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La gauche face aux mutations en Europe

1993

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES DIGITHÈQUE Université libre de Bruxelles ___________________________ DELWIT Pascal, DE WAELE Jean-Michel, La gauche face aux mutations en Europe, Bruxelles : Editions de l’Université de Bruxelles, 1993. _____________________________________ Cette œuvre littéraire est soumise à la législation belge en matière de droit d’auteur. Elle a été publiée par les Editions de l’Université de Bruxelles http://www.editions-universite-bruxelles.be/ Les règles d’utilisation de la présente copie numérique de cette œuvre sont visibles sur la dernière page de ce document. L'ensemble des documents numérisés mis à disposition par les Archives & Bibliothèques de l'ULB sont accessibles à partir du site http://digitheque.ulb.ac.be/ Accessible à : http://digistore.bib.ulb.ac.be/2015/i9782800410708_000_f.pdf Edité par Pascal Delwit et Jean-Michel De Waele LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Institut de Sociologie Histoire, économie, société Editions de l'Université de Bruxelles GAUCHE FAC セ hゥウエッイ・L@ Directeur de la collection économie, société" Jacques Nagels Publié avec le concours de la Communauté française et du Conseil de ta Communauté française. Edité par Pascal Delwit et Jean-Michel De Waele Institut de Sociologie Histoire, économie, société Editions de l'Université de Bruxelles Dans la même collection La valeur d'usage chez Karl Marx, G. Roland, 1985 Laissez faire, laissez troquer, J. Nagels, 1986 Histoire et critique, P. Salmon, 3e édition, 1987 Privatisation = moins d'Etat?, A. Drumaux, 1988 Le New Deal européen . La pensée el la politique sociaJes·démocrates face à la crise des années trente, M. Telo, 1988 L'avortement en Belgique. De la clandestinité au débat politique, B. Marques-Pereira, 1989 Taux de profit et accumulation du capital dans l'onde longue de l'après-guerre. Le cas de J'industrie au Royaume-Uni, en France, en Italie et en Allemagne, A. Reati, 1990 ISBN 2-8004-1070-1 01199310171/7 © 1993 by Editions de l'Université de Bruxelles Avenue Paul Hêger 26 - 1050 Bruxelles (Belgique) Imprimé en Belgique Avant-propos Cet ouvrage fail suite au x travaux du colloque international « la gauche face aux mutations en Europe» qui s'est déroulé à l'Institut de soc iologie de l' Université de Bruxelles en décembre 1992. Celui-ci était co-organisé par le groupe d ' histoire el de sociologie du commun isme de " ULB dirigé par José GOlovitch, le groupe de recherche sur la gauche en Europe de l'Université de Pari s l-Sorbonne dirigé par Marc Lazar et le groupe d'élude sur le communisme ouest-européen de " Uni versité de Paris x-Nanterre dirigé par Stéphane Courtois. Nous remercions vivement Michèle Mal pour ses conseils avisés dans la relecture de l'ouvrage et Mario Te lô pour ses av is pertinents dans l'agencement des travaux du colloque. P. D. el J.M. D. La gauche face aux mutations en Europe Pascal DELWIT et Jean-Michel DE W AELE 1. Les mutations La thématique de ce livre nous invite à préciser les lennes auxquels nous nous référons dans le titre et qui onl guidé la confection de cet ouvrage: la gauche et les mutations en Europe. Les mutations étudiées et leur impact sur l'ensemble de la mouvance de gauche se caractérisent, d'une part , par leur polymorphisme ct, d'aulre part , par leurs interactions étroites. Nul doute que la mondialisation des échanges économiques pose des questions et des problèmes partielle ment nouveaux pour la gauche européenne. Ceux-ci l'obligent ou l'obligeront à envisager une réorganisation dans laquelle le niveau tradit ionnel, l' Etat-nat ion, est remis en cause. Et ron admettra sans peine que ces mutat ions q ui semblent irrésistibles sont à la fois causes et conséquences des évolutions profondes que connaissent les partis poli tiques e t, plus particulièrement, les grandes organisations de masse liées hi storiquement au mouvement ouvrier. Nous avon s dégagé quatre types de mutations particulièrement importantes pour la problématique que nous abordons. 1.I. Les mutations sociologiques Au cours de ces trente dernières années, des transferts massifs de population du secteur primaire vers le secteur secondaire, et de ces deux derniers secteurs vers le secteur tertiaire ou vers ce que d'aucuns nomment le secteur quaternaire se sont accomplis. Cette évolution s'est avérée capitale pour , 'analyse des formations de gauche tant il est vrai que leur électorat et la majorité de leurs adhérents étaient hi storiquement liés à la classe ouvrière et à la paysannerie. Une modificat ion fo ndamentale est donc intervenue. Les partis socialistes et les partis communistes ont dû et doivent, pour une grande part encore, la prendre en compte. Ce processus conduit parfois à une transformation des partis socialistes vers des catch-ail parties 1. Les effets de cette pre- 10 LA GAUCI IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE mière mutation ont produit et renforcé la d im inution du senüment d'appanenance à une catégorie ou une classe soc iales, alors que celui -ci fondait souvent une adhésion, les fonnes de militantisme « classique» des panis de gauche et un réflexe électoral stable. 1.2. Les mutations économiqlles et sociales En matière économique, ces vingt-cinq dernières années, la mondiali sation de J'économie et des finan ces s'est intensifiée, et les centres de déc ision se sont internationalisés, rendant complexes loutes formes d ' informat ion et de contrôle dans la conduite et les choix des entreprises. Sur le plan soc ial, le facteur le plus marquant paraît sans conteste l'émergence, au milieu des années soixante-dix et sa stabilisation depuis lors, d ' un taux de chômage extrêmement élevé, devenu une donnée structurelle des sociétés occidentales (entre 8 et 12%). La croissance économ ique « classique» ne suffit plus à le réduire de manière significative. C'est un changement essentiel car, M. Alalu f le rappelle, « la démocratie, c'est aussi une panicipat ion quotid ienne aux divers aspects de la vie en société. C 'est le travail qui est dans nos sociétés, pour une grande pan , le vecteur de cette panicipation ». Les profondes mutations soc iologiques fon t aussi évoluer lentement la réflexion tradi tionnelle de la gauche sur des quest ions auss i centrales pou r son ident ité que la place du « travail » dans nos sociétés et la notion générale de « progrès ». l .3. Les mutalions sociétales Faisant suite à J'ébullition de mai 1968, des revend ications de type qualitatif ont pris de plus en plus de valeur et de signi fication pour les nouve lles générations, surtout en matière de démocratie et de citoyenneté. L'émergence de panis « verts» à l'identité fl oue questionne pour le moins la réflex ion el la pratique politiques des partis et des organisations syndicales socialistes el commun istes. Les uns vo ient dans la force des mouvements écologistes la preuve d ' un échec de la gauche à se muer en poneuse de ces nouvell es aspiralÎon s. Les autres y décèlent plutôt un début de nouvelle identité politique et d ' organisation pour la gauche et un instrument priv ilég ié d'adaptation aux mutations de notre société. 1.4.Les mutations politiques et institutionnelles Les panis pol itiques et les syndicats subissent une métamorphose sensible, résultat des transforma tions que nous venons d 'évoquer et de l'européanisation de la déci sion pol itique, économique et soc iale. La Communauté européenne a connu et connaît e lie-même des changements profonds depuis le début des années quatre-vingt. De neuf Etals membres en 1980, la Communauté est passée aujourd ' hui à douze avec en perspec· LA GAUCI IE FACE AUX セ iuta i ons@ EN EUROPE Il tive les adhésions rapides de la Finlande, de l' Autriche, de la Norvège et de la Suède , sans compter les autres demandes en provenance notamment des Etats d ' Europe centrale et balkanique et de la T urquie. Après avoir enterré le traité d 'Union européenne, plus connu sous le nom de traité Spinelli , voté par le Parlement européen en février 1984, les Etats membres ont successivement adopté l'Acte unique européen et le traité de Maastricht. Aujourd'hui , un projet de Constitution européenne est à nouveau en discussion au Parlement européen. La Communauté européenne pourrait donc franchir une nouvelle étape institutionnelle dans les années à venir, à laquelle les partis politiques, notamment de gauche, devront impérativement s'adapter. Déjà le traité de Maastrich t souligne l' importance des part is politiques au niveau européen 2. 11 Y a là en germe une évolulion déterminante pui squ ' aussi bien les part is, depui s leur création , ont été avant lout des acteurs aux plans national el sub-nalional et On! donc fondé leurs rappons de force à ces échelons. Celle transformation sera d'autant plus diffici le à accomplir que nous vivons une période de récession - conjoncturelle - et de difficulté économique structurelle. Le trailé de Maastricht, objet d'analyses contradictoires par les partis de gauche, les oblige à prendre la mesure de l'européanisation des décisions économiques et polit iques en matière monélaire, par exemple , avec l' object if de la monnaie unique ou au niveau de la difficile mise en place d ' une politique étrangère et de sécurité commune. Les mu tations institutionnelles ne s'arrêtent plus au « rideau de fer ». La chute du mur de Berlin en novembre 1989 puis du système communi ste constitue un autre bouleversement fondamenta l et un triple défi majeur pour les partis politiques: 1. pour les pays et les partis des nouvelles démocraties en Europe centrale et balkanique, et en Russie ; 2. pour les pays elles parti s d'Europe occidentale ayant vécu pendant quarante ans dans une logique b ipolaire, d ifficile mais stable ; 3. pour les partis de gauche, plus spécifiquement, dans loute l'Europe depuis l'effondrement du système communi ste: c'est l'horizon même d'un système alternati f au capitali sme - rebapt isé économie de marché - qui semble désormais avoir perdu toule créd ibilité. C'est en fon ction de ces données très brièvement résumées que sont appréhendées les contributions du présent ouvrage. Nous avons fait le cho ix, en regard des autres livres publiés récemment sur la gauche en Europe, de priv ilégier les analyses précises et détaillées sur certaines formation s sociales-démocrates et communistes et leurs réactions face aux diverses mutations que nous avons relevées. D 'autre part, il nous a aussi semblé important d'étud ier, à côté des grands partis, les petites formati ons parfoi s méconnues, souvent oubliées ou négl i- 12 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE gées malgré l'originalité de leurs rénex ions et de leur parcours. C'est celle approche qui nous a poussés à aborder aussi la si tuation de la gauche à l'est du continent. 2. L' importa nce des organisations internationales S i la gauche est donc essemiellement appréhendée à l'échelle des partis, sociaux*démocrates et commun istes, en voie de mutation et/ou de disparition, il nous a semblé utile d'élarg ir cette perspective: 1. en cernant les posit ions de la Confédération européenne des syndicats (C. Gobin), essentie lles à la compréhension des d ispositions des part is étudiés comme le montrent, par exemple, l'analyse des relations entre les commiss ions ouv rières et le PCE, et entre l'uGTet le PSOE (P. Theuret), ou des liens étroits entre la CCTP et le part i communiste portugais (c. Cunha). L'étude sur l' Europe centrale et balkanique sou ligne l' importance de la question syndicale pour le fu turde la gauche dans cette partie du conti nent; 2. étudier les positions de la Confédéra tion européenne des syndicats, c'est aussi examiner la gauche par le biais de ses organisat ions internationales, approche qui s'avérait aussi nécessaire dans le chef des partis, plus spéci* fiq uement sociali stes. L'analyse de l' Internationale socialiste (G. Devin) est à ce titre révélatrice des regards croisés entre l'organisation intematÎo* nale et les partis membres ou qui sollicitent une adhésion. L'étude de la coopération des partis au ni veau européen ou international prend de plus en plus d ' importance. Celle coopérat ion constitue une tentative de réponse 11 l'internationalisation de J'économie. La Confédérat ion européenne des syndicats existe depuis 1973 mais ne joue encore qu ' un rôle modeste. En ce qui concerne les partis sociali stes, une évol ution mani feste s'est produi te celte dern ière année puisqu 'à l' Union des partis soc ialistes de la Communauté européenne a succédé , en novembre 1992, le parti des social istes européens(psE). De même. le groupe socialiste d u Parlement européen vient de se transform er en groupe du parti des socialistes européens. Pour les partis commun istes, le positionnement dan s le cadre d'une organisation européenne ou internationale se pose avec acuité. L'exemple du Parlement européen est à cet égard révélateur. Jusqu 'en 1989, les élus des différentes listes communistes étaient rassemblés dans le groupe ( communistes et apparentés» qui défe ndait des positions politiques (par exemple envers la Communauté européenne) contradictoires. D'où la création de deux groupes après les élections européennes de juin 1989 : le groupe pour la gauche unitaire européenne rassemblant les élus du PCI, d ' ( izquierda unida }), de la gauche hellénique et du psp danois, et la coalit ion des gauches réunissant les é lus du PCF, du PCP et du pani communiste grec. Aujourd ' hui , la situation des deu x groupes apparaît des plus incertaines. Avec l'entrée des parlementaires euro* péens du pos (ex*pcI) dans le groupe soc ialiste, le groupe pour la gauche uni* LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE 13 taire européenne est réduit à la portion congrue (huit membres) tandis que le déclin électoral des parti s ayant des élus à la coalition des gauches rend son futur des plus aléatoires à l'horizon des élections de juin 1994. Guillaume Dev in aborde la question de la légitimité internationale des pays d'Europe centrale et orientale et les problèmes qui en résultent pour l'lnternat ionale socialiste. Faut4il choisir pour interlocuteurs privilégiés les eX 4pani communistes en voie de reconversion profonde, à l' instar du parti soc ia li s te h o n grois, ou fav o ri ser le dialogue a vec de s parti s sociaux 4démocrates peu influents, souvent fort divisés et à la recherche d ' une identité et d ' un rôle politiques ? En dehors de celte approche importante, l'ouvrage analyse donc les partis sociaux-démocrates et communistes. 3. Les interrogations des partis socialistes Partis « modèle » du Welfare Stare, les partis scandinaves - et plus précisément le parti suédois - sont confrontés à deux types de mutations qui minent leur identité: 1. l' internationalisation de l'économie et la question afférente de l' adhés ion à la Communauté eu ropéenne l . Comme l'ont révélé les deux ré férendum s danois pour la ratification du traité de Maastricht, le choix des électeurs sociaux-démocrates sera très vraisemblablement déterminant pour l'accep4 tation de l'entrée dans la Communauté e uropéenne des uoi s autres pays scandinaves. Les partis sociaux-démocrates des quatre pays scandinaves ont d ' autant plus de mal à convaincre du bien4fondé de l' adhésion et du processus communautaire que se développent ces derniers mois des interrogations, voire des remises en cause, de gauche sur le volet social du traité de Maastricht el, plus largement , sur l'effectivit é de l'avènement d ' une Europe sociale. Le Welfare Srate est une construction nationale et beaucoup d'électeurs des pays d ' Europe du nord pensent avoir plus à perdre qu 'à gagner en rej oignant la Communauté; 2. les transformation s sociétales observées à travers le pri sme de l'évolution des ménages dans l'étuded'U. Lindslrom, qui met en év idence les tensions internes des part is sociaux-démocrates. Le problème du positionnement actuel des partis sociaux 4démocrates scandinaves vient également de la situation précaire qu ' ils ont connue ces di x dern ières années à l'échelle de chaque pays. En Suède, le SAP a été renvoyé dans l' opposit ion ; au Danemark, après di x années d ' opposition , un gouvernemen t de coalition auquel participent les sociaux-démocrates a été mis en place; en Norvège, le gouvernement social -démocrate travaille dans des conditions diffic iles parce que minoritaire. La situation problémati que des sociaux-démocrates scandinaves vaut également pour le SPD, dans l'oppos ition depui s 198 1. Depuis fin 1989, les 14 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE sociaux-démocrates allemands sont confrontés à la question historique de la nation et de l' unité allemande, retracée par D. Heimcrl. A cet égard, l'élection législative de 1990 a mis en lumière une contradiction manifeste entre les thèmes dom inants de la campagne du candidat chancelier dans les rangs sociaux-démocrates, Oskar Lafontaine, qui étaient résolument post-nationaux , et la redécouven e des sentiments nationaux à cene époque, donnée qu ' avai t perçue avec plus de réalisme feu Willy Brandt, même si manifestement , le Sl'D avait nettement mieux évalué J'impact et le coût économique et social de la réunificat ion al lemande qu ' Helmut Kohl . Bien implanté dans les Lander mais sans véritable leader national, les sociaux-démocrates allemands sont concurrencés aux niveaux électoral et sociétal par les Griinen. A la foi s alliés potentiels et partenaires encombrants, ils rendent difficil e un recentrage programmat ique sur des positions jugées crédibles. Celte situation est, dans une certaine mesure, com parable au cas ho11 andais (G . Voennan) où le part i du travail (PvdA) est tiraillé entre une formati on libérale sociale, 066, qui le concurrence au centre ·de l'échiqu ier politique, et la nouvelle « gauche verte »), produit de la fu sion du parti radical, du pani socialiste pacifiste et du parti communiste qui le concurrence à sa gauche 4. Après la radicalisation observée dans la pl upart des panis socialistes européens durant les années soixante-dix., ceux-ci, à l'image du PvdA en Hollande, se trouvent aujourd ' hu i confrontés à une crise d ' identité profonde. Elle s'observe et se répercute dans la politique qu ' ils mènent -seuls ou en alliance lorsqu ' ils exercent le pouvoi r ou dan s le manque manifeste d ' alternati ve lorsqu 'i ls sont dans l'opposition ; elle se marque par une décrue, parfois très importante, du nombre de leurs adhérents et par une érosion électorale plus ou mo ins signi ficative au cours des années quatre-vingt. C' est donc une fois encore l' idée et la notion de « modèle social-démocrate » qui semblent en jeu, posanl de la sorte les contours de la définition de l'identité de gauche à l'aube du vingt et unième siècle. 4. La fin des partis communistes ? Les mutations que nous avons évoquées atteignent plus fortement encore les partis communistes ou les ex-partis commun istes d ' Europe occiden tale. A cel égard, l'attitude face à la Communauté européenne a été un révé lateur pui ssant. Elle man ife ste les divergences de plus en plus nettes entre les formations communistes depuis la fin des années so ixante. De même, elle révèle l'effritement voire l'implosion du consensus en leur sein comme le montrent les cas ponugais, espagnol et belge. Dans la grande majorité, l'évolution des panis communisles face à la Communauté européenne mel bien en év idence une corrélat ion forte: pl us le parti s'ouvre, se réforme, se démocralise et prend ses di stances à J'égard de LA GAUCHE FA CE AUX MUTATIONS EN EUROPE 15 l'Union soviétique, plus il soutient le principe de l'unification européen ne (PC I, PCE, PCS, KK E de l' intérieur) - même s' il en critique plusieurs aspects. En revanche, les partis les plus « orthodoxes» se montrent les plus opposés au processus communautaire (PCF, PCP, KKE) . Ce positionnement montre auss i à quel point les partis communistes fi xent prioritairement leu rs orientations en fonction de cons idérations internes: la « stabilisation démocratique» en Espagne, la « déstructuration de pans entiers de l' économie » pour le Portugal , le «( développement économique » pour la Belgique. Si la chute du mur de Berlin en 1989 et du régime soviétique en 1991 a accéléré le déclin des partis communi stes, elle ne J'a pas générés. En effet, les PC ont été affectés au premier chef par les mutations sociétales et soc iologiques qu'ils n ' ont pas pu ou voulu prendre en compte et le cas échéant, saisi trop tard. L'attitude du PCF en matière d 'écologie est exemplaire à cet égard (F. Simon-Ekovich): les mutations s'opposaient par trop à la culture tradi tionnelle du parti. L'ouvriérisme habituel et revendiqué l'empêcha d ' incorporer des revendications de type qualitatif. Il lui masqua aussi la déstructuration et l'émiettement des classes sociales où se recrutaient l'essentiel des adhérents el des électeurs des partis communistes. ャ ・セ@ pour les partis communistes? Quel est ou quels sont les avenirs ーッウゥ「 Nous décelons trois scénarios: 1. le premier est unique pour l' instant en Europe occidentale. LI s'agit de la voie choisie par le parti démocratique de la gauche (ex-pcl) en Italie. Celte formation a rejoint, fin 1992, 1' Internationale social iste et a adhéré au groupe socialiste du Parlement européen. Il n 'en demeure pas moins que son identité reste encore floue actue llement ; 2. le deuxième cas est celu i des partis qui revendiquent fièrementl 'ét iqueue et l'héritage de « communistes» et parient sur un aven ir part isan tel qu ' il a fonctionné durant une bonne partie du xx" siècle. Les partis communi stes françai s, grec et portugais en sont les représentants les plus caractéristiques. Quoi que veuillent bien en dire leurs dirigeants, cene optique se révèle aujourd ' hui une impasse: en témoi gnent la chute très importante de leurs effectifs, de leurs électeurs el leur incapacité à peser sur la décision politique ; 3. enfin, certaines fonnm ions essaient de se positionner à la gauche des partis socialistes existants et tentent d ' intégrer des composantes écologistes ou porteuses des revendications des nouveaux mouvements soc iaux. On songe ici à la « gauche verte» aux Pays-Bas, à « izquierda unida »en Espagne. au parti de la gauche en Suède, à la gauche hellénique ou encore à l'alli ance de gauche en Finlande. 16 LA GAUCHE l'ACE AUX MUTATIONS EN EUROPE 5, Les incertitudes en Europe centrale et orientale S'i l y a des interrogations multiples à l'Ouest, qu 'en est-i l en Europe centrale et orientale? Sur la crise générale d'identité traversée par les famille s socia li ste et communiste en Occident, se greffe une diffi culté toul à fait spécifique liée au passé (( communi ste » des ex -démocraties popu laires. Règne une confusion à la foi s sémam ique et politique. Les parti s se revendiquant de la gauche subissent le discrédi t lié au passé. Mais à celle difficulté majeure s'ajoule une comradiction difficilement gérable: comment prôner l'économie de marché, l'ouverture à l'Ouest et le développement du capitali sme en s' adressant dans le même temps à une clientèle électorale avant tou t préoccupée par les conséquences sociales des changements dans les structures économiques du pays? Nouveaux partis socialistes et anciens panis communistes en voie de transfonn ation - pour certains - tentent d'occuper l'espace de gauche. La situation contrastée des pays d'Europe cemrale et balkanique a en fait peu à voir avec le cas russe. Comme le souligne C. Sente; plus qu 'ailleurs, {( il apparaît prématuré de vouloir transposer à la Russie les critères ouest-européens contemporains de définition de la gauche démocratique ». La prudence s' impose quant au futur et à la définition de la gauche en Ru ss ie. Nous l' avons dit , pour les parti s de gauche en Russie ct en Europe centrale et orientale, l'appartenance à l'Internationale socialiste est un critère de crédibilité interne que se disputent les différentes fonnation s. La majorité des ex-pc reconnai ssent la nouvelle plate-fonne idéologique de l' Internationale socialiste adoptée au congrès de Stockholm en 1989 et espèrent , à tenne, devenir membre de cette organisation. 6. A propos des « crises » Il reste à s' interroger sur le concept même de (( crise» aussi souvent mobilisé et c ité que peu préc isé, analysé ou défini. Il nécessiterait une réfl exion à part entière. Comme M. Lazar le met en lumière dans le cas des partis poli ti ques, « la situation de dérèglement ct de déstabili sation qu 'e lle sous-tend est-elle exceptionnelle pour des organisations politiques, ex iste-t-il des critères absol us, des indices incontestables - et si oui lesquels? - qui autoriseraient à parler de crise d' une fonnation politique ou sont-i ls re latifs se lon les conjonctures. ne devenant significatifs que lorsque les acte urs - responsables de parti s et observateurs s'en emparent ?» La crise de la gauche s' inscrit dans une {( cri se» globale de la soc iété qui atteint une série d'autres institutions - école, fami lle, université. etc. Plus largement - depu is 1973 et la crise de l'énergie qui marqua le début de la prise de conscience des mutations de notre société - , c'est l'ensemble de notre société qui semble en crise. Cette notion englobe de façon bien com- LA GAUCI IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROI'E 17 mode des évolut ions contradiclOires et complexes. Tout changement est-il pour autant synonyme de crise? N'y a-t-il pas là une singulière paresse intellectuelle? La sollicitat ion tout azimuts de la notion de « crise» n'oblitère-t-elle pas par elle-même l'analyse? Il nous semble par exemple que cc concept n'a de sens que si le chercheur préc ise à quelle époque il compare la situation ex istante pour diagnostiquer une crise. Nous l' avons dit. la notion de « crise » mériterai t une étude en tant que telle. Ce lle-ci dev rait en tout cas répondre à quelques questions essentielles. Peut-on perpétuellement vivre en crise? Quelle fonction remplit celte notion si présente dans notre soc iété alors que « tout semble en crise» : l'école, l'année, l'agr icultu re. l'énergie, les valeurs, la religion, les idéologies, les identités, la sexuali té, la gauche, l'environnement, les intellectuels, l'Eglise, la culture, la nation, les relations internat ionales, ... La liste est sans fi n et ressemble à un inventai re à la Prévert. La crise est-elle conjoncturelle? Est-ellc structurelle ? Et si ou i, peut-on encore parler de crise? La « crise du capitalisme» tant de fo is annoncée, prédite et analysée doit inciter le chercheur à la prudence. Pour la gauche, les réponses sont multiples: s'agit-il d ' une crise indiquant une défa ite ou un échec, dus d 'abord à son incapacité à évoluer ou, au contraire, comme le suggèrent par exemple G. Voennan et M. Lazar à la sui te de R. Dahrendorf, d' une crise résultant de j'aboutissement des objecti fs de la social-démocratie et du modèle qu 'elle entendait porter ? Il faut encore se demander si ces approches sont contrad ictoires ou si, inversement , elles se complètent, se répondent et s' alimentent J'u ne J'autre. NOies , On se réfén:ra à CC I égard aux lravaux de l· tnsli luT de sciences poli tiques Cl sociales de Barcelone el à セウ@ in EurO{UII : r>fC/(lss. Popu/ors. CO/cll·AII ? lns1i1u1 de l'ouvrage paru en 1992 : ICI'S, So("i(llisl poイHゥ cセョ」 ゥ ・ウ@ Politiques i Socials. 1992,246 pages. l L'article 138 A stipule: .. Les partis poliliques au niveau européen SOnt imponams en lant que facteur dïmégr.uion 3U sein de l'U nion. Ils contribuent à la formation d 'I!ne conscience européenne et 11 I"ex pres, sion de la volonté politique des ciloyens de l'Union ... C OSSEL !)lO S COMMU.'1AUTts EUROI'EE.'1NES, comINエャウ fUniO/I セQBqp￙ョャN@ N セ@ DES COM).tUN"urts EUMMENSES, Troil; su, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1992,253 pages, p.62. 'Sur la qUC51ion des rappons de la social-démocralie au nalionalisme. voir M. Tm.b (a cura di), T,a nッZゥャセ@ セ、@ Europa, (lnn(lli CIU 1992,1993, Franco Angeli, 1993, 428 pages, • Voir J. BIDET CI J. Tli.XIF.R, .. L'écologie. ce malérialisme hislorique セ N@ aciャセQ@ M arx, 1992,218 pages. ) Voir P. Du .wlT, J.M. DI; WAELF, el J. GoroVITCll. CEI/rofX' d/'S ュオョゥウャセN@ édilions Complne. 1992.352 pages, Les mutations économiques et sociales. Des repères panni d 'autres Mateo ALALUF Si l'on parle de mutations, il conv ient de définir au préalable la référence de départ. A panir de quels points de repère allons-nous envisager les transfannations économiques el sociales en cours? Ce texle se donne un double objectif. D' une part, envisager la nature des mutations. Pour ce faire , par hypothèse. nous prendrons comme point de départ ce que de nombreux auteurs ont qualifié de rapport salaria l fordi stc pour définir les structures soc io-économiques qui se sont mises en place au lendemain de la deuxième guerre mondiale. C'est donc par rapport au compromisfordisre que l'on parIera de transformations économiques el sociales. D'autre part, nous tenlerons également d 'envisager des problématiques de recherche à panir desquelles nous parlons de la société. Toute vérité n'est-elle pas condi tionnelle aux modalités qui ont penn is de l'observer et la révéler ? Du point de vue des méthodes, c'est à la place respect ive des acteu rs et des structures que nous nous intéresserons. 1. Le compromis fordiste Après 1945 lout se passe comme si les revendications sociales, les aspirations politiques et les besoins de la reconstruction économique convergeaient vers un même ensemble de réfonnes pennenant de sunnonter durablement les contradictions ayant abouti à la crise des années trente. Celle-ci avait trouvé son origine dans le déséquilibre entre une production intensive el l'absence de consommation de masse. Le dispositif cohérent (que l'on qualifiera de keynesien) qui se met en place s'appuie sur une forme de rationalisation de l' utili sation de la mai n-d'œuvre dans les entreprises (le taylorisme), une production de masse, une amélioration du pouvoir d ' achat des salariés et un système généralisé de sécurité sociale assurant la régularité de la consommation. Ainsi s' institutionnalisera, après la guerre, le rapport salarial qui constitue le mode d'intégration sociale des salariés. 20 LA GAUC HE FACE ,\ UX MlITATIONS EN EURO PE Dans une perspective de croissance économ ique considérée comme durab le, de consommation de masse (on parle de société de consommation), il s' agit d 'articuler mode de production et mode de consommation . Pour ce faire on aura besoin, pense-t-on, de consommateu rs instru its et de travailleurs qualifiés. S i bien que celle régulation consolidera les rapports sociaux jusqu 'à don ner une apparence de stabi lité aux facteurs précisément instables du salariat. Pour expliquer une crise qui dévoile tous ses effets au mil ieu des années soixante-dix , en tennes de chômage massif, de recul du pouvoir d ' achat et de défic it des finan ces publ iques. on considérera que les divers é léments ayant contribué au progrès dans la période précédente, ont épuisé leurs effets et ne pennettent pl us la poursui te d'une croissance semblable à celle de la période précédente. Les événements de 68 n'avaient-ils pas déjà montré les lim ites d u taylorisme et d ' un mode de vie synthétisé par la fonn ule métro-bou lot-dodo ? Bien sûr. ceue présentation des thèses d 'auteurs comme Boyer, Aglieua ou Lipietz, est pour le moins schémat ique et peut-être caricaturale. Même lorsqu 'e lles sont exposées de manière détaillée, on Peut leur objecter de ne pas tenir comple suffisamment des relations internationales (rapports Est-Ouest et Nord-Sud) et de conclure un peu rapidement peut-être à l'essoufflement des fo nnes tayloriennes d 'organisation. Quoi qu ' il en soit, nous proposerons ce modèle d 'analyse comme point de départ pour apprécier précisément les transfonnation s induites par la crise depuis le milieu des années soixante-dix. Jamais avant celle période de l'après-guerre, en effet, la classe ou vrière, soc le en que lque sorte de la gauche, n'avait atteint un tel niveau d'organ isation, de représentation et d ' institutionnalisation. En nombre, les salariés, el parmi eux les ouvriers, avaient connu un essor considérable. De plus, par la concentration de la production , la classe ouvrière se trouvait rassemblée elle-même dans des régions. des grandes entreprises et établissements, et homogénéisée par les standards tayloriens de l'ouvrier interchangeable, alors que sa sphère de consommation s'élargissa it considérablement. Elle accédai t également, à travers des conflits, des lulles et des tensions, à une stabilisation sociale en rupture avec la précarité ct la salarisation : garantie d 'e mploi, protection sociale , stabi lisation fam ili ale 1. 2. Fin d ' une époque Avec la crise et le chômage massif au mil ieu des années soixante-d ix, il s'agi! véritablement de la fin d ' une époque. Certes, J'augmentation de la productivité, c'est-à·dire les gains de temps par unité produite, n 'ont sans doute jamais progressé autant. Mais en même temps, c'est le lien entre emploi et investissement qui paraît tout à fa it distendu , sinon rompu. Comme le soutenait déjà K. Marx, dans Travail salarié et Capital, la guerre économique « a cec i de particulier qu 'elle ne se gagne pas en recrutant LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES 21 mais en congédiant les années de travai lleurs }}. En effet. le licenciement n'est pas seulement le résultat d' une dim inution des commandes ou la sanction d' un défaut de gestion; il correspond au mode de fonctionnement nonnal, à la bonne gestion des entreprises. Au fond , la parenthèse de croissance qu 'ont représentée les années 1985 à 1990 en Europe, brève rupture dans une longue période de crise et de chômage qu i a débuté en 1974, a consol idé paradoxalement ce constat: l'in vestisse· ment nouveau pour l'essentiel ne crée pas d'emploi, puisqu' il s' agit d'abord de rati onaliser la production el lorsqu' il y a création d'emplois non seulement ceux·ci sont à temps partiel ou à durée détenn inée, mais ils s'adressent aussi en grande partie à la population inactive (femmes désireuses de retravailler, jeunes ...) et ne contribuent qu'à résorber très fa iblement le chômage. Par leur extension , les pertes d 'emploi frappent des catégories de Ira· vailleurs de plus en plus diversifiées mais touchent surtout les activités indus· trie lles. Elles accentuent ainsi la tertiarisation de l'économie el entraînent même une certaine déSOlivriérisatioll de l' industrie . Si bien que le chômage de longue durée s' impose et qu ' une proportion importante des emplois se trouve précarisée. Les phénomènes d'exclusion économique et sociale qui en résul· tent menacent alors la cohés ion même des sociétés industrialisées européen· nes. 3. Des rapports de for ce délériorés Au delà des chiffres de l'emploi et du chômage, il faut en conséquence répondre aux diverses situations que recouvre la réalité du chômage. Quand on examine le chômage des jeunes, dont l'importance tout comme l'accroissement ont été considérables, on observe que ce n'esl pas seulement à la difficulté de trouver un emploi que ceux·ci sont confrontés. Comme il res· sort de nombreuses études, les jeunes sont aussi soumis à une forte mobilité involontaire et contrainte, alors que la mobi lité volontaire, qu i vise à améliorer la position profess ionnelle, reste tout à fa it marginale. De plus, beaucoup n' hésitent pas à attribuer la cause du chômage au man· que de qualification et à l'inadéquation des fonna tions par rapport aux besoins des entreprises. Ce qui pennet d' ai lleurs de rendre l'école responsable du chô· mage. Pourtant, les taux de scolari sation ont progressé très considérablement depuis plusieurs années. Il en est résulté une augmentation importante du ni· veau de fonnat ion des jeunes et en particulier des jeunes chômeurs. Jamais les entreprises n'ont eu un choix si grand panni un large éventail de diplômés. En fai l, face à la général isai ion de la scolarisation, les employeurs augmentent leur seuil d'embauche elles diplômes ne donnent plus accès aux mêmes cm· plois qu 'auparavant. Les principales victimes de celte situation ne sont cepen· danl pas les diplômés mais les non·diplômés exposés au chômage prolongé et aux phénomènes d'exclusion. 22 LA GAUCUE FACE AUX MlffATIONS EN EUROPE Ainsi. soumi s d 'abord à la mobilité résultant de la précarité des em plois, la difficulté essentie lle que rencontrent les jeunes n'est pas de trouver mais bien de garder un emploi. Progressivement cependant, enfennés dans des situations aléatoires, ils sont menacés d'être relégués de plus en plus loin dans la fi le d'attente pour accéder à l'emploi et en conséquence, ils sont exposés à l'exclusion sociale. On voit bien ainsi comment crise de l'emploi et cri se de l'école s'enchaînent et se renforce nt mutuellement. Pour les chômeurs âgés en revanche. le problème est moins celui de la précarité que d' un nouve l accès à l'emploi. En cas de perte d'emploi , ils se trouvent d 'emblée menacés d'év iction du marché du travail et d'enl isement dans le chômage. Pour eux. le problème réside dans la très grande difficulté à retrouver un emploi. C'est donc la protection des travailleurs âgés, par rapport au licenciement. qui se trouve ainsi posée. Une des transfonnations sans doute les plus fondamentales du travai l ré· side dans la participation pennanenle des femmes à l'activité économique. Celte tendance est tellement forte que, contrairement à ce qui s'était passé précédemment , ni la crise. ni le chômage mass if n'ont réussi à freiner cette évolution. La contrepartie des progrès réal isés en mat ière d'accès des femmes au travai l a cependant été leur infériori sat ion dans l'emploi. Alors que les femmes sont durement fra ppées par le chômage, elles n'ont accès à présent, pour l'essentiel. qu 'à des emplois à temps partiel ou encore à d'autres fonn es spécifiqu es d 'emploi. Enfin, pour l' immigration également, les situations se sont fortement modifiées. On le sait , l'immigration est d'abord économique. C'est d'ailleurs en lennes de travailleurs étrangers qu 'on la désigne souvent. Il n'est donc pas étonnant que l'insertion professionne lle des immigrés ait constitué le facteur principal de leur intégration. Malgré certains problèmes, ce n'est heureusement pas dan s les lieux de travail que la xénophobie eSl la plus présente. Tout au contraire, l' intégration des travailleurs immigrés dans les syndicats, leur participation à part entière aux é lections sociales. ont pennis leur accès à la citoyenneté économique. C 'est cn revanche en tenncs de cohabitat ion dans les quart iers que les rapports sociaux se sont le mieux prêtés à détérioration en période de crise. Alors même que l'imm igrati on, qui répondait auss i à un défaut des naissances lié au vieiJli ssement de la population, est devenue familial e et s'est sédentari sée. e lle se trouve à nouveau louchée par le chômage, mais aussi par la xénophobie et le racisme. Dans le passé, tout en alimentant les échelons les plus bas du salariat , l'immigration a pemlis une mobi lité soc iale importante. Avec la crise cependant. les entreprises sont moins demandeuses d' une maind'œuvre encore mass ivement affectée aux segments non qualifiés du marché de l'emploi. A présent , ce sont les jeunes issus de l'immi gration qui aspirent à la scolarité, à J'emploi et à la mobilÎlé socia le. Même si les popu lations, issues LES MUTAT IONS ÉCONOMIQUES ET SOCIAL ES 23 de l' immigration, occupent toujours des emplois situés dans les segments se· condaires du marché du travail , il faut à présent prendre en compte le fait qu'ils font partie intégrante de la population locale . C 'est donc en temles de sécurité de séjour et de citoyenneté que se pose d ' abord la question de leur insertion professionnelle, sociale et politique. 4. Réduction du temps de travail et flexibilité Pour répondre à la cri se de J'emploi, les organisations syndicales ont avancé un pe u partout en Europe la revendication de réduction du temps de travail. Le patronat cependant s'y est opposé et a de son côté tenté d ' imposer la fl ex ibilité de l'emploi comme moyen d 'améliorer la rentabilité et la campé· titivité des entreprises. En toute logique, la fl exibilité aurait pu être dans ce contexte la base d ' une transaction entre employeurs et travailleurs et consti· tuer la contrepartie accordée à la réduction du temps de travail. Pourtant au tenne d ' une enquête effectuée dans treize pays industrialisés, G . Bosch et F. Michon aboutissent à une conclusion toute différente 2. Il s constatent que le développement des emplois à temps partiel et/ou précaires est, dans de nombreux pays, le fait d 'entreprises possédant déjà un haut niveau de fl exibilité. Aussi, l' idée d ' un marchandage qui suppose J'acceptation d ' as· souplissement des règles par les syndicats en échange de l'acceptation d ' une réduction du temps de travail par les patrons ne se traduit guère dans les faits. Les employeurs obtiennent les dérogations aux règles générales, pennettant de flex ibili ser l'emploi sans devoir concéder des contreparties correspondan· tes en tennes de réduction du temps de travail, en particulier, dans les pays à système de relation pro fessionnelle décentrali sée (Grande· Bretagne ... ) ; alors que dans les systèmes centrali sés (Belgique, Allemagne ... ), des compensa· tions sont parfois obtenues par les syndicats. C'est bien sûr, contrairement à ce que suppose le sens commun , lorsque l'emploi dev ient rare et rationné qu ' il se prête le moins à un partage équitable. Dans l'ensemble donc, dans un contex te de crise où les rapports de force paraissent singulièrement détériorés pour les organisations syndicales, on liS· siste à un profond mouvement de précari sation et de fragili sation de J'emploi qui accentue une reprolétarisation ouvrière par le chômage. Il en résulte une accentuation des tendances à la déstructuration et à la désolidari sation des or· gani sations syndicales elles·mêmes. Celles·ci tendent alors à se replier sur les entreprises et à se cantonner à la défense des dro its acquis. Dans un sauve·qui · peut improvisé, la sauvegarde des micro· intérêts dev ient un des rares repères tangibles. Si l'on peut définir suivant les tennes de Pierre Ro lle la classe ouvrière comme une commul/auté de r i va/u', la précarité affaiblit la commu· nauté dans la mesure même où e lle accentue la ri valité. 24 LA GAUCIIE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE 5. Chômage el démocratie Celle évolution a entraîné dans différents pays un affai bli ssement du mou· vement social·démocrate dans ses composan tes polit ique, syndicale, mutuelli ste et coopérati ve . Jusqu ' ici , comparativement aux au tres pays euro· péens, le mouvemem socia li ste en Be lgique, ma lgré de très grandes difficul· tés, a relativement bien résisté à la crise . Pour l'essentiel, les adhérents aux organisat ions syndicales et mutue llistes, les électeurs des partis socialistes, tout comme l'essentie l des acquis sociau x, ont pu être sauvegardés. Il n 'en reste pas moins vrai que celle situation est fragil e et lourde de me· naces. Elle ne peut cacher une perte de considérat ion qui frappe non seulement les institutions mais auss i les forme s démocratiques dans leur ensemble. C'est en effet à l'échelle de sa propre réuss ite que chacun apprécie les progrès de la démocrat ie. Ceux qui affrontent les pires d iffic ultés peuvent en conséquence, en arriver à postuler la fa il1 ite de la démocrat ie. Nous avons déjà pu observer dans le passé combien les périodes de crise el de c.hômage, propices aux dési!· セ@ lusions et aux désenchantements,.peuven t aussi l'être aux résurgences de ャG・ク trême·d roite. La question de l'emploi est essentielle parce qu'e lle touche ce qui condi· tionne nos moyens de subsistance et les différents aspects de notre participa· tion à ta soc iété. Lorsque l'on est privé d'emploi, si l'on ne trouve pas dans tes structures soci ales habituelles le soutien attendu, on fi nit par rejeter ces ウ エイオ 」セ@ lures. La démocratie ne se limite pas à la seule consultat ion électorale périod i· que qu i en est bien sûr une condi tion nécessaire. C'est aussi une participat ion q uotid ienne aux divers aspects de la vie en société. C'est le travail qui est dans nos sociétés, pour une grande part, le vecteur de celle partic ipat ion. Or, lorsque l'emploi privé se rétrécit, que les services publics sont fragili· sés, que des secteurs sociaux se sentent marginalisés, les chômeu rs désignés rapidement en termes de « noyau dur » se trouvent en quelque sorte « mis de côté ». Leur fonction essentielle se réduit alors à peser vers le bas sur leur propre protect ion sociale el sur les reven us et les conditions de travail des autres. Dans ces condi tions, il n'est pas étonnant que la société perde ses lien s et so it vulnérable à tOUies les démagogies. 6. Acteurs et effets de structure Du point de vue des méthodes de recherche, on envisage souvent les chan· gements. les mutations à partir des force s sociales qui les ont susc itées dans des conditions spécifiques. On s' interroge alors sur la stratégie des acteurs en présence. Mais ne nég lige+on pas alors les transformations que subissent ces acteurs au cours des bouleversements économ iques et sociaux don t ils sont censés rendre compte? Je voudrais quant à moi proposer de voir dans les mu· tations récentes non seulement des stratégies mai s de suggérer la transforma· LES MUTATIONS ÉCONOMIQ UES ET SOCIALES 25 tion des acteurs sociaux , en particulier des partis et des syndicats comme objet de recherche. Dans les termes de l'analyse stratég ique. les acteurs (en treprises, employeurs. syndicats, travailleurs, pouvoirs publics ... ) élaborent des stratégies et mobil isent des ressources en fo nction des marges de manœuvre que permet la conjonctu re. Ce système d'action concret (Crozier) peut alors révé ler un compromis social pl us éclaté et flexi ble. Si bien que les fo nnes d ' emploi, de chômage, de reconversions économiques ou de compensations accordées aux salariés seron t considérées comme produites ー セ イ@ des compromis sociaux, eux-mêmes effets de composition, résultant des stratégies patronales, syndicales et étatiques. Les éléments principaux de l'analyse seront donc les stratégies des acteu rs, la structure qui définit la règle du jeu, à savoir le marché, et les « mutations» qui en sont la conséquence. C 'est donc en définitive les stratégies des acteurs qui défi niraient les transformations en cours. Si J'on décortique ains i les stratégies différenciées des acteurs pour com prendre les changements en cours, la réalité et les transformations des acteurs mis en présence sont rarement interrogés puisqu'ils sont considérés eux-mêmes comme donnés a priori. C'est pour avoir accepté d 'emblée l'év idence des acteurs que nous manquons de curiosité à leur encontre. Il ne s'agit donc pas de se limiter aux interactions entre acteurs, mais de s' interroger sur les condit ions de leur rencontre et des rapports qui les défi nissent. En d'autres termes, ce sont aussi les transformations de l'emploi , du chômage, et des structures productives qui définissent la place, le rôle et les transformations dont les syndicats, les patronats et les pouvoirs publics sont le siège. Ce sont précisément ces circonstances qui permettent de comprendre les transformations des acteurs. Aussi. les « effets de structure» sont- il s fondamentaux pour com prendre ces transformations bien que « les structures n 'agissent jama is que par l' intermédiaire des actions individue lles et collectives" l. 7. Des capacités d ' innovation sociale? Par rapport à la crise et au chômage, le renouvellement de la revendication synd icale résulte du fait que les démarches trad itionnelles se trouvent atteintes dans leur double composante: la revendication salariale se heurte au refus des employeurs el aux politiq ues d ' austéri té des gouvernements. et la réduction du temps de travai l, revendiquée préc isément pou r endiguer le chômage, au lieu de s' accentuer s'en trouve frein ée. D' une part, le rapport de force ne permet pas de diminution du temps de Iravait sans une diminulion des salaires et d ' autre part , l'emploi devenu ressource rare rend improbable que des salariés supposés rationne ls se retirent volontairemenl ou orientent librement leur pra- 26 LA GAUCII E FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE tique vers le partage de l'emploi disponible. La crise des négoc iations collectives est alors le reflet de ce double blocage. Dès lors des pratiques syndicales nouvelles com me la participation aux ウセL@ les questions de la formaprojets de formation et reconversion des ウ。 ャ。イゥ← tion et de la fo nnation en alternance ne sont certes pas inscrites dans des stratégies préétablies mais peuvent être envisagées comme autant de transrormations el de capac ités d'innovation sociale induites par les circonstances. En effet , le chômage qui dans un premier temps avait entraîné une reconversion émerveillée aux valeurs de l'entrepri se el du marché commence, sous l'effet de la persistance el de l' aggravation du chômage, à produire un même désenchantement. Les solidarités substitutives à celle de « classe », qui ont pris la forme notamment de race, d 'ethn ie, de nation ou d'intégrisme, montrent à présent toute leur barbarie. Si bien que l'extens ion, la généralisat ion et les transformations du salariat, les exigences renou velées en termes d'esprit public et de contrô le démocrati que, le refus de la bureaucratie, constituent autant·de ressorts pour une gauche qu i peUl trouver dans des ébauches de réponse à l' aggravation des inégalités le sens même de son renouvellement. NOIes 1M. VEUt:r." Où va la classe ouvrière française? セN@ O,,,,,irrs. ou\·rièrrs. Â"'remr1l1. 1992. pp. 21-35. ' G. Bosal CI F. MIalOS ... Réduction el neJl.ibilisalion du temps de lm,'ail ". dans F. MIOION CI D. sセgriゥDtn@ (éd.). L'rmplpi. l"rmrrprise ri/a s()(ifll. E<:Ollomica. Paris. 1990. pp. 211-228. 1 L. t i|セBHャ u ケN@ L'rrrsrigtlr/lIrlJ/ profrssiOlmr/ rIl Fral1cr. P\lF, 1991. p. 18. • Voir M.C. V'UJ>YAI., Mil/arions Îndustrirllrs ri ruol/l"rrsÎOIr tirs sa/arih. L' Harmallan. 1992. Crises et recompositions de la gauche en Europe occidentale Marc LAUR Articles de journaux et de revues, essais, pamphlets, livres un iversitaires, colloques académiques et rencontres grand publ ic sur le sujet se succèdent. L'affaire est enrendue, le constat dressé sur tous les Ions et, à fo rce d'être ré· pété. s' impose com me une év idence incontournable el un lieu com mun am· plernent diffusé: la gauche en Europe est en crise. En vérité, l'assertion se révèle plus complexe qu'il n 'y paraît. A commencer par l'appl ication de la notion de crise à un courant pol itique. La situation de dérèglement et de déstabil isation qu'elle sous-entend est-elle exceptionnelle poU f des organisations politiques? Exisle-I-il des critères abso lus, des indices incontestables - et si oui, lesque ls? - qui autoriseraient à parler de crise d' une fonnation pol itique ou ceux-c i sont-ils relatifs selon les conjonctures, ne devenant sign ificatifs q ue lorsque les acteurs (responsables de partis et observateurs) s'en emparent ? La recherche des causes suffi t-elle pour appréhender parei lle phase ou ne fau t-il pas aussi y intégrer les réponses et les comportements des principaux intéressés? Enfin, le tenne de crise peut-i l êtrc employé de manière indifférenciée pour qualifier l'état de l'ensemble de la gauche en Europe ? Ces quelques questions orientent notre réflexion sur la gauche aujourd' hu i, nourrie par l'observation des partis communistes et des partis socialistes ouest-européens. Une étude qui amène aussitôt à d istinguer leurs situat ions respectives et à mettre au plurielle mot « crise ». 1. Les crises de la gauche 1.1.La crise des partis communistes A priori, elle ne tolère pas la discussion tant les symptômes concordent. Elle se man ifes te d'abord par le recul général, commencé bien avant 1989, de l' audience électorale des PC. Il n'est pas nécessaire d'en présenter un panorama détai llé et fastidieux ; constatons seulement qu' il a abouti à la di sparition 28 LA GAUCHE FA CE AUX MUT ATIONS EN EUROPE totale de la scène é lectorale des minuscules partis autrichien, belge. britannique, danois, hollandais, norvégien et suisse, et au déclin de ceux qui curent une plus ou moins grande importance historique, comme à Chypre, au Portugal , en Espagne. en Finlande, en France. en Grèce, en Italie ct en Suède 1. La désaffection milit ante attei nt des proport ions impressionnantes pour les peti ts partis communi stes au point de les transfonn er en coquilles vides; elle touche aussi les pl us pui ssants d 'entre eux: ainsi, le dénombrement des mil itants entre l' année maximum de recrutement dans les années soixante-dix, moment d 'embellie pour le commun isme ouest-européen, et les plus récentes données en notre possession, montre qu 'en 1990, avant de disparaître, le PCI avait perdu plus de 27% de ses effectifs par rapport à 1976, alors qu 'en 1987. le l'CF enregistrai t une saignée de plus de 36% par rapport à 1978 2• Les autres indicateurs confinnent la tendance de fond: la diffu sion de la presse communiste se rétracte partout, la capaci té des organisations de masse liées aux PC s' amoindrit , les indices de popularité ou de sympathie établis par les organismes de sondages attestent le peu de Crédi t des dirigeants communistes et le rayon nement cuhurel des PC s'affadit totalement. L'ensemble suscite d 'ailleurs des conflits multiples au se in des PC qui aboutissent à des affron tements ouverts et, parfo is, à des scissions, offrant de la sorte aux chercheurs qui s'y intéressent la possibilité de tester le fameux modè le de comportement - défe ction (exit), prise de parole (vo ice) et loyauté (Ioya lty) 3 - mis au point par Albert O. Hirschman pour rendre compte du déclin des entrepri ses ind ustrielles. Les caractéristiques communes de la phase génétique des partis communistes et leurs modalités historiques d ' instituti onnali sation ont fortement pesé sur les trajectoires de chacun d 'entre eux et fom qu'il est assez ai sé de repérer la nat ure de la cri se qu' ils traversent 4. Tous les PC sont confrontés à une semblable remi se en cause de leur projet général , de leur doctrine. de leur identité. de leur stmtég ie, de leur organisat ion et de leurs modalités spéc ifiques d ' insertion dan s les sociétés ouest-européennes. Mai s l'originalité de la période présente doit être bien saisie. Car en tant que telle, la situation de crise n 'est en rien exceptionnelle pour les parti s communistes. A l' inverse, leur hi stoire est ce lle d ' une succession de cri ses récurrentes interrompues par quelques rares et brèves plages de stabi li sati on et de répit. Par définition , le communisme est en pennanence travaillé par des tensions internes et soumi s à des conjonctures favo rables et néfastes: en e ffet , y sont à l'œuvre des processus contradictoires engendrés par des « dynam iques du dehors» et des « dynamiques du dedans» 5. Les « dynami q ues du dedans >, proviennent du type de rapports centre-périphérie qui régissent le monde communiste: le centre veut sans cesse exercer son contrôle, imposer un mode de comportement unifiant et homogénéisateur sur des réalilés pl urie lles, et se réfère à un corps de doctrine qu ' il cherche à éri ger cn or- CRISES CI RECOMPOSITIONS DE l.A GAUCHE EN EUROPE OCCIDENTAl.E 29 thodoxie universelle. Les « dynamiques du dehors » découlent directement du lien sém ina l et fondateur de leur légitimité que les partis communistes ti ssent avec la lutte de classes, les conflits, les mouvements sociaux, qui les rend , plus que toute autre fonnation , tributaire s des conjonctures sociales. Par conséquent, si l'état de crise est la nonne pour les pan is commu nistes, il reste à en comprendre la nouveauté présente. Le bouleversement des années quatre-v ingt et quatre-vingt-dix a mis un point fin al au projet communiste fondamemal - renverser le rapport de forces avec le monde capitaliste et impériali ste au profit du monde socialiste quand bien même les tennes concrets de la réalisation et de la fa isabil ité de ce lui-ci fure nt souvent repensés. De ce fa it, ce q ui subsistait de doctrine, d ' identité et d ' organisat ions com munes, toutes fondées sur la centralité el le rôle prééminent de l'URSS el du camp sociali ste, s'est disso us. A la di fférence des autres revers subis dans le passé, par exemple, el pour se limi ter à l'après-seconde guerre mondiale, en 1947, en 1956, durant les années du conflit sino-soviétique , en 1968, en 1979 ou en 1980- 198 1, il ne s ' agit pas cette foi s-ci d ' un accroissement des di fférenciat ions internes au système communiste mondial aiguisant les rivalités entre PC, ma,is de l'écroulement complet des derniers fe nnents de l' unité communiste. La désagrégation frappe tous les PC, qu ' ils soient fidèles panni les fidèles ou « hérétiques », comme le parti italien. Celui-c i a pâti de ne pas avoir voulu rompre complètement ses liens avec le système communiste mondial. II ne peut plus désormais recourir au double jeu traditionne l qui lui avait si longtemps profité : être à la foi s dans le monde communiste et critique de ce lu i-ci lui pennettait d ' attirer les habituelles cl ientèles communi stes et les fractions de la gauche réservées envers l' URSS qui appréciaient ses prises de distance avec Moscou. A cela viennent s'ajouter les effets désonnais connus des mutations des soc iétés dans lesq uelles évoluent les PC, des stratégies qu' ils adoptent et de leu rs modes d ' organisation. Les chasses ァ 。イ、 セ ・ ウ@ des PC se transfonnent et amenui sent les bases communistes potentielles 6. Les stratégies des l'C dotés d ' une « capaci té d ' in tervention minimale » 7, soit ceux de Suède, d'Espagne, de Finlande, du Portugal, de Grèce, de France, de Chypre et d ' Italie, on t toutes échoué depuis plus d ' une décennie, les plaçant dans une sit uation de dépendance. Enfin , le centralisme démocrat ique apparaît désonnais com me un obstacle à l' adhés ion, constitue un motif supplémentaire de confl its internes et semble inefficace par rapport aux fonn es contemporaines de l'action politiq ue. Au regard de ce tableau, les part is sociaux-démocrates et soc ialistes ouest-e uropéens présentent a priori un visage plus souriant. 30 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE J.2. La crise des partis sociaux-démocrates el socialistes De ce côté-là, les indices sont beaucoup moins clairs et nets. En 1991, Wolfgang Merkel a même soutenu une thèse hérétique. Se fondant sur une étude électorale comparative menée depuis 1945 , il s'est élevé contre l' idée d'u n décl in général de la gauche socialiste. Affi nant son propos. il d istinguait quatre sous-ensembles de partis: les part is travaillistes, britannique et irlandais, déclinent: les partis allemand, belge, fi nl andais, hollandais et suisse, « pragmat iques de type coalescent », subissen t une légère érosion; les part is d'Etat-providence, autrichien, danois, norvégien et suédois, restent stables ; enfin. les part is de « type ambivalent» (France, Grèce, Espagne et Portugal) progressent 8. Bien que les regroupements puissent prêter à d iscussion, les derniers scrutins qui se sont déroulés en Europe occ identale compliquen t le schéma d'analyse de Merkel mais allestent aussi les mouvements contradictoi res qui affecten t l'électorat de ces partis. Ainsi , en av ril 1992, le Labou r a sans conteste été bauu par le parti conservateur, mais il a progressé de quatre points par rapport aux élections précédentes, cependant que trois ans auparavant, en Irlande , le Labour, avec 9,5% des suffrages, avait gagné troi s points 9. En revanche, l'échec social-démocrate est retentissan t en Suède où en 199 1, le SAP recue il le 37.6% des suffrages et enregistre son plus mauvais résul tat depuis 1928. Echec net également pou r les sociaux-démocrates fin landais et be Iges la même année et pou r les Allemands en 1990 lors des é lect ions de la réunification . En Autriche, le SPOe l'emporte aux élections législatives en 1990 ma is, deux ans plus tard , son candidat aux présidentielles est dé fait. En Su isse, les élections de 199 1 se marquent par une stabi lité socia li ste. Enfin, si les ps fra nçais et italien reculent, celui du Portugal perd largement les élections de 199 1 tout en progressant de sept poi nts par rapport à 1987. Ce pol-pourri électoral - qui nécess iterai t des investigat ions scientifiques plus poussées - montre cependant la différence avec les partis communistes où tous les indicateurs électoraux sans exception aucune sont à la ba isse. JI en va de même pou r les effectifs. Les tableau x: comparatifs, dressés par Jan-Erik Lane et Svante O. Ersson pour la période allant du milieu des années ci nquante à 1985, révèlent encore une fois une situation contrastée: hausse régulière des adhérents des parti s autrichien, belge, britanni que. finlandais, italien, norvég ien et suédois: recul continu pour le parti danois; hauts et bas pour le SPD (avec. en particul ier, une hausse des encartés dans la deuxième moitié des années soixante-dix. suivi d ' une régression jusqu' en 1987 et d'u ne reprise par la suite 10). pour le ps français. le Pt\SOK, les pani s soc ialistes espagnol et sui sse Il. Est-on autorisé. sur la base de l'étude com parat ive des résultats électoraux, des participations au pouvoir ct des poli tiques publiques sui vies par les gouvernements soc ialistes et sociaux-démocrates, à conclure, à l' instar de W. Merkc l. qu 'i l y aurait un décl in part iel du soc ialisme mais pas un déclin CR IS ES ET RECOMPQS ITIO NS DE LA GAUCliE EN EUROPE OCCIDENTALE 31 général. ni un «décl in irréversible» Il? En fait , posé en termes quant itatifs, le débat ne progresse guère. Parce qu'est occultée la crise de la social·démocra· tie qui comporte quatre aspects principaux. Crise d'abord du modè le social·démocrate de Welfare Store apparu dans les années trente avec sa politique de régulation plus ou moins prononcée du marché (tout en laissant celui·ci assurer le développement) et une politique act ive de redistribution par l' intermédiaire du pouvoir étatique el le recours au compromis entre partenaires sociaux puissamment organisés et représentés Il. Elaborée. pour l'essentiel, en Scandinav ie, celte conception de l'Etat·provi· dence a ensuite été imitée ai lleurs par les autres partis sociaux·démocrates ou soc ialistes, avec à chaque foi s des ajus!ements spécifiques. Généralement, on altribue la crise de ce système à partir de la fin des années soixan!e·dix à des facteurs économiques: fin de la croissance qui réduit les capacités redistribu· tives étatiques 14, mond ialisation de J'économie qui avive la compétition inter· nationale el rogne les marges d'action des systèmes nationaux des Etats·pro· vidence, prélèvements fiscaux devenus insupportables 15. Mais jouent égale· menties effet s et les usages soc iaux délétères qui sont fait s de celte organisa· lion économique et soci ale par les principaux intéressés. Au lieu d 'accroître la solidarité collective au nom de laquelle l'Etal·providence a été institué, l'ex istence de ce lui·ci, au fil du temps, renforce les stratégies particulières et particulari stes des individus qui cherchent à profiter au maximum des ressour· ces de l' Etat, à préserver leur propre confort et, parfois, dans le même temps, à bénéfic ier des avantages d ' une extension des loi s du marché 16. De la sorte. une véritable inversion de sens s'est produite qui dénature la philosophie ini· liale du modèle social·démocrate. Mais la crise de la soc ial ·démocratie est aussi idéologique et identitaire. Comme les PC, les partis socialistes ou sociaux·démocrates subi ssent les con· séquences des prodigieuses mutations sociales qui érodent leurs assises de classe. Privés de projet, ils ne peuvent plus prétendre être la force qui réalisera le paradis sur terre; comme le communisme, le 'socialisme démocratique fait ses adieux à la référence utopique. Par ailleurs, il ne peut p lus se présenter comme une alternative au communisme et au libéralisme. En effet, le premier, avec lequel il avait, dans l'ensemble, engagé un vif affrontement, s'est tout simplement délité. Avec le second, depui s 1945, et à l'exception remarquable de la Grande·Bretagne de Margaret Thatcher, une symbiose s'est progressive· ment réali sée. A cet égard , Ralf Dahrendorf avait sans doute raison de sau li· gner que si le communisme a fa it fail lite, la cri se du socialisme n 'est pas syno· nyme d 'échec: au contraire, elle résulte de son succès à avoir contribué, à la suite d 'une convergence avec d 'autres formations - démocrates chrétiennes par exemple, ou gaullistes en France 17 - à imposer un certain rapport entre l'Etat. l'économie et la soc iété. Celle fonne particulière d'économie capita· lisle et de relations sociales, distingue l'Europe occidentale du Japon ou des 32 LA GAUCHE FACE AUX /o.!UT ATIONS EN EUROPE Etats-Uni s et interdit désormais de parler de manière indifférenciée d ' un capitalisme mondi al. Aujourd ' hu i, ce système est en voie d ' amendement et de correction ; mais ses fondement s ne sont pas vraiment remis en cause, à l'except ion encore une foi s de la Grande-B retagne 18. D' autant que le nombre de ceux qui bénéfici ent du Welfare Store limite objectivement les tentatives de réaction contre cet Etal ; ainsi. en Allemagne. les personnes qui vivent de man ière prédominante des transferts sociaux sont beaucoup pl us nombreuses que les travailleurs manuels (e lles représentaient près d ' un quart des é lecteurs en 1983 19 ). Mais « l'épui sement de la force propulsive » du modèle social-démocrate W laisse les partis qui s'en réclamaient devant un vide et provoque en son sein de fortes divisions. En Scandinav ie, par exemple, une partie de la base soc iale-démocrate est de plus en plus tentée par un repl i identitaire autou r des vertus domestiques de la « maison du peuple)} aux couleurs suédoise. danoise ou norvégienne qui se teinte d ' une fierté nationa le bien particulière. En Suède , la social-démoc ratie prolonge la centralisation de CEtat tout en l'érigeant en barrière de protect ion contre tous les dangers, y compris ceux venus de l'extérieur. Plus généralement , elle se coule dans un nationalisme préexistant, et lui confère un contenu socia l qui vire au « chauvinisme social )} 21 et ex plique les difficultés d ' une partie de la base sociale-démocrate à accepter le ralliement des dirigeants à l' idée européenne et leur campagne en fav eur de l' adhésion. La crise de la social-démocratie est également une cri se d 'organi sat ion à plusieurs volets. Cri se dans les relations entre parti et syndicats, en particulier à cause des choix gouvernementaux et des politiques économiques qui déclenchent des affrontements el des confli ts entre les deux instances et mettent fin à la combinai son plus ou moins harnlOnieuse et aux convergences d ' intérêts qui étaient la marque d istinctive de la soc ial-démocratie. Crise dan s les rapports entre parti et électeurs el entre parti et adhérents. L'estompage du « vote d' appartenance» u , caractérisé par la fidélité des électe urs et une intense identification à un parti , accentue l'éloignement des parti s soc iaux-démocrates de leurs électeu rs traditionnels qui résulte de leur souhait de diversification de leurs clientèles et de leur surinvestissement de l'Etat ; dans le même mouvement.les électeurs moins mobilisés, moins intégrés dans les partis, découvrent des hori zons pl us larges devant eux et des offres politiques diversifiées, et choisissent davantage leurs votes sans d 'ailleurs que cela signifie une forte augmentation de la volatilité électorale mai s plutôt une fragmen tati on accrue des partis politiques 23. Quant aux militants, il s perdent leur influence dans la défi nition des politiques à cause de l'accroissemenl du processus d 'oligarchisalion des organisations; de même, se creusent les différenc iations socio logiques entre une base restée fortemenl ouvrière et populaire ct des leaders qui disposent souvenl d ' asce ndances famil iales sembl ables mais connai ssent une ascension sociale. En outre, se fait jour une contradiction de plus en plus nette CR ISES ET RECOMPQS ITIONS DE LA GAUCHE EN EUROPE OCCIDENTALE 33 entre la volonté de ces directions de s'adjoindre d 'autres clientèles sociales et polit iques, de répondre à des besoins nouveaux, et le poids des membres ou des électeurs traditionnels des partis sociaux-démocrates et soc ialistes. Un poids part iculièrement élevé comme en témoigne la corrélation toujours forte entre vote ouvrier et vote soci al-démocrate en Suède, en Norvège, en GrandeBretagne et, à un degré moindre, en Autriche, en Belgique, au Danemark et en Finlande 24, ou l'importance des retraités et inactifs dans le vote soci al-démocrate (de 30 à 48% selon les partis), ou panni les adhérents, comme dans le cas holl andais où ils représentent 45% des effectifs R セN@ La crise de l'organisat ion sociali ste ou sociale-démocrate provient également de ce que l'occupatioll des responsabilités gouvernementales provoque une désaffection du part i (le PS en France en fournit un bon exemple 26) ou des organisations ou associations diverses proches du parti et qu i tombent en désuétude: les ressources étatiques, gouvernementales ou électives l' emportent sur celles issues du militanti sme et de l' idéologie. Part du l'ote des nOIl-actifs dans les électorats des panis socialistes en 1983 (ell %) 27 ps (France) so (Danemark) 30 33 SPO (RFA) 34 41 44 44 4S LABOUR (Grande-Bretagne) PSt (Italie) PASOK (Grèce) PVdA (Pays- Bas) PSOE (Espagne) 48 Enfin, la crise de la social-démocratie est stratégique et se marque par une interrogation sur les all iances politiques et soci.ales. Les alliés classiques, le parti agrarien en Suède, les chrétiens-démocrates en Allemagne ou en Belgique, sont, à l'exception de ce dernier cas, négligés ou abandonnés au profit de contacts avec les Verts. De même, la recherche du soulien des classes moyennes constitue ce que Adam Przeworski et Joh n Sprague on t appelé « le dilem me du socialisme électoral » qui, selon eux , ne peut qu'aboutir à un échec, les partis sociaux-démocrates perdant du côté ouvrier sans gagner ailleurs u . La prédiction reste à confinner 29 ; mais elle pointe un fait réel, à savoir le grand brouillage stratég ique qui ne signale pas obl igatoirement un déclin assuré, mais plus sûrement une mutation en cours dont l' issue n' est pas encore e n vue. Si la crise du communisme est générale et a été accélérée de manière irrémédiable par J'échec des pays de l' Europe de l'Est, la crise du soc iali sme démocrat ique s'avère plus nuancée, variant d ' une situation à l' autre; moin s vio- 34 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE lente dans ses symptômes. elle n 'en a pas moins des effets redoutables en ce qu 'elle sape en profonde ur ses princ ipes fondateurs. 2, Quelle recomposilion ? Il est encore trop lôt pour pouvoir dégager les grandes lignes de la réfl ex ion entrepri se ces dernières années par la gauche en Europe. On cherchera toute foi s à avancer quelques remarques qui intéressent avant tout les partis sociaux-démocrates el sociali stes. En effet , les partis communistes, en dépit de ce qu ' ils proc lament , ne se sont guère engagés dans une refonte de leur idéolog ie ou de leur organisation; en Espagne, en Grèce, en France, au Portugal, en Suède et en Finlande, ils se contentent généralement d ' aigui ser leurs critiques contre les partis socialistes et essayent, selon des modalités variables d ' un pays à l'autre, de se constituer en flanc gauche de ces mêmes panis renonçant de/acto à jouer un rôle plus déterminant. La seule except ion conceme le PCI qui s'est transfomlé en part i démocratique de la gauche (PDS) et a rejo int l'Intern ationale social iste et les différentes institutions européennes socialistes. L'effort de chacun des partis sociaux-démocrates et socialistes et de l' Internationale soc iali ste porte d 'abord sur la doctrine . Il s' ag it de redéfinir le cadre théorique de J' action sociali ste en insistant notamment sur la lutte contre les inégalités et en faveur de la solidarité. Les soc ial istes mettent désormais en avant les notions de démocratie sociale, d ' Europe intégratrice , de coopération avec le Sud et d 'envi ronnement ; ils soul ignent la nécessité de réduire le déficil démocratique et d ' intégrer les nouve lles demandes sociales, par exemple, les revend icat ions féminis tes JO. Or, à l'exception de quelques fonna tions conservatrices ou de dro ite popu li ste ou extrême, cela ne se dist ingue pas beaucoup des au tres courants politiques européens. En vérité, ces tentatives réelles d'aggiomamellto ne sauraient masquer les hésitations incessantes sur des questions cruciales, com me. par exemple, le rapport entre Etal et société. puisque les partis sociaux-démocrates cherchent dorénavant à se présenter comme les défen seurs les plus zélés du rôle régulateur et distributeur du premier et comme les parangons de la liberté de la seconde. Mais surtout, les ambitions actue lles du sociali sme démocratique et surtout la légitimité e uropéenne dont il prétend se doter contiennent de fortes contradictions. D' un côté, la gauche sociali ste se veut de pl us en pl us eu ropéenne: l' intemationaie sociali ste devient un « foyer de ressources» I I pour ceux, part is ou leaders, qui en sont membres, et un parti des socialistes e uropéens a été créé en novembre 1992. Mais, d ' un au tre côté, ces velléités se heurtent à quelques résistances tenaces : des tentations de repli agitent chaque parti soc ial-démocrate ou socialiste, en Scandinavie, comme en Ho ll ande. ou dans une tendance minoritaire du ps ; les prises de position dan s les institutions européennes des membres de la gauche, au Parlement de Strasbourg par CRISES ET RECOMPOS!T!ONS DE LA GAUCHE EN EUROPE OCCIDENTALE 35 exemple, obéissent beaucoup plus à une logique d'appartenance à cette institution afin de la renforcer ou à une défense des intérêts nationaux qu'à un impératif supranational ; enfin, toute une partie des « peuples de gauche» ne réalise pas bien en quoi ces jeux et ces coups politiques les intéressent concrètement, ainsi que l'a prouvé le résultat du référendum français sur la ratificalion du traité de Maastricht en septembre 1992. La fin du communisme et du socialisme se consu me devant nous pour des raisons différentes déjà analysées. Aussi, la crise de la gauche se nourrit des crises différenciées mais définitives des fonnes institutionnelles qu'elle a priゥ │」ャ・@ et au début du クセ@ siècle avec le socialisme et le ses à la fin du ク{セウ communi sme. En effet, l'un et l'autre ont success ivement el concurremment occupé la gauche des systèmes politiques et accaparé une notion apparue au XV I1 t<' siècle en en modifiant le sens, notamment en lui donnant un projet économique - la collectivisation des moyens de produclion - , en éri geant la classe ouvrière en acteur social privi légié et en faisant du libérali sme son principal ennemi politique. Le socialisme a modifié progressivement ses repères, révisé ses objectifs et changé ses moyens d'action; le communisme dans l'ensemble est resté fidè le à ces principes. Si communi sme et socialisme paraissent avoir achevé leurs missions, la tentation est alors grande chez certains acteurs ou théoriciens, qu' ils soient engagés ou pas, d 'estimer nécessaire le maintien de la division entre droite et gauche - parce qu'elle est au principe de la vie démocratique (Marcel Gauchet) - , et parfois indispensable une refondation de la gauche; celle-ci devrait renouer avec ses valeurs originelles et primordiales, l'égalité selon Steven Lukes ou la morale selon Giovann i Sarton, ou apporter sa contribution pour de nouvelles perspectives, l'Europe (Ralf Oahrendorf) ou la démocratie soc iale (Thomas Meyer) n. Ces suggestions suscitent elles-mêmes un fort scepticisme sociolog ique. Peut-on vraiment penser en tennes de théorie politique ce qui sociologiquement n'a plus beaucoup de raisons d'être ? Comment alors ne pas s' interroger sur la consistance m'ème de la notion de gauche aujourd' hui ? Est-il poss ible, par exem ple, de faire l'économie d ' une réflexion sur l'un des principaux modèles interprétat ifs de l'Europe politique, celui de Seymour M. Lipset ct de Stein Rokkan, qui repéra it quatre ou cinq clivages fo ndamentaux à l'origine de la fonnation des Etats nations. des systèmes et des partis poli tiques 33? Ces clivages - les deux engendrés par les révolutions nationales (centrepériphérie; Etat-église), les deux provoqués par la révolution industrielle (mi lieux industrie ls-mi lieux ruraux; ouvriers-bourgeois), et celui issu de la Révolution russe - ont-i ls encore un sens? Ou plus exactement , sont-ils encore constitutifs de stratégies et d'identités, en particul ier l'opposition ouvriersbourgeois , à l'orig ine de la gauche soc ialiste et communi ste qui la transfonna en ressource? Ces réalités sociales n ' ont certes pas disparu; les attributs 36 LA GAUCHE FACE AUX MUTAT IONS EN EU ROPE ouvriers caractéri sent et identifi ent toujours les électorats et les adhérents des partis de gauche. Mais elles ne constituent plus un atout décisif pour la compétition politique J.I . D ' autant que d' autres clivages se sont désormais imposés, comme, par exemple, celui qui oppose ceux qui vivent de l' Etat-providence ct ceux qui en estiment trop élevé le prix à payer, celui qui d ifférencie les partisans de la croissance à tout crin de qui privilégie la qualité 35, ou encore celui qui sépare les actifs des non-actifs. La complexification croissante des clivages politiques provoque des fractures au se in de chacun des camps: dans ces condi tions, peut-on encore parler de gauche el de droite? Ces questions fond ent autant d ' hypothèses de travail sur l'usage des notions de gauche et de droi te. Celles-ci ne serv iraient plus qu 'à la légitimation des entreprises pol itiques et aux nécessaires d ifférenciations du marché politique; acteurs et observateurs y recourant d ' autant plus volontiers que, comme le note Michel Dobry , en période de crise. ces derniers sont pris dans « des stocks cognitifs» tant « la conjoncture marquée par l' incertitude structure lle les prive de moyens routiniers d 'anticipation et d 'appréciation des situations » 36. Dans cette optique. la gauche serait à é·tudier avant tout comme un phénomène historique et socio logique en voie de mutati on ou d 'ex tinction, dont les traces de cultures politiques ou de « sensibi lités » (Jean-François Sirinelli 1J) seraient plus ou moins prégnantes selon les pays. Notn , Le cas du l'OS allemand est particulier. Le OKP a toujours été marginal en RF.... Le POS. issu du n:o. a réal isé un score de 2.4% aux premières éla:lions dans I·AlIemagnc: unifiée. Muisons イ ッオァ セウN@ Les par/is (·ommwJim.'s !r("'fais セi@ ゥエqャセョ@ de la Libir/lliOn li IIOS jours. , M. ャNaコセ@ Aubier. 1992. , A.O. HIRSCit." ...S, f。イセ@ au c/fr/in 、セウ@ セュイ ーイゥ ウオ@ ゥョ、オウエイBGOセN@ Editions ouvrières. 1972 . • Sur l"imponance de la phase génétiquc pour un parti politique. voir A. PM<EDI ... NCO. Modelli di parlilO. Il Mulino. 1980. p. 110 tt alii. puissa/ler. ùsll)"lIamiqllts soci"lrs. PUF. 1971. 1 G. B... USDIU. s・ョウセG@ 6 Voir paruemple. M. lA7.... R.• Les ーセエQゥウ@ communistesde I·Europe occidentale face aux mutations de la classe ouvrière " . cッュオョゥェセN@ nO 17. 1998. pp. 30-46. ᆱ@ Rappons à l'Etal et alliances: la stratégie des PC d'Europe de I·Ouest ". ibicl.• p. 21. 7 F. h iNセoZeャ t w. M EIlKEL. " Arter the Golden Age: is Social Dentocracy Doonted tO Decline? ". ICPS. Sada/isl Parlics ilJ Ell'O/"('. Institut de Ciêndes Politiques i Socials. 1991. pp. [87-222. Cette étude est confinm'c par les regroupements stmistiqucs opérés par l E. LANE セョ、@ S.O . ERSSOS. Poli,ics alld sャj」ゥセケ@ in ャvセ ウOサGュ@ Euro/"('. Sagc Publications. l'édition. 1991. p. 141. • P. BRI;'''s",s, . L·[c1ande en 1999: un gou'·cmemcnt de coalition " . ilJ A. GROSS!:R (sous la diret:t ion de). Ln pa)·s d·E,,,opt occidmlllir. La doculllentation française. [990. p. [32. '. A. MISSIROI.l .• "The SPI). Ponrait o f a Party", III ICPS. op. dl .• pp. 63-82. " Rappelons que toutes les adhésions n'ont pas la ntême sÎgnifie3lion: cenains part is progressent grlce il. des poli1iques clienlébires (le PSI. le l'SOE. le P... SOI<): en OUlre. les inscriptions son t parfois il1dîv i· duc Iles. parfois rollccti,·cs (cas du Labour). '1 W. mセrk elN@ op. cil.. p. 2[4. IJ Voir notamment sur ce sujet A. Bf.RGOl.IGStOlJX . B. MIISIN. lA socia/·dtmocralie au Il' rompromis. PUF. 1979 et Le イHXゥュセ@ sodal·dimacrale. PlJF. 1989: M. Tu.o. Le /lew dl'al t'JlropùlJ. La pmsir ",ia pa/i· liquu ウッ」ゥqOセNエjHュIサBイ。ャオヲuc@ cl la イゥウセ@ 、セウ@ ail/tirs Irrllll'. Editions de rUnivers ité de Bruxelles. 1988. G N@ Lu rrlu dl' /"EIUI·prQl·idr/ler. Le Seuil. 1981. " P. r osiwlセ CR ISES ET RECOMPOSrnONS DE LA GAUOlE EN EUROPE OCCIDENTA LE 37 ,) Voir par ・セPQーャN@ G.E. aセ{IオeNGB@ Politin agailrsr m。イォ セ エウN@ Thl.' Social Dt'nrocralic Roud la POII't'r. Prinœwn University Press, 1985; F. SaIARPF. La sodal·dlmocra!ie t'lIropünne faa ,lia crlu, Econo· mica. 1990. ,. Voir. par e:temple. d;ms cet ouvrage. le tc:tte de U. オ Z\{I stjャセN@ " Voir, il ce propos. les remarques peninentes de S. PMlGETT;md W.E. p NB eiゥZセN@ A lIis/ory of Social Drmocracy in Pos/Ii'ar El/rapt'. Longman. 1991. pp. 173·175. Dans œue optique. on rejoint ici une panie comre capilalismr. Seuil. 1991. qui. lui. privilégie. sans doute ex· des analyses de M. AI.uE.ln. c。ーゥOウュセ@ cessivement. la matrice allemande ct cllrétienne sociale dans la mise en place de cc type de système éoooomique et social. Voir sur CI: livre. la discussion ill lセ@ Débat.janvier·février 1992. nO68. pp. 162-191. Il R. DMIRE. . . DORF. Rlfll.'.rions sur la rll'O/UtiOfll.'lI Europl.' 1989·1990. Seuil, 1991, pp. 51-88. ,. J. PlC'O, .. Els limits de la socialdcmocracia europea _.ICI'S, ap. ci/., 1991. p. 14. '" On reprend ici la formu le du dirigeant communiste italien Enrico Berlinguer qui. en 1981. au lende· mai n du coup de forçe de l'ann.!e en Pologne. parlait de « l'épuisement de la force propulsive _ de la Révolulion d·octobre. " J. OLSO:-I. « U conversione europea dei panito socialdemocratico svedese _. in M. Tf.LO (a cura di), Tra na:iol1t セ、@ Europo. Franco Angeli. 1993. p. 199. " A. PAR1Sl. G. PASQI.!II<O (a cura di). "' Relaûoni panili-c:lel1ori l' lipi di VOtO _. in Comimûlii セ@ nrlllanrrlIIO エGiヲHIL。Oセ@ in lta/ia. Il Mulioo. 1977. pp. 215·249. l' Voir P. MA1R . .. La trasfonnazionc de! panito di massa in Europa _. in M. CAUSE (a cura di ). Comr combiano i portili. 1I Mulino. 1992. pp. 104- 105. " Voir J.E. LANF. and s.a. USSON. op. rit .• p. 155. Voir aussi W. Mala .. 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Le SPD et l'unité allemande Daniela H EIMERL Les révolutions cenlre·européennes des années 1989 el 1990, , 'unification allemande elles guerres toutes proches ont bouleversé un ordre européen établi et une stabilité sur le conlinefll auxquels lout le monde s'était habitué. Aujourd ' hui , les Européens sont à la recherche d ' un nouve l équilibre ; l'Allemagne émerge unie de la désintégration de l'Esl européen, e lle est partie intégrante de celle Europe qui se rassemble. La question allemande n 'est donc pas ( close» mais a refai t surface sous une fann e nouvelle. En conséquence, les événements de 1989 cl 1990 obligent tous les panis pol itiques allemands à examiner leurs positions. L' unificali on du pays soulève non seulement le problème ardu de " Etat-nation dans l' histoire allemande et ce lui de l'identité nationale, mais auss i celui du développement politique, économique, social et culturel du pays. En même temps, elle a une dimension internationale, notamment quand il s 'agit des re lati ons qu 'entretiendra cette nouvelle Allemagne avec ses voisins mai s auss i en ce qui concerne la simultanéité entre l' intégration de l' Allemagne dans le système européen et le processus d'unification intérieure. Comment la social-démocratie allemande réagit-elle face à l' unité retrouvée de J'Etat ? Quelle a été sa posi tion en 1989- 1990? Quelles attentes pouvaient être placées en e lle en rai son de son expérience historique et de son importance politique ? Dans l' histoi re allemande, la question nationale apparaît comme la « question fatale » du Sl'O, comme le démontrent d ' ailleurs toutes les césures hi storiques et , notamment , celles des années 1870-7 1, 1914, 1933 et 194546. Cec i s' avère également vrai pour l' automne 1989 el ses conséquences. Ain si, lors du congrès fédéral du parti social-démocrate à Berlin, en décembre 1989 , Wi lly Brandt évoque-t- il, dans un discours mémorable, le lien qui existe entre la question allemande et l' unité européenne , tout en soul ignant que les so lutions de la question allemande et de la question européenne ne sont pas identi- 40 LA GAUCitE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE q ues. Plus d ' un mois après la chute du mur de Berl in , l'argumentat ion de l'ancien chance lier de la République fédérale d 'Allemagne était, à ne pas s'y tromper, non seulement européenne, mais également nationale. Dans un discours prononcé le lendemain, en fa isant all usion à l' interdépendance globale de tous les problèmes et notamment de ceux. de l'écologie, Oskar Lafontaine, candidat du pan i à la chancellerie, cite l' internationalisme comme la tradition détenninante de la social-démocratie, qu ' il faut perpétuer afin de donner un aven ir à ce monde 1. Ces deux discours berlinois mOllirent que la position soc iale-démocrate à un moment aussi crucial dans l'histoire allemande, oscille entre engagement national et international isme. Face à ces incertitudes quan t aux traditions mêmes du spo, [' historienne Brig itte Seebacher-Brandt, épouse de l'ancien chancelier Willy Brandt, lance le débat. Au début de l'année 1990, dans un an icle publié dans le Fral/kfurter AlIgemeine Zeirul/g, elle reproche à la social-démocratie allemande, son échec récurrent dans la question nationale 2. Pour mieux. comprendre ce débat qu i est toujours d ' actual ité à l'intérieur du pani J, il est uti le de replacer le thème « nation et social-démocratie allemande » dans son cOlllexte historique. 1_ Dimensions h istoriques Au XIx<" siècle, l'ère de l'Etat-nation, plusieurs problèmes se juxtaposent dans l'évolution allemande: l'A llemagne, la « nation retardataire セ@ aspire à l' unité nationale; la bourgeoisie libérale demande la création d'u n Etat constitutionnel moderne el l'industrialisation rapide soulève la question soc iale. Par ai lleurs, on constate rapidement que la revendication d' un Etat national dans lequel les frontières étatiques et ethniques correspondent, ne se réalisera pas sans problèmes pour les différents peuples centre-européens qui ont été liés à l ' histoire du Saint-Empire romain gennanique ct à son organisation supranationale. J.1. Dans la première moitié du XIX' sièc le, le mouvement ouvrier al lemand cst panie intégrante du mouvemelll politique qui s'exprime pou r la liberté dans l' unité nat ionale. Après l 'échec de la Révolutionde 1848,el sans développer ses propres concepts de la question nationale, il perpétue ceux de la trad ition ャゥ「←イ。 ャ ・セN@ On observe donc nécessairement, dans le mouvement ouvrier, une polarisat ion identique à celle qui existe dans le mouvement démocratique national allemand , entre, d ' une pan, un courant pro-prussien autour de Ferdinand Lassalle appuyan t la solution d ' une « petite Allemagne» (kleindeursche LOSlll/g) et, d'autre pan , le courant des Eisenachiens, proche de August Bebel el de Wilhelm Liebknecht, qui prône la so lution d'une « grande Allemagne» (grossdelltsche LOSIIIIg) 3. Quant à Marx et Engels en exil à Londres, ils LE SPD ET L'UNITÉ ALLEMANDE 41 considèrent que l' unification bismarckienne du Reich doit être transformée en un progrès pour Je mouvement ouvrier et pour la luue des classes. En 1870, les deux courams soutiennent ce qu'ils considèrent être une «guerre défensive» contre la France et cela, à l'exception de Bebel et Liebknecht qui , dans leur refus de l'hégémonie prussienne, s'abstiennent lors du vote au parlement pour les crédits de guerre. Après la capi tulation de l'armée fran çai se à Sedan, la social -démocratie allemande oublie vite ses dissensions internes et dénonce résolument la poursuite de la guerre, considérée alors comme une agression. Elle proteste également contre J'annexion de l'Alsace-Lorraine. Ses prises de position sont immédiatement su ivies par des arrestations; la persécution des socialistes sous l' Empire débutant à ce moment-là 6. Le prestige considérable dont jouissaient les sociaux-démocrates allemands jusqu'à la première guerre mondiale au sein du mouvement ouvrier international est dû, en grande partie, à leur attitude lors de la guerre francoprussienne et à leur opposition à l'annexion de l' Alsace-Lorraine. En 1871, avec la fondation du Reich, l'objectif du mouvement national s'est concrétisé. La réalisation de l'unité allemande entraîne une répression de la soc ial-démocratie et de nombreuses discriminations du nouvel Etat unitaire: les sociaux-démocrates font figure d'opposants radicaux au régime. Mais, parallèlement, elle doit poursuivre ses propres buts politiques et sociaux , et cela dans le cadre de cet Etat national. Cette tâche serait utopiq ue si elle se laissait enfermer dans un antagonisme entre, d' une part, la loyauté nationale et, d'autre part, l'internationalisme prolétarien. A ce propos, le concept révolutionnaire de Marx, qu i stipule, entre autres, que « les travailleurs n'ont pas de patrie » ne s'avère pas d ' une grande utilité; Lassalle, plus proche de la politique allemande que ne l'était Marx en exil à Londres, lente de lier la lutte des classes à la pensée nati onale pui sque, se lon lui , la classe ouvrière doit , par le suffrage universel, obtenir une co-responsabilité démocratique dans l'Elat. エ@ la guerre francoCependam, l'attitude sociale-démocrate セョ、。 prussienne, son soutien , par solidarité internationale, à la Commune de Pari s et sa vision d'une nation allemande en lant que communauté cu lturelle et de valeurs de liberté et d'égalité - les sociaux-démocrates réclament la République en pleine exaltation monarchique - , seront perçus comme une grave menace contre la construction du Reich. En 1895, l'empereur Guillaume Il qualifie publiquement les sociaux-démocrates « de horde de compagnons sans patrie (l'arerlallds/ose Gesellen) qui ne mériteraient pas d'être considérés com me des Allemands ». Marqués comme «ennemis du Reich » (Reichsleinde) par un nationalisme naissant mais de plus en plus agressif, les sociaux-démocrates sont enfin exclus de la communauté nationale par les loi s anli -soc ialisles ( 1878- 1890) 7. 42 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EU ROPE Se considérant comme les « vra is patriotes» menant une politique nationale qui sert les intérêts du peuple allemand, l'altitude an ti-prussienne des sociaux-démocrates prend de J'ampleur. Ils prennent position de plus en plus rad icalement contre 1'« Etat de classes» (Klassenstoat), la bourgeoisie et l'Egli se (J'empereur personnifiait l' autorité politique et religieuse). Totalement isolés de la politique nationale de l'époque, ils vivent d 'autant plus amèrement leur impui ssance, compte tenu du grand nombre des adhérents au parti. En même temps. la classe ouvrière s'organise. en marge de la société, dans une « contre-société» et avec sa « contre-culture セN@ Sur cette toile de fo nd, le rapport entre social-démocratie et Etat national se déve loppe d'une façon ambiguë. Deux courants contradictoires voient le jour au sein du pani, limitant encore plus ses possibilités d 'action : une droite « nationale» étatique et réformi ste et une « gauche» internationaliste et révolutionnaire. Par ailleurs , à cause du système politique mona rcho-con s titutionn eJ e t de s a s itu·atio n de parti-g he tto , la social-démocratie n'est pas en mesure de se faire une idée réaliste de la politique extérieure et internationale. L'année 1914 met le parti devant l'épreuve du choix entre la solidarité internationale et nationale. Le débat au sein du parti 8, en août 1914, à propos du vote pour ou contre les crédits de guerre, et la décision majoritaire de la soc ial-démocratie sous la direct ion de Friedrich Ebert en leur faveu r, se comprennent par l'expérience col lective de l'exc lusion. Au delà de toute considération idéologique. une grande partie de la social-démocratie se veut responsable: elle est partie intégrante de la société et de la nation. Celte décision comporte les germes de la scission future du mouvement ouvrier allemand, qui aura lieu en 19 17 avec la naissance des sociaux-démocrates indépendants, en opposition aux (( socialistes du Kaiser ». En prouvant leur patriotisme, les sociaux-démocrates pensent obtenir l'égalité politique et sociale de leur pani. Celte déc ision en fa veur du Reich et contre la solidarité internationale est vi· vement critiquée par les social istes étrangers. Parallèlement . le parti , avec un mi ll ion d 'adhérents, qualre-v ingt-dix quotidiens, ses imprimeries et ses maisons d'éditions, ses institutions cultu· relies et soc iales, avait déve loppé son propre patriotisme et voulait défendre ses acquis sociaux. C'est ainsi qu ' une partie de la classe ouvrière panicipe à l'exaltation nationaliste 9. Jusqu 'au printemps 19 17, les soc iaux-démocrates allemands sont incapables de sortir de cet engagement national, bien que la guerre ait accent ué le caractère autorilaire de l'Elat et que l'innuence croissante du commandement militaire ait anéanti les espoi rs naïfs que la soc ial·démocratie avait placés dans une guerre strictement défensive, y voyant l'opportunité de réformes inlé· rieures au profit de la classe ouvrière. Ce n'est qu 'après la révolution russe de février 1917 que la social-démocratie fai t de nouveau sa propre politique na- LE SPD ET L'UNITÉ ALLEMANDE 43 tionale en demandant une « paix de réconc il iat ion» et non pas une « pa ix victorieuse ». 1.2.La chute de la monarchie en 19 18 et la révolution de novembre portent les sociaux-démocrates au pouvoir. Mais pour la première fo is, ils ne sont plus seuls à gauche, avec l'émergence d ' un second parti ouvrier et celle d' un puissant part i communiste. Malgré la situat ion difficile de l' après-guerre dans laquelle se trouve le pays, la social-démocratie n' hésite pas à prendre la responsabilité politique du destin de la nat ion 10. En effet, pendant la République de Weimar, le SPD est un des pil iers de la pol it ique de responsabilité nationale. Ainsi se bat-il pour préserver l' intégralité du Reich contre certaines aspirations séparatistes et contre l' intervention étrangère; il tente également d'exécuter les conditions du trai té de Versailles, afin d'obtenir une révision de celles-ci el d 'engager une pol itique de réconciliation. Par ailleurs, dans un cl imat général de retour à la fureur nat ionaliste d'avant-guerre et à l'ignorance de la responsabilité européenne, la social-démocratie est consciente du rôle particulier de l'Al lemagne "pour sauvegarder la paix en Europe. Elle cons idère l'entrée de l'Allemagne dans la Société des nations comme un grand succès de la politique ex térieure de la République de Weimar. Soutenant la politique de Locarno de Gustav Stresemann, e lle se fixe , en 1925, dans son programme de Heidelberg, la création des Etats-Unis d'Europe comme objectif politique. Mais la majorité des Allemands ne la soutient pas. En acceptant de prendre la responsabilité des événements pol itiques intérieurs et extérieurs consécutifs à la défai te, le SPD sera désigné, ainsi que ses chefs politiques, comme bouc émissaire, par les forces qu i avaient elles-mêmes déclenché la guerre. A la politique de réconciliation avec les démocraties occidentales, l'extrême-droite répond par les slogv.ns du « mythe d u coup de poignard dans le dos » (Do/chstosslegende) et par l'accusation de la « trahison nationale ». On peut se demander si la soc ial-démocratie aurait pu neutraliser cette campagne incendiaire en sui vant l' appel de Eduard Bernstein, lors du premier congrès du parti de l' après-guerre en 1919, de révéler publiquement la responsabilité des anciens pouvoirs de l' Allemagne wilhelm ienne dans le déclenchement de la guerre. Toujours est- il que le SPD est de plus en plus réduit à la défensive, devant constamment répondre à l'accusation de dérobade face aux questions vitales de la nation. Les rai sons de la chute de la République de Weimar onl élé longuement débattues et l'argument de l'échec du mouvement ouvrier allemand dans le domaine national est souvent revenu. La social-démocratie allemande a réussi à sauvegarder l'ex istence nationale des Allemands et à poser les jalons d' un Etat démocratique. Mais elle a échoué à créer un consensus national afin de démocrat iser profondément le pays. La grande tâche qui se pose au début des 44 LA GAUCIIE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE années trente de rassembler et motiver les forces de la nation dans la lulle contre la misère économique et contre la menace de la démocratie n'a pas été remplie ". 2. Du primai de la réunificalion au dogme du main lien des deux Etats allemands 2.I.Le succès avec lequel la politique d' AdolfHitlerest accueillie au sei n même de la classe o uvrière pose à nouveau, dans l'émigration socialiste, le problème de la question nationale. Ce dern ier culmine, à la fin de la deuxième guerre mondiale , dans laquestion de la culpabil ité et de la responsabilitécolJectives du peuple allemand à propos des atrocités commises pendant la dictature nationalesociali ste. Comme la thèse d ' une culpabilité collective est liée au caractère du peuple allemand, elle concerne aussi le mouvement ouvrier. Elle louche donc ョ、 ・ ᄋ i セN@ profondément l'identité de la gauche 。ャ・ュ Kurt Schumacher Il, premier chef politique du SPD d 'après-guerre, accepte la responsabilité collective de la nation allemande, mais refuse que les « soc ialistes démocratiques. véri tables adversaires du national-socialisme soient confondus avec les autres ». Symboli sés par Schumacher, qui a passé dix ans dans un camp de concentrat ion, les sociaux-démocrates pensent sortir de la terreur nationale-socialiste, moralement et politiquement, sans tare. Ils croient être les représentants légitimes de « l'autre Allemagne » et appelés - bien avant les autres forces politiques - à bâtir une démocratie allemande, à faire office de gouvernement provisoire pan-allemand et à garantir l'ex istence nationale des Allemands vis-à-v is des particu larismes internes CI des puissances alliées. Le maintien de l'unité allemande sera, pendant dix ans, la priorité politique et émotionnelle des sociaux-démocrates dans l'opposition . En effet, sous Schumachcr et Erich Ollenhauer, le SPD se présente comme Je parti de l' unité nationale, combattant la politique d ' intégration occidentale menée par le chancelier Konrad Adenauer qui « cimentait la division du pays ». Dans ce contex te, et voulant garder ouvertes toutes les possibilités de réunifier le pays, le SPD considère aussi la politique ouest-européenne avec réserve. Cet engagement ne cache pas un attachement primaire à l'Etat national. D' une part, il est vrai que la division affaiblissait considérablement le parti en le coupant de ces fiefs traditionnels à l' Est et, d'autre part, les sociaux-démocrates répétaient inlassablement que J'on ne devai t pas abandonner dix-huit mi ll ions de compatriotes à un régime totalitaire. Jusqu'au début des années soixante, la politique allemande de la soc ialdémocratie est dominée par le primat de l'unité du pays. Il est intéressant de constater que J' interprétation de la scission en deux de l'Allemagne comme une punition pour Auschwitz, telle qu'elle a été maintenue pendant longtemps LE SPD ET L'UNITÉ ALLEMANDE 45 par une certa ine gauche allemande, apparaîtra beaucoup plus tard 14. En effet, ce n'est que la génération de la gauche social isée dans le contex te de la République fédérale d'Al lemagne qui abandonnera dans ses réflex ions politiques le leitmotiv national. 2.2. La revendication de l' unité allemande devenant de plus en plus une formule creuse, et suite à plusieurs échecs électoraux, le SPDenlame, au milieu des années soixante, une réorientati on de sa politique allemande. Celte nouve lle politique, élaborée par le premier gouvernement soc ialo-libéral de 1969, veut sauvegarder l' unité nationale et humaine dans le cadre de la division étatique. La construction du mur de Berlin en août 1961 con vainc le SPD qu' il faut apprendre à vivre avec le statll qI/a issu de la guerre. Sans aller jusqu'à le mettre en cause, il s'agit au moins d 'essayer de l' améliorer au profit des citoyens dans les deux parties de ]' Allemagne. Mais reconnaître lestatll qllo territorial, pour fai re bouger le statu qllo politique, implique indirectement de vouloir démocratiser et libérali ser l' autre Allemagne . Dans ce contexte, le chancelier Willy Brandt devient une véritable fi gure d' intégrati on pan-allemande; c'est surtout visible lors de sa visite à Erfurt en Allemagne de l'Est en 1970, où les citoyens de la RDA l' applaudissent spontanément. A cette époque, le rapport entre communication et nation est, pour la première foi s depui s la guerre, reconstitué dans l'Allemagne di visée l S. Les frontières entre les deux Etats dev iennent perméables et cela, malgré les grands efforts de démarcation du régime communi ste est-allemand. En même temps, l' objectif de l'unité étatique du peuple allemand, légitimée par le droit à l'auto-détermi nation des peuples, figure dans le préambule au Iraité fondamental conclu entre les deux Etats allemands en 1972 . Cependant, à partir des années quatre-vingt, les priorités de la pol itique allemande sociale-démocrate commencent à changer. Malgré la bataille autour des euromissiles qui attire de nouveau l'attention d ' un grand nombre d'Allemands sur la situation géostratégique grotesque el précaire de l'A llemagne coupée en deux et crée un sentiment di ffus d'appartenance panallemande. l'obj ectif de réaliser l' unité allemande est au second plan. Ce glissement dans la politique du SPD se reflète auss i sur le plan programmat ique. Ain si. le programme de Bad Godesberg de 1959 mentionne-I-i1 la question allemande dans les lerrnes suivants: « Le parti social-démocrate allemand ( ...) préconise ( ... ) l'unification de l'A llemagne dans une liberté gar..mtie. ( ...) La suppression de cette division est une nécessité vitale pour le peuple allemand. ( ... ) Ce n'est que dans une Allemagne ré unifiée que le peuple entier pourra détenniner le contenu ct la ronne de l'Elat et de la société gr.î.ce à sa libre dé tennination » 16. 46 LA GAUCHE FACE AUX f.tUTATtONS EN EUROPE Au contraire. le projet d ' Irsee de 1986 ne contien t aucune déclarat ion prônam la réunificat ion du pays. Il stipule uniquement le droit des Allemands à l'autodétenn ination et pose la question : « comment réunir les Allemands provenant des deux Etats dans une communauté institutionnelle dans le cadre d'un ordre européen de sauvegarde de la paix ?» 17. Dans le nouveau programme fo ndamental de décembre 1989, avec lequel le doit vivre auj ourd ' hui dans r Allemagne unie, le problème de l'u nilé allemande est abordé de la façon sui vante: SPD « Au même titre que tous les autres peuples, les Allemands ont un droit à l'autodétennination. La question nationale reste subordonnée aux ex igences de la paix. Nous aspirons à une paix européenne qui penneUe au peuple allemand de recouvrer souverainement son unité. C'est dans une Europe en cours d'unification que les citoyens des deux Etats allemanqs décideront de la fonne de communauté institutionnelle. L'histoire allemande CI l'option prise par l'Allemagne pour l'Europe unie proscrivent aux Allemands de s'engager sur une voie spécifique. La fronti ère occidentale de la Pologne est définiti ve» ", La politique allemande et l'Ostpolitik, à part ir des années soixante-dix , som bâties sur la conv iction que la division de l'Allemagne ne d isparaîtrai t qu'à l'issue d ' un processus de rapprochement de l' ensemble du continent. La chute du mur de Berlin va bou leverser le cours des événemen ts. En fait , au sein du SPD, le concept de détente sur lequel repose sa polit ique, se fonde, peu à peu, sur la reconnaissance finale et sans conditions, de l' ordre bipola ire de l'après-guerre. Les rénexions autour d ' un nouvel ordre européen de paix présuppose, de plus en plus, le main tien des deux Etats allemands pou r «( européaniser l'Europe » 19. Dans les années quatre-v ingt, ce n'est pl us l' unité étatique ni le besoin de définir l' identi té nationale qui sont au cœur des débats portant sur la question allemande au se in du SPD; il s'agit plulôt de regagner et de sauvegarder une dimension pan-allemande et d'é largir son horizon à l'Esl, rétréci par le mur de Berlin et le Rideau de fer. La social-démocrat ie a-t-e lle fa it du maintien de la di vision étatique un dogme de sa politique? Il est symptomatique qu'à celle époque, un grand nombre de dirigeants soc iaux-démocrates se sentent non seulement mal à l' aise en d iscutant publiquement la question nationale, mais qu ' il s gardent aussi leu rs distances face au phénomène des oppositions est-allemande et centre-européenne qui sont en train de se const ituer. Ayant des contacts étroits avec le SED et craignant de mettre en danger des acquis politiques, le SPD, à la lumière de la nouve lle politique gorbatchév ienne, est convai ncu que le changement en RDA prov iendra également des réformes introduites par le parti social iste unifi é est-allemand (SEO) . Peu flexib le, il sou s-estime la dynamique des groupes d 'opposition multiples qui commencent à se fonner et à s'organi- LE $PD ET L' UN ITÉ ALLEMANDE 47 ser dans l'autre Allemagne, précurseurs de la formidable révolution démocratique et paisible des citoyens de la RDA 20. 3. L' un ité a llemande: rêve ou ca uchema r ? A partir de 1989, la social-démocratie allemande a-t-elle donc raté un rendez-vous avec l' histoire? Est-elle sortie perdante de la première étape du processus d ' uni fication com me semblenl l'indiquer les résuhats désastreux des premières élections pan-allemandes de décembre 1990? Les forces conservatrices et libérales ont-elles gagné une bataille historique? L' image du SP D, de l'automne 1989 jusqu'au x é lections de décembre 1990, est liée en grande partie à la personna lité du candidat socia l-démocrate à la chance llerie Oskar Lafontaine. Son « parler vrai » quant aux coûts économiques et soc iaux d' une unification rapide trouve peu d 'écho dans la population qui la souhaite, et cela toutes opinions politiques confondues. Ce qui différencie Lafontaine du parti conservateur d ' He lmut Koh l est moins la question de savoir si l' unité allemande doit être réalisée, que celle du « comment ?» 11. Pour lui, la priorité n'est pas ャ G オ ョゥ エ セ@ étatique mais l'égali té du niveau de vie dans les deux Allemagnes. Dans son entreprise visant à moderniser le parti et à lui donner une organisation susceptible de lu i assurer une position dominante dans la société allemande de l'an 2000, Lafontaine négl ige, dans la conjoncture politique précise des années 1989-90,I' importance de la question nationale. En effet, à un moment où la majorité des Allemands ne cachent pas leurs sentimenls nat ionaux , l'approche de Lafontaine est résolument « post-nationale» . En ce sens, il fa it l'impasse sur l' idée d ' un Etat-nation sur le territoire allemand en écrivant, au mois de septembre 1989 , dans Der Spiegel : « Le spectre d'un Iv" Reich allemand puissant fait peur aussi bien à nos voisins occidentaux qu'orientaux. (... ) Je ne peux imaginer une nation culturelle (Ku//llma/ion) allemande un ie que dans le cadre des Etats-Unis d'Europe telle que le SPD ['a fonnulée déjà en 1925 » セ N@ Au contraire, des soc iaux-démocrates comme Willy Brandt tentent de prolonger la tradit ion du spo, symbolisée par des hommes comme Kurt Schumacher, Ernst Reuter ou Herbert Wehner et leur attachement à une Allemagne réunie. et qui légitimeraient la social-démocratie allemande comme leader d' un mouvement pour l'unité allemande. En lançant au lendemain de l'ouverture du mur, « maintenant s'assemble ce qui appartient au même ensemble », Willy Brandt renoue avec une conception de la nalion proche du SPD et qui récuse la notion un i-dimensionnelle d ' une communauté aux origines identiques pour lui substituer celle d' une communauté de deslin, qui exerce, par sa volonté d'appartenir au même ensemble, son droit à l'auto-déterm ination politique 23, 48 LA GAUC II E FACE AUX セャitajons@ EN EU ROPE En effet, la question nat ionale et les discussions impétueuses autour des di fférentes orientations secouent le SPD R セL@ Deux protagonistes surtout, chacun appartenant à un camp différent, al imentent abondamment ce débat. Et tout d 'abord Brigitte Seebacher-Brandt 25 qui met en avant la tradition nationale de la socia l-démocratie allemande avec laquelle le part i rompt, se lon elle, dans la deuxième moitié de l'hi stoire de l'ancienne République fédéra le d ' Allemagne, Elle lu i reproche d 'avoir gaspillé l'héritage national de Willy Brandt et d ' Helmut Sch midt et d 'entretenir un rapport ma lsain avec la réalité, Ceci empêche le SPD d 'évaluer l'envergure des événements de 1989- 1990 en Allemagne et en Europe au point de refuser, pendant un certain temps, de reconnaître les fa its, En critiquant la relation tordue 26 entre la social-démocratie actue lle el la question nationale, elle accuse surtout la génération de 68 , qui constitue en grande partie l'é li te sociale-démocrate d'aujourd ' hui , de manquer de sol idarité avec les Alle mands de l' Est et de fai re preuve d' une trop grande indulgence à l'égard de .t'ancien régime ' communiste. En fait, pour B. Seebacher-Brandt, il s'ag it d ' un confl it de générat ions. Des hommes comme Willy Brandt et Klaus von Dohnanyi , deux sociaux-démocrates qui avaient fait partie de la résistance allemande pendant le][Je Reich , s'expriment , dès l'automne 1989 , sans hésiter, en faveur de l' unité allemande. Ma is la génération sui vante est tounnentée par un sentiment de culpabil ité et souhaite punir tardivement ses parents, même au pri x de la d ivision du pays. Il est vrai qu'une partie de la jeune génération de la gauche ouest-allemande se définit politiquement par rapport à l'hybris du nationalisme allemand et par la conviction qu 'elle ne peut échapper à l'ombre d ' Auschw itz par le sim ple oubli 27 . Il fau t rappe ler, qu 'à l' Est, les mi lieux d'opposition et protestant s partagent cc point de vue: ainsi l'appe l du 24 jui llet 1989 à la fo ndation d'un part i socialdémocrate en RDA reconnaît-i l explicitement la div ision de l'A llemagne en raison de son passé coupable 28 , Autre animateur du débat q ui divi se le SPD, le député social-démocrate Peter Glolz 29 commence à mett re en cause le concept de l'Etal-nation lui même, qui lui paraît une fau sse voie dans des régions où d ifférents peuples cohabitent. Pour lui , le dro it à l'autodétenni nation des peuples ne veut pas automatiq uement dire séparation ou sécession, Il cite, comme preuve d ' une autre vieille tradition soc iale-démocrate, le programme sur les nalionalités é laboré par la social-démocratie autrichienne en 1899. S'agissant d ' une trad ition q ui n'est pas nationale mais émane d ' un part i qui, à l'époque, a dû composer, en Autriche-Hongrie, avec un mélange d 'ethnies et de peuples, Glotz souligne le droi l à l' autonomie dont ne découle pas nécessairement un Etat propre à chaque peuple . Mettant en garde contre un nouveau nationalisme allemand, contre l'éq uation fédéralisme =prov incial isme et contre la tentation de la trad ition bismarckienne de l' Etat national, il plaide pou r l' approfondisse- LE SPD l:.ï L'UNITE ALLEMANDE 49 ment de l' Europe occidentale et pour l'Union politique européenne afin d 'y intégrer et d'occidental iser pour toujours cette nouvelle grande Allemagne 30. Ce débat autou r de l' unité allemande, qui agite aujou rd' hui les différents courants sociaux-démocrates, rappelle les discuss ions au sein du SPD, après les élections de 1957, qui annoncèrent un renouvellement profond du pani. Il aborde les questions suivantes : dans queJle mesure le SPD est- il national? L' Etat national est-il encore justifié aujourd ' hui et j usqu 'où peut aller le droit à l'auto-détemlÎnation des peuples, concept forgé par le président améri cain Woodrow Wilson, après la première guerre mond iale? Mais ces questions sont ampli fi ées par les problèmes immédiats: comment fa ire J' uni té allemande intérieure et extérieure et quelle structure l'Europe aura-t-elle demain ? Enfin , le rappon entre social-démocratie allemande et nation ne se caractérise-t-il pas, depui s cent trente années, par Je lien entre ident ités nationale, soc iale et démocratique, le tout dans un cadre européen JI ? Mais làdessus, et à la lumière des changements que l'année 1989 a apponés et qui ont profondément bouleversé toute la gauche ouest-européenne, se greffe donc une question essentielle et qui , selon une série d'an icles publiés dans le Frankf//rter AlIgemeille Zeit//ng, se fonnule ainsi : whot' s left ? 32, el cela dans les deux sens du lenne. Notes 1ProlOkoll l'D m Programm Pamilag Bu/in. 18·20 déccmbre 1989. Cilé par B. FAULENfI,\Ql. " Soualdtmokralie und deui sc her Sonderweg ", N,u, Gfu llschafl, juin 1990. p. 507. J Voir la table ronde .. Nationalisme et émancipation démocratique " organisée par la Commission historique du SPD. Frank/"ft , r AlIgt'r'lfirll' Z, ilung. 10 novembre 1992 ; voi r セ ァ。ャ・ュョ エ@ D, GROU et P. bra セ dtN@ Vatu latlds/osf g セ ウエャLョ N@ Sozia/dn/lokrati, u/ld NUlion /861)·/99(), C. H. Beek Verlag, 1992. • W. COS"lEet D. GROU, d ゥ セ@ Arbâ /frlN ....t grmg in 、 セ イ@ llO/iona/rn bセiG セァ LB ァ L@ Emst Kleu Vet13g. 1966. l S. MIUER .• Nationale Hoffnung _ nationale Ausgrenzung _ nationale EinbîndulIg: die Friihzeit der deutschen Arbeiterbewegung bis 1.um Erslen Welt kri eg " ill 0 : DoIVE. So:;u/dl'nloli.ralil' und Na/JOlI in Grsc/lirltl f ,md gイ ァセ iャGオイ N@ Friedrieh·Eben.Stiftung. Forum Deutsche Einheir. nO2. 1990. p. 11. - /bid .• p. 13 ctsuiv. lIégative et attention ré\'olulionnaire ", 1.' nrOU\·tnrelll socilJl. avril·juin 1976. ' O. GROII, .. ャョエセァイ。ゥッ@ • S. Mlu.ER. op. cil., p. 18· 19. • Voir H. GUBING. ArlNilulN...·rglmg. Deutscher Taschenbuch Verlag. 1987. 10 H.A. WISCK LER. " sッコ ゥ セャ、」ュッォ イッ エゥ・N@ Nation und Republik : Die Erfahrung VOII Weimar . ;', So:iu/· 、セュ ッ ォイuャ ゥエ@ ulld NU/ion. op. cil.. p.23·37. Voir aussi K. SoIÔSIIOVJ;X. Rrformismus und Ruditolisnrus, DeutscherTachenbu ch Verl ag. 1989. " G. W UTlIB. " Einheit der Nation Traum oder Trauma der Sozialdemok rali e ... Drw schlamt·Archi\'. nO11. 1991. p. 1175. Il P. BRASDT. .. Die deutsche Linke und die Nation ". Gl'lI'ubchaft/ichr MOIIIIlshffll' . 5·6. 1990. p.278. 1) K . Sa/UMAOIU . r セ 、ュ@ Schrifll!'1l Korrrspond, nun t945· /951 (éd. par W . AI.lIREClfT). Berlin·Bonn, 1986. "P. br aセo tN@ op. cil.• p. 279. Il C. KI.J''sSMANS. Il Sozialdemokratie und deutsc he Froge lwischen Kal!em Klieg und neUl:r Oslpo· litik .. in So:iQIdl'mokmlir und Nalion. op . cil .. p. 39·5 1. 1 50 LA GAUCIlE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE du parti soôlIl·démocralt' IIl/emll/ld adoplé pur le C/J/lgrts ・xャイ、ゥュセ@ t. Programme ヲ o Oャ、BュセQi。@ dll SPI) à 8/1d God esberg . 13- 15 novembre 1959 (tradoclion française). " Projl'I â!rsu pour iO セ@ nO/n'rlle p/II/e·form.· du ptmi stK'illl-diml>CrIIll' /II/l'ma/II!. juin 1986 (tra· ウ・IN@ duction ヲイョ￧セゥ "Programme fO/ld/lml'/llal tlu parti socÎal-démocrllle /llItnllllld IIdO/Iii /1<lr Il' eongrh du SM ù Bulin. 18-20 dcrembre 1989 (traduction frnnçaisc). P. BENDER. Das Emit des hle%giJCI!l'1I üillllius. Dil' EuropiiisiullIIg Europus. Severin und Sicdler.1981. '" D. h XセG セ rャ@ .... La social-dtmocratie allemande face au défi communiste de 1945 11 nos jours _, Communisme. nO24.25. 1990. " D. H 8.\l ERL, .. Au premier temps de la yalse _. in E. U IOMEL et T. SeIlREIBER. 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Stuugan. 1990 CI P. gャNッイOセ@ Die 、セャiウ」ィ・@ Rte"I(', Wilhelm H eyne Verlag, 1992. ,., P. GLOTl. Die lゥBセ G ・@ lIaeh MaaS/fic/II. Friedrich·Ebcn-Slîflung, 9 septembre 1992, p. 17 (manuseril). l t Dir Zei/. 6no ..cmbre 1992. セ@ .. Die Linke nach <lem " Fr/lllkfitrl('r AI/grmei"e Zei/un,I{. 20 novembre 1992. Voir aussi P. g ャNotBO Sieg des WeSlens ... DrUlscht \'l'!lagsallSlal/, 1992. t. La social-démocratie scandinave face à l'impasse européenne U lf LJ NDSTRCM Comme l'a mi s en lumière le rejet populaire du traité de Maastricht au Danemark en 1992, l'aveni r de la Scandinav ie en Europe paraît incertain. Les conséquences du « non » danois ont été aussi ressenties au nord du Danemark, rappelant aux hommes politiques fi nlandais. norvégiens et suédois que leur électoral pourrait bien rejeter l'adhésion à la Comm unauté européenne lors des référendums prévus fi n 1994 (se lon le calendrier établi par les partisans les plus ardents de l'adhésion nordique à la CE). Pl us que jamais, comme l'a encore démontré le deuxième référendum au Danemark, les partis sociaux-démocrates et leurs électeurs détiennent la clé de l'altitude scandinave face à la question européenne. Comment expliquer les difficultés rencontrées par les élites politiques scandinaves pour obtenir l'adhésion de leur conc itoyens à la Communauté eu ropéenne ou, pl us exactement, à l'Union européenne? Pour expliquer la situation diffici le de la ウ ッ」 ゥ 。 ャ セ 、←ュッ」 イ 。 エゥ ・@ scandinave, il convient de commencer par un relOur aux grands courants de la sociologie politique. On peut en effet observer que: il y a des pennanences et des contradictions contextue lles propres, se ← ュッ」イ。エ・ ウ@ rapportant exclusivement à la manière dont les électeu rs ウッ」 ゥ。オクセ、 perçoivent l'adhésion à la Communauté e uropéenne; ces pennanences varient d ' un pays nordique à l' autre. Elles renvoient l' image d ' une région dont les relations économiques. politiques et sociales avec le monde extérieur sont de p lus en plus complexes; si les dirigeants ウッ」 ゥ。オク セ 、←ュッ」イ。 エ ・ウ@ des pays nordiques souhaitent briser les chaînes de certaines structures pern icieuses, leur argumentaire en fave ur de l'adhésion à la Communauté européenne est pauvre et assené comme parole d 'évangi le avec plus de force à mesure que les référendums se rapprochen!. Les partis sociaux-démocrates, dont le plaidoyer originel en faveur de la Communauté européenne se limitai t aux thèmes de la crois- 52 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE sance nationale et de l'emploi. doivent comprendre les évol utions de la vie publique - autre fois source de la loyauté basée sur la classe et par la suite lieu où se débauaienl les orientations poli tiques - où se man ifesten t un désintérêt pour la chose politique et une inquiétude face aux questions d ' intérêt généra l. Contrairement à l'Etat-nation, une Communauté européenne , « laissée dans une zone nébuleuse >, entre un marché com mun européen et l'Union européenne, peut sembler être tout sauf sociale-démocrate. Car force est bien d'ad mett re la vérité: l' intégration, comme le socialisme européen il y a un sièc le, est un projet d 'avant-garde qui fa it table rase du passé. C'est un projet réal isé par et pour des Européens bien part iculiers, à savoir les détenteurs des ressources économ iques, culture lles et/ou pol itiques, ou pour des Etats euro· péens en passe d'acquérir ces ressources. En raison d ' un niveau de vie moindre en Fi nlande que dan s les autres pays scandinaves, beaucoup de raisons mi litent en faveur de l'adhésion de la Finlande à l'Union européenne. Cependanl, alors q.ue la social-démocratie scandi nave détient ou croit détenir cet argument majeur, il est deux autres domaines où les Scandinaves semblent devoir lâcher la proie pour l'ombre. Contrairement au social isme, qui portai t autrefois fièrement le n ambeau de l' héritage judéo-chrétien, l' intégration européenne n' cst pas porteuse d' un credo millénariste. d ' une utopie mobilisatrice, d ' une miss ion et d ' une cause j ustes pour lesquelles se banre, au nom d ' une classe ouvrière opprimée, avec un instrument d it parfait. Avec des intérêts d ivers selon les pays, le soc ialisme européen réalisait la fu sion du moderne et du traditionnel. Cela permettait à la classe ouvrière de rapprocher l'expérience quotid ienne de la victoire inéluctable des masses laborieuses . En fa it, l'intégration européenne est une sorte de coup de force ultra-moderniste qui s'écarte de l'histoire eu ropéenne. Pour la social-démocratie scandinave, il y a plus dans l' idée d'Europe qu ' une simple union. La di vis ion du travail rampante, qui s' intensifie, et la global isation de la culture des loisirs érodent les valeurs et le raisonnement originaux de la soc ial-démocrat ie. Terril/III flOlI da/llr, ils seront accélérés par les efforts des d irigeants pour convaincre les citoyens des pays nordiques de voter « oui » lors des référendums sur l'adhésion à la Communauté européenne. Quelle que soit j' issue du vote, un dem i-siècle d 'exce ption scandinave aura pri s fin . 1. La structure d es ménages en Scandinavie Rien ne fait mieux ressortir les changements de l' univers de l'é lecteu r soc ial-démocrale scandinave q u' une visite à son dom ici le. Un changement de la structure fa mi liale est allé de pai r avec l'avènement de la soc iété posl-industrielle. Une économie intérieure nouvelle a favori sé l'émergence d ' une signification plus compos ite de la croissance et de l'em- LA SOCIAL-DÉMOCRATIE SCANDINAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 53 ploL Le ménage typique des années soixante, inscrit dans le contexte économique et culturel original du mouvement de la classe ouvrière, se composait d ' un homme qui travaillait dans le secteur privé et d ' une femme qui , si e lle travaillait, occupait un poste à mi-temps dans le secteur public 1. Au cours de ces vingt dernières années, a surtout augmenté le nombre des « ménages publics », dans lesque ls l' homme et la femme sont tous deux employés dans le secteur publ ic. Parmi les employés du secteur public, deux tiers s'occupent de tâches propres à un Etat-providence moderne 2. Dans ces conditi ons, les tennes de la bataille entre « Je marché» et « l' Etat » pour assurer la croissance et l'emploi se sont modifiés. Les « ménages du marché» (c'est-à-dire les ménages dans lesquels l 'homme travaillait dans l'industrie manufacturière et rappelait sans cesse que c'était ses revenus imposables ct ceux de sa compagnie qui fin ançaient l'emploi à mi-temps de son épouse auprès du gouvernement loca\ - et dépréc iait de la sorte l'activité professionnelle de sa femme) sont en passe de disparaître. Celte évolution a laissé des traces dans la politique scandinave dans trois domaines au moins: 1. d 'abord et de la façon la plus év idente, en supprimant un grand nombre de microcosmes sociaux-démocrates; 2. ensuite, parce qu' un « ménage publ ic» évite la politi sation en son sein . Le positionnement politique différencié fait place à un av is uni forme dans lequel les restricti ons elles opportunités semblent être imposées, particulièrement en matière d 'emploi ; 3. enfin, la nouvelle structure du ménage et le fait que les femmes accèdent à d es pos ition s inte rmédiaires d ans l' admini stration , favorisa nt la professionnalisation et un syndicalisme plus militant, ont modifié les données du débat polit ique. Au cours d 'élections parlementaires régulières , les partis sociaux-démocrates sont apparus, pour les « ménages publics }), comme des parti s crédibles établ issant cette forme de contrat: en échange de crédits budgétaires plus importants alloués au secteur public, les employés de ce secteur - et leurs représentants syndicaux - étaient censés admettre que la croissance économique nationale était le premier objectif de la politi que gouvernementale. Un type de ménage a survécu à la modernisation de l'économie: le « ménage en trépied ». Forme que l'on trouve communément dans l'arrière-pays, part iculièrement en Norvège; mais aussi dans les régions intérieures du nord de la Suède et du nord-est de la Finlande. Ce ménage possède une petite ferme, un bateau de pêche, un centre d 'élevage aquatique ou un petit camp de cabanes pour touri stes parce q ue la famille a également accès à des emp lois à temps partiel dans l'administrat ion loca le. Schématiquement, la femme travaille généralement au centre local d 'aide aux personnes âgées et le mari 54 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE s' assure un revenu supplémentaire par un travail saisonnier auprès de l' administration des transports. Dans beaucoup de communautés locales, le nombre total de ménages dépendant d ' une économie en trépied est si élevé qu 'on n 'y trouve pas les clivages parti sans originaux qui clichaient traditionnellement classe ouvrière. classe moyenne et paysannerie locale. Une société post-industrielle avec des « ménages publics» et des « ménages en trépied ». où le macrocosme de l' industrie manufacturière a quiné le centre de la scène pol itique, sans que « ménages publics » et « ménages en trépied » évoluent l' un vers l'autre, influence fortement les réactions face à la Communauté européenne . L'argumentation de type économique - l'ouverture des marchés ou les ga ins d'échelle pour les entreprises privées - y a peu de prise. Contrairement à une élection parlementaire, un référendum offre seulement deux possibilités : « oui » ou « non ». Compte tenu de la pression ambiante et de la politique de proximité, on peut s'attendre à un «vote de microcosme ». Les ménages auront la prudence de ne pas transformer leur foyer en champ de bataille. Les « ménages publics » et les « ménages en trépied» seront plus enclins à voter uniformément que les « ménages du marché » et, surtout , que les « ménages mixtes ». Alors qu'un « ménage mixte » peut toujours rationali ser aisément une divergence interne - par exemple en rapportant son choix aux intérêts de son employeur - , le « ménage de marché » est à même de ne pas sui vre les recommandations de ses employeurs pour des rai sons idéologiques. Le marché implique la liberté et encourage la prise de ri sques J. En somme, globalement, la moderni sation de la structure du ménage augmente la probabilité que les dirigeants sociaux-démocrates perdent les deux votes du ménage. Dans certains cas, trois ou plus, si le microcosme inclut un ou plusieurs enfants en âge de voter et résidant au domicile familial. 2. La promotion de l'Europe sociale-démocrate comme alternative? Les dirigeants du parti libéral et du parti conservateur expliquent à leurs sympathisants traditionnels que le pays a intérêt à adhérer à la Communauté européenne et ils sont généralement entendus par leur électorat. Les él ites sociales-démocrates disent la même chose mai s se ul un tiers de leurs partisans セ ョ@ les suivrait, et encore sans conviction ; un autre tiers re fu serait ャG ッ イゥ ・ ョエ。ゥ choisie par le pani , landis que le dernier tiers se compose des hési tants (voir point 5). S i les sociaux-démocrates scandinaves avaient un motif spécifique de soutenir l'adhésion, comment imaginer que les partis suédois, finlandai s et norvég ien, garderaient secrete la fo rmule du consensus européen et ne l'aurait pas transm ise aux diri geants danois avant le référendum de juin 1992 ! En e ffet, après les votes danois et français sur le traité de Maastricht , les défenseurs de I"adhés ion en Finlande, en Norvège et en Suède on t tous insisté LA soc i alセd￉mocrt i e@ SCAN DI NAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 55 sur l' importance des aspects non matériels de la Com munauté. Pour la social· démocratie scandinave (dont une minori té d'é lecteurs se ré fère encore aux ex périences traumatisantes de la deuxième guerre mondiale ainsi qu 'à l'opti· misme et à la confiance en soi qu ' ils avaient avant la guerre froide), ces pré· occupations sont louables. Hélas, les stimulants non matériels sont peu effi · caces quand il s'agit de faire taire l'opposilion interne. La social-démocratie du sud et nordique intègre l' internationalisme et les valeurs de so lidarité. Elle a pris le parti des gens ordinaires contre les forces ténébreuses auxquelles l' Europe a dû fa ire face, quelles qu 'elles fu rent, de l'exploitation capitaliste au totalitarisme communiste en passant par l'into lé· rance papiste. La social-démocratie scandinave ne doit pas s'excuser de soutenir l'i ntégration européenne, pas plus que les adhérents sociau x-démocrates des pays nordiques ne sont indifférents à l' idée de fa ire de l'Europe un endroit où la vie est paisible, décente et propre. Cependant, le part i social·démocrate est coincé par sa collusion avec un Etat-nation bienvei llant, dont la fonne institutionnelle n'est compatible ni avec le libéralisme (et l' anti-synd ical isme) d ' un marché commun européen, ni avec le conservatisme (et le tradilÎonalisme) d ' une Union européenne édulcorée par le principe de subsidiarité. L' Union européenne est une garantie de paix en Europe. Pourtant, sauf en Finlande, cette dimension ne rencontre aucun écho. La Finlande, Etat tampon à l' Est, est le seul pays nordique où l' adhésion à la Communauté européenne est immédiatement liée à un raisonnement non matériel. La plupart des sociaux-démocrates au Danemark, en Norvège et en Suède se contenteraient d ' un assentiment pol i à celte idée de paix. Evoquer l' Union européenne comme une institution qui rassemblerait le meilleur de l' héritage culture l européen est aussi une perte de temps. Les sociau x-démocrates scandinaves veulent bien que les Européens du sud vivent aussi dans un Etat·prov idence à la scandinave, pour au tant qu'eux· mêmes ne perdent pas leurs acquis sociaux. Mais si la Lombardie refu se d 'aider le Mezzogiorno, pourquoi attendre d 'Oslo, d ' Helsinki ou de Stockholm , déjà peu enclines à payer pour leurs périphéries nordiques, qu'elles assurent le développement du sud de l'Europe ? Les sociaux-démocrates scandinaves n 'ont guère l' occasion d ' apprécier la culture lat ine lorsqu ' occasi onnellement , ils fon t du touri sme dans les régions déshéritées de la Méditerranée. Ils se contentent de visiter les curiosités signalées par l' organi sateur de voyage, ne frayent pas avec les autochtones et se plongent dans la presse de leur pays, une fo is rentrés à l' hôtel. Inversement, le social·démocrate scand inave ordinaire est porté à croire que les autres étrangers n'apprécient pas les voyages organ isés et qu ' ils n 'ont de cesse de trouver des maisons ou des fennes pittoresques, plutôt que des hôtels asepti sés et très chers. Et il s ne rentreront pas non plus au bout de quinze jours. 56 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Que l'U nion européenne penneue aux jeunes Européens d'étud ier à J'étranger, n'intéresse pas la base de la social-démocratie scandinave. « C'est bien », diront-i ls, « mais pourquoi se donner la pe ine d'envoyer les enfant s en Italie si c'est pour devenir plombier ou bonne d'enfants? » Que l' Union européenne assure la libre circulation des travailleurs leur paraît une provocation, dans la mesure où la politique sociale-démocrate de ple in-emploi avait pour objectif de créer du travai l à l'endroit même où les gens vivent. De plus, quelle est la probabil ité pour qu ' une dactylo de l'administralion communale d'une petite ville fmlandai se, mariée et ayant deux enfant s, puisse même envisager de postuler un emploi vacant dans une préfecture savoyarde? La libené du marché du travai l multiplie les risques de « dumpil/g social » de la maind 'œuvre. Considérer l' Un ion européenne comme la seule institution capable d' imposer une pol itique supranationale en mat ière d 'environnemen t, qui ne s'arrête pas aux frontières, est un des arguments discutés par la base sociale-démocrate. Mais les décrets pris par la Commi ssion européenne sur la limitation des émiss ions de gaz lui semblent minima listes et rédigés par des bureaucrates dépourvus de toute connaissance du terrain. Dc telles rég lementations communautaires pourraient faci lement supprimer celles qui existent et qui sont applicables à l'industrie manufacturière. Les réglementat ions nordi ques sont généralement le résultat de négociations entre syndicats et patrons ou administrati ons, et confinnées par une agence nationale pour la protection de l'environnement. agence prête à discuter d'exemptions raisonnables. La Communauté européenne pourrait imposer des nonnes plus sévères pour l'industrie lourde dans une petite ville typiquement sociale-démocrate. Si les objectifs louables de la paix , des échanges culturels par l'éducation , de l'emploi, de la protection de l'environnement n'ont pas fait pencher la balance au Danemark en juin 1992, comment y parviendraient-ils mieux ai lleurs en s 」 。ョ、ゥカ・ セ_@ Les réponses proposées à la majorité des soc iaux-démocrates scandinaves sont futiles, même sur la question du « déficit démocratique » ou d' une empreinte sociale-démocrate à la construction de l'Europe. En tennes de politique publique, quoi que puissent faire Strasbourg ou Bruxelles, Copenhague, Helsinki, Oslo et Stockholm ont toujours fait mieux et - selon le principe de subsidiarité - pourront toujours fa ire mieux. De façon assez ironique, de toutes les idées nouvelles lancées par des euro-v isionnaires doués, le principe de subsid iarité, appliqué à l'Europe contemporaine. est carrément anti-sociali ste. Celui-ci pennet à la Grande-Bretagne de maintenir l' héritage thatchérien, à l'Europe catholique de s'adapter à la fami lle, à l'église et à la communauté locales. La Scandi navie sera-t-elle capable de se référer au principe de subsidiarité pour défendre l'Etat-prov idence au se in de l' Union européenne? Deux comparaisons suggèrent le contraire. LA soc i alセ d ᅨmocra t Qe@ SCANDINAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 57 S' il avait été introduit un siècle plus tôt, le principe de subsid iarité aurait 、 ・ョ」@ ョ 。セ@ donné au)( opposants territoriau)( et/ou fonctionne ls de ャ G e エ 。エ セ ーイッカゥ tional un liberum l'elO contre la social-démocratie. De la même manière que la Cour suprême des Etats-Unis s'est finalement ralliée au mouvement des droits c ivi ls, l'allié nature l des partis sociau)(-démocrates dans les petits pays serait plutôt la Cour européenne qui réprime, dans le droit européen, toutes les tendances contredisant le principe de l'égalité des droits et des chances. Dans sa coordination entre branches syndicale et politique, la mobilisation des travai lleurs était un élément distinctif du mouvement ouvrier nordique par rapport au continent où elle était souvent laissée à l'arrière-plan. A lors que la liberté sur le marché du travail ne menace pas les intérêts de la main-d 'œuvre très qualifiée comme les contrôleurs aériens par exemple, les syndicats de travailleurs très peu qual ifi és ont besoin de pouvoi r s'appuyer sur une lég islation pan-européenne du travail. Au moment où certains synd icats prennent leurs d istances d ' avec le parti social-démocrate, d 'autres craignent que le parti ne soit désonnais plus en position de les aider. Bien plus que les autres nations européennes, les Scandinaves considèrent que la législation européenne est moins perfonnante en matière de politique publique et de protection soc iale; les Suédois en particu lier ont du mal à croire que les Françai s bénéficient auss i de cinq semaines de congés payés; les Norvégiens cherchent à j ustifi er le fai l que les soin s denlaires ne fasse nt pas part ie de leur système de santé publ ique. De même, on a enseigné aux Scandinaves que ce qui vient de Bru)(elles, ce sont des règles « bidon » de slandardisation ; c'est oublier que l' une de ces règles pennet aux gens de regarder des programmes té lév isés émi s dans d 'autres pays européens; c'est oublier aussi que la standardisation nationale a été une part essentielle de l'action législat ive des sociaux-démocrates. Il y a un déséquilibre pol itico-cognitif entre part isans et adversa ires de l'Union européenne, déséqu ilibre qui mel en év.idence le fai t que l' inlégration européenne est encore politiquement dans l'enfa nce. Une Communauté politique déjà mûre aurait offert aux Européens un choix horizontal de traités et pas seulement une proposition verticale d'approfondissement de l'intégrat ion, avec l'option laissée aux pays d 'e n rédui re la portée par des référendums périodiques ou de se faire mettre en liberté provisoire par le biais du principe de subsidiarité. Chaque ébauche de lrailé aurait au moins reflélé un minimum de confiance dans les moyens poli tiques de contrôle du marché commun européen. Une coopération européenne de partis aurait pennis de différencier les diverses visions du monde. Les groupes soc ial iste et démocrate-chrétien du Parlement européen auraient été à même de proposer des lraités alternatifs aux visions néo-libérales. Pour l' instant, le Parlement européen, celle institution extraordi naire dans l' hi stoire du gouvernement européen, est méprisé. On discute plus des sa laires 58 LA GAUCHE FA CE AUX MlITATlONS EN EUROPE et des avantages divers des députés européens que de la fonction de cette institution. Les partisans de l'U nion européenne sont sur la défensive, sans cesse en train de s'excuser de l'imperfection de cert ains détails du traité de Maastricht. En revanche. personne ne demande jamais aux opposants du traité de présenter une ahem alive positive en matière d ' intégration européenne pas pl us en Scandi navie qu'ai lleurs. Et on attribue la paix, qu i règne depuis cinquante ans sur le continent, à n' importe quel hypothétique mécani sme de résolution des conflits plutôt qu ' à la construction e uropéenne. L' histoire de la social-démocratie scand inave est à l'o rigine une lutle pour des conditions de vie décente (logement, nourriture, conditions de travail). Lors des confli ts stratégiques au se in du mouvement ouvrier dans les années d'opposition, puis de gouvernement, avec l'accent mis sur l'emploi et sur les pol itiques de logement. le pragmatisme a toujours été une vertu pour le monde du travail. Aux yeux de l'électoral, la social-démocratie a sa ra ison d 'être tant qu 'elle ne s' introduit pas dans les sphères privées de la vie fa mi liale. Son rôle est de distribuer les moyens aux masses. Les stimulants non matérie ls - notamment la volonté d 'échange s culturels et intellectuels avec l'é lite cult ivée d ' Europe continentale - j usti fient le soutien de deux tiers des membres de la classe moyenne scandinave en faveu r de l' adhésion à la Communauté européenne. Ce qui fai t apparaître ces Scandinaves un peu moins« cupides» et arrogants, parce qu ' ils se som libérés des valeurs et des restrictions institutionne lles obsolètes, présentées comme inhérentes à une société sociale-démocrate. Comme l'a montré le premier VOie danois sur le lraité de Maastricht, la classe moyenne est nettement moins intéressée par un approfondissement politique de l'intégration européenne. L ' impatience de la bourgeoisie luthérienne du Nord à devenir membre de la Communauté la rend indulgente à l'égard du Sud. Un te l «européan isme vulgaire » rend soudain la négl igence italienne à exécuter les politiques générales de la Communauté européenne naturellement élégante. En l'espèce, il s'agit pour les Scandinaves de comprendre comment le monde catholique pe rçoit le monde et de s'y adapter. Malheureusement, c'est là une ouverture d 'esprit qui ne surv ivra pas longtemps à l' adhésion. Le tiers restant de la classe moyenne finlandai se, norvégienne et suédoise - équi librée et bien pensante dans son européanisme - court le risque de confondre le programme Erasmus avec l'expérience quotidienne de l' indéfi nissable base soc iale-démocrate. Cependant, étant all iés avec la droite pol itique, les partis soc iaux-démocrates semblent utili ser un vocabulaire étranger quand ils parlent de l'adhés ion à la Communauté. « L' infaill ibilité » de la Communauté européenne, à laquelle certains Scandinaves ont souscri t, en rebute d ' autres. Après avoir échoué à faire passer le message de la croissance et de l'emploi. les responsables pol itiques scandinaves empruntent aux élites polit iq ues du LA SOCIAL-DEMOCRATIE SCANDIN AVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 59 Continent un message qui porte sur la pauvreté, l'intolérance religieuse et même la dictature. Mais ce discours provoque la base sociale-démocrate car il ne recouvre pas ses « vrais intérêts », ceux de l'avenir de la Scandi navie. Le jargon des places boursières, étranger à l'expérience quotidienne du mi lieu industriel traditionnel des pays nordiques, est un affront à sa culture. C'est un langage qui n'appartient pas non plus au monde de j'ate lier, sans parler de la cantine où mange l'équipe de l'hôpital. Et les « ménages publics» ou les « ménages en trépied » de la périphérie norvégienne y sont hennétiques. La ligne de fo nd de la rhétorique sociale-démocrate est soudainement trop proche de la vision du monde d ' une société qui continue à considérer les services du secteur public comme improductifs. Les infinnières et les autres, qui rentrent dans un « ménage public » ou « en trépied », après avoir passé huit heures à servir une cause juste au bénéfice d' un Etat juste, n'ont j amais vou lu accepter l'idée que seuls les travailleurs industriels contribuent à créer la richesse. Dès lors qu 'elles contribuent aux ressources nationales plutôt qu 'elles ne les épuisent, les infinnières voudraient bénéfi cier d ' un peu de respect pour leur dur métier. Mais il y a une raison importante pour laquelle l'apport des employés du secteur public est négligé: il ne s'accommode pas du discours néo: libéral. La Communauté européenne peut faci lement être considérée comme le corps étranger qui va égratigner voire supprimer l'essence même du mode de vie scandinave: le ménage, le cercle d'amis proches et le voisinage. La métaphore suédoise est devenue une réalité : c'est le Folkhem - la mai son du peuple - qui est en jeu. Dès 1928, Pet Albin Hansson, nouveau dirigeant du parti social-démocrate, introduisait la « mai son du peuple » dans un discours désonnais légendaire au Riksdag : « La base de la maison est l'unité et le sentiment de vivre en com mun . Une bonne mai son ne considère personne comme privi légié ou comme peu appréciable: elle ne connaît aucun favori particulier ni aucun beau-fi ls ou belle-fill e. Là, personne ne toise personne; là. personne n'essaye de tirer profit aux dépens d ' un autre ; et le plus fort ne réprime ni ne pi lle le plus faibl e. Dans la bonne maison, l'égalité, la considération, la coopération et l'entraide prévalent. Appliqué à la grande maison du peuple et des citoyens, ceci signifierait la dislocation de toutes les barrières sociales el économiques qui divi sent aujourd ' hui les citoyens en privilégiés et en malchanceux, en dirigeants et en sujets, en riches et en pauvres, en rassasiés et en indi gents, en pi ll ards el en pillés » 5. Alors que la maison du peuple est une caractéristique de la Suède - pas nécessairement très tolérante à l'égard de ses sujets les moins chanceux , mai s surtout fi ère d'avoir fa it en sorte que ses élites fassent partie d' une Communauté (Gemeinschaft) locale et donc soient mo ins distantes et arrogantes - , la version, moins connue, de la mai son du peuple en Finlande et en Norvège, 60 LA GAUŒE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE c'est « l'économie en trépied » qu 'on retrouve dans l'arrière-pays. Dans la mesure où e Ue est ancrée dans une structure d'activ ités co llecti ves, celle économie est vénérée comme la tradition d ' une soc iété qu i appone sa coopération volontaire à la communauté locale. Par essence, le d iscours se référant à la croissance est, pour les Scand inaves, associé à l'économie de marché - et politiquement à la d roi te - et à la vision originelle de la Communauté européenne en tant que marché européen. Mais depuis la grande dépression, l'emploi est un temle pol itique, associé à l' histoire politique de la social-démocratie. Le compromis historique du part i social-démocrate des années trente , qui laissait la croissance aux mains du marché en échange d'une poli tique redistributrice des fru its du travai l, n 'est pas - encore - applicable à une institut ion politique supranat ionale. Les électeurs danois avaient des difficultés légitimes à faire le lien entre l'U nion européenne et leurs inquiétudes ou leurs espoirs en matière d 'emploi. Dans les années trente, le « marché de consommation intérieure )} était en accord parfait avec la technolog ie, l'infrastructure, l'offre cria demande de l'économie nationale, et même avec ce lle des régions locales. Des programmes de création d 'emplois assuraient du travail dans les coins les plus reculés du pays, proches de la fami lle et des amis. et loin de la France. Le seul message vraiment efficace de la plate-form e soc iale-démocrate pour le référendum se rait - pour autant que le groupe social iste du Parlement européen s'en accommode - une « garantie de retour au pays)} : laissons aux capitalistes leurs marchés. mais si le taux de chômage n 'est pas descendu à moins de 3% cinq ans après l'adhésion, l'adhésion nordique sera déclarée nul le et non avenue. Plusieurs raisons expliquent que les d irigeants soc iauxdémocrates ne peuvent obtenir des groupements d 'entreprises nationales el des dirigeants conservateurs un tel engagement. Mais il était étrange que le président du pani suédois, Ingvar Carlsson, annonçât en janvier 1993 que , plutôt que de prendre officiellemen t position sur l'adhésion suédoise, le SA P laisserait à ses adhérents le soin de décider eux-mêmes. En effet, ce fai sant , les dirigeants du SAP offraient aux Suédois une abd ication politique dans le genre de celIe du dernier roi saxon: « Et bien, les enfants, débroui llez-vous tout seul s» (Na. Killder. dmmmaclu El/ch EI/rell Drech alleelle). Alors qu'i ls déclaraient ouvenement qu' ils voteraient à titre personnel en faveu r de l'adhésion si le référendum se déroulait le lendemain, le président du parti, Carlsson. et ses assoc iés les pl us proches libéraieOl le pani , et en fait tout le mouvement ouvrie r, du devoir de resserrer les rangs derrière leurs di rigeants. C'est là la version renversée du « retour au pays)} . C'est implicitement une garantie de laisser-aller incon trôlé du pays, qui menace (aussi bien les électeurs orphelins que les cadres indisciplinés des di fférentes branches du mouvement ouvrier) de livrer le pouvoir à la droite (et ce qui reste de capital national) afin de démante ler les acquis de la social-démocratie. Pendant ce LA SOC IAL-DÉMOCRATIE SCAND INAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 61 temps, soul ignant le fa it que le parti abdiquera it politiquement en agi ssant de la sorte, des dirigean ts sociaux-démocrates suédoi s réclamaient une enquête publique menée scientifiquement sur les conséquences nationales d ' une victoire du « non » au référendum. Bien sûr, il y a une Europe sociale-démocrate. Il se trouve simplement que la vision sociale-démocrate scandinave du paradi s sur terre - dans la mouvance stricte du protestantisme - se limite au ple in-emploi, lequel offre donc aux citoyens l'occasion de construi re un maison convenable dans le pays. Mais pour l'Europe catholiq ue, il y a à la fo is plus et moins que cela. Paradis perdu ou - au mieux - partagé, le choix entre le « oui » et le « non » implique forcém ent que chaque électeur se pose la question de savoir pourq uoi il vote « oui » ou « non ». Au fur et à mesure que la campagne référendaire approchera de son point d ' orgue, le «oui ) et le « non » à la Communauté européenne remueront beaucoup de sentiments profondément enracinés. 3. Conclusion : la social-démocratie face à l' évanescence de la chose pOlitique Un « contrat européen }), où les partis sociaux-démocrates offriraient l' accès intégral à l' Europe en échange du plein-emplo i, implique une mutation en profondeur à l'échelle nationale. Donc, la « contrainte européenne » approche insidieusement alors que la Scandinav ie se prépare à décider de son statut dans l'Europe. Cependant , à moins qu ' ils ne veui llent exclure du parti jusqu ' au dernier infidè le, les dirigeants sociaux-démocrates ne peuvent effaroucher tous leurs électeurs tout le temps; se ul s deux tiers se raidiront une semaine avant l'élection. Les élites gouvernantes sont à la recherche d ' un raisonnement évolutionniste pour poursuivre leur politique redistributive, mais le SA P abdique sa fonction de g uide politique; la conclusion s' impose: la Scandinavie vit l'abolition de la chose politique. Les ennemis politiques disparaissent dans une démonologie brumeuse et les é lecteurs sociaux-démocrates scandinaves (dont certains ont l' impress ion qu' ils sont désignés comme chair à canon et d 'autres qu' ils sont abandonnés par leurs dirigeants) sont « libres») d ' agir comme bon leur semble. Dans le même temps, de nouvelles structures publiques et civi les ont émergé. Exprimées dans des ternles idéologiques séducteurs com me «co-délenninalion sur le lieu de trava il », « décentralisation », « démocratie de l' usager » et « société civ ile » (voir le principe de subsidiarité), elles ont encore davantage estompé les di stinctions entre amis et ennemis politiques . En fait, certai nes d 'entre elles se réduisent à des réseaux infonnels et des mécanismes véreux. D 'où un déséq uilibre entre le macrocosme et le microcosme soc ial-démocrate, entre le national et le tri bal, entre le secteur public et le 62 LA GAUCllE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE secteur privé. Il s' agit là d ' une dissonance qui met en évidence J'abolition de la chose polit ique, une scène publique dévastée qui transfonn e le citoyen en un individu menant une vie de fam îlle casanière; un individu dont les relations avec le gouvernement sont, de temps en temps, ce lles d ' un client ou, plus souvent, d ' un consommateur de services publ ics. De façon assez ironique, l' inquiétude man ifestée récemment en Europe à propos de la distance qu i se creuserait entre l'Un ion eu ropéenne et les citoyens, est auss i un indicateur d ' un « déficit démocratique » dans les politiques nationales. La Scandinavie ne fai t pas exception: son «excédent démocratique» n ' a rien de démocrati que, pas pl us que les citoyens qui ulili senl, à leurs fin s personnelles, les services publics. A ce sujet, les occasions offenes aux ménages de profiter d ' un grand marché de biens de consommation, matériels aussi bien que spirituels, sont irrésisti bles. Les sociaux-démocrates les plus « archaïques », qui usaient excl usivement de ce qui était offen par le mouvement, en sont réduits à n'être plus qu ' une curiosité. Les sociaux-démocrates contractants, qui bénéficiaient principalement de ce qu'offrait la narion, découvrent des possibilités nouvelles . Les ménages contemporains ont reçu à la foi s la latitude et les moyens d 'avoir accès à tous les marchés et aux services publics nationaux, possibi lités si nombreuses et variées qu 'elles peuvent les mainten ir occupés vingt-quatre heures par j our. Alors qu 'on ne leur a pas donné la fonna tion politique adéquate pour le faire . D' un autre côté, les moyens d'ex istence d ' un ménage sont complexes. Du fait qu ' il compte sur deux soutiens de fami lle, et parfois sur une« économie en trépied » comme c'est courant à J' intérieur des pays, aucun des membres n'est remplaçable, ni encore moins sacrifiable, d ' un jour à l' aulre, sans déclencher une réaction en chaîne d ' implicat ions structurelles. Car l' ossature de l'économie ménagère s'apparente également aux liens qui entourent la fami lle, (l'ex-fam ille), les amis, les collègues - pennellant au ménage de faire appel à un confort non gouvernemental ou qui n ' a rien à voir avec le marché. Néanmoins, la fami lle. en et par e lle-même (dans la mesure où son cycle de vie est sujet à des transfert s publ ics complexes afférents à la condit ion de parents, aux congés de maternité, aux soins q uotidiens, à l'éducati on, elc.) est un produit politisé. Par contraste. la proximi té avec les parents, les amis et les collègues, est un produ it civil. Outre l' attention apportée aux tout jeunes et aux plus âgés, les parents el les amis peuvent fréque mment devenir une main -d 'œuvre non taxable. prêle à donner un coup de main au ménage pour toutes sortes de choses. de la réparation g ralUite aux leçons de piano. Une re lative facil ité des moyens d 'existence confère aux ménages une agréable liberté d 'action . li y a peu de surprises pol itiques dans les orientations gouvernementales. Dans la mesure où le Parlement et les mini stères sont profondément pénétrés par les groupes de pression , les crédits budgéta ires al- LA SOCIAL· OÉMOCRATIE SCAN DINAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 63 loués aux postes du secteur public, les taxes et les subsides appliqués aux peti· tes entreprises et aux fennes agricoles, ne changent pas facilement. Dans la mesure où le gouvernement s' abstient d ' intervenir dans la sphère ménagère, il ne prend pas d ' initiati ve au scin des microcosmes. D 'où, dans la plupart des ménages, se manifeste une peur à l'égard des effets de l'adhésion sur l' une des deux ou trois sources de revenu plutôt qu' une réfl exion sur les poss ibi lités de transfonn er le ménage en un projet fondé sur dix ou vingt sources de revenu di fférentes. La Scandi navie est encore très loin des économies méditerra· néennes multipodes et, certainement, d u séisme qui ren verrait les femmes à leurs fourneaux et transfonnerail le ménage en une économie unipode . Comme les opportunilés abondent, la vie de tous les jours est devenue un projel anti· fa taliste, un projet dans lequel la culture et le choix ralionnel se mélangent parfaitement pour rendre cette opération rémunératrice. Face aux mesures d ' austéri té imposées par la politique gouvernementale, les représentants des ménages ne se présentent que rarement comme ciloyens dans les cantines ou dans les salles comm un autaires locales, prêts à discuter de ce qui est agréable dans le « projet moyen » de la social-démocratie el du pays. C' est bien plutôt le petit projet de chacun qui est le souci immédiat . Les sociaux-démocrates partisans de l'adhésion à la Communauté européenne n 'ont pas besoin, par défi nition, d ' apparaître comme des cilOyens, brand issant vaillamment leur épée pou r frayer leur chemi n et celui du pays à travers la mauvaise herbe du sectarisme. Ils peuvent lout auss i bien être des fat alistes q ui possèdent des ressources individuelles (économiques, culturelles, et/ou politiques), négociables à travers l' Europe, précisément parce qu ' il s ne sont pas enchevêtrés dans un tissu matéri el qu i cont ribue à faire d u ménage un projel en lui-même. Il y a un monde de différence entre, d ' un côté, les ménages qui dépendent de l'accès à un marché un ique et, de l'aUlre, les ménages pour lesquels une existence « en trépied » イ ・ BL セG ッ ゥ ・@ chacun des pieds aux ressources économiques, culturelles et pol itiques. Exception faite de la Fi nlande, les aspects non matériels de l' inlégrali on européenne sont d ' un apport limité pour la social-démocratie scandinave. Il s ont été laissés en jachère, et même considérés avec mépris, depuis de Irop longues années. La pai x, la démocratie, les échanges culturels, etc. apparaissent donc comme des thématiques se référant principalemenl aux expériences méditerranéennes, et non nordiques, aux questions auxquelles l' Europe contemporaine est confrontée. Aussi tandis qu ' une Europe sociale-démocrate « scandinave» ne peut pas, sculement à cause de la transfonnati on des ménages en projets, être trop éloignée d ' une Europe sociale-catholique, la réalité protestante détennine encore toujours la fonnation polit ique des ménages. Dans le mépris - ignorant - de l'encycliq ue Cemesimus mI m iS de Jean-Paul [1 - qu i ex prime une pro fonde inquiétude à propos des con séquences sociales de l' Etat-prov idence moderne - , les ménages scandinaves 64 LA GAUCHE FACE AUX " , UTATIONS EN EUROPE observent la version cathol ique du principe de subsidiarité dans le meilleur de deux mondes; la responsabili té à l'égard des proches et des êtres chers et le désir, la soif de recevoir les allocations de l' Etat. A long terme, la classe moyenne qu i vit économiquement, culturellement el politiquemenl dans J'abondance, s'est vu accorder une chance de cimenter toutes ses potentialités en se libéram des plans de pension hautemem taxés et obl igatoires, et des autres provisions publiques allouées en venu du principe universali ste. Le ménage de la classe moyenne est au seui l d ' un monde mei lleur Olt il peUl obtenir les options pri vées en plus de ce que l' Etat offre. La question européenne fo rce donc les sociaux-démocrates. el en particulier le DNA norvégien et le SAP suédois. à se résoudre à des assoc iations étranges, à se ranger du CÔlé de cette partie de la classe moyenne nordique pour laquelle la Communauté européenne est un moyen de se libérer de la social-démocratie. Dans la mesure où la question de l'adhésion est poussée à ses conséquences ultimes. quand la logique et la stupidité inhérentes. à un référe ndum convergent comme le moindre de deux maux pour mettre les électeurs sociaux-démocrates (et les dirigeants suédois) au pied du mur, des circonstances instÎlu tionnelles. auss i bien rée lles qu' imag inaires, incitent les dirigeants du parti suédois à trouver quelque chose qui pourrait passer pour un « contrat européen ». Par contraste. les autres partis sociaux-démocrates scandinaves on l un long et d iffi cile chemin à parcourir avant d ' arriver à un arrangement qui puisse plaire notamment aux fe mmes employées dans les services publ ics - sauf si des modifications politiques internes ou économ iques au niveau international les y contraignent. 4. E pilogue Les analogies possèdent une élégance irrés istible surtout quand elles ne sont pas prises trop au sé rieux. On nous passera donc celle-ci: on ne peut pas argumenter avec un enfant de trois ans, ni passer un contrat avec lui el il y a des limites aux contrain tes qu ' on peut lui imposer pour qu ' il cesse de fa ire ce que le dernier roi saxon suggérait. Mais comme un enfant de tfois ans comprend déjà ce que cela signi fi e d 'être privé de q uelque chose, de même les sociaux-démocrates pourraient se résigner à choisir le moindre de deux maux. Il semble que le rejel danois du traité de Maastricht, lors du premier référendum , ai t fort marqué les Norvégiens et les Suédoi s. Les conséquences d'un isolemenl de la Scand inav ie , hors de l'Acte un ique européen ou de l' Union européenne, sautent aux yeux de n ' importe q ue l social-démocrate nordique. D' où éventuellement des sentiments et des réact ions conOictuels. Que ce sail en 1994 ou en 1996, l'organisation des ré férendums sera im portante. Le plus équitable serait que les trois pays nordiq ues organisent un « super di manche », c'est-à-dire que tous les pays aillent aux urnes le même jour. Pourtant, par crainte d ' un jeu de dominos qui serait tac itement accepté par les pouvoirs nor- LA SOCIAL-DÉMOCRATIE SCANDINAVE FACE À L'IMPASSE EUROPÉENNE 65 diques en place, une déclarat ion commune des partis de la gauche radicale fi nlandaise, norvégienne el suédoise a déjà demandé une telle journée commune de consultation populaire. Ce qui rend l' idée d'un «super dimanche» auss i peu probable que la coïncidence entre une écl ipse solaire et une pleine lune. Des consultations populaires organisées à des moments différents, en premier lieu en Norvège, ne SO!}t pas de nature à augmenter les perspectives d ' un glissement substantiel vers le « oui » parmi les soc iaux-démocrates norvégiens et suédois. Mais si la Fin lande se prononce la première, suivie de la Suède, les choses pourraient tourner autrement. 5. Ann exe L'état de f' opinion slIr la question de l'adhésion à la Communallté européenne OI'ant le premier référendum danois 6 Pour Contre Sans opinion Finlande Norvège Suède 61 27 12 33 36 3\ 44 36 20 L'état de ropillioll après le premier référendl/nI 7 Pour Contre Sans opinion Finlande Norvège Suède 50 31 26 43 3\ 32 47 2\ \9 66 LA GAUCllE FACE AUX MUTATIONS EN EU ROPE L'état de l' opÎIIÎ(m par sensibilité politiqlle avam le premier référe ndum dallois Finlande (mai 1992) Gauche 50 Agrariens Conservateurs 42 50 8 65 22 13 46 43 85 7 8 Pour Contre Sans opinion Il Norvège (mai 1992) Pour Contre Sans opinion Gauche 50 10 66 24 47 17 36 Agrariens Conservateurs Parti du Progrès 3 87 10 73 7 20 ·· 47 24 29 Suède (mars 1992) Pour Contre Sans opinion Gauche 50 8 67 25 33 47 20 Agrariens Conservateurs 19 58 23 71 14 15 Libérau x 63 23 14 Notes '1. MOQVIST, セ@ Fami]jcn _ best:indig och fOriinder]ig _, ill E. ALBEIIG (M.). ャOuヲエ ウエイᅫオ ュャオゥ セ@ ; Nセ N@ A. WI'STlIOl..'-1. G. biNom e セ サャ N@ Catissons. ]990. p. 125. Voir aussi Q. pゥBtfNrso mセ、ャクjイァオOサウ@ 11UIb. Carlssons. 1989. 1J. GooL ASDEIISF_,". セ@ The Decline ofClass VOIing Revisited _.;11 P. GUNUbUClI. K. SI USE (éd.). Fram ウ@voO セイ ta Purticiponls. Essuys in Honour a/Olt Borrt. Polltica. 1992. J M. Tllo.'-1l'SOl". R. ELus. A. W,LDAVSKY. pッャゥ・オicエキイセN@ Westvicw. ]990. • K. si ui\セL@ P. SVENSSOS, Q. t セsgadN@ Der 「ャエセ@ tllI(j, Politica. 1992. Clarendon. 1990. ' T. T'LTO.>;, tij セ@ Polilieul Th(ory ofS...r disll Social dセュocGッイZIL@ セB sオイカ・ケ@ 5·22 May 1992 .. H(lsillgill SO/lOmal. ]I juin 1992; « Survey 5·7 May 1992 ,.. OッN\ヲQᄋXオイュ セ ャセイZ B@ SUIVey 9·]2 Mareh ]992 _. gゥx」「ッイァウᄋpOセョN@ ]5 mars 1992. '« Survey 11·22 June ]992. Htlsillgill Su/tOmai. 18juitletl992: « SuIVey 2-4 June 1992 •. M.<fI·BurtJ/lwlrr : .. SUIVey 4·10 June ]992 ". gェャエA「ッGァウMpH^sイセiL@ 10 juin ]992. ()Im'und/irlg, De la confiance à la crise. La gauche aux Pays-Bas depuis les années soixante-dix Gerrit V OERMAN La gauche au x Pays- Bas va dro it à la débâcle électorale. Selon les derniers sondages d'opinion, les socialistes perdraient leur hégémonie traditionnelle lors des élections légis lali ves de 1994. Les sociaux-démocrates perdraient un tiers, voire la mo itié, de leurs éleCieurs au béné fi ce de la gauche libérale démocrate (066) dont l'électorat pourrait doubler, peut-être même tripler. Ce bouleversement dans l'équ ilibre des forces est le résultat de la crise d ' identité que traverse la gauche depuis le début des années quatre-vingt. Initialement, le d iscours idéologique présenté par la gauche paraissait lim- pide. Après guerre, le parti du travail (PvdA), stable, dominait le parti commu- niste (CPN) en décl in. Celle bipolarité bien ordonnée ouvrit la voie à la naissance d ' une nouvelle fonnation de gauche en 1957: le part i socialiste pacifis te (psp). La situation dev in! plus compliquée dix ans plus tard lorsque la gauche commença à se fragmenter. Démocratie 66 (066), le pani radical (PPR) et un part i plus conservateur appelé socialiste-démocrate (os'70) s' installèrent au centre-gauche du paysage politiq ue. La fragmentation de la gauche néerl andaise qu i s'en est suivie dans les années soixante-d ix et quatre-vingt s'accompagna , pour la plupart des partis, d ' une transfo nnation idéologique : même si les résultats différaient quant au contenu, ces changements étaient, dans une certaine mesure, plus ou moins identiques. La confi ance qui avait caractérisé la gauche néerlandaise d ans les années soixante-dix di sparut durant la décennie suivante. Les symptômes de la crise étaient cl airs: pertes é lectorales, déclin du nombre de membres, changements sociaux dans les rangs de la gauche, désarroi idéolog ique, éclatement et reconstruction de certains part is. Même si 066 a auss i connu des hauts et des bas, ce part i eSl le seul à s'en être sorti indemne. Aujourd ' hui , trois partis se situent à gauche: le parti du travail, 066 et le parti des socialistes écologistes de la « gauche verte ». 68 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Dans cet article, nous 。ョャケ ウ・セ ッョ ウ@ le passage de l' optimisme à la crise de la gauche aux Pays-Bas dans la dernière décennie. Dans la première partie , nous étudierons les relations des part is de gauche entre eux et décrirons leurs développements idéolog iques, dans ce cadre, depuis la fin des années soixante. L' afrrontemenl enlre la « gauche archaïque» et la « nouvelle gauche» a condu it à des nuances dans la carte de la gauche: des coups de crayons bleu (pour les libéraux) et vert (pour les écologistes) Onl été ajoutés. Aujourd'hui , le vert ct le bleu tendent même à dominer la palette des couleurs de la gauche. A la fin de ce texte, nous aborderons la transformation sociologique dans les rangs de J'é lectorat de gauche, qu i suit de près la rad ical isation des mouvements. Il n 'aura fall u que di x ans environ pour que J'ancienne épine dorsale de la gauche. la classe ouvrière, soit rempl acée par des membres de la nouvelle classe moyenne. Vu la position dominante du parti du travail au sein de la gauche néerlandaise, nous lui accorderons davantage d'attention. l. Les partis de gauche Depuis le début du siècle, le système politique néerlandais est fortement segmenté 1. La société est di visée en piliers (qui traversent les classes) bien organisés en groupes sociaux verticaux. Dans les années soixante cependant. les clivages religieux, socio-économiques et culturels commencèrent à s'atténue r: la prospérité croissante et la consommation de masse y contribuèrent ; l'Etat-providence était mis en place, l' accès à l'éducation s'était élarg i et la mobilité soc iale prenait son élan - surtout du secteur secondaire vers le secteur tertiaire - . la télév ision et les autres médias prenaient de l'ampleu r. Les normes culture lles tradit ionnelles changèrent ou perdi rent leur signi fication. La laïcisation des Néerlandais s'accé léra. Face à ces bou leversements, la pol itique néerlandaise ne pouvait que changer. Le processus décisionne l « conscensationnel » des élites polit iques fut secoué par des aspirations de démocratisation et de participation. Le système pol itique se transforma : d ' une structure rigide et segmentée. on passa à une composit ion plus ouverte et plus n ex ible. Les parti s traditionnels les plus im portants enregistrèrent des pertes électorales et apparurent dans le paysage polit ique de nouveaux partis. 1.1 .Les rivaux Iradilionllels d 'extrême-gauche du parti du travail Les partis de gauche ont été affectés par les tran sforma tions que nous allons présenter. Pendant les années cinquante, les social istes ont part icipé à une coalit ion gouvernementale avec les cat holiques et les protestants. Celle dernière a dirigé la reconstruction économique de l'après-g uerre et mis en pl ace les fondements du Welfare Sra/e. Durant celte période, le parti du travail recueillait envi ron 30% des voix. Sa position était à peine menacée par les partis qui se situaient à sa gauche. Son seul rival potentiel était alors le CPN. Juste LA GAUCI IE AUX PAYS - BAS 69 après-guerre , les communi stes avaient remporté un certai n succès (10,8%) mais ils souffrirent de leurs liens avec Moscou pendanl la guerre fro ide. Le PSP, fondé en 1957, s'opposa lui aussi au parti du travail. Il rejetait l'orientation atlantiste des socialistes et le pro-sov iétisme des communistes. En fait, il plaidait pour un désarmement global. Cette « troi sième voie» s'assorti ssait d'un programme de gauche social iste. Même si les socialistes pacifistes glanèrent quelques sièges au Parlement, ils n 'ont jamais représenté un menace réelle pour les socialistes. 1.2.Le virage à gauche opéré par les socialistes au début des années soixante-dix D'u n po int de vue électoral , le PvdA connut quelques années difficiles aux alentours de 1970 2 • Sa position dominante chancela face à un décl in important du nombre de ses membres et de ses électeurs. Ce recu l résultait de facteurs internes el externes, à rapprocher de la « dépi larisation » » - déjà mentionnée - de la société néerlandaise. En premier lieu, les socialistes se radicali sèrent sous l' influence de la «nouve lle gauche ». En 1966, un groupe de jeunes intellectuels critiqua les tendances réformistes du parti. La « nouvelle gauche» réclamait une stratégie de polarisation. La soc ial·démocratie devait opposer une alternative tranchée face aux partis de droite. Par conséquent , un renouveau des principes sociali stes s' imposait. La redistribution des biens, la participation des travailleurs à la gestion des entrepri ses, la nationalisation des banques. une politique étrangère plu s radicale et une révolution socio-culturelle constituaient les fers de lance des revendications de ces jeunes intellectuels J. La « nouvelle gauche» s'est implantée avec succès dans le parti du travail . Certains de ses membres ont été élus dans l'exécutif du parti et d 'autres au Parlement. Le programme du parti adopta plusieurs de leurs revendications : démocratisation et participat ion sont devenues les slogans clés des socialistes. Le parti a quelque peu perdu son orientation gouvernementale et s'est tourné vers la société. II a incorporé dans son idéologie de nouveaux thèmes post-matérialistes: la libération de la femme, la protection de l'environnement, l'énergie antinucléaire •... Ces problématiques étaient chères aux nouveaux mouvements sociaux qui les avaient mises en avan t dès le début des années soixante-dix . Le parti du travai l a dû payer le prix de son virage à gauche. L' aile conservatrice s'est opposée à cette nouvelle direction, s'en est distanciée et a créé une nou velle fonnation politique, Ds'70. Ce parti a connu un succès électoral à ses débuts en récoltant plus de 5 % des voix. Mai s en fin de compte. Ds'70 n'cst pas devenue un rival réel pour le parti du travail: en 1977, e lle a simplement disparu . 70 L A GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE J .3.Les nouveaux rivaux de centre-gauche du parti du tra vail Parallèlement à la radicali sation du parti , les socialistes ont perdu leur hégémonie sur la gauche néerlandaise. Les concurrents habituels, communistes et plus tard soc ialistes pacifistes, n'étaient pl us menaçants; même s' il est vra i que le CPN obtint de me illeurs résu ltats électoraux pendant la détente. Le parti com muniste progressa en partie grâce à sa distanciation avec Moscou pendant le connil sino-sov iétique. D'autre part , le psp n'apparaissait pas en mesure de progresser électoralement. Mais le véritable danger pour la social-démocratie venait moi ns de l'extrême-gauche que du centre-gauche. La radicalisation des soc ialistes avai t ouvert la voie aux partis de gauche plus orientés vers le centre. os'70 ne fUI pas la seule à béné fi cier du virage à gauche des sociali stes: d ' autres parti s qui intégraient aussi des thèmes post-matérialistes dans leur programme On! comblé le fossé qui s'était creusé entIe les socia li stes et le cenlre Uusqu'alors dominé par les parti s confessionnels). Fondée en 1966; 066, fonnation essentiellement libérale de gauche, affinnait ne relever d ' aucune idéo logie et se qualifiait elle-même de « pragmatique ». Sa priorité étai t la démocrat isation du système politique . A ses débu ts. en 1967, 066 obtint près de 5% des suffrage s. De même. un an plus tard , apparut le PPR, créé à l'initiative de dissidents progressistes du parti catholique. Ceux-c i reprochaient à leur fonnation d 'orig ine sa volonlé de fu sionner avec les deux principaux partis calvinistes et il s préférèrent dès lors se rapprocher du part i du travail. Même s' il émanait du pani catholique, le PPR se dé fini t progress ivement comme un parti de gauche séculari sé avec une tendance « nouve lle gauche ». Les radicau x revendiquaien t un changement des structures soc iales et des mentalités; ils privilég iaien t l'écologie, la paix et l'aide au développement. J.4.Le parti du travail au début des années soixante-dix: entre l'extrême-gauche et le celltre-gauche Les véritables concurrents des sociali stes n'étaient donc pas le CPN et le psp, mais bien le PPR. Ds'70 et 066. Les démocrates obti nrent de très bons résultats aux élections de \967 el de \97 \ , DS ' 70 en \97 \ et \972 et les radicaux en 1972. En partie aux dépens du parti du trava il. La social-démocrat ie obtenait cependant des scores meilleurs que dans les années soixante . Elle avait compensé la perte de certains de ses électeurs, séduits par le centre-gauche, par la conquête de nouve lles voix, qui allaient auparavant aux parti s confessionnels. Après la stratégie de polarisation voulue par la « nouvelle gauche », le parti du travail rechercha une alliance non confessionnelle avec les démocrates et les radicaux. Ce « Irio progressiste» se mil d'accord sur une plate- fonne LA GAUC IIE AUX PAYS-BAS 71 pré-électorale en 1971 ct en 1972. Après le deux ième scrutin , ils réussirent à fonner une coal ition gouvernementale même si. pour ce fa ire, ils durent s' adjoindre le parti catholique et le parti calviniste. De 1973 à 1977, cene coal ition de centre-gauche gouverna les Pays-Bas avec , à sa tête, le leader socialiste J. Den Uy l : gouvernement considéré comme le plus à gauche de l' hislOire des Pays-Bas. Ils voulaient démocrat iser l'éducation, l'exercice du pouvoir et accroître les revenus d ' un pl us grand nombre. Ils durent compter avec la crise et la récession économ iques. En dépit de toutes ces difficultés, le gouvernement Den Uyl acheva la construction économique du Welfare State et commença à étendre sa politique au domaine socio-culturel. 1.5. La désintégration du trio progressiste au milieu des années soixante-dix Sous le gouvernement de centre-gauche, les chemins des partis de la coal ition progressiste commencèrent à diverger. 066 subit un revers é lectoral brutal et semblait cliniquement morte aux alentours de 1975. Deux ans plus tard, elle bénéficia cependant , grâce à un leader charismatique, d'une « magnifique résurrection ^セ N@ Les responsables du parti avaient attri bué celle crise à leur rapprochement avec le parti du travail et décidèrent donc de ne pl us part iciper à une nouvelle coalition progressiste. Au même moment, la séparation des rad icaux et des sociaux-démocrates s' aggrava. Lorsqu ' il avait opéré un virage à gauche,le PPR s'était en fait rallié aux thèses de la gauche du parti du travail. Les sociaux-démocrates s'accommodèrent mal du penchant des radicaux pour l' action extra-parlementaire. Le sentiment de malaise se manifesta ouvertement lors des é lections de 1977 : alors que les radicaux refusaient le maint ien de la coalition avec les panis ←@ en un parti démocrate confessionnel s (à celte époque, ils avaient ヲオウ ゥッョセ chrét ien, CDA), le parti d u travail se démarqua de celle position. 1.6.Créalion et origine de la « gauche verte» (1977-1989) Les é lections de 1977 secouèrent la gauche néerlandaise. Elles marquèrent non seulement la fin du rassemblement progress iste réunissant le parti du travaiL 066 et le PPR mais aussi le début du processus qui mena à la fu sion du PSI', du PPR et du CPN en une « gauche verte ». Les soc ialistes furent les grands vainqueurs de ces é lect ions. Aux dépens celle fo is non des partis confessionnels mais bien des partis classés plus à gauche qu 'eux: le PPR, le psp et le CPN. Ces trois panis ne conservèrent que six de leurs seize sièges. Leur électorat décimé, les communistes, les radicaux et les socialistes pacifistes furent surnommés la « petÎ te gauche ». Ce désastre électoral mena les trois partis à prôner une coopérat ion nationale entre eux 4 . Une liste commune pourrait endiguer leur décl in et empêcher 72 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE les socialistes d 'occuper tout l'espace de gauche. En dépit de leur prédi lection pour une all iance avec les social istes, aux niveaux local et prov incial, PPR et PSP unissaient déjà de plus en plu s souvent leurs force s durant les années soixante-dix. Petit à petit, le CPNétai t entré dans cette logique. La chute électorale des communistes en 1977 déclencha un processus de renouveau idéologique: en abandonnant la ligne stalinienne, le CPN devenait un panenaire acceptable pour les socialistes pacifistes el les radicaux. Les nouveaux mouvements sociaux infl uencèrent auss i le rapprochement des part is de la« petite gauche ». Le psp et le PPR s' unirent, dans des actions extra-parlementaires, à des mouvements écologistes, pacifistes, féministes el anti-nucléaires. Dans ces actions où se côtoyaient pan is politiques et mouvements sociaux, les vieilles lignes de démarcation eurent tendance à s'estomper. Les activistes de ces mouvements mi litèrent en faveur de l'unité de la « petite gauche» pour assurer un mei lleur écho parlementaire à leurs revend ications. Les mouvements sociaux ne fi rent pas seulement pression sur cet aspect organ isationne l de la (( petite gauche ». ils contribuèrent auss i au rapprochement idéologique du pSP, du PPR et du CPN. Durant les années quatre-vingt, tous trois développèrent des analyses semblables sur les questions de la paix, de l'environnement, de la puissance anti -nucléaire et de la libération de la femme. Si chaque parti semblait se rallier à une coopération accrue au ni veau national, la « petite gauche» ne montrait cependant pas d'empressement à fra nchir le dernier pas. Même si les lrois fonnalion s se présentèrent ensemble aux élections de 1984, il leur fu t impossible d'aboutir à une entente pour les élections nationales de 1986. Elles fire nt dès lors cavalier seul et obtinrent chacune des résultats désastreux . Le CPN disparut complètement de la scène politique et le psp perdit deux de ses trois sièges. Seuls les radicaux lim itèrent les dégâts en gardant leurs deux sièges. C'est donc sans surprise que fi nalement le CPN, le PPR et le PSP tombèrent d ' accord pour créer un nouveau parti polit ique sous le nom de «( gauche verte ». 1.7. Le réajustement centriste des socialistes dons les années quatre-vingt Le résultat des élections de 1977 semblait très prometteur pour les socialistes: ils avaient obtenu un tiers des suffrages, un record historique absolu. Mais s' il réuss it à éliminer ses rivaux de gauche , le pan i du travail ne parvi nt toutefois pas à menacer 066 qui retrouva, voire amé liora, son résultat d ' avant sa brusque défa ite de 1975. Le pan i du travail aurait pu être le grand gagnan t des é lections mais il ne parvint pas à former un nouveau cabinet avec les démocrates chrétie n (CDA) . Après des mois de négoc iations in fructueuses, le CDA se tourna vers les conservateurs libéraux et forma en quelq ues semaines une coalition de centre-droit. Cet échec soc ialiste traumatisa le PvdA : il commença à réal iser LA GAUCHE AUX PA YS-BAS 73 qu ' il avait perdu la bataille qui l' opposait aux démocrates chrétiens dans la conquête de la première place dans la vie polilique néerlandaise. La stratégie de polarisati on des soc ialistes se révéla électoralement payante mais d ' un point de vue politique , e lle se retourna contre le pani. Les excellenles élections de 1977 se tenninèrenl en 」。 オ 」ィ・ ュ 。イ セ N@ Les soc ialistes restèrent à J'écan de la scène gouvernementale pendant près de douze ans honnis un bref intennède de neuf mois entre 1981 et 1982 - et durent se contenler d 'observer comment le gouvernement de centre-droi t démantelait le Welfare State. Lors des élections de 198 1, le pani du travail perdit presque tous ses gains de 1977 : la « petite gauche» en profita modestement; c'est désonnais l'unique adversaire de centre-gauche du pani du travail , 066, qui engrangea l'essentiel des bénéfices. Comme la coalition de centre-droit avait perdu sa majorité, le CDA fonna une coalition avec le parti du travai l et 066. On ne promettait pas une longue vie à ce cabinet: neuf mois auront suffi pour que le parti du travail quille la coalition el que de nouvelles élections soient organisées. Le CDA et les libéraux conservateurs reprirent leur coopération et restèrent au pouvoir jusqu 'en 1989. Ils poursuivirent leur politique de détricotage du Welfare State. Celle coalition essaya d 'étendre le secteur marchand en décentralisant et en pri vatisant, et de limiter la croissance du secteur public en réduisant le niveau des avanlages sociaux elle déficit budgétaire. Durant cette période d ' opposition, le parti du travail réévalua certains de ses principes de base. Un souffle de « réali sme nouveau » se leva : on mît en question la stratégie de polarisat ion et les so lutions habitue lles de type « étatique » aux problèmes socio-économiques. Par ai lleurs, il fa ll ait trouver une solution à un autre problème: celui de la succession du leader du parti , J. Den Uyl. En 1986, le président du plus grand syndicat néerlandais, Kok, fut désigné comme le successeur de Den Uyl. Celle même année, Den Uyl mena, pour la dernière fo is, son parti à la victoire électorale: le parti du travail récolta un tiers des suffrages et égala presque ses résultats de 1977. Il ne put néanmoins exercer le pouvoir : la coalition de centre-droit gardait sa majorité et pouvait poursuivre sa pol itique économique et sociale néo-libérale. En raison de cette « victoire-défaite », Ie pessimisme s'est répandu dans les rangs sociali stes. Un débat s'est alors ouvert : aucun des principes socialistes n ' a été épargné. Le pan i du travai l s'est positionné bien plus au centre de l'échiquier pol itique. 1.B. Le parti du travail en crise (1989-1992) Le gouvernement de centre-droit tomba prématurément en 1989. Lors des élections qui s'en suivirent, le parti du travai l adopta une attitude très modérée mais perdit néanmoins que lques sièges. La « gauche verte » et 066 améliorèrent quelque peu leur position. Malgré son léger recul , le parti du travail fonna une coalition avec les démocrates chrétiens. 066 ne fut pas conviée à rejoindre 74 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE le cabinet. le CDA craignant la fonnat ion d ' une majori té progressiste au sein du gouvernement. Se souvenant des effets de leurs exigences douze ans plus tôt, les sociali stes n ' insistèrent pas cette fois pour incorporer 066 dans l' all iance gouvernementale. Après de longues années d ' opposition , le parti du travail retrouvait enfin le pouvoir. Cependant. ce nouveau rôle n ' a pas répondu à ses attentes. Il eut du mal à imposer sa marque à la coalition qui ne di fférait guère du gouvernement de centre-droit qui [' avait précédé. Les socialistes acceptèrent par exemple de voir s'effil ocher plusieurs acquis sociaux. Depu is lors, le part i du travail subit une crise profonde et ses relations avec les syndicats se sont fort dégradées. Le nombre d ' adhérents a brusquement chuté et, selon les sondages, les électeurs se sont massivement détournés du parti qui traverse une ère de trouble idéologique. 2. Les changements idéologiques de la gauche D ' une Façon générale, durant les années so ixante-dix, les partis politiques de gauche aux Pays-Bas ont tous opéré une radicalisation idéologique. Mais dans les années quatre-vingt, il s efFectuèrent un nouveau virage vers le centre . Tous ne connurent pas les mêmes secousses et ils n ' empruntèrent pas les mêmes voies. 066 ne fui pas du tout perturbée alors que les démocrates firent aussi, durant cette période, l'expérience d ' une transfonna lÎon idéologique. De l' autre côté. socialistes et commun istes fure nt beaucoup plus affectés par leur repositionnement. Nous traiterons ici des évo lutions idéologiques de chaque parti . 2.J.La social-démocratie : l'adieu à l'Etat et à l'utopie Les conceptions soc iales-démocrates de l' homme et de la soc iété ont changé de manière substantielle ces dix dernières années. Après une période volontariste et étatiste, le parti du travail rcconnutles limites de l' intervention de l ' Etat 6, La nouvelle analyse de la société s' opérait sur Fond de dépress ion économique persistante et de ce que l'on a appelé la crise du modèle de l' Etat-providence. Elle prétendait contrer la réaction conservatrice et la montée de l ' ind ividualisme. Pendant les années soixante-dix , la confiance du parti du travai l dans le dirigisme et dans les capacités réfonni stes de l' Etat était totale. Les sociaux-démocrates avaient adhéré depuis longtemps aux principes, chers à leurs yeux. de l' interventionni sme comme outil pour façonner la société. La renaissance idéologique issue de l 'émergence de la « nouvelle gauche» renforça cette att itude. Toutefo is, celle évolution se révéla paradox ale dans une certai ne mesure. LA GAUCHE AUX PAYS-BAS 75 D' un côté, en raison des pressions de la « nouve lle gauche» et d 'actions extra-parlementaires, le parti du travail s'ouvrit à la société en insérant dans son programme de nouveaux enjeux post-matérialistes. Désonnais, il n'était plus seulement un parti à vocation gouvernementale, il se voulait aussi actif au sein de la société. D'un autre côté, la confiance en la capacité réfonniste de l'Etat était réact ivée. La «( nouvelle gauche» contribua donc à la revitalisation idéologique de la planification étatique, chère à la gauche classique, et ce, même si un courant important au sein de la « nouvelle gauche» défendait des idées plus libertaires. Ce processus d 'accroissement du rôle de l'Etat fut renforcé par la crise économique qui requérait une intervention publique au moment où les soc iali stes étaient au gouvernement. L'étatisme connut son heure de glo ire aux alentours de 1980. La nouvelle déclaration de principes accordait une large place à l'Elat comme régulateur du jeu des forces sociales (dans le même temps cependant. cette déclaration prônait l' autogestion des travailleurs el l'action directe). Cet étatisme effré né fut la cible d 'attaques lorsque le parti du travai l se retrouva dans l'opposition et que les libéraux et les démocrates chrétiens essayèrent, au gouvernement, d'appliquer leur pol itique néo-libérale de remodelage de l'Etat-providence. Le parti du travail prit conscience de la défiance accrue que suscitait sa recette de plus de régulation et d 'expans ion du secteur publ ic: beaucoup de citoyens trouvaient l'Etat-providence trop cher et y voyaient un labyrinthe opaque et bureaucratique. Se greffaient sur cet état de choses les effets de l'indiv idualisme. Plus personne n'étai t solidaire comme le voulait le parti du travail ; chacun calculait les avantages qu'i l pouvait soutirer de l' Elat. Dès lors, l' idéologie socialiste se « désétatisa» dans les années quatre-vingt. Le bureau de recherches du parti prit les devants. Dans un rapport, il est imait qu' une planification forte dotée de larges pouvoirs exécutifs ne cadrait plus avec une société libre, démocratique el complexe '. Le parti du travail devait abandonner ses prétentions exagérées de société organisée d'en hau!. Il s'avérait impossible pour l'Etal de concilier des intérêts soc iaux di vergents. Plan ifie r au nom de « l' intérêt général » devenait dès lors une entrepri se aléatoire. L'Etat devrait abandonner ses prétentions et adopter plutôt un profil de médiateur. Ces attaques dirigées contre un des dogmes les plus importants de la social-démocratie provoquèrent un débat orageux. Même si, ni officie llement, ni officieusement, les propositions du bureau de recherches n ' avaient mené à un consensus, le dirigisme avait bel et bien ses plus belles heures derrière lui. Un rappon du parti de 1987 restreignait encore davantage le rôle de l'Etat. 76 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE L' individual isation avait clairement démontré que la société était trop réfrac taire pour être forgée par le biais de l'action politique. Autre fo ndement du parti du travail contesté : la « perfectibi lité de l'homme ». La déclaration de principes du pani du travai l concédait à l ' homme une bonté « naturelle ». Seu les les structures sociales négatives empêchaient le plein épanouissement de cet être nature llement bon. Dans une société socialiste, au contraire, la solidarité mutuelle créerait l'harmonie. Le part i du travail s'est petit à petit distancié de cette vision. L ' auto-réal isation de l' homme n'étai t plus seulement considérée comme le résultat de l' amélioration des structures sociales. II était adm is que l' indiv idu devait y mettre du sien. Le d irecteur du bureau de recherches du parti du travai l, qui avait admis très tôt l'étatisme excess if du pani , franchit un pas supplémentaire dans le processus d 'abandon de l' utopie en mettant en cause l'eschatologie sociale-démocrate 8. Pou r lui, la crise du parti du travai l est liée à celle de ses idéaux. En raison de son «( désir ardent toujours latent d ' une société socialiste tout à fait différente », le parti n 'a pas réa lisé à quel point son programme était déjà accompli. Il aurait dû alors renoncer au concept d ' utopie sociali ste sans pour autant abandonner sa volonté d'amé liorer la société . Très rapidement, ces rénex ions sont devenues monnaie courante. Le leader d u pani. Kok, déclara ainsi que la social-démocratie« ne devait pas incarner « l'Alternative » » . Et en 1991. l'exécutif du parti dénonça l'inutilité d ' une idéologie prétendant couvrir tous les intérêts. 2.2. L e «cocklail » idéo logique de la « gauche verte» Dans les années quatre-vingt, le parti du travail n 'est pas le seul à avoir subi des transfo mlations idéologiques; la « petite gauche» a connu les mêmes turbulences, surtout le CPN. Les communistes se sont métamorphosés, liquidant le stalin isme au profit d'un parti ouvert ct pourvu d ' un programme post-matérial iste. Le PPR et le PSI' s' interrogèrent, face à leur décl in électoral, sur leur identité et la stratégie à adopter. Ces remises en question idéologiques conduisirent progressivement ces trois formatio ns à se rapprocher. 2.2./. La <1" déléllillisalioll .. d /l CPN En 1991, le CPN s'est fond u dans la « gauche verte» et s'est auto-dissous. Même si les révolu tions d'Europe de l' Est accélérèrent son agonie, l'effondrement du communisme néerlandais n'est pas une con séquence d irecte de la chute du système communiste. C'est de manière plutôt autonome que le CPN s'était lancé dans le processus de renouveau, quelques années même avant l'accession au pouvoi r de Gorbatchev. Pendant longlemps, les communistes semblèrent résister à l' innuence d9mi nante de la « nouvelle gauche ») 9. Dans les années soixante-dix, le CPN resta LA GAUCHE AUX PAYS-BAS 77 un part i orthodoxe, basé sur un centralisme démocratique stricl. En dépit de ses relat ions problématiques avec le pcus, le parti était lié au dogmatisme soviétique inspiré du marxisme- léninisme. Mais, nous l'avons di t 10. les élections désastreuses de 1977 déclenchèrent toutefo is un processus de renouvellement idéolog ique. Peu après, le pani esqui ssa un nouveau programme. Bien que les communistes néerlandais aient tourné le dos au stali nisme, leur nouveau dessein restait dans la mouvance du marxisme- léninisme. Beaucoup de jeunes inte llectuels rénovateurs ne se satisfirent pas de ce « renouveau » . Après une année de confl its internes, le parti adopta une nouvelle déclaration de principes, en 1984, non plus du léninisme mais du fém inisme. Même si le marxisme survécut, il n'en demeure pas moins que les communistes néerlandais abandonnèrent l' idée de la lutte des classes comme seul moteur de l'histoire. Pour remplacer la contradiction dominante entre le travail et le capital, ils m irent en év idence d 'autres contradiction s, entre les sexes ou entre les hommes et la nature. Ce renouveau pourrait être considéré comme une victoi re des activistes des nouveaux mouvements sociaux qui avaient désapprouvé la subordi nation traditionnelle de leur mouvement au parti communiste. Dans la foulée de celle transfonnat ion, le parti abandonna le concept de porte-parole de la classe ouvrière hi storiquement liée au PC - le système soviétique du parti unique reposait sur celle idée de base. Les commun istes intégrèrent et acceptèrent le principe du mu ltipartisme et le CPN soutint la charte 77 et SolidartlOJc. La déclaration ne fi t aucune référence fonnelle à l'Union soviétique. Le CPN reconnaissait encore l'opposition entre l'Est et l' Ouest mai s ne se rangeait ni d 'un côté, ni de l'autre; Moscou et Washington étaient toutes deux jugées responsables de la course aux annements. La dé léninisation du CPN ne se li mita pas à la d imension idéo logique. Le CPN prit aussi ses distances par rapport au modèle organisat ionnel fondé sur le centralisme démocratique et se lOuma vers une nouve lle fonne d'organisation du parti , démocratique et féminis te cette fo is. Après cette métamorphose, il ne restait plus grand chose de l' identité communiste. A cet égard, la dissolution du CPN ne fut que la conséquence logique de sa « déléninisat ion )) . 2.2.2. LeJ socialistes pacifistes cOlllre le système capiraliJte Contrairement au CPN, le PSI' fut influencé dès le début par les idées réformatrices de la « nouvelle gauche )). Il trouvait ses origines dans le mouvement pacifi ste des années cinquante. Outre le désannemem , le psp définit assez tôt ses priorités : l' autogestion, la démocrat isation et la révolution culturelle. En dépit de l'opposition des tenants de la gauche classique qui soit quittèrent le parti , soit s' adaptèrent à la nouvelle ligne. 78 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE La protection de l'environnement est devenue un enje u important du programme des sociali stes pacifistes. Depuis la fin des années soixante, le PSI' s'est investi - et c 'est le premier parti politique néerlandais à l'avoir fait dans des actions de protestation contre la pollution. L' insistance avec laque lle le psp préconisait l'action directe s'accompagnait d ' une réelle aversion pour le gouvernement et l'administration ; il fa llait construire le socialisme à la base. L' importance du parlement était secondaire. Par conséquent, le parti se tourna dans les années soixante-dix vers les nouveaux mouvements sociaux. Les activistes du psp prirent part aux mouvements anti-nucléaire, de protection de l'environnement et de libération de la femm e. De ce fait, certains aspects de base de l'idéologie du PSP commencèrent à changer. L' utopie socialiste se diversifia. Il ne s'agissait plus seulement d 'encourager une économie soc ial isée basée sur l'autogestion: la société devait se fix er l'avènement du « système patriarcal de l'hétérosex ualité ». Selon le psp, les problèmes de l'environnement ne pouvaient être résolus que dans une société social iste. Bien que le psp se soit très tôt montré attentif aux problèmes causés par la pollution, il ne s'est certainement pas développé dans une optique écologiste. Le combat contre le capitalisme, le patriarcat et l'annement avait une plus grande importance. Pour les sociali stes pacifistes, la société devait atteindre le socialisme avant que puissent se réaliser les solutions vertes. Ils n ' ont d ' ailleurs pas immédiatement abandonné celte opinion au sein de la « gauche verte }). 2.2.3. Les premiers signes verts du PPR Le PPR était fondu dans le moule de la « nouvelle gauche )1 comme le PSI'. Les radicaux se sont toujours présentés comme un parti activiste soucieux de changer les structures sociales autant que les me ntalités. Le PPR revendiquait la démocratisation, l' autogestion, la protection de l'environnement et l'autodéveloppement. Il se centra sur les enjeux liés à la paix et à l'environnement. C'est donc tout naturellement qu ' il insista sur l'importance de l'act ion directe. Durant les premières années de son existence, celte attitude s 'accompagnait d ' une volonté de participer au gouvernement. De 1973 à 1977, les radicaux firent partie de la coalition gouvernementale aux côtés des soc ialistes et de 066. Par la sui te, le PPR privilégia l'action extra-parlementaire. Son profil est devenu encore plus « vert Il. Dès 1979, le PPR et quelques partis écologistes d ' Europe commencèrent à travailler ensemble. Cette tendance se confinna en 1983 dans une résolution du congrès du parti qui défin it le pPR comme un part i « radical, solidaire, non confonnis le, écologiste et libertaire ». Dans la pratique, la dimension écologiste; fut encore plus accentuée: les problèmes de " environnement dominèrent les activ ités du parti. A côté de cette composante écologique, la résolution du congrès montrait la volonté des radicaux de coopérer étroitement avec le PSP et le CpN. Cette coopération aboutit à la fondati on LA GAUCIIE AUX PAYS-BAS 79 de la « gauche verte» au sein de laquelle les radicaux , en particulier, exprimaient le point de vue écologiste . 2.2.4. Le méli-mélo de la « gauche verte » La convergence idéologique du CPN, du psp et du l'I'R se concrétisa par la création de la « gauche verte» à laquelle participa auss i un petit parti chrétien progress iste. Au départ, la nouvelle fonnation eut du mal à préciser ses conceptions sociétales de manière cohérente. Le premier manifeste mêlail pacifi sme, marx isme, féminis me et progressisme chrétien !!. Il ne résolvait pas les contradictions entre une politique socialiste devant offrir un niveau de vie raisonnable à tous et une politique écologiste qui donnerait la priorité à la préservation de l'environnement. Après le rejet de ce document par le premier congrès du part i, un nouveau manifeste vit le jour, encore imprégné de socialisme et d 'écologisme: on y trouvait les notions de « viabilité» écologique et d ' idéal égal itaire en matière sociale. A cette occasion, le congrès du parti décida que les considérations écologiques devraient détenniner la politique socio-économique. Le rôle de l'Etat fit l'objet d ' un compromis. La « gauche verte» accepta tout à la fois les principes d'économie de marché et la nécessité d ' une planification , éléments qui la rapprochaient du parti du travail. Mais les idées écologistes restèrent cependant étrangères aux sociaux-démocrates, même si aujourd ' hui elles sont pl us intégrées dans le programme du l'VdA. 2.3.Les démocrates: du pragmatisme au libéralisme social 066 est à la foi s le produit et la preuve d ' une ère nouvelle de la politique néerl andai se et de ses transfonn ations, ces vingt-c inq dernières années !2. A l' origine, les démocrates rejetaient toutes les idéologies et prônaient une approche pragmatique, ne répondant à aucun dogme. Les démocrates ex igeaient une démocratisation radicale de la poli tique néerlandaise, impliquant par exemple l'é lection du premier ministre au suffragé uni versel. En ce sens, 066 pouvait être qualifiée de parti libertaire et républicain (bien qu 'elle ne fû t pas anti-monarchiste) dont les membres étaient des citoyens soucieux de rev italiser le système politique. Dans le cou rant des années soixante-dix, 066 devint plus attentive à la di mension sociale de ses idéaux. Elle se rendit compte que les réfonnes politiques ne suffi saient pas, à elles seules, pour aneindre une société démocratique. 1I fallait aussi rcdistribuer les biens et la richesse afin d 'offrir aux indi vidus des possibi lités réelles d 'épanouissement personnel. Par conséquent, l' Etat devait étendre son champ d'action. 066 s'engagea dès lors clairement dans la voie du (( libéralisme post-socialisle », destiné à stimuler l'individualisme et à offrir les bases matérielles à l'aulo-épanouissement Le parti opéra un recentrage en 1985 lorsqu' un de ses fondateurs en reprit la di rection. Avec lui , l 'acccnt porté sur les réfonnes politiques redevenai t une 80 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE priorité - même si les préoccupations soc iales n'étaient pas écartées. Le programme de D66 contÎent encore aujou rd ' hu i un esprit social-libéral et républicain. Les démocrates sont apparemment en totale symbiose avec l'idéologie dominante du moment, axée sur le marché. 3. Les glissements sociologiques de la gauche La rad icalisation de la gauche dans tes années soixante-dix atla de pair avec une transformation soc iologique profonde de sa composition. La classe ouvrière n'a pas se ulement cessé d'être au centre des préoccupations de la gauche, elle a aussi disparu de ses rangs - c'est en tout cas ce que révèlent les résultats des enquêtes disponibles. Cette mutation sociologique est particulièrement perceptible dans les anciens partis de la gauche comme le parti du travail el le CPN. Au sein du psp et du PPR, qui se sont orien tés dès le départ vers la « nouvelle gauche », la classe ouv rière était , au contraire, peu présente. Il en va de même pour 066. Au départ pourtant , la classe ouvrière représentai t une partie considérable des membres du parti du travail et du parti communiste. Selon les résultats d' une enquête menée au début des années cinquante, un tiers des membres des exécutifs des sections locales d u parti du travail étaient des travai lleurs en «col bleu » et 4% seulement possédaient un diplôme universitaire. Par la suite, la nouvelle classe moyenne inte llectuelle rejoignit en masse le pani du ·travail. Le groupe de la « nouvelle gauche» ne fai sait peUl-être qu'annoncer cette configuration. La plupart de ses membres étaient des journalistes. des scientifiques et des travailleurs diplômés; aucun d'eux ne fai sait étal d ' une occ upation ouvrière. Les enquêtes effectuées dans les années soixante-dix montrent un déclin de la représentation des ouvriers manuels dans les rangs socialistes. En 1977, le parti du trava il mena une enquête parmi ses membres: 13% d 'entre eux étaient des ouvriers (qualifiés el non qualifiés), un tiers n'avait qu ' un certificat de l'ense ignement prima ire et 40% possédaient un diplôme universitaire B . Une autre étude inteme de 1986 confirme ces conclusions. Une minorité des membres appartenait à la classe ouv rière et étaittitulaire du certificat de l'ense ignement fondame ntal. La majorité était issue de la classe moyenne, détentrice de diplômes supérieurs 14. Au se in du parti communiste, sur base de ta composition sociale des con grès, on peul constaler que la composante ouvrière s'est aussi amenui sée peu li peu dans les rangs du parti " . Jusqu 'en 1970, les travailleurs de l'industrie イ・ セ@ prése ntaient la majorilé absolue dans ces assises. Leur prépondérance prit fin en 1975, avec le changement de génération: les employés remplacèrent les ouvriers. De même, la nouve lle classe moyenne invesli ssaitle CPN ; au cong rès d'auto-dissolution de 1991 , seul s 8% des délégués pouvaient être rangés dans la classe ouvrière. LA GAUCHE AUX PAYS-B AS 81 Nous l'avons dit, dès les origines, la classe ouvrière était moins présente dans les rangs du PSI'. Seuls 9% des cent premiers membres étaient des ouvriers; la majorité se composait d 'employés (professeurs, employés de bureau, hommes d 'église). Un cinquième de ceux-ci possédait un diplôme universitaire 16. Une enquête effectuée entre 1957 et 1963 panni les adhérents du parti montra qu 'environ 40% des quelque 4.000 premiers membres étaient des employés et 24% des ouvriers 17. Dix ans plus tard, la classe ouvrière avait tout simplement disparu des listes. En 1973, 54% des nouveaux membres étaient des étudiants. Le pourcentage de travailleurs manuels n'a pas été précisément établi mais ces derniers représentaient tout au plus 10% des membres d u parti . A la fin des années soixante-dix, un tiers des membres du pSP était composé d 'étudi ants et un autre tiers travaillait dans le secteur social, de l' infonnation et de l'éducation. On ne fai sait alors mention d 'aucune participation ouvrière 18. Les enquêtes les plus récentes révèlent la même configuration (les membres ont accompli des études longues et travaillent surtout dans le secteur des services) . La composition sociologique des membres du parti radical ressemble en bien des points à ce lle de leurs partenaires socialistes pacifi stes . D 'après un sondage effectué peu après la création du parti auprès des tout premiers membres, 9% au plus pouvaient être cl assés comme ouvriers, plus des deux ti ers des personnes interrogées étaient des employés 19. Au congrès du parti qui entérina la disso lution du PPR, les délégués répondirent à un questionnaire : seul s 8% d'entre eux travaillaient dans le secteur de l' industrie et de l'agriculture, 75% appartenaient au secteur des servi ces (surtout publics) 20. Si la composante traditionnelle de la classe ouvrière est devenue marginale au sein des effectifs du Pv d A et du CPN durant les années soixante-di x, elle était très peu représentée à l' intérieur du PSP et du PPR et totalement absente des rangs de 066. Ce dernier parti fut créé par une poignée d ' intellectuels; deux tiers d 'entre eux possédaient un diplôme uni versitaire 21.066 a toujours gardé son côté intellectuel : en 1986, trois-quarts des membres interrogés avaient un diplôme de l'enseignement supérieur. On s'en doute, au sein de cette fonnation , il était très difficile de trouver des ouvriers 22. 4. Concl usions A en juger par ces résultats, la classe ouvrière a disparu des rangs des partis de gauche . Les études électorales tendent à démontrer qu ' il en va de même dans leur électorat, même si les ouvriers n' ont pas totalement disparu de l'électorat soc ialiste 23. Deux facteurs exp liquent ce glissement sociologique, l' un objectif, l' autre subjectif. Le premier - objectif - a trait non seulement au recul de la classe ouvrière dans la société post-industrielle néerl andaise, mais aussi et surtout, à 82 l A GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE la disparition de cette classe comme groupe socio logique à pan entière, en rai son de tendances économiques et de processus socio-culturels comme l'i ndividuali sme. II résulte de celle évolution que des panis de gauche comme le CPN et le pani du travail , qui avaient encadré la classe ouvrière, ont perdu leur base soc iale traditionnelle et nature lle. Un facteur subjecti f a joué auss i. La culture des pan is a radicalement changé avec l'arrivée massive des membres de la nouvelle classe moyenne. Un clivage culturel est apparu au sein même des partis. La classe ouv rière, déjà en recul , a été minimisée. même si ce n 'était pas intentionnel. Les pani s de gauche sont devenus très idéologiques: le parti du travail constitue, de ce point vue, un exemple caractéristique. L' idéologie a intégré les valeurs post-matérialistes et s'est par conséquent élo ignée des travailleurs, comme dans le cas du CPN. Les éléments qui ont amené ces transfonnations - « dépilari sation », politisation, transfonnations soc iales, etc. - ont aussi entraîné la fragmentation de la gauche. Le psp a ouven la voie avant d 'être rejoint dix ans plus tard par 066 et le PPR. Ces trois panis ont incarné. à des degrés divers, les caractéristiques de la « nouvelle gauche ». Sunout, comme semblent l' indiquer les résultats des diverses enquêtes. il s eurent l' appui de la nouvelle c lasse moyenne. L'entrée de celle dern ière sur la scène politique néerlandaise alla donc de pair avec la création de panis associés à la « nouvelle gauche» et une radicalisation idéolog ique des partis existants. Après une décennie de radicalisme, un tournant s'opéra vers une ligne politique plus modérée. L'idéologie n 'occupait plus la première place et les différences au sein de la gauche commencèrent à s'estomper. A l'extrême-gauche. cela se tradui sit par l'émergence de la « gauche verte ». A l' heure actuelle, certains évoquent une poss ible fu sion entre le pani du travail . 066 et la « gauche verte» pou r consti tuer un « parti populaire progressiste ». Mais l' idéologie détennine encore l' identité de ces fonnalion s. On peut définir 066 comme un parti li béral social avec quelques touches écologistes; la « gauche verte » comme un parti éco logiste social avec une once libertaire. Les deux part is priv ilégient des questions post-matérialistes - en d 'autres tennes. non directement liées à des facteurs socio-économiques - , notamment les thèmes de la citoyenneté démocratique et de J'écologie. Il est plus difficile aujourd' hui de défin ir l'idéologie du parti du travail. La socia l-démocratie essaie désespérément de combler le gouffre social qui menace son ex istence même de force dominante de la gauche. La question qui agite le parti du travail est de savoir comment rassembler les intérêts contradictoires de la classe ouvrière - sa base historique - et ceux des nouveaux groupes sociaux. Dans celte « recherche », le parti du travail semble venir à une fa nne de sociali sme pragmatique, auque l il avait adhéré dans les années cinquante . S'y ajoutent des éléments empruntés à ses concurrents politiques LA GAUCHE AUX PAYS- BAS 83 (par exemple, le projet d'écotaxe ou encore la notion de citoyenneté responsable). En vérité, le parti du travail ne s'est toujours pas défini d ' un poin t de vue idéologique ni exprimé sur ses choix politiques futurs. Ce parti ne veui ou ne peUl loujours pas accepler que sa vieille ulopie a déjà été en grande partie réalisée, que les citoyens émancipés et bien instruits peuvent se passer d'un parti soc ial-démocrate (même s' il s pourraient voter pour lui par solidarité) el que seules les couches sociales les pl us basses pourraient en avoir besoin. Notes , Voir K. GlADIllSll. GOI".-rninglrom イィ セ@ cセャQiイ セN@ Polilies ami Policy·Making in ri" fIo'nlr.-rIOlrds. Hurst. 1991. 192 pages. ' Voir S.B. w ッオ N セit\Z@ ... The Dutch L.lbour Party: a Social DemOCf3tic Part y in Transition _ in W.E. p ate セ so N@ A.H. T U<»1AS (M.). Social Democratie Par/in in ャv セウ イOGュ@ Eurapt'. Croom Helm. 1977. pp. 342-388. Nerlrerlands (1960·/977). A Crirical sイ O イャBセI G@ 01 nセ@ ... Political J A.P.M. LuCAMOrE. Th/' n セ@ ... &/1 in tiイセ@ u/l in tiイ セ@ Nellr.-rlal/ds ...itlr Compara/ire rセO」イ Hャ」・ウ@ ra Franu al/d German)', Ideas al/d Groups on エャイセ@ Queen's Unive rsi t)'. 1980.421 pages, p. 145. • Cene partie eSI basée sur G. VOElt.w .s . " The Netherland· s Green Paradoxes. Capit3.lism. Nature, 50cialism _. A Jarmral 01 Socialisl Ecolag)·, 1992, nO3. pp. 19-27. J P. VAN P1tAAG. sエイ。ャ セァゥ・@ セ ョ@ illl/sie. Eif jaar inrtm dthor in de ャG|ᄋ、セ@ ( /966·/977 ). Spinhuis. 1990, 4 14 pages. p. 367. • Cene partie cst bas.!e surG. VO(MMAS. " " The Stalc oppresses... ,. Alpha and Omega of DUlch Social Democf3tic "Thcory of the Slaie ... Jm/mal PQXセャイ。|Bゥッ イ。ャ@ and Social Scit IlCt"S. 1991. nO35. pp. 21-38. ゥャオ ウ ゥ セ@ ,·on 、セ N@ 、セュッ」イ。Oゥウィ エ@ sャ。qOセ N@ Kluwer. 1982.204 pages. 1 P. KA!.." .... dセ@ i セイ@ socialisme op sttrle wattr. Van Loghum Siaierus. 1988, 164 pages, p. 159. • P. k aAN|Q • Celle partie est basée sur G. VOOXM"". "" Away Wilh ail your superstitions! ,. The End or Commu· nism in The Netherlands ... Tht Joumal (lI Communis/ Smdies. !991. nC 4. pp. 460-476. '0 Voir A. P.M. lオ ca moif セ@ « Van Bolsjewisme naar " plurirormisme " : de recente prognunmatische vemieuwing yan de CI'N ,., in R.A. KOOI.E Hセ、NIL@ Joarbod: 1984 d ッ」ャュセOji。エゥョt@ n・、セイャ。ョオ@ Pafi· エゥセォ エ@ Partijen. OSI'I'. 1985.207 pages, pp 6 1-79. " Voir A.P.M. l ャica セエャ eL@ .. Erwtcnsoep 1.onder worst : oyer de ideologische grondslag van Groen Links .... Socialism/' m dセュッ」イ。エゥ セ L@ 1990. n ! 1. pp. 314-31 6. " CeUe parlie est basée sur A. P.M. lオッNセdihL@ G. VOUM"'<. .. Worstclen mel ideologie. Hel verhaal van een pragmJrische partij _./du. 1991. nO6. pp. 19-25. • Il py dA, Eindrapportage kッュゥ ウゥ セ@ Murjarenrumingtll en p。イエゥェッァョウセL@ 1979, 90 pages, pp. 74-79. .. M.P. Zlf.I.OSKA·GoF.I, R. HII.1.f3MA1<D. " De achtcrban van parlementarifrs ,., in R.A. KOOI.E Hセ 、NIL@ Joarbod: 1987 dッ」オャ・。Oゥセcヲュ@ Nl'dulallllsc pッャゥエ ・ ャ・ セ@ p。イヲャBェセiOL@ D1<I'P, 1988, 178 pages. pp. 116-137. II G. 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Q 84 LA GAUCHE FACE AUX MlJTATIO"'S E\ - EUROPE i ' Voir p.vcllemple J.\\.'. VA' Olm. \I.H. UUE., ..... Il. K. \\.'nnIllOOO." Op "'·er naarMn bn:de ,·oilspanij" _.111 G, VoaJ.l.'" (éd.I.JD!lrb. ....t /99/ fh ...iセエGヲャHBQ ᄋ オュ@ Nr.frrf<llhfst' Pofil/rit' PlImjt'n. D'PI'. 1992. 225 ー。セ・N@ pp. 103·122. La Confédération européenne des syndicats: engagement syndical et construction européenne Corinne G OBIN I. Introduction La position du monde syndical européen vis-à-vis du processus de construction européenne est généralement présentée de façon fort peu nuancée. Ainsi sont souvent opposées l'attitude des syndicats chrétiens ct socialistes. partisans convaincus et enthousiastes d' une édification européenne assoc iée aux valeurs de paix, de développement et de progrès soda-économiques, et J' attitude des syndicats communistes, représentés notamment par la Confédération générale du travail française, s'corennanl dans un rejet abso lu d ' un processus qui déstabiliserai t la souveraineté politique et économique des Etats el ancrerait défi nitivement J' Europe occidentale dans la sphère d ' infl uence atlantique. Et il est vrai que nous retrouvons très tôt. au sein des institutions de militance pour la construction d ' une Un ion européenne, les principaux leaders syndicaux social istes et chrétiens des pays concernés par le développement du marché commun: ainsi, en 1960, au sein du Comité d ' action pour les EtatsUnis d'Europe de J. Monnet œuvrent côte à côte des grands noms de l'histoire syndicale socialiste ct catholique: l'ancien rés istant allemand anti-nazi , personnage quasi mythique, Ludw ig Rosenberg (du DGB), le Français Robert Bothereau (de la CGT-FO), les Belges Auguste Cool (de la csc) el André Renard (de la FGTB), le Néerlandais Jacq Alders (de la Confédé ration néerlandaise des syndicats catholiques) ou l' Italien Bruno Storti (de la CISL). Celle représentation bipolaire découle de la déchirure terrible qui divisa le monde pol itique et syndical de gauche dans l'immédiate après-g uerre alors que peu à peu se met en place la politique de la guerre froide . Déchirure qui , au ni veau de la construction européenne, est symbol isée par l'acceptation ou le refus de l'aide financ ière américaine au sein du plan Marshall, dans les années 1947 et 1948, par les Etats mais auss i par les insti tutions socio-politiques (part is et organisations socio-professionnelles) qu i matérialisent le fonctionnement démocratique de ces Etats. 86 LA GAUŒ E FACE AU X MUTATI ONS EN EUROPE Après l'effondrement des régimes pol itiques communi stes à l' Est qui oblige les polito logues à complexifier davantage leurs approches analytiques et les force à dépasser les interprétations manichéennes, on perçoit mieux, dans les posit ions syndicales liées au processus d ' intégration européenne, des tonalités différentes dans la justificat ion de l'engagement syndical « pour l' Eu rope ». Celles-ci ex istaient depui s longtemps dans les mouvements syndicaux pro-européens mais étaient en quelque sorte « étouffées» sous l'effe t massif d ' une vision pol itiq ue bipolaire dom inante 1. Le débat politique français à propos du referendum sur le traité de Maastricht (20 septembre 1992) est révélateur à ce titre. En effet, si la position de la Confédération européenne des syndicats ( CES) 2 reste inchangée depui s les résultats du sommet de Maastricht de décembre 1991 3, dans son soutien, critique certes mais soutien néanmoins, au trai té sur l'Union européenne, et si, en vertu d ' une déc ision collégiale, l'ensemble de ses membres devrait adopter la même attitude, s' affinnent cependant des points de vue sensiblement différents セ@ qui contribuent. en France - mais aussi par contagion , dans tous les pays de la CEE - à alimenter les débats au se in d ' un courant de gauche favo rable au « non au traité de Maastricht », où se retrouvent côte à côte des opposants communistes, des intellectuels et des militants syndi cau x et politiques issus des mouvances chrétiennes, écologistes et socialistes. Au moment où se discutait le contenu de ce fameux traité au sein des Confére nces intergouvernementales dans le courant de l'année 1991 5, nous avons effectué trente interv iews auprès de responsables syndicaux tous issus d 'organi sations membres de la Confédération européenne des syndi cats 6 afin de les interroger sur le pourquoi de leur engagement pro-européen présumé. Dans les pages qui suivent , nous essayerons, au cours de cet article, de refléter la divers ité des justificat ions idéologiques exprimées ; ce qui pennet, à notre avis, a posteriori, de mieux comprendre le malaise aClue l, qui divise la gauche européenne - et plus particulièrement la gauche syndicale - sur le sens ct le contcnu du processus d ' intégration européenne porté par les institutions de la CEE. Auparavant , nous expliciterons la posit ion officielle prise par la CES au début de l'année 1992, à l'égard du traité sur l' Union européenne. 2. La CES et le texte du traité sur l'Union européenne Le comité exécutif de la CES adopta une déclaration sur le traité sur l'Un ion européenne dans le cad re de sa réunion des 5 et 6 mars 1992, fa isant suite à la signature dudit traité le 7 février 1992 par les différents chefs d ' Etat et de gouvernement des pays membres de la Communauté européenne. S i en conclusion de son analyse du lexte de ce traité, «( ... ) la CES estime nécessaire que le mouvement syndical , au niveau européen et dans les différents Etats membres, soutienne la r.ttifieation du traité sur LA CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS 87 l'Union européenne. en panicipant aClivement au débal public. y compris avec des initiatives propres ( . .. ) ». ce la ne l'empêche pas d 'émeure des propos assez sévères dans son éval uation globale de ce tex te . Examinons-les de plus près. Alors que, dans le préambule de sa déclarat ion, la CES considère que ce nouveau traité amorce une nouvelle étape dans la construction européenne en permettant d'identifier les axes fondamentaux sur lesquels la future Union devrait se structu rer, elle constate néanmoins que cet accord politique continue à avaliser le grave déséquilibre q ui s'est établi entre les dimensions économiq ues de l' intégration européenne (en se foca lisant aujourd ' hu i essentiellement sur les aspects monétaires) et les dimensions polit ique et sociale, et ce dep uis la genèse - trop marquée par le libéralisme - des textes fondateurs de la Communauté européenne. Le rendez-vous politique de 1996 comme moment d 'évaluation et de révision du contenu du traité devra être capital pou r supprimer ce déséquil ibre et consacrer le caractère fédéral de l' Union, sans leq uel tout mouvement d 'élargissement mènerait à la d ilution des pouvoirs et des capaci tés communautaires. 2. 1.La dimension démocratique La CES mesure aussi l' impact de ce traité sur la dimension démocratique de la Communauté européenne. Le bilan est décevant dès lors que la nature insti tutionnelle de la Communauté et la répartition des pouvoirs en son sein ne changent pas. Les améliorat ions relevées restent trop fa ibles vu l'ampleu r du déficit démocratique constaté. La procédure de co-décision donnant un peu plus de poids au Parlement dans l'exercice du pouvoir législatif, les nouvelles procédures d ' intervention et de contrôle du Parlement par rapport à la Commission, l' alignement de leur mandat dans le temps, l' importance accordée à la création de partis pol itiques européens, l'établissement d ' un Comi té des Région s, le principe de citoyenneté européenne consacrée par le droit de vote et d 'é ligibil ité aux élections locales et européennes pour tout citoyen communautaire n ' arrivent pas à masquer l'opacité du processus déc isionnel et législati f au sein du Conse il, le poids d isproportionné de ce Conseil dans ce processus par rapport au Parlement. plus part iculièrement en matière d ' Union monétaire (où Je Parlement est « hors course ») et sociale ... et enfi n, l' oubl i total des travailleurs extra-communautaires, notamment dans leur capacité à pouvoir jouer aussi un rôle polilique dans leur espace quotidien. La CES espère que les quelques transfo rmations insti tutionnelles inscrites dans le traité inciteront le Parlement à renforcer davantage sa coordination avec les parlements nationaux, ne porteront pas atte inte au rôle joué par le Comité économique et social et ouv riront la voie à J'élaboration d ' une Constitution eu ropéenne. 88 LA GAU CHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE 2.2.L'UniOlI économique et monétaire La CES est ime que la démarche d' intégration économ ique et monétai re au sein des Douze est essentie lle car les économies nationales ne parv iennent pl us à maîtriser ces dimensions; cependan t, le contrôle de celle dynamiq ue doit être en tre les mains des institutions dotées d'une responsabilité démocra· tique ' . La cri tique essentielle vise la focalisation sur l' objecti f de stabilité moné· taire au détriment des autres objectifs soc io-économiques (croissance, emploi, cohésion économique et sociale), instaurant une subordination - à travers le type des critères de convergence retenus - de ces objecti fs du traité à la seule stabil ité monétaire. Reconnaissant qu'i l est imponant de luller contre l'inflation - mais seulement dans une perspective de long tenne - , la CES rappelle néan moins son opposi tion totale aux politiques monétari stes qui , en contribuant, tout au long des années quatre-vingt, à dégrader fon ement ce qu i devrai t être les vraies aunes du développement économique - l'environnement et J'em ploi - ont clairement montré 'Ieur im puissance. Une accentuation de celle logique ne manquerait pas de plonger l' Europe dans une nouvelle récession. Or ce double risque existe bel et bien: à cause du pouvoir de la Banque centrale q ui n'a pas, dans son optique propre, à prendre en com pte un quelconque intérêt général et qui le fera d 'autant moins q u'elle n 'est pas sou mise à un contrôle effecti f des institu tions politiques, dont le Parlement européen ; à cause des effets conj ugués de l' incapacité polit ique européenne de légiférer en matière d' hannonisation fi scale - ce qui a plongé l' Europe dans une spirale de « fi scalité compétitive » - et en raison de l'appl ication stricte des critères de convergence 8 qui pourront conduire à une paralysie des gouvernements dans leur capac ité de mellre en œuvre leur politique sociale. Pour la CES, la vraie convergence à atte indre sur le plan des économies européennes est tout autre: elle doit se fo nder sur une « stratégie coopérative pour la croi ssance et l'emploi» et le texte du tra ité peut très bien fournir la base des pol itiques économiques allant dans ce sens. La CES rappelle qu'elle n'a accepté de soutenir le projet de Marché intérieur défini en 1985 qu'à la condi tion que se réali se un tel programme . Or la solution mise en avant par le « paquet Delors 11 » 9 ne suffit pas à susc iter une nouvelle croissance qualitative : les fond s financiers à mettre en œuvre doivent être plus importants; de plus. si la logique de cohésion économique et soc iale - visant à stimuler le développement des régions en diffic ulté - est essentielle, l'effort - afi n d 'éviter une nouve lle récession - doit dépasser le seul cadre régional pour impul ser une nouve lle croi ssance à l'échelon de la Communauté toute entière , même si cela doit accroître certains défi cits à court tenne. Sur celte base, la CES demande dès lors une réorientation des dépenses publiques existantes vers la fonnation, l'emploi et les investissements publics et pri vés capables de stimu ler cette croissance; l' intervention - san s plus de délai - de la Commu· LA CONFÉDERATI ON EUROPEENNE DES SYNDI CAT S 89 nauté dans le contrôle des taux d ' intérêt beaucoup trop élevés; l' augmentation d u budget communautai re afin d 'aue indre progressivement le ni veau des 3% du produit intérieur communautaire sans laquelle les nouve lles compétences inscrites dans le texte du traité (en matière soc iale, d 'environnement, de gestion du marché de l'emploi , de restructuration industri elle, de recherche ... ) ne pourraient être valablement prises en compte. In fille, elle insiste sur le nécessaire renforcement d u rôle des« partenaires soc iaux» 10 - tant au niveau des Etats nat ionaux qu 'à l'échelle communautaire - dans l'application des politiques de mise en œuvre de l'uEM; ce qui nécessite le développement d ' un système européen de rel ations socio-professionnelles et la création d ' un organi sme de contact entre les organisations socio-professionnelles représentatives et la fu ture Banque centrale afin de veiller à ce que le développement économique induit par l'UEM pu isse effectivement tenir compte de tous les intérêts sociaux en présence. 2.3.La dimension sociale S 'attachant ensuite à la d imension sociale, elle considère d 'emblée que si le compromis ex primé à travers l' accord sur la politique sociale à Onze, est positif d ' un point de vue poli tique (ex pression d ' un refus de suivre la logique anti -sociale prônée par le gouvernement britannique), il est problématique d ' un point de vue juridique (oulre la question de la cohérence interne de la Communauté, la coex istence de ce lexte avec la partic de l'Acte unique traitant du soc ial entraîne des di ffi cultés d ' interprétat ion et peut favoriser une leclure plus restrictive que par le passé de certaines matières sociales). Malgré ces ambiguïtés, la CES insiste sur le fait que ce texte est de nature communautaire et qu 'à ce titre, toutes les in stitutions communautaires doivent pouvoir participer à son application et au respect de celle-ci, suivant leurs attributions respectives et qu ' il fera désormais partie de ャG 。」 アセ ゥ ウ@ communautaire lors de toute dynamique d 'élargissement. Cependant, cet accord social ne rencontre que le minimum acceptable pour la CES. Ainsi, il consacre un élargissement des compétences communautaires dans le domaine social et facil ite la prise de décision du Conseil par l'extension du vote à majorité q uali fi ée à - seulement - quelques matières dans ce domaine; ai nsi, il intègre l' accord conclu entre les « partenaires sociaux» en octobre 199 1 qui permet d ' insti tuer une démarche contractuelle européenne et de l'art iculer à la mise en œuvre du processus législati f comm unautaire. Les nouvelles m issions octroyées au Fonds social devraient permettre, par ail leurs, de stimu ler cette démarche contractue lle. En revanche, l'autonomie des « partenaires soc iaux») et de leur production contractuelle n'est pas vraiment garantie; des matières sociales importantes ex igent toujours un vote à l' unanimité du Conseil tand is que d'autres sont ex plicitement exclues de l'accord ; surtout, la po li tique d ' immigration n'a pas 90 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE été intégrée en tant que telle panni les compétences communautaires et pire, le lexte du traité la fai t dépendre du seul ressort judic iaire, ce qui est très problémat ique dans le contex te actuel de résurgence du rac isme. La CES demande par conséquent au Conse il de définir, à l' unanimité de ses membres et de toute urge nce, une politique générale d'immigration et de protection contre la discrimi nation raciale. 2,4,La cohésioll économique et sociale Le compromi s réali sé à Maastricht a bien intégré le fa il que la réalisation de l'UEM nécess itait un renforcement important de la pol itique de cohésion économique et sociale, qui , la CES le rappelle, signifie que l'on se fixe pour objectif d ' atteindre, de façon homogène dans toute la Communau té, un « progrès économique et soc ial équilibré et durable », Or, vu les problèmes et les risques décou lant de la nou velle dynamique portée par le trai té - s'ajoutant aux disparités actuelles de développement régional ---:- la CES souhaite pl us: que la cohés ion dev ienne l'étalon de mesure du degré d ' approfond issement de l' intégration européenne. Ce qui la conduit à fonnuler diverses exigences: la mise en place d' un mécanisme communautaire de surveill ance de l'évolution de la cohésion afin de mesurer l'impact sur celle-ci des politiques économi ques des Etats membres et des politiques communautaires; la mise au point d 'un programme communautaire pour la cohésion qui engage tous ses membres à m ieux cibler les pol itiques à suivre en la matière; une me illeure efficacité des fond s structure ls et l' augmentation de leurs moyens fi nanciers au delà du « paquet Delors Il)); la recherche d ' une stricte compatibilité entre politique de convergence el cohésion; une augmentation substantielle des ressources communautaires par le biais d ' une fi scalité européenne afin d ' amortir les chocs présents et à venir des processus d ' intégration en cou rs, Les perspectives nouve lles ouvertes par le traité bien qu ' insuffisamment clarifiées - augmentation des missions de fonnation profess ionne lle pour le Fonds soc ial, compétences en marière de politiques d ' infrastructures, de restructuration industrielle et de protect ion des consommateurs - devraient permettre néanmoins de renforcer la dynamique communautaire en matière de cohésion. Vu l' importance de cette dynamique, la CES exige que les « partenaires sociaux» soient directement associés à tous les éléments de sa mise en œuvre, Finalement, malgré ces critiques sévères du tex le même du traité de Maastricht, la CES reste globalement allachée à la dynamique d ' intégration européenne portée par ce projet d'Union européenne, Voici comment son secrétaire général justifie le sens de celle adhés ion g lobale: Nous acceptons la logique de l'UEMen tant que complément indispensable du marché un ique. Si l'industrie européenne n 'est pas compétitive, les syndicats auront des difficultés à défendre l'emploi, pliS seulcmcnl la création d'emplois, « LA CON FÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS 91 aussi ['cmploi existant et les acquis sociaux. L' UEM devrait pennettrc d'<!voir une Europe plus fortc et plus compétitive au niveau mondial » Il. Celle adhés ion, pri vilégiant le présupposé de retombées soc iales - sous l G。」セ@ tion syndica le - quel que soi t le type de développement économique, est-elle la seule option présente au se in de cette extraordi naire mosaïque syndica le qu'est la CES? 3. La gauche synd icale en faveur de l'Europe: entre pragmatisme syndical et idéa lisme politiqu e 3. I.Le choix des interlocuteurs Nous avons rencontré trente responsables syndicaux - choisis aux niveaux de responsabilité les plus élevés dans les différentes structures - de mai 199 1 à octobre 1991 : nous avons essayé d ' introduire dans cet « échantillon» le maximum d 'éléments caractéri stiques d'une population de départ (les membres affil iés à la CES) très hétérogène. Nous avons ai nsi tenu com pte des d istinction s suivantes: la nationalité. Dans cet échantillon, huit 12 nationalités de la CEE sont représentées (allemande, belge, fran çaise, grecque, hollandaise, italienne, luxembourgeoise et portugaise). Nous y avons inclu s deux syndicalistes suisses, pou r tenir compte de ce que la CES regroupe aussi des syndicats des pays de r AELE et de la zone géographique du Consei l de l' Europe ; la dive rsité idéologique. La CES regroupe en effet des syndicats d'origine socialisle et chrétienne mais aussi des syndicats issus de ce qui fu t appelé, à la fin des années soixante-dix , lamouvancc « eurocommuniste ». Ces tro is sphères idéologiques sont présentes dans l'échantillon ; le sralllr européen Olt narional des syndicalistes. Les instituti ons membres de la CES sont soit des confédérations nationales, soit des comités syndicaux européens. A côté des représentan ts de ceux-ci; les permanents syndicaux forment un noyau de mil itants qui travai llent constamment au niveau européen. Nous avons retenu cecritère dislÎnctif et rencontré des syndicalistes dont l'essentiel du travai l se déroule encore dans un cadre national et des syndicali stes qui doivent quotidiennement raisonner en temles « européens» ; le "iveau de travail: interprofessionne l ou sectoriel. Division classique au sein du monde syndical qui se retrouve aussi au sein de la CF.5, qu ' il était d ' autant plus important de retenir que le projet de « marché intérieur », par les mouvements de concentration industrielle qu ' il entraîne, bouleverse déjà totalement les représentations actuelles de la notion de « secteur セ^@ industriel. Les entretiens se sont déroulés sui vant un mode semi-directif, chaque syndical iste étant simplement invité à expliquer les raisons de son engage_ ment personnel, en tant que synd icaliste, en faveu r de l'Europe; 92 LA GAUC IIE FACE AU X MlITATIONS EN EUROPE la diversité des secteurs d' activiTé. Sur le plan sectoriel, nous avons renconlré des syndical istes travaillant dans le secteur public ou dans le secleur privé, qu'i l soit primaire. secondaire ou lertiaire. Nous les avons choisis dans les secteurs de pointe et dans les secteurs en difficulté. 3.Z.Le discours syndical enfa vellr de l'Europe: entre choix pragmaJiqu e et idéaliste L'ana lyse des résul tats de ces entretien s 13 nous a pennis principalement de meUre au jour un cl ivage très marqué au sein de celte population synd icale a priori pro-européenne. En effet, l'ensemble des positions syndicales en faveur de l' Europe que nous avons recueillies se répartit très neuement en deux grands systèmes très différenciés de représentation idéologique: q uatorze personnes opèrent un choix de «( pragmatisme syndical » ; onze développent un ( discours d ' idéalisme européen »; cinq oscillent entre ces deux pôles d'attraction. Les différenls é léments de d iscriminatip n choisis pour définir détenninants dans ce clivage: nous notre échantillon ne semblent pas エ セウ@ trou von s cependant un peu plus de personnes travaillant au niveau européen (tant interprofessionnel comme responsable syndica l à la CES que sectoriel comme responsabl e syndi cal dans les comités sectoriels européens) du côté du d iscours d '« idéal isme européen » et un peu pl us de responsables syndicaux travaillant à l'échelle d ' un secteur professionnel au niveau national dans les di scours de « pragmati sme syndical », Que véhiculent ces deux systèmes de représentat ions? a ) Le pragmatisme syndical Pour les quatorze personnes développant ce système de représentation , le syndicalisme est avant 10 UI un contre-pouvoir. Il doit être porteur d ' un projel de soc iété qui défend les intérêts (matériels et moraux) des travai lleurs salariés contre tout type de pouvoir institué (patronat ou pouvoirs politiques) : les connits ne doivent pas se limiter à la seule sphère de production et le syndicalisme doit être capable d ' imposer la prise en compte d 'enjeux sociaux plus généraux. Il doit donc pouvoir adapter sa stratégie en pemlanence en fonct ion des lieux et des espaces où se reconstituent de nou velles fonnes de pouvoirs. Or, pour les quatorze personnes rencontrées, il y a manifestement, depuis pl usieurs années, un processus de transfert du pouvoir tant politique qu 'économique vers le niveau européen sous l'i mpulsion des institutions de la CEE. Il s'agirait d ' un processus inévitable étant donné le mouvement globa l de mondialisati on de l'économie. Dès lors, il faut que le syndica li sme se constitue en contre-pouvoir à ce ni veau aussi. D'emblée, cet enjeu est présenté comme primordial : il est aujourd ' hui aussi indispensable au syndicali sme d ' exister à l'échelle européenne qu' il fut fondamental de le créer au xx.c siècle dans les Etats-nations. Devant l'ampleur de la tâche, tous insistent sur la nécessité de LA CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS 93 se structurer au niveau européen en unité de position, d 'action et de stratégie. Le marché intérieur, entrevu essentiellemen t comme une nouvelle phase de concentration financière et industrielle du capi talisme, est globalement perçu comme une menace: pour y fa ire face, il fa ut œuvrer à l' unité synd icale de façon transnationale; il s' agit, là, ni plus ni moins de la survie du syndicalisme politique à l'européenne. En cas d 'échec, en e ffet, l'on assisterait à une exacerbation de la concurrence entre représentations syndicales (entre secteurs profess ionnels et groupes d 'entreprise et en leur sein) qui conduirait le syndicali sme à adopter des attitudes corporati stes à l'américaine et fi nalement à se désagréger. A court terme, cette situation ouvrirai t la voie au démantèlement pur et simple de l'ensemble des acqui s sociaux, conquis par la luite sociale depuis un siècle. L'enjeu est ainsi clairement posé : il ne peut y avoir d'Eu rope soc iale sans Europe synd icale. Sans celle dernière, l' Europe ne sera que celle des marchands et des finan ciers, retournant à l'ère d 'un capi talisme sauvage. Dans ce système de représentation, l' Europe, et plus précisément la construction européenne, n 'est dès lors pas une valeur politique positive en soi ; elle est un niveau d 'organisation , aujourd' hui indispensable et nécessaire, mais elle n 'est que cela car ces syndicali stes se pensent avant tout comme des internationalistes, plus citoyens du monde qu'Européens et Européens parce que d ' abord citoyens du monde. Pour eux, l'essence du syndicalisme doi! être l' internationali sme: la construction du syndicali sme à l'échelle européenne doit donc al ler de pair avec un renforcement d ' un syndicalisme solidaire internationalemenl . Leur idéal syndical internationaliste leu r fait souhaiter une collaboration mondiale solidaire et paci fique entre les peuples, l'abolition de toute forme de nationalisme et de compéti tion économique. Une partie de ces interlocuteurs se déclarent spontanément anti -capitalistes. Fait important , à notre avis : dans ces discours, le mouvement syndical est défini comme une instituti on soc io-politique autonome; il est porteur d'un projet de société uni versali ste iセ@ ; il cherche à se structurer pour intervenir à l'échelle européenne selon des formes d 'action syndicales. b) L'idéalisme européen Ce système de représentation est nellement mo ins cohérent que le précédent. Nous y trouvons en e ffet six variantes que nous regrouperons, pour la facilité de J'exposé, en deux sous-groupes selon qu 'elles critiquent ou non le processus actuel d ' imégrati on européenne sous la fomle du marché intérieur. Cependant, dans la réalité du discours des personnes interrogées, ces différentes versions ne sont jamais pures; elles sont en partie mélangées chez un même interlocuteur, des express ions critiques et non critiques apparaissant dans tous les discou rs appartenant à ce modèle de représentation. 94 LA GAUCHE FACE AUX M lITATIONS EN EUROPE Relevons, tout d 'abord, les points communs afin de justifier l'appellation de discours d ' idéalisme européen. A l'encontre du modèle précédent, pour ces syndicali stes, J'Europe dans sa dynamique d ' intégration est perçue comme une valeur fondament alement positive. La fili ation historique de leur engagement européen est évoquée de prime abord: il s'agit de continuer à mener le combat commencé par une partie des syndicalistes d 'après-guerre qui voulaient stabiliser les démocraties et éradiquer à tout jamais d ' Europe les tensions guerrières, en revendiquant l'établissement des Etats-Uni s d ' Europe, mot d 'ordre symbolisant le souhait de réaliser une Union politique européen ne, afin de faire définitivement face au danger le plus menaçant pour la démocratie: l'exacerbation des nationalismes. A partir de là, tout se passe comme si cet idéal d ' intégration politique et de pacifisme était si fondam ental à leurs yeux que tout ce qui se fait au nom de l' Europe est présenté par eux comme a priori ーッ セ ゥエヲ L@ comme renforçant d ' office cette dynamique d ' intégrati on. L'ensemble du processus historique de la construction européenne est dès lors systématiquement analysé à Ifavers ce prisme, celle lecture politique fina le qui doit mener l'Europe vers l' Union politique. Dans cette vision linéaire de l' histoire. de construction de l'Europe à petits pas, progressant globalement vers le stade ultime, il n 'y a pas de place pour une autre dynamique. pour d ' autres schémas d ' intégration possible. Il n ' y a qu ' une construction européenne, ct il faut impérativement y adhérer. S inon, c'est la catastrophe: la renaissance des nationali smes et la destruction des Etats européens dans un chaos guerrier. Cet argument fonctionne dès [ors comme une valeur repoussoir qui pennet de resserrer les rangs autour de l'Europe. Bien sûr, en tant que syndicalistes, ils émettent des critiques sur le processus d ' intégration actuel : il est incomplet, imparfait, inachevé mais il n 'est pas à remettre en cause globalement. Dans ce schéma, le syndical isme doit dès lors s'organiser au niveau européen pour aider les forces progressistes à corriger ces imperfections en instaurant un rapport de force en sa faveur. Dans ce modèle-ci, le mouvement syndical adhère à un projet-la construction politique d ' une Europe unie - qui a été défini 15 en dehors de lui et dont la dynamique essentielle lui reste extérieure. C'est pourquoi, à notre avis, les syndica li stes développant ce type de di scours attendent beaucoup de l'action politique et administrati ve, à travers les partis politiques et à travers l'action des instituti ons communautaires, pour amé li orer la dynamique européenne actuelle . c) Les \'ers;olls criliques Nous l'avons dit, cet idéalisme européen est néanmoins corrigé par une série d 'arguments critiques qui explicitent les imperfections du processus LA CONFEDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS 95 d ' intégration. T rès souvent apparaît l'idée qu'il faut améliorer la dynamique européenne et qu ' il faut dès lors plus de démocratie, de lég islations social es, de représentati vité syndicale ... pour que les intérêts des travailleurs soient valablement représentés. Ce sont les discours sur le « déficit » (défic it démocratique, défic it soc ial ). Ai nsi, les projets de marché intérieur et d ' Union économique et monétaire sont à chaque fo is critiqués car ils ne tiennent pas suffisamment compte des dimensions sociale et politique. La focalisation sur l'aspect économique et fin ancier est souvent taxée de dérive néo-libérale, à corriger par le mouvement syndical, mais, fi nalement , en soi, ces projets restent importants et nécessaires car ils symbolisent l' irréversi bilité d ' un processus qui fini ra bien par tendre ve rs une intégration multidimensionnelle. La version politique Ic i, un des acquis essentiels du processus de construction européenne est d 'avoir penni s la stabilisation et la diffusion du modèle démocratique au sein des Douze 16. Pour achever la réal isation de ce modèle politique, il faut l'étendre à l'échelon supranational, c'est-à-di re principalement accroître les pouvoirs du Parlement européen pour qu ' il devienne un véritable organe législateur et organiser un contrôle démocratique réel sur l'application des déc isions adoptées, à t.ravers les procédures exécutives de la Comm iss ion. La version sociale La recherche de la compétitivité économique ne peut procéder de pratiques de dumping social . Au contraire, l'Europe doit devenir un modèle social en hannon isant vers le haut l'ensemble des politiques soc iales nationales. Cette dimension sociale doit être assumée tant par les institutions pol itiques com munautaires que par les organ isations soc io-profess ionnelles dont le rôle doit être institutionnalisé à l'échelon supranational. La version CIl/tI/relie Le processus de création de l' Europe est, dans l'esprit de ces syndical istes, une dynamique déjà très ancienne - fût-ce dans l'imaginaire collectif - : l'ensemble des Européens partagent un patrimoine culturel commun (art isti que, intellectuel mais aussi social et politique). Et c'est pour sauvegarder ce patrimoine que ces syndical istes émettent des exigences d 'ordre social et polilique: l'espace européen doit nécessairement rester démocratique avec ses ex igences soc iales de progrès constant. Il doit aussi servir d 'exem ple pour le reste du monde et diffuser un modèle politico-social à composante syndicale. d) Les versions 11011 critiques La versiOIl pacifiste-humaniste L'engagement passé est encore pon eu r d'ense ignements. L'Union politique qui a l'air, pour ces syndicalistes . de se profiler nécessairement au bout du 96 LA GAUOIE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE chemin du processus de consTruction européenne est toujours considérée comme le seul rempart poss ib le comre la renaissance des national ismes et de leurs velléités guerrières. De plus, dans celle vision, l'être humain ne peut se réali ser pleinemem que dans un espace sans fronti ères, où seraient abolis 、 ← ヲゥ セ@ nitivement nationalismes et racismes de tous genres et toutes les barrières qui empêchent une communion sincère entre les hommes et entravent leur déve· loppement spirituel. L'ambiguïté d u discours sur l'objectif 1992 de mise en p lace d'un espace sans fron tières, véhiculé depuis 1986 par la Comm iss ion, a ainsi permis à cette sensibi lité syndicale humaniste de « se sentir à l'aise» dans son adhésion au stade actuel de l'évolution européenne 17. UI versioll de la compétitioll écollomique Pour quelques syndicalistes, enfin, l'Etat·nation n 'est plus un cadre de ré· férence adéquat du fait de la mondialisation de ャG ← 」 ッ セッュゥ ・N@ Il fau t donc 」ッ ョ ウ セ@ tituer une Europe forte économique;ment pour pouvoir rivaliser sur le plan mond ial avec les Etals·Unis ou le Japon. Le projet de marché intérieur est considéré comme un pas dans cette direct ion et comme un facteur susceptible d ' augmenter la richesse européenne en tennes de croissance économique. Il appaniendra aux syndicats de veiller à ce que les bénéfi ces en soient répartis de faço n équitable. La version de l'imerdépendonce économiq/le Depuis le début de la crise économique au milie u des années soixante·dix, les Etats nationau x ont pensé qu ' il était possible de continuer à gérer nationa· lement l'économie. Ce qui les a entraînés à prat iquer des politiques concurren, tes qui les enfem13ient dans des spirales défl atoires. Il n 'est plus possible de gérer nationalement les économies: il faut un cadre européen pour amorcer une nouvelle croissance économique. Un grO llpe mÎXte Entre les deux pôles d'attraction que nous venons d'évoquer, naviguent des syndicalistes porteurs d ' un discours mi xte, qui mêlent les caractéristiques des deux systèmes que nous avons décrits; certains sont même prêts à remettre en cause leur adhésion à la con struct ion européenne si celle-ci continuait à déri ver dans un sens, jugé par eux, par trop néo-li béral. 4. Conclusions Nous l'avons vu, la vocat ion européenne d ' une institution - la Confédération européenne des syndicats - qui renète la diversité du syndicalisme politique en Europe peut avoir des significat ions bien différe ntes. Y coexistent au moins deux courants, porteurs de représentations sur l' Europe et sur le processus de construction européenne nettement différenciées: un courant de LA CONFÉDÉRATION EUROPÉENNE DES SYNDICATS 97 netle adhésion mai s capable cependant de déve lopper un système argu mentaire critique très d ivers ifié et un courant pour lequel l'Europe n 'est qu ' une étape , sans plus, vers la réalisation d ' un projet pol itique de type universaliste, dès lors que la réalité du syndicali sme doi t correspondre à la réalité des transformation s des systèmes poli tiques et économiques . L'existence de ce deuxième courant nous paraît, plus globalement, correspondre au développement d ' une concepti on de gauche, rad icalement critique à l'égard des dernières étapes de la dynamique d ' intégration européenne (le marché intérieur et l'Union économique et monétaire), qui s'est manifestée notamment à travers l'expression du « non » au trai té de Maastricht émanant de c itoyen(nes)s français(es) issus de la gauche non communiste. Nourrie d ' idées internationalistes, celle position s'écarterait ainsi totalement du vote négatif pour des raisons nat ionali stes, malgré les dires de partisans fra nçais du «oui » qui ont abusé de l'amalgame en fai sant systématiquement du ( non » le symbole du « repli nat ionalitaire», contribuant ainsi à ternir le caractère responsable des débats. La présence de ce courant de « pragmat isme syndical » au sein de la CES - évidemment non structuré en tant que tel (les structures syndicales - souvent obsédées par la recherche de l' unanimité - n 'admettent pas facilemen t l'ex istence de courants politiques organisés en leur sein) - permet de mieux comprendre le malaise qui se fait jour au se in de la gauche européenne depuis que l' incert itude politique, déclenchée par le vote négati f de la majori té de la popu lat ion danoise le 2 juin 1992 sanctionnant le traité de Maastricht, plane quant aux possibilités de poursuivre te lle quelle une dynamique d'intégration européenne dont la logique prioritaire était d ' ordre fi nancier et monétaire. Mais plus fondam entalement peut-être, celle fracture au sein du monde syndical européen nous renvoie auss i à une coupure théorique qui a marqué le syndicalisme politique européen depu is ses ッイ ゥ ァ ゥ ョ ・セ@ : le débat sur son autonomie de projet et d ' action à l'égard des part is politiques « frères » et de leurs cadres politiques qui, après la deux ième guerre mondi ale, se sont de plus en pl us intégrés à la classe dirigeante politico-administrative et financi ère. Quoi qu' i! en soit, au delà des divergences de position sur la signification de leur engagement européen, la majorité des syndicalistes rencontrés ont insisté sur l'urgence qu' il y a de déve lopper et de renforcer l'organisation des forces syndicales au niveau supranational européen, afin de diffuser à cet échelon un modèle de démocratie socio-économique. Et ces synd icalistes lancent bien là un dé fi majeur: si j usqu'à présent , après vingt ans d 'existence, la Confédération européenne des syndicats a pu déve lopper une expérience institutionnelle de quasi- unité syndicale, originale et unique dans l' hi stoire du syndicalisme européen, parviendra-t-elle à faire plus, c'est-à-d ire à dépasser le stade actuel de la bureaucratie syndicale auquel clle est cantonnée pour réussir le défi de créer une union d 'action des forces 98 LA GAUC l lE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE syndicales de base, condition démocratique indispensable, parmi de multiples autres 18, pour fa ire vivre pol itiquement et soc ialement une union de plus de trois cent quarante-six millions de personnes? 5. Bibliographie J. G ÉRARo- UB OIS, R. L EWIN, La Belgique ellfre dalls la gl/erre f roide et l'Europe /947- /953 , éditions Pol-His. 1992,253 pages. « Le rôle des Belges et de la Belgique dans l'éd ification européenne », Studia Diplomotica, Vol. XXXIV, nO 1-4, Bruxelles, 198 1. A. DE B AECQUE (sous la direction de), Ulle HislOire de 10 démocratie ell Europe, éditions Le MOI/de. 199 1,4 10 pages. The Problems of European Unification, éd. par ERO, European regional organ isation of the lCFTU, European Trade Union School, 1954, 157 pages. M. G ALLO , L'Elirope contre l'Europe, édition s du Rocher, 1992,263 pages. J. K ULAKOWSKI , « Les travail leurs et la construction européenne (bi lan et perspectives) », Droit social. n° Il , novembre 1971, pp. 139-15 1. NoIes , Ainsi. Jules g セr@ ... RP- LIlj()IS el Rosine lヲNwi セL@ dans leur ouvrage. Lo Befgiqllr rnlrr dUlIs lu gua", froidr ri l'Euro/" (/947·53). soulignent bien t':luilude prudente adoPlée en février J948 par l'importame au mument de son adhésion au plan Marshall. cemr:llc profeS$ionne lle belge des services publics (la cgsセI@ en assonissam celle·ci d'une série d'exigeoces syndica les et pol itiques. recommandam nOlamlTll.'m au mouvement ouvrier de rester vigilant. ョ@ européenne dessyndicats, qui S'CSI 」ッョウエゥオセ@ en 1973. eSI unc institution syndicale l La cッョヲ←、セイ。エゥ assez origin:lle en Europe: elle teme de regrouper SUT une base unitaire la quasi-tot:llité de 1:1 force syndicale politique pour Urle aire géogrnpltique proche de celle du Consei l de l·Europe:. du moins aY:lntl'ouver· lure de celui-ci aux nouveUesdémocralicsde l'Est. I...cs grands ;'I OsentS som les syndic aiS d'origine idéologi· que communiste qui reSlent Irh critiques face au processus de conslruclion europ6::nne lels que la arr française ou la CUlP-l.'1 ponugaise : des syndicats 11 caraclère catégoriel comme la ッウセL@ confédération française de J'encadrement ou des syndicats de droite comme la OOSLa. confédéral ion générale des syndicats libéraux de Belgique. En som membres les confédérations syndicales nationales et depuis le dernie r con· ァセウ@ de mai J99J , les comités syndicau" europée ns, structures professionnelles regroupées li l'échel le euIUpéenne et Je pl us souvent 11 l'échelle de ta cu.. , Voir, par ue mple. J'imerview du secrét aire gént ral de la CES. E. G ... セ@ ... (;UO, M U/ldr dll IrUI'/lif libu. publié]XIr I:l ClSt... Bruxelles, nO 1 J. septembre 1992, p. 3 . ouvrière. • Voir les propos エセ ウ@ prudentS de Marc Blondel. secré laire général du syndical français イ セイ」・@ 11 l 'égard du lraité de Maaslrichl el l'uplication du pourquoi du choix de la .. neulralité • de ce syndical lors de la cam]XIsne référendaire précédant le refen:ndum, Editori al de P.O. IItbdu, du 9 septembre 1992 et Murul" du 2 septembre 1992. 1 Donc :lvant que l'on ne sache ave<: uactitude 1:1 fonne ct le contenu que prendrait la révision des lrailés de Rome . • Seules des raisons de lemps et d'opportunilé scientifique (délimitation wicte du sujel de thèse de doctoral) Ill: nous ont pas amenée dans nos recherches 11 ana lyser, 11 Iravers des inlenoiews. l'argumentaire communiSles à l'égard du processus de construction européenne en idéologique de militants ウケョ、ォZャオセ@ cours. 1 Anaque implicite du princip.: de l':lUlonomie de Ja future B:loque cemrale européenne. 1 Qui fait poner l'acce m de 1:1 convergence SUT la réduclion drast ique des déficils des finances publi ques des EtaiS. (Rappelons que les cri tères de convergence défin is par un protocole explicitMt u LA conf￉diセrat i on@ EUROI>ÉENNE DES SYNDICATS 99 l'anÎcte 109 J du troÎté de Maastricht sont les suivants: la stabi lÎlI! des prix. la siwation des finances publi· ques des Etats, la participation au mécanisme de change du Système monétaire européen et la convergence de s taux d'intérêt), [)e plus. pour la 0'.$, ces critères d'aççès 11 l'Union éwnornique et monétair'" ne peuvent être souhaités qu'à moyen tenne et non 11 coun tenne si l'on ne veut pas qu'au lieu de converger, ils ne divergent davantage, • Cc vocable recouvre l'ensemble des mesures destinées 11 établir les reS5O\Jn:es budgétaires dont disposera la Communauté pour les quelques années 11 venir, Cc projet de financement fumr de la Communautf fut présenté par la Commission devant le Parlement le 12 février 1992, axant son obj«tif prioritaire su r la cohésion et proposant un accroissement gloooi des イ・セャウ@ de vingt milliards d'écus pour 1997 par rappon 11 renveloppe financière de 1992, Cependam. ce projet fut profondément modifié par le Conseil. 1992, a L セOGエiイ・@ Europr, nO 5878, Voir les résultats du sommet d'Edimbourg des 11 et 12 、←セュ「イ・@ 13 décembre 1992, pp. 11-18. '0 Selon l'expression présente dans le texte de la déclarotion de la CES. " Voir l'interview du secré taire généra l de la a;:ç. E. GABAGLIO. op. cir., p. 3. I l Il nous manque ainsi des représentants syndicaux anglais, irlandais, danois et espagnoL Il aurai t été bien sûr intéressal11 d'avoir, représenté dans cet échantillon,l'enscmble des nationalités présentes dans la 0'..1' mais des contingences principalement de temps (la période choi sie pour effectuer les interviews ne pouvait être trop longue pour ne pas être marquée par trop d'événements politiques européens différents, ce qui aurai t rendu difficile la comparaiSOll entre les interviews) et de langue (recourant en panie pour l'ana lyse 11 des ITltthodcs lexicométriques. il faUait que l'ensemble des inter,enants s'exprimen t tous dans la même langue) ne IlOIlsont pas permis d'atteindre cene si tuation optima le. Par ailleurs, une gr:mde panie des imerlocuteurs sont de nationalité !:!elge (doUl.e) pour des raisons évidentes de proximi té géographique, H A côté des méthodes classiques d'analyse de contenu, nous avons オエゥャセ@ une analyse factorielle des 」ッイ・ウーョ、。セ@ sur l'ensemble du lex ique des interviews afin de mieux repérer les oppositions de vocabulaire et de nous aider 11 interpreterde la façon la plus scientifique possible le contenu de ces trente entretiens, " [)eux versions de ce projet universali ste , suivant l'origine idéologique chrétienne ou socialiste des sont dfveloppées : l'une optant pour rétabli ssement d'une solidaritf internationale personnes ゥョエ・イカキセウN@ des trovailleurs afin d'améliorer les conditions d'existence de la population du tiers-monde : l'au tre pour la solidarité internationale de tous les travailleurs dans le cadre du conflit capital.travail afin d 'abolir les raI>'" pons capitalistes, ') Faut·il rappeler que seul un très petit oombre de syndicalistes (belges et hollandais) fut associé aux déoots et aux rlI!gociations entourantl'élaOOrotion des traités de Rome? .. Pensons Il l'Elipagne, 11 la Grèce. au Ponugal mais aussi 11 l'Italie et 11 l'Allemagne ! " Ce qui manque d'ctre de moins en moins le cas, la dissymétrie dans les componements législatif et politique communautaires entre les différents tenne s du projet .. libre circulation des marchandises, des dernières! Si dans capitaux, des services et des personnes セ@ étant de plus en plus nagrante 11 l'égard de セウ@ un premier temps, la gauche syndicale peut se mobilise r pour essayer de lever les réticences politiques à organiSt'r réellement celle libre circulation pour tout citoyen au St'in des Douze Etats membres. 11 notre avis, elle ne pourra pas longtemps faire l'impaS$C - sous peine de perdre total ement son .. iime » - sur le problème du renforcement actuel des contrôles des frontières extérieures de la CEE avec les violations monstrueuses des droits de l' homme qu'elle entraîne (voir 11 ce propos, les enquêtes de F, gQ uoエGセ@ l'auteur d'Arabirides. sur la situation tragique des immigrés clandestins vers l'obj«tif" Europe" ou l'article de M, LE.\tOISE dans lA- Monde diplomaTique de dét'embre 1992) quoiqu'une majorité syndicale refuse actuellement de discuter du problème aigu de l'immigration extra-communautaire au TlOm du maintien de l'emploi pourles ressonissants CEE. " Comme l'extens ion de la légitimité démocratique et des pouvoirs législatifs du Parlement européen ainsi que l 'inst aurotiol1 de procMures démocratiques de contrôle des mesures d'application des politiques communautaires et de proc<'dures de sanction en cas de nOCl·respect de ces politiques ou de détournement des nux financiers qui y sont liés, Le parti communiste de Belgique face aux Communautés européennes Pasca l DELW1T 1. Introduction Si l'on excepte une courte période dans l' imméd iate après-guerre \ le parti communiste de Belgique n'a jamais occupé une place signi ficative sur l'échiquier pol itique belge. Néanmoins, jusqu'à son déclin marqué au début des années quatre-vingt, son rôle dans la société el à l'égard de certaines organisations a dépassé ce que laissent entrevoir ses résultats électoraux. Aujourd ' hui, le parti communiste ne représente plus qu ' une structure sans perspective qui n'a pu sa isir ni son déclin ni la signification des événements de 1989. Oc sa crise, aucune tentative de (re)naissance n'a émergé comme le tentent actuellement Je PDS en Italie, J' alliance rouge-verte en Hollande, gauche unie en Espagne ou encore le parti de la gauche en Suède. Nous avons choisi d'étudier son approche historique ct contemporaine de la construction européenne qui nous semble intéressante et significative à quatre points de vue : 1. en prenant les institutions communautaires comme témoin du cheminement des relat ions entre communistes belges ct mouvement communiste ゥ ョエ ・ュ。 セ@ tional ; 2. en appréhendant la question européenne comme révé lateur de l' incapac ité du PŒ à répondre à un défi et à assumer pratiquement des choix théoriques et idéologiques; 3 en essayant de s' interroger parallèlement sur Ic(s) rôle(s)ella(les) fonction(s) « latentes» ou « ex plicites» d ' une pet ite formati on politique 2dans un petit pays J ; 4. enfin . en cons idérant la Communauté européenne comme indicateur des rapportsdu parti comm uni ste à la société belge et aux autres partis poli tiques du pays. 102 LA gauc iセ e@ FACE AUX MUTATI ONS EN EUROPE 2, Aux origines du positionnemenl A l'instar des autres fomation s communistes d ' Europe occidentale, le positionnement du PeB Face aux projets d ' unification e uropéenne émergeant après 1945 , doit être intimement rapproché des volontés de la diplomatie soviétique en la matière. Le plan Marshall est, à cet égard, un révé lateur pui ssant. Après quelques hésitations, l'Union soviétique ne s'adjoint pas aux déli bérations relatives à l'i nil iati ve américaine. En outre, elle décide manifestement d 'entériner et même de se revendiquer de la div ision du monde en deux blocs. Dans cet engrenage, le parti communiste de Belg ique condamne avec virulence l' init iati ve et l'empri se américaines dans le Façonnement de 1'« Europe occidentale ». Il est évident que la Fondat ion du KominForm lors de la réunion de Slarska Poreba en septembre 1947, constitue un moment clé dans celte évolution. Dans son rapport sur la situation internationale, André Jdanov inv ite les partis commun istes à (( prendre en main le drapeau de la dé Fense de l'indépendance nationale et de la souveraineté de leur pays» 4 . Quelques jours à peine après cette réunio n, le secrétaire général du PŒ donne le ton en appelant à la dé Fense de la souveraineté nationale contre la « marshallisation », « l' américanisation » du pays, fai sant pour la circonstance réFérence à Jaurès: (( Nous n'avons jamais considéré la souveraineté nationale ( ...) comme une abstr'dction métaphysique indépendante des contingences. (... ) Notre nationalisme, ou plus exactement, notre al1achcment à la patrie, ne nous a jamais empêchés d'être des internationalistes, ce qui ne signifie pas pour aUiant que nous soyons disposés à servir l' internationale des trusts. C'est le moment de rappeler la noble parole de Jaures: « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d'internationalisme y ramène » »5. Cette attitude n' a rien de particulièrement original dans la littérature communiste de l'époque puisqu 'on retrouve les mêmes assertions dans le même espace de temps dans l'ensem ble de la presse communiste. Le sectarisme de la campagne communiste contribue à son isolement sur l'échiquier politique belge dont sa courbe électorale est un des témoins 6. Plus importante et peut -être plus significati ve, est la conséquence du combat mené à l' intérieur de la l'GTB. L' infl uence communiste s 'avère non négligeable, particulièremen t dans les secteurs les pl us combatiFs: mines, métallurgie, sidérurgie ct services publics. Les dé légués communistes relaient le di scours du PeB. S ' ils rassemblent parfois des minorités significatives dans les congrès sectoriels, leu r comportement fa vorise leur identification et concoun à les écarter de tout posle de responsabi lité dan s l' organi sation syndicale . Au demeurant, le parti communiste contraindra Théo Dejace, seul secrétaire national communiste de la l'GTU. à démi ssionner de son mandat! LE PARTI COMMUNISTE DE BELGIQUE FACE AUX CO MMUNAUTÊS EUROPÉENNES 3, Le plan Schuma n et la 103 0:1> Le combat pol it ique du parti communi ste contre la proposition Schuman de mai 1950 et celle de réannement allemand envisagées quasi simult anément s' in scrit dans le droit fi l de la dénonciation de l'hégémon ie américa ine sur l'Europe. L' argumentat ion des communi stes belges se fonde sur des concepts généraux et particuliers. 1. Laconstruction européenne basée sur la not ion des « Etats-U nis d ' Europe » ne profite et ne peut profi ter qu'à la grande bourgeoisie transnationale. Ils s'appu ient pour ce fa ire sur un texte écrit par Lénine trente-c inq ans plus tôt: « Mais si le mot d'ordre des Etats-unis républicains d 'Europe fonnulé en liaison avec le renversement révolutionnaire des trois monarchies les plus réactionnaires d ·Europe. la monarchie russe en tête, est absolument inattaquable en tant que mot d'ordre politique, on sc heune encore à une question éminemment importante, celle du contenu et de la ponée économique de cc mot d·ordre. Du point de vue des conditions économiques de J'impérialisme. c 'est-à-dire de l'exponation des capitaux et du panage du monde par les puissances« coloniales « avancées » et « civilisées », les Etats-Unis d 'Europe Sont en régime capitaliste, ou bien impossibles ou bien réactionnaires» 7. 2. Dans la fou lée de cette légitimation historique, le J'CS décrit l' idée européenne défendue par Schuman et Adenauer comme réactionnaire et puissamment influencée par l'Eglise cathol ique. Schuman , Adenauer et De Gasperi sont ainsi désignés comme les d ignes successeurs de Charlemag ne ct d'H itler. 3. Le projet CECA ambitionne, selon les dirigeants du part i communi ste. d'arrimer l'A llemagne à l' Europe occidentale el porte en gennes une hégémonie de ce pays. De plus, il accenlUe el sanct ionne la div ision de l'Europe entre blocs occidental et ori ental. 4. Le PCB conteste les vertus annoncées de la CECA pour l' industrie charbonnière belge. A ses yeux, la CECA condu ira à court tenne à la fennetu re des mines wallonnes et, à moyen terme, à la fi n de l'exploilal ion des mines campinoises. Au surplus, le parti commun iste accuse son in itiateur, Robert Schuman, de ne viser qu ' un échange avantageux entre la livraison de charbon allemand bon marché au profit d ' un essor de l' industrie sidérurgique fran çaise. Dans le cadre belge, celle dimension s'avère capitale . Les mines ont été relati vement épargnées durant la guerre. A la Libération , le gouvernement d irigé par le sociali ste Achille Van Acker lance la « barai lle de la production >, pour assurer le ravitaillement interne et exporter vers les pays européens. Mais cet avantage initia l se mue très vite en handicap. L'exploi tation du charbon en Wallonie est morcelée, les moderni sations nécessaires ne sont pas effec tuées et le prix de revient de la tonne de charbon 104 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE est le plus élevé d ' Europe. A la fin des années quarante, la situation est très mauvaise, comme le confinne le rapport du consuhant américain Robinson and Robinson 8. Si certains voient dans le plan Schuman une opportuni té de s'atteler aux rénovations indispensables, d ' au tres j ugent sa perspective catastrophique pour la Belgique. Les exploitants charbonniers s'y opposent résolument de même que certains soc iaux-chrétiens el une part ie des socÎalistes 9 panni lesque ls Achille Van Acker. Il n'y a pourtant pas de pont entre ces opposants et le parti communiste, si ce n 'est qu 'i ls votent de manière identique au Parlement. Les propos com muni stes comportent toujou rs l'indispensable référence à l'U nion soviétique, ce qui les coupe de toute politique d'alliance éventue lle. La condamnation de la CECA par le PŒ a été fenne et vigoureuse. Mais la campagne menée par les communistes belges con tre le projet de Communauté européenne de défen se est un combat quotidien. Les communi stes dénoncent obstinément la division de J'Europe imposée par l'administration américaine 10, préd isent les pires méfaits des troupes allemandes et maudissent les « suppôts » de ce plan ... A travers des organ isations satellites comme l'Union belge pou r la défense de la paix (UBDP), il s tentent de fonne r un front du refus. Force est pourtant de constater qu'i ls ne parviennent pas à entamer ou à pénétrer les « pil iers» belges, Ci toU! spéc ialement les organisat ions sociali stes Il . En vérité, les deux é léments que nous avions déjà évoqués dans le cas de la CED se sont renforcés , Le sectarisme exacerbé des communistes leur fenn e toute porte d'autant que leur perte d ' influence est de plus en plus sensible. 4, La création du marché commun Si la CECA et la CED ont engendré des polém iques - encore que confinées aux élites pol itiques - , la création du marché commun et de la Communauté européenne de J'énergie atomique passe presque in aperçue dans le débat politique. La Chambre el le Sénat rati fient le traité de Rome 11 une très confonab le majori té au tenne d 'une discuss ion courte et sans passion. contrairemen t à ce qui s'était passé lors de la ratification du traité instituant la Communauté européenne de défense. Toute l' attention était foca lisée sur la guerre scolai re et la lutte opposant la « coalition laïque» au « monde catholique ». L 'adoption de ces traités marque les origines du «consensus belge » sur les questions européennes. A part ir de 1957, on ne peut déceler ni d iffé rences sensibles entre les trois principales fonna tions ni conflits majeurs en leur sein 12, Par ai lleurs, la construction européenne apparaît , aux yeux. d ' une très grande majorité de la population, non seulement comme une nécess ité mais comme un fa it et une évolution allant de soi. Intérêt et passion son t absents sur celte problématique. A l' instar des aUlres PC occidentaux., les communistes belges fondent leur argumentation contre le marché commun el l'Euratom sur les dix-sept thèses LE PARTI CO:'IMUNISTE DE BELGIQUE FACE AUX COMM UNAUTÉS EUROPÉENNES 105 de l' Insti tut de l'économie mondiale et des relations internationales de Moscou. Politiquement , cet institut présente les deux nouve lles institutions communautaires comme un « désir d' unir les forces de 1"impérialisme, en vue, d'une p.1n de lultcr contre Je socialisme, les mouvemcnts de libération nationale des peuples colonisés CI des pays sous tutelle ct, d 'autre pan, dc renforcer les positions du capitalisme cn recourant 11 des unions internationales de type étatique et monopoliste » Il. Du point de vue économique, toute possibi lité d ' intégration est farouch emem niée: « En ce qui concerne la CEE ct l'Euratom, il est absolument hors dt: doute que même la réalisation complètc des mesures prévues dans les traités constitutifs (ce qui est en soi déjà peu vraisemblable) ne pourra pas apporter de changements dans le caractère du capital isme européen. ni conduire à la création d'un système économiquc unique» iセN@ Le début des années soixante constitue cependant une nouve lle étape dans l'approche des institutions communautaires et de la construction européenne par les communistes belges. En effet, comme l'a noté Charles Zorgbibe iセL@ le PCB est avec le PCI l'une des premières formations communistes à réviser et nuancer ses conceptions envers le marché commun. Il s' agit là d ' une originalité mal connue des spécialistes des mouvements communistes. La perspective de modifier la lutte contre le marché commun au profit d ' un combat au se in de la CEE est novatrice. Cette transformation s'opère en deux temps : 1. les communistes belges reconnaissent peu à peu la « réalité » du marché commun esti mant tout retour en arrière impossible; 2. ils adaptent leur auitude et leur position en fonct ion de cel état de fait. 5, La « réalité» du marché commun La constatation de la « réalité communautaire » s'effectue au début de la décennie soi xante. Elle fait suite à l'évolution de l'industrie charbonnière en Wallonie. En février 1959, les mineurs borains entament une grève contre les femletures des mines encore en activité. Ce mouvement social n'enraie pas le processus. Les fermetures de puits se succèdent. Le parti communi ste dénonce vio lemment cet abandon mais il saisit aussi l' importance du contexte européen et de la pri se de décision à l'échelle communautaire. Parallèlement, l' augmentation du commerce entre les six Etats membres du marché comm un ne peut échapper à son attention, même s' il y a croissance général isée en Europe. A la réun ion des économistes marxistes à Moscou en 1962, les dé légués belges sou lignent celte dimension et décrivent l'existence du marché commun comme un fa it: un fait all ant dans le « sens de l' histoire ». Deux personnalités, désormais, sont les observateurs les pl us attentifs des évolutions de la CEE, 106 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE l'économiste Pierre Joye et le juri ste Jacques Moins 16. Mai s il importe de souli gner l'attention Irès mini me portée par la base du parti communiste セ@ en fai t à l'instar de la population セ@ aux quest ions européennes. Les instances dirigeantes du l'CS essaient progress ivement d'adapter leur réflex ion et leurs pratiques à partir de cette donnée. Mais la deuxième étape se révèle longue et bal butiante dans la mesure où le parti communiste se retrouve confronté à certaines con tradi ct ions. A la fin des années soi xante et au début de la décennie soixante-di x, il apparaît clairement que l' adhésion de la Belg ique aux Communautés européennes constitue un élément intégré par le PŒ, non remis en cause et que les communistes cherchent à adapter leur stratégie en conséquence. Evaluant la nat ure el l'ampleur de la crise économique, le prés ident du parti communiste insistait , par exemple, dans son rapport au XX II" congrès en 1976, sur les spéc ificités be lges de la crise tout en la resituant dans sa conjoncture européenne et internationale, (( car, soulignait-il. dans notre pays, ce contexte revêt une signification d'autant plus grande que la Belgique est étroItement intégrée dans le marché commun et dans la « communauté atlantique » et que, dès lors, le développement de la crise et les conditions dans lesquelles s'y déroule la lutte contre elle sont détenninées dans une large mesure I l par son degré de dépendance à l'égard des principaux centres de pouvoirs européens Ct atlantiques du grand capitalisme des multinationales» 15. Cette assimilation donnera même lieu à certaines autocritiq ues par rapport à l'alti tude purement négati ve des années c inquante 19. 6. Les raisons d'une évolution A l'origine de celle évolution fi gurent des éléments d 'ordre ex terne et d ' ordre interne. 1. Relevons que ce chem inement ne se fait pas de faço n isolée. Il ex iste également dans le parti communiste italien qui aboutj{ à la représentation du PCI à l' Assemblée de Strasbourg et à la présence de la CGIL au comité économique el social. L'approche des autorités sov iétiques se transfonne aussi. Les trenle-deux Ihèses publi ées en 1962 par l' Institut d 'économie mondiale セ@ fai sant suite aux di x-se pl thèses de 1957 セ@ s'avèrent toujours ex trêmement critiques mais elles entérinent l'idée que le marché commun est un fait 20. 2. Le suivisme strict envers les injonct ions du l'CUS a fait son temps. Le rapport Khrouchtchev (de févrie r 1956) a bou leversé les pcouest-européens 21. Même si le parti communiste de Be lgique reste profondément attaché à l'URSS et il ses recommandations, on ne peut plus parler de relais inconditionnel des positions soviétiques . 3. Le premier lustre des années soixante annonce et anticipe une période de détente dans les relations internationales all ant de 1965 à 1973. Ce soula- LE PARTI COMMUN1STE DE BELG1QUE FACE AUX COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 107 gement favorise une appréhension de l' unification européenne et du marché commun moins « mi litaire » et moins fi gée de la part des autori tés sovié· tiques et des partis communistes. 4. Les évolut ions internes des Communautés attestent au demeurant de con· flit s avec l'administration américaine. Le veto du général de Gaulle à l' admission de la Grande·Bretagne en janvier 1963 est expressément j ustifié comme un refus d'introduire le cheval de Troie américain dans le fonct ionnement des institutions communautaires 22 ! Il dev ien t difficile de dépeindre le marché commun comme la seule expression des volontés américaines. 5. Le l'CB prend aussi en compte la dimension « belge » . La Belgique est un petit pays et les limites d ' une - hypothétique - poli tique économique autonome surgissem vite pour tout observateur sérieux. La croissance souten ue n'est concevable que moyennant des exportat ions massives compte tenu du taux d 'ouverture très important Or, l'Allemagne et la France sont les principaux partenaires commerciaux. L'optique intégrative avec ceux-ci et la « préférence communautaire» s'avèrent donc essentie lles. 6. Il Y a, dans le chef des commun istes belges, volonté de ne pas représenter simplement une formation à seule fin alité « protestataire ». Tout au con· traire, après les changements internes consécutifs au congrès de Vilvorde en 1954, Ie l'CB vise à influer sur les options programmatiques du parti sociali ste - ou de certaines franges du parti socialiste - et de la FOTB, à jouer en que lque sorte un rôle d 'aiguillon. Ce dessein constitue une des raisons qui ont mené à l'éviction du secrétaire général du parti, Edgar Lalmand, en 1954 au profit d ' une ligne et d ' une équi pe dirigeante moins sectaires. 7. L'act ion au niveau eu ropéen Quelles seront les revendications ct propositions dominantes du l'CB en matière européenne ? 1. Il exige avec constance l'ouverture des Communautés européennes vers l'Union soviétique et les pays d ' Europe de l'Est. Ouverture politique mais surtout ouverture économique: intensification des échanges de biens et services, réalisation d ' une reconnaissance mutuelle CEE-CAEM 2J, échanges culturels, ... 2. Le l'CS réclame sans relâche la « démocrat isation » de l' Europe , aux niveaux politique et social. Ainsi, les communi stes belges revendiquent l'idée et l' horizon des compétences accrues poUf le comité économique et social et que« so ient é largies les prérogatives des représentants des travailleurs » 24 en son sein. Avec la revendication d ' une démocratisation politique se pose la question com plexe des fonnes institutionnelles à promouvoir pour la CEE. Ho stiles au slogan gaulli ste de« l' Europe des patries », plusieurs dirigeants 108 LA GAUCI-IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE communistes penchem plulôt ·vers une intégration approfondie en appuyant l'inslallalion el le développemem de nouvelles politiques communes. En OUlre, dans Colltre-projer pour l'Europe, les économistes proches du parti communiste prônent l'établissement de parités fixes . le développement d ' un système monétaire européen autonome etl ' utilisation de l'Ecu com me ウセ N@ Dans le même monnaieeuropéenne,ce qui était des propositions ゥョ←、エ・ temps, le PCS défend l'adhésion du Royaume-Uni et des pays scandinaves qui n'étaient pas censés faci liter cet « approfondissement ». L'é lection de l'Assemblée européenne au suffrage universel se présente par exemple comme une problémat ique d ifficile. Comrairement au l'CF, les communistes belges ne sont pas hosliles au principe mais ils rejertent l' organisation de ce qu 'i ls nomment des «élections alibi » d ' une fausse démocratisation. Ils combattent ainsi, en 1976, le projet d ' Union européenne - qui ne sera j amais retenu - d u premier ministre belge de l'époque, Léo Tindemans. Justifiant le refus du « plan Tindemans », Jean Terfve, l'un des principaux dirigeants du parti, précise que les communistes « ne SOn! pas contre l'élection au suffrage universel du Parlement européen. sunout si ce mode d'élection assure la représentation de tous les groupes politiques. Mais dans le chcf de M. Tindemans, ce recours au suffrage universel nous apparaît plus comme un alibi que comme un levier de démocratisme »26. 3. Ils se prononcent pou r une prise en compte par le « monde du travail », en particulier le mouvement syndical, de l'européanisation de la déci sion économique et politique et donc du besoin vit al de pratiquer la lutte au même échelon. Conforme à son rôle d'aiguill on, le l'C souhaite apporter sa contri bution à la participatüm acti ve du fro nt commun syndical à la confédération européenne des syndicats et à la définition de certains mots d 'ordre même si en définitive son inn uence à ce niveau reste margi nale 27. Avec l'acceptation du principe des élections au suffrage universel et la participation à ce scrutin, le l'CS affermit son investissement militant et intellectuel dans l'action au niveau européen 28. Il s'agit d'un élément acquis dans la littérature communiste be lge et dans la priorité des dirigeants du parti , forme llement et fennement rappelé lors de la rencontre des partis communistes des pays capital istes d 'Europe d 'octobre 1980 à Bru xelles 29. 8. La crise des communistes belges Les élections de 1978 représentent la dern ière échéance législative où le parti comm uniste enregistre un gain en voix. Il ne cessera de décl iner dans les années quatre-vingt, alors que la situation internationale se dégrade, que l'image de l' Union soviétique se tern it totalement et que la Communauté européenne traverse une crise institutionnelle aiguë. En quoi ces é léments affectent- il s l'approche de la CEE par le parti communiste? LE PARTI COMMUNISTE DE BELGIQUE FACE AUX COMM UNAUTÉS EUROPÉENNES 109 En vérité, le PCB creuse son « européanisme » . 11 prône une indépendance communautaire dans les relations internationales . Celle-ci suppose un détachement idéo log ique des Etats-Uni s bien sûr mais sans rapprochement corollaire vers les pays de l' Est. Ainsi, là où les commun istes belges exigeaient dans les années soixante et soixante-dix un rapprochement avec l'autre bloc européen, ils insistent durant celte décennie sur la nécessité d ' une construction indépendante et non alignée de la Communauté européenne JO. Dans son rapport à la sess ion du comité central du 14 mars 198 1, le secrétaire international, Jan De Brouwere, en fait un élément constitutif de l' identité européenne: « Maiscequ'il y a de nouveau et d ' importan t ici, c'est la rcc herche d 'une identilé européenne vis-à-vis des Elats-Unis et bien entendu aussi vis-à-vis de l'URSS. Il est évident que ceci continue à poser aux forces du travail et de la démocratie des pays d'Europe occidentale les pro blèmes de la démocratisation des institulions européennes et leur collaboration muluelle » l l. De cette prémisse découle l'élabonuion du mot d ' ordr.e d '« économie de paix» au milieu des années quatre-vingt. Le déblocage de la Communauté européenne passerait par une réduction drastique des dépenses mil itaires, mettant de la sorte « au service des gens el des peuples, les immenses moyens créés par les sciences et les techniq ues» 32. Certes, cette revend ication ne va pas à l'encontre des intérêts soviétiques mais la priorité dans l'ordre des préoccupations nous semble avo ir changé . La primauté est désormais accordée à la perspective d ' une Europe autonome même si celte revendication se marie quelquefois avec certaines composantes de la d iplomatie soviétique. Mais fondamentalement, elle ne la rejoint pas, tant il est vrai que le pouvo ir sov iétique sous Brej nev ignorait superbement toute dimension politique de la Communauté européen·ne . A parti r de l'ex igence d'une Europe souveraine, restait à en déterminer le contenu et la forme . Dans ce domaine, les positions prises par le PC B semblent avoir été timides faute de consensus interne. Le manifeste européen du parti commun iste pour les élections de 1984 reste, par exemple, superficiel dans ses inventaires même si le sens est clair : a) sur les questions monétaires, les communistes belges se prononcent pour : « l' util isatio n de l' Ecu européen au lieu du dollar » l3 sans préciser les modalités politiques de « gestion » de l'Ecu - monnaie unique, monnaie commune 7 banque centrale autonome ou non 7, ... : b) dans le domaine politique, ils se (ré)affinnent part isans d ' une « politique européenne de non-alignement » :w sans s'avancer dans une réfl exion sur la dimension sécuritaire de celle Europe, si ce n'est qu' ils se montrent hostiles à tout nouveau projet de communauté européenne de défense. D' autre part, 11 0 LA GAUCIIE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE ils condit ionnem toule démocral isation des Communautés notamment au renforcement des pouvoirs du Parlement européen ma is sans évoquer une seule fo is le projet de traité SpineUi voté quelques semaines plus tôt par l'Assemblée de Strasbourg J}. Cette aUitude a de quoi surprendre dès lors que le parti communiste doit se posit ionner en fonction du débat à l' Assemblée parlementaire. Fin mai , le député Daniel Fedrigo avait au demeurant parlé d ' un appui avec réserve 36 qui se concréti sera par une abstention au Parlement. Les élections européennes de 1984 37 confirment le décli n du parti communiste et anticipent le résultat des élections lég islati ves de 1985. Le parti communiste pe rd cette année-là toute représentation parlementaire 18. La portée de ses positions en son affa iblie mais cet aboutissement d ' un déclin électoral constant depuis 1978 résulte de la crise générale du parti communiste: cri se du communisme occidental, cri se de la gauche be lge 19, crise des effectifs et crise interne. Pour la première foi s, certains dirigeants reconnaissent le fra nchissement durable sous un seuil de crédibilité 40. Celte cri se a une double répercussion dans l'approche des questions européennes par le PC ; J. compte tenu des conflit s entre « rénovateurs» et « orthodoxes », les positions doivent de plus en plus être appréhendées en fonction de leur auteu r ou du secteur précis du parti communiste qui les formu le; 2. la chute électorale, la réduction d 'effectifs et les contraintes budgétaires suscitées par celte évol ution entraînent un raréfaction des cadres et des pennanents et une attention de plus en plus faibl e envers les problèmes ayant trait aux Communautés européennes. Le nombre d'erreurs ponctuelles, plus ou moins graves, dans les documents officiels du parti sur la CE se multiplient. Ces deux éléments n 'entament pas l' orientation « pro-européenne») que nous avons dégagée, mais des nuances se font jour. Comme en témoigne cette apostrophe d ' un de ses principaux dirigeants, Dirk Vonckx, l ' aile fl amande du parti prône un investissement et une attention beaucoup plus soutenus aux questions débattues à J'échelle européenne: « Un certain nombre de gens de gauche en sont encore à se poser la question: sommes-nous pour ou contre ta Communauté européenne? Comme si celte question avait encore un sens! L'unification de l' Europe est en marche. (... ) La question ne sc pose pas d'étre pour ou contre. La question est de savoir ce qu'on en fa it. Quel est le contenu que la gauche. les syndicats, les forces progressistes donnent à l'Europe de 1992 ? » ". Mais d 'autres contributions démontrent une plus grande prudence, en particulier dans le chef de certains responsables wallons. Di scuté au comité centrai au mil ieu de J987. un rapport interne estimait que LE PARTI COMM UNISTE DE BELGI QUE F,\CE AUX COMMUNAUT ÉS EUROPÉENNES III le niveau le plus opér'..ttif (... ) de la résistance el de la riposte efficace (... ) à l'offensive néo-libérale reste encore au stllde present - et y compris en direction de la CEE - celui de III région-communllUlé 42 ou de l'Etal belge» 4). « Les élections européennes de 1989 sont le théâtre d ' une double inilial ive des communistes belges: un congrès doctrina l organ isé sur 1'« Europe 92»; - une alti tude nouvelle dans le mode d ' intervention électorale. Le congrès, qui se tient les 18 et 19 mars 1989, axe ses débats et ses propositions sur trois thèmes majeurs: 1. l' importance de la Communauté eu ropéenne dans la mise en œuvre d ' une poli tique de détente internationale ayant pour objecti f une « politiq ue de sécurité axée sur la désescalade des blocs et sur une vaste coopérat ion pacifique à l'éche lle de J'Europe tout entière» 4-1 ; 2. la nécess ité urgente d 'équilibrer les aspects économiques et financiers de l'Acte unique par des « volets sociaux et politiques» 45 échafaudant une véri table Europe sociale; 3. l'ex igence d ' une démocrati sation du foncti onnement des institutions communautaires. Les communistes ne fon t toujours pas de propositions très nelles sur celle question mais louent le rôle du Parlemenl européen dans celte perspective: « li ser..lit sol de ne pas prêter sérieusement attention à l'évolution positive récenle des comportements du Parlement européen, la seule institution de la CommunaUlé qui soit à la foi s fédérale et démocrntique セᄏ TW N@ Dans l'une des résolutions du congrès, le PeB se prononce pour la constitution d'un pouvoir législatif européen élu au suffrage universel et pour la désignat ion par ce pouvoir d'un exécutif responsable devant lui » 411. « Quelles sont les raisons qui ont amené les instances dirigeantes à organiser des assises sur ce thème? Il Y a, nous semble-t-il, une forme d 'engagement européen des dirigeants dans la mesure où il leur semble acquis à celte date que le résultai élecloral de 1985 n 'étai t pas conjoncture l. L' horizon belge est bouché. Et certaines personnalités communistes veulent transposer à un niveau plus élevé le rôle d 'aiguillon qu'ils ont tenté de jouer sur les socialisles el sur la FGTB. Ensuite, l ' heure se prêtait bien à celte réunion, Nous nous situons à q uelques semaines des élections européennes. « L'Europe » suscite quelque inlérêt à ce moment. Le PC essaie d'intervenir publiq uement dans le débat. A cet élément s'ajoute une prise de conscience plus forte que jamais de la dimension européenne. La prise de contrôle de la Générale de Belg ique le pri ncipal holding industriel du pays - en 1988 par le groupe Suez après une tentative d 'OPA de Carlo De Benedett i - en plei ne crise politique - 112 LA GAUCI IE FACE AUX /o. I UTATlONS EN EUROPE monlre, si besoin en élail, que les décisions macro-économiques se prennent en dehors de la Belgique. Dernier facteur non négli geable, la perte de pouvoir dévolu à l' Etal belge se confinne. La réfonne de 1988, conçue comme une nouvelle étape transitoire, a étendu le pouvoir aux régions flamande et wallonne ct a créé une région bru xelloi se セY N@ La force de l'Etat belge est en quelque sorte minée par le haut et le bas so. La de uxième composante importante de l'échéance é lectorale de juin 1989 pour le PCB est la décision des ailes fra ncophone et flam ande de ne pas se présenter sous le label «( communiste» aux élections. En Flandre, le KPB participe à une liste composée de que lques personnalités progressistes et du parti ouvrier socialiste 51 . La liste Regenboog (Arc-en-ciel) passe complèlement inaperçue 52 . En Wallonie et à Bruxe lles, le débat se révè le extrêmement serré pour savoir si les communi stes doivent se présenter. Compte ' tenu de ce que le Conse il fran cophone avai t, en novembre 1988, entériné le non-avenir électoral du PC B , cette instance propose de ne pas déposer de li ste aux élections européennes 54 . Au lenne de la discussion congressuelle, les communistes francophones décidèrenl par cinquante-neuf voix contre (rente-sept et onze abstentions de soutenir cette position en adoptant la résolution suivante: « Bien que ne préscntant pas de liste aux élections européennes. le parti communiste a décidé de ne pas rester absent du débat politique et d ' intervenir dans la campagne électorale, notammelll sur la nécessité de développement du volct social européen. sur l'avenir des régions dans la perspective de l' intégmtion européenne ct sur l'indispensable démocratisation des institutions» S5. Les communisles wallons appellent à voter pour José Happart , candidat de la liste du parti soc ialiste et fi gu re emblématique du combat wallon 56, Pour sa part , la fédération bruxelloise du PC invite ses sympathisants à voter pour Raymonde Dury, Bruxe lloise el tête de liste socialiste 57 . Dans le matériel qu ' il diffuse à cette occasion, le PC fait campagne autour de quatre mots d ' ordre: pour une Europe sociale, une Europe démocratique, une Europe écolog ique el une Europe pacifique. On retiendra leur soutien à un accroissement des moyens budgétaires de la Communauté par le biai s d ' « une fi scalité européenne frappant les bénéfices des multinalionales)) 58 et d ' une action significative contre les évasions fi scales. Les é lections européennes de 1989 constituent le dernier point de repère sérieux el significatif des positions communistes sur la question européenne. Après l'année 1989, le PC est descendu sous un seuil rendant son examen diffi c ile dès lors que ses interventions publiques deviennent de plus en plus rares et sont de moi ns en moins répercutées. Le phénomène est d ' ailleurs accentué par la cessation de parution de son quotidien , Le Drapeau rouge, le i セ イェ。 ョ カ ゥ ・ イ@ 199 1 59. LE PARTI COMM UNISTE DE BElGIQUE FACE AUX COMMUNAUTÉS EUROI'ÉENNES 11 3 Il nous est impossible aujourd ' hui de dégager une quelconque position face au traité de Maastricht et au débat qu ' il a occasionné. Seuls quelques articles de son bu lletin de liaison interne traitent du sujet mai s il n 'y a aucune référence à une position officielle du PC 60. Signalons l'intérêt porté à ces problématiques, en particulier celle de « l'européanisation de la gauche », par la rev ue proche du PC, les Cahiers marxistes, mai s celte dernière ne reflète plus les attitudes du PCB 61. 9. Conclusions Si le part i communiste de Bel gique a, comme les autres fonnation s communi stes d ' Europe occiden tale, sévèrement condamné les premières institutions européennes, son altitude a néanmoins évolué très rapidement. Avec les Italiens, les communistes belges figurent panni les premiers à réévaluer leurs premières appréciations envers la Communauté économique européenne, quille à exprimer leur désaccord avec certai nes appréciations sov iétiques et d'autres PC européens. Cette nouve lle approche tient, nous l'avons vu, à certains développements dans les relations internationales et à la pesanteur du « con sensus européen » en Belgique. En tant que telle, cene progression s'avère, selon nous, très caractéristique des fon ctions que le parti communi ste (ne) souhaite (pas) assumer. En 1954, au congrès de Vilvorde, une majorité de congress istes avait rejeté la ligne sectaire qui avait prédominé jusqu 'alors et conduit à une logique de fortere sse: « qui n 'est pas avec nous est forcément contre nous ». Ce changement représente aussi un rejet d' un rôle purement « protestatai re) que certains pani s communistes ont endossé jusqu 'à l'heure actuelle. Au contraire, fonnation modeste, le PCB essaye d ' impulser des initi ati ves, de jouer un rôle dynamique dans la FGTB à travers les délégués syndicaux communi stes et d'agir directement ou indirectement sur les orient.ations du pani socialiste et d 'organisations progressistes. Dans cette logique, un combat contre la Communauté européenne aurait été une négation de celle approche. C'est dans le marché commun et en rappon avec l'européanisme partagé des milieux politiques belges que le PCB souhaite intervenir. Mais ce fac teur n 'est pas la seule raison de la transfonnmion du comportement du l'CB. La « dimension belge ) y est aussi pour beaucoup. Dans un petit pays au taux d'ouverture économique élevé, toute idée de repli ou d ' action nationale paraît san s fond emenl . Profondément insérée dans des relations économiques, commerciales, cul turelles ou technologiques internationales, la Belgique a presque vocation à participer pleinement au développement de la CEE. Se pose dès lors la question de définir que lles fonn es d 'organisations préconi ser. Nous l'avons vu, le PCB a endossé une démarche comportant des délégations de souvera ineté et s' inscrivant dans une optique fédé rale. Ainsi, il sou- 114 L,\ GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EU ROPE tient , moyennant certaines conditions. l'élection du Parlement européen au suffrage uni verse l et encourage la dotatio n de nouveaux pouvoirs à celle Assemblée. Celle position le range du côté des partis communistes appuyant un approfondi ssement fédéral de la Communauté européenne (à savoir principalement te PCI et le l'CE) contre ta logique de panis com me le PC!', te pcp ou encore le KKE qui rejettent tout pouvoir politique européen. Pourtant, le parti communi ste de Belgique n 'ass umera jamais effectivement et clairement celte approche. En 1984, il reste d iscret. fa ute de consensus interne. sur le traité Spine lli et même le congrès de 1989 ne permet pas de dégager une option claire. Celle crainte de choi sir nous paraît un des é léments détermi nants pour comprendre le comportement du PCB face à sa crise. Partant d'une approche ct d ' interrogations antic ipatrices el novatrices, le parti commun iste refuse d ' assumer véritablement ses rén ex ions fi geant le plus souvent ce qu i apparai ssai t neuf. Son pos itionnement à l'égard de la Communauté européenne ou de l' Union soviét ique 61 nous paraît à ce ti tre révélateur d ' une incapacité à concréti ser ses innovations: incapaci té menant en défin itive à la paralysie, au silence et finalem ent aujourd ' hui à la disparition dans l' indifférence. NoIes 1 Aux セ A ・」ャゥッョセ@ de 19-46. il oblient 12.7% sur ャG・ョセエ「@ du territo ire (21.S % en Wallonie) eT panicipe au gouvernement de !944 à 19-47. 1 L ' im ponance de celle 、ゥュ・ョセッ@ en sciences poli Tiques a bien éTé mise en セケゥ、・ョ」@ dans l'ouvrage: F. MOLLER- RoMMEJ.. and G . PRlotIAM. Small Punies in W..S!ffll Europ ... ComparUliu ulld Natiollal Pt'rs· pu/il'es, SAGE Modem pッャゥエ」セ@ Serie. Vol. 27, 1991.230 pages. J Sur la Belgique. \"oir la comribulion de K. D ESClIOUWER. "Small Pan ics in 8 Small Country: The Belgian Case,. . • A. JOA.<;()V• • Rappon SUT la siTuaTion in ternationale pn!senté à 13 conférence d'information des neuf panis communistes qui s'est tenue en Pologne il la fin du mois de septembre 1941 ,.. Lu noi| Gセ ャi・@ 」イゥャア ェ セL@ 1941,32 pages, p.!. 1 E. UI.-\lAI<Il, LL plan Marshall tT fa"('"ir dt la bセャァェアオエGL@ Société popul aire d'éditions, 1947,20 pa, ges. p. 3 . • R6 ullms é lecTOTlIux du !'CIl 1946 1949 1950 1954 !958 1961 1965 1968 1971 1974 1971 1918 198 1 1985 1981 Belgique Wallonie Fl andre Bruxelles 12.1 2lj 7.5 4.7 3.6 1.9 3. 1 12.6 '.5 3.6 2.' 1.' 1.0 1.0 1.7 1.4 1.6 1.6 17.4 9.5 4,6 3.3 3.1 3.2 2.7 3.3 2.3 1.1 0.9 7.8 6.7 4.' 6.4 9.5 6.9 '.8 '.8 '.4 '.8 4.2 2.' 1.6 '.' 1.3 3.7 2.7 3.6 4.1 2.4 2.8 4.0 2.1 1.9 lO 1.3 O., 2.1 1.2 1.0 0.5 LE PARTI COMMUN[STE DE BELG[QU E FACE AUX COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 11 5 "A propos du 11"101 d'ordre des Etats-Unis d'Europe • . ill Uc"ISF.. Œ""rrs ('omp/hu, , V.L lセNniseL@ [960. Editions sociales-éditions en langue étrangère, vol. 21. pp. 35 1-355, p. 352. 1 Consul1am Robinson and Robinson, Rapporl sIIr r illlllmrir charbO/wilre IN/gc POl" イfNcセ@ mai 1950. Fonds M:u Buset.lnstitut Emile Vandervelde . • ParadouJemem. le traité sera mieux acreplé par ['organisalion syndicale socialiste que par [e pani socia[isle. Les misons en SOIIt mulliples. L'influerlCe communisle y eSI proponionnellemem plus grande CI donc aussi [a ntcessité de se démarquer. Les mineurs revendiquent un Slatut panicu[ierdans lal'GTB dom les dirigeants n'appréciem pas IOUjours les vo[omés d·autonomie. Si ['on ajoute 11 ce Stalut particulier el à l'influence communisle qui y est fone. le fait que beaucoup d'entre eux ne SOIIl pas ... belges (élémem soulignt expressément parce nains d irigeantS syndicaux). on compreBd le peu d'intérêt du syndicat en tant que le i pour l"avcnir des milleS belges el le Slalut social des mineurs. En 1959. la "reslrucluration ,. des mines en Belgique aboutissait 11 la femleture des puits wallons el à une limilation des puits limbourgeois. Aujourd·hui. il n'y a plus d'exploitation minière en Belgique. '0" L'idée de l'Europe a été reprise et développée par Hitler. non parce qu'elle com:spoodait à quelque Maimenanl chose de riel. mais parce qu'elle favorisail les mentes et les idées de domination ィゥエャセイ・ョN@ l'idée est reprise non p;1s pour consacrer un état de ehose en puissance et dom les premiers symptômes existent. mais pmlr facilitcr une polilique détenninée. ( ... ) l"Europe soi-disant cn devcnir eS! une Europe Elle écanerait volol11airernent et 、←QゥセョAュ・エ@ tOUt ce qui est Europe centrale, dangereusement セエイゥアオ・N@ Europe balkanique ou Europe oriemale • . J. TEIl fvl'_ Discours ーイッョャO」セ@ à la Chamb,.r des rrprtsrlllams. séance du 17 novembre 1953, p. 17. autoritaire des principaux diri geants socialistes et syndi•, Signalons cependanl l' auilude ・クエイ↑ュセョ@ caux. favorables aux plans, en vers les personnalités socialistcs qui y élajent opposas_ Les prem iers rnuhipliem les mises en garde ,ontre lout contact ave, une organisation à panidpat ion communisle. Les syndicats sont verrouillés. La dimension " démocralique JO souvent prêtœ au fon"ionllClIlCm des panis socialistes a singulièremcnt セ エ ←@ absente dans«: cas. Les 。イ」ィゥカセウ@ du pn!sidem du pani socialisle. Max Busct (consu ltables à l'Institut Emile Vandervelde) à ,eHc époque som sans セアオゥカッ・N@ Il Voir par exemp le N. LoEB. « Les lrois grands pani s politiques belges et l'intégration europ!cnlle It. Courriu I!rbdonladoire du CR/SI'. nO433. le 28 février 1969; N. LoEB-MAYEIl. « Les troi s grands pan is p0litiques belges et ャGゥQセァイ。ᅫッョ@ européenne ,. in us partis poli/illurs n /" illligrario/l f'uropün/lf'. Actes du Colloque de Bruges. association des inslilUts d'étu(\cs ・オイッセ」ョウL@ annuaire [969-1970, Genève. " B. Durorr. L'URSS n lïmlgrarioJi l'lIroplrmlt', Publications de l'Université de Lausanne. 1964. 237 p;1ges. p. 189. "Ibid.. p. 19!. ., C. ZOIlGB'8E. L'Europr de r Estfaff' 011 Marrltl comml/t/. Annand Colin. 1970. '... Lorsqu'on étudie les problèmes liés 11 l'avenir des instilU1ions de la CEE, r entrée de la Grande· Bretagne dans le marché commun (l"Europe des patries, l'Europe des Tigions. etc.). il ne faul pas A ゥッョ@ imversible veT!i セ@ grands ensembles 6conomiques qui perdre de \'uc une Tialité incontestable : エGセカッャオ rappelle Jaçques Moins en 1969. J. MOINS. "Europe des travailleurs?, Co· caractérise nOire セーッアオ・NL@ hirrs marxistes. juin·juillet-août 1969, p. 23. Il Souligné par nous. " L. VAS GEYT. « Rappon au XXII"' congres du PCB ». Faits n urg//ml'nts. nO5. juin·juillet 1976. p. 3 . .. Dans l'ouvrage publié par des économisles communisles ou proches du PC1I en 1979.lcs autcurs. re· qu' .. cn se camonnanl dans la layantl"opinion ex primée p;lr plusieurs dirigeants. n'hI!sitaiem pas 11 セ」イゥ・@ seule dénonciation de l'inlégration européenne monopoliste. les pani s communistes d'Europe occidemale ne rencontraient pas les prfucCUp;1tions des masses. Ils s'isolaient. n'occupaiem pas leur terrain et laissaient dès lors 11 la droite l'initiative politique cn matière de construction européenne • . GROOI1l O·f.COSQloIiE MARXISTE, C01Jlrr-projet polir r eOャイッー セ L@ Libraire du monde enticr. 1979.425 pages. p. 50. "" A l'heure actuelle. le s droilS de douane frnppantle commerce emre les six ont セャ←@ considérablemenl abaissts. (. .. ) Ainsi. le mareht commun est devenuull<! イ←。ャゥエセ@ politique el économique. ( ... ) (Il l ne constitue pas seulement la somme 。イゥエィセャアオ・@ des man::hés nationaux des pa ys qui appaniennent à la ŒE. mセュ・@ sous ses rormes capita[isles caricaturales. l'intëgratÎOII セ」ッョュゥアオ・@ peUl favoriser l' augmemation du volume de production du commerce inlérieur et extérieur ». B. DUTOIT, op. cit., p. 2 11. 1. Voir par exemple P. DELwlT, J .M. DE WAU.E Ct J. GoroVITC1I, l." E,,,OfH" dts (Qn,numistes. Complexe. 1992.353 pages. pp. 197 et suivames. 116 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE n En évoquan t l'hypothét ique adhésion 'dan s sa conférence de presse, de Gaulle ne déclan.H-il pas qu'" il est à prévoir quI'! la CO.llition de tous ses membres Ide la ŒIlI qui seraie nt trè s nombreux, tres divers, n'y résisterait pas longtemps et. qu'en définitive. il apparaîtrait une communauté atlantique colossa le sous dépendance ct direction américaines et qui aurait tôt fait d'absorber la Communauté ・オイッー←セョN@ C'est une hypothèse qui peut parfaitement se justifier aux yeux de cenains, mais ce n'est pas du tout ce qu'a voulu faire et ce que fait la France et qui est une construction proprement européenne •. C. DE GAULLE, Discollrs l i ln/'sU/gu. POlir l'/'!forl, 1961-/965. Plon. 1970, 419 pages, pp. 10-11. Il Sur cene qDestion, voir p, Da.... rr. " Historique des relations entre la Communauté et les )XIys de l'Europe centrale et orien tale" in Un difi polir /11 Communmlli /'llropil'nn/' : lu ooll/CI'/'runrenrs Ù l'UI et au anlr/' du CO/J/fli/'/J/, Editions de l' Uni\'ersité de Bruxelles, 1991, 291 pages, pp. 1·15, 2' J, TERFVE. " Quelle Europe demain'! JO, Call;/'rs morxll'll'S, n" 23, mars 1916, l', 1, l> GROUPE oGセcn o m@ ).IARX ISTI!, op, cil .. l', 350, セ@ J, TEMfVE. op. cil .. p, 1, 17 .. La 」ッョヲセ、←イNオゥ@ européenne des syndicats a êlaboré un programme -C t je tiens à rappeler que les deux grandes organisations syndicales qui constituent en Belgique le front commun syndical fonl panie de cette conféd\'!ralion - qui comporte une série de revendications essentielles qDi s' in scrivent dans le même sens que les grandes options économiques et soc iales de l'alternative anti-erise dans notre pays el, en ce sens, elles offrent une ba!>C solide pour une action solidaire des forces de progrès à l'fchelle de la Commu· nauté JO , proclame Louis Van セケャ@ trois mois avanl les セi・」エ ゥ ッョウ@ européennes de 1919, L. VAN GEYT, '" Rapport au xiセ@ congrès du pcbセN@ Fairs fI urgunrm lS. n" 48,juin 1919, 1'1'.14-15, " Le s résultais des élections som les su ivants: セL@ = セ@ ..01'·11 ...• セ@ c ッ ャ セ ァ・@ francophone % 11,1 21.2 21.4 19,1 élus ',0 2 J 4 2 セ cッャiセァ・@ '" L@ "" Volksunie 'ffi rlI!erlandophooe % 15.3 48,0 20,9 9,7 élus 2 7 J 1,2 '" La conlribution du PCB rédigée par Piem: loye signifiai! clairement - en paniculier 11 1'311cl11ion des communistes françai s et so\'iéliques à une époque tendDe pour le mouvement communisle - l'assim ilation de la dimension européenne pour la Belgique et ... les communistes belges : « L' internationalisation crois· San te des échanges el leur augmentation r.lpide au scin de la cu faÎl apparaître que ce n'est)XIs en s' isolant commercialement qu'un pays comme la BelgiqDe lrouvera une solution à ses difficultés actuelles JO , comri bution complélêe par l'intervention en séance d'Augustin DDchateau spécifiant que " la CommunaUTé demeure un lieu sur Icquella bataille pour une politique de croissance équilibrée des pays et des régions el de développement de J'emploi peUl el doit élre menée .., P. j ッ カ セLB@ La contribution du )XIrti eommuniSle do: Be lgique à la rencontre des panis communistes des )XIYs capitalistes d'Europe, Bru,\ elles les 8 ct 9 OCIObre 1980 JO . FullS rrurguml'n/S, n" 62, décembre 1980, p, 12. A, DuoIATEAli,,, Inter\'ention 11 la rencontre " , ibid., p. 15, JO Voir par exemple P. JOYE." Les Etals·U ni s conlre l'Europe des dix JO , Calli/'rs marxistts, n° 106, septembre 1982. " J. DE. BROUWER!!, .. Rappon au comilé centr.ll du 14 mars 1981 : le PCB, la Belgique el l'Europe dans les rappons de fDree internat ionaux .., FailS /'1 argum/'/IIs, n" 64. avril 1981, n" 64, l', 8, Dan s son document priJXl11lloire au congrès de ヲ セカ イゥ・@ 1982.1e rapport du comité central ne fait pourtant référence qu'aux Etats-Unis: .. Une Communauté européenne dêmocratique peut aussi jouer un rôle imponant 、。ョ セ@ l':111it de la course aux armements et le dé)XIssement de la politique des blocs el dans la progression vers une réelle aUlonomie européenne à l'égard des Etats- Unis JO . .. Document pre)XIraloire sur les ーイッ「jセュ・ ウ@ du pani, Pour un pani plus uni sur des positions plus claires » , U Dra{J/'uIl rollg/', samedi 6, dimanche 1 et lundi 8 ヲセカイゥ・@ 1982. J:" xxv" congrès nalional du PCB, Résolutioos JO , Fairs (1 ur8"m/'n/s, nO80, avril 1986, p, 6, )J PARTI CO'>IMUSIS'Tl: OF. BELGIQUE. MumÏtslt /'urQpi t lJ du purli CQnultlmiSll', Sl'l:, 1984,22 )XIges, p, 21. }< Ibid" p. 16, :u El ce malgré les eITorls de que lques personnalités comme par exemple Jacques Moins. qui appelle !>Cs camarades à rinéchir et セ@ oser aborder les questions posées par ce projet: .. Bien de s questions se 117 LE PARTI COMMUNISTE DE BELGIQUE FACE AUX COMMUNAUTEs europセns@ bousculent. Avant toul. il faudra lever des options. fonnuler UII 」ィッゥセ@ clair. Faut·il oui ou non soutcllir des formes qui évoluent vers le fédéralisme européen ct limitent les souveraine tés nalionales qui le som déjà sur le terrain économique? ( ... ) Va+on favoriser le repli national ou avanœr vers les formes fédérales? Telle est la question posée _. J. moi N セウ@ . .. Demain quelle Europe? _. Cohit rs mor.ri"I"S, nO 124, juin 1984. p. S, )t Evoquam le エイ。ゥセ@ Spinclli, Danie l Fedri go préeisait : .. Pour ce qui concerne la résolution sur la· quelle nous devons nou s prollOnCer, nous l'appuierons mais avec des réserves. Pourquoi cet appui? Ceue résolution invite nOIre gouvememelll il ralifier le projet instituant l'Union européenne. Le projet Spinelli accroilles pouvoirs du Parlemem européen et reduit 」・オセ@ du Conseil européen et du Conseil des ministres. Pourquoi des réserves? Parce que ce projet atcroÎt les pouvoirs de la Commission même si dans le même temps. illa fait illvestir avec son programme par le Parlement européen. la Commissioo devenant ainsi en quelque sone responsable devant le Parlemem européen _. U Dropem, rouge. 26-27 mai 1984. jl Les résultats des élCCIions sont les suivants: Collège rrancophone % Ecolo セL@ '" 9,9 24.1 '90 セ@ 34.0 セ@ 2,8 Collège néerlandophOlle % élus Agalev 3 2 5 m m "Volksunie Lセ@ Vlaams Blok 7.1 14.2 32.5 28.1 13.9 0,7 élus 2 4 4 2 2, ' Avant cene échéance. il lui restait deux députés et un sénateur. )t Le parti socialiste et Je socialistische panij qui ont vku la législature 1981· 1985 dans l'opp0::>5ition ne libérale-chrétienne lors de ces élections . parviennem pas à vaincre la ュ。ェッイゥエセ@ .. .. Le s 。ョセ・ウ@ 78·79 ont marqué une ruplure. après 25 ans d'oscillatiOl1 de s イ←ウオャエ。セ A ・」エッイ。 オセ@ autour d'une moyenne d'environ 3% et la suite des mauvais résultats. depuis lors jusqu'à aujourd·hui. ne peul laisser présumer une remontée rapide: l'avenir électoral du l'C fait dOliC question _. proclame un document du bureau fédéral bruxellois. « Vers le xx .... congrès natiOl1a! du 1'ClI. premier bilan de la discussion dans la fédératiOll 「イオセ・ャッ[ウ@ _, pcBrw:ellts . nO68. février 1986. p. 3. エ ゥアオ・セL@ Cahiers ml.lrxüUr. décembre 1988. • , D. VOI'CKX. « La 8auche en 1992. remplir un vide ーッャゥ nO164. p. 93. U II y 8 actuellement en Belgique trois C()mmunamés _ francophone. néerlandophone et gemlanopllone - dont les CQlTlpétences sont essentiellement d'ordre culturel et, depu is 1988. trois régions - wal· 10l1Jle. flamande et bruxelloise - dont les C()mpétences sont aVant tout kooomiques el sociales. • ) « Texte discuté par le cHIュゥエセ@ central du l'CB ". Cahiers morxislb. 11° 152.juin 1987. p. 73. "« Pistes pour une approche alternative de la construction européenne _. in r;o'( congris nOlionol du PC6·Kf6. Europe 91. Bruxelles 18·19 man 1989, p. 3 . • ! Ibid.• p. 3. .. Souligné par IlOUS. "" Pistes pour une approche alternative de la construction européenne _. op. ("il .• p. 4 . .. .. Pour une plofonde démocratisation de la Communauté ». Faits tI arsummls. nO91. !oCptem · bre 1989.1'.3 1. .. Orientation que défend la majorité du parti communiste. Les 18 et 19 février 1989. les commun istes francophones votent il l'unanimité moins on7.e abstentions (bruxelloi!oCs) une résolution demandant que la régionalisatioo soit ftendue au crédit. il I·agriculture. au commerce extérieur. Il la politique énergé tique. aux au développement. " Vers le fédéra· affaires européennes à .. incidences régionales _ et il la セイ。エゥッョ@ lisme démocratique _. rfsolutioll du 」ッョXイセウ@ du PC. 18·19 février 1989. 3'1 Dans son rappon au congrès. le président national. Lou is Van Geyt. insiste sur celle dimension: .. Il peut paraître insolite aux ケ・オセ@ de nos invités que notre congrès cOllsaere presque exclusivement son onen· t;OI1 à la dimension européenne de la réflexioo et de ャG。」エゥカセ@ des communistes de Belgique. Si n<Nre con· grès a choisi ce thème. c'CSt emre aut res parce qu'un avenir commun européen apparaît davantage assuré (ou 11 tOIHle moins davantage inéluctable) pour les peuples flamand et wallon et la politique bruxelloise que lt 118 LA GAUC/IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE l'avenir durable de la strucmre étatique belge ". "Rapport de L. V"N GEYT au xxvr congres ", Faits rt ornQ 91, septembre 1989, p. 25. " Parti trotskyste membre de la IV< Internationale. " Elle recueille 26.471 voix sur un tOial de 3.618.907 de suffrages! .. .. Une première conclusion de CI.': qui précède: pour l'heure. I"IOtre avenir parJ.it bouché sur le plan é lectoral et rien Ile laisse prévoir un dégagement relativement proche. C'est singulièrement vrai en CI.': qui conceme les é lee1Îons européennes de juin 1989. Le Conseil considère que, tout en participant le plus activement possible au déoo.tlié à ce scrulin. il convient celle fois de ne pas déposer de liste de candidats du PC aux " européennes "' ... NOle de travail su r le devenir du PC approuvée par le Conseil francophone (26 00vembre 1988) ", rapporl ronéo')''';, 10 pages, p. 4. " Rappelons qu'il était absolument exclu que le l'CH ai t un élu. Onze parlementaires francophones de Belgique siègent au Parlement européen, il faut donc récolter environ 10% pour gagner un siège, score inimaginable pour le l'CIl. "" Les communistes et les élections européennes ", rlsolulioll dit coIIgrh dit PC, bイオセ・ャウL@ 18-19 février 1989. ,. Celui-ci a récolté plus de 288.900 voix de préférence, soit 30% des voix recueillies par le p.lrti socialis1c. Les résultats des ←ャセ Qゥッョ ウ@ som les suivan1s : ァオュセョャウL@ Collège fr:mcophone % ""10 16,6 'oc = 18,9 21,3 セ@ 38.1 élus 2 2 2 , Collège oéerlandophone Agalev セL@ セL@ "Volksunie Vlaams Blok % 12,2 17,1 34,1 élus 20,0 8.7 3 , 2 6.6 " Celle-ei a ré<:olté 23.100 voix de préférence. '" PARTI COMMUNISTE, El/roM POl" ql.; ?, 1989, p. 3. ,. Le parti communis1e a li cene occasion Q・ョ セ@ de lancer un joumal progressis1e Iflargi à de nouvelles mouvances de gauche, Liberlis, Le projel poli1ique e1 financier fUI si peu éwdié que quelques mois plus lard, Liberlés fut liquidé. Depuis le 1- décembre 1992, le PC publie un mensuel, AI·al/cte!! . .. Voir M. MACIS,« Un énorme besoin d'union, Maastricht. Un sommet dans la slrlUOspMre,., A"uli ' CÙ!! dlmocra(jql/tS, nQ 100, novembre-décembre 199 1 ; M. MAGJS , .. Europe? L'urgence d'un déba1 >l, A"u/ICù!! dlmocraliqut!!, nO 103, mai 1992. • , Citons entre aUlres le numfro spécial « Europe 92, quelles stratégies pour la gauche? ", aoiIt· sep1embre 1989 et le numfro spécial « Démocra1ie, la dimension internationale ", sep1embre 1992, nO 186. 101 Voir lice sujet P. Du ...·rret J,M. DE WAf.I..E, « Decl ine and FaUof1he C<HlImUniS1 Party of Belgium " ill Paul HEYw(l()l) and D. Buu.. \l'ni Europecm Commllllisi Rcspo/lSts 10 1989 and 1991, Macmillan, 1994 (li paraître). L'opposition du parti communiste portugais à l'adhésion à la CEE Carlos CUNHA « Ce n 'cst pas le Ponugal qui entre dans la Communauté européenne! C'est la Communauté européenne qUÎ enlre dans le Ponugal ! » 1. Introduction Tout au long de son histoire, le parti communiste portugais (pep) 1 s'est opposé à J'intégrat ion européenne. En 1972 déjà, le pep critiquait les re lations entre l'Association européenne de libre échange (AELE) 2 el la Communauté économique européenne (CEE) J. Noire contribution analyse les positions du parti communiste à l'égard de l'adhésion du Portugal à la CEE depu is 1972 4. Pour quelles raisons le pep s 'est-il opposé sans cesse à ceUe adhésion el, après celle-c i, à toule évolution vers davantage d' intégration européenne ? Comment la luite du part i communiste contre la CEE a-t-elle évolué? Quelles ont été les options tactiques et stratégiques poursuiv ies par le parti ? Qu 'espère le pcp en adoptant une alt itude aussi hostile? L'argumentaire du parti communiste a été très unifonne dans le temps, sans véri table liaison d irecte avec les développements de la CEE. Néanmoins, pour faci liter notre ex posé de ses positions, nous avons di stingué quatre étapes: 1. la demande d'adhésion, 2. l'adhésion à la CEE, 3. l' Acte unique européen, 4. le traité de Maastricht. Nous examinerons les principaux arguments à chaque étape. Généralement. le parti communiste s'est rallié à des arguments que l'on pourrai t qualifier de « catastrophistes » et « tiers-mond istes» sur les effets de l'adhésion. Par exemple, il a beaucoup insisté sur l' idée que loin de résoudre les problèmes économiques du Port ugal, l'adhésion accroîtrai t la dépendance de la nation envers le monde extérieur. Le Portuga l serait plus profondément intégré dans la « d ivision internationale du travail voul ue par le capital monopol istique» ; entraînant par là même une perte considérable de souveraineté. Le 120 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EU ROPE parti com munisle a aussi ex igé du gouvernement qu ' il infonne la population sur le processus d 'adhésion ct ses conséquences, estimant que cette dernière s'y opposerai t si elle était infonnée. Pendant plusieurs années, le PCP a centré son analyse sur certains secteurs économiques pour montrer l' impact négatif de l'adhésion sur l'économie portugaise. L' un des principaux feitmoril'c a été que la CEE avait pl us investi le Portugal que le Portugal n'était entré dans la CEE. 2. La demande d'adhésion Historiquement , le parti communi ste n ' ajamais approuvé ['intégration du Portugal dans la Communauté économique européenne. Il a mis constamment en évidence les aspects négat ifs de l' intégration européenne. En avril 1979. le part i organ isait un séminaire ouvert aux étudiants, aux travailleurs et à toute autre personne intéressée, consacré à l'adhésion à la Communauté 5. Il est uti le de s'attarder sur certaines des conclusions tirées lors de cette rencontre parce qu'e lles sont symptomatiques des éléments que le PCP utilisera contre J'adhésion ou contre l'approfondissement du processus communautaire. A cette époque, les communistes prétendent que l'entrée du Portugal dans la CEE ne résoudra pas les problèmes économiques et qu 'elle n'arrêtera pas la spirale inflationni ste; ce qui contred isait les arguments selon lesquels l' adhésion serait un facteur de croissance pour les nati ons les moins développées d'Europe occidentale. Les communistes portugais estiment qu ' une ouverture des fro ntières contribuera à augmenter la dette extérieure dans la mesure où il faudra couvrir le défi cit commercial qui résultera inév itab lement de la forte croissance des importations. Un plus grand endettement subordonnera de plus en plus l' intérêt national aux intérêts étrangers, menaçant de la sorte le secteur banca ire national isé. Adhérer à la CEE et, à travers elle, à la divi sion capitaliste internationale du travail , ramènera la nation aux cond itions économiques de dépendance qui prévalaient avant et juste après la révolution du 25 avri l 1974 6 . A la fin des années soixante-di x, le Portugal avait un secteu r primaire arri éré el des secteurs de l'industrie légère (l'électronique) étaient hypertrophiés de sorte que plusieurs étapes du processus de production et leurs marchés respectifs échapperaient au contrôle du pays. Selon les conclusions du séminaire, une adhésion à la CEE béné fici erait aux seuls secteurs présentant un intérêt pour les filiales de firm es multinationales. Par ailleurs, le parti communiste considérait que "indépendance agricole du Portugal serai t menacée par les exportations en provenance de la CEE et des Etats- Unis. D' une faço n plus globale, le PCP présentait les personnalités favorables à l' adhésion comme des hommes-liges des intérêts du capi tal monopolistique, dé faits lors de la révolution et qui voulaient restaurer le capitalisme au Portugal. L'OPPOS IT ION DU PARTI COM MUNISTE PORTUGAIS À L'ADHÉSION À LA CEE 121 Pour le parti comm uni ste. le Portugal devait poursuivre. au contraire, une slralégie de développement adaptée aux besoins du pays el encourager notamment une coopérat ion internationale accrue (autrement di!, développer les pOlentialilés commerciales avec le bloc de l' Est) 7. Un autre argument étail que le sous-déve loppement technologique el structurel du pays condui rait à l'échec ou à la fu sion de beaucoup d' industries et accélérerait la fai llite de pet ites et moyennes entreprises. li s'ensuivrait auss i une sous-utilisation des capacités excéden taires d'industries comme la construction navale. De plus, le pays perdrait une grande part de sa souveraineté en matière de droits de pêche et souffri rait, face à la concurrence, en raison de la vétusté de sa flotte ; tous éléments accroissant la dépendance à l'égard de décisions prises hors du Portugal. Il faut y ajouter que les intérêts portugais seraienl subordonnés au com merce eX lérieur el que les grandes surfaces ruineraient nombre de petits détai llants. De même, l' adhésion diminuerait J'accès aux sources d 'énergie indépendantes, ce qui entraverait les possibil ités de développement d'une politique énergétique propre. Dans la mesure où la Grèce et l'Espagne souhailaient aussi adhérer à la CEE, le Portugal devrait faire face à une concurrence de plus en plus sévère pour des produits similaires, sur les marchés intérieu r et ex térieur. L'indépendance en mat ière judiciaire et légis lative di minuerait aussi puisque le Portugal serait soumis aux règlements et aux lois de la CEE 8. Ces positions ont été réaffirmées lors du I X' congrès du parti , en mai 1979 ' . Une fois encore, le l'CP exposa les raisons de militer contre une adhésion éventuelle du Portugal à la CEE : il affirmait notamment que la volonté d ' intégration découlait du désir des forces réactionnaires, des réfonnistes et des impérialistes de restaurer le capi talisme monopoli stique et la domination de type lalifundiaire à travers le capitalisme monopolistique d'EtaL Toutefois, le congrès mit davantage l'accen t sur J'idée d'un .complot plus complexe. L'adhés ion élait util isée pour justifier l' avènement d ' un gouvernement de droite, l' alliance du PSP avec les partis réactionnaires et une tentative anticonstitutionnelle de modifier la Constitution. D'autre part, l' intégration conduirait à la destruction de vastes pan s de l'économ ie nationale. Le parti communi ste soulignait encore le droit de la popu lation à connaître les détails, gardés secrets par le gouvernement, d ' une adhésion. Le PeP reprit ces griefs fond amentaux par la suite avec quelques variantes. En 1980, le parti tint une grande conférence à Porto inti tulée «. Non au marché commun » 10. Au début de 1981, le PeP mit en évidence le mécontentement de plusieurs pays membres à l'égard du fonct ionnement de la CEE au point d 'envisager de s'en reti rer (le Royau me-U ni et l' Irl ande). Les communi stes relevaient aussi les nombreux problèmes minant la CEE - en part iculier le chômage - et le fail qu 'elle les avait exportés en Grèce. En cas d ' adhésion, le Portugal serait lui aussi touché Il. 122 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE 3. L' ad hésion à la CEE Le Ponuga l fi adhéré officiellement à la CEE en 1986. Le pani communiste intensifia sa campagne et déclara que, j usqu ' alors, toutes ses analyses s'étaient vérifiées. Contre les tenants de l' adhésion, le pep assurait que la CEE n'apponerait aucun bénéfice économ ique au pays 12. Il prit l'exemple de l' industrie nationa le de la pêche pour prouver que les conséquences de l'adhésion seraient les mêmes que celles que craignait la Norvège, qui l"avait final ement rejetée. Il sout int que la cohabitation entre grandes et pet ites mu ions, au se in d'une organisation internationale, mènerai t inév itablement à la domi nation des premières sur les secondes - argument appelé à être développé. Selon le pani communiste, le pays se rendrait de pl us en plus compte que les décisions essentielles étaient prises par des bureaucrates é loignés plutôt que par ses propres dirigeants Il. Examinant la situat ion après neuf mois d 'adhés ion, le peP affinna que ses critiques étaient plus justifiées que jamais. Alors que 'le gouvernement subordonnai t les intérêts nationaux à la CEE, le pani commun iste prétendit qu ' il préservait ceux-ci par l' intennédiaire de ses représentants au Parlement européen . Mai s. plus l"i ntégrat ion du Ponugal dans la Communauté devenait effective. plus la situation s'aggravait. L' industrie ponugaise étai t déjà menacée par la concurrence extérieure , principalement espagnole , dans le domaine du textile. de l'acier et des produits en conserves. La CEE com mençait à imposer des quotas de production aux agricu lteu rs - par exemple pour les tomates et en imposant la destruction de vignes. Le Ponuga l avait même été contraint d ' acheter des céréales à la CEE à un pri x supérieur de 12% au cours du marché international. Les fi liales de multinationales étaient en train de prendre le contrôle des quelques rares secteurs restés compétit ifs, comme celui du liège (bouchon), du pono et de la viande. Depui s l' adhésion, la balance commercia le enlre le Ponugal el la plupan des autres pays membres s'était dégradée. Le pays avait cédé à la division internationale et régionale du travai l, perdant son indépendance économique. Généralement pl us petites que ce lles de la CEE, les entreprises ponuga ises subissaient de plein foue t la concurrence des grandes entités, favorisées au demeurant par la Communauté, notamment dans les secteurs du vin . du lait. des tomates, des o li ves ou encore dans le secteur énergétiq ue 14. Le PCP concluait sa démonstrat ion en prétendant être le seul qualifié à défendre le Ponugal, mai ntenant que l'adhésion était une réalité, parce qu ' il l' ava it comballue avec le plus de véhémence i セ N@ Au Parlement européen. les communistes ponugais re layèrent ces critiques et soulignenl paniculièrement le fait que le Portugal n'avait que vingt-q uatre sièges sur cinq cent d ix-huit, soit une représentation ridicule à leur yeux. Aux élections de juillet 1987. le parti communiste fil campagne au nom de la défense des intérêts du Ponuga l comre l'emprise communautaire de nature capita liste 16. L'OPPOSITION DU PARTI COM/'. IUNISTE PORT UGAIS À L' ADII ÉS ION À LA CEE 123 4. L 'Acte unique euro péen Après rentrée du Portuga l, le part i communiste s'est montré hosti le à tout changement ou à tout développement des insti tutions de la CEE. Après la signature de l' Acte unique en 1987, le pep affimlait ainsi que ce nouveau tra ité permellait à une majorité d'Etats d ' imposer leur volonté à une minori té. A l'aveni r, le POllugal ne pourrai t plus user du droit de veto contre des décisions qui lui seraient défavorables. En outre, l'Acte un ique était critiqué dans la mesure où il préfigurai t l'établissement d' une pol itique ét rangère et de sécurité com mune, affaibl issant plus encore l'indépendance du pays. II est important de noter que pour nuancer son image d 'opposant irréd uctible à la CEE, le pcp déclare. à ce moment, lu tter contre tou t ce qui affaiblit l'i ndépendance pOllugaise mai s ne pas remettre en cause l'appartenance à la CEE 17. Le part i communi ste a dressé un parallè le entre sa lutte contre l'Acte unique européen et son combat contre l'adhésion. Il s'était montré hostile. à l'entrée d u Portugal dans la CEE car il affirmait que les aut res Etats membres de la Com munauté exploi teraient un Portugal sous-développé. Une étape supplémentaire dans l'intégration, te lle que conçue par l'Acte unique européen, aurait les mêmes e ffets: une pénétration accrue des in térêts étrangers, un affaibli ssement de l'économie intérieure avec pour conséquence. un accroissement du chômage. Néanmoins, cet argument était d iffici le à étayer dès lors que l'afflux de capitaux en provenance de la CEE avai t généré des emplois nouveaux. Qu ' importe selon le PCP, le Portugal resterait à la périphérie de l'Europe ct fournirai t aux monopoles étrangers une main-d 'œuvre bon marché. Le part i communiste continua d' insister par ai lleurs sur le fa it que l'empri se des nations les pl us importan tes de la Communauté sur les plus petites s' accroîtrait 18. Mais il était clair que depuis l'adhésion, le pcp avait pour objectif de mi nimiser les dommages causés à la nation, à ses travai lleurs, aux peti tes et aux moyennes en trepri ses agricoles, aux négoc iants, aux industriels, etc. et non de faire campagne pou r le retrait de la CEE 19. Comme l'opposition à la CEE s'avérait de plus en plus difficile pui sque la Communauté subsidiait de nombreuses in itiatives au Portugal, le parti fit valoir qu 'en période transitoire la Com munauté ne présentait que des aspects favorables et qu ' il était im poss ible de dresser un bilan rigoureux de l'adhésion. Jusqu'à la fi n de 199 1, le pays pourrait recevoir davantage d'argent qu'i l n'en débourserait - alors que le pcp avait prétendu le contrai re 2<J. Après 1992, cependant , J' illusion se dissiperait . Que pourrait espérer un Portugal qui recevrait moins de fonds, importerai t plus et exporterai t moi ns? Le pcp soutenait que le déficit commercial grandissant avec la CEE anticipait les problèmes futurs. La libéralisation des transferts de capi taux et des investissements ét rangers condu irait à une dépendance accrue vis-à-v is de l'étranger et diminuerai t le con trôle du Portugal sur ses propres ressources. Le Portugal devai t donc 124 LA GAUOIE FACE AUX MlJfATIONS EN EUROPE renégoc ier son adhésion en des tennes plus favorables aux nations européennes les moins déve loppées 21. En préparai ion au Xl f congrès, le parti communiste organisa une « rencontre nationale» pour discuter du bilan de deux années et denti d 'appartenance à la CEE. Il concl ut au bien-fondé de son analyse . L 'Acte unique européen lui paraissait poser quatre problèmes majeurs. 1. Avec la disparition des frontières, le Portugal se trouvait faire partie d' une Comm unauté différente de celle à laquelle il avait adhéré. Il devait donc renégocier des conditions pl us favorables . 2. La date prévue pour la mi se en œuv re de l' Acte unique coïnc iderait. dans bien des domaines, avec la fin de la période de transition postérieure à l'adhésion. Le changement n'en serait que plus radical. 3. La révolution scientifique induirait également des problèmes pour le Portugal. 4. Ces transfonnatÎons s'accompagneraient de pri vafisations, d' un affaissement de la réfomle agraire, d ' une réduction des droits soc iaux et e lles augmenteraient l'exploitat ion du capital dans le pays. Afin d'affronter ces problèmes, il faudrait imaginer des politiques nouvelles en fave ur du déve loppement national . Il faudrait notamment restreindre fon ement l' installation el la croi ssance des filia les de mult inationales. Le pays devait prendre des précautions sérieuses en matière d ' union monétaire ct de laux de change. Le parti commun iste discuta en détail des mesures additionnelles à trouver avanlles élections au Parlement européen en 1989 n. S. Le traité de Maastricht A la résistance du pcp à )' Acte unique, succéda une frond e contre le traité de Maastricht dont le caractère vague mettait en péril l'i ndépendance du Portugal et qui n'avait pas fait l'objel d ' un vrai débat. L'ouverture des fronti ères risquait de pénali ser davantage les nat ions périphériques en raison des surcoûts dûs au x transports si des mesures compensatoires adéquates n'étaient pas prises afin de garantir la compétit iv ité 23. I! était prévu que le Portugal fra nchi sse une nouvelle étape en matière de politique agricole commune (PAC) en 1995, au tenne de la seconde phase de l'i ntégration. A ce moment. les rég lementations agricoles de la PAC s'appliqueraient stricto sensu au Portugal, sauf en mat ière de pri x des céréales jusqu'en 200 1. Suite aux restrictions de l'Accord général sur le commerce et les tarifs (GAn), les prix agricoles dev raient être abaissés au ni veau des prix mondiau x. Les pressions améri caines exercées à travers le GATT, pour réformer les prix et la pol it ique de la CEE, ne prenaient absolument pas en compte la di versité et les besoins spéc ifiques des différents Etats membres de la CEE R セ N@ Le pcp se targua alors de son opposition pennanente à l'Union européenne. Depu is le début, il ava it accusé le gouvernement d'escamoter le con- L'OPPOSITION DU PA RTI CO MMUN ISTE POR11JGAIS À L'AD HÉS ION À LA CEE 125 tenu du traité afin d ' interdire tout débat. Dès l'entrée dans la CEE, le PeP avait affirmé que les autori tés gouvernementales s' appropriaient J'infonnation en réduisant les procédures parlementaires de contrôle. Aussi, le part i communiste prit-il des mesures au ni veau parlementaire pour susci ter un débat sur l'U nion européenne. Insuffisant au plan social , le lraité de Maastricht consacre, à ses yeux. une intégration européenne plus poussée sur base d ' objecti fs néo-libéraux. Même si les décisions fi nales en matière de pol itique étrangère et de sécurité commune ne sont pas encore arrêtées, des pas considérables ont été accompl is dans cette voie. Selon le PeP, les décisions prises à Maastricht risquent d ' aggraver le « défi cit démocratique» en minimisant le travail des parlements, vérilables représentants des peuples dans les Etats membres : les décisions importantes sont souvent prises à huis clos par les exécutifs. Et de réclamer un large débat sur l' impact de ces mesures au Portugal, avant la prise de décision au Parlement 2}. Ainsi, après s'être opposé à l' adhésion, le parti communiste portugais se bornait-il désormais à stigmatiser le traité de Maastricht, sans remeHre en cause l' appartenance à la CEE 26 . Tout au long de 1992, le PCP continua à s'opposer à une intégration plus poussée, sous prétexte qu 'elle réduirait les acquis sociaux 27 el diminuerait la démocratie au Portugal en élargissant les pouvoirs de la police et l'accès au fi chier des citoyens. Il reprochait au gouvernement d ' occulter des questions importantes, comme Timor oriental, la pauvreté, le chômage, etc. Le parti défendait toujours la même ligne: le maintien de la souveraineté portugaise et le rejet du traité de Maastricht à remplacer par une collaboration avec d 'autres Etats sur un pied d 'égalité. A ce stade, le PCP combattait le traité dans la mouvance de la conférence de quatre j ours de jui n 28 . Le traité de Maastricht a mobilisé le parti communiste plus que n' importe quelle au tre mesure prise auparavant dans le cadre de l'imégration européenne : la monnaie unique, disait-il, rédu irait la marge de manœuvre de chaque pays en orientant son économie; les développements infrastructure ls menés à l' aide des fonds de la CEE favoriseraient la domi nation des multinationales sur l'économie nat iona le au lieu de rendre les entreprises nationales concurrentielles. Le traité de Maastricht devait aussi conduire à une politique monétaire unifi ée. De plus, dans la logique de son opposition aux engagements portugais dans des actions militaires à l'étranger (golfe Persique, yougoslavie •. ..), le parti communiste rejetait la PESe puisque le Portugal serait alors suscept ible d'être pl us souvent impliqué dans des action s mil itaires 29. L'élargissement du droit de vote à la majorité constituait un autre grief des communistes portugais, puisque cela pouvait cond uire la Com munauté à imposer ses vues à une minorité. En particulier, le pcp reprochait qu'aucune décision ne puisse être pri se si le Royaume-Uni, la France et l' Allemagne s'y 126 LA GA UCIIE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE opposaient conjointement, dans la mesure où ces trois Etats totalisent trente voix et que la majorité qua lifiée nécessite cinquante-quatre voix sur soixanteseize. En revanche. si la Grèce, le Portugal, l'Irl ande et le Danemark s ' opposaient à une décision, leurs vingt et une voix se révéleraient insuffi santes pou r la bloquer. Les Et:lls perdraient une part considérable de leur indépendance et de leur souveraineté dans des domaines aussi variés que la pol itique monétaire, les échanges de dev ises et le budget, la politique étrangère et la sécurité intérieure. Pire, ces pouvoirs seraient transférés à des organ isations supranationales qui ne seraient pas associées à la volonté des citoyens de chaque Etat. Le PCP vit dans la réaction de la Com munauté européenne au « non » danois un exemple de la perte d ' autonomie potentielle des peti ts Etats. Le peu d 'égards, voire le mépris pour les intérêts danois, a illustré ce que ferait une organisation internationale face à l'opposition de l' un de ses mem bres les plus petits. Comme plusieurs panis portugais recommandaient la tenue d ' un référendum populaire sur la rat ification du. traité de Maastricht, le pcp affinna Que pour ce faire, il fa ll ait amender la constitution, ce qui n'était pas envisageable com pte tenu des dispositions de révision constitut ionnelle. Le parti com muniste était opposé par principe à ce procédé. Avec le temps. des opposants internes au parti convai nquirent la direction de nuancer son alt itude. Le l'CP proposa son propre plan de révision de la constitution, limité à la seule possibi lité d ' organiser un référe ndum 30. 6. Conclusion: le l'CP, les critiques et la Ct:t: Dans les pages qui précèdent , nous avons privilég ié la ligne officie lle du parti commun iste face à la CEE. Mais nombre de voix discordantes se firent entendre au sein du pcp sur le rejet. Depui s 1987 , le parti a cessé d 'être monolithique et son attitude à l'égard de la CEE a été une des pommes de di scorde entre rénovateurs JI el orthodoxes. Les rénovateurs dénoncent généralement l' incapacité de certains responsables à comprendre et à s'adapter au x transfo rmations du Portugal, facilitées par la CEE, pour justifier une approche nouve lle du parti communiste. Dans celte perspecti ve, la question de l' appartenance à la CEE est devenue un révélateur des potenti alités de changements imemes. Les « orthodoxes» ont toujours la mainmise sur la direction du parti . Alvaro Cunhal en est la personnalité la plus symbolique 32. Ses analyses de la société portugaise ont eu un impact profond sur l' opposit ion du parti communiste à l'adhésion à la CEE. Il insistai t sur le fail que les spécificités du Portugal requéraient une approche unique du sociali sme, à savoir ce lle que lui donnait le PCP. Les principau x moyens de production dev iendraient la propriété de tout le peuple. Tout un chacun aurait le droi t au travail , à l'éducation, aux soins de santé, au logement et au repos. L'exploitation de l'homme par l'homme di sparaîtrait H , Etant donné que le capitalisme monopolistique était plus intéressé L'OPPOSITION DU PARTI COM MUN ISTE PORTUGAIS À L'AD HÉSION À LA CEE 127 par l'exploitation des ressources nationa les que par la modernisation du pays, Cunhal concluait que le Portugal continuerait d 'êlIe le pays le moins développé d ' Europe occidentale. A ses yeux, le pays était divi sé entre un capitalisme monopoli stique et une pratique latifundiaire d ' une part et, d 'autre part , le prolétariat (ouvriers industriels et agricoles), les paysans (petite et moyenne agriculture), la petite bourgeoisie urbaine, quelques secteurs de la bourgeoisie moyenne et les intellectuels 34 . Se lon Cunhal , dès lors que le capitalisme monopolistique dominait encore l'économie et la politique en Italie, en Espagne et en France. les partis communi stes de ces pays devaient s'adapter à la démocratie parlementaire libérale. En revanche, au Portugal, le capi talisme monopoli stique et les lati fund istes avaient été fort affaiblis par la révolution du 25 avril 1974 de sorte que le PeP n'était pas contraint , comme les partis communistes ouest-européens, à choisir la voie la plus lente - évolutionniste et démocratique-bourgeoise vers le socialisme. Les dirigean ts du PeP clamaient leur attachement au marxisme-léninisme parce qu' il avai t pennis une transforma tion radicale non seulement des structures politiques mais aussi des structures socio-économiques de la société portugaise JS. Cunhal insistait sur le fait que le Portugal n ' avait pas de classe moyenne très développée et que les communistes européens fai saient fausse route en cherchant à diminuer l'importance de la classe ouvrière au profit des classes moyennes. Tant que la soc iété portugaise - largement agraire - évoluait lentement vers le développement et l'industri ali sat ion, les travai lleurs en col bleu demeuraient une force importante au sein du parti communiste. En revanche, si le pays évol uait vers une société post-industrielle, les dirigeants du pani devraient songer à élargir leur base électorale aux classes moyennes mais, selon Cunhal, il ne s'agissait que d ' une hypothèse. Pour Alvaro Cunhal, compte tenu du sou s-développement du Portugal, les transformations en cours signifieraient avant tout une industri ali sation du pays qui élargirait de la sorte la classe ouvrière. Elles polariseraient aussi certains des groupes politiques qui avaient été alliés aux travailleurs durant la première étape de la révolution 36. Néan moins, les diri geants du PeP essayèrent de recruter des électeurs dans un éventail des classes sociales aussi large que possible. Plutôt que de critiquer la petite bourgeoisie en tant que classe et risquer de perdre son soutien, les responsables du parti ont attaqué des groupes spécifiques qui aidaient le capitalisme monopol istique et les latifundistes à compense r les pertes causées par la révolution (les grossistes, par exemple) 37. Le sous-développement, un niveau élevé d 'analphabétisme et une absence de tradit ion démocratique, enlre autres, convainquirent Cunhal de ce qu ' une démocratie libérale ne pouvai t fon ctionner au Portugal : pour ressembler aux autres pays d'Europe occidentale, le Portugal devait réinstaurer le pouvoir 128 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE. monopol istique, le capilali sme ・セ@ le capitali sme monopolistique d 'Etat, ce q ui irait à l'encontre des théories du PCP. L'orthodoxie des dirigeants communistes ne pouvait qu'en faire des opposants à l'adhés ion à la CEE. Ils ont cependant nettement sous-estimé l'impact de l' entrée du Portugal dans celte organisation. Ils croyaient que la bourgeoisie portugaise refu serait la démocratie et chercherait à restaurer la dictature pour rester compéti ti ve au niveau international. Une intégration accrue dans les économies internationale et européenne, assurait le PCP, ne ferai t qu'accroître la menace dictatoriale . Cette analyse s'est révé lée fausse étant donné l'aide que la Communauté européenne a fa it parvenir au Portugal bien avant l' intégration définit ive, en 199 1. Pourquoi le parti communiste s'est-il opposé à l'intégration européenne pendant tant d 'années alors que certaines de ses organisations périphériques étaient encouragées à demander des fonds communautaires et à s' impliquer davantage dans les programmes de la CEE? N'était-ce pas là une reconnaissance de/aero de la CEE? L'appli cation des programmes de la CEE a plus souvent aidé le pcp que l' inverse la . Cec i confirme ce que beaucoup d ' observateurs avaient pressenti, à savoir que les dirigeants du parti communiste n' avaient pas de position unique sur les transformations affectant la société portugaise. Mais ils n'en défendaient pas moins la ligne offi cie lle: même si le parti reti re quelque avantage de ces opportunités économiques, ce la ne signi fie pas que la CEE ne nuise pas au Portugal ni que ses analyses à long terme soient incorrectes. L'entrée du Portugal dans la CEE aeu aussi un impact sérieux sur l'organi sation syndicale la plus importante, la confédé ration générale des travai lleurs portugais (CGTP), dominée par les communistes. Conséquence d' une modernisation rapide, la confédération affronte désormais une crise syndicale englobant : - les répercussions de l'adhésion à la CEE; - une ouverture plus grande de l'économie aux finnes multinationales; - une révolution technologique et un transfert du travail du secteur secondaire vers le secteur tertiaire ; - une concurrence de plus en plus forte de l'union généra le des travai lle urs (l'UGT). dominée par les sociali stes. C'est à bon dro it que la CGTP s' inquiète de la réduction de ses effectifs. Elle s'est aussi préoccupée davantage de s'adapter à la situation économique nouvelle créée par l'appar1enance à la CEE et d 'étud ier son impact sur le travai l organisé 39. La crise se traduit aussi par le déclin très sign ificatif du par1i communiste, au niveau électoral et en nombre d 'affili és, depuis le début des années quatre-v ingt. Il a perdu la moitié de son électorat de l'époque qui s'é levait à environ un million deux cent mille voix 40. Aussi longtemps que les cond itions resteront les mêmes. il sera difficile pour le PCP de changer. Tant que le pays L'OPPOSITION DU PARTI COMMUNISTE PORTUGAIS À L'ADHÉSION À LA CEE 129 progressera vers l' industrialisation, les communistes conserveront une certaine base électorale chez les ouvriers et les travailleurs en col blanc du secteur des services. Mais il y a tassement progressif. Le parti se retranche électoralement, avec un peu moins de succès, dans la « ceinture rouge» et chez les travailleurs agraires de l'Alentejo. Mais si l' on tient compte de son influence dans différenles organisations périphériques, en particulier les syndicats, l' impact du peP dans la société est bien plus important et plus significalif que les 8.8% atteints aux é lections parlementaires de 1991. Nous ne pouvons pas mesurer par le seul indice électoral l'importance et la portée d ' un parti qui n 'espère pas arriver au pouvoir par la voie é lectorale. Nous devons aussi garder présent à l'esprit le fait que le pep a oblenu 8,8% au cours d 'élections qui se sont tenues deux mois à peine après que le parti communiste ait apporté son soutien au coup d ' Etat en eX-URSS. En dépit des apparences, de nombreux observateurs estiment qu ' une évolution s'est produite dans le parti. Des membres de la « troisième voie », qui espèrent changer le parti, ont affinné que le parti se transfonnait bel et bien. Par exemple, lors des élections pour le Parlement européen, la fonnation communiste a modifié sa propagande et son image électorales. Davantage d '« européanistes }) et des cadres p lus jeunes (pas seulemenl les dirigeanls orthodoxes trad itionnels) figuraient sur la li ste du parti. Aboïm Inglês, tête de liste lors des élections européennes précédentes, a été remplacé par Carlos Carvalhas. le nouveau secrétaire général plus ouvert à l'égard de la Communauté européenne. Barros Moura, une personnalité critique, s'est retrouvée en ordre utile pour être élu. La rhétorique et les affiches étaienl aussi moins « révolutionnaires » qu ' auparavant. Ajoutons qu'Alvaro Cunhal a essayé d'associer des rénovateurs à la direction afin de montrer que le pani conservait son unité. li l'a fait en plaçanl des contestataires en position utile sur les li stes confiant des postes électorales européennes ou municipales. mais aussi en iセオイ@ de responsabilités du parti. Plus récemment, toutefois, plusieurs personnalités om quitté le parti. dénonçant le caractère purement fonnel des changements. D ' autres se demandem si les gestes accomplis constituent de véritables modifications ou s' il ne s'agit que d ' un trompe-l'œil masquant la pennanence des positions traditionnelles. Par exemple, les thèses discutées avant le XIIe congrès acceptaient la démocratie dans le programme mais politiquement, le parti continuait à promouvoir, comme modèle, l' Europe de l'Est d'avanlla perestroïka. Le programme envisageait l'évolution de la Communauté européenne vers la démocratie. On le voi t, les contradictions ne manquent pas dans les thèses, le programme et les statuts du pep, mettant en évidence la crise traversée par le parti. Le temps eSI I'ennemi du PCP. Plus la démocratie durera au Portugal. plus la popu lation intégrera une tradition démocratique. Avec le temps, les nouvelles générations s' habituent à la démocratie libérale et au parlementarisme, ce 13 0 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE qu i forcera ce parti communiste orthodoxe soit à s' installer dans la marginalité, soit à évoluer comme le PCI ou le PCE et à faire face aux mêmes contradictions. En tout état de cause. Alvaro Cunhal parait peu désireux de changer le parti. Marxiste-léniniste « historique », il ne croit pas à la nécessité de réformes. 1I croit à la révers ibilité de la situation de l'ex-uRss et en Europe centrale et orientale. Il est sans doute l'un des plus vieux dirigeants communistes « traditionnels ». II a vu naître et mourir les tentatives de ré fomles du système en Chine, en Union soviétique et au sei n des partis communi stes européens. Pour Cunhal. la continuité vers le socialisme est la force la plus grande . La Tchéco slovaqu ie de 1968, la Ho n gr ie de 1956. le co mmuni sme ouest-européen de la fm des années soixante-dix et la perestroïka n'ont été que des allers sans retour. Il pense toujours que le marxisme-léninisme et le socialisme sc ientifique apportent les solutions pour résoudre les problèmes du monde. A ses yeux. la patience est une vertu. C'est une des raisons pour lesquelles il refuse le changement. Les év.énements feraient partie d'une stratégie d 'ensemble. Pourquoi devrait-il croire que les tentatives actue lles de réformes soiem durables, voire définitives? Cunhal a modelé un parti qui a toujours fait preuve de prudence. Le parti est-il léthargique face aux bouleversements du bloc de l'Est ou devrait-il assumer prudemment la continuité? Il a connu tellement de mutations au cours de son ex istence qu'il parie sur le caractère temporaire de la situation préseme. Pourquoi vou loir s'écarter du marxisme-léninisme dès lors qu'on est convaincu qu 'il n'y a pas d'autre voie pour atteindre le socialisme et améliorer la situation économique du prolétari at ? Mais certains dirigeants communistes pl us jeunes ne sont pas aussi patiems. Ils n'ont pas la même vision stratégique d'ensemble. Aussi, avec le départ d 'Alvaro Cunhal, le parti communiste pourrait-il prendre rapidement de nouvelles orientations. Le PCP maintient son hosti lité aux conditions dans lesquelles le Portugal a rejoim la CEE. 11 n 'exige plus que le Portugal quitte la CEE mais qu ' il renégocie son adhés ion (ce qui d'une certaine mani ère rev iendrait au même pui sque les autres pays de la CEE n 'accepteraient pas les propos itions du PCP). Selon le part i communiste, la Communauté européenne impose trop de restrictions et de quotas à la production. Ayant approfond i cette problématique durant de nombreuses années. les communistes portugais 001 accumulé maims exemples de l'impact de la CEE sur l'économie du pays. Le pcp prétend que la CEE mènera à la récession et à la désorganisation de l'économie, qu 'elle augmentera la dette extérieure et le déficit budgétaire et que les conditions de vie de la majorité des Portugais se détérioreront. En guise d'exemple, le parti communiste se réfère souvent aux problèmes qui ont affecté la Grèce après son adhésion à la Communauté européenne. Mais par leur critique anti-communautaire, les communistes portugais visent auss i le gouvernement L'OPPOSlTlON DU PARTI COMMUNISTE PO RTUGAIS À L'ADHÉS ION À LA CEE 131 portugais, lui reprochant de ne pas infonner la population. Les dirigeants semblent pourtant avoi r compris q ue le retrait de la CEE n'était pas envisageable dans un avenir prévisible. Aussi s'efforcent-il pl utôt de limiter la participation du Portugal au fonctionnement el aux évolut ions de la Communauté européenne. Le dernier épisode de cette campagne, et le pl us mil itant, eSl l'opposition rad icale du PCP au traité de Maastricht. NoIes 1 Le$ citalion$ conccmanlle l'CP sc n!Rrem. s.auf indicalion contraire. aux posilions officielles du pani communisle. Pour une analyse de l'organi sation du pani. voi r C. CuI/liA. tィセ@ poイャ L ァBセオ@ Contntlmist Par· t)"'s Strutegy for p 。 L ᄋ セイN@ 1921·1986. New York. Garland Publi shing Inc .. 1992. AN@ août 1912. Le Ponugal élait i'I ce momem membre de l'AELE. : ahュャセ ) Avec l'ouven ure de la CEE de nalUre plus poli tique qu·économique. une qualification plus exacte se· rait CommunaUlé ・オイッー←セョ@ {al. mais comme le PeP continue d 'évoquer la CEE,je ferai de même dans les pages qui suivent 'Je pars de 1972 dans la mesure où l'on trouve des positions du PeP sur l"imégnuion européenne. ゥャO。ョエセL@ juin 1979, n' 48. pp. 28·]0 . j Les rense ignemem s qui suivent provi('nnenl d'O m • Pour plus d'informalion sur l'analyse d u capilalisme monopolisle du PeP, voir infra. セ N@ juin 1979, n' 48, pp. 28·30. ' 0 m ゥiO。ュ 1 Ibid. Congre$O, P-.mido ComuniSla Ponuguês, r・ウッャオ￧。 セL@ aャGoョエ セAL@ mai 1979. n' 281. Le s proct'dures furenl publiées sous le li tre Nao 00 M ercado Conmn, Ediçaoes A.I·,mle !, 1980. Elles ont été !'t'prises dans 0 MilifOnle. juin 1980. n' 60 et Al'OlIIe l, 4 juin 1980. Il AI'OIlIe l, 28 mai 198 1 ; 0 Milifallfe, aOûl 1981, n' 74. Il 0 Mili/onle>. juin 1986. n' 135. Il,, Document du comité centra! セ Lo@ Mili/anlt, oclobre ]986, n' 137. "0 Miliwnle, mai 1987. n' 144. pp. 21·26. ' " IX 10 " Ibid. "" Communiqué du comité central セL o@ M i/iwnte. mai 1987, nO 144. pp. 29·]2. " A. CuSIIAI.. Dueno'o /I'er Porri/gaI: tlno ] 000. Juventude Comunisla Po n uguesa. ]987, pp. 20·55. " OMilifanfe.juilleI1987. n' 146, pp. l l·15eI24·25. " CDU . Elu fion Ne>M·S. juillel ]987. :0 0 " ' ililallft,j uin 1986. n' 135, pp. 13· 14. II 0 mゥャ。ョヲ セN@ février 1988, nO 15], pp. ]6·]8. n 0 m ゥャHqョヲ セN ェオゥャ・エiYXL@ nO 158. pp. 15.20. 'J MUnit !. 12 décembre 1991. p. 16. :. Ibid. Au Po n ugal.le ャイ。ゥセ@ de Maastricht doit êlre イ。エゥヲセ@ par ]e Parlement et non par rHérendum. ,. Une bonne vue d'ense mble de la posilion du !'CP à l'égard de l'intégralion européenne est donnée セA N@ 23 juillel 1992. pp. 14·15. dan s a|G。ョヲ " Le pani communisle ne précise pas ee grief. Il indique que les OOI1gés de maternité seraient affcctés. mais pas de quelle manière. lt a|GッュセL@ 7 juillet 1992, p. 3. Jl ,. Ibid. JO Mome!. 25 juin 1992, pp. 4-5. Pour une analyse approfo ndie de l'impact des n!novaleurs sur le pani. voi r Carlos cオ セャ エ@ .... « The Ponuguesc Communisl Pany and Mresfrof/w : ResiSlance and Reform s _. Currelll PoUtifs and Economies of Europe>, vol. 1. n' 2, 1991. l' Alvaro Cunhal s 'e st reliré aprts avoir occupé le posle de secn!taire général de mars 1961 àdécembrc ]992. Un poste de président du pani a élé ￧イ←セ@ à $On inieniion. Beaucoup d'observateurs e$1i meni qu'il demeure le vrai diri geant du pani et que Carlos Carvalhas. nouveau secrétaire gélléral, ne serai l qu'une marionnelle. Il est encore lrop lôt à ce jour pour se prononcer. JI 132 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE JJ 0 Mi/iliJnie. mai 1978. pp. I(}.I). l4 A. CUSHAL. Rumo à Vitoria. Ediçaoes A,·ant/'. 1979. )j Interview d·A. Cunhal dans Opçao. 1 mars 1977. Pour une analyse des arguments de Cunhal. voir le chapitre 7 de C. CUNItA. tィ セ@ Portflgr.est ComnumiJt Party's Stralegy for POK'er, 192/·/986. op. ("il. )j, A. CUSUAt.. 0 Radicalisnw Pequeoo-Burgub dn Fa Fachoda Sxia/isto. Ediçaoes Avonte. 1974. I\'< édition. Jf Imerview de Cunhal dans Opçao. 1" mars 1977. JI Beauooup de coopéraTives agraires on\. par ・セュー ャ・ L@ demandé et reç u l'aide de la CEE. " OJornol. 5 mai 1986. p. 46. .00 0 Militante. juillet 1989. nO170. p. 9. Les communistes espagnols et la question européenne : du huitième congrès à Maastricht (1972-1 992) Patrick T.I EURET Que ce soi! sous le franqui sme, pendant la procédure d 'adhésion ( 1977- 1986) ou depu is son entrée dans la CEE, l' Espagne a toujours manifesté un penchant européislc. Sous la d ictature, les Espagnols vivaient en marge de l' Europe, comme si celle-ci n'avait commencé qu 'au delà des Pyrénées: e lle était synonyme de richesse (et d'abord d'emploi), de démocratie, de liberté (de mœurs notam- ment), breF de tout ce qui était interd it en Espagne. Distance mais aussi fascination: une altitude qui aura des répercussions durables sur la position des Espagnols à l'égard de la CEE. Pour l'essent iel, avec leurs spécifici tés, les communistes espagnols partageront le point de vue de leurs compatriotes. Comme eux, depuis 1986 et surtout ces derniers mois, ils fo nt l'expérience de l'intégration, de ses incertitudes et des craintes grandissantes qu'elle suscite. Sous couvert d' une philosophie européiste apparemment intacte et magn ifiée, émergent peu à peu les germes d'aspirations identitaires et de conflits sociaux. 1. Le primat du politique 1.1. L'européisme mlli-franquiste Jusqu'au v i セ@ congrès en j uillet 1972, le PCE partageait avec l'ensemble du mouvement communiste européen une hosti lité de fond et de principe à l'égard de la Communauté économique européenne 1. Presque brusquement, le PŒ change alors de posit ion en se prononçant en fave ur de l' adhésion de l'Espagne au marché commun 2. Cette évolution est inscrite dans un contexte de lutte ant i-franquiste où l' Europe de la CEE établi t des libertés que le PŒ réclame pour l'Espagne, en les préconisant comme programme minim um de l'ensemble des opposanls à la dictature. Lors du vnf congrès, le décalage est grand entre l'Espagne et le reste de l'Europe sur le plan économique aussi. Le PCE Y voit une raison de se rallier à la CEE. îl juge que « le retard relati f de 134 LA GAUOIE FACE AUX MlJTATIONS EN EUROPE l'Espagne à l'égard des pays capitali stes (est) encore plus accentué que dans les années vingt ». « la plaçant dans une situation pratiquement coloniale» 3 : l' adhésion à la CEE est le moyen d 'év iter la marginal isation et de combler le fossé. Mais, dès l'origine, la ré nex ion du l'CE est dominée par des préoccupations tact iques: les règles du traité de Rome sont « incompatibles avec les structures fa scistes ). A celle occasion, le l'CE se rapproche des fo rces d 'opposition de tradi tion européi ste, soc ial istes et démocrates-chrétiens notamment. Il espère par là tout à la foi s s: approprier un idéal promi s à un grand avenir, rompre son isolement , faire taire ses adversaires qui l' accusent d 'apparten ir au camp soviétique ct s'allier à la bourgeoisie éclairée qui joue la constru'c tion européenne contre le franquisme. Enfin , il espère être mieux compris de la diaspora espagnole où se recrutent ses partisans les mieux organi sés. Certes. la CEE est dominée, suivant le l'CE, par les fo rces conservatrices et capital istes, mais en parfaite cohérence avec sa stratégie d ' all iance antifasciste, cette circonstance ne constitue pas un obstacle. Au contraire, le l'CE situe nussitôt son combat à l'intérieur même de la CEE à laquelle l'Espagne n' appartient pas, pour s'opposer aux« monopoles qui dirigent le marché commun et en tirent parti à leur propre profit », pour « obtenir, par la lutte des masses de chaque pays. par une plus grande coordination au niveau européen, que la classe ouvrière. les force s progress istes transfonnent dans un sens démocratique le caractère de la Communauté économique européenne ». A « l'Europe des monopoles», les communi stes, comme d ' autres, opposent « l' Europe des peuples» 4. 1.2.L'européisme du consensus Après l' introduction de la monarchie parlementaire ( 1977), l'européisme tactique anti-franqui ste cède la place à un européisme de consensus politique. Cette évolution rend créd ible la proposition polit ique du l'CE : un gouvernement de rassemblement démocratique soutenu par la gauche et la droi te modérée. L'aspect soci al de la questio n européenne s'estompe progressivement au profit d ' un choix institutionnel : consolider la démocratie espagnole ct fai re entrer l'Espagne dans la CEE. Aussi le l'CE se félicite-t-il de ce que la CEE ait accepté la candidature de l' Espagne s. Son dirigeant et économiste attitré Ramon Tamames 6 précise. à celle occasion, les avantages, escomptés par son parti , de l' intégration. Après les arguments d 'ordre économique et social, il met en avant la volonté polili que: « la conj oncture historique est cruciale» en raison de « l'élection du Par· lement européen ( ... ) au suffrage uni versel direct et secret ». Le l'CE réitère son engagement et renforce son choix institutionnel lors de son neuvième congrès. Il va même jusqu 'à revendiquer une part icipation politique avant l'intégration: LES COMMUNISTES ES PAGNOLS ET LA QUESTION EUROPÉENNE 135 Le PŒ appuie l' intég....tlion de l'Espagne dans les Communaulés européennes. Il s'agil d' une nécessité économique ct politique qui résulte du développement des forces productives. de la structure de l'économie espagnole ct de son commerce extérieur. L' intégration économique exigera un processus relativement long et compliqué qui ne sc déroulera pas sans tensions ni lunes. En revanche, il est imponant d'obtenir que l' Espagne puisse participer auparavant aux organes de la Communauté. (... ) Nous considérons que ceux qui s'opposent à l'entrée de l'Espagne dans le marché commun tournent le dos aux exigences d'un processus déùlOCfatique, progressiste. au sein de ladite Communauté; à une construclion européenne équilibrée, dans laquelle l' Europe du Sud ait le poids qui lui revient 1. « Et d'ajoute r pour confirmer ses options idéolog iques. « le l'CE. en préconisant l'entrée de l' Espagne dans la CEE. affinne sa volonté de transfonner, aux côtés des autres forces de gauche en Europe. la nature actuelle de la Communauté, dominée par les grands monopoles. Nous aspirons à l'Europe des travailleurs. à l'Europe des peuples; une Europe unie sur les plans économique et politique, qui ait une pol itique propre. indépendante. qui ne soit subordonnée ni aux Etats-Unis, ni à l'Union soviétique» 8. L'anti -franquisme revient com me un leitmotiv e ntre 1977 et 1982 : il fa ut consolider la dé m ocratie espagnole. Manue l Azcarate écrit à ce sujet: Pour comprendre la position du pani communiste d'Espagne, il faut prendre en compte les nécessités de la politique intérieure du pays. L'entrée dans le marché commun est incontestablement un facteur de consolidation de la démocratie en Espagne. Il faudrait ici rappeler que, si l'Espagne n'est pas encore membre du marché commun, c'cst parce qu'elle était un pays fasciste ᄏセN@ « Enfin, le PCE espère voir la gauche devenir majoritaire e n Europe: e n Europe d u Nord, sociaux-démocrates et travaillistes dominent ; l 'Europe du S ud semble sur le point de bascule r avec les résultats dt,! l'Cl en 1976 et surto ut de la gauche fran çaise en 1977, les trois ancie nnes dictatures paraissant, à l'instar du Portugal, à la portée des format io ns de gauche. Il suffira de quelques mois pour bri ser cel espoir et voir la conjoncture s' inverser au profi t de la droite JO. 1,3.Le soutien au traité d'adllésiolt Une des diffic ultés à soute nir l'adhés io n de l'Espag ne à la CEE fut l' amalgame répété entre adhésion à la CEE et à l'OTAN. Le consensus e uropéen en était te rni. Amorcée en 198 1 par le gouvernement de droite de Leopoldo Calvo Sote lo, malgré l'opposition des parle mentai res de gauche, l' adhésion à l'OTAN se réalisera sous le gouverne me nt socialiste de Fe lipe Gonzalez et sera ratifiée par voie de réfé rendum le 12 mars 1986. Le l'CE protestera, d 'abord avec le PSOE, puis seul e n tant que fo rce parle me ntaire espag nole, contre 1' « amalgame » effectué par les« atlantistes» entre l'adhésion à l'une et à l' autre des deux institutions in ternationales. 136 L A GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE Entre temps, l' Espagne intègre la CEE le 1" janvier 1986. Tout au long du processus d'adhésion, le soutien du PeE ne s'est jamais démenti et les quatre parlementaires du groupe comm uniste ont voté le traité d ' adhésion. Mais cc soutien a changé de nature dans le temps. De revendicatif le PeE s'est mué en observateur critique; d ' aulre part , les organisations qui font sécession adoptent, sur ce point , des positions plus réticentes, voire hostiles. Pl us fo ndamentalement, fin 1982, les communistes espagnols sont marginalisés face à un gouvernement soc ialiste et retrouvent à ce moment une combativité sociale bridée entre 1977 et 198 1. 2. Les rruils de l'expérience : crise politique et retour de l'économie A partir de 1979-80, le l'CE entre dans un long processus de crise interne nourrie par le contexte de mutations politiques en Espagne. Dans ce contexte, les communistes espagnols jugent l'expérience de l'intégration de manière de plus en plus négative. Elle tend à se confondre avec l' ensemble de la politique néo-libérale du gouvernement socialiste espagnol. Elle n'entame pas, pour autant, J'européisme philosophique. 2. I.Les doutes et les critiques croissants parmi les communisles Dans la crise que traverse le com munisme espagnol à part ir du tournant des années quatre-v ingt, l'attitude vis·à-vis de la construction européenne constitue un assez bon indicateur du positionnement politique g lobal. Sur une échelle d ' attitude gauche-droite, l'hostilité vient de gauche. l'adhésion de droite. Cette dernière s'est peu développée de manière autonome tant el le s'est longtemps confondue avec les positions officielles du PeE. 2.2.L'européisme de la « droile» commllniste: l'ellrocommUllÎsme イ←ョッセ G。ャ・ オイ@ L'eurocommunisme rénovateur accentue les tendances européi stes du tronc central du PCE en fai sant de J'européisme une clé de l' identité eurocommuniste face, notamment, aux communistes « traditionnels» en recherchant plus que d 'autres à s' amarrer au PCI. Principal leader rénovateur, excl u du cc en septembre 1981. Manuel Azcanne met en év idence la dimension européenne des sol utions pour d iffére ncier les « eurocommunistes espagnols» Il : Les nouvelles contradictions dans les sociélés capitalistes. la crisc que nous traversons ct la stratégie eurocommuniste exigent de considérer quel type de parti est le plus capable de réaliser cette stratégie. (...) C'est un problème qui n 'est pas seulement espagnol mais européen » iセN@ « Plus tard , Enrique Curiel. ancien secrétaire général adjoint du l'CE, démissionnaire depui s la fin 1987. el qui amorce di scrètement un rapprochement avec le PSOE, annonce. en mai 1989, la créati on d ' une « Fondation Eu rope », LES COMM UN ISTES ES PAGNOLS ET LA QUESTION EURO PÉENNE 137 qui va servir d ' ultime« intennédiaire » pour négocier l' adhés ion collective au PSOE. Curie l la définit comme le réceptacle du « secteur eurocommunisle du PeE セIL@ œuvrant « en liai son avec les réflex ions européennes, sun out celles du pani social-démocrate allemand et du pani communiste italien » Il. Le soutien au traité de Maastricht donnera, pour la première foi s, l' occasion à ce courant du communisme espagnol de se révéler de manière aUlOnome en devenant minoritaire. 2.3.Les réticences et l'hostilité de la « gauche "II communiste Contrairement à la tradition précédente, ce courant interne a pu longtemps s' appuyer sur un réel mouvement soc ial en Espagne. Idéolog iquement, il se rattache au x analyses classiques des partis communistes des années cinquante et so ixante. L ' hosli lité à la CEE est fondée sur son caractère capitaliste et son orientation fédéral iste. Toutes les oppositions de gauche apparues durant la période considérée ont critiqué la position officie lle du PeE. C'est le cas des groupuscules diss idents di ts « prosoviétiques » des années soixante-di x même s'ils restent fort modestes et longtemps marginaux 14. Entre 1978 et 1981 , l'éclatement de la cri se du PeE fait apparaître une nouvelle génération d 'oppositions de gauche dont des Catalan s constituent le fer de lance. L' hostilité de principe à l'adhésion de l' Espagne au marché commun ne constitue pas alors un thème mobil isateur. Sa prise en compte s'enchaîne comme une conséquence logique du processus de maturation de la scission du parti IS. Enfin, en 1983-84, tandi s que les d iss idences précédentes se regroupent au sein d ' un parti communiste des peuples d ' Espagne ( PCPE) «sur base du marxisme-léninisme et de l' internationalisme prolétarien », une nouve lle opposition interne apparaît autour de l'ancien secrétaire général Santiago Carrillo et de l'ancien responsable international Jaime Ballesteros. Sans faire de la question européenne un axe essentiel de sa critique, Carri llo se démarque de l'enthousiasme en faveur de l'adhésion à la CEE, qu ' il avait contribué à forger dans la décenn ie précédente. Dès 1983, il tend à se différencier quelque peu : « tout en maintenant la perspective de notre intégmtion en Europe, nous communistes, devrions réfl échir beaucoup avant d'approuver une intégration fa ite au nom du prestige dans des conditions défav orables» 16 . Au fur et à mesure que s'accentue la contrad iction avec le groupe dirigeant du PCE, Santiago Carrillo renforce ses di vergences sur la question européenne, qui atteignent leur paroxysme au moment de la ratifi cation du traité d ' adhésion, qui coïncide avec le dénouement du conflit interne, « Le plus c lair, écrit-il , c'est ce que le traité va signifier: l , plus de chômage; 2. de nouvelles réductions de salaire; 3, une augmentation du coût de la vie » Il, Carrillo, pour autant, n ' a pas voté contre l'adhésion ; c'est le traité qui est crit iqué et non le principe, Au moment du VOIe, il tient à se di stinguer de ses camara- 138 L A GAUCllE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE des cn s' arrangeant pour être absent de la salle. Celle attitude est à interpréter essentiellement, dans le contexte des confli ts au sein du mouvement communiste espagnol, com me une critique dc gauche face à la d irection du PŒ. D'emblée, Jaime Ballesteros se montre plus rad ical dans sa critique. Dans le journa l de son courant AllOra. il écrit notamment: « Il y a des pays européens qui onl choisi une alternative distincte à l'entrée dans la CEE. Pourquoi l'Espagne ne pourrait-elle le faire si le traité d'adhésion que lui soumella CEE venait à être inacceptable?» " . Six mois plus tard, en novembre 1984, avec cinq autres membres du comi té central et plusieurs centaines de m ilitants, il quitte le FeE, Sa leure de dém ission fa it essentiellcment éInt de son désaccord à l'égard de l'attitude du PŒ vis-à-vis de l'entrée de l' Espagne dans la CEE 19. Peu après, l' adhésion dc son courant est acceptée au PCPE. Jaime Ballesteros trouve un parti qui depuis sa création, en janv ier 1984, a adopté une position de principe: « le l'CPE dénonce« l'européisme» comme la fo rce qu ' acqu iert actuel lement l' idéologie de l' impérialisme en Europe occidentale. L'idéologie de la bourgeoisie monopoliste a influencé Ics partis d 'orig ine ouv rière qui ont tendu à européiser leur politique ». Le l'CPE et le PCC mènent une campagne pennancnte contre l'entrée dans la CEE. Cette altitude les rapproche des grands l'C européens, honnis le l'CI, Lors des premières élections européennes au suffrage univcrsel d irect, en 1987, Ic l'CPE all ié du PeE dans la coali tion gauche un ic (lU) s' inclinc devant la position majoritaire de ce dernier. Au scru tin de 1989, en revanche, dégagé des contraintes de la gauche unie dont il a été cxclu, le l'CPE mène campagnc sur le thème « face au marché commun, VOlez communi ste », ce qui lui pennet de se démarquer nettement d ' lU, après trois années de collaboration. Ces élections tombent même à poi nt nommé pour un parti qui sort de sa plus grave crise et cherche à reconstrui re son ident ité face à un l'CE qui vient d'absorber, début 1989, la moi tié de sa direction etl'im mensc majorité de ses é lus. Ceuxc i à l' inverse, peu après avoir rejoint le PCE, semblent parfaitement à l'a ise lors de la conférence nationale sur l' Europe qui apporte notamment son soutien 11 l'Acte un ique européen. A partir de 1983, l'européisme s'affaiblit panni les com munistes espagnols. L' accentuation de la tens ion Est-Ouest, l'effo ndrement électoral du l'CE, l' arrivée du PSOE au pouvoir et la di vision du communi sme espagno l sont autant de facteurs qui, après l'intennède « gorbatchév ien », sonl intimement liés à la revalorisation de la question européenne au scin du l'CE. En plein débat sur l'Acte unique européen et après un congrès d'uni té rompant avec la sci ssiparité habituelle depu is plusieurs années, le l'CE tient une conférence nal ionale exclusivement consacréc à la question européenne, en janv ier 1989. L' Acte unique, q ui ava it pou rtant été rati fié par les députés communi stes. essuie quelques durs reproches: LES COMMUNISTES ESPAG NOLS ET LA QUESTION EUROPÉENN E 139 Ce qui est craint. c'est la division de l' Europe en « deux groupes », un riche et un pauvre; la frontière ne s'établissant pas seulement entre nations mais en leur sein (... ) ce qui met en évidence qu'il s'agit fondamentalement d'un problème de classes plus que d"un problème national ». « Pour autant , le PeE en tend encore sauvegarder son choix politique ct ajoute: ce qui précède ne signifie pas que la classe ouvrière doive rejeter le marché intérieur. Car il faut dOler d' une base économique le projet politique de J' unité européenne. En second lieu, parce que la population laborieuse a un intérêt évident à améliorer sa qualité de vie - c'est sa dimension «consommateur ». ( ... ) D'autre part, le processus de mise en place du marché intérieur est à ce niveau irréversible. La classe ouvrière d'aucun pays n'a le moindre intérêt à se marginal iser du processus» 20. « Fidèle à son choÎx pol itique, le PŒ conçoit le versant économique et social comme indépendan t du premier et le juge désonnaÎs « en retard ». La confédération syndicale des commissions ouvrières (ccoo) dont les cadres sont, dans leur immense majorité. communi stes, s' inspire fondamentalement des mêmes principes philosophiques européistes que le PeE. Toutefois, la nécessité d 'examiner la question de l'adhésion du point de vue syndical la conduit à entamer sérieusement la base concrète de ses présupposés idéologiques. Le mouvement ouvrier connaît en effet dans les années quatre-vingt une double évolution: il se di stancie des parti s ( PeE et PSOE) et il se radicalise. Ce double mouvement est symboli sé par la grève générale du 14 décembre 1988 qui rassemble 85 % des salariés du pays et paralyse tout le pays durant vingt-quatre heures. Démonstration de force sans précédent dans l' histoire espagnole, celte grève est préparée conjoi ntement par les commissions ouvrières et l'uGT. Celle dern ière consacre alors sa rupture avec le pani au pouvoir auquel elle était organiquement liée. Celte rupture accentue la di stance prise peu à peu par les ccoo vis-à-vis du PeE, à partir de 1979. A l'occasion de leur congrès de juin 1984, les commi ssions ouvrières rappellent leur choix d ' un « appui à l' intégrat ion de l'Espagne au se in de la CEE, en tant qu 'espace géographique le plus important de nos re lations économiques - absorbant 50% de notre commerce extérieur ». La position est mi se sur le même pied que l' adhésion des ccoo à la Confédération européenne des syndicats (CES). Mais l' inquiétude s'empare des syndicalistes au fil des négociations : « une adhésion précipitée qui ne tienne pas compte de tous les fac teurs pourrait entraîner des préj udices plus grands que les bénéfices, elle empêcherait une avancée en Europe et s'opposerait à de larges couches de la population concernée » 21 . Deux ans après l'entrée de l'Espagne dans le marché commun en décembre 1987, le i セ@ congrès dresse un bi lan négatif caractérisé par : « une nelle détérioration du solde de la b.11ance commerciale, qui a enregistré un déficit de cent soixante-six milliards de pesetas contre un bénéfi ce de deux cent 140 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE soixante-dix-huit milliards en 1985 (.. .) ; tandis que les exportations espagnoles en direction des pays de la Communauté augmentent de 6,8%, les importations espagnoles de produits de ces pays le font à r.lison de 32% ». Se lon les comm issions ouvrières, le gouvernement Gonzalez a « signé un traité d ' intégration déséquil ibré sur le plan sectoriel » dans un contexte «d'absence de compétitivité intcrnationale» et de « graves déséquilibres de l'économie espagnole, plus part iculièrement quant à sa dépendance vis-à-vis des importations de biens d 'équipement et de technologies» n. Secrétaire général, Marcelino Camacho joue un rôle act if dans le renforcement des positions critiques de la confédération. Elu à une présidence pl utôt honorifique, il est alors remplacé par Antonio Gun ierrez qui , lui, cache de moins en moins son européisme militant. Au oye congrès, en décembre 199 1, les tenants de l' européisme l'emportent. Le climat est marqué par le premier anniversaire de l'adhésion à la CES. Pour cc qui concerne le syndicalisme international, l' interdiction d'affi liation (qui visait essentie llement la FSM) est levée. La majorité syndicale autour de Gun ierrez est dirigée par des cadres proches de la minorité du PCE, qui se caractéri se entre autres par un engouement pour l' Europe et s'oppose aux partisans de Camacho. Pour l'essentiel, pou rtant, les crit iques adressées à la CEE sur les plans économique et social ne s'auénuent pas, dénotant, (l contrario, le ur persistance malgré les changements de direction. Les ccoo s' inquiètent du renforce ment d 'une Europe à deux vitesses excluant l'Espagne du triangle Mi lan-Francfort-Londres. L'Acte unique européen est accusé de favoriser cene évolution en séparant les Européens en deux groupes: ceux qu i s'enrichissent grâce à la spécial isation et la haute technologic et ceux qui lirent parti des avantages comparatifs liés aux bas coûts salariaux. L'Union économique et monétaire qui « approfond ira de fa it les inégal ités» préoccupe les commiss ions ouvrières, tout comme le poids grandissant de l'A llemagne au plan mondial el la « segmentation des hiérarchies professionnelles », encouragée par la flexib ilité du marché du travail. En revanche, sur le p lan politique, l'européisme s'accentue, les ccoo continuent d 'œuvrer à l'Union politique en préconisant même « un Etat européen de type fédé ral, en com mençant par les douze» 23. En ce qui concerne les jeunesses commun istes, le oye congrès de juin 1990 marque un tournant de l' histoire de l'organisation depu is 1977. Durant une quinzai ne d'années, l'UJCE avait toujours appuyé les secteurs les plus « rénovateurs » du parti, où se recrutaient également les européistes les plus convaincus. Pour la première fo is, les courants de gauche 24, à une très courte majorité, amendent en profondeur les tex tes et prennent la direction de l'organisation. La question européenne est parnli les pl us controversées: Nous ne croyons pas que l'intégration européenne devienne bénéfique pour les travailleurs espagnols. et encore moins pour ceux du reste du monde, ft lES COMMUNISTES ESPAGNOLS ET LA QUESTION EUROPÉENNE 141 particulièrement pour ceux du tiers-monde. Les travailleurs espagnols n'ont d'avenir meilleur ni à l'intérieur, ni hors de l'Europe, parce que les lravailleurs espagnols n'ont aucun avenir au sein d'une Europe capitalisle. (... ) L'interdépendance des relations économiques, et de plus en plus politiques. engendre un renforcement des contraintes pour le développement des pays du tiers-monde dans le cadre de limites politiques très claires: démocmtie parlementaire, économie de marché, libémlisme, etc. »25. 3. Les relations avec les forces européennes de gauche J.l.L'elirocommlinisme Dans les années soixante-dix, la notion d'eurocommunisme caractérise l'évolution du PCE, en politique intérieure comme en politique étrangère. L'évolution des positions sur la question européenne figure parmi ces points de repères 26. Le choix européiste se heurte alors à celui de la majorité des organisations communistes d'Europe occidentale et réunit principalement le PCE et le PCI. Les communistes espagnols participent à la campagne électorale des seuls communistes italiens aux élections européennes 'de juin 1979. J.2.La référettce italienne Le PCE accorde un énorme crédit au PCt : c'est le parti de la ré nexion stratégique occidentale avec Gramsci, de l' indépendance vis-à-v is de Moscou avec Togliatti , de la poussée électorale spectacu laire des années soixante-dix avec Berlinguer. Le PCI, c'est également le symbole du parti de masse influent chez les ouvriers comme chez les intellectuels; c'est le parti au mode de fonctionnement démocratique et tolérant. Toutes ces images sont encore bien présentes à la fin des années quatre-v ingt. En janvier 1989, la セ@ conférence fai sait toujours référence à cette dimension: «Nous devons mettre en évidence le fail que notre option européenne était originale panni les communistes européens, à un moment où la majorité des PC continuaient à rejeter la Communauté, à l'exception du l'Cl ᄏセ Q N@ Mais ['aura du PCI s'est tout de même ternie aux yeux de nombre de militants du PCE. Il est aussi le pani qui, en pleine campagne référendaire sur l'adhésion de l'Espagne à l'OTAN, venait exp liquer qu ' il vOlerait «oui » alors que le PCE appelait à voter « non » . Il incarne aussi la « social-démocrati sation » pour les adversaires de l 'eurocommuni sme qui viennent de rejoindre le PCE 28. Enfin. le PCI a brisé le rêve espagnol: une unité des communistes au niveau européen. J.3.L' intermède« gorbatchéviell»: les convergences superficielles Durant sa période phare, les positions de Gorbatchev servent de référence aux trois formalions communistes espagnoles : le PCE, le PCPE el le PTE que fonde Carrillo en 1986 après son exclusion du comité central. Carrillo est le 142 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE plus fervent parti san de Gorbatchev. accusant les deux autres pan is de tiédeur, voire de duplic ité. Il opère à cette occas ion un nouveau revirement en passant d ' une critique de gauche à une critique de droite du l'CE pour retrouver, sous couvert de « gorbalchév isme », son eurocommunisme d 'antan. L'approche de la question e uropéenne s'en ressent. Adolfo Pinedo, secrétaire général du PTE, s'exprime ainsi à la conférence nationale en mars 1990: « Nous croyons nécessaire d'accélérer le processus d ' intégration de la CEE, sur les plans financier et politiquc. Sans cela, nous pourrions assister à la renaissance de vicux nationalismes. (. ..) La CEE doit établir une politique decoopérmion avec les pays du COMECON. Celle coopération peUl être la base du projet de « maison commune européenne» ». Celte « maison commune » est aussi appelée de ses vœux par le PC E et le PCPE. 3.4.Le groupe parlementaire européen et le mouvement communiste oue.st-européen L'appartenance à la CEE et la participation espagnole au Parlement européen renforcent les liens avec les autres forces politiques présentes dans celte enceinte. Les représentants du PCE et d ' tu s ' inscri vent immédiatement au groupe communiste et apparentés 29. Ce groupe présente l'avantage de réunir toutes les grandes fonnat ions communistes européennes partagées alors sur l' attitude à adopter à l'égard de la CEE. Les positions représentées dans cc groupe parlementaire reflètent la diversité des références du mouvement communiste européen (notamment les PC italien et portugais) . Depui s le milieu des années soixante-dix, il importe avant tout, pour la majorité du PCE, de ne pas se couper du PCI, force dominante panni les fonn ations communistes d ' Europe occ identale JO pour profiter si poss ible de sa dynamique. Le PCI constitue un pont vers les fonnalion s soc iales·démocrates et évite un tête-à-tête avec les fo rces communistes jugées plus trad itionalistes et plus favorab les à l' Union soviétique. A ce moment, le PC portugais constitue pour une minorité très acti ve du mouvement communiste espagnol une référence symétrique au PCt l i . La rupture au sein du mouvement communi ste espagnol interv ient avant celle du mouvement communiste européen. Durant plusieurs années, les différentes fonnati ons communistes espagnoles se réclament du même groupe parlementaire européen. Lorsque le PCC organise, par exemple, en mars 1984, des journées de débat sur le thème« non au marché commun ». il accueille des participants de haut niveau des PC grec et portugais n . 3.S.La rupture au sein du groupe communiste et apparentés Pour le PCE. le groupe européen est plus qu' un groupe parlementaire: il incarne l'européisme communiste. Aussi n' est-il pas surprenant de voir le PCE angoi ssé à l'idée que ce groupe hautement symbolique se brise. Lorsque le PCI LES COMMUN ISTES ESPAGNOLS ET LA QUESTION EUROPÉENNE 143 annonce son imemion de le qu iner pour créer son propre groupe, la majeure partie des cadres de trajectoi re « eurocommuniste » opte avec plus ou moi ns d 'enthousiasme pour le PCI. Les communistes italiens ont décidé de fa ire caval ier seul en se débarrassant des PC grec, port ugais et frança is trop encombrants dans le processus de rapprochement avec les socialistes. Le PŒ j ugeait celte évolut ion presque inévitable: « nous savions depuis des mois et nous l'avions dit lors de la rencontre des députés européens à Madrid, que le groupe en tant que tel était fissuré par son manque de cohérence programmatique et par l'absence dc nonnes adaptées et raisonnables de fonctionnement » 3). Les communistes espagnols réclament pourtant un « ult ime effort un itaire ». Si cet effort ne sauve pas le groupe moribond, il obl ige néanmoins le PCI à modifier sa déclaration de principes pour la consti tution du groupe. Il renonce à une rédaction privilégiant les liens avec le seul groupe socialiste].l. Plus encore, ct pour son seul compte, le PCE déclare souhaiter maintenir « des contacts systématiques avec les composantes du groupe antérieur, sans exception » 35. J ul io Anguila auribue cette siruation au « succès de nos discuss ions avec les forces communistes: nous avons garanti les trois éléments qui me parai ssem fondamentaux dans notre projet : un programme cohérent, la relation programmatique avec d ' autres forces et l'autonomie de notre pol itique dans la mesure où le sens unitaire de notre proposit ion n'a rien à voir avec la re lation subalteme vis-à-vis des autres et des soc ialistes en particulier » 36. Cette volonté de relations pri vilégiées conforte la position adoptée lOfS de la ....,. conférence, soit six mois plus tôt: En tr.litant des relations entre les différents panis communistes d'Europe occidentale ct des possibles relations de coopération, coordination et de programme commun, il existe toujours un fond d' inquiétude ou de tabou basé sur l'expérience historique de la nr< Inlemalionalc. Sans entrer à présent dans ce débat. il est, en revanche, utile que nous reprenions avec objectivité la rationalité d·une activité objective et concrète avec ceux qui, avec des différences plus ou moins marquées. fonnent avec nous un courant idéologique, ont un patrimoine idéologique commun, partagent nos objectifs el, en définitive. une histoire marquée par plusieurs inflexÎons» J7. « Finalement, la gauche unie se retrouve aux côtés du PC I au sein du groupe gauche unitaire e uropéenne. Celui-ci compte vingt-huit membres dont vingt-deux du PCI, quatre d ' lU, un de la gauche grecque et un représentant du PSP danois. Son président est italien et son vice-président, Antonio GUll ierrez Diaz, est catalan. Après une année d ' activité, le groupe lU dressait un bilan sati sfai sant de son expérience: depu is le débul de la législature, en coopération avec les vingt-neuf députés écologistes, les quatorLC représentants de la coal ition des gauches cl avec les cent « 144 LA GAUCHE FACE AUX MUT,\TIONS EN EUROPE quaire-vingts membres du groupe socialiste, avec lequel nous conservons une étroite coordination de fonctionnemel1l, les vingt-huit députés de la gauche unitaire européenne ont contribué à la construction d 'une majorité de gauche ct de progrès constituée de deux cent cinquante ct une voix contre deux cent quarante-trois à la droite» .III. 3.6,Recomposilioll au IIiveau européen .- sur les décombres du l'CI Avec ['effondrem ent des rég imes d ' Europe de [' Est, l'événement majeur pour le communisme ouest-européen est de loin la transfonnation du PCI en parti démocratique de [a gauche (P DS), suivie de la sc iss ion qui a conduit à la création ultérieure du parti de [a refond.u ion communi ste (PRe). Le PCI présentait l'i mage d ' un communisme puissant, moderne, indépendant , d ' une intelligence brillante et subti le ... face à un communisme perçu par ailleurs comme faibli ssant, archaïque, pro-soviétique et à l'esprit dogmatique. Le l'CE avait opté pour la voie italienne mais dans le cadre du mouvement communiste. Les perceptions se modifièrent au fur et à mesure que le PCI s'en éloigna. Pour beaucoup, toutes ces qualités n'avaient pas de sens sans la première d'entre e lles: être communiste. En se transfornlant, le PCI obligea le PCE à choisir entre le sui vre ou rester communiste. La majorité des communistes espagnols souhai tait demeurer « communiste » ; elle obligea les minorités favo rables au PCt à se marginal iser les unes après les aUlres, tandis qu 'au ni veau international , elle préféra se lier à un mouvement communiste en recom position plutôt qu 'à l'Internationale social iste comme l'avait fait le PDS. La situation en Italie sema le trouble. Le PCI avait réussi là où le PŒ avait échoué: avoir une organisat ion unique mais plurielle. Que puissent cohabiter dans un même parti Napolitano et COSSUIa en faisait rêver plus d ' un . L' apparit ion du PRe changea brutalement les données. Son relati f succès vis-à-vis du PDS accéléra la reconsidération de la question italienne en Espagne . Une rupture se produisit pour la majorité du PŒ. Les liens avec les autres forces communistes se renforcèrent. Lors d'une réunion, à Li sbonne, des partis communistes de la zone méditerranéenne, le représentant du PCE, Manuel Monereo 39, sc montra un des plus enthousiastes, déclarant notamment: tout [e monde a le droit dc se ré unir. excepté les communistes. Tous possèdent une Internationale, liennent des réunions, et l'on accueille encore avec étonnement le fait que les communistes se réunissent » 40. « Ces re lations n ' affectent pourtant pas le groupe parl ementaire européen . 4. Le traité d e Maastricht, le plan d e convergence et la grève générale 4.1.Maastricht.- l'européisme du PCI-.· se scinde Le traité de Maastricht est conclu au moment où les commun istes espagnols, divisés, s' apprêlcnt à tenir leur xuf congrès. Part isans du maintien d ' un LES COMM UNISTES ESPAGNOLS ET LA QUESTION EUROPÉENNE 145 parti communiste indépendant au sein de la gauche unie. animés par le secrétaire général Jul io Angui ta, et part isans d ' une fu sion progress ive , ani més par le responsable internat ional Francisco Paiera, s'affrontent depuis l'été. Contrairement à l' Acte unique européen, le traité de Maastricht est l' objet de vives critiques de la part de la d irection du l'CE. Dans son rapport introducti f, Julio Anguita qualifie les résultats du Conseil européen de « timi de avancée » privilégiant « les aspects monétaires et financiers du libéralisme économique» négligeant la création d '« un véritable espace économique et social intégré », légitimant les « politiques monétaires et fi scales restricti ves », refu sant au « Parlement européen les nécessaires pouvoirs législatifs et de contrôle en matière policière, j udiciaire, de sécuri té ou de défense » el fondant « la politique de sécurité commune ( ... ) sur l'UEO et sur l'OTAN» 41. Les plus européistes des dé légués j ugent celle critique excessive et se font les avocats d ' une appréciation plus favorab le. Le leader des Catalans (psuc), Rafaël Ribo, met à l'actif de Maastricht pl usieurs mérites et notam ment: les avancées en matière d ' union politique, monétaire, de défense, etc. Il propose également la constitution d' une fonnation politique de gauche européenne. Francisco Palero, qui compte dans son courant interne la totalité des députés européens, lui emboîte le pas 42. Les adversaires les plus décidés de Maastricht se situent, symétriquement, à l'aile gauche du l'CE. Marcelino Camacho, président des com missions ouvrières et porte-parole des délégués madrilènes, s' insurge contre les gaspillages de la CEE et son mépris de la misère du tiers-monde . Le porte-parole de la délégation d ' Estrémadure accuse la CEE de menre en place un plan de « désertification rurale ». La division au X ll f' congrès ne recouvra qu ' imparfaitement les divergences sur Maastricht; l' année 1992 structure et fige les clivages internes. 4.2.Du plan de con vergence à la grève générale Le mouvement synd ical uni mena des luites importanles depuis plusieurs années contre les plans gouvernementaux marqués par une logique libérale. Le gouvernement échoua depuis plusieurs années dans ses tentatives d 'associer les organisations syndicales à ses choix. En février 1992, le gouvernement présenta un plan dit de « convergence» avec les impératifs fi xés par le traité de Maastricht , notamment en matière de défi cit publ ic, de taux d ' intérêt et d ' infl ation 43. Exposé par le ministre de l'Economie, Carlos SoJchaga, le 13 février devant un parterre de deux cents entrepreneurs 44, le plan reprenait les grands thèmes libérau x: limiter le rôle de l'Etat, « modérer » les salaires et mod ifi er les règles de négociations collectives, réduire la couverture soc iale du chômage et accroître la fl exibilité du marché de l'emploi 45. Dans la foulée , le gouvernement promulgua un décret réduisant le montant des indemnités de 146 t A GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE chômage et restreignit l'accès au régime de protection sociale. L 'Europe 」ッ ュ セ@ munautaire qui conservait une bonne image auprès des syndicalistes incarnait alors l'ensemble des plans qu'i ls avaient rejetés. Le 28 mai 1992 est organisée une grève générale. C'est la troisième 、 ←セ@ c1enchée conjointement par les ccoo et l' UGT mais pour la première foi s, e lle visait des mesures liées au rapprochement européen. Pour le l'CE, « la politique de convergence dans la philosophie de Maastricht (...) continue dans la même ligne monétariste et macro-économique qui ne traite jamais suffisamment de la véritable nature de la situation économique, sociale et politique ou la traite à partir de positions fondamentalement libérales ou néo-libérales» oW'i . 4.3.Les IlésitatiollS de gauche unie sur le référendum et le traité de Maas/rida Si à la fin de t 99 1. le l'CE s'était divisé sur Maastricht, en 1992 c'est au sein de gauche unie que se transféra le débat. La JI!" assemblée fédérale de lU constitua l'étape décisive. Julio Anguita et les partisans du « non » J'emportèrent face à Nicolas Sartori us, leader du groupe parlementaire et favorabl e au « oui » 47 . Le rapport de force était de 60-40% 48. Ma is le bloc majoritaire était encore fragile et le poids des minori taires significatif; la conférence ne se prononça pas pour le « non ». Elle remit la décision à son organe dirigeant après l'ouverture d'un large débat, en ne lui fixant qu' une limite: exclu re a priori le vote « oui », « ne pas voter en faveu r des accords de Maastricht >l. Le vote danois et la décision frança ise de recourir au référendum renforcèrent les adversai res du traité. Ceux-ci l'emportèrent lors du conseil fédéral des 22-24 ma i et du 4 juillet en fa isant adopter la décision de réclamer un référendum 49. La proposition d'lUse fondait sur l'esprit et la lettre de J' article 92 de la Const itution qui , en ses paragraphes 1 et 2. indique respectivement que « les décisions politiques de particu lière importance pourront être soumises au référendum consult atif de tous les citoyens» et que le « référendum sera convoqué par le Roi sur proposition du président du gouvernement . préalablement autori sé par le congrès des députés ». Le consei l fédéral , précédé de journées d'études sur l'Europe et Maastricht, se réunit le 27 septembre pour prendre définitivement position sur la rat ification du traité. Les ani tudes étant connues depuis plusieurs moi s, le débat portait uniquement sur un point: les députés doivent-ils respecter la position adoptée par le conseil politique fédéral ou peuvent-ils s' arroger une liberté de vote? Bien entendu, les adversaires de Maastricht. majoritaires, défendi rent le premier point de vue et leurs adversaires, l' autre. Pour les uns, la di scipline est un signe de respect de la démocratie interne et un refus de l'indépendance des élus vis-à-vi s de la fonnat ion qui les a choisis pour se présenter LES COMMUN ISTES ESPAGNOLS ET L A QUESTION EUROPÉENNE 147 devant les électeu rs. Pour les autres, la liberté de vote est un trait de modernité et de pluralisme, caractéristiques idemitaires de la gauche unie. Les seules concessions fa ites sonl : pour les panisans du « non », de précon iser comme moyen tenne l' abstention ; pour les parti sans du «oui », d 'emériner la demande de convocation d 'un référendum. Deux motions furent présentées au VOIe, celle de Julio Anguita fut adoptée. Elle rappellait sa « volonté de construction européenne» avant de juger le traité de Maastricht « fondame ntalement néo-libéral , maintenant le déficit démocratique (et) consacrant les deux vitesses ». Elle réclamait un référendum et annonçait l' abstention lors du vote parlementaire. La proposition de Francisco Palero présentait le vote « oui » comme une résistance à 1'«( offensive conservatrice qui tend à dévaluer les obj ectifs acqui s à Maastricht ». encouragée notamment par le vote fran çais 50. Les partisans de Maastricht qui s'étaient opposés au référendum, s'y rallièrent mais sans revenir sur leur soutien au traité. Julio Anguita, qui semblait alors isolé panni les dirigeants politiques, obtint en revanche un net succès dans la population. Tous les sondages montraient qu'une majorité absolue d 'Espagnols souhaitaient être consultés. Il s révélaiem aussi qu ' une majorité significative se prononcerait en faveur du traité, même si le « non» rassemblait néanmoins environ un quart des électeurs. Pour concilier la philosophie européiste traditionnelle du l'CE depuis vingt ans et son opposition aux plans de Bruxelles, Julio Anguita exposa la posi tion du l'CE et d'lU de la manière suivante: « Nous n'approuvons pas la ratilicalion parce qu 'elle nous semble insuflisamment européiste. conservatrice dans tout ce qui a trait à la cohésion économique et sociale et que la ligne adoptée au cours de l' ultime sommet européen est faiblement « démocratisatrice ». Notre opposition est ultra-européiste et de gauche » . Le secrétaire général du l'CE proposa une renégociation fondée sur quatre thèmes : éliminer le déficit démocratique, avancer vers une convergence véritable, éliminer le défi cit social et conserver une pol itique extérieure ct de défense nationale réellement indépendante SI. En septembre, Je « oui » des rénovateurs dev int de plus en plus critique. Quant à la majorité favo rable au « non », elle fit un pas en direction de la minorité en se concentrant sur l' abstention, position qui sera finaleme nt entérinée par le com ité fédéral 52. La question vint en effet en discussion au Parlement où Nicolas Sanorius put escompter entraîner la majori té. Mai s il élaÎl tenu par la déc ision de l'organe dirigeant d 'lU et démissionna de son poste le 14 septembre. Les partisans du « oui » décidèrent néanmoins de maintenir leur « oui critique ». De la sorte, lors du vote de rat ifi cation du traité 5J , le groupe de la gauche unie, don t les communi stes, se div isa. Huit députés s'abstinrent, huit autres votèrent «( ou i » el un ne prit pas part au vote 54. 148 LA GAUŒE FACE AUX MlITAT10NS EN EUROPE Les deux grandes confédérations syndicales (ccoo et UGT) adoptent la posit ion du « oui crit ique» en s' appuyam notamment sur les positions de la CES. La décision des commiss ions ouvrières, adoptée lors du conseil confédéral du 21 au 24 juin, fit réapparaître les d ivergences cristallisées lors du YC congrès. Lors de la Hf assemblée fédérale d ' lU, les panisans du « oui » accusèrent ceux du « non » d 'être aux côtés de Le Pen et des communi stes onhodoxes. Ils soulignèrent aussi fréquemment la d ivision de la gauche européenne entre « modernistes » favorables au « oui » et « dogmatiques» prônant le « non ». Pounant, les clivages de Maastricht n'épousaient qu' imparfaitement les frontières traditionnelles de la gauche. La social-démocratie par exemple était aussi divisée. Francisco Frulos rappe llait ainsi qu ' au Danemark le pani socialiste populaire, qui était dans le même groupe au Parlement européen que la gauche unie, s'était retrouvé aux côtés du part i communiste pour le rejet d u traité. Le PCPE et le l'CC se fire nt l'écho des positions de Re(ondation communiste en Italie, du PCF, du PCC et du PC grec. L' opposit ion du PCPE et du PCC au tra ité de Maastricht était. en effet, sans nuance et en parfa ite cohérence avec l'hosti lité de principe à la CEE. L'adoption de la proposition de référendum leur pennit, de plus, de jouer sur les contradictions internes au PCE et à lU セN@ C'est le PCC qui était le mieux placé sur ce terrain en fa isam valoir aux militants et sympathisants du psuc qu 'i l était favorable à la proposition de Julio Angui ta, tandis que la majorité catalane avait longtemps été réticente. 5. Conclusion Les communistes espagnols ont adopté, au m ilieu des années so ixante-dix, une gri lle d'analyse de la question européenne où prédominent les choix fo ndés sur les alliances conçues pour l'Espagne et pour l' Europe. Les aspects économiques et soc iaux étaient plutôt relégués au rang d ' instruments subalternes voire neutres. En ce sens, les positions européennes constituent un des meilleurs exemples et un des vestiges les pl us nets de cette période h istorique dont le temle « eurocommunisme » constitue toujours le symbole après avoir cherché à en être le fo ndement. L' histoire récente de l' Espagne a vu deux changements majeurs, pour les communistes. Les projets politiques ambi tieux qu' ils étaient en droit de nourrir. au regard de leur rôle moteur dans l'anti-franquisme, se sont effondrés . Le 28 octobre 1982, le PSOE obtenait la majorité abso lue au Parlement tandis q ue le PCE était réduit à 4%. En second lieu, l'adhésion à la CEE est devenue dans tous les domaines une réalité de pl us en plus liée à la politiq ue menée par le gouvernement socialiste (avant puis après l'adhés ion). D ' importantes luttes sociales, jalonnées par trois grèves générales en sept ans, un mouvement ami-oTAN, une nouvelle jeunesse revendicati ve ont donné corps à une nouvelle opposition de gauche dont le mouvement ouvrier constitue le soc le et les communistes la pan ie dynamique. L' image européenne 149 LES COMM UN ISTES ESPAGNOLS ET LA QUESTION EUROPEENNE s'est peu à peu lernie dans ce contexte. Les positions et les débats au sein du mouvement communi ste espagnol - singulièrement autour du traité de Maastricht - en témoignent. Toutes les conceptions qui s'y affrontaien! s' inspiraient de l' international isme traditionnel des communistes (la suppression des barrières entre les peuples) et admettaien! à cette fin de s' intégrer dans un cadre politique dirigé par des fo rces sociales hostiles. Elles se différenciaient en revanche sur un point; l'attitude à adopter vis-à-vis de ces forces dominantes. Coopération ou confrontation ? Sur ce plan, les uns privilégiaient l' alliance politique pour la construction du cadre politique, les autres la défen se d 'un point de vue de classe spéc ifique. Il a fallu attendre Maastricht pour que ce débat éclate de manière aussi claire. 6. Annexe: les résultats des élections européennes Résultats électoraux Election du JO juin 1987 Parti lU PTE Voix % Sièges 1.011.830 222.680 5,3 1,2 3 0 1.234.5 JO 6,5 3 PçPE Total Election du 15 juin 1989 Voix 961.742 197.095 79.970 1.238.807 % 6, 1 1,3 0,5 7,8 Evolution Sièges +0,8 +0, 1 +0,5 + 1,4 4 0 0 4 Notes 1 Au cours de la session du oc de sepiembn: 1970. Santiago Carrillo pl'tscme un mppon qui scm ーオ「イゥ セ@ sous le titre LilNrlad y Soâalismo (Editions sociales. 1971). En froid avec l'uRSS à cause de l'a ffaire エ 」 ィ セᄋ@ coslovaque et Cil pleine crise imeme.la questioll européenne eSt abordée par le seçl'ttaire gé!ll!ral du PŒ. en deux paragraphes 」ッョセオエゥヲウ@ aux titres セ カ ッ」 。エ ・オイウZ@ .. LUlle commune con tre les monopoles supranatio· naux • e t . Contre J'exploitation nfu-colollial iste yanku de j'Espagne et de l'Europe JO. On Y IiI notamment que la constfUCtion européenne visc 11 セ@ cOflstÎtuer une Europe des RlQllOpoles en vue de s'opposcr à I·Union soviétique et aux autres pays soc iali stes. et en même 1emps d'assurer leurs Întérèts dans la compétition qu'ils livrent à leurs rivaux impé rialistes. Le refus de ce projet impérial iste par les communistes, nOIre opposi tiOfl 11 une Europe capitaliste. ne signifie pas que nous autres commun istes. devions - et nous ne le poUrriOIlS même pas - nous désiméresserde ce qu'i l y a de commull. de sim ilaire. dans la réalité politique et tC(lllOmique de I" Europe occidentale" (p. 86). 1 Cenains signes セ エ。ゥ ・ ョエ@ timidement apparus quelques mois auparavant. NiC(ll as Sanorius. dirigeant des commissions ouvrières et du PŒ. amorce le virage dans la revue CIliIc/er/JOS para セi@ dia/ogo. éclairant du même coup les enjeux et le con tex te. Il plaide alors pour un セ@ ni oui. ni non : une al1em3tive spécifique,.. N. SARTQRI US." Los trabajores espano les y el mercado com ull ". cャゥ、セイョッウ@ para セi@ di%go. avril J972: réédi té in N. SAMTOII;tUS. El イセjオァゥ@ drl mOl"immlO obrrro. Ed. Laia. 1977. pp. 88-98. 1 Mu/ldo Obrero, i セ@ 16. 13/10/1972. l'tsolution politique . • moャゥヲセェッᄋpイァ。ョujN@ p. 26. ) L 'Espagne a rellOU,·elé sa demande au lendemain des セ ャ ・」エゥッョウ@ pluralistes de juin. le 28 juillet plus ・ク。」エャQセョN@ Cene candidat ure, qui remonte 11 1962, venai t enfin de recevoir un accueil favorable de la pan des pays me mbres . ... Un dialogo ya comt llzado,.. ,\Imldo o「イセッN@ 29/fYJ/l977. 150 LA GAUCHE FACE AUX MUT,\TIONS EN EUROPE ' Parmi les adversaires de l'adhis ion de l'Espagne au marché commun, le l'CE vise nOlammem les panis çommunistcs ponugais et fr:mçais, 1 NOI'I'I/o COl/grl'so, pp, 140-141, • M, A?.cAMATE. L' E/lropt' dt' /'Allollliqut' à rOurol, 1979, p, 27, .0U çonviem de nOler içi que les deux ançiennes dictatures ayant connu des issues non ré\'olutionnaires - la Grèce et J'Espagne - éeh;lppent au p;lnorama général cn pon;lrlt au pouvoir,à contre-cOUr'dnt, des pan is socialistes : respeaivement en IlOvembre 1981 et en octobre 1982, .. C 'est-à-dire les « carrilli stes .. el les« rénovaleurs .. suivant la terminologie de ャGセーッアオ・L@ ' 1 Cité in Crisis dd EJ"ocomutlismo, p, 325, "« Curiel y un grupo de ex,comunistas reapareçen en la vida po litica con la creacion de la Fundadon eオイッー セL@ El Pais, 2 mai 1989, l' Cen aines d 'entre elles 001 ensuite fusionni pour consti1Uer le PCf'I! aV;l/lt de rejoindre le l'Cf. en 1988, "C'est ain si qu'en Catalogne, le premier document politique offic iel de ce 」ッオイセョエ@ paru fin 1981, sous le litre Por fm congrtso democro/ico dt' IHlf/icipacio'l 'j dt' /Inidad dei /'Suc, et même la résolution du congres fondateur du parti des communisles de Calalogne en 1982, n'abordem la question que sous 1,111 angle intcrrogatif, La rupture est TlClle avec le choix sans iquivoque du l'CE. mais 1;1 pos it ion altcmalive est encore de s constquences de lïntégTluion. Ce absente. Il n'es, réclamé que l'ou\'enure d'un déoot sur ャ G セ カ。ャオエゥッョ@ débat sera tranché ultérieurement en faveur d'un . non" catigorique à la œE. 」[LNrセilo@ Memoria dt' la lroruicio'l, p. 152. " A/lOrtllllt'nsual, nO Il, juillet 1985, p. 7. "" Espana y la opcion europea ", Ahora mt'Mual. nO I.juillet 1984, pp. 21-25. " « Cana de Jaime BaJlesteros al comi te central", Mfmdo Obrt'ro, nO306, 14/11/1984. Jaime Balles· teros ra ppellc notamment le 」ッョエセ・@ e, les collditioos posées par la décision du VIII' congrh. JI estime quc ,. S. çes dernière s ne SOnt pas réunies (puissance du secteur public, avancée socio-éoonomique, indépendance .... ). Il finit sa leliTe en exprimant son • désaccord global セ@ avec la poli'ique suivie pnr le l'CE.. ,. Un ーイ oケセc ヲ o@ dt' i=quit'rda paru UllU Europa 、セ@ progrt'SO. conferencia nacional. 21-22 janvier 1989. pp.S-7. l' GIICt'W sindiral. numero 」セエイ。ッ、ゥョL@ octobre 1984, pp. 37-38. 11« Iv' congreso oonfederaciOll si ndical dc œoo. Documentos 。ーイッ、 ウセN@ Gaula sindicul, suplemento. mars 1988, p. 9. II DOC'unJt'nIOS aprooodos t'n t'I.' cangrtso con/t'dt'rol, pp. 55 -58. ,. Il s'agit de la rusion d'un petit courant dynamique issu des jeunesses d u l'C!'E (les oc) avec une partie de la base de J'ancÎellflC UJCE. Il Matfrialts dt'I.' wngrt'so, 1991. pp. 12-13. :0 Panni les nombreuses défini tions propostes par Ic PŒ, la ーャオウ」ッュ ャ セ エ ・@ est sans conteste celle qui fut セi。「ッョGA・@ dans le vi f de l' ac,ion née au lendemain du v' congrh du l'SUC q ui rejetn la notion d'eurocommu· nisme à une ne ne ュ[ャェッ イゥ エ セ N@ Une dtclaration du comité exécutif expose en huit points une dé finition de J'eurocommunÎ sme. Cclle-ci n 'accorde aucune place il la question dc la œE. L ' Europe eSI 。「ッイ、セ ・@ incirepri ses: pour les rapprochements avec les autres forces politiques e, comme cadre global demment 11 、・オセ@ ヲゥセ。ョエ@ UII contexte pour QG セ カッャオ エ ゥoiャ@ ven le socialisme. Compo'lemn t'unâalts dt' la poli/ica セオイッ」ュᄋ@ nilw . nO24. 11 V II pro)'t'cIQ de i:q"it'rda para unt' i:quit'rda 、セ@ progrt'so, conferencia n;!Cional. p. 4. Il A la mi-janvier 1989, s'est tenu un congri!s d'unification entre le PŒel une panic imponante du PCPE. l'I Le tcrme 。ーイ・ョエセ@ sied bien, par exemple, au socia liste Alonso Puena. anciell militan t du PSOE ct secn!taire ァセョNAイ。ャ@ du rASOC. principal allié du PŒ au sein d'tu , JO Rappelons id qu'il constitue la majorité d u groupe communi ste et apparentés au Parlement européen, " Le fait est que jusqu'en 1989, le groupe ー。イャ・ョ セ ョG。ゥイ・@ communiste européen présente celle originaliti de réullir IOUteS les tcrJdances du 1TlOU\'cment communiste occidental. tandis Ilue le communisme espagnol est div isé Cil trois formatio ns. même si deux d'entre elles son t provisoirement alliées. Lorsque le PCI'!! panicipe à la li ste d 'tu en tai sant ses différences , l'un des premien arg uments uti lisés pour justifier celle panicipation est que lesilus d'tu grossiraient un groupe parlementaire communiste déjà fon de quarante-six membn:s. Voir par exemple J. TAfAu.o.. « El PCC ante las elecciooes al parlamenlo europeo ". AI'(JIII, nO228. 22iUS/1987. LES COMMUN ISTES ESPAGNOLS ET L A QUESTION EUIWI'ÉENNE 15 1 n° 83, 221031l984. J. ANGUm,. '" Nueslra option europea J.l MOili. セN@ Eflrol/O·Espolio. n" 4, avril 1990, Fin 1992, le processus est acllevé avec J'adhésion du pt)$ ital ien 11 l' Internationale social iste, au pani des socialistes européens ct bien entendu au groupe socialiSlc du Parlement européen, Jj DIc/ara/iOlI dt IIJ comnrissiOlI politiqut. 17 juillet 1989. )0 Julio a L セguitBGN@ '" Nuestra option 」オイッー・。 セ L@ op, cil. )1 Conferencia nxional, op. Cil" 21-22101/1989, p, 21, .. J.M, fヲNセnBiGdez@ coordi nateur de la délégation lU-le au Parlement européen, " Balance de actividad dei glllpo i u eセL@ Ellropo·lÙpoIiO. nO5, p, 6, ... Manuel Monereo CSt 11 lui seul un symbole de l'évolulion du PŒ, pui"qu'il n'en eSI membre que depuis le oongrts de réunificatioll de 1988, Il provenait des rangs du PCPE d'Ignacio Gallego, Après avoir longtemps été membre des cellules lénin istes qui s 'étaie nt conSliluées en marge du PŒ dans les années ウッゥク。ョ ャ・M、ゥセL@ il est il. présent en charge des questions idéologiques 11 la direction du PŒ et le représente il l'occasion au plan international. .. ArulII, nO445, 14105/1992. " '" lnfonne al Xlii 」ッョァイ・ウセL@ MWldo Obrrro. Separata, décembre 1991, pp, 2-3. ' 1 Les trois députés communistes au Parlement européen ont été élus en 1989 su r la liste de la gauche unie (voir annexe), La première analyse du groupe parlementaire résume son point de vue de la manière suivanle : " sans diminuer nos appréciations criliques. il OOIlyiem de COlmaler que la Communauté a fran· chi un pas irréversible vers l'Union européenne lO , Dans cc cadre, la déclaration du groupe ・セーッウ@ de manière positive les avancées vers l'union politique, la citoyenneté européenne, la monnaie commune, la protection de l'environnement, le développement des transpons transeuropéens, la reconnaissance des réet de ウ←」オイゥエセ@ commune, Le groupe ウGゥョアオセエ・@ essentiellement du " déficit gions Ct la poli tique ・セエ←イゥオ@ démocratique .. et de l'" insuffisance ... de l'espace social. II critique sans ambages la position des Britanniques, • Valoracion dcl tratado de Maastricht .... Europa·EspallIJ, nO9, mars 1992, pp, 16-19. que Maastricht ne ャG・セゥァ@ en matière de déficit public, Au lieu de ' J Il se veut même plus 。ュ「ゥエ・オセ@ de 4.4% du PlB 11 moins de 3%, il entend poursuivre jusqu'à aueindre 0,8% en 1996. ramener le エ。オセ@ .. JI convient de ooterqu'cnjanvier,le patronat avait prisenté un plan de convergence dans les perspectives jゥセ←・ウ@ par t.h astricht. i@ Pais, " ", Sokhaga plantea un modelo de Estado corn mayor panicipacion de la iniciativa privada セLe Jl l< 13/121l992, -Rappon présenté par F. FWTOS el approuvé par le comité fédéral (ex-comiléce ntral ) du 21 juin 1992, Voir MU/ldo Obr..ro. nO II· 12. "Ce courant prend alOl'S le nom de .. nouvelle ァ。オ」ィ・セL@ . ! Il convient de noter que les Calai ans ne sonl alors qu'observateurs et qu'ils se seraient probablement prononcês en sens inverse 11 raison de 75-25%. Ceuc présence n'aurait pas pennis que la majorité fût renversée, .. M'llldo Obr..ro, nO 11-12, p. 3, Cenains saisissenll'occasion pour rappeler que la gauche unie est née pricisément de la demande de cooyocation d'un référendum sur l'entrtt de l'Espagne dans l'arAS en 1986, lO", Maastricht no merece un enfren tamiemo ", /lllI/ldo Obrao, nO 14, octobre 1992, pp. 6-9. 51 1:1 Pais, 12/0611992. 。オセ@ panisans du '" oui ", onze au et six abstentions, !l La ratification fut acquise à la quasi-unanimité. Seuls, les députés de la coalition indépendanti5le basque Hem Batasuna votèrent contre, ,.. Sur les 、ゥセᄋウ・ーャ@ députés de la gauche unie, quator.ee sonl communistes, Parmi ces derniers, huit s'abs· tinrem, cinq vOlèrenl " oui .. el un ne pril ー。 セ@ pan au vote, Lorsdu conseil fédéral suiva nt, les députés qui ne s'élaient pas confomll!s 11 b consigne d'abstenlion furem blâmés sans que soiem aggravé.:s les relatioos enlre les 、・オセ@ camps. Il Le 18 déce mbre s'est constituée 13 platc-fomtc catalane en faveur du référendum. Elle regroupe nolammenlles nationalistes HeセcL@ La cfida), les communisles (le psuc) el leurs alliés du PO: ainsi que des écologi stes. jl " non Le conseil politique national d'lU accorda quarante·scp! カッゥセ@ セ@ Le parti communiste français à l'épreuve de l'écologie : mutation illusoire, mutation impossible? Evolution du discours et des analyses: 1972-1992 Francine SIMON-EKOVIOI Au début des années soixante-d ix, lorsque les queslions de protection de J'environnement ont commencé à s' imposer en France, le l'CF s'est trouvé d 'emblée confronté à une série d ' interrogations el à une fonne de contestation de nature nouve lle, radicalement étrangères à ses préoccupations, qui heurtaient de plein fouet sa propre thématique. ses références identitaires, el ne pouvaient lui inspirer que méfiance à plus d ' un ti tre. En premier lieu. cette ré Oex ion émanait de groupes a priori suspects à ses yeux : d ' une part , les milieux libéraux américains, relayés en France par la nébuleuse centriste autour de l'hebdomadaire L'Expr ess, el d 'aulre part , les premiers groupes écologistes «( radicaux », issus du gauchisme de mai 1968, qui s'ex primaient dans la nouvelle presse « underground )), notamment C/wrUe-f/ebdo et lA CI/ellie Ouverte, et qui s'orientèrent dès 1971 vers le combat anti -nucléaire, conçu alors comme le fer de lance de la contestation Michel Bosquet écolog iste. Enfin, dès 1972, les chroniques régulières セ・@ (alias André Gorz) dans l' hebdomadaire Le No uvel Observateur ont largement contribué à la diffusion de ces nouvelles interrogations dans la mouvance de la gauche non communiste. En deuxième lieu, la nature des revendications écolog istes entrait en totale contradiction avec les composantes essentie lles qui fo ndent 1' identité du l'CF : une idéolog ie productiviste, une culture politique étroitement ouvriériste nourrie d ' une mythologie de l'usine. la m ine, l' industrie lourde, et d ' une esthétique du paysage industriel 1 ; une base sociale ouvrière priv ilégiée par le parti , et très peu réceptive aux questions d 'environnement. Enfi n, la conception jacobine de l' Etat et la fi dé li té au modèle lénini ste du parti on t, d 'entrée de jeu, fait J'objet de critiques radicales de la part des écologistes. Cependant, à J' instar de tous les autres part is politiques traditionnels menacés par l'émergence d ' une nouvelle fomle de concurrence - certes encore 154 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE marginale mai s dont l'impact n 'étai t pas négligeable - , le J'CF devait se détermi ner face à une série de questions: fallait-il accorder une place à l'envi ronnement et si ou i, laquelle? Comment analyser la contestation des sociétés industriel les productiv istes ? Celle préoccupation méritait-elle une ré nexion spéc ifique? Dès le départ, le PCF s'est enfermé dans une grille d ' analyse fondée sur deux postulats, qui ont fonctionné comme des in variants. La crise dc l'environnement n'cst qu ' un aspect de la cri se du capi talisme. Toute remise en question de la soc iété industrielle el de la croissance économique est une utopie d 'essence conservatrice. qui sert objectivement les intérêts du capitalisme , et qu'il faut rejeter d'emblée. Partant de ces deux postulats, le PCF adopte une orientation qui est demeurée constante, caractérisée par un remodelage systématique de la thématique écolog iste aux dimensions du prisme communiste. Dès lors" le J'CF s'auache à retraduire les questions soulevées par les écologi stes en conflit classique du trava il , épisode de la lulle des classes, et à déman te ler leu r d iscours. En opposant constamment les valeurs de la Science et la Raison - dont il se considère le déposi taire le plus fidè le - à de méprisables utopies obscurantistes, le PCF cherche à nier, dans un prem ier temps, la spécific ité d ' une sensibilité éco logique l porteuse d ' aspirations nouve lles et complexes. A partir du début des années quatre-vingt, la prise en compte timide des questions écologiques s'accompagnera d'un souc i presque constant de disqualifier les Verts en tant que mouvement politique. Après une longue période d 'occultation, le PCF a mieux pri s en compte les questions d 'environnement. Il s'avère cependant malaisé de dégager une périod isation claire de cette évol ution, au moi ns jusqu 'en 1988 : signe révélateur du malaise, des hésitations et des désaccords qui ont affec té la direction du PCF à propos de la place qu'il convenait d ' accorder à ces questions. Si à ce jour, le PCF a indéniablement intégré les préoccupations écologiques à son discours et ses analyses, il convient de s' interroger sur la nature et l'impact d ' un aggiomamclllo qui, à notre sens, s'apparente pl us à un replâtrage qu'à un réel trava il de redéfini tion identitaire, compte tenu de l'ampleur du fossé qu i sépare les mouvances communiste ct écolog iste. l, L' écologie occullée: 1972· 198 1 Durant celte prem ière période, de la signature du programme commun ( 1972) à l'accession au pouvoi r d ' un gouvernement de gauche à participation communi ste (198 1), le PCF, très méfia nt, campe sur des positions« marxi stes mécanistes» : une altitude de stricte orthodox ie qui contribuera à renfo rcer sournoisement un décalage culture l - déjà à l'œ uv re au moi ns depuis mai 68 - par rapport à d 'autres mou vances politiques et notam ment l'ensemble de la gauche non communiste 3. LE PARTI COMMUNISTE FRA NÇA IS  L'ÉPREUV E DE L'ÉCOLOG IE 155 / ./ . V II double refus: prémisses d' ulle margillalisatioll ? La place à peine visible accordée à l'env ironnement dans L'Humanilé (articles rares, brefs, purement Înfonnati fs, toujours relégués en dernière page) traduit 1'att itude négative du J'CF. La relat ive percée électora le (modeste, certes - 1,34% - mais supérie ure aux résultats des autres « marginaux ») de l'écol ogiste René Dumont, aux élections présidentielles de 1974, a marqué une étape importante d ' un double point de vue , poli tique et cu lturel : elle symboli sait la première tentati ve d ' inscrire l'écologie à part ent ière dans le débat politique officiel. Par ailleurs, les thèmes nouveaux évoqués lors de cette campagne ont recuei lli un écho substantiel dans la presse de toutes les tendances de la gauche et de l'extrême-gauche non communiste et de la mouvance libérale. En contrepoint, le silence appuyé de la presse communiste sur celle candidature inédite illustre, sous le vernis de l'Union de la gauche et du programme commun, le déオ ョゥ ウ エ・セ N@ calage croissant entre le l'CF et la gauche non 」ッ ュ L'occultat ion de la candidature de R. Dumont, et de la nouveauté qu 'elle représentait , traduit un refu s plus global d'accorder une légitimité à l'écologie com me nouveau champ de réflex ion doté d ' une problématique autonome. Quelques procédés classiques - occultation, amalgame - sont mi s en œuvre à celle fin. De man ière très symptomatique, les responsables du part i év itent d ' utiliser le tenne d 'écologie, ou ne l'emploient qu 'entre guillemets - révélant ainsi une appréhension du phénomène dans l' ordre de l'extériorité - , et lu i préfèrent l'expression pl us neutre de «cadre de vie ». Les proposit ions sur l' amélioration de celui-ci, di ssémi nées dans un catalogue de revendications tradit ionnelles, sont dès lors dépoui llées de toute spécificité. Ou encore, la question est évacuée, le sens de l'écolog ie dénaturé par des formul es creuses . Cette occultation sommaire se double d ' un refus de mettre en œu vre une ré fl ex ion réelle sur ces questions. Le l'CF maintient que la prétendue crise de l'énergie n 'est qu '« un aspect de la crise du capitalisme monopoliste d 'Etal » et dénonce «( les manœuvres idéologiques de la grande bourgeoi sie pour masquer la crise » S en se référant aux conclusions du rapport du Club de Rome, publ ié en avril 1972, et du rapport Sicco Mansho lt (alors président de la Commiss ion de Bru xe lles et vice- président de l'Internationale sociali ste), publié à la même époque, qui préconisaient un nécessaire ralenti ssement de la croi ssance et la mise en œuvre d ' un programme d ' économ ies d 'énergie. Le PCF s'em ploie à nier l'ex istence d'un problème de pénurie d 'énergie, considéré comme un alibi capitaliste pour imposer l'austérité et culpabili ser les travailleurs 6. Bref, il s'agi t là d ' un discours très réducteur, induisant des propositions simplistes et mécanistes, qui se résument à celte affirmation : seule la mise en 156 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE œuvre du programme commun, avec la « nat ionalisat ion des grands monopoles », va automatiquement résoudre les problèmes d'environnement. 1.2.Les réactiolls hésitantes dll PCI'" face à l'irmption des écologistes Sllr la scène politique A la suite de la percée des écologistes aux é lections cantonales (1976) et municipales ( 1977), on remarque quelques prises de position et initiatives de Pierre Juquin 7 et de responsables de la fédération de Paris, discrètement soutenues dans la presse du parti par Mireille Be rtrand, favorables à une plus grande prise en compte des questions d 'environnement. Lors des élections lég islatives partie lles de Tours, en mai 1976, P. Juq uin favorise la candidature orig inale d' un universita ire, directeur d'un laboratoire d'écologie expérimentale et spécialiste de l'environnement, Vincent Labeyrie: ce dernier souhaitait placer les problèmes de « qualité de la vie » au centre de sa campagne . En j uin 1976, lors d' une réunion du CC, P. Juquin présente un rapport sur le « cadre de vie » 8, qu i servira de support lors de la campagne pour les é lections municipales de mars 1977 9. Parallèlement, sous l'impulsion d' Henri Fiszbin 10, la fédération de Paris élabore une « charte verte pour l'Ile-de-France ». Enfin. la première réunion de la commission nationale chargée du « cadre de vie» auprès du CC, ainsi que l'organisation d 'une « semaine d'action pour le cadre de vie » sont annoncées Il. Ces diverses initiati ves correspondaient à plusieurs objecti fs: occuper le terrain et tenter ainsi de limiter la concurrence des écologistes, et j usti fier un appel à voter à gauche au second tour. La candidature de V. Labeyrie a également répondu à un souci de disputer au ps le terrain de l'environnement, et d 'auirer les classes moyennes, assez sensibles à ce thème 12. Il fa llait aussi, plus largement, tenter de sensibiliser sur ces questions nouvelles la base ouvrière d u PCF 0, dont les sondages montraient qu'elle y était particulièrement peu réceptive 14. C'était, semble-t- il, l'objecti f principal de la semaine d'action programmée du 12 au 19 juin 1977 15. Le bilan de ces initiatives se révèle décevant à plus d' un titre. En premier lieu, elles émanent d'une frac tion très restrei nte des instances dirigeantes du l'CF, et demeurent marginales tant du point de vue géographique - il s'agit uniq uemen t d'élus de la région parisienne - que politique. Les partisans d' une prise en compte de J'environnement demeu rent, sur le fo nd, extrêmement conventionnels, minimalistes. Ils é ludent tout débat de fond sur la question centrale des sources d'énergie, ou n'en proposent qu' une lecture très réductrice. Refusant d 'envisager l'hypothèse d ' une pénurie d'énergie potent ielle 16, ils prétendent répondre à la contestation du « tout nucléaire ») en rappelant qu ' ils se sont préoccupés d'écologie en luttant contre la LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS À L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOGIE 157 fennelU re des mines de charbon 17. La question des énergies renouve lables n 'est jamais abordée. Le PCF a enregistré un léger recul aux élections légis latives partielles de Tours 18. Mais l'échec patent de « la semaine d 'action pour le cadre de vie », an noncée comme une action d 'envergu re 19, apparaît encore bien plus révélaleu r. Celle-ci était clairement destinée à mobiliser les ouvriers sur ces questions. D' où le volonlarisme appuyé des art icles de L'Humanité, commentant l'opération «Seine propre» organisée à Rouen. Il fallait présenter coûte que coûte l'événement com me une mani festation de nature ouvrière. L'auteur du reportage précise: «Leur (les ouvriers) présence à cene action des communistes est particulièrement significative. La lutte contre la pollution industrielle, pour une meilleure qualité de la vic, c'est aussi. et surtout, leur 。ヲゥイ・I セ N@ Cette action avortée 21 confirme que les timides tentatives d 'ouverture et de récupération de l'écologie se sont mani festement heurtées à des blocages - ou des inert ies - aux d ivers échelons de l'apparei l, y compris à la base. Les partisans d'une ouverture à l'éco logie ont été pris dans une double impasse: pri sonniers d ' une rhétorique ouvriériste obligée 22, qui allait nécessa irement limiter la portée de leurs actions, face à un monde ouvrier manifestement indifférent, ils se condamnaient dès lors à une analyse étriquée et une définition complètement édulcorée des problèmes d'environnement avec, comme seules solutions proposées, les nationalisations. D'où le b ilan quasi nul de celte amorce de récupération , demeurée sans lendemain . Le témoignage de P. Juquin sur celle période 21 vient éclairer et confi mlcr ces observations, el pennet de replacer ce timide infléchissement dans le contex te plus large de la concurrence pc-ps . P. Juquin rappelle que dès 1974, face aux succès électoraux du pS, la direction du parti l'avait chargé de mener, en tant que responsable du «cadre de vie », .« une contre-offensive sur le thème des « libertés» », et il précise qu'il bénéfici ait alors du soutien de G. Marchais (face à la réticence d ' une large partie du cc) dans ceue entreprise d ' innovation et de défrichement de pistes nouvelles, comme l'écologie. L'élection législative partielle de Tours intervient trois mois après le XX II" congrès du PCF, marqué par l'abandon de la« dictature du prolétariat»: c'est la période des grandes illusions d'aggiomamemo et de l'euphorie eurocommun iste. P. Juquin relate aussi sa rencontre avec R. Dumont entre les deux tours des présidentielles de 1974: «Choc pour moi. Voilà une écologie de gauche!! »14. Lorsqu ' il présente au cc son rapport sur le « cadre de vie» en juin 1976, il croi t dès lors, en dépit de « limites graves, erreurs, compromis (impasse sur le nucléaire) », pouvoir ouvrir une voie « que le parti ne suivra jamais », et évo- 158 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE que « le décalage entre la part ie réfonniste de l'appare il et les forces d ' inertie internes au parti » 25 . Partisan enthousiaste de l'ouverture eurocommuniste, persuadé alors d'une réelle mutation du parti , P. Juquin avoue avoir été pris de court par le changement d'orientation de l'été 1977 et la rupture du programme commun: assailli par le doute , il continua néanmoi ns de « coller à la ligne » et réalisera bien tard qu 'i l serv it d'alibi à la stratégie d'ouverture factice de G. Marchais. entre 1974 et 1977. La pression cro issante de la contestation anti-nucléaire, que les écologistes sont parvenus à imposer comme enjeu polit ique, et qui atteint son point culminant avec la grande manifestation de Creys -Malv ille 26, le 3 1 jui llet 1977, intervient au moment où la direction du l'CF amorce un nouveau processus de repli. Raison de plus pour continuer d'esqui ver un débat pour ou contre le nucléaÎre - dans leq uel les com munistes se trouvaient en porte-à- fau x 27. Considérant que les événements de Creys-Malville n 'étaient qu 'une provocation, ils ont replacé la controverse sur leur propre terrain , réaffinnant leurs posit ions en faveur du nucléaire, mais contre le tout-nucléaire 28 , et précon isant la nationali sation de ce secteur com me un ique garantie d ' une sécurité optimum . La vision réductrice du problème et la volonté d'en occ uller certains aspects demeurent, là encore, manifestes. Ceue question restera pourtant l' axe central, structurant un nouveau clivage imposé par les écologistes dans le champ politique, même après l'accession de la gauche au pouvoir, et qui rebondira lors de la catastrophe de Tchernobyl. Après la rupture du programme commun , les préoccupat ions du PCF en matière d 'env ironnement se limiteront à la défense de ses positions sur l'énergie nucléaire civile. 2. Vers la mise en œuvre laborieuse d ' une « écologie communisle » : 1981-1992 A l'automne 198 1, alors que des mini stres communi stes participent au gouvernement socialiste de Pierre Mauroy, la création du Mouvement nat ional de luue pour J'environnement (MNLE) 29 amorce un tournant. La naissance de cette association témoigne d ' une double volonté. Il s'agit de tenter, à nouveau, de sensibi liser certai ns secteurs du parti, à travers les municipa lités el les sections syndica les, autour des questions d'envi ronnement, et d ' investir le cham p de l'écologie, en cherchant à conslruire, homogénéiser et promouvoir un di scours « écologiste communiste» spéc ifiq ue au PCF - qui donnera notamment toute sa place à la défense du nucléaire civil. Il s'agirait, dans un double mouvement, d ' un e ffort d u PCI' pour prendre en compte. voire récupérer, l'écologie, accompagné d ' un souci de réaffinnali on identitaire. LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS À L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOGIE 159 Cette démarche s'est cependant révélée très incertaine, et laisse supposer, même si elles furent moins catégoriq ues que dans les années soixante-dix , de forte s résistances internes. 2.1. Vne évolution lente el chaotique Entre 1981 et 1985, celle orientation relativement nouvelle reste tout à fait confidentielle, et ne s'étend pas au delà de la sphère du MNLEetde sa brochure. Il faut allendre le xxVC congrès du PCF, en fé vrier 1985, pour trouver la première intervention - très orthodoxe - d ' une déléguée sur le thème de l'environnement JO, mais auss i un discours très critique de P. Juquin - qui apparaît alors ouvertement comme opposant à la direction - , reprenant les orientations exprimées dans les années soixante-dix, sur un mode plus déterminé et audacieux. Il questionne : « N'avons-nous pas trop souvent ignoré. voire combattu des mouvements novateurs parce qu'ils troublaient nos schémas? (... ) Ne nous sommcs-nous pas trop isolés de la jeunesse, des nouvelles couches de travai lleurs ? » JI. La frac ture est visible, el d ' autant plus apparente que la résolution du xxVC congrès n'accorde aucune place particulière aux questions d ' environnement 32. L' année 1987, marquant enfin une prise en compte explicite de l'écologie par les instances officie lles ll, est aussi celle de la mise à l'écart de P. Juquin. amorcée lors du xxVC congrès de 1985. On retrouve là un procédé bien connu: la récupération par les instances dirigeantes d ' un thème soutenu par une contestation interne, préalablement réduite au silence. En revanche , ce n 'est pas avant 1986, el surtout 1988, que l'on commence à repérer dans L' Hllmanité quelques articles de fond qui contèrent enfin à ce thème nouveau un minimum de visibilité. A partir de 1989,I'évol ution s'accélère, liée, selon toute vraisembl ance, à la pression des échéances électorales (m unicipales en mars, européennes en juin), marquées par une très forte progress ion des Verts 34. Pour la première foi s, la résolution du XXVI!" congrès, en décembre 1990, révèle une prise en compte expl icite et substantielle de la défense de l'environnement comme thème à part entière. 2.2.Une évolution relative Les postulats restent cependant les mêmes; les communistes s'en sont tenus à un habill age - sous forme d'aggiol"l/alllemo et de modern isation du di scours - d ' une rhétorique traditionnelle, à savoir la réintégration des questions d 'écologie dans une perspective marxiste, et une redéfini tion de l'éco logie dépouillée de ses aspects « gênants », c'est-à-dire radicaux. Il s'agit, toujours, de disqualifier la log ique écologique radicale, qui prône la nécessaire remise en question de la société industrielle producti viste. 160 LA G,\UCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Le tournant se révèle néanmoins effectif. L' assouplissement des analyses apparaît clairement dans la tonalité générale de la brochure du MN LE, Nalllrellemem, ainsi que dans le dossier des Cahiers du communisme: les auteurs admettent explicitement l'existence d ' un retard théorique dans la pri se en compte des problèmes écologiques, et reconnaissent la nécessité de sortir du schématisme et de l'automatisme qui ont prévalu, afin de mettre en œuvre une réfl ex ion sur l'environnement à part entière: Il faut dire aussi que longtemps dans les pays socialistes. mais également dans les milieux eommunisles CI progressistes du monde enlier. l'idée d'une sorte d'automalisme était implicitement acceptée. (... ) Bref. la seule exislencc du socialisme dispensait, à la limite, de la mise en œuvre d'une politique d'environnement» 3:1 . « La volonté de réévaluer l'importance de ce thème et d ' approfondir la réflexion est clairement affichée, La nouvelle ligne appelle à considérer l'env ironnement comme un thème rassembleur, notamment pour la jeunesse, et à intégrer celui -ci à tous les proJet s et actions, Simultanément, la thématique s'étoffe ; on trouve nombre d ' articles sur les questions d ' actual ité; forêt s en péril . pluies acides, pollutions des eaux , etc., toujours interprétées comme les méfai ts des mu ltinationales et de la logique capitaliste. Sur la question délicate de l'énergie nucléaire, le PCF tente, surtout après la catastrophe de Tchernobyl, de minimi ser l' impact de ses position s en faveur du nucléaire civil , et déplace le débat sur le terrain des dangers du nucléaire mi litaire . contre lequel il mène une campagne très active, Enfin , les ana lyses proposées par le parti insistent sur le caractère international des menaces. à l'éche lle européenne, mai s auss i du point de vue des rapports Nord-S ud. A cet égard, la presse communiste s'appuie très ouvertemen! sur le rapport audacieux de J'ONU, Notre avenir commUII, élaboré par la Commission mondiale pour l'environnement et le développement, connu sous le nom de rapport Sruntland 16, publié en avril 1987. Ce document démontre très catégoriquement la relation incontournable entre les problèmes d 'environnement et les rapports Nord-S ud. Dans le même mouvement, le l'CF manifeste un activ isme nouveau, émanant plus part iculièrement du Parlement européen 37, où le groupe communi ste a cherché à amorcer quelqucs rapprochements avec les pacifistes. On remarque la publication de broc hures sur des questions ponctuelles 38, et d 'effo rts de promotion des thèses du rapport Brunt land , diffusé par le MNLE au printemps 1989, qui a largement servi de support à la campagne act ive menée par le l'CF pour les élections européennes de juin 1989 39 et demeure à ce jour le document de ré férence. pas seulement pour le PCI'. C'est en fin une députée communi ste au Parlement européen, Sylv ie Mayer, en même temps membre du cc, et responsable du secteur « Environnement » auprès de celui-ci , qui est LE PARTI COMMUN ISTE FRANÇA IS À L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOGIE 161 chargée de promouvoir un discours écologiste-communi ste, tout en réaffirmant la spéc ificité du parti 40. Mais si la pri se en compte de la thématique écologiste paraît bien réelle, l' argumentation qui sous-tend l'entreprise simultanée de d isqualification des mouvements écologistes relève d ' un registre strictement orthodoxe, réducteur et quelque peu obsolète. 2.3. Un loumant en trompe-l'œil ? La réactivation d'une thématique traditiollllelle Ce travail de récupération s'accompagne d ' une volonté de discréd iter les écologistes, fondée sur la revendication d ' une double antériorité: l'écologie scientifique, branche de la biologie au XIX' siècle, que le PCF reconnaît comme seule pertinente, et le marx isme. Cette thèse, déjà esquissée en 1977 par V. Labeyrie 41, est reprise et systématisée entre 1986 et 1988 par Pascal ACOI, chercheur au CNRS. Les deux uni versitaires revendiquent respectivement les titres de professeur d 'écologie et d ' historien de l'écologie. Cette référence appuyée à un savoir en matière d ' écologie et à un statut uni versitaire n 'est pas anodine: elle vient renforcer la volonté d ' affinner une double « supériorité », historique et scientifique. P. Acot oppose l'écologie scientifique à l'écologie politique qui ne serait que galvaudage 42, imposture, transposition douteuse de la sphère biologique à la sphère sociale. Les« vrais» écologistes scientifiques, les écologues 43, seraient menacés par des idéologues conservateurs et usurpateurs de l'écologie, les écologistes. P. AcOl reprend ici une thématique bien fam ilière: la stigmatisation de l'obscuranti sme. Il déve loppe cette argumentation dans sa très savante H islOire de l'écologie. L' ouvrage est essentiellement consacré à démontrer l'existence d ' une « idéo logie écologiste )} qui reposerait sur des présupposés théoriques erronés, l' organicisme et le biologisme soc ial 401. Considérant que Jes écolog istes opéreraient de dangereux transferts concept uels, P. Acot en conclut que ceux-c i commettent une « confusion épistémologique » 4S. L'« idéologie écologiste» se caractériserait par un « retour au sacré» calqué sur les structures de pensée chrétiennes -M. P. Acot affinne: Contre la conception conservatrice. biologiste el sacrnlisante des écologistes, une conception progressiste (... ). matérialiste, émerge au cours du クセ@ siècle ᄏセWN@ « Il évoque encore, se référant à la théorie de Marx et Engels, la fondation d 'une « pratique révolutionnaire dont l'h umanisme concret et donc la portée écologique ne sont pas près d 'être dépassés >} 48. A partir de là, il s'ag it d 'opposer à « une pensée fatali ste qu i mène à la désespérance» la définit ion d ' une autre écologie , l'écolog ie libérée, J'écolog ie de la libération , de la modem ité, autant de fonnules dès lors adoptées pour revendiquer une approche de l'écologie spécifique au l'CF 4'1. 162 LA GAUCHE FACE AUX MLrrAT10NS EN EUROPE S i la critique de certaÎnes tendances passéistes, conservatrices des écolog istes n 'est pas dénuée de fondem ents, ni propre au PCF 50, l'échafaudage théorique proposé ici appelle cependant plusieurs remarques. II s' agit év idemment d ' une vision très réductrice: le PCF demeure prisonnier d ' une grille traditionne lle. retournant contre les éco logistes les catégories d 'analyses utilisées pour désigner la droite. Par ailleurs, prétendre à l'existence d'une idéologie écologiste, qui serait par essence conservatrice, semble pour le moins discutable. On peut au ss i s' interroger sur la pen inence de la revendication d ' antériori té d 'une« écologie sc ient ifique », qui , par un glissement subreptice, serait naturellement 51 marxiste. L'amalgame est équivoque, mais ce retour obligé à Marx et au scientisme du XIX C siècle apparaît auss i comme un aveu très révélateur de l' incapacité du PCF à d iversifier ses références, et donc à opérer une rée lle mutation. Autant de rigidités dans les gri lles d ' analyse, qu i privent de crédibilité la crit ique enve rs les écologistes et condui sent une foi s encore à esqui ver toute ré nexion sur leur mouvance dans sa dimension présente et complexe. La démarche du l'CF compone encore bien d'autres limites. 3, L'impaci douleux d ' un aggiornamento de façade: le Pet' à la remorque d ' une r ecomposition en geslation 3.I.La marginalisa/ion du pa dalJ s le débat politique Si le PCF manifeste. depuis 1988- 1989, la volonté d'in tégrer l'écologiecomme souci visible, non com me axe centra l - à l'ensemble de ses revendications, celle att itude ne présente actuellement aucune ori ginal ité par rapport aux autres panis pol itiques: elle a été tout aussi tard ive, timide, et n ' a pas permi s au l'CF d 'enrayer un processus de marginali sation . Tous les part is politiques se son! employés à (( écolog iser セ@ leur programme . En 1990, les divers cou rants du ps, le RPR. plusieurs com posantes de l'UDF et le Front national ont consacré leurs univers ités d 'été à l'écologie. La réc upération de ce thème est devenue l'enjeu d ' une concurrence inlCnse. Rappelons, à titre d 'exemple, la publication en avri l 1990, du très audacieux rapport de Miche l Bamier (RPR) 52 qui, en préconisant le doublement du budget de l'environnement et en exposant cent propos itions concrètes, cherchait à prendre de vitesse Brice Lalonde, alors ministre de l'Environnemen t : ce dernier devait, un mois plus tard, annoncer la mi se en œuvre du plan vert , et la créat ion de son mouvement, Génération Ecologie. Au regard de ce t activ isme, les initiati ves du PCF apparaissent bien modestes. S i, par ai lleurs, on a pu observer quelques tentati ves très ponctuelles du l'CF pour afficher un rapprochement avec les Verts, celles-ci, aussi éphémères que superfic ielles, masquaient en réalité de profondes di vergences: elles étaient en contradiction totale par rapport au discours analysé pl us haut et ne suffircni pas à freiner le déclin é lectoral des communistes . Les Verts ont ob- LE PARTI COMM UN ISTE FRANÇAIS À L' ÉPREUVE DE l 'ÉCOLOGIE 163 tenu un score largement supérieur à celui du PCF lors des élections européennes de 1989 SJ, en dépit du ton relativement conciliant adopté par ce dernier d urant la campagne. Lors de la guerre du Go lfe, début 1992, la mobi lisation de la mouvance pacifi ste, qui rassemblait notamment le PCF et les Verts, a momentanément pu donner l' illusion - vite dissipée après la fi n de l'opérai ion « Tempête du désert » - de l'embryon d ' un axe « rouge-vert » : la perspecti ve de ce type de recomposition, qui inclurait le PCF, semble de pl us en plus improbable j.I. La campagne pour les é lections régionales et cantonales (mars 1992), marquée par l' âpre concurrence entre les Verts et Génération Ecologie, et la lancinante question des all iances au sein des assemblées régionales a favorisé un repli encore pl us marqué du PCF vers une position de splend ide isolement. Les scores très substantiels 55 obtenus par les deux partis écologistes ont confirmé cette évoluti on. Le l'CF a pu , tout à son aise, dénoncer sans d iscon tinuer les« magoui lles politiciennes» des Verts et de Générat ion Ecologie. La conjoncture était propice à la repri se d ' une rhétorique manichéenne et à la réaffirmati on du clivage classique gauche-droite. Aussi les contraintes et les compromis, liés à la participation au pouvoir régional, auxquels les écolog istes se sont trouvés inév itablement confrontés, ont-ils été assimilés à des manœuvres dou teuses. A l' appui de leur crit ique, les communistes s'en sont pris aux propositions économiq ues des écologistes : ces dern iers, préconisant le partage des emplois et des revenus, et une plus grande fl exibi lité du travail , prêtaient le fl anc à une condamnation fac ile de la part du PCF qui a pu, tout à son aise, dénoncer une collusion, év idente à ses yeux, en matière économique et soc iale, entre les écologistes, la dro ite et le PS, tous favorables à ce que les communistes interprètent comme la généra lisati on du chôm age parti el )6. Proclamant qu ' ils représentaient désormai.s le seul parti «propre », les communistes ont été j usqu'à affi rmer qu ' ils étaient aussi les seuls à être réellement préoccupés d 'écolog ie face à ceux qui ne pensent plus qu 'à la tactique polit icienne H. Il faut , à ce stade, s' interroger sur la crédibilité de ce discours. Les questions d 'ordre économique et social demeurent, dans une certai ne mesure, un atout dans l'argumentaire du PCF, conforté par une ambivalence relative des proposit ions des éco logistes sur ce terrain. En revanche, la position de repl i et d 'ex tériorité adoptée par les communistes dans la vie poli tique hexagonale, doublée de leur critique très réductrice des écologistes, oblitère considérablement l'i mpact de leur effort de mise àjour en matière d 'écologie. Plus encore: si l'on tien! compte - et comment ne pas le faire? - de l'aveuglement accablant dont les instances d irigeantes du l'CF ont fait preuve lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl , à un moment où le parti était supposé mettre en œuvre un aggiornamento écolog ique, alors on vo it mal 164 LA GAUCIIE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE comment celui-ci, prisonn ier de sa schizophrénie. peut encore espérer retrouver une capacité d'attraction. 3.2. Tchernobyl,' ultime piège de la léléologie ? La catastrophe de Tchernobyl セ XL@ survenue en avril 1986, a jeté à bas l'argumentation traditionnelle du J'CF en matière de sécurité nucléaire, et plus particul ièrementle postulat selon lequel le risque nucléaire et la crainte qu' il inspire sont· intimement liés à la logique capitali ste セYN@ Mais, avec cet accident majeur, les communistes ont aussi été pris au piège de leur relation sacralisée à l'Union soviétique. En s'obstin ant, contre toute év idence, à occulter l'ampleur de la catastrophe et à maintenir coûte que coûte une image positive. voire infaillible. de J'URSS, les communistes sont tombés dans une embuscade bien imprévue: celle de la glasnosr et de laperesrroïka. La presse du J'CF, et en part iculier L'Humanité, a manifesté un suivisme exemplaire vis-à-vis de l' informatio n dist illée par les Soviétiques, el une criante incapacité à formuler un discours quelque peu autonome; elle a été totalement pri se de court par le revi rement des Soviétiques qu i, après quelques jours, ont reconn u non seulement l'ampleur de la catastrophe, mais les retards el lacunes graves de l'information , ainsi que la série d 'erreurs humai nes el de négligences à l'orig ine de l' acc ident. Avant de se suicider, le 27 avri l 1988, le docteu r Legassov 60 avait rédigé un réqu isitoire fracassant contre l'induSirie nucléaire en URSS, mais aussi contre le fonctionnement du système soviétique, et notamment celui de la « responsabi lité collective », considéré comme principale cause de la catastrophe. Son tex te fut publié dans La Prave/a du 20 mai 1988 sur une page ct dem ie, et la presse communiste française s'est trouvée obligée d 'en fai re état 6 1. Au train où allaient les choses, pouvait- il en être autrement ? Plus qu' un accident nucléaire, Tchernobyl ressemblait alors à un symptôme, un révélateur des pesanteurs du système sov iétique et de la faill ite patente de sa technolog ie. Mais quelques années p lus lard, à la lumière des révélations sur l'état désastreux de l'environnement dans l'ensemble de l'ex-bloc sov iétique, Tchernobyl apparaît comme une métaphore tragique de l'effond rement du communisme et, pire encore , ne semble constituer que la partie émergée - glasnost obligea - d ' un iceberg terrifiant de poll utions nucléaires Vセ N@ Le PCF, victime consentante du mythe de l'URSS et d'un système fondé sur le mensonge et le silence, a été pris dans le piège de l'effondrement de son modèle, indissociable d ' une catastrophe écologique sans précédent. La disparition du com munisme soviétique le dé leste paradoxalement d ' une référence par trop encombrante. Esquivanltoute réflex ion de fond sur la nature de ce double désastre, le PCF admet la réalité de la dégradation de l'environnement à l' Est et se retranche, bien lard, derrière un argument simple: il exislait LE PARTI COMMUNISTE FR ANÇAIS À L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOGIE 165 en URSS un régime bureaucratique, qui n 'était pas réellement sociali ste et a sombré dans le retour au capitalisme sauvage 6J. Celle argumentation semble bien courte au regard de l'ampleur du passif, et on est en droit de se demander comment , Sur cette toile de fond sinistre, un discours écolog ique du PCF, auss i pertinent fût-i l, pourrait revêtir un caractère aUlre que factice. 3.3.Les paradoxes des él'olutiolls récetltes Et pourtant, un examen rapide des controverses recentes susc itées par l' irruption de l'écologie dans le champ politique nous conduit au constat suivant : certaines prises de positi on, confortées notamment par la prégnance du fossé Nord-Sud, sont objectivement favorabl es aux options défendues par les communistes. En d'autres tennes, il existe un espace potent iel pour Je l'CF, dans un débat de fond encore balbutiant. Mais le paradoxe est à la mesure du déclin du l'CF: trop affaibli et sclérosé, ce dernier n'est plus en mesure d'investir, d 'exploiter cet espace possible ; il ne fa it que l' accompagner. A la fin des années qUaire-v ingt, les écologistes ont incontestablement réussi à provoquer une prise de conscience et une intégration de leurs préoccupations. Mais simu ltanément. les tennes du débat imposé dans les années soixante-dix se sont amplement mod ifiés, notamment - mais pas seulement - en raison de la participation des Verts au pouvoir municipal et rég ional et de la logique gestionnaire qui en découle. Car le débat sur l'avenir de la planète , devenu protéifomle, mouvant , désordonné, se mesure à l'aune du désarroi - voire de l'impuissance - des pouvoirs en place. confrontés à des enjeux non maîtri sés. De plus, l'accumulation d ' informations multiples, parfois contradictoires, sur la crise écologique mondiale, conjuguée à la « conversion au réalisme»relative pour une fraction des Verts, très appuyée dans le cas de Génération Ecologie sous l' impulsion de B. Lalonde - , a entraîné une double évoluti on. Les écologistes ont été condu its à modérer leurs positions. Au delà des rivalités polit iciennes, cela tempère partiellement le caractère irréductible de leur antagonisme vis-à-vis des communistes. Si, par exemple, l'opposi tion n'a pas disparu, e lle a été en tre « productivistes » et « 。 ョエゥ Mー イ ッ、 オ 」 エゥ カ ゥ ウ エ ・ウIセ@ progressivement supplantée par une fonnul e moins radicale: « produire autrement » 64 . Enfin, à l'év idence, ce débat ne cesse de se complexifier. Par exemple, les révélations - postérieures à 1'« effet Tchernobyl » - sur les ravages de la pollution chimique et de l'augmentation de l'effet de serre dus notamment à l'extraction mass ive du charbon et du li gni te en Europe centrale et orientale, ont contri bué à brouiller un peu plus les positi ons, et conforté les partisans de l'énergie nucléaire, considérée comme « propre» si les conditions de sécurité sont satisfaisantes. 166 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE La permanence de la vieille controverse entre les « sc ientifiques », partisans du nucléaire, et les « idéologues» écologistes a largement favori sé cette relative réévaluation de l'option nucléaire et rendu, indirectement , une certaine crédibilité aux thèses que le PCF avait toujours défendues. ・ウᄏ@ et « idéologues )}, doublée du retour L'opposition entre セHウ 」 ゥ ・ ョエゥヲアオ en force des parti sans d 'une approche riers-mondiste de la défense de l'environnement - nécessairement associée au développement et inséparable d ' un nouve l ordre économique mondial - , fi rebondi à l'occasion du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992 65 , retraçant les contours d ' un espace politique dans leque l le PCF se trouve en harmonie. De fait, de nombreuses interventions, à comOlencer par ce lle du secrétaire général de l'ONU, Boutros B. Ghali, s' inspiraient largement des conclusions du rapport Bruntland, référence du PCF depui s 1989. La réticence des Etats-Uni s face à ces positions n'a fait que renforcer la thèse - largement reprise dans la presse du PCF - de l'existence d ' une « écologie des riches}) et d.' une « écologie des pauvres » 66. La problématique Nord-Sud s' impose désormais comme un axe incontournable autour duquel devront s'articuler toute réfl ex ion , tout travail de définition-redéfinition de l'écologie et de la gauche, el confirme la persistance d ' un clivage droite-gauche. support de la thématique du PCF. En revanche, la controverse entre « scientifiques» et « idéologues )}, posée en termes apparemment simples, témoigne du caractère équivoque d ' un débat aux repères incertains. La querelle des priorités - quels maux de la planète faut-il comballre en premier ? - masque des enjeux politiques et économiques considérab les. La polémique suscitée par l'Appel de Heidelberg, signé par deux cent soixante-trois scientifiques, dont cinquante-deux prix Nobel, et publié le j our de "ouverture du sommet de Rio 67, est à cet égard révélatrice. Les signataires ex primaien t leur inquiétude face à « l'émergence d ' une idéologie irrationnelle qui s'oppose au progrès sc ientifique et industrie l » 6S, et insistaient sur la priorité à accorder au déve loppement des pays pauvres et au rejet de l'ignorance. Les communistes, épousant les arguments de cet appe l, les ont amplement diffusés dans L' Humanité. Cependant , la rédaction du journal Le Monde , dans l'éditorial de première page du 3 juin, a manifesté un étonnement réprobateur : « Qu 'un aréopage sc lève pour dénoncer. dans un appel solennel, l'écologie comme une « idéologie irrationnelle », affimler que seule la science sauvera le monde et demander qu'à toulle moins la geslion de la planète soit fondée sur des critères scientifiques, n'cst pas ord inaire. (... ) Les chercheurs et industriels allemands, contrariés par les limites draconiennes imposées - sous la press ion des Yens - à leurs projets sur la biotechnologie, ont manifestement inspiré un texte qui ne peut que faire plaisir à de puissants intérêts. (... ) On peut craindre qu ' il y ait, dans cet "ppcl, une résurgence du scientisme du XIX· siècle. (... ) Si les Nobel ont voulu montrer leur intérêl pour l'environnement, l'ambilion est LE l'ART I COMMUNISTE FRANÇAIS  L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOG IE 167 louable. Mais la manière dont ils le fonl donne ü leur message l'allure d 'une admonestation péremptoire ». Le lendemain, la rédaction de L ï ·/lll11onité publiait sa réponse indi gnée, réitérant son soutien aux signataires de He idelberg. Si les insinuations du Monde sont exactes, elles confirment que le clivage équivoque entre scientifiques et écologistes dépasse et broui lle les contours de l'opposition gauche-droite. La polémique recouvre d'autres ambiguïtés: présentée comme une opposition entre « scientifiques» et « idéologues », elle revêt un caractère artifi ciel, réducteur, et contestable d ' un point de vue théorique 69. Celte approche reprise par le PCF dans sa version la plus simplificatrice élude une question centrale pour une meilleure compréhension du mouvement écologi ste: ce dernier s'est en panic constitué à panir d ' une contestati on de la science par les scient ifiques eux-mêmes, autour de mai 68 70. De toule év idence, la prise en compte tard ive de l'écologie par le PCI' s'apparente à un repl âtrage : son di scours ti midement rénové est plaqué sur un comportement de crispation identitaire. Les communistes cherchent avan t tout à préserver leurs derniers bastions et s'enferment dans une attitude de radicale ex téri orité par rapport à la vie politique fran çaise. Par ailleurs, en réduisant le phénomène écologiste à une forme d ' archaïsme, les communistes reprennent les mêmes catégories d ' analyses utilisées pour dés igner la droite. Ils manifestent là leur double incapacité à penser le phénomène dans sa complexité, à renouveler leurs ressources théoriques et donc à se transformer. Le PCF s'est structuré à partir de fractures économiques et sociales qui dasiècle. Il a longtemps incarné une forme de modernité liée à un tent du xiセ@ moment de la société industTielle, de nos jours en voie de dépassement. L'émergence des écolog istes semble correspondre à l' apparition de clivages nouveaux, encore embryonnaires, qui bousculent un système partisan vieill i, fondé sur des cl ivages partiellement obsolètes. La thématique des Verts repose avant to ut sur une critique de la spirale productiviste et technocratique de la société industrielle. L'environnement constitue certes leur préoccupation majeure, mai s il s sont aussi porteurs d ' autres aspirat ions encore diffuses. Leurs formes inédites d 'organi sation et d 'action tradui sent un désir de faire de la politique « au trement » . Il s manifestent une volonté de questionner ct de repenser la modernité dans ses excès centrali sateurs et bureaucratiques. Autant de composantes qui les situent en rad icale opposition avec un part i communiste irrémédiablement sclérosé. Not ts ' Sur C(S qU(st Îon s, voi r notamment: S. COURffiIS. "Construction et déoonstructÎon du communisme frarn;:tis ". Com"'lmismr. 1987. nO 15- ]6. pp. 52·74: セ@ La crisc lks identités communistes セョ@ Europe oc· 168 LA GAUCIIE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE cidentale JO, Communismr, 1988, nO 17, pp. 47-61: M.l.A7......, MuisOllS rougrs: Irs partis cooummistrs !rullçuis rt italirn dr la LibiratiOll tI 1101 joIlrS, Aubier, 1992. 416 pages : « Lu panis communistes de l'Europe occident:1le face aux mut:uiom de la classe ッカイゥセ・@ _, Communisnrr, nO 17. 1988. pp. JO.46. INClUS reprenons ici la llOIion utilisk par P. AlI'I!A1<DER'Y. P. BITOO." , Y. DuI'O!ll"T, L'lquil"oqur kola· giqm' . La Découvene. 1991 ,277 pagel, p. 6. J Voir セi⦅aN@ Rf..'"oo. .. La presse française et l'environnemem _, PreSSr ACIUUli'l, septembre· octobre 1972. nO 76. pp. 27·39. L'f tude momre que L ' l/umO/rill sc plaçait alors en dernière position quant! la prisc en romple des questi ons d'environnement 'Lorsque R. Dumont déd:tr:lit : « Il faut reconnaître aussi que J'ensemble de la classe ッオカイゥセ・@ fran çaise profite en panic de J'exploitation du tiers·monde _ (La Cmi.T. 27/411974), il llll1çaÎ\ une sévère provocation! \"endroit du rcF, que cc dernier n'a pas .. entendue _. Il Yavait poun:mtlill matière à un débat de et que le l'CF a toujours. et pour cause, esquivf. fond qui reste 、G。」エオャゥセN@ · G. PEv.CHAIJD, F. Dtoocou,. Quellemse. quelle issue? JO, Ca/rirrsdu communismr. décembre 1974. p.31. ' G. BlOLA.l, .. Marctlands d'air pur el d 'tau limpide., La Nou"rllr cri,iqr/r. octobn: 1973. nO67. pp. 18-22. Y. T AUlOtlA.S. « Qualilf de la vic: à questions nouvelles. n!ponses nouvelles _. Cahirrs du cOOl/nullisme, aoûl-scplembre 1978. , P. luquin ftait alors membre du OC du l'ÇI', 」ィ。イァセ@ du «cadre de vie" depuis fin 1974. 'L' ffllmonil l, 24/611976. p. 8. ' M. Bf.RTRAND.« Les communiSles et la fièvre vene _. FrllllCl' nOl/I·tllt. 7fJ/l977. ct« Les pollueurs iIOI1t au pouvoir _. u Mondr. 10/3/1977. '0 AIOI"$ seçlitaire de la ffdfr.uion de Paris depuis 1973, membre du oc ct candidat communisle 10 la mairie de Paris. " Cahirrs du commullismt, ;1,I;n 1977. "Voir T. fオZセLBᅦziN@ セ@ Bataille poor les cluses moyellne$ JO, u Mondr, 51S/1976. u. cGセU エャ。@ clas!loC ッカセイ・@ qui est la ーイ・ュゥセ@ ゥョエヲセ@ par l'kologie ... M . BUl1u..,"o, op. cil. "Voir !"enquête de la Sofres, «L'flcctor:u ven '", ーオ「jゥセ@ par Nourd Obsrn"/llrUr, 7f211977 : celle<i Ii\'èle la pefll\arlencc de l'impern1l!abililé des sympathisanls du PCf lia propagande .. vene BNiゥセA@ la çoofiilfltt acrord& au pani pour les prendre en cllarge. A ti lre d'indication. 3% !IoCulement des sympathi · çootre 16% de ceu.\ du l'SU et de sants du PCf seraient rkepti fs Il la propagande ←」ッャァゥウエセL@ I·utlime-gauchc. 29% de 」・オセ@ du l'S. 7% du CDS et du pani radical. 5% des MI. 4% du Rf'1t. ct 33% de ceux ne sc reconnaissant dans aucun pani. "« Ces problèmes ( ...)onttoujoors préoccupé les ュ。イセゥ ウエ・@ pour qui la qualité de la vic des 'ravaill eurs roc sc limite pas aux licul où ils produisent _. R. PQuRTEAU, L'l/wlll/ni,I, 13/6/1977. municipales : «Faire croire que le moode " V. Labeyrie écrit en pleiroc campagne pour les セャ・」エゥoOQウ@ coun vers uroc pénurie d'fnergie ClOI une conclusion absurde immMiatemem オエゥャセ@ par l'idéologie des monopoles au pou"oir ( ...) pour justifier l'austfrilf _. .. lmponancc et limites de l'kologie. , L'/lulllalli/l, u 9fJ119n. "M. BEltTRA.... D. op. cil . "u Mondr,1l1Sl1976. " Collirrs du communismr.juin 1977 : L'lIunuJ/litl. 13/6/1977. "' L' lfllmonill.1 4/6/ 1977. l' Le décalage entre l'ampleur de l'action annoncfc. le ton de s anicles. ct le traitcmem accord.! 11 |B セカヲョ・ュエ@ dans L ' /lullloni/i COlTOborc ce ne impression de di Sl;Cnsions internes; le sujel est ウケ エ セュ。エゥᆳ que ment relfgué en dernière page. " " L'écologie politique rtprtsente l'ambition des couches moyennes salarifes, intellectuelles en pani culier. floofffes( ... ) par le pouvoir des monopoles ( ... ) mais qui n'acceptent paser"lOOfC une alliance fr:mçhe avec la classe ッオカセイ・N@ lui reconnaissant sa place. C'est l'ambition illusoire d'une u"Oisième voie dom les couches moyennes salari&s セゥ・ョエ@ ralle dirigeant •. L PuœVAI., .. Ecologie politique, troisième voie ? _. FraI/Ct" llou\·ellr. 5/ 12J19n. Il E. QuIQUET, Pirrrr Juquin ou 10 grnist üUllr dissidmcr, Mailrise dlli stoire, Universi tf de Lille III , sous la direction de J.F. SI.t,"ELU. 1991 -92, 152 pages. Ce trnvail compone en annexe un docurnenl m:mus· crit de P. Juquin. dans lequel il livre quelqucs prtcicux ren!loCignemems sur §()fI itirH!rnire politique. l'Ibid.. pp. 146-147. LE PARTI COMMUNISTE FRANÇA IS À L'ÉPREUVE DE L'ÉCOLOGIE 169 lllbid.. p. 141. "' CeHe manifestation dégénéra dan s la violence. avec un mon et de nombreux blessés. Le PCF, favorable à ["énergie nucléaire, n'y panicipa pas. et le P:S - après des hésitations - non plus. n Le PCF a toujours soutenu le nucléaire civil: c'est une composame fondamemale de ses orientations. La défense de ce secteur va de p:lir avec la proteC1ion de ses 「。セエゥッョウ@ industriels, not amment f.[w(Ela:tricilé エ@ à l'énergie atomique), entreprises publiques il forte implantation comde France) ct le ŒA Hcッュゥウセ。 muniste. '" Ils ont repris 11 cene occasion un thème qui leur est cher, il savoir la néçessité de diversifier les sources d'énergie par la riouvenure des millCs de charbon - autre bastion tr.lditionncl du PO'. " Celle association contrôlée par le PCFct lau;r,édite une brochure. Nalllrelltmem, ti rée ilenviron cinq mille ・セューI。ゥイウN@ et diffusée]».r abonnemems il des collectivités locales. des associations et des syndicats . .IO )meO'emion de S. LI! Roux, .. Défendre ["environnement, c'est lutter contre la crise '", Cahiers du commllnism/.'. février 1985. I I Ibid.. pp. 200-201. llOn ne retrouvera qu'un k ho discrtt de cc débat dans un petit article d'A. LEI'lŒRE. セ@ L'environnement en question .... Cahi/.'rs dll commllnisme. juillet-aoOt 1985. II Voir le dossier substantiel: "L 'environnement, enjeu de société. enjeu de civil isation )J, Cahiers dll comntlmisme, juillet·aoÛt 1981. dont on retrouve des éléments dans la résolution du xxv" Congrès de décembre 1981. ).1 Ces derniers obtiennent une moyenne d'environ 8% dans les villes de plus de neuf mille habitants où ils se son t présentés (municipales). et 10.59% (neu f députés) aux élections européen1lCs. " Calri/.'f$ du communisme, juillet-août 1987, p. 41. ,. Du nom de son auteur. Madame BR UNTU.No, fumier ministre social-démocrate de nッoGセァ・N@ l' Ce qui n 'exclut pas des initiatives régionales. BG p。イ・セューャ@ lors de la pollution du Rhin par les usines Sandoz (novembre 1981). JO Au cours de laquelle le groupe communiste nu Parlement européen a publif une brochure: "' 10 propositions pour ["environ1lCment_ . .. .. Nous ne IlOI.IS situons ni ne nous déterminons par r3ppon à d·autres. Nous ne nous prononçons pas pour ou contre les positions des écologistes. mais bien ]».r rappon à nos propres conceptions de l'écologie •. (5. MAYER. " La IUlle pour l'environnement. ouvrir des perspa:tives nouvelles., Cahiers dll COI/I· mWlism(. juill et-août 1990). S. M"Yf.Jl a aussi publié. il ["automne 1990, un ouvrage: Parli pris pour rico/agie (Ed. Messidor), qui synthétÎse les positions du PO' sur la question . .. V. la。fNョャセL@ .. Importance et limites de l'écologie ". L·Hllnianir/. 9/311911 ct " Qu'est-ce que l'écologie 1 . , L'f/llmanill, 16/111 1911. L'auteur krit notamment: ,,["kologie eSI sortie du domaine uclusivement scientifique. où elle fmi , d'ailleurs souvent ignorée. pouremrerdans la vie de touS les jours. ( ... ) Cene liaison entre écologie et politique irrite de nombreux セィ・イ」オウ@ qui la ressentenT comme une souillure entâchant l'objectivité de leurs travaux _ (p. 8). sièc le. Le mOl a ←エセ@ galvaudé dans ' l .. L 'écologie est une discipline de la biologie née au cours du セエxG@ les années ウッゥセ。ョャ・M、クN@ jusqu'à I"«ouvrir un discours très général. mais 11 prétention scientifique, sur les choix de société. Il convient de remeure les choses en place '". P. Acur.", Le souci de l'environnemem et du cadre de vie CSt une démarche naturellement ffiarllistt _. L' iャQュ。ョゥセN@ 13/3/1986. " P. ACOT.llülOirt dr rlc%gi/.'. pup. 1988,261 pages. p. 10. " Ibid .. p. 112. ·' Ibid .. p. 219. "Ibid .. pp. 240-242. "Ibid., p. 242. " P. Acur . • L'illusion naturaliste sur le point d'être dissipée. L 'écologie libérée ... L·I/umanill. 1511211988. "Cc type d'argumentation a parfois verr.é dans la caricature, nOiammenllors de la campagne pour les européennes en 1989. Le passage d'Antoi1lC Waechter, candidat des Vens, à l'émission télév isée L'I/el"/.' d/.' l' IrÎli, n'est pas commenté par L' I/umanill. cependant que P. Acot y publie. en pleine ]».ge 0 /6/1989), un article inti tulé .. L'écologie de la modernité _, dans lequel on peut lire: " En libérant d'une aliéna1Îon bi-millénaire la façon de penser les rappons entre l'homme et la nature. la pensée communiste D nnticipé. sans le sa\'oir, su r la pensée écologique dont le monde modeme a besoin. On l'a compris. encore セi・」エゥッョウ@ 170 LA G.\UCI1E FACE .\UX MUTATIONS EN EUROPE tout rttcmmem. à tr.m: rs I"échange COIre P. llerzog (po') et A. Wacchter. où le plus érologiste des dcux n'a pas été セi オ ゥ@ allquel J'opinion publique s':lUcndait セN@ "' Voir L. Ft:RkV. U /lOI"'fI ordrl': Inllogiqrll!. L'urbre. /"Imimale/ /' homml'. GIOlSsel. 1992.274 pages. " p, Arer... Le souci de l'environnemem et du cadre de vic est UfIC do!marche naturellemem L@ marxiste '". L'J/rlllran;ll . ャjセiYXV 01 M. B...II." u;" , Chacun pour 10US, udlfi Icologique, Stock, 1990. L'auteur cst un ancien oollabor.ucur IlOITInlé minis1Tl' de l'Environ· de R, Poujade. pn:'miN ministre de l'Environnement en 1971, Ct vient 、Gセエイ・@ nement dans le goovememcm BaJiadur, Le premier ouvrage publM! p:tr le 1'0' sur la question (S. MAVEII:, op. cil.) ne p:mlit qu'à J'autOOlfIC de la même anntc. JJ I'O' : 7.71 % ; Vens: 10.59%. "Nous la issons ici de côté lïtinérJire de P. Juquin ct des « セョッカ。 エ ・ オ イウセN@ ainsi que la démarche aclOelle des .. rtconstructeurs ,. Ct « rerond:ueurs .. du 1'C1'. Rappelons セー・ョ、。エ@ I"échec du projet .. rougc -ven • (à ,'rai dire plus. rouge. que « ven _. car !\Outenu p:tr l'extrême·gauchc : la I.a. trotskyste, Je l'SU ct la FMér.uion de la gauche alternative. maoiste) quc P. JUIluin avaittemé de promouvoir l travers sa candidature aux élections prisidcmielles de 1988. Celui-ci n'obtint que 2.01 %. contre 3,78% 111 A. Wacchter. candidat dc$ VctU. Ce イ← セ オャエ。@ aneste - ct n'a pu été ゥョヲセ@ depuis - qu'un candida! cn rupture de pani. mais nbnmoins marqué par une longue app:tnenance « rouge ". ne di spose que d'une 」。ーゥtセ@ d'a tl rt\Clion dérisoire: pour un électorllt sensible aux エセュ ・ ウ@ écologistes. face 1 des candidaTs positionnés, 、セウ@ le début de leur engagement po litique, du cᅯtセ@ des .. yens セ N@ L: adhésion de p, JUIluin au pnni des Vens a été 。 」セーエ←・@ avec beaucoup de セエゥ」ョL@ aprh un débat trh sem! au sein du pnni. ct lia condition que l'ancien dirigeant communiste. trop marqué. aux yeux de cenains, par son passé . rouge _. demeurt Totalement silencicux pendant quelques années. Si les. rtton'>lructC'Urs " CT. refond:ueurs .. revendiqucnt une plus grande oovcnure envers l'écologie, ct セョ。ゥ」U@ positions communes a"cc les Vens. ils n'ont établi avec ces dernicrs que des contacts indivi· duels ct IIh embryonnaires.. AUTant 、Gゥョセ ウ@ confinna nt la grande méfiance des Vens vis-l-vis des« rouges ". JJ Aux élections n!giona les. les écologistes. TOuteS tend:lrlccs confondues. recueillent 14.37% des suffragcs, dont 7,1 % pour Génération Ecol08ie (B. Lalonde) CT 6.8% pour les Vens (A. Wacchter). l.e t'CF, en recul de 2,32 points par rappon aux rtgionales de 1986. obtient 8% des voill. " Voir notamment lGhオセュゥイOL@ 13. 25. 26. 27. 28M2: 2.12.2613/1992, '1 L' lIumDnill , 261311992. "' F. SI)I()'o·EIto:o"K:H. t HG ィセイョッ「LNQ@ n iセ@ l'CF. communication au colloque de la mission hiSTOrique fJall· çaise cn Allemagne. Institut fUr Zeitgcschichte. Mün ich. 1-3/ 12/1988. " Cet accident n'a pas rtellemcnt affecté l'cnsemble des panis.ans du nucléaire cn France. qui onTbé· néficH! de la !\Olide rtput:lTion de 1:1 technologie française. ct d'un consensus hexagonal relnTivcnlCnl l31ge, en do!pit d'un vif do!bat sur la sécuritl! nucléaire. auquclle!'Cf' a :lmplement participé. oo Membre du Praesidium de l'Académie des sciences ct de la commission d'enquête mise en place au lendemain de l' accident. .. L·/fumDn;ll. 2JISI I988. Rb"Q/utiOll, 3/611988, n 4JI. Voir aussi Le Momü. 22-2JISI 1988 . .: Voir Je repon3ge accablanT diffusé le 23fJ/1992 dUJallT l'é mission tmvisée lA morcht du s;«lr (France 3). oJ Voir p31 cxemple L' HunI/Jnir/ . 26 ュSQセ@ 1992. AVllllt l'effondrtment de l'UItSS. les commun istes invoquaient la pression de la guerre froide ct de l'i mpérial isme américain, pour trouver des circonstances anénuantes aux ravagcs de 1:1 pollUTion nucléaire. .. Fonnulc qui n'est pas sans lien Dvec le concept dt: « <JévcloppelllCnT SOUTenable .. H ウオjヲャェゥイ。「セ@ 、セiG セ G@ lopmrm) proposé dans le rappon Bruntland, NOirt /JI'Mir ù I/JU$. op, ('il. Voir aussi G, S... i ZュG セ ByL@ u s Vuu. l'\lF. 1992. 127 pages, pp. 71-72 .. Sur le Sommet dt- Rio. voir U Mondr ct L'HunIanir/. qui en a très largemen t rendu compte du 2 au 6juin 1992. " Voir P. PAlAIRE, L'ultip;r l'rrle : i」 ッャァゥセ@ drs richrs,lrologit litS pa/II'rrs, Hachelle, l'luriel, 1992, 221 pages. "L' UMmnill,2I6I1992. "CiTI! dam L'Uumonill, 2/6/1992. Voi r aussi l'inTervie w de Claude aijセァイ・L@ l'un des signataires. ù NOl/I'tIObsc,."UlCur. 11·17/611992. pp. 96-98. Q L E PARTI COMMUN ISTE FRANÇAIS À lG i セiGreuv@ DE L'ECOLOGIE 17 1 ャi。ゥGセ」・N@ ,., VOir J. IIAHI;R\IA', lA' Il!c/llliqllt' l'I la sril'lIet' mmme" idéologie . , l'ari,, Gallimard, 1973, de b Re· '" Voir R. PI<O\II,R. V.J. l セ@ SnG";LR. Gellùmi,m ,·rrtc. lu IcQlo.çim·s t'IIl)(,litiqllt'. ャG イ・UscZセ@ 1992.334 ]Xlges, pp. 29-30. Le retard social-démocrate en Europe centrale et balkanique Jean-M ichel D E W AELE 1. Introduction Après l'effondrement inattendu du mur de Berlin en novembre 1989, de nombreux observateurs croyaient pouvoir prédire " émergènce prochaine d'un puissant courant social-démocrate dans les anciennes démocraties populaires. Selon ces ana lyses, celui -ci aurait dû bénéfi cier de la peur et de l'incert itude nées dans la population face à la rapidi té des changements économiques, compte tenu de l'égalitarisme ambiant dans ces sociétés, de la présence encore massive d' une classe ouvrière traditionnelle et du discrédit des partis corn· munistes. Ces prévisions semblaient renforcées par certains sondages et quelques études relat ives aux intentions de vote et aux valeurs idéo logiques des populations de ces nouve lles démocraties parlementaires. Les conclusions apparaissaient alors généralement fort optimistes quant à l' avenir de la social-démocratie. Manifestement , elles sont largement influencées par le climat d 'euphorie qui régna pendant quelques. mois en ()çcident. La plupan des thèses défendues dans le Joumal des élections 1 de février 1990 en sont des exemples symptomatiques . Ce journal publiait le résultat d ' une grande étude d 'opinion comparative menée dans différents pays du continent européen 2. Les partis sociaux-démocrates « historiques» se voyaient prometlre un avenir radieux tandis que les structures communistes sembl aient appelées à se di ssoudre, à disparaître ou à rejoindre en bloc le camp nationali ste. En Europe occ identale, cette perception perdure j usqu 'aux résultats des élections tenues en Républ ique démocratique allemande. A la surprise de nombreux instituts de sondage. la population est-allemande pré fère les risques et le rêve offert par une unificat ion immédiate. promise par les chrétiens-démocrates, à l' intégration progress ive et prudente défendu e par le SPD. 174 LA GAUCI IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE La série d 'échéances électorales d 'avril à juin 1990 dans les anciens pays socialistes confirme et accentue mêl!le ce premier résultat. A tel point que les scores obtenus par les sociaux-démocrates est-allemands, vécus au moment même comme une lourde défaite, apparaissent quelque temps plus tard comme les meilleurs réalisés par un parti soc ialiste en Europe centrale et balkan ique après la chute du communi sme . En Albanie, en Bulgarie et en Rouman ie, les partis soc iaux-démocrates n'obtiennent que des résu ltats insignifiants lorsqu ' il s ne fon t pas panie de larges front s anti-communistes. En tout état de cau se, leur influence politique et idéologique reste fort réduite. En Pologne, plusieurs mouvements se réclament explicitement ou impl icitemen! ) de la social-démocratie mais il s ont peu d' influence électorale et resten! extrêmement morcelés, à l'image de l'ensemble du paysage politique polonais. Les élections législatives n'envoient à la diète que quelques personnalités pouvan t être classées au mieux comme des sympathisants des valeurs sociales-démocrates. En Tchécoslovaquie, lors des prem ières élections .Jégislatives de juin 1990, les sociaux-démocrates n'obtiennent pas les 5% nécessaires pour siéger au parlement. Seul le ralliement d 'élus du Forum civique, suite à son éclatement 4, permettra au part i social -démocrate d'être représenté au parlement fédéral. En juin 1992, lors de nouvelles élections législatives, le parti social-démocrate ne récolle en Bohême que 6,8 % à la chambre des nat ions. Dans la partie slovaque, les résultats sont encore plus décevants pu isque, ma lgré la présence d'Alexandre Dubcek sur ses lisles, le parti social-démocrate slovaque ne parv ient pas à franc hir le minimum de 5% pOUf obtenir des sièges au niveau national s. En Hongrie. le mouvement social-démocrate semble aussi faible que divisé. Le tentative d'A. Petrasov its de faire renaître de ses cendres le parti social-démocrate« historique» n'a été qu'une suite d'échecs dOnl l' Internationale socialiste a pris acte en suspendant ce mouvement en fait quasi inex istant . Globalement donc, le bilan de l'émergence ou de la renaissance des panis sociaux-démocrates en Europe centrale et balkanique apparaît comme un grave échec pour ceux-ci et pour l'Internationale socialiste. Aucun de ces partis ne partic ipe pour l'heure à un gouvernement, leurs élus nationaux sont rares et les partis sont faibles et divisés. Nous voudrions tenter de mettre en évidence divers paramètres expliquant celle situation. Les conséquences de tous ordres de la grave Crise économique que traverse l'ensemble des pays d' Europe centrale ct balkanique ne seront volontairement pas traitées. Elles nous semblent nécessiter une étude à part entière. A notre sens, ce serail une erreUf de cons idérer soit qu' il ex iste une explication simple et unique, soit que les situations divergent tellement d'un pays à l'autre que seule une étude cas par cas pourrait faire avancer la recher- LE RETARD SOCIAL- DÉMOCRATE EN EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE 175 che. Il nous semble que les expl ications sont de nature diverse (historique, sociale. idéolog ique, etc,) et se combinent diffé remment et avec une intensité variable se lon les part icularités nationales . Notre tenterons de mettre en év idence les éléments communs éclairant les diffi cultés générales d'émergence de fo rces sociales-démocrates en Europe centrale et balkaniq ue 6 . 2. Le poids de l' Histoire II serait certainement trop réducteur d'analyser les difficultés d 'émergence des partis sociaux-démocrates « historiques» uniquement en terme de retour mécanique à l' histoire de l 'entre-deux-guerres. Les transfomlations profondes des structures sociales, des mentalités et du niveau d 'éducation de l'ensemble de la population interdisent tout automatisme, Néanmoins, l' histoire d' une région el d' un mouvement politique pèse sur le développement fu tur des fo rces politiques . Elle forme une partie du terreau sur lequel se développeront les nouvelles forces poli tiques. Rappelons donc brièvement quelques données qui appartiennent à l'histoire de ce siècle et qui , à des litres divers et avec des intensités variables, continuent d'avoir des conséquences sur la formation - ou la non-formation - des social-démocrat ies. 1. Il faut rappeler la grande faibl esse des mouvements sociaux-démocrates en Europe centrale et balkanique. Sauf en Bohême-Moravie, les mouvements d'inspiration sociali ste resteront faib les dans la plupart des pays d 'Europe centrale et balkanique 7. JI est vrai que dans les grandes villes polonaises aussi, le mouvement ouvrier consti tue une force imposante mais son influ ence réelle sur l'évolution de la situation politique restera des plus limitées, Ses divisions majeures, particu lièrement sur la question nationale 8, empêchent l'émergence d' une force politique organi sée et puissante 9 . La faible industrialisation 10, le poids massi f de la paysannerie II, le déchirement du mouvement ouvrier entre partisans et adversaires de la troisième internationale, la priorité donnée aux quesfi ons nationales sur les questions sociales et l' instauration rapide de dictatures autoritaires d'ex trême-droite ne permettront pas la mise sur pi ed de mouvements infl uents liés à la soc ialdémocratie, La sit uation générale des pays d 'Europe centrale et balkanique est «peu favorable à l'élaboralion de la ré nexion sociale, cene situation a pounant favorisé les partis communistes mieux adaptés que les panis sociauxdémocrates, clubs d 'intellecluels, à la vic clandesline ct qui ont réussi à maintenir dans J'illégalité une volonté de lutte parfois impressionnante. Mais eux-mêmes onl été pan agés en faclions opposées, cc qui pennet au Komimem d 'exercer sur eux un contrôle qui est lo in d'être souvent profitable à leur action » 12, Alors que durant l'entre-deux-guerres plusieurs partis socialistes d' Europe occidentale connaissent presque tous un début de reconnaissance et d' inté- 176 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE gration dans leur système politique national, les partis de l'est européen subi sse nt emprisonnement et répression. Une ligne de partage entre partis socialistes du con tinent s' instaure donc. 2. Le début de la guerre froide se ra marqué pour ces mouvement s sociaux·démocrates par des rauachements autoritaires aux partis comm u· nistes au pouvoi r. Oaniel· Louis Sei 1er rappelle que l'on oublie trop souvent que la gauche paya au communisme un tribut au moins aussi lourd quc la droitc » u. Les conséq uences se feront sentÎr à un double niveau: d'une pan , par l'absence de conti nuité d'une réfl ex ion théorique et politique produite par des cadres se sentant proche des idéau x sociaux-démocrates; d'autre part , les valeurs sociales·démocrates n'ont quasiment pas été diffusées et expli· quées dans la population, Avant d'analyser quelques contradictions idéologiques rencontrées par les panis sociaux-démocrates, nous voudrions mettre en ,évidence un certain nombre de handicaps d 'ordre différent auxquels ont été confrontées ces force s politiques au lendemain de la chUie du communisme. « 3. L'absence de relais socia l ou polilique Celte disparition totale des mouvements sociaux-démocrates, à tous les niveaux et sous quelque forme que ce soit, n'a pu manquer d'avoir des con· séquences durables pour ceux-ci. Comme le note Jan Vermeersch 1\ les sociaux-démocrates étaienl de manière évidente considérés comme le principal ennemi des régimes eonununÎstes. Les démocmtes-chrétiens et les libéraux ont établi des " panis satellites », mais les partis sociaux-démociJ.tes ne furent pas autorisés à le faire» IS. « Un certain nombre de parti s politiques parviendront à récupérer une panie de l'appareil organi sationne l, relationnel et financier de l'ancien régime après avoir changé les dirigeants les plus compromi s. Les partis paysans peu vent investir les anciennes format ions « paysannes» sate ll ites. Les exemples les plus typiques sont le parti paysan polonais (PSL) ou le pani popul aire tchécoslovaque (CS L·KDU) qui , tous deux anciens pani s, changent rapidement de direction lors de la chute des régimes communistes et parviennent, grâce à leur bonne implantation locale et à leurs moyens financiers con sidérables, à réali se r des scores électoraux non négligeables. Le CSL-KDU avec ses quelque quatre·vingt·d ix mille membres obtient 6% des voix aux électi ons législatives de juin 1992. Ses scores seront supérieurs à cette moyenne dans les petites villes où les autres panis politiques - y compris les plus forts - n'ont pas encore pu s'organiser el s' implanter. Le PSL recueille vingt-huit sièges profi· tant aussi de son ancienne implantation dans des zones plus reculées du pays. Ces partis peuven t aussi compter sur l'aide de l'ensemble du « lobby» paysan. LE RETARD SOCIAL- DÉMOCRATE EN EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE 177 Les partis communistes peuvent eux aussi compter sur une part je de leurs anciennes re lations locales, leur connaissance du terrain et sur une partie de cadres qualifiés qui leur sont restés fidè les. Ces élément s leur serviront de base pour temer - dans certains cas avec succès - leur transformati on politique (voir infra). Les panis chrét iens pourront de leur côté se reconstruire en se basant sur un vaste ti ssu associatif d ' organisations - tolérées ou non - par les autorités communistes. Les partis libéraux, partisans de la « thérapie de choc », peuvem compter sur l'aide d ' une partie de l'ex-nomel/klatura reconvertie, surtout depuis le début de la perestroïka et des réfonnes économiques, dans les affaires et la spéculation. On pourrai! continuer l'énumération des nombreuses structures, organisations ou mouvements de l'ancien régime communiste qui om largement aidé - avec des fortunes diverses il est vrai - les autres forces politiques. Pour des raisons tenant à l'histoire et à l' idéologie, les part is soc iaux-démocrates « historiques» d ' Europe de l' Est n 'ont pu compter ni sur ces organi sations, ni sur ce tissu social parfois dense, ni sur ces rouages relationnels parfoi s anciens pour se reconstruire et s'organi ser. Les organi sation s syndicales qui auraient pu jouer le rôle de relais des idéaux sociaux-démocrates sont restées fort peu perméables aux changemems politiques et elles demeurent encore sous solide influence communiste. Dès le départ donc, les partis sociaux-démocrates onl souffert d ' un lourd handicap. Leur retard , au niveau organisationnel et structurel, risque d'être long à combler. Le manque de relais social et politique propre aux partis soc iaux-démocrates comparativement aux autres grandes forces politiques d 'Europe cemrale et balkanique est, à nos yeux , un élément trop peu mi s en avant jusqu ' ici pour expliquer les difficultés et les lenteurs de l'organi sation des force s sociales-démocrates. L' inex istence d 'organisalions proches idéologiq uemen t de la social-démocratie !6 et sur lesque lles elle aurait pu appuyer sa reconstruction explique aussi, partiellement, ses çlifficultés à rassembler des cadres de valeurs et à se faire connaître du public. 4. Les événements de 1989 Sans essayer d'expliquer la dynamique des événements qui ont entraîné la chute des démocraties populaires, une remarque doit être faile sur les événemenlS de 1989. Au cours de ce « court vingtième siècle », rarement les mouvements de la gauche démocratique européenne auront joué un rôle aussi fai ble dans le renversement « révolutionnaire » de régimes aulorilaircs. De fa çon diverse el conlradictoire il est vrai , les mouvements de gauche ont jadis fail fonc tion tantôt de moteur, tantôt de modérateur dans les renversements des régimes autoritaires. Les mouvements se rattachant à la gauche démocratique ont été pratiquement absents du processus, sauf en RDA pendant un court laps de temps. En tout cas, il n 'est pas excessif de noter que la mouvance de gauche 178 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE n'a pas été le moteur des transformations sociales radicales et qu 'elle aura donc d'autant plus de difficulté à en tirer un profi t politique. Se lon nous, l'explication de celte situation réside dans le fai t que les processus de changement de régime ont été en majorité impulsés dans un prem ier temps par le « haut », suite aux tentatives des communistes réfomlateurs de condu ire les transfonnatio ns. La Tchécoslovaquie est le seul cas où l'impulsion est venue « d'en bas », en l'absence de force réformatrice suffisamment pui ssante au ウセ ゥョ@ du parti communiste tchécoslovaque. Celui-ci avai t été largement épuré après le printemps de Prague en 1968. Enfin , notons que mi se à part en Pologne - la mobilisat ion ouvrière n'a joué qu ' un faib le rôle dans la chute des régimes communistes. 5. Le « rejet » des valeurs du socialisme Le discrédit du régime communiste a entraîné une « allergie » à nombre d 'idéaux traditionnels de la gauche. Tout ce qui de loin ou de près semble - à tort ou à raison - proche du discours ou de la pratique 、 セ@ l'ancien régime communi ste fait l'objet d' un rejet dans une.large panie de l'opinion publique et dans la qu asi-total ité des élites dirigeantes. Une assimil ation et une confusion se sont produites entre les régimes du « socialisme réel» et l'ensemble des idéaux de gauche: alors que les valeurs de la gauche étaient traditionnellement liées à la lutte pour la démocratie et pour la liberté, elles sont assoc iées en Europe de l'Est à la dictature et à la répression. Il va s' instituer dans de nombreux domaines un contre-pied systématique par rapport à ,'ancien régime. En matière de politique économique par exemple. Jacques Nagels souligne que « le rejet de l'ancien régime est un rejet total. un rejet de tous ses attributs. Panni ceux-ci il y avait justement un certain nombre d'avancées sociales. Dès lors l'aide à certaines entreprises en difficulté, les subventions à certains produits de première nécessité, des réglementations du travail protégean t les salariés, la poursuite d 'une politique globale de plcin emploi... risquent de devenir tabou, non seulement parce qu 'el les contreviennent aux canons du marché, mais égalemem parce qu 'elle sont imprégnées du sceau de J' ancien régime. La Illercanti lisation de sphères habituellement non marchandes dans les pays de la Communauté européenne est en vogue à l' Est, tout autant parce qu 'elle cadre avec les précep tes du néo-libéralisme que parce qu'elle prend le contre-pied du passé» 17. Les mêmes constatations valem dans nombre d'aulres domaines. 6. L' influence des facl eurs externes De façon générale, les social-démocraties balbutiantes de l'Est européen tentent d'émerger dans un contexte global diffici le. Outre les problèmes inter· LE RETARD SOCIAL-DÉMOCRATE EN EUROPE CENTRALE ET BALKAN IQUE 179 nes, elles doiven t tenir compte de l'innuence de trois crises ex temes largement entamées avant 1989 mais dont les conséquences sont indéniables sur la formation à l'Est des nouvelles forces politiques en général et sur la soci al-démocratie en part iculier. Il s'ag it premièrement de la tentative d ' insertion dans l'économie capitaliste mondiale, largement compliquée si pas compromise par la crise économ ique profonde des structures de l'économ ie mondiale, en récession. Deuxièmement , ces partis sociaux-démocrates se construisent à une époque de crise du paradigme social-démocrate et de l' Etat-providence. Les grandes organisations occidentales connaissent, elles aussi, à la foi s une profonde mutation et une crise d ' identité et des valeurs traditionnelles 18. Troisièmement, le processus de construction de nouvelles forces politiques à l'Est se déroule sur fond de crise de la représentation partitaire dans l'ensemble du monde occidental. L'effondrement extrêmement rapide et totalement imprévu des démocraties populaires n ' a pas permis la nai ssance et le mûri ssement de nouvelles formes d 'organisation politique et économique. Le seul modèle politique et économique possible et disponible dans celle conjoncture semble être l'importation immédiate du modèle occidental qui apporterait bien-être et démocratie. Or ce modèle de référence importé traverse une passe difficile. Et la composante sociale-démocrate s'en sort encore moins bien. Comment proposer aux populations un modè le lui-même en crise d'identité, en mutation et en quête d'un renouveau et d ' un programme idéologique crédible pour la décennie? 7. Situation nouvelle pour la gauche Outre ces difficultés dues à l'innuence de facteurs ex ternes, la social-démocratie d 'Europe centrale balkanique doit faire face à une situation inédite pour un mouvement de gauche. Historiquement, les grands part is sociaux-démocrates nai ssent en réaction aux conséquences d ' un capitalisme déjà puissant. En forçant l' institutionnalisation du dialogue social, ils deviennent partie prenante à la stabilisation et aux réformes d'un système dont ils étai ent un des produits. Or, la sÎluation s'avère radicalement différente en Europe centrale et balkanique. La question capitale posée à l'heure actuelle aux social-démocraties est celle de la possibilité de voir émerger et se construire un large mouvement sans capitalisme. La soc ial-démocratie peut-elle aider à la formation de ce capitali sme alors qu'en Occident, elle fut le résultat de ses excès? Jacek Kuron, l'ancien leader du comité de défense des ouvriers « KOR» et actuel mini stre et homme politique qui arrive en tête de toutes les enquêtes de popularité 19, aimait décl arer il y a quelques mois à ses amis de la gauche occidentale: 180 LA GAUCHE FACE AUX MlITATtONS EN EUROPE « J'aimerais beaucoup être social-démocrate dans un pays capitaliste développé. Mais cn Pologne le capitalisme n'existe pas. Nous devons d 'abord le créer » 20. Depuis lors, la fonnation du capitalisme a incontestablement fait « un grand bond en avant » en Pologne. Ces quest ions clés posent des problèmes idéologiques fondamentaux à " ensemble de la gauche des anc iennes démocraties populaires. La spécificité de cene situation rend l' aide ou la transposition des programmes sociaux-démocrates occidentaux totalement inopérantes. 8. Les contradictions de l' identité sociale-démocrate en Europe cenlrale et orientale La social-démocratie a rapidement repris à son compte l'objectif de l'établissement accéléré d ' une économie de marché et d ' insertion des économies de l' Est dans le commerce international. Ceci s'explique par l'absence complète de programmes crédibles et cohérents pour une transition di ffére nte de ces anciennes économies planifiées. Aucune alternative pour un autre type de transition ne s'est dessinée. La rapidité des changements, la crise idéologique de la gauche et la fo rce ext raordinaire d ' attraction du modèle occidental expliquent en partie le peu de d ifférenciation idéolog ique et programmatique de fond des part is sociaux-démocrates. L'analyse des programmes politique et économique de ces partis démontre l'extrême difficulté qu ' ils éprouvent à form uler et à proposer une politique sociale et économique cohérente. S' i! est indéniable que des d ifférences non négligeables ex istent entre les programmes des nouveaux pan is d ' Europe centrale et orientale, celles-c i ne se concentrent pas sur l'essentiel et ont pour conséquence de plonger les forces socia les-démocrates dans des contradictions di ffic iles à surmonter à court terme. Un des problèmes principaux rencontrés par ces partis est la construction d' une identité politique propre. Or, cel le-ci est compliquée par la fa ible marge de manœuvre dont bénéfic ient ces partis. Les d ifférences essentielles entre les programmes polit iques des partis aux niveaux social et économ ique ne tiennent pas tant aux objectifs à atteindre qu ' au rythme et au coût social des réformes . Les partis sociaux-démocrates occupent en fai t une position centriste coi ncée entre les partisans d ' une thérapie de choc, qui espèrent pouvoir atteindre leurs objectifs à court terme, et les mouvements d ' inspi rat ion généralement populiste ou nationaliste qui refusent le coût social des réfonnes. Entre les deux, le discours prudent des partis sociaux-démocrates ne rencontre que peu de succès. Les citoyens, qui craignent les réfonnes, sout iennent des mouvements q ui défe ndront leurs intérêts. En prônant l'établissement rapide d ' un système d 'économie de marché, la social-démocratie ne peUl espérer atti rer les larges couches de la population, effrayées par la profondeur des mutalions, puisqu 'elle ne les remet pas fondamenta lement en cause. Mais d 'autre LE RETARD SOCIA L-DÉMOCRATE EN EUROPE CENT RALE ET BALKANIQUE 18 1 part, e lle ne peut pas non plus remporter de grandes victoires sur ce ux qui défendentl'instauralion d ' une « thérapie de choc » car les critiques sur le coût soc ial de telles réformes sont vécues comme autant de freins aux tnmsfomlations. L'espace idéologique laissé aux soc iaux-démocrates est donc des plus réduits et l'émergence d ' une identité pol itique claire reste problématique, De quelles couches sociales peuvent-il s défendre et relayer les intérêts? En effet, ces pays connaissent des révolutions sociales. On peut prévoir qu'à court terme le nombre de personnes travaillant dans les industTies lourdes, dans le secteur étatiq ue et dans le secteur agricole diminuera fortement au profit du privé, des PME et du secteur des serv ices, Un chômage d urable parmi ceux qui auront été incapables de s'adapter rapidement aux exigences du temps risque, en l'absence d ' un système fort de protection sociale, de créer ou d'augmenter un quart-monde non négligeable, A moyen terme donc, les grands groupes sociaux verront leur importance, leur poids et leurs intérêts varier profondément. Ces changements sociaux ne pouvant manquer d ' influencer le paysage politique, celui-ci risque de rester instable et mouvant à l' image des groupes sociaux qu 'i ls représentent et défendent. Les premières études menées sur la composition sociale des différents électorats montrent qu 'en Pol ogne le parti qui a obtenu le plus de suffrage s dans la classe ouvrière est le très nationaliste, réactionnaire et populiste KPN". De même, la fonction originale que peuvent exercer ces partis semble encore largement incertaine. Ils se déballent dans des contradictions di ffici les à gérer el viven t une situation totalement inédite pour le mouvement ouvrier traditionnel. Il est en effet paradoxal pour des partis sociaux-démocrates d'encourager la formati on rapide d ' un système capitaliste, de souhaiter l'émergence d ' un patronat et de défendre la privatisation mass ive et indiscriminée des entreprises . Les désaccords avec les partis gouvernementaux ne portent que sur les modalités et les mécani smes de privatisation. De même, le démantèlement d ' une partie notable des structures étatiques ne fi gure pas d ' habitude à l' agenda des part is de gauche. Comme le résume G. Markus: « la validité universelle de la social-démocralie trouvait ses nlcines dans la eontnldiction entre la nécessité d'une économie de marché efficace, d'une part, ct d 'autre part, les impératifs sociaux, humains ct écologiques de mettre en place des garde-fous au marché ct à l'extension de la logique du marché. JI cst évident que dans une société post-communiste, avec les tâches historiques et simultanées d ' instaurer et de consolider la démocratie, le capitalisme ct la modernisation, le contexte n'est guère favorable pour une «social-démocratisation » de ces sociétés» 21. Le principal handicap des partis soc iaux-démocrates en Europe centrale et balkanique demeure donc l'absence d ' un projet sociétal original. 182 L<\ GAUŒE FACE AUX M lITATIONS EN EUROPE Un autre facteur explicat if des difficultés d'émergence des social-démocraties à l'Est réside certainement dans la priorité traditionnelle accordée aux questions nationales sur les questions sociales. Le cl ivage dominant n 'est pas pour le moment ce lui qui oppose le travail (peu organi sé) au capital national (à l'état d 'ébauche) mais bien plutôt, comme le démontre G. Markus, celui qui oppose occidentali stes-démocrates et mouvement nationaliste traditionaliste 22 . Ce clivage recouv re des réalités, des intensités et des références hi storiques différentes de pays à pays, mais il div ise de façon profonde toutes ces soc iétés. Ce n' est pas non plus un hasard si c'est un chercheur d 'origine hongroise qui met part iculièrement en avant ces analyses. La sociélé hongroise traditionne lle étant particul ièrement divisée entre ces deux courants. Cette séparation recouv re des appartenances différentes au niveau de la cult ure politique comme au niveau des valeurs. Non sans conséquences pour les part is soc iaux-démocrates: 1. ils sont en porte-à-faux par rapport à ce clivage faute d ' identité propre . Il reste diffi ci le d ' imaginer le développement de mouvements sociaux-démocrates sans approfondi ssement du cl ivage capital-travail ; 2. l'émerge nce de fo rces soc iales-démocrate s et l' établi sse me nt de l'Etat-providence passent par une « européani sation» préalable et progressive de la culture politique de ces pays dans laquelle la social-démocrat ie, même minoritaire , a un rôle essentiel àjouer. Potentiellement, elle peut être le moteur et le bénéfic iaire de la modern isation politique, sociale el culturelle des sociétés post-com mun istes. La social-démocratie a en effet besoin d ' un haut niveau culturel, d ' une grande culture politique , d ' un sens du compromis, du réal isme, de tolérance idéologique et d'une culture polil ique démocratique. Une démocratie stable est une des conditions du déve loppement ct de la consol idat ion des organi sations sociales-démocrates. Le défi nationaliste est, pour l'heure, le plus urgent à relever par l'ensemble des part is démocratiques en Europe centrale. Le danger qui menace le plus les soc iétés post-communistes à moyen terme est sans nul doute l'arrivée au pouvoir de mouvements popu listes, nat ional istes et autoritai res. 9, La réorganisation et la mutation de l'ensemble de la gauche en Europe centrale et balkanique En dehors des différents handicaps d'ordre idéologique ou programmati que que nous avons tenté d 'analyser, les partis sociaux-démocrates doivent encore faire face à deux problèmes affectant la réorgani sation de l'ensemble des fo rces pol itiques ou sy ndicales de gauche. Le premier résulte plutôt de l' absence de relation forte avec le mouvement syndical. Le second vient de la concurrence et de la présence encombrante des anciens partis communistes. LE Rl:.iARD SOCIAL-DÉMOCRATE EN EURO PE CENTRALE ET BALK AN IQUE 183 9. 1.Le rôle difficile des organisatiolls syndicales La situation des grandes centrales synd icales dans les pays d ' Europe centrale et balkanique se diversifie de plus en plu s à l' image de l'ensemble du paysage politique. Leur avenir a une grande importance 23 pour l'évolution du processus de tran sition vers la démocratie car comme l'écrit P. Hassenteufel. « ( ... ) la démocratisation, pour être achevée, doit concerner non seulement le politique (même s' il s'agit là du domaine fondateur de la démocratie) mais aussi tous les secteurs de [a vie sociale. Dans la démocr.ltisation de la vie sociale, les syndicats ont un rôle décisif à jouer. D'abord parce qu'ils sont un élément de di ffusion des principes démocratiques dans d'autres lieux que [es enceintes pol itiques (ainsi tout panicu [ièrement l'entreprise, mais aussi le système de protect ion sociale. par exemple). Ensuite parce qu'ils pennettent l'accès de groupes sociaux au processus de décision pol itique ᄏャセN@ Certaines centrales se sont fonnées et ont impulsé les change ments démocratiques. Elles jouent alors un rôle politique détenninant comme c'est le cas aujourd ' hui en Albanie, en Bu lgarie ou en Pologne. Les anc iennes centrales contrôlées par le pouvoir commun iste ont connu dans tous les pays un ravalement de façade: les vieilles directions ont été remplacées par des cadres plus présentables. Ces organisations, qu i géra ient un immense secteur soc ial et dont les travailleurs des démocraties populai res dépendaient concrètement pour l' organisation de leur vie quot idienne, ont été affaiblies par la perte d ' un grand nombre de leurs privilèges, par la di mi nution notable du nombre de leurs adhérents et surtout par le discréd it dû à leur rôle sous le régime commun iste. Enfin, une série de divisons politiques et sectorielles se sont produ ites, diminuant d'autant leur possibilité d ' action. オ セ・ウ@ autres organisations sociales, elNéanmoins, par rapport à de ョッュ「イ・ les restent des forces relativement solides tant au niveau organisationnel qu'au ni veau du nombre de leurs membres. De nouvelles organisations ont parfois été créées dans certains pays balkaniques (Rouman ie et Bulgarie) mais elles représentent souven t des intérêts corporatifs ou sectoriels. Elles se caractérisent alors par un anti-communisme et un apolitisme militants et parfois par un soutien au rétabli ssement des monarchies. Deux autres caractéristiques du mouvement syndical doivent encore être souli gnées. Premièrement, les contradictions et les paradoxes que nous avons relevés dans les positions des part is sociaux-démocrates sont transposables, dans l'ensemble , au monde syndical traditionnel. Cel ui -ci manque jusqu 'à présent d' une stratégie pol itique cohérente. Les syndicats se trouvent eux aussi pris dans une contradiction difficile à gérer entre la défense des intérêts de leurs adhérents et leur désir de ne pas frei ner - voire de faire échouer - les réformes économiques. En l'absence d'institutionnalisation réelle de la concerta- 184 LA GAUCII E FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE tion sociale, la place de ces force s soc iales essentie lles à tout fonctionnement démocratique reste encore hypothétique. Deuxièmement, le rejet du politique constaté dans l' ensemble des soc iétés post-comm uni stes se traduit au niveau syndical par la tendance générale des organ isations à refuser tout contact avec les partis politiq ues. Ceci n' est évidemment pas sans influence sur les d iffi cultés d 'émergence de social-démocraties qui onl souvent bâti leur puissance sur des relations privilégiées avec les fo rces syndicales. Rares sont celles qui ont réuss i à construire une organisation de masse durable sans l'aide du mouvement syndical, out il médiateur essentiel entre les élites polit iques du mouvement ouvrier et leur base. Or, à l'heure actue lle, à la fo is pour les raisons déjà analysées dans notre étude et à cause de la faib lesse politique et organisationnelle des part is sociaux-démocrates. ces re lations sont fort réduites. 9.2. La mlltaliorl des PC Ces partis constituent un des obstacles poli tiques le$ plus sérieux à l'émergence de partis sociaux-démocrates fort s. Il y a concurrence et course de vitesse entre les pan is sociaux-démocrates « historiques» et les anciens part is communistes pour l'occupation de la gauche du paysage politique. Si les part is communistes pl us ou moins réfonnés ont partout perdu le pouvoir. ils n 'en ont pas moins réalisé des scores surprenants et en tout cas partout supérieurs à ceux des pan is sociaux-démocrates. En Hongrie, le PSH a obtenu 8,5% en 1990. Les résultats d 'é lections partielles et les sondages lui prédisent une hausse sensible aux élections législatives de 1994 v. La social-démocratie de Po logne (SD RP) est arrivée en seconde position aux é lections d ' octobre 199 1 avec I l ,98%. Les divisions de ses adversaires en font même le principal groupe politique à la d iète . En 1992, le parti socialiste albanais a remporté les élections municipales. En Slovaquie, le part i de la gauche démocratique a recue illi 14% des voix tout comme le parti commu niste de Bohême-Moravie. Ce dernier est le seul à avoir gardé son ancienne dénomination de parti communiste. Si ses membres se composent, d ' après certaines sources, de deux tiers de pensionnés 26, il n 'en récolte pas moins ses meilleurs résultats dans les régions d ' industrie traditionnelle particulièrement louchées par les transfonnations économiques. Ces scores électoraux. qui ont surpri s de nombreux é lecteurs, s 'expliquent entre autres par l'avantage considérable qu ' un apparei l bien organisé peut représenter par rapport à l'ensemble des aulres forces politiques en voie d 'émergence. En outre, il fau i tenir compte des moyens fin anciers substanliels, de la qualité de certains cadres expérimentés politiquement, des vieilles solidari tés et du vote de l' ancienne nomenklatura e l d ' un ensemble de personnes difficile à circonscrire qui estimaient avoir quelque chose à perdre ou à protéger dans les changements politiques. li serait néanmoins erroné de limi- LE RETARO SOCIAL-DÉMOCR/\TE EN EUROPE CENTRALE ET BAL KANIQUE ) 85 ter )'influence des anciens communi stes à ces catégories sociales. Les groupes sociaux les plus fragiles, pensionnés et classes ouvrières des rég ions en crise, ont aussi apporté beaucoup de voix à ces partis. La différenciation entre ceux-ci , naguère extérieurement si semblables, s'acceOlue considérablement. La plupart 001 abandonné l' idéologie marxiste-léni niste pour se transfonn er, avec plus ou moins de crédibilité, en pan i socialiste. Certains de ces partis, les plus conservateurs, doivent faire face au discrédit engendré par l'ancien régi me communiste. lis doivent aussi affronter l' isolemen t politique persistant dans lequel les autres fo rces politiques tien nent à les maintenir. Celle silUation, qui les é loigne vraisemblablement du pouvoi r pour une longue période, leu r pennet de défendre un programme économique souvent assez démagogique. La profondeur et la réception de ces changements semble directement corrélée avec le poids du cou rant réfonnateur dans chacun de ces anc iens panis, l'épuration pratiquée en leur sein, ainsi que l'attitude des anciens panis communistes pendant les événements de 1989. Il est moins difficile à un anc ien communiste réfonnateur hongrois - que plus grand-chose ne séparait depuis quelques années déjà de la social-démocratie occidentale - de se prévaloir du rôle crucial et reconnu joué par son ancien parti qu ' à son homologue tchèque dont le parti n 'avait pl us vu l'émergence d ' un large courant réfonnateur 27. Selon nous, les ex-communi stes peuvent être rangés en deux catégories di stinctes. La première est composée des partis semblant ré ussir leur m utation , leur transfonnat ion et leur social-démocratisation. C'est certainement le cas des Hongrois qui ont déj à été admi s comme observateurs par l ' IOIemat ionale socialiste. C'est vrai aussi du parti de la gauche démocratique en S lovaquie dont le rôle politique ne cesse de croître et dont les re lations avec les sociaux-démocrates slovaques sont des plus sereines. Dans celle catégorie, on peut sans doute ranger les cas lituanien et slovène par exemple. Ces partis en tentative de soc ial-démocratisation souvent reconnue et affinnée ne sont plus isolés sur leur scène politique nationale. Il s y jouent habituellement un rôle modérateur. La deuxième catégorie est composée de pani s qui , tout en condamnant l'ancien régi me, ne parviennent pas à trouver une nouvelle crédibilité et une nouvelle identité. C'est certainement le cas des Tchèques, des Bulgares ct des Po lonais, quoique des courants fon d ivergents ex istent en Pologne. Ces part is réali sent des scores électoraux respectables. L'explication est à rechercher, à nOire sens, dans leur transfonnation en parti s protestataires qui , s' il s parvicnnent à conservcr une certaine audience électorale, restent sans poids réel sur le processus déc isionnel. Ils penncttentl 'expression des peurs et des déceptions nées du processus de réfonnes économ iques. Il est intércssant de constater que 186 LA GAUCIIE FACE AUX r.nITAT10NS EN EUROPE lorsque par exemple la population polonaise est interrogée par sondage, seuls deux à trois pour cent des sondés annoncent un vote pour les ex-communistes. Mais dans le secret des isolo irs, plus de dix pour cent des é lecteurs leurs accordent leurs suffrages. Ces anc iens partis communistes demeurent fort isolés politiquement, les autres forces politiques refusant tou t contact ou négociation. La nature idéologique de ces mouvements devra indéniablement faire l'objet d'analyses plus approfondies dans le fulUr. L'avenir de ces partis semble plus incertain. Mais leur influence sur la recomposition de la gauche risque aussi d'être prédomi nante. Au mini mum de façon négative, par le blocage qu' ils créent et par l' impossibilité d'impu lser de nouvelles convergences avec ces forces ressenties comme Irop intimement liées avec le passé. 10. Conclusion Il nous semble que le futur de l'ensemble de la mouvance de gauche - et donc de la social-démocratie - dépendra pour une part nj)n nég ligeable de l'évolut ion de ces partis en voie de ウッ」 ゥ 。ャセ 、 ← ュ ッ」 イ。エゥ ウ。 」ゥ ッ ョ N@ La différence de capacité organisat ionnelle par rapport aux petits partis soc iaux-démocrates, la différence de poids é lectoral, la crédibilité retrouvée, la différence qualitati ve d 'encadrement, l'expérience politique et l'enracinement local, et les liens subsistant aussi bien avec cenai ns secteurs de la classe ouvrière qu'avec certaines forces syndicales plaident en leur faveur et leur pcnneuent d 'espérer occuper la place et le rôle class iques des partis sociaux-démocrates en Europe occidentale. Ce qui n'excl ut pas des d ifférences d ' identité réelles avec le modèle d 'organisation social-démocrate connu en Europe occ identale. Ces partis en voie de soc ial-démocratisat ion ne seront sans doute pas les seules composantes de la reconstruct ion d ' un pôle de gauche fort en Europe centrale et balkanique mais ils nous semblent incontournables dans celte dynamique de recomposition d'une gauche moderne et démocratique. On se retrouve aujourd'hui, dans certains pays, avec une situation paradoxale où certains anc iens PC - réuss issant leur mutation - font figure de principale fo rce de gauche et d ' interlocuteur potentiel plus fort et souvent plus crédible pour l' Internationale sociali ste 28. Le futur des pani s sociaux-démocrates en Europe centrale et balkanique demeure incertai n. Les di ffé rences nationales sont de plus en plus marquantes. II est probable qu'entre l'échec géné ralisé ou le succès complet, des différences substantie lles se produiront au niveau national. Pour ces parti s, l'aveni r dépend ra en grande partie de leur capacité à incarner la modernisation pol itique, culture lle et sociale de leurs soc iétés et à parvenir à meUre sur pied une alternative économique pour l' Europe centrale. LE RETARD SOC]AL- DÉMOCRATE EN EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE 187 Noies • セ@ Le regain social·démocral<: _. U journal des jiu/ions. février·mars 1990. nG 1]. : L 'élude ponail sU( la Pologne. la Hongrie. ["URSS (le grand Moscou), ]a France. la Grande· Brelagne. ["Espagne Cl ["l1alie. J Voir J. KUIIIK. セ@ The InfimlilY of Social Democracy in Poslcommunisl Poland. a Cullur.lI ll islOry of Socialisl Discourses 197()..1991 _, Programme on Cemral and Easlem Europe. IVQrl;inK Paper StrÎtS, Harvard Univers; lY, 1992, 36 pages. • Voir J.M. DE WAH.J; ... Les causes Cl les conliquences de ["crlalemenl du Forum civique en Tché· coslovaquie _. pp. 391-402, in M. Tub (sous la di rec1ion de). Vfrs II/If nom"fllf Ellropr?, Edilions de l'Universi lé de Bruxelles. colleclion .. Eludes européennes _, 1992,550 pages. ) Voir lM. DE WAH.J;, .. Les élcelions législali\'es tchécoslovaques de juin 1992 _. TratuiliOlls. nG l, 1993,pp.115· 141. " L 'ordre des différents chapitres ne signifie en aueune faÇQn une tentat ive de hiérarchisation des dif· férents paramètres mis en avant 1 Voir comme セウオュ←@ rapide mais excellent de la queslion, J. drキ セ@ .. Le socialisme en Europe cen· traie: Hoogrie. AUlriche, T chécoslovaquie,. el G. CASTUl.AN, セ@ Le socialisme dans l'esl et le sud-est européen: Balkans et Pologne ,. ill J. DROZ {sous la direction de), lI isloirt' gfllüo/e d" socio/iSnlt', tif 1918 à /945. Tome 3, PUF, 1977, 714 pages. • Voir emre autres N. DAvlES,lIis/oire de la Pologllt. Fayard. 1990. 542 pages. ole mouvemem ouvrier polonais aura de grandes 、ゥヲ」オャエセ D@ 11 faire la synthèse de traditions politiques différentes nées durant la division de la Pologoe jusqu'en 1918. Les tCJ.ditions du mouvemenl ouvrier russe. austro-hongroi s et allem:md élaient difficilement assimilables et unifiables à court tenne. Ch3<jue régioo restera durablemem marquée par son histoire el ses traditions d'organisat ion el de luue. '"En Bulgarie. en 1939, il y a seu lement quatre centseOlreprÎses de pl us de cinquante ouvriers ! Pour la estiment que 20% seulemeOl de la popu lation polonaise et hongroise est même époque, les セ」ッョュゥsャ・ウ@ ernploy& par le secteur industriel. Ce chiffre aueint 45% en Tchécoslovaquie. •• En 1938. le poun:emage de la population agricole est de 78% en Roumanie. de 80%en Bulgarie el de 58% en Albanie. ':G. CASl"EllA" . .. Le socialisme dans l'est cl le sud-est européen: Bal kans et PologllC セ@ in 1. DR07. (sous la direction de), op. dl., p. 291. " D.L. SFJt.F. R, セ@ Le cas des pani$ polit iques dans les nouvelles dé mocraties de l'est européen », Tra· "DlU dl' sciences politiques. Université de Lausanne - Institu t de scieroces politiques, nouvelle série, nQ 4. "J. VUMEERSOI . The Le!1 in Eas/t", Europe. A Reporl on POSI Communisl Polilicai Lomiscape, SocÎalisl Institute for European SlUdies, Septembre 1991. 62 pages, p. 31. 'l Il nous faut relever l'exce ption tchécoslovaque mais clle est de peu d'importance. '6 Les plus proches des idéaux sociaux·démocrates élaiem sans nul dOU1C dans cenains pays, l'aile ré· fonnatrice de cenains 1'(:, Ils qui nerontle pani communiste lrop tard ou lemeront sans réel succh de Je faire évoluer de J'intérieur pour parvenir à coostiiUer un pôle d'appui et un lieu dt reOCOmrt pour les forces sociales-démocrates. " J. NAÇUS. Du socialism( pen'uli Olf capillliisme .!lllll·oge. Editioos de l'Universilé de Bruxelles, 1991,305 pages. p. 274. "Voi r M. Tao, .. La crise des tradilioos de la gauche européenne Ct la recherche des nouvelles voies ", cOnlribution au colloque Socialisllle,' rllopies ( 1 rialilh, Présence et aclioo culturelles, Bruxelles, 16-17 décembre 1989. " Voir sondage 0Il0l', Ne ... Europa, 25/1111992. n- 208. lO J. Vf.RMfEllSCII. op. cil .. p. 6. 1' G . MARKUS, .. L 'Unghcria fra occidcmali1.za1.iooe for-l.illa c reslaurazione na1.ionali sla _. i/l M. T ELb (a cura di), Tra ,raûolle fd E"ropa. A/l/l{lli CRS /992· /993. Centro studi e inizialivc per la riforma dello stalo - Franco Angeli. 1993.428 pages. pp. 31 1·312. " Ihid. 1JDes comparaisons nombreuses ont été lcmées ou souhaitées entre les transitions démocr:uiques des pJys du sud de l'Europe et les anciennes démocraties populaires. L' Espagne a servi d'exemplecl de modèle de transition douce el réussie. San s entrer dans cene controverse. il nous faut souligner au minimum qu'il 188 L A GAUCHE FACE AUX MlITATlONS EN EUROPE existait en Espagne, aVMt Je rétablissement de [a démocratie , des structures syndicales solides et politisées oomrôlées par ['opposition. CeUes-cijouèrent un role essentiel dans la transition démocratique. La situ3tion est bien différente en Europe centrale el ba[l;anique. . ,. P. H"SSENThliH.l.. .. Syndicalisme. transition démocralique el passage il ['économie de marché,., i" L'E"rQPI! Ull/rall! el t)ril!lUail!. 1992. La document3tion française. 1992.258 pages. p. 39. IJVoi r A.A. RE.ISOr,« Hungarian Socialist Pany l.ool;s Ahead ", 'fO/lLRut'arch Rt'porl. Vol. l, nO 28, I0f711992. pp. 20·25. :0 A. Nov ...". «The LaS! Communist Party in Central Europe », Easi E"mprun Reporta. Vol. 5. mai -juin 1992, p. 29. v Les ravages des purges du printemps de Prague y som pour beaucoup. '" Le PSI!. ancien pani communiste réfonné. a oblenu [1" slatut d'observateur au sei n de l'lnternat iona[e soc ialiste au congres d'Amsterdam. L'Internationale socialiste en Europe centre-orientaIe : défInition et rôle des « amis politiques » Guillaume DEVIN Plutôt qu ' un répertoire, inévitablement dépassé par les mouvements de " actualité, ou que des prospectives incertaines sur les « nouveaux partenaires » de J'Internationale socialiste (15) en Europe centre-orientale (ECO), nous nous proposons de réfléchir aux. mécanismes de définition el de gestion de ceux. qui ont été ou seront appelés à devenir les affiliés d'une organisation collective comme celle de "IS. Pour respecter le cadre qui nous a été proposé, nous situerons nos illustrations dans cette partie de l'Europe, anciennement appelée «Europe de j'Est» (avec une incidenle concernant la Mongolie), même si nos remarques peuvent être étendues à bien d ' aulres stratégies régionales de l' Internationale. Ce choix mérite quelques ex plications. Il est habituel, dans l'analyse des forces politiques et de leurs alliances, de privilégier la dés ignation de l'adversaire comme un facteur contribuant à la défi nition de l'identité parti sane. Dans un contexte compétitif - celui d'un système de partis - , telle ou telle force clarifiera les attributs qu 'elle présente comme spécifiques en se démarquant de rivaux qui von( parfois jusqu'à incarner l'image négative - inversée - de ce qu'elle prétend être. Murray Edelman a montré comment les adversaires politiques, s'il s heurtaient leurs opposants, les aidaient également , bien souvent: non seulement en facilitant d'opportunes mobilisarions mais aussi en leur permettant de définir leur place dans l' histoire 1. Celle perspecti ve stratégique qui fait de l'identi té partisane une qualité distinctive « en mouvement » - mobile et ajustable - est, sans aucun doute, très féconde. Elle dynam ise et complète, plus qu'elle ne contredit, des approches soc io-h istoriques privilégiant l'émergence de « clivages » comme matrices possibles de véritables « famill es politiques» au sens des travaux de S . Rokkan et de D.L. Seiler 2• Même inscrit dans une division fondatrice , ce qui fait l'identi té du «sociali sme démocratique» - pour s'en ten ir à cet 190 LA GAUCHE FACE AUX Ml[f,\ TIONS EN EUROPE exemple - , n' a pas été immuable depuis les années vingt (mutation de part is ouvriers en partis « attrape-tout » ; abandon progress if des références marxistes ; priorité donnée, selon les périodes, à la promotion de l'égalité ou à la défense de la li berté politique, cIe.). Néan moins, malgré leurs apports, les dimensions stratégiques et socio-historiques sont bien di scrètes sur les mécanismes de consolidation des iden tités partisanes. Nous sommes conviés à apprécier comment ces identités émergent , comment elles se modifient mais beaucoup moins comment elles d urent. L'hypothèse que nous fonnulons ici est que si l' identité partisane se façonne largement dans la compétition , elle se con sol ide (surcroît de visibi lité, renforcement de légitimité) à travers l' affi liation à des fonn es de grandeur j ugées supérieures sur le plan de la représentat ivité, de la capacité d 'action, de la « pureté» des principes affi chés ou pour bien d'autres raisons. Ces cercles larges ou « englobants» sont conçus comme des lieux de soutien identitaire. En d ' autres rennes, s' il faut des adversaires pour se définir, il fau t aussi des am is pour survivre. Mais ces amis doivent être « présentables », ce qui n' est jamais acquis une fo is pour toutes . Il faut donc les choisir avec prudence pour éviter l'embarras politique d 'alliés qui finirai ent par deven ir encombrants. S ' agi ssant de l'IS en Europe centre-orientale, nous examinerons donc ces trois aspects d ' un même processus de construction transnationale d ' une identité part isane : d ' une part , le travail de recrutement à travers lequel se consolide l' imageque l'on a de soi ; d ' autre part, les garanties qu i facilitent la défin ition des affinités politiques ; enfin , les risques qu ' implique tout élargissement du « cercle de ses ami s » . 1. Affiliati on et identité de soi La politique d 'affi lialion de l' Is en Europe centre-orientale a une longue histoire. Pour la plupan des responsables socialistes d ' Europe occidentale qui se retrouvent après la seconde guerre mondiale, les événements de l' Est européen de 1945 à 1948 vont avoir une portée décisive. Après les horreurs nazies, la mainmise communiste à l' Est poussera résolument les représentants du « socialisme démocratique» dans le camp des démocraties « pluralistes-constitutionnelles». Le temps sera celui du combat contre le commun isme. Les am is devront servir ce dessein mais pas seulement. Ils devront aussi éviter de rabattre le socialisme dans le camp indifférencié de l'anti-commun isme et rappeler qu ' il ex iste une « troisième voie» socialiste et démocratique entre le capitalisme et le communisme. La marge de manœuvre sera tout de même fort étroite, et, en fa it, les affi liations de celle période témoigneront surtout de la distance radicale que les socialistes occidentaux veulent mettre entre eux et les communistes. L' INTERNATIONALE SOCIA LISTE EN EUROPE CENTRE-ORIENTALE 191 La politique d'affi li ation de l' is dans les années quatre-vingt-di x n' a pas celle intensité connictuelle. Au temps du combat contre un marché captif a succédé, avec l'effondrement du communisme, l'âge de la compétition dans un marché ouvert. Mais l'objectif est le même: assurer la représentation du sociali sme démocrat ique et la consolider face à des entreprises rivales. Revenons rapidement sur ces deux périodes. 1.1.Le temps du combat Dès 1945- 1946, les directions des partis sociali stes d'Europe centre-orientale qui avaient été invitées par le part i travai lliste britannique aux premières conférences socialistes internationales affichèrent une orientation idéologique « révolutionnaire " . Contraintes de composer avec l'URSS et talonnées par la rhétorique marxiste des communistes, e lles cherchaient à se marquer c lairement « à gauche ». Les tendances internes plus modérées furent progressivement marginali sées voire, purement et simplement , expulsées tandis que les communistes gagnaient en influence avec l' aide de j'Uni on sov iétique. Celle polarisation de l'affront ement poli tique dans les pays d ' Europe centre-orientale qui poussait certains PS sur la voie d ' une fu sion avec les communistes finit par se conclure par l'i nstauration d ' un monopole communi ste. Pour les sociali stes occidentaux, le Coup de Prague (fév rier 1948) fut le point de rupture avec tous les affi liés qui étaient liés aux PC et le point de départ d ' une nouvelle politique d'affiliation en direction des courants sociali stes marginalisés qui résistaient à l' absorption communiste. En ces temps de dures confrontations avec les communistes en Europe, affî nner l' identité du socialisme démocratique impliquait d 'exhiber des ami s résolument anti-communistes. Cet impératif eut des incidences sur toutes les stratégies régionales de l' Is j usqu 'à la fin des années soixante et même en Europe occidentale (expulsion du parti socialiste italien en 1948), mais c'est en Europe centre-orientale qu' il se voulut le plus démonstratif. Parallèlement à la mise en 'place d ' un Com ité d'aide aux réfugiés, le Comité des conférences social istes internationales (COMISCO), ancêtre de l'IS, se prononça ainsi pour la reconnai ssance des PS ex ilés de Pologne, Tchécos lovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et Yougoslavie (les socialistes hongrois et roumains étant préa lablement conviés à régler leurs différends internes). En revanche, à l'exception des partis ex ilés des pays baltes qui bénéfic ièrent également de la reconnaissance, les fonnation s politiques en exil issues de territoires appartenant à l'URSS étaient privées de tout lien direct avec l'IS l . Cette situation qui durera offi ciellement jusqu'au début des années quatre-v ingt-d ix présentait une certaine si mplicité, tout du moins tant que les ・ウセI@ à sociali stes occidentaux j ugèrent leurs partenaires de l' Est « 」 ッョヲ l' image, clairement distanciée du communisme, qu ' ils voulaient donner du 192 LA GAUCI IE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE socialisme démocratique. En d ' autres teffiles. le choix des affi liés à l' Est s' imposa assez naturellement par exclusion des sociali stes ralliés aux communistes. Au nom d ' une solidarité qui devait témoigner de l'existence toujours vivante d ' un courant sociali ste démocratique dans cette rég ion de l' Europe, les personnalités et les groupes contraints à l'exil , parce qu ' ils se réclamaient de celle orientation, se trouvèrent en position priv ilégiée pour incarner ce symbole de résistance au monopole communiste. Qui d 'autre aurait pu y prétendre ? Faute de combattants, les amis s' imposaient d 'eux-mêmes. Le contex te se com pliquera un peu avec l'émergence de ce que l'on a appelé, dans les années soixante-dix, les « dissidents ». Néanmoins, compte tenu du nouveau cours du soc ialisme démocratique en Europe occiden tale à cette époque, très prudent à l'égard de ce qui aurait pu frein er la « détente» Est-Ouest, et compte tenu aussi de la volonté des dissidents de rechercher un soutien occ idental large, non li mité à une seule « famill e politique », il n 'y aura pas de redistribution offi c ielle des alliances politiques. En revanche. c'est dans de tout autres conditions que se présentent les perspectives de l ' IS en Europe cen tre-orientale depui s 1989. 1.2.L 'âge de la compétilion Il est des périodes où le travail de recrutement se stabilise: les alliances sont défini es de manière relati vement durable malgré quelques inOex ion s mineures, les camps sont assez clairement identifiés. En revanche, que de nouveaux acteurs s' introduisent dans le jeu et le marché des affil iations connaît un regain de dynamisme. La « démocratisation » en Amérique latine , mais surtout en Afrique et en Europe centre-orientale - entendons par là, l'émergence de nombreuses formations politiques nouvelles - a relancé les défis. Pour les principales forces politiques d ' Europe occidentale qui tentent de défendre une identité distincte à travers des unions partisanes concurrentes socialistes, démocrates chrétiens. li béraux, écologistes - , l'enjeu de ces ouvertures consiste à confinn er leur influence et à démontrer leur rayonnement. Pour les responsables des nouvelles fo nnations à l' Est, souvent plongés dans une mê lée confuse, la tâche est surtout d ' obten ir des signes de reconnaissance afin de se distinguer com me les seuls dépositaires légitimes de tel ou tel label. De part et d ' autre, la défen se et la promotion de l'identité partisane passent donc par la recherche de partenaires à affilier ou avec lesquels s'affilier. Mais comment les choisir? Si du côté occidental. l'offre d 'affilia tion est assez claire (Internationales pol itiques ct fédérations européennes de partis ident ifiables), du côté de l' Europe ce ntre-orientale la situation est plus complexe: des dizaines de parti s, souvent encore peu représentatifs et travaillés par des tendances contradictoires, des sigles peu significatifs, des personnalités au centre de plusieurs réseaux: enchevêtrés. En outre, pour l' Internationale soc ialiste, la tâche s'annon- L' Il'ITERNATIONALE SOCIA LI STE EN EUROPE CENTR E-ORIENTA LE 193 çait plus délicate que pour les démocrates chrétiens ou les libéraux. D'abord parce que d'un point de vue symbolique tout ce qui évoque le «( socialisme» à l' Est de l' Europe a le goût d'un passé largement discrédité ; certes, le socialisme occidental ne s'est pas privé de stigmatiser les tentatives de confusion entre le «socialisme démocratique» et le communi sme, mais il n 'empêche que l'IS doit tout de même tenir compte d,e certains effets de sigles qui ne sont pas à son avantage. Ce handicap est aggravé, ensuite, par la relative modération - complaisance, diront les plus critiques - dont l'is a fait preuve à l'égard des pays communistes aux heures fastes de la « détente» Est-Ouest et de l'Ostpolitik du chancelier Brandt. La défense assidue d'un certain stalll quo géopolilique en Europe dans les années soixante-dix et quatre-v ingt, le développement de contacts avec les PC de l'Est, ne plaçaient pas les socialistes occidentaux dans la me illeure position au moment des grands bouleversements de l'Est européen. Enfin, durant les phases de transition qui s'amorçaient, la priorité était donnée à diverses fonne s de « libéralisation » politique et économique beaucoup plus proches des options el des méthodes préconisées par les tenants occidentaux d ' un « néo-libérali sme» que de celles défendues par des partis socialistes ou sociaux-démocrates à la recherche d ' un nouveau souffle et parfois cantonnés dans l'opposition depuis de nombreuses années (Labour britannique, spo). Dans ce contexte défavorable, l'is devait donc se ressa isir si elle ne voulait pas laisser le champ libre aux fonnation s internationales et européennes des démocrates chrétiens et des libéraux. Aux prises avec des difficu ltés structurelles (déclin des bases ouvrières et crise de la représentativité syndicale), avec la concurrence de forces politiques qui se présentent comme de nouvelles « alternatives» (les écologistes notamment) et avec une spécificité qui s'érode à mesure qu 'elle rentre dans le patrimoine commun (réformisme social tourné vers la réali sation d ' un « Etat de bien-être»), les socialistes démocratiques jouent surtout dans ce nouvel espace polilique d 'Europe centre-orientale, la visibilité, l'actualité et la crédibilité de "leur image. A s'en tenir aux seuls avantages que peuvent tirer les fonnations est-européennes d'une affiliation à une collectiv ité identifiante et légitimante comme l '[S, on perd de vue la nécessité qu 'i l y a pour les affiliateurs de conforter leur drapeau par de nouvelles adhésions: les bénéfi ces d ' une affiliation réussie sonl réciproques. Mais comment (( réuss ir » ? 2. La définition d es affinités politiques Apparemment, la mise en évidence d 'objectifs communs, de valeurs partagées et de stratégies compatibles, sinon comparables, su ffit à déce ler des affinit és susceptibles de conduire à l' affiliation politique. Toulefo is, si cette approche forme lle n 'est pas absente, elle se mê le à des procédés plus empiriques que ne le laissent croire les procédures officielles. 194 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE 2.I.L 1évaluation Dans des situations ouvertes. toutes les informations sont bonnes à collecter pour éclairer les déc isions à prendre concernant le parti demandeur ou pressenti . Le comité d'administration et des finan ces (CAF) qui regroupe les principaux contributeurs de J'IS. c'est-à-dire , en fait , la plupart des PS ouest-européen s, est chargé de proposer au Conseil et au congrès de l' Internationale des recommandations qui sont rarement modifiées en pratique. La règle d 'or, se lon les responsables, est de prendre son temps pour qu'une relati on d'affin ité se construise empiriquement: « We do Ilot rush », confie le secrétaire général de l'IS. Luis Ayala 4. Les statuts et les programmes des partis évalués sont donc notoirement insuffisants. D'autres indices contribuent à se faire une opi nion , même si les décideurs n ' en parlent pas spontanément. Sans prétendre être exhaustif. nous en recen serons quatre qui furent à l'œuvre dans J'évaluation des affiliations possibles en Europe centre-orientale. En premier lieu, il apparaît que les contacts personnels et la connai ssance des leaders des parti s pressenti s, souvent fac ilités par des missions de l '[s. par certa ins responsables de partis affiliés ou celles de parlementaires sociaux-démocrates. acquièrent une grande importance dans la prise de déc ision final e. Les relation s nouées avec des responsables baltes lors de missions d 'information ont faci lité la réintégration de leur formation dans un statut de membre de plein droit à J'IS'. Quelques connaissances personnelles au tem ps de la « dissidence » ont également aidé à la réactivation d ' un réseau de contacts. Plus généralement. la personn alité de certains leaders a joué comme un indice de crédibilité avec les ri sques d'erreur qu' il recelait inévitablement 6 • Ainsi les « bonnes impress ions» inspirées par Bat-Erdeneen Batbayer, le président du parti soc ial -démocrate de Mongolie (MSDP) , ont eu un rôle majeur dans l'affiliation de ce parti comme membre consultatif à l '[S alors que celle formation demeurait largement inconnue avant qu 'elle ne vienne frapper à la porte du spo. En second lieu. la représentativi té du candidat est une donnée très appréciée. Des structures officie lles. une représentation électorale réelle, même modeste. sont. en effet, de nature à accroître la crédibilité d ' une forma tion nouvelle et encore peu connue. Si l' affilié cherche à être va lorisé par son affiliation, il est également bien venu qu ' il soi t valorisant : sa visibil ité organ isationnelle et électorale est une forme de démonstration du dynamisme soc ialiste (démocratique) dans une nouvelle terre de mission. Le parti social-démocrate albanai s (pso) semble avoir profité de ces atouts pour obtenir, en 1992, son affiliation à l' IS7. Le parti social-démocrate de Slovénie (SDSS), qui est au pouvoir depuis les prem ières élections libres dans ce pays, a également pu les fa ire valo ir pour son affiliation comme membre observateur en 1992. à la vei lle de nouvelles échéances é lectorales. Le rega in d ' intérêt - L' INTERNATIONA LE SOCIALISTE EN EUROPE CEr-,rm.E-ORtENTALE 195 une « réévalualion » plutôt qu ' un soutien - que semble susciter le président roumain , 1. Iliescu, dans les rangs de certains affiliés de l'Is (Autrichiens, Français et Italiens), n'est pas non plus étranger à sa récente confinnation électorale. En troisième lieu, l'affi liation qui s' inscrit dans un contexte régional doit avoir des effets bénéfiques pour ct ' autres stratégies régionales ou tout du moins ne pas leur nuire. La question s'est posée pour la Ligue des jeunes démocrates hongrois (FIDESZ) qui entretenait de bonnes relations avec certains responsables socialistes occidentaux. L'affiliation de la RDESZ étai t envisageable mais ses liens avec la Fédération libérale européenne (un statut d ' observateur en mars 1992) constituaient un premier obstacle. En outre, le risque de paraître poursuivre une politique de rapprochement avec des partis s' inlÎtulant « libéraux », pouvait créer des difficultés avec les affi liés latino-américains 8. D'après certains délégués au CAF, ce dernier argument était suffi sant pour ne pas fonn aliser excess ivement d 'éventuels contacts avec la f.1DESZ, étant entendu que rien n 'empêchait les partis intéressés de poursui vre des relations bi latérales plus discrètes. Enfin, dans ce travail d 'évaluation du « bon partenaire », les répercussions de l'affil iation sur la scène politique nationale des affiliateurs est une donnée omniprésente. L' ajustement ne va pas de soi. Chacun doit composer avec ses propres contraintes. L' affiliation de partis régionaux ou « autonomistes» , par e xemple, a toujours soulevé les plus vives résistances du côté britannique et espagnol. En bref, parce que l'on est souvent jugé sur la « qualité» de ses amis, l'affiliation ne doit surtout pas porter préjudice. En d 'autres temps et dans d'autres régions, il y eut des précédents malheureux comme cette affi li ation du parti soc ialiste progressiste libanais de W. Jumblatt que beaucoup de responsables social istes occidentaux ont amèrement regrettée par la sui te. C'est celte objection d ' une image préjudiciable au plan interne que les Scandinaves ont opposée aux demandes d ' affiliation des ex-pc de l'Est tandi s que les socialistes français - moins gênés par ce voisinage d ' un communisme «réfonné » qui avait également l'avantage de souligner « l'archaïsme » du PCF - se monlraient plus ouverts. Une seule exception, non sans réticence. fut accordée à l'ex-pc hongrois, devenu parti soc ialiste hongroi s (MSZP) et affili é comme observateur en 1992. Les plus réservés ont probablement admis que la Hongrie était « un cas particulier» , d 'autant qu'ils avaient souvent déjà noué des contacts avec ce parti ... avant 1989. Si ces différentes appréciations contribuent à la définition des affinités politiques, e lles n'interviennent pas de manière isolée. Elles sont portées et avancées par des partis (i.e. leurs délégués) mieux inronnés et plus intéressés: l'évaluation est le plus souvent inscrite dans une relation de patronage. 196 LA GAUCHE FACE AUX M lITATIONS EN EUROPE 2.2.Le patronage Le phénomène n 'est pas nouveau. Déjà dans les années cinquante, les PS des pays bal tes avaient dû leur affi liation à la chaude recommandation des partis scandinaves, et notamment du part i suédois (SAP), à un moment où certains délégués socia listes (britann iques. frança is) percevaient celle reconnaissance comme une contestation inopportune de l' intégrité territori ale de l'URSS. De fa it, les forma tions issues de l'Ukrai ne ou de la Géorgie fu rent éconduites parce qu' elles apparaissaient comme une « source d'ennuis». S'il en fut autrement pour les panis des pays baltes, cela ne tint probablement pas à une quelconque spécificité historique mais au fa it que les Suédois pouvaient garantir une certaine modération d iplomat ique de ces nouveaux affi liés vis-à-v is de l'URSS . Souc ieux de satisfaire les colonies baltes installées en Scandinav ie, les sociaux-démocrates scandinaves étaient également à même de contrôler leurs express ions politiques afin de ne pas nuire au « réalisme diplomatique » de l 'is. Ce patronage est encore très perceptible dans les affi liations récentes. La reconnaissance du PSD albanais doit beaucoup à l'appui b ienveillant des socialistes italiens; celle du MSOP Mongolie à celui du SPD et à la « compétence régionale » que revendiquent les socialistes japonais, sans parler de l'affi liation de l'éphémère SPD est-allemand qui fut "œuvre du SPO ouest-allemand. L' affi liation du parti social-démocrate de Slovén ie (SDSS) rentre également dans ce cas de fi gure. Malgré des positions jugées« nationalistes» par certains affiliés occ identaux , le parti slovène fut affilié sur l' ins istance des social istes autrichiens et de plusieurs délégués allemands. A cette occasion, rien n 'interd it de penser que les « supporters » puissent « négoc ier » certaines affi liations contre d ' autres (celle du SDSS slovène contre celle de l'ex-pc hongrois ... ). D ' une manière générale, il est probable que les affi liations - en Europe centreorientale ou ai lleurs - donnent lieu à des compétitions, plus ou moins implicites. pour accroître la « zone d'innuence » à laquelle peuvent prétendre certains affi liateurs. 11 y va, là encore. de leur image part isane mais aussi d ' une image nationale don t ces représentants peuvent espérer des retombées politiques et économiques posilives pour leur pays. L' action, au nom d'une même « fam ille polit ique », ne fai t pas di sparaître les rivalités nationa les entre les unités affi liées. Il est vrai que le patronage n 'est pas seulement le produit d' un calcul. La prox imi té géographique. par exemple, fac ilite la collecte d ' informat ions sur une nouvelle formation et la connaissance de ses responsables: s' agissant du PSD albanais. les social istes italiens sont certai nement mieux placés que les Japonais. Néanmoins. on constate que certains partis, par leurs ressources organisationnelles et l'étendue de leurs réseaux, acquièrent une compétence supérieure à la moyenne et pèsent sur la quasi-totalité des affi li ations. Le SPD présente ce profi l avantageux, notamment en Europe centre-orientale, ce qui L'INTERNATIONALE SOCIALI STE EN EU ROPE CENl1Œ-ORIENTALE 197 peut avoir comme conséquence de pousser certains affi liés à soutenir d'autres candidats que ceux recommandés par le parti allemand. Là encore, bien que non explic ite, la compétition n'est donc nullement exclue. Si e lle reste pourlan! limitée, c'est que l'unité de la représentation socialiste est plus précieuse. Les socialistes ouest-européens en font une règle de base: «l'effet d 'équipe » auquel vise l' IS9 ne doit pas être troublé par Irop de discordances, ce qui - admettons- le - semble plus difficile à respecter lorsqu ' on élarg it le cercle. 3. Le risque des alliances L' image du socialisme démocratique véhicu lée par l'is est essentiellement ce lle que veulent refléler, à un moment donné, les partis socialistes ouesteuropéens. Même si l'Internationale s'est « inlemationalisée» depuis les années c inquante, elle ne s'est pas fondamentalement « déseuropéanisée ». Ce sont toujours les socialisles d ' Europe de l'Ouest qui fontl'orienlation idéolog ique dominante de la concertation socialiste et définissent ses stratég ies d ' affilialion principales, nOlammenl en Europe centre-orientale. Défense anti-communiste des valeurs du libéralisme politique, contestation marxisante de la « légalité bourgeoise» ou redécouverte des vertus du réformisme social dans un cadre plurali ste-constitutionnel, les tonalités des discours et l' image que les socialistes ouest-européens ont voulu donner de leur label ont connu des variations sensibles depuis la seconde guerre mondiale 10, Par hypothèse, ces variations se répercutent sur la perception de ce qui fait la qualité du « bon partenaire ». Peuvent donc coexister des « strates » d 'amis recrutés à des moments différents et dont certaines se révèlent par la suite inappropriées. Il n 'y a de moyen d 'échapper à ce ri sque qu 'en visant large, en abandonnant des inveslissements trop ciblés, ce qui revient, par conséquent, à composer avec une large part d ' incertitude. 3.1.Lefardeau des exilés Dès l'origi ne, les PS exilés de l'Est e uropéen ont été accueillis avec prudence par leurs camarades ouest-européens. Non seulement leurs demandes d 'affiliati on individuelles furent subordonnées à la création d ' une organisalion commune aux ex ilés (l' Union des socialistes d ' Europe centre-orientale, USECO), distincte de l '[S - même si liée à e lle - , mai s, en oulre, ils n 'obi inrent qu ' un statut de membre consultatif (droit de parole sans droil de vOie) alors qu ' ils revendiquaient un statut de membre à part entière ". Avec les premiers signes du « dégel » soviétique (1953), la majorité des socialistes ouest-européens opla, plus clairement encore, pour une ligne de coexistence avec l'Etat soviétique. Ce« réalisme dipl omatique» écarta Ioules les fonnat ions socialistes de territoires incorporés à l'URSS et lint à distance les ps exilés d ' Europe de l'Est. 198 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Au fi l des années et notamment pendant la période de la « détente» Est-Ouest. ils seront souvent neurralisés (Tchécos lovaquie, 1968) et considérés comme gênants. Dès le congrès d ' Eastboume ( 1969), il semble même que certains délégués occidentaux se soient inquiétés de leur place « excessive» dans les rangs de l' In ternationale. Celte tendance fut confinnée par des propositions de rév ision des statuts de l ' [S qui prévoyaient, entre autres modi fi cations, la suppression du statut de membre consultatif c ' est-à-dire la disparition de l'affil iation indiv iduelle des PS exilés d ' Europe de l'Est. Même si celte suggestion n'a pas été fi nalement retenue, elle était tout de même significati ve aune « solidarité au rabais ». Les événements de 1989 n'ont pas vraiment mod ifié celle re lation distante. Officiellement, l' is décidera, dans la préc ipitation, la « rev ita lisation» des adhésions c'est-à-dire le passage des PS exilés de j'Est (et des pays baltes) à un statul de membre à part entière, mais, en fait, ces partis démontreront rapidemen t. par des scores électoraux médiocres notam ment , qu'i ls sont écl ipsés par de nouvelles fonnalions qui susci tent beaucoup plus d ' intérêt. La volonté de témoigner de l'ex istence d'un courant soc ial-démocrate ou socialiste à l'Est explique largement celle « revitalisation » des labels, mais c'cst également la « mauvaise conscience» des socialistes ouest-européens, après une période de délaissement des ex ilés, qui justifie le maintien de telles affi liations. Il ne fait pas de doute qu ' il y a là des amis que l'on s'oblige à « traîner » ... Néanmoins, la tâche n 'est pas trop pesante tant que les autres partenaires poss ibles ne sont pas défini s plus clairement. 3 .2. Une gestion incertaine Honnis le cas des partis sociaux-démocrates tchèque et slovaque bénéficiant du statut de membre à part entière de l' ancien parti tchécoslovaque dont l' [S s'est seulement résignée à entériner la scission, il est frappant de constater qu ' aucun nouve l affilié n'a été élevé au rang de membre de ple in droit entre 1989 et 1992. Les nouvelles recrues se sont distribuées entre partis consultatifs (Albanie, Mongolie) et partis observateurs (Hongrie, Slovénie). Cette dernière catégorie a d 'ailleurs été expressément remi se à l' honneur au dernier congrès de l' is (Berlin , 1992) pour fonna liser des rapprochements que l'on ne voulait pas exclure mais qui demeuraient encore très incenains. La question se posait sunout à l'égard de fonna tions politiques récentes émergeant de contextes « en voie de démocratisation », notamment en Afrique noire et en Europe centre-orientale. La hiérarchisation des statuts (membre de plein droit, consultatif et observateur) évoque ici le degré de proximité à ce qui est censé constituer l' identité du socialisme démocratique. A l'év idence, celle identité dépend étroitemen t des priorités pan agées, à un moment donné, par les affi liateurs ouest-européens. L 'entrée dans le « cercle inlérieur » exige donc une éva luation positive L'INTERNATIONALE SOCIALISTE EN EUROPE CENTRE-ORIENTALE 199 renforcée par un patronage soutenu. Peu de jeunes formation s peuvent espérer une introduction aussi brillante. C'est la raison pour laquelle les « cercles extérieurs» (les rangs de membre consultatif ou d 'observateur) fonctionnent comme un signe d 'encouragement et comme une phase d ' observat ion. Plus la situation politique est flui de, plus ils sont fonctionn els pour gérer l'incert itude (d ' une manière significative, quatorze nouveaux membres consultatifs et huit nouveaux observateurs ont été affiliés, par le dernier congrès de l' ts, ce qui constitue des chiffre s très é levés par rapport à la moyenne des affil iations par congrès). Il s peuvent même se prolonger en un simple lieu de présentation, véritable couronne périphérique, distincte de l' organi sation elle-même, qui accue ille sans engager et maintient les contacts au moindre coût dans l'attente d'une « clarification» (Bulgarie, Roumanie, Pologne). L' initiative d ' un Forum pour la solidarité et la démocratie, struc!Ure rattachée à l' Is mai s « indépendante », se lon l'express ion d ' un responsable, répond à cet objectif. Officiellement lancé en janvier 1993, ce Forum doit permetlre de rassembler des informations et de« favori ser le dialogue avec les nouveaux partenaires de l' Est » 12. Assurément, cette initiative est avantageuse pour les soc ialistes ouesteuropéens qui pourraient laisser échapper des relations souhaitables par le jeu excluant des statuts d ' affi li ation. Avec le Forum , il s' agit de miser plus large et d'anticiper sur des développements relativement imprévisibles tout en évitant des revers d 'all iance retenti ssants. Réciproquement, il est poss ible que celte formule puisse satisfaire ceux qui veulent éviter une exposition trop marquée auprès d ' une « famill e politique) qu i n ' a pas toujours bri llé par la clarté de ses engagements à "Est. Celte distanciation assumée par les formation s pressenties en raison d ' un manq ue de netteté de l' identité socialiste démocratique aujourd ' hui serait beaucoup plus préoccupante pour les socialistes ouest-européens. L' incertitude majeure ne serait plus alors celle qui entoure J'évolution des systèmes et des acteurs politiques d ' Europe centre-orientale, mais ce lle qU ! pèse sur l' avenir du socialisme démocratique comme projet spécifique. L' hypothèse n' est pas à ex clure. Elle compliquerait sérieusement le prosélytisme des soc ialistes ouest-européens. Tant il est vrai qu ' il est difficile de se faire des ami s lorsque l'on est soi-même incertain. Not es 1 M. EOEL.\IAN. COllstruetillg thr Politieal S/Kl"wclr. 1lle uョゥカ・セエケ@ of Chicago Press. 1988, pp. 66·89 dl. jru politiqué', Seuil, t99 I, 253 pages). Voir tgalement (traduction française: Piku rf Gセァャイウ@ v. l 。ャセ B|i クL@ « L ·utilité politique 、」 Nセ@ rivaux ", RC"IIc eUlludirl!lle de scirnrr politiql' r. Vol. XXIV, nO4. dt· cembn: 1991. pp. 735·753. 1 Voir notamment S.M. LlpsE'f and S. ROKKAI'; (éd.). Party S)'strms and l'olrr Alignmmts. Crass·Na/lonal Perspreti>'rs. 1lle Frce Press. 1967 et D.L SEIlH. Partis rt famillrs dr portis, f'tJf, 1980. 200 LA GAUCUE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE J RtsolllliO/l eonctrning Eas/trn EIlTO/Nan Socia/iSI Par/in in Exilt, COMlseo, ClactonoQll·Sea, 3 dt· cembre 1948, ciro 121. In s!itut international d'Histoire sociale (UliS), Amsterdam. Sur tous ces points, IlllUS nous pc-rmenons de renvoyer à ootre ttude. G. Dl!VlN. L'lIutrnationalt JOdalis/t. Ifiswife tl sociologie du sodalismt Imtrnalional, Presses de la Foodation nationale des sciences politiques. 1993. pp. 15-47 . • t'mrt/lm al·te l'alllcllr. Londres. 20 mai 1990. 'Sodalisl Affairs (Ihe Journal of Ihe Socialisi International). 1990. nO3. p. 38 el 1990, n° 4. pp. 3)·35. ·Comme en ttmoigne l'tltvation au statut de membre de plein droi t du pani social·démocrate hon· ァイッゥセN@ largement commandte par l'image fa,-omble de son nouveau leader, Mme Anna Pc trasovits. Celle-ci se révtlera une personlUllitt très contestable el cooduira l'IS à rompre rnpidement avec ce parti ( 199 1). ' Le parl i social·démocrate de Mongolie avait tgalement oblenu quelques ウゥセァ・@ au Parl eme nt avant SOIl affiliat ion à r IS. ' L',s accordai t déjà. en 1992. un statut de membre consullati f au pani libtlral de Colombie. 'G. DEvI.". op. dt" pp. 312-338. IOlbid" pp. 154-167. Il Minllus. confirmct du c aM/SCO. Londres. 7-8 avril 1951. cir. 54/51, IIiIS. AmSlerdam. '1 Alle! QuEVM. (ps). entr ellm QI'ee fQlI/fllr. Paris. 2 février 1993. Allel QuEVAL. collaborateur de P. MAUROV (pTtsident de l' IS). s'est pritt avec amabilitt à nos questions. Qu'il soit remercit ici de son accueil el de ses informai ions. La place de la social-démocratie dans la Russie en transition Christophe SEr-rrE 1. Les difficultés théoriques de l'identification d'un programme de gauche en Russie après 1991 Avant d 'évaluer l'étal des force s de gauche dans la Russie de Boris Eltsine sur base des programmes des principaux partis et syndicats nationaux , il est indispensable de traiter de la définition d ' un projet politique susceptible d 'être identifié comme de « gauche» dans une société censée avoir réalisé, depuis plus de soixante-dix ans, l' une des revendications socialistes qui compta panni les plus radicales : l'expropriation des moyens de production. Celte question préliminaire se décompose en deux sous-questions. 1. Est-il opportun de s' inspirer des documents programmatiques ellhéoriques les plus récents de la soc ial-démocratie européenne, c'est-à-dire principalement des résolutions adoptées par l' Internationale sociali ste aux congrès de Stockholm ( 1989) 1 et de Berlin ( 1992) 2, pour définir les critères devant servir à l' identification d ' un projet politique de gauche en Russie ? Un tel choix exprimerait en effet une adhésion implicite à la thèse de la convergence des sociétés industrielles de l'Est et de l'Ouest, développée à partir des années soixante notamment par John Kenneltl Galbraith aux Etats- Unis, Raymond Aron en Europe et Andrcï Sakharov en Union soviétique). 2. Autre versant de l'alternative: des critères spécifiques de définition de la gauche russe doivent-ils au contraire être proposés en arguant de la spécifi cité ou de la nature « asiatique )} attribuée à la soc iété ex-sov iétique par Karl Wiufogel el plus récemment par Richard Pipes el Rudolph Baro 4 ? Sans prétendre épui ser le sujet, nous apporterons des éléments de réponse à ces deux quest ions et proposerons une définition provisoire et conjoncturelle de la gauche russe. Premièrement, il paraît prématuré de vouloir transposer à la Russie les critères ouest-européens contemporains de définil ion de la gauche démocratique pour au moins deux rai sons. 202 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE D ' une part, la gauche ouest-européenne est à la recherche de sa propre identitéS programmatique depuis l'échec de la gestion keynésienne de J'économie dans les années soixante-dix (, et J'ébranlement plus récent de l' Etal-providence, organisé sur une base nationale, par le «chauvinisme du bien-être» (1. Habennas), c'est-à-d ire ici la mi se en question par les régions riches du principe de solidarité avec les rég ions pauvres: ébranlement perceptible pri ncipalement en Italie, en Belgique et en Allemagne. En outre, sollicitée par l'essor de la pensée écologiste et soc iale-libérale (la « théorie de la justice », par exemple), l' imell igentsia progressiste est divisée sur la nature des inspirations théoriques auxquelles se ressourcer et doit tenir compte dans sa fonnulation d'un nouveau projet social-démocrate susceptible de rassembler une majorité de citoyens - des modification s intervenues dans la composition sociologique de l'électorat potentiel de la gauche européenne. D 'autre part, en dépit de la volonté affichée par les réfonnateurs du gouvernement Gaïdar (l991-décembre 1992) de transfonner rapidement leur pays sur le modèle européen en un eエ セ エ@ capi taliste avancé et libéral 7, Ia Russie en est fort loin. Elle a hérité son niveau de développement spécifique d 'une révolution industrielle récente et réalisée dans le cadre de structures de planificat ion autoritaire. Elle conserve par conséquent des enjeux polit iques qui lui sont propres à l' intérieur d ' une crise de société tout à fa it orig inale. Il convient de remarquer que, bien que la transition en Russie offre sur le plan macro-économique des simililudes avec J'Europe centrale et orientale B, la crise politique y est celle d ' un pays dont la situation géostratégique, la dotation nucléa ire et les ressources économiques (énergie, industrie d ' annement) penneltent à ses dirigeants de conserver une certaine autonomie de décision dans le choix du modèle de développement à importer. Autrement dit, le modèle défini par la conjonction de l'économie de marché et de la démocratie libérale et véhiculé par les institutions internationales occidemales qui se proposem depuis les Som mets du G7 de Paris Gui llet 1989), Houston Guillet 1990) et Londres Guillet 199 1) pour gérer la transition à l'Est, ne consti tue pour la Russie politique qu ' une option. Pour illustrer celle spécificité du débat pol itique russe, largement dominé par une fonne de résurgence du clivage tradition ne l entre les « occ identalistes» (Gaïdar) et leurs adversaires, nous relèverons que la solidarité avec le Sud et le combat pour un modèle de croissance qualitative - qui, selon la déclaration de principes de Stockholm de 1989, sont les socles de la refondation de l'idée socialiste eu ropéenne pour le xxI" siècle - constituent des préoccupations encore étrangères aux ronnati ons russes soucieuses de la protection sociale des travai lleurs nati onaux. Ainsi, la solidarité Nord-Sud est-elle principalement invoquée jusqu'à présent par le parti libéral-démocrate (ultra-nationaliste) ou par le parti du vice-prés ident de la république Alexandre Routskoy (parti populaire de la Russie libre; nationaliste modéré) pour LA PLACE DE LA SOCIAL· D"éMOCRATTE DANS LA RUSSIE EN TRANS ITI ON 203 réclamer l'abandon de relat ions diplomatiques pri vilégiées avec l' Europe oc· cidentale . Quant à la protection de l' environnement, elle a constitué dans les années quatre·vingt 9 l' un des thèmes de mobili sation de groupements natio· nali stes ou régionalistes. Nous choisirons par conséquent de travailler à part ir de l' hypothèse théo· rique dégagée par les menchéviques et Georges V. Plekhanov selon laque lle il ne pourrait y avoir de gauche démocratique de type ouesH uropéen en Russie qu ' une fo is accomplie une révolution capitali ste . Nous souscrirons à la cor· rection apportée à celle thèse évolutionniste et mécaniste par Max Weber 10 pour qui l' apparition d ' une telle gauche en Russie n ' avait rien d ' inéluctable, même dans l' hypothèse d ' une modernisation capitaliste. Dans la Russie actuelle, le lancement d ' une révolution capitaliste remonte à environ cinq ans ", mais c'est seulement la fi n, en décembre 199 1, de la tentative gorbatchévienne d ' aulO·réforme du système soviétiq ue q ui a contri· bué à accréditer définiti vement l' inéluctabilité d ' une modern isation écono· mique radicale inspirée des mécanismes d u marché, y compris auprès des di· rigeants du complexe mi lÎlaro·industriel qui , en août de la même année, avaient soutenu les fac tions néo·staliniennes du pcus. Depuis lors. si, en fé· vrier 1993, nous pouvons constater des indices d ' une structuration probable des forces politiques russes sur un axe gauche·droite, il ne s' agit encore que d ' un processus en cours dont l' issue est liée à l'orientation fU lUre de la tran· sition économique elle·même. Toutefois. dans la Russ ie de 1993, rien ne per· met encore de confi rmer la thèse de « l'épuisement de l'affrontement entre libéralisme et socialisme» 12 après 1989. Ceci étant posé, en nous référan t à une défin ition inspirée de l' expérience européenne des années trente du sociali sme démocratique comme seule alternati ve au libéralisme classique et au populisme autoritaire, nous reconnaîtrons, comme forces de gauche en Russie, les formation s politiques qui développent un programme cherchant à réconcilier, d ' une part, les exigences perçues comme contradictoires par les marxistes-lénini stes d ' obédience stali nienne - c'est-à-d ire celles du respect des acquis sociaux du régime soviétique et des règles du pluralisme démocratique - et d ' autre part , celles considérées comme antinom iques par les libéraux formé s par la lecture de F. von Hayek 1l, de l' introduction du marché et de la préservation des mécanismes institutionnels de justice red istributive hérités de l' Etat-prov idence. Le défi posé, à l ' heure actuelle, à la construction d ' une gauche russe porleuse d ' un tel projet démocratique de société n 'est pas selon nous seulement le discrédit idéologique du tenne 14 même de sociali sme. imputable à son dévoiement par le régime sov iétique. Il tient beaucoup plus à la difficulté conjonclUrel le de découpler la revendication d'approfondissement de la démocratie économ ique et sociale de ce lle de la préservation de la propriété état ique des moyens de production . Si ces deux revendications ont pu constituer dans 204 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROI'E l 'histoire lointaine de la social-dé-:nocratie e uropéenne les termes complémentaires d ' un projet global d 'émancipation des travailleurs, il n 'en va plus de même dans la Russie contemporaine où les gestionnaires d ' un secteur état ique hypertrophié tentent de canaliser les craintes populaires de la disparition de l' Etat-providence pour préserver les rapports de production hérités de l' Union sov iétique. 2. Les représentants de la gauche démocratique en Russie 2.1 . Les partis poliliques Actuellement 15 - c'est-à-dire depuis J'éclatement après août 1991 du camp des réformateurs regroupés autour de Boris Eltsine dans l'organisation Russie démocrariqlle sur la question de la gestion de la transition - , deux formation s correspondent, non sans ambiguïtés, à notre définition d'un parti de gauche. La première d'entre elles eSlle parti social-démocrate de Russie, fondé en mai 1990 par trois jeunes universitaires, Oleg Rumyantsev, Pavel Koudioukine et Alexandre Obolenski, issus de la mouvance des clubs politiques 16 pro-perestroïka, et dirigé depuis mai 1992 par Boris Orlov. A la différence du parti communiste d ' Union soviétique, le PSDR ne se définit pas comme le « parti de la classe ouvrière» mais affirme sa volonté de maintenir la tradition des réformes sociales après la disparition du « socialisme réel » discrédité par le régime soviétique 11. Jusqu ' il y a peu, il soutenait unanimement la réforme économ ique libérale de Egor Gaïdar mais pressait le gouvernement d ' accompagner la modernisation capitaliste d ' une importation massive de biens de consommation occidentaux destinés à améliorer les conditions d 'existence matérielle de la population russe. Représenté au sein du gouvernement Gaïdar par Alexandre Shokin et Pavel Koudioukine - successivement ministres du travai l - , le PSDR constitue, à l' intérieur du courant occ identaliste, l'aile gauche favorable à une politique de moderni sation « soft» et à la préservation de la démocratie pluraliste. Le rôle joué par le PSDR dans la tentative lancée en décembre 1991 de mise en place en Russie d ' un système de concertation sociale 18 ouvertement inspiré des structures néo-corporatistes ouest-européennes en est la preuve. Toutefois, la lenteur de la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la thérapie de choc russe a incité en janvier 1993 une aile du PSDR à opérer, sous la direction de O. Rumyantsev, une sci ssion 19 et à envisager une coopération avec des forces nationalistes modérées. La seconde formation qui satisfa sse partiellement aux critères que nous avons proposés est le parti démocrate de Russie dirigé par Nicolas Travkine. Son cas eSI inléressant parce que particulièremeOl représentatif de la difficuhé politique et culturelle de fonnuler et de mai ntenir dans la Russie LA PLACE DE LA SOCIA L- DtMOCRATIE DANS LA RUSSIE EN TRANSITION 205 post-commun iste, confrontée à ce que Cl aus Offe désigne comme le défi de la « triple transition » de 1989 20, un projet de société d 'inspiration à la foi s socialiste et démocratique. Le POR, aujourd' hui considéré comme l' une des principales forces du pays, s'est présenté à sa naissance en 1990 dans les mêmes termes que la majorité des formation s russes apparues dans les premiers mois qui ont suivi l' introduction du multipartisme: c 'est-à-dire comme un parti démocrate et néo-libéral, favorable à la subordination du développement de la société russe aux lois du marché. Toutefois, l'ampleur des mesures de protection sociale que le programme du parti envisageait de sauvegarder 21 contredisait les professions de foi ultra-libérale de son président 22. La nature sociale-libérale du parti est apparue plus clairement encore avec le départ en avril 1991 d ' une faction ouvertement thatchérienne emmenée par le champion d 'échecs. Gary Kasparov 2l et la tentative - avortée - en jui llet de la même année 24 de nouer une alliance au sein du Congrès des députés du peuple avec le parti social-démocrate. Depuis le lancement de la thérapie de choc de janvier 1992, le PDR a développé une critique des conséquences sociales de la transition qui l'a rapproché non de la gauche occidentaliste représentée par le PSOR, mais du courant constitué au sein du congrès par l'alliance du parti renouveau (expression politique des directeurs du secteur public) d 'Arkady Vo lsky et du parti populaire de la Russie libre (nationali ste modéré et étatiste) de Vassili Lipitsky et Alexandre Routskoy RセN@ La convergence du POR avec ces deux derniers mouvements dontl ' auachement à la démocratie libérale est sujet à caution , s 'explique en partie par le fait qu ' ils revendiquent tous une coordination de la réforme économique à l'échelle de l'ex-uRss comme alternati ve à J' insertion immédiate dans les structures de l'économie capitaliste mondiale et d ' abandon de la politique de dérégulation inspirée par le Fonds monétaire international. Si elle s'avère durable, ceUe alliance dite 4e l' union civique, pour laquelle M. Gorbatchev - qui à l'intérieur du PCUS représentait le courant des réformateurs modérés - a exprimé sa sympathie, pourrait constituer le ferment d ' un mouvement populiste anli-capitaliste favorable à la transposition en Russie du modèle chinois de moderni sation. 2.2.Les syndicals La représentativité des partis politiques russes demeure une inconnue dès lors que les citoyens n ' ont pas eu l'occasion de voter sur le système mu ltipartite élaboré par le Congrès des députés du peuple et le Soviet suprême après les élections de mars 1990. Aussi étudierons-nous les projets politiques el sociaux défendus par les forces syndicales pour évaluer l'audience de la social-démocratie. 206 LA GAUCHE FACE AUX M UTATIONS EN EUROPE Autrefois associés forme llement à la gestion centrale de l'économie planifiée sov iétique, les syndicats russes sont, depuis le démantèlement anarchique des rouages de celle-ci, investis d ' un pouvoir de négociation inédit et confrontés à une crise d ' identité profonde comme les partis qui se définissent comme socialistes. En pleine restructuration depui s les grèves de 1989 26 qui ont donné naissance à des organisations nouvelles ancrées dans la mouvance réformatrice, le monde syndical russe, au demeurant fort politisé, a du mal à meUre en œuvre un programme d ' action cohérent qui défendrait les salariés contre les effets sociaux de la thérapie de choc du gouvernement Gaïdar sans faire obstacle à la modernisation économique nécessaire à long terme et à l'épanouissement du bien-être social. Nous nous appuierons sur la typologie proposée récemment par le soc io logue Leonid A. Gordon n pour distinguer en Russ ie trois types de programmes syndicaux ou plutôt trois versions d ivergentes de la stratégie jugée la plus opportune pour garantir aux travailleurs les conditions. matérielles d 'ex istence o ffertes par le régime sov iétique avant le ralentissement de la croi ssance de la fin des années soixante-dix. L.A. Gordon 28 l'a observé, les travailleurs russes ne se sont pas - encore ? - constitués en partis politiques mais les structures syndicales créées ou réformées récemment 29 ne se présentent pas pour la plupart exclusivement comme des instruments de la défense de leurs intérêts matériels mais plutôt comme des organisations de type « Solidarnosc » qui souscrivent à un projet de société global , bien qu'elles soient bien loin d 'en posséder la capacité de mobilisation. Les organisations représentatives du monde du travail se répartissent en trois tendances. La première est représentée par le bloc des syndicats « restaurateurs ». Il s'agit d 'organisations néo-staliniennes hostiles à l' introduction d ' une modernisation économique inspirée des mécanismes d u marché comme à la démocratisation politique. Leur programme d 'action se résume pour l'essentiel à une exaltation de la soc iété stalinienne où la condition ouvrière s'était considérablement améliorée JO, après les sacrifices imposés par l'industrialisation des années trente et la guerre mondiale. Ces syndicats, dont les plus importants sont le From UII; des travailleurs et Russie au travail ont été constitués, respectivement en 1989 et 1992 , à l'instigation des factions ultra-conservatrices du pcus à la recherche du soutien de la classe ouvrière. Les deux autres tendances divi sent les syndicats liés à la « gauche démocratique ». On y distingue en effet un courant occidentaliste et un courant anarcho-syndicali ste qui cherche à rev italiser la notion de troisième voie entre capitalisme démocratique et socialisme autoritaire. Le courant occidentaliste est représenté par la grande majorité des groupements issus de l' institutionnalisation, progressive en 1989-90, des comités de grève et affi liés à la Confédération d u travail créée au printemps 1990 3 1, LA PLACE DE LA SOCI,\L·DÉMOCRATIE DANS LA RUSS IE EN TRANsmON 207 Cons idérés aujou rd ' hui comme les plus inOuents dans la classe ouvrière 32 , ils souhaitent le développement en Russie d' une économie sociale de marché et de la démocralie politique. Jusqu'à présent, ils ont soulenu le gouvernement Eilsine 3l en animant des grèves poliliques duranlles événements d 'août 199 1 el en octobre 1992, lorsque les néo-communistes tentèrent de rassembler les forces ullra-nationalisles de loutes obédiences à J'intérieur d ' un Front de salut na/iona/. Le courant anarcho-syndicaliste, minoritaire, est notamment représenlé par l'Union des collectifs de travail, favorable à l'approfondissement de la démocratie par la combinaison de la représentat ion parlementaire avec j' ins· litulÎonnalisation de fonne s de conlrôle ouvrier sur la production. L' intérêt des factions conservatrices du pcus - dans les mois qui ont précédé la révision de l' article 6 de la ConstÎlution (c'est-à-dire l' abandon du régime de parti unique) - pour l' instaurai ion de fonne s de représentation corporat iste des producteurs en lieu et place de l' introduction du multipartisme a toutefois jeté le doute sur l' inspiration libertaire des revendications anarcho.synd icali stes 14• 3_ Conclusions Quatre conclusions peuvent être apportées à cel exposé de l'état de la soc ial-démocratie en Russie. Primo, le projet - attribué à Alexandre Yakovlev en 1990 de la transformation du parti communiste en un parti de masse socia j·démocrate organisé à l'échelle de l' Union soviétique se confonnant aux exigences de la compétition électorale - a échoué. Si la grande majorité des députés, et des hommes politiques en général, « démocrates » ou «( conservateurs» de la Russie actue lle sont d 'anciens cadres du pcus, ils défe ndent des orientations politiques divergentes au sein desquelles la mouvance sociale-démocrate est aujourd ' hui encore minori taire. Secundo, ai nsi que l'avait déjà relevé Max Weber dans son commentaire des dern ières années du tsari sme, le caractère importé de la modernisation capitaliste en Russie et la périphérisation l 5 qui en résulte à l' intérieur de l'économie-monde, sont défavorables à la reproduction du schéma de développement hi storique de l' Europe occidentale et représentent au contraire des fenn ents pour l' inslall ation de régimes autoritaires. Ter/io, s' il existe dans la Russie post·soviétique des partis et des synd icats favorables à une économie soci ale de marché inspirée des fonnes ouest-européennes et au respect des règles de fonctionnement de la démo· cratie parlementaire li bérale, leurs revendications ne sont pas comparables à celles - en cours de redéfinition - de la social-démocratie occidentale contemporaine. D'une part, compte tenu des priorités dictées par l'état de l'économie nationale , les revendications des forces russes sont essentiellement matérielles et quantitat ives. et par conséquent plus proches de celles de la 208 LA GAUCHE FACE AUX MlITATIONS EN EUROPE social-démocratie européenne des années vingt et trente que de celles de l' Intemationale socialiste en 1993. D ' autre part, compte tenu de la profondeur de la crise, ces revendications à la fois minimales et fo ndamentales de la social-démocratie n' appellent ni à une rév ision ni à une actualisation dans la mesure où le bien-être matériel, pas plus que la démocratie, n 'est un fa it acqui s en Russie. Enfin, l' avenir politique de la gauche sociale-démocrate en Russie dépend en grande partie de la clarificat ion des rapports entre possédants et travailleurs avec la modernisation capitaliste et l'introduction de la privatisation. L' alliance objective entre les travailleurs et les dirigeants du secteur étatique 36 qui ont intérêt aujourd ' hui à freiner la transition économique, représente à moyen terme un obstacle de tai lle. L' opacité des rapports de production propre au régime soviétiq ue et perpétuée par le chaos de la réforme actuelle est en effet susceptible, dans un contexte de crise. d ' accroître l'audience d ' un discours nationaliste fondamentali ste. qui prétend occulter les différences socio-économiques, inéluctables, en valorisant la communauté d ' appartenance ethnique ou culturelle. Notes 1Voir « L.a dklaration de principes de l' Internationale socialiste (Stockholm. 23 juin 1989) JO. Socialisme. nO124. juillet-août 1989. 1 Voir « L.a résolution du XIX< cnngrè$ de l'Internationale socialiste 11 Berlin ( 15-17 septembre 1992) JO . Soda/ü/ A!fairs. nO 3.1992. 1 B. DAIJ.AGO. H. BREZlSSltt. W. aNBoiセ@ (td.). COnl·trgtnct and Syslfm Changt: Iht Conl"trgtnct Hypolhtsis in /ht Ligh/ o/TraflSi/ion;n Easltrn Europe. Dartmouth. Hants. 1992. 'K. WJTTR;ICEl.., Lt dupa/ismt orit'ma/, Paris. 1958; R. P'F'fS. RUS5ia under Iht Old Rrgimt. New York. 1974. 'Voir M. Tao." La crise des traditions de la gauche européenne et la rechen::he de nouvelles voies JO. papier présentt au colloque Socialismt' : u/opit' t'/ rlali/Is. Présence et action culturelles. Brullelles. 16-17 décembre 1989. • D.E. AStlFORO. « Democr.l1ic Dilemnas: Wha! FUlure for the Left? '", Tht Polilira/ QIlamrly. vol. 64. nO4. octobre-décembre 1992. 1Voir par exemple A. KœvlI.Ev. « Russia: a Chance for Surviva! '". FortÎgn A!fairs. Spring 1992. 1D.L. SEllïlI . .. Le cas des panis politiques dans les nouvelles démocraties de [" est europtcn JO. Tral"Qux dt' scienct'S poliliqut'S. nO 4. Uni\"ersitt de Lausanne. 1991; J.M. DIl WAUE, • Les セャ・」 エ ゥョウ@ i セァゥウ ャ 。エゥカ・ウ@ エ」セッウャカ。アオ・D@ de JUÎn 1992 ". Transi/ions, nO 1. 1993. · J.M. O IAUVIER. UIfSS. unt' sfXittl t'n mml\·t'nltfll. Mitions de I·Aube. 1988. p. 265. IOVoir M. WEBER.« Russland Ubergang セオ ュ@ Scheinkonstitutinnalismus '". in M. WEIlER. Gesanlmt'I/e Po/ilischt' Schriflt'/l. Tübingen. 1958; D. BEmIAM. Ma.t Wrbtr and /ht TlJt'ory o/Modtrn Poli/les. Qllford. 1987; A. k iNセXBGオL@ G. uキNエeセ B@ w・セイッョ@ Russi a .... Tdos. ne 8. Summer 199L. Il Voir E. M... soa.. OJl,"Q OB オ セ@ dt Gorba/rht,· 7. Mnn treu il. 1989. C'est en effet en 1987 que som ゥQ、ッーエセ・ウ@ les premil:res ュ・セウ@ (ell.: la loi sur le travail ー イゥカセ@ du 1" mai (987) susceptibles d'orienter [" URSS vers {B セ」ッョュ ゥ・@ de ュ。イ」セN@ 11 Voir par ellemple P. B KUÇlG"ER, . Fin de la politique: ["affrontement droite-gauche '". papier ーイ←ウ」ョエ セ@ au colloque SfXia/isnlt' : u/opit t'/ rlolills, Pn!senceet action culturelles, Bruxelles. 16-17 décembre 1989; parmi d'autres thtoriciens du triomphe du libt:ralisme 1Il'EsI e!/ou de la « fin de l'Histoire JO. on peut ci ter aUll Etats-Unis Francis Fuku yama et en France. le philosophe Philippe Nemo. 11F.A. vos HAvu. La routt dt la St'n·itude. Paris. t946. LA PLACE DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE DANS LA RUSSIE EN TRANSITION 209 .. Voir R. Rouy. « 'The Imellectoals and the End of Socialism " . Thl' Yall' Rnil' .... vol. 80, nO 1·2. avril 1992. Il C. Sa.n, セ@ L' émerge nce du muhipanismc en Russie 1990· 1992", Tramirions, nO l, ]993. I· V. P. lj u bi N セ@ ... Sozialdenwkralische Paneien in den Nachfolgestaalen der Sowjelunion ... , Buidul' dl'r Bundcsinsrir/ll fiir Osrwissl'nschujrlichl' I//Id IlIIl'rltmionall' SwdiclI . 13, 1992. La plupan de ccs clubs • informels ... ("ir/ormoli. c'est·à·di re n'ayant pas de statu! juridique) se som lran sfonnés ou ュッオセ・ウ@ en panis politiques au le ndema in de l'abrogation du monopole politique du l'OJS en mars 1990. Les folldateurs du PSOR étaient eUll·mêmes issus ou liés au club moscovite PUl'slraiko dimocraliqlll'. " 0. RUMV"-NTSF.V, « Our Way to Social Democracy ..., nllssian Polilics and La ..., Summer 1992, vol. 31, nO I.p95. Il E. T""'OUE. « Russian Govemment Seeks « Social Pannership,. .... Radio F,u Europe/Radia Librrly Rl'uarch Repurl. vol. ], nO25,19 juin ]992, p. 22; M.V. B... o...... 'TheCrcation oh New System o f La· bor Relations in Russia ... , Problrms 0/ E.COIII)n';C T,01J$ili,,,,, September 1992. p. 43. " Le pani du centre social-démocrale de Russie ainsi crié a choisi de se rapprocher de l'u nion civique. Il riclame la mi se en place d'un Etal·providence modeme en Russie en même temps que la cond uit e d'une pol itique gouvernementale " démocratique et patriOlique ". " C'est·lI-dirc la tâche qui incombe aUll gouvernements post-oommunistes de défin ir simultanément le de la nouvelle constitution. et 13 politique économique et sociale ; voir cadre d'un Etat· nat ion, les セァャ・ウ@ C. OFI-"E, « Vers le capi talisme par la construction démocratique: la théorie de la démocratie et la triple lransi tion en Europe de ["Est ", Rl'l"IIt /rançaist dt sdtnçr polilÎqllt. vol. 42, nO6, décembrc 1992. II Pour une tr-.lduçtion du volet économique du programme du PDR, voir C. SIG.\,I"''', « Les programmes économiques des nouveau;.; parlÎ:; russes ... , Le Cou"il'r des pays de r Est . nO358, mars ]991, pp. 55·60. "N. Travkine définit parlois son mouvement comme un « parti conservateur de type européen " , défi · nition que reprennent parfois faute de mieull cenains observateurs du Radio Fru Europl'lRodio Librrty Rt.'!earch Imlillll" comme Elizabeth Teague et Philip Hanson. 2J fiSC, Summary o/ World Broadcosts, Series Soviet Union. 29 avril ]991. J' 8tJC, SII'fI, 8 juillet 1991. 2J 8tJC, SII'fI, 28 février 1992. "' E. TUC;UE, "Organized Labour in Russia in 1992 JO, Radio Fru Europe/Radio Liberty RfSl'oreh Rl'fIO'/' vol. 2, nO 5, 29 janvier 1993. TI L.A. GoRDO." , « Russia on the Road to New Industrial Relalions », Probl..ms 0/ E.conomie Transi· lion, Cktobc r 1992, p. 36. " Ibid.. p. 16. "" L' ancienne confédération syndicale subordonnée 11 ]"aat·Pani el qui cominue à ・セゥウエイ@ sous la dé· nomination de FMIrO IÎOII dt.'! s)'ndicals indlp;:ndumsdt Russieest actuellement en pleine crise politique et restructuration. Voir l'interv iew de son prisident Igor Klochkov./z\'csria. 13 novembre 1992. JII N. WERTlI, " Renaissances et dilemmes du mouvement ouvrier en Union soviétique .... Le dlool, nO67. novembre-d&embre 199 1. )1 LA GoRDoN. op. cil .. p. 18. lI Ce sont toutefois les vieilles StruCtures syndicales soviétiques, 11 présent impro]lfCmem rc baplisées FMümion des syntficau intfip;:ndaflls dl' Russil' et 。ャゥ セ ウ@ II I 'union civique. qui conserven t le plus d ' adh\!· rems. Ceci s'explique en grande partie parce qu 'elles détiennent le monopole de [a gest ion des fonds so· ciaux : en revanche, les affiliés de fSIR restent sourds à ses appels 11 la grève générale contrc le gouverne· ment. " Yoir l"interview de Y. GouI;OY, prisident du conseil des comités ouvriers du bassin de Kouznetsk (Kou1.bass) et affilié au sylldicat des mineurs indépendams. Les NOIH,t l/es de MosrOfI. nO25. 23 juin 1992, p. Il. "L. A. GoROOS. op. d l.. p. 20. " Yoir 1. N... oELS, « La périphérisation des pa ys de l'e;';·IIRSs ", Transi/ions. n" l, 1993. "' Il n'uiste toujours pas 11 proprement parler de « SC<:te ur privé ... imponant si non dans le domaine des services (secteur . horeça ») ; à moins de considércr la mafia russe comme une grande entreprise privée. ,. « Signatures Mateo ALALUF est chargé de cours à l'Université de Bruxelles. Carlos CUNHA est professeur au Dowling College de New York. Pascal DELWIT est assistant chargé de recherche à l' Institut d 'études euro- péennes de l'U niversité de Bruxelles. Guillaume DEVIN est professeur à l' Université de Rennes. Jean-Michel DE W AELE est assistant chargé de recherche à l' Institut d 'études européennes de J' Université de Bruxelles. Corinne GOBIN est assistante chargée de recherche à l' Insti tut d'études européennes de l' Université de Bruxelles. Daniela H EIMERL est chargée d 'études à la Documentation françai se (CEDUCEE). Marc L AZAR est maître de conférence à l'Université de Paris 1 et à l'Institut d 'éludes politiques de Paris. Vif Lt NOSm.OM est professeur de politique comparée à l' Un iversité de Bergen . Christophe SENTI:. est assistant à l'Université de Bruxelles. Francine SIMON-EKOVICII est ingénieur d 'études 'au CNRS-CRPs-Pari s \. Patrick THEURET est attaché au groupe de recherche sur la gauche en Europe de l' Université de Paris I-Sorbonne, Gerrit VOERMAN est directeur du centre d'étude des parti s politiques hollandais de l 'Université de Groningen, Table des matières Avant propos 4 La gauche face aux mutations en Europe, par Pascal DELWIT et l ean-Michel DE WAELE 1. Les mutations 1.1. Les mutations sociologiques 1.2. Les mutations économiques el sociales 1.3. Les mutations sociétales 1.4. Les mutations politiques et institutionnelles 2. L'importance des organisations internationales 3. Les interrogations des partis socialistes 4. La fin des partis communi stes? 5. Les incertitudes en Europe centrale et orientale 6. A propos des « crises» Les mutations économiques et sociales. Des repères panni d 'autres, par Mateo ALALUF 1. Le compromis fordi sle 7 9 9 9 10 10 10 12 13 14 16 16 19 2. Fin d 'une époque 19 20 3. Des rapports de fo rce détériorés 21 4. Réduction du temps de travail et flex ibil ité 23 5. Chômage et démocratie 6. Acteurs et effets de structure 7. Des capacités d' innovation soc iale? 24 24 25 Crises et recompositions de la gauche en Europe occidentale. par Marc LAUR 1. Les crises de la gauche 1.1. La crise des partis communistes 1.2. La crise des partis soc iaux-démocrates et socialistes 2. Quelle recomposition ? 27 27 27 30 34 2 14 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE Le SPD et l'unité allemande, par Danie la HEIMERL 1. Dimensions historiques 2. Du primat de la réun ification au dogme du maintien des deux Etats allemands 3. L ' unité allemande: rêve ou cauchemar? La social-démocratie scandinave face à l' impasse européenne, par Ul f LINDS11tÔM 1. La structure des ménages en Scandi navie 2. La promotion de l'Europe sociale-démocrate comme alternative? 3. Conclusion: la soc ial-démocratie face à l'évanescence de la chose politique 4. Epi logue 5. Annexe De la confiance à la crise. La gauche aux Pays-Bas depuis les années soixante-dix, par Gerrit VOERMAN 1. Les pani s de gauche 1.1 . Les rivaux traditionnels d 'extrême-gauche du pani du travail 1.2. Le virage à gauche opéré par les socialistes au début des années soixante-dix 1.3. Les nouveaux ri vaux de centre-gauche du parti du travail lA. Le parti du travail au début des années soixante-dix : entre l'extrême-gauche et le centre-gauche 1.5. La désintégration du trio progressiste au mi lieu des années soixante-dix 1.6. Création et origine de la « gauche verte» ( 1977-1989) 1.7. Le réaj ustement centriste des socialistes dans les années quatre-vingt 1.8. Le parti du travail en crise ( 1989- 1992) 2. Les changements idéologiques de la gauche 2. 1. La social-démocratie: J' adieu à J'Etat et à J' utopie 2.2. Le « cocktail » idéologique de la « gauche verte » 2.2. 1. La « délénini sation » du CPN 2.2.2.Les sociali stes pacifi stes contre le système capitali ste 2.2.3. Les premiers signes verts du PPR 2.2A.Le méli-mélo de la « gauche verte» 2.3. Les démocrates: du pragmatisme au libéralisme soc ial 3. Les glissements sociologiques de la gauche 4. Concl usions 39 40 44 47 51 52 54 61 64 65 67 68 68 69 70 70 71 71 72 73 74 74 76 76 77 78 79 79 80 81 TABLE or,s MATIÈRES La Confédération européenne des synd icats: engagement syndical et construction européenne, par Corinne GaBIN 1. Introduction 2. La CES el le lexie du Irailé sur l'Union européenne 2. 1. La dimension démocratique 2.2. L' Union économique et monétaire 2.3. La d imension soc iale 2.4. La cohés ion économique et sociale 3. La gauche syndicale en faveur de l'Europe: enlre pragmat isme syndical et idéalisme politique 3.1. Le cho ix des interlocuteurs 3.2. Le discours syndical en faveur de l'Europe: entre choix pragmatique et idéaliste a) Le pragmatisme synd ical b) L' idéal isme européen c) Les versions crit iq ues La version politique La version sociale La version culturelle d) Les versions non critiques La version pacifiste·humaniste La version de la compétition économique La version de l' interdépendance économiq ue Un groupe mixte 4. Conclusions 5. Bibl iographie 2 15 85 85 86 87 88 89 90 91 91 92 92 93 94 95 95 95 95 95 96 96 96 96 98 Le pan i communiste de Be lgique face aux Communautés européennes, par Pascal D ELWIT 1. Introduction 2. Aux origines d u position nement 3. Le plan Schuman el la CEO 4. La création du marché com mun 5. La« réalité» du marché commun 6. Les raisons d' une évolution 7. L'action au niveau européen 8. La crise des communistes belges 9. Concl usions 10 1 10 1 102 103 104 105 106 107 108 11 3 L'opposition du pani communi ste ponugais à j'adhésion à la CEE. par Carlos CUNHA 1. Introduction 119 119 2 16 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE 2. La demande d'adhés ion 3. L'adhés ion à la CEE 4. L'Acte unique europée n 5. Le traité de Maastricht 6. Concl usion: le l'CP, les critiques et la CEE Les communistes espagnols et la question eu ropéen ne: du huitième congrès à Maastricht ( 1972- 1992), par Patrick THEURET 1. Le primat du politique t . 1. L'europé isme anli-franqui ste 1. 2. L'européisme du consensus 1.3. Le soutien au trai té d'adhésion 2. Les fruit s de l'expérience: cri se politique et retour de l'économie 2. 1. Les doutes et les critiques croissants parmi les communistes 2.2. L'européisme de la « droite» communiste ': l'eurocommunisme rénovateur 2.3. Les réticences et l' hostilité de la « gauche» communiste 3. Les relations avec les forces européennes de gauche 3. 1. L 'eurocommunisme 3.2. La référence italienne 3.3. L'intermède « gorbatchévien » : les convergences superficielles 3.4. Le groupe parlementaire européen et le mouvement communi ste ouest-européen 3.5. La rupture au sein du groupe communiste et apparentés 3.6. Recomposition au niveau européen : sur les décombres du l'Cl 4. Le traité de Maastricht , le plan de convergence et la grève générale 4.1. Maastricht : l' européisme du l'CE se sci nde 4.2. Du plan de convergence à la grève générale 4.3. Les hésitations de gauche unie sur le ré férendum et le traité de Maastricht 5. Concl usion 6 . Annexe: les résultats des é lections européennes Le par1i com muniste français à l'épreuve de l'écologie: mutai ion il lusoi re, mutation im possible? Evolution d u discours et des analyses: 1972- 1992, par Francine SIMON-EKOVICII 1. L'écologie occultée: 1972- 198 1 l.1. Un double refus: prémisses d' une marg ina1isation? 120 122 123 124 126 133 133 133 134 135 136 136 136 137 141 14 1 14 1 141 142 142 144 144 144 145 146 148 149 153 154 155 TABLEDESMAllÈRES 1.2. Les réactions hésitantes du PCF face à l' irruption des écologistes sur la scène polilique 2. Vers la mise en œuvre laborieuse d'u ne « écolog ie communi ste» : 1981-1992 2. 1. Une évolution lente et chaotique 2.2. Une évolution relative 2.3. Un tournant en trompe-l 'œil ? La réactivation d ' une thématique traditionnelle 3. L' impact douteux d ' un aggiomamemo de façade : le PCF à la remorque d ' une recomposition en gestation 3.1. La marginalisation du PCF dans le débat politique 3.2. Tchernobyl : ultime piège de la téléolog ie? 3.3. Les paradoxes des évol utions récen tes Le retard social-démocrate en Europe centrale et balkanique, par Jean-Michel DE W AELE 1. Introduction 2. Le poids de l' Hi stoire 3. L'absence de relais social ou polit ique 4. Les événements de 1989 5 . Le « rejet » des valeu rs du soc ialisme 6. L' influence des facteurs externes 7. Situation nouve lle pour la gauche 8. Les contradictions de l'identité sociale-démocrate en Europe centrale et orientale 9. La réorganisation et la mutation de l'ensemble de la gauche en Europe centrale et bal kanique 9. 1. Le rôle diffici le des organisations syndicales 9.2. La mutation des PC 10. Concl usion L' Internationale soc ialiste en Europe centre-orientale: défi nition et rôle des « ami s politiques », par Gui llaume D EVIN 1. Affiliation ct identité de soi 1.1 . Le temps du combat 1. 2. L'âge de la compétition 2. La définition des affinités politiques 2. 1. L'évaluation 2.2. Le patronage 3. Le risque des alliances 3.1. Le fardeau des exilés 3.2. Une gestion incertaine 2 17 156 158 159 159 16 1 162 162 164 165 173 173 175 176 177 178 178 179 180 182 183 184 186 189 190 191 192 193 194 196 197 197 198 218 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE La place de la soc ial-démocratie dans la Russie en transit ion, par Ch ristophe SEI'ITE 1. Les diffic ultés théoriques de l' identification d ' un programme de gauche en Russie après 199 1 2. Les représentants de la gauche démocratique en Russie 2.1 . Les partis politiques 2.2. Les syndicats 3. Conclusions 20 1 204 204 205 207 Signatures 2 11 Nou"ellc Impnlll('ne Dueulot SA. Gembloux (Iklgiquc). Tél. (081 )61 0061 20 1 LA GAUCHE FACE AUX MUTATIONS EN EUROPE La gauche française en déroute, le parti socialiste italien en voie de disparition, le Labour Party subissant sa quatrième défaite consécutrve malgré quatorze ans de néo-libéralisme thatchérien, le SPD confiné dans l'opposition depuis 1981 sans parvenir à presenter une alternative politique crédible face aux problèmes liés à la crise économique et à la réunifICation. les sociaux-démocrates suédois dans l'opposition tout comme le PASOK grec ou les socialistes portugais: l'état des partis de gauche paraît des plus alarmants. Le modèle social-démocrate scandinave est confronté à une crise d'identité sans précédent. les partis socialistes méditerranéens jouent le rôle de vecteurs de modernisation de leur société en l'absence de partis centristes ou démocrates-chrétiens. Les partis communistes agonisent et disparaissent pour la plupart. Quelques tentatives de rénovation sont menées avec la plus grande difficulté. Pourtant, il ya un peu moins de vingt ans, la gauche socialiste el communiste semblait promise à un avenir radieux. Dans les pays nordiques, les partis sociaux-démocrates finissaient de façonner le Welfare State. tandis qu'au Sud, tous les espoirs étaient permis suite à la démocratisation au Portugal, en Espagne et en Grèce. En France, l'union de la gauche se donnait pour mission de renverser le capitalisme et de ' changer la vie". Au même moment. certains partis communistes, en adoptant l'eurocommunisme, semblaient vouloir et powoir prendre en compte les évolutions de la société. Comment expliquer une telle évolution en un espace de temps somme toute assez court? Prenant en compte les mutations sociologiques, économiques et sociales, institutionnelles et poli· tiques, les auteurs examinent les transformations et les difficultés des partis socialistes et communistes en privilégianlles analyses precises et détaillées de certaines formalions. peliles el grandes, couvrant l'ensemble de l'Europe. L'ouvrage rassemble à la fois des études sur les grands ' piliers" de la gauche européenne (socialdémocratie scandinave, SPD, PCF, Confédération européenne des syndicats) et des contributions sur des formations parfois méconnues mais dont le parcours et les analyses méritent l'attention du publiC francophone. Il tente aussi de dresser un premier bilan des difficultés rencontrées par les partis de gauche en Russie et en Europe centrale et balkanique. Les auteurs sont chercheurs et professeurs en sociologie, histoire et sciences politiques dans diHérentes universités et centres de recherche d'Europe. Ils collaborent au groupe d'histoire et de sociologie du communisme de l'Université de Bruxelles (ULB). au groupe de recherche sur la gauche en Europe de l'Univefsité de Paris I-Sorbonne el au groupe d'étude sur le communisme ouest-européen de l'Université de Paris X-Nanterre. 9 UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Règles d utilisation de copies numériques d œuvres littéraires publiées par les Editions de l Université de Bruxelles et mises à disposition par les Archives & Bibliothèques de l ULB L’usage des copies numériques d’œuvres littéraires, ci-après dénommées « copies numériques », publiées par les Editions de l’Université de Bruxelles, ci-après dénommées EUB, et mises à disposition par les Archives & Bibliothèques de l’ULB, implique un certain nombre de règles de bonne conduite, précisées ici. Celles-ci sont reproduites sur la dernière page de chaque copie numérique publiée par les EUB et mises en ligne par les Archives & Bibliothèques. Elles s’articulent selon les trois axes : protection, utilisation et reproduction. Protection 1. Droits d’auteur La première page de chaque copie numérique indique les droits d’auteur d’application sur l’œuvre littéraire. La mise à disposition par les Archives & Bibliothèques de l’ULB de la copie numérique a fait l’objet d’un accord avec les EUB, notamment concernant les règles d’utilisation précisées ici. Pour les œuvres soumises à la législation belge en matière de droit d’auteur, les EUB auront pris le soin de conclure un accord avec leurs ayant droits afin de permettre la mise en ligne des copies numériques. 2. Responsabilité Malgré les efforts consentis pour garantir les meilleures qualité et accessibilité des copies numériques, certaines défectuosités peuvent y subsister – telles, mais non limitées à, des incomplétudes, des erreurs dans les fichiers, un défaut empêchant l’accès au document, etc. -. Les EUB et les Archives & Bibliothèques de l’ULB déclinent toute responsabilité concernant les dommages, coûts et dépenses, y compris des honoraires légaux, entraînés par l’accès et/ou l’utilisation des copies numériques. De plus, les EUB et les Archives & Bibliothèques de l’ULB ne pourront être mis en cause dans l’exploitation subséquente des copies numériques ; et la dénomination des EUB et des ‘Archives & Bibliothèques de l’ULB’, ne pourra être ni utilisée, ni ternie, au prétexte d’utiliser des copies numériques mises à disposition par eux. 3. Localisation Chaque copie numérique dispose d'un URL (uniform resource locator) stable de la forme <http://digistore.bib.ulb.ac.be/annee/nom_du_fichier.pdf> qui permet d'accéder au document ; l’adresse physique ou logique des fichiers étant elle sujette à modifications sans préavis. Les Archives & Bibliothèques de l’ULB encouragent les utilisateurs à utiliser cet URL lorsqu’ils souhaitent faire référence à une copie numérique. Utilisation 4. Gratuité Les EUB et les Archives & Bibliothèques de l’ULB mettent gratuitement à la disposition du public les copies numériques d’œuvres littéraires sélectionnées par les EUB : aucune rémunération ne peut être réclamée par des tiers ni pour leur consultation, ni au prétexte du droit d’auteur. 5. Buts poursuivis Les copies numériques peuvent être utilisés à des fins de recherche, d’enseignement ou à usage privé. Quiconque souhaitant utiliser les copies numériques à d’autres fins et/ou les distribuer contre rémunération est tenu d’en demander l’autorisation aux EUB, en joignant à sa requête, l’auteur, le titre, et l’éditeur du (ou des) document(s) concerné(s). Demande à adresser aux Editions de l’Université de Bruxelles ([email protected]). Règles d’utilisation Digithèque – version 3 (janvier 2015) UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES 6. Citation Pour toutes les utilisations autorisées, l’usager s’engage à citer dans son travail, les documents utilisés, par la mention « Université Libre de Bruxelles – Editions de l’Université de Bruxelles et Archives & Bibliothèques » accompagnée des précisions indispensables à l’identification des documents (auteur, titre, date et lieu d’édition). 7. Liens profonds Les liens profonds, donnant directement accès à une copie numérique particulière, sont autorisés si les conditions suivantes sont respectées : a) les sites pointant vers ces documents doivent clairement informer leurs utilisateurs qu’ils y ont accès via le site web des Archives & Bibliothèques de l’ULB ; b) l’utilisateur, cliquant un de ces liens profonds, devra voir le document s’ouvrir dans une nouvelle fenêtre ; cette action pourra être accompagnée de l’avertissement ‘Vous accédez à un document du site web des Archives & Bibliothèques de l’ULB’. Reproduction 8. Sous format électronique Pour toutes les utilisations autorisées mentionnées dans ce règlement le téléchargement, la copie et le stockage des copies numériques sont permis. Toutefois les copies numériques ne peuvent être stockées dans une autre base de données dans le but d’y donner accès ; l’URL permanent (voir Article 3) doit toujours être utilisé pour donner accès à la copie numérique mise à disposition par les Archives & Bibliothèques. 9. Sur support papier Pour toutes les utilisations autorisées mentionnées dans ce règlement les fac-similés exacts, les impressions et les photocopies, ainsi que le copié/collé (lorsque le document est au format texte) sont permis. 10. Références Quel que soit le support de reproduction, la suppression des références aux EUB et aux Archives & Bibliothèques de l’ULB dans les copies numériques est interdite. Règles d’utilisation Digithèque – version 3 (janvier 2015)