de repérer ses fondations en deux endroits.
Fig. 113 - Mur oriental de la curie du forum, vu depuis l’est.
20
La vignette de l’Armorial présente des fossés en eau ceinturant la base de l’enceinte. Leur
tracé est d’ailleurs encore marqué à l’heure actuelle par la rue des Remparts, alors que la
rue Mottin portait en 1862 le nom de rue des Fossés Chardon. En 1990, des sections de
fossé ont été observées rue de Verdun et, en 1992, rue Mollon, où il se présentait sous
239
forme d’un remblai homogène large d’une quinzaine de mètres (Guichard, Lavendhomme,
1992).
21
Seules quatre tours sont visibles sur le cadastre napoléonien, deux à l’est et deux à l’ouest,
alors qu’au XVIIe siècle, il existait cinq tours
« du côté du soir et midi (...) celle de la Cure (...) et celle de Randans (...) du côté du
levant et midi la tour des Pénitents, celle des archives ou des prisons (...) et celle de
Donzy » (Duguet, 1880, p. 277).
22
Pour sa part, le terrier de 1473-1474 en mentionne deux : celle dite de Randans
(vraisemblablement au sud-ouest) et celle de Donzy (en direction de l’est). À l’heure
actuelle, la seule tour conservée est la tour dite de Grézieux, visible à l’est de la place de la
Boaterie (fig. 114). L’hétérogénéité des matériaux utilisés pour sa construction, même si
sa restauration a pu brouiller les cartes, confirme assez bien le compte de 1388-1390. On y
trouve en effet des blocs de granit gris, de nombreux réemplois de matériaux antiques,
des moellons de petit appareil en granit rose et du calcaire à entroques. Le nombre de
tours qui cantonnent cette enceinte pose problème. En effet, l’absence de tours visibles
sur le flanc sud de l’enceinte, sur le plan de 1768 comme sur le cadastre de 1815, peut
surprendre, alors que la vignette en représente. De même, les nombreuses tours figurant
sur le dessin surprennent et contredisent la description que l’abbé Duguet rédige au XVII e
siècle. Il ne mentionne que cinq tours. On ne peut pourtant suspecter les tours dessinées
sur la vignette de s’être déjà effondrées, puisqu’il précise ensuite que
« la tour de Donzy tomba en 1690. C’est la première brèche dans les murailles de
Feurs ».
Fig. 114 - La tour de Grézieux, face nord.
23
La ruine de ces fortifications s’accélère au XVIIIe siècle et impose leur destruction au XIXe
siècle. Ainsi, le 3 août 1759, M. de La Rochette, dont une partie de la demeure s’appuie sur
240
le rempart, rue du Palais, adresse une requête auprès des officiers de la chambre
domaniale pour attirer leur attention sur le fait
que sur la partie du mur de la ville (...) il y a une espece de creneaux (...) qui sont dans un
etat de vetusté et qui deperissent journellement ; que la creste du mur de la ville est dans le
mesme cas et que les pierres qui s’en detachent journellement, joint aux vices des
fondements, menacent le mur entier d’un eboulement prochain (ADL, 5 E 1318).
24
En 1865, demeurent visibles la tour de Randans, celle de Grézieux et celle de Donzy, alors
que celle de Cleppé a été détruite pour établir la place de l’Hôtel-de-Ville (Broutin, 1867,
p. 140).
25
Le registre de compte des travaux effectués aux remparts entre 1388 et 1390 mentionne
l’existence de trois portes, celle dite de l’igleyze (de l’église), dont la première pierre fut
posée en juin 1388, celle dite portal de Lyon et celle dite portal de Jean Chardon (Comptes des
murailles de Feurs, art. 29, 35, 43, 44, 71, 180, 308, 505, 597). Pour sa part, le terrier de
1473-1474 signale le portale hospitalis (ADL, B 2030). Il ne subsiste actuellement rien de ces
portes, mais, à la fin du XVIIe siècle, l’abbé Duguet décrit
« une tour carrée qui est au-dessus de la porte de Lyon aujourd’hui ruinée »
(Duguet, 1880, p. 17).
26
Des deux églises représentées par Revel, celle de gauche est identifiable avec l’église
Notre-Dame qui a succédé au début du XVe siècle à un édifice plus ancien dont des
vestiges sont encore visibles dans le chœur et l’abside. Depuis le XVe siècle, l’édifice a subi
de nombreuses transformations. Outre son élargissement par l’édification de nouvelles
chapelles latérales dès les XVe et XVI e siècles (Duguet, 1880, p. 87-93), son clocher fut en
partie détruit en 1562, et remplacé. Durant le XIXe siècle, des chapelles sont détruites et
surtout la façade est totalement refaite en 1855 alors que l’ancien clocher est démoli en
1861 (Broutin, 1867, p. 11 et 143) (fig. 115). La localisation de la seconde église demeure
problématique dans la mesure où son existence même n’est pas assurée. Un seul texte, du
début du XIIe siècle mentionne les ecclesias de Foro, laissant penser qu’il y avait plusieurs
édifices (Cartulaire de Savigny, n° 884, circa 1110 ; Chartes du Forez, t. XVIII, p. 106, n. 10).
La présence de cet édifice sur l’Armorial laisse supposer qu’il existait encore au XVe
siècle, or la documentation tardimédiévale, en particulier les nombreux testaments,
l’ignore. Peut-être s’agit-il de l’une des deux chapelles édifiées dans le cimetière qui
entourait l’église et attestées au XVIIe siècle (Duguet, 1880, p. 16, 89, 90, 95). La présence
d’une rue Saint-Denis pourrait laisser penser qu’un édifice placé sous ce vocable a existé.
C’est possible, mais à la fin du Moyen Âge, elle semble bien avoir disparu et son souvenir,
outre le nom de la rue, ne serait conservé que par une chapelle de l’église Notre-Dame
dont l’autel est dédié à ce saint. Il ne subsiste aujourd’hui rien de visible des bâtiments du
prieuré de Randans et de l’église Saint-Pierre. Une partie du cimetière qui se trouvait à
proximité a été emportée par les divagations du cours de la Loire et les seuls vestiges
architecturaux conservés sont la margelle qui surmontait sans doute le puits du cloître. A.
Broutin y signale la découverte de sarcophages monolithiques réutilisés comme
abreuvoirs, mais ils ont disparu aujourd’hui. Le cadastre napoléonien donne une image du
site sans doute peu de temps après les démolitions. Le prieuré devait occuper la partie
septentrionale de la butte, comme le suggère la vue de l’Armorial, à l’emplacement où
existe un groupe de trois bâtiments isolés. Les limites orthogonales de l’espace (cour ?)
qui le borde à l’est marquent peut-être les traces de l’ancienne enceinte. La topographie
actuelle conserve encore de façon lisible des dépressions de terrain qui peuvent être
interprétées comme des fossés. Celui du nord aurait isolé le prieuré du bourg fortifié
tandis que celui du sud protégeait l’ensemble de la butte à la manière d’un éperon barré.
241
Fig. 115 - Vue de l’église Notre-Dame depuis la place du Forum.
27
Feurs constitue un cas intéressant d’évolution du peuplement. Si la continuité de l’habitat
de l’Antiquité jusqu’à nos jours ne fait pas de doute, ainsi que le suggère l’archéologie, les
formes de peuplement qui se succèdent répondent à des types bien différents, posant la
question de la rupture qu’a pu représenter le haut Moyen Âge. En effet, le site représenté
par Guillaume Revel est un ensemble d’origine castrale que rien ne rattache
morphologiquement à la civitas antique. Si les lieux n’ont pas été totalement abandonnés,
ainsi qu’en témoignent quelques rares découvertes des VIIe-IXe siècles, la densité du
peuplement a dû indéniablement chuter au point que l’agglomération médiévale prend
des formes qui ne sont que très ponctuellement tributaires de l’héritage antique.
28
Il ne fait pas de doute que la reproduction sur le dessin d’éléments tels que la situation et
la topographie du faubourg de Randans, le nombre de portes de la ville et l’articulation
des rues, ne peut se comprendre que si l’auteur a pu s’inspirer sinon d’une vision directe
du paysage, du moins d’un croquis précis. Trois problèmes sont ressortis de la
confrontation de cette vision avec les données de la documentation dont nous disposons.
Tout d’abord, le nombre et la disposition des tours de l’enceinte doivent être remis en
cause. Ensuite, aucune référence n’est faite au château, même si celui-ci était des plus
modestes. Enfin, la présence d’une seconde église à l’intérieur de l’enceinte reste encore
très problématique. Tout compte fait, Guillaume Revel a voulu donner de Feurs l’image
d’une ville fortifiée certes (et peut-être un peu trop par rapport à la réalité !), mais dont la
valeur militaire comptait peu aux vues de sa position de carrefour, de lieu d’échanges, ce
qui finalement correspond bien à ce que nous apprennent les documents du XVe siècle.
Page 449
LA VILLE DE FEURS
Étude héraldique
242
812. Frère Girau de Teillis prieur de Randans
d’or à trois fasces de gueules – l’écu posé sur un bâton de prieur.
Membre non identifié de la famille de Thélis, divisée au XVe siècle en quatre
branches distinctes : les seigneurs de l’Espinasse, des Farges, des Forges et de
Pesseley.
• Perroy, 1977, t. II, p. 872-886.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Le terrier de 1473 mentionne une rue Saint-Denis située dans le secteur où ont été découvertes
les sépultures. Serait-ce un souvenir d’un édifice altimédiéval alors disparu ?
2. ... si ipsius villæ clausura defecerit, eorum precatu prior claudere debet, puis que si prior portam villæ
mutare voluerit, cum eorum consilio [du comte] facere debet (Cartulaire de Savigny, n° 906).
3. Le dessin de la large barque qui descend le fleuve correspond-il à un simple souci esthétique de
l’auteur ou bien vise-t-il à rappeler la présence du port qui existait alors ? C’est en tout cas l’un
des seuls exemples d’activité humaine représentée sur les vignettes foréziennes de l’Armorial.
4. ... munitionem seu clausuram castri (Chartes du Forez, n° 619) ; ... clausuram murorum castri...
(Chartes du Forez, n° 573).
5. Ce plan, dit plan Brissat, est conservé aux archives du musée de Feurs. Il a été publié : cf.
Broutin, 1865 et Guichard, Ramet, s. d.
6. ... pro locatione domorum dicti domini comitis Forensis sitatam in castro Fori... (ADL, B 1967).
7. Accord passé le 9 juin 1370 entre Louis de Bourbon, curateur de Jean, comte de Forez, d’une
part, et l’abbé de Cluny, d’autre part, au sujet du guet et de la participation des habitants de
Pouilly aux réparations du château de Feurs (Inventaire des titres du comté de Forez, t. I, p. 310).
8. Mention de la maison de Jean Régis « au château de Feurs, près du chemin public tendant de la
porte du château aux prisons au nord, d’un autre chemin tendant vers les fossés à l’ouest »
(Inventaire ADL, série B).
9. Mention de Pierre Bodon, tanneur, qui paie un cens pour l’emplacement d’un jardin « sur les
anciens fossés du château près du vingtain dudit château » (Inventaire ADL, série B).
10. Acte du 2 juin 1467 aujourd’hui perdu (cité dans Duguet, 1880, p. 221).
11. Reconnaissances détachées 1554-1738.
243
Sury-le-Bois
Paul Valette
450. Le chatiau de Sury le Boys
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Valeille
L’apport des sources écrites
1
Le château de Sury-le-Bois, s’il n’a laissé que peu de vestiges visibles, n’en est pas moins
un site forézien majeur, documenté par des sources écrites relativement fournies. Cette
importance s’explique peut-être par le fait que ce château demeura durant tout le Moyen
Âge entre les mains des comtes de Forez et qu’il constitua un des éléments du patrimoine
familial auquel ceux-ci ont porté un réel intérêt, voire même un attachement indéniable.
Dans ce cadre, le XVe siècle a probablement constitué son « âge d’or », le rattachement du
Forez à la couronne royale en 1532 marquant le début de son déclin.
2
La première mention de Sury-le-Bois date de 1218. Néanmoins, l’acte ne mentionne pas
explicitement le château. Le comte Guy déclare alors que la terre de la Brosse jouxtant
Sury et d’autres biens furent vendus à Jarenton, prévôt de Sury, pour la somme de 34
livres (Chartes du Forez, n° 29). On peut penser que le château existe dès lors, puisqu’un
prévôt est en poste à Sury. En fait, il est probable que le château de Sury soit une création
du milieu du XIIe siècle, antérieurement à la construction de celui de Donzy, implanté
dans le mouvement d’affirmation du comté sous le règne de Guy II (Perroy, 1966b, p. 693,
note 60)1. Par la suite, dans le courant du XIIIe siècle, le château est mentionné à de
nombreuses reprises. En 1226, il constitue, avec les châteaux de Saint-Héand et de
Montrond, l’apanage viager de Renaud, archevêque de Lyon et frère de Guy III (Chartes du
Forez, n° 1358). En 1239, Guy IV lègue ces mêmes possessions à Renaud, son fils cadet, en y
rajoutant Virigneux (Chartes du Forez, n° 1386). Ce dernier, partant en croisade aux côtés
de Louis IX, les attribue alors à son fils Louis, seigneur de Beaujeu (Chartes du Forez, n
° 1485). Dans le dernier quart du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle, c’est le comte Jean
Ier qui est en possession du château 2. Il semble avoir accordé une attention toute
244
particulière à Sury-le-Bois où il étend ses droits et ses possessions. C’est ainsi qu’en 1308,
il achète à la famille de Sainte-Colombe un corps de bâtiment ruiné qu’elle possédait à
l’intérieur du castrum, moyennant la moitié des rentes et des dîmes de Sury-le-Bois
(Broutin, 1883, p. 291). Par la suite, en 1311, il échange avec Raymond Athon, chanoine de
Comminges, la moitié du château de Souternon contre divers biens et revenus situés dans
plusieurs mandements dont Sury-le-Bois (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1318).
Quelques années plus tôt, il avait acheté de grands tènements de forêts autour du château
(Broutin, 1883, p. 297)3. Finalement, en 1324, Jean Ier attribue par voie testamentaire le
château de Sury et celui de Saint-Héand à son fils Jean, chanoine de Notre-Dame de Paris,
mais « pour la vie de celui-ci uniquement » (ADL, B 1842). Sans que l’on comprenne
pourquoi, Jean Ier, qui décéda en 1333, le donne en 1331 à sa sœur, Isabelle de Forez, veuve
de Bernard de Mercœur, en échange du château d’Ussel concédé par cette dernière à son
neveu Guy, le futur comte Guy VII (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1956).
Ensuite, en 1357, Jean II, fils cadet de Guy VII, le reçoit en viager de son père (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 2756) et, lorsqu’il meurt sans postérité en 1372, il revient à
Louis II de Bourbon, qui devient comte de Forez. Par la suite, le château ne quitte pas le
giron comtal jusqu’en 1450, lorsque Charles Ier de Bourbon le remet en gage à Louis
Maréchal, seigneur d’Apinac, comme caution d’un emprunt (Broutin, 1883, p. 303).
Cependant, cet intermède est de courte durée, puisqu’en 1458 Jean II de Bourbon précise à
propos de Sury-le-Bois
que nous avons recouvré et desgaigé des mains de nostre aimé et feal chevalier messire Louis
Mareschal auquel feu nostre tres redoubté seigneur et père, que Dieu pardoine, avait bailhé
en gage pour certaine somme d’argent nosdits chastels et chastellenie... de Sury le Bois (ADL,
B 1844).
3
Ce château, à l’image de celui de Cleppé, fut pour les comtes un lieu de résidence
privilégié, ce que laisse clairement percevoir la documentation de la fin du XIVe siècle et
de la première moitié du XVe siècle. Pour les époques antérieures, peut-être que Guigone
de Forez, fille de Guy III, y aurait élu résidence dès 1215 (Broutin, 1883, p. 292). Par la suite
des actes y furent émis par le comte en 1228 (Chartes du Forez, n° 315) et en 1260 (Chartes
du Forez, n° 637). Au XIVe siècle, il est possible que le futur Guy VII y ait été baptisé, alors
qu’Isabelle de Forez, sœur de Jean Ier, y serait née (Broutin, 1883, p. 294, 299). Les
informations deviennent plus précises avec Anne Dauphine, dont des séjours avec tout ou
partie de son commun sont attestés en 1385 (Comptes des dépenses et recettes de la
duchesse de Bourbon, p. 300-307)4. Plus tard, Marie de Berry, épouse de Jean Ier de
Bourbon, scelle des actes à Sury en 1426 et en 1428 (De La Mure, 1860-1897, t. III, p. 190,
pièce n° 124 et p. 195, pièce n° 125). Il est probable que la fonction résidentielle de ce
château comtal, qui ne fut jamais inféodé, ni durablement aliéné, lui conférait une valeur
affective et symbolique forte. Nous ne possédons pas de témoignage postérieur et il
semble bien qu’au-delà de 1450, le château ne fut plus guère fréquenté par les comtes :
avec l’annexion du Forez au domaine royal, la situation de Sury change donc
profondément, marquant une nouvelle étape dans son histoire.
4
Le château de Sury-le-Bois était le siège d’une châtellenie, attestée depuis le milieu du XIII
e
siècle. Son ressort était limité à l’est par les mandements de Virigneux et de Bellegarde
(Chartes du Forez, n° 72, n° 1448) et englobait ainsi les paroisses de Valeille (Chartes du
Forez, n° 1444) et une partie de celle de Saint-Cyr-les-Vignes (Titres de la maison ducale
de Bourbon, n° 6449). Au nord, il atteignait les portes de Feurs et le mandement de Donzy
(ADL B 2094)5. À l’ouest et au sud, les limites sont moins bien identifiées. À l’ouest, la
châtellenie devait englober les paroisses de Saint-Laurent-la-Conche et atteindre ainsi la
245
Loire ; au sud, toutefois, elle ne comprenait pas le fief de La Liègue, rattaché au
mandement de Bellegarde (Épinat, 1975). Ainsi, le château de Sury-le-Bois contrôlait un
territoire s’étendant sur environ cinq kilomètres autour de lui. Des textes,
essentiellement du XIVe siècle, nous livrent les noms du personnel assumant des charges
administratives au sein de la châtellenie : le châtelain, bien entendu6, qui prend aussi en
charge la fonction de capitaine lors des périodes d’insécurité à la fin du siècle 7, le prévôt8
ou encore le sergent9. Les revenus de la châtellenie sont connus pour l’année 1322
(Broutin, 1883, p. 298)10 : les revenus en numéraire représentent la moitié de ceux de la
châtellenie urbaine voisine de Feurs, mais par contre ils sont nettement plus importants
que ceux des châtellenies de Chambéon ou de Donzy, par exemple ; l’importance
économique de Sury-le-Bois était donc loin d’être négligeable pour le comte11.
5
Le château de Sury-le-Bois est implanté dans la paroisse Saint-Pierre de Valeille. Cette
église demeure le centre paroissial durant tout le Moyen Âge (Dufour, 1946, p. 1012-1013),
et jamais le modeste castrum qui se développe à Sury n’induit de déplacement de ce
dernier. La fondation du castrum n’entraîne que la création de la capella Beate Marie, dont
l’existence est attestée tardivement, en 1270 (Chartes du Forez, n° 1485). C’est donc une
évolution bien différente de celle que connaissent d’autres castra parvenant à provoquer
un déplacement du centre paroissial ancien, mais la situation de Sury est probablement la
plus répandue. Sans doute que l’essor du village aggloméré autour du château n’est pas
suffisant, son développement démographique et économique demeurant médiocre,
malgré le lustre que prend le château.
La représentation de l’Armorial
6
La figuration de la vignette, qui met bien en valeur l’accès au château, a probablement été
dessinée depuis le sud-ouest (fig. 116). L’environnement forestier est bien suggéré,
particulièrement sur la gauche. Il en est de même de l’habitat installé dans la périphérie
du château et dont l’organisation évoque celle de hameaux implantés le long d’un réseau
de chemins particulièrement fourni.
246
Fig. 116 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 450) : le chatiau de
Sury le Boys.
7
La fortification, de forme grossièrement circulaire, est constituée d’une muraille crénelée
précédée d’un système de défense élaboré. Elle est entourée d’un fossé (où l’eau n’est pas
figurée) sur la contrescarpe duquel on a édifié une palissade constituée de gros madriers
de bois sans doute fixés sur des traverses horizontales. Une double rangée d’arbres élevés
(peupliers), plantés en quinconce, la dissimule au regard et peut constituer un obstacle
supplémentaire pour briser l’élan d’éventuels assaillants et rendre l’usage de machines de
guerre plus difficile. La courtine, qui n’est percée d’aucune archère, ne comporte pas de
tours mais quatre échiffes sont disposées régulièrement sur son périmètre. Ce sont des
constructions de plan carré relativement légères, en bois, percées de quatre ouvertures et
couvertes d’un toit à quatre pans. La seule tour bien mise en évidence est une tour-porche
de forme quadrangulaire dont la partie haute s’ouvre sur l’extérieur par une petite
ouverture, sans doute pour éclairer un étage ou un escalier donnant accès aux hourds qui
la surmontent. Ceux-ci sont de même facture que les échiffes mais de dimensions un peu
plus grandes (quatre ouvertures sur la longueur, trois sur la largeur). Une sorte de petit
clocher de plan carré, édifié lui aussi en bois, rehausse encore l’ensemble. C’est le seul
élément architectural de ce type visible sur la vignette. Peut-être faut-il en conclure que
le château ne comportait qu’une seule porte. Au-delà du fossé, une barbacane protège
cette porte. C’est une construction de forme carrée et comportant une façade presque
entièrement en bois, à moins qu’il ne s’agisse d’un imposant portail à double battant. Mais
le chemin d’accès figuré sur la vignette n’y conduit pas ; il mène à une petite porte
latérale. Une petite tour dont la base est percée d’archères défend ce passage. L’espace
intérieur de la barbacane peut être entièrement isolé car un portail le ferme en direction
des fossés. Ce portail s’ouvre sur un vestibule de bois dont le plancher, qui recouvre la
moitié de la largeur du fossé, est soutenu par des madriers plantés dans le sol. Il se
247
prolonge au-delà par un pont-levis, actionné grâce à un système à bascule et représenté
abaissé.
8
À l’intérieur de l’enceinte, dont l’espace semble saturé, des maisons forment un ensemble
dense dont l’organisation apparaît passablement anarchique. Un seul édifice est
clairement identifiable : c’est la chapelle, située à gauche de l’entrée, que surmonte un
clocher-mur à deux arcades et un pignon triangulaire. Il est difficile de distinguer une
hiérarchie au sein de l’habitat, même si certaines maisons apparaissent de dimensions
plus importantes que d’autres. Aucun donjon n’est représenté. Cependant cinq grandes
cheminées à deux niveaux signalent la présence à l’arrière-plan d’un grand bâtiment
rectangulaire malheureusement difficilement visible dans la perspective. Il s’agit peutêtre du logis seigneurial (Piponnier, 1992, p. 96).
Les données archéologiques et le parcellaire
9
Rien ne signale plus aujourd’hui de manière significative la présence du château comtal et
le parcellaire même demeure difficile à comprendre ; une partie de son emprise étant
occupée par des bâtiments agricoles modernes. La documentation écrite peut néanmoins
permettre une tentative de restitution du site12.
10
Si aucun vestige bâti n’est visible, ou presque, la limite du site, soulignée par une haie
vive ou un rideau d’arbres, a laissé sa marque dans le sol et le parcellaire (fig. 117, 118).
Décrivant une courbe significative, cette ligne est doublée par un creux nettement
marqué, dont la largeur peut atteindre une dizaine de mètres : c’est l’emplacement du
fossé, la doa castri contre laquelle Pierre Ancelin tient des maisons en 1357 (ADL, B 2089).
Comme pour les autres châteaux ceints de fossés en eau, ces derniers sont autant de
viviers et, en 1480, ces douves sont affermées pour la pisciculture durant trois ans pour la
somme de 4 livres tournois (Fournial, 1967, p. 692). Il est ici probable que le tracé du
rempart, le vintenum (ADL B 2094), soit encore conservé à l’ouest et partiellement au sudest, constituant les murs arrière des bâtiments d’exploitation (fig. 119), ainsi que les
visites du site au XVIIIe siècle (ADL, B 2298) nous le rappellent, alors que quelques vestiges
d’ouvertures anciennes, manifestement en place, témoignent de l’ancienneté du mur13.
Les jardins situés au pied de cette façade occupent l’emplacement de l’ancien fossé, dont
la mare située à gauche de l’entrée actuelle de l’exploitation garde le souvenir. Le fossé
s’interrompt au nord, où se situait l’entrée du château. La porte unique14 devait
probablement se trouver dans l’axe du chemin rural actuel, probable héritier du chemin
médiéval vers Feurs (ADL, B 2094). Ainsi délimitée, l’enceinte circonscrivait un espace
circulaire d’environ 100 m de diamètre, soit une superficie d’environ 6 300 m², proche de
celle estimée en 1759 (5 800 m²) (ADL, B 2298).
248
Fig. 117 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 118 - Extrait du plan cadastral du début du XIXe siècle.
249
Fig. 119 - Vestiges de l’enceinte du castrum de Sury. Au premier plan, une ouverture de tir.
11
L’un des éléments principaux du château est la « grande tour » (ADL, B 2094). Le
qualificatif qui est employé pour la désigner pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un
donjon, d’autant que son accès se faisait au premier niveau, auquel on montait par des
degrés15. Pourtant, rien n’atteste l’existence d’un tel donjon, qui ne figure pas non plus
sur le dessin de l’Armorial. La « grande tour » en question est donc probablement la tourporte visible sur le dessin, l’escalier n’étant autre que l’accès au chemin de ronde qui se
fait à ce niveau, ainsi que le signale le terrier du XVIe siècle mentionnant
la charrière pour monter sur les murailles ainsi que l’eschialle du vinteyn (ADL, B 2239) 16.
12
Au début du XVIIIe siècle, il est d’ailleurs encore question d’une tour carree servant d’entree
audit Sury (ADL, B 2204) 17. Parallèlement, un logis seigneurial est attesté18, dont nous
savons seulement qu’il comportait une salle haute et une salle basse (Fournial, 1967,
p. 661)19, et que la première devait être précédée d’une galerie en bois (ADL, B 2094) 20. À
ces éléments militaires ou résidentiels, il faut associer des bâtiments de service comme les
fenarium et stabulum domini comitis mentionnées au milieu du XVe siècle (ADL, B 2096). On
apprend en 1667 que la chapelle est proche du logis21. La vignette nous la présente
d’ailleurs mitoyenne d’un grand bâtiment qui peut tout à fait être la résidence comtale. Il
est cependant difficile de préciser quoi que ce soit sur son architecture. On sait seulement
qu’en 1554 elle est prolongée par une structure de bois située au sud, puisque Jean Gervais
reconnaît alors une maison proche
des galeries qui sont devant ladite chapelle de vent (ADL, B 2237).
13
Il est difficile de cerner si ces éléments, probablement groupés dans un secteur
proprement seigneurial, formaient un château au sens réduit du terme. En effet, au sein
du castrum, la documentation ne mentionne jamais de fortalicium ou de castellum qui
pourraient renvoyer à l’existence d’un tel noyau et tout laisse penser que Sury est un
exemple rare de castrum sans château à proprement parler et sans donjon. Seule la visite
250
du site de 1667 (Viallard, 1992, p. 38 ; ADL, B 2202, f° 14 r°-15v°) mentionne « un pont-levis
pour entrer dans ledit corps de logis », laissant penser qu’une fortification du quartier
comtal existe bien. C’est toutefois un signe ténu et le dessin de la vignette laisse bien
entrevoir un site où n’apparaît que la fortification « commune » du castrum.
14
Outre les bâtiments comtaux, l’espace de ce petit castrum était occupé par plusieurs
maisons villageoises. Le terrier de 1463 (ADL, B 2094 à 2096) mentionne ainsi l’existence
de trois maisons et un jardin appartenant à des particuliers dont un notaire. Au milieu du
XVe siècle, l’espace ne semble pas encore saturé, puisqu’en 1461 un bail est passé entre le
comte et Barthélemy Colnerari
« pour un emplacement renfermé par le château » (Broutin, 1883, p. 290).
15
Par ailleurs, un habitat s’est développé dans le proche environnement du château (ante
portam castri, in suburbio castri Suriaci, juxta la doa castri Suyriaci) et le long des chemins
conduisant à Feurs, Valeilles ou Saint-Cyr-les-Vignes. Le nombre et la concentration de
ces établissements devaient être suffisants pour qu’en 1463 ils constituent le burgus
Suriaci Bosci.
16
Le site de Sury est pour le moins surprenant. Vaste enceinte dans un secteur de laquelle
sont implantés les bâtiments comtaux, Sury n’est donc pas un château au sens strict du
terme. Il est néanmoins impossible de comprendre pourquoi on rencontre cette
disposition rare, d’autant plus qu’il est difficile de l’étudier matériellement dans la
mesure où les vestiges sont extrêmement ténus.
17
La vignette de l’Armorial nous donne une image du château de Sury-le-Bois à l’époque où
les comtes de Forez allaient certainement cesser de le fréquenter. Compte tenu du rôle
qu’il a joué dans l’histoire de ceux-ci, il ne fait pas de doute que l’auteur de l’Armorial n’a
pu négliger ce site et qu’il a dû se rendre sur place. Cela explique que sa représentation
apparaisse proche de la réalité que les textes permettent d’entrevoir. Les éléments
majeurs, à savoir l’enceinte, la tour-porche carrée, la chapelle, le logis seigneurial, sont
figurés et à leur place. La documentation, elle, est muette en ce qui concerne la palissade,
qui ceinture le rempart, et la barbacane. Par contre, l’importance et la densité de l’habitat
à l’intérieur de l’enceinte sont exagérées. Sans doute cela participait-il du prestige qu’il
convenait d’attribuer à ces lieux.
NOTES
1. En 1167, le comte de Forez est déjà en possession de Donzy. Dans ce cadre, la construction
postérieure d’une forteresse entre Saint-Galmier et Donzy paraît donc totalement inutile.
2. C’est ce que laisse supposer J.-M. De La Mure qui rapporte l’existence d’un « acte baptistaire
tiré d’un vieux missel qui est marqué avoir autrefois servi en la chapelle ancienne de Sury-leBois » attestant le baptême dans cette chapelle de Guy (futur Guy VII), fils du comte Jean I er et
d’Alix de Viennois » (De La Mure, 1860-1897, t. III, p. 114).
3. Selon le même auteur (Broutin, 1883, p. 303), de nouvelles acquisitions forestières furent
effectuées en 1462. Les activités de chasse ne sont certainement pas étrangères à ces faits.
251
4. Les séjours semblent néanmoins plus fréquents et surtout de plus longue durée au château de
Cleppé, sans doute plus vaste et plus confortable que celui de Sury-le-Bois.
5. La limite était matérialisée par le ruisseau des Veauches.
6. En 1317 (De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 350), 1322 (Fournial, 1967, p. 247), 1336, 1347, 1359, 1364
(De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 398, 407, 437, 450).
7. En 1394 (De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 82, note 37) mais aussi en 1485 (Broutin, 1883, p. 297).
8. Le premier connu est Jarenton, cité dans une charte de 1218 (Chartes du Forez, n° 29). D’autres
sont cités en 1344, 1347, 1353, 1355, 1368, 1393 (de La Mure, 1860-1897, t. I, p. 404, 407, 412, 413,
454 et t. II, p. 82, note 2). À cette date le prévôt est aussi « clerc du papier ».
9. En 1343 (De La Mure, 1860-1897, t. I, p. 403). En 1458, Merlin Danguy est nommé par le comte
Jean II aux offices de « prévôt et receveur du château et de la châtellenie de Sury-le-Bois et à la
garde de la porte et des prisons dudit château et des bois et forêts de la châtellenie » (ADL,
Inventaire série B, B 1844).
10. Ils consistent en : 235 l. 8 s 7 d. ; 1 setier et 3 dements de froment ; 19 setiers, 5 dements, une
coupe de seigle ; 52 setiers, une coupe, 1 dement d’orge et d’avoine ; 3 barails de vin ; 135 poules ;
7 porcs ; 10 lapins ; 26 chards, 120 faits de foin.
11. En 1484, lors de son second mariage avec Catherine d’Armagnac, Jean II de Bourbon assigne
en douaire à sa future épouse 40 000 livres tournois à prendre sur les terres de Cleppé et de Suryle-Bois (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 6876).
12. Ce sont essentiellement des terriers : 1357 (ADL, B 2089), 1392-1396 (ADL, B 2091), 1463-1468
(ADL, B 2094 à 2096). Pour le XVIe siècle : 1510-1523 (ADL, B 2099), 1553-1554 (ADL, B 2236-2237 et
B 2238-2239). Il en existe un seul pour le XVII e siècle (ADL, B 2240).
13. C’est le cas d’une étroite ouverture, une fente de jour, aujourd’hui murée, mais bien visible de
l’extérieur du mur. Elle est construite avec des blocs de granit soigneusement taillés et son
archivolte, incomplète, pouvait être monolithe. Son caractère médiéval est indéniable. Elle
suppose qu’un bâtiment était alors accolé en cet endroit à l’intérieur du rempart.
14. Les terriers exploités ci-après ne mentionnent, en effet, toujours qu’une porte, au singulier.
15. En 1463, Clément Girod reconnaît une maison « près du chemin allant de la porte du château
aux degrés de la grande tour » (ADL, Inventaire série B, B 2095).
16. Reconnaissances de Pierre Cardinal et de Mathieu Perier.
17. Procès-verbal de prise de possession de la seigneurie de Sury-le-Bois par Hugues d’Espinasse.
18. Il est qualifié de « logis de Monseigneur » au début du XVI e siècle.
19. En 1394, un preffait (prix-fait) est négocié entre Durant Conte, charpentier à Feurs, et le
maître d’hôtel d’Anne Dauphine pour carroner la salle basse de Sury-le-Bois.
20. En 1463, reconnaissance de Pierre Bonhomme pour une maison, jardin et place, situés juxta...
estras seu gallerias domini nostri ducis ex meridie. Le terme estras correspond certainement à celui d’
etras qui désigne en langue vernaculaire « un balcon en bois, sous l’avant-toit, auquel on accède
par un escalier droit » (Gonon, 1947, p. 83). En 1554, reconnaissance de Jean Gervais pour une
maison joignant la chapelle de Sury, de matin et vent, les galeries qui sont devant ladite chapelle de vent
(ADL, B 2237).
21. ... d’un même côté, il s’est trouvé des masures ou fondements de murailles d’un grand corps
de logis et d’une chapelle... (Viallard, 1992, p. 38 ; ADL, B 2202, f° 14 r°-15v°).
252
Marclopt
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
451. Le chatiau de Marclo
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Marclopt
L’apport des sources écrites
1
Seuls quelques actes mentionnent Marclopt avant le milieu du XIIIe siècle, comme son
église en 1183 (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1, p. 117). Plus souvent le lieu
de Marclopt n’apparaît alors que pour localiser des biens et des droits. Ainsi, en 1190, une
transaction est passée « apud Marcolpt » (Chartes du Forez, n° 12) et, en 1202, des biens
donnés aux religieuses de Jourcey y sont localisés (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 43).
2
Il faut attendre 1245 pour que le castrum de Marclopt fasse explicitement son entrée dans
la documentation (Francs-Fiefs, p. 118). Il est alors entre les mains des comtes de Forez.
Ainsi, en 1230, Guyonne, dame de Marclopt, cède au prieuré de Saint-Rambert différents
dîmes et droits, dont les hommes de Saint-Rambert et leurs tènements au territoire de
Marclopt (Chartes du Forez, n° 1589). Guyonne de Marclopt n’est autre que la fille du
comte de Forez Guy III et la sœur du comte Guy IV, qui tient le château en apanage de son
père. Dans le courant du XIIIe siècle, on trouve quelques mentions de personnes portant le
surnom de Marclopt, avec par exemple Marguerite de Marclopt, abbesse de Bonlieu, dans
les années 1280-1300 (Chartes du Forez, nos 899, 1043, 1231), ou encore Gilles et Pierre de
Marclopt en 1292 (Chartes du Forez, n° 427), mais sans pouvoir rattacher ces personnes au
château lui-même ou à un quelconque lignage chevaleresque éponyme. En 1245, le
castrum de Marclopt fait l’objet d’une transaction entre Geoffroy de Bussy et le comte de
Forez Guy V. Geoffroy de Bussy vend alors au comte le château et le mandement de Bussy
ainsi que ce qu’il avait à Roanne. En contrepartie, le comte lui laisse 400 livres tournois et
la propriété de la moitié du castrum de Marclopt, sauf le fortalicium, avec la jouissance de
l’autre moitié sa vie durant (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 249). En 1294,
253
Hugues de Lavieu, seigneur de Chalain et de Feugerolles, reconnaît tenir en fief lige et
rendable du comte, ses castra de Chalain, Feugerolles et Marclopt, avec leur villæ, justices,
fiefs, arrière-fiefs et appartenances (Chartes du Forez, n° 570) ; cet hommage est
renouvelé en 1297 (Chartes du Forez, n° 582). Rien ne permet toutefois de savoir comment
s’est effectué le passage entre la famille de Bussy et celle de Lavieu. Marclopt est le siège
d’une prévôté comtale ; les prévôts du lieu nous ont laissé divers comptes pour la fin du
XIVe siècle (ADL, B 1971, B 1397...).
3
Parallèlement au castrum, et toujours clairement distinct de celui-ci, est attestée à
Marclopt à partir de 1325 une maison forte1. À cette date, Jocerand, dit Perceval, de
Lavieu rend hommage de sa domus fortis au comte, avec son mandement et sa justice,
après qu’il lui en ait cédé l’alleu en payement d’une amende de 1 500 livres exigée de lui
par le bailli de Forez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1781 ; ADL, B 2001). En
1384, des travaux sont entrepris dans l’hospitium dicti domini, apud Marclop (ADL, B 1571, f°
6 v°) : il est peut-être fait référence ici à cette maison forte.
4
Enfin, l’ecclesia de Marcloto est mentionnée pour la première fois dans le courant du XI e
siècle (Cartulaire de Savigny, t. II, p. 1055), puis elle figure ensuite en 1183 parmi les
possessions de l’abbaye de l’Île-Barbe (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. I,
p. 117). Le pouillé de 1225 nous apprend que le prieur de Saint-Rambert en est le
collateur, et qu’elle est dédiée à saint Martin (Pouillés de la province ecclésiastique de
Lyon, p. 8). Ce vocable, associé aux nombreuses découvertes antiques effectuées à
proximité même de l’église, permet de penser que l’église de Marclopt est une fondation
du très haut Moyen Âge.
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de l’Armorial fait partie de celles dont le dessin a été totalement achevé et
presque totalement mis en couleur (fig. 120). Cette mise en couleur se limite toutefois
aux toitures, aux arbres et aux éléments construits en bois : les murs et les éléments de
relief restent blancs, seulement esquissés par le trait gris de leur contour. En cela, la
vignette de Marclopt s’apparente à la grande majorité de celle de l’Armorial.
254
Fig. 120 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 451) : le chatiau de
Marclo.
6
Le dessinateur est placé au sud-ouest du site, angle qui lui permet de représenter le plus
d’éléments. Le castrum de Marclopt se présente avant tout comme une grande enceinte
élevée et crénelée dont la perspective ne permet pas de définir nettement le plan,
rectangulaire ou ovale. Cinq tours de plan carré en occupent les angles. Elles sont
surmontées de hourds sur leurs quatre côtés et un étendard aux armes des ducs de
Bourbon flotte sur chacune d’elles. Les tours sud-est et nord semblent sensiblement plus
massives que les autres, et en tout cas, nettement plus hautes. La tour sud-ouest est une
tour-porte, en avant de laquelle se trouve un pont-levis permettant d’enjamber des
douves dont le tracé n’est qu’esquissé par quelques traits gris. Le pied de l’enceinte est
entouré d’une palissade de planches aux sommets épointés, jouant le rôle d’une braie. À
l’intérieur de l’enceinte, aucun bâtiment proprement castral ne se distingue. On ne
remarque que le clocher de l’église entouré de cinq ou six maisons, dont seules les
toitures dépassent du sommet de la courtine. Pour sa part, le clocher de l’église
s’apparente, pour autant que l’on puisse en juger, à un simple clocher-peigne à deux
baies.
7
21 maisons2, toutes identiques ou presque, parfois à un seul niveau, parfois à deux, sont
représentées autour de la fortification, constituant une esquisse de faubourg échelonné le
long des deux chemins (l’un sans doute en direction de Bellegarde et l’autre en direction
de Montrond-les-Bains) qui passent à Marclopt. Seuls trois bâtiments situés au premier
plan, en bas à droite de la vignette, présentent une spécificité : ils semblent former une
cour en U, fermée par un portail en bois surmonté d’un petit auvent. L’illustrateur de
l’Armorial a très certainement voulu matérialiser là, mais d’une manière quand même
très stéréotypée, la maison forte de Marclopt dont il subsiste encore quelques traces
aujourd’hui (cf. infra).
255
Les données archéologiques et le parcellaire
8
Aujourd’hui, les vestiges du castrum de Marclopt se réduisent à peu de choses et seule
l’association étroite du plan parcellaire de 1817, de la représentation de la vignette et des
terriers de 1399 (ADL, B 2045) et de 1512 (ADL, B 2046) peut permettre de comprendre
l’organisation du site (fig. 121, 122). Il est vrai qu’au XVIIe siècle déjà, il n’y reste que
quelques masures et
la closture qui estoit de pizey et une tourt ruynee ainsi qu’il nous est même apparu, ledict
chasteau autrefois fossoyé et a present les fosses remplis en plusieurs endroictz (cité dans
Viallard, 1992 p. 37).
Fig. 121 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
256
Fig. 122 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
9
Le tracé de l’enceinte est quand même resté net dans le parcellaire où il forme une ligne
qui circonscrit une surface globalement ovale avec un éperon marqué en direction de
l’est. L’enceinte est en partie conservée dans la moitié nord de son tracé. Cinq tours sont
représentées sur la vignette. Grâce au plan cadastral du XIXe siècle, aux vestiges actuels et
au terrier de 1512, qui mentionnent plusieurs tours (« Grande tour », « Tour de
Mayernes »), celles-ci peuvent être pour l’essentiel localisées. Deux tours sont encore
visibles aujourd’hui3 : une au nord-ouest (fig. 123, 125) (peut-être la « Grande tour » des
textes4), qui présente encore une élévation d’environ 3 m de hauteur (avec des
maçonneries d’1m d’épaisseur), et une seconde au nord qui présente, elle aussi, encore
une élévation de près de 3m (fig. 124). Ces deux tours sont clairement identifiables sur le
parcellaire napoléonien. Une troisième tour pourrait être identifiée à l’ouest, il s’agit de la
tour dite de « Mayernes » dans le terrier de 1512 (ADL B 2046, f° 216), située
approximativement en regard de l’actuel hameau de Mayarme sur la commune voisine de
Saint-Laurent-la-Conche5. La quatrième tour au sud, disposée symétriquement par
rapport à la tour nord-est, a totalement disparu ; elle se trouve sous le parking actuel.
Enfin, le parcellaire de 1817, qui montre nettement le seul accès au castrum au sud-ouest,
permet de localiser la cinquième tour : la tour-porte.
257
Fig. 123 - Vestiges de la tour nord-ouest, vue extérieure.
Fig. 124 - Vestiges de la tour nord.
258
Fig. 125 - Vestige de la tour nord-ouest, vue intérieure.
10
Les douves représentées sur la vignette, bien que comblées, sont nettement identifiables
dans le parcellaire napoléonien, notamment au sud et à l’est. En 1383, elles sont bien en
eau, puisque le prévôt encaisse alors 6 gros d’argent dus par deux pêcheurs pour les
poissons qu’ils y ont pris (ADL, B 1971). Elles le sont encore en 1512, alors qu’une terre,
figurant au terrier comtal, est dite
juxta aquam dictorum fossatorum (ADL, B 2046, f° 216).
11
Sur le cadastre de 1817, une petite parcelle rectangulaire presque de la largeur des
douves, située à l’entrée du castrum au croisement du fossé et de la rue, pourrait peut-être
garder le souvenir d’un pont.
12
À l’intérieur de l’enceinte du castrum, on ne distingue aucun château à proprement parler,
ni rien qui permette d’en restituer l’emplacement. Le parcellaire montre au contraire que
l’église Saint-Martin est le centre de l’habitat et que le castrum s’organise autour de celleci. Finalement, l’église est le bâtiment représenté sur la vignette qui a été le mieux
conservé. À l’heure actuelle, l’église de Marclopt est un édifice de modestes dimensions, à
nef unique, flanquée de deux collatéraux (fig. 126). L’abside, à chevet semi-circulaire, est
doublée par une absidiole unique ouvrant sur le collatéral nord. La nef et les collatéraux
sont couverts de voûtes d’arêtes nervurées, alors que l’abside est surmontée d’une voûte
en cul-de-four. Malgré l’enduit qui recouvre l’édifice, plusieurs états sont perceptibles. La
nef, à l’exception de sa couverture, et l’abside appartiennent à un édifice roman, ainsi que
le laissent penser les arcatures aveugles de l’abside ou encore les arcs doubleaux qui
limitent une courte travée de chœur (fig. 127). Les collatéraux ont été ajoutés dans un
second temps, ainsi que le laissent entrevoir les chaînages visibles sur la façade (fig. 128).
C’est alors, sans doute, que l’édifice a été couvert de voûtes d’arêtes et que la porte en arc
brisé de la façade ou encore la baie axiale de la nef ont été percées. Une porte à linteau en
accolade, située en façade, sur le collatéral sud, semble contemporaine du collatéral. Elle
259
permet de penser que ces modifications sont extrêmement tardives, et probablement
postérieures à la vignette de l’Armorial. Malheureusement, sur cette dernière, seul le toit
de l’édifice et le clocher sont visibles, ce qui ne permet pas de percevoir le plan de l’église
alors représentée. Le clocher figurant sur l’Armorial est conforme à celui conservé et
correctement situé à l’angle nord-ouest de l’église. C’est une modeste construction carrée
couverte d’un toit à quatre pentes ; le sommet de chaque côté étant percé de deux
grandes baies en plein cintre.
Fig. 126 - Façade de l’église Saint-Martin.
260
Fig. 127 - Chevet de l’église Saint-Martin.
Fig. 128 - Mur gouttereau sud de l’église Saint-Martin.
13
L’emplacement de la maison forte que Jocerand de Lavieu rend hommage au comte en
13256 est très facile à localiser au sud-sud-ouest du castrum, immédiatement au-delà de la
D 115. Cette maison forte, bien que totalement rasée à l’heure actuelle, est encore
clairement perceptible en photographie aérienne et sur le terrain. Un plan géométral de
1757, un état des lieux légèrement plus tardif ainsi que le cadastre du début du XIXe siècle
261
nous permettent d’en dresser le plan (Verrier, Villermet 2006a). Le site prend l’aspect
d’une plate-forme carrée ceinturée de fossés en eau. Ceux-ci ont disparu, mais on
distingue encore de nos jours une ceinture marécageuse entourant un petit tertre peu
proéminent. Le pourtour de ce tertre est marqué par une bande de terrain pierreux
pouvant s’apparenter à des éboulis (rempart ?). Les bâtiments formaient un U entourant
une cour. Le côté est était bordé d’une terrasse tandis que le côté ouest se partageait
entre un corps de bâtiment et une autre terrasse. Au nord de la plate-forme fossoyée
s’ouvre une longue cour trapézoïdale bordée de bâtiments et donnant sur l’extérieur par
un portail monumental aux armes de la famille Coignet, propriétaire du site entre la fin
du XVIIe siècle et le début du XVIII e siècle. Cet ensemble représente les seules élévations
visibles actuellement de l’ancienne maison forte.
14
Le site de Marclopt est mal renseigné par la documentation médiévale. En outre, les
vestiges sont peu nombreux. Néanmoins, l’étude croisée des différentes sources permet
de proposer un schéma de peuplement original. Il est vraisemblable que dès le très haut
Moyen Âge, une église dédiée à saint Martin s’implante sur un site occupé durant
l’Antiquité. De ce point de vue, la morphologie du parcellaire aux environs du site est
particulièrement intéressante. Des chemins délimitent un carré d’environ 400 m de côté,
dont l’angle sud-ouest est occupé par un autre carré de 50 m de côté environ, au
parcellaire bien différent, centré sur l’église. Cette configuration, très nette, n’est pas
sans rappeler la topographie des curtis carolingiennes étudiées par Gabriel Fournier dans
la basse Auvergne toute proche (Fournier, 1962, p. 206-207). En l’état actuel des
connaissances, l’église Saint-Martin, probablement ancienne église domaniale, est le pôle
de peuplement le plus ancien de Marclopt, autour duquel s’est cristallisé l’habitat.
Marclopt est un exemple de castrum sans château. Il s’agit en fait d’un bourg fortifié
d’origine ecclésiale, à proximité duquel est venu s’implanter (au XIIIe siècle ?) une maison
forte, dont on retrouve encore les vestiges sur le terrain, au sud-ouest du bourg.
15
La vignette de l’Armorial nous offre une représentation précise du site, pour autant que
l’on puisse en juger au travers du petit nombre de vestiges encore en place et du
parcellaire. La représentation de l’enceinte est très fidèle, qu’il s’agisse de son tracé
général ou encore du nombre de tours qui s’élevaient à ses angles. En raison de l’état des
vestiges, nous ne pouvons, néanmoins, pas apprécier le soin apporté à la représentation
de l’élévation de chacune d’entre elles. Cependant, les deux tours partiellement
conservées sont bien carrées comme sur la vignette. On notera la représentation très
symbolique de la maison forte.
Page 451
LE CHATIAU DE MARCLO
Étude héraldique
813. Anthoine Brenon crie Brenon
d’argent à la fasce d’azur frettée d’or.
Personnage non identifié de la famille Brenon, qui avait pour surnom Faber. Elle
possédait la seigneurie de Saint-Romain-le-Vieux.
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 176 ; Gras, 1874, p. 45.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
262
NOTES
1. Correspondrait-elle au fortalicium mentionné en 1245 ?
2. 22 sur la copie de la Diana.
3. Sur ces tours, cf. Verrier, Villermet 2006a, p. 19 sq.
4. En 1512, une rue va « de la Grande tour à la porte du castrum » (ADL, B 2046, f° 98 v°).
5. Toutefois, la « Tour de Mayernes » pourrait aussi correspondre à la tour nord-est.
6. Sur les propriétaires successifs de cette maison forte, cf. Verrier, Villermet 2006a, p. 21 sq.
263
Chambéon
Pierre-Yves Laffont
452. Le chatiau de Chanbeon (Chambéon)
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Chambéon
L’apport des sources écrites
1
La villa de Chambéon est mentionnée à trois reprises dans le cartulaire de l’abbaye de
Savigny dans la seconde moitié du Xe siècle et la première moitié du siècle suivant, en 965,
970 et 1020 (Cartulaire de Savigny, n° 314 et n° 332). Chambéon figure aussi dans le
dénombrement des possessions de l’Église de Lyon établi en 994. Toutefois, ce document
est en partie douteux (Feuillet, Guilhot, 1985, p. 72-74)1. En 1173, Chambéon, sans
qualificatif particulier, est mentionné dans la liste des lieux pour lesquels le comte de
Forez doit rendre hommage à l’archevêque de Lyon (Chartes du Forez, n° 4, p. 10). Le site
n’est pas encore qualifié de castrum, sans que l’on sache si cela traduit un état de fait ou
s’il s’agit simplement d’une formule, bien que l’on puisse supposer que le château existe
déjà. En effet, en 1226, est mentionné le mandement de Chambéon (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 116), qui relève alors de la seigneurie du comte de Forez. L’église de
Chambéon est dédiée à saint Étienne et relève du chapitre cathédral de Lyon ; elle figure
dans le pouillé de 1225 (Chartes du Forez, n° 901, p. 14). Le comte de Forez possède, au
moins dès 1245, un grenier à Chambéon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 252) 2.
Mais il y possède aussi un four qu’il donne en 1267, avec la dîme du charnage de la
châtellenie de Chambéon, à Hurion, son cuisinier (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 453)3. Dans le dernier quart du XIIIe siècle, le château de Chambéon appartient au
douaire de Jeanne de Montfort, femme du comte Guigue VI (Chartes du Forez, n° 1518).
2
En 1304, Vital Neyran est prévôt de Chambéon pour le comte de Forez (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 1152). Les Archives départementales de la Loire conservent par
ailleurs les recettes des prévôts comtaux, de l’année 1397, pour un certain nombre de
châtellenies dont celle de Chambéon (ADL, B 1930). Au XIVe siècle4, plusieurs textes nous
264
montrent que les comtes de Forez respectent l’engagement pris en 1173 et rendent
hommage à l’archevêque de Lyon pour le château de Chambéon. Ainsi, le 25 juillet 1334,
l’archevêque de Lyon Guillaume accorde au comte de Forez Guy un délai jusqu’à la
Toussaint pour l’hommage de divers châteaux dont celui de Chambéon (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 2055). Au mois de février de l’année suivante, le comte,
empêché par la maladie, donne procuration à trois personnes pour rendre hommage en
son nom de plusieurs châteaux, dont celui de Chambéon, à l’archevêque de Lyon (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 2075). En 1357, l’archevêque de Lyon accorde à
nouveau un délai au comte de Forez pour l’hommage que lui doit celui-ci pour
Feugerolles, Grangent, Saint-Priest, Saint-Héand, Chambéon, Poncins, etc. (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 2749). Quelques années plus tard, en 1362, un accord est
passé entre Jean, comte de Forez, et Jeanne de Bourbon, comtesse douairière de Forez,
mère de Louis, comte de Forez, mort sans héritier, et dont elle réclamait l’héritage. Elle
accepte de renoncer à ses prétentions et reçoit notamment le château de Chambéon
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 2847). Durant tout le XVe siècle, le mandement
du château de Chambéon apparaît régulièrement dans la documentation (Titres de la
maison ducale de Bourbon, cf. index). Les ducs de Bourbon, successeurs des comtes de
Forez, rendent alors hommage à l’archevêque et au chapitre de Lyon pour Chambéon5.
3
La documentation de la fin du Moyen Âge, dès le dernier tiers du XIVe siècle, nous apporte
quelques informations sur la topographie du château et du bourg de Chambéon.
Apparaissent ainsi dans les reconnaissances passées au XIVe siècle au profit du comte de
Forez par des habitants de Chambéon : la tour du château6, l’enceinte (murum vinteni)7, les
différentes portes8 qui percent celle-ci, et la place du castrum9. De même, diverses
reconnaissances de la première moitié du XVe siècle font mention du puits du château 10,
des cuisines du comte11 et de la grande porte du castrum12. Des reconnaissances de l’année
1555 permettent de préciser la topographie du site : on évoque la présence de fossés (ADL,
B 2210, f° 22) (du castrum vraisemblablement) et encore la tour du château (ADL, B 2210, f°
54 v°-55). Cette tour semble dénommée au XVe siècle la tour del Boz13. La documentation
nous donne aussi un certain nombre de renseignements sur le réseau de rues et sur les
portes qui desservent le bourg castral : au début du XVe siècle, Benoît Cyer reconnaît
tenir du comte de Forez des terres situées près du chemin allant de la porte du castrum au
cimetière (ADL, B 2021) et Henri de Chambéon reconnaît une maison située près du
chemin allant de la grande porte du castrum à l’église de Chambéon (ADL, B 2021) ; en
outre, il est fait mention du chemin allant de la porte du château à Magneux (ADL, B
2021). Enfin, diverses reconnaissances du milieu du XVIe siècle font mention : du chemin
tendant de la porte du château à l’église, de la rue tendant du puits du château à la
poterne ou du chemin de Chambéon à Villeneuve (ADL, B 2210, f° 20 r°, f° 23 r°, f° 31). La
documentation tardimédiévale nous donne donc l’image d’un habitat aggloméré autour
d’un château de taille modeste constitué principalement d’une tour. Le bourg et son église
sont enclos de murailles et protégés par un fossé. Le comte de Forez possède plusieurs
constructions dans le castrum : un four, un grenier ou une grange, des cuisines. Plusieurs
puits fournissent le bourg en eau. Une grande rue dessert le bourg reliant l’église à la
porte principale du castrum.
4
À la fin du XVIIe siècle, le château de Chambéon est totalement délabré. Il ne subsiste plus
de celui-ci que les ruines d’une tour située près de la porte d’entrée du château, qui est
alors donnée comme étant construite en pisé, ainsi que quelques rares vestiges d’enceinte
265
et un bâtiment partiellement ruiné, utilisé comme grange dîmière et pour enfermer le
bétail errant (Viallard, 1992, p. 38).
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de l’Armorial montre un site de faible ampleur (fig. 129). L’image du castrum
de Chambéon que donnent les sources écrites, exposées précédemment, coïncide tout à
fait avec le site que nous présente l’illustration de l’Armorial de Guillaume Revel.
L’ensemble fortifié est composé principalement d’une tour maîtresse, d’une enceinte et
d’un fossé ; le tout est approximativement vu vers le nord-est.
Fig. 129 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 452) : le chatiau de
Chanbeon.
6
Le donjon de Chambéon est une haute tour quadrangulaire coiffée d’un toit à quatre
pentes et couronné d’un hourd. Trois ouvertures, deux de grande taille et une de petite
taille, percent le donjon. La taille de celui-ci est manifestement surestimée par rapport
aux autres constructions. Aucune enceinte ne semble accompagner cette tour, si ce n’est
celle englobant le bourg. Le village paraît s’être développé dans la basse-cour du château,
une seule et même enceinte ayant enclos ces deux éléments.
7
Au pied de la tour, se dresse l’église du bourg, probablement la chapelle du castrum à
l’origine, dont on voit essentiellement le mur-clocher percé de trois arcades. Enfin,
diverses maisons, tout à fait standardisées dans leur représentation, figurent encore à
l’intérieur de l’enceinte villageoise. Celle-ci paraît grossièrement circulaire. Aucune porte
n’est visible, ce qui n’est pas surprenant ; en effet, la seule porte du bourg paraît avoir été
située tout à fait à l’est et donc hors du champ de vision du dessinateur. L’enceinte est
crénelée mais elle n’est cantonnée d’aucune tour ; toutefois une surélévation de
maçonnerie, au centre de la courtine visible, percée de trois ouvertures de tir, renforce
266
l’efficacité militaire de l’enceinte. De plus, quatre échiffes implantées sur le sommet des
courtines pallient l’absence de tours. Une cinquième est visible en arrière-plan sur le pan
de muraille opposé. Cette première enceinte est entourée d’une braie, construite entre le
fossé et la première courtine, sans doute dans un second temps pour éloigner l’artillerie
de la base du rempart. Enfin, un fossé achève de protéger l’ensemble du site.
8
Le castrum ne semble contenir que peu de maisons ; en revanche, un faubourg important
s’est développé autour du bourg castral en bordure du fossé. Les maisons, tout à fait
identiques dans leur représentation aux maisons d’habitation communément
représentées dans l’Armorial, s’organisent autour de plusieurs chemins formant un
carrefour routier développé au contact même du château et du bourg castral.
Les données archéologiques et le parcellaire
9
À l’exception d’un piédroit de porte monumentale, seul le parcellaire évoque le souvenir
des fortifications de Chambéon. En effet, il ne subsiste aujourd’hui rien en élévation de la
tour que mentionnent les textes et que montre l’Armorial (fig. 130). De même, l’église de
Chambéon a été, pour l’essentiel, reconstruite en 1867. Celle-ci a conservé son ancien
emplacement ; cependant, l’orientation a été modifiée et l’église a été occidentée (fig. 132
). Des vestiges de l’ancien chevet paraissent conservés à l’est au niveau de l’actuelle
façade. Une fenêtre à meneau a été remployée à la base de la face nord du clocher. De
l’enceinte ne subsiste plus que le piédroit de la porte du castrum située à l’ouest (fig. 133,
134) ; celle-ci correspond vraisemblablement à la « Grande porte » mentionnée dans la
documentation de la fin du Moyen Âge. Ce piédroit est bâti en gros appareil de granit ;
l’encoche pour recevoir la barre de fermeture de la porte est encore visible. Enfin, les
façades de plusieurs maisons, notamment au nord, pourraient réutiliser l’ancien mur
d’enceinte du castrum. Le parcellaire napoléonien s’avère beaucoup plus éloquent. En
effet, celui-ci permet tout à fait de restituer le tracé de l’enceinte du castrum et de
matérialiser l’emprise des fossés (fig. 131). L’enceinte, de forme ovoïde, mesure environ
60 m dans l’axe est-ouest et 60 m dans l’axe nord-sud. Sa forme exclut une datation
postérieure au XIIIe siècle, bien qu’une datation précise soit impossible à donner. Une rue
principale dessert l’intérieur du bourg, reliant l’église, à l’est, qui occupe comme nous
l’avons vu précédemment son emplacement médiéval, à la porte du castrum à l’ouest. Il
s’agit manifestement du « chemin allant de l’église à la porte du castrum » mentionné
fréquemment dans la documentation des XIVe et XVe siècles. Rien ne subsiste, ni dans le
parcellaire ni dans les élévations, de la braie que fait figurer sur son dessin l’illustrateur
de l’Armorial. Le tracé des fossés apparaît, en revanche, très lisible sur le cadastre
napoléonien. La plupart des parcelles correspondant au fossé, vides au début du XIXe
siècle, sont aujourd’hui bâties, ce qui perturbe de façon importante la lecture actuelle du
site. Les fossés paraissent avoir mesuré entre 20 et 30 m de large. Ils ont actuellement
totalement disparu.
267
Fig. 130 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 131 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
268
Fig. 132 - Clocher et mur gouttereau nord de l’église actuelle.
Fig. 133 - Emplacement de la porte ouest du castrum, à l’arrière-plan à droite l’église
Saint-Étienne.
269
Fig. 134 - Détail des vestiges du piédroit de la porte ouest.
10
Enfin, on peut établir des comparaisons tout à fait pertinentes entre le carrefour routier
existant au XIXe siècle à proximité même du bourg de Chambéon et le réseau de chemins
qui, sur l’illustration de l’Armorial, dessert les faubourgs du castrum.
11
Chambéon paraît un cas tout à fait caractéristique d’habitat né dans la basse-cour d’un
château, au pied du donjon et autour de la chapelle castrale, l’ensemble donjon plus
basse-cour ayant été enclos dans une seule enceinte. La fondation de ce bourg castral
pourrait remonter au XIe ou au XIIe siècle (avant 1173 vraisemblablement). Cependant, à
l’exception d’un parcellaire assez significatif, il ne reste globalement plus rien du castrum
de Chambéon. Le donjon a disparu et il ne reste plus des fossés et de l’enceinte que leur
emprise au sol. Cependant, le cadastre du XIXe siècle et les textes de la fin du Moyen Âge
permettent de restituer l’image d’un petit bourg castral très proche de celui représenté
sur la vignette de l’Armorial.
NOTES
1. Le texte de 994 a manifestement été largement interpolé aux XI e et XIIe siècles.
2. Ce grenier est encore mentionné en 1555 (ADL, B 2210, f° 173). Il s’agit peut-être aussi de la
grange de la comtesse évoquée dans une reconnaissance de 1366 : ... cujusdam platee site in castro
Chambeonis juxta grangiam domine comitisse ubi ponitur fenum » (ADL, B 2020).
3. Ce four est encore cité dans les années 1360 : Jean Monnier reconnaît tenir du comte sa maison
située... infra castrum Chambeonis juxta furnum dicti castri... (ADL, B 2020, f° 1 v°).
270
4. Il n’y a pas, pour le château de Chambéon, d’hommage conservé antérieurement aux années
1330.
5. 1403 : hommage de Louis, duc de Bourbon (Cartulaire des fiefs de l’Église de Lyon, n° 61).
6. 1366-1368 : reconnaissance de Barthélemy de Ris pour sa maison sise en dessus du château de
Chambéon près de la tour au midi, et du mur du vintain à l’est (ADL, B 2020, f° 1 v°).
7. 1366-1368 : reconnaissance de Jean Monnier pour sa maison située infra castrum Chambéonis
juxta furnum dicti castri ex occident et murum vinteni ex borea... (ADL, B 2020, f° 1 v° sq).
8. 1366-1368 : reconnaissance d’Henri de Chambéon pour une maison sise en dessous du château
de Chambéon près de la porte de laquelle on va à l’église, juxta platea dicti castri (ADL, B 2020, f° 1
v° sq).
9. 1366-1368 : reconnaissance d’André Audet pour une place située dans le castrum de Chambéon
juxta grangiam domine comitisse ubi ponitur fenum... » (ADL, B 2020, f° 46).
10. 1408-1434 : reconnaissance de Mathieu Guionet pour sa maison sise en dessous du château de
Chambéon, devant le puits du château, ayant à l’est le puits de l’église (ADL, B 2021).
11. 1408-1434 : reconnaissance de Pierre Boysson, pour sa maison sise en dessous du château de
Chambéon juxta domum coquine dicti domini comitis, ex oriente, et vintenum, ex borea... (ADL, B 2021).
12. 1408-1434 : reconnaissance de Barthélemy Suffron pour une maison sise en dessous du
château de Chambéon près de la grande porte de celui-ci, près du chemin allant de cette porte à
l’église de Chambéon (ADL, B 2021).
13. 1408-1434 (ADL, B 2021).
271
Bellegarde
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
453. La ville et chatiau de Bellegarde
Département : Loire ; Canton : Saint-Galmier ;
commune : Bellegarde-en-Forez
L’apport des sources écrites
1
Le château et le village castral de Bellegarde apparaissent très tardivement dans la
documentation et sont globalement peu documentés pour le Moyen Âge. Même
indirectement (mention de mandement, de lignage châtelain, etc.), rien ne permet de
penser qu’ils existent avant le XIIIe siècle. Il faut attendre les années 1260 pour que le site
de Bellegarde soit enfin mentionné, lorsque la femme de Geoffroy d’Aubigny rend
hommage au comte de Forez pour ses biens dans le bourg – borc – de Bellegarde, avant
que Jean de Marcilly fasse de même, notamment pour ce qu’il a dans le chatel de Bellagarda
(Chartes du Forez, n° 903). Ensuite, en 1268, Renaud, comte de Forez, passe un accord avec
le commandeur de l’hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem en Auvergne au sujet de la justice
de Chazelles-sur-Lyon. Parmi les limites de cette juridiction figure le château de
Bellegarde (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 463). Bellegarde appartient au
moins dès le XIIIe siècle au comte de Forez, comme en témoignent les reconnaissances des
années 1260 et une autre reconnaissance de 1290 où Pierre Jomar, bourgeois de
Montbrison, avoue tenir du comte une longue liste de biens dont des rentes à Bellegarde
(Chartes du Forez, n° 267). De plus, en 1305, Durand de Cotarceo et ses fils reconnaissent
être hommes taillables et exploitables du comte de Forez, comme le sont les autres
hommes de Bellegarde-en-Forez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1159). Lors de
la rédaction de son testament de 1324, le comte de Forez, Jean, remet à son fils Renaud les
châteaux de Malleval, Rochebloine, Saint-Germain-Laval, Bussy, Cleppé, Bellegarde, et du
Fay (ADL, B 1842). Quelques années plus tard, en 1335, Guy, comte de Forez,
conformément aux clauses du contrat de mariage établi entre Renaud de Forez, son frère,
et Marguerite de Savoie, assied 2000 livres de rente au profit de celui-ci sur les revenus
des mandements de Rochebloine, Malleval, Fay et Bellegarde (Titres de la maison ducale
272
de Bourbon, n° 2106). À la fin du XIVe siècle, le castrum de Bellegarde passe dans le
patrimoine des ducs de Bourbon. Le château de Bellegarde, alleu comtal, ne semble pas
avoir été inféodé à quiconque, et tout au plus sait-on qu’en 1317, Girin de Pinet,
damoiseau, reçoit du comte de Forez les hommes et les cens que celui-ci avait à
Montagnieu ainsi qu’une partie des revenus de la châtellenie de Bellegarde, en
contrepartie de la cession à ce dernier de tous les hommes, droits, tailles et cens que Girin
avait dans les mandements de La Roue et de Montpeloux, au diocèse de Clermont (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 1449). Malgré l’importance manifestement limitée de
cette place forte, le comte de Forez, puis le duc de Bourbon, entretiennent à Bellegarde un
châtelain et un prévôt : André Valençon, clerc et notaire, est nommé prévôt de Bellegarde
par Jeanne de Bourbon, comtesse de Forez, en 1377 ; à la même date, Jean de Mars est
capitaine et châtelain de Bellegarde (ADL, B 1911). Les Archives départementales de la
Loire conservent ainsi, dans la série B, les recettes du prévôt comtal de Bellegarde pour
l’année 1397 (ADL, B 1930).
2
De construction semble-t-il tardive, le castrum de Bellegarde est implanté dans le ressort
de la paroisse de Notre-Dame-de-Farges et n’a manifestement jamais été doté d’un lieu de
culte, aucune capella castri n’apparaissant dans la documentation. L’ecclesia de Fargiis, dont
relève le château et ses habitants, est attestée dès 1153. Elle relève alors de l’abbaye
lyonnaise d’Ainay (Cartulaire d’Ainay, t. I, n° 34), qui y entretient un prieuré attesté en
1250 (idem, t. I, n° 6). La localisation de cette église et sa mention dès le XII e siècle laissent
supposer une fondation du haut Moyen Âge pour celle-ci. Même tardivement, le castrum
n’a pas eu un pouvoir d’attraction suffisant pour induire le déplacement du lieu de culte ;
tout au plus, au XVIIe siècle, l’église Notre-Dame-de-Farges est-elle appelée aussi église de
Bellegarde (Dufour, 1946, p. 51).
La représentation de l’Armorial
3
Bellegarde fait partie des vignettes dont le dessin est achevé et précis mais dont la mise
en couleur reste partielle (fig. 135). Seuls les toitures, les éléments de bois, les étendards
et les croix, ainsi que certains éléments du relief – escarpe et contrescarpe du fossé, relief
de la colline en arrière-plan de l’église – ont été colorés. Le site est vu vers le nord-est. La
vignette s’organise principalement autour de deux ensembles : le castrum et le bourg
ecclésial de Farges. L’église, le château et l’habitat qu’ils ont respectivement agglomérés
sont représentés sur le même plan. Cependant, l’ensemble de l’église et du village
ecclésial est nettement sous-dimensionné par rapport au castrum afin de mettre celui-ci
en exergue. En arrière-plan, le miniaturiste a représenté des collines. Le souci de celui-ci
n’est cependant pas tant une représentation du relief pour lui-même que la volonté de
donner une idée du type de paysage dans lequel s’établit le site, en l’occurrence des
collines de piémont1. Le château est situé à flanc de colline, dominant le village castral qui
se développe en étage sur les pentes. L’ensemble est protégé par un fossé.
273
Fig. 135 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 453) : la ville et
chatiau de Bellegarde.
4
Le château de Bellegarde proprement dit occupe le point le plus élevé du castrum. Il est
constitué d’un donjon et d’une tour carrée, tous deux intégrés à une enceinte enserrant
plusieurs bâtiments. L’enceinte du château est elle-même englobée par celle du village
castral. Le donjon, qui semble être dans l’un des angles de l’enceinte du château, est un
haut bâtiment quadrangulaire couronné de hourds et coiffé d’une toiture à quatre pans
que perce en son centre une petite guette. On y voit deux petites ouvertures
quadrangulaires situées immédiatement sous le hourd, et d’une fenêtre à meneau à mihauteur. Reliée au donjon par une haute courtine crénelée, s’élève à quelque distance de
celui-ci une tour quadrangulaire crénelée et couverte d’une toiture à quatre pans. Deux
fenêtres à simple traverse éclairent le bâtiment. La portion de muraille reliant les deux
tours est percée de deux fenêtres à meneau montrant ainsi la présence de bâtiments en
appui contre cette courtine. Au-delà de la tour, se dresse une seconde courtine moins
haute que la précédente, elle est aussi munie d’une fenêtre à meneau. L’enceinte du
château fait un retour à ce niveau. Outre les bâtiments en appui contre les courtines de
l’enceinte, on constate la présence d’une construction à deux cheminées à l’intérieur de
l’enceinte. Si l’on excepte la présence de deux cheminées, cette maison s’apparente
typologiquement tout à fait à celles rencontrées dans le village castral.
5
Le château domine une enceinte crénelée grossièrement ovoïde, doublée d’un fossé qui
semble en eau (alors qu’en réalité celui-ci était sec). La courtine ouest de l’enceinte
villageoise est peu protégée : outre une tour circulaire à l’angle sud-ouest, seules deux
échauguettes de bois renforcent la défense de cette face. À l’est, le rempart est beaucoup
mieux protégé. En plus de la tour d’angle, trois tours et une échiffe de bois renforcent
cette portion d’enceinte. Se succèdent donc, du sud au nord, une tour circulaire crénelée,
non couverte, une seconde tour circulaire crénelée couverte d’une toiture conique et une
274
tour quadrangulaire couronnée d’un hourd et d’une toiture à quatre pans. Sur cette
portion de courtine, le chemin de ronde, qui traverse toutes les tours, est très clairement
figuré. Les tours d’angle circulaires semblent talutées et sont munies à leur base
d’ouvertures de tir2.
6
L’enceinte s’ouvre dans sa partie basse par une tour-porte quadrangulaire surmontée
d’un hourd et coiffée d’une toiture à quatre pans. La porte est défendue par une petite
barbacane munie de deux ouvertures de tir, suivie d’un pont-levis franchissant le fossé
qui double l’enceinte du bourg castral. Ce pont-levis est prolongé d’un pont fixe en bois
reposant sur des pièces de bois en V renversé. Deux échiffes placées de part et d’autre de
la porte complètent, avec la tour-porte et les tours circulaires d’angle, la défense de celleci. L’espace enclos est totalement saturé de constructions et aucune parcelle libre de bâti
n’apparaît. La vingtaine de maisons représentée correspond à l’archétype des
constructions civiles figurant dans l’Armorial et rien ne les distingue les unes des autres,
si ce n’est quelques détails ponctuels : une ouverture de plus sur un pignon, une cheminée
en plus ou en moins, etc.
7
Outre le castrum, la vignette représente l’église Notre-Dame et le village qui se développe
autour de celle-ci. Cette dernière est implantée dans la plaine, en contrebas du château, le
long d’une route qui traverse le paysage, bordée d’arbres. L’église Notre-Dame présente
un plan assez curieux dans ses proportions avec une très courte nef prolongée par un
chœur et une abside semi-circulaire particulièrement volumineux, alors qu’un transept
très proéminent s’en détache. Un clocher muni d’une longue flèche s’élève à la croisée du
transept. Autour de cette église, le dessinateur a représenté, sans ordre apparent, six
constructions dont cinq correspondent au stéréotype de l’Armorial alors que la sixième
prend l’aspect d’un volumineux pigeonnier carré.
Les données archéologiques et le parcellaire
8
La création du château de Bellegarde et du village castral qui lui est associé est
probablement à lier au passage à proximité même du castrum de la grande route de Lyon à
Montbrison, la via Lyoneisa, figurant à de nombreuses reprises dans un terrier de la
seigneurie de Bellegarde pour Renaud de Forez, dans les années 1355-1357 (ADL, B 2013, B
2015). Le site est implanté sur un éperon rocheux, digitation des monts du Lyonnais qui
dominent la plaine du Forez (fig. 138). L’altitude n’est pas importante, environ 500 m au
point culminant du site, mais le relief s’élève assez brutalement (fig. 136).
275
Fig. 136 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 137 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
276
Fig. 138 - Vue du château actuel depuis le sud.
9
L’essentiel des bâtiments du château actuel de Bellegarde est constitué de constructions
des XVIe, XVIIe et XIX e siècles ( fig. 138, 139). Celles-ci ont induit l’édification
d’importantes terrasses et de caves afin de réduire la pente et de créer un vaste niveau
horizontal pour établir les nouveaux bâtiments. Le château a donc changé
d’emplacement, alors qu’il occupait encore au XVe siècle le point dominant du site. Le
choix d’une position topographique moins escarpée se justifie sans doute par la recherche
d’espace et de conditions de résidence moins difficiles. Ce changement d’implantation
laisse supposer une désaffectation progressive du château médiéval dans le courant du
XVIe siècle, puis son abandon pour une nouvelle construction correspondant mieux au
goût du jour. Les réaménagements de l’époque moderne ont très fortement modifié le
parcellaire du village médiéval, le château actuel occupant près du tiers de la surface
totale de l’ancien bourg castral3.
277
Fig. 139 - Détail du château actuel.
10
Toutefois, l’emplacement du château médiéval, implanté au sommet de l’éperon, est
encore nettement identifiable sur place et dans le parcellaire napoléonien (fig. 137).
L’édifice occupait un espace grossièrement carré tout à fait semblable à celui représenté
sur la vignette de l’Armorial. Un fossé large et profond isole la plate-forme du relief
dominant sur son flanc nord. Quelques pans de courtine en ceinturent encore le pourtour,
alors que plusieurs éléments de murs occupent l’espace enclos sans qu’il soit possible de
reconstituer, en l’absence de tout relevé topographique, le plan des bâtiments détruits.
L’abondance de la végétation rend par ailleurs toute perception d’ensemble des vestiges
assez malaisée. Remarquons néanmoins que l’emplacement du donjon carré figurant sur
la vignette peut être repéré grâce à quelques vestiges très arasés esquissant un bâtiment
carré situé sur le point le plus haut du site. Heureusement, la documentation écrite
apporte quelques éléments précis que le terrain n’est plus en mesure de fournir. Ainsi les
comptes de la prévôté de Bellegarde pour l’année 1384 mentionnent des réparations sur
le
castellum supra murum donjonis inter turrim et eschiffam aule (ADL, B 1959, f° 8 v°).
11
Il est donc assuré que le donjon représenté sur la vignette existe bien, de même qu’une
aula qui devait s’étendre en contrebas de ce dernier ; il s’agit sans doute de la grosse
construction visible sur la vignette. Par la suite, en 1392 et 1396, divers travaux sont à
nouveau réalisés dans le château de Bellegarde, notamment dans l’aula bassa et dans la
prison4. De plus, un « château vieux » est cité à plusieurs reprises par la documentation
concernant Bellegarde, comme en 1355, lorsque Jean Romanet reconnaît un jardin situé
versus castrum vetus juxta rivum d’Anzeu, et en 1355-1357, lorsque Mathieu Pelet fait de
même pour une pièce de terre sise in castro veteri (ADL, B 2014, B 2013). Il est toutefois
impossible de savoir à quoi correspond ce « château vieux ».
12
L’enceinte du village a très largement disparu de nos jours, il en reste cependant quelques
tronçons assez bien conservés sous la végétation et les éboulis divers (fig. 140), surtout
278
au nord et à l’est, sans toutefois qu’aucune des tours présentes sur la vignette de
l’Armorial ne soit identifiable (Verrier, Villermet, 2006b, p. 43-45). Au nord-est du site
subsiste aussi l’arc en tiers-point d’une porte bâtie en grès, dont les superstructures ont
disparu. Il pourrait s’agir de la porte dite Bandini, qui est mentionnée à plusieurs reprises
dans les terriers (fig. 141) : ainsi en 1355, Jean Aroud tient de Renaud de Forez des
maisons infra castrum Bellegarde juxta portam Bandini et Poncet Peronet des jardins sis
versus portam Bandini in costa castri Bellegarde (ADL, B 2014) 5. De même que les
fortifications, le bâti villageois ancien est très mal conservé, l’essentiel du village ayant
été abandonné depuis le début du XXe siècle (fig. 142)6.
Fig. 140 - Vestiges de l’enceinte du castrum au nord-est.
279
Fig. 141 - La porte Bandin, vue de l’extérieur.
Fig. 142 - Localisation du château de Bellegarde et de l’église Notre-Dame des Farges.
Cartes IGN au 1 : 25 000 N° 2831 Ouest & 2832 Est © IGN - PARIS - Autorisation n° 50 - 1152.
13
Enfin, la vignette de l’Armorial représente un habitat de plaine, situé au pied du castrum
et groupé autour d’une église qui peut être identifiée avec l’église Notre-Dame-des-Farges
mentionnée dans les textes, même si actuellement le toponyme Les Farges désigne un
hameau un peu à distance au sud de cette église (Verrier, Villermet 2006b, p. 47 sq). À
l’heure actuelle, cette dernière occupe probablement son emplacement médiéval.
Néanmoins, l’édifice a été totalement reconstruit à l’époque contemporaine, sans
qu’aucun élément médiéval ne soit visible aujourd’hui7. Autour de l’église subsistent
encore des traces de constructions des XVIe ou XVIIe siècles, héritières des bâtiments du
village médiéval.
280
14
Le château de Bellegarde est un bon exemple d’implantation castrale probablement issue
de la volonté de contrôler le trafic d’une route importante, à partir du moment où celui-ci
prend son essor, probablement dans la seconde moitié du XIIe siècle ou la première moitié
du siècle suivant. Implanté dans le ressort d’une paroisse ancienne, il est édifié sur un
relief dominant proche de la route et a aggloméré un petit habitat. Pourtant, le
mouvement d’incastellamento n’est pas complet, puisqu’il ne parvient pas à faire
disparaître l’habitat ecclésial de plaine qui se structure autour de l’église Notre-Dame, pas
plus qu’il ne parvient à déstructurer le cadre paroissial ancien. La représentation que
donne l’Armorial pour le site de Bellegarde apparaît très fidèle, au moins pour ce qui est
de la figuration des différents éléments constitutifs du site. Il est néanmoins impossible
de juger de la précision de l’artiste dans le rendu des élévations, celles-ci ayant presque
toutes disparu. Par-delà la représentation du castrum lui-même, assez classique, l’intérêt
de la vignette de Bellegarde vient de la présence conjointe de deux structures de
peuplement rarement représentées côte à côte : l’église issue du haut Moyen Âge et le
castrum8. En effet, la distance qui sépare les deux justifie souvent que le dessinateur
ignore l’église, rendant donc une vision partielle des formes de peuplement et de leur
évolution. Ce n’est pas le cas ici.
Page 453
LA VILLE ET CHATIAU DE BELLEGARDE
Étude héraldique
814. Parrotin de La Lieugue crie La Lieugue
d’or à la fasce ondée de sable – cimier : une cigogne.
Perrotin de La Roche, damoiseau, fils de Perrotin de La Roche, seigneur de La Liègue.
Il était seigneur de La Roche et La Liègue, dont il rendit hommage en 1441 et 1459. Il
fut le dernier de sa lignée et ses fiefs passèrent avant 1489, vraisemblablement par
mariage, à la famille de Rougemont-Bron.
• Ars., ms 4802, f° 69 ; Philocarité, 23 (écartelé des armes Rougemont-Bron).
• De La Mure 1860-1897, t. II, p. 117, 185, 250 ; Vachez, 1882, p. 9-13.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Sur la représentation de l’Armorial, cf. aussi Verrier, Villermet, 2006b, p. 38.
2. Sur la copie de la Diana, ces ouvertures de tir sont devenues une porte pour une des tours !
3. Sur le « nouveau » château et ses propriétaires, cf. Verrier, Villermet, 2006b, p. 45 sq.
4. ... solvit dictus prepositus pro dicta et expensi cuiusdam latomi qui per unam diem stetit infra donjonum
Bellegarde pro preparando consedes vocatas loz ceaux existen. infra carcerem et plura alia que erat
necessaria in dicta carcere, III s. IX d. t. Item, solvit dictus prepositus pro quadam serrallia ferri cum clave
281
que erat necessaria ponenda in hostio domus site supra dictam carcerem, V s. t. [...] pro recoperiendo
aulam bassam [...] sitam infra donjonum castro Bellegarde et pro reparando aligna que erant necessaria in
duabus eschiffis existentibus in donjono... (ADL, B 1959, f° 72 et f° 91 v°).
5. Pour Verrier, Villermet, 2006b, p. 45, il s’agirait plutôt d’une porte percée au XVI e siècle après
la reconstruction du château et qui aurait repris le nom de l’ancienne porte Bandini détruite lors
des travaux.
6. Cf. dans Verrier, Villermet, 2006b, p. 40, une carte postale de 1913 montrant encore de
nombreuses maisons dans le bourg dont certaines adossées au rempart. La plupart ont disparu
aujourd’hui (fig. 142).
7. Exception faite d’un pan de mur de l’ancien clocher.
8. Notons la présence à proximité de l’église Notre-Dame et du castrum de Bellegarde de deux
autres édifices de culte dont on peut supposer une origine altimédiévale : Saint-André (commune
de Saint-André-le-Puy) à l’ouest et Saint-Pierre-de-Montmain à l’est (commune de Bellegarde). La
baie axiale de l’abside de ce dernier édifice présente encore un linteau extradossé gravé de faux
claveaux, assez caractéristique dans la région (s’il est en place...) du XI e siècle.
282
Saint-Galmier
Chantal Delomier
454. Le chatiau et ville de Saint Galmier
Département : Loire ; canton et commune : SaintGalmier
L’apport des sources écrites
1
Située sur un replat du versant occidental des monts du Lyonnais, la ville commande un
carrefour routier distribuant les voies vers Lyon et Vienne, tout en reliant Lyon au
« Grand chemin de Forez » et la route de Montbrison à Vienne. Le site domine la Coise
d’environ 60 m ainsi qu’une source d’eau minérale exploitée depuis l’Antiquité. Le vocable
(Baldomerus) de l’église, dépendance de la collégiale Saint-Just de Lyon, a donné son nom à
la paroisse puis à la ville issue du château.
2
La première mention connue de celui-ci remonte à la fin des années 11101. Vers 1130 est
cité le chapelain de Saint-Galmier, ce qui laisse supposer l’existence d’une première
agglomération. Un acte des années 1130-1150 est passé apud Sanctum Baldomerum et, en
1190, le mandement du château de Saint-Galmier est mentionné dans un accord entre
Omar de Vernoil et son gendre, Pierre, sénéchal du comte de Forez (Fournial, 1967 p. 30).
En février 1218, un acte est passé in castro Sancti Baudomeri dans la maison du prévôt
comtal (Chartes du Forez, n° 29) et, quatre ans plus tard, le comte Guy IV scelle un acte
apud Sant-Galmer, in domo nostra (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 23). Au début
du XIIIe siècle, les comtes de Forez sont donc déjà bien implantés dans la ville qui entame
alors son essor et bénéficie en 1266 d’une charte de franchises semblable à celle de
Montbrison (Chartes du Forez, n° 1625). Dès lors, la ville se développe, notamment grâce à
l’artisanat textile, comme l’attestent les fréquentes mentions de moulins à foulon (Titres
de la maison ducale de Bourbon, nos 343 et 350). Aux XIII e et XIV e siècles, les comtes
confirment ou approuvent au profit des bourgeois de Saint-Galmier diverses ventes de
biens nobles ou de fiefs (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 450 et 791). Ils leur
accordent aussi des exemptions de leyde (Chartes du Forez, n° 1631). Au XIVe siècle,
283
Jeanne de Bourbon séjourne régulièrement à Saint-Galmier pendant que le comte Guy VII
participe aux combats de la guerre de Cent Ans aux côtés de Philippe de Valois. Anne
Dauphine, fille du dernier comte de Forez, Jean II, y résidera aussi parfois jusqu’à sa mort
en 1417.
3
L’enceinte urbaine, résultant de la clôture des quartiers d’habitat qui se sont développés
autour du castrum primitif à la fin du XIII e et dans la première moitié du XIV e siècle,
semble achevée dès 1360, comme l’attestent les mentions du murum vinteni et de la porta
Plathee relevées dans divers testaments (Fournial, 1967, p. 444). L’évocation d’une rue
allant de la « porte du Château » à la « porte de la Place » confirme l’existence de deux
portes d’accès dans des enceintes distinctes, castrale et urbaine (Fournial, 1967, p. 445).
Les textes mentionnent aussi les tours « du Bourg Chanin » et « du Gort » ainsi que les
portes « de Bellegarde » (ou de la Place), « du Bourg Chanin » (ou de Lyon), « de
l’Hôpital » et la « poterne de Fontfort » (Fournial, 1967, p. 445).
4
L’église Saint-Galmier, située à l’intérieur du castrum, détenait les droits paroissiaux. Les
testaments mentionnent des élections de sépulture dans son cimetière, qui s’étendait au
sud et à l’est de l’église, ainsi que de nombreux legs pour la construction de la nouvelle
église qui commence en 14202 pour ne s’achever qu’après 1471. Cependant, sans doute
parce que le cimetière de l’église paroissiale était devenu trop petit face à l’extension
urbaine, la ville est dotée dès la fin du XIIIe siècle d’un autre lieu de culte : la chapelle
Saint-Clément, qui possédait elle aussi un cimetière. Située dans le quartier du BourgChanin3 au nord de la ville, la chapelle Saint-Clément est attestée dès 1283 (Chartes du
Forez, n° 697) et son cimetière dès 1287 (Chartes du Forez, n° 367, p. 2). Cachée au
dessinateur par la butte du castrum, elle n’est pas visible sur la vignette de l’Armorial.
5
La ville connaît une réelle période de prospérité au XVIe siècle comme le reflète l’élégance
de l’architecture civile, même si les intrusions huguenotes provoquent quelques dégâts
dans la deuxième moitié du siècle. Ainsi en 1570, l’église est dévastée par les protestants
et, en 1614, la visite pastorale effectuée par monseigneur de Marquemont évoque l’état de
ruine de l’église, avec une voûte ouverte en plusieurs endroits, le mur sud de la nef rompu
et la plupart des vitres enlevées et remplacées par des châssis de toile. Le clocher est
démoli en 1899. C’était une tour massive, de plan barlong avec escalier intérieur et de
petites ouvertures percées dans des murs épais. Un dôme à quatre pans avait remplacé au
XVIIIe siècle la toiture élancée et pointue du XVe siècle.
La représentation de l’Armorial
6
Le site est dessiné du sud vers le nord, avec un essai de perspective, associé à un rendu de
la topographie ascendante vers le nord (fig. 143).
284
Fig. 143 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 454) : le chatiau et
ville de Saint Galmier.
7
C’est une ville relativement importante, enserrée dans une large enceinte urbaine. La
partie supérieure de cette enceinte accueille une première fortification de plan circulaire,
sans flanquement (exception faite d’une échiffe), dont émerge une haute tour carrée
surmontée d’une surélévation en saillie, crénelée et recouverte d’une toiture et d’un
lanternon qui semblent essentés si l’on s’en tient à la mise en couleur de la vignette. Une
chemise ovalaire englobe cette tour et quelques rares maisons bâties alentour. Comme le
montre la croix visible à son sommet, la tour est le clocher de l’église qui a manifestement
été fortifié pour être utilisé comme donjon pendant la Guerre de Cent Ans. Une
observation minutieuse des édifices insérés dans l’enceinte castrale permet de distinguer
à quelque distance à droite du clocher une portion d’église. Deux baies couvertes d’un arc
en plein cintre assurent sans ambiguïté de la fonction de cet édifice, qui apparaît
cependant incomplet en raison de l’absence d’un porche ou d’un clocher. L’exacte
convergence de cette information iconographique et des données textuelles mentionnant
l’église en cours de reconstruction entre les années 1420 et 1470 permet donc de valider,
une fois de plus, l’attention particulière portée par le dessinateur de l’Armorial aux
églises. Il est vrai, cependant, que celle-ci ne se manifeste pas ici au premier coup d’œil. Il
faut aussi noter sur le chemin de ronde de l’enceinte du castrum, un curieux, car unique
dans la série forézienne, petit édicule en bois abritant une cloche. Il surmontait sans
doute la « porte du Pain », principale porte d’accès au castrum, invisible sur la vignette,
car masquée au dessinateur par le rempart.
8
L’enceinte urbaine – l’enceinte du vintain – est crénelée et sans aucune ouverture de tir.
En l’absence aussi de tours de flanquement, elle est pourvue d’un nombre considérable de
bretèches hourdées. Ce choix est sans doute lié à des considérations économiques et à la
volonté de diminuer le coût de construction de cette enceinte. Les portes, en revanche, au
285
nombre de quatre, sont généralement implantées dans une tour-porte quadrangulaire
sommée de hourd. Seule la porte la plus méridionale fait exception. Résultant sans doute
d’un percement postérieur au gros œuvre du rempart, elle prend l’aspect d’une simple
porte en plein cintre. Elle est toutefois protégée par une bretèche de bois et par une petite
barbacane sommaire que ferme un gros portail de bois clouté dont l’illustrateur de
l’Armorial a tenu à rendre les détails. L’enceinte urbaine n’est pas doublée par un fossé, ce
qui se conçoit tout à fait en raison de la situation topographique du site. En revanche, la
Coise et le pont qui permet de la franchir sous la ville sont expressément figurés.
9
À l’intérieur du vintain se presse un habitat extrêmement dense. Ici, les maisons se
répartissent de manière désordonnée, à l’inverse des vignettes représentant Feurs, SaintJust-Saint-Rambert, Saint-Marcellin-en-Forez ou encore Saint-Germain-Laval où
l’alignement des pignons sur des axes orthogonaux semble indiquer un réel plan
d’urbanisation. À Saint-Galmier, les maisons paraissent se répartir simplement en suivant
les courbes de niveau. Les constructions apparaissent très stéréotypées et correspondent
aux critères classiques de l’habitat civil des vignettes foréziennes de l’Armorial. Toutefois,
quelques constructions se distinguent un peu. Ainsi, trois maisons placées à l’intérieur de
l’enceinte urbaine, à l’ouest en particulier, semblent surdimensionnées en comparaison
des autres. Une construction notamment compte trois cheminées, dont deux sont placées
sur les pentes de la toiture. Devant cet édifice particulier se dresse une petite tour carrée,
sans toiture et percée d’une petite baie au sommet. Il s’agit peut-être ici de l’hôpital fondé
grâce à une donation des comtes de Forez avant 1283 et qui fut l’objet de nombreux legs.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
10
Un plan daté de 17734, ainsi que le cadastre napoléonien, permettent de reconstituer
aisément le tracé de la chemise du premier noyau castral et de l’enceinte urbaine (fig.
145).
11
Le castrum primitif était effectivement principalement constitué d’une enceinte ovalaire
établie au nord-est du site et au centre de laquelle se trouvait l’église. Il reste aujourd’hui
d’importants vestiges de style gothique de l’église reconstruite au XVe siècle (fig. 144).
Celle-ci a cependant été remaniée au XIXe siècle : en effet, en 1899, sous la direction de
l’architecte Rey, le porche et le clocher sont remplacés par une façade néo-gothique. Il ne
semble pas y avoir eu de château stricto sensu dans cette enceinte, mais les comtes de
Forez y possédaient toutefois, au moins depuis le tout début du XIIIe siècle, et sans doute
avant, une domus, qui reste cependant à localiser précisément5. Celle-ci sera à partir des
années 1330 peu à peu délaissée au profit de la maison voisine de Teillières devenue
propriété des comtes (cf. p. 455 de l’Armorial). La « porte du Pain », qui donnait accès au
castrum, existait encore en partie en 1840 ; elle a aujourd’hui disparu.
286
Fig. 144 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 145 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
12
Le tracé de l’enceinte du vintain est tout à fait lisible sur les plans du XVIIIe et du XIX e
siècle. La muraille, épaisse de 2 m à la base et d’1 m au sommet, était haute de 7 m
environ. Avec un développement d’environ 1 200 m de longueur, elle délimitait une
superficie de l’ordre de 9 ha. Alors que l’Armorial n’en figure aucune (mais peut-être
n’étaient-elles pas toutes construites vers 1440-1450...), cette enceinte était pourtant,
287
comme l’indique plusieurs textes du XVe siècle, flanquée de quelques tours. Au moins
deux sont visibles sur le plan cadastral napoléonien au nord-est et au nord-ouest de
l’enceinte ; elles sont même encore partiellement conservées en élévation aujourd’hui (
fig. 146). Quatre et peut-être même cinq portes donnaient accès à la ville. Au nord
s’ouvraient la « porte de la Place », dite ultérieurement « porte de Bellegarde » ainsi que
la « porte du Bourg Chanin », appelée aussi « porte de Lyon ». À l’ouest, la muraille était
percée de la « porte de Fontfort » et, au sud, de la « porte de l’Hôpital ». La « porte du
Gort », marquée sur le plan de 1773, semble pour É. Fournial n’avoir été ouverte que
tardivement puisqu’il n’en relève pas de mentions au XVe siècle (Fournial, 1967,
p. 444-445). Il ne subsiste que de rares vestiges de ces portes. Au sud, la « porte de
l’Hôpital » est la seule encore partiellement en élévation (fig. 147) ; cependant, arasée et
restaurée, elle ne livre plus qu’une image tronquée d’un des principaux accès à la ville
médiévale. La barbacane de la vignette n’a, évidemment, laissé aucune trace dans le
parcellaire et seule la forte montée vers la porte reste bien marquée sur le terrain comme
sur la représentation de l’Armorial. Enfin, de la chapelle Saint-Clément détruite en 1725,
il ne subsiste rien ; une partie des pierres a servi à l’édification de la chapelle de l’HôtelDieu.
Fig. 146 - Tour de la courtine est.
288
Fig. 147 - Porte sud, rue des Vignes Hermes.
13
Issu d’un castrum primitif constitué d’une enceinte ovalaire centrée sur l’église SaintGalmier, le site connaît à partir du XIIIe siècle un développement notable qui donne
naissance à une ville enclose dans une seconde vaste enceinte dont le plan structure
encore la trame urbaine actuelle. Si on excepte la représentation stéréotypée de l’habitat
à l’intérieur des deux enceintes successives, la confrontation de la vignette de l’Armorial
avec les plans parcellaires et les textes montre la grande précision et la grande fiabilité de
celle-ci.
Page 454
LE CHATIAU ET VILLE DE SAINT GALMIER
Étude héraldique
815. Jaques du Varnay crie Le Varnay
d’azur chef échiqueté d’or et de gueules – cimier : un cygne issant.
Jacques du Vernet (mort en 1452), écuyer, fils de Jean du Vernet, seigneur de La
Garde. Il épousa en 1392 Anne de Peyra et fut père de Jean, dit Plotard du Vernet (cf.
supra n° 781 p. 75). Il possédait le fief de La Garde et de nombreuses et importantes
censives réunies sous le nom de seigneurie du Vernet ou du Vernay. Chambellan de
Louis II, duc de Bourbon et comte de Forez, puis de son fils Jean Ier, il appartint à la
Cour amoureuse de Charles VI ; à ce titre, ses armes figurent dans l’armorial de cette
institution, à la fois courtoise et politique.
• Bozzolo, Loyau, 1982-1992, 363.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. Il, p. 352-354 ; Gras, 1874, p. 261 ;
Salomon, 1916, 1922, 1926, t. I, p. 152, 400.
816. Loys Vernin crie Lurre
écartelé : aux 1 et 4, de gueules à trois croix recroisetées au pied fiché d’or, au chef d’argent
chargé d’une fasce ondée d’azur (Vernin de Crémeaux) ; aux 2 et 3, de gueules à la bande
289
d’argent au bord inférieur engrêlé – cimier : une tête et col de lévrier.
Membre non identifié de la maison Vernin de Crémeaux (cf. supra n° 776 p. 75).
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Mention vers 1118 d’un Vuillelmus, cognomento Barbatus de castello Sancti Valdemeri (Cartulaire de
Savigny, t. I, n° 919).
2. En 1421, un legs à l’œuvre du chœur sera payable « dès que le chœur sera commencé » (De
Boissieu, 1902, p. 239).
3. En 1474 ou 1475, une reconnaissance porte sur un jardin situé juxta carreram publicam
tendentem de capella Sancti Clementi ad portam Burgi Canini (ADL, B 2063).
4. « Copie du plan géométrique de la ville de Saint-Galmier levé en 1811 », Bulletin de la Diana,
XXXVIII, 1963, p. 67.
5. Au XVIII e siècle, l’auditoire et les prisons, qui ont pu succéder à l’hôtel comtal médiéval,
étaient dans l’enceinte du château, à gauche de la « porte du Pain ».
290
Teillières
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
455. Teillieres soubz Sainct Galmier
Département : Loire ; canton et commune : SaintGalmier
L’apport des sources écrites
1
La maison noble de Teillières est l’une des seules de ce type représentée dans l’Armorial.
Malgré un intérêt certain, la documentation ancienne à son sujet est rare et n’éclaire que
furtivement l’histoire du site. La domus (...) de Teilheres apparaît pour la première fois dans
la documentation en 1328, lorsqu'Hugues Jomar, bourgeois fortuné de Saint-Galmier, en
fait hommage au comte (ADL, B 2001). Toutefois, Barthélemy Jomar possède le fief de
Tellière dès 1318, sans qu’il soit possible de préciser si la maison noble est déjà édifiée
(Broutin, 1883, t. III, p. 165). Cette dernière est alors explicitement située dans le
mandement de Saint-Galmier et dans la paroisse de Chambœuf. En 1333, Hugues Jomar
est encore seigneur du lieu, puisqu’il avoue au comte
domum suam de Teilheres cum vineis, ripperiis… infra muros et clausuram domus predicte
(AN P 490, n° 8, 103).
2
À la fin des années 1330, le comte de Forez Guy VII achète la maison. En effet, si en 1333, il
ne possédait que l’hommage, ainsi que le rappelle l’acte précédemment évoqué, en 1342,
la maison n’est plus dans le patrimoine de Pierre Jomar (Broutin, 1883, t. III, p. 165) et, en
1349, le comte y entretient un rector edificii ainsi qu’un concierge et un jardinier (ADL, B
1918). La maison noble de Teillières apparaît encore dans les comptes de Thomas
Montaignon, clerc à la Chambre des comptes du Forez, pour les années 1349-1352. Des
travaux importants de réaménagement sont alors payés par le comte qui vient de
racheter les lieux (De Boissieu, 1901, p. 330). Par la suite, en 1357, Guy VII cède par
testament la domus de Teillere à son fils, Jean. Cette dernière est alors donnée
cum omnibus juris et pertinentiis eiusdem, ac aliis omnibus juribus et servitutibus
quibuscumque ad eadem domum spectantibus.
291
3
Le comte précise aussi que la domus de Teillières fuit per me aquisitam (de La Mure,
1860-1897, t. III, p. 119). Teillières apparaît comme la résidence privilégiée des comtes de
Forez puis de leurs successeurs les ducs de Bourbon lorsqu’ils sont dans la région de
Saint-Galmier ; cependant, ces derniers cessent de la fréquenter à partir du XVe siècle et
rien ne s’oppose donc à ce qu’elle soit alors inféodée. C’est ce qui est fait en faveur de Jean
Chalmeyl en 1456, puis de Pierre Chomel. Ensuite, en 1525, la maison quitte définitivement
le patrimoine comtal en étant aliénée à la famille Barronat (De Boissieu, 1901, p. 351-352).
La représentation de l’Armorial
4
La maison noble de Teillières est représentée vue depuis le sud-ouest (fig. 148). Le
paysage, assez fortement boisé, est traversé par un modeste ruisseau, la Coise, franchi par
un pont de pierre à arche unique dont la chaussée est nettement pavée. Une petite
maisonnette sans importance se situe non loin du débouché du pont et l’on s’explique mal
sa présence ici. Le cœur de la résidence est composé d’une construction à plan en « L ».
L’angle des deux bâtiments formant ce « L » est occupé par une tour quadrangulaire à
trois niveaux, percée d’une fenêtre à meneau et couverte d’un toit à quatre pentes. Le
bâtiment qui constitue le côté est du « L » est vu de l’arrière : présentant un toit à deux
pentes, seules trois baies à croisées le percent à l’étage supérieur. L’autre branche du
« L », pour sa part, est beaucoup plus intéressante : il s’agit, en effet, de la face du
bâtiment donnant sur la cour de la maison, ce qui explique la qualité de l’architecture.
Chaque niveau du bâtiment est doublé sur toute sa longueur par une galerie de bois,
reposant sur ce qui semble être des colonnes. Cinq cheminées à mitre s’élèvent sur la
toiture de ce bâtiment. Un haut mur s’apparentant à un mur-bouclier surmonte le pignon
sud du bâtiment ouest. Dépassant nettement du niveau de la toiture, il est difficile de
préciser quelle est sa fonction. Trois autres bâtiments, dont l’un surmonté d’une
cheminée à mitre surdimensionnée, sont situés en vis-à-vis du corps de bâtiment
principal, l’ensemble formant ainsi un carré grossier. Très largement occultés par
l’enceinte, peu d’éléments de ces constructions sont visibles, mais l’absence de cheminée
pour deux d’entre eux laisse penser qu’il s’agit de bâtiments d’exploitation ; le troisième
pourrait, en revanche, accueillir une cuisine. Pour finir, l’ensemble de la maison noble est
inscrit dans une enceinte quadrangulaire dont elle occupe la partie nord. Cette enceinte,
basse et sans élément de défense active, s’apparente plus à un simple mur de clôture qu’à
un rempart et seule la présence d’un modeste pont de bois devançant l’unique porte en
tiers-point, esquisse une forme d’aménagement défensif et suggère la présence d’un fossé
qui n’est pourtant pas visible. On peut toutefois signaler aussi comme éventuel élément
défensif le fait que l’angle sud-ouest du mur d’enceinte soit surélevé sur quelques mètres,
sans parvenir pourtant à expliquer pourquoi. S’agit-il de l’appui d’un éventuel hourd ? De
l’esquisse d’une tour ou d’une échauguette ? Il est impossible de le préciser.
292
Fig. 148 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 455) : Teillieres soubz
Sainct Galmier.
Les données archéologiques et le parcellaire 1
5
Si la documentation écrite ancienne sur Teillières est limitée, les vestiges sont eux, en
revanche, tout à fait remarquables, même si le bâtiment a connu de forts remaniements
aux XVIIe et XIX e siècles (fig. 149). Au-delà de la Coise, légèrement au sud du bourg de
Saint-Galmier, l’ensemble, dont le plan est encore nettement lisible sur le cadastre
napoléonien (fig. 150), se présente sous la forme d’un assez vaste quadrilatère occupé par
plusieurs bâtiments. L’élément principal en est un bâtiment de plan rectangulaire,
orienté nord-sud et s’élevant sur deux niveaux (fig. 151). Sa façade ouest est parcourue
par deux galeries couvertes reposant, au rez-de-chaussée, sur des colonnes monolithes, et
à l’étage, sur des poteaux de bois, comme cela est figuré sur la vignette. Les vestiges d’un
plafond de bois à caissons sont encore visibles à l’étage supérieur de la galerie.
Cependant, les galeries actuelles datent pour l’essentiel du XVIIe siècle et ont été
réédifiées à l’identique après un incendie. C’est alors que l’escalier reliant les deux
niveaux a été déplacé. Dans un premier temps, il se trouvait dans une tourelle circulaire
située au nord de la galerie ; le nouvel accès a ensuite été implanté au sud. Seule subsiste
la base de la tourelle initiale. La galerie du rez-de-chaussée ouvre par deux portes (une, au
nord, datable des XIVe ou XV e siècles et une du XVII e siècle ouvrant sur la tourelle
d’escalier) sur de vastes salles dont on apprend, grâce à l’inventaire de 1607, qu’elles sont
des cuisines, réserves et chambres. La vocation des pièces ouvrant sur la galerie du
premier étage est toute autre. Deux salles se succèdent après une chapelle qui occupe
l’extrémité sud de l’étage. La plus grande d’entre elles, mitoyenne de la chapelle, est une
salle vaste, bien éclairée par deux baies à remplages. Elle est voûtée d’un berceau brisé en
bois muni de caissons peints. Il s’agit assurément d’une salle d’apparat de type aula (fig.
293
152). Cette pièce est dépourvue de porte donnant sur la galerie ; on pénètre donc dans
celle-ci soit par la chapelle, soit par la pièce plus petite qui la confronte au nord (fig. 156,
157, 158). Cette dernière, éclairée par deux baies à arcs polylobées dotées de coussièges (
fig. 153, 155), montre encore, dans un angle, une cheminée (fig. 154) – une des trois que
comptait le logis –, ainsi que la porte de latrines bâties en encorbellement sur le pignon
nord. Cette pièce correspond sans doute à une camera ou chambre de retrait. Pour finir, la
chapelle, orientée et de plan rectangulaire, est éclairée à l’est par une grande baie axiale à
remplages. Toute trace de voûtement de pierre, ou plus sûrement de bois, a disparu. À
l’heure actuelle, des vestiges ténus de peintures murales, impossibles toutefois à
interpréter, sont encore visibles de part et d’autre de la baie. Il s’agit probablement des
peintures qui sont financées par le comte en 1349-1350 ; les comptes de la Chambre des
comptes de Montbrison font, en effet, mention de dépenses pour le salaire de Henrico,
peynturerio et pro emptio pincello ou encore pro coloribus emptis (De Boissieu, 1901, p. 331).
On remarquera aussi la présence d’un bénitier surmonté d’une petite arcade trilobée,
enchâssée à droite de la porte d’entrée de la chapelle. Cette aile constitue manifestement
le premier élément de la maison noble, probablement construit dans les années 1310-1330
et dans lequel des travaux sont encore entrepris en 1388 et 1394, puisque les expense
denariorum facte pro reparatione domorum dicti domini de Telleres et Sancti Baldomeri figurent
dans les registres des comptes de la prévôté de Saint-Galmier (ADL, B 1983). Un second
bâtiment prend appui sur ce corps de logis et ferme la cour de la maison au nord,
parallèlement à la Coise. Visible sur la vignette de l’Armorial, il s’apparente à un édifice
bas, se développant uniquement en rez-de-chaussée. À l’heure actuelle, ce bâtiment, très
remanié, est encore doté d’une porte en plein cintre surmontée d’un fronton triangulaire
portant les armes des Baronnet et des Charpin, seigneurs de Teillières au XVII e siècle (fig.
159). À l’angle sud-est, la vignette de l’Armorial représente une tour carrée émergeant du
niveau des plus hautes toitures. Il en subsiste peu d’éléments. Abaissé d’un étage, il est
néanmoins encore repérable, mais on peut réellement douter des proportions
considérables qui lui sont assignées sur le dessin du XVe siècle. Au XVIIe siècle, la base de
cette tour abrite le fournil de la maison. Un dernier bâtiment ferme la cour sur son flanc
ouest. Nettement visible sur la vignette de l’Armorial, il s’apparente à celui qui ferme la
cour au nord et peut être assimilé à un éventuel bâtiment d’exploitation ou de service.
Même si le cadastre napoléonien en conserve le tracé et nous permet d’assurer son
existence, il n’en subsiste rien à l’heure actuelle. De même, si sur la vignette, la maison
noble est protégée au sud par un mur, faisant fonction tout à la fois de clôture et de
modeste rempart, rien ne subsiste aujourd’hui de celui-ci et même sa trace dans le
parcellaire a disparu. Pourtant son tracé est encore visible sur la photographie aérienne,
délimitant un espace inculte. La porte d’accès principale à la maison, représentée sur la
vignette devancée d’un ponceau de bois, n’existe plus elle aussi ; elle a été détruite au
milieu du XIXe siècle pour faciliter l’accès aux lieux (Broutin, 1883, t. III, p. 160). Toutefois,
le pont qui sur la vignette enjambe la Coise existe encore et date assurément du Moyen
Âge (fig. 160). Cet édifice modeste est un ouvrage au profil en fort dos d’âne à deux
arches, dont la principale est en berceau brisé. La pile, qui prend appui sur le fond de la
rivière, est précédée d’un imposant avant-bec ne remontant pas jusqu’au tablier.
294
Fig. 149 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 150 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
295
Fig. 151 - La maison noble de Teillières : vue de la face est du corps de logis principal. Au
second niveau, on reconnaît à l’extrême gauche la baie axiale de la chapelle ; au centre,
deux baies géminées appartenant à l’aula ; à droite, deux baie simples appartenant à la
camera.
Fig. 152 - Détail des baies géminées de l’aula.
296
Fig. 153 - Détail d’une des baies polylobées de la camera.
Fig. 154 - Cheminée d’angle dans la camera.
297
Fig. 155 - Baie à coussiège dans la camera.
Fig. 156 - Porte d’accès à la camera depuis la galerie de bois au second niveau.
298
Fig. 157 - Porte d’accès à la chapelle depuis la galerie de bois au second niveau.
Fig. 158 - Visage masculin ; culot de l’arc de la porte de la chapelle.
299
Fig. 159 - Porte aux armes des Baronnet et des Charpin, seigneurs de Teillières au XVII e
siècle, au rez-de-chaussée du corps de bâtiment nord.
Fig. 160 - Le pont sur la Coise.
6
Le qualificatif de maison noble s’applique parfaitement à Teillières, bien mieux que celui
de maison forte, qui fait trop largement référence à une fonction défensive. En effet, cette
dernière, sans être seulement symbolique, demeure limitée et les maigres organes de
défense présents ne sauraient absolument pas soutenir le moindre siège en bonne et due
300
forme. Au contraire, le caractère résidentiel l’emporte assurément avec des éléments de
confort et d’apparat évidents : vastes salles, chapelle aux murs peints, etc. Outre cette
fonction résidentielle, le rôle de centre d’un domaine foncier est présent au travers de
plusieurs bâtiments fonctionnels dont on peut penser qu’ils sont tout à la fois des espaces
de stockage de matériel et de récoltes, mais aussi des écuries. À ce titre, Teillières est un
très bon exemple des résidences qui se multiplient à la fin du Moyen Âge au centre des
domaines fonciers de l’aristocratie subalterne, parfois issue, comme ici les Jomar, de la
bourgeoisie urbaine enrichie par le commerce, et qui investit sa fortune dans un mode de
vie et d’habitat « noble ». En achetant la maison de Teillières, les comtes de Forez
reprendront et conforteront la fonction de résidence rurale de ce bâtiment. Pour autant
que l’on puisse en juger, la représentation donnée par la vignette de l’Armorial est très
fidèle, n’ignorant ni les éléments d’ensemble du site, ni des points architecturaux
originaux comme la présence des galeries couvertes sur le logis principal (fig. 161) ou les
bâtiments d’exploitation situés de part et d’autre de la cour, en vis-à-vis de la maison de
maître, ou encore le pont de pierre sur la Coise. Pourtant, des détails ne peuvent être
expliqués, comme par exemple le rehaussement du mur de clôture au sud-ouest, ou
encore la présence d’un très haut mur pignon au sud-ouest du logis, qui s’apparente à un
mur-bouclier hors de propos ici.
Fig. 161 - Vue de la face ouest du corps de logis principal et de sa galerie.
Page 455
TEILLIERES SOUBZ SAINT GALMIER
Étude héraldique
817.
de... au chef d’argent chargé de trois merlettes de...
Armoiries non identifiées. L’écu est inachevé.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
301
NOTES
1. Pour une description très précise des vestiges, nous renvoyons à De Boissieu, 1901, p. 330-346.
302
Saint-Héand
Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
456. Le chatiau de Saint Teon
Département : Loire ; canton : Saint-Héand ;
commune : Saint-Héand
L’apport des sources écrites
1
Le site de Saint-Héand est peut-être attesté dès la fin du Xe siècle. En effet, un acte daté de
994, toutefois interpolé au XIe ou au XII e siècle, et qui donne la liste des possessions de
l’Église métropolitaine de Lyon, mentionne l’ecclesia Sancti Eugendi 1.
2
Saint-Héand disparaît ensuite de la documentation jusqu’à la fin du XIIe siècle. En 1173,
l’archevêque de Lyon et le comte de Forez délimitent leurs possessions respectives.
L’archevêque remet, entre autres, Saint-Héand au comte ; celui-ci rendra hommage lige à
l’Église de Lyon pour ce fief et ses dépendances. Saint-Héand n’est pas qualifié dans ce
texte, et l’on ne sait donc pas s’il s’agit déjà d’un castrum ou bien d’une simple villa
(Chartes du Forez, n° 4). Le 16 octobre 1226, Renaud de Forez, archevêque de Lyon, rédige
sa donatio pro anima : 20 setiers de blé donnés à l’abbaye cistercienne de Clavas et 30
setiers donnés à Valbenoîte seront pris à Saint-Héand (Chartes du Forez, n° 1358).
L’archevêque de Lyon semble détenir des greniers en ce lieu en raison de sa parenté avec
les comtes de Forez (Chartes du Forez, n° 18). Par son testament du mois de juillet 1239, le
comte Guy IV cède, en viager, à son fils cadet Renaud : Sury-le-Bois, Saint-Héand,
Montrond et le château de Virigneux. Renaud tiendra ces biens en fief de son frère Guy V,
héritier principal de leur père (Chartes du Forez, n° 1386). De même qu’en 1173, ces trois
sites ne sont pas désignés explicitement comme castra. Il faut attendre 1265 pour obtenir
la première mention effective du château. À cette date, Jean de Salvagneu est châtelain (
castellanus) de Saint-Héand ; il se porte alors caution et otage pour le comte de Forez
(Francs-Fiefs, n° 66). Passée cette date, le castrum et le mandamentum de Saint-Héand, ainsi
que le châtelain et les autres officiers du comte, sont mentionnés régulièrement dans la
documentation des XIVe, XVe et XVIe siècles2.
303
3
Saint-Héand paraît avoir toujours relevé des tenants de l’autorité publique, archevêques
de Lyon ou comtes de Forez. Aucune famille éponyme n’est attestée par la documentation
et aucun lignage aristocratique ne semble avoir tenu allodialement, ou même en fief du
comte, cette seigneurie. Le 16 août 1324, le comte de Forez, Jean, institue par testament
son fils Guy comme héritier universel. Le frère cadet de celui-ci, Jean, recevra les
châteaux de Saint-Héand et de Sury-le-Bois, mais à titre viager. Il en sera de même en
1357 lors de la succession du comte Guy VII (Titres de la maison ducale de Bourbon, t. I, n
os
1254 et 2756). Saint-Héand semble être, dans le patrimoine des comtes de Forez, une
châtellenie secondaire puisqu’elle est, lors des diverses successions aux XIII e et XIV e
siècles, systématiquement soustraite de l’héritage principal et abandonnée à titre viager
au fils cadet du comte. Comme le stipulait l’accord de 1173, le comte de Forez devait
l’hommage à l’archevêque de Lyon pour Saint-Héand ; il faut toutefois attendre le
deuxième tiers du XIVe siècle pour trouver un premier acte d’hommage. Le 25 juillet 1334,
Guillaume, archevêque de Lyon, accorde au comte de Forez, un délai jusqu’à la Toussaint
pour lui faire hommage des châteaux de Saint-Héand, Feugerolles, Chambéon, etc. (Titres
de la maison ducale de Bourbon, t. I, n° 2055)3.
4
Divers documents des XIVe et XV e siècles permettent d’éclairer la topographie du site.
Dans un terrier de 1355, des reconnaissances mentionnent l’existence d’un donjon, d’une
enceinte et des portes du château (ADL, B 2070). De même, un terrier de 1384 cite des
fossés ainsi que la tour de la porte nord (ADL, B 2234). Des travaux sont effectués au
château de Saint-Héand durant les années 1412-1413. De grandes quantités de matériaux
(pierres, poutres, tuiles, carreaux, chaux, etc.) sont alors acheminées vers le bourg pour
des travaux sur le donjon et sur un second bâtiment appelé « l’hôtel de Madame » (en
référence à la duchesse de Bourbon). Mais pour cet édifice, il est assez difficile de savoir
s’il s’agit d’une campagne de réparations ou bien alors d’une construction ex nihilo
(Fournial, 1967, p. 342) :
« dépense de deniers pour l’édifice et bâtiment de l’hôtel et donjon de madame fait
à Saint-Héand (…) : pour 3 setiers de chaux pris vers Saint-Marcellin pour bâtiment
du donjon de Saint-Héand à 5 s. t. le setier soit 15 s. t. ; pour tâches prises par Gonet
Chambe pour accomplir l’eschiffe dessus la grande salle du donjon, laquelle il avait
à priffait et du commandement du châtelain 10 d. t. ; pour les frais de maître
Étienne de la Grange, lieutenant de Monseigneur le bailli, faits à Saint-Héand pour
visiter la forteresse 6 s. 3 d. t. » (ADL, Inventaire série B, B 1988, f° 100).
5
À la fin du XIVe siècle, Saint-Héand figure dans le procès-verbal de prise de possession par
les officiers du duc de Bourbon des châtellenies comtales foréziennes (Titres de la maison
ducale de Bourbon, t. I, n° 3508) et, en 1561, la seigneurie de Saint-Héand est affermée (De
Varax, 1882, p. 11). Le 4 juin 1564, Jean Papon, juriste, dresse un inventaire de la « terre et
seigneurie de Saint-Héand ». L’enceinte du bourg, dont la circonférence est de 500 pas,
comporte 55 maisons. Dans la « clôture » se trouve :
« un vieux château consistant en une ancienne tour, grosse et forte, en icelle deux
étages servant de prison, où l’on monte par un escalier de bois. Le surplus sont deux
grandes chambres ou galetas, fort caduques et mal couvertes » (De Varax, 1882,
p. 12).
6
En 1664 est réalisé un état des lieux du château de Saint-Héand. Le procès-verbal de celuici mentionne dans le château une salle où se « tient l’audience », des prisons dans la tour
et des greniers (ADL, B 2201, f° 26 v°-27 r° ; De Fréminville, 1905, p. 259 ; Viallard, 1992,
p. 40, 42). On trouve encore quelques indications sommaires sur les châteaux dans un
brouillon d’état des châtellenies et seigneuries en 1666 :
304
Il est necessaire de raccommoder les degres de pierre de taille quy est en la cour du chasteau
pour monter en la chambre où l’on tient l’audience et au grenier ; et de faire a neuf le
plancher de la galerie par laquelle il faut passer pour aller en ladite chambre ou se tient
l’audience et ledit grenier. Plus est necessaire de faire à neuf le plancher de ladite chambre
où l’on tient l’audience, n’y ayant que les poutres dudit plancher, de sorte qu’il est necessaire
de garnir d’haix ; plus est necessaire de poser une poutre au plancher du dessus du grenier et
faire a neuf ledit plancher pour estre les haix d’iceluy toutes pourries et rompues, plus de
mettre et garnir de barreaux de fer la grande fenestre dudit grenier du costé du soir. Et
ayant fait faire ouverture des prisons de la tour du chasteau lesdits experts sont rentres
dans les prisons et rapportes qu’elles sont en bon etat. Plus lesdits experts ont rapporté qu’il
est necessaire de ressuivre le couvert dudit chasteau mesme de passer quelques chevrons et
mettre quelques haix en icelluy et que la muraille du costé du sud est rompue d’en haut
(ADL, B 2199).
7
En fait, ce qui reste du château de Saint-Héand, comme à Cleppé, sert désormais de
greniers. Le 3 septembre 1688, Étienne de Canaye, seigneur de Malval, achète au roi les
restes du vieux château de Saint-Héand4. Au mois de mars 1770, un autre Étienne de
Canaye, descendant du précédent, cède à son petit-neveu, Alphonse de Droullin de
Ménilglaise, la maison noble de Malval et
« la terre et châtellenie de Saint-Héand, sise en Forez, consistant en château, cour,
enclos, justice haute, moyenne et basse, rentes nobles et foncières, etc. » (De Varax,
1882, p. 22).
8
En 1781, Alphonse de Droullin fait déclaration de la châtellenie royale de Saint-Héand.
Elle consiste alors
« dans un très vieux château, même inhabitable, dont il ne reste que les principales
murailles, et trois pièces, qui moyennant quelques réparations annuelles, servaient
à renfermer les grains de la rente noble et de la dîme ; dans une ancienne tour
affectée à une prison ; dans trois mauvaises chambres séparées du château et
servant à mettre quelques matériaux et outils... » (De Varax, 1882, p. 23).
9
À la Révolution, le château est réquisitionné au profit de la commune.
La représentation de l’Armorial
10
Le dessinateur s’est placé au nord-ouest de la ville, sans doute sur une éminence (fig. 162
). Le dessin comporte deux éléments distincts : le bourg et sa clôture et, à l’intérieur de
celle-ci, le château proprement dit. L’enceinte, grossièrement pentagonale, est entourée
de fossés remplis d’eau et percée de deux portes ouvertes dans des tours
quadrangulaires :
• La porte ouest, au point central du mur, dessert par un pont de bois un faubourg constitué
d’une rue pavée, bordée de maisons.
• La porte nord ouvre également sur une simple passerelle de bois.
305
Fig. 162 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 456) : le chatiau de
Saint Teon.
11
Il n’existe pas d’ouvrage avancé de type barbacane qui induirait un système défensif
élaboré. Les portes sont logées dans des tours-porches carrées, surmontées de hourds et
percées latéralement au niveau du sol de hautes et étroites ouvertures de tir. Deux tours
quadrangulaires, protégées de même par des hourds et morphologiquement semblables
aux tours-portes, sont implantées aux angles nord-ouest et nord-est de la ville,
probablement pour encadrer la porte principale du bourg. Leur base talutée, qui finit au
sommet de la contrescarpe du fossé, est percée d’une longue ouverture de tir. Des
échiffes, de taille modeste, renforcent l’enceinte villageoise en quatre points, dont un à la
jonction de cette enceinte avec celle du château. Le mur d’enceinte du bourg paraît
totalement aveugle, sans les ouvertures caractéristiques d’un parcellaire intérieur saturé.
L’espace réservé aux maisons villageoises est assez restreint et ne contient aucun édifice
particulièrement remarquable, ni par ses dimensions, ni par sa forme. Les maisons situées
à l’extérieur des remparts paraissent s’insérer dans un étroit parcellaire en lanière, le
mur pignon donnant sur la rue ; c’est sans doute le signe d’un début d’urbanisation, bien
qu’à la fin du XIVe siècle Saint-Héand ne fut pas une ville (Fournial, 1967, p. 129). Ces
maisons présentent les caractéristiques habituelles des maisons de l’Armorial : elles
comportent une porte et une fenêtre à meneau et traverse sur le mur pignon, deux
fenêtres plus petites sur le mur gouttereau et, sur le toit à deux pentes, une cheminée à
mitre.
12
L’enceinte quadrangulaire du château occupe les trois-quarts sud-est du site. La porte qui
le relie à l’habitat villageois et qui, logiquement, devrait apparaître sur la face nord ou
ouest du rempart n’est pas représentée ; elle a pu être gommée dans un souci de
perspective si elle ne présentait pas de caractère défensif important. Aux angles nord,
nord-ouest et sud-ouest de l’enceinte castrale se dressent des échiffes, puis les flancs sud
306
et est des enceintes, villageoise et castrale, semblent se confondre. L’espace castral
renferme quelques édifices majeurs :
• Un haut donjon circulaire, percé de deux fenêtres et couronné de hourds imposants.
• Une église au clocher quadrangulaire massif, également couronné de hourds. Elle semble
placée près du mur ouest du château.
• Un bâtiment quadrangulaire, très élevé, installé dans l’angle sud-est de l’enceinte castrale.
Deux fenêtres sont représentées à l’étage supérieur ; une porte donne sur le chemin de
ronde du rempart.
13
Enfin, quelques maisons ne présentant pas de signe particulier de distinction occupent le
reste du château.
14
Saint-Héand au XVe siècle donne donc l’image d’un petit bourg développé autour du
château et de l’église ; l’ensemble ne dispose pas de système défensif puissant mais quatre
tours quadrangulaires talutées et de larges fossés remplis d’eau signent la présence d’un
pouvoir comtal établi et entretenu.
Les données archéologiques et le parcellaire
15
Le site de Saint-Héand conserve aujourd’hui assez peu de vestiges anciens en élévation,
que ce soit du château ou de l’enceinte du bourg (fig. 163). Toutefois, l’examen attentif
des plans cadastraux, napoléonien et actuel, ainsi que quelques éléments médiévaux
encore conservés ou disparus récemment, permettent de replacer pour l’essentiel les
bâtiments et constructions représentés par Guillaume Revel, même si quelques
discordances ou quelques imprécisions sont remarquables (fig. 164).
Fig. 163 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
307
Fig. 164 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
16
Le dessin de l’Armorial distingue deux grands ensembles. Le parcellaire et les rares
vestiges conservés amènent en fait à considérer trois entités comme emboîtées les unes
dans les autres :
• Un château enclos dans une première enceinte.
• Une seconde enceinte accolée à la précédente et contenant l’église dédiée à saint Eugendus.
• Le bourg et son rempart.
17
Au sud-est du village, le parcellaire actuel, et plus encore celui du XIXe siècle, dessinent
un bloc grossièrement quadrangulaire, que l’on peut identifier avec le château. Cet îlot
s’organise autour d’une place centrale. Par endroits, et notamment place Foch, ses limites
parcellaires coïncident avec des reprises de maçonnerie et avec la présence de murs très
épais, au moins à la base des façades. À l’ouest, à cheval sur les parcelles 170 et 222 (du
cadastre actuel), est implantée une tour-porte, tardive, sans doute du XVe siècle (fig. 169
). À l’intérieur de cet ensemble, plusieurs bâtiments présentent un intérêt significatif. La
parcelle 167 du cadastre actuel correspond à un bâtiment rectangulaire, aux murs épais,
mesurant environ 15 m x 9 m, orienté est-ouest (fig. 165). Cet édifice a été étudié en 2006
dans le cadre d’une opération d’archéologie préventive5. La morphologie du bâtiment
offrait quelques indices d’ancienneté bien que la façade sud et le mur pignon est
apparaissaient profondément remaniés. Il s’agit manifestement d’un logis seigneurial,
sans doute de type aula, placé au point topographique le plus élevé du village. Les
sondages ouverts à l’intérieur de l’édifice permettent d’assurer que tout ou partie de
l’élévation médiévale est conservée sur une hauteur de 11 m ; elle est composée d’assises
régulières de blocs de granit liés par un mortier de chaux compact et solide (fig. 167).
Cette maçonnerie médiévale, si elle est perturbée par de nombreuses reprises, reste
308
cependant très lisible sur de larges surfaces. Les vestiges de sept baies romanes restent en
place (fig. 166) : deux portes d’accès et cinq fenêtres. En l’absence d’escalier intérieur, les
flux verticaux de circulations devaient transiter par des structures légères extérieures et
un accès direct à la courtine. En effet, l’aula est directement appuyée à la courtine qui la
précède (chronologiquement) et qui l’enveloppe (morphologiquement). Les sondages
archéologiques ouverts à l’intérieur ont mis au jour des traces de décor peint de faux
appareil couvrant une grande partie de ce qui fut le premier étage de l’aula (fig. 168).
Concernant la datation, un terminus a quo (1225) est donné par l’analyse
dendrochronologique d’un bois prélevé dans une engravure de poutre
stratigraphiquement liée à la maçonnerie médiévale. La construction de ce logis
seigneurial relève donc du gouvernement de Guy IV, alors successeur de son tuteur
l’archevêque Renaud de Forez qui, à cette date, effectue des legs à prendre sur ses
revenus de Saint-Héand. Ce bâtiment pourrait être l’hôtel de la duchesse de Bourbon
mentionné en 1412 et la salle des audiences mentionnée dans la visite de 1664. Il s’agit
peut-être aussi du haut bâtiment rectangulaire représenté sur l’Armorial, de façon très
maladroite toutefois. Un second bâtiment médiéval, englobé dans diverses constructions
plus récentes, fait face, au sud, à ce premier logis. Cette construction présente sur sa
façade sud, au premier étage, les vestiges arasés d’une ouverture peut-être de même type
que celle décrite précédemment. La parcelle 171 est occupée par une maison orientée estouest, dont la façade est montre une montée d’escalier et plusieurs ouvertures du XVe
siècle. Du donjon circulaire figurant sur la vignette, qui pourrait correspondre au donjon
attesté dès 1355 et peut-être à la tour mentionnée par les diverses visites des XVI e, XVIIe
et XVIIIe siècles, il ne subsiste rien aujourd’hui et son emplacement même n’est en aucun
cas assuré6. Pour une raison inexpliquée, l’enceinte de ce premier réduit castral
n’apparaît pas dans la vignette de l’Armorial qui identifie le château seulement au travers
de deux bâtiments emblématiques : la tour maîtresse circulaire et (sans doute) l’aula.
Toutefois, si l’Armorial figure bien la seconde enceinte, celle du bourg castral primitif
avec l’église, il est plus difficile de situer celle-ci tant les vestiges et le parcellaire sont peu
parlants. On peut supposer un tracé limité au nord par la rue des Demeures et son
prolongement et prenant à l’ouest au droit de la rue des Minimes. Au sud, ce rempart
serait parallèle à l’enceinte du bourg, à quelques parcelles de distance de celui-ci.
309
Fig. 165 - L’aula du château (XIIIe siècle). Vue du mur gouttereau nord et du mur pignon est.
Fig. 166 - Détail d’une des baies de l’aula au nord (face externe).
310
Fig. 167 - Relevé du mur nord (face interne) de l’aula.
Fig. 168 - Reconstitution de la baie centrale du mur nord de l’aula avec son badigeon rouge
(face interne).
311
Fig. 169 - Saint-Héand, tour-porte rectangulaire de l’enceinte (XV e siècle ?), place Foch.
18
En revanche, le tracé de l’enceinte de l’extension du bourg, attestée dans la
documentation dès la seconde moitié du XIVe siècle, est encore aisément identifiable dans
le parcellaire. Celle-ci longe au nord la rue Johannès Odin et la rue des Fossés, à l’est la
rue des Terreaux, au sud la rue de la Côte, et enfin à l’ouest la rue de Saint-Étienne et la
rue Lucien Thiollier. Ces rues sont implantées, comme la topographie des lieux et une
toponymie évocatrice (rue des Terreaux, rue des Fossés) le montrent, sur les anciens
fossés comblés. Ce rempart est de forme grossièrement trapézoïdale, plus étroit au sud
qu’au nord, avec un léger décrochement au niveau de la jonction de la rue des Fossés et de
la rue des Terreaux. Ces caractéristiques de l’enceinte, encore lisibles dans le parcellaire,
se retrouvent dans la représentation de Guillaume Revel. Aucune élévation de ce rempart
ne paraît conservée ; toutefois, la partie inférieure des façades de quelques maisons,
notamment rue Thiollier et rue de Saint-Étienne, semblent directement le réemployer.
Des bases de murs très épais et de légers décrochements au niveau du rez-de-chaussée de
maisons des XVIIe et XVIIIe siècles sont encore perceptibles. Sur l’Armorial figurent deux
portes, dont l’emplacement apparaît nettement sur les deux cadastres. L’une, s’ouvrant
vers le nord en direction de Saint-Bonnet-les-Oules et de Saint-Galmier, était située à
l’extrémité nord de l’actuelle rue de l’Ancienne Église. Cette rue présentait, jusqu’au XIXe
siècle, une chicane au niveau de sa jonction avec la rue J. Odin. Le tracé en a été rectifié à
la fin du XIXe siècle et l’ancienne porte a été supprimée ; elle correspond aujourd’hui à
une parcelle bâtie. Le débouché de la rue de l’Ancienne Église sur le tracé des fossés et du
rempart est donc aujourd’hui très légèrement décalé vers l’est. La seconde porte
représentée sur l’Armorial est encore plus aisément identifiable. Il n’en subsiste, comme
la précédente, rien en élévation, mais elle est facilement localisable à l’extrémité ouest de
la rue du Marché. Celle-ci s’ouvre aujourd’hui sur la rue des Pavés, chemin rural n° 9, qui
correspond au chemin pavé, représenté sur l’Armorial, issu de cette porte ouest et
312
desservant un faubourg en direction de La Fouillouse et de Saint-Étienne. Le toponyme a
conservé la mémoire de ce chemin médiéval, dont l’illustrateur du XVe siècle a
soigneusement représenté le pavage. Cet axe très caractéristique, ainsi que les deux
portes, permettent d’orienter aisément le dessin de Guillaume Revel et de mettre plus
facilement en corrélation le parcellaire actuel et la représentation de l’Armorial.
19
Dans ces grandes lignes, et même dans un certain nombre de détails, le parcellaire actuel
du bourg de Saint-Héand reflète assez fidèlement les différentes composantes du site, tel
que l’a peint Guillaume Revel au XVe siècle. Assez peu de constructions médiévales
subsistent toutefois et le parallèle entre celles-ci, la vignette de l’Armorial et la
documentation ancienne apparaît parfois difficile : ainsi le donjon circulaire n’est pas
localisable, la représentation du bâtiment seigneurial de la parcelle 167 est incertaine et
l’enceinte du château n’apparaît pas sur le dessin de l’Armorial. L’examen du parcellaire,
la représentation du XVe siècle et les vestiges archéologiques laissent a priori supposer
une origine castrale pour le bourg de Saint-Héand : l’habitat se serait développé autour
d’un château dans une première basse-cour comprenant l’église7 ; son extension aurait
été enclose dans un second temps.
Page 456
LE CHATIAU DE SAINT TEON
Étude héraldique
818. Anthoine d’Angirieu crie
échiqueté d’or et d’agir – cimier : une tête et col de cigogne.
Antoine d’Angirieu (mort en 1473), damoiseau, fils d’Amé d’Angirieu et d’Isabelle de
Boulieu. Il était seigneur de Saint-Bonnet-des-Oules et Grandris et possédait
d’importantes censives à Couzan, Chalain-d’Uzore, Saint-Priest, La Tour, SaintHéand, La Fouillouse. Il occupa la charge de maître des Eaux et Forêts du comté de
Forez, de 1450 à 1468. Les armes Angirieu sont peintes dans la frise de la salle
héraldique de la Diana ; elles sont aussi sculptées à Roziers-Côtes-d’Aurec et, sur une
croix, à Rivas.
• Frise de la salle héraldique de la Diana (100 et 109, suivant la numérotation de Gras,
1874).
• Gras, 1874, p. 6 ; Tricou, 1965-1976, t. I, p. 83 ; Perroy, 1977, t. I, p. 59 ; archives de
l’auteur.
819. Jehan de Rochefort crie Rochefort
parti : au 1, de vair plain ; au 2, de gueules à la moucheture d’hermine d’azur.
Jean Ier de Rochefort-La Valette (mort en 1453), chevalier, fils de Guyonnet de
Rochefort, seigneur d’Espercieu, et d’Aigline de La Valette. Il épousa Béatrix Moret,
fille unique de Jean Moret, seigneur de Maleval et de Jeanne de Salvaing. II était
seigneur de La Valette, La Faye et Neysieu. Il mourut avant l’achèvement de
l’armorial et peut-être s’agit-il ici de son fils aîné, qui portait le même prénom que
lui ; ce dernier épousa Isabelle de Faïn. Après son mariage, Guyonnet de Rochefort,
père de Jean Ier, avait abandonné ses armes familiales, d’azur à trois fleurs de lis d’or,
au chef du même chargé d’un lion issant de gueules, pour reprendre celles de sa
femme. Toutefois, les armes Rochefort ne disparurent pas, puisqu’on les retrouve au
XVIe siècle, écartelées de La Valette, dans le manuscrit 4802 de la Bibliothèque de
l’Arsenal comme dans le Philocarité. On doit enfin remarquer que ce personnage, qui
313
semblait pourtant l’aîné, portait des armes brisées, alors que Jacques de Rochefort
(cf. supra n° 809), non identifié, les portait pleines.
• Ars., ms 4802, f° 69 ; Philocarité, 25.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. II, p. 514 ; Bétencourt, 1867, t. IV,
p. 36 ; Bouillet, 1846-1847, t. V, p. 376 ; Gras, 1874, p. 226.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. M.-C. Guigue (Cartulaire Lyonnais, t. I, n° 9, p. 20) donne une transcription de cet acte réalisée
à partir d’une copie du XVIIe siècle (ADR, 10 G 448). Dans cette copie l’acte est daté de 984. Mais
une nouvelle version de celui-ci, datée cette fois de 994, a été livrée par M.-O. Mandy en 1985 à
partir d’un manuscrit redécouvert en 1915 et que M.-C. Guigue bien sûr ne connaissait pas (actuel
10 G 1879 des ADR). Cf. sur ce point et sur les interpolations manifestes de cet acte au XI e ou XIIe
siècle : Feuillet, Guilhot, 1985, p. 74.
2. Ainsi en 1272, Aymone, fille d’Aymonet de Fontanès, abandonne à son mari tous ses biens,
notamment dans le mandement de Saint-Héand (Chartes du Forez, n° 162). En 1275, le comte Guy
VI donne à son sergent, Guillaume de Bocigné, divers cens sur des terres situées dans le
mandement de Saint-Héand (Chartes du Forez, n° 343). Au mois de juillet 1309, le comte Jean
modère, moyennant 600 livres, les servitudes imposées aux habitants de Saint-Héand. Il est alors
fait mention du châtelain de Saint-Héand et des autres officiers du comte dans cette châtellenie
(Titres de la maison ducale de Bourbon, t. I, n° 1254). Le 27 mai 1334, Jean de Salvigniaco reconnaît
tenir en fief du comte de Forez une maison dans le castrum de Saint-Héand (Barban, 1885, n°
1334), etc...
3. Quelques vingt ans plus tard, en 1357, l’archevêque de Lyon, Raymond, octroie lui aussi un
délai au comte pour l’hommage de divers châteaux dont Saint-Héand (Titres de la maison ducale
de Bourbon, t. I n° 2749).
4. Malval : maison noble sur la commune de Saint-Héand.
5. Diagnostic archéologique, arrêté n° 05-082, code opération Patriarche 22/42234/9138,
responsable scientifique Ch. Delomier, rapport déposé au SRA Rhône-Alpes.
6. En 1889, F. Thiollier constate, comme seul vestige du château, la présence d’un bâtiment carré
encore crénelé. Il est toutefois impossible de déterminer actuellement avec certitude la
localisation de cette construction (Thiollier, 1889, p. 126).
7. Le vocable de l’église, dédiée à saint Eugendus, pose toutefois problème. C’est un vocable ancien
qui s’accorde mal avec une église d’origine castrale.
314
Fontanès
Franck Brechon et Chantal Delomier
457. Le chatiau de Fontenees
Département : Loire ; canton : Saint-Héand ;
commune : Fontanès
L’apport des sources écrites
1
Fontanès apparaît pour la première fois dans le traité de 1173 par lequel le comte de
Forez et l’archevêque de Lyon délimitent leurs possessions respectives. Il est alors
question de
Castellucium et Fontanesium cum mandamentis suis [qui] sunt infra terminos comitis,
excepta obedientia Grandismontis quam ecclesiam sibi retinuit (Chartes du Forez, n° 4).
2
Si le mandement de Fontanès est dès lors mentionné, il faut cependant attendre 1290
pour que le castrum le soit explicitement (Chartes du Forez, n° 264). Dès 1173, Fontanès est
donc une possession du comte de Forez. Ce dernier l’inféode à plusieurs lignages qui se
partagent la seigneurie dès le XIIIe siècle. En effet, le lignage de Fontanès, qui apparaît à
de très nombreuses reprises dans la documentation entre 1100 et le XVe siècle n’est à
aucun moment seigneur du château de Fontanès. Tout au plus peut-on penser qu’il s’agit
d’un lignage d’anciens milites castri de Fontanès (Perroy, 1977, t. I, p. 344-345). Dans la
première moitié du XIIIe siècle, la seigneurie de Fontanès est en fait partagée entre les
lignages de Saint-Priest, de Montagny et de Crussol ; tous semblent détenir leurs droits
sur Fontanès de leurs liens avec le lignage des Pagan d’Argental qui domine par ailleurs
tous les contreforts sud du Massif du Pilat et paraît être le plus ancien seigneur connu de
Fontanès1. Pour les Crussol, leurs droits sur Fontanès leur viennent de l’union de
Marguerite Pagan avec Giraud Bastet, seigneur de Crussol, en Vivarais valentinois. En
1260, Giraud Bastet, miles, avoue tenir du comte sa part des châteaux de Fontanès et de
Saint-Denis-sur-Coise (Chartes du Forez, n° 903, p. 11) ; en 1300, il hommage encore au
comte
partem nostram quam habemus in castro de Fonteneys (Chartes du Forez, n° 1283).
315
3
Une enquête réalisée en 1297 au sujet de la haute justice de Saint-Denis-sur-Coise, que le
comte conteste à Giraud Bastet, rappelle qu’il est coseigneur de Fontanès (Chartes du
Forez, n° 1250). Finalement, en 1352, le sire de Crussol vend, pour se délivrer de ses
dettes, au comte de Forez et au prix de 2150 florins, sa part du château de Fontanès et
tous les droits qui en dépendent (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 2636). Le
lignage de Montagny apparaît comme coseigneur de Fontanès en 1246. Guy de Montagny,
domicellus, vend alors au comte Guy V tous ses biens à Feurs apportés en dot par sa
femme. Il concède dans le même temps à son épouse, en remploi de dot, tout ce qu’il
possède dans le mandement de Fontanès (Chartes du Forez, n° 619). On ne peut pas
préciser comment ce lignage devient coseigneur de Fontanès ; cette seigneurie leur
provient toutefois probablement là aussi des Pagan d’Argental, la mère de Guy de
Montagny étant issue de ce lignage (Perroy, 1977, t. II, p. 571). En 1290, le comte acquiert
la part de coseigneurie détenue par Guicharde, veuve de Guy de Sathonay, chevalier, son
frère, Guillaume de Montagny, domicellus et son neveu, Guichard, fils de feu Hugues de
Montagny, pour la somme de 300 livres viennoises. Cette part se compose alors de leur
domus seu aula sua de Fontaneys cum omnibus juribus, actionibus, usagiis, dominiis,
censibus, redditibus, tailliis, proventibus, exitibus, quartibus, decimis, bannis, clamoribus,
feudis et aliis juridictionibus et dominiis omnimodis que ad merum et mixtum dominium
videntur pertineri, que, quos et quas ipsi venditores habebant seu videbantur habere et que
de jure vel de facto habere, possidere, levare et percipere consueverant per se vel per alium
quoquomodo in castro de Fontaneys supradicto et in mandamento et juridctionis dicti castri
(Chartes du Forez, n° 264).
4
Les Saint-Priest possèdent aussi une partie de Fontanès, probablement acquise par le
mariage d’Étienne de Saint-Priest avec Clémence de Montagny, héritière d’une partie du
patrimoine des Pagan (Perroy, 1977, t. II, p. 777). On sait ainsi qu’en 1260, Étienne de
Saint-Priest hommage sa part de coseigneurie au comte Renaud (Chartes du Forez, n
° 1458). À la même date, Étienne de Saint-Priest est cité dans la liste des vassaux du comte
de Forez :
Estevenz de Saint Priest fit hommage lige de Fontaneys e del mandament jurablo e rendablo
(Chartes du Forez, n° 903, p. 7).
5
En 1267, il apparaît encore comme coseigneur de Fontanès, lorsqu’il se porte caution pour
une vente consentie par Girin Émion, de Fontanès, domicellus, au prieuré de Jourcey
(Chartes du Forez, n° 478). Finalement, en 1347, Pons de Saint-Priest avoue encore au
comte
antiquo domos seu fortalicium quas habet infra castrum de Fontaneys cum medietate tocius
juridictionis ville et mandamenti dicti castri de Fontaneys (Chartes du Forez, n° 903, n. 2)
6
et, en 1352 et 1361, Fauvel de Saint-Priest, chevalier, est attesté comme coseigneur de
Fontanes (Perroy, 1977, t. II, p. 780). Ces trois lignages ne sont que vassaux du comte de
Forez pour Fontanès, ainsi que le rappellent les hommages de 1260 déjà évoqués, de
même que l’acte d’inféodation de Fontanès au comte de Savoie en 1324 (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 1771 ; Chartes du Forez, n° 903, n. 2). En effet, il est alors
précisé que les biens et droits inféodés sont tout à la fois ce que le comte tient à sa main,
probablement la part des Montagny rachetée en 1290, et ce que tiennent en fief
Marguerite Pagan, veuve de Giraud Bastet, dame de Crussol, et Paturel de Saint-Priest. Le
comte cherche donc à reprendre pleine possession de ce château, ou au moins profite des
opportunités qui lui sont offertes de le faire, comme lorsqu’il rachète la part des
Montagny en 1290 ou celle des Crussol en 1352. Si le comte a inféodé le château de
Fontanès, ce dernier constitue néanmoins un alleu comtal jusqu’en 1325, lorsqu’il le
316
reprend en fief de Guigue, dauphin de Viennois et comte d’Albon, avec ses châteaux de
Châtelus, La Fouillouse, Saint-Victor, Cornillon, Cuzieu, Montrond, Roche la Molière,
Bouthéon, Veauche et leurs arrières fiefs (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1791).
7
Parallèlement à ces lignages châtelains, la documentation du prieuré fontevriste de
Jourcey et quelques autres sources livrent l’existence de plusieurs autres seigneurs
fonciers. C’est par exemple Girin Émion, de Fontanès, domicellus, qui en 1267 vend au
prieuré de Jourcey des cens sis à Fontanès (Chartes du Forez, n° 478) ou encore Aymar de
Bylleu, domicellus, de Saint-Chamond, qui en 1271 cède au prieuré de Jourcey tous les cens
qu’il possède à Fontanès, Saint-Christo, Cellieu et Saint-Héand (Chartes du Forez, n° 483).
En 1276, c’est Girin Cordeil, de Fontanès, miles, qui vend au prieuré de Jourcey des revenus
sur divers fonds que ses censitaires tiennent de lui (Chartes du Forez, n° 494). Par la suite,
c’est encore Hugues Jomar, bourgeois de Saint-Galmier, qui vend en 1390 à Robert de
Chalus, chevalier, divers cens et rentes dans les mandements de Saint-Galmier, Fontanès
et La Tour en Jarez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3800) 2. L’Hôtel-Dieu de
Montbrison possède lui aussi des cens à percevoir dans le mandement de Fontanès, ainsi
que nous le rappelle un rôle des tenanciers de 1393 (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 3940). Les mentions de l’église de Fontanès sont plus rares que celles du
château. Le pouillé lyonnais de 1225 nous apprend que l’ecclesia de Fontaneto est placée
sous le patronage de l’Église métropolitaine de Lyon (Chartes du Forez, n° 901). Par la
suite, au début du XIVe siècle, on apprend que cette dernière est placée sous le vocable de
Saint-Jean et Saint-Paul (Testaments Foréziens, n° 44). Bien que qualifiée d’ecclesia, et non
de capella, l’église de Fontanès n’est qu’une dépendance de celle de Grammond, ainsi que
le rappelle le testament de noble Fauvel de Saint-Priest, chevalier et coseigneur de
Fontanès (Dufour, 1946, p. 349). Ce lien de sujétion laisse donc penser que l’église de
Fontanès, d’origine castrale, a été édifiée dans le ressort de la paroisse de Grammond et
qu’elle n’a gagné ses droits paroissiaux que peu à peu, sans parvenir à recouvrer une
totale indépendance.
La représentation de l’Armorial
8
L’implantation du site dans un relief assez accidenté apparaît très clairement sur la
vignette (fig. 170). L’ensemble, vu peut-être du nord-est, permet de développer les
différents éléments qui composent le castrum de Fontanès. Celui-ci se compose d’une
haute enceinte quadrangulaire aux courtines crénelées. Les angles de cette dernière sont
pourvus de quatre tours carrées surmontées de hourds et d’une toiture à quatre pentes.
Elles portent des bannières aux armes des ducs de Bourbon. Quelques rares ouvertures de
tir percent la base de ces tours et défendent l’accès de la contrescarpe. Cette enceinte est
doublée d’un profond fossé. Une seule porte permet d’accéder à l’intérieur de la
fortification. Située au centre de la courtine qui fait face à l’artiste, elle est surmontée
d’une tour carrée semblable aux tours d’angles et est, elle aussi, couronnée de hourds de
bois. Une bretèche percée d’une ouverture de tir et une barbacane renforcent la défense
de la porte. Cette dernière est accessible grâce à un pont-levis franchissant le fossé.
L’intérieur de l’enceinte est occupé par un haut donjon quadrangulaire dont il est
toutefois difficile à la seule vue du dessin de connaître le nombre de niveaux. Deux étages
sont toutefois marqués par la présence de larges fenêtres à croisés alors qu’un étage
défensif muni de hourds couronne le sommet de l’édifice. Sur la partie droite du dessin, à
l’ouest, figure un très long bâtiment doté de deux fenêtres à meneau et d’au moins deux
317
cheminées qui semble avoir un statut particulier. Pour finir, le sommet de la toiture d’une
demi-douzaine de maisonnettes apparaît serré entre le rempart, le donjon et le grand
bâtiment, sans qu’aucune église ne soit toutefois visible. Quelques maisons, présentant le
stéréotype habituel des pages foréziennes de l’Armorial (construction à un étage,
couverte d’un toit de tuiles à deux pentes, avec une fenêtre à meneau sur chaque pignon,
deux ouvertures carrées sur les gouttereaux et une cheminée à mitre), sont implantées le
long du chemin d’accès qui aboutit à la porte et constituent un embryon de faubourg bien
peu développé.
Fig. 170 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 457) : le chatiau de
Fontenees.
Les données archéologiques et le parcellaire
9
À l’heure actuelle, le village de Fontanès occupe l’extrémité d’une colline aux pentes assez
marquées, sans être pour autant abruptes et rocheuses (fig. 172). Le premier contact avec
le site de Fontanès est pour le moins déroutant, tant rien ne s’apparente à la
représentation qui en est donnée par la vignette. On est même en droit de s’interroger sur
l’identification portée en tête du dessin. En effet, rien ou presque ne permet d’assurer la
localisation du site en question, mais il est vrai que les vestiges médiévaux conservés sont
rarissimes, ce qui peut expliquer ces problèmes. Même le parcellaire napoléonien
demeure largement muet pour localiser les constructions représentées sur la vignette (
fig. 171). Aujourd’hui, l’élément central du site est un château pour l’essentiel des XVII e
et XVIIIe siècles (Thiollier, 1889, p. 127), plus rien n’apparaît de la fortification médiévale
visible sur la vignette, si tant est qu’elle ait existé... Tout semble avoir été arasé, et malgré
la volonté farouche de plusieurs érudits anciens de voir des traces médiévales sur le site
(Salomon, 1916-1926, p. 144), le château médiéval a bel et bien intégralement cédé la
place à une construction d’époque Moderne. L’église, qui n’apparaît pas sur la vignette,
318
est l’élément le plus ancien qui soit conservé de nos jours (fig. 173). Celle-ci est très
composite, néanmoins les vestiges d’un premier édifice, peut-être tardimédiéval,
subsistent. Ils constituent la nef principale actuelle (fig. 174, 175), à laquelle, à la période
Moderne, ont été associés des collatéraux. Les traces d’un modeste clocher-peigne sont
encore visibles à l’aplomb du chœur. Plus que l’édifice lui-même, c’est finalement sa
localisation qui est intéressante, à mi-chemin entre le château et le village, comme c’est
très souvent le cas pour les capellæ castri (Laffont, 2009). Le village de Fontanès se
développe en terrasse sur le versant est de la colline supportant le château, en contrebas
de l’église. À l’heure actuelle, il n’y subsiste plus aucun vestige médiéval, mais on peut
penser que l’organisation du parcellaire conserve encore largement les formes
médiévales. Il est toutefois difficile de repérer le tracé de l’enceinte représentée sur la
vignette ; tout au plus une longue limite parcellaire au sud-ouest pourrait s’y apparenter,
mais il est aussi possible qu’il ne s’agisse que d’une courbe de niveau marquée par une
terrasse.
Fig. 171 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
319
Fig. 172 - Vue d’ensemble du site. Immédiatement au-delà de l’église se dresse le château
moderne de Fontanès.
Fig. 173 - Église Saint-Jean de Fontanès.
320
Fig. 174 - Arcatures du XVe siècle dans l’église.
Fig. 175 - Détail sculpté dans la nef : un personnage tenant un écu (XV e siècle).
10
Fontanès est un très bon exemple de coseigneurie, tel qu’il s’en rencontre de nombreux
cas dans un large Midi (Laffont, 2000). Ici, trois lignages apparentés se partagent le fief à
parts inégales, imposant au comte de Forez, leur seigneur supérieur commun, de racheter
peu à peu, au gré des opportunités, la seigneurie afin de l’unifier et d’en tenir la
321
seigneurie utile. Par ailleurs, le site de Fontanès est un castrum très classique,
agglomérant le château initial et un habitat paysan, ainsi qu’une chapelle devenant église
paroissiale. La représentation de l’Armorial est pourtant particulièrement difficile à
comprendre. Elle présente un site qui correspond typologiquement à Fontanès, mais les
grandes divergences constatées permettent de douter que le site représenté soit bien
celui qui nous occupe, même si l’état des vestiges conservés ne permet nullement d’être
affirmatif.
NOTES
1. Sur le lignage vivarois des Pagan d’Argental, cf. Laffont, 2009.
2. De nombreux autres seigneurs fonciers apparaissent aux XIII e et XIVe siècles (Chartes du Forez,
nos 162, 245, 483, 484 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 372).
322
La Tour-en-Jarez
Pierre-Yves Laffont
458. La ville et tour d’Angeres
Département : Loire ; canton : Saint-Héand ;
commune : La Tour-en-Jarez
L’apport des sources écrites
1
Le château de La Tour-en-Jarez apparaît pour la première fois dans la documentation en
1167. À cette date, le comte de Forez Guy II reprend en fief du roi de France Louis VII
divers châteaux dont le castellum de La Tour-en-Jarez (Chartes du Forez, n° 1763). En 1173,
l’archevêque de Lyon et le comte de Forez délimitent leurs possessions respectives :
l’accord précise qu’aucune des deux parties ne pourra construire de nouvelle fortification
entre Saint-Chamond et La Tour-en-Jarez et entre Saint-Chamond et Saint-Priest-en-Jarez
1. Une famille de la Tour est mentionnée dès la fin du XII e siècle ; toutefois, si elle semble
bien originaire du castrum de La Tour-en-Jarez, elle n’a pas (ou plus ?) dans la seconde
moitié du XIIe siècle de droit sur le château qui relève uniquement des comtes de Forez
(Perroy, 1977, p. 894-895). L’église de La Tour-en-Jarez, dédiée à Saint-Julien, est citée
parmi les possessions de l’abbaye lyonnaise de l’Île-Barbe en 1183 (Mazures de l’abbaye
royale de l’Isle-Barbe, t. I p. 117). Ultérieurement, l’église est rattachée au prieuré de
Saint-Rambert-sur-Loire, dépendant lui-même de l’abbaye de l’Île-Barbe. Ainsi, en 1225,
c’est le prieur de Saint-Rambert qui nomme à la cure de l’église de La Tour-en-Jarez
(Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon, p. 3). À partir des années 1250, le château
et le mandement de La Tour-en-Jarez sont régulièrement mentionnés. Vers 1260, Aymar
Malamouche et Humbert de la Tour rendent hommage au comte pour ce qu’ils tiennent
de lui
alla Tor en Jareys e dedenz los termenz (Chartes du Forez, n° 903).
2
Peu avant au printemps 1254, Guigue le Vieux, domicellus, de Turre in Jaresio, vend divers
cens et terres au prieuré de Jourcey (Chartes du Forez, n° 92). Au mois de mai 1270, le
comte Renaud vend pour 500 livres, mais pour six années seulement, à Itier Raibe, prieur
323
de Saint-Rambert, les castra et mandements de La Tour-en-Jarez et de La Fouillouse
(Chartes du Forez, n° 651). En juin 1279, Hugues Godechaus, domicellus, rend à la comtesse
de Forez, Jeanne de Montfort tout ce qu’il a
infra fines et terminos ville de Turre in Geresio (Chartes du Forez, n° 216).
3
Quelques onze années plus tard, Hugues Jomard, bourgeois de Montbrison, reconnaît
tenir en fief du comte 30 sous de rente dans le mandement de La Tour (Chartes du Forez,
n° 269). Lors de la rédaction de son testament le 12 août 1294, Clément Rosset, chanoine
de Montbrison, lègue annuellement 5 sous au curé de La Tour afin que soit fondé un
anniversaire en sa mémoire (Chartes du Forez, n° 567). En 1316, Philippe le Bel reçoit
l’hommage du comte de Forez pour le castrum de La Tour-en-Jarez (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 1420, p. 244).
4
Tout au long des XIVe et XVe siècles apparaissent régulièrement dans les textes le prévôt
et les sergents de la châtellenie de La Tour-en-Jarez (ADL, B 1189, B 1190). Le 11 novembre
1362, Renaud, oncle et tuteur de Jean, comte de Forez, rend hommage à Jean II le Bon, roi
de France, pour les châteaux de Montbrison, Monsupt, La Tour-en-Jarez, etc. (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 2856, p. 502). À la fin du XIVe siècle, Jean Brice, habitant de
Saint-Galmier, reconnaît tenir en fief du duc de Bourbon, comte de Forez, une maison
dans le castrum de La Tour-en-Jarez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 4006,
p. 73). Toute une série de reconnaissances réalisées au XVe siècle au profit du duc de
Bourbon donne d’importantes indications sur les composantes du castrum de La Tour à
cette date. Dans les années 1462-1466, reconnaissance est faite pour une maison située
dans le castrum de La Tour et confrontée au sud par le vingtain. Les fossés (fossata) de la
ville sont mentionnés à cette occasion (ADL, B 2111). De même, une reconnaissance est
passée pour une maison située dans le castrum de La Tour près du vingtain à l’est et du
chemin allant de la Porta Fabrice (porte de la Farge) à l’église à l’ouest (ADL, B 2111) ; ainsi
que pour une autre maison établie à proximité de l’entrée du donjon, d’une tour et d’une
porte2. L’enceinte villageoise, les portes de celle-ci et des voies à l’intérieur du bourg
castral sont encore mentionnées dans les années 1466-1475 (ADL, B 2110) 3. Pour les
mêmes années, on conserve un acte de reconnaissance passé pour une maison située hors
de la porte de la Farge, près des fossés du castrum et de la route allant de cette porte à la
Croix des Rameaux au sud (ADL, B 2110). De même, deux textes de nature judiciaire
apportent des précisions sur le castrum de La Tour. Dans la dernière décennie du XIV e
siècle, Guillaume Jaubelet est condamné à 10 sous tournois d’amende pour avoir coupé, et
s’être approprié, les buissons des fossés de La Tour-en-Jarez (ADL, B 1189). Cette peine
illustre tout à fait la rigueur du contrôle comtal sur les fortifications du château de La
Tour. Enfin, une seconde condamnation, près de cinquante ans plus tard, évoque la
présence de quelques constructions plus prestigieuses dans le castrum de La Tour-enJarez. En 1432, Michel du Puit est puni d’une amende de 2 sous et 6 deniers pour n’être
pas allé au charroi qui conduisait du sable pour la construction de la maison du duc de
Bourbon dans l’enceinte du château de La Tour-en-Jarez (ADL, B 1190, f° 18). Au milieu du
XVIe siècle, le château de La Tour-en-Jarez est toujours chef-lieu de mandement 4. Comme
d’autres seigneuries comtales foréziennes (Lavieu, Le Fay, Saint-Galmier, Saint-Héand,
Virigneux, etc.), la châtellenie de La Tour-en-Jarez est vendue en réachat perpétuel ; elle
est engagée en 1537 pour 12 000 livres à un marchand de Saint-Étienne (Viallard, 1992,
p. 35 ; Gardes, Houssel, 1985, p. 177 sq). L’église est incendiée en 1566 durant les guerres
de Religion mais elle est reconstruite à la fin du XVIe siècle. Puis le vieux château se
dégrade progressivement. À la fin du XVIIe siècle, il n’en reste déjà plus grand chose. Lors
324
de l’état des lieux général des châteaux foréziens, réalisé à la fin des années 1660 et au
début des années 1670, il apparaît comme tout à fait ruiné. Jacques Pouderoux, juge et
lieutenant général du Forez, commis à cette enquête, écrit s’être rendu avec ses
assesseurs
sur un grand rocher au plus haut dudict bourg sur lequel nous avons veu une vieille tour
quarree sans plancher ni couvert, fendue et menaceant ruyne (cité dans Viallard, 1992,
p. 35-37)5.
5
Lors de la publication du Dictionnaire topographique du Forez, en 1946, cette tour semble
être encore en partie en élévation puisque l’auteur de l’ouvrage mentionne qu’il ne reste
alors qu’une vieille tour de l’ancien château comtal (Dufour, 1946, p. 984) 6. De même une
porte de l’enceinte du bourg, la porte des Farges (alias de la Farge) située près du Calvaire,
paraît avoir été encore visible au XIXe siècle (Gardes, Houssel, 1985, p. 177 sq). Enfin
l’église est en grande partie reconstruite en 1843, et le clocher rehaussé en 1882 (Gardes,
Houssel, 1985, p. 177 sq). La châtellenie de La Tour-en-Jarez est supprimée en 1774 par
édit royal et réunie à celle de Saint-Galmier (Dufour, 1946, p. 984).
La représentation de l’Armorial
6
La représentation de l’Armorial de Guillaume Revel montre un site extrêmement
classique dans son développement et donc aisé dans son analyse (fig. 176). Le château
proprement dit occupe le point le plus haut du site, l’habitat castral clos dans une
enceinte s’est développé au pied de celui-ci. L’ensemble est vu vers le nord.
Fig. 176 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 458) : la ville et tour
d’Angeres.
7
Le centre du château est un haut donjon vraisemblablement carré, tout au moins
quadrangulaire. Trois ouvertures sont visibles. L’ouverture percée à l’est est la plus
importante par sa dimension ; toutes trois évoquent la fin du Moyen Âge, cependant la
325
représentation probablement très standardisée, comme dans d’autres vignettes de
l’Armorial, est de fait assez atypique. Le donjon est couronné de hourds. Une bannière,
peut-être aux armes des ducs de Bourbon, trône au sommet du toit, de même que sur les
toits de la tour-porte et des hourds. Le donjon, probablement en raison de sa valeur
symbolique, paraît nettement surdimensionné par rapport aux autres constructions
représentées. Une chemise crénelée enserre le donjon, l’église et un petit bâtiment en
retrait derrière le donjon. Sa forme est difficile à déterminer. La vignette de l’Armorial
laisserait plutôt supposer une enceinte quadrangulaire, englobée dans la grande enceinte
du bourg et cantonnée de tours aux angles, alors que l’examen du parcellaire plaiderait
plutôt pour une enceinte très vaguement curviligne se greffant sur l’enceinte du bourg
castral à l’est et au nord-ouest. La perspective choisie par l’illustrateur ne permet guère
de trancher. Les courtines de l’enceinte et les tours d’angle sont traitées de façon
extrêmement sommaire : seul le crénelage est représenté et aucune ouverture n’est
visible. La façade et un des murs gouttereaux de l’église sont visibles. Une rosace enserrée
dans un fronton triangulaire perce la façade ; un clocher-pignon à deux baies surmonte
l’ensemble. Le mur de la nef présente trois hautes et larges baies en plein cintre. Enfin, un
troisième bâtiment occupe l’enceinte du château, il s’agit d’une petite construction très
discrète, typologiquement tout à fait parente des maisons de l’habitat castral. Le village
castral s’est développé en étages de façon plus ou moins concentrique au pied du château.
Le bourg est enfermé dans une enceinte ovale englobant sur sa partie haute l’ensemble
proprement castral. Ce rempart est renforcé de quatre tours circulaires et de quatre
échiffes réparties par deux, de part et d’autre d’une tour-porte carrée située dans l’axe
fictif, qui partant du donjon et de l’église, organise le bourg en deux ensembles
symétriques. Les courtines et les tours circulaires sont traitées de la même façon que
l’enceinte et les tours du château. La tour-porte est percée d’une haute mais étroite porte
et d’une petite fenêtre aux deux tiers de sa hauteur ; elle est couronnée de hourds. Cette
porte donne sur un pont, manifestement de bois, franchissant le fossé qui double le
rempart. Cet unique accès au bourg castral, et donc indirectement au château, donne vers
le sud, c’est-à-dire probablement en direction de Saint-Étienne. Le bourg présente une
occupation dense, plus d’une vingtaine de maisons sont représentées. Celles-ci possèdent
en règle générale une porte et une fenêtre à meneau sur le mur pignon, deux fenêtres
plus petites sur le mur gouttereau et, sur le toit à deux pentes, une cheminée à mitre.
Aucun édifice ne se distingue particulièrement par ses dimensions ou par sa forme.
Quelques axes de circulation, suivant les courbes de niveau, sont perceptibles dans
l’organisation d’ensemble du bourg. Globalement, la représentation de l’habitat reflète
une grande standardisation.
Les données archéologiques et le parcellaire
8
L’étude du parcellaire et des maigres vestiges archéologiques subsistants montre
clairement que le dessin du XVe siècle est une fidèle représentation du château (fig. 177).
Le parcellaire napoléonien et le parcellaire actuel, concordant tout à fait avec la vue du
XVe siècle, suggèrent une première zone haute entourée d’un rempart : elle enserre le
rocher qui surplombe le village et englobe l’église (fig. 178). À l’est et au nord-ouest, le
rempart et le fossé, encore conservés, marquent les limites de cet ensemble (fig. 180, 181
). Au sud et au sud-ouest, les actuelles rue de la Merlée et rue de la Galinay, qui viennent
se greffer sur le rempart, toujours en élévation, évoquent nettement dans le parcellaire le
contour extérieur de cette première enceinte réduite, dont les sections nord et est
326
semblent en fait se confondre avec la grande enceinte principale. La limite sud de celle-ci
est marquée par la longue rue des Terreaux établie sur l’emplacement des fossés sud du
castrum ; le toponyme en rappelle tout à fait le souvenir. La destruction du rempart et le
comblement du fossé au sud du bourg ne permettent pas d’établir de lien physique entre
la rue des Terreaux, ancien fossé sud, et les fossés est et ouest. Toutefois, l’organisation
d’ensemble de ces fossés et remparts, conservés ou non, ne pose aucun problème : le tout
dessine un vaste triangle avec une pointe orientée au nord, une à l’ouest et une au sud. À
l’intérieur un second triangle plus restreint englobe l’église et le site du donjon. De ce
dernier, il ne subsiste rien aujourd’hui, si ce n’est l’important affleurement rocheux sur
lequel il reposait probablement (fig. 179). L’église occupe toujours le même emplacement
qu’au XVe siècle, légèrement en contrebas du site du donjon (fig. 182). Cependant, pour
les raisons que nous avons vues précédemment les parties les plus anciennes ne
remontent guère au-delà du XVIe siècle.
Fig. 177 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
327
Fig. 178 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 179 - Le Calvaire à l’emplacement du château, vue du nord-ouest.
328
Fig. 180 - Vestiges de l’enceinte au nord-ouest, vue extérieure.
Fig. 181 - Vestiges de l’enceinte au nord-ouest, vue intérieure.
329
Fig. 182 - Vue de l’église depuis le Calvaire.
9
Si le tracé des fossés de la grande enceinte est très lisible sur le parcellaire, ils ne sont
toutefois que partiellement conservés. Deux tronçons sont encore visibles : le premier,
sur plus de 50 m, dans une longue parcelle longeant à l’est le Calvaire et l’église, et le
second en bordure de plusieurs parcelles situées au nord-ouest de la montée du Calvaire.
Il s’agit d’un large fossé présentant un profil en V. D’importantes portions du rempart,
encore en élévation sur 2 à 3 m de hauteur, surplombent sur plusieurs dizaines de mètres
de longueur ces fossés et jouent le rôle de limite de parcelle. Le rempart est construit en
petit appareil de schiste. Aucune des tours circulaires figurées sur l’Armorial n’a laissé de
traces archéologiques.
10
La limite entre la zone castrale et la zone villageoise, matérialisée par Guillaume Revel
par une courtine flanquée de tours, ne présente pratiquement plus de vestiges, seule une
surépaisseur à la base du mur d’un jardin donnant sur la rue de la Merlée laisse supposer
son emplacement exact. À l’extrémité nord de ce fragment de courtine, on peut noter la
présence d’un piédroit de porte en grand appareil. Au-delà vers le nord, la trace du
rempart est visible de l’autre côté de la rue sous la forme d’un renflement analogue à la
base d’une maison. On peut donc envisager la présence ici d’une porte de communication
entre le bourg castral et le château. La vignette de l’Armorial et la documentation
ancienne attestent de l’existence de plusieurs portes. Le débouché de l’actuel chemin de
Fontarasse au centre de la rue des Terreaux marque vraisemblablement l’emplacement de
la tour-porte visible sur l’Armorial au centre de l’enceinte villageoise. Déjà visible sur le
cadastre du XIXe siècle, ce chemin prend sur la rue des Terreaux, donc sur les anciens
fossés du bourg castral, et se dirige vers le château dont il traverse l’enceinte au niveau
d’une petite place située à la jonction de la rue de la Merlée et de la rue de la Galinay. Il
s’agit vraisemblablement de l’axe fondamental du bourg castral et peut-être de la plus
ancienne porte, ou tout au moins de la seule porte que le dessinateur de l’Armorial a jugé
330
bon de faire figurer sur son dessin. La place située au point de connexion des rues de la
Merlée, de la Galinay et des Armuriers matérialise, elle, vraisemblablement,
l’emplacement d’une porte entre le château et le bourg castral. Le parcellaire laisse
supposer l’existence d’une seconde porte sur l’enceinte extérieure, tout à fait à l’est, à
l’extrémité de la rue des Armuriers. Celle-ci débouche sur au moins trois chemins, tous
attestés au début du XIXe siècle. Enfin, il semble qu’une porte située au nord près du
Calvaire, donc à la convergence des courtines nord et est, était encore visible au XIXe
siècle (cf. supra). Le tracé de la montée du Calvaire sur le plan cadastral napoléonien
semble conforter cette hypothèse.
11
Tout concourt, de la toponymie à la topographie, à faire du site de La Tour-en-Jarez un
exemple classique de castrum, caractéristique de nombreux sites castraux du Massif
central. Le bourg, clos d’une enceinte, s’est développé en terrasse sous le château,
implanté sur un point fort du paysage. Réduit à sa plus simple expression, le château ne
comprend guère qu’un donjon et une église, probablement chapelle castrale puis église
paroissiale, entourés d’une petite enceinte. Dans son ensemble, la vignette de l’Armorial
de Guillaume Revel paraît bien une image fidèle du château de La Tour-en-Jarez comme il
se présentait alors. À l’exception des tours circulaires, qui n’ont laissé absolument aucun
vestige apparent, et de deux portes non représentées, peut-être tout simplement en
raison de la perspective choisie, les autres éléments figurés sur l’Armorial sont tous
localisables voire pour certains, les fossés et les courtines notamment, partiellement
conservés.
Page 458
LA VILLE ET TOUR D’ANGERES
Étude héraldique
820. Fre[re] Jean de Serieres abbé de Valbenoîte
de gueules à trois feuilles de scie d’argent – l’écu posé sur une crosse.
Ce prélat ne figure pas dans la liste des abbés de Valbenoîte que donne la Gallia
christiana. Il devait trouver place entre Étienne de Furno, abbé dès avant 1420, et
Guillaume Mastin de La Merlée, qui devint en 1484 le premier abbé commendataire
de ce monastère tombé en décadence depuis plusieurs décennies. Jean de Serrières
ou Cervières appartenait à une famille originaire de Combraille qui semblait plutôt
avoir porté pour armoiries : fascé d’or et de gueules de six pièces.
• Gallia christiana, t. IV, col. 303-304 ; Bouillet, 1846-1847, t. VI, p. 230-234 ; Gras,
1874, p. 238.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
331
NOTES
1. ... inter Sanctum Aunemundum et Turrim et Sanctum Aunemundum et Sanctum Preiectum, neuter
munitionem facere potest... (Chartes du Forez, n° 4).
2. ... in donjono Turris, juxta introitum dicti donjonis, ex vento et juxta platheam de ante, ex cero, et juxta
portam et turrim ex mane... (ADL, B 2111).
3. Reconnaissance pour des maisons sises : infra castrum Turris juxta vintenum ipsius loci et juxta
carreriam publicam tendentem de Porta Portier apud Portam Portier sive Fabricam, ex borea...
4. Le mandement de La Tour, 1537 (Dufour, 1946, p. 984).
5. Édition partielle de ADL, B 2199, f° 3 et de B 2201, f° 49 v°-51.
6. Cette mention mérite toutefois une certaine réserve... Il n’est, en effet, pas certain que J.-É.
Dufour ait vérifié par lui-même l’existence de ces vestiges ; celui-ci peut simplement faire
référence à une documentation plus ancienne.
332
Ravoire
Emmanuel De Boos et Pierre-Yves Laffont
459. Le chatiau de Ravoire
Département : ? ; canton : ? ; commune : ?
1
Cette petite forteresse s’élève au milieu d’un paysage de collines peu élevées, parsemées
de bouquets d’arbres. Elle est simplement constituée d’une enceinte quadrangulaire,
défendue de tours rondes placées à trois des angles, le quatrième étant simplement
pourvu d’une échauguette. L’entrée est percée dans une tour quadrangulaire, dont le
mâchicoulis, limité à sa face externe, fait office de bretèche. Le clocher de l’église en
constitue le donjon ; c’est une grosse tour quadrangulaire, percée en hauteur de trois
baies par face et coiffé d’un toit sur galerie surmonté d’une croix. L’église elle-même
paraît d’époque romane, avec une nef de deux ou trois travées, sans bas-côtés ni transept
apparents, et une abside plus basse, demi-circulaire, couverte d’une toiture à pans.
L’habitat est relativement lâche, même à l’intérieur de l’enceinte, où le nombre des
maisons est peu élevé, et forme une agglomération de taille médiocre.
2
Ce dessin (fig. 183) est l’un des seuls de l’Armorial dont l’identification n’a pu être faite,
malgré les efforts des chercheurs depuis plus d’un siècle. L’opinion la plus courante
propose le nom de Riverie, en Lyonnais, mais cette localisation ne résiste guère à l’étude.
Si le nom est satisfaisant, comme le fait que le duc Charles Ier en soit devenu le maître en
1441, par héritage d’Isabeau d’Harcourt (Mayère, 1969), son aspect ne correspond
nullement à celui qui est dessiné ici. Le bourg de Riverie est construit sur la crête d’un
piton qui, sur un côté, domine une profonde vallée. L’agglomération est déjà importante
au XVe siècle ; elle comporte alors deux vastes enceintes – celle dite du Châtel et celle de
la Ville – et s’allonge le long de la crête dont elle suit les contours irréguliers, ce qui est
sans rapport avec cette petite bourgade construite en terrain plat et entourée d’une
enceinte quadrangulaire. Riverie est typiquement un bourg castral alors que la vignette
nous montre un bourg ecclésial fortifié.
333
Fig. 183 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 459) : le chatiau de
Ravoire.
3
Une autre hypothèse semblerait plus séduisante, mais n’emporte pourtant pas non plus
l’adhésion : il s’agit de celle de C. P. Testenoire-Lafayette qui, dans un article paru en 1884
dans le Bulletin de la Diana, voit dans Ravoire le château, en grande partie détruit,
qu’occupe aujourd’hui le hameau du Fay, à Saint-Jean-Bonnefonds (Testenoire-Lafayette,
1884). Il n’est qu’à quelques kilomètres de La Tour-en-Jarez, et donc en Forez, et
appartenait aux comtes de Forez depuis le milieu du XIVe siècle. Il est situé dans un
environnement de collines douces et, surtout, son aspect est très proche de celui dessiné
dans l’Armorial. Il subsistait en 1884 un long pan de muraille reliant deux tours
circulaires partiellement arasées. Le parcellaire révèle un plan très proche de ce qui
devait être celui de Ravoire. Il n’y a plus d’église, mais on sait qu’il y a existé une chapelle
dédiée à sainte Catherine, à laquelle la duchesse Anne Dauphine fit une donation à la fin
du XIVe siècle. Mais, là encore, Le Fay apparaît comme un château ou une maison forte et
ce n’est pas ce que nous montre la vignette de l’Armorial. De plus, C. P. TestenoireLafayette est peu convaincant lorsqu’il donne l’explication du nom sous lequel le château
du Fay est désigné dans l’Armorial. Au XIIIe siècle et au début du XIV e, Le Fay était aux
mains de la famille de Reveux ou de Ravoys et selon lui :
« il ne serait pas étonnant qu’il [Guillaume Revel] ait confondu le nom du château
avec celui de la famille à qui il appartenait naguère ».
4
Cette explication conviendrait pour une famille importante, au nom très connu. Ce n’est
pas le cas ici, et au contraire, à partir du moment où ils entrent en possession du Fay, les
Reveux ou Ravoys en prennent le nom, qui se substitue alors rapidement à leur nom
d’origine. Par ailleurs, cette famille ne possédait au milieu du XVe siècle plus rien en
Forez, qu’elle avait de toute façon quitté vers 1360 (Perroy, 1997, t. II, p. 645).
334
5
D’autres hypothèses, avancées souvent sans véritables preuves et parfois sans grande
conviction, ne peuvent être retenues. La question de l’identification de ce site reste donc
ouverte.
335
La Fouillouse
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
460. Le chatiau de La Fouleuse
Département : Loire ; canton : Saint-Héand :
commune : La Fouillouse
L’apport des sources écrites
1
L’église Saint-Martin de La Fouillouse est le premier élément du site à apparaître dans la
documentation, peut-être au XIe siècle dans la Pancharte du droits de cire et d’encens dû à
l’Église de Lyon (Cartulaire de Savigny, t. II, appendice, p. 1056). On apprend, en 1183,
qu’elle dépend de l’abbaye lyonnaise de l’Île-Barbe (Mazures de l’abbaye royale de l’IsleBarbe, t. I, p. 117) ; le pouillé lyonnais de 1225 précisant que la cure est à la collation du
prieur de Saint-Rambert (Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon, p. 3). Il faut
attendre le milieu du XIIIe siècle pour que la paroisse de La Fouillouse soit explicitement
attestée, lorsqu’en 1258, Jean de Saint-Paul vend pour 55 livres viennoises à Itier, prieur
de Saint-Rambert, le droit de viguerie qu’il possède sur les paroisses de La Fouillouse,
Saint-Héand, Saint-Bonnet-le-Froid, Saint-Étienne-de-Furan, Roche-la-Molière, SaintPriest, Saint-Genest-Lerpt, Bouthéon, Veauche et La Tour-en-Jarez (Chartes du Forez, n
° 102). Toutefois, la mention de dîmes attachées à cette église laisse penser que l’église a
un statut paroissial au moins depuis le début du XIIIe siècle (Francs-Fiefs, p. 42), et sans
doute bien avant. Les dîmes de La Fouillouse sont alors pour un tiers entre les mains du
comte, part qu’il remet au prieuré de Saint-Rambert, et pour un autre tiers entre celles de
G. Renquo, qui tenait cette part en fief du comte, et qui la remet aussi à Saint-Rambert
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 79). Il faut attendre 1260 pour que le château
de La Fouillouse soit mentionné, lorsque le comte Renaud l’engage pour une durée de six
ans en faveur d’Itier Raybe, prieur de Saint-Rambert, contre la somme de 500 livres
viennoises (Chartes du Forez, n° 166), le mandement de La Fouillouse étant attesté la
même année (Chartes du Forez, n° 638, p. 1). Peu après, en 1325, Jean, comte de Forez,
pour resserrer les liens d’amitié qui l’unissent à Édouard, comte de Savoie, lui reprend en
fief différents châteaux dont celui de La Fouillouse (Titres de la maison ducale de
336
Bourbon, n° 1770), mais dès l’année suivante, il en rend hommage à Guigue, dauphin de
Viennois, comte d’Albon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1791). Chef-lieu de
châtellenie dès la fin du XIIIe siècle ou le début du XIVe siècle, La Fouillouse devient aussi
dans la seconde moitié du XIVe siècle le centre d’une capitainerie. En effet, le châtelain de
La Fouillouse est, comme dans de nombreux autres sites, érigé en capitaine dans le
contexte des troubles de la guerre de Cent Ans ; il est chargé de participer à la défense des
marges sud du comté. Un capitaine est ainsi attesté en 1374 ; mais en 1378 et 1382, à la
faveur de l’accalmie très relative qui caractérise ces années, Pierre d’Angérieu n’est plus
que châtelain (Fournial, 1967, p. 339). Par ailleurs, le châtelain de La Fouillouse est
secondé par un prévôt, attesté à partir de 1383 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 3541). Le château de La Fouillouse apparaît donc tardivement dans le Moyen Âge et, dès
lors, il est entre les mains du comte de Forez, sans qu’un autre lignage aristocratique
semble lui avoir été lié. L’irruption brutale du château et de son mandement dans la
documentation écrite, de manière presque concomitante, incite à placer sa construction
au milieu du XIIIe siècle, d’autant que de nombreux textes mentionnent La Fouillouse
avant 1250, et que jamais il n’est fait mention d’une quelconque seigneurie châtelaine ou
de son ressort. Ainsi, dans les années qui précèdent 1200, le comte Guy II rend une
sentence arbitrale entre Humbert de Bouthéon, prieur de Saint-Rambert, et la prieure de
Jourcey, laquelle avait acquis des vignes dans le vignoble de Saint-Rambert et une terre à
La Fouillouse. Il est alors bien précisé que La Fouillouse est dans la juridiction du prieur
de Saint-Rambert, étant sous-entendu qu’elle ne forme pas une circonscription autonome
(Chartes du Forez, n° 15). Un habitat, désigné par le terme de villa, est attesté autour de
l’église par la documentation dès avant 1180, lorsque différents droits et biens situés dans
la villa Foliose sont contestés à Rostaing, prieur de Saint-Rambert (Chartes du Forez, n° 8).
Ensuite, la villa de La Fouillouse apparaît encore dans plusieurs actes : ainsi, en 1288, un
legs est consenti en faveur de la fabrique de l’église de la villa (Chartes du Forez, n° 790).
On peut donc penser que le château, eu égard à sa date de fondation manifestement
tardive, vient s’implanter à proximité d’une église et d’un village préexistant, qui dans ce
cas, ne constitue alors pas un castrum au sens propre du terme. Bien que situé sur l’une
des branches de la route de Vienne à Montbrison – la strata Viannoyse, qui franchit le
Furan non loin du village (De Fréminville, 1905, t. III, p. 110) – ce castrum n’en connaît pas
moins un développement modeste. Tout au plus apparaît-il comme un pôle satellite du
centre drapier de Saint-Galmier, où se tisse principalement du chanvre, alors que
quelques coutelleries s’implantent sur les lieux à la fin du Moyen Âge, profitant de l’eau
du Furan. C’est finalement la châtellenie qui profite le mieux de sa situation en bordure
de route, puisqu’elle est le centre de perception d’un péage comtal associé à celui de
Saint-Galmier et attesté dès 1388 (ADL, B 1914, f° 86 v°).
La représentation de l’Armorial
2
Le site représenté sur la vignette prend la forme d’un castrum classique associant un
imposant château et un modeste village (fig. 184). L’ensemble est vu depuis le nord-ouest.
Aucun élément de relief n’est représenté.
337
Fig. 184 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 460) : le chatiau de La
Fouleuse.
3
Le château est organisé autour d’un haut donjon carré dépassant nettement du bâti et des
remparts qui l’entourent. Fait assez rare sur les représentations de l’Armorial, il est percé
de baies à croisées sur au moins trois niveaux. Un hourd et un toit à quatre pentes le
couronnent. Une demi-douzaine de bâtiments en occupe le pied, sans qu’il soit possible de
distinguer des éléments laissant penser qu’il s’agit d’édifices au statut privilégié. Ces
maisons répondent en effet au stéréotype classique dans l’ouvrage : toiture à deux pentes,
fenêtre sur le pignon et cheminée à mitre. Aucune chapelle castrale n’est repérable.
L’ensemble de ces bâtiments est enserré dans de puissants remparts ceinturant un espace
grossièrement circulaire. Élevés et crénelés, ils sont cantonnés de trois tours carrées et
peut-être d’une quatrième, masquée par le donjon, à moins que ce dernier n’occupe le
quatrième angle. Ces tours, qui dépassent des courtines, sont elles aussi munies de hourds
et d’un toit tout à fait similaire à celui du donjon. Un seul accès à l’enceinte est visible sur
la vignette, surmonté d’une bretèche crénelée et percée de l’une des rares ouvertures de
tir figurant sur le château lui-même. Cette porte est précédée d’un couloir défensif, d’un
pont-levis à flèches, prolongé par un mur en chicane délimitant un espace carré assez
vaste dans lequel on pénètre par deux portes et qui peut s’apparenter à une barbacane.
L’ensemble du château est ceinturé d’une braie, percée de nombreuses ouvertures de tir,
et d’un fossé.
4
L’enceinte villageoise, de forme globalement polygonale, se développe au pied du château
qu’elle englobe complètement. Crénelée, parcourue par un chemin de ronde nettement
visible, elle est cantonnée de neuf tours circulaires elles aussi crénelées et réparties
régulièrement sur son pourtour. Une tour-porte la perce au milieu de la face sud et
constitue le seul accès visible au village. Cette porte, prolongée d’un pont dormant, sans
doute en bois, s’apparente tout à fait aux tours d’angle du château. Pour finir, un fossé en
338
eau, dérivation de la rivière bordant le site, longe le pied des remparts villageois. Le
village, constitué d’une vingtaine de maisons, présente un plan assez lâche et très
largement inorganisé. Tout au plus, une vaste place centrale se dessine-t-elle au débouché
du pont-levis du château, dans l’axe de la porte du village. Aucun bâtiment particulier ne
se remarque et toutes les maisonnettes correspondent au type classique de l’Armorial.
Par ailleurs, on ne remarque aucune église sur la vignette.
Les données archéologiques et le parcellaire
5
La confrontation des données textuelles, de la représentation de la vignette, du
parcellaire et des vestiges permet de mieux cerner la nature du site, même si subsistent
de nombreux problèmes (fig. 185). Elle permet, tout au moins, de situer les différents
éléments qui le constituent. L’enceinte castrale est encore lisible sur le cadastre
napoléonien dans la zone sud-ouest du village. En 13761, elle est désignée par le terme de
castrum, par opposition au vintenum, et circonscrit un quadrilatère aux angles arrondis
correspondant grossièrement à la représentation qui en est donnée par la vignette. À
l’heure actuelle, les vestiges du rempart sont largement occultés par les constructions qui
s’appuient dessus et dont les façades sont pour l’essentiel crépies. Cependant, il apparaît
sur trois mètres en face de l’église, de même que dans sa partie sud-ouest, où un talutage
important le signale encore. Le fossé attesté en 1376 (la doa) n’apparaît plus à l’heure
actuelle que dans le parcellaire, matérialisé par une large rue. Plusieurs accès à l’espace
enclos étaient visibles au début du XIXe siècle, mais rien ne permet de penser qu’ils
existaient tous dès le Moyen Âge. Au contraire, le terrier de 1376 emploie le singulier
pour désigner sans plus de précision la porte du castrum, laissant penser qu’il n’y en avait
qu’une. Seul l’accès du nord-ouest pourrait être ancien et correspondre à celui figuré sur
le dessin de Guillaume Revel. Aucun vestige de porte n’est cependant visible à l’heure
actuelle. Il est difficile de situer le grand donjon représenté dans l’Armorial, de même que
les bâtiments seigneuriaux qui devaient l’accompagner. Tout au plus, en 1376, un cellier
est-il mitoyen du gradarium turris Foilhose, qui sont probablement les escaliers conduisant
à la porte du donjon située au premier niveau. Il ne subsiste aucun vestige apparent et le
parcellaire n’est en la matière que d’un maigre apport : peut-être le donjon se trouvait-il
à l’emplacement d’une parcelle polygonale isolée au sud de l’enceinte, à l’emplacement où
la représentation de l’Armorial permet de le situer ? Plusieurs pans de murs assez
imposants peuvent laisser penser à des vestiges de type castral, mais sans une visite
approfondie des maisons du secteur, il est difficile d’être plus affirmatif. Pour sa part, le
bâti civil n’a pas conservé d’éléments anciens nombreux : ne se signalent que quelques
ouvertures dispersées datables de la fin du Moyen Âge.
339
Fig. 185 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 186 - Maison à pans de bois, rue Centrale.
6
Les vestiges du rempart villageois – le vintenum de 1376 – sont rares, mais son tracé est
encore nettement inscrit dans le parcellaire. Quelques mètres de rempart sont encore
conservés au nord-ouest (fig. 187) ; ils montrent que l’enceinte était construite de
moellons de schiste grossièrement mis en œuvre. Une seule tour de flanquement,
340
circulaire, est visible à l’ouest. Cette tour, arasée à 6 ou 7 m de hauteur, a perdu son
couronnement. Aucun indice ne permet d’imaginer la présence d’autre tour, on cherche
donc désespérément les très nombreuses tours de flanquement figurant sur l’Armorial...
Fig. 187 - Vestiges d’une des tours de l’enceinte.
7
Les fossés, attestés en 1376, sont totalement comblés et seul le tracé d’une rue assez large
qui ceinture les remparts en rappelle la présence. Quatre portes semblent décelables sur
le plan cadastral du XIXe siècle, toutefois, comme pour le castrum, rien ne permet de
penser qu’elles existaient toutes au Moyen Âge. D’après le parcellaire napoléonien,
l’église occupe approximativement le centre de l’enceinte villageoise, bien que
n’apparaissant pas du tout sur la vignette de l’Armorial. Tout élément d’un édifice ancien
a disparu au profit d’une construction du XIXe siècle, sensiblement plus longue que le
bâtiment initial (fig. 188), puisqu’elle outrepasse le tracé des remparts en direction de
l’ouest. Le bâti villageois semble s’être organisé principalement le long de deux axes qui
se croisent à angle droit devant l’église. Une vaste place subsiste encore au nord de celleci ; mentionnée en 1376 (la platea), elle est aussi représentée sur le dessin de l’Armorial. Si
le tracé des enceintes est clairement lisible dans le parcellaire, signe que ce dernier n’a
connu que des remaniements limités, on ne peut que constater la pauvreté du bâti civil en
vestiges médiévaux ou même modernes. Il est vrai que l’ensemble a été très largement
enduit au ciment... Seules deux maisons situées extra muros sont à remarquer. La première
est à l’ouest de l’enceinte du vintain. Il s’agit d’une imposante construction de pierre dont
la façade est marquée par la présence d’un grand porche voûté en arc brisé et de plusieurs
fenêtres à croisées au premier niveau. À l’opposé, à l’est, une maison à pans de bois
subsiste encore (fig. 186), conservant les traces de fenêtres à croisées sur sa façade
arrière. Néanmoins, ces deux vestiges isolés ne permettent assurément pas de parler de
véritables faubourgs.
341
Fig. 188 - Vue de l’église actuelle.
8
Ni les textes, ni les vestiges, ni le parcellaire du XIXe siècle n’apportent de réponse
assurée sur la nature du site de La Fouillouse. Pourtant, un faisceau d’éléments
convergents suggère fortement qu’il ne s’agit pas d’un castrum classique2, contrairement à
ce que peut laisser penser le dessin de l’Armorial. En effet, l’église Saint-Martin est bien le
premier élément attesté dès le XIe siècle, alors que le château n’apparaît dans la
documentation qu’au milieu du XIIIe siècle. Les différentes mentions de villa antérieures à
1300 laissent aussi présager que l’habitat n’est pas d’origine castrale. De même, le terme
de mandement, qui renvoie à la présence d’un château, n’est pas employé avant le milieu
du XIIIe siècle pour désigner la circonscription qui dépend de La Fouillouse. Les
rédacteurs des actes que nous possédons choisissent toujours des appellatifs liés à la
géographie ecclésiastique, comme la dîmerie ou encore la paroisse. Le parcellaire, même
si les vestiges du château sont ténus, ne suggère pas, lui non plus, un ensemble d’origine
castrale. En effet, le site est articulé autour de l’église Saint-Martin qui occupe une place
centrale dans la topographie des lieux. Finalement, le château semble donc avoir été
construit tardivement au milieu du XIIIe siècle et être venu s’implanter dans un habitat
ecclésial préexistant. Ceci expliquerait que le parcellaire ne soit nullement du type
« radio-concentrique », comme c’est le cas sur la quasi-totalité des sites castraux.
9
Difficile d’interprétation, le site de La Fouillouse est, pour autant que l’on puisse en juger,
assez bien rendu sur la vignette, malgré néanmoins quelques gros problèmes : nombre
délibérément exagéré des tours de flanquement et, surtout, absence de l’église SaintMartin, qui s’explique sans doute par la volonté de mettre en avant le château, symbole
de l’autorité comtale. En raison de cette omission, une analyse superficielle de la vignette
conduirait, comme nous l’avons vu ci-dessus, à un contresens dans l’interprétation du
site.
342
Page 460
LE CHATIAU DE LA FOULEUSE
Étude héraldique
Quatre écus vides, le premier posé sur un bâton de prieur.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Les données topographiques sont issues d’un terrier comtal de 1376 (ADL, B 2032).
2. Dans le sens méridional du terme : c’est-à-dire un ensemble associant un château et un habitat
subordonné issu d’un processus d’incastellamento.
343
Saint-Victor-sur-Loire
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
461. Le chatiau de Saint Victour
Département : Loire ; canton et commune : SaintÉtienne
L’apport des sources écrites
1
Il n’est pas aisé de cerner l’histoire de Saint-Victor-sur-Loire avant l’extrême fin du
Moyen Âge. Le premier élément à être mentionné dans la documentation est l’église. Dès
les dernières années du XIe siècle ou les premières du XII e siècle, l’ecclesia Sancti Victoris,
ainsi que sa voisine qui lui est toujours associée, l’ecclesia Sancte Fidei de Castelleto, relèvent
de l’abbaye languedocienne de Sainte-Foy-de-Conques, sans qu’il soit possible de savoir
comment elles sont entrées dans son patrimoine (Cartulaire de Conques, p. 362). Cette
dépendance est confirmée à plusieurs reprises : vers 1145 (Chartes du Forez, n° 1559), à
nouveau en 1225 (Chartes du Forez, n° 901, p. 8). Par contre, il faut attendre 1268 pour
qu’apparaisse la paroisse de Saint-Victor, lorsque l’abbé de Montpeyrou reconnaît que les
courtils de la Mayllonie et de la Garnayrie, sis dans la paroisse de Saint-Victor et donnés à
son couvent, relèvent de la seigneurie de Renaud, comte de Forez (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 473). Parallèlement à l’église paroissiale, entre 1121 et 1125, la
documentation nous livre l’existence de la villa Sancti Victoris (Cartulaire de Conques,
p. 364).
2
Le castrum de Saint-Victor n’est attesté que bien plus tardivement. En effet, malgré
plusieurs textes concernant les lieux, il n’en est jamais fait mention avant 1279. À cette
date, Jeanne de Montfort, comtesse de Forez et tutrice de ses enfants, reconnaît avoir
emprunté 10 livres tournois à Itier, prieur de Saint-Rambert. Elle promet de les
rembourser à la volonté du prêteur, tout en lui abandonnant jusqu’à complet paiement
les revenus du castrum de Saint-Victor-sur-Loire (Chartes du Forez, n° 209). Le château de
Saint-Victor paraît être un alleu comtal jusqu’au début du XIVe siècle. Il faut attendre
1325 pour que Jean, comte de Forez, afin de resserrer les liens d’amitié qui l’unissent à
344
Édouard, comte de Savoie, reprenne en fief de ce dernier, parmi d’autres forteresses, ses
châteaux de La Fouillouse et de Saint-Victor (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1770). Le même acte nous apprend aussi qu’il n’est pas inféodé, puisque les noms des
vassaux détenteurs des châteaux aliénés de la sorte figurent explicitement dans l’acte, ce
qui n’est pas le cas pour Saint-Victor. L’année suivante, le comte remet certains de ses
châteaux au dauphin de Viennois, tout en reconnaissant les tenir en fief de lui. SaintVictor figure parmi les châteaux qui changent alors de mains (Titres de la maison ducale
de Bourbon, n° 1791). Le mandement de Saint-Victor apparaît tardivement, lorsqu’en
1290, Hugues Jomar, bourgeois de Montbrison, reconnaît tenir en fief du comte de Forez 9
livres viennoises ou environ de revenus
in mandamenti Santi Victori et de Rochi 1 (Chartes du Forez, n° 269).
3
Saint-Victor devient dès le XIIIe siècle le siège d’une châtellenie comtale, la présence d’un
officier comtal étant attestée dès 1279 (Chartes du Forez, n° 209). C’est d’ailleurs lui qui,
en 1298, transige avec le prieur de Saint-Rambert au sujet de droits fonciers sur
différentes parcelles, revenus que le comte estime lui appartenir, alors qu’ils sont
finalement dévolus au prieur (Chartes du Forez, n° 894). Parallèlement, un prévôt
s’installe aussi à Saint-Victor au XIVe siècle (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 3541). Sous la menace des bandes armées venues du sud, d’Auvergne et du Languedoc, le
personnel comtal est renforcé par un capitaine, nommé le 30 septembre 1364, office
perdurant jusqu’au 30 juillet 1366 (Fournial, 1967, p. 338), même si le danger n’est pas
écarté, puisque des travaux sont par la suite effectués au château en 1373 (Fournial, 1967,
p. 341) et que des gens de guerre stationnent à Saint-Victor en 1420 (Fournial, 1967,
p. 471).
La représentation de l’Armorial
4
La vignette de l’Armorial représente le site de Saint-Victor vu depuis le sud-ouest (fig.
189). Il apparaît implanté au sommet d’une crête dominant la Loire, représentée par des
flots furieux dans lesquels nage un poisson (un saumon ?). Le Lizeron, modeste ruisseau,
figure aussi à l’est du site. L’élément dominant est assurément le château qui occupe la
moitié nord du site. Au centre, une haute tour maîtresse circulaire couverte d’une plateforme crénelée et défendue par des mâchicoulis sur consoles. Au sommet flotte la
bannière fleurdelisée des ducs de Bourbon. Il est par ailleurs difficile de repérer les autres
bâtiments qui composent le château, dans la mesure où ils sont masqués par les maisons
du village, le rempart villageois et l’église. Toutefois, trois ou quatre constructions de
taille plus importante que le reste de l’habitat civil occupent le pied du donjon, leurs murs
jointifs semblant constituer le rempart du château. Une tour circulaire couverte d’une
toiture de tuile à une pente occupe aussi l’angle nord-ouest du château. Le rempart
villageois s’appuie sur le château et ceinture un espace grossièrement quadrangulaire.
Crénelé, il est percé de petites fenêtres carrées, signe que les maisons du village l’utilisent
comme mur arrière. Une tour carrée, très saillante et couronnée de mâchicoulis de bois et
de créneaux, surmonte probablement une porte située au centre de la courtine sud.
Néanmoins, cette porte n’est pas visible, la base de la courtine étant occultée par la
présence de maisons extra-muros. Les angles sud-ouest, sud-est et nord-est de l’enceinte
villageoise sont occupés par des échiffes. Enfin, un mur de faible hauteur non crénelé,
jouant le rôle de braie, double cette enceinte ainsi que celle du château sur tout leur
tracé. L’église émerge au cœur du bâti villageois. De dimensions modestes, elle semble
345
être un édifice à nef unique, éclairée par deux baies ouvrant sur le gouttereau sud et par
un oculus ménagé dans la façade. L’abside est surmontée d’un imposant clocher carré
couvert d’un toit très pointu et ouvert par des baies en plein cintre munies d’abat-son. Le
bâti civil est composé d’une dizaine de maisons presque toutes identiques, certaines étant
adossées aux remparts. À ces maisons bâtis intra-muros, il faut aussi ajouter huit maisons
et une maisonnette situées hors les murs au sud, à proximité du chemin conduisant au
site, alors qu’une croix, représentation rare dans l’Armorial, occupe le premier plan de la
vignette.
Fig. 189 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 461) : le chatiau de
Saint Victour.
Les données archéologiques et le parcellaire
5
Du bourg médiéval de Saint-Victor, il ne reste presque que la physionomie générale des
lieux, qui correspond toutefois dans ses grandes lignes à la représentation de l’Armorial.
Cependant, sur le terrain, les vestiges que l’on peut attribuer au Moyen Âge sont, à part
l’église, extrêmement ténus (fig. 190). Le site est établi sur une crête élevée et isolée,
dominant des versants abrupts qui descendent jusqu’à la Loire2 et au Lizeron, un de ses
modestes affluents de rive droite. Cette implantation de crête est tout à fait celle que l’on
peut attendre pour un château. Plus précisément même, le site occupe un ensellement
assez net sur cette crête qui lui confère donc un caractère doublement dominant : par
rapport au relief général, mais aussi par rapport à son environnement immédiat.
346
Fig. 190 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
6
Dans la partie haute du bourg, à l’emplacement où l’Armorial figure le château, se trouve
aujourd’hui une grande bâtisse quadrangulaire dont les angles nord-ouest et sud-ouest
sont flanqués de tours circulaires (fig. 191). Cet édifice, largement recomposé au XIXe
siècle, comporte un certain nombre d’éléments anciens, qui ne semblent cependant pas
antérieurs au XVIe siècle : ouvertures de tir pour armes à feu, linteaux de baie, croisées
moulurées, latrines sur consoles... Les abords de ce bâtiment, défigurés par la
construction d’un théâtre de verdure et d’un édifice en béton, ne livrent aucun vestige
pouvant correspondre à un château plus ancien. Le donjon visible sur la vignette a
pourtant bien existé, puisqu’il est attesté en 1411, lorsqu’il est question de faire des
travaux au château (ADL, B 1993). L’église Saint-Victor (fig. 192-196) est assurément
aujourd’hui l’élément le plus intéressant du site d’un point de vue archéologique. En effet,
si l’édifice actuel résulte de très nombreuses modifications réalisées du XVe au XIXe siècle
(percement du portail monumental sud, construction d’un nouveau chœur et d’une
nouvelle abside, construction du transept et du clocher, aménagement de chapelles dans
les collatéraux, remaniements de la façade ouest...), il n’en demeure pas moins que
derrière celles-ci subsistent divers éléments d’un édifice de la seconde moitié du XI e
siècle : portail occidental, nef centrale charpentée à l’origine, vestiges de maçonnerie en
opus reticulatum, chapiteaux sculptés... Enfin, divers réemplois dans le bâtiment du XI e
siècle (certain fûts de colonne notamment), ainsi qu’un important désaxement de la
façade et de la première travée de la nef de celui-ci, pourraient même conserver le
souvenir d’une construction antérieure3.
347
Fig. 191 - Façade est du château d’époque moderne.
Fig. 192 - Vue générale de l’église Saint-Victor.
348
Fig. 193 - Portail occidental de l’église Saint-Victor. Celui-ci apparaît très remanié.
Fig. 194 - Portail méridional de l’église Saint-Victor (XVe siècle).
349
Fig. 195 - Vue de la nef centrale romane de l’église Saint-Victor.
350
351
Fig. 196a, b, c, d - Chapiteaux romans dans la nef centrale.
7
Le village s’étend au sud de l’église et du château, formant un ensemble grossièrement
triangulaire, d’étendue modeste, qui suit au plus près les contours du pointement
rocheux dominant la Loire. Alors que le tracé de l’enceinte représentée sur la vignette est
lisible dans le parcellaire napoléonien, il n’en subsiste aujourd’hui que quelques éléments
ténus. Un mur de soutènement à l’est peut en matérialiser la base, alors qu’un vestige de
courtine se rattache au château au nord-est, et qu’un ressaut de terrain assez net
conserve peut-être son souvenir à l’ouest. Cette enceinte est appelée vintenum en 1380
(ADL, B 2087). Aucune tour, ni aucune porte ancienne ne sont conservées et il est même
difficile de savoir si l’accès ancien se faisait bien par la porte représentée sur la vignette
ou par une autre, située à l’est, dont il subsisterait une rue par laquelle on accède
aujourd’hui au cœur du site. Un passage ménagé dans les vestiges du rempart au nord
peut s’apparenter à une poterne, mais il est difficile d’être affirmatif. On apprend en 1337
que le castrum est ceint d’un fossé qui est enjambé par un pont-levis (ADL, B 2086) alors
que le terrier de 1380 mentionne le vallatum (ADL, B 2086), qui existe encore en 1449,
puisqu’une parcelle se trouvant iuxtra introitum porte et pontis castri Sancti Victori est
abénévisée à Jean Durand (ADL, B 2071). Seules quelques maisons situées aux environs
mêmes de l’église conservent encore des éléments d’architecture des XVe ou XVIe siècles
(arc en accolade, fenêtre à meneau). On notera aussi l’existence de deux maisons situées
hors les murs, à une centaine de mètres au sud de l’agglomération, qui présentent, elles
aussi, des éléments anciens manifestement en place ; cela montre que si l’habitat était au
Moyen Âge pour l’essentiel aggloméré sous les murs du château et de l’église, quelques
constructions bordaient bien la route menant au site comme le montre la vignette de
l’Armorial.
8
Il est difficile de préciser la nature du site de Saint-Victor, et de déterminer avec certitude
si l’habitat est d’origine castrale ou ecclésiale. Différents éléments plaident, en effet,
352
alternativement en faveur de l’une ou l’autre des hypothèses. L’ancienneté de l’église,
attestée bien avant le château, la présence d’éléments antérieurs à sa construction au XI e
siècle, tout comme le terme de villa qui est employé jusqu’au XIII e siècle pour appeler le
site renvoient à une origine ecclésiale et peut-être du haut Moyen Âge. Dans ce cas, le
château serait venu s’implanter tardivement à proximité de l’église. Par contre,
indéniablement, la topographie des lieux renvoie à celle d’un castrum (au sens méridional
du terme) qu’il s’agisse du relief ou de la configuration générale des lieux, avec le château
établi sur un petit sommet, au pied duquel se développe l’habitat, l’église étant bâtie en
position mitoyenne entre les deux et étant peut-être issue d’une capella castri, c’est-à-dire
à la fois chapelle du château et chapelle des habitants du village. S’il est impossible de
trancher avec certitude sur les origines de l’habitat, bien que la balance nous semble
pencher en faveur d’un habitat ecclésial, il est aussi périlleux de juger de l’adéquation de
la représentation que fournit l’Armorial, tant les vestiges conservés sont rares. On ne
peut que noter la qualité globale de la représentation, rendant fidèlement la morphologie
d’ensemble des lieux, le relief accidenté et la position des différents éléments, château,
église et habitat civil.
Page 461
LE CHATIAU DE SAINT VICTOUR
Étude héraldique
821. Saint Priet crie Saint Priet
d’argent à la croix d’azur, à la bordure de gueules.
La bordure qui brisait ces armes indique un cadet. Il s’agissait vraisemblablement de
Jean Durgel de Saint-Priest, frère de Guyot Durgel, seigneur de Saint-Priest, qui
mourut avant 1460 sans laisser de postérité de sa femme Jeanne de Bressolles. Jean,
déjà seigneur de Saint-Just-Malmont et du parage de Montfaucon, devint alors
également seigneur de Meys et surtout de Saint-Priest dont dépendait Saint-Étienne.
Il réunissait ainsi tout l’héritage de son père, Guy de Saint-Priest. Ce dernier, veuf et
héritier avant 1389 de Smaragde de La Roue, avait épousé en secondes noces
Philiberte de Mello, qui lui donna six fils et trois filles, presque tous destinés à
l’Église (cf. supra n° 768 p. 73). Il mourut en 1416 et partagea ses biens entre ses deux
fils Guyot et Jean ; les trois autres étaient dotés de vingt livres chacun et le dernier,
Louis, hospitalier de Rhodes, de vingt-cinq livres. Jean de Saint-Priest laissa lui aussi
neuf enfants de sa femme, Alice Gaste, dame de Luppé, et mourut en 1474.
• Frise de la salle héraldique de la Diana (8 et 77, suivant la numérotation de Gras,
1874) ; De Boos, 1995, 415 ; Philocarité, 5.
• Gras, 1874, p. 210 ; Chazeault, 1876, p. 169, 170, 172, 231 ; Dupieux, 1954, p. 393 ;
Perroy, 1977, t. I, p. 291-292.
822. Jehan de Lavieu crie Lavieu
d’or à la bande engrêlée de sable – cimier : un griffon issant de pourpre.
Jean de Lavieu, damoiseau, fils cadet d’Étienne de Lavieu, seigneur de Ronzières, et
de Marguerite du Pont, dame de La Pilonière. Il épousa en 1466 Lionette des Salles,
fille unique de Humbert des Salles, seigneur d’Estieuges, et de Jeanne de Saint-Jean
ou Saint-Haon. Il était seigneur d’Estieuges et des Salles et avec son frère, coseigneur
de Ronzières. Seule survivante en dehors des Feugerolles, en voie d’extinction, la
branche des seigneurs de Ronzières portait les armes originelles de la maison de
353
Lavieu ; les seigneurs de Feugerolles portaient, eux, les armes de leur fief principal
(cf. supra n° 774 p. 74 et infra n° 823 p. 264).
• Philocarité, 2 (avec pour cimier un gantelet de fer).
• Gras, 1874, p. 152 ; Mathieu, 1946, p. 164 ; Perroy, 1977, t. I, p. 71 et p. 453-454.
823. Jaques de Lavieu crie Lavieu
de gueules au chef de vair – cimier : un dragon issant de sinople.
Jacques de Lavieu-Feugerolles (mort vers 1459), chevalier, fils d’Édouard de Lavieu,
seigneur de Feugerolles, et de Marguerite Dauphine de Saint-Ilpize. Frère de Jean de
Lavieu (n° 774), il épousa d’abord Jeanne Cassinel, fille de Guillaume Cassinel et de
Marguerite de Luxembourg, appartenant à une famille de marchands italiens
agrégée à la noblesse champenoise, puis Antoinette de Crussol. Il n’eut qu’un fils,
Charles, qui mourut jeune, et ses biens passèrent à son frère Jean (cf. supra n° 774 p.
74), puis aux Lévis-Couzan et aux Talaru-Chalmazel. Il était seigneur de Feugerolles,
Chalain-le-Comtal et Curraise. Les armes qu’il portait étaient celles du fief de
Feugerolles, reprises des Jarez vers 1260, à l’achat de cette seigneurie. En 1470, ces
armes furent comprises dans la vente de Feugerolles par Claude de Lévis à Antoine
Camus, trésorier de France à Lyon.
• Sceau : De Bosredon, 1895, 660.
• Philocarité, 7 (écartelé de Chalmazel).
• Vallet de Viriville, suppl., n° 1840 ; Bétencourt, 1867, t. III, p. 34 ; Bouillet,
1846-1847, t. III, p. 386-388 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 4991 ; Gras,
1874, p. 152-153 ; Mathieu, 1946, p. 407-408 ; Perroy, 1977, t. I, p. 443-445.
824. Jehan de Layre
d’argent au lion de gueules, armé et lampassé d’azur – cimier : un coq issant dans un vol
d’azur et de sinople.
Jean II de Laire, damoiseau, fils de Guillaume de Laire et de Marguerite Compteur. Il
épousa N. de Valens et était le père de Guillaume de Laire (cf. supra n° 780 p. 75). Il
possédait les seigneuries de Laire, Cornillon, Cuzieu et Les Cornets.
• Sceau : Roman, 1909, 6148.
• De Boos, 1995, 383, 420 ; Philocarité, 12.
• Archives du château de Saint-Sandoux (déposées actuellement aux Archives
départementales du Puy-de-Dôme) ; Gras, 1874, p. 149 ; Remacle, 1941-1943, t. I, col.
571 et 897.
Un écu vide, brochant sur un bâton de prieur.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Roche-la-Molière.
354
2. La pêcherie de l’écluse de Saint-Victor est l’une des plus importantes du Forez pour le saumon,
mais aussi pour les aloses. Elle existait dès avant 1321 et durant le seul hiver 1376-1377, elle a
fourni 494 saumons et 1284 en 1382-1383 (Fournial, 1967, p. 195). De là peut-être la
représentation d’un saumon sur la vignette de l’Armorial.
3. Pour une présentation sommaire, mais néanmoins précise, de l’édifice à partir de laquelle nous
avons travaillé, cf. Bernard, 1970. Sur la sculpture des chapiteaux de Saint-Victor, cf. Bernard,
1958.
355
Saint-Rambert-en-Forez
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
462. La ville du Pont Saint Rambert
Département : Loire ; canton et commune : Saint-JustSaint-Rambert
L’apport des sources écrites
1
Trois lieux de culte se côtoient à Saint-Rambert-sur-Loire1 : Saint-André, Saint-Côme et
Saint-Jean, renvoyant à l’histoire du site durant le haut Moyen Âge. Faute de source
précise, il n’est pas aisé de percevoir nettement leur fonction et leur origine, certains
éléments permettant toutefois de proposer quelques hypothèses. L’église Saint-Côme est
mentionnée pour la première fois en 971. À cette date, Conrad le Pacifique, roi de
Bourgogne, confirme à Heldebert, abbé de l’Île-Barbe, les possessions de son monastère,
dont la
cellam... de Occiaco cum ecclesia Sancti Andræ cappelamque juxta eam in honorem Sancti
Cosmæ dicatam... (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1, p. 65).
2
Toutefois, le vocable de l’église Saint-Côme, de même que son implantation au cœur d’un
lieu portant un nom d’origine antique, laisse penser qu’il s’agit d’une création du très
haut Moyen Âge, bien antérieure à la fin du Xe siècle, sans qu’il soit possible d’apporter
plus de précisions. Pour sa part, l’église Saint-Jean-Baptiste n’est pas attestée avant la fin
du Moyen Âge, en 1307 (Baud, Cornu, Martiniani-Reber, 1995, p. 64). Pourtant, son étude
archéologique a clairement mis en évidence que l’édifice actuel prend la suite de
plusieurs églises qui se sont succédé depuis le très haut Moyen Âge, les états les plus
anciens étant à placer entre les IVe et VI e siècles et sans doute à rattacher à une église
funéraire (Baud, Cornu, Martiniani-Reber, 1995, p. 64-68). On peut donc supposer avec
vraisemblance que l’église Saint-Côme ait été à l’origine un édifice privé, implanté au
cœur du domaine d’Occiacum, alors que Saint-Jean était un édifice funéraire, associé à une
nécropole située un kilomètre au sud du secteur d’habitat. Le développement de SaintJean intervient au XIe siècle, ainsi qu’en témoigne la large reconstruction de l’édifice à
cette époque (Baud, Cornu, Martiniani-Reber, 1995, p. 73-82). Le statut subalterne de
356
Saint-Jean expliquerait le silence de la confirmation de 971 à son sujet. C’est dans ce
cadre, mais à une date inconnue, que l’abbaye lyonnaise de l’Île-Barbe implante une cella,
attestée en 971, à laquelle est associée l’église Saint-André, qui reprend le vocable initial
probable de l’église abbatiale de l’Île-Barbe. L’église priorale apparaît pour la première
fois dans la documentation en 1163 (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1,
p. 111). C’est toutefois la translation des reliques de saint Rambert, de l’abbaye de SaintRambert-en-Bugey à Saint-Rambert-sur-Loire, qui donne tout son lustre et son éclat
régional aux lieux. Traditionnellement placée dans les années 1070-1080, cette dernière
intervient probablement sensiblement plus tard, ainsi que le laisse penser la diffusion du
culte dans la seconde moitié du XIIe siècle, avec la première mention d’une église dédiée à
saint Rambert à Saint-Rambert-en-Forez en 1163 et la rédaction du récit de la translation
dans le courant du XIIIe siècle (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1, p. 41-43).
3
L’occupation du site de Saint-Rambert, probable centre domanial durant l’Antiquité
tardive, ne connaît aucune solution de continuité durant le haut Moyen Âge, pour autant
que l’on puisse en juger au travers des données issues de la fouille de l’église Saint-Jean et
de ses abords. Pourtant, il est difficile de préciser la nature et l’implantation exactes de
l’habitat altimédiéval. Sans doute se développait-il à proximité de l’église Saint-Côme et
Saint-Damien2, à un kilomètre au nord du centre du bourg du second Moyen Âge, ainsi
que le suggère la présence d’une nécropole du haut Moyen Âge et des vestiges antiques
pouvant évoquer la présence d’une villa (Lavendhomme, 1997, p. 204). Par la suite, durant
le Moyen Âge central, l’habitat se déplace vers le sud et se développe autour de l’église
Saint-André. Une villa – à entendre alors dans le sens de « village » – est attestée à SaintRambert dès 1198, lorsque Guigue, comte de Forez, et son fils, donnent à Humbert, prieur
de Saint-Rambert, le marché établi en ce lieu pour y lever des leydes sur les marchands
forains (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 33). La même année, le comte concède
à l’abbaye de l’Île-Barbe et aux prieurés qui en dépendent une exemption de leydes dans
les marchés ainsi qu’une exemption de péage pour leurs animaux ; cette exemption ne
s’appliquant pas aux serviteurs des moines, sauf pour les hommes habitant in villa Sancti
Ragneberti (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 34a ; Chartes du Forez, n° 307). Il est
probable que la translation des reliques de Saint-Rambert a joué un rôle décisif dans
l’essor d’un habitat à proximité de l’église Saint-André, favorisant indiscutablement cette
dernière par rapport à Saint-Côme qui, au Moyen Âge central, se trouve marginalisée au
nord du site. C’est d’ailleurs à la fin du XIIe siècle que Saint-Jean semble prendre son
statut d’église paroissiale, statut qu’elle conservera jusqu’au XVIIe siècle. En effet, la visite
pastorale de 1614 nous apprend
qu’on ne baptise point en ladicte eglise du prieuré... L’eglise parrochialle de Sainct-Jean
dudict Saint-Rambert, estant ladicte eglise, size dans le cimetiere près l’eglise dudict
prieuré... (Dufour, 1946, p. 910).
4
L’essor de Saint-Rambert est entériné en 1225 par la concession de franchises accordées
aux hommes du lieu par le comte Guy IV (Chartes du Forez, n° 1353) et se poursuit durant
tout le XIIIe siècle. Ce mouvement aboutit à la formation d’un faubourg qui se développe
au sud-est de l’ensemble ecclésial, le « bourg Chorier », attesté dès 1279 (Chartes du
Forez, n° 681).
5
Le rôle de place économique locale de la bourgade apparaît nettement avec la création
d’un marché dans le courant de l’année 1198 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 33), alors que, durant tout le XIIIe siècle, Saint-Rambert est l’une des seules localités
foréziennes où sont attestées des personnes jouissant du statut privilégié, mais flou, de
357
bourgeois, avec Montbrison, bien entendu, ou encore Saint-Galmier, Roanne et SaintHaon (Fournial, 1967, p. 127). L’importance de ces marchés, sans être considérable, est
déjà suffisante pour qu’un « zoning » commercial apparaisse, avec des secteurs
spécialisés, comme la place Grenette, ou encore un mazel, attesté en 1485 (ADL, B 1724).
Une petite activité de tissage de draps, dans le giron du centre montbrisonnais, se
développe à Saint-Rambert durant les trois derniers siècles du Moyen Âge (Fournial, 1967,
p. 407), mais la croissance de la bourgade est essentiellement due à sa position sur le
réseau routier et au pont qui enjambe la Loire au droit du bourg, ouvrage représenté sur
la vignette de l’Armorial. C’est, avec le pont de Rivas, qui s’effondre dès le début du XIVe
siècle, un point de passage majeur sur la route de Vienne à Montbrison. Alors qu’un pont
antique a existé sur les lieux – il disparaît à une date impossible à préciser durant le haut
Moyen Âge –, il faut attendre le milieu du XIIIe siècle pour qu’un nouvel ouvrage soit jeté
sur les flots. Attesté en 1258, il ne s’agit alors que d’un tablier de bois reposant sur les
piles de l’ouvrage antique (Chartes du Forez, n° 948). Alors que celui-ci est en mauvais
état dans la première moitié du XIVe siècle (ADL, B 1855, f° 193), la construction d’un
ouvrage de pierre est entreprise dans les années 1350 (ADL, B 1862, f° 182) et s’étale
jusqu’aux années 1390-1400 (Fournial, 1967, p. 464). La position privilégiée de SaintRambert à proximité immédiate d’un axe de passage important justifie d’ailleurs la
création d’un péage comtal sur les lieux, attesté dès 1198 (Chartes du Forez, n° 307), et qui
à la fin du XIVe siècle est uni à ceux de Saint-Galmier et de La Fouillouse (ADL, B 1914, f°
86 v°). Un hôpital, probablement destiné tant à la population urbaine de Saint-Rambert
qu’aux pauvres et aux voyageurs de passage, est aussi fondé. Attesté en 1316, il est au
cœur de la ville (ADL, B 1852, f° 101) et on apprend en 1375 que sa chapelle est dédiée à
Sainte-Marie (Guigue, 1876, p. 113). Au plus fort de la démographie médiévale, à la fin du
XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle, Saint-Rambert compte probablement environ 1000
habitants, ce qui en fait un bourg d’importance moyenne (Fournial, 1967, p. 84).
La représentation de l’Armorial
6
La vignette de l’Armorial représente une petite ville entourée de murailles, ou tout au
moins un gros bourg, dont la représentation est simple à analyser (fig. 197). Le site est vu
depuis le sud-est, la Loire, qui roule des flots impétueux, étant représentée au premier
plan. L’église Saint-André, perdue parmi toutes les maisonnettes du bâti urbain, ne se
distingue presque que par son clocher, imposant et altier. La représentation qui en est
donnée est très simple : une grande toiture à deux pentes couvre la nef, alors que la
toiture de l’abside est très légèrement visible, entre l’église et une tour du rempart. Un
oculus perce le mur pignon au-dessus de celle-ci et trois baies carrées s’ouvrent sur le mur
gouttereau qui fait face au dessinateur et semble servir aussi de rempart. L’édifice est
dominé par un puissant clocher implanté sur la nef. De plan octogonal, il est percé de
deux niveaux de baies et surmonté d’une haute flèche terminée par une croix. On
remarquera qu’un second clocher est visible immédiatement à gauche de la flèche de
Saint-André. Eu égard à sa position, il n’appartient probablement pas à cette dernière
église, mais peut appartenir à l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste. De plan carré,
terminé par un toit à quatre pentes très plat, son sommet est percé de deux baies jumelles
en plein cintre.
358
Fig. 197 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 462) : la ville du Pont
Saint Rambert.
7
Une première enceinte se détache de l’église, juste esquissée de part et d’autre de celleci : à gauche de Saint-André, un mur crénelé rejoint une tour carrée surmontée d’un
hourd de bois et s’interrompt ensuite brutalement ; à droite, un autre mur crénelé semble
se diriger vers l’ouest puis disparaît derrière l’église. Il est difficile de préciser quel espace
est précisément circonscrit par ce mur. La perspective n’a en effet pas permis à l’artiste
de le représenter correctement, puisque depuis l’angle choisi, il est très largement
masqué par l’église et les autres fortifications. On peut néanmoins se demander si ce
rempart existait réellement sur tout son développement au moment où le dessin a été
réalisé... Le principal rempart visible sur le dessin est indéniablement la grande enceinte
de la ville. Se détachant de la petite enceinte précédemment évoquée, elle enserre un
espace au plan grossièrement rectangulaire. Ce haut rempart crénelé est parcouru d’un
chemin de ronde, alors que côté sud, la présence de fenêtres qui le percent atteste qu’il
sert d’appui aux maisons du bourg. Cette enceinte est cantonnée de quatorze tours :
treize sont carrées et une présente un plan circulaire. Dix d’entre elles sont surmontées
de hourds et couvertes par une toiture. Sur le tracé du rempart, une seule porte est
visible : vue de de l’intérieur, elle est située sur le flanc opposé au dessinateur. Elle perce
la base d’une tour carrée et on peut penser qu’un autre passage existait au niveau de l’une
des deux tours situées sur le flanc gauche de l’enceinte, dont la base est masquée par le
bâti urbain. L’intérieur de l’enceinte est occupé par un dense bâti de maisonnettes toutes
semblables ou presque, répondant tout à fait au stéréotype identifié sur toutes les
vignettes foréziennes de l’Armorial. Seules trois tours, une carrée et deux circulaires de
petite taille (tourelles d’escalier), émergent de l’ensemble. Alignées en rangs parallèles, la
disposition des maisons évoque indéniablement un caractère urbain que l’on ne
rencontre pas sur d’autres sites plus ruraux. Pour finir, le premier plan est occupé, fait
rare dans l’Armorial, par un pont de pierre. À six arches, marqué par un fort dos d’âne
359
peu réaliste pour ce type d’ouvrage très large, il enjambe la Loire. À son débouché, un
petit faubourg de cinq ou six maisonnettes encadre la route.
Les données archéologiques et le parcellaire
8
Une première enceinte qui ceinture le noyau ecclésial et un espace villageois encore
modeste sont lisibles dans le parcellaire (fig. 199). Cette enceinte réduite est parfois
qualifiée de « château », comme en 1462, lorsqu’il est question de refaire le guichet de la
porte qui y donne accès (ADL, B 1717). Elle correspond sans doute à celle qui est juste
esquissée par deux pans de murs sur la vignette. Le tracé de ces murs est encore
nettement conservé dans le parcellaire à l’est, au nord et au sud, alors que d’importants
vestiges de courtine subsistent encore au sud-ouest et à l’ouest (fig. 200). Aucune porte
n’est conservée sur cette enceinte. Un fossé encore en eau, dérivation de la Loire, est
figuré sur le cadastre tout le long de cette enceinte à l’ouest et au sud. Pour autant que
l’on puisse en juger, le parcellaire permet de penser que ce fossé a existé au nord et à
l’est, même s’il est comblé. Ce comblement pourrait dater de la fin du Moyen Âge, sans
doute à la suite de la fortification du bourg qui rend l’enceinte du fortalicium initial
partiellement inutile. En effet, en 1485, le prieur de Saint-Rambert abénévise une parcelle
située dans les fossés du « château » (ADL, B 1724). Aucune tour ne semble avoir cantonné
cette enceinte très simple : en tout cas, ni la documentation écrite, ni le parcellaire, ni les
vestiges conservés, n’en perpétuent le souvenir. De même, pour autant que l’on puisse en
juger par la disposition des rues, cette première enceinte était percée de deux portes,
l’une au nord-ouest et l’autre au sud-est. La documentation ne nous a pas livré leur nom
et tout au plus est-il question en 1462 de la « porte du château », sans plus de précision
(ADL, B 1717). La fin du Moyen Âge apporte quelques modifications à cette enceinte. En
effet, une porte est construite en avant de la porte sud-ouest de l’enclos primitif, fermant
ainsi une ligne continue de maisons à pans de bois, encore conservées, qui double le
rempart du côté sud (fig. 205).
Fig. 198 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
360
Fig. 199 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 200 - Vestiges de la première enceinte du bourg ecclésial, passage du Lavoir.
9
Au cœur de cette première enceinte se dresse l’église Saint-Rambert. Celle-ci a très
largement conservé son caractère roman et n’a fait l’objet que de remaniements limités (
fig. 201, 202). Probablement construite au XIe siècle, puis ayant fait l’objet de
modifications au XIIe siècle, elle est constituée de trois nefs de quatre travées terminées
par un chevet à trois absides, pourvu d’un transept faiblement saillant. Une courte travée
de chœur précède les trois absides3. Un clocher-porche de plan rectangulaire,
probablement construit au XIe siècle, occupe le centre de la façade ouest (fig. 202, 203). Il
361
a été englobé dans la construction lors de l’allongement de la nef, sans doute au XII e
siècle. Ses maçonneries réutilisent plusieurs blocs d’origine antique. Sa façade est
marquée par la présence de deux arcatures aveugles. L’ensemble a été couronné d’un
système défensif constitué d’un hourd, de créneaux, d’ouvertures de tir et d’une bretèche
surplombant la porte d’accès à l’édifice. Il s’agit là de fortifications édifiées à la fin du
Moyen Âge, sûrement dans les années 1360-13904. Par ailleurs, un imposant clocher
quadrangulaire surmonte la croisée du transept, couverte d’une coupole sur trompes (fig.
201). Il est constitué d’une base massive ornée de bandes lombardes, que surmonte un
niveau percé de deux baies géminées par face, dotées de gables. L’ensemble est couvert
d’un toit à quatre pentes. Immédiatement au nord-ouest de l’église Saint-André se dresse
l’église Saint-Jean-Baptiste (fig. 204). Son histoire est aujourd’hui bien connue (Baud,
Cornu, Martiniani-Reber, 1995). Dans son premier état, Saint-Jean-Baptiste est un
modeste édifice de plan rectangulaire implanté au cœur d’une nécropole des IVe-VIe
siècles. Un second édifice lui succède. Légèrement plus large et doté d’une abside à chevet
plat, sa construction est à placer durant les siècles carolingiens. Pour finir, un troisième
édifice, sans doute à vocation paroissiale, est construit au XIe siècle. C’est lui qui constitue
pour l’essentiel l’église romane visible actuellement. Reprenant le plan de l’édifice
antérieur, c’est une église à nef unique, de dimensions modestes, simplement couverte
d’une charpente. Un petit clocher-mur à deux baies surmonte l’ensemble. Si ces deux
églises présentent encore d’importants vestiges médiévaux, il n’est pas de même des
bâtiments conventuels du prieuré Saint-Rambert, implantés au sud-est de l’église SaintAndré. Pour l’essentiel, ils remontent au XVIIIe siècle : un prieur les a, en effet, fait
reconstruire intégralement en 17795. Seule subsiste la porte tardimédiévale du prieuré.
Fig. 201 - L’église Saint-Rambert, face sud.
362
Fig. 202 - La façade occidentale de l’église Saint-Rambert et son clocher-porche. On
remarquera la présence d’une bretèche à son sommet.
Fig. 203 - Détail d’une ouverture de tir cruciforme sur le clocher-porche de l’église SaintRambert. L’ancrage du hourd est aussi visible.
363
Fig. 204 - Église Saint-Jean-Baptiste, façade occidentale.
Fig. 205 - Porte du XVe siècle, place de la Paix en avant de la porte sud-ouest de l’enclos
primitif.
10
L’enceinte urbaine est mentionnée pour la première fois en 1376 (ADL, B 1875, f° 44). De
plan grossièrement ovalaire, elle est nettement lisible dans le parcellaire, même si sur
364
plusieurs tronçons le rempart a disparu ou a été intégré dans des constructions (fig. 198).
C’est à son angle nord-est qu’elle est le mieux conservée sur plusieurs dizaines de mètres.
Sur le cadastre napoléonien, elle est cantonnée de quatre tours semi-circulaires. Trois
sont situées aux angles nord-ouest, sud-ouest et est, la quatrième étant située sur la face
nord de la fortification. La tour de l’angle est subsiste encore (fig. 206). Circulaire, elle est
presque conservée jusqu’au sommet, seul le crénelage manque. Initialement ouverte à la
gorge, elle s’élève sur trois niveaux, chacun d’eux étant doté de deux ou trois ouvertures
de tir. La tour de l’angle sud-est est arasée à deux mètres de hauteur, de même que la
courtine de part et d’autre de l’édifice. La tour nord-ouest a disparu et seul son
arrachement sur la courtine est visible. Finalement, la tour nord est la seule à ne pas
occuper un angle de la fortification, puisqu’elle flanque la courtine nord en son centre. De
fort diamètre, elle s’élève sur trois niveaux. L’enceinte est doublée de fossés en eau. S’ils
sont comblés et ne figurent déjà pratiquement plus sur le cadastre napoléonien, la
documentation médiévale les mentionne à plusieurs reprises : ainsi, en 1460, il est fait
interdiction à la population du bourg de pêcher dans les fossés de la ville, qui sont bien
séparés de ceux du fortalicium déjà évoqués (ADL, B 1717). Quatre portes permettaient
l’accès à la petite ville : au sud, la « porte du Bois » (ADL, B 1717), à l’est la « porte du Pré
Fangeat » (ADL, B 1890, f° 66 v°), au nord la « porte de Poyet » (ADL, B 1882, f° 58) et, à
l’ouest, la « porte du Bourg Chorier » (ADL, B 1901, f° 24). Malheureusement, aucune n’est
aujourd’hui conservée.
Fig. 206 - Vestiges de courtines et d’une tour de flanquement circulaire de l’enceinte
urbaine, vue depuis le chemin de la Croix-Blanche.
11
L’intérieur de l’enceinte urbaine est occupé par un bâti dense, où sont encore conservés
d’importants vestiges médiévaux, principalement des maisons à pans de bois, ainsi que
des édifices présentant de très belles façades dotées de baies à traverse ou à meneau, ainsi
que des arcades boutiquières. Il ne subsiste rien de médiéval dans le faubourg qui se
développe dès le XIIIe siècle au débouché du pont6, comme le représente très justement la
365
vignette de l’Armorial. Le pont lui-même a été emporté au XVIIIe siècle, de sorte que l’on
ne peut juger de l’adéquation de la représentation du XVe siècle avec la réalité. Toutefois,
la largeur du fleuve au droit de Saint-Rambert permet de penser que le nombre d’arches
n’est pas surévalué. Pour finir, l’église Saint-Côme, qui est attestée en 971, est située au
nord-ouest de Saint-Rambert. À l’heure actuelle, l’édifice est en ruine. Il s’agit d’une
modeste église à nef unique et courte, prolongée par une abside semi-circulaire. Sur une
base romane, les maçonneries témoignent, pour autant que l’on puisse en juger, de
plusieurs phases de reconstruction difficilement analysables en l’état.
12
Saint-Rambert connaît un essor significatif sous l’impulsion de deux facteurs. D’une part,
la translation des reliques de Rambert au XIIe siècle contribue à donner au prieuré
dépendant de l’Île-Barbe un éclat spirituel certain qui, indéniablement, doit attirer une
population nouvelle sous ses murs, induisant le déplacement de l’habitat par rapport aux
sites antiques et altimédiévaux. D’autre part, la situation de la bourgade le long de la
route de Vienne à Montbrison, et plus encore la présence de l’un des seuls ponts
franchissant la Loire en Forez, est un facteur de croissance certain à partir du XIII e siècle.
Saint-Rambert constitue ainsi l’un des rares exemples foréziens d’habitat cristallisé
autour d’un établissement prioral ou monastique qui ait connu un essor significatif
dépassant le stade du modeste village. Toutefois, la représentation du site dans l’Armorial
laisse parfois dubitatif. Les principaux éléments constitutifs de celui-ci (pont, enceinte
urbaine, église, etc.) sont correctement reproduits, ce qui permet de supposer que
l’artiste a effectivement réalisé des observations préliminaires sur le terrain. Pourtant,
une large fantaisie règne dans la représentation de nombreux détails. Ainsi, l’enceinte
urbaine est curieusement figurée au droit de l’église (angle rentrant) alors que l’enceinte
primitive n’est qu’esquissée, bien que son tracé soit encore parfaitement net, même de
nos jours. Par ailleurs, l’église Saint-Jean n’est pas correctement représentée. Certes, on
pourrait lui attribuer le petit clocher carré situé à gauche de celui de l’église SaintRambert, pourtant, en réalité, l’édifice n’est pas surmonté d’un clocher de ce type. De
même, la représentation de l’église Saint-Rambert est assez fantaisiste. Le gros clocher
massif qui s’élève à la croisée n’a qu’un lointain rapport avec celui figuré sur le dessin,
alors que la tour-porche primitive n’est pas représentée, à moins qu’il ne s’agisse du petit
clocher déjà évoqué comme pouvant être celui de l’église Saint-Jean. La représentation
qui en est faite pourrait correspondre, mais celui-ci est alors extrêmement mal situé. De
même, les tours de l’enceinte, circulaires en réalité, sont représentées de plan carré. La
représentation du site de Saint-Rambert ne compte donc pas parmi les plus fidèles de
l’Armorial, au moins en ce qui concerne le rendu des détails architecturaux.
Page 462
LA VILLE DU PONT SAINT RAMBER
Étude héraldique
825. Mr Jacques Robertet prieur de Saint Rambert
une bande chargée d’un demi-vol et accompagnée de trois étoiles, 2 et 1 – l’écu posé sur un
bâton de prieur.
Jacques Robertet, fils de Jean Robertet, bailli d’Usson (en Forez). Religieux de l’ÎleBarbe, il devint prieur de Saint-Rambert vers 1450 (?). Sa famille était issue de la
bourgeoisie de Montbrison et s’éleva, à la fin du XVe siècle, jusqu’à des postes
importants dans l’administration des Bourbon. Le frère aîné de Jacques, Jean
Robertet, secrétaire des ducs de Bourbon, premier greffier de l’ordre de Saint-Michel
366
(1469), était ami et correspondant assidu du chroniqueur Jean Le Maire de Belges, de
Georges Chastellain, orateur et historien officiel de la cour de Bourgogne, d’Antoine
(de Vergy, seigneur) de Montferrand, d’André de Vitry de Lalière (cf. supra n° 785 p.
98). Leur correspondance, en prose et en vers, connue par l’ouvrage Les douze dames
de rhétorique, donne une bonne idée des goûts littéraires des deux provinces de
Bourbonnais et de Bourgogne aux débuts de l’humanisme. Les armes Robertet, que
l’on trouve sculptées dans l’église Notre-Dame de Montbrison et peintes en maints
endroits dans la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi (puisqu’un des neveux de Jacques fut
archevêque d’Albi), étaient : d’azur à la bande d’or chargée d’un demi-vol de sable et
accompagnée de trois étoiles d’argent (ou d’or). Cet écu, comme le bâton qui
l’accompagne, semble avoir été ajouté tardivement à l’armorial, vers la fin du XVe
siècle.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, p. 503-504 ; Batissier, 1838, introd. ;
Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 6051 ; Gras, 1874, p. 225 ; Remacle,
1941-1943, t. I, col. 880 ; archives de l’auteur.
Trois écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Le culte de saint Rambert, de même que les lieux auquel il est attaché, ont fait l’objet d’une
étude approfondie à laquelle nous devons de nombreuses informations sur le site qui nous
occupe et à laquelle nous renvoyons le lecteur pour toute information complémentaire : Baud,
Cornu, Martiniani-Reber, 1995.
2. ... ecclesia Sanctorum Cosmæ et Damiani... (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1, p. 117).
3. Pour une description détaillée de l’église, cf. Carcel, 1981 et Carcel, s. d.
4. Les troubles de la fin du Moyen Âge sont marqués à Saint-Rambert même par le passage en
1361 d’une bande de Tard-Venus. Mathieu Gras qui teste alors précise qu’il va mourir
maletratatum et vulneratum per Anglicos (Fournial, 1967, p. 326). Par la suite, les routiers sont de
retour à Saint-Rambert le 25 janvier 1388 (Fournial, 1967, p. 332) et un testament de 1403 nous
apprend que la cure du lieu a été brûlée per Anglicos (ADL, B 1883, f° 105).
5. Baud, Cornu, Martiniani-Reber, 1995, p. 63.
6. La « villeneuve » du pont de Loire est attestée dès 1295 (Dufour, 1946, p. 736).
367
Sury-le-Comtal
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
463. Le chatiau et ville de Suri le Contal
Département : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Sury-le-Comtal
L’apport des sources écrites
1
L’église Saint-André de Sury pourrait être attestée dès les années 1090 lorsque le comte
de Forez, Guillaume, cède tous ses droits sur cette église à l’abbaye de l’Île-Barbe (Du
Verdier, 1604, t. III, p. 1945)1. En 1183, le pape Lucius III confirme d’ailleurs à l’abbaye
lyonnaise la possession de cette église (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. 1,
p. 117). La mention, incertaine, de la fin du XIe siècle et celle, plus fiable, de la fin du XII e
siècle pourraient indirectement être aussi les premières attestations du château et du
bourg castral de Sury-le-Comtal. En effet, la topographie d’ensemble du site ainsi que la
localisation de l’église Saint-André au sein de celui-ci, comme nous le verrons ci-dessous,
permettent de penser que cette église est l’héritière de la chapelle primitive du castrum. Il
est donc raisonnable de supposer que le château et le bourg castral de Sury sont au moins
une création de la seconde moitié du XIIe siècle 2. Il est à noter que, selon un schéma
fréquent, l’église Saint-André n’est pas l’église la plus ancienne du territoire du castrum
de Sury. En effet, elle a sans doute été précédée par l’église Saint-Étienne (fig. 213) située
au sud du bourg. Le vocable de cette dernière ainsi que son implantation peuvent laisser
supposer une fondation de l’Antiquité tardive ou du très haut Moyen Âge3. Cette église
Saint-Étienne est d’ailleurs l’église paroissiale jusqu’au XIVe siècle, puis elle perd ses
droits au profit de l’église du castrum, Saint-André4. La première mention explicite du
castrum de Sury est assez tardive puisqu’il faut attendre 1239 (Dufour, 1937-1939, p. 208).
Le château de Sury, que les comtes de Forez ne vont jamais inféoder, est alors une de
leurs résidences privilégiées où ils passent de nombreux actes5. Le qualificatif de
« comtal » associé à partir des années 1210 au toponyme « Sury » marque l’importance du
site pour les comtes6. Le château de Sury-le-Comtal est le centre d’un mandement attesté
à partir de 1279 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 661), on peut cependant
368
supposer que celui-ci est plus ancien et existe depuis la fondation du château. Châtellenie
comtale, Sury est aussi siège de prévôté7. Enfin, les périodes troublées de la seconde
moitié du XIVe siècle et de la première moitié du XV e siècle voient l’érection de Sury en
capitainerie. Un capitaine y est installé pour la première fois en 1364, pour la durée d’une
année environ, puis cet office est supprimé, sans doute parce que les bandes de Séguin de
Badefol ont alors quitté le pays pour le Midi. Sury est ensuite à nouveau érigé en
capitainerie en 1368 (Fournial, 1967, p. 337-339).
2
Le château de Sury agglomère probablement dès le XIIe siècle un habitat, formant ainsi un
castrum au sens méridional du terme. Ce noyau originel est ensuite débordé par le burgus,
qui se développe en couronne autour de ses murs, en direction de l’est. Le burgus n’est
attesté clairement qu’à partir de 1315 (Chartes du Forez, n° 273, note 3), mais il est
raisonnable de penser que son développement appartient au fort essor démographique du
XIIIe siècle. En tout cas la mention de la villa nova, troisième étape du développement
« urbain » médiéval de Sury, dès les années 1320, constitue un terminus ante quem assuré à
la structuration du burgus, qui possède alors sa morphologie définitive. Une charte de
franchise concédée en 1273 (Fournial, 1967, p. 63) et complétée en 1277 (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 644) vient d’ailleurs sceller ce premier développement
urbain. Dernière phase d’expansion « urbaine » médiévale, la villa nova attestée à partir de
1321 (ADL, B 2100, f° 76) prolonge le burgus en direction du sud. Contrairement aux
précédentes phases de croissance de la ville qui ne semblent pas avoir fait l’objet d’une
planification, le parcellaire orthonormé de la villa nova témoigne d’un lotissement
cohérent dans le cadre d’un projet urbanistique. Au sommet de sa croissance
démographique, dans la première moitié du XIVe siècle, Sury appartient au groupe des
petites villes foréziennes dont la population s’établit autour d’un millier d’habitants
environ (Fournial, 1967, p. 84). Une large part de ce développement est due à la situation
géographique de Sury. L’agglomération est, en effet, en bordure de la route de Vienne à
Montbrison et, au-delà, en direction du nord. L’existence d’un péage comtal à Sury au XVe
siècle renvoie également à la position privilégiée de l’agglomération sur le réseau routier
forézien (ADL, B 1995). Cet axe prend un essor particulier après l’effondrement du pont
sur la Loire de Rivas, qui renforce l’importance de celui de Saint-Rambert dès le début du
XIVe siècle (Fournial, 1967, p. 150-151). Ce chemin traverse la ville elle-même dont il
constitue l’axe d’expansion. Alors que le castrum en est mitoyen, le burgus l’englobe et la
villa nova se structure sur son tracé. Il est d’ailleurs révélateur que le marché se soit
implanté le long de cet axe dans sa traversée de la ville8.
La représentation de l’Armorial
3
La vignette de l’Armorial représente le site vu depuis le sud-est (fig. 207). Les différents
éléments qui constituent celui-ci peuvent être aisément identifiés. Le château des comtes
de Forez occupe le cœur de l’ensemble. L’élément principal en est un très haut donjon,
d’une élévation sans doute exagérée, afin de mettre symboliquement en relief
l’importance du pouvoir comtal à Sury. Cette tour maîtresse présente un plan
quadrangulaire et forme un puissant massif de maçonnerie presque aveugle. Son sommet
est crénelé et couvert d’une toiture à quatre pans de laquelle émerge une souche de
cheminée quadrangulaire, ce qui est très rare dans l’Armorial. L’ensemble évoque une
construction du XIIe ou du XIII e siècle. Le donjon est surmonté d’une large guette,
couverte elle aussi d’une toiture à quatre pans et munie de quatre petites ouvertures
369
immédiatement sous le toit, à raison d’une par face, sans doute pour signifier un
crénelage. Hormis le donjon, aucun autre bâtiment de nature seigneuriale n’émerge si ce
n’est, à quelque distance du donjon, une haute maison à trois niveaux, pourvue d’une
cheminée monumentale, elle aussi quadrangulaire, et vraisemblablement cantonnée
d’une tourelle circulaire sur un pignon. Une bannière, sans doute aux armes des ducs de
Bourbon, flotte sur cette dernière. Il pourrait s’agir de l’hôtel comtal9.
Fig. 207 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 463) : le chatiau et
ville de Suri le Contal.
4
Au donjon, il faut associer l’église Saint-André, qui lui est mitoyenne sur la vignette.
Située au sud de celui-ci, elle se présente comme un bâtiment de plan rectangulaire aux
murs gouttereaux épaulés de nombreux contreforts et avec une toiture à trois pans.
L’église montre en façade deux flèches, surmontant sans doute des tours, et un imposant
lanterneau est visible entre elles. Il convient de remarquer globalement que l’église est
représentée avec une forte erreur de perspective qui place les flèches de la façade sur le
gouttereau.
5
Une première enceinte grossièrement ovoïde enserre le château, l’église et de
nombreuses maisons. En quatre endroits, au sud-est, des bâtiments remplacent la
courtine ou y sont adossés. Cette enceinte est crénelée et flanquée de cinq tours
circulaires ou semi-circulaires, elles aussi crénelées. Ces tours sont légèrement talutées et
percées d’ouvertures de tir à leur base. À ces cinq tours circulaires, il faut adjoindre trois,
ou peut-être quatre, tours de plan carré. Elles possèdent toutes un hourd, des ouvertures
de tir à leur base et sont sommées d’un étendard. De petites ouvertures sont, par ailleurs,
visibles juste sous les hourds, à raison d’une par face. Deux imposantes tours-portes de
plan carré complètent le système de défense. Elles sont situées aux angles nord-est et sur
la face sud et sont toutes deux précédées d’un pont-levis et d’une barbacane plus ou
moins complexe. Cette première enceinte est doublée d’un fossé en eau dont l’escarpe est
370
nettement figurée sur le dessin10. La seconde enceinte est globalement quadrangulaire. De
surface plus restreinte que la première, elle se développe au sud de celle-ci dont elle
paraît toutefois séparée par le fossé en eau. Constituée de hauts murs crénelés, cette
deuxième enceinte est cantonnée de sept tours semi-circulaires ou circulaires
régulièrement réparties et un imposant châtelet d’entrée, pourvu de tours circulaires,
perce le centre de son flanc sud. Le dessin ne montre pas clairement de douves pour cette
enceinte, si ce n’est peut-être au sud.
6
Le bâti civil représenté à l’intérieur de la première enceinte est particulièrement dense,
puisqu’on dénombre plus d’une trentaine de constructions. Si la plupart d’entre elles
correspond aux stéréotypes habituels de l’Armorial – toiture à deux pentes, cheminée à
mitre, fenêtre à croisée sur le pignon, etc. – quelques-unes se distinguent toutefois. On
remarque ainsi la présence disséminée de quelques tours urbaines appartenant sans
doute à des maisons nobles. Dans la seconde enceinte visible, les constructions forment
un tissu urbain assez lâche, plus ou moins organisé autour de deux places. Enfin, une
dizaine de constructions anodines est dispersée dans les environs immédiats de la ville en
bordure des routes ou chemins.
Les données archéologiques et le parcellaire
7
Le parcellaire napoléonien conserve encore très fidèlement la disposition de la ville
médiévale : les différents éléments qui la constituent sont parfaitement lisibles et
présentent parfois des vestiges significatifs (fig. 209). Une première enceinte, formant le
castrum initial, englobe le château stricto sensu, l’église Saint-André et une unique et
étroite couronne de maisons. Non identifiable sur le dessin de l’Armorial, en raison de
l’angle choisi par l’illustrateur et parce qu’elle est déjà largement désaffectée au XVe
siècle, cette enceinte originelle n’en est pas moins nettement lisible dans le parcellaire.
Elle circonscrit un espace semi-circulaire dont l’angle sud-ouest est occupé par le
château. L’unique tour protégeant le rempart est située à l’est, elle est aujourd’hui
englobée dans un bâti dense qui ne permet pas d’en approcher (fig. 211). La
documentation ou les vestiges permettent de replacer trois portes sur le tracé de cette
enceinte primitive : la « porte du Castrum » (ADL, B 2100), qui s’ouvrait au nord, celle de «
Putheo » (ADL, B 2100), vers le nord-est, et celle de « Furno » qui se situait dans le
prolongement d’une rue conduisant à Saint-André, ce qui permet de la localiser avec une
bonne probabilité au sud (ADL, B 2104). À l’heure actuelle, les portes du castrum et de
Furno ont totalement disparu. En revanche, la porte de Putheo est encore conservée (fig.
212). Elle est constituée d’un simple arc brisé prolongé d’une voûte en plein cintre,
surmonté d’un bâti carré esquissant une tour. L’enceinte était doublée d’un fossé.
Toutefois, rendu inutile par la construction de l’enceinte du burgus et gênant même
probablement l’expansion urbaine, celui-ci est désaffecté et transformé en rue à une date
qu’il est impossible de préciser (fig. 208). On sait cependant qu’au milieu du XVe siècle
deux maisons sont situées
supra carreriam bassam in qua carreria antiquitus solebant esse fossate castri (ADL, B
2103).
8
Le rempart primitif a peut-être aussi été pour partie démoli dans le même temps, les
matériaux produits ayant pu servir à combler le fossé.
371
Fig. 208 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 209 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
372
Fig. 210 - Vestiges du château d’époque moderne près de l’église Saint-André.
Fig. 211 - Une des rares tours de flanquement de l’enceinte de Sury encore en élévation.
373
Fig. 212 - Vestiges de la porte de Putheo (dite aujourd’hui porte du Cloître) dans l’enceinte
castrale primitive.
9
Le château occupe le cœur du site de Sury ; toutefois, à l’heure actuelle, il n’en subsiste
que peu d’éléments, puisque l’ensemble a été victime d’un incendie survenu en 1937.
L’aile nord et le corps de bâtiment principal ont alors été rasés, seule l’aile sud a été
partiellement sauvée (fig. 210). Toutefois, dès avant cet incident tragique, l’édifice
médiéval avait connu de nombreuses modifications à l’époque moderne ayant occulté les
états les plus anciens. Le cadastre et un plan dressé en 195811 permettent néanmoins
d’essayer de comprendre l’organisation d’ensemble de l’édifice médiéval. Il s’agit d’un
vaste quadrilatère dont les angles nord-ouest, sud-ouest et sud-est sont occupés par des
tours quadrangulaires saillantes par rapport aux courtines, les bâtiments castraux
s’agençant le long des courtines. Du château médiéval, il ne reste aujourd’hui en élévation
pratiquement plus que la base de la tour sud-ouest. Massive, de plan carré, elle pourrait
correspondre à la base du donjon représenté sur la vignette de l’Armorial, bien que dans
ce cas, il y ait un problème de positionnement par rapport à l’église. Mais il est vrai que le
dessin de l’Armorial pose ici de sérieux problèmes de perspective pouvant expliquer ce
décalage.
10
L’église priorale Saint-André est située immédiatement au contact du château. À l’heure
actuelle, cet édifice à trois nefs, sans transept et avec deux collatéraux asymétriques,
résulte de différentes campagnes de constructions échelonnées entre les XVe et XIX e
siècles (fig. 214). Bien qu’aucun élément antérieur ne semble avoir été conservé dans la
construction du bas Moyen Âge, il est probable, au regard de sa localisation dans
l’enceinte primitive au contact du donjon, mais aussi de son vocable12, que l’actuelle église
Saint-André occupe l’emplacement de la capella castri initiale.
374
Fig. 213 - La chapelle Saint-Étienne dans le cimetière actuel de Saint-Héand, au sud du
bourg.
Fig. 214 - Façade ouest de l’église Saint-André près du château.
11
Aujourd’hui, le bâti civil enclos par la première enceinte du castrum ne présente plus
aucun élément médiéval significatif, même si l’état de conservation du parcellaire permet
d’affirmer que les différentes reconstructions se sont effectuées dans le même cadre
375
foncier, sans restructuration de l’espace urbain. L’enceinte du burgus, qui enserre
l’extension du castrum, sans doute dès la seconde moitié du XIIIe siècle, est, elle aussi,
nettement lisible dans le parcellaire. Elle correspond à la grande enceinte visible sur la
vignette de l’Armorial. Elle décrit un espace semi-circulaire dont le centre est occupé par
le castrum initial. Plus longue que l’enceinte du castrum primitif et circonscrivant un
espace plus vaste, elle est encore partiellement conservée en élévation. Cette enceinte
était cantonnée de plusieurs tours : une grosse tour carrée en occupe l’angle nord-ouest,
alors que deux tours semi-circulaires sont disposées sur le flanc ouest, en alternance avec
deux tours carrées. Au sud-est, plusieurs maisons, saillantes et massives, font aussi
fonction de tours, alors que le parcellaire suggère l’existence d’une dernière tour carrée à
l’angle sud-ouest. Trois portes la perçaient : la « porte d’Amancieux » au nord-ouest (ADL,
B 2072), la « porte de Fabrice » (ADL, B 2103) au nord-est, et, enfin, au sud, la « porte SaintÉtienne », livrant le passage au chemin conduisant à cette église (ADL, B 2107).
L’ensemble des éléments de fortification de la seconde enceinte est assez fidèlement
représenté sur la vignette de l’Armorial, pour autant que l’état des vestiges permette de le
constater. La tour carrée du sud-est est correctement représentée, de même que les deux
tours carrées qui se trouvent à l’ouest. Par contre, il est évident que le dessin fait figurer
plus de tours circulaires qu’il n’en subsiste à l’heure actuelle, mais ce n’est pas pour
autant qu’il faille conclure à une faute : elles ont pu disparaître. Par ailleurs, les maisons
saillantes qui dans l’angle sud-est forment le rempart sont très correctement traitées par
le dessinateur, alors que les deux portes sont bien positionnées, à défaut de pouvoir juger
l’image donnée des élévations, puisqu’il n’en subsiste rien à l’heure actuelle. Le fossé qui
doublait le rempart du burgus, bien visible sur la vignette de l’Armorial, est désormais
comblé. Le bâti urbain du burgus est organisé selon un plan radioconcentrique rayonnant
depuis le château et se structurant le long d’un axe principal, la grande rue, qui s’élargit
au sud pour abriter le marché (ADL, B 2102). Même si aucun bâtiment remarquable de la
fin du Moyen Âge n’a été conservé, exception faite de la maison Delolme dont les états les
plus anciens peuvent être tardimédiévaux, plusieurs ouvertures à croisé, à meneau, ou à
linteau en accolade témoignent d’un assez bon état de conservation du bâti ancien, même
si celui-ci est masqué par des constructions plus tardives.
12
Pour finir, une troisième et dernière enceinte est repérable dans le parcellaire, il s’agit de
l’enceinte de la villa nova, qui, comme nous l’avons vu précédemment, se structure au
début du XIVe siècle le long de la route de Montbrison à Vienne et du marché. La mention
des « murailles du marché » (ADL, B 2103) au milieu du XVe siècle signale le rôle majeur
tenu par cette institution dans le développement de la villa nova. Il est difficile de préciser
la date de construction de cette enceinte qui est postérieure au début du XIVe siècle, mais
existe déjà au milieu du siècle suivant. Une construction dans la seconde moitié du XIVe
siècle ou au tout début du XVe siècle dans le contexte de mise en défense du royaume sous
Charles V et Charles VI paraît toutefois très vraisemblable. À la différence de l’enceinte
du burgus, l’enceinte de la villa nova est quadrangulaire, ce qui est conforme à la
représentation de l’Armorial. Toutefois, contrairement à ce que montre le dessin,
l’enceinte de la villeneuve s’appuyait sur celle du burgus. De même, cette enceinte était
bel et bien entourée de fossés constitués à l’est par un bief de dérivation de La Mare qui
est attesté au XVe siècle (ADL, B 2102). Les angles sud-est et sud-ouest de l’enceinte de la
villeneuve étaient occupés par deux tours semi-circulaires et le parcellaire laisse penser
qu’il en existait deux autres, de plan carré, placées symétriquement de part et d’autre de
l’enceinte, à l’est et à l’ouest. Aucune de ces tours n’est conservée, seul le parcellaire en
376
conserve le souvenir. Les informations qu’il livre paraissent d’ailleurs en contradiction,
au moins partielle, avec la représentation de l’Armorial notamment au niveau du plan au
sol des tours. Une seule porte perçait cette enceinte : il s’agit de la « grande porte du
marché » (ADL, B 2102) au sud, qui fait l’objet d’un traitement particulièrement
monumental sur la vignette. Alors qu’aucune élévation n’en est actuellement conservée, il
est impossible de savoir si le dessin correspondait à la réalité, mais le qualificatif de
« grande » qui est employé pour désigner cette porte à la fin du Moyen Âge sous-entend
toutefois une construction imposante. Le parcellaire de la ville, rigoureusement
orthonormé, induit un lotissement planifié. Il est organisé autour d’une rue principale,
orientée nord-sud, que recoupent trois axes rectilignes orientés est-ouest. Un
élargissement de la rue principale, que la vignette de l’Armorial confirme, permettait au
marché de s’y tenir au XVe siècle (ADL, B 2102). À l’intérieur de la villeneuve, la vignette
de l’Armorial montre un bâti urbain moins dense que dans le burgus mais, pour autant
que l’on puisse en juger, l’illustrateur a toutefois essayé de rendre le caractère ordonné de
l’habitat dans ce secteur, toutes les constructions étant organisées selon les mêmes axes.
Pour finir, il convient de noter enfin que l’hôpital Notre-Dame-de-la-Merci, localisable
encore aujourd’hui dans l’emprise de la villeneuve grâce aux vestiges de son église,
n’apparaît pas sur la vignette. Mais il est vrai que le grand hôpital de Sury-le-Comtal n’est
mentionné qu’à partir de 1471 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 6490), sa
construction est donc peut-être de quelques années postérieure à la confection de
l’Armorial.
13
Sury-le-Comtal est un site forézien important, dont l’intérêt historique est de premier
ordre. Il répond à un modèle bien connu par ailleurs et en constitue un exemple
parfaitement clair. Dans un premier temps, au XIIe siècle, le château s’implante dans le
ressort d’une paroisse probablement issue du haut Moyen Âge (fig. 213) – Saint-Étienne –
et agglomère dans les décennies qui suivent un habitat. Ce n’est que lorsque ce dernier a
pris un essor suffisant pour accéder au rang de petite ville, à la fin du XIIIe siècle, que peu
à peu, le cadre paroissial ancien est modifié, l’église castrale, Saint-André, supplantant le
centre ancien. C’est, en outre, un bon exemple de l’importance des voies de
communication dans l’essor des petites villes au Moyen Âge, la route formant la rue
principale de la ville. Pour finir, Sury-le-Comtal constitue l’un des rares exemples de
lotissement organisé, donc d’essor urbain clairement dirigé par l’autorité comtale. Cet
ensemble est assez fidèlement représenté par la vignette de l’Armorial, pour autant que
l’on puisse en juger au travers de vestiges assez mal conservés comparativement à
l’importance du lieu. Les principaux éléments du site sont bien localisés et leur
représentation correspond effectivement pour l’essentiel à la réalité, lorsque l’on peut
encore toutefois la percevoir.
Page 463
LE CHATIAU ET LA VILLE DE SURI LE CONTAL
Étude héraldique
826. Loys de La Bâtie crie La Bastie
d’or à la croix ancrée de sable, au bâton de gueules.
Louis de La Bastie, chevalier, fils cadet de Pierre de La Bastie, seigneur de Magneu,
écuyer d’Anne Dauphine. Il fut nommé en 1449 capitaine, juge châtelain, de Sury-leComtal où il possédait un hôtel, puis en 1461 de Champdieu, où il était également
possessionné.
377
• Gras, 1874, p. 24 ; Perroy, 1977, t. I, p. 113.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. A. du Verdier précise qu’en 1091 : « Vuillaume, comte de Forez, désirant aller au voyage de
Terre Sainte se croise en l’abaye de Isle Barbe près de Lyon, à laquelle il donne lors l’église S.
André de Surieu, en Forez ». Cette analyse pose d’évidents problèmes de datation : en 1091,
Urbain II n’a pas encore lancé son célèbre appel de Clermont... La page 1945 du volume est de
toute façon particulièrement confuse et erronée du point de vue de la chronologie. La date de
1091 n’est donc à l’évidence pas bonne, il faut plutôt préférer 1095-1096 plus logique. Le prior de
Suriaco pourrait aussi apparaître au XIe siècle dans une liste des redevances en cire dues à l’Église
de Lyon par les églises de l’archiprêtré de Montbrison (Cartulaire de Savigny, t. II, p. 1055 ;
Dufour, 1946, p. 961).
2. Ce que pensait aussi Étienne Fournial (Fournial, 1967 p. 31).
3. Cette ancienne église Saint-Étienne correspond à la chapelle Saint-Étienne située aujourd’hui
dans le cimetière de Sury-le-Comtal. L’édifice visible actuellement pourrait être roman pour les
parties les plus anciennes mais il a été très remanié au XVI e et au XIX e siècle ; de plus la
restauration récente des maçonneries extérieures ne facilite pas l’analyse du bâtiment... On peut
noter la présence de blocs antiques en réemploi dans les chaînages d’angle de la chapelle.
4. Il est difficile de préciser quand Saint-André prend le statut d’église paroissiale au détriment
de Saint-Étienne. Dans la première décennie du XIVe siècle, la parrochia est encore associée à
cette dernière (ADL, B 1851, f° 123 v°) et, en 1315, est mentionné le ciminterium beati Stephani
Syuriaci Comitalis (ADL, B 1852). Toutefois, un acte de 1317 laisse supposer que l’église Saint-André
possède alors aussi des droits paroissiaux assez complets, et notamment le droit de sépulture. En
effet, à cette date, le comte de Forez, Jean, obtient de l’archevêque de Lyon le droit de bâtir en
dehors de l’enceinte du castrum de Sury une nouvelle église où sera transférée l’église paroissiale
dudit castrum, où la célébration des offices et l’administration des sacrements rencontrent des
difficultés (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1445). Il est prévu qu’à côté de la nouvelle
église soit aménagé un nouveau cimetière, où seront transportés les ossements des morts déjà
enterrés dans le castrum. Cette requête, qui a pourtant reçu un écho favorable, ne sera certes
jamais suivie d’effet (certains ont voulu voir dans l’église Saint-Étienne le nouvel édifice en
question, c’est tout à fait improbable), mais elle nous permet de constater que même si la vieille
église Saint-Étienne est encore qualifiée de paroissiale au début du XIV e siècle et possède encore
un cimetière, l’église du castrum Saint-André a acquis aussi des droits paroissiaux, sans doute en
raison de l’essor important de la population du castrum au XIII e siècle. Et c’est d’ailleurs peut-être
même l’accession de Saint-André au rang d’église paroissiale, induisant de fait un afflux de
fidèles dans des lieux qui n’étaient initialement pas prévus pour recevoir une telle population
chaque jour de culte, qui a fait naître le problème évoqué en 1317.
5. Comme en 1236 (Chartes du Forez, n° 60) ou en 1279 (Chartes du Forez, n° 680, p. 2).
6. 1212 : Suireu lo Comtal (de La Mure, 1671, p. 320) ; 1236 : apud Syure Comitale (Chartes du Forez, n
° 60, p. 1), etc.
378
7. Mentions en 1383 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3541), en 1397 (ADL, B 1930), etc.
8. Un marché est attesté à Sury dès le XIII e siècle. Il ne constitue toutefois probablement qu’un
centre commercial d’importance limitée, au rayonnement avant tout étendu à quelques paroisses
environnantes (Fournial, 1967, p. 168), même si la ville apparaît comme un centre secondaire du
pôle drapier de Montbrison, où des textores sont attestés et alors qu’une petite tannerie se
développe à la fin du Moyen Âge (Fournial 1967 p. 401, 407, 419).
9. Mentionné par Fournial, 1967, p. 63.
10. La doa, attesté seulement pour la première fois en 1361 (ADL, B 1865), fait l’objet d’un
entretien régulier, puisqu’en 1449 des travaux de maçonnerie doivent être effectués afin que la
terre des fossés cesse de glisser vers le fond (ADL, B 2071).
11. Conservé à la DRAC Rhône-Alpes (archives de la CRMH).
12. La dédicace aux apôtres est fréquente pour les églises ou les chapelles castrales, dans le
Massif central tout au moins (Laffont, 2009).
379
Saint-Marcellin
Franck Brechon, Chantal Delomier, Axelle Journaix et Catherine Salardon
464. Le chatiau et ville de Saint Marcelin le Puy
Département : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Saint-Marcellin-en-Forez
L’apport des sources écrites
1
L’ecclesia Sancti Marcellini est attestée pour la première fois en 994 : elle relève alors de
l’Église métropolitaine de Lyon (ADL, 19 G 1879)1. Dans le pouillé du diocèse de Lyon de
1225, cette église est à la collation, au même titre que les églises de Saint-Maurice-enGourgois et Périgneux, de Jocerand de Saint-Bonnet, chanoine de l’Église de Lyon (Chartes
du Forez, n° 901). La mention du Xe siècle ainsi que le vocable de l’église (Marcellinus)
laissent supposer une fondation très ancienne pour cette église, sans doute durant le très
haut Moyen Âge. Pour sa part, la paroisse de Saint-Marcellin est mentionnée pour la
première fois en 1214 lorsque Renaud, archevêque de Lyon, confirme aux Hospitaliers les
dîmes possédées par ceux-ci dans différents lieux, notamment
in parrochia Sancti Marcellini (Chartes du Forez, n° 309).
2
Par la suite, les mentions de l’église de Saint-Marcellin ou de la parrochia qui en dépend se
multiplient, principalement pour localiser des biens et des droits. Pour cela, à partir du
milieu du XIIIe siècle et durant tout le XIVe siècle, les actes de la pratique emploient aussi
régulièrement le terme villa (Chartes du Forez, n° 103, 1390 ; AN, P 493, cote 1047). Villa
est bien sûr à interpréter ici dans le sens d’habitat aggloméré (notre « village » ou notre
« bourg ») et le terme renvoie même sûrement plus précisément pour cette période et
pour la région à un habitat d’origine ecclésiale (Laffont, 2009). Certes, Saint-Marcellin est
aussi parfois désigné par le terme de castrum à partir de 1241 (Chartes du Forez, n° 1390),
ce qui pourrait laisser supposer une origine castrale à l’agglomération2. Toutefois, rien
dans la documentation ne permet de penser à une telle origine et, nous y reviendrons,
l’analyse du parcellaire place au contraire l’église au centre de l’habitat fortifié3.
380
3
Le ressort territorial dépendant de Saint-Marcellin n’est jamais clairement appelé
« mandement » ou, terme équivalent, « châtellenie »4, les parcelles et les droits
mentionnés à de nombreuses reprises par la documentation à l’entour de Saint-Marcellin
étant, en revanche, systématiquement situés aux XIIIe et XIV e siècles in parrochia ou in
villa Sancti Marcellini (Chartes du Forez, n os 1039 et 1390 ; AN, P 493, n° 1047, etc.). Si l’on
ajoute qu’aucun lignage châtelain lié à Saint-Marcellin n’apparaît explicitement dans la
documentation, tout concourt, du point de vue de la documentation écrite, à voir dans
Saint-Marcellin une agglomération d’origine ecclésiale dotée tardivement (au début du
XIIIe siècle ?) d’un ensemble fortifié ne possédant toutefois pas tous les droits banaux liés
à un château au sens strict du terme et notamment le contrôle d’un mandement.
4
La fin du Moyen Âge voit se développer à Saint-Marcellin une extension de type urbain
autour du noyau de peuplement initial centré sur l’église. Il est difficile de dater
l’émergence de ce nouveau quartier, mais sans doute peut-on la placer dans le courant du
XIIIe siècle. En effet, en 1315, il est fait mention du burgus, opposé au castrum, ce dernier
devant correspondre à l’enceinte fortifiée initiale (AN, P 492, cote 615). Saint-Marcellin
n’en connaît pas moins un développement économique médiocre qui hisse la localité au
rang de bourg de redistribution locale, mais qui ne lui permet pas de jouer un rôle
économique à l’échelle de l’ensemble du sud du Forez. L’importance de Saint-Bonnet-leChâteau, à quelques distances au sud, dépasse sans conteste celle de Saint-Marcellin. Il est
vrai qu’il faut attendre le XVe siècle pour que le chemin de Lyon au Languedoc par le sud
du Forez se déplace et passe à Saint-Marcellin, pouvant alors éventuellement permettre
d’assurer plus solidement le développement du bourg en drainant vers cette localité une
population marchande importante (Fournial, 1967, p. 151-152, p. 484).
5
Bien que dépourvu de château stricto sensu à l’origine, l’administration comtale ne s’en
implante pas moins à Saint-Marcellin. Le lieu devient, en effet, une châtellenie des comtes
de Forez dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le premier châtelain connu étant attesté
en 1287. Il s’agit alors de Petrus Marescali, qui est par ailleurs qualifié de miles (Chartes du
Forez, n° 756) ; il est encore châtelain en 1289 (Chartes du Forez, n° 833). Au début du XIV e
siècle, la charge de châtelain de Saint-Marcellin est assurée par Renaud de Langes, qui
cumule aussi par ailleurs les charges de châtelain de Sury-le-Comtal, Saint-Bonnet,
Lavieu, Monsupt et Marols (Chartes du Forez, n° 1677). Un prévôt comtal est aussi associé
au châtelain à partir du XIVe siècle (ADL, B 1925, B 1920, B 1930, B 1933, B 1955, B 1956, B
2003 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3541). Devant le danger que constituent
les incursions de bandes armées à compter du milieu du XIVe siècle, une capitainerie est
établie à Saint-Marcellin dès 1368, Faucon de Bouthéon en étant nommé titulaire le 21
août. Rien ne permet ensuite de préciser le devenir de cette institution militaire
conjoncturelle, mais on remarquera que presque toutes celles créées au même moment
sont supprimées dans les années 1380 (Fournial, 1967, p. 338-339). Faute de château à
proprement parler, l’administration comtale siège probablement dans l’hospicius et curtis
domini comitis mentionnée par le terrier de 1387 (ADL, B 2073, f° 43).
La représentation de l’Armorial
6
Le dessin de l’Armorial représente le site vu depuis le sud-est (fig. 215). Les différents
éléments qui le constituent sont très nettement visibles, ne posant aucun problème
d’identification.
381
Fig. 215 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 464) : le chatiau et
ville de Saint Marcelin le Puy.
7
L’élément central du dessin est le castrum, ou plus exactement le fortalicium ecclesie, à
l’angle nord-est duquel se trouve l’église Saint-Marcellin. Cette dernière, très largement
masquée par le rempart et une tour, n’est que peu visible. La nef, bordée de contreforts,
est terminée par une abside semi-circulaire. Elle est éclairée par quatre baies qui peuvent
correspondre à quatre travées. À l’ouest, l’ensemble est devancé par un clocher-mur à
quatre baies, surmonté d’un toit en bâtière. Bien qu’elle soit l’élément central du castrum,
l’église ne semble, d’après la vignette de l’Armorial, avoir fait l’objet d’aucune
fortification.
8
Le fortalicium ecclesie est représenté carré et ceint de hauts remparts crénelés munis d’un
chemin de ronde, esquissé par un trait courant sous le crénelage sur le rempart ouest. Le
quadrilatère formé par le rempart est cantonné à chaque angle par une échauguette
crénelée construite en encorbellement. De plus, une échiffe se dresse au centre des faces
ouest et est. Des ouvertures de tir disproportionnées et implantées de manière peu
réaliste sont représentées à la base des courtines. L’enceinte n’est percée que d’une porte
visible ouvrant au centre de la face sud. Imposante, cette porte est intégrée à une tour
carrée construite en saillie sur la courtine, et surmontée d’un hourd. Un arc très élevé
souligne la façade extérieure de la tour, suggérant la présence de mâchicoulis. Sur le
piédroit gauche de la porte, le dessin représente une rainure, probablement destinée au
passage d’une herse. Une autre porte est peut-être présente au centre du flanc nord de
l’enceinte, mais la perspective ne permet pas d’en voir la base. On peut toutefois supposer
son existence dans la mesure où le sommet d’un dispositif similaire à celui visible au sud
dépasse des remparts.
9
Une haute tour cylindrique crénelée est représentée sur le flanc sud de l’enceinte. Les
dimensions que le dessinateur lui a données suffisent à montrer que c’est alors un
382
élément majeur du site, faisant probablement fonction de tour maîtresse, et symbolisant
la présence comtale sur les lieux. Pour finir, la base du rempart est ceinte sur tous les
côtés visibles d’un fossé manifestement en eau.
10
Une vingtaine de maisons, toutes stéréotypées, occupent l’espace intérieur du fortalicium
ecclesie. Aucune ne semble se distinguer par son importance ou un élément architectural
particulier, pouvant correspondre à la curtis domini comitis de 1459 ou à un quelconque
logis seigneurial qui se serait développé anciennement au pied de la grande tour. La
clôture urbaine s’étend au sud de l’enceinte du fortalicium en adoptant une forme
quadrangulaire. Elle est cantonnée de cinq tours semi-circulaires sur son flanc
méridional. Ces tours, tout comme l’enceinte, sont crénelées, alors que l’enceinte est, de
plus, munie d’un chemin de ronde. Une tour carrée, couverte d’un toit de tuiles, est
implantée à l’angle nord-est de l’enceinte, peu avant qu’elle ne se greffe sur le fortalicium.
Là encore, une seule porte est visible, perçant le milieu du flanc est de l’enceinte : il s’agit
d’une simple ouverture en plein-cintre, surmontée d’une forte bretèche crénelée. À
l’ouest, une tour carrée est implantée au centre de la courtine. Surmontée d’un hourd de
bois, couverte d’un toit à quatre pentes et percée de deux ouvertures carrées en partie
haute, elle peut éventuellement constituer une tour-porte. Néanmoins, sa base étant
masquée par la perspective, il est impossible de l’affirmer. Un double trait ondulé à la
base du rempart peut éventuellement esquisser la présence d’un fossé en eau prolongeant
sans doute le fossé de l’enclos initial. L’intérieur de l’enceinte urbaine est occupé par 17
maisons à la représentation stéréotypée. Une se distingue toutefois, au sud-est de
l’enceinte. Elle est munie d’une tourelle carrée couverte d’un toit à quatre pentes, signe
probable de son statut privilégié. Notons que l’habitat se répartit dans la moitié sud de
l’enceinte, la partie nord, qui jouxte le fortalicium, demeurant vide. Elle forme ainsi une
vaste place située dans l’axe de la porte est. Sur la ville flottent des étendards aux armes
des ducs de Bourbon ou des comtes de Forez.
11
Dix-huit maisons sont aussi représentées à l’extérieur des deux enceintes. Elles ne sont
pas groupées en faubourg organisé, par exemple le long d’une route, dans l’axe d’une
porte, mais elles sont disséminées dans la campagne. À ces maisons, il faut adjoindre deux
tours carrées munies d’un petit toit à une pente s’apparentant à des pigeonniers,
représentation rare sur les vignettes de l’Armorial. De même, l’espace rural représenté
semble esquisser les prémices d’une organisation bocagère, quelques champs situés à
l’ouest de Saint-Marcellin étant enclos par des lignes d’arbres qui bordent aussi un
chemin.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
12
Le site de Saint-Marcellin est l’un de ceux pour lesquels le parcellaire napoléonien s’avère
le plus parlant, ayant conservé le souvenir de l’ensemble des structures importantes :
remparts, tours, douves, etc. (fig. 217).
383
Fig. 216 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 217 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
13
L’élément principal du site est assurément l’église Saint-Marcellin, à l’origine de
l’agglomération (fig. 218). Cette dernière occupe le centre du parcellaire du fortalicium.
Elle a été largement remaniée, mais il est toutefois possible de percevoir ce qu’elle a pu
être au moment où la vignette de l’Armorial a été réalisée. Le cœur de l’édifice est une
église romane à nef unique, dépourvue de collatéraux et longue de quatre travées, chaque
384
travée étant nettement marquée par un arc doubleau retombant sur des colonnes
engagées reposant sur des culots et par la présence d’arcs formerets. L’abside initiale,
détruite au XIXe siècle, nous demeure inconnue, mais le cadastre napoléonien en
représente une de plan semi-circulaire. L’ensemble est voûté en berceau. Le clocher
initial de cet édifice demeure lui aussi inconnu, mais il est possible de restituer un
clocher-mur presque de la même largeur que la façade. Postérieurement au Moyen Âge,
ou à l’extrême fin de celui-ci, des chapelles latérales ont été ménagées entre les
contreforts nord et sud, par percement des murs gouttereaux. Celles du sud sont
mentionnées dans les visites pastorales de 1614 et 1662, sous les vocables de Notre-Dame,
Saint-Sébastien, Saint-Ennemond, Saint-Antoine et du Saint-Esprit. Ensuite, sans qu’il soit
possible de savoir si ces travaux appartiennent à la même phase, le clocher a été réédifié
dans sa partie supérieure. À l’heure actuelle, il s’agit d’un clocher massif percé de trois
baies en arc brisé soulignées d’une moulure torique sur les faces est et ouest, alors que les
faces nord et sud ne sont percées que de deux ouvertures identiques. Pour finir, l’église a
été allongée au XIXe siècle de deux travées et d’une abside semi-circulaire, le clocher
étant doté dans le même temps d’une flèche de tuiles (Pinton, 1966, p. 6-7).
Fig. 218 - La façade de l’église Saint-Marcellin.
14
Le parcellaire conserve encore très nettement le souvenir du tracé de l’enclos ecclésial
primitif, de forme grossièrement carrée. Cette première enceinte date peut-être du milieu
du XIIIe siècle, comme en témoignent les premières mentions de castrum succédant à
celles de villa. Cette enceinte est encore parfaitement conservée sur ses côtés est, nord et
sur une partie du côté ouest (fig. 219, 220). Il s’agit d’un mur haut de quatre à cinq
mètres, doté d’un chemin de ronde visible au niveau du chevet de l’église, où il a servi à
asseoir la toiture de bâtiments neufs. Cette enceinte constitue, par ailleurs, le mur arrière
de nombreuses maisons qui prennent appui sur la fortification, ce qui explique la
présence de multiples petites fenêtres tardimédiévales5 ( fig. 216) qui percent les
385
remparts. Le parcellaire ne figure qu’une tour sur le tracé de cette enceinte, qui
correspond à la haute tour circulaire représentée en bonne place sur l’Armorial. En 1387,
il n’est d’ailleurs question que de la turrem castri au singulier, confirmant l’aspect unique
de cette dernière (ADL, B 2073, f° 43). Tout comme sur la vignette, où aucun bâtiment
spécifique n’est associé à la tour, rien dans le parcellaire, ni dans les vestiges, ne permet
de penser à la présence d’un bâtiment privilégié à ses pieds. Rien ne permet donc de
localiser la curtis domini comitis attestée en 1387 (ADL, B 2073, f° 43). Malheureusement,
l’élargissement de la rue de l’Abbé-Levet a totalement détruit les vestiges de cette tour,
encore visibles au début du XIXe siècle. Cette enceinte était percée de deux portes situées
sur les flancs nord (porte des Estres) et sud, correspondant bien à celles représentées sur
la vignette. Néanmoins, elles ont totalement disparu et rien ne permet de juger de
l’adéquation du dessin avec la réalité. Pour finir, les douves en eau représentées sur la
vignette au pied du fortalicium sont aisément localisables, le tracé en étant conservé par
une couronne de parcelles rayonnant autour des remparts. Le terrier de 1387 évoque
d’ailleurs des biens situés juxta fossata et pontem levaitz (ADL, B 2073, f° 49), ou encore juxta
fossata castri (ADL, B 2073, f° 52). Il est néanmoins difficile de préciser avec certitude
l’emplacement du pont-levis en question. Son environnement permet de penser qu’il était
situé au nord, ce qui expliquerait son absence sur la vignette de l’Armorial, cette face
étant cachée aux yeux du dessinateur.
Fig. 219 - Vestiges du rempart de l’enclos ecclésial primitif, vue extérieure.
386
Fig. 220 - Vestiges du rempart de l’enclos ecclésial primitif, vue intérieure.
15
L’emprise de l’extension urbaine est très nettement lisible dans le parcellaire, au sud et à
l’ouest du fortalicium initial, formant une couronne d’une centaine de mètres de largeur
autour de ce dernier. Si la morphologie d’ensemble du site est bien représentée sur la
vignette, le plan de cette enceinte n’est que médiocrement rendu. En effet, elle ne
présente qu’un seul angle marqué au sud, alors que les autres côtés forment un très large
polygone. On est donc loin du quadrilatère de l’Armorial. Le terrier de 1459 qualifie cette
fortification de nouvelle, mentionnant la villa noviter clausa (ADL, B 2075, f° 46 v°) ou
encore la clausura nova Sancti Marcellini (ADL, B 2075, f° 52 v°). Ces travaux de clôture sont
la conséquence directe des incursions de bandes ennemies durant la seconde moitié du
XIVe siècle et la première moitié du siècle suivant. Le passage des Anglicos à SaintMarcellin est d’ailleurs attesté dans les années qui précèdent 1387 (ADL, B 2073, f° 47).
16
Sur le plan cadastral du XIXe siècle, l’enceinte est encore cantonnée de sept tours semicirculaires ouvertes à la gorge, dont cinq sont visibles sur la vignette et correctement
positionnées. Les deux tours carrées qui figurent sur le dessin de l’Armorial n’ont pu, en
revanche, être retrouvées, ni sur le terrain, ni sur le cadastre. À l’heure actuelle
subsistent encore quatre tours situées au sud de l’enceinte. Circulaires comme sur le
dessin, pour autant que l’on puisse en juger, leur base est bien percée de trois ouvertures
de tir, ainsi que représenté sur la vignette (fig. 221). Néanmoins, leur élévation est
aujourd’hui assez limitée, ce qui ne permet pas de juger de la présence du crénelage
représenté au XVe siècle. Le parcellaire suggère l’existence de quatre portes, une au sudest, une au sud, une à l’ouest et une au nord-ouest. La vignette permet de confirmer la
présence de celle du sud-est, « la porte Basset », dès le Moyen Âge, et probablement de
celle de l’ouest, la « porte Neuve ». Néanmoins, la question se pose pour la porte sud, qui
n’apparaît pas sur le dessin, alors que la courtine sur laquelle elle se trouve est
parfaitement visible. On peut douter de son ancienneté dans la mesure où elle ne
fonctionne pas bien avec une tour semi-circulaire. De même, la porte nord-ouest figurant
sur le cadastre napoléonien ne semble pas pouvoir prétendre à une grande ancienneté
387
tant elle s’inscrit mal dans le parcellaire et fait double emploi avec la porte Neuve toute
proche. Le terrier de 1459 qui pourrait nous renseigner sur le nombre de portes et nous
fournir leur nom manque malheureusement de précision à ce sujet. À l’heure actuelle,
aucun vestige de porte n’est conservé. Comme le représente l’Armorial, l’ensemble de la
ville est ceint de douves en eau. En 1414, elles sont d’ailleurs empoissonnées de carpes et
de « bramardes » (Fournial, 1967, p. 692). À la fin du XVe siècle, elles sont toujours en
service et pleines, puisqu’elles sont affermées en 1486 pour une durée de 3 ans et un
montant de 10 sous tournois par an pour y élever des poissons (ADL, B 2010, f° 11 v°).
Néanmoins, la mise en place du bâti urbain au sud et à l’ouest rend inutiles les fossés du
castrum sur ces deux côtés, aussi, dès 1459, sont-ils accensés et probablement comblés
pour laisser la place à des constructions (ADL, B 2075). Le bâti civil de la ville s’organise
autour d’un axe traversant Saint-Marcellin d’est en ouest, à partir duquel rayonnent
plusieurs impasses desservant les quartiers situés entre la rue et les remparts. Le cœur du
bâti urbain tardimédiéval est constitué de la place des Terreaux, située devant la porte
sud du castrum et attestée dès 1286, puisqu’à cette date une maison est sise ante los terraylz
Sancti Marcellini (Chartes du Forez, n° 253) et, qu’en 1387, des constructions sont situées in
terralio castri (ADL, B 2073, f° 48). Si le parcellaire est bien conservé, il n’en est pas de
même pour le bâti urbain, seules quelques rares maisons ayant conservé des éléments
médiévaux en place : tourelles d’escalier, baies à meneau et/ou linteau en accolade (fig.
222).
Fig. 221 - Tour de flanquement circulaire de l’enceinte urbaine de la fin du Moyen Âge.
388
Fig. 222 - Vestiges d’un hôtel du XVe siècle.
17
Pour finir, mentionnons la présence de deux bâtiments remarquables situés hors les murs
et qui n’apparaissent pas sur la vignette de l’Armorial. Il s’agit tout d’abord de la maison
noble du Colombier, située au nord du bourg. La domus de Columberio est attestée dès 1328
(Dufour, 1946, p. 232) et elle figure au terrier de 1387 qui mentionne l’hospicium de
Columberia (ADL, B 2075, f° 52). À l’heure actuelle, il s’agit d’un ensemble fortifié de plan
carré, centré sur une cour, mais où dominent les vestiges d’époque moderne. Le second
bâtiment extra-muros ignoré par le dessinateur de l’Armorial est la chapelle cimétériale
Sainte-Catherine (fig. 223). Pourtant, à la différence de la maison du Colombier, elle était
située face au dessinateur. Il est question de celle-ci dès 1314 (Testaments foréziens,
p. 23), mais aussi en 1338 (ADL, B 1856, f° 38) ou en 1387 (ADL, B 2073, f° 47). Il s’agit d’un
édifice roman de dimensions modestes et au plan très simple avec une nef unique
prolongée par une abside semi-circulaire. Les fouilles et l’étude des fresques de l’abside
réalisées lors de l’aménagement de la chapelle en bibliothèque permettent de supposer
que le premier édifice, presque intégralement conservé, est de la fin du XIIe siècle ou du
début du XIIIe siècle. Les seules modifications intervenues par la suite ont été la
reconstruction en pisé des murs gouttereaux nord et sud, probablement au XVe siècle (Le
Barrier, 1996), travaux que l’on est tenté de lier aux ravages des « Anglais » déjà évoqués.
389
Fig. 223 - La chapelle Sainte-Catherine.
18
Saint-Marcellin est indubitablement un habitat ecclésial, structuré autour d’une église
fondée durant le haut Moyen Âge. Seuls les remparts qui l’entourent à compter du milieu
du XIIIe siècle justifient le terme de castrum qui est parfois employé pour le désigner.
Ainsi, le site de Saint-Marcellin est tout à fait comparable à celui de Marols, lui aussi
village ecclésial fortifié qui prend le titre de castrum à quelques reprises. Contrairement à
ce que pourrait laisser penser le titre de la vignette, il ne faut donc pas chercher de
château stricto sensu à Saint-Marcellin, ce que confirme l’examen des vestiges et du
parcellaire. La représentation que l’Armorial donne de cet ensemble est très fidèle.
L’église occupe bien la place centrale qui est la sienne, alors que tous les autres éléments
représentés correspondent tout à fait à ce que l’on peut encore observer sur le terrain et
sur le cadastre. À elle seule, la vignette permet d’identifier la nature du site et d’en cerner
l’évolution, de l’église initiale à la ville tardimédiévale. Deux éléments situés hors les
murs, bien que marquants, sont ignorés. Leur situation en rase campagne justifie peutêtre ce choix de la part du dessinateur qui a axé son travail sur la ville elle-même.
Page 464
LE CHATIAU ET VILLE DE SAINT MARCELIN LE PUY
Étude héraldique
827. Bartrand de Boteon crie Bouteon
écartelé : aux 1 et 4, de gueules plain ; aux 2 et 3, d’argent à trois fasces ondées d’azur –
cimier : un faucon dans un vol.
Bertrand de Bouthéon (mort après 1462), fils de Bertrand de Bouthéon, châtelain
comtal de Saint-Marcellin et écuyer de la duchesse Anne Dauphine. Il épousa dès
1415 Antoinette de Chavannes, fille de Nicolas de Chavannes. Il était le père de Louis
de Bouthéon (De Boos, 1998, n° 108) et le frère de Jacques de Bouthéon, prieur de
Saint-Romain-le-Puy. Il avait un hôtel à Saint-Marcellin, accompagné d’une petite
censive et d’une vigne et possédait la médiocre seigneurie du Mas. Il ne devint
chevalier qu’en 1457 ; écuyer des ducs Charles Ier et Jean II, il exerça plusieurs fois les
charges de capitaine châtelain, à Saint-Marcellin et Saint-Victor. Il fut également
390
nommé maître des Eaux et Forêts du comté de Forez. Ces offices constituaient
l’essentiel de ses revenus. Lui-même, ou plus probablement son frère, le prieur
Jacques, possédait un manuscrit de La consolation de philosophie, de Boèce, traduit par
Jean de Meung et peint à ses armes. Celles-ci sont également sculptées sur la façade
de l’église du prieuré de Saint-Romain.
• Ars., ms 4802, f° 68 v°; BMR, ms 64, f° 1.
• Gras, 1874, p. 44; Tricou, 1965-1976, t. IV, p. 2; Perroy, 1977, t. I, p. 156-157.
Deux écus vides, le premier posé sur un bâton de prieur.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Sur ce document et ses difficultés (de datation notamment), cf. Feuillet, Guilhot, 1985 p. 72 sq.
2. En 1241, le terme castrum semble désigner uniquement l’élément fortifié du site et non pas un
éventuel ensemble château + habitat castral. D’ailleurs, le terme castrum est occasionnellement
utilisé au XIIIe siècle dans des régions tout à fait voisines du Forez pour désigner des habitats
d’origine ecclésiale fortifiés, cf. par exemple pour le Vivarais, Laffont, 2009.
3. Le terrier de 1459 fait d’ailleurs preuve d’une grande précision sémantique puisqu’il n’est pas
question du castrum, mais bien des fortibus ecclesie Sancti Marcellini (ADL, B 2075, f° 46).
4. Certes, Saint-Marcellin figure parmi diverses listes de biens mentionnant un ou plusieurs
mandements et castra, mais à chaque fois il est impossible de faire un lien direct entre un
mandement et Saint-Marcellin. Ainsi, en 1277, un codicille au premier testament du comte Guy
VI assigne les 1 000 livres promises comme douaire à sa femme sur les châteaux de Chambéon,
Sury-le-Comtal, Saint-Marcellin, Marcilly, Néronde et Bussy cum omnibus redditibus, juribus,
mandamentis et pertinentiis, feodis et homagiis predictorum castrorum (Chartes du Forez, n° 1501).
Néanmoins, la mention du mandement ne peut être spécifiquement liée à Saint-Marcellin,
d’autant que d’autres châteaux dont le nom figure dans l’acte en possèdent assurément un.
5. Ouvertures carrées, aux angles chanfreinés d’une section de 40 à 50 cm de côté au maximum.
391
Saint-Romain-le-Puy
Pierre-Yves Laffont
465. Le chatiau de Saint Romain le Puy
Département : Loire ; canton : Saint-Just-SaintRambert ; commune : Saint-Romain-le-Puy
L’apport des sources écrites
1
Le site ayant bénéficié d’une importante publication (Carcel, Parron, Reynaud, 1992), nous
renverrons pour l’essentiel à celle-ci en insistant uniquement dans cette notice sur les
points ayant fait l’objet d’un développement succinct dans cet ouvrage. Une chronique
rédigée au XVe siècle – mais connue uniquement par des copies du XIX e siècle –
mentionne la donation faite entre 980 et 984, par un miles du nom de Boschitaleus, d’un
édifice de culte dédié à saint Romain à l’abbaye lyonnaise d’Ainay. Quelques années plus
tard, en 1007, celle-ci fonde un prieuré, en ce lieu toujours, sous le vocable de saint
Romain. Saint-Romain devient dès lors le plus important prieuré de l’abbaye d’Ainay en
Forez et l’un des plus riches du comté (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 14). Vers 1225, le
prieuré de Saint-Romain-le-Puy a sous sa dépendance, dans le diocèse de Lyon, les deux
prieurés de Saint-Thomas-la-Garde et de Saint-Nizier-de-Fornas ainsi qu’une douzaine
d’églises, plus divers établissements dans le nord du diocèse du Puy au contact du Forez
(Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 14). À proximité même de l’église Saint-Romain
s’élèvent deux autres édifices de culte : l’église Saint-Pierre située dans le bourg de SaintRomain-le-Puy et l’église Saint-Martin dans la plaine au pied du pointement volcanique
portant le site. Cette dernière, d’origine sans doute altimédiévale, figure dans la bulle du
pape Eugène III de 1153 confirmant à Guichard, abbé d’Ainay, les possessions de son
monastère1. Au XIIIe siècle, l’église Saint-Pierre, ainsi que l’église Saint-Martin, possèdent
les droits paroissiaux2. Le castrum de Saint-Romain-le-Puy, qui abrite le prieuré d’Ainay,
apparaît pour la première fois dans l’hommage rendu en 1167 par le comte de Forez, Guy
II, au roi Louis VII pour plusieurs de ses seigneuries : en échange de cet hommage, le roi
cède divers droits régaliens sur plusieurs castra dont celui de Saint-Romain (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 10). L’acte de partage de 1173 entérine le contrôle du comte
392
de Forez sur Saint-Romain-le-Puy ; l’archevêque de Lyon abandonnant alors tous ses
droits sur ce castrum (Chartes du Forez, n° 654). Celui-ci n’est attesté comme chef-lieu de
mandement qu’en 1229 (Chartes du Forez, n° 1588), mais très vraisemblablement SaintRomain-le-Puy joue déjà ce rôle au XIIe siècle. La cohabitation du prieuré et du château
entraîne des conflits entre le comte de Forez et le prieur à propos notamment de leurs
droits respectifs sur le bourg et les habitants de Saint-Romain-le-Puy. En 1236, un accord
est conclu entre le comte Guy IV, d’une part, l’abbé d’Ainay et le prieur de Saint-Romainle-Puy, d’autre part, au sujet de la justice du bourg de Saint-Romain (Chartes du Forez, n
° 318). Les amendes seront partagées par moitié entre le comte et le prieur, qui
nommeront respectivement un châtelain et un viguier pour les percevoir. Les
contestations entre ces officiers seront arbitrées par le comte et l’abbé. Le prieur renonce
aux bans et clameurs sur les hommes du comte, et le comte aux mêmes droits entre le
portail Saint-Pierre et le haut de l’enceinte, où le comte pourra pourtant envoyer une
garnison en cas de guerre. Le comte se réserve le droit de garde, qu’il tiendra toutefois en
fief de l’abbé d’Ainay. En 1340, le comte de Forez reconnaît tenir en fief de Barthélémy,
abbé d’Ainay, la garde du prieuré de Saint-Romain-le-Puy. Cet hommage est renouvelé le
5 mars 1360 par Louis, comte de Forez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 2254).
On connaît pour le XIIIe siècle divers hommages rendus par des habitants du castrum de
Saint-Romain au prieur pour leur maison située dans le castrum et pour leurs biens ou
droits dans le mandement de Saint-Romain. En 1259, Guillaume Chal, qualifié de
domicellus, et sa femme Marguerite, reprennent en fief de Guy, prieur de Saint-Romain-lePuy, divers biens dont sa
domum castri Sancti Romani de Podio quam inhabitant cum clauso et vinea de Nuit
(Chartes du Forez, nos 65 et 465).
2
L’année suivante, Jocerand Verroil, domicellus, moyennant 20 livres viennoises, reprend
en fief du prieur des cens à prendre sur des terres sises à Saint-Romain, plus sa grange et
sa vigne de Cayreuol, ainsi que sa maison du castrum de Saint-Romain et toutes ses
possessions dans le même mandement (Chartes du Forez, n° 468). Durant la guerre de
Cent ans le château est mis à sac par les routiers qui détruisent la deuxième enceinte.
Celle-ci est reconstruite en 1434 par le prieur Jean de Soleillant ; cependant, en 1449, la
clôture du bourg s’effondre à nouveau ainsi qu’une partie des courtines du château, elles
sont alors rebâties (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 16). Au siècle suivant, Saint-Romainle-Puy connaît aussi les affres des guerres de Religion : par deux fois le château est assiégé
(Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 16). En 1625, un état des lieux effectué au château de
Saint-Romain nous décrit alors le prieuré et le bourg castral. Le sommet du puy est occupé
par une closture de muraille des trois pieds d’épaisseur et qui relève de trois toyse en hauteur
entourant l’église Saint-Romain et les bâtiments conventuels. L’église est accompagnée de
divers bâtiments et surtout d’un cloître ; le texte d’une visite du XVIIIe siècle permet
d’établir que celui-ci mesurait près de 20 m de côté (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 14).
Ce même rapport d’expertise décrit l’état du château et du bourg castral : la seconde
enceinte mesure de treize à quatorze pieds de hauteur ; elle est accompagnée de sept
tours en saillie sur les murailles et de même hauteur qu’elles. Cette enceinte enserre dixhuit maisons, plusieurs masures et l’église Saint-Pierre (Carcel, Parron, Reynaud, 1992,
p. 16). En 1633, l’ordonnance de Richelieu, visant à rendre inoffensives toutes les places
fortes susceptibles d’être utilisées contre les troupes royales, exige notamment la
démolition des murailles du château de Saint-Romain-le-Puy (Carcel, Parron, Reynaud,
1992, p. 17). Mais au XVIIe siècle, le prieuré de Saint-Romain-le-Puy vit ses dernières
heures. En 1666, les moines quittent le prieuré qui finit par être sécularisé en 1684. Dès
393
lors ne réside plus sur place qu’un prêtre séculier, desservant l’église et percevant les
revenus du prieuré (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 17). Un nouvel état des lieux
effectué en 1708 montre que les bâtiments du prieuré sont en ruine ; le clocher de l’église
Saint-Romain est aussi ruiné (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 17). Le prieuré est
finalement supprimé et vendu comme bien national à la Révolution. En 1885, la commune
en obtient la jouissance. L’église priorale est classée monument historique en 1862 ; elle a
connu depuis lors diverses phases de travaux et de restauration. La dernière en date a eu
lieu à la fin des années 1980 et a permis une intervention archéologique assez importante
que présente la publication évoquée précédemment.
La représentation de l’Armorial
3
Le site est approximativement vu vers le nord-est, mais la volonté de l’illustrateur de
représenter à la fois les façades et les chevets des églises, créant ainsi des erreurs de
perspective, rend l’orientation d’ensemble du site assez fantaisiste (fig. 224). SaintRomain-le-Puy fait partie des vignettes dont le dessin est achevé et précis mais dont la
mise en couleur reste très partielle. Seuls les toitures, les éléments de bois ainsi que les
étendards et les croix qui se dressent au-dessus du prieuré et du château ont été colorés.
La topographie d’ensemble du site est figurée avec réalisme. Le château et le prieuré sont
implantés sur un important pointement rocheux dominant, d’une part, l’église SaintPierre, située à mi-pente, et l’habitat qui l’entoure ainsi que, d’autre part, l’église SaintMartin établie, avec son bourg, dans la plaine au pied du rocher. Le château proprement
dit est constitué d’une grande enceinte quadrangulaire. Une haute tour circulaire figure
au centre de la courtine sud. Deux autres tours circulaires flanquent l’enceinte, l’une au
nord-ouest et l’autre au nord-est ; représentée en arrière-plan cette dernière est peu
visible. Ces deux tours sont légèrement talutées à la base, crénelées et couvertes d’une
toiture conique. Elles sont percées de quelques ouvertures quadrangulaires et
d’ouvertures de tir. Le chemin de ronde, qui couronne l’enceinte du château, traverse la
grande tour sud comme le laisse supposer une porte en plein cintre perçant la tour à
hauteur de celui-ci. Les angles de l’enceinte non cantonnés de tours de pierre sont
renforcés par une échiffe. Aucune porte d’accès au château n’est visible. À l’intérieur des
murailles sont figurées au moins six constructions plus l’église Saint-Romain. Celle-ci
prend l’aspect d’un long vaisseau prolongé par une abside semi-circulaire ; en façade
s’élève un clocher quadrangulaire dont chaque face du dernier étage est percée de trois
baies en plein cintre. Le clocher et le chœur de l’église sont surmontés d’une croix, les
tours et les deux échauguettes d’un étendard dont les armes sont illisibles. Les autres
constructions figurant à l’intérieur de l’enceinte ne se distinguent pas des maisons
représentées dans le bourg castral ou autour de l’église Saint-Martin. Seules deux grosses
cheminées rectangulaires, dénotant avec les cheminées à mitre qui ornent ordinairement
les maisons de l’Armorial, évoquent la présence de bâtiments plus prestigieux. Au pied du
château, à mi-pente sur le rocher supportant celui-ci, s’est établi un bourg castral. Il est
enserré dans une enceinte crénelée de forme grossièrement triangulaire dont la branche
ouest vient se refermer sur l’enceinte du château. La branche est faite probablement de
même mais elle n’est pas visible, de même que la porte d’accès au bourg. Cinq tours
circulaires ou semi-circulaires renforcent la portion sud de la muraille du bourg. Deux
tours ne sont pas représentées sur l’Armorial puisque l’état des lieux de 1625 comptabilise
sept tours sur l’enceinte du bourg castral (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 16) ; elles ont
toutefois pu être construites après le milieu du XVe siècle. Les tours sont légèrement
394
talutées à leur base, crénelées et percées de deux ouvertures de tir. Le chemin de ronde
de l’enceinte traverse les tours de part en part. Le bourg castral est peu densément
occupé ; neuf maisons entourent l’église Saint-Pierre, une bonne part de l’espace enclos
est restée vide. Au XVIIe siècle, l’occupation du bourg castral est plus importante, on
recense en effet dix-huit maisons plus des ruines (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 17).
L’église est constituée d’une ou plusieurs nefs rectangulaires prolongées par une abside
dont il est difficile de déterminer si elle est demi-circulaire ou à pans coupés. Deux baies
en plein cintre sont visibles dans le mur gouttereau sud ; une troisième éclaire l’abside. Le
dessinateur a représenté sur ces ouvertures la trame des nervures de plomb des vitraux.
Une porte quadrangulaire perce la façade ouest que termine un fronton triangulaire orné
d’un large oculus décoré de vitraux. L’ensemble est surmonté par un clocher-peigne
présentant trois baies en plein cintre. Les constructions qui accompagnent l’église sont
tout à fait classiques dans leur représentation : il s’agit de maisons quadrangulaires
munies d’une fenêtre à meneau sur le mur pignon et de petites ouvertures rectangulaires
sur les murs gouttereaux. La porte, quadrangulaire, se trouve soit sur un des murs
pignons, soit sur un des murs gouttereaux. Chacune de ces maisons possède une
cheminée à mitre. Une des maisons proches de l’église se distingue des autres par sa
grande taille. Ces constructions, comme l’ensemble des constructions représentées sur
cette illustration, sont couvertes de tuiles canal. Un faubourg s’est développé en
contrebas de la courtine sud du bourg castral. Douze maisons s’étendent ainsi le long du
rempart en suivant approximativement la même courbe de niveau. Seule une d’entre elles
est légèrement plus haute sur la pente, à l’ouest. La représentation de ces maisons ne
diffère en rien de celle des maisons du bourg castral. Une enceinte sommaire a été bâtie
pour protéger ce faubourg. Très longue, elle englobe une bonne partie du pied du « puy »
supportant le site. Elle ne possède aucun élément défensif complexe, ni créneau, ni
meurtrière, ni tour, ni hourd mais paraît avoir été doublée par un fossé. La porte
franchissant cette enceinte n’est pas représentée, de même que le retour que fait cette
clôture sur le château ou sur l’enceinte du bourg castral. Au-delà de la protection du
faubourg, le but de cette enceinte de conception primaire est avant tout de maintenir
toute artillerie à distance de la base des courtines du bourg castral ou du château. Il s’agit
d’un type d’enceinte que l’on retrouve assez fréquemment dans l’Armorial et qui peut
s’apparenter à une braie3. Au-delà de cette troisième et dernière enceinte, dans la plaine,
un bourg s’est aggloméré autour de l’église Saint-Martin. L’organisation de l’habitat est
assez lâche. Une quinzaine de maisons a été matérialisée autour de l’église ; elles sont en
tous points semblables à celles figurant dans le bourg castral ou dans le faubourg de celuici. De même, si l’on excepte une baie supplémentaire sur le clocher-peigne, la
représentation de l’église Saint-Martin reprend tout à fait celle de l’église Saint-Pierre.
Enfin, il est à noter qu’autour du bourg ecclésial se développe un parcellaire en lanières
de forme caractéristique.
395
Fig. 224 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 465) : le chatiau de
Saint Romain le Puy.
Les données archéologiques et le parcellaire
4
Le site de Saint-Romain-le-Puy est dans un terroir déjà densément occupé durant
l’Antiquité, comme en témoignent de nombreuses découvertes archéologiques et
l’abondance des remplois antiques parmi les matériaux de construction de l’église (tegulæ,
pierres de taille, fûts de colonne). Le prieuré et le castrum de Saint-Romain-le-Puy
occupent le sommet et les pentes méridionales d’un imposant affleurement volcanique
dominant de 80 m la plaine du Forez (fig. 225, 226). Toutefois, l’exploitation d’une
carrière de basalte durant tout le XIXe siècle ainsi que la plantation de vignes ont
largement contribué à la ruine du site. Au premier abord, de celui-ci reste essentiellement
perceptible l’église Saint-Romain et les quelques vestiges du prieuré et de l’enceinte qui
l’entoure (fig. 227, 228). Nous ne reviendrons que très succinctement sur cette église et
renverrons pour l’essentiel à la publication qui lui a été consacrée. L’église connaît une
évolution complexe de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge. Une fosse-dépotoir,
plusieurs tombes en coffre de tegulæ ainsi que divers vestiges de maçonnerie laissent
supposer qu’un édifice de l’Antiquité tardive a précédé la première église du haut Moyen
Âge (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 35-36). Celle-ci est constituée d’une salle centrale
de plan carré, deux exèdres symétriques y sont accolées suggérant la restitution d’une
troisième abside pour former un plan triconque (fig. 229) ; dans un second temps, une nef
rectangulaire est adjointe à l’édifice de plan tréflé. Ces constructions sont à placer dans le
courant des Ve-VIIIe siècles sans qu’il soit possible d’être plus précis (Carcel, Parron,
Reynaud, 1992, p. 36-43). L’église connaît ensuite une importante phase
d’agrandissement, réalisée au début du XIe siècle, et vraisemblablement à lier à
l’installation des moines d’Ainay. L’église est étendue vers l’est par l’édification d’une
396
longue travée de chœur terminée par une abside flanquée d’absidioles ; l’ensemble
surmontant une crypte. Cette extension double la surface au sol de l’église. Appartiennent
aussi à l’époque romane l’installation d’une voûte en berceau sur la nef et la construction
du clocher. La phase romane est encore caractérisée par la présence de 58 chapiteaux
décorés d’entrelacs et de motifs végétaux ou animaux, ainsi que de métopes sculptées qui
ornent l’extérieur du chevet (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 45-47 et p. 49 sq). Au XVe
siècle, une partie de l’église est réaménagée : on note particulièrement la construction
d’un portail sur la façade ouest, l’exhaussement du niveau du sol du bâtiment et la
construction d’une chapelle au nord de la nef. Les aménagements modernes sont minimes
(Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 47). Enfin, outre son décor sculpté, l’église SaintRomain se distingue par des peintures murales des XIe, XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles dont
subsistent encore aujourd’hui de larges fragments (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 59 sq
). Les bâtiments prioraux et le cloître ont presque entièrement disparu. Il en subsiste
seulement un angle de mur, à l’ouest de l’église, percé de trois fenêtres, et un jambage de
cheminée. Des trous de boulin dans le mur gouttereau sud témoignent de l’emplacement
du cloître. Du château, il ne reste actuellement que peu de traces. En fait, ce dernier était
avant tout une enceinte réduite munie de tours et occupant un point dominant du relief.
Il n’y avait pas de tour maîtresse mais les officiers du comte possédaient un ou plusieurs
bâtiments à l’intérieur de l’enceinte. Celle-ci formait un quadrilatère irrégulier long de 40
m et large de 20 m, renforcé par des tours, dont il ne subsiste plus aujourd’hui que la base
de la haute tour circulaire en saillie sur la courtine sud, qui figure sur la représentation
de l’Armorial. Il semble que la porte d’accès au château, appelée porte de Charlieu, se soit
située au sud (Carcel, Parron, Reynaud, 1992, p. 10) ; elle ne figure pas sur l’Armorial.
L’élévation des courtines a en grande partie disparu ; il en reste quelques vestiges
importants au nord de la plate-forme sommitale du rocher et quelques-uns plus ténus au
sud. Dans ce secteur, les traces au sol de quelques bâtiments sont encore bien lisibles et la
citerne mentionnée dans la visite de 1625 est demeurée intacte (Carcel, Parron, Reynaud,
1992, p. 14). Il s’agit d’une cave rectangulaire, voûtée, possédant deux orifices à margelle
monolithe, l’un étroit, taillé en forme d’entonnoir et destiné à collecter l’eau de pluie,
l’autre plus large, pour puiser. Le château se définissait aussi par rapport à l’habitat né
sur les pentes qu’il dominait. De celui-ci ne subsistent plus que quelques rares pans
d’enceinte (notamment à l’est), les traces diffuses de quelques maisons et enfin, mieux
conservées, les ruines de l’église Saint-Pierre, dont l’abside et la nef sont toujours bien
identifiables. L’origine de celle-ci paraît évidemment liée à l’habitat né sous le château. Le
bourg possédait une porte à l’est non visible sur l’Armorial ; elle pourrait correspondre au
portail Saint-Pierre mentionné dans l’accord de 1236 (Chartes du Forez, n° 318). Les
maisons qu’abritait l’enceinte de la seconde basse-cour ont disparu, l’enceinte restant,
elle, ponctuellement conservée. Enfin, le bourg actuel de Saint-Romain-le-Puy s’est
développé autour de l’église Saint-Martin en grande partie reconstruite au XIXe siècle ;
elle a toutefois conservé son orientation et quelques éléments médiévaux à l’ouest.
397
Fig. 225 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 226 - Vue générale du site.
398
Fig. 227 - Plan général du site.
Fig. 228 - L’église et les bâtiments conventuels, assemblage panoramique.
399
Fig. 229 - Coupe et plan de l’église Saint-Romain (d’après Carcel, Parron, Reynaud, 1992).
5
La représentation de l’Armorial rend pleinement compte du site de Saint-Romain-le-Puy
qui s’articule autour de trois ensembles : le château-prieuré Saint-Romain, l’habitat qui
s’est développé sur ses pentes et son faubourg, l’église Saint-Martin. Le castrum de SaintRomain et l’église Saint-Martin forment toutefois un cas particulier dans le schéma
classique associant à un site castral de hauteur une église occupant un site de plaine, près
des axes de communication, au cœur des terroirs, et témoignant d’une occupation
antérieure à l’incastellamento. Ici, un édifice de culte, héritier d’une construction
tardoantique, a perduré durant tout le haut Moyen Âge avant de se transformer en
prieuré et de se retrouver intégré dans un castrum.
NOTES
1. ... ecclesia Sancto Romano, eclesia de Sancto Martino... (Cartulaire d’Ainay, t. 1, p. 50).
2. ... mandamentum castri Sancti Romani de Podio ac parrochie ecclesiarum Sancti Petri et Sancti Martini
de dicto castro... (Chartes du Forez, n° 65).
3. À Chambéon par exemple ou bien encore à La Fouillouse ou à Rozier-Côtes-d’Aurec.
400
Monsupt
Franck Brechon
466. Le chatiau de Monceu
Département : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ;
commune : Saint-Georges-Haute-Ville
L’apport des sources écrites
1
L’existence du castellum de Monte Seupt est attestée pour la première fois en 1167, lorsque
Guy, comte de Forez, l’ayant déjà repris en fief de Louis VII avec le château de
Montbrison, y joint ceux de Montarcher, Saint-Chamond, La Tour-en-Jarez, et
Chamousset, tout en recevant en augment de fief les droits régaliens dans les châteaux de
Marcilly, Donzy, Cleppé, Saint-Priest, Lavieu et Saint Romain. Il est alors précisé que les
châteaux de Montbrison et de Monsupt
« oncque n’eurent seigneur » (Chartes du Forez, n° 1763 ; Titres de la maison ducale
de Bourbon, n° 10).
2
Alors allodial, ce château ne sera par la suite jamais inféodé jusqu’à la fin du Moyen Âge.
En revanche, les comtes de Forez en rendront régulièrement hommage au roi, comme en
1316 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1420) ou en 1362 (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 2856). La documentation mentionne à plusieurs reprises l’existence
de personnes de rang aristocratique portant le surnom toponymique « de Monsupt » tout
en étant possessionnées sur les lieux, mais il n’est pas possible d’établir un lien direct
entre celles-ci et le site. Ainsi, par exemple, en 1202, Aymar de Monsupt et sa femme,
pour l’anniversaire de celle-ci et de son père, vendent pour 18 livres et 8 sous de monnaie
lyonnaise à Marie Bererie, nonne de Jourcey, des droits sur des terres sises à Curaise, sur
Prétieu, et à Mécilleu (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 44 ; Chartes du Forez, n
° 19). Une soixantaine d’années plus tard, en 1262, Jeannin de Monsupt, domicellus, en
dédommagement d’une caution de 75 livres viennoises payée pour lui, concède des
revenus situés à Monsupt à Guillaume Ronin, chevalier (Chartes du Forez, n° 1445). En
1289, Jean de Monteseuto est témoin lorsque Barthélémy du Verney, de Montbrison,
401
reprend en franc fief d’Andrée, abbesse du couvent de Bonlieu, divers cens et tâches qu’il
tenait en alleu à Plavage (Chartes du Forez, n° 263).
3
Le castellum de Monsupt est le chef-lieu d’un mandement dont l’existence est attestée
pour la première fois en 1229, lorsque le comte Guy IV donne au luminaire de NotreDame-de-Montbrison une rente de 7 livres forts lyonnais, et à la sacristie une rente de 2
setiers de seigle sur la censive des mandements de Saint-Romain-le-Puy et de Monsupt
(Chartes du Forez, n° 1588), mandement que l’on retrouve encore ensuite attesté à de
nombreuses reprises pour y localiser des biens ou des droits, comme en 1274 (Chartes du
Forez, n° 1497) ou en 1292 (Chartes du Forez, n° 427). Cette châtellenie est par la suite
érigée en capitainerie, à partir de 1368 et durant les premières années de la décennie
1370, pour tenter de résister aux incursions de bandes armées (Fournial, 1967, p. 338,
340), alors qu’un prévôt est attesté à plusieurs reprises durant les XIVe et XV e siècles
(Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 3541 et 5051). La première mention du site fait
bien référence au castellum de Monsupt, et non au castrum, ce qui est sémantiquement
très différent. Doit-on en conclure qu’aucun habitat paysan n’existe alors sous ses murs ?
C’est possible, ou alors il n’est qu’au début de sa structuration. Quoi qu’il en soit, les
terriers de la fin du Moyen Âge mentionnent des habitants non seulement dans le castrum
, mais aussi hors de celui-ci, puisqu’une nouvelle fortification est édifiée pour les protéger
dans les années 1360-1370 (cf. infra.). Bien que proche de 1’iter forezii (Fournial, 1967,
p. 137-138), Monsupt n’en connaît pas moins un développement limité. Il ne subsiste
d’ailleurs aucun habitat sur le site qui a été abandonné après la fin du Moyen Âge. En
effet, sa désertion n’est pas le contrecoup des crises des XIVe et XV e siècles, puisque le
terrier de 1450 nous montre encore un village pleinement habité (ADL, B 2051). Le castrum
de Monsupt, modeste, n’induit aucune modification du réseau paroissial préexistant,
puisque la capella castri, placée sous le vocable de sainte Marie (ADL, B 1866, f° 8 v°), ne
devient jamais chef-lieu de paroisse, bien qu’à la fin du Moyen Âge le terme d’ecclesia soit
employé pour la désigner (ADL, B 2048, f° 19 ; De Fréminville, 1905, t. II, p. 131 ; ADL, B
2002, f° 19). Le château demeure en fait durant tout le Moyen Âge dans le ressort de la
paroisse Saint-Georges d’Hauteville, dont l’église est probablement d’origine
altimédiévale (Dufour, 1946, p. 875-876).
La représentation de l’Armorial
4
Le site de Monsupt, tel qu’il est représenté sur la vignette, s’apparente à un site castral
très classique (fig. 230). Le relief, tout d’abord, est celui d’une butte aux flancs assez
abrupts : c’est sur ses pentes, parcourues par de nombreux chemins, et au sommet que
s’établit le site. Le piètre état de conservation des vestiges, tout comme le manque
d’élément marquant, interdit d’identifier avec certitude l’angle sous lequel le site a été
représenté. On peut seulement penser qu’il est vu depuis le nord ou le nord-ouest, ce qui,
nous y reviendrons, expliquerait l’absence d’un certain nombre d’éléments. L’élément
dominant, majeur, est le château qui couronne la colline. Massif, il se présente sous la
forme d’une enceinte quadrangulaire probablement même carrée, dont les hauts murs
sont crénelés et percés de deux baies à meneau sur chaque face visible. Les angles de cette
enceinte sont occupés par des échauguettes rondes elles aussi crénelées et percées
d’ouvertures de tir. Seul l’angle opposé au dessinateur peut être occupé par une tour
carrée, mais la perspective ne permet pas d’assurer qu’il ne s’agit pas d’une construction
de l’intérieur de l’enceinte masquant en réalité une quatrième échauguette. On
402
remarquera qu’aucune porte n’est représentée. L’intérieur de cette enceinte est occupé
par un haut donjon cylindrique au sommet crénelé et percé de deux baies à meneau. Sur
celui-ci flotte une bannière aux armes des ducs de Bourbon. Il faut associer à cette tour
maîtresse une éventuelle tour carrée, dont on ne sait pas vraiment si elle n’est pas en fait
une tour d’angle. Plus basse, cette dernière est couverte d’une toiture à quatre pentes qui
surmonte des créneaux. Une modeste ouverture carrée perce chaque face visible de cette
tour. Pour être complet sur les bâtiments occupant l’intérieur de cette enceinte, il faut
encore signaler trois constructions dont seules les toitures émergent. Pour autant que
l’on puisse en juger, il s’agit de maisons répondant au modèle stéréotypé de l’Armorial :
toiture à deux pentes, cheminée à mitre et fenêtre sur le mur-pignon. L’interprétation du
dessin de ce château est assez difficile et pose de nombreuses questions. En effet, en
raison de ses dimensions modestes, il faut penser que l’on est en présence d’un château au
sens strict du terme, et non d’un castrum associant un habitat villageois à un habitat
châtelain. Typologiquement, le château représenté s’apparente, en effet, à ce que l’on
rencontre sur de nombreux autres sites associant un donjon et une modeste chemise
maçonnée. Alors, dans ce cas, comment expliquer la présence de quelques maisons ?
Saturant l’espace fortifié, elles ne peuvent en outre fonctionner avec les baies perçant les
remparts qui, en l’état, semblent n’ouvrir sur rien. L’extérieur des remparts du château
est occupé par un semis assez lâche de maisons, les dix-huit constructions presque toutes
identiques se répartissant sur les versants de la colline de Monsupt. Seules sept d’entre
elles sont regroupées en deux ensembles plus proches qui peuvent esquisser un village
castral, mais ce dernier n’est pas fortifié. Par ailleurs, aucun lieu de culte n’est représenté
sur le dessin.
Fig. 230 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 466) : le chatiau de
Monceu.
403
Les données archéologiques et le parcellaire
5
Comme pour quelques autres sites représentés dans l’Armorial, les vestiges
archéologiques conservés à Monsupt sont assez décevants. Ténus, même confrontés au
parcellaire napoléonien (fig. 232), ils rendent la critique du document assez difficile et
aléatoire. Heureusement, quelques textes de la fin du Moyen Âge apportent des
renseignements complémentaires permettant, si ce n’est de restituer le site, au moins
d’en cerner la morphologie et les principaux ensembles constitutifs. Le château de
Monsupt est implanté sur une colline dominant assez largement la région (fig. 231, 233),
le relief réel étant assez bien rendu par l’Armorial. Le sommet de cette colline a été
aménagé en vue de l’implantation du château. Un tertre au relief avivé a été érigé, non
par apport de matériaux meubles mais par creusement d’un fossé rupestre ceinturant
l’ensemble du sommet. D’une largeur moyenne de trois à quatre mètres, il est à l’heure
actuelle profond de deux mètres environ. Le centre du site est encore occupé par les
vestiges d’un donjon circulaire (fig. 234). Ce dernier est conservé sur une hauteur de cinq
mètres en moyenne. Il présente un appareil peu répandu, directement lié à la nature du
substrat rocheux puisqu’il est construit en tronçons de prismes basaltiques1 (fig. 235, 236
). Aucune ouverture n’est visible sur la hauteur conservée ; la base du donjon était
constituée d’une basse-fosse aveugle couverte d’une voûte en coupole encore
partiellement conservée. Le tertre au centre duquel s’élève le donjon était ceinturé d’un
rempart. Très arasé à l’heure actuelle, celui-ci apparaît notamment sur le versant nord,
où il est conservé sur une hauteur d’un mètre et sur quatre à cinq mètres de longueur.
Cette enceinte réduite, bien représentée sur la vignette de l’Armorial, est attestée en
outre par la documentation, délimitant la bassa curte (ADL, B 2051). Ainsi, en 1450, il est
fait mention du vintenum castri, que perce la magna porta qui livre le passage à une rue
conduisant apud donjonum (ADL, B 2052). On sait, en outre, que ce rempart est supplanté,
ou au moins doublé par une autre, dès la seconde moitié du XIVe siècle, puisqu’on 1379, il
est question du vintenum antiquus et de la muralia nova (ADL, B 2051), à moins qu’il ne
s’agisse de travaux importants de réfection permettant de distinguer des parties
« vieilles » et « neuves » sur le rempart. Cette dernière hypothèse paraît la plus
vraisemblable, dans la mesure où aucun élément de terrain ne permet d’accréditer l’idée
qu’un second rempart ait été construit (il ne figure d’ailleurs pas non plus sur la vignette).
Aucun vestige de la magna porta de 1450 n’est conservé en élévation et rien ne permet de
situer son emplacement. Tous les bâtiments représentés sur la vignette occupant cet
espace enclos ont disparu et seuls quelques fragments de maçonnerie impossibles à
interpréter peuvent encore en conserver le souvenir. Tout au plus, une citerne rupestre
est-elle visible dans le fossé nord, à l’aplomb du donjon. L’église (dédiée à sainte MarieMadeleine) se situe en contrebas du donjon, sur le versant sud-est de la colline. Bien
conservée, c’est le principal bâtiment médiéval du site (fig. 237). Elle ne figure pas sur le
dessin de l’Armorial, cachée par le château dans la perspective choisie. C’est un modeste
édifice à nef unique prolongée par une abside polygonale à l’est. L’accès principal à
l’église se fait par une porte ménagée dans la façade. En arc brisé, elle est décorée d’un
chanfrein et d’un cavet. Une seconde ouverture obstruée s’ouvrait initialement sur le mur
nord. Un clocher-mur est placé entre l’abside et la nef, supporté par un arc triomphal. Il
est percé d’une arcade géminée reposant sur une colonnette. Intérieurement, la nef est
simplement charpentée, alors que l’abside semi-circulaire est voûtée en cul-de-four. Pour
autant que le crépi abondant le laisse entrevoir, l’ensemble constitue un édifice roman
404
dont la construction pourrait être placée dans un XIIe siècle tardif, ou dans la première
moitié du XIIIe siècle. À la fin du Moyen Âge, ce premier édifice a fait l’objet de
modifications, dont on perçoit encore l’ajout d’une fenêtre et l’ouverture de la porte
occidentale. Plus tardivement encore (au XIXe siècle ?), le sommet de l’édifice a fait l’objet
de remaniements, l’ensemble ayant été surélevé, alors qu’une ouverture, appareillée en
brique, a été ménagée dans la façade occidentale, au-dessus de la porte. Rien ne subsiste
plus de l’habitat civil médiéval représenté sur la vignette et mentionné dans les terriers.
Déserté, il est totalement tombé en ruine et a disparu. Tout au plus, le parcellaire peut en
conserver le souvenir. En effet, des parcelles de petite taille sont adossées au chemin qui
ceinture le site. De plus, le terrain est à cet endroit perturbé par de nombreuses
anomalies topographiques, bourrelets et creux, pouvant renvoyer aux substructions de
bâtiments anciens, ce que viennent corroborer de nombreux éboulis peu naturels.
Fig. 231 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
405
Fig. 232 - Extrait du plan cadastral du début du XIXe siècle.
Fig. 233 - Vue d’ensemble du site.
406
Fig. 234 - La tour maîtresse et son fossé, assemblage panoramique.
Fig. 235 - Détail des vestiges de la tour maîtresse circulaire.
407
Fig. 236 - Vue intérieure de la tour maîtresse circulaire.
Fig. 237 - Le chevet de la chapelle Sainte-Marie.
6
Monsupt est un château bâti par les comtes de Forez, probablement dans le courant du
XIIe siècle. Il agglomère dès lors un habitat qui ne connaît toutefois qu’un développement
limité et ne bénéficie d’ailleurs pas, comme c’est le cas pour les sites d’une certaine
importance dans la seconde moitié du XIVe siècle ou au début du XV e siècle, de la
408
construction d’une seconde enceinte. Le maigre essor de ce village ne justifie pas non plus
que la capella castri soit érigée en église paroissiale, à l’inverse par exemple de ce que
connaît le site voisin de Sury-le-Comtal. Pour relativement limité qu’il soit, le village ne
déborde pas moins des remparts du castrum initial, ce que montre bien la vignette avec de
nombreuses maisons situées extra-muros. La représentation du site dans l’Armorial est
globalement bonne. En effet, le donjon est correctement représenté au sommet de la
colline. Il est bien de plan circulaire et l’enceinte réduite quadrangulaire qui l’enserre sur
la vignette paraît de surface correcte, même si elle est limitée. Le fossé, repérable sur le
terrain, est bien marqué sur le dessin par un escarpement rocheux. Pour finir, l’absence
de l’église sur le dessin s’explique par la perspective retenue.
Page 466
LE CHATIAU DE MONCEU
Étude héraldique
828. Ploton du Vernay crie Le Vernay
d’azur à l’étoile d’or, au chef échiquetté d’or et de gueules.
Jean, dit Ploton du Vernet (cf. supra n° 781 p. 75). Ses armoiries sont répétées ici à
cause de sa seigneurie de La Garde, sise au nord du Puy de Montsupt.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Rappelons que la lave, lorsqu’elle se refroidit brutalement au contact de l’eau, forme des
colonnes polygonales parallèles appelées prismes. Ces derniers se séparent facilement les uns des
autres et forment ainsi des moellons parfaits. De beaux exemples de cette technique se
rencontrent sur des sites castraux de régions voisines, comme Brion, en Vivarais, ou Chapteuil,
en Velay (Laffont, 2004).
409
Saint-Bonnet-Le-Château
Franck Brechon et Catherine Salardon
471. La ville et chatiau de Saint Bonnet
Département : Loire ; canton : Saint-Bonnet-leChâteau ; commune : Saint-Bonnet-le-Château
L’apport des sources écrites
1
Le lignage de Saint-Bonnet apparaît dans la documentation avant son château éponyme.
En effet, Vilielmus de Sancto Bonito est mentionné entre 1130 et 1150, alors qu’il assiste à la
fondation du prieuré de Jourcey (Chartes du Forez, n° 2, p. 4). Ensuite, la documentation
reste silencieuse sur la famille de Saint-Bonnet jusqu’en 1218, lorsque Robert, seigneur de
Saint-Bonnet, se porte caution pour Élisabeth, prieure de Jourcey, pour l’achat de droit à
Saint-Bonnet (Chartes du Forez, n° 451). Ce même Robert est encore seigneur de SaintBonnet en 1227, lorsqu’il concède une charte de franchises à la population de SaintBonnet (Chartes du Forez, n° 1053) et, en 1239, alors qu’il donne à son frère Humbert,
prieur de Saint-Rambert, et à l’abbaye de l’Île-Barbe, la
villa Sancti Mauricii cum domo et edificiis, juribus et pertinenciis eiusdem ville (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 202a ; Chartes du Forez, n° 323).
2
Il décède dans le courant de l’année 1239, puisque Jordane, son épouse, se dit alors veuve
de Robert, seigneur de Saint-Bonnet (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 211 ;
Chartes du Forez, n° 928). Finalement, c’est Dauphine, nièce de Robert de Saint-Bonnet,
décédé sans enfant, qui hérite de la seigneurie. C’est alors que Guillaume de Baffie,
seigneur auvergnat, très bien possessionné dans la haute vallée de l’Ance, revendique le
comté de Forez et la dot de sa mère, une dame de Saint-Bonnet. En 1242, il renonce au
Forez, en échange de plusieurs terres et de la promesse du comte Guy V de le faire
succéder à Dauphine à la tête de la seigneurie de Saint-Bonnet, ce qui est fait en 1244.
Toutefois, en 1260, le lignage de Baffie tombe en quenouille et la seigneurie retourne alors
aux descendants de Robert de Saint-Bonnet (Viallard, 1963, p. 48-51). Ainsi, en 1270, le
seigneur de Saint-Bonnet est Jean de Châtillon, époux de Dauphine (Chartes du Forez, n
° 1109), nièce de Robert de Saint-Bonnet (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 496a).
410
En remariage, Dauphine épouse Pierre, chevalier, seigneur de la Roue et de Montpeloux,
qui devient alors seigneur de Saint-Bonnet. C’est à ce titre qu’en 1272 il confirme les
franchises des hommes de la seigneurie (Chartes du Forez, n° 1113). Pierre, seigneur de
Saint-Bonnet, n’est autre que Pierre Damas, qui donne un fils à Dauphine, Robert Damas,
qui agit comme seigneur de Saint-Bonnet en 1288 (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 807a ; Chartes du Forez, n° 375). Probablement initialement allodiale, la seigneurie de
Saint-Bonnet est peut-être hommagée au comte en 1229 par Robert de Saint-Bonnet
(Chartes du Forez, n° 48). Pourtant par la suite, si les seigneurs de Saint-Bonnet rendent
des hommages au comte de Forez pour différents châteaux, comme Miribel en 1239
(Chartes du Forez, n° 928), jamais ces derniers ne concernent leur seigneurie éponyme,
centre de leur domaine qui s’étend sur les confins du Forez, du Velay et de l’Auvergne.
Cependant, en quittant le giron direct du lignage de Saint-Bonnet par alliance à la fin du
XIIIe siècle, le château perd une part de sa signification symbolique. Rien ne s’oppose
alors à ce que la famille de Damas, répondant positivement aux sollicitations du comte
Jean Ier, lui cède la seigneurie en 1291, pour la somme considérable de 8 000 livres
viennoises (Chartes du Forez, n° 528). S’ensuivent alors de multiples hommages au comte
prêtés par les hommes de Saint-Bonnet dans les mois qui suivent la transaction,
reconnaissant ainsi leur nouveau et puissant seigneur (Chartes du Forez, nos 401, 402, 405,
417, 418). L’implantation des comtes de Forez passe par l’érection de Saint-Bonnet en
châtellenie et en prévôté, au détriment de celle de Marols, établie de manière
conjoncturelle pour préparer la prise de possession de Saint-Bonnet. Cette dernière
châtellenie et la prévôté qui lui est associée sont d’ailleurs unies à celle de Saint-Bonnet
dès l’acquisition de cette dernière seigneurie (Viallard, 1963, p. 256 sq). De même, afin
d’unifier ses domaines, le comte Jean obtient dès 1292 de Philippe le Bel que la seigneurie
de Saint-Bonnet ne relève plus du bailliage d’Auvergne, comme cela était le cas
jusqu’alors, mais de celui de Mâcon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 900) ; cette
décision est confirmée en 1314 (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 1370 et 1389).
Par la suite, en 1316, le comte Jean rend hommage de son château de Saint-Bonnet au roi
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1420). Si le comte de Forez est l’unique
seigneur châtelain de Saint-Bonnet et qu’aucune coseigneurie n’est jamais signalée, la
documentation nous livre à plusieurs reprises le nom d’autres seigneurs fonciers1 qui se
partagent une part des terres de la seigneurie, que le terrier comtal de 1415 permet
toutefois de penser très limitée (ADL, B 2061). Parallèlement, plusieurs contestations avec
des seigneurs voisins voient le jour sur la possession de différents droits seigneuriaux
dans l’étendue des terres de Saint-Bonnet, comme en 1345 avec Henri de Rochebaron
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 2419) ou encore, en 1326 avec Luce, dame de
Beaudiner et de Cornillon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1793).
3
Le château de Saint-Bonnet n’est pas attesté avant la date tardive de 1239, lorsque Robert,
seigneur de Saint-Bonnet, donne la villa de Saint-Maurice au prieur de Saint-Rambert et à
l’abbaye de l’Île-Barbe (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 323). Il impose alors à sa
nièce et héritière, Dauphine, de faire un don de même valeur
in castro Sancti Boniti sive mandamento.
4
Pourtant, l’existence dès le milieu du XIIe siècle d’une famille seigneuriale alleutière et
puissante permet de supposer que le château existe au moins dès cette période. Par la
suite, le castrum de Saint-Bonnet est attesté à de très nombreuses reprises, puisque des
biens y sont localisés ou que des actes y sont scellés. Ainsi, en 1244, lorsque Hugues Vert
vend trois villæ situées dans le mandement de Saint-Bonnet, la transaction est conclue au
411
castrum (Chartes du Forez, n° 455). De même, le mandement est mentionné à de très
nombreuses reprises et la cession de la seigneurie en 1291 permet d’en fixer les limites. Il
est confronté par les mandements de Marols, Montarcher, Miribel et Legnecq. Le
fortalicium de Saint-Bonnet structure un bourg important. L’acte de vente de 1291 détaille
d’ailleurs la composition du castrum, ce dernier étant vendu cum donio, fortaliciis, […] burgo
. Il est difficile de préciser les origines de cette agglomération, mais son développement,
qui est à placer au XIIIe siècle, est sans doute largement dû à la conjonction de la charte
de franchises concédée en 1227 (Chartes du Forez, n° 1053) et de la situation de SaintBonnet sur le grand chemin de Forez. La traversée du mandement fait d’ailleurs l’objet
d’un péage mentionné en 1291. Ce chemin connaît un essor particulier en Île-de-France et
Languedoc à partir du XVe siècle qui ne peut qu’asseoir encore plus solidement l’essor de
Saint-Bonnet (Fournial, 1967, p. 484-485). Le marché de Saint-Bonnet, déjà cité dans la
charte de franchises de 1227, est encore mentionné en 1234 (Fournial, 1967, p. 157), alors
que la leyde qui s’y lève est mentionnée en 1291 dans l’acte de vente de la seigneurie, déjà
évoqué. Des loges de marchands y sont attestées en 1322 (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 1630). Bien que placés sur le Grand Chemin de Forez, les marchés de SaintBonnet n’atteignent jamais un niveau de développement comparable à celui des
principales places marchandes du Forez, mais remplissent avant tout des fonctions de
redistribution locale (Fournial, 1967, p. 174). L’organisation spatiale du marché, si elle
n’est pas connue dans son ensemble, témoigne d’une certaine spécialisation de deux
quartiers, puisqu’il est question en 1415 d’une coyrateria et d’une sabbateria installée in
foro de Vercheria (ADL, B 2061). Initialement, le castrum de Saint-Bonnet est édifié dans la
paroisse Saint-Nizier-de-Fornas. Ainsi, en 1232, le prieur de Saint-Romain-le-Puy duquel
dépend Saint-Nizier est en litige avec le prieur de Saint-Maurice au sujet de la possession
de l’hôpital de Saint-Bonnet et il mentionne que la maison de l’hôpital
esse hedifficatam vel constructam in solo ecclesie sancti Nicetii (Cartulaire d’Ainay, t. I,
p. 50).
5
De même un hommage de 1291 rappelle encore clairement qu’à cette date, le château de
Saint-Bonnet est dans la paroisse de Saint-Nizier (Chartes du Forez, n° 227). Dès 1225, il
est question d’une chapelle de Saint-Bonnet, associée au castrum (Chartes du Forez, n
° 901). Soixante ans plus tard, en 1283, il n’est encore question que d’un chapelain
(Chartes du Forez, n° 134). L’église de Saint-Bonnet semble érigée en chef-lieu de paroisse
dans les années 1350-1360. Une communauté de prêtres sociétaires est alors créée. Régie
par des statuts et placée sous la direction du curé, elle s’apparente largement à un
chapitre (Ducouret, Monnet, 1998, p. 80 sq). Ensuite, en 1382, elle prend une part
supplémentaire des droits du centre paroissial ancien, Saint-Nizier. À cette date, Louis,
duc de Bourbon, comte de Clermont et de Forez, considérant que les habitants de SaintBonnet-le-Château sont obligés d’aller enterrer leurs morts à la paroisse de Saint-Nizier,
distante d’une lieue, alors que les « Anglais » sont présents dans le pays, leur accorde,
avec l’autorisation du pape et de l’archevêque de Lyon, la faculté d’établir un cimetière et
de construire une chapelle sur un terrain de sa juridiction qu’il leur amortit (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 3504). En 1383, les habitants de Saint-Bonnet-le-Château,
réunis dans la nouvelle chapelle cimétériale de Saint-Bonnet, font donation au curé de
l’église de Saint-Bonnet de 60 sous tournois de rente pour célébrer dans ladite chapelle
douze messes par an à l’intention du duc de Bourbon (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 3542).
412
La représentation de l’Armorial
6
Saint-Bonnet est ici vu depuis le sud-est. Néanmoins, pour que tous les éléments soient
visibles, l’angle de vue choisi a imposé plusieurs distorsions dans la perspective (fig. 238).
L’emplacement du site à flanc de colline est globalement bien représenté. Sur le point le
plus élevé du site, au nord-est, se trouve le château. Une courtine quadrangulaire,
cantonnée d’échauguettes crénelées, enserre une tour maîtresse carrée dont le sommet
est crénelé et couvert d’un toit à quatre pentes, alors que ses murs sont percés de baies à
meneau. Deux bâtiments dont seules les toitures sont visibles lui sont accolés au sud et au
nord. L’église Saint-Bonnet est mitoyenne du château au sud. Elle se présente sous la
forme d’un édifice à nef unique et à abside semi-circulaire. Les murs, cantonnés de
contreforts, sont percés de baies munies de vitraux. Deux tours sont représentées en
avant de l’édifice à l’ouest, très curieusement couvertes par une seule flèche, commune
aux deux édifices. Ces deux tours sont percées d’abat-son. L’ensemble est entouré d’une
vaste enceinte crénelée, de plan quadrangulaire, s’appuyant aux deux extrémités contre
la courtine du château. Ses pieds baignent dans un fossé en eau. Elle est gardée par au
moins cinq tours circulaires. Quatre sont couvertes d’un toit de tuile crénelées et percées
d’ouvertures de tir, alors qu’une cinquième, au nord-est, plus large et haute que les
autres, est couronnée de mâchicoulis et crénelée. Elles sont toutes desservies par un
chemin de ronde. Deux portes sont visibles. La première, au sud-est, est une tour
quadrangulaire coiffée de hourds et d’une bretèche. Elle est précédée d’une barbacane et
d’un petit pont de bois. Il s’agit de la porte de Castellania ou porte de la Châtelaine. La
seconde se trouve au sud-ouest : elle est identique à la première, mais sans barbacane ni
pont. Il pourrait s’agir de la porte de Montrond, même si celle-ci n’occupe pas en réalité
un angle de l’enceinte. L’intérieur de l’enceinte est occupé par une quarantaine de
maisons toutes stéréotypées. Aucune ne se distingue, ni par sa position, ni par ses
caractères architecturaux ou ses dimensions. La plupart sont à deux étages et présentent
une porte au rez-de-chaussée, avec une ou deux ouvertures à meneau aux étages. Seules
trois maisons ne sont pas dans l’enceinte et sont implantées plus au sud.
413
Fig. 238 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 471) : la ville et
chatiau de Saint Bonnet.
Les données archéologiques et le parcellaire
7
Les différents éléments constitutifs du site de Saint-Bonnet – fortalicium, castrum, capella
puis ecclesia, vintenum, etc. – peuvent encore être identifiés sur le terrain ou dans le
parcellaire, même si l’état de conservation des vestiges ne permet pas toujours de
percevoir leur aspect ancien (fig. 239, 240). Le château de Saint-Bonnet se trouvait au
nord-est du site, perché sur un petit mamelon rocheux proéminent, en bordure de
plateau. De là, il dominait tous les environs, et surveillait la route descendant de la colline
vers l’est. Aujourd’hui, il n’en subsiste aucun vestige, car il a été rasé lors de la
construction du couvent des Ursulines au XVIIe siècle, ainsi que nous le rappelle un
terrier de 1683 : « il y avait aussi un château à Saint-Bonnet qui a été entièrement démoli
et sur la place duquel les religieuses ursulines dudit Saint-Bonnet ont bâti leur monastère
après avoir obtenu le don du roi de la dite place » (ADL, Inventaire série B, B 2227). Tout
au plus sait-on, qu’en 1291, il se composait d’un donjonus et de fortaliciis (Chartes du Forez,
n° 528). Il faut aussi probablement associer une aula à ces éléments strictement défensifs.
En effet, en 1401, des travaux doivent être faits
pour repareilhier, lever et faire bastir et massoner et tailhier le chantier et murs de la grant
sale du chazstel dudit Saint Bonet qui piecza est tombés et diruys (ADL, B 1980).
8
Le singulier utilisé là indique toute l’importance de cette salle et permet d’y voir un
élément majeur du château. Peut-être s’agit-il de l’une des deux constructions visibles au
pied du donjon sur la représentation de Guillaume Revel. Tout au long du Moyen Âge, le
château a de toute façon fait l’objet de modifications en profondeur, que l’on ne peut
toutefois que pressentir sans parvenir à les analyser. En effet, le terrier de 1415
mentionne un donjono antiquo, laissant penser que deux tours se sont succédé, alors qu’en
414
parallèle, il est question du succus de Castro Novo (le suc de Châteauneuf), correspondant à
la plate-forme castrale. On remarquera d’ailleurs que le donjon habité de la vignette de
l’Armorial, percé de grandes baies à meneau, si elles correspondent bien à la réalité (ce
dont on peut quand même douter par comparaison avec d’autres sites), ne peut être
assimilé à une construction des XIIe-XIIIe siècles, ces dernières étant le plus souvent
frustes, inhabitables et sans ouverture. Il s’agirait alors d’une construction
tardimédiévale à opposer au donjonus antiquus de 1415. L’église Saint-Bonnet, héritière de
la capella castri, se situe sur les marges sud de la plate-forme castrale, en position
mitoyenne entre le castellum et l’habitat villageois (fig. 241). On ne sait toutefois que peu
de chose de l’édifice antérieur à la collégiale de la fin du Moyen Âge. En effet, la
construction de cette dernière a presque entièrement fait disparaître le bâtiment
précédent, dont seuls quelques murs ont été réutilisés dans l’angle nord-est de la nouvelle
construction. La construction de la collégiale actuelle est à placer dans les dernières
années du XIVe siècle et au début du XVe siècle. En effet, dans son testament daté de 1399,
Guillaume Taillefer, marchand drapier de Saint-Bonnet, dit avoir entrepris l’édification
du chœur, ce que confirme une inscription située dans la chapelle basse qui rappelle que
l’église a été commencée le 8 mai 1400 grâce aux dons de Taillefer (Ducouret, Monnet,
1998, p. 80). En 1406, les comptes du prévôt de Saint-Bonnet mentionnent d’ailleurs
l’operi ecclesie ipsius loci que de novo edifficatur (ADL, B 1972).
9
En 1418, la fin des travaux approche, puisque des legs sont affectés pour la réalisation de
vantaux et pour la fonte d’une cloche (ADL, B 1972). Dans son état initial, cette église se
composait d’une nef bordée de deux collatéraux, prolongée d’un chœur sur deux niveaux2
et terminé par une abside semi-circulaire. La nef est longue de quatre travées alors que le
chœur en comporte deux. Chaque collatéral est surmonté d’un clocher situé sur la
première travée. L’église est alors totalement dissymétrique, puisque des chapelles
latérales (construites à partir des vestiges de l’édifice antérieur) sont implantées sur le
collatéral nord, alors qu’il n’y en a pas au sud. Celles-ci, au nombre de trois, sont
construites dans le courant de la première moitié du XVe siècle, puisqu’elles semblent
achevées en 1468, date à laquelle la chapelle centrale est attestée. Le porche nord semble
également avoir été édifié dans le même mouvement, alors que les collatéraux sont
prolongés d’une grande travée s’avançant de part et d’autre du chœur. Pour finir, l’édifice
prend pour l’essentiel son plan actuel dans les dernières décennies du XVe siècle et au
début du XVIe siècle. En effet, c’est alors que la nef est allongée de deux travées en
direction du couchant. La chapelle Saint-André, qui s’ouvre sur l’agrandissement, est
attestée en 1511, date qui constitue donc un terminus ante quem assuré pour les travaux de
gros œuvre des modifications tardimédiévales. Par la suite, aux XVIIe et XVIII e siècles,
différentes adjonctions, chapelles, sacristie, ou bibliothèque n’affectent pas
significativement le plan d’ensemble de l’église Saint-Bonnet3.
415
Fig. 239 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 240 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
416
Fig. 241 - Vue d’ensemble du site vers l’est ; au centre la collégiale Saint-Bonnet.
10
L’enceinte du castrum proprement dit, encore lisible dans le parcellaire, circonscrit un
espace grossièrement ovale enserrant le château lui-même, l’église et l’emplacement de
quelques maisons situées en contrebas du tertre sur lequel se trouve le fortalicium. Cette
enceinte réduite et les quelques maisons qui l’occupent correspondent probablement au
burgus de 1291. À l’heure actuelle, il ne subsiste que quelques pans de murs visibles à l’est
de l’église, mais son tracé est presque intégralement conservé dans le parcellaire. Non
représentée sur la vignette, déjà absente du terrier de 1415, il est probable que cette
enceinte n’a pas survécu jusqu’à la fin du Moyen Âge, victime de la croissance de SaintBonnet. En effet, l’enceinte castrale est remplacée, sans doute dans la seconde moitié du
XIIIe siècle, par une grande enceinte urbaine, le vintenum, dont l’existence est attestée en
1291, alors qu’elle enserre probablement la villa, ce terme désignant ici la ville au sens
propre du terme, par opposition au burgus, désignant l’habitat initial. Si le tracé de cette
seconde enceinte, appelée vintenum en 1291 et dans le terrier de 1415, est nettement
lisible dans le parcellaire, elle n’est matériellement visible qu’à l’est, où elle constitue
encore un mur de soutènement parallèle à celui du castrum. L’espace ainsi défini forme un
vaste quadrilatère dont l’angle nord-est est occupé par le castrum initial. La visite du site
effectuée en 1667 (Viallard, 1992, p. 38) indique la présence de sept tours. On apprend
alors que ces tours sont couvertes, ainsi qu’elles sont représentées au XVe siècle sur
l’Armorial. L’une d’entre elles, proche de la porte Castellana, est appelée turrem Columberii
en 1415. Le parcellaire du XIXe siècle ne garde le souvenir que de trois de ces tours,
localisées aux angles sud-est et nord-est du site, ainsi qu’au milieu de la face sud, c’est-àdire globalement à l’emplacement où la vignette en représente. À l’heure actuelle, la tour
nord-est, la plus proche du castrum initial, est partiellement conservée. Il s’agit d’une
construction semi-circulaire qui est arasée à trois mètres de hauteur environ (fig. 242). Il
est donc impossible de reconstituer son élévation. Néanmoins, la topographie des lieux
permet de penser qu’elle était très largement pleine, seul son sommet dépassant de la
417
terrasse rocheuse que ceinture le rempart. La tour sud-est est aussi conservée (fig. 243).
Circulaire, elle n’est pas non plus conservée jusqu’au sommet. Couverte d’un toit de tuiles
conique et percée d’ouvertures tardives, elle ne présente plus aucun élément défensif.
Pour finir, la tour sud, représentée sur le cadastre, n’est plus visible à l’heure actuelle,
probablement intégrée au bâti urbain qu’il est impossible de visiter. Le fossé représenté
sur la vignette est attesté dans le terrier de 1415, où l’on apprend qu’il est en eau, puisque
plusieurs personnes peuvent utiliser cette dernière à des fins d’arrosage. Totalement
comblé, il n’est actuellement plus visible, mais le parcellaire en conserve encore la trace
sous forme d’une couronne de terrains ceinturant presque l’intégralité du site. On peut
toutefois douter de sa présence sur le côté ouest, dans la mesure où la forte déclivité du
terrain en tient naturellement lieu. Le terrier de 1415 permet de restituer les portes et de
leur donner un nom. La porte nord est la porte Faraudi. La muraille est est percée par la
Posterla et par la porte Castellana ou porte de la Châtelaine, alors que la porte de Monte
Rotundo s’ouvre sur le flanc sud de la muraille. À l’ouest, les portes de Vercherie et Lestellier
permettent l’accès à la ville. Seules deux portes subsistent à l’heure actuelle. La porte de
Castellana est un édifice simple : le passage, couvert d’un arc brisé, est prolongé par une
voûte élevée qui s’appuie derrière la courtine (fig. 244, 246). En avant de cette porte, une
barbacane est encore visible, comme sur le dessin de l’Armorial (fig. 245). Il en subsiste
une ouverture, elle aussi en arc brisé, munie de deux ouvertures de tir et surmontée de
corbeaux destinés à soutenir une bretèche qui elle, n’apparaît pas sur le dessin du XVe
siècle. La bretèche est dessinée au-dessus de la porte elle-même, alors qu’il n’y en avait
manifestement pas. La seconde porte conservée, la porte de Monte Rotundo, est
actuellement un passage voûté intégré à une maison bourgeoise (fig. 247). On y distingue
encore une bouche à feu postmédiévale. Le bâti civil urbain s’organise autour de deux
rues parallèles par lesquelles passe l’iter Forezii ( fig. 248). En 1415, c’est entre ces
dernières, non loin de la porte Faraudi qu’est établi le marché. Néanmoins, les
constructions anciennes ne sont pas réparties de manière homogène dans la ville. Elles se
concentrent principalement dans le quart sud-est à proximité de la porte de Castellana,
alors que le castrum initial se signale par sa grande pauvreté en éléments anciens,
exceptée bien entendu la collégiale Saint-Bonnet (fig. 249). Sans doute que le bâti
médiéval, plus ancien, n’a pas survécu aux siècles et a été remplacé dès avant la
Révolution par des constructions neuves. À l’heure actuelle, la qualité des demeures
témoigne encore de l’importance et de la richesse de la population de Saint-Bonnet à la
fin du Moyen Âge ; elles conservent de nombreuses ouvertures anciennes, fenêtres à
meneau aux étages et arcades boutiquières au rez-de-chaussée. S’élevant sur trois ou
quatre niveaux, les bâtiments conservés sont souvent équipés de petites tourelles
d’escaliers à peine saillantes ou de tours poivrières, et cachent des cours intérieures (fig.
250). Les vestiges conservés ne s’apparentent donc absolument pas aux petites
maisonnettes de la vignette. Les maisons de Saint-Bonnet sont bien plus hautes et leur
plan, plus complexe, n’est pas du type pignon sur rue tel qu’il figure systématiquement
sur le dessin. Si la représentation des éléments de fortification apparaît donc fidèle, celle
du bâti civil laïc semble au contraire fantaisiste. Il faut aussi signaler une extension extramuros du bâti ancien. Deux édifices tardimédiévaux ou du XVI e siècle sont, en effet,
encore visibles le long de la route d’Usson. Ces deux demeures de type urbain présentant
de belles façades ornementées devaient dès lors être implantées en bordure d’une rue
formant un faubourg en direction du sud-est. Ce dernier ne figure pourtant pas sur la
vignette dont la fidélité est ici prise en défaut.
418
Fig. 242 - Base d’une des tours circulaires de l’enceinte urbaine, rue des Murailles.
Fig. 243 - Une des tours de flanquement à l’extrémité sud de l’enceinte urbaine.
419
Fig. 244 - Vue intérieure de la porte de la Châtelaine.
Fig. 245 - Entrée de la barbacane de la porte de la Châtelaine.
420
Fig. 246 - La porte de la Châtelaine, vue de l’extérieur.
Fig. 247 - La porte de Montrond, vue de l’extérieur.
421
Fig. 248 - La Grand-rue, tracé de l’Iter Forezii dans le castrum de Saint-Bonnet.
Fig. 249 - La collégiale Saint-Bonnet vue depuis la place des Fours.
422
Fig. 250 - Un exemple de bâti urbain ancien : l’hôtel d’Épinac, rue de la Châtelaine.
11
Saint-Bonnet-le-Château est un exemple parfait de ville issue de l’incastellamento. Un
modeste village, né sous les remparts d’un château dans le courant du XIIe siècle, connaît
aux XIIIe et XIVe siècles un essor remarquable à l’échelle du sud du Forez, principalement
sous l’impulsion de facteurs économiques liés au passage d’une route animée. La réussite
de ce nouveau pôle de peuplement induit même une modification du réseau paroissial, ce
que peu de castra parviennent à faire. Implanté dans le ressort d’une église du haut
Moyen Âge, dans un premier temps, le château n’accapare pas les droits paroissiaux et ne
possède qu’une simple chapelle. Cependant, à la fin du Moyen Âge, son essor
démographique motive la constitution d’une nouvelle paroisse qui lui est propre. Cette
dernière est alors de surface réduite, occupant une position interstitielle entre des
ensembles plus anciens et plus vastes. La vignette de l’Armorial représentant le site de
Saint-Bonnet est probablement l’une des plus fidèles du corpus. Non seulement les
différents éléments constitutifs du site sont correctement représentés, mais des points
précis sont particulièrement bien dessinés, comme la barbacane qui précède la porte de
Castellana, ou encore les deux clochers de l’église, même si certains détails, comme la
bretèche représentée sur la barbacane ou encore la position de la flèche du clocher ne
correspondent pas à la réalité. Ce sont, dans tous les cas, des points mineurs qui
n’altèrent pas la qualité de la représentation fournie. Dans ce cadre, le caractère
stéréotypé du bâti urbain ne peut que surprendre.
Page 471
LA VILLE ET CHATIAU DE SAINT BONNET
Étude héraldique
829. Anthoine de Rochebaron crie Rochebaron
423
de gueules au chef échiqueté d’argent et d’azur ; la première pièce de l’échiqueté chargé d’un
écusson d’or à la fasce fuselée de gueules – cimier : une tête et col de lion.
Antoine de Rochebaron, damoiseau (mort avant 1468), fils de Briand de Rochebaron
et de Jeanne de Lorgue. Il était seigneur de Montarcher, l’un des châteaux des
anciens seigneurs de Saint-Bonnet dont il descendait par les Châtillon (-en-Bazois) ;
il en rendait hommage au duc en 1441. Il appartenait à une branche très appauvrie
des Rochebaron, séparée de la branche aînée au début du XIVe siècle, mais qui devint
la branche aînée au milieu du XVe siècle. C’est pourquoi son fils Claude ne brisait
plus lorsqu’il fit sculpter ses armes au château de la Marandière en 1468.
• Perroy, 1977, t. II. p. 680-684.
830. Artaud de Saint Morise crie Saint Morise
parti émanché d’argent et de gueules.
Artaud de Saint-Maurice (-en-Gourgois) (mort en 1476), damoiseau, fils d’Antoine de
Saint-Maurice. Il était seigneur de Prunerie et paraît sous ce nom au ban du Forez en
1466.
• Gras, 1874, p. 167 ; Perroy, 1977, t. II, p. 768.
831.
d’or à la fasce fuselée de gueules.
Armoiries non identifiées (cf. supra l’écusson du n° 829).
832. Franscois Bonevie crie Montaignet
d’argent à trois fasces ondées de gueules, au chef d’argent chargé de quatre fleurs de lis de
gueules – cimier : une dame issant.
François de Bonnevie, écuyer, fils de Mathieu Bonnevie et de Françoise N., laquelle
rendit hommage au duc pour son fils mineur en 1395. Il se maria deux fois, avec
Philippe Ferrier, fille de Béraud Ferrier et de Marguerite Aquarion, puis avec Isabelle
de Changiac. Il était seigneur de Montaignet alias Montaignac. Ses armes sont
peintes à Montbrison, dans l’église Notre-Dame. Au XVIIe siècle, le chef était d’azur,
chargé de trois fleurs de lys d’or.
• Bétencourt, 1867, t. I, p. 141 ; Soultrait, 1890, t. I, p. 127 ; Gras, 1874, p. 39 ; Salomon,
1916, 1922, 1926, t. I, p. 217 ; Tricou, 1965-1976, t. III, p. 128.
Un écu vide, brochant sur un bâton de prieur.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Arnaud de Junzia en 1378 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3395) ; Pierre Cuzonel en
1322 (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1630).
2. Cette disposition est justifiée par la dénivellation du terrain.
424
3. Pour une description détaillée de l’église, cf. Ducouret, Monnet, 1998, p. 80-91.
425
Rozier-Côtes-d’Aurec
Pierre-Yves Laffont
472. Le chatiau de Rouzieres
Département : Loire ; canton : Saint-Bonnet-leChâteau ; commune : Rozier-Côtes-d’Aurec
L’apport des sources écrites
1
Le prieuré de Rozier, situé dans le diocèse du Puy, à la limite du Velay et du Forez,
n’apparaît que tardivement dans la documentation : lors d’un chapitre général de l’ordre
de Cluny réuni en mai 1261, il est alors fait interdiction au prieur de Rozier d’utiliser un
sceau personnel. Le prieuré de Rozier fait ensuite l’objet de trois visites, en 1281, 1282 et
1295, dans le cadre de la visite générale des prieurés clunisiens de la province d’Auvergne
(Chartes du Forez, nos 1642, 1643, 1662). Lors de la visite de 1281, le prieur de SaintÉtienne de Nevers trouve le prieuré de Rozier dans un état général relativement
satisfaisant, tout au moins en ce qui concerne le domaine spirituel. En effet, pour le
temporel, le prieuré semble en conflit avec le seigneur de Saint-Bonnet-le-Château, ce que
confirme un acte de 1290 (Chartes du Forez, n° 1148) et avec ses propres tenanciers. Le
prieuré est alors occupé par un prieur et deux moines1. La visite suivante, en 1282,
mentionne un moine dont l’« incontinence » est de notoriété publique (Chartes du Forez,
n° 1643). Le texte d’une troisième visite, réalisée en 1295, nous est parvenu. Les
inspecteurs mentionnent la présence à Rozier, outre le prieur, de deux moines. Quelques
recommandations d’ordre liturgique leur sont faites. Le texte constate aussi qu’une tour
ainsi qu’une partie des murs du cloître sont en train de s’écrouler2. Il semble que la turris
à laquelle fait allusion le texte corresponde plus au clocher qu’à une quelconque tour à
vocation militaire ; en effet, toute la documentation tant écrite, qu’iconographique et
archéologique, ne laisse supposer aucune fortification antérieurement à l’extrême fin du
Moyen Âge. Malgré ce problème, l’état matériel du prieuré semble à peu près correct
puisqu’il possède suffisamment de
victualia usque ad fructus novos (Chartes du Forez, n° 1662).
426
2
Le prieuré de Rozier doit alors 80 livres et 34 sous de redevance à l’abbaye mère.
3
Parallèlement, dans son testament de mars 1287, Dauphine de Saint-Bonnet fait un legs de
100 sous viennois au prieuré de Rozier, en Forez, où est enterré son père (Chartes du
Forez, n° 729). En octobre 1290, a lieu une transaction entre Robert Damas, seigneur de
Saint-Bonnet-le-Château, et Étienne de Secey, prieur de Rozier, au sujet de leurs droits
respectifs de justice sur le prieuré et la villa de Rozier, situé dans le mandement de SaintBonnet. Il est convenu que la justice appartiendra au prieur, toutefois le seigneur de
Saint-Bonnet conservera le droit de garde (Chartes du Forez, n° 1148).
4
Par la suite, au XIVe siècle, le prieuré est très peu documenté. Au début du siècle suivant,
Guillaume de Boisvair, prieur de Rozier de 1409 à 1412, obtient par un acte du 17
décembre 1409 l’autorisation de Louis II de Bourbon, comte de Forez, de fortifier le bourg
et de contraindre les habitants à monter la garde (de La Mure 1860-1897, t. II, p. 98). Peu
après, en 1412, des lettres patentes d’Anne de Bourbon, comtesse de Forez, ordonnent que
les habitants d’un certain nombre de hameaux de la paroisse de Rozier seront tenus de
contribuer aux réparations et à la garde du prieuré. Elle accorde au prieur les pleins
pouvoirs pour les y contraindre. Au XVIe siècle, durant les guerres de Religion, le bourg
est plusieurs fois occupé par la troupe. Marc-Antoine Gaiffier, prieur de 1597 à 1630, est le
dernier prieur de Rozier. Il fait réaliser de nombreux travaux de réfection et
d’embellissement. Il achète au profit du prieuré plusieurs maisons dans l’enceinte du
bourg. De plus, il fait construire les murs du jardin du prieuré. Au XVIIIe siècle, celui-ci est
dit
« clos de murailles et situé hors du château et joignant au midi les fossés qui
l’entourent ».
5
Il cède en 1630 le bénéfice du prieuré aux Chartreux de Lyon. Mais l’état général du
prieuré et de l’enceinte du bourg se dégrade : en 1727, la tour-porte de l’enceinte, qui
menaçait ruine, est démolie. Durant tout le XVIIIe siècle, de nombreux travaux sont
réalisés sur l’église priorale et notamment sur la toiture de celle-ci. Le cimetière, situé à
l’origine devant l’église, est transféré en 1742 au nord-est de l’église ; il sera ensuite, au
XIXe siècle, déplacé définitivement hors du village. Le prieuré achève son existence à la
fin du XVIIIe siècle : il est, en effet, désaffecté à la Révolution (Gardes, Houssel, 1985,
p. 196-202). Si l’église ne subit pas de dommages importants durant le XIXe siècle,
l’enceinte du bourg et le fossé qui l’entoure disparaissent progressivement. Lors de la
rédaction de leur étude sur le prieuré de Rozier en 1879, V. Durand et A. Vachez,
décrivent, en évoquant l’enceinte du bourg :
« ... une haute et longue muraille dont le pied plonge dans une pièce d’eau »
(Durand, Vachez, 1879).
6
Il existait donc encore au XIXe siècle des traces du fossé médiéval en eau : une
photographie des années 1890 montre la présence d’une mare, ultime vestige de ce fossé,
au pied de l’enceinte sur l’actuelle place de la Doue, dont le toponyme, dérivé de
« douves », évoque lui aussi le fossé. En 1950, la partie sud de l’enceinte est démolie.
La représentation de l’Armorial
7
Le prieuré et son enceinte sont vus du sud. L’église priorale, dotée d’un clocher
quadrangulaire largement surdimensionné, occupe le centre d’une enceinte compacte qui
semble quadrangulaire (fig. 251). Elle est entourée d’un fossé, dont le talus, au moins à
l’ouest, est maçonné. Ce fossé est en eau ; si la représentation de l’Armorial ne permet pas
427
de le distinguer clairement, la documentation ancienne ne laisse à ce sujet aucun doute
(cf. supra). La portion est du rempart est doublée par une courte braie rectiligne. Baigné
par les eaux du fossé, ce mur est terminé à ses deux extrémités par deux tours circulaires,
crénelées et percées de plusieurs meurtrières à mire. Une longue et étroite parcelle
fusiforme, visible sur le cadastre du XIXe siècle, à l’est entre le tracé du rempart et la
limite extérieure supposée du fossé, pourrait rappeler l’existence de cette structure un
peu particulière. L’enceinte du prieuré est cantonnée à ses angles sud-ouest et nord-est
d’une échauguette circulaire munie de meurtrières. L’angle sud-est est renforcé par une
échiffe quadrangulaire. Les courtines est et sud du rempart, seules visibles, sont
crénelées. À l’est, deux bretèches couronnent le mur d’enceinte. À l’ouest, se dresse une
haute tour-porte quadrangulaire, crénelée et surmontée d’une toiture pyramidale.
L’échauguette nord-est et la tour-porte sont sommées d’étendards portant les armes aux
trois fleurs de lys des ducs de Bourbon. De nombreuses ouvertures, parfois de grande
taille, trouent de part en part les deux courtines, tout en restant relativement hautes.
L’intérieur de l’enceinte du bourg prioral paraît densément occupé. Au centre, trône
l’église priorale avec son clocher. À l’exception de celui-ci, on ne distingue de l’église, par
un curieux effet de perspective, que son mur pignon ouest, surmonté d’une croix. Le
clocher, massif présente deux étages percés respectivement de deux puis trois baies par
face. Chaque étage est marqué par une forte moulure en saillie. Outre l’église, une
seconde construction, située le long de l’enceinte au sud, se distingue des autres
constructions figurées intra-muros. Il s’agit d’un important bâtiment oblong coiffé d’une
toiture à quatre pans et couronné de deux cheminées rectangulaires de forte taille, tout à
fait différentes des petites cheminées à mitre qui caractérisent, dans l’ensemble de
l’Armorial, les constructions civiles modestes. Il s’agit manifestement d’un bâtiment du
prieuré attaché à l’ensemble claustral. Le reste de l’espace intérieur est occupé par de
petites maisons. Outre les constructions proprement priorales, un habitat laïque existe
donc à l’intérieur de l’enceinte, faisant de Rozier un véritable petit bourg fortifié. Au sud
et surtout à l’ouest, un hameau important s’est développé extra-muros en bordure d’un
chemin longeant le fossé puis formant une fourche. Plus d’une quinzaine de maisons sont
dessinées. Globalement, la représentation de celles-ci, mais aussi des maisons situées
intra-muros, reflète une grande standardisation. Elles possèdent, en règle générale, une
porte et une fenêtre à meneau sur le mur pignon, deux fenêtres plus petites sur le mur
gouttereau et, sur le toit à deux pentes, une souche de cheminée circulaire, classique des
cheminées de la fin du Moyen Âge. Aucun édifice ne se distingue particulièrement par ses
dimensions ou par sa forme, si ce n’est une maison au premier plan dont le toit est à une
seule pente.
428
Fig. 251 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 472) : le chatiau de
Rouzieres.
Les données archéologiques et le parcellaire
8
Si l’on compare la représentation du XVe siècle au plan parcellaire du XIX e siècle et aux
vestiges archéologiques, les similitudes sont tout à fait frappantes, confirmant la grande
fidélité de la vignette de l’Armorial (fig. 252, 253). L’élément principal du bourg prioral
fortifié est bien sûr son église. Celle-ci, placée sous le vocable de saint Blaise, est une
église à nef unique, longue d’environ 29 m hors œuvre, voûtée en berceau plein cintre (
fig. 254, 255, 256). À l’origine, six ouvertures – seules quatre subsistent aujourd’hui, plus
une baie gothique dans la chapelle sud – éclairaient la nef. La voûte de celle-ci est
renforcée par des arcs doubleaux portant sur des demi-colonnes adossées à des pilastres
et surmontées de chapiteaux historiés. Deux séries d’arcs formerets apposés sur les murs
gouttereaux nord et sud et reposant sur les pilastres confortent la voûte. Les pilastres
sont appuyés à l’extérieur par des contreforts. La nef compte trois travées, larges de 10 m
hors œuvre ; à l’est, une abside voûtée en cul-de-four, semi-circulaire à l’intérieur et à
pans coupés à l’extérieur, prolonge une petite travée de chœur. Celle-ci est précédée d’un
transept massif sur les bras duquel sont greffées des absidioles. La croisée du transept est
surmontée d’une coupole sur trompes et d’un clocher quadrangulaire à deux étages.
L’étage supérieur est percé, sur ses quatre faces, de baies triples, dont les arcs en plein
cintre reposent sur des colonnettes doubles. À l’étage inférieur est repris le même
principe, mais les baies sont simplement géminées. Le clocher représenté sur l’Armorial
apparaît comme une copie conforme du clocher roman encore en élévation. La majeure
partie de l’église semble avoir été édifiée à la fin du XIe ou au début du XII e siècle. Cet
édifice roman se caractérise, aussi, par un important programme sculptural tant à
l’extérieur, notamment sur le mur pignon ouest (« Adoration des Mages » sur le tympan
429
du portail, par exemple) (fig. 256), qu’à l’intérieur (chapiteaux de la nef : homme et loup,
monstre anthropophage, etc. ; chapiteaux du chœur ; bas-relief de la nef : Christ en
gloire). Au XVe siècle, sont construites deux chapelles latérales, de part et d’autre de la
travée précédant immédiatement le transept. Enfin, la réalisation en 1606 d’une tour
d’accès au clocher, avec escalier en vis, marque la dernière étape importante de
l’évolution d’un édifice dans l’ensemble extrêmement homogène.
Fig. 252 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
430
Fig. 253 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 254 - Vue d’ensemble du site depuis le sud.
431
Fig. 255 - Le clocher et le gouttereau nord de l’église.
Fig. 256 - Le porche de l’église et l’enceinte.
9
Le deuxième élément fondamental du prieuré fortifié est bien sûr représenté par
l’enceinte. À la fois très lisible dans le parcellaire et relativement bien conservée à l’ouest,
et plus partiellement au sud, la reconstitution de son tracé ne présente guère de
difficultés (fig. 256, 257, 258). Toutefois, à la différence de l’enceinte quadrangulaire que
432
pourrait laisser supposer la représentation de l’Armorial, il faut restituer le tracé d’une
enceinte pentagonale. Le pan sud-ouest de cette enceinte, bâtie en petits moellons de
granit, est bien conservé sur plusieurs mètres de haut et présente, par endroit, un léger
talutage (fig. 258). À l’angle sud, surmontant un chaînage de forts blocs de granit, sont
encore apparents les vestiges d’une des échauguettes circulaires (fig. 259) que l’Armorial
fait figurer aux angles sud-ouest et nord-est. La portion méridionale de la courtine
présente un moins bon état de conservation ; encore préservée sur une importante
hauteur à l’ouest, elle disparaît progressivement à l’est. Les deux pans de courtine sont
loin d’être homogènes, ils présentent les traces de nombreux remaniements : ouvertures
bouchées, reprises des maçonneries, adjonction de contreforts, corbeaux isolés, etc. Les
parties les plus anciennes de ces deux courtines évoquent le XVe siècle et rentrent tout à
fait dans le cadre chronologique donné par la documentation, et principalement par
l’autorisation accordée en 1409 par le duc de Bourbon de fortifier le bourg. Outre les
ouvertures créées aux XIXe et XX e siècles, quelques ouvertures médiévales, nous
renvoyant directement aux nombreuses fenêtres que l’on voit figurer sur les remparts
dans la vignette de l’Armorial, et d’époque moderne (XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles) percent
encore les remparts. Tout à fait à l’ouest, dans l’axe de l’église, une importante rupture
dans le parcellaire, ainsi que des remaniements dans le pan de courtine conservé,
marquent l’emplacement de la tour-porte et, par-là, de l’accès ancien au village fortifié.
Au nord, aucune trace ne subsiste de l’enceinte, seul le parcellaire nous indique son tracé.
À l’est, l’enceinte était légèrement en retrait vers l’ouest par rapport à la rue actuelle,
comme le montre le plan cadastral napoléonien, la présence d’un petit talus au nord de
l’église, matérialisant vraisemblablement le haut du fossé, ainsi que des traces de
maçonnerie ancienne (notamment un piédroit de porte) dans les maisons situées à l’angle
sud-est. Deux parcelles du cadastre napoléonien, l’une à l’est et l’autre au sud,
correspondant à la mare indiquée dans la documentation du XIXe siècle, sont
vraisemblablement les derniers témoins du fossé médiéval. Extra-muros, les parallèles à
établir, entre d’une part le dessin du XVe siècle et d’autre part le parcellaire et le bâti
actuels, sont de même très nets. La disposition et le nombre des maisons du bourg, ainsi
que les principaux chemins qui les organisent, sont tout à fait comparables entre la
représentation du XVe et celle du XIX e siècle. Le grand bâtiment visible au sud sur
l’Armorial et appartenant manifestement aux constructions priorales a disparu.
Toutefois, exception faite de l’église, nombre d’éléments architecturaux tardimédiévaux
et modernes sont encore visibles dans l’enceinte ; ils sont à mettre en relation avec
l’habitat qui, sur la vignette de l’Armorial, occupe l’intérieur de l’enceinte.
433
Fig. 257 - L’enceinte ecclésiale, vue de l’intérieur.
Fig. 258 - Le mur ouest de l’enceinte.
434
Fig. 259 - Échauguette et talutage de l’enceinte.
10
Rozier est un exemple caractéristique de village ayant pour origine un établissement
religieux ; en l’occurrence un prieuré clunisien, dont subsiste une importante église
romane. Au début du XVe siècle, le bourg prioral est fortifié : il est entouré d’une enceinte
pentagonale, doublée d’un fossé en eau et ouverte à l’ouest par une tour-porte. Au milieu
du XVe siècle, outre les maisons situées intra-muros, un important faubourg existe à
l’ouest. Les similitudes frappantes qui existent entre la vignette de l’Armorial de Revel et
les vestiges archéologiques démontrent, parfois dans de petits détails, le souci
d’exactitude manifesté par l’artiste de l’Armorial.
NOTES
1. Prioratus de Roseriis est satis in bono statu quantum ad spiritulia, sed temporalia non bene regantur ;
habet enim contra se adversarios dominum de Sancto Bonito et homines dicte ecclesie. Morantur ibi duo
monachi cum priore... (Chartes du Forez, n° 1642).
2. Quedam turris corruit et quedam pars murorum clausure dicte domus... (Chartes du Forez, n° 1662).
435
Marols
Franck Brechon et Catherine Salardon
473. Le chatiau de Maroux
Département : Loire ; canton : Saint-Jean-Soleymieux ;
commune : Marols
L’apport des sources écrites
1
Modeste village, le site de Marols n’est que peu documenté pour la période qui nous
intéresse. Les quelques textes conservés n’en apportent pas moins des indications
permettant de cerner la nature du site, à défaut de pouvoir en préciser l’histoire en détail.
Tout d’abord, l’ecclesia de Marollias, alias de Marolz, est attestée dès le XI e siècle. Cette
dernière, dépendant de l’archiprêtré de Montbrison, doit verser 8 livres annuelles à
l’Église diocésaine de Lyon (Cartulaire de Savigny, t. II, p. 1055). Ensuite, il faut attendre
1170 pour qu’apparaisse l’obediencia de Mareolis, date à laquelle sa possession est
confirmée par le pape Alexandre III à l’abbaye Saint-Just de Lyon (Cartulaire lyonnais, t. I,
p. 62). L’obédience de Marols est encore attestée à plusieurs reprises dans le courant du
Moyen Âge, comme en 1227 (Cartulaire lyonnais, t. I, p. 299) ou au XIVe siècle (Chartes du
Forez, n° 608). Au XIIIe siècle, c’est encore l’église qui est attestée, comme par exemple en
1225 dans le pouillé du diocèse de Lyon (Chartes du Forez, n° 901), alors que la parrochia de
Marol est mentionnée à partir de 1289 (Chartes du Forez, n° 852). Il faut attendre le XIV e
siècle pour connaître le vocable de l’église de Marols. En 1374, un legs est fait en faveur du
luminaire de l’église
Sancti Petri de Marol (ADL, B 1866, f° 8v°).
2
Cependant, en 1347, il est question du
luminarie Beate Marie de Marol (ADL, B 1860, f° 50).
3
Alors que la documentation moderne atteste que Saint-Pierre est l’église paroissiale, il est
probable que Sainte-Marie soit une chapelle au sein de l’église paroissiale. Le castrum de
Marols est attesté pour la première fois de façon allusive, comme confront, en 1291
(Chartes du Forez, n° 528). Par la suite, le château ne semble plus être mentionné, et tout
436
permet de penser que cette unique mention de la fin du XIIIe siècle renvoie, en fait, à la
fortification du village. Marols est d’ailleurs généralement désigné par les termes de villa
(Chartes du Forez, n° 68) ou de locus (ADL, B 1887, f° 120), qui signent une origine non
castrale, alors que les vestiges et le parcellaire ne laissent rien transparaître de la
présence d’un éventuel château. Après l’acte de 1291, seule une mention manuscrite du
XVIIe siècle, rajoutée à un terrier de 1682, porte mention d’un château. Il est dit qu’il
« y a un vieux château à Marols dont il ne reste que quelques vieilles murailles »
(ADL, Inventaire série B, B 2227),
4
mais rien n’indique qu’il ne s’agit pas ici des fortifications du bourg. Peut-être que la
mention furtive d’un castrum dans les années 1290 est liée au statut de Marols dans la
seconde moitié du XIIIe siècle et à la création de son mandement. Pour autant que l’on
puisse en juger, ce dernier recouvrait tout ou partie des communes de Marols, La
Chapelle-en-Lafaye et Chenereille (Salardon, 2000, p. 166). Il est lui aussi attesté en 1291,
comme confront de la seigneurie de Saint-Bonnet-le-Château, lorsque cette dernière est
achetée par le comte Jean Ier (Chartes du Forez, n° 528). Marols devient, semble-t-il dans
le courant du XIIIe siècle, une châtellenie comtale. Cependant, la création du mandement
de Marols est très largement conjoncturelle et ce dernier n’a de réalité que pendant un
temps. En effet, il semble que ce soit alors un élément de la stratégie des comtes de Forez
pour mettre la main sur la seigneurie de Saint-Bonnet-le-Château, immédiatement
voisine. Après l’achat de cette dernière par Jean Ier, le mandement de Marols perd
manifestement son autonomie lorsque les officiers comtaux qui se succèdent à sa tête
dans le courant du XIVe siècle sont les mêmes qu’à Saint-Bonnet. Le destin de Marols est
alors subordonné à celui de cette dernière seigneurie (Viallard, 1963, p. 272-273). Il est
d’ailleurs révélateur qu’au XVe siècle, les terriers des deux châtellenies soient dressés
conjointement (ADL, B 1972). À l’époque moderne, les deux châtellenies finissent même
par fusionner (ADL, B 2227).
La représentation de l’Armorial
5
Il est difficile de saisir d’où est représenté le site de Marols (fig. 260). Il semblerait
toutefois que le dessinateur se soit placé au sud-est de l’enceinte, ainsi que le laissent
penser quelques éléments des fortifications (situation de la porte) et l’orientation de
l’église. Plusieurs contradictions interdisent pourtant d’être affirmatif. L’illustration de
l’Armorial nous présente un site dont plusieurs éléments peuvent être identifiés : église,
enceinte villageoise et petit faubourg. Aucun château à proprement parler n’apparaît sur
le dessin, contrairement à ce que pourrait laisser entendre son titre. L’église, au centre du
bâti, est l’élément majeur de la vignette : très largement disproportionnée, elle occupe
presque tout l’espace enclos. L’édifice représenté est une église à nef unique, terminée
par une abside semi-circulaire, surmontée d’une croix. L’ouest de l’église est occupé par
un clocher-porche carré, couvert d’un toit à quatre pentes. Le sommet de l’édifice,
souligné par une corniche, est percé de trois baies par face. Aucune autre ouverture n’est
visible. Les faces du clocher, comme le mur gouttereau sud de l’abside, sont décorés par
des arcs reposant sur des lésènes. L’enceinte villageoise, sommaire, est constituée d’une
haute courtine crénelée dans laquelle n’apparaît aucune ouverture de tir. Elle délimite un
espace grossièrement quadrangulaire. À l’extrémité droite de la vignette, probablement
au sud-est, elle est cantonnée d’une échauguette crénelée sur laquelle une ouverture de
tir est visible. Les deux autres angles visibles sont pour leur part munis de deux tours
circulaires, elles aussi crénelées et dotées de deux petites ouvertures carrées. Ces trois
437
tours sont surmontées de deux étendards fleurdelisés et d’un troisième au dauphin. La
face ouest de l’enceinte est percée de la seule porte qui figure sur le dessin. Cette
dernière, manifestement munie d’une herse, puisqu’on en voit les glissières, est
surmontée d’une bretèche crénelée. Le bâti villageois, composé d’une douzaine de
maisons, est dense, serré entre l’église et les remparts. Néanmoins, comme sur la majorité
des vignettes, la représentation des bâtiments est stéréotypée, et aucune maison ne
semble échapper à ce modèle. Notons toutefois dans la répartition de l’habitat qu’un
faubourg de six maisons est représenté au sud du village.
Fig. 260 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 473) : le chatiau de
Maroux.
Les données archéologiques et le parcellaire
6
Le village de Marols est situé à flanc de coteau, sur un replat assez vaste, isolé à l’ouest
par un dénivelé de près de 20 m, et à l’est par une pente très raide qui descend jusqu’à la
confluence de deux ruisseaux, la Gueule d’Enfer et le Mont (fig. 261). Le site est ainsi
inaccessible par ses flancs est et ouest, relief assez fidèlement esquissé sur la vignette de
l’Armorial. Contrairement à ce que le laisserait penser le terme de chatiau qu’emploie
Guillaume Revel, le village de Marols n’est pas structuré autour d’un château, mais d’une
église fortifiée qui est l’élément principal du site (fig. 262). Ce bâtiment, dans son état
actuel, témoigne de nombreuses phases de constructions successives, dont la lecture est
facilitée par des chronologies relatives assez nettes (fig. 263). Il s’agit initialement d’une
église à nef unique de quatre travées, prolongée par une travée de chœur et une abside à
chevet plat. La nef, très élevée, était voûtée en berceau. Il est probable que les deux
chapiteaux romans encore visibles dans l’abside proviennent de cet édifice. Lors de la
mise en défense de l’église, une tour carrée a été édifiée au-dessus de la travée de chœur.
Très élevée, couverte d’une toiture à quatre pans, cette tour est renforcée de huit
438
contreforts aux angles et de deux arcades en plein cintre par côté. Ces deux arcades,
reposant tout à la fois sur les contreforts et sur des lésènes sur consoles, supportent des
mâchicoulis et un garde-corps crénelé. Le même parti défensif se retrouve sur la nef, dont
les murs gouttereaux sont doublés par trois arcs en plein cintre supportant des
assommoirs (fig. 267). Aucun texte ne nous apporte de renseignement précis sur la date
exacte de mise en défense de l’église de Marols. Néanmoins, on peut penser que cette
dernière est liée aux troubles de la guerre de Cent Ans, et plus précisément aux années
1360-1410 qui constituent les décennies les plus troublées et où les fortifications
fleurissent en Forez comme dans les régions voisines (Fournial, 1967, p. 336-342).
L’absence de château à proprement parler a alors souvent impliqué la fortification des
lieux de culte, comme c’est par exemple le cas non loin de Marols, à Champdieu. Peut-être
la fortification de l’église est-elle directement liée à la présence des « Anglais », attestés à
Marols en 1389 (ADL, B 1968). Par la suite, des chapelles latérales ont été adjointes à
l’édifice, s’appuyant sur les éléments défensifs et rendant inutiles les mâchicoulis des
collatéraux et de la tour centrale, puisqu’elles en occupent les pieds. C’est alors que les
arcs gouttereaux de l’église initiale furent modifiés, les ouvertures des chapelles étant
plus larges que les arcs initiaux, ce qui est encore nettement lisible dans les élévations
actuelles. Pour finir, au XIXe siècle, une tour-porche carrée a été édifiée sur la première
travée, alors même qu’une tribune était bâtie à l’ouest de la nef, coupant la hauteur de
cette dernière. Dans le même temps, la façade ouest a été profondément remaniée, ne
permettant plus de savoir comment était celle de l’édifice médiéval, et le toit de l’église a
été abaissé d’environ 2 m, ainsi que le montre la marque d’un ancien niveau de toiture sur
le clocher-tour. L’église aujourd’hui conservée est bien éloignée de celle représentée sur
la vignette. En effet, aucun élément de fortification n’est représenté, et la tour défensive
qui figure bien sur la vignette est mal située, puisqu’elle se trouve à l’emplacement du
clocher-porche du XIXe siècle. Les détails dans la représentation de la tour montrent
pourtant que le dessinateur a bien observé le bâtiment. En effet, les lésènes supportant les
mâchicoulis figurent bien sur le dessin, comme dans la réalité. La représentation du reste
de l’église est assez fantaisiste, comme par exemple le nombre considérable de
contreforts représentés, qui n’a aucun lien avec la réalité, ou encore l’abside semicirculaire, alors que l’édifice est doté d’un chevet plat. Autour de l’église, le parcellaire
conserve encore très nettement le souvenir d’une enceinte villageoise, mais peu
d’éléments subsistent en élévation. Cette dernière est conservée sur quelques mètres à
l’est, alors qu’à l’ouest, le mur de soutènement de la place de l’église en marque encore le
tracé. À l’angle sud-est, la partie basse d’une maison est constituée de gros blocs
directement assis sur le rocher, probables vestiges de l’enceinte. Le tracé d’ensemble de
cette enceinte sur la vignette de l’Armorial semble globalement correct. Les problèmes
sont ailleurs... Alors que deux grosses tours circulaires et une échauguette sont
représentées sur la vignette, il est difficile de les situer sur le terrain. La grosse tour
figurant sur le cadastre du XIXe siècle à la pointe nord de l’enceinte a aujourd’hui
totalement disparu, mais elle ne peut être l’une de celles figurant sur la vignette,
puisqu’elle était cachée par l’église. Une échauguette circulaire, construite en
encorbellement sur des consoles de pierre, subsiste à l’angle sud-est de l’enceinte (fig.
264) ; elle peut être identifiée à celle de la vignette, correctement localisée donc.
Néanmoins, aucun vestige ne subsiste des deux tours figurant sur le dessin, de même que
le parcellaire n’en laisse rien percevoir. Le plan cadastral du XIXe siècle permet aussi de
restituer quatre portes, ouvrant en direction des quatre points cardinaux et perçant les
quatre côtés de l’enceinte en leur milieu. À l’heure actuelle, ne subsistent que les portes
439
est et sud. À l’est, il s’agit d’une tour-porte carrée qui ne fait pas saillie à l’extérieur de
l’enceinte, mais se développe à l’intérieur (fig. 265, 266) Le passage est surmonté d’une
grande arcade brisée avec feuillure et logements de barre. Au sud, la porte n’est qu’une
étroite poterne, simple porte piétonnière couverte d’un arc brisé et débouchant sur un
étroit couloir. Les autres portes ne sont pas conservées, de sorte que l’on ne peut juger de
la fidélité de la représentation de la porte figurant sur la vignette. Notons toutefois qu’il
doit s’agir de la porte est. La porte sud, qui devrait pourtant être représentée sur la
vignette, ne l’est pas sans que l’on puisse expliquer pourquoi : peut-être était-elle trop
petite ou sans caractère monumental aux yeux de l’artiste. Il ne subsiste que peu
d’éléments du bâti civil. Seul un bâtiment situé au sud-est présente quelques éléments
intéressants, comme des baies à linteau décoré d’une accolade. Tout comme il ne reste
rien du bâti médiéval intra-muros, les quelques maisons représentées hors de l’enceinte
sur la vignette ne peuvent être aujourd’hui localisées.
Fig. 261 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
440
Fig. 262 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 263 - Vue d’ensemble du site depuis le sud-est.
441
Fig. 264 - Échauguette à l’angle sud-est de l’enceinte.
Fig. 265 - La porte est, vue depuis la place du Calvaire.
442
Fig. 266 - La porte est, vue intérieure.
Fig. 267 - Mur gouttereau nord de l’église.
7
Le site de Marols, comme d’autres sites représentés dans l’Armorial, est un village
ecclésial fortifié, dont l’église mise en défense tient lieu de château. En effet, rien dans la
documentation, ni sur le terrain, n’accrédite le terme de « château » employé sur la
vignette. Seule la position particulièrement intéressante de Marols, à proximité des
domaines convoités de la famille de Saint-Bonnet, peut justifier l’implantation des comtes
443
de Forez dans ce village et son érection en châtellenie et en prévôté. La représentation du
site dans l’Armorial est probablement l’une des plus déficientes de la partie forézienne de
l’ouvrage. Sous une apparence de précision, de nombreux éléments ne sont pas
correctement représentés, à commencer par l’église. Cette dernière ne ressemble que très
vaguement à la réalité, mais des détails comme les mâchicoulis sur arcs de la nef et le
clocher montrent que l’auteur est bien passé sur les lieux. De même, si une porte est
oubliée sur l’enceinte, la présence d’une modeste échauguette sur la représentation
permet de penser que des croquis de terrain assez précis ont été effectués.
444
Châtelneuf
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
474. L (sic) chatiau neuf
Département : Loire ; canton : Saint-Georges-enCouzan ; commune : Châtelneuf
L’apport des sources écrites
1
Le château de Châtelneuf apparaît directement lié et issu de celui d’Essertines, qu’il a
vocation à remplacer (d’où son nom) grâce à un accès plus aisé. Il relève de la ligne
défensive mise en place par les comtes de Forez entre le Forez et l’Auvergne, en
association avec ceux de Marcilly, Cervières, Saint-Just-en-Chevalet et en complément des
châteaux vassaux d’Urfé, Couzan, Rochefort et Chalmazel (De Boos, 1998, p. 533).
Construit au XIIe siècle1, à plus de 1 000 m d’altitude sur un site moins accidenté que celui
d’Essertines, il fait face aux monts du Lyonnais et domine la plaine du Forez qu’il
embrasse de Neulise à Fontanès, à l’exception d’un intervalle rendu invisible entre
Bellegarde et Saint-Héand, en raison de l’éminence du mont Semiol (1 024 m). Dès le siècle
suivant, la chapelle du castrum de Châtelneuf est érigée en église paroissiale, et figure
comme telle au pouillé de 1225 (Chartes du Forez, n° 901). À partir du XIVe siècle, la
châtellenie de Châtelneuf englobe celle d’Essertines et celle de Châtelneuf ; l’évolution de
l’architecture castrale privilégie alors des sites habitables avec un certain confort plutôt
que des repaires certes inexpugnables, mais rudes et exigus. En 1362, a lieu une
transaction entre Jean, comte de Forez, et Renaud, son oncle et curateur, d’une part,
Jeanne de Bourbon, comtesse douairière de Forez, d’autre part, celle-ci réclamant la
succession de son fils Louis, autrefois comte de Forez et décédé intestat. Jeanne obtient
les châteaux et places de Chambéon, du Verdier et de Vernay, avec tout ce que les comtes
de Forez possèdent à Villerest. Elle aura de plus, sa vie durant, les châteaux de Donzy et
de Châtelneuf avec celui de Saint-Germain-Laval. En 1457, des lettres patentes du duc de
Bourbon mentionnent le château de Châtelneuf comme étant
bien petit et de petite garde car il n’y a seulement que une petite tour et ung peu de basse
cour qui est un peu de defense (ADL, B 2071, f° 150).
445
2
Lorsque François Ier engage Châtelneuf en 1543, comme il le fait pour la plupart des
châteaux après la saisie du comté de Forez par la couronne, le bénéficiaire est alors
Philippe Hyppolite, procureur du roi. À cette date, le château est déjà dit vieux et en ruine
(De Boos, 1998 ; Perroy, 1966b, p. 143, p. 155, p. 162, p. 238 n° 29) et à la fin du siècle
suivant, Châtelneuf fait partie des châteaux totalement en ruine en incapacité d’exercer
le rôle de siège de châtellenie (Viallard, 1992, p. 40).
La représentation de l’Armorial
3
Le dessinateur de la vignette s’est installé au sud-est du site. Le château se dresse dans un
environnement montagneux aux rochers bien marqués et couvert de sapins (fig. 268). À
gauche de l’image, le Vizézy serpente entre deux monts et un chemin d’accès conduit à
l’entrée du château en franchissant quelques blocs rocheux. Le dessin offre un nombre
important de détails concernant la topographie, le plan du château ainsi que les éléments
à caractère militaire, toutefois, seule la mise en couleur des toitures a été effectuée.
Fig. 268 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 474) :
l (sic) chatiau neuf.
4
Le château et sa basse-cour composent un ensemble castral de forme quadrangulaire
entouré d’un fossé creusé dans le rocher. À l’intérieur de la chemise principale, un
imposant donjon carré, crénelé et surmonté d’un toit à quatre pans, émerge en occupant
une position légèrement décalée vers la gauche. Il est éclairé par plusieurs ouvertures à
traverses et meneau qui attestent, au milieu du XVe siècle, d’aménagements relativement
récents. Les angles de la chemise sont flanqués de tours, l’une ronde et l’autre
quadrangulaire, et d’une échauguette ; le quatrième angle n’est pas visible car caché par
la tour maîtresse. Outre la grande tour, sont visibles à l’intérieur de l’enceinte du château,
trois autres longs bâtiments bâtis en appui contre les courtines. L’un d’entre eux présente
446
deux grandes baies à meneau qui percent la courtine. Enfin, tous montrent une grosse
cheminée à mitre. Ce sont assurément là des bâtiments à usage seigneurial sans que l’on
puisse être plus précis. Le château ouvre, par une simple porte surmontée d’une bretèche
crénelée, vers une petite basse-cour quadrangulaire totalement vide. Celle-ci est
circonscrite par une enceinte basse munie de nombreuses ouvertures de tir comportant
un chemin de ronde, trois tours de flanquement circulaires et une petite bretèche
protégeant une porte, ouverte vers le sud. Enfin, aucun habitat n’est associé au château
sur la vignette.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
5
Du château de Châtelneuf, il ne subsiste aujourd’hui que quelques rares vestiges envahis
par la végétation. La récupération continue de matériaux sur le site depuis son abandon à
l’époque moderne, la modification de la topographie des lieux par les éboulis et les
terrassements divers ainsi que l’installation récente d’une antenne hertzienne et de
réservoirs sur la partie sommitale rendent l’interprétation difficile (fig. 269).
Fig. 269 - Vue d’ensemble du site.
6
Le donjon carré occupait la partie sommitale du château, il n’en reste plus aucune trace.
Seule subsiste au sommet de la plate-forme une petite excavation maçonnée d’environ
2,50 m de côté, mise au jour lors de fouilles anciennes et dont la fonction reste à expliquer
(fig. 270). Le tracé de la chemise du château peut être partiellement restitué grâce à
quelques rares élévations ponctuellement conservées (sur quelque dizaine de cm de
hauteur généralement) (fig. 271) et les vestiges d’une tour de flanquement semicirculaire d’environ 4 m de diamètre hors œuvre sont encore visibles au sud-est. Celle-ci
pourrait correspondre à une des tours figurées sur l’Armorial.
447
Fig. 270 - La plate-forme sommitale du site.
Fig. 271 - Vestiges de maçonneries sur la plate-forme sommitale.
7
La chapelle castrale, installée sur une plateforme placée à l’intérieur de la basse-cour, est,
bien qu’absente de la vue de l’Armorial, le bâtiment le mieux conservé du site (fig. 272,
273, 274). De l’édifice primitif roman subsiste la nef centrale. Différentes campagnes de
travaux du XVe au XIXe siècle ont notablement modifié cette chapelle : reconstruction du
chœur et du chevet, adjonction de bas-côtés...
448
Fig. 272 - La chapelle vue depuis la plate-forme sommitale.
Fig. 273 - Vue de la façade nord de la chapelle.
449
Fig. 274 - Vue intérieure de la chapelle.
8
Il semble enfin qu’ait existé encore à la fin du XIXe siècle un petit habitat en contrebas de
la chapelle. Si rien n’autorise à dater celui-ci du Moyen Âge, l’hypothèse qu’il soit
directement issu du château n’est cependant pas à exclure. Enfin, il paraît probable que le
chemin actuel corresponde au tracé dessiné sur la vignette et conduise vers la porte
placée au sud.
9
Il reste trop peu de vestiges du site de Châtelneuf, très anciennement ruiné, pour vérifier
la pertinence de la vignette de l’Armorial. Ne subsiste aujourd’hui surtout en élévation
que la chapelle, en partie romane, qui ne figure d’ailleurs pas sur la vignette... Le cadre
général paraît bon, le relief est bien rendu et sans doute la disposition et la morphologie
d’ensemble du site sont-elles correctes. En revanche, il est assurément impossible
d’attester de la véracité des détails architecturaux représentés.
NOTES
1. La première mention de celui-ci est de 1181 (Francs-fiefs, p. 4) et son mandement est attesté
dès le XIIIe siècle (Chartes du Forez, n° 91).
450
Essertines
Franck Brechon
475. Le chatiau d’Issartines
Département : Loire ; canton : Montbrison ; commune :
Essertines-en-Châtelneuf
L’apport des sources écrites
1
La première mention d’Essertines est à placer à la fin du Xe siècle. L’ecclesia Sancte Marie de
Exartinis cum capella et appenditiis figure, en effet, dans la liste des possessions de l’Église
de Lyon en 994 (ADR 18 G 1879 et Feuillet, Guilhot, 1985, p. 73). Il est toutefois difficile de
situer avec précision les lieux mentionnés dans cet acte qui pose par ailleurs des
problèmes d’interpolation certains. Sans doute l’église Sainte-Marie n’est-elle autre que
l’édifice paroissial situé au chef-lieu de la commune actuelle, alors que la chapelle peut
éventuellement, mais sans certitude aucune, être identifiée à la capella castri d’Essertines.
Quoi qu’il en soit, le toponyme Essertines évoque indéniablement un mouvement de
défrichement sur un front pionnier remontant la vallée du Vizézy vers l’intérieur des
monts du Forez. Il est impossible de préciser qui, au Xe siècle, possède cet édifice et la
seigneurie qui en dépend. Si on ne retient pas la capella de 994 comme étant assurément
celle du château, ce qui est néanmoins probable, il faut attendre 1190 pour que le château
d’Essertines soit indirectement attesté. Une famille montbrisonnaise se dispute alors
divers biens situés autour de la ville, dont certains sont situés dans le mandement
d’Essertines (Titres de la maison ducale de Bourbon, p. 8). Par la suite, le château
d’Essertines figure dans le testament d’Albert de Thizy, daté de 1207-1210 (Chartes du
Forez, n° 605). Le testateur effectue alors un legs composé de sa
domum d’Essartines et muram que est supra capellam, et quicquid plus iuris habebat a
Essartines, excepta solummodo parte quam habebat in turri et cortina quam dedit G., comiti
Foresii.
2
Les éléments du castrum sont alors en place : la tour maîtresse, la courtine qui l’enserre, la
chapelle et les maisons du village dont une est donnée par le testateur. Outre les éléments
topographiques et architecturaux qu’apporte ce document, il permet aussi de savoir que
451
le site n’est alors desservi d’un point de vue religieux que par une simple chapelle
dépendant de l’église paroissiale Sainte-Marie, située au sommet du versant de la vallée
du Vizézy. En effet, le testateur pourvoit aussi à l’entretien du luminaire de
l’ecclesie Beate Marie supra Essartines.
3
La précision topographique est ici intéressante : l’église paroissiale se situe au-dessus de
la capella castri Saint-Étienne. Les XII e et XIII e siècles marquent probablement la prise de
possession du château par les comtes de Forez, ainsi que le laissent penser tout à la fois le
contexte historique général et le testament d’Albert de Thizy. En effet, l’intérêt des
comtes de Forez pour Essertines s’explique très bien et peut être lié à l’établissement de
leur résidence à Montbrison (Piponnier, 1993, p. 21). Par ailleurs, le testament d’Albert de
Thizy indique clairement que les comtes sont alors en pleine acquisition de droits à
Essertines, puisque le testateur leur a cédé une part de la seigneurie qu’il y possédait. Les
autres coseigneurs ne sont malheureusement pas mentionnés dans l’acte, ni d’ailleurs
dans aucun autre texte, mais ils disparaissent de toute façon dans les décennies qui
suivent au profit du comte de Forez qui apparaît par la suite comme seul seigneur
châtelain du lieu. Dans une situation topographique difficile, le château d’Essertines est
rapidement secondé par celui de Châtelneuf, construit dans le courant du XIIe siècle sur
un site plus spacieux et moins accidenté que le nid d’aigle de la vallée du Vizézy.
Concurrencé par ce « château neuf » au toponyme évocateur, le château vieux
d’Essertines perd de l’importance à la fin du Moyen Âge. Ainsi, dès le XIVe siècle, la
châtellenie qui apparaissait comme celle d’Essertines et de Châtelneuf devient-elle
uniquement celle de Châtelneuf1. Parallèlement, alors que la chapelle du castrum
d’Essertines n’obtient jamais de droits paroissiaux, celle de Châtelneuf est érigée en
paroissiale dès le XIIIe siècle, puisqu’elle figure comme telle au pouillé de 1225 (Pouillés
de la province ecclésiastique de Lyon, p. 5). Pour finir, le château d’Essertines n’est plus
attesté après le XVe siècle, victime des crises démographiques de la fin du Moyen Âge et
des évolutions de l’architecture castrale qui privilégie alors des sites habitables avec un
certain confort plus que des repaires certes inexpugnables, mais rudes et exigus.
L’archéologie confirme d’ailleurs cet abandon progressif dans le courant du XVe siècle
(Piponnier, 1993, p. 169).
La représentation de l’Armorial
4
De prime abord, la vignette représentant le castrum d’Essertines surprend par le caractère
accentué du relief, assurément l’un des plus marqués de l’ensemble du corpus (fig. 275).
Vus depuis le sud-est, le château et le village qui se développe à ses pieds occupent un
promontoire acéré. L’élément principal du site est le château proprement dit. Il se
compose avant tout d’une imposante tour maîtresse quadrangulaire. Située sur le point le
plus haut du site, elle s’élève au moins sur cinq niveaux : une base aveugle (probable
basse-fosse), un premier niveau, où s’ouvre la porte d’accès, et deux étages supérieurs
percés de baies à meneau simple ou à croisée, suggérant un éventuel caractère résidentiel
de ces deux étages. L’ensemble est surmonté d’un crénelage formant un cinquième
niveau, couvert d’un toit à quatre pentes en tuiles sur lequel flotte l’étendard des ducs de
Bourbon. À ce donjon, il faut associer deux courtines concentriques. Une première, qui se
rattache au donjon, circonscrit un espace semi-circulaire de taille réduite, en avant de la
porte d’accès au donjon ; une seconde courtine, plus vaste, enserre l’ensemble du château.
Tandis que la première enceinte ne laisse apparaître aucune ouverture, ni aménagement
452
défensif autre qu’un crénelage et un chemin de ronde, la seconde est mieux défendue. Elle
est cantonnée par une tour circulaire crénelée qui fait face au dessinateur, alors qu’une
porte surmontée d’une bretèche s’ouvre non loin de cette dernière. La capella castri est
située hors du château, face à sa porte, à mi-distance entre ses remparts et les
constructions villageoises. Il s’agit d’un édifice de taille modeste, lui aussi crénelé. Dotée
d’une abside semi-circulaire, sa façade est surmontée d’un petit clocher-mur à une baie.
Deux grandes ouvertures éclairent l’abside. Le village castral associé au château se
développe au premier plan sur le dessin. Il est composé d’une vingtaine de maisonnettes
répondant toutes au stéréotype de l’Armorial. Une seule, de par sa position proche de la
chapelle castrale, se distingue du lot, mais aucun élément architectural ne permet de
penser qu’il s’agit d’une construction au statut différent des autres. L’ensemble villageois
est protégé par un rempart non crénelé, simple mur au tracé circulaire qui enceint toute
la base du rocher, sans que l’on parvienne, sur le dessin, à distinguer si cette courtine
élémentaire prend appui sur le château lui-même ou sur le pointement rocheux qui le
supporte. Une porte sans défense particulière perce cette muraille. Tout au plus est-elle
surélevée de quelques dizaines de centimètres par rapport au sol, puisqu’un escalier de
deux marches permet d’y accéder. Un torrent de montagne impétueux coule au pied du
rempart, pouvant sur le dessin laisser penser à la présence d’un fossé en eau, qu’un pont
situé dans l’axe de la porte permet de franchir.
Fig. 275 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 475) : le chatiau d’Issartines.
Les données archéologiques
5
Déserté depuis presque 500 ans, le site d’Essertines n’est pas appréhendable à la lecture
du parcellaire napoléonien qui n’apporte aucun renseignement utile sur les états
médiévaux du site, et seule la fouille, complétée par l’étude des quelques vestiges encore
conservés en élévation, permet de percevoir ce qu’était le château et le castrum
453
d’Essertines en plein Moyen Âge. Le relief constitue le premier élément défensif du
château et son implantation en fait un archétype de roca du premier âge castral. Il est
juché sur un étroit éperon rocheux qui barre la vallée du Vizézy, particulièrement
encaissée à cet endroit (fig. 276, 277, 278). Le site n’est lié au relief dominant que par une
étroite échine rocheuse au sud-ouest, alors que le versant nord est constitué d’une falaise
d’une trentaine de mètres de hauteur et que le versant est présente une pente
particulièrement abrupte. De plus, un fossé rupestre a été creusé sur le versant sud-ouest
du site, flanc naturellement moins bien défendu, puisque c’est de ce côté que l’éperon se
rattache au versant de la vallée du Vizézy. Le sommet de l’éperon rocheux était occupé
par une tour et une courtine, succédant à un édifice dont ne subsiste qu’un seul pan de
mur très arasé, au point qu’il est impossible d’en proposer une datation et une
interprétation planimétrique (Piponnier, 1993, p. 59). Peut-être s’agit-il du soubassement
d’une première tour... Le donjon quadrangulaire qui se superpose à ce mur primitif
occupe l’essentiel de la plate-forme sommitale. Il est très arasé. L’étude archéologique
permet de situer sa construction dans le courant du XIIe siècle, sans plus de précision (fig.
279). À l’heure actuelle, une porte est visible au rez-de-chaussée sur la façade sud-est,
encadrée par deux contreforts. Néanmoins, cette ouverture n’appartient pas au premier
état du bâtiment et a fait l’objet d’un percement ultérieur, probablement lors d’une
réfection suite à un incendie. L’accès initial se faisait par une porte située au premier
niveau (Piponnier, 1993 p. 41-55). L’espace situé au sud et à l’est de ce donjon est enserré
dans une enceinte au plan globalement semi-circulaire dont le tracé épouse au plus près
les contours du rocher et s’appuie sur l’angle sud-ouest du donjon. Son tracé n’a pu être
repéré au nord. Il s’agit ici de l’enceinte réduite figurant sur la vignette de l’Armorial et
présentant un tracé circulaire, certes bien trop régulier mais représentatif de la forme
réelle du mur. Pour autant que l’étude fine des maçonneries permettent de le cerner,
cette courtine a également fait l’objet de plusieurs reprises et ne constitue pas dans son
état tardimédiéval, représenté sur la vignette, le fruit d’un seul et même programme de
construction (Piponnier, 1993, p. 59-60). Le donjon et l’enceinte réduite sont ceinturés
d’une seconde enceinte, de plan globalement quadrangulaire, qui s’étend en direction du
sud. Là encore, son extrémité nord-est a disparu. Une poterne perce le mur ouest à
quelques distances du donjon, mais il est impossible de vérifier si une porte existait à
l’emplacement où elle est représentée sur la vignette de l’Armorial, ni si une tour la
flanquait au nord, l’ensemble étant sur le pan de mur ayant disparu. Toutefois, il est très
vraisemblable qu’une porte se soit bien située à cet emplacement, proche de la chapelle,
dans la mesure où c’est l’un des seuls points de passage possibles entre le village et le
château. La fouille du château a livré un mobilier relativement abondant, classique de ce
type de site (fig. 280, 281). La chapelle castrale Saint-Étienne orientée est, située
immédiatement en contrebas de la seconde enceinte, à l’emplacement où elle est dessinée
sur la vignette (fig. 278). La chapelle est en appui par sa façade ouest sur la seconde
enceinte. C’est un modeste édifice à une nef, anciennement voûtée en berceau, prolongée
d’un chœur à chevet plat, totalement désaxé. L’accès à l’édifice se fait par le mur
gouttereau nord où subsiste un linteau monolithe surmonté d’une archivolte. Une autre
porte surmontée d’un linteau en accolade a, par la suite, été percée au sud de l’abside.
Seules trois étroites baies romanes éclairent le chœur. Pour finir, un petit clocher-mur est
établi en bâtière à la jonction de la nef et du chœur. Il est percé d’une baie géminée
reposant sur une colonnette ornée d’un chapiteau, seul élément sculpté significatif de
l’édifice. Même si la chapelle est représentée au bon endroit sur la vignette de l’Armorial,
les détails architecturaux sont totalement discordants entre dessin et réalité. En premier
454
lieu, la chapelle représentée dans l’Armorial est septentrionée et ne prend pas appui sur
l’enceinte, contrairement à la réalité. Ensuite, le plan de l’édifice est reproduit de manière
fantaisiste. Ainsi, le chevet plat est remplacé par une abside semi-circulaire, alors que les
fentes de jour deviennent des baies disproportionnées. De même, le clocher n’est ni
fidèlement reproduit dans son élévation, ni correctement positionné sur l’édifice.
Fig. 276 - Plan d’ensemble du site (d’après Piponnier, 1993).
Fig. 277 - Vue d’ensemble de la chapelle et des vestiges du château.
455
Fig. 278 - Vue de détail de la chapelle et des vestiges du château.
Fig. 279 - Plan de la tour maîtresse en cours de fouille (d’après Piponnier, 1993).
6
Le dernier élément constitutif du site est l’habitat villageois qui se développe en
contrebas du château, sur le versant est de l’éperon rocheux. Près d’une vingtaine de
constructions établies sur des terrasses ont pu être identifiées, regroupées pour
l’essentiel dans la partie basse du site, ainsi que le représente la vignette de l’Armorial.
456
Construits soit en pierres sèches, soit liés au mortier de chaux, les bâtiments du village
sont protégés par une enceinte maçonnée dont seuls quelques rares éléments sont
conservés en élévation. Pour l’essentiel, cette fortification semble être constituée des
murs arrière des maisons du castrum et non d’une vraie courtine, contrairement à ce qui
est représenté sur la vignette. Toute trace de porte perçant ce rempart a disparu, mais il
est très probable qu’elle devait, eu égard à la disposition des constructions et au relief, se
situer dans le secteur sud-est du rempart, à l’emplacement où la vignette la représente. Si
le château stricto sensu est abandonné à la fin du Moyen Âge, il n’en est pas de même pour
le village qui perdure à l’époque moderne. L’essentiel des lots de céramique qui ont été
découverts dans le village date même du XVIe siècle et une occupation résiduelle perdure
jusqu’au XIXe siècle dans les parties les plus basses du site (Alexandre-Bidon, MaccariPoisson 2003, p. 4) (fig. 280, 281).
Fig. 280 - Exemples de mobilier métallique découvert lors de la fouille du château
(d’après Piponnier, 1993).
457
Fig. 281 - Exemples de mobilier métallique découvert lors de la fouille du château (d’après
Piponnier, 1993).
7
Le castrum d’Essertines correspond tout à fait à l’archétype des nombreuses rocas qui
parsèment les vallées du Massif Central. L’élément central du site est composé d’un
modeste donjon et d’une petite enceinte, auxquels il faut généralement associer une aula
de dimensions réduites. Un village s’est développé à ses pieds, dont l’importance reste
limitée en raison de l’isolement relatif du lieu par rapport aux meilleurs terroirs et de
l’inconfort de l’installation, due au relief. La chapelle, située entre le château stricto sensu
et le village, est un lieu de culte commun aux habitants du village et du château, et non un
oratoire spécifiquement châtelain. Par ailleurs, l’évolution du site, abandonné au profit
d’un « château neuf », est exemplaire de l’évolution de nombre de ces châteaux de la
première génération castrale (Laffont, 2009). Toutefois, ici, même si la construction du
« château neuf » est précoce – au XIIe siècle – elle n’entraîne pas une disparition
immédiate du « château vieux » d’Essertines, mais provoque plutôt un long déclin qui
n’est achevé qu’au XVe siècle. Essertines apparaît très fidèlement représenté par la
vignette de l’Armorial qui fournit de ce fait une image saisissante de ce type de site. Les
éléments qui le composent sont clairement représentés à leur place, alors que les détails
architecturaux, pour autant que l’état des vestiges permette de s’en rendre compte, sont
correctement traités. Ainsi, on remarquera que le tracé des courtines apparaît très fidèle,
particulièrement pour l’enceinte réduite qui entoure le donjon : son tracé présente bien
un demi-cercle comme celui figuré sur le dessin. On ne pourra donc que regretter que les
maisonnettes aient fait l’objet d’un traitement tellement stéréotypé : elles ne peuvent
fonctionner avec les éléments de relief perceptibles et ne s’apparentent nullement aux
vestiges découverts.
458
NOTES
1. Cf. supra p. 335 la notice consacrée à Châtelneuf (p. 474 de l’Armorial).
459
Champdieu
Franck Brechon et Anne-Christine Ferrand
476. Le chatiau de Chandieu
Département : Loire ; canton : Montbrison ; commune :
Champdieu
L’apport des sources écrites
1
Champdieu est situé sur le piémont des monts du Forez, dans une région marquée par une
tradition de peuplement ancienne (Lavendhomme, 1997, p. 83). Le toponyme lui-même,
avec un suffixe en -acum, renvoie à un lieu occupé dès l’Antiquité ou le haut Moyen Âge.
Si l’on excepte une mention non datable avec précision de l’ecclesia de Candiaco dans la
Pancharte du droit de cire et d’encens dû à l’Église de Lyon1 (Cartulaire de Savigny, t. II,
p. 1055), l’église, placée sous le vocable de saint Sébastien, n’est pas mentionnée avec
certitude avant 1212, lorsque le conventus Sancti Sebastiani de Candiaco reçoit un legs
(Chartes du Forez, n° 1319). Champdieu est alors un prieuré de l’abbaye auvergnate de
Manglieu (Dufour, 1946, article « Champdieu »). Cette dépendance est rappelée à
plusieurs reprises, lorsque l’abbé intervient dans les principales transactions concernant
le prieuré, comme en 1260, lorsqu’une sentence arbitrale est rendue entre Jean Bernard,
châtelain de Châtelneuf, représentant le comte, et Hugues, abbé de Manglieu, au nom du
prieuré de Champdieu, au sujet de leurs droits respectifs sur le village de l’Herm (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 370 ; Chartes du Forez, n° 1088). Par la suite, l’église
paroissiale de Champdieu apparaît à de très nombreuses reprises, comme dans le pouillé
de 1225 (Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon, p. 7), ou comme en 1286 (ADL, B
1850, f° 12), le prieuré étant tout aussi souvent mentionné (Chartes du Forez, nos 330, 622,
901, 1386). En 1286, c’est la domus prioratus Candiacii qui est attestée (Chartes du Forez, n
° 1037). Le prieur de Champdieu, seigneur foncier d’une large partie de Champdieu et de
ses environs, est aussi seigneur justicier du lieu (Chartes du Forez, nos 269, 952, 1175). Les
droits de justice sur Champdieu font l’objet de plusieurs litiges avec le comte. Ainsi, en
1260, le comte et le prieur se partagent les droits de justice, le premier conservant les
clameurs de sang, le vingtain, le second recevant les plaintes mineures (Titres de la
460
maison ducale de Bourbon, n° 370 A). Par la suite, en 1290, le comte et le prieur se
querellent au sujet de l’exécution des condamnés à mort dans l’étendue de la justice du
prieuré de Champdieu (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 831 ; Chartes du Forez, n
° 864). Même si Champdieu n’est pas un château, l’existence d’une circonscription
judiciaire explique sans doute qu’en 1260, il soit question du mandement de Champdieu
(Chartes du Forez, n° 903). Cependant, les appellatifs généralement employés pour
Champdieu sont territorium et villa, qui renvoient bien à une origine plutôt ecclésiale de
l’habitat (Laffont, 2009). Néanmoins, par une transaction de 1253, le comte rappelle qu’il
détient la quasi-totalité des droits banaux sur Champdieu, et tout au plus en exempte-t-il
les convers, familiers et serviteurs du prieuré (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 323). En 1251, le sire de Baffie remet au comte 10 sous de rente qu’il percevait sur le
prieuré de Champdieu, mais nous ne savons pas à quel titre il les détenait (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 317). La présence du comte de Forez à Champdieu est
encore rappelée en 1278 lorsqu’il déclare avoir reçu satisfaction du prieur pour tous les
acquêts que le prieuré a pu faire de personnes nobles ou autres, tant en fiefs et arrièresfiefs qu’en alleux (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 643 ; Chartes du Forez, n
° 1511). Un habitat villageois se structure à une période indéterminée autour de cette
église et de son prieuré. Il est attesté pour la première fois en 1212, lorsque plusieurs
maisons apparaissent sous les murs de l’église Saint-Sébastien de Champdieu (Chartes du
Forez, n° 1319). La villa de Champdieu, villa étant alors à comprendre comme synonyme de
village d’origine ecclésiale, est attestée dès 1253, lorsque le prieur et le comte se
partagent différents droits sur les habitants de la villa Candiaci (Chartes du Forez, n° 323),
dénomination que l’on rencontre encore en 1290 (Chartes du Forez, n° 831). Néanmoins,
bien que situé sur une variante du chemin de Forez, qui passe par Champdieu avant de
rejoindre le tracé principal à Chalain-d’Uzore (Fournial, 1967, p. 138-139), ce village ne
connaît qu’un essor économique et démographique limité, sans doute contrarié par la
proximité de Montbrison qui est incontestablement la ville-centre de la région. Tout au
plus voit-on apparaître au gré de la documentation quelques habitants de Champdieu,
comme en 1288, lorsqu’une vingtaine d’entre eux sont débiteurs de Jean de Sal, Jean Gras
et Pierre Alayson, prêteurs et bourgeois de Montbrison (Chartes du Forez, n° 906-907).
La représentation de l’Armorial
2
La vignette de l’Armorial, dessinée depuis l’ouest ou le nord-ouest, représente un
imposant bâtiment fortifié, l’église et le prieuré, ceinturé par un village lui aussi défendu
par un rempart. Les abords du site sont juste esquissés et ne présentent aucun élément de
relief, seul un ruisseau traverse la vignette au premier plan (fig. 282).
461
Fig. 282 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 476) : le chatiau de
Chandieu.
3
L’église n’est localisable que grâce à son clocher qui dépasse des remparts. Ce dernier, de
plan carré, est surmonté d’une toiture à quatre pentes. L’étage supérieur est ajouré de
deux grandes baies en plein cintre par face, dont la base est soulignée par une corniche.
Seule la toiture d’une courte nef dépasse du sommet des remparts. À l’église, il faut
associer les bâtiments conventuels du prieuré qui sont bien visibles. Il s’agit de deux
édifices accolés. Sensiblement plus élevés que les bâtiments laïcs voisins, ils dépassent
largement de tout le bâti, et sur l’un d’eux, s’élève encore une cheminée qui, fait rare, ne
relève pas du modèle stéréotypé de l’Armorial, ce dernier ne représentant, rappelons-le,
que des cheminées à mitre. Deux cheminées dépassant derrière le toit de l’église laissent,
en outre, penser à la présence d’autres bâtiments ecclésiaux qui sont représentés
enserrés dans un puissant rempart ceinturant un espace quadrangulaire. Élevée, cette
enceinte n’est pas surmontée de créneaux, contrairement à la quasi-totalité de celles
figurant dans l’Armorial mais elle possède des mâchicoulis sur arcs. Une tour en renforce
l’angle situé à droite de la vignette (angle est). C’est la seule qui soit visible sur le rempart.
Carrée, elle est couronnée d’un étage de mâchicoulis sur consoles et d’un crénelage et ne
met pas en œuvre de bois, que l’on rencontre pourtant souvent sur les autres tours
carrées représentées dans l’ouvrage. Un toit à quatre pentes assez classique la surmonte,
terminé par une croix qui rappelle l’appartenance ecclésiastique de l’édifice. Aucune
porte ni poterne n’est visible sur la face représentée de cette enceinte. Un habitat
villageois dense est organisé autour de l’église, composé de maisons correspondant toutes
au stéréotype de l’Armorial, à un ou deux étages. L’ensemble est enclos dans une enceinte
circulaire cantonnée de onze tours, quatre circulaires et crénelées, quatre carrées
surmontées d’une toiture et de hourds, une dernière carrée crénelée et couverte d’un toit.
Cette haute courtine est crénelée et dotée d’un chemin de ronde ; sa base est doublée d’un
fossé en eau. La seule porte visible sur cette enceinte est située face au dessinateur. De
462
conception très simple, elle est percée dans la muraille et surmontée d’une bretèche
crénelée. La feuillure d’une herse est visible dans l’ouverture. L’ensemble est prolongé
par un pont fixe qui traverse la douve. Celui-ci est flanqué de hauts murs et terminé par
une porte. Le sommet d’une seconde porte (tour-porte) se dessine à l’ouest (à droite sur le
dessin), mais la perspective ne permet pas de bien l’apercevoir. Pour finir, vingt
maisonnettes sont construites hors de l’enceinte, mais elles ne sont pas disposées de
manière cohérente et ne forment pas un faubourg à proprement parler.
Les données archéologiques et le parcellaire
4
Le plan cadastral napoléonien permet de retrouver tous les éléments constitutifs du site,
le parcellaire étant remarquablement bien conservé (fig. 284-286). Le cœur du site est
occupé par l’église. Aujourd’hui, cette dernière se présente sous la forme d’un édifice
fortifié associant une base romane et des éléments défensifs du bas Moyen Âge. L’édifice
roman est encore très directement perceptible sous les éléments tardifs. La partie la plus
ancienne de l’édifice est la crypte. Le plan de celle-ci reprend exactement celui du chœur
situé au-dessus. Il est composé d’une abside centrale flanquée de deux absidioles. Si ces
deux dernières sont traitées très sobrement, l’abside de la crypte concentre à elle seule
toute l’ornementation du lieu : trois petites nefs de quatre travées sont rythmées par dixhuit colonnes aux chapiteaux finement sculptés. Ce rythme est accentué par l’utilisation
de voûtes en berceau irrégulières et de faible amplitude retombant sur les colonnes. La
crypte a une structure qui pourrait appartenir à l’église paroissiale (IXe-Xe siècle),
antérieure à la priorale. Très influencée par le roman auvergnat, sans doute en raison du
fait qu’elle dépendait de l’abbaye de Manglieu, l’église romane est très simple dans ses
volumes. Sous berceau plein cintre, le vaisseau central est contrebuté par deux
collatéraux voûtés en demi-berceau ; long de cinq travées, il se poursuit par un chœur
très vaste et une abside semi-circulaire. Deux absidioles s’ouvrent sur chaque bras du
transept ainsi que sur le chœur. L’ensemble est voûté en berceau. Deux clochers sont
visibles. L’un, roman, surmonte l’ensemble à la croisée du transept. Carré, il est bas et
trapu. Ses faces sud, est et nord sont ajourées de deux baies géminées surmontées
d’arcatures aveugles, alors que la face ouest est percée de trois baies en plein cintre. Un
second clocher devance la nef et forme un porche. Cependant, dans son état actuel, seule
la base est de construction romane, le sommet de l’élévation ayant été reconstruit, sans
doute à la fin du Moyen Âge, lors des travaux de fortification. Son sommet, dans l’état de
la fin du Moyen Âge, est couronné de deux vastes baies par face, dont la base est soulignée
par une corniche. À la fin du Moyen Âge, sans qu’il soit possible d’en préciser la datation
(après 1348 et avant 1386), des travaux de fortification ont été entrepris. Alors que le
prieuré est doté d’un rempart, le mur gouttereau sud de l’église, donnant sur l’extérieur
de la clôture ecclésiale, est doublé de puissants mâchicoulis sur arcs comme le transept
sud (fig. 287, 288), alors que les murs de l’abside et des absidioles sont surélevés audessus du niveau du toit afin de former un rempart et d’abriter un chemin de ronde (fig.
289).
463
Fig. 283 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 284 - Le site à l’époque romane (d’après Carcel, 2005).
464
Fig. 285 - Le site à l’époque gothique (d’après Carcel, 2005).
Fig. 286 - Le site au XVIe siècle (d’après Carcel, 2005).
465
Fig. 287 - Le mur gouttereau sud de l’église priorale et ses mâchicoulis sur arcs.
Fig. 288 - Détail des mâchicoulis sur arcs.
466
Fig. 289 - Le chevet de l’église.
5
Les bâtiments prioraux sont encore à l’heure actuelle très largement conservés dans leur
état de la fin du Moyen Âge. Situés au nord de l’église, ils s’agencent en carré autour d’une
cour, dont ils bordent les côtés ouest et nord (fig. 283). Sur le côté est, l’essentiel des
bâtiments a disparu, mais leur emplacement est encore parfaitement lisible dans le
parcellaire napoléonien. L’entrée principale du prieuré est située au nord (détail non
visible sur la représentation de l’Armorial). Sur ces deux ailes, les bâtiments sont élevés
sur trois étages, les circulations verticales se faisant par deux escaliers en vis installés
dans des tourelles. Au rez-de-chaussée, on rencontre successivement les communs, le
fournil, la cuisine, le réfectoire, orné de fresques, seule pièce dotée d’une cheminée avec
la cuisine et la salle d’apparat du premier étage, ainsi que des caves et réserves. Au
premier étage se trouvent la salle principale, avec une magnifique cheminée
monumentale, une pièce voûtée, la chambre du prieur et les vestiges du dortoir des
moines ; au second, ce sont des combles, des séchoirs, des greniers et des galetas. Pour
finir, des galeries couvertes en bois parcourent les façades intérieures des bâtiments au
rez-de-chaussée et au premier étage, sur le côté ouest et nord du cloître.
6
Plus encore que dans les bâtiments prioraux eux-mêmes, l’intérêt du site réside dans ses
fortifications imposantes. Elles sont similaires à celles de l’église, et se composent de
grandes arcades qui supportent des mâchicoulis sur arcs. Elles sont au nombre de six sur
les façades nord et ouest (six sur la façade ouest, six à l’origine sur la façade nord dont
une à disparu), alors qu’il n’en reste que quelques vestiges ténus à l’est, les bâtiments
ayant disparu (fig. 290). Outre ces mâchicoulis, une tour circulaire complète le système
défensif sur la façade ouest, à gauche de l’entrée de l’église, et la base d’une échauguette
est encore visible à l’angle nord-ouest. Pour finir, un chemin de ronde ceinture
l’ensemble. Dans leur état actuel, ces bâtiments présentent une très large homogénéité et
il ne fait aucun doute qu’ils sont pour l’essentiel de la fin du Moyen Âge, contemporains
467
de la mise en place de la fortification avec laquelle ils sont organiquement liés en tous
points. Les différentes ouvertures à meneau qui percent les façades témoignent d’ailleurs
d’une construction tardive dans le Moyen Âge. Globalement, la vignette de l’Armorial
rend bien compte de la fortification des bâtiments prioraux : quadrangulaires, leur
caractère massif est bien perceptible. Néanmoins, la tour qui se situe au premier plan sur
le dessin ne semble pas avoir existé : le parcellaire ne permet pas de la replacer, et aucun
vestige n’en est conservé. De même, l’échauguette de l’angle nord-ouest n’est pas visible
sur la vignette, ni la tour ronde située sur la façade ouest.
Fig. 290 - Mâchicoulis sur arcs sur le mur nord du prieuré.
7
Le village se développe autour du prieuré qui en occupe le centre. Ses limites sont
clairement lisibles sur le cadastre. L’enceinte est d’ailleurs conservée en de nombreuses
sections, comme au sud-ouest, ou au nord-ouest (fig. 292, 293). Une tour circulaire de
fort diamètre subsiste encore à l’angle nord-ouest, mais toutes les autres ont disparu. Le
parcellaire laisse apparaître la présence d’un fossé, aujourd’hui largement comblé, mais
dont le souvenir subsiste dans la toponymie, puisque la rue des Fossés en reprend
l’emplacement (fig. 292). Trois portes sont repérables sur le cadastre, une au sud, une au
nord-est et une autre au nord-ouest. Seule la porte nord-ouest, dite porte de Bise, est
conservée en élévation (fig. 291) : un arc en berceau brisé forme le passage, surmonté
d’une bretèche. Cette porte est flanquée à l’ouest par une tour circulaire aujourd’hui
partiellement noyée dans des constructions des XIXe et XXe siècles. Elle est située dans un
quartier dont la dénomination ancienne de Larscallier (ADR, 8 G 60-62), probablement
dérivée de eschelier signifiant ici pont-levis, semble indiquer l’entrée principale du site.
C’est cette dernière qui est représentée sur la vignette, mitoyenne de la seule tour
conservée, et la description de la vignette correspond en tout point aux élévations
aujourd’hui visibles. Le bâti villageois s’organise en suivant le tracé d’une rue circulaire
périphérique à la fortification, et d’un axe principal nord-sud longeant la façade ouest du
468
prieuré. Autour du prieuré, les anciennes dépendances (pressoirs, grange, écuries) sont
actuellement bien visibles. Bien que remaniées aux XIXe et XXe siècles, elles ont des bases
datables des XVIe et XVIIe siècles.
Fig. 291 - La porte nord-ouest de l’enceinte du bourg, dite « Porte de Bise ».
Fig. 292 - Les fossés du bourg.
469
Fig. 293 - Arcs de décharge dans les maçonneries de l’enceinte du bourg.
8
Le site de Champdieu, s’il ne constitue pas un cas original de peuplement, n’en est pas
moins particulièrement intéressant. L’état de conservation des vestiges permet en effet
d’appréhender ce que peut être un prieuré conventuel assez important à la fin du Moyen
Âge. De plus, l’ampleur des travaux de fortification est à signaler. Alors que le plus
souvent ces travaux se limitent à des réfections d’enceintes, ou à des fortifications
partielles de lieux de culte, comme à Marols, ici, c’est bien l’ensemble des bâtiments
prioraux qui est reconstruit. La vue que la vignette en donne est de plus globalement
fidèle : le prieuré est représenté dans ses grandes lignes, même si quelques détails
architecturaux sont mal repris, comme les tours de défense. De même, le village est
représenté de manière assez fidèle.
NOTES
1. Cette pancarte rédigée au XVI e siècle est selon J. É. Dufour (Dufour, 1946, article
« Champdieu »), la copie d’un document du XIe siècle. S’il est sans doute difficile d’être aussi
affirmatif, on peut toutefois attribuer au Moyen Âge central le document original copié au XVI e
siècle.
470
La Bouteresse
Franck Brechon
477. Le chatiau de La Bouteresse
Département : Loire ; canton : Boen ; commune :
Sainte-Agathe-la-Bouteresse
L’apport des sources écrites
1
Le nombre de textes médiévaux concernant le site de La Bouteresse est assez réduit. Le
lieu est mentionné pour la première fois en 1220 comme un simple confront limitant les
possessions que Guy de Cousan laisse à sa fille Tibort. Il lui remet tout ce qu’il possède
a les Cumbes et al Verdier et usque alla Botaresci (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 52).
2
Si Étienne Fournial indique que l’église Saint-Barthélemy de La Bouteresse existait peutêtre dès le Xe siècle (Fournial, 1967, p. 28-29), il faut attendre 1225 pour la voir
mentionnée avec certitude dans le pouillé de l’Église de Lyon (Pouillés de la province
ecclésiastique de Lyon, p. 5). Le collateur de cette église est alors le prieur de Sail-sousCouzan. Ensuite, en 1229, La Bouteresse est encore mentionnée dans une bulle du pape
Grégoire IX qui prend sous sa protection le monastère de Bonlieu et les biens des
moniales, dont la
decimaria de Labutaressa (Chartes du Forez, n° 49).
3
Durant les deux derniers siècles du Moyen Âge, les mentions de la paroisse et de l’église
Saint-Barthélemy de La Bouteresse se multiplient, de même que celles du cimetière
paroissial où plusieurs testateurs demandent à être inhumés1.
4
En 1269, La Bouteresse est qualifiée de villa (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 488), puis de locus en 1279 (Chartes du Forez, n° 215) et en 1283 (Chartes du Forez, n
° 232), puis encore de villa en 1419 (ADL, B 1889, f° 116 v°). À aucun moment le terme de
castrum n’apparaît dans la documentation consultée, portant avant tout sur les XIII e et
XIVe siècles. Seule la vignette de l’Armorial mentionne « Le chatiau de La Bouteresse ». En
conséquence, jamais le mandement de La Bouteresse n’est signalé, ni aucun châtelain ou
471
quelconque autre officier attaché à un hypothétique château de La Bouteresse. Il n’y avait
donc manifestement pas de château à La Bouteresse avant le dernier siècle du Moyen Âge,
et encore faut-il comprendre que la vignette de l’Armorial cache sous son titre une
maison forte et non un véritable château. Le village est à la croisée de deux routes : le
« Grand Chemin de France », dans le sens nord-sud, et la route de Feurs à Boën, baptisée
strata Bornenchi en 1458 (Fournial, 1967, p. 149). Un pont en bois apparaît pour la première
fois à La Bouteresse en 1256 (Chartes du Forez, n° 942), permettant à l’itinéraire de France
de traverser le Lignon, tout proche du village. En 1284, il est qualifié de pont planchon, et
n’est remplacé par un pont de pierre qu’en 1310-1315, ouvrage qui subira encore des
travaux entre 1402 et 1409 (Fournial, 1967, p. 464). Fruit de cette position sur la route de
France, au passage d’une rivière, des foires apparaissent à La Bouteresse dès la fin du XIV e
siècle (Fournial, 1967, p. 398). À l’issue de ce rapide tour de la documentation médiévale, il
apparaît que La Bouteresse, contrairement à ce que le titre de la vignette laisserait
supposer, n’est pas un castrum et que jamais ni château, ni mandement n’y apparaissent,
au moins aux XIIIe et XIVe siècles. Nous avons donc affaire à un habitat d’origine ecclésial
structuré à proximité de l’église paroissiale Saint-Barthélemy et qui, malgré la présence
des foires, n’en demeure pas moins modeste et de développement limité.
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de l’Armorial se signale, de prime abord, par son caractère inachevé (fig. 294).
En effet, le dessin se limite à une épure au trait. Seules les oriflammes fleurdelisées qui
surmontent la tour maîtresse et trois échiffes sont peintes. Toutefois, tous les éléments
semblent représentés ce qui n’interdit donc pas l’analyse du dessin. Celui-ci semble
représenter le site de La Bouteresse vue depuis le sud, approximativement dans l’axe du
chemin de France. L’élément central de celui-ci et sans conteste un château aux
proportions imposantes. Il se présente sous la forme d’un très haut rempart crénelé au
plan carré, sans aucune ouverture. Au milieu de ce dernier dépasse un donjon également
carré, couvert d’un toit à quatre pentes surmonté de deux cheminées, et entouré de
quelques bâtiments dont seul le sommet des toitures est visible. Cette enceinte carrée est
surmontée sur ses angles de petites échiffes en bois. La base du château est entourée
d’une braie crénelée, elle-même quadrangulaire et cantonnée de tours rondes aux angles.
Un mur s’en détache et part vers l’est sur quelques mètres. Il se termine brutalement par
une tour ronde. Aucune ouverture ne perce les murs du château, sauf deux petites
fenêtres au sommet du donjon, et aucune porte n’est visible. Est-elle de l’autre côté, ou le
dessinateur ne comptait-il la rajouter qu’au moment de la mise en peinture ? Cette
dernière solution est peu probable puisque les détails des fenêtres du village, pourtant
souvent stéréotypés par ailleurs, sont déjà en place. Le village s’étire le long du « chemin
de France » et n’est pas fortifié. D’ampleur réduite, il ne semble comporter qu’une
quinzaine de maisons, toutes semblables dans leur représentation. Traversant toute la
vignette de bas en haut, le chemin de France est représenté bordé de deux murs et un
ruisseau semble couler au milieu de la chaussée ! En bas de la vignette, à l’ouest du
chemin, se trouvent trois bâtiments isolés, les seuls à ne pas être dans le village même. Ils
sont organisés en U autour d’une cour qui ouvre sur le chemin de France par un grand
portail en bois. Doit-on y voir un quelconque ensemble en liaison avec la route, comme
par exemple une auberge ? C’est possible.
472
Fig. 294 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 477) : le chatiau de La
Bouteresse.
6
D’autres éléments sont encore à remarquer. Le Lignon passe, en réalité, au sud du site et
non à l’ouest ainsi qu’il est positionné sur la vignette qui ne représente d’ailleurs pas le
pont, alors que c’est souvent un élément majeur retenu par l’artiste sur d’autres sites.
Ensuite, l’église n’est pas représentée. D’après sa position sur le cadastre napoléonien, elle
devrait se trouver face au château de l’autre côté de la route. Pourquoi a-t-elle été omise
alors qu’elle se trouvait dans le champ de vision de l’artiste et ne dépassait pas des limites
du paysage représenté sur la vignette ? Une très grande disproportion se dégage du
dessin entre la taille du château qui est démesurée par rapport à l’enceinte qui l’entoure,
de même que par rapport aux maisons du bourg. Même si le château se trouve plus près
du dessinateur que le bourg, la seule perspective ne peut expliquer de telles distorsions
dans les dimensions des différents éléments. Ensuite, il manque l’église, et le Lignon est
mal placé. Tous ces éléments, liés à l’absence de mention de château dans les textes,
impliquent de se reporter au terrain pour comprendre le site mieux que ne peut le
permettre la seule vignette.
Les données archéologiques et le parcellaire
7
Le plus ancien établissement du site de La Bouteresse est sans doute l’église SaintBarthélemy mentionnée au moins dès le du début du XIIIe siècle, et peut-être même dès le
Xe siècle. Le cadastre napoléonien permet d’en restituer l’emplacement à l’est du « Grand
Chemin de France », immédiatement au bord de celui-ci (fig. 296). Notons que ce dernier
marque un sensible élargissement face à l’église qui s’apparente à une place : les marchés
et les foires pouvaient éventuellement s’y tenir. L’église, détruite par un incendie au
début du XIXe siècle, a été reconstruite, dans un style néogothique plus loin en bordure de
l’actuelle D 1089.
473
Fig. 295 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 296 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
8
Quant au village de La Bouteresse, il s’étendait au nord de l’église dont il était séparé par
un espace d’une trentaine de mètres (fig. 296, 297). Du fait de l’absence de fortifications,
le village médiéval n’est pas facile à limiter dans le parcellaire. Sa position d’ensemble, de
part et d’autre du « chemin de France », est toutefois nette. C’est cette position qui donne
au plan d’ensemble une forme linéaire tout à fait significative de l’importance du chemin
474
dans le développement villageois. Le village apparaît sur le dessin de l’Armorial très
proche du château, et même directement mitoyen avec ce dernier. Ce n’est pas le cas en
réalité puisqu’il en est séparé d’une soixantaine de mètres. À l’heure actuelle, il ne
subsiste que très peu d’éléments anciens dans les maisons du village. Tout au plus peut-on
repérer un linteau en accolade ou encore quelques éléments lapidaires épars... Il n’en
demeure pas moins que le centre du village actuel s’étire le long des routes de France et
de Boën, comme au Moyen Âge, laissant penser que la vignette fournit une représentation
fidèle de l’habitat. Le « château », qui est en fait une maison forte de la fin du Moyen Âge,
se trouve tout à fait à l’écart de l’ensemble au sud-est. C’est le signe tangible de son
implantation tardive puisqu’il n’a joué aucun rôle dans l’établissement du parcellaire et
du village, auquel il est postérieur. La maison forte a subi de nombreux remaniements et a
même été partiellement détruite à la fin des années 1960 (fig. 298, 299). Cependant, une
tour subsiste encore au nord-ouest et le tracé du quadrilatère de rempart est visible au
sol. Quelques ouvertures tardimédiévales sont encore en place dans la tour. Une fenêtre à
traverse s’ouvre sur sa face sud, alors qu’un linteau en accolade surmonte une autre
fenêtre à traverse sur la face nord. Un logis est accolé à l’est de la tour, mais aucune
ouverture médiévale ne subsiste sur ses façades, totalement enduites. Sur la
représentation de Guillaume Revel, la maison forte est elle-même enclose par un petit
rempart dont rien ne semble subsister sur le terrain, mais le réaménagement en jardin de
l’espace où il se trouvait sans doute explique peut-être cette absence. La vignette, qui
représente la maison forte comme un vaste carré de remparts dont l’angle nord-ouest est
occupé par une imposante tour carrée est donc, pour autant que l’on puisse en juger, une
figuration fidèle de ce bâtiment. Seules ses proportions semblent pour le moins exagérées
et ne correspondent pas à l’édifice dont les vestiges subsistent (fig. 295).
Fig. 297 - Localisation de la maison forte de La Bouteresse et de l’église disparue SaintBarthélemy.
Cartes IGN au 1 : 25 000 N° 2831 Ouest & 2832 Est © IGN - PARIS - Autorisation n° 50 – 1152.
475
Fig. 298 - Façade nord de la maison forte.
476
Fig. 299 - Façades sud et nord du donjon de la maison forte.
9
Le site de La Bouteresse, malgré l’appellation de château dont le gratifie Guillaume Revel,
est en fait un village ecclésial lié à l’église Saint-Barthélemy, à proximité duquel est venue
s’implanter tardivement une maison forte. De ce point de vue, la représentation de la
vignette pose un problème d’interprétation. Après une lecture rapide de cette dernière,
La Bouteresse pourrait apparaître comme un castrum traditionnel blotti au pied nord de
son château. L’habitat touche la maison forte qui prend des allures de château alors que
l’église Saint-Barthélemy est purement et simplement omise. Derrière les difficultés de
proportion que nous avons soulignées et qui peuvent apparaître comme le résultat d’un
mauvais traitement de la perspective, se cachent en fait pour l’historien des problèmes
plus sérieux de représentation du site et de son évolution : La Bouteresse constitue de ce
point de vue l’un des cas sans doute les plus extrêmes des vignettes de l’Armorial. Presque
tous les éléments sont représentés, et même manifestement avec une relative précision,
mais les proportions qui leur sont assignées faussent la compréhension globale de
l’évolution des lieux. Le « château », en fait la maison forte, représenté au premier plan,
apparaît comme l’élément le plus important autour duquel serait cristallisé l’habitat,
alors que ce n’est pas le cas, l’église Saint-Barthélemy n’apparaissant pour sa part même
pas.
477
NOTES
1. Cf. par exemple : Chartes du Forez, n os 239, 259, 1219 ; ADL, B 1853, f° 92 v° ; Cartulaire de
Savigny, t. II, p. 938.
478
Saint-Maurice-sur-Loire
Franck Brechon et Pierre-Yves Laffont
478. La ville et chatiau de Saint Moryze
Département : Loire ; canton : Roanne ; commune :
Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire
L’apport des sources écrites
1
La première mention du château de Saint-Maurice date des années 1030 ; un dénommé
Durand, doyen de Saint-Étienne de Lyon, donne alors à l’abbaye de Savigny deux
pêcheries sur la Loire situées
in Rodonensi, subtus castellum Sancti Mauritii (Cartulaire de Savigny, t. I, n° 711).
2
À la fin du XIIe siècle, le château de Saint-Maurice est encore désigné par le terme de
castellum (Cartulaire de Beaujeu, p. 47). Il est alors aux mains de la famille éponyme de
Saint-Maurice. En 1205, le comte de Forez Guy IV n’en possède que l’hommage qu’il cède
en gage avec le château de Crozet et les hommages de Saint-Haon et de Roanne à Guy de
Dampierre dans le cadre d’un accord matrimonial (Chartes du Forez, n° 1311). En 1221, la
famille de Saint-Maurice rétrocède le fief au comte (Chartes du Forez, n° 35). Jusqu’à la fin
du XIIIe siècle, Saint-Maurice reste dans le patrimoine comtal et ne semble nullement
inféodé. Si divers autres seigneurs reçoivent des hommages sur Saint-Maurice comme
Guillaume de Roanne, chanoine de Lyon (Chartes du Forez, n° 643), cela reste des droits
limités, avant tout fonciers, comme il est rappelé en 1266 dans une transaction portant
sur les droits de justice à Saint-Maurice (Chartes du Forez, n° 440). Parmi les autres
seigneurs possédant des droits à Saint-Maurice, mentionnons par exemple Guillaume de
Saint-Haon, domicellus, qui vend ce qu’il y possède en 1270 à un bourgeois de Montbrison,
Guillaume du Verney (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 636), ou encore le prieuré
de Saint-Jean-en-Roannais (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 503). Le comte de
Forez reste le seigneur foncier très largement dominant, ainsi qu’en témoignent les
nombreux hommages et reconnaissances qui lui sont rendus jusqu’à la fin du Moyen Âge
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 781 ; Chartes du Forez, nos 385, 386, 389, etc.).
479
En 1308, le château de Saint-Maurice quitte toutefois le patrimoine comtal au profit de
celui de la famille de Thiers. En effet, Guillaume de Thiers échange le château de Thiers et
ses maisons de Péchadoire et de Furno avec le comte de Forez contre divers biens dont le
castrum de Saint-Maurice (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1201). L’échange est
confirmé la même année, le comte ajoutant alors à sa part le château de Bussy et la moitié
de Saint-Germain-Laval afin d’enlever à Guillaume de Thiers toute possibilité de se
plaindre (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1212). Néanmoins, Guillaume de
Thiers ne conserve pas longtemps la pleine propriété du château puisqu’en 1309, il la
donne à son frère Louis, seigneur de Vollore, en ne conservant que l’usufruit à titre viager
(Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1269). La possession de Saint-Maurice par les
descendants de Guillaume de Thiers n’est toutefois pas sans poser problème,
principalement en ce qui concerne leurs relations avec le prieur de Saint-Jean qui est en
butte aux violences des gens d’Agnès de Maymont, veuve de Guillaume de Thiers. En
conséquence, le comte de Forez prend le prieuré sous sa protection en 1314 (Titres de la
maison ducale de Bourbon, n° 1377). Mais, après seulement 12 ans de domination de la
famille de Thiers, le château revient au comte de Forez. En effet, en 1320, Brunissent, fille
de Guillaume de Thiers, transige avec le comte Jean au sujet du château de Saint-Maurice :
ce dernier se plaint d’avoir dû dépenser plus de 10 000 livres pour prendre possession de
Thiers et des autres places données en échange en 1308, somme dont il réclame le
remboursement à hauteur de 8 000 livres. Le comte accepte toutefois de mettre fin à ses
prétentions en échange des châteaux de Saint-Maurice, Châtelus, Bussy et Saint-Germain,
qui lui seront rendus contre la somme de 5 500 livres tournois (Titres de la maison ducale
de Bourbon, n° 1578). Louis de Vollore, frère de Guillaume de Thiers, avait conservé des
droits sur le château de Saint-Maurice en vertu de la donation de son frère en 1309, mais
il remet ceux-ci au comte en 1321, rendant ainsi à ce dernier la pleine et entière
possession du château (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 1577). Le paiement de la
somme de 5 500 livres due en contrepartie de la restitution de Saint-Maurice et des autres
châteaux anciennement échangés à Guillaume de Thiers s’échelonne de 1320 à 1327,
Agnès de Maymont donnant quittance cette année-là pour la totalité de la somme (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 1836). Ensuite, aucune cession, ni changement de
seigneur ne se signale à Saint-Maurice jusqu’à ce qu’en 1382, les officiers du duc de
Bourbon prennent possession du château comme de tous ceux du comté de Forez (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 3508). Pour finir, le château et la seigneurie sont
remis en deux temps par Pierre, duc de Bourbon, à son chambellan Guichard d’Albon. En
1493, il lui donne divers hommes, droits et cens à Saint-Maurice (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 7191). Il complète cette cession en 1500 en lui remettant à titre
perpétuel la totalité de la seigneurie et du château (Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 7444).
3
Si le château de Saint-Maurice apparaît au milieu du XIIe siècle, il faut attendre 1221 pour
que son mandement soit attesté (Chartes du Forez, n° 35). Celui-ci est mentionné ensuite
à plusieurs reprises dans la documentation comme par exemple en 1270 lorsque Décan,
abbé de Saint-Michel-de-la-Cluse, recteur du prieuré de Saint-Jean-en-Roannais, transige
avec Renaud de Forez au sujet de l’exercice de la justice sur les hommes du prieuré dans
l’étendue du mandement (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 503). Par ailleurs,
tout au long des deux derniers siècles du Moyen Âge, on rencontre à Saint-Maurice un
prévôt comtal (ADL, B 1930, B 2076...) et un châtelain (ADL, B 2065). L’église de SaintMaurice n’est pas mentionnée dans la documentation avant le pouillé de 1225 (Pouillés de
480
l’Église de Lyon, p. 11) ; il est alors à la collation du chapitre cathédral de Lyon. Le fait que
le château soit désigné par l’hagiotoponyme Saint-Maurice indique toutefois l’antériorité
du lieu de culte sur l’implantation castrale. Le château est né dans la paroisse SaintMaurice dont l’église est donc précastrale.
4
Un bourg s’agglomère autour du château sans doute dans la seconde moitié du XII e siècle.
En effet, en 1130, il est encore question du castellum Sancti Mauritii (Cartulaire de Savigny,
t. I, n° 711), terme que l’on sait désigner le château seul, alors qu’en 1222, c’est le terme de
castrum qui est employé (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 93), désignant par
ailleurs systématiquement le couple château-village (Laffont, 2009). Après 1222, le mot de
castellum ne sera plus jamais choisi pour désigner Saint-Maurice. Néanmoins, bien que
situé à proximité immédiate du « Grand Chemin de France » qui passe au pied de l’éperon
sur lequel il se trouve, le castrum de Saint-Maurice ne connaît à la fin du Moyen Âge qu’un
développement limité qui, en aucun cas, ne peut lui permettre de prétendre à un statut
urbain. La présence d’un marché et de foires dès le XIVe siècle en fait toutefois un bourg
d’importance locale (Fournial, 1967). Un faubourg se développe au pied du castrum,
autour de l’église Saint-Maurice et de la place du marché (ADL, B 2076). Il est enclos dans
la seconde moitié du XIVe siècle par le vintain qui apparaît pour la première fois dans la
documentation en 1402 (ADL, B 2078), année où des travaux sont par ailleurs entrepris au
château. Il est légitime de penser que cette fortification a dû être construite dans les
années 1370-1390 comme l’essentiel des fortifications urbaines de la région.
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de l’Armorial compte au nombre de celles qui n’ont pas été terminées : le
dessin au trait est achevé, mais la mise en couleur se limite à quelques touches ne portant
que sur les écus et les oriflammes flottant sur les tours. L’artiste s’est placé au sud du site
pour pouvoir en représenter les éléments majeurs : château, castrum, vintain et faubourg,
de même que la Loire dont le cours est esquissé par quelques traits au bas de l’illustration
(fig. 300).
481
Fig. 300 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 478) : la ville et
chatiau de Saint Moryze.
6
Le château, qui domine l’ensemble du site, est placé sur un relief que l’artiste a nettement
accentué par rapport à la réalité topographique. Sur la vignette, le château se compose de
deux éléments principaux : un haut donjon circulaire surmonté de hourds et d’une
guette, sur lequel vient se greffer une chemise crénelée particulièrement élevée, portant
une échauguette crénelée dans son angle nord-ouest et une échiffe dans l’angle faisant
face au dessinateur. Sur la face est du donjon une petite construction est esquissée. S’agitil d’une autre échauguette située derrière ce dernier qui n’apparaît donc qu’en partie, ou
alors doit-on penser à une bretèche implantée sur le donjon ? Il est difficile de répondre.
Par ailleurs, l’enceinte n’apparaît percée d’aucune porte qui pourtant, eu égard à la
topographie des lieux, devrait se trouver face au dessinateur. L’intérieur de la chemise
semble occupé, outre le donjon, par un bâtiment, dont seules la cheminée quadrangulaire
(ce qui est rare dans l’Armorial et signale un bâtiment seigneurial) et une tourelle, au
sommet de laquelle flotte une oriflamme fleurdelisée, signalent la présence. Le pied de la
courtine du château est ceint d’une palissade de bois se limitant aux parties extérieures à
l’enceinte du bourg castral. Ce dernier s’étend sur les pentes sud et est du château face au
dessinateur. Mais ce que l’on voit correspond en fait à l’extension tardimédiévale du
vintain. Quelques maisons au pied du rocher supportant le château, au sud-ouest, ainsi
que, à l’ouest, deux hauts pans de murs crénelés percés chacun d’une porte (une porte
charretière doublée d’une porte piétonnière ?), tout cela situé en-deçà d’un ruisseau qui
peut s’apparenter à un fossé, témoignent de l’extension de l’habitat castral primitif (le «
castrum ») vers l’ouest avant la reconfiguration de l’habitat à la fin du Moyen Âge et sa
polarisation à l’est du château.
7
L’enceinte du vintain apparaît particulièrement nette. Elle se présente globalement
comme une grande enceinte quadrangulaire percée sur sa face ouest d’une porte
482
surmontée d’une imposante bretèche (le portale de la Plateri, ADL, B 2081). Les angles de la
courtine et le milieu de chaque face sont renforcés par des échiffes. En avant de la seule
porte visible, munie d’un pont-levis à flèches, il faut noter la présence de deux murs
successifs non crénelés, percés d’ouvertures de tir, et formant barbacane. Au sud,
immédiatement après la porte, la courtine présente deux angles successifs très brutaux,
maladroitement représentés. Au-delà de cet angle, le sommet de la courtine du vintain est
surmonté de deux petites constructions en encorbellement, de type bretèche peut-être.
Une seconde porte est sans doute perceptible à l’est où apparaît, approximativement au
milieu du rempart, le sommet d’une étroite construction quadrangulaire crénelée,
bretèche sommant une porte ou tour-porte.
8
L’intérieur de l’enceinte est occupé par un dense semis d’habitations. Leur dessin
stéréotypé, semblable à celui de toutes les maisons de l’Armorial, ne permet toutefois pas
d’en faire une analyse approfondie, dépassant le simple constat que toutes ou presque
sont à deux niveaux, percées à la fois de baies simples et de fenêtres à meneau et dotées
d’une cheminée à mitre. La partie orientale du bourg est occupée l’église. Elle présente un
haut clocher de plan carré, percé d’un niveau de baies au sommet souligné par une
corniche. Lui est accolé une nef simple présentant un oculus sur le pignon ouest et deux
larges baies sur le gouttereau sud. Tout à fait à l’ouest, au-delà des vestiges du rempart du
castrum et d’un ruisseau servant de fossé, est représenté un petit faubourg d’une dizaine
de maisons échelonnées autour d’un chemin se dirigeant vers le bourg castral.
Les données archéologiques et le parcellaire
9
Saint-Maurice compte au nombre des sites de l’Armorial dont les vestiges bien conservés,
associés à la lecture du parcellaire, offrent des possibilités d’étude intéressantes (fig. 302
). Néanmoins, c’est un site où le cadastre napoléonien, peu précis et au dessin sommaire,
apporte, paradoxalement, moins d’indications que le plan cadastral actuel.
Fig. 301 – Vue aérienne du site dans les années 1990. La construction du barrage sur la
Loire a fait considérablement monter le niveau du fleuve autour du site.
483
Fig. 302 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
10
Le site est établi sur un promontoire rocheux élevé occupant la confluence de la Loire et
d’un modeste affluent de celle-ci, la Ris. Le château en occupe la partie la plus
proéminente, l’église et le bourg étant établis sur une plate-forme subhorizontale située
au sud et à l’ouest du château (fig. 301, 303).
484
Fig. 303 - Vue d’ensemble du site depuis le sud.
11
Le château se présente très largement comme sur la vignette de l’Armorial, qui semble
fournir une représentation très fidèle comme le montrent les quelques éléments encore
visibles (fig. 304). Son noyau est constitué d’une haute tour maîtresse circulaire qui
occupe le point culminant d’un petit tertre naturel dont les flancs ont toutefois été avivés.
Ce tertre rocheux, qui est un élément caractéristique de la topographie du site, est même
utilisé en 1489 pour localiser des biens qui sont situés
in ruppe ou juxta ruppem donjonis (ADL, B 2081, f° 25).
12
Cette tour est un édifice imposant, avec des murs de 3 m d’épaisseur à la base pour un
diamètre extérieur de 10,60 m (fig. 305). Elle est à l’heure actuelle arasée à environ 18 m
de hauteur, ce qui laisse imaginer une hauteur initiale dépassant aisément les 20 m. Ce
donjon n’est toutefois pas le premier construit et sa liaison avec la courtine ne laisse
subsister aucun doute de ce point de vue : il est posé en appui sur le rempart de la
chemise et lui est donc postérieur. Tant son plan que ses dimensions évoquent
indéniablement le XIIIe siècle et s’il fallait lier sa construction avec un événement précis,
on serait tenté de suggérer la reprise en main, déjà évoquée, par les comtes de Forez en
1221 qui remplace alors sans doute (tout au moins dans les années qui suivent leur prise
de possession) un donjon antérieur quadrangulaire. Tout au long de la fin du Moyen Âge,
cette tour a fait l’objet de travaux comme en 1402-1403 (ADL, B 1170) ou en 1444 (ADL, B
1171). Les courtines de la chemise, qui sont actuellement l’élément visible le plus ancien
du château, suivent au plus près les contours de la « roche » portant le château ; leur
représentation sur l’Armorial apparaît très fidèle (fig. 306). Deux pans de murs, encore en
élévation sur presque toute leur hauteur, en subsistent. En 1488, Jean de Lamure
reconnaît tenir une maison in pede pontis donjoni1 Sancti Moricii, confrontant le fossé du
château (ADL, B 2081). Ce fossé pourrait correspondre à l’actuelle ruelle passant sous la
tour maîtresse au nord. Sur la vignette, l’intérieur de la chemise du château est occupé
par au moins un bâtiment, assurément résidentiel ainsi qu’en témoigne sa souche de
485
cheminée carrée. Toutefois, l’espace intérieur du château est à l’heure actuelle aménagé
en jardin public et rien ne signale plus ce bâtiment que le cadastre napoléonien ne
représente d’ailleurs pas non plus. Peut-être s’agit-il des bâtiments ayant fait l’objet de
travaux en 1444 (ADL, B 1171)... Au XVIIe siècle, les bâtiments du château sont déjà en très
mauvais état. Après inspection, ils sont dits
n’y ayant presentement [...] porte, fenestre, plancher ny couvert audict bastiment, n’y estant
resté que les murailles qui menacent ruine (cité dans Viallard, 1992, p. 40).
13
L’emprise du premier habitat castral est très nette sur le cadastre, formant une couronne
semi-circulaire au parcellaire radioconcentrique ceinturant le château sur ses flancs sud
et ouest. Les deux pans de murs crénelés visibles sur la vignette très à l’extérieur de
l’enceinte du vintain à l’ouest appartiennent à cette ligne de fortification. À l’heure
actuelle, il semble toutefois qu’il n’en subsiste rien. Le ruisseau visible sur l’Armorial en
avant de ces deux pans de murs devait servir de fossé. Il est probable qu’il s’agisse du
ruisseau du Serpentin, mentionné en 1402 comme confront d’une parcelle (ADL, B 2078),
mais celui-ci a été comblé pour permettre l’établissement de la route. Il semble donc que,
déjà au milieu du XVe siècle, l’enceinte du castrum, dont la dernière mention assurée est
de 1334 (ADL, B 2076), avait en grande partie disparu au profit de l’enceinte dite du
vintain, nouvellement construite et de grandes dimensions. Les deux seuls pans de murs
isolés représentés sur la vignette subsistent alors comme un élément inutile mais
marquant du paysage. Une ligne continue de maisons a toutefois encore gardé, figé dans
le parcellaire, le souvenir de cette première enceinte qui s’étendait alors vers l’ouest audelà de la limite du vintain postérieur et ceci afin de venir se fermer sur le rocher
supportant le château, dans une disposition très classique pour de nombreuses enceintes
de villages castraux. Le parcellaire permet d’identifier aisément deux portes perçant les
remparts du castrum. La porte Saint-Maurice (actuelle porte Guy-de-Lamure) était celle
permettant de gagner le château ; elle portait ce nom puisqu’elle ouvrait à l’est vers
l’église (ADL, B 2076). À l’heure actuelle, il ne subsiste que le clavelage d’un arc sans doute
très tardif (fig. 307). L’autre porte identifiable est celle figurant sur la vignette de
l’Armorial tout à fait à l’ouest : sur le plan cadastral du XIXe siècle une ruelle en impasse
en part vers l’intérieur du castrum, témoignant ainsi du passage ancien de la rue. Les
terriers de la fin du Moyen Âge ne nous livrent pas le nom de cette dernière porte. Ne
faut-il pas voir dans ce silence le fait que le rempart ait été abandonné et détruit avant la
période pour laquelle les premiers terriers ont été conservés ?
486
Fig. 304 - Vue d’ensemble du site depuis l’ouest.
Fig. 305 - La tour maîtresse circulaire (XIIIe siècle).
487
Fig. 306 - La chemise de la tour maîtresse circulaire.
Fig. 307 - La porte est du castrum ou « Porte Saint-Maurice » (actuelle « Porte Guy de
Lamure »).
14
À la fin du XIVe siècle est construit le vintain qui est l’enceinte la plus facilement
identifiable aujourd’hui. Celle-ci se greffe sur la courtine du château et coupe le castrum
488
initial en deux ; une partie de celui-ci semble alors exclue de la fortification (car déjà
détruite par un épisode militaire de la guerre de Cent Ans et abandonnée en conséquence,
comme cela se rencontre parfois sur d’autres sites ?). Le rempart du vintain descend
ensuite vers le rebord sud du plateau puis il suit le contour de l’éperon, ce qui le ramène
ainsi jusqu’au château et lui permet d’englober toute l’esplanade où se trouve l’église et le
quartier du marché. Outre quelques pans de courtine pris dans des constructions
postérieures, subsiste principalement du vintain la porte ouest, le portale Arnolon (ADL, B
2078), actuelle porte du Ris Serpentin. Cette porte, qui est celle figurée sur l’Armorial, se
présente comme une simple ouverture dans la courtine (fig. 308). La bretèche la
surmontant sur la vignette n’est plus observable du fait de l’arasement important subi par
la courtine et il ne reste plus aucune trace non plus de la barbacane. Toutefois, la base
d’une échauguette est visible au sud à l’angle de la courtine, de même qu’une canonnière
en bas à droite du piédroit de la porte (celle-ci est d’ailleurs présente sur la vignette de
l’Armorial). L’ensemble, porte, échauguette, canonnière, évoque un XVe siècle bien
avancé. La représentation du vintain donnée par l’Armorial semble, pour autant que l’on
puisse en juger, assez fidèle dans ses grands traits : la porte ouest est bien représentée, de
même que les angles formés par le rempart à ce niveau. Toutefois, les perspectives sont
largement faussées par des longueurs de courtines fantaisistes. Sur l’Armorial aucune
tour de flanquement n’apparaît sur l’enceinte du vintain. Il en subsiste pourtant une,
semi-circulaire, encore partiellement en élévation à l’angle sud-est (fig. 309) ; la vignette
ne figurant dans cet angle qu’une échiffe. Mais cette tour est peut-être postérieure à la
confection de l’Armorial.
Fig. 308 - La porte ouest de l’enceinte du vintain (actuelle « Porte du Ris Serpentin »).
489
Fig. 309 - Tour de flanquement semi-circulaire sur l’enceinte du vintain.
15
Si le bâti du castrum s’orientait globalement de manière radioconcentrique à partir du
château, il n’en est pas de même pour celui enserré dans le vintain. Il ne présente aucun
centre : ni l’église, ni la place du marché mentionnée en 1334 (ADL, B 2076) ne pouvant en
tenir lieu. L’habitat se structure ici autour de la rue principale et des ruelles secondaires
qui lui sont parallèles. À l’heure actuelle, il ne reste pas d’éléments médiévaux visibles
dans le bâti : signalons toutefois la maison noble de La Mure-Chantois à l’ouest de l’église
(actuelle mairie annexe), légèrement postérieure à la représentation de l’Armorial
puisque datable du XVIe siècle (fig. 310).
490
Fig. 310 - Tour d’escalier du logis de Lamure-Chantois (XVIe siècle).
16
L’église Saint-Maurice est le seul élément remarquable se distinguant du bâti villageois
sur la vignette de l’Armorial. Le bâtiment visible actuellement, dont les murs sont ornés
de fresques, est pour l’essentiel du XIIIe siècle et n’a connu que des modifications limitées,
comme l’adjonction d’un clocher sans doute au XIVe ou au XVe siècle et la construction de
chapelles sur le gouttereau nord au XVIe siècle ( fig. 311). Le clocher pose toutefois
problème. En effet, il est de facture récente et il est net qu’il a été totalement reconstruit
à partir du premier niveau. À l’heure actuelle, il est rigoureusement identique à celui
figurant dans l’Armorial : mêmes baies sommitales, même petite toiture à quatre pentes
et même moulure ceinturant l’édifice à la base des baies, la similitude allant jusqu’à la
présence de la croix en fer forgé ornant son sommet... On est donc tenté de penser que
l’Armorial a pu inspirer l’architecte à l’origine du projet et l’on est dans un cas, sans
doute unique, où l’Armorial n’est pas la stricte représentation de la réalité, mais où celleci a été scrupuleusement calquée sur la vignette !
491
Fig. 311 - L’église Saint-Maurice. Vue depuis le château.
17
Au sein du faubourg visible sur la vignette de l’Armorial, en contrebas à l’ouest du
château autour de la route conduisant à Saint-Jean-le Puy et, au-delà, à Roanne ou au
reste du Forez, il ne subsiste aujourd’hui absolument rien de médiéval et rien ne pourrait
laisser penser à son ancienneté, si l’Armorial ne venait nous la certifier.
18
La fidélité du dessin de l’Armorial, pour autant que l’on puisse en juger au travers des
éléments conservés, apparaît très forte, nonobstant quelques problèmes de perspective et
l’absence d’une tour de flanquement. Le site de Saint-Maurice est, en outre, exemplaire
d’un point de vue méthodologique. L’association de la documentation, de l’étude de la
vignette de l’Armorial, des vestiges subsistants et du parcellaire est ici, sans doute plus
qu’ailleurs, nécessaire pour comprendre l’évolution des lieux. Par exemple, sans la
représentation précise des deux pans de murs subsistant du castrum initial, la
compréhension du tracé de l’enceinte du premier habitat castral serait beaucoup plus
délicate et resterait sujette à caution. Inversement, sans l’apport de la documentation et
du tracé parcellaire, on pourrait penser de prime abord que le dessinateur s’est fourvoyé
en représentant des murs qui n’existaient pas en réalité et on taxerait hâtivement sa
représentation de fantaisiste.
Page 478
LA VILLE ET CHATIAU DE SAINT MORYZE
Étude héraldique
833.
d’argent à trois marteaux d’azur, à la bordure engrêlée de gueules.
Membre de la famille de La Farge (cf. De Boos, 1998, n° 265 ; il s’agissait peut-être du
même personnage).
834. Anthoine d’Ogeroles crie Saint Porgue
492
d’or au chef de gueules chargé d’un lion issant d’or – cimier : une tête et col de chèvre.
Antoine d’Augerolles, chevalier, fils de Guillaume d’Augerolles, seigneur de Sapolgue,
ou Saint-Polgues, et de Catherine de L’Espinasse, dame de Saint-Léger et d’Aveizesous-Dun-le-Roi. Il épousa Antoinette Vert, fille d’Amé Vert, bailli du Forez, sœur de
Louise Vert (cf. supra n° 773 p. 74). Il était seigneur de Saint-Polgues et, en
Bourbonnais, de Brunard. Sa famille était la seconde maison d’Augerolles ; en effet, la
première s’était fondue vers 1378 dans une branche de la famille du Vernet-La Garde
(nos 781 p. 75, 815 p. 219, 828 p. 308), qui avait repris le nom et les armes
d’Augerolles. Ces armes furent plus tard augmentées, dans le champ, d’une bande de
sable, généralement engrêlée.
• Ars., ms 4802, f° 69 v° ; Philocarité, 26.
• Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. II, p. 223-224 ; Bouillet, 1846-1847, t. I,
p. 85 ; Gras, 1874, p. 13 ; Tricou, 1965-1976, t. I, p. 153.
Un écu vide.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. « Donjon » est à comprendre ici dans le sens de château (qui est son sens général dans les
textes médiévaux) et non pas dans le sens de tour maîtresse.
493
Villerest
Franck Brechon, Chantal Delomier et Pierre-Yves Laffont
479. Le chatiau de Villaires
Département : Loire ; canton : Roanne ; commune :
Villerest
L’apport des sources écrites
1
Le site de Villerest est établi sur la rive gauche de la Loire en surplomb de ses gorges, à
quelques kilomètres en aval de Saint-Maurice. Le « Chemin ferré » passe à 1 500 m au
nord de Villerest, c’est une variante du « Grand Chemin de Forez » qui conduisait à
Roanne en traversant la Loire à gué, avant que ne soit construit un pont dont les
premières mentions remontent à la fin du XIIIe siècle (Dufour, 1947, p. 1059).
2
La villa Arith, devenue Villaris ou Vilareis, est attestée dans plusieurs actes de la fin du Xe
siècle et du début du XIe provenant principalement du cartulaire de Cluny (Cluny, t. II,
p. 295, t. III p. 278, t. IV p. 57-59 ; Cartulaire de Savigny, t. I, p. 217). L’abbaye
bourguignonne y possédait notamment une église dédiée à saint Priest, grâce à une série
de donations provenant des seigneurs de Saint-Polgues. Un prieuré y est établi
antérieurement à 1154, date à laquelle le pape Anastase IV impose à l’abbé de Cluny
d’annuler le don fait de cette église à l’archidiacre de Lyon. Vers 1225, le prieur de
Villerest était collateur des églises de Villerest, Saint-Sulpice et Vernay. En 1235, l’union
de Villerest au prieuré de Marcigny est attestée, cette union remontant sans doute au
milieu du XIIe siècle (Fournial, 1967, p. 23). Or, tandis que l’abbaye de Cluny a pris
possession de l’église et d’une partie du terroir de Villerest, de son côté, le lignage de
Saint-Polgues a inféodé les droits et les biens qu’il conservait en ce lieu à Guichard III de
Beaujeu, seigneur de Laye. Mais ces fonds sont finalement récupérés au début du XIII e
siècle par les comtes de Forez, après leur victoire sur les sires de Beaujeu. Un accord entre
le comte Guy IV et le prieur de Marcigny, dont relève désormais Villerest, scelle donc une
coseigneurie entre le comte et le prieuré bourguignon (Chartes du Forez, n° 1061). À la fin
du siècle, le passage entre les mains des comtes de Forez des biens dispersés du lignage de
494
Roanne alors en voie d’extinction (Chartes du Forez, n° 168) permet à Villerest d’acquérir
le statut de châtellenie comtale (De Boos, 1998, p. 544). Le bourg bénéficie en 1253 d’une
charte de franchises, accordée à la fois par le comte et par le prieur de Marcigny (Chartes
du Forez, n° 1077). Un marché hebdomadaire est également accordé à ce moment-là par
Guy IV, très favorable à l’affranchissement des villes. Diverses transactions rappelant la
répartition des droits au sein de la coseigneurie, où le comte est représenté par un prévôt,
émaillent la fin du XIIIe siècle (Chartes du Forez, n° 1214, Titres de la maison ducale de
Bourbon, n° 860, 2093, 24228). En 1318, le comte Jean Ier s’engage à reconnaître tenir en
fief du duc de Bourbon ses châteaux et villes de Crozet, Saint-Haon-le-Châtel et Roanne, et
ses biens jusqu’à la Loire et aux mandements de Villerest et de Saint-Maurice, ceci en
raison du mariage convenu entre leurs enfants (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1480). En 1329, des donations faites à Guy, fils aîné du comte de Forez, participent
encore à l’élargissement du domaine comtal dans les paroisses de Vendrange, Cordelle,
Villerest, Saint-Sulpice, Dancé et Saint-Priest (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1886). En 1362, une transaction intervient entre le comte de Forez, Jean II, et Renaud,
son oncle et curateur, d’une part, et Jeanne de Bourbon, comtesse douairière, d’autre
part, celle-ci réclamant la succession de son fils Louis, jadis comte de Forez, décédé
intestat. En compensation de l’abandon de ses prétentions, Jeanne de Bourbon obtient
notamment les châteaux et places de Chambéon, du Verdier et de Vernay, avec tout ce
que les comtes de Forez possédaient à Villerest (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 2847). La même année, le roi de France lui accorde l’autorisation de fonder un couvent
de chartreux dans sa terre et d’attribuer à celui-ci une rente de 200 livres tournois, à
prendre sur les châteaux de Chambéon, la maison du Verdier et les lieux de Villerest et de
Vernay (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 2858).
3
Deux terriers compilés en 1376 (ADL, B 2077) et en 1465-1468 (ADL, B 2079),
respectivement pour Jeanne de Bourbon, puis pour Jean de Bourbon et le prieur de
Marcigny, livrent un certain nombre d’informations sur les fortifications de Villerest, le
fortalicium. Sont ainsi mentionnées deux portes, une au nord — la « porte de Bise » — et
une au sud — la « porte du Vent »1 (ADL, B 2077, f° 2 v°, f° 11 ; B 2079, f° 6 v°, f° 7 v°, f° 8).
La fréquence des mentions de la rue allant de la porte sud à la porte nord — carreriam
publicam per qua itur de portale Venti versus portale de Bise (ADL, B 2077, f° 12, f° 25, f° 25 v°, f
° 42) — montre assez que cet axe, aujourd’hui la rue de Bise, formait alors l’épine dorsale
de la petite ville. Les mentions répétées de « murs anciens » de clôture2 permettent aussi
de proposer l’hypothèse d’une construction de l’enceinte en deux temps. Les tours de
flanquement de celle-ci sont aussi attestées sous des noms précis :
... turrim appelatam del Gaudry […] turrim de Furno ad portam boree... (ADL, B 2079, f°
27).
4
La présence de fossés doublant l’enceinte est aussi indiquée par les textes3. Par ailleurs, de
nombreuses reconnaissances relatives à des celliers (ADL, B 2077, f i 13-14), une étable
(ADL B 2077, f° 27) ou à des maisons placées en appui contre la clôture (ADL, B 2077, f° 41
v°, f° 42) permettent d’avoir une idée de l’habitat intra-muros à la fin du XIV e siècle. Enfin,
deux mentions de confins concernent les maisons du prieur de Marcigny4 et du comte de
Forez5 sises dans l’enclos de la bourgade.
5
En 1382, Villerest passe sous la domination du duc de Bourbon, en même temps que SaintGermain-Laval, Cervières, Thiers, Saint-Just-en-Chevalet, Saint-Maurice, Vernay, Le
Verdier, Feurs, Montbrison, Saint-Galmier, Saint-Héand, Marclopt et Châteauneuf (Titres
de la maison ducale de Bourbon, n° 3508). Après la confiscation des biens du connétable
495
de Bourbon, la seigneurie de Villerest est engagée au seigneur de Saint-André, Jean
d’Albon, qui la restitue en 1543 à Charles IX lequel l’unit à Saint-Maurice, Saint-Haon-leChâtel et Roanne pour former le duché de Roannais (Perroy, 1966b, p. 599, 610, 669-670,
687). La Ligue occupe la ville en 1594 et le plus jeune frère d’Anne et Honoré d’Urfé,
Antoine, évêque de Saint-Flour, est tué lors d’un combat.
La représentation de l’Armorial
6
La représentation de Villerest est un simple dessin en noir et blanc sans rehaut de
couleur, avec toutefois un souci du détail manifeste (fig. 312). L’orientation précise de la
vignette et la position du dessinateur sont assez complexes à établir. Il semble toutefois
que le site soit vu depuis le nord-est, où un point de vue possible existe encore
aujourd’hui.
7
Une enceinte régulière enserre une petite ville bâtie sur un terrain plat comme le
souligne le trait horizontal dessinant le fond du paysage environnant. L’enceinte est
quadrangulaire et doublée par un large fossé plat ; sa base est renforcée de ce qui pourrait
être une braie percée d’ouvertures de tir (ou bien alors s’agit-il d’une représentation
maladroite d’un talutage ?). Au moins six tours de flanquement sont visibles : cinq sont
des tours semi-circulaires couvertes d’une plate-forme crénelée ; la quatrième qui occupe
un angle de l’enceinte est une tour quadrangulaire couverte d’un toit et, elle aussi,
crénelée. Enfin, s’y ajoute une autre tour rectangulaire, typologiquement semblable à la
précédente mais plus imposante, et qui est assurément une tour-porte. On distingue là
clairement le chemin de ronde qui passe au travers de cette tour par une petite porte
placée au niveau adéquat.
Fig. 312 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 479) : le chatiau de
Villaires.
496
8
Émerge dans un angle de la ville close un haut donjon quadrangulaire : couvert d’une
toiture à quatre pans, portant une bannière aux armes des ducs de Bourbon, il est crénelé
et percé de quatre grandes baies à meneau dans les étages supérieurs. Autour de cette
puissante tour maîtresse, au rendu toutefois surdimensionné, se presse un dense habitat
civil correspondant tout à fait à l’archétype des maisons figurant dans l’Armorial. Il faut
noter dans l’angle sud-est de l’enceinte (à gauche sur le dessin) un vide qui correspond
sans doute à l’emplacement du prieuré médiéval et de son église6 que le dessinateur ne
pouvait sans doute pas voir depuis son point de vue. Il n’en demeure pas moins que celuici aurait pu le figurer quand même comme c’est souvent le cas, au prix d’une forte
distorsion de la perspective, usage par ailleurs fréquent dans l’Armorial. Mais peut-être
s’agissait-il là d’affirmer l’autorité supérieure du duc-comte sur Villerest au détriment du
prieur de Marcigny... Enfin, extra-muros, à l’ouest, face à la tour-porte évoquée ci-dessus,
se développe un petit faubourg d’une vingtaine de maisons, anodines dans leur
représentation, qui semblent réparties de part et d’autre d’une route, correspondant au
« Chemin ferré » évoqué ci-dessus.
Le parcellaire et les vestiges archéologiques
9
L’examen des plans cadastraux, actuel et du XIXe siècle, ainsi que quelques vestiges
conservés permettent de retrouver aisément les deux grands ensembles constituant le
site sur la vignette de l’Armorial : le bourg enclos et son faubourg (fig. 313, 314). Tous
deux sont implantés directement le long d’un axe grossièrement nord-sud : la route de
Roanne à Montbrison. Celle-ci traverse, en effet, de part en part la ville close7 et y entrait,
ou en sortait selon le cas, au sud par la porte dite « du Vent » dans les textes médiévaux et
au nord-ouest par la porte dite « de Bise ». Au sud, un long faubourg très rectiligne s’est
développé de part et d’autre de cet axe (l’actuelle « Grande Rue ») immédiatement en
avant de la « porte de Bise ».
Fig. 313 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
497
Fig. 314 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
10
L’enceinte de la ville close est encore tout à fait perceptible dans le parcellaire. Toutefois,
à la différence de la représentation de l’Armorial, qui la figure quadrangulaire, celle-ci
apparaît circulaire ou tout au moins sub-circulaire. De cette enceinte, outre son emprise
dans le maillage parcellaire, subsistent quelques belles élévations (qui montrent plusieurs
campagnes de construction) (fig. 315, 317, 320) ainsi que des vestiges (très restaurés) de
la « porte de Bise » (fig. 318) – invisible sur l’Armorial car dissimulée aux yeux du
dessinateur par la courtine orientale – et d’au moins trois tours de flanquement (une
circulaire et deux quadrangulaires) (fig. 316, 317, 319). Sur le plan cadastral du XIXe
siècle, le sud du bourg enclos se partage globalement en deux pôles qui se font face de
part et d’autre de la rue de Bise et témoignent des deux pouvoirs qui se partageaient
autrefois le lieu : au sud-est, le pôle religieux autour de l’église (fig. 321) et d’un logis
prioral encore partiellement médiévaux et, au sud-ouest, le pôle laïc où le château
médiéval se manifeste encore par quelques éléments architecturaux qui mériteraient une
étude plus fine.
498
Fig. 315 - Vestiges des élévations du rempart, rue du Chemin de ronde.
Fig. 316 - Tour rectangulaire crénelée, à l’ouest de l’enceinte.
499
Fig. 317 - Tour de flanquement circulaire sur l’enceinte à l’ouest.
Fig. 318 - Porte nord-ouest (porte de Bise), vue extérieure.
500
Fig. 319 - Détail d’une canonnière bouchée sur la tour de flanquement circulaire.
Fig. 320 - Détail du chemin de ronde sur arcs.
501
Fig. 321 - Le chevet de l’église Saint-Priest.
11
La confrontation des données issues de l’analyse des plans cadastraux, des prospections
de terrain et des sources écrites avec la vignette de l’Armorial montre la relativement
grande précision de celle-ci, même si l’angle de vue choisi par l’illustrateur est au premier
abord déstabilisant et entraîne l’absence sur la vignette d’éléments pourtant aujourd’hui
marquants dans le patrimoine de Villerest comme la « porte de Bise » ou l’église et le
prieuré clunisien.
NOTES
1. ADL, B 2077, f° 2 v°, f° 11 ; B 2079, f° 4 v°, f° 6 v°, f° 7 v°, f° 8.
2. ... clausuræ antiquæ de fortalici... (ADL, B 2077, f° 13 v°) ; ... muri dicti fortalici intermedio juxta ipsos
muros novos ex una parte et clausuras antiquas ex altera... (ADL, B 2077, f° 42).
3. Reconnaissance pour un jardin sis iuxta fossalia sive muretas Villaresii (De Fréminville, 1905, p.
162-163).
4. ... domos prioratus Marcigny... (ADL, B 2077, f° 18 v°) et ... iuxta muros claustri dicti domini prioris et
conventus Marcigniaci... (De Fréminville, 1905, p. 163).
5. ... pro domus sua alta situm in dicto fortalicio juxta domum dicte domine comitisse ex una parte... (ADL,
B 2077, f° 25 v°).
6. La haute tour quadrangulaire ne peut en aucun cas être interprétée comme le clocher de
l’église. Tous les clochers transformés en donjon présents dans l’Armorial arborent des signes
morphologiques – une croix principalement – qui rendent leur identification possible comme à
502
Panissières ou Pouilly. Le donjon de Villerest se rattache sans ambiguïté aux donjons de Marcilly,
Souternon, Chambéon, La Tour-en-Jarez, La Fouillouse, Monsupt, Châtelneuf.
7. Où elle prend le nom de « rue de Bise ».
503
Saint-Haon-le-Châtel
Franck Brechon et Frédéric Buffard
480. La ville et chatiau de Sainctan
Département : Loire ; commune et canton : SaintHaon-le-Châtel
L’apport des sources écrites
1
En 949, est mentionnée
in Rodanensi pago une ecclesia [...] in honore Sancti Habundi (Cluny, t. I, n° 734).
2
Ce texte fait sans doute très certainement référence à l’église de Saint-Haon-le-Vieux,
village situé à proximité même de Saint-Haon-le-Châtel (Fournial, 1967, p 24). Cette église
(æcclesia Sancti Abundi Vetuli) est à nouveau mentionnée en 1166 avec la chapelle du
castrum parmi les dépendances du prieuré clunisien d’Ambierle (Cluny, t. V, n° 4224,
p. 575). Il s’agit à l’évidence d’un édifice du très haut Moyen Âge.
3
Ce n’est que dans un acte daté de 1115 qu’est attesté pour la première fois le castrum
Sancti Habundi. Cet acte, certainement interpolé, doit être considéré avec précaution, mais
l’indication du château ne semble pas devoir être remise en question : en effet, en 1128,
une donation en faveur du prieuré de Marcigny est passée non loin du castrum de SaintHaon, ce qui signe assurément son existence (Fournial, 1967, p 24). En 1173, Saint-Haonle-Châtel apparaît dans le traité délimitant les possessions de Guy, comte de Forez, et de
Guichard, archevêque de Lyon (Chartes du Forez, n° 4). Dès 1160 au moins, Saint-Haon-leChâtel est le centre d’une viguerie comtale. Cette année-là, le comte Guillaume fonde un
hôpital des pauvres dans le castrum de Montbrison, financé par la dîme du pain et du vin
de toute sa terre. L’exécution de la levée de cette dîme est confiée aux viguiers du comté,
dont celui de Saint-Haon-le-Châtel (Chartes du Forez, n° 1286). À plusieurs reprises dans
le courant du XIIIe siècle, il est fait mention d’une famille de Saint-Haon. En 1240, Artaud
de Roannais, dit Artaud de Saint-Haon, est coseigneur de Saint-Haon-le-Châtel avec le
comte de Forez (Chartes du Forez, n° 1066.). En mars de la même année, il reçoit
l’hommage lige d’Étienne et d’Hugues de Pierrefitte (Chartes du Forez, n° 453). Vers 1260,
504
Artaud de Saint-Haon apparaît encore dans une liste incomplète des vassaux du comte
pour des biens et des droits situés dans le castrum de Saint-Haon, mais il n’est pas alors
vassal pour le château de Saint-Haon lui-même1. Pour finir, le 4 février 1318, le comte
Jean, en raison du mariage de son fils avec la fille du seigneur de Bourbon, s’engage à
reconnaître tenir désormais de celui-ci ses châteaux et villes de Crozet, de Saint-Haon et
de Roanne, avec leurs arrières-fiefs qu’il possédait jusque-là en franc alleu (Chartes du
Forez, n° 1480). Sans doute dès le courant du XIIe siècle, un bourg castral s’agglomère
autour du château. À la fin du Moyen Âge, le castrum connaît une croissance de type
urbain. La position de Saint-Haon-le-Châtel sur l’Iter Foresii, reliant l’Île-de-France au sud
du Royaume, ouvre le castrum puis la ville sur des courants d’échanges majeurs qui lui
assurent un développement économique important à l’échelle régionale. Les marchés de
Saint-Haon-le-Châtel sont anciens et même antérieurs au milieu du XIIIe siècle, puisque
leurs coutumes servent de modèles aux marchés de Villerest en 1253. Au Moyen Âge, on
peut distinguer un marché aux bestiaux, un marché aux grains, un mazel et une saunerie
(Fournial, 1967, p. 70). Une charte de franchises octroyée en 1270 par Renaud, comte de
Forez, et son fils Guy, assoit ce développement (Chartes du Forez, n° 513). Cette charte est
confirmée et complétée dès le mois de juin de la même année (Charte du Forez, n° 652). La
charte de franchises de Saint-Haon est rédigée sur le modèle de celle de Montbrison, ellemême largement inspirée de celle de Montferrand (Fournial, 1967, p. 120-122). Toutefois,
l’établissement des foires de Lyon par Louis XI et le détournement des courants
commerciaux qui en résulte marginaliseront Saint-Haon, qui connaît alors un net déclin
au profit de Roanne, mieux placée (Fournial, 1967, p. 483). D’un point de vue spirituel, la
chapelle du castrum est mentionnée dès 1166, en association avec l’église de Saint-Haonle-Vieux (Fournial, 1967, p. 24). Ensuite, dans le pouillé du diocèse de Lyon de 1225, sont
citées à la fois l’église de Saint-Haon-le-Châtel et celle de Saint-Haon-le-Vieux, toutes
deux à la collation du prieur d’Ambierle (Pouillés de la province ecclésiastique de Lyon).
L’église de Saint-Haon-le-Châtel n’est toutefois qu’une dépendance de celle de SaintHaon-le-Vieux qui, seule, conserve encore au XVe siècle le droit d’inhumation (Fournial,
1967, p. 39). Nous sommes donc dans le cas de figure assez classique où la création du
castrum ne parvient pas à provoquer le déplacement du centre paroissial ancien, seule la
fondation d’un lieu de culte aux droits réduits et dépendant de l’église primitive suit
l’évolution des pôles d’habitat.
4
Un terrier de 1354 permet de connaître les principaux éléments de la topographie de
Saint-Haon-le-Châtel (Fournial, 1967, p. 68). Il mentionne une cinquantaine de maisons
enserrées dans les murs du castrum, jouxtant le vintenum. Au milieu du XIVe siècle la ville
n’est encore dotée que d’une seule enceinte. Cependant, la mention de la « porte du
Comte » en 1374 établit qu’à cette date la seconde enceinte est achevée. Celle-ci a donc été
mise en chantier après les premières incursions des routiers et sa construction a dû
demander une dizaine d’années. Toutefois, les bâtisseurs ont procédé avec économie : le
bourg de Fondange et celui de Palerne n’ont pas été inclus dans le tracé de la dernière
muraille. Ils se sont contentés d’enclore les quartiers qui s’adossaient à la première
enceinte (Fournial, 1967, p. 447). Cette dernière était de forme approximativement
trapézoïdale et chacune des quatre faces était percée d’une porte. La plus anciennement
citée est la « porte de la Barre », peut-être s’agit-il de la porte orientale. Au sud, la porte
de Fondange donnait accès au faubourg du même nom. Mentionnée seulement à partir de
1348, elle fut sans doute percée tardivement pour servir d’issue commode. Quant à la
« porte de la Pierre », mentionnée en 1292, elle se situait probablement au nord. La
« porte du Pont », citée en 1314 et en 1354, serait, dans cette hypothèse, percée dans la
505
façade occidentale de la clôture. Cette enceinte primitive était défendue par un fossé,
comblé après l’achèvement de la seconde enceinte dans les dernières décennies du XIVe
siècle. En 1400, une maison est d’ailleurs sise dans le fossé (Fournial, 1967, p. 17). Dès que
l’enceinte primitive s’est avérée trop étroite, les nouveaux arrivants se sont installés sur
son pourtour sud-est et sud où la pente modérée offre plus de facilités. C’est dans cette
zone que se trouvent les organes commerciaux de la ville en plein essor : le marché et la
boucherie. Peu à peu, l’habitat a gagné les abords de l’Iter Foresii qui, dans sa traversée de
la ville, devient la « Grande Rue », donnant naissance au faubourg de Palerne. D’après une
estimation d’Étienne Fournial, dans sa plus grande extension, la ville de Saint-Haon-leChâtel compte environ 2 000 habitants (Fournial, 1967, p. 71).
La représentation de l’Armorial
5
Le site de Saint-Haon est vu depuis le sud-est. Le château proprement dit n’apparaît pas
sur le dessin, mais le bourg castral, clos dans une enceinte, occupe le point le plus haut du
site ; depuis celui-ci un faubourg s’est développé (fig. 322). La première enceinte ne
figure pas sur la vignette, alors que la seconde est caractérisée par la masse de l’ensemble
défensif et la hauteur des courtines, flanquées de treize tours et d’une échiffe sur l’angle
sud-ouest de l’enceinte. Six de ces treize tours sont rondes, quatre sont carrées et deux
rectangulaires. Leurs couvertures sont très diverses : certaines disposent de hourds
couverts d’une toiture sur laquelle flotte un étendard aux armes des ducs de Bourbon,
d’autres sont surmontées d’une terrasse crénelée et, généralement, dotée de mâchicoulis.
Aucune porte n’est représentée, mais la plus massive de toutes les tours, rectangulaire,
dotée d’un puissant hourd en bois et couverte d’un toit à quatre pans portant deux
bannières aux armes des ducs de Bourbon, est assurément une tour-porte. On n’en voit
506
pas la base, occultée par la présence des maisons du faubourg de Palerne, mais elle
accueille sans doute la porte dite de Palerne ou du Comte.
Fig. 322 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 480) : la ville et
chatiau de Sainctan.
6
Dans l’enceinte, l’illustrateur de l’Armorial a représenté 17 maisons, toutes stéréotypées
et dont on aperçoit les toits avec leur classique cheminée à mitre. De ces maisons émerge
le clocher de l’église qui est le bâtiment le plus haut du site et le plus imposant par sa
taille. C’est un clocher-tour de plan carré. Le dernier niveau montre une arcade à baies,
couvert par un toit à quatre pans, surmonté d’une croix. Le reste de l’édifice est occulté
par la hauteur des courtines.
7
Extra-muros, le faubourg de Palerne s’est structuré au pied de l’enceinte en suivant la
déclivité de la pente. Sur le dessin, l’implantation de l’habitat permet très nettement de
distinguer trois rues rejoignant l’axe principal, la « Grande rue », qui conduit à Roanne.
Le dessinateur a mis en évidence le nombre et la concentration des édifices. Il a
représenté 58 maisons. Leur forme est très stéréotypée : toutes les maisons sont à deux
niveaux et possèdent, en règle générale, une porte et une fenêtre à meneau sur le mur
pignon, deux fenêtres plus petites sur le mur gouttereau et, sur le toit à deux pentes, une
cheminée à mitre. Quelques maisons se démarquent toutefois, échappant à ce modèle
stéréotypé : tout d’abord, l’une d’entre elles s’impose par sa taille, alors que les façades de
quelques autres possèdent une large ouverture semi-circulaire évoquant un ouvroir et
donc les activités commerciales de ce faubourg.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
8
L’implantation du château primitif à l’origine du bourg castral est difficile à cerner (fig.
324). Peut-être faut-il placer celui-ci à l’angle sud-est du cimetière, contre l’église. Les
507
observations de terrain ne permettent toutefois pas d’étayer assurément cette hypothèse.
Le mur de soutènement du cimetière, crépi récemment, ne laisse malheureusement rien
paraître, seule une différence de densité de végétation délimite une aire quadrangulaire
de 30 m ² et peut indiquer la présence d’une construction, mais est-ce la tour maîtresse ?
La toponymie du lieu, « Motte Couzan », pourrait induire en erreur. En effet, si le
toponyme peut indiquer l’existence d’un château à motte, dans le cas présent, la
dénomination « Motte Couzan » est tardive : les Couzan ont été coseigneurs de la ville au
XVe siècle seulement. L’examen des plans parcellaires n’apporte rien : la parcelle 235 est
bien le cimetière depuis l’époque moderne. En revanche, une photographie aérienne du
site ouvre de nouvelles perspectives (fig. 323). En effet, l’analyse de cette vue permet de
distinguer dans le cimetière, à l’ouest, les traces nettes de deux murs épais qui forment
l’angle oriental d’un bâtiment.
Fig. 323 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
508
Fig. 324 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
9
Le plan de la première enceinte du castrum est approximatif. En effet, si les traces de trois
tours et de trois pans de murs permettent d’établir un plan hypothétique, on ne trouve
aucun indice autorisant la restitution d’un tracé exact de la courtine au nord-ouest. La
vue de l’Armorial ne permet pas de voir l’état de la première enceinte, ce qui peut
signifier qu’elle a, en partie au moins, disparu au milieu du XVe siècle, ses fossés ayant été
comblés et bâtis et les soubassements remployés dans des fondations de maisons. En
partant de ce postulat, il est possible de tirer deux conclusions. D’une part, la croissance
de la ville a été suffisamment rapide pour rendre cette première enceinte urbaine
militairement inefficace ; ce qui expliquerait sa durée de vie relativement courte (moins
de deux siècles) et son abandon progressif marqué par le remploi systématique des
structures de l’enceinte dans les maisons du bourg castral. D’autre part, le rôle politique
et symbolique du château de Saint-Haon semble s’être fortement atténué au XVe siècle. En
effet, rien, à l’examen de la vue de l’Armorial, ne permet d’établir l’emplacement des
centres de pouvoir seigneurial et comtal, alors que dans nombre de cas le dessinateur de
l’Armorial a surdimensionné ces bâtiments. D’autres indices viennent étayer cette
hypothèse. Les textes montrent que le pouvoir seigneurial est morcelé entre le comte et
deux coseigneurs ; un seigneur majeur résidant à Roanne et un seigneur mineur résidant
à Saint-Haon-le-Châtel. Quant au pouvoir comtal, il est réparti entre différents officiers :
lieutenant, prévôt et sergent. Pour ajouter à l’éclatement du pouvoir seigneurial, la
bourgeoisie de Saint-Haon-le-Châtel dispose depuis le XIIIe siècle d’une partie des
prérogatives comtales acquises grâce à la charte de franchises en 1270 ; elle est
responsable, entre autres choses, de l’entretien de l’enceinte. L’étude de la deuxième
enceinte pose moins de problèmes. En effet, il en subsiste de nombreuses élévations (fig.
324-327, 329). Son tracé est simple et l’examen du plan cadastral permet d’en révéler les
509
grandes lignes. De forme rectangulaire irrégulière, cette enceinte occupe le sommet de la
colline dont elle épouse le profil : son développement total atteint environ 700 m pour
une superficie dépassant de peu les deux hectares. Un problème se pose néanmoins pour
ce qui est du nombre des tours. Treize tours sont visibles sur la vignette. Sur le terrain,
aujourd’hui onze sont clairement identifiables (fig. 328). Des traces d’arrachement
laissent supposer qu’une douzième était peut-être située à l’angle de la parcelle 280. Si
l’on considère que l’Armorial représente fidèlement le nombre de tours en fonction au XV
e
siècle, la tour manquante se situerait à l’arrière-plan, à droite de la tour de l’Horloge, ce
qui en toute logique la placerait à l’angle nord-ouest de l’enceinte. Sur place, aucune trace
n’est visible. La courtine observable aujourd’hui est en recul par rapport à celle du XVe
siècle. En effet, à l’angle nord-ouest actuel, on note une trace d’arrachement qui permet
d’affirmer sans trop de risque d’erreur que la muraille avançait plus en direction du nord.
Fig. 325 - La courtine nord, vue de l’intérieur.
510
Fig. 326 - Vue d’ensemble de la courtine est.
Fig. 327 - La courtine est et son fossé.
511
Fig. 328 - Vestige de tour sur l’enceinte ouest, rue de la Boaterie.
Fig. 329 - La « Poterle », au sud-est de l’enceinte, vue extérieure.
10
L’église de Saint-Haon-le-Châtel est un édifice roman d’aspect fruste, à nef unique,
doublée de deux collatéraux étroits, et à transept peu saillant (fig. 330). L’abside à trois
pans, reconstruite au XVIIIe siècle, a alors été légèrement allongée vers l’est. L’ensemble
est voûté en berceau brisé, des arcs doubleaux délimitant trois travées. Des chapelles ont
été accolées à l’édifice, à la fin du Moyen Âge, au sud et au nord. La croisée du transept
supporte un clocher rectangulaire. Deux arcs en plein cintre s’ouvrent sur chacune de ses
512
faces au deuxième niveau, alors que l’illustrateur de l’Armorial en a représenté trois
(Bonin, 1955).
Fig. 330 - Le mur gouttereau sud de l’église.
11
Le site de Saint-Haon-le-Châtel est très représentatif de l’histoire et de la topographie des
castra que l’on rencontre en Forez et dans les régions voisines (Laffont, 2009). Le château
s’est établi à proximité même des terroirs exploités durant le haut Moyen Âge. Ici, le
centre de peuplement ancien, au moins altimédiéval si ce n’est tardoantique, est à SaintHaon-le-Vieux autour de l’église Saint-Haon. C’est dans ce terroir que le castrum s’est
implanté, modifiant sensiblement la géographie du peuplement mais ne supplantant
jamais le centre ancien au point de le faire disparaître : l’église héritée du haut Moyen
Âge reste le centre paroissial, le castrum ne donnant lieu qu’à la création d’une simple
chapelle placée dans la dépendance du premier établissement. La position de Saint-Haon,
commercialement avantageuse puisque sur le tracé de l’Iter Foresii, induit rapidement le
développement d’un bourg important, puis d’un faubourg centré sur la route. Néanmoins,
le détournement des courants commerciaux vers Roanne à compter de la fin du XVe siècle
entraîne alors un déclin significatif de la localité.
12
L’étude du parcellaire et des nombreux vestiges archéologiques montre que le dessin du
XVe est une représentation globalement fiable de la ville. Quelques erreurs apparaissent
toutefois. La première se situe au niveau du plan de l’enceinte. La partie sud-est de la
muraille est en réalité rectiligne, alors que le dessin de l’Armorial figure un
décrochement vers l’intérieur, induisant un décalage dans la position des tours. La
seconde divergence concerne le nombre et la forme des tours : seules celles de la face
occidentale et la porte de l’Horloge ont un plan carré, les autres ont toutes un plan
circulaire ou semi-circulaire, la réalité étant de ce point de vue considérablement
simplifiée sur la vignette. Il est donc vraisemblable que l’artiste n’a effectué que quelques
relevés d’ensemble sommaires, se fiant sans doute à sa mémoire pour assurer la
513
représentation de détails architecturaux qu’il n’a au final pas fidèlement rendus, comme
le montrent par exemple les différences constatées dans le nombre de baies du clocher.
NOTES
1. ... dominus Artaudus de Sancto Habundo fecit homagium ligium de hoc habet infra muros Sancti
Habundi et mansum de Bruileu, feodis et dominii... (Chartes du Forez, n° 467).
514
Roanne
Jean Poncet et Franck Brechon
481. La ville de Rouanne
Département : Loire ; canton : Roanne ; commune :
Roanne
L’apport des sources écrites
1
Roanne apparaît deux fois dans les sources antiques. Chez Ptolémée tout d’abord, qui cite
Rodumna comme l’une des deux villes ségusiaves, l’autre étant Feurs. Sur la carte de
Peutinger ensuite où Roidomna figure entre Mediolanum et Ariolica sur une route allant de
Feurs, ou plutôt de Lyon à Vichy et Clermont-Ferrand (Guide du musée Déchelette,
p. 51-52). Ensuite, au Xe siècle, Roanne est un chef-lieu d’ager (Cartulaire de Savigny, n
° 308), parfois désigné comme pagus (Cluny, n° 78), voire comme comitatus (Cartulaire de
Savigny, nos 63, 553), bien que n’ayant jamais été chef-lieu de comté. Il s’agit là en fait
d’un pagus minor, subdivision d’un pagus, comme on en connaît d’autres en Auvergne ou
dans la moyenne vallée du Rhône à la même époque.
2
C’est au milieu du XIe siècle qu’apparaît un lignage portant le surnom toponymique de
Roanne, le premier membre connu de celui-ci est un certain Bérard : en 1085, Nazarea,
épouse de Guichard d’Oingt, est dite fille de domini Berardi Rodonensis (Cartulaire de
Savigny, n° 755), lequel est peut-être déjà mentionné en 1040 (Cluny, n° 2860). En 1105,
une confirmation de la donation ci-dessus a pour témoins deux frères, qualifiés de seniores
de Rotenna, qui sont probablement les fils de Nazarea et les petits-fils de Bérard (Cartulaire
de Marcigny, n° 70). Le lignage de Roanne figure dès lors aux côtés de familles
bourguignonnes comme les Le Blanc, de Mâcon, ou les Semur, potentes du premier âge
féodal (Perroy, 1977). Possessionné en Roannais, mais aussi en Brionnais et en Charolais,
ce lignage fournit plusieurs chanoines au chapitre cathédral de Lyon1 et ses membres sont
présents comme acteurs ou témoins dans un certain nombre d’actes. On peut donc
logiquement supposer que le château de Roanne existe déjà avant la fin du XIe siècle, et
qu’il est entre les mains de la branche aînée de la famille éponyme, alors que ceux de
515
Saint-Haon et de Saint-Maurice sont aux mains de branches cadettes (Perroy, 1966b,
p. 665). Cependant, il faut attendre 1205 pour voir mentionné de façon explicite le
château de Roanne (Recueil des actes de Philippe Auguste, n° 895). À cette date, le château
de Roanne n’est plus un alleu, puisque l’hommage en appartient au comte de Forez.
Renaud, archevêque de Lyon, agissant au nom de son frère, le comte de Forez Guy III alors
en croisade, cède temporairement cet hommage au sire de Bourbon, Guy de Dampierre,
avec celui des châteaux de Saint-Haon et de Saint-Maurice (Recueil des actes de Philippe
Auguste, n° 895). La famille de Roanne en est toutefois toujours seigneur immédiat,
puisqu’en 1220, la veuve de Chatard de Roannais avoue tenir du comte Guy IV la moitié du
port et du péage de Roanne (Chartes du Forez, n° 33) et qu’en 1260, Dalmas de Roanne
rend hommage pour ce château au comte (Chartes du Forez, n° 467). En effet, au XIII e
siècle, la seigneurie de Roanne est émiettée entre de multiples coseigneurs (frères,
cousins, etc.) ; É. Perroy voit dans cette pratique du partage en indivis l’une des raisons de
l’affaiblissement du lignage. Le comte de Forez, qui a un châtelain à Roanne dès 1248 au
moins (Francs-fiefs, n° 29), en profite pour y étendre son emprise directe, par des achats
notamment. Ainsi, en 1273, Guichard de Montagny cède au comte Guy le quart par indivis
du castrum et de la villa de Roanne qu’il tenait de sa mère Béatrice de Roanne (Chartes du
Forez, n° 168). En 1293, Jean, comte de Dreux, et sa femme Jeanne abandonnent au comte
de Forez leurs droits sur le castrum et la villa de Roanne (Chartes du Forez, n° 433). Ce
n’est donc qu’une partie de l’ancienne seigneurie qu’Alice de Roanne apporte aux La
Perrière et qu’elle avoue au comte Jean en 1301 (Perroy, 1977, p. 666). C’est cette
seigneurie mutilée qui sera acquise par Jacques Cœur peu avant sa chute, à la suite de
laquelle elle passera aux Gouffier en 1455 (Goninet, 1975-1976, t. 1, p. 166-169). L’autre
partie de la seigneurie de Roanne est donc sous la domination directe des comtes de
Forez.
3
Les textes du XIIIe siècle nous apportent également des renseignements intéressants sur
le peuplement de Roanne. Ceux de 1273 et de 1293 distinguent clairement villa et castrum
(Chartes du Forez, n° 168, n° 433). La première, sur le site du village gaulois primitif, doit
comprendre quelques maisons groupées autour de l’église paroissiale Saint-Julien. C’est
un édifice modeste sur lequel nous ne savons rien, mais qui est figuré dans son cimetière
par Martellange en 1610 (fig. 333). À quelques centaines de mètres au sud-ouest, le
castrum inclut sans doute quelques maisons ainsi que la chapelle Saint-Étienne,
mentionnée seulement en 1315 (Testaments foréziens, n° 73 p. 170), mais remplaçant un
sanctuaire lié à une nécropole mérovingienne. Le tout est probablement déjà protégé par
une première enceinte, car un texte de 1249 (Chartes du Forez, n° 1108) mentionne un
« bourg neuf » juste au sud du château. Le souvenir de celui-ci a d’ailleurs été conservé
dans la toponymie (rue de Bourgneuf). Cependant, l’ensemble ne peut prétendre au rang
de ville et demeure un simple bourg. Ainsi, à la fin du XIVe siècle, la cote du fouage pour
Roanne est de 25 francs, alors qu’elle s’élève à 29 pour Mably, 36 pour Villerest, 110 pour
Saint-Haon et 126 pour Saint-Just-en-Chevalet (Fournial, 1964b, p. 25). Les textes ne
signalent d’ailleurs à Roanne que quelques rares artisans ou marchands sans envergure.
Étienne Fournial évalue la population du bourg à cette époque à 25 feux environ, et celle
de la paroisse tout entière à 200 ou 300 habitants. À la fin du XIVe siècle, l’insécurité
oblige les villes foréziennes à renforcer leurs défenses et à s’emmurailler. À Roanne, un
texte de 1393 fait allusion à l’ancienne entrée du château, preuve de travaux déjà réalisés
(Fournial, 1964b, p. 54, note 252). Un autre, de 1420, qui situe une maison in castro Roddane
juxta muros ville Roddane (Fournial, 1964b, p. 54, note 252), montre que l’enceinte dessinée
par Revel est terminée à cette date. Quoi qu’il en soit, le déclin du vieux bourg Saint-
516
Julien est alors net, de même que le déplacement du centre de Roanne : c’est désormais
autour du château que se situe le peuplement. Cette évolution est entérinée au milieu du
XVe siècle lorsque l’église Saint-Julien cède à Saint-Étienne le rôle, déjà assumé dans les
faits, d’église paroissiale (Fournial, 1964b, p. 55-56). Guillaume Revel ne prend d’ailleurs
pas la peine de faire figurer l’ancien bourg sur son dessin. Ni le château proprement dit,
ni l’enceinte du bourg, ne semblent avoir joué de rôle militaire notable. Aucun document
ne fait allusion à des combats dans ou pour Roanne. Alors que durant la guerre de Cent
Ans, des prieurés et des bourgs étaient pillés et ravagés aux portes mêmes de Roanne, la
ville semble avoir été épargnée. La fonction résidentielle du château semble aussi avoir
été secondaire. Si les premiers seigneurs de Roanne y ont sans doute habité, dès la fin du
Moyen Âge d’autres résidences ont été préférées. De passage à Roanne, les ducs de
Roannais comme les hôtes de marque ne logent pas au château. Au XVIIe siècle, le
procureur Dalesme déconseille même au duc de vendre Boisy car, dit-il, Roanne n’a pas de
château habitable (Goninet, 1975-1976, t. 1, p. 244). Ainsi les bâtiments castraux qui
jouxtent le donjon et qui remontent sans doute au milieu du XVe siècle ont
essentiellement abrité officiers et gestionnaires de la seigneurie et du bailliage, et ce
jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
La représentation de l’Armorial
4
Le dessin de l’Armorial de Guillaume Revel confirme d’emblée l’image que donne la
documentation écrite, celle d’un château modeste et de faible valeur militaire (fig. 331).
Représenté depuis le nord-est, il s’agit avant tout d’un mur d’enceinte aveugle,
simplement crénelé et surmonté de quelques échiffes. Une grosse tour carrée protège une
porte prolongée par un pont-levis abaissé en avant duquel se dresse une modeste
barbacane. Rien ne permet de supposer la présence d’une autre porte. Le dessin semble
représenter deux tours, à base talutée, situées juste à droite de la porte. Cependant, un
siècle et demi plus tard, Martellange n’a vu à cet endroit que des contreforts (fig. 333). À
l’intérieur de l’enceinte, un seul monument est identifiable : c’est une haute tour
maîtresse carrée, percée d’une ouverture sur chacune des deux faces visibles. L’ensemble
est surmonté d’une guette. Rien ne permet d’identifier des bâtiments castraux, si ce n’est
une construction figurée entre le donjon et le rempart, et dont une ouverture perce ce
dernier. Quant à l’église Saint-Étienne, elle est sans doute cachée par la tour-porte. Les
quelques toits que l’on distingue évoquent plutôt les maisons que l’on sait alors abritées
par l’enceinte. À l’extérieur de l’enceinte, le dessin suggère le début du développement
urbain de Roanne. Visiblement, il se fait le long du « Grand Chemin Ferré » que les
maisons bordent déjà de façon continue sur les deux côtés. On peut en compter
cinquante-six, toutes figurées de la même manière conventionnelle, à trois exceptions
près. Il s’agit tout d’abord d’un petit bâtiment, situé juste devant le pont-levis,
perpendiculairement aux autres maisons, mais rien ne permet toutefois d’identifier sa
fonction. En revanche, un autre bâtiment, nettement plus grand et dont la large toiture
repose sur des piliers, correspond assurément aux halles ; celles-ci seront transférées de
l’autre côté du pont-levis à la fin du XVIe siècle (Fournial, 1964b, p. 58). Enfin, à
l’extrémité nord de l’alignement des maisons se distingue une sorte de porte qui
représente peut-être le poste de levée du port et péage de Roanne, ce dernier constituant
une part importante des revenus de la seigneurie du lieu. Au total, cette zone de
conurbation continue commence au sud avec le « bourg neuf » signalé par les textes, puis
contourne le château en passant devant l’actuel Palais de Justice et se termine aux
517
environs de l’actuelle rue de la Charité, là où les textes du XVIIe siècle situent le BourgBasset (Fournial, 1964b, p. 59). Pour le reste, le paysage semble plutôt champêtre avec des
haies et des arbres, à l’exception, en haut à droite, d’un bâtiment isolé. On peut se
demander s’il ne s’agit pas de l’édifice gallo-romain appelé « Thermes » et qui semble
avoir été bien conservé, au moins partiellement, jusqu’au XIXe siècle. On peut reconnaître
le même édifice sur le dessin de Martellange (fig. 333).
Fig. 331 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 481) : la ville de
Rouanne.
518
Fig. 332 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 333 – Vue topographique de Roanne en 1610 par le père Martellange (Bnf, Estampes et
photographies, réserve UB-9 boîte FT 4, n° 90).
519
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
5
Des constructions que nous montre l’Armorial, seule subsiste, intacte, la tour maîtresse,
établie initialement sur une motte2. C’est une tour carrée de 7,65 m de côté, haute de 20
m, qui a même conservé la guette visible sur le dessin (fig. 334, 335, 336). Un compte de
construction nous apprend que cette dernière a fait l’objet de travaux en 14653. Les murs
de la tour, épais de 2 m à la base mais qui s’amincissent en s’élevant, sont construits en
galets et en petits blocs de granit, sans pierre de taille, ce qui explique sans doute les
angles arrondis de l’édifice. À l’intérieur se superposent cinq niveaux (Bonin, 1949). La
salle du rez-de-chaussée, sans ouverture à l’origine, communique par une trappe avec le
premier étage voûté en plein cintre et percé à l’origine d’une porte de 1,80 m de hauteur
sur 0,70 m de largeur. La salle du deuxième est voûtée en anse de panier. Mais l’étude de
Christian Le Barrier (INRAP) a montré que ces deux plafonds voûtés ne remontent sans
doute pas plus haut que le XVIIIe siècle. La salle du troisième, ainsi que les combles, ne
présentent aucune particularité notable. Devant cette construction sommaire, sans
latrines ni cheminée, présentant une facture peu soignée, les historiens locaux ont eu
souvent tendance à faire remonter assez haut son édification, à la fin du XIe siècle ou à la
fin du XIIe siècle, mais sans s’appuyer sur des éléments probants (Fournial, 1964b, p. 59).
En effet, le caractère archaïque de ce donjon n’est pas un élément de datation assuré.
Ainsi, près de Roanne, la tour de Lespinasse, qui présente les mêmes caractères, ne semble
pas, selon la documentation écrite, être antérieure au plein XIIIe siècle (Perroy, 1977). Une
datation par dendrochronologie de restes de hourds pris dans la maçonnerie et
d’éléments de charpente fournit des résultats bien plus précis4 : le bois des hourds a été
abattu en 1225-1226 et celui de la charpente en 1516-1517. Toute la toiture, y compris
celle de la guette, a donc été refaite à cette dernière date. De même, la partie supérieure
du donjon, où se trouvaient les éléments de hourds datés, semble donc attribuable à la
première moitié du XIIIe siècle. A-t-on alors simplement refait la partie supérieure d’un
donjon plus ancien ? Ce n’est pas impossible, mais rien dans les maçonneries ne le
suggère et tout laisse penser que cet édifice a bien été construit dans les premières
décennies du XIIIe siècle. Or, nous l’avons vu, la documentation écrite atteste de
l’existence d’un château à Roanne bien avant cette date...
520
Fig. 334 – La tour maîtresse du château dans son état actuel.
Fig. 335 – La tour maîtresse du château vers 1870 (Photographie de Geoffray).
521
Fig. 336 – Le château et la tour maîtresse au début du XXe siècle (carte postale).
6
Ce château initial, on pouvait le supposer sur le même emplacement que l’actuel, bien que
Christian Le Barrier n’en ait trouvé aucune trace dans les soubassements de ce dernier.
Toutefois, des découvertes archéologiques récentes ont apporté des éléments nouveaux.
La municipalité de Roanne ayant décidé de remodeler le centre ancien, une série de
sondages et de fouilles a été réalisée par les équipes de l’INRAP et le Service Régional de
l’Archéologie. Le principal chantier, mené de septembre 2004 à mars 2005 par Monique Le
Nézet-Célestin, a concerné la quasi-totalité de la place du Château (fig. 337). Il a mis au
jour un important fossé de plus de 13 m de largeur et 2 m de profondeur dont le tracé
courbe, si on le prolonge, entoure le donjon. Les niveaux qui le recouvrent datent du
début du XIIIe siècle, attestant d’une nouvelle organisation de l’espace castral à cette date
5 ( fig. 332). Mais ce chantier a livré beaucoup d’autres renseignements qui nous
permettent de mieux cerner les origines du château. Au départ, nous trouvons un
quartier de la Rodumna antique où semble s’être concentré à partir du III e siècle le cœur
de la bourgade en déclin. C’est là que s’établissent, sans doute à partir du Ve siècle un
cimetière, un baptistère et donc la première église Saint-Étienne. Pour les sépultures les
plus récentes, le C14 fournit une fourchette allant de 890 à 1018. Une fourchette très
proche est fournie par un groupe de silos à grains creusés à l’emplacement du baptistère.
On peut donc supposer que le premier château, sans doute un donjon sur motte
artificielle et peut-être en bois, a été érigé à l’emplacement du donjon actuel au début du
XIe siècle, peu après l’abandon de la nécropole et du baptistère. Mais se pose un autre
problème : en effet, en 1960, la base d’une autre tour a été mise au jour derrière l’église
Saint-Étienne (fig. 338). Quadrangulaire, mesurant 8,75 m de côté, ses murs sont épais de
2 m. Ils ont été soigneusement arasés, laissant penser que cette tour n’avait jamais été
terminée (Périchon, 1963). Les niveaux contemporains de sa construction ont livré
uniquement une céramique suggérant une datation assez haute des XIe ou XIIe siècles. En
522
1980, un sondage réalisé à proximité, a montré que ce donjon n’était pas isolé : la fouille a
recoupé un fossé visible sur plus de 8 m de long, avec une largeur de 2 m et une
profondeur de 1,80 m. Se prolongeant au nord-est, hors de la zone fouillée, ce fossé se
terminait au sud-ouest par ce qui pouvait être l’angle d’une branche perpendiculaire. Sur
ce fossé comblé de pierrailles était couché un énorme pan de mur appartenant
probablement au même ensemble que la base du donjon voisin. Cette couche de
démolition, suffisamment épaisse pour former une sorte de tertre encore visible dans la
topographie jusqu’aux travaux de 1981, contenait une grande quantité de pierres mais
aussi de tessons d’une céramique grise ou noire non tournée, analogue à celle trouvée
autour et dans le donjon arasé. On peut la dater du XIIe siècle (Poncet, 1982). Dans les
années 1960, Étienne Fournial, surpris par l’apparition de ce donjon inconnu par ailleurs,
avait émis l’hypothèse qu’il n’avait jamais été terminé. Les fouilles postérieures semblent
lui donner raison. On peut esquisser un scénario vraisemblable. Au début du XIIe siècle,
les seigneurs de Roanne, alors à leur apogée, entreprennent la construction d’une
enceinte et d’un château dignes de leur rang. Mais deux éléments viennent contrarier
leurs projets. C’est d’une part le long conflit entre Forez et Beaujeu dans lequel ils
tiennent une place mal connue faute de tout document écrit. Mais c’est aussi
l’affaiblissement de leur lignage évoqué plus haut. Lorsqu’en 1222 la paix est signée, le
comte de Forez est devenu le maître du Roannais. Les travaux en cours sont abandonnés
et on se contente de construire (ou de restaurer ?) le donjon que l’on peut voir
aujourd’hui. C’est là l’hypothèse la plus simple. Une autre est envisageable, celle de
l’érection d’un second donjon. Dès 1967, Henry Dupont (Dupont, 1967-1968), citant un
passage de l’Histoire ecclésiastique de La Mure (De La Mure, 1671, p. 332), signale la présence
dans un acte de décembre 1227 aujourd’hui disparu, d’un Roussel de Châlons, coseigneur
de Roanne6. Ce personnage important – il est dit par ailleurs connétable du roi de France
– aurait en effet pu vouloir construire son propre donjon. Mais ce dernier n’aurait jamais
été terminé, sa construction ayant peut-être été, suggère Henry Dupont, interrompue par
la mort du connétable. De fait, des indices concordants, à défaut de preuves, font plus
penser à l’interruption de la construction qu’à la démolition (arasement soigné à deux
niveaux). On sait toutefois que le phénomène de coseigneurie peut entraîner parfois la
construction de deux tours maîtresses voisines (Laffont, 2000). Dans son état actuel, le
« château » de Roanne présente un aspect composite qui s’explique par les multiples
remaniements de structure et les aménagements subis au cours des siècles. Coincé entre
l’enceinte du XIVe siècle qui lui sert de mur arrière, et le donjon qu’il englobe en partie, il
présente une forme arquée qui, ajoutée à la présence du donjon, semble avoir posé des
problèmes d’aménagement. Un examen rapide des parties anciennes avait permis de
proposer une construction dans le courant du XVe siècle. L’étude archéologique conduite
en 1999 a confirmé cette datation et la dendrochronologie l’a précisée, en fournissant une
date d’abattage dans la première moitié du siècle : 1436-1437. À quoi ressemblait ce
bâtiment ? Avait-il pris la place d’un autre, contemporain du donjon ? L’archéologue ne
peut pour l’instant apporter de réponse et l’importance des remaniements subis jusqu’à
nos jours par cet édifice a sans doute définitivement fait disparaître la construction
d’origine. Après avoir abrité sous l’Ancien Régime les organes de la seigneurie (justice,
prison, etc.), il a été amputé dans les années 1820 lors de la construction des halles, puis
est devenu habitation sous le Second Empire avec le chevalier de Saint-Thomas. Dernier
avatar : racheté par la Ville de Roanne, il a été une nouvelle fois remanié pour loger
l’Office du Tourisme.
523
Fig. 337 - Plan des fouilles réalisées en 2004, place de Lattre-de-Tassigny (d’après Le
Nézet-Célestin, 2011).
Fig. 338 – Vue des fouilles de l’école de musique en 1960.
7
Aujourd’hui, il ne reste à peu près rien de l’enceinte de Roanne. Elle existait pourtant
encore au XVIIe siècle. En effet, en 1610, le père Martellange vient à Roanne construire la
chapelle du collège jésuite. À cette occasion, il dessine trois vues de la ville. Deux d’entre
524
elles nous montrent une enceinte apparemment présente sur toute sa longueur (fig. 333
et 340), même si elle a perdu les bretèches figurées par Revel et si le mur semble avoir été
abaissé en un point pour dégager un peu l’église Saint-Étienne. C’est plus tard au XVIII e
siècle, avec le développement urbain de Roanne et la multiplication des hôtels
particuliers dans le centre, que le rempart et les fossés deviennent une gêne. C’est ainsi
que l’hôtel Saint-Polgue est construit au XVIIIe siècle dans l’actuelle rue de Cadore, à
l’extérieur du fossé, alors que ses communs sont à l’intérieur. Le rempart (fig. 339) est
ainsi progressivement démoli tandis que les fossés, en grande partie maçonnés et
recouverts, sont aménagés en égout. Le 3 mars 1787, le lieutenant général, le lieutenant
particulier et deux conseillers au bailliage, dressent un rapport (BMR, 11 B 100, n° 19)
constatant que, sous le portail placé entre l’église et les halles de la ville, c’est-à-dire la
vieille porte de l’enceinte, des fissures et des écroulements récents dans la voûte et dans
le mur qui la soutient créent une situation dangereuse. Cette porte s’est ainsi trouvée
probablement condamnée à court terme. Si le mur d’enceinte a presque complètement
disparu, il est possible de reconstituer son tracé avec assez de précision, grâce au cadastre
et à la disposition des maisons du quartier. Au nord-est, à une dizaine de mètres du
donjon, le mur arrière du château avec sa légère courbure en conserve la trace. En le
prolongeant, on trouve la seule partie bien conservée, près de l’hôtel de l’Ancre. Il s’agit
d’un mur de 10 mètres de hauteur, encore crénelé, épais de 1,20 m à la base mais qui se
rétrécit nettement en s’élevant (fig. 340). Il semble avoir été construit ou reconstruit très
vite et sans grand soin, ce qui s’explique facilement par la situation locale à la fin du XIVe
et au début du XVe siècle. À une douzaine de mètres à l’extérieur, l’existence des fossés
est rappelée par la « rue des Fossés ». Plus à l’ouest, les maisons qui ferment de ce côté la
place de Lattre-de-Tassigny, en particulier la maison ancienne dite « des Métiers d’Art »,
montrent, par la courbe qu’elles dessinent, qu’elles s’appuyaient contre le rempart. Là, les
fossés étaient encore visibles jusqu’aux travaux d’aménagement des années 1970. De là, le
mur devait longer l’église Saint-Étienne, et passer juste devant l’église actuelle. C’est ici
que se dressait la tour abritant la porte, où se trouve l’entrée de la place. L’espace ainsi
enclos forme une ellipse mesurant 104 m d’est en ouest et 85 m du nord au sud, enserrant
une surface de 9 000 m² (Bonin, 1949). Les fossés étaient alimentés en eau par un bief
provenant du « Grand-Marais » à la hauteur de la rue Max-Dormoy. Quant au trop-plein
des fossés, il était évacué par un autre bief prenant près de la porte. Un texte de 1613
nous apprend d’ailleurs qu’un abattoir sera installé dans les halles, situées à cet endroit,
afin que l’eau des fossés puisse emporter les déchets (ADL, E 60, n° 3).
525
Fig. 339 – Vue des vestiges du rempart de Roanne en 1947.
Fig. 340 – Autre vue de Roanne en 1610 par le père Martellange (Bnf, Estampes et
photographies, réserve UB-9 boîte FT4, n° 100). Vue vers l’ouest.
8
Le dessin de l’Armorial paraît fournir une image assez exacte, bien que peu précise, du
Roanne de la fin du XVe siècle. Ainsi, il manque le vieux bourg Saint-Julien dont nous
avons vu qu’il était alors en plein déclin malgré la création de l’hôpital.
526
9
Les découvertes récentes faites à Roanne présentent un intérêt majeur. D’abord parce
qu’elles concernent en grande partie un millénaire (IIIe siècle-XIII e siècle) jusque-là
presque totalement dénué de toute documentation écrite ou archéologique. Mais aussi
parce qu’elles nous révèlent une histoire de l’évolution territoriale de Roanne plus
complexe qu’on ne 1’imaginait. En attendant l’étude exhaustive et les publications qui
nous apporteront sans doute plus encore, on note d’ores et déjà que le quartier du
château semble devenir dès le Bas Empire le cœur de la bourgade en déclin, puis le foyer
de la christianisation. Mais pourquoi ce foyer a-t-il été déplacé au Xe siècle sur
l’emplacement du village primitif autour de Saint-Julien désormais église paroissiale ?
Existe-t-il un lien entre ce transfert et la construction du premier château ?
10
La vignette de Guillaume Revel nous montre, comme la vue du père Martellange en 1610,
que la route ainsi que la Loire (que l’illustrateur de l’Armorial a tenu à faire figurer, avec
une barque, au prix d’un resserrement de la perspective qui la rapproche artificiellement
de la ville) sont les deux facteurs essentiels du développement urbain. Le quartier du
château garde cependant une position centrale, mais se trouve de plus en plus
marginalisé à partir du XIXe siècle, avec le creusement du canal et l’industrialisation de la
ville. Le nouveau centre se situe désormais au « Carrefour Helvétique ». Mais les fouilles
récentes l’ont confirmé, le quartier du château représente pour nous aujourd’hui un
résumé de toute l’histoire de Roanne. C’est là un patrimoine précieux dont les Roannais
semblent avoir pris conscience désormais, après l’avoir longtemps ignoré.
Page 481
LA VILLE DE ROUANNE
Étude héraldique
835. Fre[re] Ugues Tavarnier abbé de La Beneison Dieu
parti : au 1, d’or à deux anneaux de feuillage de sinople ; au 2, d’or à deux fasces de sinople –
l’écu brochant sur une crosse.
Hugues IV Tavermer, ou Tardinat (mort vers 1460). Il appartenait à une famille de la
riche bourgeoisie de Saint-Haon-le-Châtel, connue depuis le XIVe siècle, et fut élu
abbé de La Bénisson-Dieu en 1440. Il en fut le dernier abbé régulier, avant que
l’abbaye ne tombât en commende lorsque son successeur, Pierre de La Fin, fut
également élu abbé de Pontigny.
• Gallia christiana, t IV, col 307 ; Gras, 1874, p. 244 ; Fournial, 1967, p. 409.
Un écu vide.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Par exemple, Théotard ou Throbard, archidiacre, et Chotard, camérier, en 1115 (Chartes du
Forez, nos 911, 912, 913).
527
2. Cette dernière a été arasée en 1823 par le marquis de Tardy, maire de la ville, qui entreprend
alors un réaménagement du quartier.
3. Texte cité dans Fournial, 1964b : Item, a payé led. receveur a Anthoine Loys, charpentier pour la
moitié de la façon et bastiment d’une bayete faite sur la tour du chastel de Roenne par le commandement de
Monsr. le bailly de Fourez pour gueyter de jour et garder le chastel dud. Roenne... Le XXVe jour de may mil
IIIIc LXV, XXX siècle VII d. t. (ADL, E 32 n° 9, f° 4).
4. Prélèvements effectués par Christian Le Barrier en novembre 1999, datation Archéolabs.
5. Nos vifs remerciements à Monique Le Nezet-Célestin qui a bien voulu nous communiquer son
rapport de fouilles pour la mise à jour de cette notice. Toutes les indications concernant les
fouilles récentes en sont tirées.
6. La Mure s’est appuyé sur des documents disparus depuis, ce qui a, à juste titre, suscité des
doutes chez les historiens concernant ses affirmations. Remarquons cependant que les fouilles
récentes ont révélé, à la grande surprise des archéologues, un baptistère à Roanne.
528
Le Crozet
Pierre-Yves Laffont
482. La ville et chatiau du Crouzet
Département : Loire ; canton : La Pacaudière ;
commune : Le Crozet
L’apport des sources écrites
1
Le castrum de Crozet est mentionné pour la première fois à la fin du XII e siècle lors d’une
transaction passée en 1180 entre Artaud Le Blanc, vicomte de Mâcon, l’abbaye de Cluny et
le prieuré d’Ambierle dépendant de celle-ci (Cluny, t. V, n° 4272). Le prieur d’Ambierle,
Hugues, et l’abbé de Cluny concèdent notamment à Artaud le droit de faire bâtir une
chapelle dans son castrum de Crozet, dont le chapelain sera à la nomination du prieur
d’Ambierle. Le vicomte de Mâcon donne, de son côté, un emplacement dans le château
afin que le chapelain puisse y construire une maison et il lui accorde 5 sous de rente sur le
péage du château1. En 1205, le château de Crozet fait partie des châteaux donnés en gage
par le comte de Forez Guy IV à Guy de Dampierre, lors du projet de mariage établi entre
une fille de celui-ci et le comte de Forez (Chartes du Forez, n° 1311). Cependant, le comte
de Forez ne semble posséder qu’une autorité de principe sur le château du Crozet, la
famille des vicomtes de Mâcon tenant apparemment la seigneurie du château. Les
prétentions du comte de Forez entraînent un conflit avec le lignage des vicomtes de
Mâcon, qui finalement cède au comte, en 1220, tous ses biens situés au-delà de la Loire et
notamment Le Crozet (Chartes du Forez, n° 31). Quatre ans après, à la suite d’un conflit
avec le lignage de Semur, le comte de Forez Guy IV obtient tous les droits de celui-ci sur le
mandement de Crozet (Chartes du Forez, n° 1347). Dans les années 1230, le château et le
mandement de Crozet sont donc passés définitivement dans le domaine des comtes de
Forez et, en 1236, le comte accorde une charte de franchise aux habitants du bourg et du
mandement de Crozet (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 188). Cette charte est
confirmée en 1240 et 1248 (Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 215 et 295). À partir
de cette date, le château et le mandement de Crozet sont mentionnés régulièrement. En
1260, divers vassaux du comte de Forez lui prêtent hommage lige pour leurs biens et
529
droits situés dans le castrum et dans le mandement de Crozet (Chartes du Forez, n° 1051).
Dans son testament de 1275, le comte Guy VI s’engage à remettre le château de Crozet à
son connétable Humbert de Beaujeu s’il venait à mourir sans héritier mâle (Chartes du
Forez, n° 180). Le prévôt de Crozet est attesté dans la documentation dès les années 1260 :
en 1268, Raymond est prévôt de Crozet (Chartes du Forez, n° 142) ; en 1280, Uldin, prévôt
de Crozet reconnaît tenir en fief lige du comte de Forez quatre tènements à Crozet
(Chartes du Forez, n° 285). Un acte de 1292 mentionne le châtelain de Crozet pour le
comte de Forez (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 888). Des marchés sont
mentionnés à Crozet dès 1288 (Fournial, 1967, p. 65). Aux XIVe et XVe siècles, le château,
le bourg, le mandement et les officiers comtaux – le prévôt et le châtelain – de Crozet
apparaissent régulièrement dans les textes (Chartes du Forez, n° 448 ; Titres de la maison
ducale de Bourbon, nos 1312, 1480, 2269, etc). À la fin du XIVe siècle, la seigneurie de
Crozet, qui est passée avec le reste du Forez dans le patrimoine des ducs de Bourbon, est
engagée par le duc Louis II à Ébrard de Lespinasse, seigneur de Changy. Cependant, au
début des années 1380, la châtellenie de Crozet a fait retour parmi les possessions du duc
de Bourbon (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3440 ; Prajoux, 1930, p. 23). La
documentation des deux derniers siècles du Moyen Âge nous donne quelques
informations sur l’enceinte du bourg, qui est attestée dès 1335. Aymon, seigneur de
Changy, vend alors au comte de Forez au prix de 22 livres tournois, deux maisons dans
l’enceinte du castrum de Crozet, l’une située près de la « petite porte » et des escaliers qui
mènent au donjon et une autre située près de la « porte vieille » (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 2089). Enfin, toute une série de reconnaissances rendues au duc de
Bourbon en 1506 nous donne un certain nombre d’indications sur la topographie du
bourg et du château (ADL, B 2025) : il y est fait mention des fossés du bourg à l’est et à
l’ouest, du mur d’enceinte de la ville (« le mur du vingtain »), des tours du Coude et de
Mauvent, de la « mothe » supportant le château, de la basse-cour du château, du donjon,
de la chapelle. On mentionne aussi diverses rues – la rue tendant de la grande porte de la
ville au château (actuelle Grande rue de la Charrière), la rue tendant du château à la
petite porte (actuelle rue de la Poterne) – et les portes de la ville : la « grande porte »
(actuelle porte sud), la « petite porte » (actuelle porte nord-ouest) et la « porte vieille » 2.
Le texte évoque aussi la présence de deux halles (halle de la boucherie et halle de la
cordonnerie) et du faubourg qui s’est développé au sud (le bourg soubz la ville de Croset). Au
milieu du XVIe siècle, le château de Crozet, qui a été réuni au domaine royal après la
confiscation des biens du connétable de Bourbon, est engagé à Claude Gouffier. En 1566,
Le Crozet est intégré au duché de Roannais. Dix ans plus tard, la ville est saccagée par des
troupes au service du prince de Condé. Le Crozet fait alors partie des villes du Forez ayant
le droit de nommer des députés aux états de la province (Prajoux, 1930, p. 24 sq). L’état
des lieux du domaine royal en Forez, réalisé en 1667 (Viallard, 1992, p. 38), nous montre
que le château et les fortifications de Crozet sont extrêmement délabrés. Les portes de
l’enceinte du bourg sont en très mauvais état : les enquêteurs, qui commencent leur visite
par la « Petite porte » (porte nord-ouest), constatent que seule subsiste la maçonnerie de
la porte ; même ses gonds ont disparu. La porte principale du bourg (« la Grande Porte »),
au sud, présente un état de conservation encore plus médiocre : une partie de la voûte et
des mâchicoulis qui la surmontaient est tombée, une des tours n’a plus de toiture et le
pont de bois qui enjambe le fossé, devant la porte, est totalement vermoulu. De même
l’enceinte est en mauvais état (Viallard, 1992, p. 41) : des particuliers occupent les tours et
de nombreuses ouvertures ont été réalisées dans les murailles affaiblissant d’autant
celles-ci. Le château est totalement ruiné : du donjon circulaire ne subsistent plus que les
530
maçonneries. L’enceinte qui enserre la tour est en bonne partie ruinée ; les enquêteurs
mentionnent qu’elle ne contient aucun bâtiment. La description du château de Crozet que
nous donne la visite de 1667 (Viallard, 1992, p. 38) correspond d’ailleurs tout à fait à la
représentation qu’en offre l’Armorial de Revel : un donjon circulaire simplement entouré
d’une enceinte réduite sans aucun autre bâtiment. À la fin du XVIIe siècle, la châtellenie
royale de Crozet est engagée au duc de La Feuillade qui fait transférer la justice de Crozet
à Roanne, engageant ainsi le déclin progressif du village (Prajoux, 1930, p. 25).
Globalement, Crozet n’est, au Moyen Âge, qu’un bourg secondaire ; il doit à sa seule
position de place forte à la frontière du Bourbonnais l’intérêt que lui manifestèrent les
comtes de Forez, notamment en lui octroyant une charte de franchises très précoce.
La représentation de l’Armorial
2
La représentation de l’Armorial de Guillaume Revel montre un site classique dans son
développement et dont l’analyse est aisée (fig. 341). Trois éléments le composent : au
premier plan un faubourg établi sous les murailles de la ville, au second le bourg de
Crozet enserré dans son enceinte et, en arrière-plan, dominant le bourg, le château.
L’ensemble est vu vers le nord. Le château occupe le sommet d’un important tertre
s’élevant au-dessus du bourg. La taille de l’affleurement rocheux est grossièrement
exagérée. Cependant, l’artiste a fait des efforts pour montrer l’aspect montueux du
paysage : outre le rocher supportant le château, il a représenté une colline surplombant à
l’ouest le site. Le souci du miniaturiste n’est pas tant une représentation du relief dans ses
moindres détails que la volonté de donner une idée du type de paysage dans lequel
s’établit le site. Le château est réduit à sa plus simple expression : il est composé d’une
tour maîtresse circulaire entourée d’une enceinte réduite. Le donjon est surmonté de
mâchicoulis sur corbeaux et de créneaux et deux ouvertures sont visibles à son sommet.
Trois pans de la chemise maçonnée qui l’entoure sont représentés avec toutefois une
perspective curieuse ; elle apparaît crénelée et une échiffe de bois est établie en son
centre. La base du tertre portant le château est ceinturée d’un mur, dont on a fait figurer
le détail de l’appareil, ce qui est peu commun : il s’agit manifestement d’un mur de
terrasse ; la plate-forme est d’ailleurs, encore aujourd’hui, partiellement ceinturée d’un
mur de terrasse.
531
Fig. 341 – Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 482) : la ville et
chatiau du Crouzet.
3
Le bourg s’est développé au pied du château. Il est entouré d’un fossé et enclos d’une
importante enceinte crénelée percée d’une porte au sud. Neuf tours, portant la plupart un
étendard fleurdelisé, sont visibles sur l’enceinte : deux sur la courtine ouest, une à l’angle
sud-ouest de l’enceinte, une à l’angle sud-est de l’enceinte, trois sur la courtine est,
auxquelles s’ajoutent les deux tours du châtelet de l’entrée principale du bourg, Ces tours
présentent une typologie assez variée, notamment à l’est. Les six tours ouest et sud sont
semblables, même si les deux tours du châtelet sont peut-être légèrement plus grandes.
Ces tours, talutées, sont circulaires et percées à la fois d’ouvertures de tir à leur base et
d’étroites fenêtres sur leur partie haute ; elles sont couronnées d’un hourd, représenté
avec soin, et couvert d’une toiture conique. Pour les deux tours du châtelet, le hourd se
prolonge au-dessus de la porte, les reliant ainsi par une galerie haute.
4
Les tours cantonnant la courtine est sont plus variées : deux sont circulaires, la troisième
située au nord est quadrangulaire. Les deux tours circulaires sont talutées et percées
d’ouvertures de tir à leur base, mais elles ne possèdent pas d’autre ouverture. Elles sont
surmontées d’une plate-forme crénelée et ne présentent pas de hourd. Pour pallier cette
absence de hourd, trois échiffes ont été construites sur les courtines : chacune d’entre
elles alternant avec une tour de pierre. La dernière tour de pierre, quadrangulaire,
présente les caractéristiques des autres tours circulaires de l’enceinte : talutage,
ouvertures de tir en bas et fenêtre en haut, hourd et toiture (à quatre pans dans ce cas).
De toutes ces tours, seules quatre subsistent actuellement : deux au sud et deux à l’est. La
porte de l’enceinte, encore conservée aujourd’hui, et le pont qui la prolonge sont protégés
par une importante barbacane quadrangulaire, manifestement maçonnée, qui ne laisse
qu’un étroit passage à l’est. Un certain nombre de constructions ont été représentées à
l’intérieur du bourg. Si la plupart est tout à fait atypique, l’une d’entre elles, au centre du
532
bourg, se distingue néanmoins par sa grande taille, la hauteur de son toit et la présence
d’une importante fenêtre à meneau en façade.
5
Au pied de l’enceinte du bourg castral, au niveau de la porte sud, s’est développé un
faubourg au carrefour de plusieurs routes. Les maisons qui le composent présentent les
caractères standards de l’habitat civil de l’Armorial : module rectangulaire, toit à double
pente avec couverture de tuiles et cheminée, porte et fenêtre à meneau sur le mur
pignon, fenêtres plus petites sur le mur gouttereau. Aucune maison ne se distingue de
l’ensemble. Cependant, à l’est du bourg, l’illustrateur a représenté un groupe de
constructions appartenant manifestement à une demeure seigneuriale : il s’agit de deux
constructions de grande taille sises côte à côte et encloses par une petite enceinte
quadrangulaire percée d’une porte sur un des petits côtés. Ce qui paraît être une haie
relie cet ensemble au fossé de la ville. La construction située à l’ouest s’apparente aux
maisons représentées dans le faubourg, mais elle est de plus grande taille et possède deux
cheminées et plus d’ouvertures. À la base de son mur pignon ouest, l’illustrateur a
représenté l’appareil du mur. La seconde construction se distingue plus nettement : elle
présente, en effet, au premier étage et sur toute la longueur de la façade, une galerie de
bois, l’apparentant, en beaucoup plus modeste toutefois, à la résidence comtale de
Teillières.
Les données archéologiques et le parcellaire
6
Le bourg de Crozet occupe l’extrémité d’un petit promontoire rocheux. Au nord et à l’est,
le site est protégé par une forte pente naturelle ; le texte de 1506 mentionne néanmoins
aussi un fossé à « l’orient » (ADL, B 2025). À l’ouest, le bourg est protégé par un profond
fossé qui rétrécit en fait la largeur du promontoire ; ce fossé est prolongé par la pente
naturelle. Un autre fossé protégeait au sud l’entrée du bourg comme le laisse supposer la
vignette de l’Armorial. Il n’est plus visible ; cependant, un grand espace vierge sur le plan
parcellaire du XIXe siècle, bordant au sud le rempart, pourrait correspondre à son
emplacement ; le pont de bois mentionné en 1667 (Viallard, 1992, p. 38) indique
indirectement sa présence.
7
Globalement, la vignette de l’Armorial rend bien compte des différents éléments
constitutifs du site : un tertre dominant le bourg à l’est et supportant un donjon circulaire
et une basse-cour contenant un important bourg castral enfermé dans une enceinte au
tracé irrégulier (fig. 342, 343). Celle-ci délimite un ensemble très grossièrement
triangulaire, aux angles arrondis, dont le plus grand côté est à l’ouest. L’extension
maximale de l’enceinte est de 140 m dans le sens est-ouest et d’environ 130 m dans le
nord-sud. L’enceinte est nettement visible sur place au sud et à l’ouest. Dans ce dernier
secteur, le mur d’enceinte a été réutilisé partiellement dans des façades de maison ou
comme limite de parcelles ; il mesure environ 2,50 m d’épaisseur. À l’angle sud-ouest, une
tour circulaire munie d’un éperon est encore visible (fig. 344) : elle paraît très hétérogène
et pourrait appartenir, dans son dernier état, au XVe siècle. Au sud et au sud-est, le mur
d’enceinte a été englobé partiellement dans des maisons. Au centre de la courtine sud, le
châtelet d’entrée qui figure sur l’Armorial est encore bien conservé (fig. 345). Deux
grosses tours circulaires, dont la hauteur a toutefois été très abaissée, encadrent encore la
porte formée d’un arc brisé surmonté d’un mur pignon orné d’écussons armoriés.
L’ensemble paraît avoir été très restauré. L’enquête de 1667 mentionne la présence de
mâchicoulis au-dessus de cette porte. En l’absence de critère typochronologique précis, la
533
porte est difficile à dater : elle pourrait cependant appartenir à la seconde moitié du XIVe
siècle ou à la première moitié du XVe siècle. Dans les secteurs nord et nord-est, l’enceinte
est, pour l’essentiel, conservée sous forme d’un imposant mur de terrasse. Un important
décrochement quadrangulaire sur celui-ci au niveau de la façade de l’église actuelle
semble marquer l’emplacement d’une tour disparue. À l’exception des quatre tours
mentionnées ci-dessus, aucune autre tour représentée sur l’Armorial n’a pu être aperçue.
Cependant, Étienne Fournial (Fournial, 1967, plan p. 736), s’inspirant manifestement très
fortement de l’Armorial, indique sur un plan publié en 1967 la présence de quatre autres
tours protégeant les courtines nord et est. Au nord, il s’agit de la tour de Mauvent et de la
tour du Coude et, flanquant la portion est de l’enceinte, il représente deux autres tours
dont une tour circulaire au sud appelée tour Gardin. De ces tours, aucun vestige n’est
visible aujourd’hui.
Fig. 342 – Vue aérienne du site dans les années 1990.
534
Fig. 343 – Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 344 – Tour dite la « Tour à bec », tour à éperon de l’enceinte urbaine (n° 3 sur le plan).
535
Fig. 345 – Vestiges du châtelet de la porte sud du castrum.
8
La porte principale du bourg castral est au sud. Une longue rue, la rue de la Grande
Charrière, à la toponymie évocatrice, traverse tout le bourg du nord au sud et vient
déboucher sur cette porte où elle est prolongée par trois routes, visibles sur la vignette de
l’Armorial et existant encore aujourd’hui : il s’agit de la route départementale n° 35 se
dirigeant vers Arfeuilles et la montagne Bourbonnaise, d’une route reliant Le Crozet à La
Pacaudière et, enfin, d’une autre voie se dirigeant vers le sud-ouest, peut-être en
direction de Saint-Bonnet-des-Quarts. Ces routes desservent un petit faubourg qui
s’apparente tout à fait, par son emprise au sol, au faubourg représenté sur l’Armorial.
Cependant, l’importante construction à galerie de bois visible sur l’Armorial, à l’extrémité
est du faubourg, paraît avoir totalement disparu aujourd’hui. Une seconde porte perçait
le rempart à l’angle nord-ouest. Mais seul un toponyme – rue de la Poterne – en a
conservé le souvenir aujourd’hui. Rien dans les élévations actuelles ne rappelle cette
porte qui ouvrait probablement sur une route secondaire se dirigeant vers La Pacaudière.
L’église médiévale et moderne du bourg de Crozet3 était située à l’ouest du bourg castral
entre la rue de la Grande Charrière et le rempart. Les vestiges de cette église, aujourd’hui
ruinée, sont encore visibles (fig. 346). Celle-ci a été abandonnée après la construction en
1868 de la nouvelle église près du donjon (fig. 349). Enfin, le bourg présente encore
plusieurs beaux bâtiments des XVe et XVIe siècles bien conservés (fig. 347, 348).
536
Fig. 346 – Vestiges de l’ancienne église du castrum.
Fig. 347 – Le bâti ancien dans le castrum : la « Halle de la Cordouannerie » (XIV e-XVe siècle).
537
Fig. 348 – Le bâti ancien dans le castrum : maison à pans de bois dite du « Connétable de
Bourbon ».
Fig. 349 – La tour maîtresse circulaire (XIIIe siècle).
9
Au nord-est du bourg, à la jonction des courtines nord et est de l’enceinte, s’élèvent les
vestiges du château médiéval. Ils sont établis sur un important affleurement rocheux
formant une plate-forme grossièrement circulaire, mesurant environ 60 mètres dans le
538
sens nord-sud et environ 50 m dans le sens est-ouest et qui domine le bourg de plus d’une
dizaine de m. La pente est régulière mais assez faible au nord, à l’ouest et au sud ; elle est
très vive à l’est où la plate-forme est ceinturée d’un mur de terrasse. Cette plate-forme a
pu jouer le rôle de motte. L’Armorial de Guillaume Revel montre un château constitué de
deux éléments principaux : un donjon circulaire et une petite chemise. De cet ensemble,
seul subsiste le donjon (fig. 349). L’enceinte paraît avoir disparu mais les traces d’un
imposant mur maçonné très arasé, visible sur quelques mètres au sud-est du donjon,
peuvent lui correspondre. Selon É. Fournial (Fournial, 1967, plan p. 736), l’enceinte du
château était percée de deux portes : une au nord, la « porte Vieille », débouchant sur une
rue se dirigeant vers la porte nord du bourg et une autre au sud-ouest donnant sur une
rue se dirigeant vers la porte principale du bourg au sud. Le donjon, circulaire, mesure
11,80 m de hauteur pour un diamètre de 8,80 m et une épaisseur de mur de 2,50 m ; il a
été vraisemblablement abaissé et abondamment restauré ce qui nuit à la lecture du
bâtiment. Outre la plate-forme sommitale, le donjon comptait un rez-de-chaussée et un
étage aujourd’hui disparu. La plate-forme repose sur une voûte en coupole récente ; on ne
sait pas si, à l’origine, ce dernier étage reposait sur un plancher ou sur une voûte. L’autre
étage était planchéié. La porte du donjon située à l’ouest est, dès l’origine, au rez-dechaussée. Cette tour est couronnée de créneaux construits en 1950. Ce couronnement ne
correspond pas à la représentation de l’Armorial qui nous montre, en effet, un donjon
couronné de mâchicoulis sur corbeaux. Les aménagements intérieurs sont extrêmement
frustes. À l’exception de la porte, le donjon ne possède qu’une autre ouverture, au rez-dechaussée : il s’agit d’une étroite fente de jour regardant vers l’est ; toutefois, les réfections
anciennes du donjon ont peut-être masqué d’autres ouvertures. De plus, il ne présente
aucun élément de confort et d’habitabilité : cheminée, latrines, lavabo ou encore
placard... De même, il n’existe aucun escalier de pierre ; la circulation se faisait donc par
un système d’échelles ou d’escaliers de bois internes. Une guette a été construite au
sommet du donjon en 1872 et une statue de la Vierge est venue couronner l’ensemble. La
typologie du donjon et de sa chemise maçonnée laisse supposer une construction dans le
courant du XIIIe siècle ; l’ensemble pourrait donc avoir été bâti après les années 1230
lorsque les comtes de Forez prennent définitivement possession de Crozet.
10
Globalement, la topographie générale du site, l’articulation bourg-château ainsi qu’un
toponyme roman font manifestement de Crozet un site dont l’origine est directement lié
à l’implantation d’un château et au développement d’un habitat dans la basse-cour de
celui-ci. L’ensemble apparaît aujourd’hui relativement bien préservé. À quelques détails
près, notamment l’absence d’un certain nombre de tours sur l’enceinte – dont il peut
toutefois très bien ne subsister aucun vestige en élévation –, parcellaire et élévations
médiévales conservées s’accordent pour démontrer que la vignette de l’Armorial apparaît
comme une restitution fidèle du château et du bourg castral de Crozet et même de son
environnement proche, faubourg et routes, à l’extrême fin du Moyen Âge.
Page 482
LA VILLE ET CHATIAU DU CROUZET
Étude héraldique
836. Jacques Filhet crie La Cuiré
de gueules à quatre fusées d’argent accolées en bande – cimier : saint Jacques issant, vêtu en
pèlerin, tenant un livre et un bourdon.
Jacques (II) Filhet, écuyer, fils de Jacques (Ier) Filhet. Il épousa en 1433 Catherine de
539
Lorgue, fille de Louis de Lorgue, seigneur de L’Aubépin et de Jeanne du Cros. Son
grand-père, Guillaume Filhet, seigneur du Crozet (en partie avec le duc) et La Roche,
avait acheté vers 1395 aux héritiers de la maison de Rochefort-Polagneu les
seigneuries de La Curée, Tourzy et Arçon. Cette famille, déjà importante, parvint au
cours du XVIe siècle à une brillante situation.
• Ars., ms 4802, f° 69 v° ; Philocarité, 31.
• Morin de La Masserie, 1623, pl. 25 ; Bétencourt, 1867, t. II, p. 158 ; Soultrait, 1890, t.
I, p. 248 ; Gras, 1874, p. 111 ; Salomon, 1916, 1922, 1926, t. II, p. 151-152 ; Perroy, 1977,
t. II, p. 701.
Deux écus vides.
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Au Moyen Âge et à l’époque moderne, Le Crozet dépend de la paroisse de Tourzy, qui relève
elle-même du diocèse de Clermont.
2. É. Fournial attribue ce nom à la porte ménagée dans l’enceinte réduite du château, au nord
(Fournial, 1967, plan p. 736).
3. Celle-ci était dédiée soit à saint Jean (De Fréminville, 1905, t. II, p. 272), soit à sainte MarieMadeleine (Fournial, 1967, p. 65).
540
Renaison
Chantal Delomier
483. Le chatiau de Reneyson
Département : Loire ; canton : Saint-Haon-le-Châtel ;
commune : Renaison
L’apport des sources écrites
1
Une église Saint-Pierre de Ronnisono est mentionnée, peut-être dès le XI e siècle, dans la
« Pancarte du droit de cire et d’encens dû à l’Église de Lyon » (Cartulaire de Savigny,
p. 1057). Au milieu du XIIe siècle, cette église est une dépendance du prieuré clunisien
d’Ambierle (Cluny, t. V, n° 4224, p. 575), qui partage ses droits sur la seigneurie de
Renaison avec les comtes de Forez. En effet, au XIIIe siècle, ceux-ci confirment diverses
transactions sur des droits et des biens sis à Renaison et dans son terroir et reçoivent des
hommages pour des biens qui y sont situés (Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 283 ; Chartes du Forez, nos 386, 467, 489, 415, 1232, 1340, etc.). La coseigneurie du lieu
entre le prieur d’Ambierle et le comte de Forez entraîne inévitablement des conflits. Ainsi
en 1296, un accord doit être trouvé au sujet, notamment, de cens et de droits de justice
que chacune des parties estimaient détenir dans la villa de Renaison (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 968). Finalement, il est décidé que la justice et les autres droits
demeureront communs par moitié, sous diverses réserves.
2
Renaison n’échappe pas aux troubles de la seconde moitié du XIVe siècle. En effet, au
détour d’un acte de procédure de 1378, on apprend que
il a entour XV ans passez que les Anglois estoient loges a Rinoisons (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 3396).
3
La visite pastorale conduite par l’archevêque de Lyon, monseigneur de Talaru, en
1378-1379, confirme peut-être leur passage dans la région en évoquant l’état calamiteux
des églises de la plaine roannaise à cette date dont celles de Riorges, Saint-Jean-le-Puy et
Renaison (Merle, 1937, p. 347). Ici, le curé ne réside pas et sa maison est en ruine. Au XV e
siècle, les difficultés sont encore là : Étienne Fournial (Fournial, 1967, p. 477) rapporte que
541
le 12 février 1440, les habitants de Saint-Haon-le-Vieux, de Renaison et d’Arcon déclarent
qu’ils sont
povres gens qui demeurent au plat païs et n’ont forteresse, ne retraict ou ilz puissent se
retraire […] et ont eu moult a souffrir et soutenus de grans pertes a cause de la guerre qui a
esté entre le roy et le royaume de Bourgoigne, car ils ont toujours esté en la frontiere...
4
À la fin du XIVe siècle, mais la situation est sans doute plus ancienne, Renaison héberge
un prévôt comtal (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 3541 ; ADL, B 1930) pour
gérer le domaine des comtes de Forez ; le bourg n’est toutefois pas le siège d’une
châtellenie et ne joue qu’un rôle très secondaire dans le patrimoine des comtes de Forez
par rapport à son proche voisin le castrum de Saint-Haon. Enfin, d’un point de vue
économique le lieu profite, modestement, du passage d’une des variantes du « Grand
Chemin de Forez » en Roannais (Fournial, 1967, p. 140) et dès le début du XIVe siècle, des
moulins à foulon y sont attestés, témoignant de la présence d’un petit artisanat textile sur
place sans doute au service d’entrepreneurs de Saint-Haon (Fournial, 1967, p. 402, 407).
La représentation de l’Armorial
5
Simple dessin en noir et blanc sans rehaut de couleur, le site de Renaison est vu depuis le
sud-ouest (fig. 350). De très larges fossés, peut-être alimentés en eau par une déviation
du Renaison, fixent les contours de la place forte, encore soulignés par une rangée
d’arbres. La fortification semble constituée d’une haute tour quadrangulaire, sommée
d’un hourd et d’une guette. Une large baie à meneau et traverse la perce à l’est et une
autre baie plus petite s’ouvre au-dessous de l’étage fortifié de hourds. Au sommet de cette
tour, on remarque une croix qui indique l’appartenance de celle-ci à une église ou tout au
moins à un ensemble ecclésial. De la tour part une enceinte carrée très élevée, sans
ouverture de tir mais crénelée. Une échiffe est implantée au milieu de la face sud, sans
doute sur le chemin de ronde. Un bâti crénelé quadrangulaire s’appuie ou surplombe la
façade ouest. Il pourrait s’agir soit d’une bretèche protégeant une porte d’accès au site,
soit d’une petite tour de flanquement. Quelques rares logis (quatre cheminées seulement
sont visibles) prennent place dans cette enceinte réduite. Si l’on excepte la haute tour
quadrangulaire ornée d’une croix et dont la fonction reste incertaine (clocher ?), aucune
église n’est visible alors que celle-ci formait pourtant, comme nous le verrons plus bas, le
centre de l’enclos fortifié. L’ensemble est chemisé par un mur bas, percé de nombreuses
ouvertures de tir, qui adopte une forme arrondie à l’ouest et rectiligne à l’est et fait
ensuite retour en angle droit au nord, dessinant ainsi une petite enceinte en forme
d’amande de dimensions assez modestes. Un logis isolé se dresse dans l’espace, sans doute
étroit, entre cette possible braie et le cœur de la fortification. Aucune porte n’est visible
sur le dessin, cependant, l’organisation de l’habitat hors les murs ainsi que la convergence
des axes de communication laissent supposer que celle-ci était placée à l’arrière de la
représentation, soit au nord du site, et donc masquée sur la vignette par l’ensemble
fortifié. Une agglomération de petite taille se développe hors des murs, essentiellement
vers l’est et le sud, en bordure d’une route, sans doute la dérivation du « Grand Chemin de
Forez » évoquée ci-dessus. Les maisons sont toutes très stéréotypées avec un étage, un
toit de tuiles à deux pentes, une fenêtre à meneau et une porte sur chaque pignon et deux
ouvertures carrées sur les gouttereaux. Toutes possèdent aussi une cheminée à mitre.
542
Fig. 350 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 483) : le chatiau de
Reneyson.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
6
Ce site, un des plus altérés de l’Armorial, se révèle très décevant sur le terrain, puisqu’en
effet la fortification et l’église médiévales ont, aujourd’hui, totalement disparu.
Cependant, la fixation des contours de l’enclos ecclésial fortifié et de ses fossés dans la
maille parcellaire du XIXe siècle permet une restitution dont la fiabilité ne fait aucun
doute. Ainsi, on distingue nettement sur le plan parcellaire de 1828 (fig. 351) à l’ouest du
bourg de Renaison une enceinte sub-rectangulaire occupée en son centre par une longue
église ; le tracé des rues entourant cette enceinte laisse supposer que celles-ci ont été
établies sur les fossés. À l’intérieur de l’enceinte des parcelles bâties s’appuient
systématiquement contre le mur de clôture. Mais au XIXe siècle, celui-ci avait déjà
totalement disparu à l’ouest et au sud-ouest. Sur le plan parcellaire napoléonien, seule
une porte est visible à l’est, il en existait peut-être aussi une au nord, comme semble
l’indiquer la vignette de l’Armorial ; elle était peut-être dans l’angle nord-ouest de
l’enclos, déjà détruit lors de la levée du cadastre. L’église a été totalement démolie en
1908 avec l’ancienne fortification pour laisser place à l’actuelle Place Crionnet.
543
Fig. 351 - Extrait du plan cadastral de 1828.
7
Le plan parcellaire de 1828 permet aussi d’identifier sans difficulté le faubourg né le long
de la route du « Grand chemin de Forez » que représente avec soin l’Armorial. À l’est de
l’enclos ecclésial fortifié, il vient buter contre celui-ci, dessinant un important village-rue
structuré le long de l’actuelle rue du Commerce. Un second faubourg de moindre
importance apparaît aussi au sud, il figure lui aussi sur la vignette.
8
Renaison n’est qu’une place très modeste pour les comtes de Forez qui partagent leurs
droits sur le site avec le prieuré d’Ambierle. Le lieu, simple habitat ecclésial à l’origine,
pourrait avoir été fortifié par le duc-comte Louis II dans le cadre de sa politique de
restauration et de mise en défense du comté après 1371. La fortification semble avoir pris
l’aspect d’une enceinte quadrangulaire doublée de fossés et centrée sur l’église SaintPierre, enceinte suffisamment large toutefois pour accueillir des parcelles bâties. Un
faubourg s’est par ailleurs développé à proximité de cet enclos le long d’un des itinéraires
du « Grand Chemin de Forez ». Si, en l’absence de tout vestige, la confrontation du plan
parcellaire de 1828 avec la vignette de l’Armorial permet effectivement de localiser sans
ambiguïté les grands ensembles structurants du site (l’enclos ecclésial fortifié, le faubourg
oriental), il n’en demeure pas moins que l’interprétation de la vignette de l’Armorial reste
délicate. En effet, l’analyse de la fortification appelée « château » par l’Armorial soulève
un certain nombre de difficultés : absence de représentation claire de l’église pourtant au
cœur de la fortification, question de l’identification de la grosse tour quadrangulaire
figurée à l’est de l’enceinte et du tracé de la braie...
544
Pouilly-les-Nonains
Chantal Delomier et Violette Blanc
484. Le chatiau de Poully
Département : Loire ; canton : Roanne ; commune
Pouilly-les-Nonains
La documentation ancienne
1
Pouilly-les-Nonains, autrefois Pouilly en Roannais1, abritait un prieuré de moniales
relevant de l’abbaye de Fontevraud depuis le XIIe siècle2. Le lieu de Pouilly est attesté dès
la fin du XIIe siècle, Humbert de Beaujeu cède alors au comte de Forez les châteaux et
villages qu’il possède en Forez et au-delà de la Loire, dont Pouilly (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 39). Les moniales de Pole in Roaneis apparaissent à leur tour dans le
cartulaire de Notre-Dame de Beaujeu en 1195 (Cartulaire de Beaujeu, p. 51), suscitant des
dons comtaux qui ne cesseront plus : ainsi au début du XIIIe siècle, le comte Guy IV donne
au prieuré une rente de 33 quartes de sel à prendre sur la leyde de Montbrison et, en
1248, Guy V demande au châtelain de Saint-Just-en-Chevalet de prendre sur sa censive la
rente de 20 sous forts légués au prieuré de Pouilly, par feu son père Guy IV, pour célébrer
son anniversaire (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 278). De même, le testament
de l’archevêque de Lyon Renaud de Forez, rédigé en 1226, contient de nombreux legs,
notamment au profit du prieuré de Pouilly-les-Nonains (Chartes du Forez, n° 1340).
2
La prieure nommait à la cure de la paroisse dont l’église était sous le vocable de SaintPaul. L’église dédiée à Sainte-Marie que mentionne un testament de 1412 était sans doute
celle du prieuré (Dufour, 1946, p. 755). La prieure partageait aussi les droits de justice sur
Pouilly avec le comte de Forez, ce qui ne va pas sans conflit, comme en témoignent
plusieurs sentences arbitrales de la fin du XIIIe siècle. Ainsi en 1283, Hismidon Radulphe,
sacriste de Nevers et juge de Forez, rend une sentence en faveur de la prieure de Pouillyles-Nonains, contre Étienne Terrat, châtelain comtal (de Roanne ou de Renaison ?) et
Guillaume de la Chambre, lesquels, exerçant la justice à Pouilly, avaient fait couper
l’oreille à un voleur. Le malfaiteur sera rendu à la prieure qui, à son tour, le livrera au
545
châtelain hors des limites de Pouilly (Chartes du Forez, n° 700). À la fin du XIVe siècle, le
prieuré a à souffrir des incursions des bandes : en 1396, le duc de Bourbon fait un don de
10 livres tournois à
la prieuresse et couvent de Pouilly en Roannais... en aumosne pour aidier a rebastir leur
esglise qui est en ruynes (Fournial, 1967, p. 342).
3
Les XVe et XVI e siècles semblent être une période de prospérité pour le prieuré, mais,
désireuses d’éviter la commende, les abbesses de Saint-Menoux obtiennent l’affiliation de
leur monastère à la congrégation des Bénédictins réformés, dont l’autonomie sera
absorbée par la puissante congrégation de Saint-Maur, puis le prieuré est réuni à la mense
abbatiale de Saint-Menoux et la vie conventuelle disparaît alors. En 1790, le bâtiment
prioral encore debout est appelé manoir principal du prieuré et consiste :
en cuvage, cellier, cave avec une petite cheneviere et une vigne le tout joignant ensemble et
contigu, et treize parcelles constituent le fonds du prieuré au territoire de la municipalité de
Pouilly (Le Roannais illustré, t. 2, 1885-1886, p. 42 sq).
La représentation de l’Armorial
4
La vignette, insérée entre celles de Renaison et de La Bénisson-Dieu, ne pose aucun
problème d’identification grâce à sa place dans l’Armorial (fig. 352). Quelques arguments
recueillis lors de la visite du site permettent de pallier la carence des informations
dessinées et de positionner l’image. Si l’absence des tracés des routes et chemins rend
difficile l’orientation de la vignette, le pendage manifeste entre l’arrière et l’avant-plan
permet de proposer une vue sud/sud-est de l’ensemble. Une enceinte rectangulaire,
flanquée de six tours rondes couverte d’une plate-forme crénelée, protège quelques
maisons agglutinées autour d’une église dont n’apparaît qu’un haut clocher totalement
hors de proportions, doté, au-dessus d’un cordon, de baies jumelles et sommé d’un hourd
et d’une guette crénelée3. Des quatre tours représentées au premier plan, seules les trois
placées à droite de la vignette suivent un alignement rectiligne, tandis que le dernier
organe de flanquement, à gauche, dessiné en retrait à cause d’une perspective oblique,
ferme l’angle du quadrilatère. En arrière-plan et au droit de cette arête, deux sommets
crénelés et semi-circulaires ponctuent cette ligne, parallèle aux trois tours à l’avant du
site, composant ainsi un rectangle régulier. La base des courtines est renforcée par ce qui
pourrait être, comme à Villerest, une braie percée d’ouvertures de tir disproportionnées
ou un talutage mal rendu. L’ensemble est protégé par un large fossé à fond plat, creusé
dans le rocher. La porte du bourg monastique demeure masquée, à l’arrière de cette
représentation.
546
Fig. 352 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 484) : la chatiau de
Poully.
5
Aucune maison ne se distingue des autres à l’intérieur de l’enceinte et leur répartition,
assez lâche, semble aussi aléatoire que leur représentation reste codifiée. Le prieuré
fontevriste ne se repère pas davantage. La constellation de l’habitat extérieur à l’enceinte
révèle, sans toutefois qu’un véritable faubourg ne se dessine, la relative densité de la
population attirée par ce pôle religieux. Pouilly reste néanmoins un petit bourg rural et
non pas une ville.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
6
Il subsiste du prieuré fontevriste le logis prioral à deux étages qui présente encore en
façade une belle galerie de bois et une tourelle d’escalier polygonale, l’ensemble ayant
peut-être été édifié par Guillemette d’Albon, prieure de Pouilly, à la fin du XVe siècle (fig.
355). Subsiste aussi l’église mais celle-ci a été considérablement remaniée à l’époque
moderne et à l’époque contemporaine (fig. 356). En revanche, la localisation de l’enceinte
et des tours de flanquement et leur comparaison avec la représentation de l’Armorial
génèrent un certain nombre de difficultés, en raison de la destruction de la quasi-totalité
de ces constructions. Une excursion faite par la Société de la Diana en 1902 n’apprend
rien de particulier sur le bourg monastique4 ; une notice plus ancienne apporte toutefois
quelques éléments supplémentaires (Thiollier, 1889, p. 159-160) : il restait alors un
fragment de l’angle nord-est du mur d’enceinte et des traces des fossés entre le cimetière
et le chevet de l’église.
7
Les rares vestiges de l’enceinte encore en élévation occupent la partie nord du village, où
le rempart traverse sept parcelles d’ouest en est avant d’être éventré par le percement
moderne de la rue de l’Église qui ne reprend aucun axe de pénétration ancien (fig. 353).
547
Le seul vestige visible du rempart se situe, ici, à l’extrémité orientale de la parcelle 77 du
cadastre actuel. Conservé sur une hauteur de 3 m environ, le mur est assez mince (0,80 m
de large) et dessine une courbe que l’on peut éventuellement interpréter comme une tour
d’angle, puisque l’enceinte prend une direction rectiligne nord-sud à partir de ce point.
Construit en galets roulés et en granit rouge porphyroïde, sa mise en œuvre est identique
aux autres enceintes villageoises connues de la fin du XIVe siècle. Les autres traces du
rempart sont incluses dans les deux îlots nord du village où des limites parcellaires
s’arriment à l’ancienne clôture (parcelles n° 72/73, 75/76, 77/78). Des niveaux de caves
s’installent en surcreusement de part et d’autre du mur, notamment dans la contrescarpe
des fossés nord. En dehors du secteur nord, où la fixation des formes parcellaires permet
une restitution aisée, le tracé du reste de l’enceinte adopte des contours un peu plus
hypothétiques. À l’est, une rapide visite à l’intérieur d’une parcelle bâtie (n° 80) a permis
de rétablir l’orientation du mur vers le sud, en direction de l’ancien logis prioral,
confortant ainsi l’hypothèse d’une tour à l’angle nord-est du bourg. Aucune trace n’est
plus lisible dans les jardins implantés aux extrémités est et sud de la plate-forme, qui
accuse cependant un tel pendage, que le tracé du mur peut être logiquement restitué,
même sans vestige archéologique. Au sud, en surplomb de l’actuelle D18, on peut
éventuellement, bien que cette structure soit en partie reconstruite, localiser la façade
méridionale du prieuré, percée de nombreuses baies à meneaux et traverses (fig. 355).
Les deux extrémités détruites de ce long pan de mur nous incitent à penser que deux
tours d’angle le confortaient autrefois à l’est et à l’ouest. Enfin, l’existence de l’angle sudouest du rempart ne fait aucun doute et reste lisible dans les deux cadastres.
L’aménagement d’un parking et la modification du tracé de la D18, décalée vers l’ouest,
ont gommé tout le secteur occidental du bourg fortifié qui était auparavant exactement
circonscrit par le passage de l’ancienne route venant de Saint Haon-le-Châtel. Ici,
l’examen du cadastre napoléonien s’avère indispensable, un axe rectiligne nord-sud
délimite précisément l’espace villageois, et présente deux anomalies assez faciles à
interpréter (fig. 354). La première est une petite excroissance de forme quadrangulaire
prolongeant l’axe longitudinal est-ouest du bourg, elle pourrait marquer l’emplacement
de la porte médiévale du bourg. Son emplacement au point de convergence des
principales voies de communication constitue une preuve supplémentaire de cette
fonction d’accès fortifié. La seconde irrégularité du tracé, semi-circulaire, permet
d’attester, en plan, l’existence d’une tour de flanquement de la fortification au nordouest, disparue aujourd’hui.
548
Fig. 353 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 354 - Extrait du plan cadastral de 1809 (section B dite du Bourg) de Pouilly-lesNonains.
549
Fig. 355 - Le manoir prioral au sud de l’église.
Fig. 356 - Vue d’ensemble du site depuis le sud.
8
Du modeste bourg prioral de Pouilly, il ne reste aujourd’hui que peu de vestiges
médiévaux. Si la localisation de la vignette dans l’Armorial ainsi que sa morphologie
d’ensemble – un habitat ecclésial enserré dans une enceinte quadrangulaire – permettent
sans aucun doute d’identifier cette vignette avec Pouilly-les-Nonains, au détriment de
550
Pouilly-les-Feurs ou de Pouilly-sous-Charlieu, il n’en demeure pas moins qu’il est
extrêmement difficile ici de vérifier la véracité de la représentation de l’Armorial.
NOTES
1. Poylleu in Rohaneys (Obituaires de la province de Lyon, p. 203), Poilleu in Ruannesio (Cartulaire
lyonnais, t. II, p. 226), etc.
2. Le prieuré sera ultérieurement rattaché à l’abbaye bourbonnaise de Saint-Menoux.
3. Les transformations successives de l’église ont altéré évidemment le clocher de la croisée du
transept qui fut probablement rabaissé, puisque l’on ne trouve plus ni cordon, ni baies jumelles
sur chaque face.
4. Notice d’É. Jeannez dans le Bulletin de la Diana, t. XIII, p. 176.
551
L’Aubépin
Chantal Delomier, Emmanuel De Boos et Pierre-Yves Laffont
485. Le chatiau de Laubespin
Département : Rhône ; canton : Saint-Symphorien-surCoise ; commune : Larajasse
L’apport des sources écrites
1
Le problème de l’identification précise de la page 485 de l’Armorial a été relativement
complexe à trancher. En effet, l’historiographie locale identifie depuis toujours ce site –
en raison de sa position dans le manuscrit à la suite d’autres sites du Roannais – avec le
lieu de L’Aubépin sur la commune de Fourneaux1, ancien fief du Beaujolais érigé en
baronnie en 1631. Toutefois, sur les seize documents foréziens rassemblés mentionnant
un lieu-dit L’Aubépin, la seule mention concernant le site roannais fait état d’une dîme
située au Maupas de Laubespin en 1265 (Chartes du Forez, n° 904, p. 6), deux autres
occurrences mentionnent la maison forte de L’Aubépin à Cleppé (Chartes du Forez, nos
160 et 221) et, enfin, les treize derniers documents concernent un château et un petit
bourg castral situés sur l’actuelle commune de Larajasse2, dans le département du Rhône.
Nous proposons d’identifier la vignette de la page 485 de l’Armorial de Guillaume Revel
avec ce dernier site, établi sur les confins du Lyonnais et du Forez. Nous verrons
ultérieurement que les arguments archéologiques vont dans le même sens.
2
Lors du célèbre échange de 1173 entre l’archevêque de Lyon et le comte de Forez, le lieu
de L’Aubépin (Albespino), qui n’est pas plus précisément qualifié, sert de limite au-delà de
laquelle l’Église de Lyon s’engage à ne pas construire de forteresse (Chartes du Forez, n° 4,
p. 7). Le site est placé sur un des itinéraires de la strata viannoyse reliant Montbrison à la
vallée du Rhône (Fournial, 1967, p. 150), mais à cette date le château ne semble pas encore
construit. Il l’est toutefois à la fin du XIIIe siècle, puisqu’à cette date le château de
L’Aubépin est aux mains du comte de Forez. Ainsi en 1278, Étienne du Broc, grand-prieur
d’Auvergne des Hospitaliers, se plaint auprès de la comtesse de Forez, Jeanne de
Montfort, de divers méfaits des hommes du comte et notamment de l’assassinat par les
552
gens de celui-ci occupant le château de L’Aubépin d’un homme de l’Hôpital (Chartes du
Forez, n° 677). En 1297, le comte Jean Ier inféode à Artaud, seigneur de Roussillon et
d’Annonay, en augment de fief, le castrum de L’Aubépin et son 33 (Chartes du Forez, n
° 586). À la fin du XIVe et au début du XVe siècle, L’Aubépin est encore entre les mains des
descendants d’Artaud de Roussillon, comme en témoignent un hommage rendu au comte
de Forez en 1378 par Isabeau d’Harcourt, femme d’Humbert, seigneur de Thoire, Villars,
Roussillon et Annonay (ADL, B 2006), ainsi que la vente faite par le même de diverses
seigneuries, dont celle de L’Aubépin, à sa femme dans les années 1400-1407 ou encore un
conflit opposant les officiers du roi de France à Isabeau d’Harcourt en 1407 (Titres de la
maison ducale de Bourbon, nos 4315, 4714, 4715, 4718). À la mort de celle-ci en 1441,
L’Aubépin passe, avec la majeure partie de ses autres biens, au duc Charles I er de Bourbon,
son cousin (De Boos, 1998, p. 485).
3
Le castrum de L’Aubépin possédait une église, dépendance de l’abbaye lyonnaise d’Ainay
qui y tenait un prieuré4. Cette église est mentionnée dans les pouillés du diocèse de Lyon
des XIIIe, XIVe et XVe siècles (Cartulaire de Savigny, p. 903, 941, 942, 964), ainsi que dans la
visite pastorale du diocèse de Lyon de 1378-1379 (Merle, 1937, p. 297). Dans la « Pancarte
du droit de cire et d’encens dû à l’Église de Lyon » (Cartulaire de Savigny, p. 1056) est
aussi mentionnée l’église Sainte-Marie de Pizay5 ; s’agit-il de la même église ou de l’église
Saint-Pierre, légèrement au nord-est de L’Aubépin ?
La représentation de l’Armorial
4
La détermination du point à partir duquel L’Aubépin a été représenté, qu’il serait bien
difficile d’identifier si le site était à Fourneaux, se fait ici sans trop de peine, en particulier
grâce au réseau des chemins (fig. 357). Celui qui monte en suivant un tracé sinueux au
premier plan vient de Riverie ; il forme une fourche derrière le château et se dirige, à
droite, vers Larajasse, et à gauche vers Lamure et Saint-Christo-en-Jarez, évitant ainsi la
butte escarpée qui forme l’arrière-plan de L’Aubépin. Le dessinateur devait donc se tenir
à l’est du site, face au couchant.
553
Fig. 357 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 485) : le chatiau de
Laubespin.
5
Le site est dominé par une haute tour maîtresse carrée, éclairée de fenêtres à meneau et à
traverse sur ses deux faces visibles et couverte d’un toit sur hourds. Ce donjon a
complètement disparu et il n’est pas possible de préciser d’après l’image s’il se trouvait au
centre du château ou s’il occupait l’un des angles de l’enceinte. Celle-ci affecte un plan
quadrangulaire, que l’on retrouve sur le parcellaire ancien, bien qu’avec des lignes
beaucoup moins rigides. Les trois angles visibles sont défendus de tours rondes
surmontées d’une plateforme crénelée ; celle de l’angle sud-est était encore visible sur le
cadastre du XIXe siècle, ainsi, probablement, que celle de l’angle sud-ouest. L’ensemble de
l’enceinte est renforcé à sa base par un talutage (ou une braie ?)6, percé d’ouvertures de
tir à intervalles réguliers, et entouré d’un profond fossé taillé dans le rocher. À l’intérieur
du rempart, le dessinateur a figuré en désordre les toits de quelques petites maisons, sans
distinguer l’église qui pourtant se trouvait au centre de ce modeste bourg castral.
L’absence de porte sur le dessin et de tout signe permettant de la replacer dans les
contours de l’enceinte (étendard, hourds, tour quadrangulaire...) conduit à proposer son
emplacement sur la face occidentale du site à l’arrière du donjon. En effet, le chemin qui
serpente effectue une boucle vers l’arrière du site et semble tout naturellement conduire
à l’entrée du château. À l’extérieur s’étendaient deux faubourgs, l’un au sud et l’autre à
l’est ; seul ce dernier a conservé aujourd’hui quelque importance, le long de la route
menant à Riverie.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
6
Divers arguments viennent appuyer la proposition d’identification du site. En effet, la
topographie en assez fort relief, les voies de communication sinueuses, l’habitat lâche et
rare mais tendant à se grouper autour du château sont autant d’arguments allant dans le
554
sens de la proposition précédente. L’implantation du village à 820 m d’altitude,
correspond au dessin de l’Armorial qui énonce clairement un site de hauteur, inséré dans
un contexte montagneux, dont les pentes sont soulignées par des affleurements rocheux,
un chemin en lacet et trois sommets en arrière-plan. Ce décor, à l’évidence, se rapproche
davantage de celui des monts du Lyonnais que des lignes paisibles des terrasses de
L’Aubépin en Roannais. D’autres détails décisifs du dessin ne trouvent aucun écho dans le
château de Fourneaux. Ainsi, la proximité d’un habitat s’alignant le long d’une voie
d’accès ou se greffant dans le voisinage immédiat de la forteresse ne peut y être repérée.
De même, le donjon rectangulaire reste impossible à retrouver, tant sur le terrain que sur
le plan cadastral napoléonien. Enfin, dernier argument majeur, il s’agit bel et bien, en
Roannais, d’une maison forte et en aucun cas d’un bourg castral fortifié enserré dans des
remparts tel qu’il apparaît sur l’illustration de l’Armorial. En effet, la vignette montre
clairement un donjon entouré d’un habitat castral constitué de quelques maisons
enfermées dans une puissante enceinte.
7
La superposition du dessin avec les plans cadastraux (fig. 359) s’est avérée assez difficile,
en partie à cause de la carence en éléments signifiants sur l’image, qui a manifestement
conduit à l’erreur d’identification du site. L’ensemble fortifié s’organise en une forme
ovalaire centrée autour d’un bloc quadrangulaire. Ces tracés appuyés permettent de
restituer facilement les contours de l’enveloppe extérieure et de l’ensemble central. Sur le
terrain, les structures anciennes, très remaniées ou démolies, ne sont pas aisément
repérables. La permanence du parcellaire permet toutefois de proposer un schéma
d’organisation spatiale du bourg fortifié. Ainsi, l’emplacement des fossés reste facile à
restituer, tant par la toponymie (la rue des Terreaux et la rue des Douves qui contournent
encore le tracé de l’ancienne chemise castrale au nord et à l’est) que par l’organisation du
réseau viaire autour du site. La plus grande partie de l’enceinte pourrait s’avérer encore
en place à l’intérieur des maisons, car ces édifices semblent bâtis contre elle, de part et
d’autre (fig. 358). Quoiqu’il en soit, la forme de l’enceinte, sub-circulaire dilatée en carré
aux angles nord, est et ouest, se superpose de manière très vraisemblable à l’image
qu’offre la vignette de l’Armorial. Si aucune des deux tours de flanquement visibles sur le
cadastre napoléonien (au sud-est et au sud-ouest) n’a pu être repérée, une anomalie
persiste encore dans la toiture d’une maison visible de la place intérieure du village.
Comme nous l’avons vu plus haut la vignette ne montre aucune porte, celle-ci étant sans
doute à l’ouest cachée par le donjon ; toutefois, le parcellaire suggèrerait, lui, deux
portes : une à l’est et une à l’ouest.
555
Fig. 358 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 359 - Extrait du plan cadastral du début du XIXe siècle.
8
La localisation du donjon constitue un problème délicat à résoudre. En effet, le type
d’ouverture à meneau et traverse représenté sur l’illustration nous contraint à écarter
l’hypothèse d’un clocher d’église mis en défense. Plusieurs observations convergentes
permettent de présenter une proposition reposant sur une visite de terrain et sur la
confrontation des cadastres et de la vignette. La tour quadrangulaire pourrait avoir été
établie dans un bloc de parcelles approximativement au centre de l’enclos (numérotées
556
100 à 102 sur le cadastre napoléonien et 130 à 132 sur le cadastre actuel). L’église,
aujourd’hui complètement rasée, était bâtie au plus près de cette tour ; seul un talus
marque encore son emplacement. Le prieuré d’Ainay ne peut en aucun cas être repéré.
Sans doute s’agissait-il d’un simple doyenné voué à recueillir les fruits d’une partie du
domaine agricole de l’abbaye lyonnaise.
9
Malgré certaines difficultés (absence d’église, problème de la localisation des portes...), le
site figurant sur la vignette de la page 485 intitulée Le chatiau de Laubespin peut à peu près
sûrement être identifié avec le petit castrum de L’Aubépin à Larajasse, très modeste place
des comtes de Forez sur les confins du Lyonnais.
NOTES
1. C’est d’ailleurs l’identification que donne la copie de l’Armorial réalisée pour la Société de la
Diana au XIXe siècle par François Chéri-Rousseau.
2. L’Aubépin cesse d’être commune et paroisse au profit de Larajasse en 1814.
3. ... castrum del Albepin cum eius finibus, dominio et mandamento...
4. L’Aubepin a une eglise de l’abbaye d’Ainay de Lyon en laquelle a un clocher haut à maniere de tour et
que ladite eglise et hostel assis environ sont clos de hauts murs creneles et de fosses à la manière de
chasteau (Cartulaire des fiefs de l’Église de Lyon, p. 399).
5. Sancta Maria de Pisam alias Albaspina (Cartulaire de Savigny, p. 1056).
6. Cf. la même représentation difficile d’interprétation à Villerest ou Pouilly.
557
La Bénisson-Dieu
Clément Mottin et Pierre-Yves Laffont
487. L’abaye de La Benisson Dieu
Département : Loire ; canton : Roanne ; commune : La
Bénisson-Dieu
L’apport des sources écrites
1
La Bénisson-Dieu est une des trois abbayes cisterciennes du comté de Forez au Moyen Âge
1
. Elle semble avoir été fondée en 1138, par un disciple même de saint Bernard de
Clairvaux, Albéric. Cette date précise, que n’étaye toutefois aucun document médiéval,
nous est parvenue grâce au chanoine de La Mure, qui a pu relever au XVIIe siècle une
inscription sur la porte du monastère (Peyron, 1989)2. Pour É. Perroy, il se pourrait que ce
texte ait été gravé seulement au XVe siècle, lors des nombreux travaux que connaît
l’abbaye sous l’abbatiat de Pierre de La Fin (Peyron, 1989). Cette date est toutefois des plus
probables, puisque le premier document authentique dont nous disposions pour La
Bénisson-Dieu est de 1139. Il s’agit d’une lettre adressée par Bernard, abbé de Clairvaux,
et l’évêque de Langres au pape Innocent II afin que celui-ci incite l’archevêque de Lyon à
protéger l’abbaye face aux moines du prieuré de Noailly, dépendance de Savigny (Chartes
du Forez, n° 1558). En 1165, le pape Alexandre III prend La Bénisson-Dieu et ses différents
domaines sous sa protection. Il exempte aussi de dîme les récoltes et les troupeaux des
moines (Chartes du Forez, n° 1561). Cette protection sera confirmée, en 1213, par
Innocent III (Chartes du Forez, n° 1577).
2
Les années qui suivent la fondation de l’abbaye sont évidemment consacrées à la
constitution d’un domaine aussi bien en Forez qu’en Bourgogne à proximité de laquelle
elle est établie. En 1160, le comte de Forez Guigue donne à l’abbaye tous les droits qu’il
avait de Sainte-Foy à la rivière d’Aix et de Saint-Sulpice à Nervieux, et lui permet
d’acquérir des fiefs et des alleux dans ces limites (Titres de la maison ducale de Bourbon,
n° 8). Cette donation est confirmée en 1201 par le comte Guy III qui y ajoute même la
sixième partie d’une dîme à Saint-Sulpice et confirme une autre donation et une vente
558
faites à la même abbaye par Pons de Marenciaco et Arnould de Sury (Chartes du Forez, n
° 1573). Les comtes de Forez apparaissent très liés à l’abbaye. Durant tout le XIII e siècle, ils
multiplient les donations en faveur de celle-ci et confirment les donations antérieures
avec des dons de maisons dans le castrum de Cleppé (Chartes du Forez, n° 1515), de terres
à Bigny (Chartes du Forez, n° 1314), de pâturages à Églisolles, de vignes à Chandieu
(Chartes du Forez, n° 1318), de dîmes à Rioux (Chartes du Forez, n° 1356), d’une maison à
Montbrison, des exemptions de péage, tonlieu et leyde, des revenus à prendre sur le
marché de Feurs (Chartes du Forez n° 1585)...
3
Par ailleurs, les abbés occupent une place croissante dans le paysage politique forézien. Ils
apparaissent fréquemment dans l’entourage des comtes, comme en 1223 lors de la
concession de la charte de franchises de Montbrison ou lors de la fondation de la
collégiale Notre-Dame dans la même ville (Peyron, 1989, p. 82-83). Pour expliquer cette
notoriété, il ne faut pas oublier que seules trois abbayes existent en Forez à cette époque,
La Bénisson-Dieu, Valbenoîte, et Bonlieu, toutes trois cisterciennes, ce qui ne pouvait que
leur donner une relative importance dans la hiérarchie ecclésiastique du comté. Pour La
Bénisson-Dieu, maison première, le prestige ne pouvait qu’en être plus grand... Le XIII e
siècle semble donc être l’apogée du rayonnement de La Bénisson-Dieu, l’indication la plus
remarquable étant certainement la demande faite par Louis IX à ses baillis et prévôts de
protéger l’abbaye (Chartes du Forez, n° 419). Toutefois, à partir de la fin de ce siècle,
l’abbaye commence à décliner. Les actes de donation font désormais place aux règlements
de conflits : avec le roi (comme en 1269, à propos d’un péage, Chartes du Forez, n° 1177)
mais aussi avec leurs protecteurs traditionnels, les comtes de Forez (comme en 1326,
Titres de la maison ducale de Bourbon, nos 1802 et 1805), ou avec des seigneurs plus
modestes (Peyron, 1989, p. 93). Ces documents traduisent des relations plus tendues entre
l’abbaye et ses puissants voisins et un prestige amoindri.
4
Aucun texte n’atteste précisément de la situation de l’abbaye dans la seconde moitié du
XIVe siècle, mais il est peu probable qu’elle ait échappé aux difficultés du temps et
notamment au passage des bandes de routiers qui ravagent alors le Massif central. Il est
vraisemblable que ce soit à cette période que l’abbaye se soit fortifiée et qu’elle ait dès
lors acquis la physionomie qui est la sienne sur l’Armorial de Revel au milieu du XVe
siècle. Celui-ci est un « siècle de reconstruction » pour La Bénisson-Dieu, qui tente alors
de rétablir le prestige passé (Peyron, 1989, p. 107). Cependant, l’étude de l’abbaye pour
cette période n’est pas aisée, puisque quasiment aucune source ne nous est parvenue. Les
terriers auraient constitué une base de données non négligeable, mais ils ont quasiment
tous disparu. Peu après le passage de Guillaume Revel, les années 1460 voient l’arrivée
d’un nouvel abbé, Pierre de La Fin ; ce dernier clôt la liste des abbés réguliers. Cet abbatiat
se caractérise par une autre rupture, architecturale cette fois, puisque cet abbé fait
refaire tout l’extérieur de l’abbaye et construire le clocher carré qu’elle possède toujours,
mais qui n’apparaît pas sur la vignette de l’Armorial. En 1504, l’abbaye est mise en
commende, puis elle est échangée en 1612 par son dernier abbé commendataire, Claude
de Nerestang, contre l’abbaye de Mégemont dans le diocèse de Clermont dont sa sœur
était abbesse. De ce fait, La Bénisson-Dieu sera occupée par des moniales cisterciennes
jusqu’à la Révolution.
559
La représentation de l’Armorial
5
La vignette de La Bénisson-Dieu fait partie des quelques vignettes en fin de manuscrit
restées à l’état d’esquisse, même si un certain nombre de détails architecturaux sont
présents et que l’illustrateur a déjà réalisé diverses mises en couleur (rouge des toitures,
vert des arbres, jaune des éléments de bois) (fig. 360). À première vue, le dessin de
l’Armorial semble confus et imprécis, mais un dessin effectué en 1618 par le graveur
Martellange3 aide à sa compréhension et permet d’en constater la relative exactitude, si
l’on veut bien ne pas s’arrêter aux détails. Le dessin de Revel, pris sous le même angle que
celui de Martellange, a été fait en direction du nord-est et met ainsi en évidence l’angle
droit formé par l’église et les bâtiments de l’abbaye. La vignette présente toutefois
d’importants problèmes du point de vue de la perspective : en effet, la tour circulaire
située dans la réalité à l’angle nord-est est ici représentée à l’angle nord-ouest... Il faut
assurément y voir là la volonté de l’illustrateur de montrer la totalité des bâtiments
d’importance de l’abbaye, même si en fait le point de vue choisi ne le permettait pas.
Fig. 360 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 487) : l’abbaye de La
Benisson Dieu.
6
La partie la plus confuse concerne le raccordement des différentes parties de l’abbatiale :
le pavillon à l’extrême droite de la vignette est en fait le transept de l’église ; sa toiture
doit être non parallèle, mais perpendiculaire à celle de la grande nef. Une grande baie aux
vitraux soigneusement représentés éclaire le transept. À peine esquissée, une flèche – que
Martelange représente octogonale – s’élève au-dessus de la croisée ; elle fut abattue au
XVIIe siècle par l’abbesse Françoise de Nerestang, qui fit aussi démolir le chœur à chevet
plat et condamner le transept dont il reste aujourd’hui, mais hors de l’église, les piliers de
la croisée et les arrachements des voûtes. La grande nef étaient bordée de deux nefs
latérales, qui semblent ici couvertes par une seule grande toiture, avec au-dessus des bas-
560
côtés une galerie de bois, sans doute un hourd. Le dessin de Martellange figure cette
galerie autour du transept, mais montre les nefs latérales couvertes de toits indépendants
et sans hourd. À l’extrémité occidentale, ce qui ressemble au toit d’une tour est le pignon
de la façade ; derrière elle s’élève le clocher. Celui-ci montre, juste sous la toiture à quatre
pans, deux petites baies par face ; son toit, percé de deux lucarnes, est surmonté d’une
croix et d’une girouette en forme de coq. L’actuel clocher ne se trouve pas à gauche, mais
à droite de la façade, à l’emplacement qu’occupait au XVe siècle la tour qui défendait
l’angle formé par l’église et les bâtiments abbatiaux. Ce fut l’abbé Pierre de La Fin, après
1460, qui fit construire ce dernier clocher et refaire la toiture de l’église.
7
Les bâtiments conventuels, dont il ne reste plus rien aujourd’hui, sinon leur trace diffuse
dans le parcellaire, sont centrés sur un grand pavillon massif, coiffé d’un grand toit et
doté lui aussi de hourds. Celui-ci est flanqué d’une tour quadrangulaire, éclairée par des
fenêtres à meneau, où Revel place l’entrée de l’abbaye. Elle est dotée d’un pont à tablier
mu par des chaînes et protégé d’une modeste barbacane. Sur le dessin de Martelange,
cette tour est placée dans l’angle du pavillon et des bâtiments à sa droite et ne semble pas
défendre de porte. À gauche, le pavillon est prolongé par un haut mur, qui semble porter
des corbeaux de mâchicoulis. Ce mur se dirige vers une grosse tour quadrangulaire qui,
peut-être, termine la façade. Derrière celle-ci apparaissent des toits de bâtiments
d’habitation ou de communs.
8
Le terrain plat devant l’abbaye est occupé par un imposant réseau de palissades de bois ;
leur hauteur et leur densité en font certainement plus un outil défensif, construit
hâtivement certes et avec de modestes moyens, qu’une clôture agricole. Des portes
permettent de passer d’une parcelle à une autre, alors que de petites passerelles de
planches franchissent un béal, dérivation du ruisseau de La Bénisson-Dieu, lui-même
affluent de la Teyssonne. Ce béal alimentait en eau la roue d’un moulin, représenté ici
sous la forme d’une petite tour quadrangulaire à la base largement ouverte. Il est
accompagné à droite, au milieu des arbres, d’un bâtiment aux formes étranges évoquant
un « bunker ». Sa destination reste énigmatique... Il pourrait toutefois s’agir d’une
représentation très maladroite d’un bâtiment agricole de type grange, un « grand
couvert », dont il subsiste encore aujourd’hui des exemplaires à proximité même de
l’abbaye. Enfin, il convient de noter qu’aucun autre bâti civil, aucun habitat, n’est
représenté sur cette vignette de l’Armorial.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
9
Il ne reste aujourd’hui que très peu de vestiges de l’abbaye médiévale. La plupart des
bâtiments conventuels ont disparu, victimes de leur abandon progressif. De fait, seule
l’église Notre-Dame est conservée et nous signale encore l’emplacement de l’ancienne
abbaye (fig. 361). Avant de reprendre plus en détails les vestiges encore visibles, il
convient de voir les renseignements apportés par le plan cadastral napoléonien (fig. 362).
Quoique peu précis en ce qui concerne l’abbaye elle-même, il nous apporte diverses
informations sur son environnement immédiat. Tout d’abord, il confirme la dérivation
d’un cours d’eau proche, La Teyssonne, pour alimenter l’abbaye, puisqu’un canal apparaît
sur le cadastre devant l’entrée de l’abbaye. Toutefois, là encore, il faut bien insister sur le
fait qu’aucune source écrite ne mentionne un tel aménagement. Cependant, le pont-levis
représenté sur l’Armorial pourrait en être un indice. Ensuite, le parcellaire napoléonien
nous montre l’existence d’un faubourg, peu développé certes, mais présent quand même,
561
quasiment au pied de l’abbaye. Il s’est développé au plus près des voies de
communication. Mais l’abbaye de La Bénisson-Dieu, dans une recherche volontaire
d’isolement de la part de ses fondateurs, ne se trouvait pas au Moyen Âge sur un axe de
communication important. Cela explique le faible développement de ce habitat ignoré par
les sources écrites et l’Armorial, où la perspective choisie ne permettait pas de toute
façon de le faire rentrer dans l’image. Enfin, le cadastre napoléonien montre de grandes
parcelles agricoles, notamment à l’est de l’abbaye ; celles-ci pourraient correspondre à
l’ancien domaine cistercien.
Fig. 361 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 362 - Extrait du plan cadastral du début du XIXe siècle.
10
Si le plan parcellaire du XIXe siècle donne quelques informations sur l’environnement de
l’abbaye, il reste, en revanche, très peu précis quant à l’organisation de ses bâtiments. S’il
562
les représente organisés autour du carré du cloître, comme le voulait la tradition
cistercienne, il ne distingue pas les différents bâtiments conventuels entre eux. Seules
l’église et la tour circulaire de l’angle nord-est sont aisément reconnaissables. L’église
Notre-Dame, on l’a vu, a été abondamment modifiée aux XVe et XVII e siècles. Pourtant,
son plan d’origine, assez typiquement cistercien, apparaît clair : c’est celui d’un édifice à
trois nefs avec transept et chevet plat (fig. 363). La croisée du transept, que l’on peut voir
sur la vignette de l’Armorial, existe toujours, mais en ruine, à l’extérieur de l’église (fig.
364, 365). En revanche, du reste des bâtiments abbatiaux, il ne subsiste rien à l’exception
d’un puits, qui nous indique l’emplacement du centre de l’ancien cloître. Cependant, des
plans de l’abbaye dressés au XIXe siècle (Carcel, 1975) (fig. 363), avant la destruction des
bâtiments conventuels, montrent une organisation générale très classique et sûrement
très proche de celle du XVe siècle. Actuellement, seule une construction pourrait
reprendre l’emplacement des anciens bâtiments conventuels. Situé au nord de la porte
d’entrée de l’église, ce bâtiment ne semble pas médiéval dans ses élévations, mais il donne
une idée de l’implantation des bâtiments autour du cloître au Moyen Âge. D’autres
documents permettent encore de restituer l’aspect ancien de l’abbaye : il s’agit des
dessins réalisés par le père Martellange au début du XVIIe siècle (fig. 366-368). Ceux-ci,
où l’on retrouve certains éléments défensifs représentés dans l’Armorial, prouvent la
relative justesse de la vignette. On y retrouve notamment l’emplacement du pont-levis, la
massive tour d’entrée rectangulaire ou la tour circulaire. Certains hourds y figurent
également encore. En revanche, l’abbaye ayant connu un rehaussement général des
bâtiments durant les travaux de la seconde moitié du XVe siècle (Carcel, 1975), il faudrait
légèrement abaisser les bâtiments représentés par Martellange, afin de saisir l’aspect
initial, dans ses grandes lignes, de l’abbaye. Seul le clocher carré massif, représenté par le
père Martellange et que l’on peut toujours voir, serait à supprimer, puisqu’il fut bâti
563
seulement dans la seconde moitié du XVe siècle, après 1460, et n’existait pas quand
Guillaume Revel réalisa son armorial.
Fig. 363 - Plan de l’abbaye au XIXe siècle, d’après le plan dressé par M. Donjon.
Fig. 364 - Vue du chevet actuel de l’église abbatiale.
564
Fig. 365 - Mur gouttereau sud de l’église abbatiale.
Fig. 366 - Vue de l’abbaye de La Bénisson-Dieu en 1618 par le père Martellange (Bnf,
Estampes et photographie, réserve UB-9 boîte FT 4, n° 108). Vue vers le nord-ouest.
565
Fig. 367 - Vue de l’abbaye de La Bénisson-Dieu en 1618 par le père Martellange (Bnf,
Estampes et photographie, réserve UB-9 boîte FT 4, n° 106). Vue vers le sud.
Fig. 368 - Vue de l’abbaye de La Bénisson-Dieu en 1618 par le père Martellange (Bnf,
Estampes et photographie, réserve UB-9 boîte FT 4, n° 107). Vue vers le nord-est.
11
L’abbaye de La Bénisson-Dieu apparaît comme une institution religieuse majeure en Forez
au Moyen Âge. Très tôt placée sous la protection de différents grands, que ce soit les
566
comtes de Forez, les papes ou le roi de France, elle devient rapidement la plus importante
des trois abbayes, toutes cisterciennes, qui sont alors établies en Forez. Son apogée se
situe vers le milieu du XIIIe siècle ; elle possède alors de vastes domaines, sources de
richesses et donc de puissance. Malheureusement pour elle, un déclin s’enclenche dans la
seconde moitié de ce même siècle, la prospérité n’étant plus la même et les relations avec
les puissants se distendant. L’insécurité chronique du XIVe siècle semble avoir provoqué
sa mise en défense sans que des données écrites précises, rares pour cet établissement, ne
nous permettent toutefois d’en préciser la chronologie. Dotée d’une relative aura, cette
abbaye a sûrement dû agglomérer un habitat, même modeste, mais là encore les sources
ne le confirment pas. Enfin, l’abbaye de la Bénisson-Dieu n’offre aujourd’hui que peu
d’éléments du Moyen Âge, seuls nous sont parvenus l’église abbatiale Notre-Dame et le
puits du cloître. Néanmoins, diverses sources – les plans dressés au XIXe siècle, le cadastre
napoléonien et les vues du père Martellange – permettent de confirmer la pertinence
générale de l’enluminure de l’Armorial de Guillaume Revel.
NOTES
1. Pour l’histoire de cette abbaye, on se reportera surtout à Carcel, 1975 et à Peyron, 1989.
2. Hic scribitur numerata. Procul dubio vera data Benedictionis Dei Fundation. Quæ fuit kal. octobris tertio,
mille centum currentibus triginta octo sequentibus (De La Mure, 1860-1897, t. 3, p. 23-24).
3. Bnf, département des estampes et de la photographie, réserve UB-9, boîte FT 4.
567
Valbenoîte
Franck Brechon et Chantal Delomier
488. L’abaye de Vaubenoyt
Département : Loire ; commune et canton : SaintÉtienne
L’apport des sources écrites
1
L’historiographie ancienne a généralement placé la fondation de l’abbaye cistercienne de
Valbenoîte en 1184, sur la base d’un acte de donation consenti par le comte Guy II
(Chartes du Forez, n° 1293). Ce document s’avère en fait interpolé (Fournial, 1977) et la
première mention irréfutable de Valbenoîte ne date donc que de 1191, lorsque son abbé
est rappelé à l’ordre lors d’un chapitre général de Cîteaux (Peyron, 1999, p. 19). Toutefois,
si elle n’est pas assurée, la fondation en 1184 est cependant possible, voire même
probable, l’interpolation ne semblant pas porter sur le fond de l’acte, mais sur certains
passages du dispositif. Même si diverses donations successives enrichissent le patrimoine
de l’abbaye de Valbenoîte, son temporel n’a jamais été très important et se concentre
avant tout dans la proche région stéphanoise. La donation initiale et celles qui
l’accompagnent, consenties par les comtes de Forez Guy II et Guy III, sont confirmées en
1222 par Guy IV. Elles consistent en divers biens et droits : le manse des Goutte
(actuellement dans la commune de La Tour-en-Jarez), une exemption de leydes et de
péages et des droits de pâture dans toute l’étendue du comté (Chartes du Forez, n° 1338).
L’abbaye avait bénéficié aussi en 1195 de la donation par Guillaume de Roussillon de ce
qu’il avait in campo del Ulmo, dans la paroisse de Saint-Étienne-de-Furan1 près de la grange
de Beus (Testenoire-Lafayette, 1893, p. 147, pièce justificative n° IV). Une bulle de
confirmation des possessions de l’abbaye concédée par le pape Lucius III au début du XIII e
siècle mentionne encore d’autres possessions, mais toutes sont concentrées dans les
environs de Saint-Étienne. En 1243, c’est au tour de Gaudemar de Jarez de confirmer les
donations consenties par ses prédécesseurs à l’abbaye : c’est-à-dire la seigneurie directe
sur les mas et territoires de Furet, Forges, Pléney, la Girbodière et le bois de Farost, le tout
accompagné de dîmes sur le territoire de la paroisse de Saint-Étienne (Chartes du Forez, n
568
° 1608). Les possessions de Valbenoîte s’étoffent ensuite encore de nombreuses donations
ou acquisitions de domaines, de censives isolées et de dîmes, comme en 1360, lorsque
Briand, seigneur de Saint-Priest et de Saint-Chamond, vend à l’abbaye les dîmes de la
Montagne situées au sud du chemin de Saint-Chamond à Firminy (Fournial, 1967, p. 325).
Ainsi, en 1454-1455, l’abbaye possède des censives sur 17 paroisses abritant 240
tenanciers, mais ne possède que quatre granges, ce qui demeure modeste par rapport à
d’autres établissements de l’ordre, comme l’abbaye de La Bénisson-Dieu, elle aussi en
Forez, qui en compte une vingtaine (Fournial, 1976, p. 112). À l’image de son temporel
réduit, l’abbaye de Valbenoîte ne se distingue pas par un nombre de moines élevé. Même
s’il est vrai que les effectifs connus sont ceux des heures sombres de la démographie
tardimédiévale, ils ne sont que 8 en 1349, 6 en 1360, 4 en 1373, 7 en 1389, 8 en 1446, 9 en
1463 et encore 10 en 1497 (Peyron, 1986, p. 56). Le recrutement modeste, souvent limité à
la région stéphanoise et à ses abords immédiats, explique probablement que Valbenoîte
n’ait jamais essaimé.
La représentation de l’Armorial
2
Le dessin de l’abbaye de Valbenoîte compte, dans l’Armorial, au nombre de ceux qui sont
juste esquissés sur des ajouts de papier collés à la fin du volume (fig. 369). Il faut donc
s’en tenir aux grandes lignes rendues par le dessinateur, qui doivent néanmoins restituer
les traits les plus caractéristiques de ses observations sur le terrain. L’orientation de
l’église permet de penser que le site est vu depuis le sud-est. Un relief modeste au pied
duquel coule un ruisseau sépare le dessinateur de l’abbaye : il s’agit du Furan, franchi par
un modeste pont de bois conduisant à l’abbaye. L’élément central de la représentation est
l’église abbatiale. Bien qu’elle soit partiellement cachée par des constructions attenantes
et le rempart du site, les principaux éléments en sont visibles. Il s’agit d’un édifice
présentant une nef unique, devancée par un clocher carré placé hors œuvre. Ce dernier,
très élevé, est percé de deux baies sur chaque face et couronné d’un hourd, teinté de
couleur sombre par l’illustrateur. Une tourelle carrée prend appui sur sa face sud, sans
doute pour permettre le passage d’un escalier. L’abside n’est pas visible sur le dessin.
Aucun bâtiment conventuel ne se remarque : le cloître, au plan pourtant caractéristique,
n’est pas visible, alors que les huit maisonnettes qui sont implantées au sud de l’abbatiale
ne se distinguent pas des constructions villageoises habituellement représentées dans
l’Armorial. Un haut mur se rattachant à l’angle sud-est de l’abbatiale laisse toutefois
penser que les bâtiments conventuels qu’il devait enclore sont situés au nord de l’église.
L’ensemble de l’édifice et les maisons qui l’entourent sont ceinturés d’un puissant
rempart limitant un espace carré. Très simple, il est constitué de courtines crénelées, sur
lesquelles les maisons prennent appui et qui sont cantonnées à chaque angle visible soit
d’une tour de pierre, soit d’une échiffe de bois. Une porte surmontée d’une échiffe perce
la face est du rempart, alors qu’une échiffe similaire située au centre du côté nord permet
d’envisager qu’une porte s’ouvrait également ici. L’ensemble est ceinturé d’un fossé en
eau, alimenté par une dérivation du Furan. Par ailleurs, la courtine orientale est doublée
par un mur bas qui délimite un espace quadrangulaire assez vaste au-delà du fossé.
L’accès à cet espace, qui peut jouer le rôle de barbacane, est bordé par deux constructions,
dont une, à pans de bois – ce qui constitue un détail rarement rendu dans l’Armorial – est
percée d’une haute porte. Il s’agit peut-être d’un l’hôpital monastique destiné à l’accueil
des pauvres passants. Ce serait là l’une des rares représentations d’un tel établissement
569
dans l’iconographie médiévale. La découpe de la feuille pour sa mise en page dans le
manuscrit a toutefois fait disparaître toute la partie droite de cette représentation.
Fig. 369 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 488) : l’abbaye de
Vaubenoyt.
Les données archéologiques et le parcellaire
3
Située au cœur de Saint-Étienne, l’abbaye de Valbenoîte a tout à la fois subi les assauts du
temps, des modifications intervenues aux XVIIe et XVIII e siècles, et l’expansion urbaine
stéphanoise depuis le XIXe siècle. Il n’en subsiste donc aujourd’hui que quelques vestiges
difficiles à interpréter, le parcellaire napoléonien et une vue du XIXe siècle venant
heureusement apporter quelques informations complémentaires (fig. 370, 371). L’abbaye
se présente comme un vaste quadrilatère correspondant à la clôture monastique initiale,
fortifiée à la fin du Moyen Âge. En effet, si les remparts n’existent plus à l’heure actuelle,
il ne fait aucun doute que le site a été fortifié après l’autorisation du comte consentie en
août 1373, l’abbaye ayant été prise et ravagée par les « Anglais » en 1358 (Fournial, 1976,
p. 114). Un fossé encore en eau figure sur le cadastre : il ceinture le site sur les flancs sud,
est et ouest, mais ne se prolonge pas au nord où, cependant, une longue parcelle parallèle
au rempart pourrait en conserver le tracé. La disposition d’ensemble des lieux correspond
donc très largement à la représentation fournie par la vignette. Aucun accès n’est
formellement identifiable et nous sommes réduits à situer les possibles points de passage
permettant de traverser le fossé sans avoir de certitude sur le fait qu’ils aient réellement
existé. Ainsi, remarque-t-on que trois parcelles situées au sud, à l’ouest et au nord-ouest
franchissent le fossé. Aucune ne semble toutefois pouvoir correspondre à l’emplacement
de la porte représentée sur la vignette, qui se trouve en position axiale sur le flanc est,
alors que la possible porte apparaissant sur le cadastre est décalée vers le sud-est. De
même que les accès sont difficilement repérables, les tours représentées sur le dessin de
570
l’Armorial ne subsistent plus en élévation et seules deux petites parcelles carrées situées
aux angles sud-est et sud-ouest de la courtine pourraient en conserver le souvenir, alors
que la vignette montre des échauguettes aux angles nord-est et nord-ouest, qui justement
ne laissent pas de traces dans le parcellaire. Toutefois, les tours sont circulaires sur la
vignette et les parcelles cadastrées sont carrées : erreurs de dessin sur la vignette ?
Problème d’interprétation ? Nous ne saurions le dire. Le centre de la clôture abbatiale est
occupé, comme sur le dessin, par l’église Notre-Dame. Cette dernière, dont la première
pierre a été posée en 12222 (Testenoire-Lafayette, 1893, p. 145, pièce justificative n° II),
conserve encore quelques vestiges de son état médiéval. C’est un édifice très simple de
plan rectangulaire mesurant 18 m x 36 m. L’espace intérieur est divisé en trois nefs de
cinq travées. Une abside voûtée en cul-de-four, polygonale à l’extérieur, prolonge un
assez long chœur. Le voûtement de la nef principale, reconstruit en 1576 à la suite des
destructions des guerres de Religion (Testenoire-Lafayette, 1893, p. 145, pièce justificative
n° II), est en arêtes, alors que les collatéraux conservent leurs berceaux brisés initiaux. La
façade a été reconstruite en 1820 et le clocher médiéval a disparu. Le plan cadastral
conserve le souvenir du cloître. Il devait se situer au nord de l’abbatiale, ainsi qu’en
témoigne une parcelle en U, fossilisant le tracé des ailes nord, ouest et sud, l’aile est ayant
disparu (fig. 372). La largeur de la parcelle au nord, plus importante qu’à l’ouest ou au
sud, laisse penser qu’elle correspond aussi à des bâtiments conventuels (salle capitulaire
par exemple). La disposition des lieux explique pourquoi ces bâtiments ne sont pas
visibles sur la vignette. Le dessinateur n’est pas pris en défaut et c’est la perspective
choisie qui l’a empêché de représenter les lieux de manière complète. Si le plan cadastral
rend assez bien compte de la situation des bâtiments conventuels et de leur plan, il n’en
est pas de même pour l’espace enclos représenté sur la vignette au-devant de la
fortification à l’est : ni ses limites, ni les deux constructions qui l’occupent ne peuvent
être identifiées et aucun vestige ne semble subsister. Il en est de même pour les petites
maisons massées sous les murs de l’abbatiale. Outre le fait que la présence de ces
constructions soit surprenante autour d’un édifice cistercien, rien ne permet d’en assurer
la présence. En effet, sur le cadastre napoléonien, seul un immense espace vide s’étend à
leur emplacement probable. Tout au plus doit-on remarquer que l’angle nord-ouest de la
fortification abbatiale est amputé par la présence d’un dense parcellaire totalement
inorganisé évoquant un bâti villageois. Pourtant, il ne peut s’agir des maisonnettes
représentées sur la vignette : la mise en place de ce parcellaire qui se surimpose au tracé
du rempart est postérieure à la mise en défense de l’abbaye, ce que confirme l’absence de
tout élément médiéval dans le bâti.
571
Fig. 370 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 371 - Vue du site au XIXe siècle (Arch. mun. Saint-Étienne).
572
Fig. 372 - Vue de la façade de l’église actuelle de Valbenoîte.
4
L’abbaye de Valbenoîte et la représentation qui en est donnée par l’Armorial sont
particulièrement intéressantes pour différentes raisons, même si les constructions
conventuelles sont invisibles sur la vignette. Tout d’abord, rares sont les abbayes
cisterciennes à avoir été fortifiées de la sorte, et encore plus rares sont celles qui ont
conservé des éléments de fortification significatifs3. Ici, aussi, les remparts ont disparu et
rien dans le seul plan ne permet de penser que le site a été fortifié : tout au plus pourraiton repérer le tracé d’une enceinte, volontiers considérée comme une clôture monastique
plus que comme un véritable rempart qui érige militairement l’abbaye en forteresse.
Seule la vignette justifierait cette interprétation, pour autant qu’elle soit fidèle, ce que
suggèrent toutefois fortement les éléments conservés.
NOTES
1. L’actuelle Saint-Étienne.
2. Cette église a sûrement été précédée par un autre édifice détruit au début du XIII e siècle.
3. On pensera ici à l’abbaye de Mazan, en Vivarais, dont une tour d’enceinte tardimédiévale est
encore en élévation.
573
Pommiers ?
Chantal Delomier
489. Le prioré de Pommier1
Département : Loire ? ; canton : Saint-GermainLaval ? ; commune : Pommiers-en-Forez ?
Le contexte archéologique et l’apport des sources écrites
1
Au nord de la plaine alluviale du Forez, le bourg fortifié de Pommiers-en-Forez est situé
au sommet d’une petite butte argileuse, sur la rive gauche de l’Aix, modeste affluent de la
Loire. Le village comprend encore deux églises, un monastère et quelques maisons
d’habitation groupées autour de ces deux pôles ecclésiaux enserrés dans des remparts.
Les accès médiévaux étaient assurés par les ramifications du « Grand Chemin de Forez »
reliant Le Puy à Nevers, et par-delà le Languedoc à Paris, et par celles de la voie
transversale reliant Lyon à Clermont. Les connaissances actuelles permettent de
cartographier quelques zones d’occupation ancienne : un habitat aux Rochats, daté du
Bronze final (Hettiger, 1986), et pour la période antique, plusieurs points de découvertes
anciens à Verneuil, aux Crevants, au Châtelard et plus récemment, encore aux Rochats
(Lavendhomme, 1997, p. 153-154). Par ailleurs, plusieurs éléments lapidaires antiques
sont réemployés dans l’église monastique, notamment un fût de colonne en marbre
poudingue (IIe siècle ap. J.-C.) placé à la croisée du transept. Un couvercle de sarcophage à
acrotères de l’Antiquité tardive (IIIe-IVe siècle ap. J.-C.) sert également de maître-autel à
l’église monastique Saint-Pierre et Saint-Paul et, enfin, à l’extérieur de l’église, au-devant
du chevet, se dresse aujourd’hui une borne miliaire portant une dédicace à l’empereur
Trajan (98-117 ap. J.-C.) ; elle était auparavant ennoyée dans le soubassement du transept
nord d’où elle fut retirée en 1880. La première évocation d’une église à Pommiers
remonte à la fin du IXe siècle, lors de la restitution par l’archevêque de Lyon à l’abbaye de
Nantua d’une
cella quæ dicitur Pomeirs (Mabillon, 1703-1739, t. III, p. 690, n° XXXIII).
574
2
Cette datation, qui ne peut toutefois être validée avec certitude, indique cependant
l’existence d’un lieu de culte antérieur à l’établissement monastique. Il s’agit sans doute
de la modeste église paroissiale Saint-Julien, qui a généré un petit noyau d’habitats ou de
celliers à l’intérieur d’un enclos cimétérial dont le contour perdure nettement sur les
plans cadastraux. Cet édifice à trois travées, bâti en petits moellons de granit
régulièrement assisés, contient encore quatre baies à linteau monolithe échancré dans les
murs gouttereaux (trois au nord et une au sud).
3
L’installation clunisienne à Pommiers se manifeste par l’édification d’une église dédiée à
Saint-Pierre et Saint-Paul et d’un prieuré dont l’apogée se situe au cours des XII e et XIIIe
siècles. La possession du prieuré de Pommiers par l’abbaye clunisienne de Nantua est
confirmée par le pape Eugène III en 1146 (Cluny, t. V, n° 4112, p. 457-458). L’église
monastique a été étudiée par Jean-François Reynaud qui a montré que la première
construction, sans doute charpentée, était dotée de trois nefs, d’un transept débordant et
d’un chœur barlong flanqué de deux absidioles semi-circulaires (Pommiers-en-Forez,
2000, p. 39-45). Sa construction remonte sans doute à la deuxième moitié du XI e siècle.
Une vaste restauration de l’église entreprise dès le siècle suivant permet alors de voûter
les trois nefs, d’ouvrir des baies plus larges dans les bas-côtés et de surélever le clocher.
La voûte contient 29 cavités qui contenaient autrefois des vases acoustiques ; réparties
au-dessus de la première travée de la nef, elles marquent l’emplacement du chœur
monastique qui recevait un effectif d’une douzaine de moines. L’absence de façade
romane est imputable à une reconstruction complète de cette partie de l’édifice lors de la
mise en place d’un grenier au-dessus du collatéral nord pendant la guerre de Cent Ans.
4
Si l’église Saint-Julien possède les droits paroissiaux, l’église priorale devient rapidement
le centre d’un vaste archiprêtré qui s’étend, d’après le pouillé de 1225, sur 36 paroisses du
diocèse de Lyon (Chartes du Forez, n° 901, p. 18-19). Le prieur détient les droits de haute
justice sur les lieux, ainsi que le rappelle une transaction de 1264 passée avec le comte de
Forez, spécifiant que les condamnés à mort par le tribunal du prieur devront être
exécutés par le comte, au « Pont de la Vala » (Chartes du Forez, n° 406). La documentation
mentionne la villa de Pommiers à partir du XII e siècle, lorsqu’Humbert de Beaujeu cède
celle-ci au comte de Forez (Chartes du Forez, n° 149, p. 1). Cette villa est mentionnée
ensuite encore de nombreuses fois. Le pont de Pommiers, appelé Pons de la Vala ou Ponte de
Vallata est attesté dès 1264 (Chartes du Forez, n° 406), puis en 1315 (Testaments foréziens,
n° 115).
La représentation de l’Armorial
5
Cette vignette de l’Armorial, inachevée et dont la mise en couleur se borne à deux
nuances (rouge pour les tuiles des toitures et vert pour la ramure des arbres), est
traditionnellement identifiée en raison d’une courte mention infrapaginale, dont la date
est incertaine (fig. 373). Toutefois, si les arguments susceptibles de valider l’hypothèse
d’une représentation de Pommiers restent assez faibles, il convient cependant de les
énumérer afin de les confronter à la réalité de terrain. La schématisation du dessin incite
à la plus grande prudence pour l’interprétation, l’identification et l’exploitation des
données morphologiques.
575
Fig. 373 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 489) : le prioré de
Pommier.
6
Trois indications iconographiques seulement semblent pertinentes dans cette vignette : la
répartition de l’habitat groupé, la forme de l’enceinte urbaine et son point d’entrée
unique, et enfin l’émergence d’un clocher en position centrale du site fortifié. En premier
lieu, l’emplacement du dessinateur, placé sur ou à proximité du pont de la Valla, paraît
judicieux malgré l’absence d’indication topographique. Comme le fait remarquer
justement E. De Boos, le site serait donc vu du sud-est (De Boos, 1998). Deux zones
d’habitats se distribuent de manière symétrique : l’une à l’est, répartie le long du chemin
d’accès à la porte fortifiée ; l’autre au sud, mais de manière moins organisée. Le couvert
végétal, représenté de manière standardisée et répétitive par un dessin schématisé de
feuillus, entoure des maisons aux traits également très simplifiés. L’absence d’éléments
de topographie semble indiquer un terrain relativement plat, à l’exception cependant de
l’alignement des maisonnettes conduisant à la porte fortifiée et qui pourrait marquer un
léger pendage ascendant.
7
Les contours de l’enceinte quadrangulaire contiennent une courbe concave vers ce que
l’on suppose être le sud. Un tracé rubané entourant les deux parois visibles de l’enceinte
semble évoquer des fossés secs, mais la prudence reste de mise. Une symétrie certaine se
dégage du rempart qui paraît flanqué d’une tour ronde à chacun de ses angles et de trois
tours quadrangulaires au milieu de chaque courtine. La paroi arrière échappe à cette
règle, mais la perspective du dessin pourrait masquer la quatrième tour ronde de
l’ensemble fortifié. Le chemin de ronde et les hourds placés au sommet d’une tour
circulaire et des trois tours quadrangulaires couronnent la partie sommitale des
remparts. La porte, prise dans une tour quadrangulaire, est protégée par une bretèche
placée sur deux rangs de mâchicoulis sur corbeaux.
576
8
Une quinzaine de maisons apparaissent à l’intérieur de l’enceinte, disposées
perpendiculairement les unes par rapport aux autres. Au centre, un clocher
quadrangulaire émerge en position dominante, il est muni de deux baies romanes sur
chaque face, d’un larmier et coiffé d’une petite toiture plate. Un bâtiment rectangulaire,
très élevé, recouvert d’une toiture relativement plate et indécise dans sa pente, le flanque
sur sa paroi sud.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
9
Le contour des deux blocs ecclésiaux, paroissial au nord, monastique au sud, apparaît
nettement dans le parcellaire où ils sont séparés par une rue directement issue de la
porte médiévale ouverte à l’est du village. Le tracé des remparts et des fossés reste
également lisible et aisé à reporter sur les plans cadastraux (fig. 374, 375). Les limites
entre les clôtures cimétériale et monastique, bien que plus ténues, peuvent être aussi
aisément figurées sur le plan cadastral. En outre, sur le terrain, le socle paroissial
apparaît légèrement surélevé par rapport à l’espace monastique, même si la première
rupture de pente vers le sud reste aujourd’hui peu perceptible en raison des travaux de
nivellement effectués au Moyen Âge. Cependant, la pente plongeait abruptement vers le
sud en suivant un axe transversal passant au sud de l’église priorale, ligne qui se
prolongeait vers les extrémités est et ouest du site. Les récentes opérations d’archéologie
préventive menées à Pommiers permettent de cerner plus précisément quelques détails
structurels aujourd’hui disparus. La mise en défense du village relève pour l’essentiel de
la guerre de Cent Ans, bien que les vestiges d’une enceinte maçonnée plus ancienne,
reposant sur une série d’arcs construits en tranchée étroite et montés à l’aide d’un
talutage de terre, subsistent encore en élévation dans le quart sud-est du site. Un rempart
maçonné est érigé au début du XVe siècle pour protéger les deux églises et l’habitat, avec
un large fossé qui sert aujourd’hui de socle à la D38 dans la partie nord du village. Au sud,
d’énormes travaux de décaissement et de nivellement ont permis d’installer trois tours de
défense massives qui protègent le prieuré sur toute sa paroi méridionale. La tour centrale
bloque définitivement l’accès principal du monastère roman, dont aucun tracé ne
subsiste. Une très nette différence morphologique subsiste dans l’organisation parcellaire
des secteurs nord et sud. La zone nord, paroissiale et cimétériale, affiche un découpage
relativement homogène et standardisé, tant pour le bâti sis intra-muros que pour les
jardins installés dans les anciens fossés du bourg. En revanche, la partie sud échappe
totalement à ce module répétitif et se développe selon un modèle qui lui est propre,
s’étalant en un large éventail ouvert au sud et butant contre des aménagements
hydrauliques n’ayant rien à voir avec des fossés en eaux. Une seule porte fortifiée et
défendue par un pont-levis à flèches était implantée à l’est, au sommet d’une pente, et
défendue par deux tours portières dont une subsiste encore au nord. Les contours de la
tour sud ont été retrouvés en fouilles, de même que les traces d’un muret et d’une
barbacane placés en bas de pente. Un ressaut placé au sommet de l’extrados de l’arc
interne de la porte permet de restituer la hauteur du chemin de ronde aujourd’hui
disparu. La confrontation des cadastres et des vestiges archéologiques n’autorise
malheureusement pas à rendre compte des modifications topographiques. Au XVe siècle,
les importants décaissements de la zone sud ont permis d’asseoir les trois tours
méridionales sur un socle aplani (fig. 376) ; la terre amassée fut alors transportée vers le
nord pour servir de remblais de comblement dans la cour occidentale, devant le parvis de
l’église ainsi que dans le jardin du cloître. Ces apports ont permis de gommer peu à peu
577
les pendages du terrain en exhaussant et en aplanissant les niveaux de circulation. À l’est,
la dernière intervention archéologique a démontré que la terrasse construite au XVIIIe
siècle était précédemment occupée par des maisons d’habitation modestes ou des
dépendances du prieuré. Enfin, les aménagements hydrauliques, biefs et viviers,
constituent des tracés persistants dans les deux plans cadastraux et marquent ainsi le
paysage. Les trois vastes parcelles placées au sud du monastère semblent associées à cette
distribution des eaux directement issues du moulin.
Fig. 374 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
578
Fig. 375 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
Fig. 376 - Vue générale du site vers le nord.
10
Malgré des similitudes entre la vignette de l’Armorial et les données de terrain, un certain
nombre de détails posent toutefois problème pour une identification avec le site de
Pommiers.
579
11
La répartition de maisons de part et d’autre de la voie d’accès à la porte d’un bourg
fortifié reste une constante pour tous les sites de l’Armorial (Lavieu, Saint-Germain-Laval,
Souternon, Cleppé, Néronde, Panissières et Feurs pour ne citer que les premières
vignettes) et ne peut en aucun cas constituer une preuve, même si une légère pente
ascendante vers la porte peut accréditer l’hypothèse de Pommiers. L’emplacement de la
porte, au centre d’un axe est-ouest allant de l’habitat extra-muros installé à proximité de
l’accès jusqu’à l’église érigée au cœur du bourg fortifié, constitue le deuxième argument
d’identification possible. On notera toutefois l’absence de représentation des éléments
retrouvés en fouille et liés, à coup sûr, à la construction de la porte : les tours portières, le
pont-levis à flèches ainsi que la rampe d’accès protégée par deux murets. Le clocher
enfin, contient bien une baie géminée sur chacune de ces faces, mais il est en réalité
barlong et non pas de plan carré. En outre, les ouvertures ne reposent pas sur un larmier
ou sur une corniche, mais sur une base alourdie par des contreforts érigés au XII e siècle,
lors de sa surélévation. Si le bâti imposant représenté sur son flanc sud représente le
prieuré, on ne voit pas comment celui-ci serait dissocié de l’enceinte dont il participe
structurellement.
12
Les arguments invalidant l’identification de cette vignette comme étant celle du site de
Pommiers semblent, au final, nombreux et convaincants. Du point de vue topographique,
la position en sommet de butte paraît peu lisible, alors que les indications concernant le
relief sont en général bien représentées dans l’Armorial. La répartition de l’habitat reste
aussi sujette à caution : à ce jour l’existence de maisons d’habitation réparties entre le
flanc sud de l’enceinte et le pont de la Valla n’a jamais été démontrée. Par ailleurs, aucun
des éléments connus concernant la porte d’accès au village (cf. supra) n’apparaît sur cette
vignette, alors que le pont de la Valla, qui était inévitablement construit en 1450,
n’apparaît pas non plus, la perspective choisie permettant pourtant de le représenter
dans l’angle en bas et à gauche de la feuille. Or, les ponts, chemins, accès fortifiés, pontslevis ou fixes, constituent des données systématiquement prises en compte par les
illustrateurs de l’Armorial : les exemples de Saint-Rambert, Champdieu, La Bouteresse,
Souternon, Marcilly et même Valbenoîte, également restés à l’état d’esquisse, l’attestent.
De la même manière, le contour général des enceintes semble constamment figuré dans
l’Armorial avec un réel souci de restituer la réalité de terrain ; ici, la superposition est
impossible à réaliser entre le rempart dont le tracé est dans la réalité franchement
ovalaire et l’enceinte stylisée de forme quadrangulaire de la vignette. En outre, la
répartition des tours circulaires sur la vignette, ponctuant les angles des courtines contre
lesquelles sont adossées en leur milieu des tours rectangulaires, ne reflète aucunement la
réalité des tours portières et des trois tours protégeant le monastère au sud. Il est
difficilement concevable que l’auteur du croquis, placé au sud-est du village, n’ait pas
représenté ces trois puissantes tours, contemporaines de la mise en défense du site au XV
e
siècle, et qui constituent encore aujourd’hui l’identité emblématique du lieu en raison
de leurs dimensions, de leur emplacement et de leur originalité. Enfin, l’absence de
représentation de l’église paroissiale Saint-Julien vient grandement ajouter à la difficulté
d’identifier cette page avec le site de Pommiers.
580
NOTES
1. Cette identification paraît être du XV e siècle. Une seconde identification à l’encre plus lisible –
et datable du XVIIe siècle ? – voisine la première et la reprend : Le prioré de Pomeriers.
581
Montverdun
Christian Le Barrier
490. Le prioré de Montvardun
Département : Loire ; canton : Boën ; commune :
Montverdun
Le contexte archéologique et l’apport des sources écrites
1
Le site occupe le sommet d’une étroite éminence basaltique dominant la plaine du Forez
d’une hauteur de 40 m (fig. 378, 380). Le toponyme Montverdun, contenant les mots
celtes ver (grand) et dun (éminence, fortification ?), semble attester d’une occupation
protohistorique, ce que confirme la découverte de tessons de céramique laténienne ou
augustéenne (Lavendhomme, 1997, p. 146).
2
À la fin du Xe siècle et au début du XI e siècle, le puy basaltique de Montverdun ainsi
qu’une chapelle dédiée à saint Pierre, et sise au sommet de celui-ci, sont donnés en
plusieurs temps – selon des modalités peu claires – à l’abbaye de Savigny (Cartulaire de
Savigny, nos 105, 631, 663) par divers alleutiers. L’abbaye bénéficie à la même époque
d’autres donations dans le terroir de Montverdun comme une vigne (Cartulaire de
Savigny, n° 330). L’église de Montverdun est aussi mentionnée dès 994 dans le
dénombrement des possessions de l’Église de Lyon, mais alors sous le vocable de saint
Porchaire : in monte Verduno ecclesia Sancti Porcharii (ADR, 19 G 1879), cependant, ce
document est en partie douteux (Feuillet, Guilhot, 1985, p. 72-74)1.
3
En 1233, Montverdun est un prieuré de chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin
dépendant de l’abbaye de Savigny. Toutefois, par une convention passée cette année-là
entre le comte de Forez Guy IV et l’abbé de la Chaise-Dieu, sous le contrôle bienveillant de
l’archevêque de Lyon, les chanoines, accusés de mener une vie dissolue, sont expulsés au
profit de 22 moines de la Chaise-Dieu (ADHL, 1 H 148). L’abbé de la Chaise-Dieu se réserve
les droits de justice, haute, moyenne et basse, tandis que le comte se réserve le droit d’y
tenir garnison. Il faut certainement voir dans cette dernière remarque la véritable raison
de l’expulsion des chanoines. En effet, le monastère est fortifié et représente donc un
582
enjeu stratégique pour la défense du comté contre les sires de Beaujeu. Le choix de la
Chaise-Dieu, outre un relatif éloignement de l’abbaye, pourrait avoir été dicté par le fait
que les comtes de Forez, pour construire leur capitale de Montbrison, ont accumulé une
dette sous forme de terres prises aux bénédictins de Moingt et de Savigneux. Le prieuré
de Montverdun restera une dépendance de la Chaise-Dieu jusqu’en 1701, date à laquelle,
cessant toute activité conventuelle, il sera rattaché au séminaire Saint-Charles de Lyon.
4
Les notes anciennes relatives aux bâtiments du prieuré sont rares et peu explicites. En
1540, le dénombrement des possessions du prieuré fourni par le prieur François de SaintNectaire fait état d’un
chasteau et maison fort, circuyt de muraylhes hautes, estant en ung costhaud et petite
montaigne appelé de Monverdun, ont il y a esglise, cloistre pour le divin service (ADL, D
supplément 37).
5
Il faut attendre 1641 et la visite d’Antoine Valladier pour avoir une description détaillée
des lieux dont l’état de délabrement apparaît fort avancé : le cloître a disparu sans qu’il
n’en reste aucun vestige, les vitres de la nef comme du chœur
sont toutes rompues et ouvertes en sorte que les vents entrent dans ladite eglise et
principalement sur le grand autel ou la bise et le vent de midi peuvent donner avec
abondance et liberté (ADHL, 1 H 148 n° 46 et 47).
6
Les moines, abandonnant leurs bâtiments conventuels menaçant ruine ou transformés en
écuries, se sont installés dans le logis du prieur. Aucune réparation d’envergure ne sera
effectuée avant la première moitié du XVIIIe siècle où une documentation abondante,
plans, devis, factures, témoigne de l’énorme reconstruction entreprise alors par le
séminaire Saint-Charles (ADL, D 431).
La représentation de l’Armorial
7
La vignette de Montverdun fait partie des dernières vignettes foréziennes simplement
esquissées sur une feuille de papier et collées ensuite dans le manuscrit (fig. 377).
583
Fig. 377 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 490) : le prioré de
Montvardun.
8
Le dessinateur n’a pu bénéficier d’une situation suffisamment élevée à proximité du site
pour représenter les bâtiments situés à l’intérieur des murailles. Seul le clocher est en
mesure d’émerger des courtines. Il aura donc fallu que le dessinateur se déplace à
l’intérieur du prieuré pour en saisir l’organisation, qui se révèle limitée à l’église et à deux
corps de bâtiment adossés au rempart. La disparition de la première enceinte ainsi que
celle des poivrières, échauguettes et latrines de la seconde enceinte entraîne une
raréfaction des indices pour restituer l’angle de vue du dessinateur. La seconde enceinte
comporte une tour ronde à gauche du clocher. En assimilant cette tour à l’actuelle tour
nord, nous pouvons envisager que le dessinateur était placé au nord-ouest du site au
hameau de Bourgchanin. Cet emplacement permet de découvrir les flancs nord et ouest
du prieuré. À l’appui de cette hypothèse, nous constatons qu’à l’extrême droite de la
représentation figure le porche d’entrée de la première enceinte qui se trouvait ainsi à
proximité de la porte du XIIIe siècle qui s’ouvre sur le côté sud de la seconde enceinte.
Outre le chemin qui mène à ce porche, le flanc de la colline est parcouru de sentiers dont
le tracé est encore conservé par le cadastre. Ces sentiers, appelés localement
« grappillons », étaient largement fréquentés pendant la première moitié du XXe siècle
par les habitants des différents hameaux qui entourent le site pour venir assister à l’office
dominical. La représentation de l’habitat, répandu sous la forme d’un semis de maison au
pied de la butte, paraît bien restituée.
9
Le clocher émerge largement de l’ensemble, la partie sommitale est percée sur chaque
face de deux ouvertures couvertes par un arc. À la base de ces dernières, nous observons
un double bandeau qui pourrait suggérer une large corniche ou un chemin de ronde en
encorbellement. Les toitures pourraient induire une indication chronologique pour
l’exécution du dessin. En effet, elles sont toutes à faible pente, ce qui suggère l’emploi de
584
la tuile ronde. Or, les sondages et le nettoyage réalisés dans les reins de voûte de la nef, à
la périphérie du clocher et sur sa coupole, livrent une quantité remarquable de tuiles
plates vernissées qui impliquent des toitures à forte pente. On peut penser que le
dessinateur aurait, même pour un dessin relativement succinct comme celui de
Montverdun, représenté de telles toitures. L’adoption de ces tuiles apparaissant liée aux
importants travaux qui verront, entre autres, la construction de la galerie de bois du logis
du prieur datée de 1442-14432 (fig. 381, 385), nous sommes enclins à penser que le dessin
pourrait être antérieur à ces dates.
Les données archéologiques
10
Le prieuré fortifié de Montverdun a régulièrement fait l’objet d’observations
archéologiques à partir des années 1980 à l’occasion de travaux de restauration et de mise
en valeur. Les différentes observations réalisées alors sur le bâti fournissent une série
d’éléments permettant une approche globale de l’évolution du prieuré (fig. 379). Ces
investigations ont pour point de départ d’un côté l’église et de l’autre le logis du prieur,
mais elles ne permettent pas toujours de dégager avec certitude l’état de l’ensemble à un
moment donné (fig. 378).
Fig. 378 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
585
Fig. 379 - Plan général du site.
11
La construction du monastère a sans doute largement occulté toute trace des occupations
antérieures. C’est au travers de matériaux et d’objets de diverses époques que se dessine
la trame d’une fréquentation de la butte volcanique : céramique pour la période
protohistorique, pierres, céramiques, tuiles, mortiers, tubuli, tesselles de mosaïques pour
la période antique, sarcophages, épingle à double crochet, fer de lance à ailettes pour le
Moyen Âge.
12
L’église romane actuelle est datée, sur des critères stylistiques, de la fin du XII e siècle 3 (
fig. 379, 381, 382). Elle comprenait la croisée du transept et les absides actuelles et une
nef unique, dont les dimensions étaient analogues à celle de la nef majeure actuelle. Pour
une raison inconnue, cette église subit un grave dommage causé par l’effondrement de
son clocher entraînant l’anéantissement quasi total de la nef dont il ne subsiste qu’une
petite portion du mur gouttereau au nord en contact avec le transept et la moitié du
pignon ouest. Le clocher est alors reconstruit. C’est l’élévation principale de ce dernier
qui perdure aujourd’hui. Une nouvelle nef voûtée en berceau est édifiée. Le tracé de sa
voûte est conservé par des enduits sur la face ouest du clocher. Cette nouvelle nef est
précédée à l’ouest par une avant-nef séparée de la nef elle-même par un mur dont les
arrachements sont conservés dans les combles. Simultanément, nous constatons qu’il y a
au nord édification d’une courtine qui va placer l’église à l’intérieur de l’enceinte et figer
les limites du cimetière qui se développait auparavant sur le flanc de la butte. Cette
courtine, très partiellement conservée, est caractérisée par la présence de tours de faibles
dimensions accessibles par une porte haute comme celle du clocher (tour nord : diamètre
interne 1,90 m ; tour ouest : 1,50 m).
586
Fig. 380 - Vue générale du site.
Fig. 381 - Chevet de l’église priorale.
587
Fig. 382 - Mur gouttereau sud de l’église.
13
L’étude du logis du prieur, adossé au rempart sud, livre une importante série d’états et de
phases de réaménagements (fig. 379, 380, 383, 384, 386). Trois états principaux de la
courtine y sont observés. Le premier état, édifié en petits moellons de basalte
régulièrement assisés, forme l’angle droit sud-est du rempart. Cet angle est renforcé par
une excroissance arrondie de la maçonnerie faisant fonction de contrefort qui lui confère
l’allure d’une fausse tour. Dans le prolongement nord de cette muraille nous trouvons une
chaîne d’angle qui indique qu’elle se retournait vers l’église, la plaçant en position
tangente sur le flan nord. L’enceinte ainsi esquissée pourrait être d’allure quadrangulaire.
Le second état consiste en une extension de l’enceinte vers le sud d’environ 5 m qui
forme, avec l’état précédent, un angle rentrant. L’appareil y est identique et nous
retrouvons également l’adoption d’un angle renforcé en manière de fausse tour. Les
prestations internes associées – baie géminée, peintures murales – permettent
d’envisager qu’il s’agit-là de la création du logis du prieur ou de sa première extension. Le
troisième état consiste également en une nouvelle extension de l’enceinte de 5 m en
moyenne vers le sud. Le nouveau tracé abandonne l’angle droit au profit d’une
configuration polygonale très semblable à celle que nous avons observée au nord de
l’église. Les mortiers et l’appareil, fait de moellons de basalte bruts d’extraction et
disposés en assises régulières, nous permettent de conclure que nous sommes
globalement dans une même phase d’extension de l’enceinte. La porte sud, avec son arc
légèrement brisé, en est l’élément le plus significatif. Le logis est alors entièrement
reconstruit avec la particularité de faire appel au pisé pour l’édification des murs
internes. Les murs du logis sont ornés d’un appareil en trompe-l’œil fait d’un double trait
rouge et blanc sur fond gris. La datation des poutres de plafond et de la charpente place
l’abattage des bois en 12544. Ces travaux sont donc le fruit des moines bénédictins de la
Chaise-Dieu, une vingtaine d’années après leur prise de possession du monastère.
588
Fig. 383 - Détail du logis du prieur.
Fig. 384 - Galerie du logis du prieur.
589
Fig. 385 - Relevé des élévations de la galerie du logis prioral (1442-1443).
Fig. 386 - Détail de la courtine ouest.
14
Dès lors, la configuration globale de l’enceinte actuelle apparaît acquise. On y observe
cependant de nombreuses reconstructions qui font suite à des désordres structurels
(poussée des terres accumulées dans le cimetière, glissements de pied de mur,
déversements consécutifs à des surcreusements). Parmi ces reconstructions, seuls
quelques pans de murailles ont pu être reliés à une chronologie d’ensemble. Au pignon
ouest de l’église, la reconstruction de la courtine est liée à l’édification d’un logis sur cave.
Celui-ci est antérieur au bas-côté sud de l’église, et peut être attribué au milieu du XVe
siècle par comparaison avec des enduits bien datés du logis du prieur. La fortification de
l’église, par surélévation des murs périphériques des absides et du transept, présente
quelques analogies techniques avec le crénelage de la tour nord (fig. 387) : emploi de
tuiles rondes à crochet, évacuation des eaux au travers des murs par des tuiles rondes
disposées en conduit. La toiture de cette tour, placée à la base des créneaux, était invisible
590
depuis l’extérieur. La représentation qu’en donne l’Armorial pourrait donc en être
purement conventionnelle. Au début du XVIe siècle, on observe une reconstruction de la
courtine au nord de l’église sur les fondements de la muraille du XIIIe siècle Elle
s’accompagne de la réalisation d’arquebusières tandis que des crânes sont inclus dans les
parements internes. À la même époque, une tour de flanquement en forme de fer à cheval
est plaquée contre la courtine est.
Fig. 387 - Relevé de la tour nord de l’enceinte priorale.
15
Des reconstructions peuvent également être observées au XVIIIe siècle sur la face nordouest. C’est aussi à cette époque que sont édifiés les multiples contreforts qui retiennent
la muraille ainsi que la porte d’accès actuelle qui s’ouvre sur la face ouest. Cette porte,
sensiblement en plein cintre, portait à la clef les armes de Jean de Bourbon, prieur de
Montverdun entre 1466 et 1482. Cette porte fut mise en place en cet endroit au XVIIIe
siècle comme l’attestent les plans de Paul Perrache. Or, cette porte ne peut provenir de
l’enceinte conservée. Nous sommes donc amenés à penser qu’elle prenait place
initialement dans la première enceinte représentée sur l’armorial puis fut démontée et
remontée au XVIIIe siècle probablement lors du démantèlement de celle-ci. Le sommet du
clocher doit son aspect actuel à François d’Albon, prieur de Montverdun entre 1635 et
1645, qui fit refaire également l’ensemble des toitures de l’église et du logis du prieur 5.
591
NOTES
1. Le texte de 994 a manifestement été largement interpolé aux XI e et XIIe siècles.
2. Datations Archéolabs sur les bois du logis du prieur, références : ARC87/R194D du 21/09/1987
et complémentaires ARC87/194D2 du 26/01/1988 ; ARC87/R194D3 du 18/09/1989 ; ARC89/R695D
du 16/09/1989.
3. La présence d’une église plus ancienne apparaît sous la forme de maçonneries dessinant une
abside, plus courte et plus large que l’abside actuelle, incluses dans les élévations des absides.
4. Datations Archéolabs sur les bois du logis du prieur, cf. supra.
5. L’abattage des bois des charpentes du clocher a eu lieu durant l’automne 1636 ou l’hiver
1636-1637. Datations Archéolabs sur les bois de l’église, références : ARC88/R386D du 14/10/1988
et complémentaire ARC07/R386D1 du 23/02/2007.
592
Estivareilles
Franck Brechon et Chantal Delomier
491. Le prioré d’Eztivaleilhes
Département : Loire ; canton : Saint-Bonnet-leChâteau ; commune : Estivareilles
L’apport des sources écrites
1
La première mention connue remonte aux années précédant 1096, lorsque le vicarius
d’Estivareilles, ainsi que ceux de Montbrison, Sury, Aurec, La Place, Saint-Chamond,
Yzeron, Lyon, Oingt, Chamelet, Cottance, Cleppé, Saint-Haon et Saligny, doivent concéder
la dîme du pain et du vin à l’hôpital des pauvres de Montbrison, fondé par Guillaume de
Forez (Chartes du Forez, n° 1286). Le vicarius d’Estivalelliis est encore mentionné vers 1100
puis disparaît ensuite définitivement (Francs-Fiefs, p. 2). Pour sa part, l’ecclesia de Estivalis,
relevant du diocèse du Puy, est attestée dès 1153 (Cartulaire d’Ainay, t. I, p. 50). Elle est
alors placée sous le vocable de Saint-Pierre-aux-Liens et relève de l’abbaye lyonnaise
d’Ainay. Par la suite, la paroisse d’Estivareilles apparaît à de nombreuses reprises dans le
courant du XIIIe siècle. Ainsi, en 1258, Foulque de Bouthéon, domicellus, prend en francfief d’Itier, prieur de Saint-Rambert, des cens sur quadam villa que dicitur villa de Masso, in
parrochia Stivaleilles (Chartes du Forez, n° 104), et en 1259, Béatrix, femme de Pierre Guyn,
reçoit de son mari, en compensation d’une vente de ses biens propres au prieuré de
Montverdun, des cens situés dans la paroisse d’Estivareilles, dans les courtils de La Gota et
de Jean Dauphin (Chartes du Forez, n° 106). L’existence d’un prieuré conventuel
dépendant d’Ainay est mentionnée pour la première fois en 1226 dans l’obituaire de
l’Église de Lyon (Obituaires de la province ecclésiastique de Lyon, p. 204). De nombreux
prieurs sont signalés ensuite par la documentation, tenant souvent le rôle d’arbitres dans
différents conflits régionaux. Par exemple, en 1236, c’est le prieur d’Estivareilles qui est
délégué par l’évêque du Puy pour arbitrer le partage des revenus de l’église de Merle
entre le chapelain et le prieur de Saint-Romain-le-Puy (Chartes du Forez, n° 1201). Par la
suite, en 1262, Lambert, prieur d’Estivareilles et moine d’Ainay, rend une sentence
arbitrale, aux côtés des prieurs de Savigneux et de l’Hôpital-sous-Rochefort, moines de la
593
Chaise-Dieu, et du prieur de Farges (Bellegarde-en-Forez), dans un conflit opposant le
prieur de Saint-Romain-le-Puy et le recteur de Saint-Christo, d’une part, et les prieurs de
Montverdun et de Valfleury d’autre part, au sujet du cimetière que le prieur de
Montverdun avait fait construire et bénir à Valfleury (Cartulaire d’Ainay, t. I, p. 11 ;
Chartes du Forez, n° 1474). De la même manière, en 1290, Faucon Vert, prieur
d’Estivareilles, et Humbert de Saint-Maurice, chevalier, arbitrent un différend entre
Robert de Damas, seigneur de Saint-Bonnet-le-Château, et Étienne de Serceyo, prieur de
Roziers, au sujet de leurs droits de juridiction respectifs (Chartes du Forez, n° 1148). Un
habitat se développe autour de l’église, mentionné systématiquement comme villa ou
comme locus durant les trois derniers siècles du Moyen Âge. Ainsi, la villa de Estivalelhis
est-elle mentionnée en 1295 (Cartulaire d’Ainay, t. I, p. 50), alors que le locus
d’Estivareilles apparaît en 1379 (ADL, B 2060) ou en 1388 (ADL, B 1878). Pourtant, malgré
l’implantation de plusieurs forges au XIIIe siècle (Fournial, 1967, p. 254 et p. 425) et bien
que le village se trouve sur le chemin reliant Lyon à Toulouse par Saint-Rambert, SaintBonnet, Estivareilles, Le Puy, Saint-Flour et Rodez, qui se développe au XVe siècle
(Fournial, 1967, p. 484), Estivareilles ne connaît qu’un essor limité.
2
Si le village est dans le mandement de Montarcher, le prieur en est aussi coseigneur. Cette
situation occasionne plusieurs différends qui sont soldés par une transaction en 1295. À
cette date, Falcon Vert, prieur d’Estivareilles et Briand, seigneur de Rochebaron,
transigent, au sujet de leurs droits de justice à Estivareilles. La haute justice appartient
alors aux seigneurs de Montarcher. Toutefois, le claustrum1, l’église et la tour contiguë
demeurent au prieur, qui y aura justice de sang et y jugera les causes de ses hommes. La
transaction stipule aussi que chaque partie peut garnir le fortalicium ville, y mettre guet et
appeler à cor et à cri dans le mandement, alors que la levée et l’emploi du vingtain seront
communs. Les modalités pratiques de cette garde sont aussi évoquées, puisqu’il est
précisé que le seigneur de Montarcher gardera la porte orientale et le prieur la porte
occidentale du village. Le prieur pourra clore une place sous l’orme, mais reconnaît la
garde du seigneur sur le prieuré (Chartes du Forez, n° 1557 ; Cartulaire d’Ainay, t. I,
p. 130-131).
La représentation de l’Armorial
3
La vignette est restée à l’état d’esquisse, comme les représentations de La Bénisson-Dieu,
Valbenoîte, Pommiers et Montverdun, après lesquelles elle prend place, et qui composent
la fin de l’ouvrage (fig. 388). Juste esquissée, seuls les aplats de couleur rouge sont peints,
il manque encore les ouvertures des bâtiments et les voies d’accès2. Comme sur les autres
vignettes partiellement dessinées, le nom du site a été rajouté postérieurement, d’une
écriture cursive évoquant la fin du XVe siècle, et plus sûrement le XVI e siècle. Cette
vignette ne pose, cependant, aucun problème d’identification. Le site est représenté vu du
nord. Le village d’Estivareilles est enclos dans une enceinte quadrangulaire crénelée,
l’ensemble accusant un assez fort pendage vers l’est. Le chemin de ronde qui parcourt
nécessairement la partie supérieure des courtines et des tours n’est pas dessiné3. Dans
l’angle nord-ouest, une grosse tour circulaire constitue à l’évidence un élément éminent
du système fortifié. Son sommet est terminé par une terrasse ceinte d’un garde-corps
crénelé, reposant sur des mâchicoulis sur consoles4. Cette tour est percée de trois
archères à étrier en partie basse (on restitue la troisième, en bas à droite de la tour) et de
deux petites baies carrées en partie haute. Quatre tours semi-hors œuvre et
594
manifestement ouvertes à la gorge se répartissent par deux, de part et d’autre de
l’importante tour d’angle nord-ouest, sur les flancs septentrionaux et occidentaux du site.
Simplement crénelées, les deux tours nord ne présentent aucune ouverture de tir, alors
que deux archères à étrier percent les tours ouest. Signalons que toutes ces tours sont
représentées avec un talutage à la base. Le dernier élément de défense de la fortification
est une petite échauguette crénelée établie en encorbellement à l’angle sud-ouest de
l’enceinte. À l’ouest, une porte constitue le seul accès au bourg représenté sur la vignette.
Voûtée d’un arc en plein cintre, elle est surmontée d’une bretèche reposant sur des
consoles et dépassant nettement de la hauteur de la courtine, de sorte qu’elle peut
s’apparenter à une tour supplémentaire. En avant de l’ensemble, une braie couronne la
partie supérieure de la contre-escarpe du fossé, faisant retour vers l’est, elle pourrait
également envelopper les autres pans du site, à l’exception de la partie occidentale dont
l’entrée est protégée par une palissade de bois. Cette dernière s’appuie contre une tour
semi-circulaire et entoure une place vide à l’exception d’un arbre (orme ?) surmontant
une bordure maçonnée. Il s’agit de la place de l’orme, réservée au prieur depuis la fin du
XIIIe siècle, et que ce dernier a le droit de clore (Chartes du Forez, n° 1557 ; Cartulaire
d’Ainay, t. I, p. 130-131). À l’autre extrémité, le rempart est percé d’une fenêtre à meneau
et traverse, et d’une autre petite ouverture ; une palissade réserve un espace libre en
avant du mur. Peu d’éléments de l’église sont visibles, le corps du bâtiment étant masqué
par la hauteur des courtines. Seul le clocher émerge. Il est percé de deux baies en plein
cintre sur chaque face et comporte une surélévation, probablement constituée de hourds
crénelés, mais le dessin est resté inachevé. L’ensemble est coiffé d’un petit toit de tuiles.
La fortification du sommet du clocher ne surprend pas étant donné la composition des
lieux, sans château, dans le contexte d’insécurité de la fin du Moyen Âge. L’énorme
clocher, surdimensionné de manière ostentatoire, occupe une place majeure dans
l’enceinte et ne laisse que peu d’espace pour les maisons du village. Seules dix-sept
toitures sont visibles. Se distingue seulement une maison privilégiée, attenante à la porte
ouest, remarquable par ses fenêtres ouvrant dans l’enceinte sous l’échauguette. Sa
toiture, plus élevée que les autres, confère à cet habitat resté à l’écart, un statut
particulier probablement seigneurial. Neuf maisons sont aussi représentées autour de
l’enceinte, au premier plan. En ordre dispersé, elles n’évoquent pas nécessairement un
faubourg à proprement parler.
595
Fig. 388 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 491) : le prioré
d’Eztivaleilhes.
Les données archéologiques et le parcellaire
4
L’enceinte quadrangulaire est encore clairement lisible sur le cadastre et sur le site, le
bâti s’appuyant sur son tracé (fig. 389, 390, 391). On peut même penser qu’une partie de
l’enceinte est constituée des murs arrières des maisons qui, borgnes, faisaient office de
courtines. Deux tours sont encore visibles sur le cadastre napoléonien, aux angles sud-est
et nord-ouest de l’enceinte, la dernière correspondant à celle représentée sur la vignette.
Totalement arasée, il n’est malheureusement pas possible de se faire une idée de la
fidélité de la représentation de la tour sud-est. Par contre, celle du nord-ouest est encore
conservée jusqu’au sommet. Ronde, elle est couronnée de corbeaux de pierre qui devaient
supporter des mâchicoulis (fig. 392, 393). Le sommet ayant été arasé pour l’installation
d’un toit, il n’est pas possible de savoir si elle supportait un crénelage identique à celui de
la vignette, mais c’est probable. Sa base est percée de trois ouvertures de tir, alors que des
baies à traverse percent ses flancs comme sur le dessin. L’enceinte était percée de deux
portes qui constituent encore les seuls accès au cœur du village. Cependant, leurs vestiges
sont plus que réduits, puisque seul subsiste un élément de piédroit de la porte est et un
arrachement de maçonnerie indiquant l’emplacement de celle ouvrant à l’ouest (fig. 394).
Pour sa part, le fossé a été comblé. Aujourd’hui transformé en jardins, son tracé est
encore très nettement visible. L’église actuelle a été entièrement reconstruite.
Septentrionnée, elle s’étend au-delà du rempart médiéval, l’abside empiétant sur le fossé
nord qui a été remblayé. L’ancienne église, orientée, était précédée d’un clocher-porche,
comptant trois travées seulement, scandées par deux contreforts au nord, et un collatéral
au sud. L’abside semi-circulaire, déportée au sud, ouvrait peut-être sur le cimetière ou un
espace prioral.
596
Fig. 389 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 390 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
597
Fig. 391 – Vue d’ensemble du site depuis l’ouest.
Fig. 392 – Tour de flanquement de l’enceinte au nord-ouest.
À l’arrière-plan, le clocher de l’église actuelle.
598
Fig. 393 – Détails du sommet de la tour de flanquement nord-ouest, avec vestiges de
mâchicoulis.
Fig. 394 – Emplacement de la porte orientale du rempart.
5
La répartition des droits seigneuriaux et prioraux intervenue en 1295 aide à comprendre
la division de l’espace villageois entre les deux coseigneurs. L’ouest du village et sa porte
relèvent du prieur, constituant probablement l’enclos ecclésial initial dans l’espace
duquel sont groupés les principaux bâtiments prioraux. À l’opposé, l’entrée orientale
599
(celle que l’on ne voit pas sur la vignette) ouvre sur la partie seigneuriale. Immédiatement
au nord de la porte, subsiste encore un bel édifice, probablement de la fin du Moyen Âge,
largement remanié aux siècles suivants, principalement aux XVIe et XVII e siècles.
Plusieurs éléments architecturaux sont à remarquer, comme des portes à linteau en
accolade, des fenêtres à meneau et traverse, ou encore de vastes cheminées. Les
moulurations prismatiques à la base de leurs piédroits attestent encore du caractère
soigné de leur réalisation et permettent de les dater de la fin du Moyen Âge. Peut-être
s’agit-il de la demeure seigneuriale dans laquelle les sires de Montarcher rendaient justice
à la fin du Moyen Âge. Si la maison noble représentée sur la vignette correspond à ce
bâtiment, ce qui est probable, il faut noter que l’artiste l’a mal positionnée, puisqu’elle est
rigoureusement à l’opposé de son emplacement normal. Ailleurs dans le village, les
vestiges du bâti civil sont assez ténus, puisque seules subsistent une porte surmontée d’un
linteau en accolade et une baie à meneau situés sur une maison proche de la porte ouest.
6
Estivareilles est un bon exemple de village ecclésial fortifié dès le XIII e siècle, comme il en
existe d’autres dans les environs immédiats, tel Marols, lui aussi représenté dans
l’Armorial. De plus, Estivareilles est un exemple intéressant de coseigneurie unissant un
seigneur laïc et un seigneur ecclésiastique qui se partagent matériellement deux parties
distinctes des lieux. La représentation de l’Armorial, pour autant que l’on puisse en juger,
semble fidèle, au moins dans les grandes lignes de la physionomie du site, mais aussi dans
certains détails, comme la position des tours. Bien que non terminé, et rajouté in fine, ce
dessin est digne de foi.
NOTES
1. Il faut sans doute entendre par là l’ensemble de l’espace prioral clos d’un mur et non un cloître
au sens propre du terme.
2. Comme la vignette de Chalain-d’Uzore, p. 494 (cf supra p. 470).
3. À l’inverse de Champdieu, p. 476 (cf supra p. 258), où il est très nettement représenté par un
double trait.
4. Représentation analogue à celle du donjon de Saint-Victor, p. 461.
600
Le Prieuré
Pierre Marcoux et Pierre-Yves Laffont
492. Le prioré1
Département : Loire ? : canton : Boën ? ; commune :
L’Hôpital-sous-Rochefort ?
1
Cette vignette est restée à l’état d’ébauche, comme les représentations de La BénissonDieu, Valbenoîte, Pommiers, Montverdun, Estivareilles après lesquelles elle prend place et
qui composent la fin de l’ouvrage (fig. 395). Juste esquissée, seuls les aplats de couleur
rouge des toits sont peints, il manque les ouvertures des bâtiments et le tracé des routes
et chemins que l’on devine toutefois. Comme sur les autres vignettes partiellement
dessinées, le nom du site a été rajouté postérieurement, d’une écriture cursive évoquant
la fin du XVe siècle ou le XVI e siècle. Cependant, ici le cas est plus compliqué puisque
figure seulement la mention « le prioré », sans plus de précision2. Cette vignette pose donc
de gros problèmes d’identification.
601
Fig. 395 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 492) : le prioré.
2
Le site prend l’aspect d’une petite enceinte quadrangulaire, formée de hauts murs
crénelés, défendus à chaque angle d’une échiffe. Une seule tour de flanquement semicirculaire est visible, en façade ; de même hauteur que le rempart, elle est surmontée
d’une terrasse crénelée et ouverte à mi-hauteur d’une fenêtre à meneau. Cette tour
défendait la porte, simple ouverture en berceau plein cintre percée dans la courtine et
protégée par ailleurs par une bretèche et une petite barbacane constituée simplement de
deux murs sans créneaux, l’un joignant la tour, l’autre, en biais, la courtine située à
gauche. Cette barbacane ouvre sur un pont-levis dont le tablier, au dessin
malheureusement confus, semble constitué de marches et bordé de deux rampes ; il
permet de franchir un fossé dont on ne peut dire s’il est sec ou en eau. Au centre de
l’enceinte se dresse un haut clocher rectangulaire largement surdimensionné. Il est
ouvert sur chaque face de grandes baies ouvertes au-dessus d’une corniche et surmonté
d’un hourd coiffé d’une toiture à quatre pans. Le clocher semble être la seule partie
visible de l’église et les toits des édifices qui encombrent l’enceinte sont placés en
désordre et sans liaison logique entre eux ou avec la tour. À l’extérieur de l’enceinte,
quelques maisons (22 au total), peut-être distribuées le long d’une ou deux routes,
forment un petit bourg. Nous sommes donc clairement en présence d’un bourg ecclésial
fortifié et sans doute d’un bourg prioral comme l’indique la brève légende de la vignette.
Toutefois, l’aspect stylisé et le manque de détails caractéristiques de ce dessin permettent
des interprétations de tous ordres et il est difficile d’obtenir une certitude à son sujet. La
copie de l’Armorial réalisée pour la Société de la Diana au XIXe siècle a identifié ce site
avec Apinac, commune du canton de Saint-Bonnet-le-Château, en raison sans doute de la
proximité géographique d’Apinac avec Estivareilles qui occupe la page 491 de l’Armorial.
Toutefois, une autre hypothèse, peut-être plus argumentée, peut aussi être évoquée, celle
d’une identification avec L’Hôpital-sous-Rochefort, lieu par ailleurs très proche
602
géographiquement du site de Couzan qui occupe la page suivante de l’Armorial, la page
493.
3
Le prieuré de L’Hôpital-sous-Rochefort, aux extrémités occidentales du diocèse de Lyon,
est placé sur le « Grand Chemin d’Auvergne qui, par les « montagnes du matin » puis les
cols des « montagnes du soir » reliait Lyon à Clermont3. Placé sous le vocable de SainteMarie, il est attesté dès le XIIe siècle ; il est alors aux mains de la puissante abbaye
auvergnate de La Chaise-Dieu et est peut-être issu d’une donation faite à celle-ci par les
seigneurs de Rochefort. Vers 1225, dans le pouillé de l’Église de Lyon est mentionné l’
ecclesia Hospitalis et le prior Hospitalis de Rochifort, qui est cité comme patronus des églises
de Saint-Laurent-sous-Rochefort, L’Hôpital-sous-Rochefort et Saint-Didier, ce qui
démontre dès cette époque la prééminence du prieuré sur toutes les églises avoisinantes.
En 1274, une transaction est passée entre le prieur et le seigneur de Rochefort pour
délimiter l’étendue des droits de justice du prieuré. Celui-ci et ses prieurs sont
régulièrement mentionnés au XIIIe et au XIV e siècle dans les actes notariés comme
témoins et dans les testaments des contemporains pour des donations ou des sépultures
de familles notables comme les Marcilly ou les Bonvin. Les malheurs de la fin du XIVe
siècle n’épargnent pas le prieuré. En 1359, un routier, Jean de Châlus, escalade les murs
du prieuré qui n’est pas fort et enlève le prieur, Chatard de Dignemine. En 1367, une
querelle entre le prieur et les officiers du comte de Forez en garde au château de Bussy
aboutit à la prise et au pillage en règle du prieuré et de plusieurs maisons du bourg par
quelques soudards :
ceux ci vinrent tantost à la maison dudict moyne. A ladicte maison, aucunes portes et
arches, tant du prieuré, comme des hommes d’icelui, rompirent et briserent par force, et les
bles et vins et autres meubles estanz en ladicte maison, espandirent et degaterent, en moult
manieres [...] et firent plusieurs exces et malefices.
4
L’affaire fut portée devant le bailli royal de Mâcon, mais finalement Jean de Berry, oncle
de Charles VI et lieutenant du Lyonnais, accorda des lettres de rémission aux coupables
en 1368. La même année, nouvelle alerte, Seguin de Badefol passe à L’Hôpital, sans doute
laissa-t-il, lui aussi, des traces de son passage. En 1439, à la suite d’une demande du prieur
Annet de Boissonose et des habitants de la bourgade, le duc de Bourbon accorde
l’autorisation de clore le bourg qui s’est développé autour du prieuré. Mais La Mure nous
apprend qu’en 1445 rien n’a encore été commencé. Une campagne de construction sera
pourtant entreprise qui aboutira à l’érection d’un rempart renforcé d’une dizaine de
tours et percé d’au moins deux portes qui subsistent encore. Cette campagne de travaux
atteindra son apogée à l’époque du priorat de la famille de La Merlée originaire du
château patronymique sis entre Noirétable et Saint-Julien-la-Vêtre. Le 20 avril 1467,
Guillaume de la Merlée reconnaît que la collation de son bénéfice appartient à l’abbé de
La Chaise-Dieu et qu’il lui doit chaque année une pension de 110 sous et une procuration.
On apprend également qu’il est tenu d’entretenir deux religieux cloîtriers dans son
prieuré et de servir une pension de 6 sous au sacristain de La Chaise-Dieu. Le 16 janvier
1483, Guillaume Mastin de la Merlée, neveu du précédent, est condamné par sentence de
Jean de Burianne, abbé de Doue, délégué par l’abbé du Monastier, juge et commissaire des
privilèges du Saint-Siège, à payer une rente annuelle de 30 sous viennois à l’abbaye. Ce ne
sont plus que 24 sous qu’il reconnaît devoir, l’année d’après, le 6 janvier 1484. C’est de
cette époque que sont datés les grands travaux qui modifieront sans doute
considérablement l’aspect du prieuré et de l’église. L’extension, ou un nouvel agencement
des bâtiments, fut sans doute provoquée par la nécessité d’entretenir à demeure deux
religieux et sûrement quelques domestiques. L’obligation, pour une raison inconnue, de
603
refaire la couverture de la nef engagera aussi de grands frais et une modification
extérieure de l’église romane. La façade elle-même a pu être retouchée et le clocher-mur
construit ou reconstruit à cette occasion. Vincent Durand notait déjà, il y a près d’un
siècle, des éléments de construction qui ne pouvaient être antérieurs au XVe siècle, mêlés
aux éléments d’époque romane. Il est vraisemblable que cette campagne de travaux a
nécessité la démolition d’une partie de l’enceinte extérieure du prieuré du côté de la
ville ; enceinte devenue inutile par suite de la construction du rempart urbain au milieu
du XVe siècle. Au XVI e siècle, le prieuré semble négligé. La charge de prieur est alors
accaparée à partir du milieu de ce siècle par les membres de la famille de Châtillon qui
résident à Lyon et où ils disposent par ailleurs de canonicats à Saint-Paul. En 1614,
monseigneur de Marquemont trouve l’église en bon état et convenablement entretenue
(Visites pastorales du diocèse de Lyon). En 1625, Jacques Poulhe, visiteur mandataire de
l’abbaye de La Chaise-Dieu, mentionne une chasuble, une chape, un vieux corporal, une
aube, l’absence d’encensoir et de cierge, et se plaint de ce que le prieur ne fasse aucune
aumône aux pauvres de la paroisse (ADHL 1 H 141). Quant aux bâtiments :
[les] avons trouvé les toictz et couvers en assé bon estat, mais au chambre grenier et aultres
aysances du priouré y eschois plusieurs reparations necessaires pour esvitter aux ruynes
esminantes.
5
Un moine est encore mentionné et il est rappelé au prieur l’obligation qu’il a d’en
entretenir deux. Des terres sont cédées en bail emphytéotique à des fermiers locaux et
200 livres seront prises sur les revenus du prieuré et affectées aux réparations les plus
urgentes, entre autres, remettre des vitres aux fenêtres de l’église. En 1639, Jean
Valladier, visiteur de l’abbaye, fait un état des lieux assez alarmant (ADHL 1 H 141). Les
bâtiments sont occupés par un concierge et sa famille et
toutes choses y sont en assez mauvais ordre et principallement les lieux reguliers.
6
Dans l’église,
la voulte du coeur est grandement ruyneuse depuis une année ou deux, le mal venant de ce
que le cloché qui appuye sur le coeur estant descouvert, il pleust sur une partie de laditte
voulte ; estant monté au cloché il (Jean Valladier, visiteur) l’a veu tout descouvert et
abbattu à fleur du couvert de l’esglise.
7
De grands travaux s’imposent donc, qui donneront au clocher l’aspect qu’on lui connaît
actuellement et qui seront exécutés en saisissant les revenus du prieuré (ordonnance de
Jacques Portefaix, official de l’abbaye en date du 8 juin 1641). Un accord avec l’abbaye de
La Chaise-Dieu moyennant le paiement d’une rente de 180 livres dispense désormais le
prieur d’entretenir des religieux. Les terres sont louées ou cédées à bail à des familles
alentours. Les derniers prieurs sont étrangers à notre région : Jean-Denis de Regemorte
est conseiller clerc à Colmar et Charles-Alexandre Tavernier, dernier prieur nommé en
1787, est chancelier de l’Église de Tours. Les bâtiments, saisis à la Révolution, sont ensuite
vendus comme biens nationaux et partagés entre diverses familles. Ils vont être en partie
défigurés, mais en conservant le plan de l’ensemble, sans destruction notable des
volumes, excepté toutefois dans la cour où la galerie et la tour d’escalier sont abattues.
Les différents travaux n’altéreront pas non plus la physionomie de l’église qui reste ce
qu’elle était devenue au milieu du XVIIe siècle.
8
Si l’on compare la vignette du XVe siècle au parcellaire napoléonien et aux vestiges
archéologiques subsistants (fig. 396a, b), on s’aperçoit qu’il existe quelques coïncidences
troublantes qui permettent à L’Hôpital-sous-Rochefort de postuler sérieusement pour
l’attribution de la vignette de la page 492. Le site serait vu depuis le sud-ouest, les
604
hauteurs dominant le lieu permettant effectivement de le voir dans cette orientation. Le
clocher, élevé à la croisée du transept, se trouve en position dominante au sud de
l’enceinte du prieuré et est donc bien visible pour le dessinateur. Sur la vignette, cet
édifice est de plan rectangulaire et marqué par la présence de trois baies à l’ouest et de
deux au sud, ce qui correspond au clocher actuel, de forme barlongue et dont la
reconstruction au XVIIe siècle a été faite sur les bases romanes. La façade ouest de
l’enceinte priorale, de plan quadrangulaire et bien identifiable sur le cadastre
napoléonien, a subi une transformation importante, probablement après la construction
de l’enceinte urbaine et au moment de la reconstruction des voûtes de la nef à la fin du
XVe siècle. Il aurait pu alors devenir nécessaire de détruire cette partie de l’enceinte afin
de permettre le passage des matériaux. Devenue inutile par le fait de la nouvelle enceinte
urbaine, cette percée permettait de dégager le portail de l’église et de créer un accès du
prieuré vers les rues principales de la ville. La destruction de la tour qui servait de
contrefort a dû entraîner un affaiblissement de la muraille ouest qui fut alors doublée sur
toute sa hauteur, comme en témoignent les arrachements visibles aujourd’hui. Ce
doublage masqua l’ancienne porte d’entrée dont la trace, actuellement occultée par une
porte et une fenêtre percées au XVIIIe siècle, est encore soulignée par la présence des
corbeaux d’une bretèche placés au-dessus, comme représenté dans l’Armorial. Un
témoignage de la tour ronde présent sur la vignette subsiste également sous la maison en
face de l’église, qui est construite en partie sur un soubassement plein et arrondi comme
on pouvait le voir encore dans la cave attenante il y a quelques années. Un mur prenant
sur ce soubassement court parallèlement à l’entrée visible sur la vignette, sous la place
actuelle ; ce pourrait être la base de la barbacane. Il a été repéré à nouveau en 1996 à la
suite de travaux de voirie. Par ailleurs, le fossé de la façade méridionale a pu donner
naissance à la série de caves qui longent parallèlement le mur sud du prieuré dont l’angle
sud-ouest subsiste, au moins en plan, sinon en élévation, dans les murs des maisons
bordant l’église et encadrant l’ancien cimetière. Enfin, si l’on considère la topographie du
faubourg extra-muros représenté sur la vignette, qui comporte plusieurs maisons alignées
sur deux rues principales, la rue la plus importante étant au premier plan, cela
correspond exactement au plan actuel du bourg de L’Hôpital ; la rue du premier plan
permettant encore de joindre les deux portes subsistantes de l’enceinte urbaine. Pour
finir, se pose cependant un problème de taille. En effet, n’apparaît pas sur la vignette la
grande enceinte urbaine du XVe siècle, qui englobe l’enclos du prieuré ainsi que l’habitat
qui s’est développé autour de celui-ci. Toutefois, compte tenu de la date tardive
d’autorisation de construction, 1439, et de la date probable des travaux, 1445 à 1449, il est
tout à fait possible que celle-ci n’ait pas encore été bâtie lors de la réalisation de la
vignette.
605
Fig. 396a – Hypothèse de restitution du site de L’Hôpital-sous-Rochefort (reportée sur le
plan cadastral du XIXe siècle) d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les
informations de l’Armorial de Guillaume Revel.
Fig. 396b – L’Hôpital-sous-Rochefort : angle nord-ouest de l’enceinte fortifiée du prieuré.
9
Si l’on ne peut confirmer d’une façon absolue que la vignette 492 représente le prieuré de
L’Hôpital-sous-Rochefort vers 1440, il est néanmoins assuré qu’il existe un certain
nombre d’arguments en faveur de cette identification : beaucoup de similitudes existent
avec ce qui subsiste actuellement, tant dans les bâtiments prioraux que dans la
606
configuration planimétrique du bourg. Les seuls éléments manquants sont des éléments
disparus ou dont on sait qu’ils ont été profondément modifiés. Par ailleurs, la pagination
de la vignette dans l’Armorial plaide aussi en faveur de cette identification.
NOTES
1. E. De Boos (De Boos, 1998, p. 568) intitule cette vignette : [le] château. Il s’agit là d’une erreur,
on lit en effet nettement en bas de page : le prioré. Ce qui correspond d’ailleurs tout à fait à la
nature du site : un habitat ecclésial fortifié.
2. Un autre texte semble figurer un peu au-dessus de cette mention, mais il est tout à fait illisible.
3. Les références données ci-après viennent de : M. Debout, Les routes et l’implantation des
monastères en Forez, XIe-XIIIe siècle, BNF, 1975 ; M. Chambost, Au pays de Solore : des origines à la
Révolution, Sainte-Agathe-la-Bouteresse, 1989 ; A. Rimaud, Excursions foréziennes. Sur la petite ligne
de Saint-Bonnet-le-Château et à travers champs, Saint-Étienne, Théolier, 1879 ; F. Thiollier, Art et
archéologie dans le département de la Loire, Saint-Étienne, Imp. J. Thomas, 1898.
607
Couzan
Christophe Mathevot
493. Le chasteau de Couzant
Département : Loire ; canton : Saint-Georges-enCouzan ; commune : Sail-sous-Couzan
Le contexte archéologique et historique
1
Le territoire de la commune de Sail-sous-Couzan est peuplé dès le Magdalénien (abri sous
roche de la Grotte des Fées). Dans le bourg, une source d’eau ferrugineuse est aussi
connue dès l’Antiquité, mais l’on ne peut toutefois pas attester avec certitude d’une
implantation thermale gallo-romaine (Brassart, 1881). L’occupation médiévale la plus
ancienne pourrait être celle du château qui domine le bourg. La date d’érection du
château de Couzan reste inconnue, mais elle est antérieure à 1075-1076, date à laquelle
une église située in castro Cosan fait l’objet d’une confirmation de don à Cluny 1. Il n’est,
hélas, pas fait mention du généreux donateur, ni de la date du don. Cependant, un acte
passé entre 1050 et 1080 évoque la donation par Geoffroy II de Semur du prieuré de Sailsous-Couzan aux moniales de Marcigny, et atteste à cette date des possessions de la
famille au pied même du piton rocheux de Couzan (Cartulaire de Marcigny, n° 3). Jean
Richard a démontré que les Damas, seigneurs de Couzan, sont issus d’une branche cadette
de la famille de Semur (Cartulaire de Marcigny). Les modalités de leur implantation en
Forez demeurent toutefois obscures, même si celle-ci est vraisemblablement liée à une
alliance avec une famille locale fortement implantée dans l’ager de Solore autour de l’an
mil (Ganivet, 1993-1994 ; Mathevot, 2005). Le cartulaire de Marcigny fournit de
nombreuses mentions de fidèles de cette branche cadette des Semur pour la seconde
moitié du XIe siècle, fidèles que nous retrouvons encore à Couzan au XIII e siècle : citons
ainsi les Barges, les Batailleu et les Couzan2. La présence encore alleutière de ces familles
dans le castrum au XIII e siècle plaide en faveur d’une politique de chasement dès le XI e
siècle. Les seigneurs de Couzan semblent s’appuyer sur ces fidèles pour « occuper le
terrain ». Les cadets de Semur vont finalement faire souche à Couzan sous le nom de
Damas. Cette puissante famille pèse dès lors sur l’échiquier géopolitique local. Hugues
608
Damas figure parmi les fidèles du comte de Forez au milieu du XIIe siècle (Chartes du
Forez, n° 1560) et il semble conduire une politique d’expansion territoriale le long de
l’ancienne voie d’Aquitaine3. Les comtes vont se montrer méfiants envers les Damas qui
accroissent leur puissance et résistent à la vassalisation progressive des grands du Forez.
Le comte Guy II œuvre à l’encerclement de Couzan : il suscite l’hommage de Rochefort et
la construction du castrum de Cervières en 1180 (Chartes du Forez, n° 303). Les Damas
trouvent alors un appui auprès des Beaujeu qui s’opposent aux comtes. L’hommage de
Couzan devient très disputé et versatile durant la décennie 1220 (Chartes du Forez, nos 36,
43, 45, 1347) et les Damas n’entreront définitivement dans la vassalité comtale qu’en 1229
(Chartes du Forez, n° 50). Ces temps de guerre ont probablement contribué à la mise en
place d’un important système défensif sur le site. Une transformation est évoquée
indirectement par un texte de 1234 (Chartes du Forez, n° 1060) dans lequel il est fait
mention de possessions
infra aggeres veteres de Cosant.
2
Cette fortification (agger) correspond vraisemblablement au château des XIe-XIIe siècles.
Si elle est qualifiée de veteres, c’est par opposition à de nouvelles constructions qui
apparaissent comme récentes au rédacteur de l’acte. L’obsolescence d’une voie d’accès à
la fortification qui est qualifiée de vetus atteste également d’une modification des accès au
site. Une importante mutation foncière aux abords du castrum ainsi qu’au sein même de
celui-ci suit l’entrée des Damas dans la vassalité comtale. Plusieurs textes du début du XIII
e
siècle attestent de la présence ancienne d’alleux échappant aux Damas à l’intérieur du
castrum. Ces possessions, aux mains de fidèles — les Barges, les Batailleu et d’autres —,
s’étendent à l’intérieur même des fortifications. Les seigneurs de Couzan démontrent
alors une volonté de maîtrise foncière implacable vis-à-vis de leurs fidèles. Le texte de
1234 (Chartes du Forez, n° 1060) évoque l’achat pour 30 livres de Lyon à Girard de
Batailleu, domicellus, d’alleux et de droits4 sur cinq maisons et cinq terres dispersées dans
la paroisse de Sail-sous-Couzan. Cette acquisition porte également sur d’autres terres
autours du castrum de Couzan, sauf ce que Girard possède
infra aggeres veteres de Cosant.
3
Il s’agit là d’une petite seigneurie allodiale qui comptait possiblement une domus à Couzan
même. Les Barges ont également conservé leurs alleux et nous rencontrons un Raymond
de Barges qui, en 1251 (Chartes du Forez, n° 935), lègue à sa fille ce qu’il possède à SaintGermain-Laval et à Praval (sur Sail-sous-Couzan) ainsi que des biens
in castro et burgo de Cosant.
4
Ces petits seigneurs sont possessionnés dans la paroisse de Sainte-Agathe dès 1276
(Chartes du Forez, n° 197), sans y posséder toutefois la justice. Ils y constituent un fief lige
jurable et rendable avec la bienveillance du comte : en 1312 (AN, P 490, n° 253), ils y
tiennent une domus et fortalicium puis, en 1315, un
castrum... cum mandamento, territorio et omnia juridictione (ADL, B 1851, f° 128-129 ;
AN, P 490, n° 253).
5
Si les Batailleu, les Couzan et les Barges semblent avoir en commun des possessions
allodiales dans la paroisse de Sail-sous-Couzan et de Couzan, d’autres seigneurs dont la
présence est plus surprenante possèdent également des droits dans le castrum. En 1268
(Perroy, 1977, notice 116, p. 500), Jean de Marcilly, seigneur de Chalmazel, est confirmé
par la cour de Forez dans la possession d’une place anciennement maison située dans le
castrum. Cet encombrant voisin indispose Renaud Damas qui tente de récupérer la place
sans succès... Comment les Marcilly ont-ils pu prendre pied à Couzan alors que leur
609
château et seigneurie de Chalmazel ont été suscités par le comte pour surveiller les
Damas ? Jean de Marcilly conduit une politique incessante d’accroissement de sa
seigneurie entre 1246 et 1270, et l’on ne peut écarter l’hypothèse de l’acquisition d’un
bien jusque-là allodial. Les seigneurs de Couzan sont ainsi en concurrence directe avec
d’autres seigneurs, comme l’attestent encore les nombreuses acquisitions de l’abbesse de
Bonlieu en 1270 qui achète à Jean et Humbert Batailleu des terres, des prés et des vignes
situés à Couzan même (Chartes du Forez, nos 30 et 904). Les anciens fidèles se retirent
donc de Couzan et cèdent leur place aux plus offrants. On observe ainsi une importante
mutation foncière et une réelle volonté des Damas d’investir les espaces encore allodiaux
à l’intérieur du castrum. Mais quelle est la réalité de ces alleux ? Les textes ne sont pas très
explicites sur les possessions des Marcilly, des Barges et des Batailleu à Couzan, tout au
plus peut-on pressentir la présence de plusieurs domus, sièges de petites seigneuries
implantées aux environs. Il faut admettre que l’espace castral puisse avoir été occupé par
plusieurs petits établissements seigneuriaux dont on ignore aujourd’hui tout. Ce recul des
fidèles des Damas n’est pas à mettre en relation avec une désertification du site, au
contraire... Une paroisse sous le vocable de saint Saturnin (1225) et un bourg (1251) sont
attestés dès la première moitié du XIIIe siècle, époque à laquelle est également cité pour la
première fois (1247) un mandement castral très étendu (Chartes du Forez, nos 901, 935,
1402). Peu d’éléments permettent d’appréhender la réalité du castrum au XIII e siècle. Seul
un texte d’enquête relatif à la mort d’un sergent royal, daté des environs de 1270 (Chartes
du Forez, n° 1181)5, fait mention de la domus de Renaud Damas, seigneur de Couzan, et de
l’aula de Cosant. Les Damas sont en mauvaise posture financière à la fin du XIII e siècle
(ADL, B 1850, fi 66 r° et 69 r° ; Chartes du Forez, n° 907). Aimée Damas se trouve en tête de
la liste de la Ligue des nobles de 1315 pour obvier aux tailles et subventions que Philippe
le Bel levait sur eux (AN, P 14001, cote 849 ; Titres de la maison ducale de Bourbon, n
° 1382). En 1323, il se voit saisir divers gages par les sergents du comte de Forez à la
requête d’un citoyen de Lyon réclamant le paiement de 150 livres tournois (ADL, B 1902).
Toutefois, cette banqueroute financière n’a plus de raison d’être dès 1326, date à laquelle
Hugues Damas contracte un mariage avec Alice de La Perrière, héritière des Roanne et des
Saint-Haon. La dot est de 2 000 livres tournois et représente un fabuleux pactole : la
moitié du château et de la seigneurie de Roanne, le château de Chalain-Uzore, des biens
dans les paroisses de Comelle et de Vernay, les maisons fortes de La Forêt et de La Motte,
des biens à Saint-Forgeux et Saint-Germain-l’Espinasse, à Saint-Romain-la-Motte, Mably,
Noally, dans le mandement de Cervières, etc. Un de leurs fils, Jean II de Damas-Cosan,
pourrait avoir été abbé de Cluny de 1383 à 1400, mais rien n’est moins sûr6. Plus
certainement, leur fils Guy connaît une belle carrière militaire qui le conduit au service
du roi : il défend Bourges en 1356 et participe à plusieurs chevauchées aux côtés du duc de
Berry dont il devient un conseiller influent. Grand échanson de Charles VI en 1385, il est
successivement Grand maître de l’Hôtel du roi en 1386 puis Grand chambellan en 1401
(Chroniques de Froissart). En 1380 (Perroy, 1977, p. 277), Guy Damas avoue ce qui
constitue la plus grosse fortune du Forez (après celle du comte) : cinq castra (Couzan,
Sauvain, Chalain, Nervieux, Urbise), trois maisons fortes (Boën, La Motte, La Forêt) et de
grosses censives. À l’apogée de sa puissance, mais au bord de la disgrâce, il semble à
l’origine d’une phase de fortification importante du castrum de Couzan engagée dès avant
1397-1398 (Diana, 1 E4, n° 72) et qui se poursuivra jusqu’en 1410 sous l’impulsion d’Hugues
Damas, son fils7. La nouvelle fortification ainsi créée donne lieu à la naissance d’un
habitat constitué de quelques maisons distinctes du bourg dont les détenteurs sont
identifiés durant la seconde moitié du XVe siècle. Les logis sont occupés par des officiers
610
ou agents seigneuriaux (capitaine, trompette, portier), mais aussi par certains vassaux et
quelques ecclésiastiques de localités voisines dépourvues de fortifications8. Après douze
générations, la lignée des Damas s’éteint finalement en 1424 : Alice Damas, sœur du
dernier seigneur de Couzan, hérite des biens de la famille et se marie à Eustache de Lévis
en 1428. Les possessions des Lévis-Couzan se recentrent alors sur le Forez : en 1447, toutes
leurs terres Roannaises sont vendues à Jacques Cœur moyennant 12 000 livres tournois
(Perroy, 1977, t. I, p. 283). Les Lévis, alors seuls barons en Forez9, ne résident pas à Couzan
et préfèrent le confort de leur château de Chalain-d’Uzore. Lors d’un dénombrement
réalisé en 1540, Claude de Lévis confesse
tenir [son] chasteau et forteresse de Cousant, consistant en maisons, domaynes, dongeons,
basse court la ou il y a prisons fortes pour tenir malfaicteurs 10, tours, plate forme pour la
defense d’icelles, gardable, jurable et rendable au Roy nostre souverain seigneur... auquel
mond. chasteau jay accoustumé, de tout temps et ancienneté, faire guet par les hommes du
mandement, et je ouvre et ferme la porte au cry d’ung cord d’arein qu’est corné par le
tourrier de matin et soir.
6
Les officiers de Couzan ne résident pas dans le castrum : ainsi, vers 1548, maistre Jehan
Blanchichon, chastellain de la baronnie de Cozan, réside à Boën (Diana, ancien fond Chabert).
Quant aux tourier et geôlier, ce sont en fait les membres d’une même famille de
laboureurs habitant une maison abénévisée dans l’enceinte du château11... En 1548, on
compte seulement deux foyers dans le château et trois dans le bourg (ADL, 1 E dem 4461).
L’église devient une simple annexe de Sail et Couzan n’est plus paroisse12. La forteresse
sert avant tout de grenier13 pour les impositions perçues sur les terres de la baronnie qui
compte alors 6 à 700 feux. Les Lévis demeurent en possession de Couzan jusqu’au début
du XVIIe siècle avant que Louis de Saint-Priest n’en devienne brièvement le maître. Des
travaux d’aménagement semblent être entrepris vers 1634 dans la basse-cour du château
et un receveur est installé sur place dès 1637 (Mathevot, 2003). Le château est pourtant en
ruine en 1656 lorsque la seigneurie est rachetée par les Luzy (Diana, 1 E1, n° 76-2). Le
château n’est plus guère utilisé durant le XVIIIe siècle et servira de prison pendant la
Révolution (Garnier, s. d.). Depuis 1931, il est propriété de La Diana, Société historique et
archéologique du Forez, qui y entreprend aujourd’hui des études et y conduit un
programme de restauration.
La représentation de l’Armorial
7
La vignette de Couzan est très épurée et sa mise en couleur limitée aux toitures (fig. 397).
Malgré l’imprécision et le manque de finition du dessin, l’organisation générale du site et
ses composantes apparaissent bien synthétisées et donnent une bonne vue d’ensemble. Le
dessinateur s’est posté au nord-est, vraisemblablement sur la colline des Junchuns14.
Couzan est représenté dans un paysage de moyenne montagne où domine un fort relief.
On distingue au sommet d’une proéminence rocheuse le château et son dense réseau de
fortifications, puis, en contrebas, le bourg et enfin l’église. L’église se résume à un
bâtiment barlong à travée de nef unique. Le mur pignon est, qui semble être la façade de
l’édifice, est à peine esquissé. Un trait léger laisse entrevoir deux baies latérales en plein
cintre et un porche. Il est également surmonté d’un clocher-mur ouvert de trois arcatures
où sont logées des cloches. Quatre maisons, représentées très schématiquement,
entourent l’église. De plan barlong, elles possèdent une toiture à deux pans couverte en
tuiles. Elles sont ouvertes de baies rectangulaires sur les murs gouttereaux est et d’une
porte en plein cintre sur les murs pignons nord. Ces représentations très stéréotypées se
611
retrouvent sur l’ensemble des vignettes de l’Armorial. Le bourg est composé de cinq de
ces « maisons types » disposées sur un alignement nord-sud. Les murs pignons de
chacune sont ouverts à l’est. Une sixième construction se distingue par la hauteur de son
bâti, sa couverture à un seul pan et la présence d’une très haute cheminée. Le château
épouse la forme de la proéminence rocheuse et, depuis son sommet, développe un réseau
de fortifications formant quatre enceintes successives où aucune porte n’est figurée.
L’enceinte sommitale, de taille réduite, est composée de courtines crénelées et de deux
tours rectangulaires également crénelées et non couvertes. L’espace protégé se compose,
à l’est, d’une tour maîtresse et à l’ouest d’une tour plus modeste. Entre ces deux tours
circulaires, crénelées et couvertes, l’on observe un imposant bâtiment barlong, dont un
pignon regarde à l’est. Deux enceintes très rapprochées ceinturent la haute-cour du
château et se déploient au nord. La première est composée de tours circulaires de taille
modeste où aucun crénelage n’est visible. L’enceinte inférieure possède des tours plus
imposantes. Enfin, pour finir, autour de l’ensemble, une vaste basse-cour ceinturée par
une enceinte cantonnée de cinq tours circulaires renferme une douzaine de constructions
qui n’occupent toutefois que l’angle nord de la surface enclose.
Fig. 397 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 493) : le chasteau de
Couzant.
Les données archéologiques
8
Les premières investigations archéologiques remontent à la fin des années 1990. Des
travaux de sauvegarde étaient alors nécessaires à la mise en sécurité du site. Ainsi durant
la dernière décennie, l’étude d’une partie de l’enceinte extérieure, d’un bâtiment de la
basse-cour et de l’ensemble de la chapelle a pu être réalisée (Le Barrier, Mathevot, 1998 ;
Mathevot, 2001-2004 ; Mathevot, 1999 ; Mathevot, 2000 ; Mathevot, 2001c). Depuis 2006,
des campagnes d’études du bâti sont encore conduites afin d’appréhender les états
612
successifs des parties supposées les plus anciennes du castrum15. Parallèlement, un relevé
stéréogrammétrique complété par des relevés topographiques au sol a permis d’avoir une
vision d’ensemble de ce site qui s’étend sur plus d’un hectare et conserve encore près de
700 m linéaires de fortifications (fig. 398-402). Les structures les plus anciennes connues
à ce jour se sont développées au sommet du promontoire granitique bordé d’un à-pic au
sud et à l’est. L’étude du bâti de la haute-cour a permis de mettre en évidence une
enceinte primitive sur laquelle vient se plaquer un ensemble incluant la tour appelée
« des Damas »16 et deux courtines attenantes (fig. 407, 408). La tour, rectangulaire (7 m x
8 m) aux angles arrondis, est partiellement parementée en opus spicatum. Elle s’élève sur
quatre niveaux planchéiés. Seule une porte romane en autorisait l’accès au second niveau.
À l’est, la courtine nord est ouverte d’une porte et se déploie en hauteur au moins
jusqu’au troisième niveau de la tour. L’ensemble est daté par C14 de l’intervalle 1025-1184
17
. Le pic de datation C14 le plus probable donne 1084, date très voisine de la première
mention textuelle du château et de l’église (1075-1076). La tour des Damas est la plus
haute figurée sur la vignette de l’Armorial où elle apparaît crénelée et couverte. Sa forme
circulaire est-elle une erreur du dessinateur ? L’absence d’angles vifs et de chaînages ainsi
que l’éloignement de la vue expliquent sans doute ce rendu approximatif. À la tour
maîtresse romane se substitue à la fin du Moyen Âge un autre donjon (tour SaintAntoine), représenté sur la vignette nettement moins haut que la tour des Damas et daté
de circa 1387 (analyse dendrochronologique ARC09/R3610D). C’est pourtant cette tour à
cinq niveaux qui semble faire office de logis seigneurial avec nombre d’éléments de
conforts18 ( fig. 403). Un vaste bâtiment rectangulaire accolé et aménagé vers 1279
(analyse dendrochronologique ARC09/R3610D) s’apparente à une grande salle
seigneuriale dont l’importance et l’orientation sont parfaitement représentées sur la
vignette. La partie sud du bâtiment sera ensuite complètement bouleversée par la
construction en 1355 (analyse dendrochronologique ARC09/R3610D) d’une tour
rectangulaire également visible sur le dessin. La mise en place du nouveau donjon est
précédée d’un renforcement du système de porterie nord. Un véritable « sas » vient
désormais doubler l’enceinte primitive. Il est accessible par une tour-porche
rectangulaire et défendue par de hautes courtines crénelées surmontées d’un chemin de
ronde et d’une échauguette. Bien que la vignette ne représente aucune échauguette, la
tour et la courtine sont bien figurées.
613
Fig. 398 - Vue aérienne du site.
Fig. 399 - Vue d’ensemble du site.
614
Fig. 400 - Photographie du site vers 1880.
Fig. 401 - Plan d’ensemble du site.
615
Fig. 402 - Cadastre de 1834.
Fig. 403 - Vue de la tour maîtresse circulaire.
9
Les deuxième et troisième enceintes sont presque totalement arasées aujourd’hui (fig.
404, 405). L’angle sud-est de la seconde enceinte a été mis en évidence par de récentes
études du bâti. Aucune tour circulaire n’y est aménagée contrairement à la vue de Revel.
616
Peut-être existait-il une tour rectangulaire que le dessinateur aura stéréotypée ?
L’orientation de la seconde enceinte semble en conformité avec la vignette. La courtine
ouest est la seule partie subsistante de la troisième enceinte. Elle est percée d’une porte
qui n’est pas figurée sur la vignette, mais l’angle de vue ne le permettait pas.
Fig. 404 - La haute cour et la troisième enceinte.
Fig. 405 - L’enceinte basse et ses tours.
617
10
L’enceinte extérieure (fin XIVe-début XVe siècle) vient doubler le système de fortification
précédent et se déploie sur plus de 250 m. Elle possède cinq tours : une rectangulaire
(tour-porche du Pont), deux ouvertes à la gorge, deux tours d’angle circulaires (à l’est la
tour dite de l’Écuyer, à l’ouest celle dite du Mandement) (fig. 406, 409). La vignette les
figure toutes cinq, mais semblables et circulaires, elles semblent tout aussi stéréotypées
que le sont les représentations des maisons. Le dessinateur bâcle donc les détails et
néglige également de représenter un fossé sec doublant le nord de cette enceinte.
L’écrasement des perspectives, dû à la distance entre le dessinateur et son sujet, a pu
jouer19. Les logis enserrés entre les deux dernières enceintes, au nord, subsistent en partie
mais ont été fortement remaniés au XVIIe siècle. Hors de l’enceinte, les quelques masures
du bourg de Couzan encore en élévation ne présentent plus aucune caractéristique
médiévale. Il existait ici un pressoir banal attesté au tout début du XVIIe siècle (Diana, 1 E4
, n° 114) et sans doute un four qui pourrait correspondre au bâtiment doté d’une haute
cheminée sur la vignette. Il n’en subsiste rien. L’orientation actuelle des bâtiments est en
adéquation avec la vue de la vignette, le long d’un axe de communication nord-sud
mentionné comme carriera publica en 1467 (Dulac, 1887, [40]). Ce chemin, qui longeait le
chevet de l’église de Couzan, descendait au nord au bourg de Sail et rejoignait au sud le
hameau du Pont où l’on franchissait le Lignon en direction de Montbrison20.
L’environnement immédiat du bourg est planté majoritairement de vignes au milieu du
XVIe siècle (Diana, 1 E7, cote 580, terrier Collongi), ce qui n’est pas le cas sur la vignette où
sont représentés grossièrement quelques arbres pouvant évoquer une forêt. La mise en
vigne des coteaux pourrait ne pas être antérieure au XVIe siècle. La chapelle, ancienne
église paroissiale, a fait l’objet de deux campagnes de relevés en 2001. Il s’agit d’un édifice
barlong à une travée de nef voûtée en berceau mais qui, à l’origine, était doté de deux
travées de nef. Un clocher-mur ouvert de deux arcatures surmonte aujourd’hui l’arc
triomphal (fig. 410). La vignette représente trois arcatures mais les études d’élévation
ont mis en évidence d’importants remaniements. D’après l’angle de vue de la
composition, la façade visible du bâtiment correspondrait en fait au chevet, ce qui n’est
pas le cas sur la vignette. Les deux baies et la porte (juste esquissées et non passées à
l’encre) peuvent avoir été rajoutées à posteriori.
618
Fig. 406 - Vue de détail d’une tour de flanquement.
Fig. 407 - La « tour des Damas » : ensemble tour-courtine et élévation extérieure nord.
619
Fig. 408 - La « tour des Damas ».
Fig. 409 - Vue de détail d’une archère d’une tour de flanquement.
620
Fig. 410 - Façade actuelle de la chapelle, ancienne église paroissiale.
11
Les discordances observées entre la vignette et le bâti encore en place (forme des tours,
absence de portes, inversion de l’abside de la chapelle, absence de fossé) ne remettent pas
en cause la totalité de la représentation. La grande distance à laquelle s’est placé le
dessinateur explique beaucoup d’imprécisions et l’écrasement des perspectives. Couzan a
été probablement croqué à la hâte, sur le sommet d’une colline voisine, et n’a fait l’objet
d’aucun complément in situ. La vignette est donc d’une moindre qualité artistique que les
autres, mais demeure pourtant instructive et nous propose une lecture synthétique du
système défensif et de ses éléments constitutifs.
Page 493
LE CHASTEAU DE COUZANT
Étude héraldique
837. « or, croix ancrée de gueulles ».
Cet écu n’est pas dessiné ! Le blasonnement de l’écu est seulement décrit en bas en gauche de
la page où est représenté le château.
Damas de Couzan. Ces armoiries n’étaient plus portées que par Alice de Couzan,
femme d’Eustache de Lévis (cf. supra n° 769 p. 73) et elles figurent plutôt ici comme
des armes de fief que comme celles d’un personnage déterminé. Elles furent souvent
reprises, écartelées avec celles de Lévis et parfois d’autres quartiers, par les
descendants d’Eustache et d’Alice, comme on peut le voir sur le tombeau de Gabriel
de Lévis, bailli de Forez en 1535, et de sa femme Anne de Joyeuse, près de l’entrée de
l’église de Chalain-d’Uzore.
• Sceaux : Demay, 1885-1886, 3115-3117 ; Roman, 1909, 3843-3853.
• De Boos, 1995, 377 ; Raneke, 1975, 2348 ; Philocarité, 4.
621
Emmanuel De Boos
NOTES
1. Le 9 décembre 1075 ou 1076, le pape Grégoire VII confirme à Hugues de Semur, abbé de Cluny,
la possession de l’ecclesia de Cosan : ... in episcopatu Lugdunensi [...] ecclesiam in castro Gosam...
(Bullarium Cluniacensis, p. 18) ; ... in episcopatu Lugdunensi [...] ecclesiam in castro Colan (Santifaller,
1957). En réalité, ces deux transcriptions sont fausses, cf. BNF, Nouv. acq. lat. 2262, Cartulaire de
Cluny, C, f° 23 r°, qui donne le texte suivant : ... in episcopatu Lugdunensi [...] ecclesiam in castro
Cosan... (Cf. Mathevot, 2001a et Mathevot, 2001b). Acte ayant échappé à É. Perroy et É. Fournial,
qui se contentent de la mention du début du XIIe siècle (Cartulaire de Savigny, n° 884).
2. Artaud et Girard de Barges assistent ou représentent Geoffroy II de Semur lors de nombreuses
donations brionnaises au XIe siècle. Leurs possessions s’étendent aux confins des pagi de
Marcigny et d’Autun, autour de Barges (commune de Briant, canton de Semur), cf. Cartulaire de
Marcigny, nos 5, 6, 7, 8, 9, 16, 19, 25, 34, 37, 39, 41, 47, 48, 56, 57, 73, 86, 121, 277, 281. Nous
trouvons en 1251 un certain Raymond de Barges qui cède à sa fille ce qu’il possède à SaintGermain-Laval, à Praval (sur Sail-sous-Couzan) et in castro et burgo de Cosant (Chartes du Forez, n°
935). Il en est de même pour les Batailleu implantés dans la vallée de l’Azergues et de l’Anse
(Cartulaire de Savigny, n° 806), et surtout à Amplepuis où Hugues, Artaud et Umbert de Batailleu
sont cités plusieurs fois aux côtés de Frédelan de Chamelet, sire de Semur, dans les années 1080
(Cartulaire de Savigny, nos 756 et 770). La famille possède même une part des dîmes du lieu
(Cartulaire de Savigny, n° 941). Un texte de 1234 (Chartes du Forez, n° 1060) évoque les alleux et
les droits de Girard de Batailleu sur cinq maisons et cinq terres de la paroisse de Sail-sousCouzan, et sur d’autres terres autour du castrum de Couzan et infra aggeres veteres de Cosant. Citons
également Blain de Couzan qui fait don d’une part de l’église de Marcilly vers 1070-1080
(Cartulaire de Savigny, n° 765) et qui se voit confier les terres jadis possédées par Pons Lieras à
Colombette. Blain est le mari de Vualburgis et le père d’ Arricus. Un Arricus, qualifié de miles
« forézien », est cité à propos de l’église de Dyo en Charolais (possession des Semur), en
compagnie d’un Pons de Colombeta et d’un Girard Barges (Cartulaire de Paray-le-Monial, n° 91).
3. Leurs visées s’étendent à l’est jusqu’à Feurs et à l’ouest jusqu’à Olliergues, au moins depuis le
début du XIIe siècle (Cartulaire de Savigny, n° 884 ; Chartes du Forez, n° 1159).
4. ... alodium et dominium.
5. L’enquêteur recueille des témoignages, certifiant avoir vu l’assassin : serviens in domo domini
Reginaldi de Cosant tanquam administrator... in aula domini R. de Cosant apud Cosan.
6. C’est ce qu’affirment les auteurs de la Gallia christiana (t. IV, 1728, col. 1156), en précisant
cependant qu’il est le fils d’Amédée et d’Alice de La Perrière, ce qui ne peut être le cas. É. Perroy
(Perroy, 1977) n’évoque pas le personnage.
7. Hugues Damas fait foi et hommage de Couzan et de Chalain-d’Uzore le 12 juin 1408 (AN, P 492,
n° 639) et doit faire nommer sous quarante jours de ses autres possessions. Hugues part donc en
quête des fois et hommages de ses vassaux (Jean de La Garde en 1409, cf. Diana, 1 E 7, n° 241 ;
François du Says et liste des hommages faits et à faire, cf. Diana, 1 E 4, n° 076). L’affaire est réglée
le 14 mai 1410 (AN, P 492, n° 639). Douze jours plus tard, officiellement investi, le seigneur de
Couzan intente une procédure envers divers habitants de Palogneux au sujet des réparations au
622
château de Couzan auxquelles ils sont assujettis d’après les terriers (Diana, 1 E 4, n° 77). Ces
derniers, profitant sans doute des événements, ne se sont pas acquittés de cette lourde charge.
Cet épisode atteste en tout cas de la poursuite d’une politique de fortification. En 1409 (Diana, 1 E
7, n° 241), la Porte du Pont est attestée, elle ouvre à l’est de la dernière enceinte, ce qui laisse
penser que la majeure partie des travaux a été réalisée à cette date et qu’Hugues semble
déterminer à rentrer dans ses frais au cours de l’année 1410.
8. En 1409, Jean de Garde, dominus de Chiesa, fait hommage à Hugues Damas d’une maison apud
Couzan, subtus aulam de Couzan et d’un terrain dans le castrum de Couzan (Diana, 1 E 7, n° 241). La
maison appartient encore au seigneur de La Chèse en 1449 (ADL, B 1901). En 1448, Louis de
Lorgue, chevalier, seigneur de l’Aubépin, lègue à sa fille Catherine tout ce que le testateur a Cousan
et non devant (Mazures de l’abbaye royale de l’Isle-Barbe, t. I, p. 530). L’ancien curé de Palognieux
détient également une maison qu’il lègue à son successeur à la cure en 1449. Le même texte cite
d’autres possesseurs de maison : André du Junchin (non noble), le curé de Trelins (ADL, B 1901, f°
113). Arthaud Morret, capitaine châtelain, habite dans le castrum entre 1440 et 1452 (ADL, B 1899,
f° 159 et B 1901, f° 247), le portier Pierre Vitton également en 1419 et 1420 (ADL, B 1889 et B 1888,
f° 133), tout comme Jean Regard, trompette (ADL, B 1889, f° 188 et B 1888, f° 133 v°).
9. Selon l’usage de France, baronnie complette doit avoir sous elle ville close privilegee de foires & marches,
avec iuridicion haute, moyenne & basse, cinq chastellennies sous icelle baronnie en mesme iuridicion,
forests, droits de ban pour fours, pressoirs & autres ordinaires. D’ainsi complettes s’en treuvent bien peu.
Au bailliage de Forest s’en treuve une seule, qui est Cosan, ou y a ville muree, nomme Boen, de la qualité
susdite, cinq chastellennies, sçavoir Cosan, ou est le fort, Boen, Artum, Chalain Duzore, autre Chalain le
Comtal, Champs. Plusieurs forests de haute fuste, droit de foires et marches, bans de vente de vin, pressoir
bannier, fours, moulins, pesche, chasse et autres plusieurs prerogatives (Secret du troisième et dernier
notaire de Jean Papon, p. 502).
10. En 1548 : Robert Regard, laboureur, habitant dans le chastel de Cosant, servant du seigneur de Cosant
et geollier... (ADL, 1 E dem 4461, f° CVI ; terrier de la baronnie de Couzan signé Collongi, 1548).
11. Jean Regard (avant 1514-mort après 1562), manoperarius domini Cosani ; Robert Regard (avant
1535-mort après 1561), tourier de Couzan et fermier des leydes des foires de Saint-Jus-en-Bas,
Sauvain (1535), geôlier de Couzan (1548), possède des terres, deux maisons, une étable sise à
Cosant ; Mathieu Regard, dit Prachail (avant 1548-mort avant 1619), habitant de Couzan, est
possessionné à Couzan (maison, grange, cour, étable, jardin et terres) (Diana, 1 E 6, n° 166 ; 1 E6, n°
164 ; 1 E4, n° 96). Cette famille tiendra la conciergerie du château jusqu’au XVIII e siècle.
12. Terrier de la seigneurie de Montarbout (1558-1591) (ADL, série E).
13. En 1535 à 1537, il est fait mention du grenier de Monseigneur en la basse cour et du grenier de
Monseigneur à Cousan en la grande salle des dixmes (Diana, 1 E 4, n° 99).
14. Lieu-dit, commune de Leigneux.
15. Cf. les rapports 2006 et 2007 au Service régional de l’Archéologie Rhône-Alpes.
16. Sur un plan de la fin du XVIII e siècle (Diana, soub. 7). Les noms des éléments d’architecture
énoncés ci-après se réfèrent à ce document sauf mention contraire.
17. Datation C14 réalisée par le CDRC de l’Université Lyon 1, réf. Ly-14141.
18. Latrines sur 4 niveaux, cheminées sur 3 niveaux, fenêtre à meneau, coussiège.
19. Fossé mis en évidence par sondage (Le Barrier, Mathevot, 1998). La parcelle cadastrale qui
longe le nord et l’est de l’enceinte est nommée dans la matrice cadastrale de 1834 « le fossé »
(Mairie de Sail-sous-Couzan).
20. Diana, 1 E 7, n° 580. Terrier Collongi, 1548. Rappelons également que l’enceinte extérieure du
castrum est ouverte à l’est de la porte du « Pont ». Le pont de Couzan est attesté en 1420 (Legs
dans le testament de M. Boera, ADL, B 1889, f° 188) et le lieu-dit existait dès le XIII e siècle (Chartes
du Forez, n° 1060), l’axe est donc ancien.
623
Chalain-d’Uzore
Franck Brechon et Chantal Delomier
494. Le chasteau d’Izoyre
Département : Loire ; canton : Montbrison ; commune :
Chalain-d’Uzore
Le contexte et l’apport des sources écrites
1
Le secteur de Chalain est occupé dès l’Antiquité. Les substructions d’un temple ont ainsi
été mises au jour à la fin du XIXe siècle, ainsi qu’un trésor de monnaies et d’argenterie et
plusieurs statuettes en bronze ou en pierre (Lavendhomme, 1997, p. 75-77). Cependant,
toutes ces découvertes ont été effectuées dans le quartier de La Pierre Murée et dans ses
abords, et non à l’emplacement même du site médiéval. L’élément le plus ancien du site
de Chalain-d’Uzore à être mentionné est l’église, qui apparaît dans la documentation au
XIe siècle avec l’ecclesia de Chalanno in Ysouro (Cartulaire de Savigny, t. II, p. 1055). Il faut
par la suite attendre 1224 pour que l’église apparaisse à nouveau, mais indirectement
cette fois. À cette date, le capellanus de Chaygn d’Usouro figure dans l’obituaire de l’Église de
Lyon (Obituaire de l’Église de Lyon, p. 34). L’ecclesia de Chalang in Ysoure apparaît aussi en
1225 dans le pouillé du diocèse de Lyon : elle est alors à la nomination de l’archevêque de
Lyon, de même que celles de Saint-Georges-en-Couzan, Sauvain et Saint-Bonnet-desQuarts, réunies dans le même paragraphe (Pouillés de la Province ecclésiastique de Lyon,
p. 6). En 1313-1314, c’est le luminaire de l’église de Chalain qui bénéficie d’un legs
testamentaire de J. de Basso (Testaments foréziens, n° 84). C’est d’ailleurs dans ce
testament qu’apparaît pour la première fois explicitement la paroisse de Chalain-d’Uzore.
Toutes ces mentions de l’église de Chalain nous amènent à bien distinguer
topographiquement le site ecclésial de Chalain et le lieu-dit d’Uzore lui-même, qui ne
s’applique au Moyen Âge qu’à la montagne qui se trouve à proximité, ainsi que le rappelle
un acte de 1233 dans lequel il est bien question de deux éléments distincts, puisqu’un
chemin va alors de Saint-Clément à Chalain par le puy d’Uzore (Chartes du Forez, n° 57).
Néanmoins, si le toponyme « Uzore » désigne un sommet, il est aussi appliqué à une
circonscription. Ainsi, au XIe siècle et en 1225, l’église de Chalain d’Uzore est située in
624
Ysouro, le toponyme complet « Chalain d’Uzore » (Chalaygn d’Usoro) renvoyant à la même
réalité. L’« Uzore » est-elle une simple entité géographique et/ou une circonscription
territoriale du haut Moyen Âge ? Rien ne permet malheureusement de répondre de
manière affirmative à cette question.
2
Le château apparaît tardivement dans la documentation en 1290, lorsque le chevalier
Guillaume d’Aubigny ne pouvant se rendre à Montbrison, pour cause de maladie, pour
rendre hommage au comte de Forez de son fief du castrum de Chalayng, prie celui-ci de
recevoir son fils ou de lui accorder un délai (Chartes du Forez, n° 266). Une vingtaine
d’années après, en 1310, le castrum de Chalain est hommagé au comte de Forez par
Hugues Damas, sire de Couzan (Barban, 1885 p. 205). Il reste ensuite inféodé à cette
famille, puisqu’en 1414, les gens de la chambre des comptes de Forez déclarent avoir reçu
du procureur de Guy de Couzan, chevalier, la copie du dénombrement de ses fiefs, à
savoir notamment les châteaux de Chalain-d’Uzore et de Sauvain (Titres de la maison
ducale de Bourbon, n° 4987). Il faut attendre 1333 pour que soit mentionné le mandement
de Chalain :
... castrum et mandamentum de Chalaygn d’Usoro... (Chartes du Forez, n° 564).
3
Mais cette mention semble unique, ce qui ne peut que nous faire douter de l’existence
réelle de ce mandement, tant la formulation retenue renvoie à un stéréotype courant
sous la plume des scribes. Un habitat se développe sous les murs de l’église Saint-Didier,
mais il est impossible de savoir quand celui-ci apparaît. En effet, les mentions les plus
anciennes ne portent que sur l’église elle-même, n’apportant aucune précision sur un
éventuel habitat qui occuperait ses alentours. Les premiers habitants attestés par la
documentation le sont tardivement, puisqu’il faut attendre 1428 pour que des maisons
soient clairement mentionnées (Diana, 1 E4, n° 156). Bien que situé le long d’un axe
régional important, le « chemin de Forez » (Fournial, 1967, p. 138-139), le village de
Chalain-d’Uzore ne connaît qu’un développement limité.
La représentation de l’Armorial
4
Ce dessin n’est qu’une esquisse au trait, rehaussée d’aplats rouges pour les toitures (fig.
411). La vignette de l’Armorial représente Chalain vu depuis l’ouest. Aucun relief, ni
élément naturel n’est représenté. Au centre du dessin se dresse une puissante
fortification carrée, dont les murs présentent une haute élévation. Le plan
quadrangulaire de cette enceinte peut être restitué sans difficulté à partir du plan
cadastral du XIXe siècle. Très simple, elle est seulement cantonnée de quatre échiffes,
situées à chacun de ses angles. L’accès à cet ensemble se fait par une porte unique,
représentée face au dessinateur, au milieu de la courtine. Cette dernière, en plein-cintre,
perce une tour carrée placée en saillie sur la courtine. Cette tour constitue le seul ouvrage
défensif élaboré du site, puisqu’elle est surmontée d’un étage crénelé, manifestement
associé à des mâchicoulis. La feuillure d’une herse est perceptible dans la porte. Celle-ci
est prolongée par un pont-levis dont les flèches sont représentées de manière peu
réaliste. Pour finir, cette haute courtine crénelée est ceinturée d’un fossé. Il est ici
représenté sec, ce qui n’est pas le cas sur les autres vignettes des sites de plaine, où les
douves sont en eau. Cela tient sans doute au fait au fait que le dessin ne soit qu’une
esquisse, les fossés de Chalain devant être eux aussi en eau. D’une surface réduite,
l’enceinte englobe l’église Saint-Didier, dont seul le clocher émerge du rempart. Il s’agit
d’un édifice carré, dont le sommet est percé de deux baies en plein cintre par face et dont
625
l’élévation est soulignée par deux corniches. Il est couvert, selon un modèle très répandu
dans l’Armorial, par une toiture à quatre pentes. Le sommet d’un grand bâtiment apparaît
aussi à l’intérieur de l’enceinte, manifestement adossé au rempart sur la face est, mais il
est impossible de préciser de quelle construction il s’agit. Néanmoins, elle doit
probablement être châtelaine, étant donnée sa hauteur et ses proportions qui ne
correspondent pas à celles des maisons paysannes. À moins qu’il ne s’agisse d’une
représentation particulièrement maladroite en terme de perspective de la nef de l’église
Saint-Didier, d’autre cas d’une semblable déformation sont connus pour l’Armorial. Enfin,
treize maisons villageoises sont dessinées sans ordre apparent, si ce n’est qu’elles
délimitent sommairement une placette en avant du château. Bien que non terminées,
elles correspondent au stéréotype de l’Armorial à l’exception de trois, qui sont groupées
dans une cour fermée à laquelle on accède par un imposant portail. Même si les
principaux éléments constitutifs du site figurent bien sur la vignette, celle-ci n’est pas
achevée : l’absence de fenêtre, de cheminée, de planche pour les échiffes et d’autres
détails habituels sur les vignettes terminées, en constitue la meilleure preuve. Le dessin
s’apparente à un croquis de terrain, à peine complété par une autre main ; seul le rouge
des toitures ayant été posé.
Fig. 411 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 494) : le chasteau
d’Izoyre.
Les vestiges archéologiques et le parcellaire
5
Le parcellaire ainsi que les vestiges conservés permettent de restituer de manière assez
précise ce petit castrum, et viennent étayer les données des sources écrites dans
l’interprétation générale du site (fig. 412, 413). L’église Saint-Didier est bien l’élément
central de Chalain-d’Uzore, le plus ancien en tout cas. Cette église est un édifice roman,
très homogène que l’on peut attribuer au XIIe siècle (fig. 414, 416, 417). Suivant un plan
626
régulier, qui n’a pas fait l’objet de remaniements postérieurs à sa construction, elle est
composée d’une nef unique, prolongée par une abside semi-circulaire. Deux absidioles
s’ouvrent sur chaque bras du transept et un clocher carré est édifié à la croisée du
transept. Seul ce dernier a fait l’objet de remaniements, puisque dans son état actuel, il a
été rehaussé après le Moyen Âge d’une rangée de doubles baies en plein cintre. C’est
autour de l’église que l’enceinte fortifiée se structure. De plan quadrangulaire, son tracé
est encore parfaitement lisible. Bien que proche de celui figuré sur la vignette, il n’est pas
tout à fait similaire puisqu’il ne suit pas le bel ordonnancement carré que lui a attribué le
dessinateur. Très homogène, cette fortification témoigne, pour autant que l’on puisse en
juger, d’une phase de construction unique, et seul le rempart est a été réédifié après le
Moyen Âge. L’unique porte d’accès au site est placée, comme indiqué sur la vignette, au
centre de la face ouest (fig. 418). Les bâtiments castraux se situent en périphérie de cette
enceinte, adossés au rempart, pour l’essentiel sur ses flancs est et sud. L’aile est, la mieux
conservée, présente encore des éléments médiévaux significatifs, bien qu’elle ait fait
l’objet de remaniements non négligeables (fig. 415). Le rez-de-chaussée est occupé par un
cellier et une pièce annexe située au nord du cellier. Depuis l’extérieur, l’accès se fait
d’abord dans cette pièce, jadis subdivisée en deux étages sur plancher ainsi qu’en
attestent les corbeaux encore en place. La porte d’accès au cellier présente un arc en anse
de panier chanfreinée (sans doute rajoutée au XVIe siècle), plaqué sur l’ouverture
ancienne qui est ainsi occultée. Très vaste, le cellier se compose d’un berceau central
voûté en plein cintre sur lequel s’ouvrent huit cellules annexes, voûtées en arcs brisés. Le
premier étage de l’aile sud est occupé par une vaste salle d’apparat, à attribuer pour
l’essentiel au XVIe siècle (une cheminée est datée de 1547), même si des ouvertures
médiévales subsistent. C’est sans doute à cette époque que le rempart oriental a aussi été
réédifié, avec mise en place de bouches à feu. L’aile adossée au sud est aussi très
largement tardimédiévale, ainsi que l’attestent de nombreux élément architecturaux
(cheminée, porte, fenêtres à meneau, traverse et moulurations prismatiques) et l’escalier
en vis qui distribue les circulations verticales avec l’aile ouest. La charpente de ce secteur,
encore en place, présente de nombreuses analogies avec celle de l’aile méridionale du
prieuré bénédictin de Pommiers-en-Forez, datée de 1448. Formée de chevrons formantferme (espacés de 0,68 m), à entrait retroussé et jambettes, elle est encore étrésillonnée
par une croix de Saint-André dans le plan du poinçon. Des fenêtres anciennes subsistent
aussi à l’extrémité du bâtiment (Thiollier, 1889, p. 270 et 271, gravures n° 444 et 446). Pour
finir, le petit édifice placé au fond de la cour pourrait être le colombier mentionné dans le
terrier de 14281. Se pose le problème de l’habitat villageois à l’intérieur des remparts.
Rien sur la vignette n’indique qu’il existe et les lieux ne permettent pas de penser que des
maisons se soient implantées entre l’église et les bâtiments aristocratiques. Tout au plus,
les seules maisons paysannes que l’on peut situer sont celles implantées à l’extérieur de
l’enceinte.
627
Fig. 412 - Vue aérienne du site dans les années 1990.
Fig. 413 - Hypothèse de restitution du site (reportée sur le plan cadastral du XIX e siècle)
d’après le parcellaire, les vestiges archéologiques et les informations de l’Armorial de
Guillaume Revel.
628
Fig. 414 – Détail d’une baie romane de l’église.
Fig. 415 – Façade sur cour du manoir actuel.
629
Fig. 416 - Vue générale du clocher et du manoir.
Fig. 417 - La façade occidentale de l’église et le mur pignon nord du manoir.
630
Fig. 418 - Vue extérieure de la porte actuelle du site.
6
On peut penser que Chalain est simplement à l’origine une église, Saint-Denis, sans doute
d’origine altimédiévale et ayant peut-être même attiré un embryon d’habitat. Dans un
second temps, au XIIe ou au XIII e siècle, en tout cas avant 1290, l’église est intégrée à un
château formé principalement d’une enceinte et d’un logis seigneurial en appui sur celleci. Pour autant que l’on puisse en juger la représentation du site qui est donnée dans
l’Armorial semble fidèle en tous points à la réalité.
NOTES
1. ... super quodam platea in qua solebat esse colombarium..., à proximité du chemin de Chalain à
Chandieu (Diana, 1 E8, n° 156, article 11).
631
Nervieux ?
Pierre-Yves Laffont
495. Le chasteau de Nervie
Département : Loire ; canton : Feurs ; commune :
Nervieux ?
1
Ce site n’est pas clairement identifié. Il fait partie des neuf sites foréziens figurant dans
l’Armorial simplement sous forme d’une ébauche sur papier collée a posteriori sur le
manuscrit original (fig. 419). Cette page est sans titre ; toutefois, il a été ajouté en
écriture cursive en bas à droite, à la fin du XVe siècle ou au XVI e siècle, l’identification
suivante :
Le chasteau de Nervie.
632
Fig. 419 - Vignette de l’Armorial de Guillaume Revel (Bnf, fr. 22297, p. 495) : le chasteau de
Nervie.
2
Cette mention a évidemment amené les érudits foréziens à identifier cette vignette avec
le site de Nervieux près de Feurs. Cependant, l’étude du cadastre napoléonien (fig. 420) et
de la documentation ancienne ainsi qu’une visite des lieux permettent rapidement de se
convaincre qu’il ne s’agit pas d’une représentation de Nervieux. Le castrum de Nervieux 1
paraît avoir été constitué d’un château et d’un habitat associé comprenant une église, le
tout enserré dans une enceinte circulaire, dont la morphologie indique clairement qu’elle
est très antérieure au milieu du XVe siècle et donc à la réalisation de l’Armorial. Or
l’illustration de l’Armorial nous présente au contraire un château sans habitat, si l’on
excepte les six maisons éparses qui l’entourent, et même isolé dans la campagne, comme
en témoignent les nombreux arbres figurés par le dessinateur. Le château est constitué
d’une enceinte crénelée apparemment quadrangulaire munie d’une tour-porte elle aussi
quadrangulaire ; celle-ci est couronnée d’un hourd. La tour est coiffée d’une toiture à
quatre pans que surmonte une guette. Un second hourd renforce partiellement le
rempart à droite de la tour ; au second plan a été représenté ce qui pourrait être
interprété comme une échauguette quadrangulaire couverte d’un toit à quatre pans et
crénelée. La tour-porte est précédée d’une barbacane qui protège un pont – peut-être un
pont-levis – franchissant vraisemblablement un fossé ceinturant le site. Entre le fossé et
l’enceinte principale s’élève une enceinte basse non crénelée destinée à protéger la base
des murailles contre les projectiles. Un hameau de très petite taille s’est développé devant
la porte du château.
633
Fig. 420 - Le bourg de Nervieux sur le plan cadastral du début du XIXe siècle.
3
Globalement, l’aspect inachevé et sommaire du dessin rend son interprétation délicate ;
mais, assurément, il ne s’agit pas de Nervieux. Si la mention infrapaginale n’est pas
erronée, ce qui n’est pas impossible, elle désigne un autre site.
NOTES
1. Celui-ci est attesté indirectement dès 1264, lors d’une transaction réglant les droits respectifs
du comte de Forez et du prieur de Pommiers, pour l’exercice de la chasse, de la justice et des
usages à Pommiers et sur le territoire qui en dépend. Il est fait mention des châtelains de Bussy et
de Nervieux pour le comte (Titres de la maison ducale de Bourbon, n° 406).
634
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Archives départementales du Rhône
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Archives départementales de la Haute-Loire
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Archives de la Société de la Diana (Montbrison, Loire)
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Abréviations
1
ADL : Archives départementales de la Loire
ADR : Archives départementales du Rhône
ADHL : Archives départementales de la Haute-Loire
Afan : Association pour les fouilles archéologiques nationales
ALPARA : Association de liaison pour le patrimoine et l’archéologie en Rhône-Alpes et en
Auvergne
AN : Archives nationales, Paris
APDCA : Association pour la promotion et la diffusion des connaissances archéologiques
ARALO : Association pour la recherche archéologique en Languedoc oriental
ArchéA : Archéologie bénévole en Limousin
Ars. : Bibliothèque de l’Arsenal, Paris
BAR : British archaeological reports
BEFAR : Bibliothèque de l’École française d’Athènes et de Rome
BMR : Bibliothèque municipale de Roanne
Bnf : Bibliothèque nationale de France
CAR : Cahiers d’archéologie romande
CeRAA : Centre d’études et de recherches d’archéologie aérienne
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
CNSHS : Congrès national des sociétés historiques et scientifiques
CRA : Centre de recherches archéologiques (Valbonne, Alpes-Maritimes)
CRTG : Centre de recherches sur les techniques gréco-romaines
CTHS : Comité des travaux historiques et scientifiques
Daf : Document d’archéologie française
DARA : Documents d’Archéologie en Rhône-Alpes et en Auvergne
Diana : Archives de la Société de la Diana, Montbrison
DRAC : Direction régionale des affaires culturelles
EHESS : École des Hautes Études en science sociale de Lyon
ENS : École normale supérieure
FERACF : Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France
FRAL : Fédération des groupes de recherches archéologiques du département de la Loire
GRAL : Groupe de recherche archéologique de la Loire
HMSO : Her Majesty’s Stationery Office
653
Inra : Institut national de la recherche agronomique
Inrap : Institut national de recherches archéologiques préventives
LAMOP : Laboratoire de Médievistique Occidentale de Paris
MSH : Maison des sciences de l’homme
PEAO : Pôle éditorial archéologique de l’Ouest
PUF : Presses Universitaires de France
RACF : Revue archéologique du Centre de la France
RAE : Revue archéologique de l’Est
RAN : Revue archéologique de Narbonnaise
RAO : Revue archéologique de l’Ouest
RAP : Revue archéologique de Picardie
SAPRR : Société des Autoroutes Paris Rhin-Rhône
SFECAG : Société française d’étude de la céramique antique en Gaule
SPF : Société préhistorique française
SRA : Service régional de l’archéologie
UMR : Unité mixte de recherche
654
Répertoires
Répertoire des noms de lieux mentionnés dans l’étude
héraldique
Nota bene :
Sauf exceptions précisées, tous les lieux mentionnés dans ce répertoire sont
aujourd’hui dans le département de la Loire. Les Nos renvoient aux notices
héraldiques figurant dans chaque monographie. Ils renvoient par ailleurs à De
Boos, 1998.
Ailly (cne Pradines, ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 786 p. 98
Apinac (ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) : 772 p. 74
Arcon (cne Saint-Haon-le-Châtel, ar. Roanne, ch.-l. cant.): 836 p. 400
Arthun (ar. Montbrison, cant. Boën) : 769 p. 73
Audrier (cne Besson, Allier, ar. Moulins, cant. Souvigny) : 797 p. 131
Aurec (cne Aurec-sur-Loire, Haute-Loire, ar. Yssingeaux, ch.-l. c.) : 770 p. 73
Aurouse (cne Molompize, Cantal, ar. Saint-Flour, cant. Massiac) : 790 p. 107
Aveize-sous-Dun-le-Roi (cne La Clayette, Saône-et-Loire, ar. Charolles, ch.-l. cant.) : 834 p.
369
Bellîme (cne Courpière, Puy-de-Dôme, ar. Thiers, ch.-l. cant.): 789 p. 107
Boën (ar. Montbrison, ch.-l. cant.) : 769 p. 73
Boisset (cne Boisset-lès-Montrond, ar. Montbrison, cant. Saint-Just-Saint-Rambert): 773 p.
74
Boisvair (cne Sury-le-Comtal, ar. Montbrison, cant. Saint-Just-Saint-Rambert): 802 p. 152
Bonvert alias Bauvert (cne Mably, ar. Roanne, cant. Roanne-nord) : 778 p. 75
Branceloup (cne Saint-Étienne, ch.-l. dép.) : 798 p. 137
Brunard (cne Saint-Clément, Allier, ar. Vichy, cant. Le Mayet-de-Montagne) : 834 p. 369
Bussy (cne Bussy-Albieux, ar. Montbrison, cant. Boën) : 795 p. 131
Cerzieu (cne Saint-Marcel-de-Félines, ar. Roanne, cant. Néronde) : 782 p. 76
655
Chalain-d’Uzore (ar. et cant. Montbrison) : 769 p. 73
Chalain-le-Comtal (ar. et cant. Montbrison) : 775, 823 p. 74, p. 264
Chalmazel (ar. Montbrison, cant. Saint-Georges-en-Couzan) : 775 p. 74
Chambon (cne Chambon-sur-Dolore, Puy-de-Dôme, ar. Ambert, cant. Saint-GermainL’Herm) : 789 p. 107
Chambost (cne Chambost-Longessaigne, Rhône, ar. Lyon, cant. Saint-Laurent-deChamousset) : 773 p. 74
Charrouil (cne Loudes, Haute-Loire, ar. Le Puy, cant. Loudes) : 796 p. 131
Chaugy (cne Sail-les-Bains, ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 771 p. 73
Chenereilles (ar. Montbrison, cant. Saint-Jean-Soleymieux) : 773 p. 74
Chenevoux (cne Bussières, ar. Roanne, cant. Néronde) : 806 p. 163
Cornillon (cne Cuzieu, ar. Montbrison, cant. Saint-Galmier) : 780, 824 p. 75, p. 264
Courcenay (seigneurie en Beaujolais) : 801 p. 144
Couzan (cne Sail-sous-Couzan, ar. Montbrison, cant. Saint-Georges-en-Couzan) : 769 p. 73
Crémeaux (ar. Roanne, cant. Saint-Just-en-Chevalet) : 776 p. 75
Curraise (cne Précieux, ar. et cant. Montbrison) : 823 p. 264
Curys (cne Curis-au-Mont-d’Or, Rhône, ar. Lyon, cant. Neuville-sur-Saône) : 782 p. 76
Cuzieu (ar. Montbrison, cant. Saint-Galmier) : 780, 824 p. 75, p. 264
Dorat (Puy-de-Dôme, ar. et cant. Thiers) : 776 p. 75
Dunières (Haute-Loire, ar. Yssingeaux, cant. Montfaucon-en-Velay) : 770 p. 73
Écotay (Écotay-l’Holme, ar. et cant. Montbrison) : 774, 784 p. 74, p. 90
Empurany (Ardèche, ar. Tournon, cant. Lamastre) : 770 p. 73
Espercieu (cne Épercieux-Saint-Paul, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 819 p. 236
Estieuges (cne Cours-la-Ville, Rhône, ar. Villefranche-sur-Saône, cant. Thizy) : 822 p. 264
Estivareilles (prieuré d’) (ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) : 768 p. 73
Feugerolles (cne Le Chambon-Feugerolles, ar. Saint-Étienne, ch.-l. cant.) : 823 p. 264
Goutelas (cne Marcoux, ar. Montbrison, cant. Boën) : 793 p. 121
Grandris (Rhône, ar. Villefranche-sur-Saône, cant. Lamure-sur-Azergues) : 818 p. 236
Gumières (prieuré de) (ar. Montbrison, cant. Saint-Jean-Soleymieux) : 785 p. 98
Jas (ar. Montbrison, cant. Feurs) : 811 p. 171
Jullien (non localisé) : 772 p. 74
La Barin (cne Marcilly-le-Châtel, ar. Montbrison, cant. Boën) : 800 p. 137
La Bastie (cne Saint-Étienne-le-Molard, ar. Montbrison, cant. Boën) : 795 p. 131
La Bénisson-Dieu (abbaye de) (ar. Roanne, cant. Roanne-nord) : 835 p. 393
La Chapelle (La Chapelle-d’Aurec, Haute-Loire, ar. Yssingeaux, cant. Monistrol-sur-Loire) :
770 p. 73
La Curée (cne Vivans, ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 836 p. 400
La Fay (cne Néronde, ar. Roanne, ch.-l. cant.): 808 p. 163
La Faye (cne Malhes, ar. Saint-Étienne, cant. Saint-Genest-Malifaux) : 819 p. 236
La Ferrière (cne Marcilly-le-Châtel, ar. Montbrison, cant. Boën) : 775 p. 74
656
La Garde (cne Saint-Didier-sous-Rochefort, ar. Montbrison, cant. Noirétable) : 793 p. 121
La Garde (cne Saint-Thomas-la-Garde, ar. et cant. Montbrison) : 781, 815, 828 p. 75, p. 219,
p. 308
La Gentilière (cne Panissières, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 800 p. 137
La Grange (cne Marcilly-le-Châtel, ar. Montbrison, cant. Boën) : 775 p. 74
Laire (cne Ariane, Puy-de-Dôme, ar. Ambert, ch.-l. cant.): 780, 824 p. 75, p. 264
La Liègue (cne Saint-Cyr-les-Vignes, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 814 p. 212
La Merlée (cne Saint-Julien-la-Vêtre, ar. Montbrison, cant. Noirétable) : 789 p. 107
La Molière (cne Glaine-Montaigut, Puy-de-Dôme, ar. Clermont-Ferrand, cant. Billom) :
790 p. 107
La Raffinière (non localisé ; en Roannais) : 779 p. 75
La Roche (cne Arfeuilles-Saint-Priest, Allier, ar. Vichy, cant. La Palisse) : 836 p. 400
La Roche (cne Maringes, ar. Montbrison, cant. Chazelles-sur-Lyon) : 814 p. 212
La Roche (cne Saint-Priest-la-Roche, ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 804 p.
163
La Roue (cne Saint-Anthème, Puy-de-Dôme, ar. Ambert, ch.-l. cant.): 770 p. 73
La Salle (cne Feurs, ar. Montbrison, ch.-l. cant.) : 800 p. 137
La Valette (cne Saint-Étienne, ch.-l. dép.) : 819 p. 236
Laye (cne Lay, ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 793 p. 121
Le Bost-Neulize (cne Neulize, ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 791 p. 107
Le Broc (Puy-de-Dôme, ar. et cant. Issoire) : 789 p. 107
Le Cognier (cne Saint-Cyr-les-Vignes, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 807 p. 163
Le Colombier (non localisé) : 772 p. 74
Le Crozet (ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 836 p. 400
Le Mas (cne Bessenay, Rhône, ar. Lyon, cant. L’Arbresle) : 827 p. 293
Le Rousset (cne Saint-Jean-Soleymieux, ar. Montbrison, ch.-l. cant.) : 786 p. 98
Les Cornets (cne Glaine-Montaigut, Puy-de-Dôme, ar. Clermont-Ferrand, cant. Billom) :
780, 824 p. 75, p. 264
Lespinasse (cne Saint-Forgeux-Lespinasse, ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 770 p. 73
Les Salles (cne Saint-André-d’Apchon, ar. Roanne, cant. Saint-Haon-le-Châtel) : 822 p. 264
Le Verger (cne Urbise, ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 771 p. 73
Le Vernet (cne Saint-Galmier, ar. Montbrison, ch.-l. cant.): 815 p. 219
Mably (ar. Roanne, cant. Roanne-nord) : 769 p. 73
Magneu (Magneu-le-Gabion, cne Saint-Laurent-la-Conche, ar. Montbrison, cant. Feurs) :
779 p. 75
Magneu (Magneux-Haute-Rive, ar. et cant. Montbrison) : 777 p. 75
Maleval (cne Saint-Héand, ar. Saint-Étienne, ch.-l. cant.) : 819 p. 236
Merlieu (cne Savigneux, ar. et cant. Montbrison) : 784 p. 90
Meys (Rhône, ar. Lyon, cant. Saint-Symphorien-sur-Coise) : 821 p. 264
Mizérieu (ar. Montbrison, cant. Feurs) : 804 p. 163
657
Montagny (ar. Roanne, cant. Ferreux) : 779 p. 75
Montaignet ou Montaignac (cne Saint-Hilaire-Cusson-la-Valmitte, ar. Montbrison, cant.
Saint-Bonnet-le-Château) : 832 p. 319
Montarcher (ar. Montbrison, cant. Saint-Jean-Soleymieux) : 770, 829 p. 73, p. 318
Montfaucon (Montfaucon-en Velay, Haute-Loire, ar. Yssingeaux, ch.-l. cant.) : 821p. 264
Montpeloux (cne Saillant, Puy-de-Dôme, ar. Ambert, cant. Viverols) : 770 p. 73
Montrond (Montrond-les-Bains, ar. Montbrison, cant. Saint-Galmier) : 773 p. 74
Néronde (ar. Roanne, ch.-l. cant.) : 807 p. 163
Nervieux (ar. Montbrison, cant. Feurs) : 769 p. 73
Neysieu (cne Saint-Étienne, ch.-l. dép.) : 819 p. 236
Noailly (ar. Roanne, cant. Saint-Haon-le-Châtel) : 775 p. 74
Noirétable (prieuré de) (ar. Montbrison, ch.-l. cant.) : 787 p. 107
Ouches (ar. Roanne, cant. Roanne-sud) : 782 p. 76
Pélucieu (cne Roziers-en-Donzy, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 802 p. 152
Pontigny (abbaye de) (Yonne, ar. Auxerre, cant. Ligny-le-Châtel) : 835 p. 393
Prunerie (cne Saint-Maurice-en-Gourgois, ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) :
830 p. 319
Ressis (cne Saint-Cyr-de-Valorges, ar. Roanne, cant. Néronde) : 808 p. 163
Roche-en-Régnier (Haute-Loire, ar. Le Puy, cant. Vorey) : 769 p. 73
Roche-la-Molière (ar. Saint-Étienne, cant. Saint-Étienne-nord-ouest) : 774 p. 74
Rochefort (cne Saint-Laurent-Rochefort, ar. Montbrison, cant. Boën) : 774, 795 p. 74, p. 131
Rochetaillée (cne Saint-Étienne, ch.-l. dép.) : 773 p. 74
Ronins (cne Saint-Étienne, ch.-l. dép.) : 798 p. 137
Ronzières (cne Ternand, Rhône, ar. Villefranche-sur-Saône, cant. Le Bois-d’Oingt) : 822 p.
264
Saint-Anthème (Puy-de-Dôme, ar. Ambert, ch.-l. cant.): 770 p. 73
Saint-Bonnet-des-Oules (ar. Montbrison, cant. Saint-Galmier) : 818 p. 236
Saint-Bonnet-le-Courreau (ar. Montbrison, cant. Saint-Georges-en-Couzan) : 784 p. 90
Saint-Forgeux (cne Saint-Forgeux-Lespinasse, ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 782 p. 76
Saint-Haon-le-Châtel (ar. Roanne, ch.-l. cant.): 835 p. 393
Saint-Just-en-Chevalet (ar. Roanne, ch.-l. cant.): 795 p. 131
Saint-Just-Malmont (Haute-Loire, ar. Yssingeaux, cant. Saint-Didier-en-Velay) : 821 p. 264
Saint-Léger (Saint-Léger-sur-Roanne, ar. Roanne, cant. Roanne-sud) : 834 p. 369
Saint-Marcel (Saint-Marcel-de-Félines, ar. Roanne, cant. Néronde) : 782, 805 p. 76, p. 163
Saint-Marcel (Saint-Marcel-d’Urfé, ar. Roanne, cant. Saint-Just-en-Chevalet) : 796 p. 131
Saint-Marcellin (ar. Montbrison, cant. Saint-Just-Saint-Rambert): 772 p. 74
Saint-Médard (Saint-Médard-en-Forez, ar. Montbrison, cant. Chazelles-sur-Lyon) : 775 p.
74
Saint-Polgues ou Sapolgue (ar. Roanne, cant. Saint-Germain-Laval) : 834 p. 363
658
Saint-Priest (Saint-Priest-en-Jarez, ar. Saint-Étienne, cant. Saint-Étienne-nord-est) : 821 p.
264
Saint-Priest-la-Roche (ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 778 p. 75
Saint-Romain-le-Vieux (cne Chazelles-sur-Lavieu, ar. Montbrison, cant. Saint-JeanSoleymieux) : 813 p. 199
Saint-Thurin (ar. Montbrison, cant. Noirétable) : 795 p. 131
Sainte-Colombe (Sainte-Colombe-sur-Gand, ar. Roanne, cant. Néronde) : 778 p. 75
Salles-les-Feurs (cne Nervieux, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 781 p. 75
Sauvain (ar. Montbrison, cant. Saint-Georges-en-Couzan) : 769 p. 73
Souternon (ar. Roanne, cant. Saint-Germain-Laval) : 795, 801 p. 131, p. 144
Sugny (cne Nervieux, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 800 p. 137
Sury-le-Bois (cne Saint-Cyr-les-Vignes, ar. Montbrison, cant. Feurs) : 772 p. 74
Tinières (cne Beaulieu, Cantal, ar. Mauriac, cant. Champs-sur-Tarentaine-Marchal) : 790 p.
107
Tortorel (cne Estivareilles, ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) : 773 p. 74
Tourzy (cne La Pacaudière, ar. Roanne, ch.-l. cant.): 836 p. 400
Trémolin (cne Saint-Just-en-Chevalet, ar. Roanne, ch.-l. cant.): 797 p. 131
Urbise (ar. Roanne, cant. La Pacaudière) : 771 p. 73
Urfé (cne Champoly, ar. Roanne, cant. Saint-Just-en-Chevalet) : 795 p. 131
Usson-en-Forez (ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) : 770 p. 73
Vaures (cne Savigneux, ar. et cant. Montbrison) : 784 p. 90
Veauche (ar. Montbrison, cant. Saint-Galmier) : 773 p. 74
Vernoille (cne Pommiers, ar. Roanne, cant. Saint-Germain-Laval) : 792 p. 113
Villechaize (cne Neulise, ar. Roanne, cant. Saint-Symphorien-de-Lay) : 791 p. 107
Villeneuve (cne La Tourette, ar. Montbrison, cant. Saint-Bonnet-le-Château) : 789 p. 73
Vinols (cne Bard, ar. et cant. Montbrison) : 784 p. 90
Répertoire héraldique
Nota bene :
Dans ce type de table, on a coutume de désigner les couleurs héraldiques par des
lettres majuscules : A : argent ; B : azur ; G : gueules ; H : hermine ; O : or ; N : sable ;
V : sinople ; Z : vair.
On a utilisé aussi les abréviations suivantes : acc. : accompagné ; ch. : chargé ;
cour. : couronné ; iss. : issant.
Les Nos renvoient aux notices héraldiques figurant dans chaque monographie. Ils
renvoient par ailleurs à De Boos 1998.
AIGLE
A/B : 811 p. 171
ARBRE SEC
G/B : 803, 806 p. 163
659
ANNEAUX DE FEUILLAGE
V/0 : 835 p. 393
ARGENT PLAIN
3 de 797 p. 131
AZUR PLAIN
2 et 3 de 799 p. 137
BANDE
A/G (ch. 2 mouchetures d’hermine N) : 1 et 4 de 799 p. 137
A/N (ch. 3 mouchetures d’hermine G) : 793 p. 121
O/B (ch. demi-vol N et acc. 3 étoiles A) : 825 p. 275
O/G (ch. 3 corneilles N) : 789 p. 107
BANDE ENGRÊLÉE
A/G (le bord inférieur seul engrêlé) : 2 et 3 de 816 p. 219
B/parti O et G : 805 p. 163
N/O : 822 p. 264
coupée A et N/coupé N et A : 807, 808 p. 163
BESANTS (2)
O/N : 2 de 797 p. 131
CHEF
A/... (ch. 3 merlettes) : 817 p. 227
G/O (ch. lion issant O) : 834 p. 369
G/Z : 790, 795 p. 107, p. 131
Z/G : 823 p. 264
Z/G (le champ ch. étoile B) : 774 p. 74
échiq. A et B/G (le premier compon A ch. d’un écusson O fasce fuselée G) : 829 p. 319
échiq. O et G/B : 815 p. 219
échiq. O et G/B (le champ ch. étoile O) : 781, 828 p. 75, p. 308
CHÊNE
V/A (fruité O) : 788, 791 p. 107
V/coupé G et 0 : 802, 810 p. 152, p. 177
CROIX
O/N : 782 p. 76
B/A (acc. bordure G) : 821 p. 264
CROIX ANCRÉE
G/A : 804 p. 163
G/O : 769 p. 73
G/O : 837 p. 469
N/O : 777 p. 75
N/O (acc. bâton G) : 826 p. 283
CROIX ENGRÊLÉE
O/B : 800 p. 137
CROISETTES RECROISETTÉES AU PIED FICHÉ (3)
O/G (au chef A ch. fasce ondée B) : 776, 1 et 4 de 816
p. 75, p. 219
660
ÉCARTELÉ (de plains)
A et B : 1 et 4 de 772 p. 74
O et B (au lambel G br.) : 778 p. 75
O et G : 771 p. 73
G et A (l’A ch. de 3 fasces ondées B) : 827 p. 293
ÉCHIQUETÉ
O et B : 818 p. 236
FASCE
A/G (acc. 6 merlettes A) : 773 p. 74
B/A (frettée O) : 813 p. 199
N/G (au chef A) : 801 p. 144
FASCE FUSELÉE
G/O : 831 p. 319
FASCE ONDÉE
N/O : 814 p. 212
FASCE VIVRÉE
A/B : 1 et 4 de 797 p. 131
FASCES (2)
V/O : 2 de 835 p. 393
FASCES (3)
G/O : 812 p. 185
FASCES ONDÉES (3)
G/A (au chef A ch. 3 fleurs de lis G) : 832 p. 319
FASCE
O et B : 770 p. 73
FEUILLES DE SCIE (3)
A/G : 820 p. 249
FUSÉES (4)
A/G (accolées en bande) : 836 p. 400
LION
A/B : 785 p. 98
A/N (le champ semé de billettes A) : 796 p. 131
A/fascé G et V : 798 p. 137
O/B (acc. bâton G) : 779 p. 75
O/G (cour. A ; acc. 3 aiglettes O, cour. A) : 786 p. 98
O/N (le champ semé de molettes O) : 775 p. 74
G/A : 824 p. 264
G/A (acc. bordure N besantée O) : 2 et 3 de 772 p. 74
G/A (acc. chevron engrêlé B br.) : 780 p. 75
G/O : 794 p. 121
LION AILÉ
O/B : 787 p. 107
LOSANGE
O et B (au chef G) : 783 p. 76
661
MARTEAUX (3)
B/A (acc. bordure engrêlée G) : 833 p. 369
PALE
O et G : 1 et 4 de 784 p. 90
G et O (au chef B ch. 3 besants A) : 2 et 3 de 799 p. 137
PARTI
Z et G : 809 p. 171
Z et G (le G ch. d’une moucheture d’hermine B) : 819 p. 236
PARTI ÉMANCHÉ
A et G : 830 p. 319
POINTS ÉQUIPOLLÉS
cinq B et quatre O : 768 p. 73
SAUTOIR
G/O : 792 p. 113
TOURTEAU
G/A : 5 de 797 p. 131
Table des cimiers
Nota bene :
Les Nos renvoient aux notices héraldiques figurant dans chaque monographie. Ils
renvoient par ailleurs à De Boos 1998.
BAR
(iss.) : 804 p. 163
CERF
(tête et col G, ramé B) : 791 p. 107
CHÈVRE
(tête et col) : 834 p. 369
CHIEN
(tête et col) : 789 p. 107
CIGOGNE
814 p. 212
(tête et col) : 818 p. 236
COQ
(tête et col) : 779 p. 75 (tête et col ; dans un vol B et V) : 824 p. 264
CYGNE
(iss.): 780, 807, 808, 815 p. 75, p. 163, p. 219
DAME
(buste): 776 p. 75
DRAGON
(iss. V) : 823 p. 264
FAUCON
809 p. 171
(dans un vol) : 827 p. 293
662
GRIFFON
(iss.) : 770, 822 p. 73, p. 264
HURE DE SANGLIER
778 p. 75
LÉVRIER
(assis) : 805 p. 163
(tête et col) : 816 p. 219
(tête et col, colleté d’une couronne) : 806 p. 163
(tête et col, une croisette pattée au collier) : 798 p. 137
LION
(tête et col) : 784, 786, 799 p. 90, p. 98, p. 137
(tête et col, cour.) : 769, 774 p. 73, p. 74
(tête et col, dans un vol) : 773 p. 74
(iss. d’une queue de paon) : 796 p. 131
MORE
(iss.) : 811 p. 171
RENARD
(tête et col) : 781 p. 75
SAINT JACQUES
(iss., vêtu en pèlerin) : 836 p. 400
SANGLIER
(passant) : 782 p. 76
TORTIL
(B et A, dans un vol) : 800 p. 137
TOUFFE DE PLUMES
(B et G, d’où sort une longue plume G) : 790, 795 p. 107, p. 131
Répertoire alphabétique des possesseurs d’armoiries
Nota bene :
Les Nos renvoient aux notices héraldiques figurant dans chaque monographie. Ils
renvoient par ailleurs à De Boos 1998.
Albon (Guillaume d’) : 782 p. 76
Angirieu (Antoine d’) : 818 p. 236
Augerolles (Antoine d’) : 834 p. 369
Barges (Étienne de) : 784 p. 90
Bec (Louis) : 793 p. 121
Boisvair (Jean de) : 802, 810 p. 152, p. 171
Bonnevie (François de) : 832 p. 319
Bouthéon (Bertrand de) : 827 p. 293
Brenon (Antoine) : 813 p. 199
Charsala de Sainte-Colombe (Jean) : 778 p. 75
Chaugy (Georges de) : 771 p. 73
663
Chenevoux (Jean de), prieur de Saint-Aubin : 803 p. 163
Damas de Couzan : 837 p. 469
Du Bois : 788 p. 107
Du Bois (Antoine) : 791 p. 107
Du Chevalard : 783 p. 76
Du Chier (Denis) : 799 p. 137
Durgel de Saint-Priest (Jean) : 821 p. 264
Du Vernet (Jacques) : 815 p. 219
Du Vernet (Jean dit Ploton) : 781, 828 p. 75, p. 308
Filhet (Jacques) : 836 p. 400
Flachat dit de Chenevoux (Jean de) : 806 p. 163
Poudras dit de Rochefort (Guichard) : 801 p. 144
Guistard : 794 p. 121
Jas (Jean de) : 811 p. 171
La Bastie (Béraud de) : 777 p. 75
La Bastie (Louis de) : 826 p. 283
La Bessée (Humbert de) : 798 p. 137
La Farge : 833 p. 369
Laire (Guillaume de) : 780 p. 75
Laire (Jean de) : 824 p. 264
La Liègue, v. La Roche
La Merlée (Roland dit Mastin de) : 789 p. 107
La Peyrouse (André de) : 797 p. 131
La Roche de La Liègue (Perrotin de) : 814 p. 212
La Roue (Armand de) : 770 p. 73
Lavieu (Jacques de) : 823 p. 264
Lavieu (Jean de) : 774, 822 p. 74, p. 264
Leschelier (Pierre de) : 792 p. 113
Letous (Garin) : 786 p. 98
Lévis (Eustache de) : 769 p. 73
Montagny (Louis de) : 779 p. 75
Noirétable (le prieur de) : 787 p. 107
Raybe (Jean) : 796 p. 131
Robertet (Jacques), prieur de Saint-Rambert : 825 p. 275
Rochebaron (Antoine de) : 829 p. 319
Rochefort (Jacques de) : 809 p. 171
Rochefort (Jean de) : 819 p. 236
Sainte-Colombe, v. Charsala
Saint-Germain (Artaud de) : 773 p. 74
Saint-Maurice (Artaud de) : 830 p. 319
664
Saint-Priest (Briant de), prieur d’Estivareilles : 768 p. 73
Saint-Priest dit Maréchal d’Apinac (Louis de) : 772 p. 74
Salamar (Albert de) : 808 p. 163
Salamar (Guichard de) : 807 p. 163
Serrières (Jean de), abbé de Valbenoîte : 820 p. 249
Sugny (Antoine de) : 800 p. 137
Talaru-Chalmazel (Annet de) : 775 p. 74
Tavernier (Hugues) : 835 p. 393
Thélis (Giraud de), prieur de Randans : 812 p. 185
Thorigny (Jacques de) : 805 p. 163
Urfé (Jean dit Le Paillard d’) : 790 p. 107
Urfé (Pierre d’) : 795 p. 131
Vernin (Arnould) : 776 p. 75
Vernin (Louis) : 816 p. 219
Vernoil (Artaud de) : 804 p. 163
Vitry de Lalière, prieur de Gumières : 785 p. 98
Table des communes présentant une vignette dans la
partie forézienne de l’Armorial de Guillaume Revel
Département de la Loire
Bellegarde-en-Forez (p. 453 : La ville et chatiau de Bellegarde) p. 207
Bussy-Albieux (p. 443 : Le chatiau et ville de Bussy La Poile) p. 133
Cervières (p. 439 : La ville et chatiau de Cerviere) p. 101
Chalain-d’Uzore (p. 494 : Le chasteau d’Izoyre) p. 471
Chambéon (p. 452 : Le chatiau de Chanbeon) p. 201
Champdieu (p. 476 : Le chatiau de Chandieu) p. 347
Châtelneuf (p. 474 : L. Chatiau Neuf) p. 335
Cleppé (p. 445 : Le chatiau de Clappier) p. 147
Essertines-en-Châtelneuf (p. 475 : Le chatiau d’Issartines) p. 339
Estivareilles (p. 491 : Le prioré d’Eztivaleilhes) p. 447
Feurs (p. 449 : La ville de Feurs) p. 179
Fontanès (p. 457 : Le chatiau de Fontenes) p. 239
L’Hôpital-sous-Rochefort ? (p. 492 : Le prioré) p. 453
La Bénisson-Dieu (p. 487 : L’abaye de la Benisson Dieu) p. 419
La Fouillouse (p. 460 : Le chatiau de La Fouleuse) p. 253
La Tour-en-Jarez (p. 458 : La ville et tour d’Angeres) p. 245
Lavieu (p. 438 : Le chatiau de La Vieu) p. 93
Le Crozet (p. 482 : La ville et chatiau du Crouzet) p. 395
Marcilly-le-Châtel (p. 441 : Marcillieu le Chatiau) p. 115
665
Marclopt (p. 451 : Le chatiau de Marclo) p. 195
Marols (p. 473 : Le chatiau de Maroux) p. 329
Montbrison (p. 437 : La ville et chatiau de Monbrison en la compté de Fores) p. 79
Montverdun : (p. 490 : Le prioré de Montvardun) p. 439
Néronde (p. 446 : La ville et chatiau de Neronde) p. 155
Nervieux ? (p. 495 : Le chasteau de Nervie) p. 477
Panissières (p. 448 : La ville de Saint Jehan de Panassieres) p. 173
Pommiers ? (p. 489 : Le prioré de Pomeriers) p. 433
Pouilly-les-Nonains (p. 484 : Le chatiau de Poully) p. 407
Renaison (p. 483 : Le chatiau de Reneyson) p. 403
Roanne (p. 481 : La ville de Rouanne) p. 385
Rozier-Côtes-d’Aurec (p. 472 : Le chatiau de Ronzieres) p. 321
Sail-sous-Couzan (p. 493 : Le chasteau de Couzant) p. 459
Saint-Bonnet-le-Château (p. 471 : La ville et chatiau de Saint Bonnet) p. 311
Sainte-Agathe-la-Bouteresse (p. 477 : Le chatiau de La Bouteresse) p. 355
Saint-Étienne (p. 461 : Le chatiau de Saint Victour ; p. 488 : L’abaye de Vaubenoyt) p. 259
Saint-Galmier (p. 454 : Le chatiau et ville de Saint Galmier ; p. 455 : Teillieres soubz Sainct
Galmier) p. 215
Saint-Georges-Haute-Ville (p. 466 : Le chatiau de Monceu) p. 303
Saint-Germain-Laval (p. 440 : La ville et chatiau de Saint Germain de Laval) p. 109
Saint-Haon-le-Châtel (p. 480 : La ville et chatiau de Sainctan) p. 377
Saint-Héand (p. 456 : Le chatiau de Saint Teon) p. 229
Saint-Jean-Bonnefonds ? (p. 459 : Le chatiau de Ravoire) p. 251
Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire (p. 478 : La ville et chatiau de Saint Moryze) p. 361
Saint-Just-en-Chevalet (p. 442 : Saint Just en Chevallet) p. 123
Saint-Just-Saint-Rambert (p. 462 : La ville du Pont Saint Rambert) p. 267
Saint-Marcellin-en-Forez (p. 464 : Le chatiau et ville de Saint Marcellin le Puy) p. 285
Salt-en-Donzy : (p. 447 : Le chatiau et ville de Donsy) p. 165
Saint-Romain-le-Puy (p. 465 : Le chatiau de Saint Romain le Puy) p. 295
Souternon (p. 444 : Le chatiau de Sautrenon) p. 139
Sury-le-Comtal (p. 463 : Le chatiau et ville de Suri le Contal) p. 277
Valeille (p. 450 : Le chatiau de Sury le Boys) p. 187
Villerest (p. 479 : Le chatiau de Villaires) p. 371
Département du Rhône
Larajasse (p. 485 : Le chatiau de Laubespin) p. 413
Riverie ? (p. 459 : Le chatiau de Ravoire) p. 251
666
Crédits photographiques et des
illustrations
1
Illustration de couverture :
Le château de Lavieu.
Photo Bnf.
2
Illustration de la quatrième de couverture :
Le site de Montverdun.
Photo Goguey.
3
Archives de la Diana : fig. 16, fig. 17, fig. 27, fig. 28, fig. 29, fig. 100, fig. 228, fig. 400.
4
Archives départementales de la Loire © : tous les extraits de cadastres napoléoniens.
5
V. Bardel / F. Dumoulin / P.-Y. Laffont : fig. 32, fig. 51, fig. 66, fig. 73, fig. 76, fig. 91, fig.
109, fig. 112, fig. 122, fig. 131, fig. 137, fig. 145, fig. 150, fig. 164, fig. 171, fig. 178, fig. 185,
fig. 199, fig. 209, fig. 217, fig. 240, fig. 253, fig. 262, fig. 296, fig. 302, fig. 314, fig. 324, fig.
332, fig. 343, fig. 370, fig. 390, fig. 413.
6
M.-N. Baudrand : fig. 229, fig. 276, fig. 279, fig. 280, fig. 281, fig. 363, fig. 375.
7
M.-N. Baudrand / P.-Y. Laffont : fig. 1, fig. 13, fig. 14.
8
F. Bertin / P.-Y. Laffont : fig. 396.
9
Bnf © : fig. 2, fig. 3, fig. 4, fig. 5, fig. 6, fig. 8, fig. 8, fig. 9, fig. 10, fig. 11, fig. 12, fig. 15, fig.
16, fig. 18, fig. 22, fig. 23, fig. 27, fig. 30, fig. 38, fig. 50, fig. 56, fig. 64, fig. 71, fig. 74, fig. 82,
fig. 89, fig. 99, fig. 107, fig. 110, fig. 116, fig. 120, fig. 129, fig. 135, fig. 143, fig. 148, fig. 162,
fig. 170, fig. 176, fig. 183, fig. 184, fig. 189, fig. 197, fig. 207, fig. 215, fig. 224, fig. 230, fig.
238, fig. 251, fig. 260, fig. 268, fig. 275, fig. 282, fig. 294, fig. 300, fig. 312, fig. 322, fig. 331,
fig. 333, fig. 340, fig. 341, fig. 350, fig. 352, fig. 357, fig. 360, fig. 366, fig. 367, fig. 368, fig.
369, fig. 373, fig. 377, fig. 388, fig. 395, fig. 397, fig. 411, fig. 419.
10
Collection privée : fig. 100, fig. 102, fig. 104, fig. 106, fig. 338, fig. 339, fig. 400.
11
Ch. Delomier : fig. 33, fig. 34, fig. 35, fig. 36, fig. 37, fig. 59, fig. 60, fig. 61, fig. 62, fig. 63,
fig. 77, fig. 78, fig. 79, fig. 80, fig. 81, fig. 119, fig. 146, fig. 147, fig. 233, fig. 234, fig. 235, fig.
236, fig. 237, fig. 269, fig. 270, fig. 271, fig. 272, fig. 273, fig. 274, fig. 298, fig. 299, fig. 372,
667
fig. 376, fig. 380, fig. 381, fig. 382, fig. 383, fig. 384, fig. 386, fig. 414, fig. 415, fig. 416, fig.
417, fig. 418.
12
F. Dumoulin : fig. 396b, fig. 161.
13
R. Goguey, FRAL © : fig. 24, fig. 25, fig. 31, fig. 39, fig. 57, fig. 65, fig. 72, fig. 75, fig. 83, fig.
90, fig. 108, fig. 111, fig. 117, fig. 121, fig. 130, fig. 136, fig. 144, fig. 149, fig. 163, fig. 177, fig.
198, fig. 208, fig. 216, fig. 225, fig. 231, fig. 239, fig. 252, fig. 261, fig. 283, fig. 295, fig. 301,
fig. 313, fig. 323, fig. 342, fig. 353, fig. 358, fig. 361, fig. 374, fig. 378, fig. 389, fig. 412.
14
R. Gourdon : fig. 284, fig. 285, fig. 286.
15
IGN © : fig. 142, fig. 297.
16
L. Jeanneret / P.-Y. Laffont : fig. 58.
17
P.-Y. Laffont : fig. 85, fig. 86, fig. 87, fig. 88, fig. 254, fig. 255, fig. 256, fig. 257, fig. 258, fig.
259, fig. 290, fig. 291, fig. 292, fig. 293 fig. 303, fig. 304, fig. 305, fig. 306, fig. 307, fig. 308,
fig. 309, fig. 310, fig. 311, fig. 334.
18
Ch. Le Barrier : fig. 379, fig. 385, fig. 387.
19
M. Le Nézet-Celestin : fig. 337.
20
Ch. Mathevot : fig. 19, fig. 20, fig. 21, fig. 101, fig. 103, fig. 105, fig. 226, fig. 227, fig. 228,
fig. 398, fig. 399, fig. 401, fig. 402, fig. 403, fig. 404, fig. 405, fig. 406, fig. 407, fig. 408, fig.
409, fig. 410.
21
C. Mottin : fig. 41, fig. 42, fig. 43, fig. 44, fig. 45, fig. 46, fig. 47, fig. 48, fig. 49 fig. 67, fig. 68,
fig. 69, fig. 70, fig. 113, fig. 114, fig. 115, fig. 138, fig. 139, fig. 140, fig. 141, fig. 179, fig. 180,
fig. 181, fig. 182, fig. 186, fig. 187, fig. 188, fig. 218, fig. 219, fig. 220, fig. 221, fig. 222, fig.
223, fig. 242, fig. 243, fig. 244, fig. 245, fig. 246, fig. 247, fig. 248, fig. 249, fig. 250, fig. 264,
fig. 265, fig. 266, fig. 267, fig. 277, fig. 278, fig. 287, fig. 288, fig. 289, fig. 315, fig. 316, fig.
317, fig. 318, fig. 319, fig. 320, fig. 321, fig. 325, fig. 326, fig. 327, fig. 328, fig. 329, fig. 330,
fig. 355, fig. 356, fig. 364, fig. 365, fig. 391, fig. 392, fig. 393, fig. 394.
22
P. Plattier : fig. 52, fig. 53, fig. 54, fig. 55, fig. 92, fig. 93, fig. 94, fig. 95, fig. 96, fig. 97, fig.
98, fig. 123, fig. 124, fig. 125, fig. 126, fig. 127, fig. 128, fig. 132, fig. 133, fig. 134, fig. 151, fig.
152, fig. 153, fig. 154, fig. 155, fig. 156, fig. 157, fig. 158, fig. 159, fig. 160, fig. 161, fig. 165,
fig. 166, fig. 169, fig. 172, fig. 173, fig. 174, fig. 175, fig. 191, fig. 192, fig. 193, fig. 194, fig.
195, fig. 196 fig. 200, fig. 201, fig. 202, fig. 203, fig. 204, fig. 205, fig. 206, fig. 210, fig. 211,
fig. 212, fig. 213, fig. 214, fig. 241, fig. 263, fig. 344, fig. 345, fig. 346, fig. 347, fig. 348, fig.
349.
23
F. Pont : fig. 167, fig. 168.
24
La création de la maquette et la mise en page de l’ouvrage ont été réalisés par Patrice
Becker (Empreinte).
668
Résumés
Résumé
1
Au milieu du XVe siècle, le duc de Bourbon, Charles 1 er (1401-1456), proche parent du roi
de France Charles VII, fait réaliser par son héraut d’armes Guillaume Revel un armorial
visant à recenser les armes de toute la noblesse de ses domaines d’Auvergne, du
Bourbonnais et du Forez. L’objet premier de ce fort recueil est d’enregistrer des
armoiries. De ce point de vue, il s’inscrit dans une tradition alors déjà longue, même s’il
montre des caractéristiques tout à fait particulières : inventaire dans un territoire réduit,
avec toutefois une recherche d’exhaustivité à l’intérieur de celui-ci ; désignation
nominale des individus et pas seulement des lignages ; enfin, recensement, outre les
armoiries, des cimiers et des cris.
2
Mais l’Armorial de Guillaume Revel présente surtout une particularité fondamentale sans
équivalent : il s’agit de la représentation topographique des chefs-lieux de seigneurie
dont relevaient les fiefs tenus des ducs de Bourbon par les lignages figurant dans
l’Armorial. Le projet initial, sans doute trop ambitieux, n’ayant été que partiellement
réalisé, l’ouvrage nous est parvenu inachevé : nombre de chefs-lieux et d’écus sont restés
non illustrés, certaines vignettes sont encore à l’état d’ébauche et il manque aussi divers
chefs-lieux de châtellenie. Néanmoins, même dans cette version incomplète, l’armorial de
Guillaume Revel contient plus d’une centaine de vues : 47 pour l’Auvergne ; 1 pour le
Bourbonnais et, enfin, 54 pour le Forez (la capitale du comté, Montbrison, ouvrant cette
série) soit, bien que certaines soient relativement sommaires, la plus importante
collection de vues topographiques du manuscrit. L’étude de ces vues foréziennes est au
cœur du présent ouvrage.
3
Il importe de souligner que les vues de l’Armorial de Guillaume Revel présentent un grand
intérêt en matière d’histoire de la représentation des espaces. En effet, l’Armorial est,
avec d’autres manuscrits contemporains (comme les Très Riches Heures du duc de Berry),
un jalon important dans le développement du concept de paysage topographique en
Europe occidentale au XVe siècle. Même si toutefois, il est clair, comme le montrent les
nombreuses anomalies de représentation, que la fonction des vues de l’Armorial n’est pas
de représenter exactement ce que voit l’œil de l’observateur mais de rassembler dans un
669
même dessin différentes informations jugées indispensables d’un point de vue
symbolique au commanditaire de l’œuvre, qu’elles soient topographiques ou
architecturales.
4
Si, traditionnellement dans l’historiographie, cet armorial est attribué au héraut d’armes
Guillaume Revel, qui signe une introduction de deux pages en tête du volume et dont on
ne sait malheureusement rien ; en réalité, on ne peut lui attribuer seul tout le travail… En
effet, quatre illustrateurs différents semblent être intervenus et, du point de vue de
l’illustration du volume, Guillaume Revel s’est sans doute contenté de coordonner le
travail. La question de l’auteur ou des auteurs de l’Armorial s’avère donc au final plus
complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Il en va de même de la datation du manuscrit.
Effectivement, la réalisation de l’ouvrage, qui nous est de toute façon parvenu inachevé,
s’étend sur une longue période : les informations que contient l’Armorial, tant du point de
vue héraldique que du point de vue des sites représentés, appartiennent aux années
1440-1450, sans que l’on puisse être plus précis.
5
Au-delà de l’intérêt pour l’héraldique et pour l’histoire de la représentation des espaces,
les vignettes de l’armorial de Guillaume Revel présentent évidemment un intérêt majeur
pour de nombreux champs de l’histoire et de l’archéologie du Moyen Âge. On songera, en
premier lieu, à l’histoire des formes d’habitat et à l’histoire de l’occupation du sol. On
rencontre ainsi dans l’Armorial des habitats castraux et des habitats ecclésiaux, parfois
d’origine antique ; des villes et des villages et leurs faubourgs ; des habitats dispersés...
L’histoire du peuplement ou encore l’histoire de l’essor urbain y trouve ici une abondante
matière. L’armorial de Guillaume Revel offre ainsi pour de nombreux sites, malgré parfois
des biais dans les représentations liées aux conditions intellectuelles et culturelles du
temps, leur toute première représentation, et généralement la seule avant le plan
cadastral du XIXe siècle... Et l’étude fine de chaque site menée ici, associant les données
des sources écrites, l’étude des parcellaires anciens et celle des vestiges archéologiques,
montre globalement la grande fiabilité des vignettes de l’Armorial. Autre apport
fondamental de l’Armorial : l’histoire de la fortification et de l’architecture militaire.
Châteaux et maisons fortes y côtoient abbayes et prieurés fortifiés, enceintes urbaines et
villageoises. Au-delà sans doute d’un certain nombre de stéréotypes, les vignettes de
l’Armorial nous permettent de dresser un tableau général de ce qu’est la fortification au
milieu du XVe siècle. On y sent à la fois le poids du passé, avec par exemple ces tours
maîtresses qui évoquent indéniablement les XIIe ou les XIII e siècles, et le poids
considérable des travaux de fortification menés dans le contexte de la Guerre de Cent
Ans. Ceux-ci ont modifié avec une ampleur exceptionnel le paysage des fortifications :
amplifiant celles-ci (les premières extensions urbaines sont désormais encloses par de
vastes enceintes ; les églises deviennent des forteresses...), les modernisant aussi (les
ouvertures de tir adaptées aux armes à feu s’imposent désormais...). Mais la précipitation
engendrée par les menaces récurrentes des bandes armées durant les années 1350-1440
est aussi nettement perceptible : des défenses de bois innombrables complètent très
souvent des fortifications de pierre jugées alors insuffisantes. Toutefois, la précipitation
n’est sans doute pas seule à entraîner un recours si large au bois dans la fortification, il
faut y voir aussi là la réticence des communautés d’habitants à financer des travaux qui
coûtent très chers. Enfin, l’Armorial s’avère aussi une source de premier plan dans
l’histoire de la maison : qu’il s’agisse de maisons paysannes, de maisons villageoises ou
urbaines, de maisons nobles. Certes, les stéréotypes sont à l’évidence nombreux et la
majeure partie des maisons, tant rurales qu’urbaines, répond à un même modèle.
670
Toutefois, il faut se garder de considérer comme sans intérêt pour l’histoire de l’habitat
ces maisons standardisées, en effet, celles-ci sont assurément révélatrices de ce que sont
alors les caractéristiques générales des maisons de la majeure partie de la population
dans la région. Dans le cas des maisons urbaines, la présence d’un ouvroir au rez-dechaussée de certaines d’entre elles éclaire leur fonction marchande, de même que la
présence d’une tourelle d’escalier indique, dans les villes, des habitats socialement plus
prestigieux. La maison noble est particulièrement bien traitée avec le cas spectaculaire de
Teillières, résidence de plaisance des comtes de Forez.
Summary
6
In the middle of the 15th century, the duke of Bourbon, Charles I (1401-1456), close
parent of the King of France Charles VII, had a roll of arms made by his herald of arms
Guillaume Revel. Its aim was to list the arms of the entire nobility of his estates in
Auvergne, Bourbonnais and Forez. The first goal of this important piece of work was to
register coats of arms. From this point of view, it was in line with a long yet tradition,
even though it shows some very specific characteristics: inventory throughout a limited
territory with a pursuit of exhaustiveness; list of names as opposed to only lineages; and
finally inventory not only of coats of arms but also of crests and battle cries.
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However, Revel’s roll of arms mostly has a crucial unequalled specificity: it includes
topographical representations of the administrative centres of seigneuries. The initial
project, surely too ambitious, was only partially executed. The piece of work reached us
unfinished: a number of administrative centres and escutcheons had not been illustrated,
some vignettes are only preliminary sketches and a few administrative centres of
châtellenie are missing.
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Nevertheless, even in this unfinished version Revel’s roll of arms includes more than a
hundred views: 47 for Auvergne, 1 for Bourbonnais and 54 for Forez (with its capital city
Montbrison opening the series). The study of these views of Forez is at the heart of the
present piece of work.
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The views that can be found in Revel’s roll of arms are of great interest for the history of
the representation of areas. Revel’s roll of arms is, along with contemporary manuscripts
(such as the Très Riches Heures du Duc de Berry), a milestone in the development of the
concept of topographical landscape in Western Europe in the 15th century. However, as
made clear by the numerous representation errors, the goal of the views in the roll of
arms was not to give an exact representation of what could be seen, but to reunite in a
unique drawing information that were judged essential on a topographical or
architectural point of view.
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Traditionally, in historiography, this roll of arms is attributed to Guillaume Revel who
signed a two-page introduction at the beginning of the volume. In reality we cannot
attribute the entire piece of work to him only. As a matter of fact, four different
illustrators contributed, and Revel apparently only coordinated the work. It is thus more
complicated to know who the authors of the roll of arms actually were. It is the same for
the dating of the manuscript. The piece of work, which was unfinished, was realised over
a long period: the information included in the roll of arms belong to the years 1440-1450,
without more precision.
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Apart from its interest for heraldry and the history of the representation of areas, the
vignettes are of great interest for numerous fields of history and medieval archaeology:
such as the history of settlement forms and the history of land use. In the roll of arms we
can see castle houses, church houses, sometimes of antique origins; cities, villages and
their outskirts; scattered settlements…This roll of arms is very rich in terms of history of
population or history of urban growth. Revel’s roll of arms offers the first representation
of numerous sites and for most the only one before the 19th century cadastral maps. The
study of each site, putting together written sources, study of ancient land parcelling and
of archaeological remains, shows a great reliability of the vignettes in the roll of arms.
The roll of arms is also of great interest for the history of fortifications and military
architecture. Castles and fortified houses are shown next to abbeys and fortified priories,
and urban surrounding walls. The vignettes in the roll of arms enable us to draw up a
picture of the fortifications in the middle of the 15th century. We can, at the same time,
feel the weight of history with keeps suggestive of the 12th or 13th century and the weight
of fortification works done for the Hundred Years’ War. Those have modified to an
extraordinary extent the landscape of fortifications that were highly developed (the first
urban expansions were then surrounded by walls, churches became fortresses...) and
modernised (embrasures adapted to firearms were then the norm). The haste induced by
frequent threats by armed bands in the years 1350-1440 can also be felt: numerous
wooden defences reinforced stone fortifications judged insufficient at the time. However,
haste is not the only thing that caused such a frequent use of wood in fortifications: there
was also the lack of will of communities to pay for such expensive works.
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Finally the roll of arms is a primary source for the history of housing: from peasant
houses to village or city houses and noble housing. There obviously are a lot of
stereotypes and most houses, rural or urban, are drawn on the same model. However, this
is not uninteresting for the history of housing as they reveal the general characteristics
of most houses in the region at the time. In cities, the representation of a workroom on
the ground floor of some houses shows their commercial use. The representation of
turrets on others indicates more socially prestigious houses. Noble houses are
particularly well treated in the spectacular case of Teillières: country home of the counts
of Forez.